Se retrouver Or Norme N°46

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b GRAND ENTRETIEN ENKI BILAL « Cette capacité à aimer et à être barbare est forcément quelque chose qui interpelle...» Page 6 c DOSSIER AVIGNON 2022 L’impitoyable bataille Page 24 S ACTUALITÉ ORDINATEUR QUANTIQUE Développement en cours, veuillez patienter… Page 102 c DOSSIER BIBLIOTHÈQUES IDÉALES La manifestation phare de la rentrée strasbourgeoiseculturelleinnove Page 12 LE MAGAZINE D’UN AUTRE REGARD SUR STRASBOURG №46 SEPTEMBRE 2022 SE RETROUVER Se retrouver

Plus de 600 arrêts de transports en commun, ça donne envie de se bouger ! WissonP.Illust.-ByzanceWelcome strasbourg.eu/climat

Grégoire Delacourt - écrivain La première chose qu’on regarde (2013) ÉDITO 3№46 — Septembre 2022 — Se retrouver

SE RETROUVER

Voilà bien à ce à quoi nous invite l’extraor dinaire rentrée culturelle strasbourgeoise. À l’instar de cette magnifique couverture conçue par Paul Lannes pour Or Norme n°46, ceux d’entre nous qui ont pu s’évader sur des chemins de montagne pendant l’été, ont sans doute expérimenté quelquefois cette si douce sensation de se perdre en chemin... pour mieux se retrouver. Les événements culturels qui nous sont pro posés en cette rentrée de septembre 2022 à Strasbourg ont un parfum particulier, après deux années sous contraintes sani taires plus ou moins sévères.

Et qui mieux que les Bibliothèques Idéales pour ouvrir, comme chaque année, cette saison culturelle ?

« On doit apprendre à écouter, et non seulement ses mots, mais son corps, sa vitesse, sa force, sa faiblesse et ses silences qui déséquilibrent ; on doit perdre un peu de soi pour se retrouver dans l’autre. »

S e retrouver, retrouver l’autre, se retrouver dans l’autre.

Tous, nous espérons vivre ces manifes tations sereinement, et retrouver enfin la liberté et la convivialité du partage des émotions et des idées.

Avec l’annonce cet été de la nomination de Strasbourg, capitale mondiale du livre par l’UNESCO en 2024, le festival littéraire de la capitale européenne, qui a sans doute largement contribué au succès de la candi dature strasbourgeoise, nous invite à nou veau à nous retrouver, autour de débats de société, de grands noms de la littérature, et de spectacles où les mots sont toujours les acteurs Commeprincipaux.unsymbole de liberté et de spon tanéité retrouvées, l’entrée y sera libre et toujours gratuite, sans réservation.

Retrouvons-nous vite !

Une belle occasion de se retrouver... les deux premiers week-ends de septembre à la Cité de la Musique et de la Danse, et, c’est une nouveauté, un troisième weekend au parlement européen, dans le cadre des manifestations de son 70e anniversaire et à l’occasion des journées du patrimoine. Or Norme vous dévoile dans ce numéro, l’essentiel de la programmation du festi val et de la rentrée culturelle à Strasbourg.

Par Patrick Adler, directeur de publication

9 rue du Dôme - Strasbourg S Actualités 92 Serial Entrepreneur Elon Musk 98 Start-up Les Licoornes a Culture 58 Table ronde Le cercle des publics disparus 68 Rencontres Bibliothèque vivante 72 Autodidacte Cédric Schell 76 L’œil gourmand Jean Hurstel (↓) 80 Portfolio Jean Hurstel 90 Il est né il y a cent ans Pasolini 130 Grand écran Cet automne au cinéma 136 Sélections Événements, livres 13 Annick Cojean « Journaliste, une folle envie et un rêve incroyable... » 16 Demandez le programme ! Q Or Champ 142 Michel Weckel Vitam impendere vero* 24-32 c Dossier Avignon 2022 34-56 c Dossier La saison culturelle 26 La Scala Provence Une belle histoire vient de débuter 28 Gens du Pays Compagnie Les Méridiens Je m’appelle Martin Martin 30 L’avis de Marguerite Compagnie verticale Du tréfond des âges 32 Trois question à... Catriona Morrison E 128SociétéÉvénementOr Norme Un soir d’été « Cette capacité à aimer et à être barbare est quiquelqueforcémentchoseinterpelle.… » 06-11 b Grand entretien Enki Bilal SOMMAIRE SEPTEMBRE 2022 12-22 c Dossier Bibliothèques idéales 102 Ça va venir Ordinateur quantique (←) 106 La vie entre deux mondes Les Ukrainiens, modèle d’intégration ? 108 Galia Ackerman « Les dissidents russes disaient : “Buvons à nos causes désespérées !” » 110 Design culinaire Céline Marder 112 Création Flore & Zéphir 116 Moi Jaja La révolution du lama 120 Le parti-pris de Thierry Jobard 126 Regard Jak Krok’ L’actu 4 №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

