ARKUCHI #20 Mai 21

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mai 2021

mensuel gratuit

#20

art culture architecture



N 20 .04

Dans Le Rétro… Dans le Viseur

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C DANS L’AIR « La littérature, comme horizon. » Avec Lucie Campos et Pierre Ducrozet Hartmut Schwarzbach©

EXPOS Un musée au chevet de la Terre

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Lettres & Ratures

La Poule Rouge au Lyon BD Festival Dans les eaux marines de Manille, Philippines (2019)

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Street Art by Graphull

Yuri Hopnn

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FORME & FONCTION

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Bain de jouvence au Musée des Tissus

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RÉTROSPECTIVE Derrière les portes closes…

Julian Mommert©

FOKUS

Charlotte Pilat L'échappée surréaliste

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BÊTES DE SCÈNES Ils mettent le paquet !

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arkuchi #20 mai 2021

Popote(s) & Jugeote

contact.arkuchi@orange.fr

Mensuel gratuit Diffusion : plus de 400 lieux Lyon, Métropole & Rhône-Alpes Édité par ArKuchi, 18 rue de Belfort, Lyon 4 Direction de la publication - Rédaction en chef Anne Huguet - 06 13 07 06 97 Secrétariat de rédaction : Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro Claudia Cardoso, Blandine Dauvilaire, Ponia DuMont, Graphull, Émiland Griès, Marco Jéru, Trina Mounier, Nikki Renard, Florence Roux, Gallia Valette-Pilenko Photo de couverture : Charlotte Pilat Publicité : contact.arkuchi@orange.fr 06 13 07 06 97 Conception et mise en page Impression : FOT

Tirage : 10 000 ex. Dépôt légal à parution – ISSN : 2646-8387

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Bêtes de Scènes Euripides Laskaridis

L’Écho de la Fabrique, Les SUBS, Les Célestins, Onéguine, etc.

La rédaction n’est pas responsable des textes et photos publiés qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés.

Abonnement

9 num./an = 30 eur.

BÊTES DE SCÈNES

La Biennale n’attend plus que vous

Rejoignez la communauté ArKuchi

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C’était Mieux Avant

Alan Vega

°


Lyon et Villeurbanne comme terrain de jeu, c’est ce que propose le CAUE en résonance avec l’exposition Territoires Invisibles. À partir du 5 juin, on mène l’enquête sur les traces d’un cinéaste disparu… Sortez et voyagez dans la ville ! caue.fr

On y croit ? La fin du tunnel pour la petite salle

À Thou Bout d’Chant qui rouvre avec une jauge ultra-réduite à 30. Bernard Joyet, Louise Combier, Grimme et peut-être Dimoné. Dès le 29 mai

Fin de saison au Théâtre de la Croix-Rousse et tour de chant inédit pour le crooner Bertrand Belin. rattrapage

19.06

Et de 3 pour Fort en Scènes ! Miossec, du cirque et du Parkour, le grand bal des Chinese Man : ambiance assurée au Fort de Bron ! Un air de fête

Astro

e, Kip Voie lacté arquez la , e u ysiq Emb L’astroph us passionne ? r voyage o v ulie a g ç Thorne : n(s) pour un sin us noirs. o ro iz t r avec Ho l… au cœur des 6 .0 théâtra 6 4> sée

de L’Ély Théâtre

8 > 11.07

Tendance Courez chez Manifesta qui accroche

13 artistes de la Foire AKAA (Also Known As Africa), dont des inédits de Zanele Muholi. Sur rendez-vous. coucou@manifesta-lyon.fr > 16.07

Le duo de chefs Dealer de Cook crée des bombes… en chocolat peintes au beurre de cacao coloré. Chaque mois, un street artiste différent. à venir, Bur. dealerdecook.com Bombes à croquer.

L’enfer, ça existei On dévore les 200 premières pages du dernier polar de Caryl Férey qui nous entraîne au fin fond d’une Sibérie glacée, polluée et corrompue. On s'accroche sur la fin, mais no future pour Gleb, Dasha, Lena et les autres. Guère mieux pour notre monde. Lëd, Caryl Férey Les Arènes (jan. 21)

ArKuchi #20 mai 2021

Joana Schweizer et Zoé Lecorgne ont relancé le projet Les Vestales du 22 mars au 6 mai. Il consistait à improviser une danse chaque matin de 8h39 à 9h, place Saint-Jean, pour entretenir le feu du spectacle vivant !

Samuel Hercule ©

a chaud

derrière le décor

da n se r

L’amour plus fort que la mort. Voilà pour Shakespeare. Et l’essentiel de Ne pas finir comme Roméo & Juliette. La Cordonnerie revoit le drame à l’heure des exclus et des nantis égoïstes. C’est délicat, bouleversant, plein d’humour et d’intelligence.

du côté des invisibles

Ne pas finir comme Roméo & Juliette

dans le rétro...

Par Emmanuelle Babe, Anne Huguet, Trina Mounier, Gallia Valette-Pilenko


... dans le viseur

BLAIS ADILO E N

Mém

oires

trou blée Gale s rie Henr i Cha rtier 19.05 > 19 .06 12 & 13 juin 2021

Y?NOT

Skate art

Superposition s’installe à la Part-Dieu avec Spraying Board. En vente, 60 planches customisées par 15 artistes. Parvati (la seule fille), Agrume, Kalouf, Ememem, Y?not… du beau monde et un pied dans l’art urbain.

flop

On a vu Bâtir de Raphaël Patout. Beaucoup de bruit et de moyens pour rien.

Zep, Sattouf, Bagieu, Berberian, Toulmé… ils en seront ! Lyon BD Festival promet de mettre le bouillonnement du monde en planches. Et même de croquer en direct le défilé de la Biennale. lyonbd.com

Lionel Rault ©

Bulles à gogo

03.06 > 10.07

ZOO ART SHOW

S MIXTE S ur N onne RA ÉC rel : Invité d’h

Gaël M

Visite XXL 3 étages, 140 artistes (dont 20 nouveaux), 150 fresques : ça va piquer les yeux ! Avec Sock, Rast, eL Seed, Seth, Brusk, Kalouf, Loraine, Ares et les autres. Dès le 19 mai et jusqu’à plus soif !

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23.06 >

01.07

ça joue !

Prémonitoire Scénographie impeccable signée Nicolas Boudier pour la fiction pop de Joris Mathieu, En Marge, confinée deux fois en plein élan. Le rire (jaune) pour survivre dans un monde anxiogène ?

Tony Noel ©

ArKuchi #20 mai 2021

26 > 28 mai TNG, Vaise


au chevet

de la planète Par Blandine Dauvilaire

En faisant le choix d’une programmation engagée qui donne à voir le monde et ses quintes de toux, le musée des Confluences fait comme le colibri, il prend sa part du problème et nous invite à faire de même.

