Orfeo magazine n°24 - Édition française - Automne 2024

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L’épicéa suisse

L’épicéa des Alpes

L’épicéa du Jura

Philippe Mottet

Ermanno Chiavi

Thomas Zahnd

NOUVEAUTÉ – Format : 22,5 x 30 cm (1,8 kg). 216 pages couleur + plan d’une Friederich en taille réelle. Français et Anglais. Prix : 90 € hors envoi.

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24 MAGAZINE

La Suisse n’est pas seulement le pays des montres, de l’industrie pharmaceutique, des banques, des montagnes et des stations de ski. La Suisse possède également de magnifiques forêts d’épicéas qui fournissent du bois de résonance de grande qualité depuis des siècles. Chaque forêt a ses spécificités, cependant, devant l’impossibilité de toutes les visiter, nous en avons choisi deux : l’une dans les Vosges, à la frontière avec la France, et l’autre dans les Alpes, très proche des frontières avec l’Italie et l’Autriche.

Nous avons aussi rendu visite à trois luthiers amoureux de leur épicéa : Philippe Mottet, Ermanno Chiavi et Thomas Zahnd. Tous les trois suivent la tradition suisse de la construction des toits et façades de chalets de fendre le bois et non de le scier, ce qui conserve les fibres entières et rend le bois plus résistant. Bonne lecture.

Philippe Mottet, héritier de Christian

Il a construit son premier instrument dans l’atelier du luthier et guitariste Christian Aubin qui avait lui-même appris la lutherie auprès de Robert Bouchet. Philippe Mottet signe les étiquettes de ses instruments : anselmus albini alumnus , ce qui signifie en latin, « Anselme (son deuxième prénom) élève d’Aubin ».

Christian Aubin et de Robert Bouchet

Dans l’espace immense de son atelier, tout respire l’ordre et la sérénité.

Philippe Mottet – Dans mon enfance j’étais chanteur et à l’adolescence, j’ai appris la guitare dans les conservatoires de Fribourg et de Lucerne mais, j’ai toujours été attiré par les travaux manuels et je rêvais de faire des violons et des guitares. En cherchant à apprendre, je suis allé voir beaucoup de luthiers et finalement, j’en ai trouvé un qui faisait des stages d’été : Christian Aubin, près de Cahors en France. J’ai beaucoup aimé son enseignement. Un jour, en travaillant dans son atelier, je sifflotais Trois beaux oiseaux du paradis de Maurice Ravel et cela a surpris et enchanté Aubin. Je crois que cela a été le point de départ de notre amitié.

Christian Aubin était aussi un excellent guitariste.

P. M. – Oui, son grand amour était la musique de Bach. Il avait des idées très arrêtées sur la musique et l’interprétation et il jouait un répertoire assez différent de celui des autres guitaristes. Il faisait partie des rares interprètes à jouer les sonates pour violon seul de Bach sur sa magnifique Torres de 1867. Segovia avait transcrit la Chaconne , mais pas l’intégralité de ces sonates. Dans les années 1950, il jouait tous les soirs à Paris, le plus souvent à l’ Académie de guitare C’est là qu’il s’est lié d’amitié avec Robert Bouchet et Daniel Friederich (Christian Aubin apprit la lutherie avec Robert Bouchet et en copiant sa propre guitare d’Antonio de Torres. Il a été aussi l’initiateur à la lutherie de Daniel Friederich).

Il construit ses guitares à la manière espagnole.

J’ai eu la chance de jouer avec sa guitare de Torres pendant dix ans, prêtée par Aubin. J’ai pris un grand plaisir à jouer avec des cordes moins tendues, avec un la à 415 Hz, un demi-ton plus bas. Je trouvais qu’elle sonnait un peu moins fort, peut-être, mais avec plus de tendresse et un vibrato plus présent, c’était magnifique ! L’accordage change beaucoup la manière de sonner d’une guitare. Aujourd’hui, comme je me sens totalement libre de faire ce que je veux, j’accorde rarement mes instruments à 440 Hz. J’aime bien trouver la fréquence qui donne le meilleur de chaque instrument.

Quel type de construction avez-vous appris avec Aubin ?

P. M. – Avec lui, j’avais appris à construire des guitares en utilisant des procédés et des moules directement inspirés de ceux de Robert Bouchet. Mais je me suis très vite intéressé aux luths et à la réalisation de répliques d’instruments historiques. Pour cela, j’ai poursuivi mon perfectionnement avec David Van Edwards en Angleterre. En plus des luths, je me suis intéressé aux guitares viennoises qui m’ont séduit par leur fondamentale très claire.

Aujourd’hui, quelles sont les caractéristiques de votre lutherie ?