« Même les plus croyants des croyants pourraient se dire que l’homme est un accident dans la création telle que l’a imaginée leur Dieu. » Enki Bilal

Jean-Luc Fournier Yann Lévy b GRAND ENTRETIEN

6 b GRAND ENTRETIEN — Enki Bilal №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

En pleine forme parce que désormais débarrassé de douloureux problèmes de dos qui l’avaient notamment contraint à renoncer à nous rendre visite lors de la précédente édition des Bibliothèques idéales, nous retrouvons enfin Enki Bilal dans son atelier lumineux niché tout près des Halles à Paris. Avec Étienne Klein, il sera sur le plateau des BI de septembre pour un échange qu’on savoure d’avance tant ces deux esprits (très) libres détonnent dans les temps difficiles que nous vivons…

C’est un vrai plaisir de vous retrouver, Enki, d’autant qu’il va nous permettre de dialoguer avec vous sur le troisième tome de Bug qui est sorti au printemps dernier, mais aussi sur L’homme est un accident, ce superbe livre d’entretien pour lequel vous deviez nous rendre visite il y a un an. Cet accident est sans aucun doute le plus terrible que notre planète ait eu à subir, vous ne cessez de le souligner… Oui, c’est certes un peu une provo cation, mais cette formule est tout à fait fondée. Elle est venue dans ma bouche lors de mes entretiens avec Adrien Rivière et c’est lui qui l’a proposée comme titre du livre. Ce titre veut tout dire en lui-même, on dirait presque un sujet du bac philo. Même les plus croyants des croyants pourraient se dire que l’homme est un accident dans la création telle que l’a imaginée leur Dieu. Ça pourrait aller jusque là, oui… C’est-à-dire que la création de l’Homme aurait échappé à la volonté divine ? À un moment donné, oui… Quand on porte un minimum de regard critique sur notre monde tel qu’il est, on peut dire que Dieu n’a pas été parfait dans son casting, sur ce coup-là… Certes, depuis le début de l’hu manité, le parcours est beau, sous certains aspects : l’être humain ne cesse de progres ser dans certains domaines, son intelligence, l’innovation, la science, tout cela est plein de promesses. Mais voilà, en même temps, la barbarie est toujours là, dans ses gènes et elle se renforce : comme actuellement en Ukraine, les exactions et les crimes de guerre parsèment l’histoire. Rien n’a changé depuis la préhistoire, rien… Cette capacité à aimer et à être barbare est forcément quelque chose qui interpelle. Simplement pour ça, on peut dire que l’homme est un accident et pas une réussite. À bien des égards, ce mot « acci dent » me fait penser à Paul Virilio (un philo sophe, sociologue, urbaniste, peintre… entre plein d’autres talents, disparu en 2018 – ndlr), quelqu’un que j’ai vraiment connu sur le tard et pas assez longtemps, avec qui j’ai beau coup échangé et avec qui j’avais une belle communion de vue sur cette extraordinaire fragilité de l’être humain, capable du bien extrême et du mal suprême. Le mot « acci dent » est un mot qui est à la fois inquiétant et riche : il y a l’accident brutal, c’est un fait terrible et puis, en art, la notion d’accident est très importante : les accidents, il faut les laisser venir, sans les provoquer, mais ils arrivent toujours, l’histoire de la création artistique en est parsemée. En musique, on ne compte plus les cas où des fausses notes ont provoqué des virages, des bifurcations radicales. Dans mon domaine, le dessin, la peinture, c’est la même chose sauf que ça se produit sur un temps plus long. Quand l’accident survient, on peut s’en servir ou non. Ne pas l’appréhender, c’est déjà, à mon avis, se tromper de chemin, car ce serait se dire que l’image qu’on a de son œuvre est d’ores et déjà atteinte, qu’elle est juste. Or, en fait, ça veut dire qu’on a raté son œuvre, c’est-à-dire qu’on aurait alors perdu de vue que ce qu’on imagine ne peut pas être trans formé par le temps, ou par la réflexion, par les contraintes extérieures… Et ce phéno mène peut s’appliquer aussi aux sociétés que nous avons créées, en essayant de canaliser les choses par la démocratie, par exemple. Pour faire écho à ce qui se passe en France en ce début juillet où nous nous rencon trons, on est en face d’une mutation assez incroyable avec cette nouvelle Assemblée nationale. Je ne suis pas un grand spécia liste de la politique, mais j’ai le sentiment