H

Musée des Confluences

Lyon 2

museedesconfluences.fr

Makay, un refuge en terre malgache

> 22 aou.I L’oiseau rare, de l’hirondelle au kakapo

> 2 jan. 2022I La terre en héritage, du Néolithique à nous

> 30 jan. 2022I

asard du calendrier, c’est avec une exposition prévue de longue date, mais d’une actualité brûlante, que le musée des Confluences rouvre ses portes. La terre en héritage, du Néolithique à nous dresse un bilan de l’impact humain sur la Terre en 2021. « Le musée a un rôle de vigie, rappelle sa directrice, Hélène Lafont-Couturier. Cette exposition peut être un levier pour faire évoluer les comportements. Elle montre que notre situation actuelle résulte d’un très long processus et d’une accélération au cours du siècle dernier. Il ne s’agit pas d’être alarmiste, mais de comprendre l’évolution depuis le Néolithique, période où débutent l’agriculture, la domestication des animaux, la construction d’un habitat et d’une société qui commence à consommer. La pandémie que nous vivons illustre le fait que la santé animale, humaine et celle des écosystèmes sont liées. » Rendre l’anthropocène*,

Musée des Confluences - Olivier Garcin©

Quetzal resplendissant, Pharomachrus mocinno, famille des trogonidés, Amérique centrale, Mexique

sujet complexe, intelligible par tous et présenter ses répercussions dramatiques, sans accabler les visiteurs, est un exercice d’équilibriste. Pour y arriver, le Musée des Confluences mise sur une scénographie immersive, la beauté des œuvres exposées, le partage de données scientifiques fiables, l’empathie et l’émerveillement. Un subtil mélange que l’on retrouve dans deux autres expositions à l’affiche. Avec ses images panoramiques de canyons spectaculaires et de forêts primaires, sa reconstitution d’un camp de base scientifique et ses bruissements de faune nocturne, Makay, un refuge en terre malgache, nous plonge dans l’ambiance envoûtante de cette région inconnue de Madagascar. Longtemps protégé par son relief, ce massif, l’un des derniers espaces de biodiversité de la planète, est aujourd’hui menacé par l’augmentation des feux de brousse et le besoin de nourriture des populations. Dans un autre genre, L’oiseau rare, de l’hirondelle au kakapo, présente 240 spécimens exceptionnels issus de la collection du musée (la deuxième plus grande collection d’oiseaux en France). Tout en contemplant ces trésors, on découvre qu’une espèce sur huit est désormais menacée d’extinction dans le monde. « Il n’existe pas de solution unique, reprend Hélène LafontCouturier. C’est pourquoi nous donnons des pistes simples pour que chacun à son échelle contribue à améliorer la situation. Les gens doivent repartir du musée avec de l’espoir. » *Nouvelle ère géologique, dans laquelle l’homme est devenu la principale force géophysique de la planète, capable de modifier son environnement. ArKuchi #20 mai 2021

Prêt de DslCollection©

expos Phantom Landscape 2010 Yang Yongliang Chine


rudyricciotti.com museedestissus.fr

P

lantons le décor. Luxueusement installé dans les radicalement novatrices et contemporaines. Le ton est donné : il richissimes hôtels particuliers de Villeroy et de faut réinventer le lieu de fond en combles. la Croix-Laval, construits par un gouverneur et Nouveau rebondissement dans ce scénario plus rocambolesque un conseiller à la Cour des Monnaies de Lyon au qu’une série Netflix : à la mi-janvier, Rudy Ricciotti est désigné XVIIIe siècle, le Musée des Tissus et des Arts lauréat. L’architecte varois signe de par le monde de spectaculaires décoratifs naît en 1863, sous le puissant parrainage réalisations : le MuCEM à Marseille, c’est lui. Lui aussi, la Philharmonie de Potsdam en Allemagne, la Passerelle d’industriels locaux du textile. L’instution culturelle, longtemps florissante, menace de de la Paix à Séoul, le Centre chorégraphique national Par Émiland Griès mettre la clé sous la porte lorsque la CCI de Lyon, sa d’Aix-en-Provence ou encore le Département des arts propriétaire, jette l’éponge en 2015. Le démantèlement de l’Islam au Musée du Louvre. partiel et la vente immobilière sont envisagés, faute de financement Prolifique, fort en gueule, défenseur de la beauté, pourfendeur de et devant le peu d’empressement des pouvoirs politiques locaux et la pensée unique, ce Grand Prix de l’Architecture 2006 est bien nationaux à sauver cette vaste collection de tissus et d’ameublement connu pour ses déclarations homériques et ses saillies dignes d’un historique, pourtant la mieux dotée du monde. Cyrano de Bergerac. Son mantra est parfaitement résumé par le titre Pétitions, bronca d’aficionados devant l’entrée, déclarations de son livre paru en 2013 : L’architecture est un sport de combat ! enflammées des médiatiques Bernard Pivot et Stéphane Bern : Les images de sa proposition architecturale filtrent depuis dans la ferveur populaire semble impuissante à sauver le musée de la presse. Elles dévoilent notamment de gigantesques franges de l’anéantissement. Il est racheté in extremis pour l’euro symbolique béton – son matériau fétiche – tombant du ciel et ondulant sous par la Région Auvergne-Rhône-Alpes, sous l’impulsion de son l’effet d’un abstrait mais vigoureux courant d’air le long de la façade ambitieux nouveau président Laurent Wauquiez. Car l’ambition de verre de la future Tour des Tissus qui redéfinira le site. est bien au rendez-vous, avec l’architecture et la culture en étendard. Il l’a promis, le précieux patrimoine sera respecté, préservé. Mais Une consultation est lancée fin 2019 pour la rénovation du site. on lui fait également confiance pour que cette mise en valeur Une centaine d’équipes de concepteurs se précipitent du monde s’accompagne d’un salutaire bain de jouvence architectural, plein entier, aiguillonnées par un si beau défi. Quatre candidatures de panache et de poésie, qui tranchera avec les sages et cossus européennes sont retenues pour concourir, fortes de leurs références immeubles de la rue de la Charité.

ArKuchi #20 mai 2021

Agence Rudy Ricciotti ©

Du rififi en Presqu’île : le bad boy français de l’architecture débarque pour mettre à mal l’ambiance "calme, luxe et volupté" du très select quartier d’Ainay et ressusciter un des joyaux bien mal en point de la couronne lyonnaise.

FORME & FONCTION

SANS UN PLI


Drôle d’hiver pour les galeries

AnseBertrand, guadeloupe 2018

Lionel Fourneaux - Courtesy Galerie Le Réverbère ©

rétrospective manifesta-lyon.fr galerielereverbere.com galerie-norka.com vraisreves.com galeriedartatelierducanal.com

Seuls lieux culturels ouverts cet hiver, avec les librairies et les bibliothèques, les galeries d’art en ont-elles profité pour augmenter leur fréquentation ? Pas si simple.