P. M. – Comme je vis à moitié dans le monde du Son atelier est aussi beau à l’extérieur qu’à l’intérieur.

luth, cela m’ouvre des portes sur d’autres manières de faire, et notamment avec les bois. Pour les luths, j’utilise les bois de houx, d’if, d’érable moucheté ou d’amourette. Il est possible de faire varier la sonorité et la vivacité de réponse de l’instrument en utilisant ces bois différents. Dans l’if, qui est le bois de référence pour les caisses de luths, on peut même utiliser l’aubier. Comme ce bois a une grande résilience, il revient très vite à sa forme initiale, en Angleterre on l’employait pour faire des arcs, donc les forêts ont toujours été très protégées à cause de son utilisation militaire. C’était une chance pour les luthiers, puisqu’une partie des arbres leur était réservée !

Dans tous les cas, le plus difficile est toujours d’obtenir une égalité dans la chanterelle, surtout entre la septième et la quinzième case. C’est le problème de tous les luthiers… Dans mes instruments, un élément très important est la présence de doubles éclisses, comme sur les guitares romantiques ou les Ramírez. L’intérieur des éclisses est doublé avec du sapin ou du prunier. J’aime beaucoup travailler avec du prunier, l’un des fruitiers les plus durs, que j’ai très souvent

Un fond en construction de son modèle moderne.

Il fait tous ses collages avec de la colle chaude.

La pièce où il conserve le bois est décorée avec des moules de luths.

utilisé pour faire de magnifiques caisses de luth. Il présente un large éventail de couleurs, de l’orangé au violet ce qui rend difficile son utilisation dans le monde de la guitare où il y a beaucoup d’ a priori : les guitaristes classiques ont du mal à sortir du palissandre et de l’érable !

Avez-vous des projets ?

P. M. – J’ai toujours des projets en tête, comme celui de travailler « à la découverte de ». C’est très exaltant, car cela ne répond pas à une commande.

Aujourd’hui, dès que l’on sort de l’esthétique sonore de « la guitare qu’il faut pour gagner un concours », on voit de nouveau sur les scènes de

concert de très belles guitares en épicéa avec des tables et des barrages tout à fait traditionnels. La mode est en train de changer.

Quels bois préférez-vous pour vos tables ?

P. M. – Je travaille essentiellement avec de l’épicéa issu des forêts des pré-Alpes, près de Rougemont : la forêt des Arses. Cette forêt est orientée nord, les arbres y poussent donc lentement, le bois est très léger, plus que celui des Vosges

Luth en construction en ébène du Mozambique (Dalbergia melanoxylon).

et surtout, je trouve du bois coupé de la bonne manière : fendu et non scié.

Vous accordez beaucoup d’importance à cela mais vous êtes finalement obligé de le scier pour obtenir des planches utilisables en lutherie.

P. M. – Non, je le rabote, mais tout à la fin. Je travaille comme on le fait pour le revêtement de façade des chalets en Suisse, ce qui rend ce bois plus résistant aux intempéries. On fend le tronc en quatre, puis chaque quart en moitiés successives de plus en plus petites. À la fin, on obtient des tranches qui ont deux centimètres côté écorce et presque rien du côté du cœur de l’arbre. C’est le meilleur moyen de suivre la fibre du bois.

En réalité, les arbres grandissent rarement sans se vriller, il faut donc suivre le mieux possible ces fibres naturelles.

En rabotant, on conserve les fibres entières et on optimise la transmission des ondes sonores. Je fais rarement des tables en deux parties, je les fais en plusieurs parties, quatre, cinq ou six, en gardant les morceaux avec la

Guitare baroque en érable moucheté naturel et oxydé.

fibre parfaitement en travers, sans poches de résine ni menaces de fentes. La flexibilité et la solidité de la table faite ainsi ne sont pas les mêmes que celles d’un bois scié. L’inconvénient est que lorsque l’on fend, il y a beaucoup de perte. Les marchands ne peuvent en général pas se permettre de le faire et ils préfèrent scier.

Avez-vous plusieurs modèles de guitare ?

P. M. – Au fil de ma vie, j’ai fait de nombreux modèles différents. Je ne fais pas partie de ces luthiers qui ont fait un seul type d’instrument en l‘améliorant peu à peu. Beaucoup de mes instruments étaient conçus d’après des modèles historiques. Même par admiration pour David Russel et sa première Dammann, j’ai fait des guitares avec une double table qui ont donné de très bons résultats. Je continue à en faire de temps en temps…

Ses étiquettes sont gravées et imprimées à la main.

Le modèle Torres, d’après la SE 141 de 1890, l’une des dernières, avec son petit gabarit.

“Le modèle Anselmus est mon modèle principal et représente mon identité esthétique en termes de guitares classiques.”

