ARKUCHI numéro 04 - Décembre 18 / Janvier 19

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mensuel gratuit

DEC. 2018 JAN. 2019

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Invité du mois Théo Haggaï

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Bêtes de scènes Parcours spectacle vivant

À LA MOULINETTE .09

pour explorer les êtres

JULIETTE RIZOUD

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Déambulations Musiques BÊTES DE SCÈNES .11

À L’AFFICHE .22

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HOFESH SHECHTER

IAC

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Une danse sans concession

20 sur Vin El Bar des Halles Déambulations Arts Visuels Lettres & Ratures

40 ans d'explorations artistiques

L'ArKuchi du mois Cuisine-moi... La Moule Cogite-toi contact.arkuchi@orange.fr arkuchi.com (en construction) Déc. 2018 / Jan. 2019 n°04 Mensuel gratuit Lyon, métropole & Rhône-Alpes Tirage : 12 000 ex. Directiondelapublication-Rédactionenchef Anne Huguet - 06 13 07 06 97 Secrétariat de rédaction Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro Valie Artaud, Romain Berthault, Jérôme Bertin, Jeanne Brousse, Lucie Diondet, Ponia DuMont, Émiland Griès, Marco Jéru, Trina Mounier, Enna Pator, Nikki Renard, Florence Roux, SoFi, Gallia Valette-Pilenko, Nans Vincent Illustration de couverture Théo Haggaï Conception et mise en page Impression : IPS I.S.S.N : 2646-8387

BÊTES DE SCÈNES .13

ÉTIENNE GAUDILLÈRE WikiLeaks, un récit palpitant

Quel Shakespeare êtes-vous ?

FORME & FONCTION

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.30

MUSÉE DES CONFLUENCES Embrasser la diversité

.18

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RENDEZ-VOUS .06

C’ÉTAIT MIEUX AVANT .29

THE GUN CLUB

lUGDUNUM DOWNTOWN Lyon prend de la hauteur

Cultissime et méconnu

fokus

THÉO HAGGAï Je rêve pour m’épargner

Adresse administrative La Hêtraie - 5 impasse des Sources 69390 Vernaison - arkuchi@orange.fr Adresse rédaction 18 rue Belfort - 69004 Lyon

La rédaction n’est pas responsable des textes et photos publiés qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés.

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Walid Boo©

Pour les humains - collège maurice scève lyon 4e 3

.14 numéro 04 - déc. 2018 I jan. 2019

Dominique Perrault Architecte - ADAGP - Archi Graphi©

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Manon Valentin©

dec.18 / jan.19

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TATIANA FROLOVA Des spectacles

sommaire

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carte blanche


carte blanche

Mon bras se prolonge dans celui de la personne qui est à côté de moi, ma pensée est l’apanage de l’humanité toute entière, nous ne sommes pas distincts les uns des autres !

Des spectacles pour explorer

les êtres Trad. Bleuenn Isambard

Le public a découvert le travail engagé de cette auteur et metteuse en scène russe grâce aux Célestins. Depuis Je suis, Tatiana Frolova fait partie des artistes que le théâtre soutient et accompagne. Elle a créé fin 2017 Je n’ai pas encore commencé à vivre au festival Sens Interdits, pièce coup de poing qu’elle reprend avec ses compagnons du Théâtre KnAM. À fleur de peau...

Théâtre des Célestins Je n’ai pas encore commencé à vivre de Tatiana Frolova 27 novembre au 12 décembre theatredescelestins.com Manon Valentin©

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Alexey Blazhin©

Par Florence Roux


* Se dit d'un groupe ethnique installé depuis relativement peu de temps sur un territoire et présentant encore des caractères raciaux ou ethniques qui le distinguent de la population autochtone.

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carte blanche

Je ne sais pas qui je suis. Cela fait 57 ans que j’essaye de le comprendre. Une metteuse en scène ? La fondatrice du premier théâtre privé en URSS ? Une femme de ménage ? Une habitante de ma ville natale aux confins de l’Eurasie ? Une enseignante ? Qui suisje sans ces étiquettes ? Une petite fille effarouchée me regarde dans presque toutes mes photos d’enfance... Je ressens cette peur, transmise dans mes cellules par ma maman, par mes grandsmères et mes grands-pères. Leur terreur hurle en moi à la vue d’un uniforme, des coups forts frappés à la porte me font sursauter, je suis effrayée et attirée par les barreaux aux fenêtres... Je tente de comprendre comment cette terreur allogène* s’impose à moi et me constitue ; c’est comme ça que naissent mes spectacles : ils sont comme de petites explorations autour de la question "Qui suis-je" ? Ce dont je suis sûre, c’est que je suis un être de sexe féminin, une "demi-personne" dans un pays masculin, quelqu’un qu’on ne peut pas prendre au sérieux, sinon, ça ferait longtemps qu’on m’aurait empêchée de faire ce que je fais. Un vieux dicton russe dit : « Un poulet n’est pas un oiseau, une bonne femme n’est pas une personne ». Pour une femme metteuse en scène, c’est la même chose... Et c’est une vraie chance pour moi : en quoi puis-je être dangereuse ? Et en quoi le plus petit théâtre de Russie, avec ses 26 places, pourrait nuire aux détenteurs du pouvoir ? D’autant plus, et c’est le plus drôle, qu’il ne se trouve ni à Moscou ni à Saint-Pétersbourg, mais loin, dans "le trou du cul du monde", à Komsomolsk-sur-Amour, cette ville construite sur ordre de Staline en 1932 par des prisonniers du goulag parfaitement innocents. Je suis dans leur lignée, dans la continuation de leur prouesse insensée. Je continue à croire que le théâtre est nécessaire aux hommes, et à vivre avec l’idée que seul l’art peut les relier les uns aux autres, contrairement à la politique qui ne peut que nous diviser, nous tous, si différents et en même temps si fragiles et tous pareillement souffrants, à chaque coin de la planète. Mon rêve est de faire en sorte que les gens n’écoutent plus les politiques, du moins plus avec le même sérieux. Alors ils ne pourront plus nous diviser. Mon bras se prolonge dans celui de la personne qui est à côté de moi, ma pensée est l’apanage de l’humanité toute entière, nous ne sommes pas distincts les uns des autres ! C’est cette idée qui me Théâtre KnAM Je n'ai pas encore commencé à vivre donne la force de continuer à faire mon petit théâtre libre aux confins de la civilisation, à six heures de bus de la grande ville la plus proche, non loin du Japon. Continuer... Même lorsqu’il n’y a que trois spectateurs dans la salle (c’est déjà arrivé au cours des trente-trois années d’existence du Théâtre KnAM), ça vaut la peine de jouer le spectacle. Parce que ce ne sont pas seulement trois personnes, ce sont trois UNIVERS infinis... Et quant à ce qui nous motive et nous pousse, il ne s’agit pas seulement des réflexions de six personnes qui créent un spectacle, c’est une véritable force physique, capable de modifier tout l’espace autour...


rendez-vous

Hugo Pratt, lignes d’horizons Jusqu’au 24 mars 2019 Yokainoshima, esprits du Japon Jusqu’au 25 août 2019 Fêtes himalayennes, les derniers Kalash Jusqu’au 1er décembre 2019 Coléoptères, insectes extraordinaires 21 décembre au 28 juin 2020 museedesconfluences.fr

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Voilà un catalogue "d’expo" qui a des chances d’être lu par tous, et pas juste remisé au rayon des beaux livres du salon. Pour l’exposition Fêtes himalayennes, les derniers Kalash, le Musée des Confluences a demandé à Hubert Maury (auteur de Le pays des Purs, 2017) de dessiner l’histoire d’un trio magique : Viviane Nègre, Jean-Yves Loude et Hervé Nègre, deux ethnologues et un photographe, qui sont à l’origine de l’exposition et également les auteurs de l’album. En août 1976, ils découvrent le pays Kalash, au nord-ouest du Pakistan, dans trois vallées de l’Himalaya. Bouleversés, ils consacreront quinze années d’études à ce peuple de 3000 âmes, qui pratique le chamanisme. Dans leurs pas, l’exposition s’appuie justement sur les milliers de photographies, films, enregistrements sonores, dessins, objets qu’ils ont rapportés de leurs périples et donnés au musée. Avec leur concours, la présentation s’attache à décrire le quotidien des Kalash, au rythme des saisons et d’une intense spiritualité. F.R. Fêtes himalayennes, les derniers Kalash (BD) Coédition : Musée des Confluences/La Boîte à Bulles Disponible en librairie dès le 2 janvier (18 eur.)

Pascal Goet©

Les derniers Kalash et le trio magique

Mistro, extrait de la série "Mask & totem" - 2017

musée des confluences

Embrasser la diversité

Hervé Nègre©

Par Florence Roux

Berger dans les hauts-pâturages à 4 000 m, à proximité de la frontière afghane musée des Confluences

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Le Musée des Confluences a transformé l'éclectisme foisonnant d’un musée d’histoire naturelle en un lieu où une armée d’experts et de conteurs donnent du sens à la diversité... Rendez-vous en 2019 dans les salles d’exposition et à l’auditorium.