Par florence roux

F

in novembre dernier, les galeries – à la fois commerces et lieux de culture – sont autorisées à rouvrir. Après des mois d'annulations et de renoncements, la réouverture fait l’effet d’un bol d’air. Les professionnels s’activent. La fermeture des musées attirera-t-elle entre leurs murs des flots d’assoiffés d’art ? à la galerie Le Réverbère, sur les pentes de la Croix-Rousse, Catherine Dérioz prolonge C’est quoi l’été pour vous ?, exposition des vingt photographes maison, d’Arièle Bonzon à Pierre de Fenoÿl ou William Klein. L’été comme un pied de nez à la grisaille ? « On a trouvé criminel qu’on ne rouvre pas les musées, pointe la galeriste. Cela rompait une dynamique. Nous avons maintenu une fréquentation, mais ralentie. Nous avons même fermé entre Noël et le jour de l’An. Il y a eu un peu plus de monde en janvier-février. » Même sentiment mitigé à Vrais Rêves, qui présente une grande exposition collective – 400 photos, 36 auteurs. On fait des projets, mais « la fréquentation est inférieure à d’habitude, certains habitués redoutant même de passer, par peur de l’épidémie », explique Raymond Viallon, son directeur artistique. Emmanuelle ColUlrich, elle, démultiplie les accrochages de ses artistes urbains, à L’Atelier du Canal (aux Puces), à Fluxus, puis dans une galerie

éphémère à la Croix-Rousse. Elle réalise plutôt « de bons mois avec de bons retours. Et l’impression de faire du bien aux gens… » Quasiment toutes les galeries ont rouvert fin novembre. « Mais on avait besoin de combattre une certaine morosité, se rappelle Céline Melon-Sibille, créatrice de Manifesta. À dix-sept structures, nous avons organisé le dimanche 13 décembre Osez la galerie, une espèce de parcours entre nos lieux. » Résultat : 150 visiteurs par galerie en moyenne. « On a ressenti une grande soif de culture, résume Céline, d’un public pas forcément venu pour acheter mais pour voir et découvrir. » Nörka, photographe et créatrice de la galerie éponyme, présente D’ici-Danse, avec ses photos et celles de Yoshi Omori, puis celles de Christian Poncet. Elle a connu une belle fréquentation cet hiver. « J’ai aimé la solidarité de l’événement, note-t-elle. Ça a aidé certaines personnes à franchir le seuil, puis à revenir. » Chez Tatiss, Béatrice Bréchignac et Sinem Sahin, qui montraient Rongulaire avec vingt-cinq artistes, ont aussi apprécié de « faire connaître la galerie, acteur de l’art contemporain, à un nouveau public ». Le 19 mai, tout le monde rouvre avec de nouvelles expositions avant de proposer les 25 et 26 juin une deuxième édition de Osez les Galeries. À vingt participants.

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Alice Nedelec ©

rétrospective

derrière les portes closes

mystérieuse alchimie qui Entre obligation légale de fait battre les cœurs ont rester fermées au public, manqué cruellement. Marc ordres et contrordres Lainé et son équipe à la qui ont désorganisé les Grand battement - Marie Depoorter Comédie de Valence, artistes plannings des espaces et les systèmes de billetterie, associés en tête, ont été communications officielles particulièrement inventifs. tendant à répandre la peur, Dès le premier confinement, Par Trina Mounier cela fait une grosse année au début de la pandémie, que les salles de spectacles ils ont mis en place des sont restées closes, créations partagées, entraînant désespérance et impossibilité de tout projet. volontiers pluridisciplinaires et participatives, qui ont tissé des L’action de Robin Renucci, président des centres dramatiques liens étroits, faisant sauter le quatrième mur... nationaux, fin octobre 2020, a fait entrer une bouffée d’air : les Enfin, certains lieux ont eu l’idée généreuse de proposer des sorties artistes ont obtenu le droit d’occuper les lieux culturels pour de résidence à des programmateurs et journalistes pour préparer préparer, répéter, enregistrer leurs spectacles. Le réseau des la suite, donner de la visibilité à certains spectacles, éviter qu’ils Scènes Découvertes* a ainsi accueilli en résidence 228 compagnies ne soient écrasés par l’embouteillage de créations prévisible. qui ont pu créer en dimension professionnelle, sans public, hélas. Quelques pépites nous ont véritablement enthousiasmés. Froid Mais ce n’est pas rien. et Biographies d’ombres, deux courtes pièces de Lars Norén par un Beaucoup de salles ont pris les consignes officielles au pied de Collectif 70 déjà très aguerri, brossent un constat radical et glaçant la lettre. C’est le cas de quelques purs et durs, comme le TNG, de l’invasion des mentalités par les thèses de l’extrême-droite. pour qui la représentation n’existe qu’en live devant un vrai Grand battement** révèle Marie Depoorter, dont l’intelligence, la public. Ceux-là ont travaillé, souvent beaucoup, mais portes maîtrise et la sensibilité ont ému et surpris. Enfin, le dernier en closes. D’autres ont fait feu de tout bois, se tournant vers des date, La Chatte sur un toit brûlant, montre le grand talent d’un captations, des courts-métrages, proposant des visites virtuelles, jeune metteur en scène, Benoît Martin, presque un inconnu… Ces des initiations aux métiers du théâtre, jouant à fond la carte du trois spectacles, proposés au Théâtre de l’Élysée et aux Clochards numérique. C’est ce qui s’est passé aux SUBS, au Théâtre du Point Célestes, ont emballé les happy few présents. Le bruit court qu’on du Jour ou au Théâtre des Célestins. les reverra la saison prochaine. Mais l’indispensable interaction avec les spectateurs, cette *Scènes Découvertes soit 8 lieux : À Thou Bout d’Chant, Clochards Célestes, Espace 44, Kraspek Myzik, Le Croiseur, MJC Ménival, Théâtre de L’Élysée, Théâtre des Marronniers. **Reprise en septembre au Théâtre de l'élysée.

ArKuchi #20 mai 2021


Bêtes de scènes

FRAGILES

RETROUVAILLES Cette fois-ci, c’est parti ! Enfin, on fait tout pour y croire ! La sortie quasi simultanée des programmes de la Biennale de la Danse et des Nuits de Fourvière confirme une reprise des activités (presque) normale… Aussi ne faut-il pas bouder notre plaisir de découvrir cette nouvelle mouture d’une Biennale qui n’a cessé de se tricoter et se détricoter au fil des aléas de la crise sanitaire.