La rosace est composée avec des bois naturels non teintés : poirier, prunier, ébène, palissandre, houx et de l’ivoire rose.

“Par principe, je cherche un peu de volume et une égalité de fréquences dans les aigus pour tous mes modèles.”

J’aime bien faire des copies de Torres qui sont de vraies copies, avec un barrage traditionnel à sept brins, la barre harmonique ouverte et tout le reste comme celle de Christian Aubin. Je fais évidemment aussi des copies de Bouchet.

Et vos modèles personnels ?

P. M. – Un de mes modèles personnels, que j’appelle « Jugendstil », est une sorte de guitare viennoise modernisée, très personnelle dans son esthétique : une table montée avec les cernes en diagonale et un barrage parallèle. Cela me permet d’obtenir une table avec une résistance différente et de faire un barrage parallèle aux cordes. C’est un instrument assez particulier… Je fais aussi un modèle Anselmus, que je pourrais appeler « moderne », avec un barrage en quadrillage, un treillis de barres perpendiculaires. Le résultat me plaît beaucoup du point de vue de son esthétique sonore.

Par principe, je cherche un peu de volume et une égalité de fréquences dans les aigus pour tous mes modèles. J’aime les instruments avec une fondamentale claire, car cela permet de mieux entendre la polyphonie. Je les préfère aux instruments plus brillants.

J’ai vu dans votre atelier un épicéa couleur caramel. Qu’est-ce ?

Le modèle Jugendstil : sa table est montée avec les cernes en diagonale, sa bouche est elliptique et son chevalet très particulier.

Le modèle Jugendstil est une sorte de guitare viennoise modernisée.

P. M. – C’est de l’épicéa oxydé, que je cuisine moi-même depuis longtemps pour le rendre plus léger et plus stable. Cela durcit la résine et la rend comme du cristal, ce qui est très bon pour la sonorité. L’idée m’est venue après avoir travaillé avec du vieux bois. C’est comme un vieillissement artificiel que je fais au four de la cuisine à 180 °C (356 °F). Je mets les planches inclinées et je les laisse cinq minutes de chaque côté.

Comment finissez-vous les guitares ?

P. M. – Quand on fait une table de luth on ne met pas de revêtement de surface. Un peu de cire éventuellement, donc la table est très perméable aux sons, c’est une des qualités que j’aime dans ces instruments… On pourrait mettre très peu de gommelaque dans les guitares, le moins pos -

sible, mais pour que la gomme-laque soit réussie il faut un peu de matière quand même. Pour moi, l’idéal c’est la cire. C’est un souhait de luthier, mais rarement un souhait de guitariste puisque la table reste fragile et demande à être entretenue.

Et… doit-on faire la guitare qu’on aime ou celle qu’on nous demande ?

P. M. – Chaque guitare porte un peu de notre personnalité et de notre sensibilité. Forcément on fait toujours la guitare qu’on aime, on ne peut pas changer notre manière de faire selon le goût des clients, sinon ce serait comme un bateau sans capitaine qui va là où le vent le pousse !

La tête ajourée ajoute un détail d’inspiration allemande.

Le point d’appui du chevalet se trouve un peu rentré, à l’aplomb du sillet, comme dans les luths baroques. Les ailes sont ouvertes pour leur donner plus de flexibilité. Cette guitare a un mince tornavoz en bois.

Les mélèzes avec leur feuillage doré d’automne donnent des couleurs aux forêts suisses.

Ermanno Chiavi, des guitares

guitares à 6, 7, 8, 10, 11 ou 13 cordes

Ermanno Chiavi a appris le métier en Allemagne avec le luthier Gerold Karl Hannabach, puis il s’est installé à Zurich en 1985. Plus tard, il a perfectionné sa technique en assistant aux stages de José Luis Romanillos à Sigüenza en Espagne. Il garde un excellent souvenir de ses stages : « José était un homme formidable, amical, ouvert, généreux et très habile de ses mains. »

Guitare à dix cordes avec une bouche inspirée de Simplicio.

Guitare à huit cordes.

D’où vient votre passion pour les guitares à cordes multiples ?

Guitare à dix cordes.

Ermanno Chiavi – Au début je faisais des guitares classiques à six cordes mais en 2003, le guitariste suédois Anders Miolin m’a demandé de lui faire une guitare de treize cordes. Il jouait habituellement avec une guitare à dix cordes mais, comme il souhaitait jouer des transcriptions pour piano, il voulait un instrument avec sept cordes graves et un manche avec vingt-quatre frettes pour avoir la possibilité de jouer sur cinq octaves. Cette commande représentait un défi pour moi.

J’ai beaucoup réfléchi et j’ai acheté un ordinateur avec un programme qui me permettait d’expérimenter différents projets. Finalement, la guitare a été un succès, mon client l’utilise toujours et par la suite, j’ai reçu une trentaine de commandes de ce modèle.