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rendez-vous

É

trange implantation pour un musée que cette bande de terre qui va s’amenuisant entre le Rhône, la Saône et l’A7... Pourtant, le "Nuage de Cristal", dessiné par l’agence autrichienne Coop Himmelb(l)au, s’est imposé à l’entrée sud de Lyon depuis son ouverture en décembre 2014. Son allure étrange dans un paysage de bric et de broc dit, à sa manière poétique, tout l’éclectisme des collections des Confluences, issues de l’ancien musée d’histoire naturelle de la ville. « Notre collection compte 2,2 millions de pièces diverses, des perles magiques jusqu’à l’énorme baleine que nous exposerons à nouveau en mars, explique Merja Laukia, directrice des collections et des expositions. Ce squelette de rorqual commun était l’un des fleurons de l’ancien Musée Guimet. » Restaurée, “re-soclée”, la bête de 17 mètres de long sera installée, « dans une posture dynamique », au fil du parcours permanent.

donner du sens à notre collection en racontant des histoires Merja Laukia Directrice des collections et expositions

En quatre expositions, ce cabinet des curiosités raconte les origines et le devenir des êtres humains, la variété de leurs cultures comme leur place dans le vivant. Il croise les disciplines et les regards pour faire parler les pièces, espèces, organes, spécimens ou autres vêtements, bijoux, joujoux. « Les objets sont le poumon du musée, s’enthousiasme Merja Laukia. Pour les protéger, nous faisons “tourner” les 3000 de l’exposition permanente, en particulier les plumes, très fragiles. » Ici, exposer ne se limite pas à montrer, mais à faire vivre les objets. « Nous travaillons, toujours en équipes pluridisciplinaires,

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Cong S.A. Suisse. Tous droits réservés©

rendez-vous

à donner du sens à notre collection en racontant des histoires, ajoute la directrice. Nous faisons dialoguer les pièces entre elles, avec des documents, des photographies. » Témoin, la belle exposition Hugo Pratt, lignes d’horizon, visible jusqu’au 24 mars, qui place en résonance des photos et dessins du maître avec des pièces du musée. À partir du 21 décembre, Coléoptères, insectes extraordinaires s’invitent au musée pour un an, de la coccinelle au scarabée atlas, du doryphore à la luciole... Histoire d’explorer notre relation avec ce quart des populations animales de la planète, avant d’interroger l’été prochain notre rapport, parfois intime, avec poux, puces et punaises taille XXL... Brrr ! Les Confluences proposent aussi de découvrir (février) l’extraordinaire passion d'Yves et Eva Develon pour l’art africain, qu’ils collectionnent depuis 50 ans. « Nous présentons les quarante œuvres qu’ils donnent au musée et vingt autres qu’ils nous prêtent, précise l’ex-directrice du musée africain de Lyon (fermé fin 2017). Avec l’objectif d’éclairer leur recherche de sens et d’esthétique » Une autre donation – exceptionnelle par son ampleur et sa beauté – donnera corps à la grande exposition de l’année (juin) : celle de quelque 500 coiffes dénichées à travers le monde par le collectionneur Antoine de Galbert. « À nouveau, ajoute la directrice des expositions, nous allons raconter leur histoire, recontextualiser les coiffes. Proposer un voyage dans le monde à la rencontre de la diversité, tout en montrant ce qui nous rassemble. »

Corto Maltese La Ballade de la mer salée (1967) ___ À l’écoute (de la pulsation) du monde En plus de ses expositions temporaires, le Musée des Confluences propose de découvrir la richesse artistique des mondes qui nous entourent, s’intéressant au croisement des œuvres traditionnelles et de la scène contemporaine. Sylvie Laurent est la tête chercheuse de ces Vibrations du monde, programmation culturelle (créations, concerts, spectacles, ateliers...) découvreuse, parfois savante. Si vous deviez définir l’ADN de votre programmation ? Sylvie Laurent. - On cherche à valoriser la diversité des expressions culturelles et artistiques. Avec une attention particulière à ce qui est porté à la marge. Et ce n’est pas parce qu’on s’appuie sur la tradition ou des fondamentaux que cette programmation n’est pas contemporaine. On essaie de s’inscrire à contre-courant d’une uniformisation due à la globalisation. Il y a toujours un écho au parcours permanent, aux expos temporaires (Japon, Touaregs) ; c’est aussi une question d’opportunité. J’essaie de travailler en mutualisation avec la Maison des Cultures du Monde à Paris et la ville de Genève. Cela permet d’amortir des coûts de production et de porter conjointement des projets novateurs. Comment faites-vous vos choix ? S.L. - Forcément au coup de cœur ! Cela peut être lié au potentiel d’un artiste que l’on pressent. Je pense à Antonio Sanchez, un batteur d’origine mexicaine très prometteur. Il apporte, je crois, quelque chose au niveau musical qui va faire date. Pour le reste, il faut un lien avec les expos, la qualité ; que ce que l'on donne à découvrir au public change notre regard sur le monde. Faites-nous envie. S.L. - En lien avec Hugo Pratt, il y aura un hommage à Astor Piazzola avec l’accordéoniste Daniel Mille et une orchestration originale. Des œuvres et des citations de Pratt sur le tango seront projetées simultanément. En février, c’est l’illustrateur-aquarelliste Rubén Pellejero – il a travaillé sur le dernier Corto Maltese – qui s’invite avec la chanteuse Julia Sarr pour un concert dessiné. En mars, place à Tartit, des femmes du Mali qui portent haut et fort les revendications de la société touarègue actuelle. Côté Kalash, à entendre la conférence de Michel Foucher sur la thématique de la frontière, à l’issue de laquelle on aura un concert de musiques persanes ou de minorités assez proches des Kalash. A.H. Hommage à Astor Piazzolla Grand Auditorium, 19 janvier à 20h

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à la moulinette

Comédienne et metteuse en scène, compagnie La bande à Mandrin. Elle a joué avec Schiaretti, Brochen ou Maurin. Mais c’est en montant Shakespeare qu’elle déploie son art et son âme de conteuse.

JULIETTE

Quel Shakespeare êtes-vous ?

RIZOUD

La Tempête 10 janvier 2019 Théâtre Théo Argence theatretheoargence-saintpriest.fr Le songe d’une nuit d’été 25 janvier 2019 Le Toboggan letoboggan.com Oui, ça va mal, je suis heureuse 2 décembre 2018, 20 janvier et 3 février 2019 Comédie de l’Odéon comedieodeon.com Courteline ou la folie bourgeoise 22 janvier 2019 Centre Culturel Jean Moulin (Mions) mions.fr/centre-culturel

Interpellée par Florence Roux Photo Frédéric Charmeux

Si vous étiez un premier souvenir de Shakespeare ?

Le jour de ma naissance, lorsque mes parents m'ont appelée Juliette. Si vous étiez un personnage masculin dans La Tempête ?

Caliban, pour son désir vital de liberté. Si vous étiez un personnage féminin dans Le songe ?

Héléna parce qu'elle est tenace et surpasse les conventions.

Si vous étiez une fée ?

Puck, car c'est un illusionniste et un prestidigitateur. Il aime mettre en scène !

Si vous étiez une scène du songe ?

Celles des artisans qui portent au-devant de la scène le travail de l'acteur et les efforts qui président à la création de l'illusion.

Si vous étiez un sortilège ou une magie ?

La magie précaire de l'art théâtral : un mot suffit pour faire apparaître des forêts, des océans...

Si vous étiez un élément de décor de la tempête ?

Si vous étiez un mot de Shakespeare ?

"Free".

Le tréteau de bois circulaire : le tréteau pour le théâtre, le bois pour la nature, le cercle pour le mouvement infini.

Si vous étiez une phrase de Shakespeare ?

« On trébuche en allant trop vite. » Roméo et Juliette, acte 2 scène 2

Si vous étiez un roi shakespearien ?

Si vous étiez une pièce de Shakespeare ?

Lady Macbeth, l’un des rôles que je rêve de jouer.

Le Songe d'une nuit d'été : c'est en travaillant ce texte à 15 ans que j'ai su que je serai comédienne et metteuse en scène.

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Joran Juvin©

Bêtes de scènes

Les dessous du siècle d'or NTH8 Lyon 8e 12 décembre au 22 janvier nth8.com

* En Espagne, femme de qualité attachée à la personne de la reine ou des infantes royales.

Le célèbre tableau de Vélasquez évoque la Cour du roi Philippe IV, ses ors et ses intrigues. Les Ménines* en particulier ne cessent d’exercer une attraction aussi vénéneuse que les affreuses duègnes qui y figurent. Ce monde est fait de beautés et d’horreurs. Sylvie Mongin-Algan s’empare ici de la pièce que leur consacre le Mexicain Ernesto Anaya. Le peintre passe derrière la toile, fait parler les personnages et éclaire ce pan d’histoire d’une plume moderne, passionnante. La volonté de respecter le texte jusque dans ses plus petits détails a conduit la metteuse en scène à monter Les Ménines/Las Meninas en français et en espagnol, chaque langue étant tour à tour parlée et surtitrée sans jamais sacrifier ni le rythme ni la limpidité du propos. Ce spectacle est l’un des plus intelligents et des plus

aboutis qu’il m’ait été donné de voir l’an dernier. Il est une œuvre collective orchestrée de main de maître par Sylvie Mongin-Algan. On y retrouve tous les atouts du NTH8, ainsi qu’un certain nombre de ses têtes d’affiche : Jean-Philippe Salério campe avec superbe Velazquez lui-même, déchiré entre son art et ses ambitions ; Alizée Bingöllü interprète avec sensibilité une infante infantile et cruelle, Ana Benito incarne une duègne infernale et toute puissante... La scénographie est brillante, les costumes ne cachent rien de la part laissée aux femmes cadenassées dans leurs corsets et crinolines, la musique, la lumière, tout concourt à faire de ce puzzle une merveille pour notre curiosité. Cinq semaines à l’affiche : aucune excuse pour manquer ce superbe moment de théâtre ! T.M.

Un solo polyphonique Ce qui a fait la notoriété de Wajdi Mouawad ? Cette manière inimitable et complètement nouvelle d’entrelacer histoire intime, géopolitique et mythologies. Ses récits sont remplis de bruit et de fureur, de douleurs et de larmes et donc d’un nombre conséquent de personnages qui composent les familles, qu’elles soient divines ou humaines, voire qu’elles franchissent les frontières. Seuls est à part : ce monologue plonge dans le cœur et l’histoire personnelle du dramaturge.

