art culture architecture
#31 gratuit OCT. I NOV. 2022
N°31 N 31 ARKUCHI #31 OCTOBRE | NOVEMBRE 22 Larédactionn’estpasresponsabledestextesetphotos publiésquiengagentlaseuleresponsabilitédeleurs auteurs.Tousdroitsdereproductionréservés. ABONNEMENT 7 num./an = 30 eur. contact.arkuchi@orange.fr Mensuel gratuit Diffusion : plus de 400 lieux Lyon, Métropole & Rhône‑Alpes Édité par La Plume d’icKar S.A.S. au capital de 1 000 € ‑ 18 rue Belfort 69004 Lyon Direction de la publication ‑ Rédaction en chef Anne Huguet ‑ 06 13 07 06 97 Secrétariat de rédaction : Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro Martin Barnier, Claire Boulet, Blandine Dauvilaire, Marc Dazy, Ponia DuMont, Graphull, Marco Jéru, Trina Mounier, Florence Roux, Élise Ternat, Gallia Valette Pilenko Photo de couverture : Cédric Roulliat Publicité : mag.arkuchi@gmail.com 06 13 07 06 97 Conception et mise en page Impression : FOT Tirage : 12 000 ex. Dépôt légal à parution – ISSN : 2646‑8387 Rejoignez la communauté ArKuchi .04 Dans le Rétro... Dans le Viseur .06 À l’Affiche La Villa Gillet maintient le cap .10 Déambulations Arts visuels .08 ÉVÉNEMENT Manifesto of Fragility Visite guidée .12 SPÉCIAL HUMOUR • L’humour a le vent en poupe • VDB se met au vert Adagp, Paris, 2022 • Amande Dionne © WE WERE THE LAST TO STAY HANS OP DE BEECK, 2022 FOKUS Cédric Roulliat Un monde fantasmé .18 .20 Bêtes de Scènes Rocio Molina – Roland Auzet 4e Nuit du Cirque – Via Kathleong Zabou Breitman… .26 Déambulations Musiques .30 Festivals .14 Portrait Maguy Aimé Pour l’amour des acteurs .16 BÊTES DE SCÈNES Jeune création, elles en veulent ! .24 SUCCESS STORY • 30 ans de La Cave à Musique • The Cure MArc Dazy © MIOSSEC, 2016 .31 À LA MOULINETTE La Dactylo et ses pochoirs monpetitvingtième © .32 Street Art by Graphull .33 Lettres & Ratures Jeanne Beltane .34 Popote(s) & Jugeote LA POSSIBILITÉ D'UN BONHEUR ABSOLU
TO BE
THE PLACE
Dominique Blanc est Duras, bouleversante de vérité pour dire l’indicible. Dans La Douleur, elle raconte crûment, délicatement, l’attente insupportable (le retour, en 1945, de l’être aimé, déporté en Allemagne), la peur atroce, le corps blessé, sa lente résurrection. Vu au TNP. Éblouissant.
concentréd’émotions
miam miam
« Une cuisine simple et fraîche avec des plats familiaux gourmands » : Maison Baraban a ouvert ses portes récemment cours Tolstoï, nouveau traiteur tendance et design pour ripailler de façon pratique et gastronomique. À goûter ! 58 cours Tolstoï, Villeurbanne
diva
Paillettes, strass et tubes en série pour Dirty Diva Apocalyptica, un night-club clandestin et interlope qui prouve que les étudiants de l’ENSATT savent aussi chanter, et bien !
A chaud
L’ART DU TUMULTE Georges Lavaudant empoigne Le Roi Lear pour la troisième fois. Avec l’inattendu Jacques Weber dans le rôle-titre et un impressionnant Gloucester joué par François Marthouret. À ne rater sous aucun prétexte.
09 > 18 NOV.
LA DOUBLE VIE DE VIVIAN Dans Tout entière, Olivier Maurin et Guillaume Poix font se rencontrer la photographe Vivian Maier et Réjane Bajard, la comédienne qui l’incarne. Une histoire trouble entre jeu, réel et fiction. Théâtre de l’Élysée 15 > 22 NOV.
HUIS CLOS Une femme doit choisir le châtiment de son agresseur. Vanessa Amaral et Caroline Boisson se collettent au texte redoutable de corde. raide de la dramaturge debbie tucker green. Corrosif et glaçant. Théâtre de l’Iris 17 > 20 NOV.
Le Marché Gare aligne quelques sacrées pépites en ce début d’automne. Mélopées hypnotiques à la Timber Timbre, les vétérans punk Burning Heads, l’ovni Black Midi ou encore la noise accidentée de Gilla Band (ex-Girl Band)… Show devant ! Marché Gare, Lyon 2
VULGARISATION SCIENTIFIQUE Au théâtre, mais oui ! Avec Trois notes pour un cerveau vu aux Célestins. Ça parle de l’influence de la musique et c’est plutôt réussi car joyeux et curieux. Rattrapage à Montbrison. Théâtre Les Pénitents 22 NOV.
BUZZ Trio californien de choc pour gangsta rap ténébreux. Quatre dates en France pour Clipping, Les SUBS gagnent la mise ! 25 NOV.
RETROUVAILLES Nouvelle collection de titres (By Your Side chez naïve) pour l’une des voix françaises les plus magnétiques et retour sur scène gagnant pour Jeanne Added. Coopérative de Mai Clermont Ferrand (63) 25 NOV. La Tannerie Bourg en Bresse (01) 26 NOV.
4 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022
ENSATT 27 > 29 OCT. DANS LE RÉTRO... PAR EMMANUELLE BABE, ANNE HUGUET, TRINA MOUNIER
TNP
Simon Gosselin ©
Addiction
a flashé sur l’œuvre monumentale postapocalypse de Hans Op de Beeck. Et on adore les Moss People de Kim Simonsson. Biennale d’art contemporain de Lyon
DÉC.
ÇA DÉPOTE !
TransDanses sort des sentiers battus pour montrer l’art du mouvement dans toute sa diversité et son actualité. Nach, Justine Berthillot, Marine Colard, Marco da Silva Ferreira… que du beau monde. Espace des ARTS Chalon (71) 15 > 25 NOV.I
PAS GÉANT
DÉAMBULATIONS.
DE MORDANT
Peinture Fraiche joue aussi la carte Résonances. Vite fait : HetaOne à la M.L.I.S., Britt et sa sale gosse à L’Aqueduc (Dardilly) ou Big Ben et Erell chez Art Show (Vaise). Entre autres.
fan
NARRATION S’EST PERDUE
CANINE DONT
FIL DES JOURS.
Spectacle visuel total, KANTUS se penche sur le futur de notre planète. Système Castafiore y donne vie à un inquiétant et délirant bestiaire. Fantasmagorique à souhait.
Pôle en Scènes
Bron
5
On
> 31
SUR LA PLATINE PEARLY Nick Cave & Warren Ellis BACK TO THE RADIO Porridge Radio LOVEBOMB Yeah Yeah Yeahs ... DANS LE VISEUR PREMIÈRE MONDIALE À VILLEURBANNE POUR LE BULL MACHIN DE ROYAL DE LUXE. DEUX CHIENS XXL FONT LA COURSE APRÈS DEUX JOURS DE
ON AURAIT AIMÉ PLUS
POUR CETTE SAGA
LA
AU
POISSON/BUFFLE,KARAVEL LA BARAKA, HAFID SOUR, CHUTE LIBRE… Jusqu’au 23 OCT. José
Caldeira
© AmandeDionne© DR © #31 OCT. | NOV. 2022 off
Anne Huguet ©
de
•
17 NOV.I FASHIONABLE MOSSGIRL, 2022
Touché pas coulé VILLA GILLET
Le festival Mode d’emploi aura bien lieu. Malgré la coupe sèche de la Région Auvergne Rhône Alpes, la Villa Gillet maintient le cap, contre vents et marées. Sa directrice Lucie Campos, arrivée en septembre 2019, ne pouvait baisser les bras. Mais la Villa Gillet doit se réinventer, de mille façons.
À commencer par le fonctionnement même de la structure : « L’équipe a été resserrée cet automne, passant de dix à sept personnes », explique Lucie Campos, la programmation itou puisque de « vraies contraintes pèsent sur nous ». Pour ce qu’elle appelle la “Saison des idées” , une soixantaine de penseurs et écrivains sont accueillis cet automne dans le cadre du festival Mode d’Emploi, mais également au fil de la saison. Ainsi, la vocation de la Villa Gillet, qui œuvre pour les auteurs et la pensée en général, sera maintenue. Son action sera néanmoins redéfinie aux côtés de la Ville de Lyon et la Métropole, pour trouver des solutions pérennes. Les actions culturelles sont redéployées autour de Lyon mais aussi dans d’autres villes et régions, comme Marseille et Montpellier, où des projets communs sont en cours. Ce que le lieu ne peut plus faire ici sera porté par d’autres territoires, d’autant que la Villa Gillet est connue aussi bien au niveau national qu’européen. Notamment
Mode d’ E mploi se place sous le signe des possibles
par ses festivals, que ce soit Mode d’Emploi ou le Littérature Live Festival, en mai, qui se penche sur la littérature internationale. Évidemment, tout cela se fait en format réduit, passant de dix à trois jours, mais le programme reste à la hauteur. Mode d’Emploi aussi se place sous le signe des possibles, notamment en matière de démocratie et d’engagement, de rapport au vivant. Il invite une trentaine de philosophes, sociologues ou journalistes, connus et moins, et surtout pointus sur leur sujet. À l’instar de Nastassja Martin, anthropologue spécialiste des populations arctiques – elle a publié un saisissant récit, en 2019, Croire aux fauves, histoire (vraie) hallucinée de sa rencontre avec un ours dans les montagnes – et de Marie Laure Imberti, chargée de conservation au Musée des Confluences, qui débattront ensemble de la pensée du vivant. La chercheuse en philosophie Candice Delmas, en dialogue avec Johanna Lenne Cornuez, questionnera les notions de désobéissance civile et de résistance politique. « On a voulu un format le plus ouvert possible puisque nous invitons les intervenants à présenter leurs outils, leurs enquêtes, détaille Lucie Campos. Nous accueillons aussi un journaliste ukrainien : il évoquera ce que signifie construire un hôpital de campagne sur le front ». Assurément un sacré bouillonnement des neurones en perspective !
6 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022
À L’AFFICHE
PAR GALLIA VALETTE‑PILENKO MODE D’EMPLOI 16 > 19 NOV. villagillet.net Anne
Huguet
©
!Attention fragile
16E BIENNALE
D’ART CONTEMPORAIN DE LYON
> 31 DÉC.
biennaledelyon.com
LA 16E BIENNALE D’ART CONTEMPORAIN DE LYON EST UN BON CRU. CONÇUE PAR SAM BARDAOUIL ET TILL FELLRATH COMME UN MANIFESTO OF FRAGILITY, CETTE ÉDITION INVITE 87 ARTISTES À DÉCLINER LE THÈME DE LA FRAGILITÉ DANS TOUTE SON ACCEPTION, TOUT EN DIALOGUANT AVEC L’HISTOIRE DE LA VILLE. VISITE GUIDÉE AU FIL DE NOS COUPS DE CŒUR.