Cette approche de la construction à l’aide de l’ordinateur m’a donné l’idée de l’utiliser pour

Guitare à treize cordes.

créer d’autres modèles et aussi pour améliorer mes guitares classiques à six cordes.

Quels autres modèles ?

E. C. – J’ai le goût de me lancer dans des projets différents et mes clients le savent.

Il y a quelques années, un professeur du conservatoire local m’a demandé de faire des guitares pour enfants avec un diapason de 52 cm et j’en ai fait des dizaines.

Aujourd’hui, je propose des guitares classiques à six, sept, huit, dix, onze et treize cordes.

J’ai également fait une guitare « dodécaphonique » : une guitare classique avec douze cordes simples mais avec un accordage particulier. Construire une telle guitare était difficile… et trouver les cordes avec les bonnes tensions aussi !

Ma fille chantait et jouait de la guitare classique depuis son adolescence mais vers ses vingt ans,

Guitare à onze cordes.

elle a voulu passer à la guitare acoustique à cordes en acier. Je lui ai alors fabriqué une copie d’une Washburn des années trente. Et me voilà avec un modèle de plus à proposer !

Quelles caractéristiques cherchez-vous à donner aux guitares ?

E. C. – Un bon volume bien sûr, mais surtout des couleurs !

J’essaie d’avoir un son très neutre pour permettre au guitariste de trouver son propre son. Je veux faire des instruments qui révèlent la personnalité du guitariste.

Je travaille en général avec du palissandre indien et de l’érable canadien pour les caisses et de l’épicéa des Alpes suisses pour les tables.

J’aime l’épicéa léger, entre 370 et 400 kg/m 3

Chaque fois que j’achète du bois, je mesure son poids et ses flexions que je note sur chaque planche. Je passe beaucoup de temps à analy-

Guitare à douze cordes avec sa touche conçue pour appuyer toutes les cordes sur les trois seules premières frettes.

Le déplacement de la rosace vers le haut permet de faire un grand barrage en treillis.

Devant un plan de guitare cordes et un diapason

Des filets et un motif de pour la décoration des

Détail d’une rosace simple, avec des bois naturels.

guitare à six de 63 cm. de la mosaïque rosaces.

Tableau d’outillage avec la découpe d’une tête de guitare à six cordes.

Table de guitare classique et son barrage avec deux éventails croisés.

simple, naturels.

Fond en érable moucheté avec quatre barres de renfort.

Un moule est utilisé pour coller les eclisses d’un modèle classique.

Il utilise l’ordinateur dans la conception de ses guitares.

“La guitare que j’ai faite le plus est la classique à six cordes : environ trois cents.”

Chiavi aime particulièrement les tables en épicéa chenillé.

ser et comprendre chaque planche de bois que j’ai entre les mains. Ces mesures me donnent une idée de quel barrage et quelle construction seront les mieux adaptés. Quand la guitare est finie, je mesure et j’ajuste la fréquence entre fa et sol en ajoutant ou en enlevant du bois.

J’ai vu dans votre atelier des tables avec des bouches placées différemment.

E. C. – Oui, l’emplacement de la bouche de la guitare peut se situer à différents endroits. L’important, c’est son diamètre, et le volume d’air qu’elle laisse passer. Si je fais mon modèle avec une petite bouche par exemple, je le complète avec une autre sur l’éclisse.

Parlez-moi de vos différents modèles.

E. C. – La guitare que j’ai faite le plus est le modèle classique à six cordes. J’en ai fait environ trois cents. J’en fais deux versions : une classique, avec la bouche au centre et un barrage avec deux éventails croisés, qui est la préférée de certains guitaristes grâce à sa sonorité chaleureuse. Je fais une autre version avec la bouche dans le petit lobe et un barrage en treillis qui donne un son plus neutre et convient mieux à d’autres guitaristes. Cette dernière, avec sa grande surface de table, me laisse plus de possibilités pour ajuster la fréquence.

Les guitares à sept ou huit cordes sont basées sur la même construction que le modèle à six cordes. La septième et la huitième cordes, en tant qu’extension du registre grave, sont accordées en ré et en do et peuvent être jouées sur toute la touche.

Le design de la tête permet l’intégration des cordes supplémentaires tout en conservant la même taille et la même symétrie. La bouche peut être, soit celle placée dans le petit lobe, ou celle inspirée du modèle à double bouche de Simplicio. Par contre, le barrage est toujours celui avec deux éventails croisés très légers, celui qui me permet de mieux exploiter la grande surface de la table et me donne un très bon résultat sonore.

Son modèle de guitare pour enfants avec un diapason de 52 cm.