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Harwan n’est autre que Wajdi. Ainsi est-il essentiel de rappeler que l’auteur a quitté son Liban natal à onze ans, en pleine guerre, avant de trouver refuge au Québec. Tout commence avec un coup de fil qu’il reçoit dans sa chambre d’étudiant alors qu’il prépare sa thèse sur Robert Lepage. Il apprend que son père est dans le coma. S’ensuit alors un périple intérieur habité par des échanges avec sa sœur, le médecin, et tous ceux qui hantent ses souvenirs... et le plateau. 10

Il s’agit d’un spectacle polyphonique, profondément émouvant, dont la caisse de résonance n’est autre que le metteur en scène lui-même et où les relations humaines fondent intimement l’individu. Ce qui mène à l’explosion créatrice de la fin dont on se garde de parler davantage tant elle laisse de traces chez le spectateur. T.M. Pôle En Scènes / Espace Albert Camus, Bron 24 et 25 janvier poles-en-scene.com


Bêtes de scènes

Lucie Jansch©

Hofesh Shechter, l’un des trublions de la danse contemporaine actuelle, revient à Lyon avec Grand Finale*, pièce pour dix danseurs, quatre femmes et six hommes, qui « met en jeu l’énergie collective ». On retrouve tout ce qui fait la patte Shechter : la musique jouée live, parfois fort, et une danse enracinée dans la terre, physique, viscérale et sans concession. Le chaos (les attentats ?), la violence, la mort traversent cette œuvre d’envergure, même si Shechter cherche plutôt à « capturer une sensation du moment qui me semble représentative du monde d’aujourd’hui ».

Pousser les murs

pour danser ensemble

Bells and spells Maison de la Danse Lyon 8e 15 au 19 janvier 2019 maisondeladanse .com

Sur le plateau, un orchestre (violoncelle, guitare, violon), en costumes stricts, jouent une bande-son sur mesure signée Shechter, qui mêle musique de chambre, airs klezmer et boucles électro assourdissantes. Grand Finale démarre dans une pénombre sépia (la douceur de couleur des costumes, beige, prune, grisé), entrecoupée de noirs elliptiques qui rythment le spectacle. On y voit des corps électrisés et des corps morts que l’on manipule sans grande précaution, des danseurs exsangues qui halètent, des bouches ouvertes sur un cri (d’horreur ?), des pas cadencés dans une danse martiale, mais aussi des mouvements, plus joyeux, empruntés aux danses traditionnelles et folkloriques. Le chorégraphe avoue avoir expérimenté autour du duo et du contact. Et cela se ressent avec des tableaux d’ensemble chargés d’émotion... et d’espoir d’une humanité qui réussit à vivre ensemble. On en sort sous le choc, saisi par la violence du propos, par la force et la beauté de cette danse qui vient des tripes. A.H.

APARTÉ Un show-must-go-on à tout prix. Entre théâtre, happening et manifeste, les sept filles et garçons de La Belle Province proposent Le NoShow, spectacle qui n’en est pas un. Ils y questionnent, à coups d’études de cas et de chiffres, le monde du spectacle, leur métier, la condition de l’acteur, les notions de carrière ou de talent, leur amour du théâtre, mais aussi ce que « vous, spectateurs, venez chercher au théâtre ». Ça démarre fort dès l’achat de la place... à prix libre, choix cornélien donc. On rit beaucoup, mais derrière cette apparente légèreté demeurent la question du subventionnement dans la culture et l’amour de l’artiste pour son art. Mais oui, pourquoi aimer le théâtre ? A.H. La Comédie de Saint-Étienne 5 au 7 décembre - lacomedie.fr Théâtre du Vellein 11 et 12 décembre - theatre.capi-agglo.fr Fantaisie hallucinatoire aux Célestins. Bells and Spells plonge le spectateur dans l’existence d’une cleptomane. « Ou plutôt d’une femme qui emprunte de manière irrépressible certains objets qui l’attirent », explique Aurélia Thierrée. L’artiste aux multiples facettes se retrouve sous l’influence des objets qu’elle dérobe ! Il y a des mécanismes d’apparition et de disparition, et des trucages. À la scénographie, Victoria Chaplin s’en donne à cœur joie pour transformer les objets en de bizarres formes ou d’étranges animaux. Un portemanteau se met à marcher, un mur s’ouvre pour laisser surgir un couple de danseurs, une robe s’agite. C’est parfois "too much" tant c’est surréaliste. Le genre de pièce à regarder avec des yeux d’enfants en laissant vagabonder son imaginaire. A.H. Théâtre des Célestins, Lyon 2e 12 au 31 décembre theatredescelestins.com

Rahi Rezvani©

*Création mondiale à La Villette, juin 2017.

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Le plus grand chanteur de salle de bains... Pour terminer l’année en plaisir de théâtre : Olivier Rey, le loustic facétieux qui dirige le Lavoir Public, reprend Life is a bathroom and I’m a boat, épopée spectaculaire et déjantée. Sur scène, Ivan Gouillon, roi de l’impro, crooner, danseur magnifique. Il incarne un miraculé du naufrage du Titanic. Cet aventurier, mystificateur et bonimenteur, est le plus grand chanteur de salle de bains... Une énorme récréation ! T.M. Théâtre de l’Iris, Villeurbanne 30 et 31 décembre theatredeliris.fr

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Bêtes de scènes

Théâtre musical

Harriet et RÉmi

en libertÉ Par Florence Roux

Les deux directeurs des théâtres musicaux de Lyon créent, chacun, un spectacle autour d’un personnage phare. À la Croix-Rousse, Jean Lacornerie se met dans les pas de Harriet Tubmann, grande dame de l’histoire des ÉtatsUnis, tandis qu’à La Renaissance, Gérard Lecointe retrouve Rémi du Sans famille de Malot sur des partitions de Massenet.

Koen Broos©

Gérard Lecointe compositeur et directeur du Théâtre de La Renaissance

Harriet Théâtre de la Croix-Rousse Lyon 4e

Mickaël Dupré©

Comment est née l’idée de cette pièce ? Comme avec Perrault et Ravel, Jules Verne et Debussy, j’ai voulu rapprocher une musique et un texte. Cette fois, je suis allé fouiller dans la musique populaire française du XIXe, souvent méprisée à tort. Massenet a beaucoup écrit pour la scène, avec un génie de la mélodie. Et Sans famille ? Le texte d’Hector Malot comporte de la musique à chaque page. C’est l’histoire d’un chanteur d’opéra déchu qui joue sur les routes, il initie à la harpe un enfant des rues qu’il entraîne dans son aventure. La fin du XIXe était une époque singulière en résonance avec notre capitalisme effréné... Et il existe une vraie connivence entre le texte et la musique. Comment avez-vous travaillé ? Nous avons adapté le texte pour le contenir en une heure et quart, puis filmé des scènes avec les comédiens (Henri Prager Lecointe, dans le rôle de Rémi et Philippe Dusigne, dans celui de Vitalis, ndlr). Ces séquences seront projetées sur scène, tandis que les musiciens jouent live : Justine Eckhaut au clavier, Cédric Gautier qui joue du cornet et du bugle, Anita Pardo à la contrebasse et Michaël Seigle au violon. Olivier Borle, le narrateur, sera Rémi adulte.

4 décembre croix-rousse.com

harriet

Jean Lacornerie metteur en scène et directeur du Théâtre de la Croix-Rousse

D'où est né le spectacle Harriet* ? C'est une commande de Claron Mac Fadden, soprano américaine avec qui j'ai déjà créé Calamity Jane et Mata-Hari. Avec cet opéra, elle veut célébrer la mémoire de Harriet Tubman. Trop peu connue en France, cette militante des droits de l'homme et de la femme est un grand personnage de l'histoire américaine, une femme au caractère puissant et au destin extraordinaire. Certains l’ont appelée la « Moïse du peuple noir ». Pourquoi ? Grâce à son courage et à son intelligence, elle a aidé de nombreux esclaves à s'échapper. Elle est née esclave en Alabama sous le nom d'Araminta Ross, vers 1820. Quand son maître a voulu la vendre, elle s'est enfuie vers le Nord, en 1850. Elle a aidé une partie de sa famille à la rejoindre, avant d'animer un réseau de passeurs "Le Chemin de fer clandestin". Ensuite, elle s'est engagée comme espionne pour le Nord dans la guerre de Sécession. Toute sa vie jusqu'à 90 ans, elle a milité pour le droit de vote des femmes. Comment s'est construit l'opéra ? La musique faisait déjà partie de cette histoire puisque les fugitifs utilisaient des negro spirituals, la nuit, pour s'envoyer des messages codés. On en retrouve l’écho dans la partition de la compositrice mexicaine Hilda Paredes. Deux auteurs, Lex Bohlmeijer et Mayra Santos-Febres, ont écrit les textes. Sur scène, Claron McFadden et Naomi Beeldens chantent, accompagnées par l’Hermes Ensemble. En live, mais avec les images d'histoire et de présent de Miwa Matreyek.

Sans famille Théâtre de La Renaissance Oullins 13 au 15 décembre theatrelarenaissance.com

rémi sans famille numéro 04 - déc. 2018 I jan. 2019

*Créé le 3 octobre au Muziekgebouw aan ’t IJ, Amsterdam

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Énigmatique

Bêtes de scènes

Pale Blue Dot

Derrière ce titre Pale Blue Dot, une histoire de WikiLeaks – dont la traduction n’éclaire pas davantage – se cache un spectacle audacieux qui a propulsé, l’été dernier, un jeune metteur en scène inconnu sous le feu des projecteurs du festival d’Avignon. Olivier Py découvre Étienne Gaudillère presque par hasard, lors d’une visite au NTH8. Le coup d’essai éblouit le directeur du festival d’Avignon, lequel lui fait une place dans sa programmation. C’est un conte de fées pour cette jeune compagnie qui ne vient pas particulièrement du sérail. Une histoire incroyable, tout comme l’est celle qui réunit, en 2010, Bradley Manning, militaire américain transgenre, et un hacker bientôt tellement affolé par ce qu’il apprend qu’il va le dénoncer. L’affaire WikiLeaks est en marche. On connaît la suite, ses mystères, ses zones d’ombre. Ce n’est pas seulement le sujet qui a retenu l’attention de l’homme de théâtre. C’est aussi une mise en scène inventive qui mêle séquences intimes et querelles de fond, parle de sexualité comme de politique ou pose la question des lanceurs d’alerte ; elle entrelace témoignages, articles de presse et documents divers, jongle avec des images impressionnantes et une bandeson alternant musiques de 2010 et extraits de discours. Enfin, Étienne Gaudillère fait la part belle au théâtre avec une dizaine de comédiens sur scène. Le spectacle, très rythmé, est intelligent, grave et drôle, haletant aussi. On n’a pas tous les jours l’occasion d’assister à la naissance d’un prodige, à bon entendeur... T.M.