PAR BLANDINE DAUVILAIRE
Prévue en 2021 mais reportée pour cause de pandémie, la Biennale d’art contemporain a eu le temps de laisser infuser son projet et de voir sa thématique s’inviter dans tous les débats. Fragilité des êtres, des villes, des repères qui s’effondrent dans un monde qui bascule… C’est peu dire que cette Biennale était attendue.
Et il est réjouissant de constater qu’elle tient en grande partie ses promesses. Des usines Fagor au musée Guimet en passant par Gadagne, le Musée de Fourvière, Lugdunum ou encore le MAC (12 lieux au total), les œuvres sont mises en dialogue avec les trésors de nos collections historiques. Ce parti pris futé qui tricote un fil long de deux millénaires rappelle que l’art contemporain n’est pas hors sol, et que la vulnérabilité des artistes s’inscrit dans
l’histoire de l’humanité. Particulièrement réussie, la scénographie des usines Fagor invite à déambuler entre 25 copies de sculptures antiques du Musée des Moulages et des créations contemporaines créées en partie pour la Biennale. Loin d’être écrasées par les 29 000 m² du lieu, comme il y a trois ans, les installations se déploient avec aisance et les vidéos trouvent refuge dans des containers. Tandis que Lucia Tallová combine les
8 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 ÉVÉNEMENT
Aujourd’hui plus que jamais, les œuvres nous invitent à résister.
objets chinés et les collages d’images pour dire la fragilité de nos souvenirs, Gabriel Abrantes filme avec un humour acide les premiers pas d’une statue qui s’échappe du Louvre. Parmi les découvertes majeures de cette Biennale, on n’est pas près d’oublier le travail de Sylvie Selig, artiste de 80 ans qui présente sa Weird Family composée de 28 personnages. Ces monstres poétiques qui parlent de violence et d’emprise sont accompagnés d’une peinture de 50 mètres, ainsi que de tableaux terriblement beaux rebrodés par l’artiste. Un peu plus loin, la photographe lyonnaise Aurélie Pétrel a construit un labyrinthe de verre qui fait écho à l’histoire du Liban. De son côté, Nicolas Daubanes lutte contre l’usure du temps en reconstituant, avec l’aide de l’historien Marc André, la salle d’audience du tribunal militaire de Montluc. Parmi les artistes saoudiens présents cette année, la vidéo-performance de Sarah Brahim, basée sur le souffle des danseurs, retient
l’attention. Dans un tout autre genre, les Moss People du Finlandais Kim Simonsson nous enchantent. Inspirées de contes de fées et jeux vidéo, ces créatures attachantes recouvertes de mousse vert fluo incarnent les réponses de la nature aux agressions qu’elle subit. On les retrouve avec joie dans différents lieux d’exposition. Enfin, dans le Hall 4, Hans Op de Beeck sidère avec un paysage pétrifié où voitures, caravanes et jeux d’enfants semblent recouverts de cendres.
Fragilité universelle
Bien plus intime, le Musée d’Histoire de Lyon – Gadagne abrite une poignée d’œuvres contemporaines dans ses petites salles Renaissance, favorisant une rencontre privilégiée avec le travail de Léo Fourdrinier, Chafa Ghaddar, Jesse Mockrin… Au MAC, Sam Bardaouil et Till Fellrath ont souhaité creuser davantage le thème de la fragilité et de la résistance des artistes, en racontant l’histoire en partie imaginaire de Louise Brunet. Cette jeune fille, qui participa à la révolte des canuts en 1834, partit tenter sa chance au Liban dans une usine de soie. À travers ce destin individuel et dans une scénographie qui regorge d’œuvres de toutes les époques, le duo évoque tous les êtres fragilisés par la vie en raison de leur sexe, leur origine, la guerre... Mais à trop vouloir dire et montrer, ils nous perdent en route. Les deux autres étages centrés sur Beyrouth rappellent l’effervescence artistique des Golden Sixties (1950 1970) – avec de très belles toiles de Paul Guiragossian, Cici Sursock ou encore Helen El Khal – et la crise économique actuelle. Cette édition est aussi l’occasion de retrouver le Musée
Guimet, resté dans son jus, d’arpenter ses réserves et bureaux transformés en salles d’exposition. Ne ratez pas l’hommage vidéo de Clément Cogitore au carnaval de Bâle, ni le poignant court métrage d’animation de Nadine Labaki & Khaled Mouzanar sur la guerre civile qui a ravagé le Liban. Quant à la grande salle, magnifiquement délabrée, elle accueille l’immense data center d’Ugo Schiavi, colonisé par la végétation. Cette hybridation organique et synthétique, traversée d’images réelles passées à la moulinette de la 3D, nous renvoie à notre société digitale. L’installation trouve dans ce lieu patrimonial une caisse de résonance formidable.
Sensible et accessible, le voyage proposé par cette 16e Biennale permet de mesurer combien les artistes, au fil des siècles, ont transcendé leurs fragilités pour gagner en force. Aujourd’hui plus que jamais, leurs œuvres nous invitent à résister. À garder espoir et humour pour continuer d’avancer.
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ÉVÉNEMENT Adagp, Paris, 2022 • Blandine Soulage ©
Amande
Dionne
©
MOSS PEOPLE, KIM SIMONSSON
WE WERE THE LAST TO STAY, HANS OP DE BEECK, 2022
ARTS VISUELS
FILS CONDUCTEURS
JUSQU’AU 23.11.22
Pour fêter ses trois ans, Manifesta invite la galerie parisienne Poggi à montrer les artistes qu’elle défend. Neuf d’entre eux exposent dans les magnifiques locaux de la rue Pizay. Dès l’entrée, la sculpture méditative de l’artiste alpiniste slovaque Štefan Papčo attend le visiteur tandis que dans le grand salon, à l’étage, les étonnantes toiles cousues du moine Sidival Fila attrapent le regard. L’accrochage, intitulé Le fil du Temps, file la métaphore textile, concrète ou abstraite. On adore le travail de Kapwani Kiwanga, lauréate du prix Marcel Duchamp 2020, qui entremêle poésie et engagement avec Potomitans, une installation en argent de feuilles et fruits de deux plantes vénéneuses (mimosa pudica et phytolacca americana), suspendues à des chaînes de différentes tailles. On risque d’être à la fois fasciné et révulsé par les étranges circonvolutions de silicone de Troy Makaza et réconfortés par les toiles canevas de Georges Tony Stoll. En tout cas, on ne pourra rester indifférent
FIL DU TEMPS
SOUVENIRS FRAGMENTÉS
JUSQU’AU 17.12.22
Le Marché Gare a rouvert ses portes en beauté avec des dates complètes, dont Tropical Fuck Storm, et un nouvel accrochage de Marion Bornaz, grande habituée des lieux. Aussi bien côté fosse que cimaises ! Elle replonge dans ses archives de concerts pour les scruter d’un œil neuf et en faire ressortir de nouveaux détails. Ici un regard en coin, là un poing levé, des gestes coupés comme au ralenti ou des corps décomposés comme un arrêt sur image. Tramées et sérigraphiées (nouveauté pour la photographe lyonnaise), la quinzaine d’images en noir et blanc accrochées racontent des souvenirs en flou de l’ordre de la sensation et subliment des moments d’abandon. AH
RETOUR VERS L’INVISIBLE
JUSQU’AU 24. 12.22
Figure majeure de l’Arte povera , Giuseppe Penone a grandi dans une famille de paysans où il a appris le goût de la terre et des arbres.
Au couvent de la Tourette construit par Le Corbusier où il a séjourné à plusieurs reprises, ce laïc a découvert de nouvelles résonances, mêlant sacré et profane.
Le couvent n’expose que des artistes vivants, justement pour que de telles correspondances puissent se créer. Niché au milieu des arbres, le bâtiment de béton mérite à lui seul le détour. Giuseppe Penone y trouve un magnifique écrin pour ses œuvres qui révèlent, par exemple, le mystère de la gestation des arbres en les évidant dans le sens inverse du temps. Ainsi découvre t on à l’intérieur du vieux tronc le jeune arbre qu’il a été avec ses petites branches fines comme des brindilles. C’est ainsi qu’il gratte les colonnes de béton pour dévoiler les traces de coffrage qui composeront ses tableaux, mais aussi qu’il façonne le marbre jusqu’à ce que des rides apparaissent comme sur la peau. Une exposition assez bouleversante à visiter avec un guide ! TM
10 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022
! GV‑P LE
Galerie Manifesta Lyon
1 manifesta‑lyon.fr
THERE’S A LIGHT THAT NEVER GOES OUT Marché Gare Lyon 2
* Ou "art pauvre", mouvement d'avant garde italien des années 1960 Couvent de La Tourette Eveux (69) couventlatourette.fr
PAR ANNE HUGUET, TRINA MOUNIER, GALLIA VALETTE‑PILENKO Marion Bornaz © DUCHESS SAYS Guillaume Grasset ©
JAROSLAV CITIZENS, ŠTEFAN PAPCO,
2018 DÉAMBULATIONS
GRAVER L’ÉMOTION JUSQU’AU 31.12.22
Si l’on veut continuer de pister les Moss People de Kim Simonsson, l’URDLA est un passage obligé ! Mais d’autres surprises attendent ceux qui auront la curiosité d’aller jusqu’à Villeurbanne. Lieu hybride à la fois de production et de diffusion, l’URDLA – acronyme de Utopie Raisonnée pour les Droits de la Liberté en Art – accueille, pour cette 16e Biennale d’art contemporain, dix artistes dont deux créations in situ. Quarante ans séparent la doyenne de la manifestation Sylvie Selig (80 ans, Nice) et Phoebe Boswell (40 ans, Nairobi), mais leur engagement et leur goût de la découverte sont les mêmes. L’une a choisi la taille douce et l’autre la lithographie, deux techniques pratiquées à l’URDLA, et la beauté de leurs estampes est à la hauteur ! À découvrir au fil d’une déambulation entre les différentes presses et machines qui habitent les espaces. GV‑P
Destinations de nos lointains est le titre d’un poème de René Char. C’est également celui de l’exposition monographique qui se tient cet automne à la Fondation Bullukian et le fil d’Ariane de l’artiste François Réau, invité pour l’occasion. Dès l’entrée, l’odeur de feuilles sèches assaille le visiteur. Une fragrance délicate développée par l’installation baptisée Dans les rêves du sommeil on improvise l’amour, on force la douleur de l’épouvante : des graines de tournesol éparpillées sur le sol, des tiges et des feuilles séchées craquent sous les pas. On retrouve la poésie de Char, écrite sur le mur, comme un fil ténu qui relie le végétal et le minéral. Celui du graphite qu’utilise l’artiste pour déployer de grands dessins aux motifs végétaux et nuageux. Ou ces grands rouleaux de coton imprimés par La Turdine, entreprise textile de Tarare spécialisée dans les grands métrages, qui reprennent son dessin à l’infini, substituant la trame au crayon pour des effets vibrants de dégradés de gris.
11ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 Cécile Cayon
© MANIFESTO OF FRAGILITY
DÉAMBULATIONS
URDLA Villeurbanne urdla.com PAYSAGE MENTAL JUSQU’AU 30.12.22
GV‑P DESTINATIONS DE NOS LOINTAINS Fondation Bullukian Lyon 2 bullukian.com
radiant‑bellevue.fr espacegerson.com lesdernierscouches.com comedieodeon.com toboggan.com
L’HUMOUR A LE VENT EN POUPE. DES THÉÂTRES
LES PLUS CLASSIQUES AUX SALLES DE SPECTACLES, DES ÉMISSIONS DE TÉLÉVISION AUX CAFÉS‑CABARETS, SUR LE WEB, L’HUMOUR EST À TOUTES LES PORTES ET À TOUTES LES SAUCES. DIRECTION LES SALLES, DES PLUS EMBLÉMATIQUES AUX PLUS CONFIDENTIELLES, POUR PRENDRE LE POULS DE L'HUMOUR ET DE CEUX QUI LE PRATIQUENT À GUICHETS FERMÉS.
Le monde va mal, rions !
PAR TRINA MOUNIER
Victor Bosch (Radiant Bellevue), Céline Abrahamian (Espace Gerson), Laurent Pierson (Les Derniers Couchés) et Julien Poncet (Théâtre Comédie Odéon) tombent d’accord sur l’importance croissante de ce type de spectacles. À la question du pourquoi ?
La réponse est encore unanime : « Parce que les gens aiment rigoler, parce qu’ils en ont marre de cette époque et de cette société anxiogènes. » Cette réponse est toutefois nuancée par Céline Abrahamian de Gerson qui propose une palette très large de spectacles, du mime à l’humour musical,
pour tous les types de publics, du stand up à la comédie : « Les artistes d’aujourd’hui, tel Harold Barbé (Deadline), font rire sur des sujets qui angoissent les gens. Cela leur permet de s’identifier, de prendre du recul et c’est cela qu’ils recherchent. C’est d’ailleurs ce qui témoigne de la valeur contestataire de l’humour. » Victor Bosch n’en est pas très loin : « Dans ma jeunesse, la première forme artistique, celle qui rentrait dans toutes les familles, c’était la musique. Elle servait de ciment et de signe de reconnaissance pour les générations. Maintenant, les gens cherchent une sorte de radiographie de la société. On est ainsi passé de Fernand Reynaud à Coluche puis Florence Foresti et à Paul Mirabel maintenant.
Quand je parle à des cinquantenaires de Paul Mirabel, ils ne connaissent pas. Pareil pour Ben Mazué : on ne le voit jamais dans des émissions de variétés. Car l’humour se diffuse d’abord par les youtubeurs et les influenceurs. L’humour, ça dépend des degrés de "branchitude", c’est lié à la génération, au milieu social. » Laurent Pierson des Derniers Couchés (promoteur local) poursuit : « Pour nous qui en programmons énormément, il n’y a pas de type d’humour particulier. Par contre, les artistes parlent d’eux‑mêmes et cherchent l’interaction avec le public. Le fil conducteur de la réussite d’un Maxime Gasteuil, c’est sa sincérité, son implication, alors qu’hier les humoristes mettaient en avant des personnages. »
12 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 SPÉCIAL HUMOUR
LES CABARETS DU THEATRUM MUNDI
À mi chemin entre café théâtre et grande salle, la Comédie Odéon propose essentiellement des pièces de boulevard contemporain, plus écrites, et des artistes qui ont déjà derrière eux une certaine surface de rodage, comme Les Faux British C’est la qualité scénique qui fait le succès. Julien Poncet en est convaincu. Même les “grands” cherchent parfois à retrouver l’ambiance intime des petits lieux : Gad Elmaleh n’est il pas revenu faire la première partie de Redouane Bougheraba ? Ainsi, les programmateurs ne se font que peu d’ombre entre eux. « Il y a plein de petites salles, je ne vais pas leur sucer le sang ! », dit Victor Bosch, même s’il enorgueillit de son rôle de mise en orbite dans la petite salle de 100 places. « Thomas VDB y a commencé… » Et d’ailleurs, disons qu’il se "prêtent" leurs stars. Ainsi Gerson programme t il aussi hors les murs, au Toboggan ou à la Salle Paul Garcin (prochainement Félix Radu, presque complet). Quant aux Derniers Couchés, ils invitent des programmateurs pour des "Scènes découvertes", soit une quinzaine de jeunes pousses qui ont quinze minutes pour convaincre. Le public a pris goût à ces moments. Alors, oui, ça va vite…
VDB se met au vert
L’HUMORISTE AMUSE ENCORE ET TOUJOURS AUTOUR DES ENJEUX CLIMATIQUES ET DES TRAVERS DE NOTRE DRÔLE D’ÉPOQUE.
Votre spectacle évoque votre angoisse de l’avenir. Vous la surmontez grâce à l’humour ? THOMAS VDB J’avais prévu de faire de l’humour mon métier car c’est ma passion. Mais je n’avais pas prévu d’être éveillé à l’urgence climatique et au fait qu’il faut un changement énorme bien au delà des touillettes en plastique ! Je pense être plus drôle quand je m’empare de sujets qui me touchent. Mon humour a valeur d’adoucissant, pour les gens comme pour moi même.
Qui vous fait rire aujourd’hui ? TVDB Il y a aujourd’hui une nouvelle génération de comiques avec des gens très talentueux. Les hommes politiques, leur mauvaise foi et tous ceux qui sont obligés de se contredire m’inspirent beaucoup. Les chatouilles aussi me font rire.
Votre geste qui fait plaisir aux écolos ? TVDB Je ne prends plus l’avion ! Même si je n’ai pas beaucoup de mérite car j’avais peur en avion… Heureusement, je n’ai pas besoin d’aller loin pour voyager, je suis vite dépaysé.
Votre obsession musique du moment ? TVDB Viagra Boys, un groupe punk suédois. C’est mon gros coup de cœur musical ! Je les écoute avant de monter sur scène.
Après Comedian Rhapsodie, à quand le prochain livre ? TVDB Je commence tout juste un projet, une sorte d’autobiographie même si j’ai conscience que je n’ai que 45 ans et que ma vie n’intéresse pas grand monde. Ce sera plutôt un récit autour de souvenirs drôles liés à la comédie, la scène. Par exemple… raconter les bides.
13ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022
PAR EMMANUELLE BABE
SPÉCIAL HUMOUR
THOMAS VDB S’ACCLIMATE 20 OCT. Le Briscope Brignais (69) 18 JAN. 23 Salle polyvalente Bourgoin‑Jallieu (38) 12 FÉV. 23 Centre des Congrès Saint Étienne (42) 29 MARS 23 Le Toboggan Décines (69) 30 MARS 23 Radiant‑Bellevue Caluire (69) Cyrille Sauve © Kobayachi ©
dans l'œil de maguy
Il m’est arrivé de voir 800 personnes pour un rôle !
VOUS L’AVEZ SÛREMENT CROISÉE, PETITE SILHOUETTE DISCRÈTE QUI SQUATTE LES SALLES EN SOLITAIRE. ELLE LE FAIT DEPUIS DES DÉCENNIES, EN QUÊTE DE NOUVEAUX TALENTS. MAIS QUI EST DONC CETTE SPECTATRICE ? « JE M’APPELLE MAGUY AIMÉ ET JE SUIS DIRECTRICE DE CASTING POUR LE CINÉMA. »
Comment êtes-vous arrivée au casting ?
MAGUY AIMÉ Après avoir œuvré à la création de la section spectacles de l'ANPE (ex-Pôle emploi) au début des années 1980, j’ai eu la chance de devenir responsable de distribution artistique. Depuis, j’ai assuré le casting de plus d’une centaine de films de réalisateurs tels Jean Becker, Alain Corneau, Michel Deville, Claude Chabrol ou Michaël Haneke. Ce dernier m’a beaucoup impressionnée, il parlait peu et jamais un mot inutile…
En quoi consiste votre métier ?
MA Le directeur de casting fait des essaiscaméra (des bouts d’essais). Il doit donc
savoir utiliser une caméra et diriger les comédiens. Je choisis les acteurs en fonction du rôle, du scénario et de ma connaissance du réalisateur. L’intuition et la psychologie sont indispensables. Je n’en manque pas, j’ai d’ailleurs fait psycho à la fac ! Pour chaque rôle, je fais au moins trois propositions au réalisateur, dont un profil atypique auquel personne n’aurait pensé… Par exemple, dans Mon père il m’a sauvé la vie, José Giovanni m’avait chargée de trouver une cartomancienne. Il l’imaginait un peu sorcière. Je lui ai proposé comme outsider Irina Vavilova, l’actrice-fétiche de Znorko, avec son visage rond qui respire la bonté. Mais il m’est arrivé de voir 800 personnes pour un rôle ! Il faut connaître beaucoup
d’acteurs et chacun assez intimement, être sûr qu’il va tenir le coup. Ensuite il s’agit de convaincre le réalisateur par les images.
Vous travaillez pour le cinéma mais dénichez vos comédiens sur les plateaux de théâtre, expliquez-nous.
MA La caméra fait partie de moi. Mais le théâtre me nourrit intellectuellement. Surtout, le jeu caméra est cinq octaves en dessous du jeu théâtral. Au cinéma, l’épure est de mise. Un comédien de théâtre a un registre beaucoup plus large par ce qu’il a appris. Ce n’est pas donné de passer de l’un à l’autre, cela s’apprend. C’est ce que je fais dans mes master class, notamment à l’ENSATT. Je trouve mes acteurs en allant les voir jouer au théâtre – et j'y vais tous les jours. Ils composent la base de mon fichier. Les programmateurs et les directeurs me font confiance. Ils savent que je suis très exigeante. C’est une sacrée responsabilité, surtout quand on fait des castings d’enfants. Quand j’ai dû choisir l’enfant qui joue dans À propos de Joan de Laurent Larivière, j’ai passé des nuits à ne pas dormir. Le jeune acteur devait incarner à l’écran un enfant mort, cela m’a tourmentée ; j’ai beaucoup parlé avec les parents. Et tous, je les accompagne jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au choix du réalisateur.
14 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022
PORTRAIT
Enna
Pator ©
PAR TRINA MOUNIER
LA BRANDE
NOV.
Théâtre du Point du Jour
NOV.
Comédie de Saint‑Étienne
lacomedie.fr
NANA
NOV.
Paul Garcin
5
1
ILLUSIONS PERDUES
NOV.
Théâtre de la Croix‑Rousse Lyon 4 croix‑rousse.com
Elles en veulent !
BEAUCOUP DE JEUNES ARTISTES SONT PROGRAMMÉS POUR LES DEUX MOIS À VENIR.
DES JEUNES FEMMES SURTOUT, ET QUI N’ONT PAS FROID AUX YEUX ! ON EN A RETENU TROIS, QUI ONT DU TALENT ET DE L’AMBITION.