Par Gallia Valette-Pilenko

Biennale de la Danse de Lyon

Maison de la Danse, Nuits de Fourvière, Les SUBS, TNP, etc. Lyon & région AuvergneRhône-Alpes 1er au 16 juin biennaledelyon.com nuitsdefourviere.fr

Si

certaines productions internationales ne viendront pas, comme, à notre grand regret, Gold Shower, la pièce de François Chaignaud et Akaji Maro, « parce que les conditions de quarantaine sont extrêmement dures, notamment pour le retour au Japon », d’autres ont été "repêchées". C’est le cas du concert-performance de Camille, mis en scène par l’explosive chorégraphe sudafricaine Robyn Orlin, qui fait l'ouverture. La création qui aurait dû voir le jour à la Philarmonie de Paris se retrouve finalement au théâtre antique de Fourvière, sans le chœur (d’hommes) Phuphuma Love Minus, qu’Orlin avait prévu d’inviter en chair et en os. Le public pourra toutefois les découvrir grâce aux images tournées en Afrique du Sud. Béatrice Horn, conseillère artistique de Dominique Hervieu, la directrice de la Biennale, insiste sur « l’importance de créer. Plus que jamais. Quel que soit le lieu,

corps vivants Bien sûr, il y a les spectacles phare de la Biennale, telle cette première mondiale, Transverse Orientation, du Grec Dimitris Papaioannou. Artiste protéiforme et génial plasticien des corps, il propose des pièces graphiques toujours saisissantes d’étrangeté et de beauté, la condition humaine comme sujet d’étude. Huit danseurs seront sur le plateau pour cette création placée sous le signe des métamorphoses et d’un théâtre dansé très visuel et engagé. Première le 2 juin. Olivier Dubois fait aussi partie des chorégraphes qui agitent les corps et les esprits. Ces pièces, pleines de fragilité et d’humanité, de rage et d’urgence, peuvent déranger, interpeller, émouvoir. Avec Itmahrag et sept performeurs égyptiens, il nous plonge en pleine effervescence du Caire avec une danse sauvage, qui pulse à coup d’autotune et d’électrochaâbi. Explosif et débridé, mais aussi au cordeau avec une partition chorégraphique millimétrée : ça devrait faire un bien fou après une année sous cloche ! De l’électro encore avec le génial Rone qui croise le fer avec (La)Horde, dorénavant aux manettes du Ballet de Marseille. Pour un Room With A View avec quinze danseurs, beaucoup de colère et de fuck, les textes de Damasio et une danse qui ne s’interdit rien. Tentant sur le papier, on demande à voir ! Côté girl power, place aux sept reines du hip hop de Queen Blood, l’émotion en sus (Ousmane Sy n’est plus) ; les cinq amazones de Maduixa, elles, débarquent sur échasses pour un show tout en équilibre et poésie visuelle. Vive la danse, vive la vie ! a.h.

ArKuchi #20 mai 2021


François Stemmer ©

Bêtes de scènes

itmahrag olivier dubois

quelle que soit la configuration. L’important est de créer, de rencontrer le public et de montrer que l’art est nécessaire. Encore davantage aujourd’hui ». L’expérience Fagor, nouveau rendez-vous de cette édition, prend ici tout son sens, événement à la fois gratuit et qui célèbre la jeunesse (comme une sorte de pressentiment que celle-ci souffrirait bien plus cruellement que le reste de la population ?) avec des commandes faites à onze artistes. Ils sont allés, chacun et chacune à leur façon, à la rencontre de la jeunesse métropolitaine lyonnaise, pour explorer ensemble de nouvelles expériences sensibles, certains avec la vidéo, d’autres avec des outils numériques, et d’autres encore avec… des corps en mouvement. Une jolie initiative à souligner ! Mais ce que l’on préfère dans cette programmation, c’est sa radicalité. Pour la première fois dans son histoire, la Biennale ose les points de vue tranchants, engagés, de chorégraphes qui n’ont pas froid aux yeux et expérimentent toutes les extravagances. Ce sera sans doute le cas avec la création de Qudus Onikeku, chorégraphe nigérian qui a fait ses preuves en Europe avant de revenir au pays. Il s’intéresse au courant afro-beat des années soixante-dix et ça va déménager ! Tout comme la pièce de Marlene Monteiro Freitas, s’interrogeant sur le mal, qui aurait dû être créée pour la Biennale – elle a très peu tourné. Ou celle de Euripides Laskaridis : le chorégraphe grec aux airs de gendre idéal, découvert à Lyon lors de son passage à la précédente biennale, développe un univers baroque totalement déjanté en procédant par accumulation (entre autres). On pourra également voir le travail de Flora Détraz, formée au CCN de Rillieux-la-Pape, à l’époque où Maguy Marin avait ouvert une formation d’auteur-interprète. Elle y poursuit ses recherches sur les relations entre voix et mouvement avec la pièce Muyte Maker, une plongée burlesque dans les polyphonies médiévales. Autant de visions du monde qui ouvrent des perspectives et transportent les imaginaires en ces temps de repli sur soi. Une bouffée d’oxygène vivifiante !

ArKuchi #20 mai 2021


fokus

Charlotte Pilat

La vie en rose Par anne huguet

photos Charlotte Pilat

« Mes clichés dévoilent souvent une vie en rose… », écrit-elle sur une note d’intention. Bien vrai que les clichés pop et graphiques de Charlotte Pilat voient la vie en rose, parfois aussi en bleu ou mauve. C’est d’ailleurs ce traitement de la photo, presque irréelle voire fantastique, qui interpelle lorsqu’on découvre son travail. Des paysages bleutés, des décors de vieux films surannés, des portraits de pinups vintage, des façades couleur bonbon, des immeubles bleu électrique, un cactus d’Arizona vieux rose, une montagne mauve… Sans doute "coloré" est-il le premier mot auquel on pense. « C’est vraiment ce qui lie toutes mes photos. » Un certain minimalisme aussi et quelque chose de géométrique dans les lignes. Un reste de son métier de graphiste, sourit-elle. C’est flashy, ça attire l’œil, ça surprend même si, paradoxalement, il y a quelque chose d’inquiétant et une certaine mélancolie dans toutes ces images. Peut-être cela vient-il de l’absence de mouvement voire de vie sur beaucoup de ses photos, qui semblent comme figées pour l’éternité ? « Je suis attirée par les endroits qui sont vides. J’essaie, je crois, de retranscrire une sorte de silence dans mes photos. »