8 9b GRAND ENTRETIEN — Enki Bilal b GRAND ENTRETIEN — Enki Bilal№46 — Septembre 2022 — Se retrouver№46 — Septembre 2022 — Se retrouver

qu’il va pouvoir se passer des choses assez étonnantes désormais, et qu’il y aura beau coup d’accidents (sourire…). En lisant, et même relisant, votre livre, j’ai pensé à Yves Paccalet. Ce naturaliste, écrivain et journaliste, a écrit en 2006 un petit essai au titre retentissant L’humanité disparaîtra, bon débarras ! dans lequel il expliquait tranquille ment qu’à l’instar de toutes les espèces vivantes sur terre, l’espèce humaine finirait bien par s’éteindre et qu’une fois le dernier homme disparu, la nature reprendrait vite ses droits, pour le plus grand profit de la planète. Je voulais vous faire réagir sur ce livre*, même si vous ne l’avez peut-être pas lu, et sur son titre… Je ne connaissais pas ce livre, mais le titre est très drôle. Je comprends le propos de cet auteur et je pense comme lui. L’homme, sur terre, est une scorie, un ratage. Objectivement, si on part de la beauté extraordinaire de la planète, si on analyse la manière dont cette machine exception nelle fonctionne, mais qu’est-ce qu’on est mauvais, effroyablement petits et nocifs ! Ça ne veut pas dire que je déteste l’humanité, bien sûr, mais ça veut dire qu’on n’est pas du tout à la hauteur de la merveille qui nous abrite, pas du tout ! C’est assez amusant que vous me citiez ce livre. Il y a cinq ans, j’avais un projet dont je voulais tirer un film. Il était inspiré d’un autre livre, écrit par un talentueux essayiste new-yorkais et dont le titre était Homo Disparitus (titre original : The World Without Us – Alan Weisman – Ed. Flammarion pour la traduction française –ndlr). Le livre raconte New York une fois que l’homme a disparu. Que deviennent les chiens, les animaux ? Les chiens ne s’en sortent pas bien, mais les chats oui. Très vite, les pompes dans le métro pètent de partout, l’eau monte… Weisman va finir par raconter toute l’histoire de la planète, tout ce que devient ce que l’homme a laissé der rière lui et toutes les traces qui subsisteront de nous, trois mille ans plus tard, car oui, il va rester des choses : les pneus, par exemple, dont l’entassement provoquera des incen dies sporadiques… Weisman montre de façon sidérante à quel point on souille notre habitat, pour les millénaires à venir. De ce livre, j’avais fait une fiction sur la base d’un témoin qui reviendrait accidentellement trois mille ans après la disparition de l’hu main… C’était un très beau projet qui mal heureusement ne s’est pas concrétisé, car c’était à un moment où on commençait à être dans une forme de wokisme et de for matage intellectuel venus des États-Unis.

J’ai pris ça comme ça… Tout ça pour dire que nous sommes déjà assez conscients de

« Ça ne veut pas dire que je

abrite,latoutqu’onmaisl’humanité,détestebiensûr,çaveutdiren’estpasduàlahauteurdemerveillequinouspasdutout ! »

la faillite de l’Homme, après une prise de conscience qui aura été très, très longue et qui n’est toujours pas complète puisqu’on rencontre toujours des gens pour soute nir l’idée que tout est affaire de cycles, que c’était déjà comme ça avant, etc.