“Pour

ma fille qui désirait une acoustique à cordes en acier, j’ai copié une Washburn des années trente.”

Les guitares à dix cordes sont également basées sur la même construction que le modèle à six cordes. Le design de la tête permet d’ajouter les quatre mécaniques supplémentaires avec un acheminement optimal des cordes. La tête des guitares à onze ou treize cordes est prévue pour l’intégration des mécaniques supplémentaires, très légères, faites par Alessi à ma demande.

La touche est conçue pour appuyer toutes les cordes seulement sur les trois premières frettes.

La largeur de la touche diminue à partir de la troisième case et une partie des cordes basses restent hors de la touche.

À partir de la douzième case, la largeur de la touche diminue encore pour gagner du poids et rendre l’ensemble de la construction plus léger visuellement.

En plus d’étendre le registre vers le bas avec les cordes supplémentaires, je l’ai également étendu vers le haut avec cinq frettes supplémentaires, pour un total de vingt-quatre frettes.

La touche du modèle à treize cordes offre ainsi la possibilité de jouer sur cinq octaves. Les

Encore une table spectaculaire en épicéa chenillé.

touches de ces modèles sont surélevées pour faciliter l’accès aux cordes au-dessus de la douzième case et permettre à la main gauche d’avoir une position plus détendue.

Je fais aussi une guitare « dodécaphonique » dont je vous ai déjà parlé ; une guitare classique avec douze cordes simples mais avec un accordage particulier : sol/la/si/do/ré/mi/la/ré/sol/si/mi/ la. En plus d’élargir le registre vers le bas, grâce aux cordes graves supplémentaires, elle l’étend également vers le haut grâce à la corde de la ajoutée dans les aigus.

Le déplacement de la rosace vers le haut permet d’augmenter de près d’un tiers la surface vibrante de la table par rapport à une guitare classique.

C’est dommage que vous n’ayez pas eu de conversations avec Francisco Simplicio ! E. C. – Oui, j’aurais eu quelques questions à lui poser !

J’ai beaucoup appris en réparant des guitares. Voir le travail des grands luthiers est très instructif.

J’ai eu la chance de voir, écouter et mesurer beaucoup de très bonnes guitares : Hauser, Romanillos… toutes m’ont appris quelque chose.

Le château de Hallwyl situé dans le canton d’Argovie, près de Zurich.

Thomas Zahnd : du jazz au

Thomas Zahnd était enseignant et pratiquait la lutherie en autodidacte en construisant des guitares de jazz. C’est après avoir suivi les cours de Tobias Braun en Autriche, qu’il est venu à la lutherie de guitare classique.

Y a-t-il une tradition de guitare classique en Suisse ?

Thomas Zahnd – Non, la guitare n’était pas présente dans la musique populaire suisse. La guitare classique est arrivée assez tard, autour des années 1950. Dans la lutherie suisse actuelle il n’y a pas d’influence dominante : ni espagnole, ni allemande, ni française ni italienne, chaque luthier suit sa propre voie. En ce qui me concerne, mon inspiration vient des grands luthiers espagnols, j’aime le son de leurs guitares.

Au début j’étais fortement influencé par les guitares de Hauser mais ensuite, celles d’Arias et de Santos sont devenues mes références sonores. Les merveilleux cours de construction que j’ai suivis avec Tobias Braun m’ont beaucoup orienté dans ce sens.

au classique

Thomas Zahnd dans son atelier de Berne.

Ici, collage du fond et dans la page de droite, différents détails de construction de son modèle de guitare classique.

Comment êtes-vous venu à la lutherie ?

T. Z. – J’étais professeur spécialisé dans l’enseignement aux enfants présentant un déficit intellectuel. Je leur apprenais à lire et à écrire, mais je les aidais aussi à exprimer leur personnalité à travers le travail manuel, le dessin et la peinture. Dans les années 1990, parallèlement à cette activité d’enseignant, je construisais des guitares de jazz de type « archtop » en autodidacte, dans mon salon. J’adore les Gibson L5 ! En 2016, j’ai eu envie de faire des guitares classiques et j’ai alors appris que Tobias Braun donnait des cours de construction en Autriche. Ces cours étaient fantastiques, je n’avais jamais autant appris en deux semaines ! Durant les trois cours que j’ai suivis avec Tobias, en 2017, 2019 et 2020, j’ai fait des modèles Hauser, Arias et Santos.

Les guitares de Vicente Arias m’ont toujours surpris. Elles constituent une sorte de défi à la physique : elles sont très légères (environ un kilo), réagissent rapidement et directement, et produisent des basses riches et profondes ! Malheureusement, les guitaristes suisses n’aiment pas le modèle Arias, qu’ils trouvent trop petit, ni les guitares en bois clair ; j’ai une guitare en cyprès depuis deux ans qui ne trouve pas d’acheteur.