La jeune femme de vingt-huit ans trace une voie très personnelle dans la photographie, retouchant systématiquement toutes ses images. « Sans retouche, j’ai l’impression que la photo ne m’appartient pas vraiment. C’est un peu comme si je faisais des croquis au crayon de papier, explique-t-elle. J’ai besoin de m’approprier ce que je vois, de jouer avec les couleurs, de sublimer la réalité, et de me laisser me surprendre. » Elle revient souvent sur l’importance de sortir de son quotidien et de raconter des histoires : « J’aime créer des ambiances qui s’écartent de la réalité. » Ainsi ces prises de vue en mode shooting avec moodboards* et modèles qui posent. « Je crois ainsi pouvoir tout contrôler ! Les couleurs me permettent de m’amuser à l’infini avec mon environnement et de m’approprier ce qui m’entoure. » Bien sûr, la prise de vue et l’acte de déclencher sont essentiels. Partir en balade, ouvrir les yeux, déclencher à l’instinct, cadrer, trouver le meilleur angle, capter la bonne lumière… Celles naturelles du matin ou celles légèrement teintées de fin de journée. « Avant de me lancer dans la retouche, j’ai besoin de ressentir un vrai potentiel, que la photo brute me parle. » Ensuite gommer, repeindre, accentuer une ambiance, mais au feeling et sans trucage. En repartant de zéro à chaque fois. Ni template ni règle : ça doit rester intuitif. Avec la petite idée (sous-jacente) de ne pas savoir où la photo a été prise, ni le lieu ni l’époque. La photographie pour Charlotte ? « Une obsession, ma cour de récréation, ma respiration. » Depuis ses quinze ans. Elle avoue parfois se forcer à faire des photos. Parce que « déclencher me fait du bien. Cela m’entraîne comme faire du sport ! Je reste dans une dynamique et c’est important pour continuer à créer. » On a pu la voir du côté de Poltred, en décembre à la galerie La Taille de mon âme. Montrer son travail, c’est voir ses photos prendre vie. « A contrario cela te sort de ta zone de confort puisque tu te confrontes aux regards des gens… »

Influences Martin Parr, Erwin Olaf, Romain Laprade, William Eggleston, Edward Hopper, Tom Haugomat, Tim Burton, Jean-Pierre Jeunet *Moodboard ou résumé détaillé, en images, textes, objets et couleurs, des inspirations pour un projet.

Pas de photo sans retouche ...

pilatpilat.com charlottepilat Charlotte-Pilat

La photo ? Une échappatoire. Ma cour de récréation et ma respiration...


Simon Hallström ©

Bêtes de scènes

king size

Théâtre des Célestins theatredescelestins.com

Comédie de Valence comediedevalence.com

Je m’en vais mais l’État demeure

La Mouette

19 > 21 mai

24 > 29 mai

L’Absence de père

King Size

1er > 4 juin

d’un lit l’autre

9 & 10 juin O.V.N.I.

dès le 25 JUIN

31 mai > 3 juin

Ils sortent l’artillerie lourde !

Prouve-le

15 & 16 juin

Électre des bas-fonds

23 JUIN > 3 jui.

Les Célestins de Lyon et la Comédie de Valence viennent de dévoiler leur fin de saison. Avec dix spectacles pour l'un, neuf pour l'autre, ils tentent de rattraper le temps perdu et mettent les bouchées doubles. Ils ont concocté des propositions susceptibles d’attirer (même) les spectateurs qui seraient tentés d’aller juste respirer l’air frais en terrasse. Franchement, ils méritent de réussir leur pari. Florilège.

Par Trina Mounier

Aux Célestins, dès le 24 mai, Je m’en vais mais l’État demeure met en pièces (mais aussi en intégrale) la vie politique française et c’est un régal de rosserie intelligente. Porté par les jeunes de Royal Velours, tous issus de la Comédie-Française, cette série s’intéresse d’aussi près aux primaires de la droite qu’aux gilets jaunes ou à la victoire de Macron (et même à celle de Trump !). Avec une insolence rassérénante. Dans la foulée, et pour la première fois à Lyon, le grand dramaturge allemand Christoph Marthaler présentera King Size, un vaudeville à la manière d’Ionesco agrémenté de couleurs flashy. Profitez-en, il faut l’avoir vu ! Et, bien sûr, celle qu’on attendait fiévreusement : Électre revisitée par Simon Abkarian qui la plonge dans les bas-fonds pour une grande messe populaire à la manière entraînante du Théâtre du Soleil. La pièce, charnelle et généreuse, a été saluée par une pluie de Molières… Plus petit mais grand format, Prouve-le – un prix Célest’1 de l’an dernier bien mérité – est à découvrir pour tout savoir sur les fake news et leur pouvoir de nuisance.

La Comédie de Valence brille de tous ses feux avec les artistes qui font partie de son ensemble artistique, à commencer par Cyril Teste (les veinards !) avec une Mouette très attendue. Où il est question de suicide et d’Œdipe sur un plateau aux dimensions fractionnées et démultipliées par le génie d’un metteur en scène orfèvre de l’image. Lorraine de Sagazan poursuivra l’exploration de Tchekhov avec L’Absence de père, un Platonov tourmenté, puissamment revisité, dépoussiéré, qui nous parle de la famille aujourd’hui. Quant à la très singulière artiste Tünde Deak, il faut la voir mettre en jeu des équilibres impossibles dans l’évocation de la vie de Frida Kahlo, D’un lit l’autre… Enfin, amoureux de Valence, retrouvez-la en compagnie de Marc Lainé et Stephan Zimmerli, comme un O.V.N.I. sur les murs de la ville. Impossible de tous les nommer… Dommage. Ça piaffe dans les files d’attente ! Prenez vos places, avec la réduction des jauges, il n’y en aura pas pour tout le monde.

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Bêtes de scènes

Crime et passion

Dans La Chambre bleue, Georges Simenon décrit, à travers une enquête passionnelle, toute la société alentour, petites gens, policiers, machine judiciaire. Il dépeint comment la vie privée est salie, étalée au grand jour, piétinée. Le Collectif In Vitro raconte cette sombre histoire à sa façon. Prenant pour décor la Cité ouvrière Berliet, Éric Charon et sa troupe prévoient d’emmener le public dans une déambulation qui va à la fois faire découvrir les vestiges d’un monde disparu et, progressivement, résoudre pas à pas l’énigme de Série noire. Un buffet sera offert aux enquêteurs amateurs à l’issue du spectacle ! T.M. 4 & 5 juinI Théâtre Théo Argence Saint-Priest

Cluedo dansé

Le Polaris boucle sa saison d’incertitude dans le mystère, mais sur un mode joyeux avec Denis Plassard et ses six interprètes de Dans le détail. Le spectacle, créé en 2019 à Annecy, propose aux spectateurs de trouver le (ou la) coupable après la disparition d’un homme. Façon Cluedo, mais dansé. Sept chorégraphies reconstituent une scène de délit où il faut dénicher les indices dans les gestes. C’est ludique et rythmé, comme Plassard aime le faire, et délicieux de se faire manipuler. Un aveu d’amour à la danse, pour sûr. F.R. 5 juinI Le Polaris Corbas

Aux portes de la folie

Le Ballet de l’Opéra de Lyon reprend la pièceculte de Peeping Tom, 31 rue Vandenbranden pour notre plus grand plaisir. Inspirée de La ballade de Narayama, elle déploie son inquiétante étrangeté dans une atmosphère enneigée et battue par les vents. Corps désarticulés, courses effrénées et élans contrôlés composent une partition qui emporte le public aux confins de son imaginaire. D’autant que les interprètes du Ballet excellent à ce jeu entre théâtralité et virtuosité, glissant dans les personnages au gré des courants (contraires) et des humeurs. G.V.P.