PAR TRINA MOUNIER
On attend beaucoup de Lucile Lacaze qui n’en est pas tout à fait à son coup d’essai : pour ses travaux de fin d’études à l’ENSATT, elle avait choisi Beaucoup de bruit pour rien, comédie de Shakespeare, et sa mise en scène avait fait quelque bruit, précisément. Cette fois, elle signe, sous forme d’une épopée comique, une adaptation de Nana, la jeune et belle prostituée de Zola, dont l’ascension et les désillusions suivent la même courbe que celles de Lucien de Rubempré… Ce dernier est le personnage principal des Illusions perdues que monte Pauline Bayle, plus connue à Paris qu’à Lyon, elle aussi habituée des grands textes qu’il faut adapter, couper, remanier sans
trahir – elle avait monté l’Iliade et l’Odyssée auparavant. Mais c’est surtout sa manière vive, nue et sans artifice de mettre en scène qui séduit, en donnant aux acteurs toute la place. Les cinq comédiens composent toute une galerie de personnages, en endossant plusieurs, sans souci du genre, ni de l’âge… Enfin, on commence à bien entendre parler d’Alice Vannier qui présente sa toute nouvelle création, La Brande, fruit d’une écriture collective. On y parle d’un hôpital psychiatrique des années soixante où les patients répètent Comme il vous plaira, Shakespeare encore. On peut faire confiance à Alice Vannier pour éviter le spectacle plombant. Son humour est communicatif, insolent et joyeux, entre ses mains tout prend vie.
Elles ne vont pas changer une équipe qui gagne. Depuis le lancement, en 2016, de la trilogie Écrire en pays dominé, Alice Carré et Margaux Eskenazi conçoivent ensemble des pièces de théâtre. L’une à l’écriture, l’autre à la mise en scène, elles s’intéressent à des sujets sensibles, éminemment politiques et renvoyant aux histoires familiales, leurs drames et leur mémoire parfois, souvent occultée, le tout pris dans les rets de la grande Histoire, celle qui humilie et assassine… Après avoir exploré les plaies de la décolonisation et débusqué les silences entourant la guerre d’Algérie, elles reviennent, avec une nouvelle création, 1983, sur la "marche des Beurs". De son vrai nom Marche pour l’égalité et contre le racisme, elle conduira les jeunes de la deuxième génération de Marseille à Paris, des quartiers à la reconnaissance. Fidèles à leurs méthodes de travail, elles ont enquêté, lu des articles, visionné des images d’archives, rencontré des témoins… Ceci bien sûr avec un regard affûté, pas du tout objectif mais engagé. TM
16 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 BÊTES DE SCÈNES
7 > 10
Lyon
pointdujourtheatre.com 15 > 18
(42)
9 > 12
Salle
Lyon
clochards‑celestes.com
16 > 26
9 > 20 NOV. TNP Villeurbanne 22 NOV. Théâtre de Vénissieux La conquête de l’égalité Simon Gosselin © ILLUSIONS PERDUES
Trop poli pour être honnête
Quelque part, en 2048. Après une catastrophe, une dictature sanitaire s’est installée. À coups de reconnaissance faciale au nom de la sécurité de tous et de pilules du bonheur, un ordre doucereux règne. Mais, envers du décor, des milliers d’invisibles triment dans la misère. Quand trois jeunes gens découvrent leur existence, c’est tout un univers qui leur apparaît. Ce pourrait être de la science-fiction mais, hélas, le monde nous rappelle que non… Myriam Boudenia et Pauline Laidet traitent cette histoire joyeusement, à la manière d’un récit d’aventures dont nous sommes les gentils héros très actifs et pas naïfs. Souterrain est drôle, palpitant et rondement mené. Une belle réussite.
22 > 25 NOV.
La Comédie de Saint‑Étienne (42) lacomedie.fr
Fragments d’un désir amoureux
Clément Hervieu-Léger fait partie de ces jeunes metteurs en scène surdoués qu’il importe de voir à l’œuvre. Surtout quand ils portent à la scène des auteurs qu’on aurait tendance à oublier. Tourgueniev, par exemple, fils de Marivaux et précurseur de Tchekhov, n’en finit pas d’explorer, dans Un mois à la campagne, les désordres du cœur humain et leurs répercussions sur la petite société qu’il donne à voir : un microcosme en voie d’effondrement, dix ans avant l’abolition du servage. Mais pour l’instant, nous sommes à la campagne où Natalia et Véra, l’orpheline recueillie, sont troublées par l’arrivée d’Alexeï, le très séduisant précepteur embauché par la première pour son fils. Clément HervieuLéger aime parsemer ses mises en scène de références et bien sûr, Pasolini n’est pas loin ! Suivons-le…
17ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 BÊTES DE SCÈNES TELEXxxxxxxx PAR TRINA MOUNIER
9 > 19 NOV. Theâtre des Célestins Lyon 2 theatredescelestins.com
DE FANTASMES
Hommes, femmes, foule : les corps sculptés, savamment dénudés ou vêtus de couleurs vives, s’exposent dans une pose hiératique. Il y a quelque chose d’un rituel énigmatique dans les photographies de Cédric Roulliat qui, au delà de la perfection des silhouettes, regards et sourires, laissent un sentiment d’étrangeté glaciale. « J’aime quand il y a du trouble, confirme l’artiste de 48 ans. Quand ce qui est beau et sensuel devient aussi étrange et glacé. Cet effet de fascination qu’opère une figure distante, dont on n’a pas la clef, stimule l’imaginaire. On en revient toujours à l’imaginaire, aux fantasmes. »
Gamin, Cédric flashe sur les super héros de BD et dessine ses propres planches en noir et blanc qui lui « apprennent la composition, le cadre » et lui « donnent le goût de la narration ». L’image dans le cadre suggérant qu’il y eut un avant et un après, une histoire, comme dans les films qu’il dévore, des classiques jusqu’à La Guerre des étoiles Son imaginaire se nourrit aussi des magazines des années 1980, « fasciné » par cette couverture d’Actuel signée Pierre et Gilles ou les photos de Jean Paul Goude et de Helmut Newton. L’adolescent
SCULPTEUR
FOKUS CÉDRIC ROULLIAT
PAR FLORENCE ROUX PHOTOS CÉDRIC ROULLIAT
est littéralement « subjugué » par Madonna, « son art de changer de personnage » et de citer Horst
P. Horst dans ses clips. Il se passionne encore pour le créateur d’images Guy Bourdin, « un maître dans l’usage de la couleur et la composition ».
Lui aborde la photographie en autodidacte, engrangeant des conseils techniques de sa mère avant de s’aventurer, à dix sept ans, avec le vieux matériel de son grand père, « le boîtier d’un Canon AE‑1, tous les objectifs, un agrandisseur, du papier photo des années 1970 ». Il installe son atelier dans le grenier puis dans sa chambre, photographie des copines habillées des vêtements de sa mère.
« Tout était prétexte à faire costume », se souvient il. Linguiste de métier, sa pratique d’abord occasionnelle de la photo s’épanouit avec l’arrivée du numérique, qui l’aide à « passer à des choses plus ambitieuses », à oser des couleurs saturées, à se lancer.
Puis Cédric Roulliat va au théâtre, fréquentant assidûment celui de l’Élysée au début des années 2000, à Lyon. Il rencontre en 2005 le metteur en scène Camille Germser, avec lequel il collabore « à créer des images traversées par l’esprit d’un music‑hall décalé ». La comédienne Laure Giappiconi l’encourage à monter sa première pièce, Ultra‑Girl contre Schopenhauer, en 2017 à L’Élysée, « grâce, aussi, à la confiance de Jacques Fayard, le directeur des lieux ». Deux autres suivront, « des aventures enchantées en équipe » pas si étrangères à ses photographies, très mises en scène. « Comme au théâtre, mes images s’appuient sur le collectif. C’est joyeux et ça laisse toujours la place à l’imprévu. »
INFLUENCES Georges Franju, Alfred Hitchcock, Guy Bourdin, Madonna, David LaChapelle, Maupassant, les polars des années 1920/30... cedricroulliat.com cedric_roulliat_photography DÉESSES, MONSTRES ET PETITS GARÇONS 2020 SOUVENIR DES PLAISIRS ÉVANOUIS 2016 > 21 OCT. Théâtre de l’Élysée Lyon 7 EXPO PERMANENTE Galerie Studio COD Lyon 2 J’AIME QUAND IL Y A DU TROUBLE
IL A BEAU ÊTRE MOINS FOURNI, PLUS RÉDUIT DANS LE TEMPS ET EN NOMBRE DE SPECTACLES, CONTRE SENS EST BIEN UNE ÉDITION DE SENS INTERDITS AVEC SON LOT D’ÉVÉNEMENTS. ON Y PARLE URGENCE, RÉSILIENCE ET HISTOIRE.
À contre-sens de l'histoire
SENS
Quand les yeux comme les mémoires se ferment, ils fourbissent les armes des haines, assassinats et autres grands désordres de demain. C’est peut être le fil rouge de cette édition. Et la raison pour laquelle la pièce que propose Roland Auzet, en ouverture de Contre Sens, est si nécessaire. Adieu la mélancolie* parle de la Révolution culturelle chinoise et emprunte pour cela les mots du Gène du garde rouge de Luo Ying, embrigadé dans les Gardes rouges dans sa jeunesse, témoin et sans doute auteur des pires violences, aujourd’hui poète et homme d’affaires. Témoigner lui est interdit dans un pays qui a fait tomber une chape de plomb sur les années de la Révolution culturelle et a accouché d’un capitalisme sans foi ni loi, presque aussi sauvage. Roland Auzet, qui est très admiratif
du travail de mémoire des Allemands après la Seconde Guerre mondiale, a pu mesurer l’ampleur de la catastrophe qu’a engendrée cette omerta. D’autant plus qu’il a vécu à Shangai juste avant le Covid, y rencontrant auteurs et comédiens…
La construction de cette épopée barbare est passionnante pour le metteur en scène : les séquences se suivent sans ordre véritable mais sans omettre rien de la brutalité de cette période, tel le chaos à l’œuvre dans un pays martyr. Que nous sommes naïfs, semble t il dire, de croire que le capitalisme est garant de la démocratie : la Chine a pris l’un et laissé l’autre, créant un monstre sans histoire. Il y aura une trentaine de comédiens sur le plateau : des Chinois, des Taïwanais et des Français, des professionnels et des amateurs, mais aussi beaucoup de musique. Roland Auzet aime cette hétérogénéité et le partage qu’elle suppose, héritage d’un théâtre généreux.
Le public de la Maison de la Danse connaît bien le travail engagé de Via Katlehong. La compagnie sud africaine survoltée, fondée en 1992 dans les townships de Johannesburg par Buru Mohlabane et Steven Faleni, a fait pas mal de chemin depuis sa première fois, en 2012, en terres lyonnaises. Elle a donné à voir le pantsula, cette danse qui est aussi un mode de vie, à l’instar du hip hop, et qui combine jeux de jambes et rapidité. Aujourd’hui, la compagnie s’est ouverte à d’autres danses traditionnelles, tels le gumboots pratiqué par les mineurs ou celles des cultures zulu ou xhosa, et à des chorégraphes contemporains. Avec Via Injabulo (présentée cet été au Festival d’Avignon), ce sont Marco da Silva Ferreira et Amala Dianor qui s’y collent avec ferveur pour un spectacle en deux parties, où les deux artistes se répondent en s’emparant chacun à sa façon du pantsula et de l’énergie des huit interprètes. GV‑P
20 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 BÊTES DE SCÈNES
CONTRE
19 > 30 OCT. sensinterdits.org ADIEU LA MÉLANCOLIE 19 >21 OCT. Théâtre de la Croix‑Rousse Lyon 4 croix‑rousse.com Christophe Raynaud de Lage ©
ADIEU
LA MÉLANCOLIE
18 > 21 OCT. Maison de la Danse Lyon 8 maisondeladanse.com Métissages PAR TRINA MOUNIER * À voir aussi à la MC2 Grenoble (38), 08 > 09 NOV.