Théâtre de Villefranche

Aurélien Serre©

14 et 15 janvier 2019 theatredevillefranche.com

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FORME & FONCTION

Lugdunum

Thieery Fournier©

downtown

Lyon Part-Dieu

Par Emiland Griès

À Lyon, la Part-Dieu multiplie démolitions, constructions et restructurations de bâtiments, travaux de réseaux et voiries, obligeant à zigzaguer entre palissades et tranchées, selon un plan de circulation en perpétuelle évolution. Quel futur quartier se profile à l’issue de cet énorme chantier protéiforme ?

C

onçu dans les années 60, le quartier d’affaires de la PartDieu naît d’une opportunité foncière inédite. Louis Pradel, maire de l’époque, tire profit de la vente, par l’Armée, de ses casernes et de son terrain de quelque vingt-huit hectares. Il y projette l’édification d’un centre "directionnel" tertiaire, complémentaire de l’historique et commerçante Presqu’île. Cette création correspond alors à la vocation métropolitaine régionale à laquelle aspire

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Lyon. Son dess(e)in, par des urbanistes lyonnais, dont Charles Delfante, est conforme aux idées en vogue, qui ne s’embarrassent pas de demi-mesure. Ils séparent les circulations automobiles placées au niveau du sol de celles des piétons, qui s’effectuent un niveau au-dessus. Grâce à un système d’autoponts et de trémies, le trafic peut aller vite en ne rencontrant ni feux rouges ni carrefours. Les piétons circulent, quant à eux, librement et sans risque sur des passerelles et dans des jardins suspendus, enjambant les voiries et reliant les bâtiments entre eux.

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Le bien-nommé "urbanisme de dalle" de la Charte d’Athènes, imaginé sous l’égide de Le Corbusier entre les deux guerres, fonde ses principes sur l’idéologie hygiéniste, rationnelle et fonctionnelle. À travers cette double maille juxtaposée, le béton règne en maître et s’exprime architecturalement avec des réussites diverses selon la virtuosité des concepteurs. Citons l’Auditorium de Delfante et Pottier, les barres de logements de Zumbrunnen qui jouxtent les Halles et, last but not least, la Tour du Crédit Lyonnais, ce "crayon" conçu par les


Dominique Perrault Architecte - ADAGP - Archi Graphi©

Asylum-Ma Architectes©

Lyon intramuros se lance dans la surenchère des hauteurs, après avoir longuement contenu ses édifices sous une toise réglementaire ne dépassant qu’exceptionnellement la vingtaine de mètres, si possible couverts en tuiles-canal ! Sans défier les géants du MoyenOrient et de l’Extrême-Orient qui culminent à 826 mètres avec le Burj Khalifa à Dubaï, ni même Manhattan, leur berceau – le One Word Trade Center n’atteint que (!) 541 mètres de haut –, un certain nombre de tours vont émerger à la Part-Dieu dans les années à venir : Silex2 de Ma Architectes et Arte Charpentier et ses 130 mètres en 2021, To-Lyon de Dominique Perrault et ses 170 mètres en 2022. Dans un autre quartier emblématique du Lyon de demain, les hauteurs explosent également. À Confluence, l’immeuble de logements Belvy des architectes suisses Herzog et de Meuron atteint 50 mètres ; celui de Jean Nouvel appelé Ycone surenchérit à 64 mètres. Ils précèdent une dizaine d’autres, de la même échelle. La présence de gratte-ciel désigne la puissance et le rayonnement d’une ville. Mais à l’ère de la construction de bâtiments frugaux en énergie, l’hyper-hauteur peut-elle se conjuguer avec le développement durable ?

Vivier Merle Sud

la main. Les flux de toutes natures regagnent peu à peu le sol pour y cohabiter de façon plus vivante. Le quartier d’affaires dont Lyon ne peut se passer gagne du terrain. Pour preuve, de nouveaux gratte-ciel apparaissent dans la skyline lyonnaise, telles les tours Oxygène (117 m) et Incity (202 m). La mutation de la Part-Dieu a été confiée à l’urbaniste parisien François Decoster de l’AUC, avec mission d’en corriger les faiblesses et d’orienter sa croissance. En s’appuyant sur des atouts indéniables – un enclavement en centre-ville et la présence de nombreux équipements publics et tertiaires – le concepteur propose un double travail de recomposition : au sol et à échelle humaine, le tissage de cheminements multiples à forte valeur paysagère et l’animation des pieds d’immeubles par des commerces ; dans le ciel, le déploiement d’une silhouette urbaine contemporaine, aux formes et gabarits variés, qu’il associe à celle offerte par le massif alpin visible par temps clair : un ensemble de sommets plus ou moins élancés, aux contours différents.

Thieery Fournier©

Américains Araldo Cossutta & Associates, bâti entre 1972 et 1977. Avec ces 165 mètres de haut, Lyon tient là son premier gratte-ciel de bureaux ! Le quartier, réussite commerciale et immobilière, déborde rapidement de l’emprise initiale de la caserne. Au fil du temps, il acquiert les médailles qui le rendent incontournable : première gare SNCF de correspondance en Europe, deuxième centre commercial européen en terme d’enseignes... Cet urbanisme atteint néanmoins ses limites : sans lien entre eux, les bâtiments semblent hors-sol et l’espace public à leurs pieds, inanimé. Par ailleurs, le règne des énergies fossiles et de la voiture arrivant à son terme, les modes alternatifs de déplacement, tel le vélo, ne trouvent pas place dans ce type de composition urbaine. En l’état, son artificialité et son incapacité structurelle à muter représentent donc de sacrés handicaps face à la métropolisation de Lyon, dont l’hyper-centre s’étend et englobe désormais le quartier. La remise en question du modèle est actée : les autoponts du boulevard Vivier-Merle ont disparu, les trémies de la rue Garibaldi se comblent au fur et à mesure de sa requalification et les passerelles piétonnes encore debout se comptent sur les doigts de

Gratte-ciel ou pas ?

Maison du projet 192 rue Garibaldi Lyon 3e lyon-partdieu.com Belvy confluence 15

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FORME & FONCTION

Silex 2

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fokus

Des œuvres monochromes

pour impacter les gens

Par Anne Huguet Photos Théo Haggaï (sauf mention contraire)

Théo Haggaï. 28 ans. Artiste. Rêveur, rassembleur et humaniste.

Walid Boo©

Sharjah light festival - fév 2018

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À vingt-trois ans, il rêvait « d’aller à Paris pour dévaliser le marché de l’art ! », mais c’est à Lyon qu’il pose ses valises pour conquérir le monde. Né à Paris, Théo Haggaï a grandi à Aix-en-Provence auprès de parents comédiens, il en a d’ailleurs gardé une pointe d’accent et une frilosité de gens du Sud ! Il découvre le monde de l’art, presque sur le tard, grâce à Keith Haring et Basquiat. « Au début, tu regardes, tu étudies, tu copies... » avant de se lancer dans le street-art. « Le terme est réducteur pour moi. Nous sommes des artistes qui intervenons dans la rue. Mais j’ai tendance à penser que je travaille plus de chez moi. » Sous-entendu, le temps de préparation des collages ou « tout ce qu’on fait chez soi et qu’on n’expose pas ». Théo Haggaï dessine donc sur les murs, les portes, les objets, le corps, des œuvres éphémères. « J’aime bien l’idée que ça s’efface pour y retourner. Ça fait partie du jeu. Même si je voudrais que ça dure un peu et que je suis toujours touché lorsqu’on inscrit des choses sur mon travail. » numéro 04 - déc. 2018 I jan. 2019


C’est avec un petit bonhomme un peu triste qu’il pose ses premiers dessins. À la craie et à l’instinct. « Dessiner sans réfléchir. » Un trait simple, spontané et intense, le plus souvent en noir et blanc. « Le noir et blanc est plus direct, essentiel. On va directement au message, aux ressentis que les gens ont à la vue de l’œuvre. Puis ça dénote sur un mur. » Aujourd’hui ce sont des mains, « presque un logo et une signature », des symboles accrocheurs et des formes rondes (des planètes ?), toujours en noir et blanc, qui définissent le mieux son style graphique. Théo Haggaï travaille sur la récurrence des signes et l’accumulation. Ses murs sont presque surchargés ! « Des mains au centre, puis je crée le délire autour et j’improvise... comme dans le théâtre. » Le théâtre, on y revient. Il avoue avoir passé sa jeunesse au théâtre et dans les salles de spectacles. « Ça m’a nourri. Mes parents étaient engagés citoyennement, j’ai grandi avec des idéaux. Cela fait partie de ma vie. » Et son travail s’en ressent. Ce qui l’inspire ? L’humain, les peuples, l’actualité. Donc notre planète. « Enfant, j’étais passionné de géographie et du JT de 20 heures ! » Ses dessins, à l’encre, aux marqueurs, à la craie voire à la bombe, racontent la solidarité et l’entraide, dénoncent le racisme ordinaire, évoquent le cheminement des migrants, simplement parlent d’humanité. Toujours en noir et blanc. « Je crée pour transmettre un message. Je veux que cela soit impactant. Mais je suis pessimiste sur l’avenir. Je trouve que ça pue. Même si j’essaie d’entretenir une petite lueur d’espoir. » Toujours cet humain à défendre... Des artistes qui l’influencent Willy Ronis, Robert Frank, Susan Meier, Mr No, Jean-Charles de Castelbajac, Nikki de Saint Phalle, La Fonky Family, Keny Arkana...