Et aujourd’hui, quels modèles proposez-vous ?

Planche d’épicéa telle qu’elle apparaît une fois fendue, prête à être rabotée.

T. Z. – Je crée mon propre modèle, un mélange de tout ce que j’ai appris, mais surtout inspiré de la guitare espagnole traditionnelle, ni double-top, ni lattice. Mon barrage est composé de cinq brins et d’une barre harmonique inclinée.

©
Thomas Zahnd

Son modèle personnel s’inscrit dans la tradition des guitares espagnoles.

Pour le fond et les éclisses, j’utilise surtout du palissandre indien, le cyprès ou l’érable, mais j’ai aussi un peu de citronnier ( Chloroxylon swietenia ) et de cormier ( Sorbus domestica ) dans mon stock. La rosace est composée de bois non teintés, naturels. Les collages sont faits avec de la colle de peau et le vernis est appliqué au tampon, avec de la gomme-laque sans cire. La tête est inspirée par les guitares de Robert Bouchet, mais j’ai ajouté deux entailles en bas.

J’appelle mon modèle « La Gordita » (petite grosse en espagnol) parce que la ceinture est un peu large.

D’où vient l’épicéa de vos guitares ?

T. Z. – Il existe en Suisse une tradition dans la fabrication des toits et des façades en bois avec de petites tuiles d’épicéa ou de mélèze fendues, jamais sciées. J’ai la chance d’habiter près d’un charpentier spécialisé dans la restauration de ces maisons. Cet homme a l’habitude de sélectionner

La tête est inspirée par les guitares de Robert Bouchet. Les rosaces sont composées de bois non teintés, naturels.

« Dans l’atelier du luthier le temps ne doit pas exister. »

Guitare de jazz de type

« archtop », copie de Gibson L5.

le bois avec soin. Lorsqu’il coupe une belle bille d’épicéa, il la conserve pour les luthiers.

J’aime l’épicéa de cette région, l’Oberland bernois, car il donne des aigus brillants à mes guitares.

Les luthiers suisses sont peu connus à l’étranger, pourquoi ?

T. Z. – C’est vrai. Je crois que des luthiers comme Maurice Ottiger et Philippe Jean-Mairet étaient présents dans les salons de lutherie en Europe, mais plus aujourd’hui.

Les luthiers suisses produisent peu et vendent principalement leurs guitares en Suisse et cet isolement a sa raison d’être : le marché est petit, la demande est faible et la vie est très chère. En général, les luthiers suisses partagent leur temps entre la lutherie et un autre emploi.

L’autre problème est que la Suisse ne fait pas partie de la Communauté européenne. Je paie donc des taxes sur le bois que j’importe d’Allemagne et mes clients paient des taxes sur mes guitares quand elles arrivent dans leur pays. Cela rend nos produits chers et difficiles à vendre.

Avez-vous un conseil à donner aux jeunes luthiers ?

T. Z. – Je leur dirais de changer d’attitude, de rentrer dans l’atelier et d’oublier le temps, de faire tout le mieux possible. Dans l’atelier du luthier le temps ne doit pas exister. Tobias nous disait toujours que « le plus important, c’est la patience ».

Autre exemple de son modèle mais avec fond et éclisses en cyprès.

Petite rivière proche de Bergün, où se trouve le siège de Florinett.

La haute qualité de l’épicéa suisse

L’augmentation des températures au cours des dernières années a été exceptionnelle en Suisse comme dans le monde entier.

Au cours du siècle écoulé, la température annuelle moyenne a augmenté de 2 à 2,5 degrés dans le pays mettant en danger les épicéas.

Tables en cours de séchage chez Swiss Resonance Wood.

Dans les forêts de basse altitude, le nombre annuel de jours où l’on observe une température maximale supérieure à 25 degrés a augmenté de 50 à 70 %, tandis que le nombre de jours de gel a diminué de 15 à 45 %.

Si ce réchauffement se poursuit, les épicéas ne trouveront plus les conditions optimales de croissance dans les emplacements chauds et pourraient être progressivement remplacés par les essences de chênes locales.

Nous sommes allés visiter deux entreprises spécialisées dans la vente de bois de résonance : Florinett et Swiss Resonance Wood.

Florinett opère dans les forêts de la région des Grisons, en Suisse orientale, connue pour ses magnifiques paysages alpins et ses stations de sports d’hiver huppées (Saint-Moritz, Davos, etc.). Le canton des Grisons est bordé par le Liechtenstein au nord, l’Autriche à l’est et au nord et l’Italie au sud et au sud-est. La région des Grisons est quasi entièrement montagneuse et les forêts recouvrent un cinquième de la superficie totale.