Récits d’exil
PLUS D’UN AN APRÈS AVOIR ACCUEILLI
L'AFGHAN GIRLS THEATER GROUP AVEC LE METTEUR EN SCÈNE NAIM KARIMI, LE TNG LES ACCUEILLE SUR SA SCENE ET EXPOSE DES PLASTICIENS AFGHANS. AU TNP, CE SONT LES CLICHÉS DE NAIM KARIMI, ÉGALEMENT PHOTOGRAPHE, QUI SONT PRÉSENTÉS.
Forme courte, longue portée. Dans Le rêve perdu, les neuf apprenties comédiennes afghanes conduites par le metteur en scène Naim Karimi, leur professeur, devraient notamment raconter, en quarante minutes, le rêve de leur génération de construire un pays différent. Un rêve miné par le retour des talibans au pouvoir, en août 2021. Comme d’autres artistes afghans accueillis par l’État français, elles ont bénéficié d’un permis de séjour en procédure accélérée et de 350 heures de cours de français. « C’était planifié depuis longtemps, explique Joris Mathieu, le directeur du TNG. Leur permettre de s’exprimer et leur apporter, avec Nicolas Boudier, un concours technique, à la fin, dans l’approche scénographique. » En parallèle, le TNG expose des œuvres de plasticiens afghans, dont la création in situ en cours de la performeuse Kubra Khademi, artiste invitée du festival d’Avignon 2022, dont elle a réalisé l’affiche. Enfin, le TNP expose les photographies de Naim Karimi montrant son pays et ses concitoyens, dans les villages et certaines villes. « Des portraits sobres, empreints d’attention et de pudeur, ainsi que des paysages âpres et grandioses », ajoute on au TNP.
FOCUS
AFGHANISTAN
23 > 25 NOV.
TNG ‑ Ateliers
Presqu’île Lyon 2 tng‑lyon.fr
UNE VUE DE L’AFGHANISTAN > 03 DÉC.
TNP
Villeurbanne tnp‑villeurbanne.com
21ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022
BÊTES DE SCÈNES PAR FLORENCE ROUX
Naim Karimi ©
UNE VUE DE L'AFGHANISTAN
Reine flamenca
Au fil des spectacles, Rocio Molina continue de marquer les esprits, développant un style et une grammaire qui n’appartiennent qu’à elle. Elle n’est plus venue à Lyon depuis 2014 (pour la Biennale de la danse avec Bosque Ardora, première mondiale), alors qu’elle a enchaîné les projets en tous genres pour faire grandir son art. La revoilà à trois, sur le plateau de la Maison de la Danse, avec deux guitaristes émérites, Eduardo Trassierra et Yerai Cortés. Al Fondo Rielo (Lo Otro del Uno) est le deuxième volet d’une Trilogie pour guitares démarrée avec Inicio (Uno) elle planche déjà sur la suite, Vuelta a Uno –, « des pièces indépendantes mais complémentaires » qui reviennent aux fondamentaux du triangle flamenco, voix/guitare/corps. Une manière de replonger dans son art (ancestral) pour retrouver une forme de danse pure et dépouillée. Tout est mis en œuvre, dans la pièce d’une heure quinze, pour reposer le sens du flamenco, éprouver sa propre dualité et renouer un dialogue magique avec la guitare.
La bailaora n’a besoin de personne, tant sa présence est irradiante. Zapateados de furie, cambrés à la limite de la rupture, travail sur les mains et le poignet, visage grimaçant marqué par l’effort ou peut être la douleur, contre temps et silencio, guitares qui enflent, grondent, gémissent…
La danse de Rocio Molina est libre, brute, intense, radicale, la prodige de Malaga cassant tous les codes pour décortiquer, dépouiller, transfigurer le geste flamenco. On connait sa virtuosité technique, bluffante, ses partitions réglées au cordeau même si l’improvisation ne semble jamais loin, et son goût pour les partis pris forts, parfois déstabilisants. Rocio Molina monte sur une scène comme on va sur le ring ou dans l’arène. Elle danse comme possédée par un feu intérieur qui la dévore.
Le puzzle Dorothy
AL FONDO RIELO
Avec Dorothy, c’est à un beau seule-en-scène que nous convient le Théâtre de la Renaissance et le TNP. La comédienne Zabou Breitman y raconte une autre femme qui, sans doute, lui ressemble un peu : la première est en effet d'abord journaliste puis comédienne, réalisatrice, et même pour cette fois, metteuse en scène. Une femme aux multiples talents. Celle dont elle raconte la vie tumultueuse, Dorothy Parker, fut une journaliste américaine brillante, écrivain, scénariste, une plume acérée et engagée, que l’on craignait aussi. Elle le paya d’ailleurs chèrement à l’époque du maccarthysme. Seule différence, mais de taille : elle tenta à plusieurs reprises de mettre fin à sa vie tant la dureté des attaques l’avait profondément blessée. Zabou Breitman a choisi de parler d’elle à travers ses écrits de fiction, ses nouvelles. Quel bel hommage...
limites
22 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 Corps
BÊTES DE SCÈNES
PAR ANNE HUGUET
16 > 17 NOV.
Maison de la Danse Lyon 8 maisondeladanse.com
Óscar Romero ©
TM 24 > 26 NOV. Théâtre de la Renaissance Oullins theatrelarenaissance.com
Corps limites
Pour sa 4e édition, la Nuit du Cirque s’offre le week end prolongé du 11 novembre. Bonne nouvelle, quelques structures régionales sont de la partie, comme La Mouche, le Théâtre du Vellein ou Les SUBS à Lyon. Les amateurs de roue Cyr vont adorer le solo de Marica Marinoni, la nouvelle pièce de la compagnie 7Bis. Lontano est comme l’avers de Instante, la performance chorégraphique ébouriffante de Juan Ignacio Tula, fondateur de la compagnie en 2019. Cherchant les limites du corps et de l’agrès, mais aussi interrogant les frontières sociales, la circassienne italienne nous entraîne dans une ronde folle jusqu’au vertige. Du côté des SUBS, la contorsionniste italo brésilienne Alice Rende s’enferme dans un parallélépipède rectangle en plexiglass pour en éprouver les limites tandis que Julian Vogel se questionne sur le mouvement perpétuel avec des diabolos en porcelaine. Étape de création, It was what it was est une nouvelle variation sur la fragilité et l’éphémère dans la collection China Series de l'artiste suisse. Il y aura aussi du beau monde, au Vellein, entre Les Eternels Idiots de El Nucleo et le Circo "eia". La compagnie catalane, vue au Festival des 7 Collines, présente NUYE. La pièce pour six interprètes et des drôles de boîtes transformables, créée en 2021 au festival GREC de Barcelone, explore les relations duelles entre soi et les autres.
ALICE RENDE Emmanuel Layani ©
PASSAGES
10 > 12 NOV.
Les SUBS Lyon 1 les‑subs.com
NUYE
11 NOV.
Théâtre du Vellein Villefontaine (38) levellein.capi‑agglo.fr
LONTANO
11 NOV.
La Mouche Saint‑Genis‑Laval (69) la‑mouche.fr
29 > 30 NOV.
Salle de L’Isle L’Isle d’Abeau (38) levellein.capi‑agglo.fr
IT WAS WHAT IT WAS
12 NOV.
Les SUBS Lyon 1 les‑subs.com
23
BÊTES DE SCÈNES
PAR GALLIA VALETTE‑PILENKO
Trentenaire et sans certitude
LES 30 ANS DE LA CAVE À MUSIQUE
> 30 OCT.
Jim Murple Memorial, Frustration, etc.
Cave à Musique Mâcon (71) cavazik.org
LE DIRECTEUR DE LA CAVE À MUSIQUE DE MÂCON DIDIER GOIFFON
REVIENT SUR LES TRENTE ANS D’UNE SALLE PIONNIÈRE. MAIS EN 2022, DUR DE SE DIFFÉRENCIER.
30 ans de Cave à Musique : si tu ne retenais qu’un concert ?
DIDIER GOIFFON Dick Rivers, le 1er avril 1999 ! Les gens croyaient que c’était une blague. C’est la première fois que j’ai vu un prompteur à la Cave…
Et à part Dick Rivers ?
DG NoMeansNo par exemple. Ou Jean Louis Aubert, énorme. Les Rita, les Négresses et toute cette vague alterno. Dans un tout autre style, Agnès Obel en piano voix… Je retiens tous ces moments où tu te fais absorber. Même si tu bosses, tu t’arrêtes.
Ton pire souvenir ?
DG Le soir où Pablo Moses est descendu de scène pour dégommer un mec du public. On a dû les séparer dans les loges ! Dans le même genre, il y a eu le verre de bière dans la gueule de Miossec. Ça aurait pu mal finir.
Tu parles de Miossec. La Cave a été l’une des premières salles à le programmer. La prise de risque, ça paye ?
DG Oui, bien sûr. On pourrait citer Bénabar, Mass Hysteria, Fills Monkey… Tous ces groupes où tu n’avais que trente personnes dans la salle et qui sont devenus ce que l’on sait. On est fier de les avoir fait démarrer. Quand ils reviennent chez nous, quand ils se rappellent d’où ils viennent, ça me touche. C’est une vraie reconnaissance du milieu artistique envers l’association.
La découverte, le soutien aux artistes émergents, l’accompagnement de la scène locale, ce rôle pionnier que les 30 ans vont mettre en lumière. Cela reste d’actualité ?
DG Plus que jamais ! Il est essentiel que l’on continue à faire de l’émergence et du lien. Il ne faudrait surtout pas que les productions uniformisent les programmations.
Pas simple…
DG Non. Dans un contexte économique très compliqué, la grosse difficulté est d’intéresser le public à la prise de risques. Les gens doivent faire des choix et il y a beaucoup trop de propositions. Au bout d’un moment, je pense que ça va se casser la gueule et qu’il y aura une régulation. Mais ça devient de plus en plus dur de se différencier.
La Cave peut encore compter sur la fidélité de son public, non ?
DG Avant le Covid, je t’aurais répondu oui. Aujourd’hui, je ne sais pas si le groupe de 300/400 abonnés est encore une réalité. J’espère que l’on va retrouver tout le monde. En juin 2023, on verra si le public est revenu. En attendant, on reste attentif et sans certitude.