Je rêve pour m’épargner

Exposition ONE SHOT EXPOSITION Jusqu’au 9 décembre Centre commercial Confluence, Lyon 2e

Dans la rue

Théo Haggaï

In Sted 6, rue de la Part-Dieu, Lyon 3e Collège Maurice Scève rue Louis Thévenet, Lyon 4e balades à la craie quais du Rhône, Lyon 3e

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déambulations

So chic

05.12.18

Pari Dukovic©

musique

« Nous danserons dessous les bombes. » On est retombé sous le charme de sa pop sensuelle et nonchalante lors de la première de cette tournée Blitz, démarrée aux Nuits de Fourvière en juin dernier. Étienne Daho a subjugué son monde avec des arrangements très rock et un superbe show lumières, alternant 20h00 morceaux d’anthologie (Le grand sommeil, Sortir ce soir), tubes "chromés" (Épaule Tattoo, Le premier jour) et titres plus récents, tel le très beau Les flocons de l’été. Date complète, on déteste déjà les veinards qui en seront ! A.H. Radiant-Bellevue, Caluire radiant-bellevue.fr étienne daho

07.12.18 20h30

11.12.18 20h00

Néo-pop inclassable De Louise Attaque à ce troisième opus solo Trafic, en passant par le duo Tarmac ou le joli projet Lady Sir avec Rachida Brakni, le constat est sans équivoque : Gaëtan Roussel n’est pas à la mode, il la crée. Enregistrée entre Paris et Los Angeles, cette collection de titres est un pont entre instrumentations et groove anglosaxons et une poésie bien française. Ici, le texte est plus personnel, comme pour rappeler que le chanteur à la voix si reconnaissable est un artisan de la vie. « [...] Le mot je mène dedans il y a viens » (Dedans il y a de l’or). On s'y voit ? N.V. Le Transbordeur, Villeurbanne transbordeur.fr

Hip-hop au féminin Protégée du très prestigieux collectif A$AP MOB, la jeune rappeuse de Philadelphie Chynna Rogers fait partie des espoirs du rap international. Plébiscitée par le New York Times, la Femcee de 22 ans est aussi efficace sur un flow agressif (Regina Georges) que sur des phrasés délicieusement nonchalants (The Conversation). Ses expériences de mannequin lui confèrent un détachement et un charisme particulier en live. Sans doute l’une des dernières chances de la voir dans un cadre intimiste. R.B.

D.R.©

La Marquise, Lyon 3e lamarquiseboat

14.12.18 20h30

Darkwave addictive Se cachent derrière Selofan les boss de Fabrika Records, label phare du moment de la scène mondiale cold. On pense à Lebanon Hanover ou She Past Away. Sonorités synthétiques minimalistes, rythmique martiale, voix inquiétante pleine d’échos, mélancolie noire palpable : le duo grec fait du neuf avec du vieux mais le fait bien. Sur Vitrioli, Joanna chante en grec, en anglais et même en allemand, la sauce prend. C’est répétitif, gothique, industriel, violemment rythmé, déshumanisé, glacial, désespérant, quelque part entre DAF et le cinéma expressionniste allemand. A.H. Sonic, Lyon 5e SonicLyon

Selofan

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Chynna Rogers


déambulations

16.12.18 17h00

Un dimanche par mois, le festival French Connexion donne rendez-vous aux amoureux de la chanson francophone actuelle, occasion de (re)découvrir cette scène prolixe et créative. En décembre, bienvenue à l’ovni musical Lo’Jo. Le collectif angevin, toujours emmené par le poète, multiinstrumentiste et chanteur Denis Péan, continue d’inviter au voyage avec ses musiques nomades et ses mélopées incantatoires. Influencé par les cheminements de chacun, leur répertoire est sans cesse enrichi : accents jazz, reggae, rock, maloya et autres sons venus d’ailleurs. Après plus d’une quinzaine d’albums – le dernier-né Fonetiq Flowers (2017) est nettement plus électro-acoustique – et des collaborations prestigieuses, Lo’Jo n’a pas son pareil pour faire danser les mots de Denis Péan et pour entraîner dans un captivant folklore imaginaire. SoFi Théâtre Comédie Odéon, Lyon 2e comedieodeon.com

French 2# ion Connex embre de nov ai àm

D.R.©

Dimanches en chanson

Nazca

20 & 21.12.18 20h30

Pop tribale À mi-chemin entre le charme brut des chants tribaux et le catchy des nouveaux talents pop Shake Shake Go ou First Aid Kit, Nazca mélange les genres avec une habileté et un naturel réjouissants. L'enchevêtrement subtil des voix de Juliette et Zoé donnent au quatuor une profondeur harmonique caractéristique de leur style, que ce soit sur leur récent EP Covers ou sur le précédent Of Lights and Shades avec, en bonus, l’irrésistible single For the Braves. À écouter de toute urgence R.B. À Thou Bout d’Chant, Lyon 1er athouboutdchant.com

22.01.19 20h30

"Branleurs" magnifiques Emmené par son chef de meute australien Nathan, guitariste et chanteur quand il le faut, Le Villejuif Underground joue pied au plancher un rock garage mutant qui dépote sur scène. C’est lo-fi à mort, bricolé sur un vieux Tascam acheté d’occasion, plutôt classe, et le phrasé nonchalant de Nathan accroche l’auditeur. Signe qui ne trompe pas, ils font partie de l’écurie Born Bad Records, précieux label découvreur de talents, avec lequel ils ont sorti un 4-titres Heavy Black Matter, qui mélange les influences et les époques. « La lumière blanche vient toujours du 94 », comme cela vous êtes prévenus ! A.H.

r 9 févrie 2019 ce Gla au Brisey (74) c e n An

Ninkasi Kafé Gerland, Lyon 7e Le Villejuif Underground

24.01.19 20h30

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Le blues du désert Comme Tinariwen, Omara "Bombino" Moctar chante l’esprit de rébellion et de résistance propre aux Touaregs persécutés depuis des décennies, à coups de riffs électrisants et de jams puissants qui ne sont pas sans rappeler ceux d’Hendrix ou de John Lee Hooker. Sa musique pioche entre rythmes traditionnels berbères, blues, rock, folk et hymnes peace and love. Le revoilà avec sa guitare sèche en bandoulière, ses complaintes lancinantes et ses vers en tamasheq pour célébrer son désert natal et ses messages de paix et d’espoir. A.H. L’Épicerie Moderne, Feyzin epiceriemoderne.com 19

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la raison

du raisin

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Par Lucie Diondet

à déguster La raison du raisin Club de dégustation Chaque 1er mardi du mois Les Halles de la Martinière

HUMOUR ET NATURE Découvert lors du club de dégustation du mois de novembre, ce mélange de cépages merlot, malbec et cabernet s’ouvre en toutes circonstances. Fruité aux saveurs de noisettes, cultivé sur des vignes en bio travaillées à l’ancienne et vendangées manuellement, c’est l’un des fleurons du couple autodidacte et doué, Catherine et Jean-Mary Le Bihan. Il n’est d’ailleurs nul besoin d’un jeu de mots et d’une étiquette rigolote pour être conquis. L’aimé chai, AOC Côtes de Duras Domaine Mouthes Le Bihan, Saint-Jean-de-Duras (Gers) Rouge, 2014 (11 à 12 eur. chez un caviste)

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Photos Jérôme Bertin

epuis près de deux siècles, les Halles de la Martinière restent fidèles à leur esprit d’ouverture et de partage. Le tout premier marché couvert de Lyon a vécu une seconde naissance l’année dernière, dans un bâtiment entièrement rénové. L’endroit reste garant d’une alimentation de proximité. Une crêperie, une épicerie bio, un bar à jus, une poissonnerie et, lieu de vie incontournable, El Bar des Halles. Sa carte, établie par Romain Reinhart, propose déjà une sélection de 100 vins, dont 30 au verre. Leur particularité ? Ils sont essentiellement "nature" ou plutôt « vivants » selon le vocable de notre spécialiste. Fervent découvreur de ces jus engagés et « pleins d’humeurs », Romain Reinhart rencontre ceux qui les élaborent, choisit les bouteilles et ne se lasse pas de les raconter. Ce n’est pas un hasard si on l’a d’abord croisé au Vercoquin, caviste pionnier à Lyon en la matière. Ce n’est pas un hasard non plus s’il a accepté la charge des vins de ce comptoir, dont il partage la philosophie : démocratisation de l’accès à des produits de qualité et petites marges de vente. Ici, le prix au verre va de 2,80 à 6 € et les tapas sont élaborés selon les principes éco-responsables de La Cuisine itinérante*. 100 % circuit court, de la terre à l’assiette, de la vigne au verre... ou presque.