Swiss Resonance Wood opère dans la forêt de Risoux (ou Risoud), dans le massif du Jura, à cheval entre la France et la Suisse. C’est l’une des plus grandes forêts d’Europe avec ses trente kilomètres de long sur huit de large.

Les forêts des deux régions s’étendent à une altitude entre 1 300 et 2 000 mètres. Elles sont soumises à un environnement particulièrement rigoureux, notamment le froid combiné à la pauvreté du sol, deux principaux facteurs d’une croissance très lente des arbres. Grâce à ces arbres plusieurs fois centenaires, ces forêts fournissent un excellent bois d’harmonie pour la lutherie.

Florinett : l’épicéa

Andrea Florinett, un amoureux de la forêt.

au cœur des Alpes suisses

Depuis l’an 2000, dans la région des Grisons, au milieu des Alpes suisses, Andrea Florinett et son équipe sélectionnent des bois de haute qualité pour la fabrication d’instruments sous le label
Tonewood Switzerland.

Quelles sont les caractéristiques de votre bois de résonance ?

Andrea Florinett – Notre climat froid et montagnard ainsi qu’une courte saison de croissance donnent des épicéas dont les cernes annuels sont serrés et réguliers.

Le tronc doit être exempt de nœuds, bien droit (sans torsion) et contenir peu de résine.

L’emplacement où les arbres grandissent est très important. Le mieux, c’est à l’ombre, dans un terrain légèrement en pente. L’idéal c’est qu’il y ait un mélange d’âges dans la même zone, les petits arbres grandissent près des grands et ils se bonifient mutuellement : les petits empêchent les grands de faire branches basses et les grands protègent les petits du vent.

Invités par Florinett, nous avons assisté à la coupe des arbres en hiver, au moment de la nouvelle lune.

Pour vous donner une idée de la difficulté de trouver du bois de résonance, je vous livre quelques chiffres : notre entreprise coupe 60 000 m 3 de bois par an, dont seulement 300 m 3 seront utilisables en lutherie.

L’épicéa de vos forêts est plutôt lourd ou léger ?

A. F. – Dans toutes les forêts, il existe des zones où le bois est plus léger et d’autres où il est plus lourd : le poids peut varier de 320 (rarement) à 420 kg/m 3 . Nous connaissons très bien ces zones. La différence vient de la richesse du sol. Mais, les facteurs qui influent sur la qualité d’une table sont multiples : le son émis à la percussion, la vitesse de transmission, le poids, l’aspect esthétique… Tout intervient dans la classification. Les tables que nous appelons « Mastergrade » représentent 2 ou 3 % de l’ensemble des tables. C’est un bois exceptionnel, un arbre qui a grandi sainement pendant deux cent cinquante ans sans être dérangé ni par des arbres voisins ni par des tempêtes, rien. C’est un miracle !

Très peu de ces arbres seront sélectionnés comme bois de résonance.

Quel est le meilleur moment pour couper les arbres ?

A. F. – Nous abattons les arbres en hiver et uniquement pendant les quatre ou cinq jours qui précèdent la nouvelle lune. Nous suivons le même calendrier que les jardiniers. Nous recherchons des épicéas à une altitude comprise entre 1 300 et 2 000 m. En règle générale, nous ne coupons que des arbres d’un diamètre moyen d’au moins 45 cm, ayant atteint un âge de 200 à 250 ans. Après, les billes sont fendues en quartiers et les tables sont stockées à une altitude comprise entre 1 400 et 1 600 m. Dans notre climat alpin, le séchage à l’air entraîne un processus de séchage progressif et doux.

Vous proposez également des tables modifiées thermiquement.

A. F. – L’idée est de vieillir le bois artificiellement. Les tables traitées thermiquement sont chauffées, sous vide, à une température maximale de 160 °C dans notre four dédié. Ce processus,

« Les petits arbres grandissent près des grands et ils se bonifient mutuellement. »

Actuellement, la mesure de transmission du son se fait uniquement sur demande.

connu sous le nom de torréfaction, donne au bois une couleur plus foncée et fait partiellement volatiliser la résine, l’hémicellulose et la lignine. L’épicéa traité thermiquement présente quelques avantages par rapport à l’épicéa non traité : la vitesse de transmission du son est plus élevée (radialement et longitudinalement), la densité est plus faible et le bois peut être utilisé immédiatement sans vieillissement supplémentaire.

Avez-vous subi les effets de la tempête de 2018 ?