24 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 SUCCESS STORY
PAR MARC DAZY
Marc Dazy © 1992 - 2022 30 ans 2 200 dates 410 000 entrées CAVE À MUSIQUE ENTRÉE DES LOCAUX DE RÉPÉTITION
Just Like Heaven
PAR ANNE HUGUET
06 NOV.
Arena
Genève (CH)
07 NOV.
Halle
Lyon 7 Andy Vella ©
Tony Garnier
Excitation, émoi. The Cure remonte sur scène… 2019, le monde d’avant, la bande à Robert Smith marque les esprits avec une tournée de concerts mémorables. Plus de deux heures trente de show, le meilleur de leurs titres au rendez vous (un peu comme des madeleines de Proust), les sourires de Robert Smith (on en était resté coi), le jeu jouissif de Simon Gallup cavalant basse en avant, la classe aux claviers de Roger O’Donnell… « I don't care if Monday's black » On a mis bien au chaud le souvenir de cette trentaine de titres qui nous avait mis en vrac. Après cinq ans d’absence, le groupe de cold wave mythique remet le couvert. Pour notre plus grand plaisir. Huit dates en France dans une tournée qui démarre à Riga, Lettonie, le 6 octobre : pour fêter entre autres la réédition de Wish (23 septembre) et jouer leurs nouvelles chansons, celles du prochain opus Songs Of A Lost World ? En prévision de sortie mais sans date… Dixit Robert Smith : « Ça vaut le coup d’attendre ». Pour le reste, silence radio. « Sometimes I dream » On croise fort les doigts que les Anglais revisitent une nouvelle fois leur impressionnante et fascinante discographie. Qu’ils aillent piocher aussi bien dans Three Imaginary Boys (1979), Pornography (1982) ou Faith (81) qui restent des monuments, que dans des albums un peu plus récents comme Disintegration (1989) ou The Cure (2004). Difficile de toute manière de lister toutes les chansons qu’on rêverait d’entendre, tant The Cure a bercé nos jeunes années, et pas que ! Les Écossais de Glasgow, The Twilight Sad, chouchous de Robert Smith, joueront en première partie. « Un groupe biberonné à The Cure et Joy Division », peut on lire dans Libération, voilà qui augure plus qu’une belle soirée.
25ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022
SUCCESS STORY
MUSIQUES
PAR EMMANUELLE BABE, ANNE HUGUET, FLORENCE ROUX, ÉLISE TERNAT
DANS L’AIR DU TEMPS 17 > 22.10.22
18e édition pour Les Nouvelles Voix en Beaujolais qui étoffent leurs partenariats, s’associant ainsi avec la pépinière du Ninkasi Musik Lab, et présentent, sur six jours, une programmation touffue toujours découvreuse de talents. Jamais la notion de "nouvelles voix" n’a été aussi forte avec une belle brochette « de très jeunes artistes, qui chantent pour la plupart en français, avec un talent évident et des personnalités singulières assez fortes », résume Olivier Boccon Gibod à la programmation depuis des années. On donne à entendre des artistes qui déplacent le curseur et brouillent les codes esthétiques » Sont donc à découvrir la jolie plume de Barbara Pravi, les chansons intimes de la sensation du moment November Ultra (ex Agua Roja pour ceux qui suivent), la douceur folk d’Emma Peters, la musique lumineuse du virtuose chien noir, la flamboyance pop du fougueux Pierre de Maere ou les ambiances iconoclastes de Poupie. AH
Théâtre de Villefranche & agglo theatredevillefranche.com
GRAND ÉCART VOCAL
26.10.22 |19H
Fishbach avait enthousiasmé son monde avec À ta merci (2017), puis la musicienne avait un peu disparu des radars, s’offrant une parenthèse au cinéma avec la série Vernon Subutex où elle jouait Anaïs aux côtés de Romain Duris. Retour aux sources (ses Ardennes) et à la chanson en 2022 avec un 2e album Avec les yeux, nouvelle collection de titres où la rugosité de son timbre de voix peut une nouvelle fois s’épanouir. Entre ballades et pop dance, la chanteuse à la voix déchirée laisse libre cours à son goût pour les années 1980. AH
Ninkasi Kao Lyon 7 ninkasi.fr
TORNADE SONORE 04.11.22 | 20H
« Je suis l’enfant de Giorgio Moroder et de Depeche Mode », plaisante souvent Vitalic en interview. Le producteur et compositeur dijonnais célèbre vingt ans de carrière avec un 5e opus DISSIDÆNCE en deux volets, qui est un appel à la fête. Dont acte avec une techno crasse jouissive – qualifiée de metal disco par la presse britannique pour la petite histoire – et nourrie à l’énergie rock. Planqué derrière ses machines, avec une scénographie souvent inventive, le DJ balance beats énervés, sonorités acides et refrains entêtants pour dévisser les têtes… même les plus récalcitrantes ! Comme mise en jambe, la dark électro du jeune Poltergeist avec un set tiré à quatre épingles. Ari Girard réussit à convier dans ses sonorités les fantômes de Joy Division, Can, Kraftwerk, Talking Heads ou Jeff Mills avec comme épicentre Berlin. Hum, tentant. AH
Transbordeur Villeurbanne transbordeur.fr
26 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 VITALIC
DÉAMBULATIONS
NOVEMBER ULTRA
Pauline Darley ©
Yann
Rabanier
©
BALLADES CRÉPUSCULAIRES 13.11.22 | 17H
Avant dernière date unplugged pour le rockeur poète Hubert Félix Thiéfaine qui fera halte à Vaulx en Velin. À presque 75 ans, 18 albums et des milliers de concerts habités, le Jurassien n’a plus rien à prouver à personne. Son dernier album La géographie du vide (2021) est noir et sans espoir, mais aussi touchant et solaire avec ces textes elliptiques. Le revoilà donc à proximité d’un public tout acquis à sa cause pour revisiter certains de ses tubes en version dépouillée (Pulche, Mezcal y Tequila, Lorelei…), l’occasion d’entendre aussi certains morceaux peu joués live. Il y a la voix grave, inimitable, prenante, de l’homme en noir, puis les textes maudits et les mots crépusculaires pour narrer les blessures et les angoisses de l’âme. Contrebasse, tambourin, sax et harmonica, la formule est sobre et classieuse, les mots enflent, les chansons touchent (Les dingues et les paumés) et la magie Thiéfaine opère.
CŒUR À VIF
16.11.22 | 19H
Chanter l’amour, mais côté blessures et turpitudes. Marie Flore , corps de liane et regard bleu cristallin, en avait fait la baseline de son premier album Braquage, sorti en 2019. On découvrait alors cette trentenaire au timbre grave et sensuel, capable de commettre des textes crus sous le vernis électro pop mélancolique (QCC). Cette musicienne et autrice, bercée par Léonard Cohen et inspirée par PNL, revient promener sa douce ironie dans Je sais pas si ça va. Un disque aussi pensé pour le live avec quelques morceaux taillés pour le dancefloor. EB
Ninkasi Kao Lyon 7 ninkasi.fr
ART‑ROCK ÉCORCHÉ 16.11.22 | 20H30
On a vu en juillet à Musiques en Stock le phénomène Dana Margolin et ses Porridge Radio, nouvelle sensation arty en provenance de Brighton. Le quatuor, trois filles et un batteur, a commencé à faire le buzz en 2020 avec le palpitant Every Bad. Des chansons douces amères qui ne paient pas de mine, balançant entre indie, art rock, pop voire post punk. Puis il y a la voix intense, sauvage, magnétique, de sa leader Dana (on peut penser de loin en loin à une Karen O) qui dévore le micro scandant et crachant ses textes. C’est doux, spontané, cru, rêche, cathartique et ça vous attrape pour ne plus vous lâcher. Dans le cocon du Sonic, ça devrait être hypnotisant. AH
À trente sept ans, la multi instrumentiste et chanteuse new yorkaise Leyla McCalla n’en finit pas d’explorer avec grâce et engagement ses racines haïtiennes ou les traditions des cajuns de Louisiane, pour créer une œuvre singulière. Violoncelliste sur les titres folk, guitariste blues, joueuse de banjo sur un vieil air créole, elle jouera son ambitieux dernier album, Breaking the Thermometer (ANTI Records, 2022). Elle y rend hommage aux journalistes de Radio Haïti qui, jusqu’en 2003, avaient défié les dictateurs locaux. Elle chante, de sa voix profonde et lumineuse, comme on sème des cailloux, des petits bijoux musicaux. FR
Sonic Lyon 5 SonicLyon
27ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 DÉAMBULATIONS
Yann Orhan
©
PORRIDGE RADIO
Matilda Hill Jenkins
©
AH Centre culturel Charlie Chaplin Vaulx‑en‑Velin (69) centrecharliechaplin.com PÉRIPLE SONORE 08 > 09.11.22 | 20H
Opéra Underground Lyon 1 opera‑lyon.com
FOULE HABITÉE
17.11.22 | 20H30
La jolie allitération du titre du 7e album de Françoiz Breut, Le Flux flou de la foule, donne le ton : de la poésie toujours et, surtout, cette espièglerie rêveuse qui fait le style singulier de la chanteuse et plasticienne, aujourd’hui bruxelloise. La scène d’À Thou Bout d’Chant est l’écrin parfait pour accueillir cette belle voix bien reconnaissable, joliment perchée sans cacher la gravité du propos. Car Françoiz Breut le confie, « elle comprend de moins en moins le monde ». Elle en parle bien pourtant, entre sursauts de vie et poésie noire, décrivant la ville « cannibale », scandant l’urgence climatique sur des sonorités électroniques. Un spectacle riche en perspective, entre spleen, sensualité et légèreté. EB
ATBC Lyon 1 athouboutdchant.com
ROCK D’AVANT‑GARDE 18.11.22 | 20H
Tout droit venu de Baltimore, Horse Lords est un groupe inclassable. Quelque part entre krautrock et musique répétitive, le quartet s’abreuve à une multitude de sources : minimalisme, polyrythmies africaines, blues touareg, folk américaine et musique électronique… Sans compter des maîtres à penser tels La Monte Young, Stockhausen ou encore Xenakis. Leur nouvel album Comradely Objects sortira le 4 novembre chez RVNG, label qui fait la part belle au free jazz d’avant garde. Déjà passés par la case Grrrnd Zero, ils seront cette fois ci à bord du Sonic. Surfant sur le fil de la composition et de l’improvisation, leur musique électro dansante aux faux airs new yorkais de Battles saura réchauffer les plus aventureux. ET
Le Sonic‑Lyon Lyon 5 SonicLyon
VIBRATION MYSTIQUE
30.11.22 | 20H
On est définitivement fan du chanteur multi instrumentiste Bachar Mar Khalifé et de l’épure de sa musique habitée qui fait du bien à l’âme. Cinq albums studios dont le dernier On Off enregistré dans son Liban natal et une collection de musiques de films (The End – Music for films, vol2 est sorti au printemps) : le Franco libanais n’a pas son pareil pour exacerber les sentiments avec des paysages sonores mélancoliques où se mêlent électro, jazz, classique et cette touche de lyrisme oriental. On se laisse à chaque fois attraper puis griser (parfois jusqu’à la transe) par la puissance évocatrice de sa musique à fleur de peau. AH
DANS TA FACE
18.11.22 | 20H
Cinq dates en France en novembre, dont Lyon et le Kao, pour HO9909 (prononcer « Horror ») et son hip hop contestataire bruitiste. Le gang ricain flirte ouvertement avec le hardcore et bouleverse les codes sans vergogne avec un phrasé rap, des sonorités punk et indus et un doigt d’honneur permanent à la terre entière. Des brûlots subversifs, un flow carnassier, des beats écrasants avec ça et là l’ombre tutélaire des Beastie Boys, Prodigy ou autres Dead Kennedys (pour ne citer qu’eux) : la messe est dite ! Fort de quelques EPs tordus et d’un premier opus United States of Horror (2017), HO9909 envoie du méga lourd, lève le poing, vocifère et prend aux tripes avec une énergie dévastatrice et une colère galvanisante. Oreilles sensibles s’abstenir. AH
Ninkasi Kao Lyon 7 ninkasi.fr
BACHAR MAR KHALIFÉ
28 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 DÉAMBULATIONS
Simon
Vanrie © FRANCOIZ
BREUT
Radiant‑Bellevue Caluire (69) radiant‑bellevue.f
Gauthier
Digoutte ©
Lumière fait le grand écart
De Monica Bellucci à Nicolas Winding Refn en passant par James Gray, le vétéran Skolimowski ou Nicole Garcia, les grands noms sont toujours présents au Festival Lumière. Prix Lumière (Tim Burton), rencontres, avant premières, master class, rétrospectives et quelque 150 films sont au programme de cette 14e édition. Puisqu’il faut bien choisir, notre sélection se porte sur trois films, une prouesse ! Dans la nuit, l’unique film de Charles Vanel, d’abord. L’acteur, déjà célèbre dans les années 1920, a joué jusqu’à la fin de sa vie dans des films très variés, de Carné à Hitchcock. En 78 ans de carrière (il est mort, en 1989, à 96 ans), il n’est passé qu’une seule fois derrière la caméra. Dans la nuit, l’un des derniers muets français, sort sur les écrans en 1930 sans grand retentissement. Pourtant, les touches impressionnistes dans la lumière de la campagne et les passages expressionnistes avec ce personnage défiguré et masqué en font une œuvre forte. Le ciné concert à l’Auditorium de Lyon reproduira les conditions de projection de l’époque, quand un film était accompagné par des musiciens en live. Autre coup de cœur avec Ordet (1955) du grand cinéaste danois Carl Theodor Dreyer (l’auteur de La Passion de Jeanne d’Arc) : ce film exigeant, qui questionne la foi, bouleverse par la beauté de son noir et blanc. Enfin, Mauvais Sang (1986) de Leos Carax fait éclater la douleur d’amours impossibles sur des couleurs vives et la musique de Bowie. Les jeunes Juliette Binoche et Denis Lavant se retrouvent face à Michel Piccoli ou au dessinateur Hugo Pratt. Et on a hâte de découvrir l’œuvre de la cinéaste suédoise Mai Zetterling, trop peu connue, qui semble pleine de liberté. Cette section "Histoire permanente des femmes cinéastes" enchante chaque édition.