10 & 13 juinI Opéra de Lyon 18 & 19 juinI MC2 Grenoble

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poésie sous casque Pascal Victor ©

EN APARTÉ

Onéguine

Par trina mounier

Enfin ! Jean Bellorini va pouvoir, en real life, offrir à son public une de ses plus belles créations, Onéguine, d’après le long roman en vers que Pouchkine mit dix ans à écrire. Après avoir été annulée, la voilà programmée pour trois semaines en juin. Disons-le tout net : c’est un bijou tant ce spectacle est ciselé et subtil. La traduction d’André Markowicz lui confère une vivacité, un humour, une modernité tels qu’on s’attache à ce héros introverti, narcissique, qui gâche la première partie de sa vie à passer à côté de l’amour, puis la seconde à s’en désoler. Le traducteur, qui est d’abord poète, sait comme personne faire parler l’âme russe, la rendre chatoyante et ensorcelante, nous faire frissonner sous le givre, nous perdre dans les forêts immenses… Le metteur en scène met tout le monde sous casque, acteurs et spectateurs. Grâce à une sophistication technique digne de Simon McBurney, mais signée ici Sébastien Trouvé – qui sait entrelacer musique de son cru et opéra de Tchaïkovski –, il s’immisce dans nos oreilles : les bouchons de champagne sautent, les traîneaux glissent, les chevaux hennissent, le vent siffle. Les voix mais aussi le décor, la musique nous parviennent au plus intime, directement dans notre boîte à images. Devant nos yeux, les comédiens se jouent des facéties du texte, lui rendant tout son sel et portant haut la complicité du public avec les artistes, comme des TNP conteurs. Villeurbanne Dépêchez-vous de réserver ! La pièce se joue dans 3 > 26 juin tnp-villeurbanne.com la petite salle Jean Bouise, en jauge réduite…


Par Trina Mounier

En s’emparant de ce morceau de notre histoire commune que constitue la révolte des canuts, François Hien change de territoire. Celui qui aime analyser, décortiquer les occasions de conflits dans nos sociétés contemporaines pour mieux faire apparaître les possibilités de dialogue, tourne son regard vers le passé. Il embarque avec lui des dizaines de gens pour, ensemble, comprendre comment tout cela s’est passé, voilà presque deux siècles. Mieux, il les mobilise durant deux ans autour d’une grande fresque historique, théâtrale et chantée, mêlant sans hiérarchie professionnels et amateurs. Parmi ces derniers, des élèves de lycées professionnels, des universitaires de haut vol, des ouvriers, des gilets jaunes, des artistes, ravis de participer. Il arrive même à s’attirer le soutien de l’Opéra de Lyon, du Théâtre des Célestins, du Musée de l’Imprimerie comme d’ATD Quart Monde… Bref, il fait le buzz. À y regarder de plus près, le bonhomme est dans son élément. Son point de départ, c’est le journal des luttes que créèrent des canuts de 1831 à 1834, L’Écho de la fabrique, témoin de la naissance de la presse ouvrière. « Tout est participatif dans ce spectacle, nous confie l’auteur-metteur en scène. Comme les canuts se sont découverts journalistes, nos amateurs se sont trouvé des talents d’historiens, de chanteurs, de scénographes. Les uns comme les autres se sont appropriés ce à quoi ils n’avaient pas accès. Et pourtant aucune de mes créations n’a été plus personnelle que ces Échos de la fabrique. Je suis plutôt un adepte de la conciliation. Or, cette pièce, au final, est Échos de la fabrique assez radicale et me Théâtre de la Renaissance prend à contre-pied, Oullins j’en suis le premier 27 > 29 mai troublé. » theatredelarenaissance.com

Les SUBS ©

Bêtes de scènes

À LA LUTTE alexander vanthournout sous la tornade

Ouragan sous tornade Par Anne Huguet

Les SUBS n’ont jamais plié et sont restées en mouvement. Depuis des mois. Annulant, reportant, reprogrammant, toujours pleines d’espoir en de jours meilleurs. Le lieu est resté ouvert aux artistes qui sont venus travailler, répéter, créer. On pense au beau projet Sans Soleil du collectif Puce Moment, présenté en mars dernier : la présence magnétique de Vania Vaneau prend aux tripes et sublime ce voyage à la frontière du sacré. Fin avril, La Tornade a été inaugurée sous la verrière : la monumentale installation de papier est en place et se balance au-dessus des têtes. Jeu de lumières, d’ombres et de contrastes. Le plieur de papier Alexis Mérat et la scénographe-plasticienne Domitille Martin ont œuvré plusieurs semaines pour donner corps et vie à ces tourbillons de papier sculptés. Il a fallu (à plusieurs mains, on se doute) découper, plier, froisser, modeler quelque 4 000  m2 de papier ! Et maintenant, place au spectacle vivant. Jusqu’à fin septembre, un certain nombre de performances in situ et d’artistes joueront sous cet écrin protéiforme. Rébecca Chaillon, jamais venue à Lyon, lancera les hostilités avec sa comparse Mélanie Martinez Llense. Ces deux X-woMen Dépressions radicales et subversives n’ont peur de rien ; ça va rugir et Les SUBS Lyon 1 se déchaîner, sans fard, sans tabou et sans limite. 20 > 22 mai

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SUICIDE Suicide Red Star Records (1977) Suicide (Second Album) Mute Records/ZE (1980) ALAN VEGA Alan Vega Celluloïd (1980) Collision Drive Celluloïd/Vogue (1981) Mutator Sacred Bones Records (2021)

Alan Vega, Conversation avec un Indien Alexandre Breton Le Texte Vivant (2013)

CONSTELLATION

VEGA

Alan Vega (1938-2016), chanteur et artiste protéiforme, est un pionnier de la musique électro-punk. Avec son groupe Suicide, il incarne le son du New York des 80’s, mêlant poésie et chaos. Son influence est manifeste chez des groupes aussi divers que Depeche Mode, Soft Cell, DAF, Einstürzende Neubauten.