A. F. – La tempête qui a décimé une bonne partie de la forêt du Val di Fiemme en Italie en octobre 2018, a fait beaucoup de dégâts ici aussi. Mais entre novembre et avril, nous avons dégagé tous les arbres tombés et nettoyé la forêt. Après, nous avons replanté des

arbres, bien sûr. C’est inhabituel, parce qu’ici nous ne replantons pas, nous laissons faire la nature et la forêt se régénère toute seule. Ici, heureusement, nous n’avons pas de problème avec le bostryche, cette maladie qui affecte les épicéas (v. p. 52). Le gouvernement suisse fait beaucoup d’efforts pour conserver les forêts en bonne santé et dès qu’un arbre est malade il est enlevé pour éviter toute contamination.

Des projets ?

A. F. – Il y a une demande croissante pour les mesures de transmission du son, surtout venant de la part des luthiers de violon. Pour le moment nous le faisons sur demande, mais nous envisageons de le faire plus systématiquement.

Table triple A, de 383 kg/m3, avec une vitesse de transmission de 5 330 m/s.

Échantillons de cerisier, noyer, érable et bois d’if.

Stock d’épicéa chez Swiss Resonance Wood.

Swiss Resonance

Wood : l’épicéa des Vosges

Dans la forêt de Risoux

(ou Risoud), dans le massif du Jura, nous avons rencontré Théo Magnin, le directeur de Swiss Resonance Wood. Il sillonne cette forêt depuis son enfance et il représente la troisième génération au sein de l’entreprise familiale, fondée en 1976 et spécialisée dans le commerce de bois.

Quelles sont les caractéristiques de l’épicéa de la forêt de Risoux ?

Théo Magnin – Les anneaux de croissance sont très serrés car les arbres de cette région ont une croissance lente.

Pour que le bois puisse servir à la lutherie, l’arbre doit avoir un diamètre d’au moins 50 cm, un âge de 200 à 300 ans, un tronc bien droit sans

Théo Magnin au pied d’un superbe exemplaire d’épicéa, très prometteur comme bois de lutherie.

rotation, pas de nœuds cachés, pas de branches dans la partie inférieure et le cœur bien centré. Autant vous dire qu’il y en 1 sur 10 000 !

À quel moment coupez-vous les arbres ?

T. M. – Nos ancêtres avaient remarqué qu’en coupant le bois en lune descendante et en période hors sève, c’est-à-dire en hiver quand les arbres sont en repos végétatif, le bois séchait plus vite et était de meilleure qualité. Cette connaissance résulte d’un savoir basé sur de longues observations et surtout de la nécessité d’obtenir un bois de la meilleure qualité possible.

En hiver, en lune descendante, la présence de la

BOSTRYCHE

Bostryche typographe : c’est un petit coléoptère qui mesure environ 5 mm de long et qui ravage les forêts d’épicéas en Europe. Normalement, un épicéa sain peut empêcher l’intrusion des scolytes en sécrétant de la résine collante. Mais le bostryche attaque d’abord les épicéas malades, affaiblis par les tempêtes ou la sécheresse.

La forêt de Risoux (ou Risoud en Suisse) est l’une des plus grandes forêts d’Europe.

sève est à son minimum, le bois est plus léger et le risque de développer des moisissures et des parasites est réduit.

Vous proposez un épicéa torréfié, qu’est-ce ?

T. M. – C’est un procédé pour accélérer le vieillissement. Parmi nos clients, nous avons deux sortes de luthiers : ceux qui préfèrent les tables qui ont vieilli naturellement, dix ou quinze ans dans nos dépôts, et ceux qui choisissent l’épicéa torréfié parce qu’il peut être utilisé tout de suite et surtout pour son aspect : sa couleur dorée. Si vous combinez une caisse en noyer avec une table torréfiée, par exemple, l’ensemble sera magnifique.

Quels autres bois de résonance vendez-vous ?

T. M. – L’épicéa, c’est 80 % de nos ventes, mais nous proposons aussi le noyer, l’érable ondé, l’acacia, le platane et des fruitiers (poirier, pommier…). J’ai décidé de commercialiser uniquement des bois locaux, des bois 100 % suisses. En Europe, nous avons des bois magnifiques, je ne veux pas vendre des bois africains.

J’ai remarqué des épicéas morts dans la forêt, à quoi est-ce dû ?

T. M. – En ce moment, nous avons un vrai problème avec les épicéas, ils sont attaqués par le Bostryche typographe , un insecte qui les tue. Je pense que l’augmentation de la température et la sécheresse de ces dernières années ont affaibli les arbres et ces insectes les ont colonisés. C’est terrible, si cette épidémie continue, nous n’aurons plus d’épicéas de cette qualité dans moins de cinq ans.

Un très bel exemple d’épicéa aux veines bien serrées et régulières.

La forêt de Risoux se trouve dans le massif du Jura, à la frontière entre la France et la Suisse.

Paris, novembre 2024

Site internet : www.orfeomagazine.fr

Contact : orfeo@orfeomagazine.fr

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