Car Romain Reinhart a branché sur le zinc un engin unique à Lyon, une tireuse à vins ! Quatre becs pour une dégustation comme au domaine, quand le vin est extrait du fût. Le « keg », poche de conservation d’un genre nouveau, est réutilisable et équivaut à 26 bouteilles. Un procédé « malin et écoperformant » que Romain Reinhart cherche à faire adopter par les vignerons. Et qui lui permet de servir l’aligoté élaboré par Julien Guillot, son ancien maître de stage, comme à Cruzille. Une "madeleine de Proust", un choc des goûts pour celui qui a découvert les vins naturels avec ce vigneron du Mâconnais. Après un BTS viticulture-œnologie suivront trois années de compagnonnage personnel, en caravane, chez des « magiciens » de Touraine, Bourgogne, Alsace et Beaujolais. Avant l’installation à Lyon, « cernée par les vignes », et l’ouverture d’une cave à manger quand les vins « d’auteurs » rimaient avec provocateurs. Une route humble pour ce passionné, tenté un temps par l’exploitation de la vigne. Mais le métier est dur. Avec ce bar, il porte sa touche ludique à la dégustation, formant les équipes, prêtant sa voix aux problématiques du secteur. Mois du vin naturel à Lyon, soirée vins nouveaux et tango, club de dégustation... Cette fin d’année, Romain Reinhart gâte les néophytes comme les amateurs. Avant d’arpenter les salons professionnels aux noms évocateurs – Dive bouteille à Saumur, les Affranchis à Montpellier – et de refaire le plein de découvertes pour le plaisir de nos papilles. Le raisin est sa raison ! EL BAR des Halles Les Halles de la Martinière, Lyon 1er 04 81 91 85 82 * en savoir plus, cuisineitinerante.com

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à l'affiche

Quarante années

d’explorations artistiques

Institut d’art contemporain Villeurbanne Katinka Bock Jusqu'au 20 janvier i-ac.eu

Blaise Adilon©

Par Gallia Valette-Pilenko

Antony Ward Work, Work, my fingers to the Bone, 2011 - Rendez-vous 11

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our fêter ses 40 ans, l'Institut d'art contemporain (IAC) s'éparpille un peu partout, entre Villeurbanne et les (grands) environs  ; entre l'Institut lui-même et des lieux inhabituels de la cité tels Le Rize ou encore l'École nationale de musique, le TNP ou la Maison du livre, de l'image et du son. De Chambon-sur-Lignon à Pérouges en passant par la Roche-sur-Foron et Flaine, l'occasion est trop belle de se déployer également via les "galeries nomades" qu'expérimente l'IAC depuis quelques années. En effet, l'IAC a fusionné avec le Frac (Fonds régional d'art contemporain), disposant ainsi de sa collection, conséquente et tout à fait pertinente, puisque, à sa création en 1982, le FRAC Rhône-Alpes fut l'un des premiers en région. Rien de plus logique, alors, que de rayonner géographiquement pour célébrer cet anniversaire. L’institution villeurbannaise s’est toujours révélé atypique dans ses choix de programmation. Elle le fut dès ses premiers pas, avec JeanLouis Maubant, premier directeur d’une entité sans lieu, malicieusement baptisée Le Nouveau musée. Pour l'occasion, il y a donc de nombreux univers à découvrir. Collection à l'étude présente des œuvres récentes et d'autres plus

anciennes, comme Rivière d'une nuit d'hiver de Gloria Friedmann, emblématique de ses premières sculptures. L’œuvre résonne avec celle de sa compatriote, l'artiste allemande Katinka Bock, déjà invitée à deux reprises par l'IAC dans le cadre d'expositions collectives. Titulaire du post-diplôme de l'ENSBA de Lyon, elle travaille ses sculptures comme des expérimentations, la place des œuvres dans l'in situ. À partir de matériaux simples, elle compose des formes qui deviennent poétiques ou signifiantes, en écho au lieu. Elle fusionne des œuvres anciennes avec des projets nés de l'étude du bâtiment et du contexte villeurbannais. Frictions entre une production sculpturale propre et le fruit d'expérimentations menées pendant la conception de l'exposition, Radio (le titre de l'accrochage) est en fait le troisième volet d'un cycle intitulé Tomorrow's Sculpture et consacré à l'artiste par trois lieux d'exposition en Europe, le Mudam Luxembourg, le Kunst Museum Wintherthur, en Suisse, et l'IAC. Elle y prolonge sa recherche sur la porosité des matières et de l'espace, sur l'effet du temps, comme si l'exposition vivait à la manière d'un organisme vivant et rendait compte des évolutions produites par le temps qui passe. Une exposition terriblement « cosmomorphe* » !

* Le philosophe Pierre Montebello interroge, dans son ouvrage Métaphysiques cosmomorphes, la relation des êtres entre eux, leur rapport au cosmos et la nécessité d’une consistance. numéro 04 - déc. 2018 I jan. 2019

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déambulations

22.12.18

Collection photographique

Marc H. Peverelli©

arts visuels

06.12

09.12.18

collection vrais rêves What'blue, noisy cat ?

De la lumière plein les yeux

Galerie Vrais Rêves, Lyon 4e vraisreves.preprod.aceituna.fr

* Procédé de photographie sur papier qui permet de reproduire des images positives par simple tirage contact.

Blaise Adilon©

4 jours, 16 heures de lumières, 42 sites et 80 œuvres, sans compter sa déferlante de spectateurs : la Fête des Lumières ne fait plus autant rêver les Lyonnais. Pourtant, ces illuminations urbaines éphémères ont le mérite de sublimer monuments, berges et fontaines de la belle capitale des Gaules. L’édition 2018 est placée sous le signe de l’immersif, avec des projets qui nécessitent la participation du public (son souffle du côté de la place AntoninPoncet, son rythme cardiaque place du Griffon). D’autres scénographies laissent place à la quiétude et la contemplation, ainsi Présages au Parc de la Tête d’Or avec ses lucioles et ses oiseaux. Ailleurs, la place des Jacobins se réinvente en aurore boréale, la Cathédrale Saint-Jean s’habille d’effets kaléidoscopiques. On pourra même "trabouler" de la place de la Comédie à la place des Terreaux sous un ballet géant de lasers signé Ralf Lotting, "cador" des grosses manifestations et concerts géants. À l’Antiquaille, place à l’émergence et aux expérimentations étudiantes, soit une quinzaine de projets qui mettront en avant l’inventivité, la faisabilité ou l’économie de moyens. A.H.

Après des années à « faire sa foire » en décembre, la Galerie Vrais Rêves propose de plonger dans sa « collection particulière » et présente quelque 138 photos lui appartenant. Un peu comme si « on se faisait un hommage », plaisante Raymond Viallon, son directeur artistique. Les œuvres variées couvrent plus de 177 ans et font le grand écart entre William Henry Fox Talbot, l'inventeur du calotype* en 1841, et Philippe Calandre qui vient d’exposer ses inquiétants photomontages. On retrouve aussi Bénédicte Reverchon, Thomas Kellner, Arno Minkkinen... Envie de (se) faire plaisir ? De petits formats (13x18) inédits et numérotés seront mis en vente à prix doux (100 eur.), telle cette prise de vue de San Francisco, datant des années 80, signée JeanBaptiste Carhaix. A.H.

Fête des Lumières, partout à Lyon fetedeslumieres.lyon.fr

06.01.19

Bernar Venet Du matériau à l’immatériel Soixante ans de création, 170 œuvres sur trois étages au Musée d’art contemporain de Lyon : l’exposition Bernar Venet, rétrospective 2019-1959 aligne les chiffres. Pas étonnant vu la passion des mathématiques et de la physique nucléaire que nourrit le sculpteur, dessinateur et performeur, qui ne crée jamais tout à fait où on l’attend : papier, espace, décombres, sol, toiles, ondes... La diversité des travaux présentés raconte, selon une chronologie inversée, le cheminement de l’homme. Considéré comme l’un des représentants de l’art conceptuel, il s’est construit une solide notoriété aux États-Unis où il vécut dès 1967. Son œuvre protéiforme, solide et immatérielle, allie une approche puissante des matériaux – cartons, charbon ou poutres d’acier – à un goût pour les diagrammes, les angles, les lignes indéterminées – à voir ses impressionnants Effondrements. F.R. Bernar Venet, Rétrospective 2019-1959 Effondrement : 9 angles, 2011

Musée d’art contemporain de Lyon, Lyon 6e mac-lyon.com

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déambulations

10.01

25.01.19

40 ANS D’IMAGINATION AU POUVOIR

Olivier Menanteau©

« Je pense toujours qu’on peut sauver le monde à coup de raclette magique. » La raclette, c’est celle du sérigraphe, ici PapyArt, fervent praticien et passeur de cette technique artisanale d’impression… et d’expression libre. À 17 ans, il découvre à Copenhague que l’on peut vivre de la vente de T-shirts sérigraphiés. À son retour, un CAP imprimeur en poche, il ne cesse de collecter et créer des affiches militantes, qu’il colle sur les murs ou décline pour des festivals underground. « Manif pour toast », « Cultivons le mourir ensemble », « À 50 ans sans solex tu as loupé ta vie »… autant de slogans brandis dans les luttes, sur son sérisolex, avec le collectif Raclettes Party, dans ses ateliers e issag 30 ou ses visites guidées des pentes de la Vern .19 à 18h ie Croix-Rousse. Une vie d’artiviste. L.D. .01 raph le 10 sérig .19 r e i 1 l Ate le 16.0 que Le Polaris, Corbas athè Médi papyart

Fiji Times Central Market, Suva. 2017

23.02.19

Le charme des îles Le Bleu du Ciel n’en finit pas de faire voyager. Après les plaines d’Asie centrale, direction le Pacifique avec une exposition consacrée au photographe Olivier Menanteau. Avec The Fidji times, nous suivons l’artiste qui, grâce à une location Airbnb, participe à l’ouverture de la première galerie « beaux-arts » de Suva, la capitale insulaire. Loin du côté carte postale, cette exposition hybride à mi-chemin entre étude documentaire, anthropologie et histoire politique, compte près d’une trentaine d’épreuves et un film. Avec humour et un goût certain pour le décalage, Olivier Menanteau porte un regard amusé, mais néanmoins critique, sur la survivance du post-colonialisme culturel. V.A. PapyArt

Galerie Le Bleu du Ciel, Lyon 4e lebleuduciel.net

Sossuvlei, Namibia

11.08.19

La beauté du diable Un tableau de Klimt ? Non, une image satellite. La nouvelle exposition du Planétarium de Vaulx-en-Velin lui donne des airs de galerie d’art, voire de cathédrale quand le soleil transperce ses vitrophanies. À travers des photographies époustouflantes, la réalité des effets du changement climatique nous frappe de plein fouet. Un parti pris esthétique de l’ASE* et du CNES** qui, à l’issue des accords de la COP 21, ont souhaité vulgariser ces images réservées aux scientifiques et décideurs. Après Berlin et Rome, La Terre vue de l’espace. Beauté et fragilité nous arrive donc, avec le soutien de la Métropole. Nul discours anxiogène ici, mais un exposé ludique des menaces pesant sur notre planète. La visite débute avec la « mer de plastique » à Almería, le damier psychédélique des palmiers à huile à Bornéo, l’œil de Katrina… avant de se concentrer sur l’agglomération lyonnaise. Une invitation à voir notre planète autrement et à la protéger, chaque jour, avec des gestes à notre mesure. L.D.