Sainté en mode pixels
Au croisement des arts, des sciences et des technologies, le festival Pléiades inscrit les arts numériques au cœur de Saint Etienne, proposant des installations sur les grandes places, dans des lieux culturels et des commerces du centre ville. Une trentaine d’artistes sont programmés cette année. Parmi eux, Scenocosme : après le tactile Lights Contacts, le duo stéphano lyonnais s'associe à Yosra Mojtahedi pour interpeler le public avec Reliquiae Mirabilis, une sculpture interactive réalisée à partir de branches d’arbres. On a aussi hâte de découvrir le projet Mécaniques Discursives du graveur Fred Penelle et du vidéaste Yannick Jacquet, un laboratoire d'expériences visuelles qui fusionne projections numériques et gravures sur bois. Fascinant ! Quant au plasticien Barthélemy Antoine Loeff, il invite à assister à la naissance d’un glacier artificiel ( Tipping Point ), une expérience parmi d’autres qu’offre le festival. Enfin, pour les couche tard, le festival électro Positive Education fait vibrer la Cité du Design aux mêmes dates. EB
PLÉIADES
30 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 FESTIVALS
PAR MARTIN BARNIER
8 > 12 NOV. Divers lieux Saint‑Étienne (42) saint‑etienne.fr POSITIVE EDUCATION 8 > 13 NOV. positiveeducation.fr MAUVAIS SANG, 1986 Soprofilms © FESTIVAL LUMIÈRE 15 > 23 OCT. festival‑lumiere.org Brian Medina © CONTROL NO CONTROL
Mots doux
SI VOUS ÉTIEZ
31ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 À LA MOULINETTE PAR EMMANUELLE BABE SES TRAITS D’ESPRIT DEVIENNENT POCHOIRS SUR LES MURS DES VILLES POUR ÉTONNER ET AMUSER LE QUIDAM. EN ATTENDANT DE RAVIR PEINTURE FRAICHE, LA DACTYLO NOUS LIVRE QUELQUES SECRETS DE FABRICATION. PEINTURE FRAICHE 12 OCT. > 6 NOV. peinturefraichefestival.fr DÉMO D’ESPRIT, APHORISMES & AUTRES PRISMES Éditions Verticales (13 oct.) ladactylo COMMENT VOUS VIENNENT VOS APHORISMES ? TRÈS SOUVENT, ILS ME VIENNENT NATURELLEMENT. ET PARFOIS JE DOIS LES CHERCHER DANS LES HAUTES HERBES DES CHAMPS LEXICAUX. LES MOTS CHANGENT‑ILS LA VIE ? ILS PEUVENT SURTOUT EN CHANGER LE SENS. QUELS MOTS VOUS SUBJUGUENT ? CEUX QUE JE DÉCOUVRE. LA LANGUE FRANÇAISE EST UN PUITS SANS FOND. HEUREUSEMENT, JE N'AI PAS LE VERTIGE. UN OBJET DONT VOUS NE VOUS SÉPAREZ JAMAIS ? J'APPORTE UNE VALEUR SENTIMENTALE À CERTAINS OBJETS, COMME MES BAGUES. SURTOUT CELLE QUI APPARTENAIT À MA GRAND‑MÈRE. CE SONT DES TALISMANS, DES PORTE‑BONHEURS. STREET ARTISTE OU ARTISTE ? ARTISTE. JE N'AIME PAS QU'ON M'ENFERME DANS UNE CASE. ÇA LIMITE LA CRÉATIVITÉ. VOUS AVEZ DÉJÀ EU AFFAIRE À LA POLICE ? OUI, À PLUSIEURS REPRISES. MAIS EN GÉNÉRAL PAS VUE PAS PRISE !
UN POÈTE ? HENRI MICHAUX ET EN PLUS CHANTANT (ET VIVANT), GAËL FAYE. VOTRE VILLE COUP DE CŒUR POUR POCHER ? DIFFICILE À DIRE. PEUT‑ÊTRE LES PETITES VILLES DANS LESQUELLES JE NE M'ATTENDAIS PAS À AVOIR AUTANT DE RETOURS POSITIFS. VOUS ÊTES AUSSI PHOTOGRAPHE. QUELS SUJETS PRÉFÉREZ‑VOUS ? L’HUMAIN DANS TOUTE SA DIVERSITÉ. J'AIME COUVRIR DES SUJETS QUI M’OBLIGENT À ADAPTER MON APPROCHE PHOTOGRAPHIQUE. DU CHALLENGE, EN SOMME.
Francesca Mantovani Editions Gallimard ©
LE STREET MUSÉE
DU MOIS
32 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022
PAR GRAPHULL
STREET ART
KRAP CRAP
MARIE GARNIER
GASPARD
MARIOTTE BENPO & TWANE JEAN BAPTISTE PELLERIN
GIR'ART LUD
BLACKMOMILLE
D'un seul souffle
PAR MARCO JÉRU
UN AN APRÈS UNE FORÊT, JOURNAL À QUATRE MAINS AVEC
MARION BORNAZ À TRAVERS LEQUEL ELLE EXORCISAIT
LE TRAUMATISME DES ATTENTATS DU BATACLAN, JEANNE BELTANE SIGNE, AVEC LES POUMONS PLEINS D’EAU, UN PREMIER ROMAN SENSIBLE, VIBRANT, À LA FOIS GRAVE ET DRÔLE, PERSPICACE ET FANTASTIQUE. UNE FAÇON POÉTIQUEMENT STUPÉFIANTE DE FAIRE LE DEUIL D’UN PÈRE QUI S’EST SUICIDÉ, ALLEZ SAVOIR POURQUOI…
Longue traversée que celle qui consiste à accepter l’inacceptable… Long puzzle que la reconstitution de la vie d’un homme fantasque qui a choisi de vivre en marge du monde et de ses conventions… Pour Claire, le suicide de son père est un choc, une épreuve qui lui met la tête sous l’eau et lui coupe les ailes... Disputant à la rage l’envie de comprendre, elle part sur les traces de ce "proche" nimbé de zones d’ombre et tente, cahin caha, au rythme des révélations glanées çà et là, de s’expliquer cet être pétri de contradictions. Homme de science autant que savant fou, capable de rigueur comme de frasques, ce père casse-cou, tantôt ours tantôt aimant, s'est forgé une libre pensée entre joints et bouteilles, réel et délire. Jusqu’à l’usure et à l’irrémédiable.
Menant une enquête à la fois intime (à travers les histoires familiales étouffées), sociologique (à travers les schémas éducatifs et les réactions qu’elles provoquent) et ethnologique (à travers les croyances, les mythes et les rites funéraires de nombreux peuples), Claire l’ondine ondule à travers les flots d’informations parcellaires qu’elle recueille, éclaircit pièce à pièce une vie fantasque et tumultueuse, ainsi qu’une façon salutaire d’y faire face. Maniant avec sagacité tendresse et humour noir, scènes réelles et hallucinées, elle finit par se frayer un chemin. À l’impasse de son entendement trouve une issue. En mobilisant avec fantaisie la grande chaîne du vivant, au gré des réincarnations et des métempsycoses, elle poétise une vaste écologie imaginaire et, bien consciente de sa vie aquatique et de ses « monstres du lagon noir », opère une sorte d’amniocentèse post mortem qui réunit mondes imaginaire et réel. Jeanne/Claire accomplit ainsi sa grande traversée et, renaissante, sort la tête de l’eau. D’aucuns appellent ça la résilience. Sacrée drôle de cuisine que celle où l’on mange ses morts ! Histoire de réapprendre à nager, à voler, en fin de compte à vivre et à rire aux larmes…
Bornaz
14 > 16 OCT.
Fête du Livre Saint‑Étienne (42) 16 NOV.
Librairie Vivement Dimanche Lyon 4
LES POUMONS PLEINS D’EAU JEANNE BELTANE Éditions des Équateurs (Août 22)
UNE FORÊT MARION BORNAZ & JEANNE BELTANE (2020) uneforet.fr
JEANNE BELTANE
33ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022 LETTRES & RATURES
Marion
©
Marinade d’auberginesasiatique
S’il y en a une qui n’a pas vraiment souffert de la canicule, c’est bien l’aubergine !