Par Nikki Renard

P

our beaucoup de gamins comme moi dans les années quatre-vingt, Jukebox Baby est la porte d’entrée dans l’univers de Vega. À contre-courant de la new wave et de ce qui s’écoute alors, ce titre speedé rockabilly est hypnotique. La dégaine, le chant sauvage et rebelle de cet Elvis sous acide sont captivants. Je passe des heures chez les disquaires à écouter du son et, sur les conseils de mes aînés, je découvre Suicide. C’est un choc, une déflagration tant ce disque sent le soufre, la violence de la rue, le sexe, la mort. Je ne comprends pas tout mais ce que j’entends ressemble à l’Enfer. Un morceau comme Frankie Teardrop me met les nerfs à vif. Les cris et halètements du chanteur décrivent une scène d’horreur où un homme tue femme et enfant avant de se donner la mort : une agonie épileptique. Plus tard, Vega claque la porte de sa maison de disques qui veut le restreindre au seul rock’n’roll de ses deux premiers disques solo. Sans compromission, ne cédant

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jamais au commercial, il est un artiste libre et intègre, sans cesse en recherche dans son laboratoire foutraque où se mêlent électronique, free-jazz et sons urbains. « J’aurais pu gagner beaucoup plus d’argent, mais je suis ce que j’ai décidé d’être. » La poésie de Vega, scandée de punchlines provocantes et acerbes, me secoue les tripes. A contrario, sa voix peut aussi se faire sensuelle, ainsi sur Surrender ses feulements de crooner donnent le grand frisson. Alan est un Indien, un ange perdu sans ailes, capable du pire comme du meilleur, à l’image de ses prestations scéniques. Tel cet unique et mémorable concert (7 décembre 1996) aux Transmusicales de Rennes, sous le nom de Cubist Blues, avec Alex Chilton et Ben Vaughn. Forcément, lorsque trois figures de la musique décident d’unir leurs efforts et d’enregistrer en deux jours un album, le résultat ne peut être qu’à la hauteur ! Blues mutant, rock erratique, ambiances enfumées, guitares déchirées, claviers affolés et voix de crooner désœuvré : une leçon de classe et de savoir-faire. À l’heure où sort l’album posthume Mutator, je sais pertinemment que l’étoile Vega brillera encore longtemps.

c’était mieux avant

℗ & © Saturn Strip, ltd - design by Michael Handis

pochette de l'album mutator


c dans l’air

Littérature Live Festival

L’horizon vivant des écrivains Du 25 au 30 mai, la Villa Gillet organise le Littérature Live Festival. À la suite des Assises internationales du roman, il accueille des écrivains d’ici et d’ailleurs, présents ou à distance. Parole à Lucie Campos, directrice, et Pierre Ducrozet, auteur du roman Le Grand Vertige.

Par florence roux

Littérature Live Festival

Villa Gillet et divers lieux Lyon & région 25 au 30 mai Écrire l’Égypte aujourd’hui

L’an dernier, vous avez maintenu les Assises pour “ne pas faire silence”. Quel est le défi du Littérature Live Festival ? Lucie Campos Aujourd’hui, il s’agit plutôt de redonner de la vie et de la présence aux auteurs et au public. Nous n’en pouvons plus de ne voir que des écrans ! Son titre est un peu provocateur, mais il reste bien le festival international de littérature de Lyon et de la région. Cet autre nom marque juste la grande singularité de 2021 : on ne peut pas faire comme si de rien n’était. Nous verrons ensuite comment il s’appellera. Le mot "live" – qui est dans le dictionnaire français ! – nomme donc un rapport au public en vie et en présence des écrivains, autant que possible. Plus de 50 % d’entre eux viendront. En abandonnant l’ancien titre, nous allons aussi vers la littérature sous toutes ses formes. La littérature, comme horizon. Et, si le titre doit être prononçable dans toutes les langues, il reste cet accent aigu, très français, sur le mot littérature.

Iman Mersal, Ève de Dampierre, Richard Jacquemond 27 mai À quoi sert un festival de

un travail solitaire. Cette rencontre est hyper importante, l’échange, vital. Cela m’a manqué quand Le grand vertige est sorti en août dernier ! L.C. Cette incarnation d’un texte dans le corps et la voix

d’un écrivain, c’est une des forces du festival. On apporte aussi au public un regard sur les mondes des écrivains, on les fait se frotter entre eux dans des dialogues, comme celui de Pierre Ducrozet, écrivain français qui habite en Espagne et qui a sillonné le monde, et de Julián Fuks, écrivain brésilien. Enfin, ce temps-là permet de redire l’importance des mots, d’interroger leur justesse. Quand un membre du public interpelle un écrivain sur une phrase, l’attention se resserre soudain, à travers la littérature, sur la vraie valeur des mots. Ce travail du festival démarre dès septembre avec des collégiens et des lycéens de la région qui travaillent avec, ou sur, des auteurs…

J’ai hâte d’entendre résonner les voix du monde

Comme avec vous Pierre Ducrozet ... Lucie Campos P.D. Pour la deuxième année, j’ai mené un travail d’écriture Grand entretien littérature ? avec Asli Erdoğan Pierre Ducrozet Ce qui me touche le plus dans un collective avec dix classes de collégiens de la métropole 29 mai festival, c’est d’incarner mon texte dans des lectures, de Lyon. Sur le modèle du cadavre exquis, j’ai proposé à de porter ce que j’écris d’une autre manière. J’aime la l’automne un début de texte, en lien avec l’écologie, que villagillet.net rencontre physique avec les lecteurs. On est souvent dans chaque classe poursuivait tour à tour. Puis nous avons

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c dans l’air

Le Grand Vertige

Pierre Ducrozet Actes Sud août 2020

réussi à nous rencontrer en janvier et nous finalisons onze nouvelles pendant le festival. J’apprends vraiment de ces rencontres-là. En janvier, je suis revenu de la semaine de rencontres ému par leur regard, leur parole sur l’état du monde. En dehors du travail avec les élèves, quel est le programme ? L.C. Le festival démarre le mardi 25 mai par un débat de professionnels du livre sur La littérature internationale, ici et maintenant. Le mercredi, il se déploie dans la ville et la région par des lectures et des rencontres en librairies. Il y aura aussi des ateliers de traduction pour les lycéens et étudiants. Puis nous accueillons des entretiens avec un auteur et des dialogues entre deux écrivains, un français/un étranger, dans le petit théâtre de la Villa (avec une jauge à 35 %). Les Français seront présents, les étrangers, si possible, sinon à distance. Nous les invitons à dialoguer sur les ressorts de leur écriture et des thèmes qui orientent leur œuvre : nos folies contemporaines, l’écriture de l’histoire au présent, le changement climatique, les identités ou le regard féminin. J’ai hâte de voir la Villa pleine d’écrivains et de publics et d’entendre résonner les voix du monde. P.D. On ne sait jamais comment les livres vont être reçus, pas toujours là où on les attend. Grâce à ces dialogues avec les lecteurs, je reviens souvent d’un festival plein d’idées et d’élan. Cela relance aussi pour la suite, dans d’autres directions. Actuellement, j’écris un roman sur l’histoire du XXe siècle et de la musique. Et j’ai commencé à travailler avec Cyril Dion à l’adaptation au cinéma du roman Le Grand Vertige.