ESA©

Le Planétarium, Vaulx-en-Velin planetariumvv.com

* Agence spatiale européenne / ** Centre national d’études spatiales

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Lettres & Ratures

Sexe, race & colonies La Domination des corps du XVe siècle à nos jours Éditions La Découverte Parution : sept. 2018

Idiotie De Pierre Guyotat Éditions Grasset Parution : mai 2018

Histoire des corps et langue en guerre Par Marco Jéru

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Il y a quelque chose de pourri au royaume de la mémoire. Tandis que Macron agite l'ombre des années 30, la polémique enfle autour de Sexe, race & colonies, sans doute lancée par de paresseux identitaires préférant à la lecture des textes le commentaire victimaire des images. Dans ce contexte, je profite du récent couronnement d'Idiotie (prix Fémina et Médicis) pour revenir sur l’œuvre inclassable de Pierre Guyotat. Manière de "faire le point" autrement sur les turpitudes de la colonisation et ses avatars littéraires.

rimo : décoloniser le regard. Sexe, race & colonies, soustitré La Domination des corps du XVe siècle à nos jours, est un livre événement sur une histoire tabou. Une somme de 4 kilos confrontant les textes de 97 historiens et 1200 images de corps colonisés, sexualisés, érotisés, dominés... Cette impressionnante documentation embrasse six siècles d'abus sexuels qui, loin d'être des accidents épisodiques ou marginaux, ont constitué, y compris sous prétexte culturel ou ethnographique, l’un des ciments de l’entreprise coloniale. Secundo : forger une langue de "putain" pour saisir et conjurer le Réel. Idiotie est le récit autobiographique de Pierre Guyotat, né en 1940 à Bourg-Argental et appelé sous les drapeaux en 1960 en Algérie. Une guerre où l'auteur enracinera son œuvre, « enchiarnera » sa langue et fera trois mois de cachot pour atteinte au moral de l'armée. Ce récit d'une facture classique est à cent lieues de ses précédents numéro 04 - déc. 2018 I jan. 2019

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"romans" qui firent scandale à leur parution : Tombeau pour cinq cent mille soldats, Eden Eden Eden, Prostitution ou le monstrueux Progénitures. Des œuvres dignes de Sade et de Finnegan's Wake de Joyce, tentatives désespérées, sacrificielles, de descendre au plus bas dans le verbe afin d'y forger, tel Vulcain, une langue pour ceux qui n'en ont pas. Une langue-chair, "matériologique", antidote à celle, rationnelle, du jugement et de la domination. Une langue visant non à une prétendue justice mais à l'égalité. Langue ruminée, métissée, hachée, crachée pour devenir réelle. Langue trempée dans la graisse, les suints, le sang, tout ce qui sent l'humus donc l'humain. Une langue sale, propre aux réprouvés de l'humanité, aux « putains » comme Guyotat les nomme : des êtres sans destin, abandonnés, inconsolables. Ils n’ont plus de liberté que le verbe, le chant de l'abandon et de l'exil, à l'instar des blues, rebetiko, saudade, musique tzigane et autres complaintes des migrants de tous pays... Lire Guyotat, c'est expérimenter le réel dans sa nudité crue.



l'arkuchi du mois

musique, littérature, bd, cinéma... L’Arkuchi du mois attrape en un clin d’œil ce qui fait vibrer la scène actuelle. C’était mieux avant regarde dans le rétroviseur le foisonnement culturel d’hier et s’attarde sur les pépites qui brillent encore... Plutôt "bien maintenant" ? plutôt "mieux avant" ?

Revoilà proposé en édition "intégrale" Le plus mauvais groupe du monde, initialement publié en trois volumes. Cette bande dessinée surréaliste, jaunie comme une vieille coupure de presse, se déroule dans une ville imaginaire des années cinquante. Dans un monde étrange et sépia, on suit les déambulations et les rencontres d'un jazz band, "le plus mauvais groupe du monde", qui peine à s'accorder. Les protagonistes de cette fable douce-amère exercent des métiers improbables comme « denteleur de timbres », « compilateur de coïncidences », « activiste de la fondation pour le recul de la science » ; le personnage central se perd, au fil d’histoires courtes (1 planche, 2 pages) qui se succèdent. Obsessionnel, philosophique ou poétique, Fernandes donne le ton en quelques pages et se moque avec une ironie pince-sans-rire de l’absurdité de notre monde. Indispensable. N.R. Une succession de quatre-vingt-trois gravures en noir et blanc pour un roman politique et allégorique d’une sensibilité saisissante : Idée prend les traits d’une femme nue qui ne s’en laisse pas compter. Au fil des pages, elle est attaquée, écoutée, choyée, battue, imprimée, placardée, brûlée. Jaillie de l’esprit d’un dessinateur en proie à la page blanche, elle lui reviendra pour mourir... au profit d’une autre idée ? Avec ce récit en noir et blanc, le graveur sur bois et pacifiste belge Frans Masereel livrait, en 1920, son sixième roman sans paroles. Considéré comme le père du roman graphique contemporain, il avait pour amis Romain Rolland, Stefan Zweig ou le maître du cinéma d’animation tchèque, Berthold Bartosch, qui porta en 1932 Idée à l’écran. Sur le papier ou sur la pellicule, cette « ode à tous les évadés de la norme »* est ainsi gravée à jamais. L.D. Idée de Frans Masereel Les Éditions Martin de Halleux Parution : 4 octobre * Lola Lafon (Idée, préface)

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Le plus mauvais groupe du monde - L’Intégrale de José Carlos Fernandes Les Éditions Cambourakis Parution : 24 octobre

On a raté son passage au Farmer en octobre. Dommage. C’est donc avec ce premier EP éponyme que l’on découvre le rock bruitiste de Princess Thailand, emmené par le chant incantatoire d’Aniela. Guitares saturées, ululements épileptiques, nappes bourgeonnantes avec, en sus, ce son de flûte voyageuse inattendu : le quintet toulousain, fortement influencé par A Place To Bury Strangers ou Savages, fait plutôt bien le job. On se laisse happer sans mal par ce 6-titres sous haute tension « légèrement inquiétant », fait de compositions brutes, d’à-coups électriques, de noise abrasive et de virulence fiévreuse. Ça balance sec. A.H. Princess Thailand - Princess Thailand Primary /AFX Sortie : 26 octobre 28


Ian Craddock©

c'était mieux avant

Jeffrey Lee Pierce. backstage Salle de la Cité, Transmusicales de Rennes, 1985

The Gun Club

Cultissime et méconnu Par Nikki Renard

Rennes, 27 novembre 1987 Il est 20 heures, je pars de chez moi avec la quasi-certitude que la soirée ne sera pas banale. Le soufre véhiculé par le groupe que je m'apprête à voir pour la première fois, The Gun Club, laissera une empreinte indélébile dans ma mémoire de jeune rockeur. Je le sens, je le sais. Derrière le Gun Club, groupe mythique pour certains, se cachent le sauvage et brûlant Jeffrey Lee Pierce qui écrit et compose toutes les chansons du groupe, et Kid Congo Powers, guitariste cinglant qui officie également au sein des Cramps et des Bad Seeds de Nick Cave. Jeffrey aime Television, le Velvet Underground et par-dessus tout le blues satanique à la Robert Johnson, références chères à mon cœur depuis l’adolescence. Le premier morceau, She's like heroin to me, donne le ton : c’est un razde-marée au son brut et décapant qui "dévaste" tout sur son passage. C'est une explosion blues punk rock'n'roll à faire pâlir tous les groupes du genre, pourtant excellents, mais sans nul doute le Gun Club est audessus de la mêlée. L'univers de ce songwriter mystique est si singulier et fascinant qu'il transforme le jeune homme que je suis en serial lover. Tous les thèmes du rock pourtant éculés – sexe, drogue, sorcellerie – y sont représentés. L'authenticité rageuse et la lubricité d’un morceau comme Sex Beat ou la déclaration d'amour faite à Poison Ivy des Cramps dans For the love of Ivy confirment que le Gun Club ne triche pas. C'est au cœur et à l’os que Jeffrey et sa bande nous touchent par leur brûlot fougueux et torturé. Intemporel. Comme dit si bien Jack White : « Pourquoi ces chansons ne sont-elles pas étudiées à l'école ? »

The Gun Club Fire Of Love (1981). Mother Juno (1987). Sex Beat 81 (1984). Ahmed's Wild Dream (live, 1992) Jeffrey Lee Pierce Wildweed (1985). Ramblin'Jeffrey Lee & Cypress Grove with Willie Love (1992)

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cuisine-moi

... la moule

au marché • 1 c. à s. d’huile de sésame toasté • 1 verre de porto • 2 têtes d’ail noir • 3 c. à soupe de crème de soja • 1 c. à soupe d’encre de seiche • graines de sésame noir, poivre

• 2 litres de moules de bouchot • 25 g de beurre • 2 échalotes, 1 gousse d’ail • 1 poireau • 1 carotte • ½ botte de coriandre