Elle qui adore se dorer la pilule au soleil s’est retrouvée dans notre panier tout l’été. Mais avouez qu’après quelques moussakas, ratatouilles et autres caviars, les idées manquent pour cuisiner notre star des beaux jours. Et pourtant ! En deux coups de cuiller à pot et avec un minimum d’ingrédients, on peut sortir du chapeau un plat savoureux aux inspirations… asiatiques. Qui l’eût cru de la part de la reine de la Méditerranée ?
On se lance et on commence par couper les aubergines en 2 ou 4 selon la taille, avant de les glisser dans une poêle. Nul besoin de matière grasse, mais attention à garder un léger fond d'eau. Fais cuire à couvert plus ou moins 10 minutes. Le timing parfait pour préparer la marinade qui nous fera voyager :
mélange huile d’olive, sauce soja, gingembre râpé et le sucre dont on surveillera bien la dissolution pour mettre un point final à la préparation. Les aubergines y feront la planche, 30 minutes minimum. Pas de répit, profites en pour faire cuire du riz ou de la polenta, à la convenance de tes papilles !
Hop là, c'est déjà fini ! À servir chaud ou froid. Dans une assiette, dresse une timbale de riz (ou de polenta) et tes aubergines fondantes. Puis arrose le tout avec le reste de la marinade et décore de quelques brins de coriandre ciselée.
D’une facilité déconcertante, ce plat est un bel adieu à l’aubergine et à l’été.
Mais sèche tes larmes, les légumes d’automne débarquent !
2 BELLES AUBERGINES GINGEMBRE RÂPÉ (3 CM) OU GIMBER (4 CÀS) SAUCE SOJA (3 CÀS) SUCRE BRUN (1 CÀC) HUILE D’OLIVE (6 CÀS) QUELQUES BRINS DE CORIANDRE SEL ET POIVRE
Horizontalement
1. Le gagne pain des guides. 2. Ascètes "déchaussés". Fait fuir. 3. Champagnes drômois. 4. N’a rien d’original. Cri du cœur ? 5. Sans doute preuve de générosité. L’État le fait lourdement. 6. Mets bout à bout. À la mode dans le temps. 7. Y voient enfin clair ! Rendre plus aisé le portage. 8. Élément 201. Passa au brun rougeâtre. Négation. 9. A une sacrée mémoire ! 10. Traitée injustement. Choisissez le bas pour vos emprunts.
Verticalement
A. Fortuit, pas nécessairement malheureux.
B. A fait mal aux KINDERS ! C. Redoutée. Vis. D. Communiqua. Célèbre bossu grec. E. Se complaît dans la vase. Prénom cher aux marxistes latinos. F. Sur la girouette. Oiseux bavard. G. Travaillant sur le trottoir. H. Suites de choix. Petit possessif. I. Pas bon… quand elles sont sombres. Peut marquer l’origine. J. À ne pas confondre avec son homonyme démonstratif. Belle normande qui abrita les antiques Aulerques.
34 ARKUCHI #31 OCT. | NOV. 2022
PAR PONIA DUMONT solutions arkuchi 30
M A I E U T I Q U E E R O S R O U E T C I D P A N A A H A L L U C I N A I A N E E A E D E S M E R R A I N R M A I L E B A L E M I N E N T E U N E S A T I E T E T R I S C R U S jugeote POPOTE(S) PAR CLAIRE BOULET 4 PERSONNES 15 MINUTES 30 MINUTES
Annecy Bonlieu. Bourg-en-Bresse Musée du Brou. Tannerie. Théâtre de Bourg-en-Bresse. Zoom. Bourgoin-Jailleu Les Abattoirs. Brignais Le Briscope. Bron Espace Albert Camus. Ciné Les Alizés. Ferme du Vinatier. Jack Jack. Pôle Pik. Médiathèque de Bron. Université Lyon II. Caluire-et-Cuire Cinéma Le Méliès. Médiathèque B. Pivot. Radiant-Bellevue. Chalon-sur-Saône Espace des Arts. Chassieu Karavan Théâtre. Chazelles-sur-Lyon Musée du Chapeau. Corbas Le Polaris. Dardilly L'Aqueduc. Décines Centre de la Mémoire Arménienne. Le Toboggan. Écully Écully Cinéma. Médiathèque. Feyzin L’Épicerie Moderne. Francheville L’Iris. Givors Médiathèque Max Fouché. Théâtre de Givors. Grigny Médiathèque Léo Ferré. Irigny Le Sémaphore. La Mulatière Aquarium de Lyon. Aux Bons Sauvages. Lyon 1 À Chacun sa tasse. L'Antirouille. À Thou bout d’chant. Archipel Librairie. Art Up Déco. Bar 203. Les Barjaqueurs. Bel Ami. Bloom Vangart. Boîte à café. Bomp ! CAUE Rhône. Clef de Voûte. Condition des Soies. DRAC. Espace 44. Galerie C. Mainguy. Galerie Céline Moine (Le 1111). Galerie Nörka. Galerie Le Réverbère. Halles de la Martinière. Jarring Effects. Kraspek Myzik. La BF15. La Boucherie des Pentes. Le 3e Fleuve. Le Bal des Ardents. Le Bleu du Ciel. Le Livre en Pente. Le Voxx. Les SUBS. Mangiabuono. Manifesta. Mapraa. Médiatone. Mongi Guibane. Musée des Beaux-Arts. Musicalame. Nombril du Monde. Ô Tao Bom. Opéra de Lyon. Original Watt. Radio Canut. Regard Sud. Shalala. Sofa Disques. Sofffa Terreaux. Spacejunk. Théâtre de L’Accessoire. Théâtre Les Clochards Célestes. Technoir. Tikki Records. Traboule Kitchen. Vins Nature. Lyon 2 Archives Municipales. L’Atelier Parfumé. Cave Chez Camille. Centre national de la Danse. Cycles Marchi. Fondation Bullukian. Galerie Autour de l’Image. Galerie Ories. Galerie Slika. Galerie Tatiss. La Cloche. Librairie des Arts. Librairie Expérience. Librairie Gibert. Maison Pochat. MJC Confluence. Mob Hôtel. Musée des Confluences. Musée des Tissus. Périscope. Région A.R.A. Théâtre-Comédie Odéon. Théâtre des Ateliers. Théâtre des Célestins. Théâtre des Marronniers. UCLY. Lyon 3 Archives départementales. Auditorium de Lyon. Boomrang. De L'Autre Côté du Pont. Café du Rhône. Gnome et Rhône. Hooper. Librairie du Tramway. Métropole de Lyon. Poltred. Salle des Rancy. Lyon 4 Agend’arts. Aquarium Ciné Café. Aux Trois Cochons. Bistrot fait sa Broc. Bistrot des Voraces. Bonnesoeurs. Cavavin. Cave Tabareau. Cave Valmy. Chez Robert. Coop du Zèbre. Diable Rouge. Fournil du Boulevard. Fromagerie Galland. Galerie Françoise Besson. Galerie Vrais Rêves. L’Assiette du vin. L'Instant. L'Oiseau sur la branche. La Famille. La Valise d’Élise. Labelalyce and Co. Librairie du Métro. Maison Jolivet. Modern Art Café. Ô Fournil des Artistes. Ô Vins d’anges. Paddy's Corner. Sibilia. Théâtre de la Croix-Rousse. Un Grain dans le Grenier. Villa Gillet. Vivement Dimanche. Lyon 5 Acting’s Studio. CRR de Lyon. CNSMD. École de Cirque Ménival. ENSATT. Espace Gerson. Le Sonic. Librairie Virevolte. LUGDUNUM Musée. La Mi Graine. MJC du Vieux-Lyon. MJC Saint-Just. Musées Gadagne. Théâtre du Point du Jour. Lyon 6 MAC Lyon. Lyon 7 Arts en Scène. Bibliothèque Diderot. Café Pimpon. CHRD. Cinéma Comœdia. COREP. EAC Lyon. École de Condé. ENS. La Commune. Le Court-Circuit. Le Ptit Bouclard. Le Flâneur. Les Fauves. Galerie Tator. HO36 Montesquieu. IEP. Kargo Kult. Librairie La Madeleine. Librairie La Voix aux Chapitres. Librairie Rive Gauche. Librairie Terre des Livres. Livestation DIY. Mama Shelter. Mimo. Mowgli. Ninkasi Kafé. Sofffa Guillotière. Théâtre de L’Élysée. Lyon 8 Institut Lumière. Maison de la Danse. MJC Monplaisir. NTH8. Salle Genton. Lyon 9 Au Bonheur des Ogres. Cave Valmy. Ciné-Duchère. CNSMD. L’Attrape-Couleurs. La 9e Bulle. Les Mangeurs d’Étoiles. Musée Jean Couty. TNG. Mâcon Cave à Musique. Le Théâtre de Mâcon. Musée des Ursulines. Miribel L'Allégro. Mornant Espace Jean Carmet. Neuville-sur-Saône La Maison Jaune. Oullins La Mémo. MJC d’Oullins. Le Syndrome Peter Pan. Théâtre de La Renaissance. Pierre-Bénite Maison du Peuple. Médiathèque E. Triolet. Portes-Lès-Valence Train-Théâtre. Rillieux-la-Pape CCNR. Espace culturel Marcel André. Médiathèque L’Échappée. MJC Ô Totem. Saint-Étienne Cité du Design. La Comédie de Saint-Etienne. Le Fil. Le MAMC. Musée d’Art et d’Industrie. Musée de la Mine. Opéra de Saint-Étienne. Saint-Fons Médiathèque R. Martin du Gard. Théâtre Jean Marais. Saint-Genis-Laval La Mouche. Médiathèque B612. Saint-Priest Cinéma Le Scénario. Médiathèque Fr. Mitterrand. Théâtre Théo Argence. Saint-Vallier Ciné-Galaure. Sainte-Foy-lès-Lyon Ciné-Mourguet. Tassin-la-Demi-Lune Cinéma Le Lem. L'Atrium. Librairie Pleine Lune. MJC Omega. Vaulx-en-Velin C.C. Charlie Chaplin. Cinéma Les Amphis. École d'architecture. ENTPE. Planétarium. Valence Comédie de Valence. Vénissieux Bizarre! C.A.P. Madeleine Lambert. Cinéma Gérard-Philipe. Médiathèque Lucie Aubrac. Théâtre de Vénissieux. Vienne Théâtre de Vienne. Villefontaine Le Vellein. Villefranche-sur-Saône Auditorium. Cinéma Les 400 Coups. Conservatoire. Galerie Le 116art. Librairie des Marais. Musée Paul Dini. Office du Tourisme. Théâtre de Villefranche. Villeurbanne Bieristan. Campus de la Doua. CCO. CCVA. Cinéma Le Zola. Galerie Domus. Galerie L’Atelier du Canal. ENMDAD. ENSSIB. Espace Info. Espace Tonkin. Institut d’art contemporain. IUFM. La MLIS. Le Rize. Le Totem. Pôle Emploi Scènes & Images. Pôle Pixel. Studio 24. Théâtre Astrée. Théâtre de l'Iris. TNP. Toï Toï Le Zinc. Transbordeur. URDLA... Et dans la plupart de vos mairies, médiathèques et bibliothèques, MJCs, espaces de coworking...
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