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lettres & ratures

Expo-vente Sérigraphie (dans le cadre du Lyon BD Festival)

Galerie des Terreaux Lyon 1 8 > 13 juin lyonbd.com Carlos Olmo - Rocco et ses frères

BRULEX - les NUKAK

La Poule rouge jette l'encre Parce que les lettres commencent avec les traits, mettons la littérature entre parenthèses pour (re)découvrir à travers de grands illustrateurs la galerie des Terreaux. Ce bel espace couvert, trop rarement investi, accueille, dans le cadre de Lyon BD Festival, une riche exposition de sérigraphie organisée par La Poule Rouge. Christophe Coharde, son fondateur, nous la présente…

Par marco jéru

Notre première collection s’intitule Révolté-e-s Rebelles et Hors la Loi. Suite à la lecture du livre Les Bandits de l’historien Eric Hobsbawm, j’ai voulu faire une collection d’affiches en sérigraphie sur l’histoire mouvementée du "banditisme social". Une histoire dont les grandes figures incarnent, au-delà des faits de délinquance et des légendes populaires qu’elles sont devenues, celles des grands mouvements sociaux et des révoltes politiques ». Soit en somme l’Histoire humaine (avec sa grande hache), faite de luttes communautaires pour défendre des modes de vie, de luttes pour une plus grande justice sociale… Autant de mobiles valables pour civilement désobéir et porter la collection à une trentaine de portraits. Comme pour apporter un prolongement anthropologique à cette première collection, la deuxième, Peuples autochtones, s’ancre quant à elle dans le texte de Pierre Clastres La Société contre l’État. En cours d’élaboration, elle a pour sujet plus de vingt-cinq peuples indigènes de par le monde, des Awá d’Amazonie aux Aborigènes d’Australie en passant par nombre de peuples disparus. « J’avais envie de raconter leur histoire qui est aussi la nôtre, en cela qu’elle recoupe la découverte du monde, la colonisation, la multiplicité

des cultures, le capitalisme, l’écologie, la botanique, l’art… autant d’enjeux pour notre futur. » Outre "ses" artistes, La Poule Rouge, qui nourrit aussi l'ambition de contribuer à une éducation populaire de qualité à la croisée des savoirs (arts, sciences, sciences humaines, histoire, économie…), exposera également le travail d’autres éditeurs-sérigraphes : L’Arbre à Bouteille, Epox et Botox, Galactica, Dernière Chance, la Vitrine Flow, Phileas Dog, Brulex, Emre Orhun, Ludivine Stock, Jean-Luc Navette, Eric Feres, Ivan Brun, Carlos Olmo, Papyart, Delamort, Renaud Thomas... Soit 150 sérigraphies exposées, les dessinateurs Raùl Ariño et Thierry Guitard étant présents en fin de semaine pour signer des tirages en sérigraphie et dédicacer leurs livres. « Il ne s’est rien passé depuis un moment, précise Christophe. Plus de Rue de la Sérigraphie*, pas de Salon de la micro-édition… Alors qu’il y a un paquet d’excellents ateliers dans la région. J’avais envie de réunir une belle brochette d’ateliers et d’artistes qui exploitent l’impression en sérigraphie. J’aurais aimé en inviter plus... Si on me confie 1000 m2 ou plus à décorer, je prends. » Avis aux mécènes… En attendant, un, deux, trois, soleil à la galerie !

*27 juin, place de la Croix-Rousse. Date à confirmer.

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Par graphull

Après avoir vécu à Florence et Rome, Yuri Hopnn pose ses valises à Lyon. L’artiste utilise le pinceau pour des œuvres toutes de rouge et de blanc qu’il peint à même le mur ou sur des papiers collés. Dans un style naïf, il brosse un univers aussi poétique que festif, souvent fait d’emprunts au monde du cirque. Dans cette œuvre, il complète le dessin d’un anonyme représentant une antilope pour offrir une grandiose scène de la vie préhistorique. Oullins

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street art

Yuri Hopnn


Par Ponia DuMont

VERTICALEMENT

A. Formulerais. Cause toujours. B. Apporteront quelque fraîcheur. C. Révoqua. "Repose-tête"… tout froissé ! D. De l’auxiliaire. Trahis. E. Propre aux ânes. F. Généralement coupable de trouble(s). Outil de dessinateur. G. De vin ou de… bonheur ? Utile au laboureur. H. Réduira à rien. I. Ferai monter la roture. J. Cardinal… défroqué. Cours d’eau noir.

ArKuchi #20

mai 2021

SO L I T T AU L A US T E N P I S AN E S L E F P E R AMA S I ON I T R EMP S T R I E

1 échalote ¼ de botte de menthe Huile d’olive, sel, poivre

(du bon !)

4 filets de maquereau 600 g de petits pois frais 1 concombre 1 pomme Granny Smith 1 citron 40 g de pistaches 225 g de beurre 40 cl de vin blanc

20 minutes

4 personnes

Par claudia cardoso

On ne va pas se mentir : notre moral s´est fait la malle il y a plus d’un an. Déjà que la vie était dure, la voilà devenue ennuyeuse… En attendant de voir le rideau se lever sur ce beau théâtre qu’est la vie, faisons-nous du bien, là, sur le feu ! Trouve vite une casserole pour réduire de moitié le vin blanc à feu doux. Taille en cubes le concombre, la pomme et l’échalote. On arrose ce joli petit monde d’un trait d’huile d’olive, de jus de citron, de fleur de sel, de poivre et de menthe fraîchement hachée. Les petits pois s’endiablent dans un grand volume d’eau bouillante salée. Et pour qu’ils restent croquants, plonge-les dans un saladier rempli d’eau glacée. Continue à conjurer le sort, en transformant en purée environ 100 g de petits pois, un peu d’eau de cuisson et quelques noix de beurre. Le vert porte bonheur ! Dans une poêle fumante légèrement huilée, cuis les filets de maquereau côté peau. Une fois dorés, retourne-les quelques secondes. Tu as la grimace coriace, toi ! Je sais ! Retire du feu le vin et donnelui de l’amour, euh, du beurre ! Doucement, on ajoute l’équivalent de 200 g. Remue et surtout profite du spectacle. Enfin tu souris, moi aussi. Dans l’assiette : un fond de purée, les petits pois, les pommes et les concombres en dés, le poisson et quelques pistaches concassées. Quand tout fout le camp, gardons le sourire et un bon coup de fourchette… Ça aide !

petit pois-sons

Douceur de

popote(s)

jugeote

HORIZONTALEMENT

1. Sortie avec bonheur de la pandémie. 2. Terrible pour les Russes. Gouffres visitables. 3. Objet de privation ces derniers mois. 4. De plus en plus lourds à porter. Abrégé de secrétariat. 5. La vie n’y fut guère "douce" depuis un an !... Dans cet ordre, refusé par l’arbitre. 6. Personnel qui réfléchit. Superflu peut-être ? 7. Enlever violemment. Terre de potier. 8. Bonne à manger… ou à duper ! Un fromage suisse. 9. Conduira au Tribunal. 10. Temps des blés d’or. Lourdauds et solutions grossiers. arkuchi 19

A I R R D S I L OU T T E R E T E S T E S ONS R A

T U OS

E P E I S T E S

S I S E

E




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