Jeanne Brousse

Je m’épanouis accrochée à mon pieu. J’aime la pluie du printemps, le soleil d’été, le froid sec en hiver. Ma chair rend amoureux. Soyeuse, savoureuse et bien élevée. Demandez les moules de bouchot, sauce ail noir ! Rincez puis grattez fort les moules bien fermées. Ébarbez à l’aide d’un couteau aiguisé. Faites blondir les échalotes dans du beurre, Puis hachis d’ail, coriandre fraîche ciselée, Carotte julienne ne sera que meilleure. Ajoutez un beau blanc de poireau émincé, Mélangez avec un filet d’huile toasté, Sept minutes en cocotte. Laissez suer. À feu doux, sur le tout, un verre de porto*. Montez le feu, trinquez avec votre "bello". Pendant un bref instant, faites réduire un peu. Avant de savourer, chers amants, faites un vœu, Sautez les moules avec chaleur ardente Deux à trois minutes seulement suffiront. Elles s’ouvrent en peu de temps, c’est le pompon ! Filtrez l’eau de cuisson des moules succulentes. Mixez ail noir, crème, plus encre et une moitié de bouillon, puis prenez grand soin d’assaisonner. Dans un faitout, enfin, faites chauffer tout doux Vous retiendrez-vous avant la fin de cuisson De tremper vos doigts dans la sauce noir bijou ? 30 minutes

*L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

17 minutes

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1. Période de trêve - Traditionnel emblème de cette période. 2. Palais mauresque - Grecque dévêtue. 3. Tels les parents de Cocteau ! 4. On en fait plus d’une en décembre. 5. Une obligation citoyenne - D’un auxiliaire - Arbre fréquemment taillé. 6. Abri de Robinson - Abandonne ou double. 7. Indispensable à l’architecte - Là, l’État sait faire ! 8. Peut saigner chez un chien courant - Subtil parfum. 9. Unis solidement - Il y souffle un vent de liberté ! 10. Négation - Ornements des cadeaux.

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A. Naissances religieuses. B. Doublé, un peu osé - Réputée pour ses huîtres. C. Diminue de hauteur - Cueillette chère aux Gaulois. D. Signe de tristesse... ou de joie - À l’envers, convoitée du promis. E. Zut, quand il coince ! - Riche territoire persique. F. Fonds propices à la sole Appris. G. Son féminin est une belle inconnue. H. Coordonne - Eut de sombres desseins. I. Ne manie plus la férule depuis longtemps ! - S’échappe du tambour. J. Sans ornement - Dignitaires ottomans.

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Ponia DuMont

cogite-toi

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où trouver

Bourg-en-Bresse  Le Brou. Théâtre de Bourg-en-Bresse. La Tannerie.  Bourgoin-Jailleu  Les Abattoirs.  Bron  Espace Albert Camus. Ciné Les Alizés. Ferme du Vinatier. C Louis Aragon. Pole Pik. Médiathèque de Bron. Université Lyon II.  Caluire-et-Cuire  Bibliothèque municipale. Cinéma le Méliès. Le Radiant-Bellevue.  Chassieu  Le Karavan théâtre.  Corbas  Le Polaris.  Dardilly  Pôle Culturel L'Aqueduc.  Décines  Le Toboggan. Centre de la Mémoire Arménienne.  Feyzin  L’Épicerie Moderne.  Irigny  Le Sémaphore.  L’Isle-d’Abeau  La CAPI.  La Mulatiere  Aquarium de Lyon.  Lyon 1  À chacun sa tasse. L'Antirouille. À Thou bout d’chant. Bar 203. Bar à vin. Bistrot Chardonnet. La Boîte à café. Le Bomp. Cabane café. Café des Capucins. CAUE Lyon Métropole. Cinéma Opéra. La Condition des Soies. Dangerhouse. Drac. Ecoworking. ENBA. Espace 44. Galerie AMR Pallade. Galerie la BF 15. Galerie Mathieu. Galerie PomeTurbil. Galerie Le Réverbère. Le Gargagnole. Hemingway’s. Ho36 Terreaux. Librairie Archipel. Librairie À titre d’aile. Librairie le Bal des Ardents. Librairie Musicalame. Librairie Le Tasse-Livres. Jarring effects. Kraspek Myzik. Mapra. Mas Amor. Médiatone. Musée des Beaux-Arts. Le Nombril du Monde. Opéra de Lyon. Original Watt. Le Perko. La Pinte douce. Radio Canut. Le Romarin. Sofffa Terreaux. Les Subsistances. Théâtre de l’Accessoire. Théâtre Les Clochards Célestes. Technoir. Tikki Records. Trokson. Unique en série. Les Valseuses. Vins Nature. Le Voxx.  Lyon 2  Archives municipales. Bar Petit Grain. Centre national de la Danse. La Cloche. Docks 40. ESMA. Fondation Bullukian. Goethe Institut. MJC Confluence. Mob Hôtel. Librairie Expérience. Librairie Gibert. Librairie Momie. Librairie Passages. Musée des Confluences. Le Périscope. Théâtre des Ateliers. Théâtre des Célestins. Théâtre Comédie Odéon. Université catholique de Lyon.  Lyon 3  Auditorium. De l’Autre côté du pont. Archives départementales. Café du Rhône. Gnome et Rhône. Hooper. IFRA. Librairie Esprit Livre. Librairie du Tramway. Mairie du 3e. La Métropole de Lyon. Pôle Emploi Scène et Images. Salle des Rancy. Taverne Gutenberg.Théâtre Improvidence.  Lyon 4  Aquarium Ciné Café. L’Assiette du vin. Aux Gogniols. Le Bistrot du Boulevard. Le Bistrot fait sa Broc. Le Canut et les Gones. Capucine bazar. Collectif la Machine. Le Comptoir du vin. Le Déjeuner. Le Diable Rouge. Les Enfants du Tarmac. ENFIP. Galerie Vrais Rêves. Le Grain de Folie. L’Instant. IUFM. Labelalyce Librairie La BD. Librairie le Livre en Pente. Librairie Le Magasin des Livres. Le Modern Art Café. Ninkasi Croix-Rousse. Ô Vins d’anges. L'Oiseau sur la branche. Paddy's Corner. Le Petit Troquet. La Soierie. Théâtre de la Croix-Rousse. Théâtre Sous le caillou. La Valise d’Elise. Villa Gillet. Vivement Dimanche. La Voguette.  Lyon 5  Le Bar Bu. Brasserie du Doyenné. CRR de Lyon. CNSMD. Collège Hôtel. École du Cirque Ménival. ENSATT. Espace Gerson. La Gargouille. Instituto Cervantès. Librairie Virevolte. Mairie du 5e. La Mi Graine. MJC du Vieux-Lyon. MJC Saint-Just. Musées Gadagne. Musée Gallo-romain. Ninkasi Saint-Paul. Le Sonic. Théâtre du Point-du-Jour.  Lyon 6  L’Apéro Rock. L’Astragale. Café Chloé. Mairie du 6e. Musée d’Art Contemporain. L’Odyssée. Le Tout Petit Café. Le Riso Amaro.  Lyon 7  Atelier Garage. Bibliothèque Diderot. Le Bistroquet. Le Café 76. Centre Berthelot. CHRD. Cinéma Comœdia. La Commune. Court-circuit. ENS. L’Elysée. Les Fauves. La Fourmilière. Galerie Tator. Ho36 Montesquieu. IEP. L’Indocafé. Librairie Bédétik. Librairie Rive gauche. Librairie Terre des Livres. Librairie La Voix aux chapitres. Mairie du 7e. Le Mondrian. Ninkasi Kafé. Le Petit Bouclard. Le Petit café rose. Pimpon bar. Les Raffineuses. Sofffa Guillotière.  Lyon 8  Faculté de médecine. Institut Lumière. Mairie du 8e. Maison de la Danse. MJC Monplaisir. NTH8. Salle Genton.  Lyon 9  Campus René Cassin. Ciné Duchère. CNSMD.  Librairie Au Bonheur des ogres. Médiathèque de Vaise. MJC de la Duchère. TNG.  Mâcon  Le Cadran lunaire. La Cave à Musique. Mâcon Scène nationale.  Miribel  L'Allégro.  Mornant  Espace Jean Carmet.  Oullins  La Mémo. MJC d’Oullins. Le Syndrome Peter Pan. Théâtre de la Renaissance.  Pierre-Bénite  Maison du peuple.  Portes-Lès-Valence  Train-Théâtre.  Rillieux-la-Pape  CCNR. Espace culturel Marcel André. Médiathèque. MJC O Totem. Piscine du Loup Pendu.  Saint-étienne  Cité du Design. La Comédie de Saint-Etienne. Le Fil. Le MAMC.  Saint-Fons  Mairie. Médiathèque Roger Martin du Gard. Théâtre Jean Marais. Centre d’arts plastiques. Théâtre Jean Marais.  Saint-Genis-Laval  La Mouche. Médiathèque. B612  Sainte-Foy-lès-Lyon  Cinéma Mourguet.  Tassin-la-Demi-Lune  Théâtre L'Atrium.  Vaulx-en-Velin  Centre culturel Charlie Chaplin. École d'architecture. ENTPE. Planétarium.  Valence  Comédie de Valence.  Vénissieux  Bizarre ! Médiathèque Lucie Aubrac. Théâtre de Vénissieux.  Vienne  Théâtre de Vienne.  Villefontaine  Théâtre du Vellein.  Villefranche-sur-Saône  Auditorium. Cinéma Les 400 Coups. Médiathèque Mendès-France. Musée Paul Dini. Théâtre de Villefranche.  Villeurbanne  Atome Village. Le Bieristan. Campus de la Doua. CCO. CCVA. Cinéma Le Zola. Galerie Domus. Double Mixte. ENMDAD. Espace Info. Espace Tonkin. IUFM. IUT B. Librairie Lettres à Croquer. La MLIS. Pôle Pixel. Studio 24. le Rize. Théâtre Astrée. Théâtre de l'Iris. Le TNP. Toï Toï Le Zinc. Le Totem. Le Transbordeur. L’URDLA... ainsi que dans la plupart de vos mairies, bibliothèques et MJC.

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