Il y a dans votre œuvre, cela été mille fois souligné, cette troublante et omniprésente capacité d’anticipation. En 1980, dans La foire aux immortels ce sont des quartiers entiers qui sont confinés en raison de risques d’épidémie, le tout dans des villes où les libertés ont disparu. Dans Partie de chasse en 1983, vous évoquez la fin du communisme, dans Le sommeil du monstre en 1998, une internationale religieuse provoque l’explosion d’une tour dans une méga pole, on est trois ans avant le 11 septembre 2001… Plusieurs fois, vous vous êtes insurgé contre le terme d’oracle, dont on voulait vous affubler. Mais d’où vient cette faculté inouïe d’anticiper ? C’est une forme d’intuition, je pense… On est toujours fasciné par l’endroit où l’on naît et l’époque où on grandit. Pour moi, être né à Belgrade au début des années cin quante, c’est avoir vécu le lourd passif de la Seconde Guerre mondiale dans un endroit où il y avait une fusion d’ethnies, de peuples et de religions. Mon pays, la Yougoslavie, cette partie centrale des Balkans née arti ficiellement sur les cendres de l’Empire austro-hongrois, était incroyable. Mon père était musulman non-pratiquant et j’ai côtoyé des orthodoxes qui étaient majori taires à Belgrade, des catholiques croates, des juifs, et j’en passe. Il y a eu aussi les nombreux voyages dans la famille de mon père, à Sarajevo. J’étais très excité d’y aller, mais ça finissait par me faire peur, telle ment je savais les chocs que j’allais rece voir de ce monde follement varié, avec tant d’odeurs, des musiques aussi différentes, et ce mélange de populations et de religions qui s’exprimaient là dans un vrai partage. Tout ça m’a sans doute permis d’aiguiser une forme de vision qui se rapproche de l’intuition et que j’ai exprimée dans les fic tions sur lesquelles j’ai travaillé. Au milieu des années 90, je revis tout ça avec Sarajevo qui est bombardé par les Bosno-Serbes qui y font régner une horreur absolue, je res sens intimement la colère de voir com ment les communautés se déchirent et, à ce moment-là, je ne comprends pas com ment les intellectuels, les analystes, les essayistes qui ont travaillé en temps réel sur ce conflit n’ont pas immédiatement soulevé le voile sur son caractère interre ligieux. On voulait absolument qu’il y ait

Mais bon, on m’avait fait un petit cadeau et juste après, terminé, maintenant dégage !

C’était juste après le Festival de Cannes où j’étais dans le jury, ce qui m’avait fait penser que cela permettrait de réaliser ce projet.

une vision géopolitique, mêlant les com munistes, les fascistes et tous les nationa lismes possibles et imaginables. Personne n’a parlé de la Bosnie devenue très vite le creuset d’un islamisme radical en Europe. Tout cela, je le sentais à ce moment-là, et j’avais cette vision de ce xxie siècle qui serait immanquablement marqué par ce religieux pur et dur, bas de gamme, prosélyte et tout naturellement, oui, j’imagine que tout cela peut déboucher sur une forme de grande violence basée sur le rejet du modernisme par l’obscurantisme religieux. Évidemment, je m’inspire des talibans en Afghanistan, qui viennent de faire leur apparition et je raconte en effet les attentats menés par ces obscurantistes. J’ai commencé Le sommeil du monstre en 1993 ou 1994, sept ou huit ans avant le 11 septembre. Mais je me suis gardé de pointer un seul des monothéismes, j’ai imaginé ça comme un conglomérat du christianisme, de l’islam et du judaïsme… C’est assez fascinant cette description que vous étalez là, cette hyper sensibilité innée que vous parvenez formi dablement à exprimer artistiquement dans votre œuvre, toujours en avance sur des moments-clés finissant inéluc tablement par survenir. N’est-on pas là au cœur de la raison d’être des artistes ? En tout cas, c’est une des fonctions natu relles de l’Art. Cet engagement-là de la part des artistes est presque indicible et il n’est ni perceptible immédiatement ni classifiable. Je suis parfaitement conscient, en toute humilité, qu’il est bien plus fort que l’art engagé poli tique où le caractère officiel, en quelque sorte, bride les artistes. Au xxe siècle, les exemples ont pullulé. En ce qui me concerne, c’est cette liberté que j’ai en moi qui m’a permis d’arriver là où je suis. Je me sens immensément libre, en tant qu’auteur : mes éditeurs sont convaincus que mes engagements me portent, et d’emblée j’ai su imposer cette liberté. Je ne fais plus vrai ment partie du monde de la bande dessinée : on sait que je suis ailleurs. Bien que j’aie réa lisé trois films, je n’ai jamais pu entrer dans le monde du cinéma, idem pour l’art contempo rain… Pour moi, cette liberté n’a pas de prix. Mes seules limites sont celles que je me fixe. Et tout ça se réalise dans un contexte de vrai plai sir. Autant je ne me sens pas comme un déli vreur de messages, autant je suis convaincu qu’il faut que je m’exprime en donnant de la souplesse, de la plasticité et de la nuance et laisser ouverts tout un tas de pans pour que l’imagination du lecteur prenne le relais… Cet engagement me pousse beaucoup depuis tou jours, mais encore plus aujourd’hui : je le res sens profondément, oui, c’est vraiment le moment de parler… Pour essayer de coller au plus près à ce que nous vivons chez nous en France, je voudrais que vous commentiez vousmême une de vos plus récentes réponses à une interview. Je vous cite : « Le drame de la gauche, c’est qu’elle n’a pas réfléchi depuis la chute du Mur et qu’elle s’est mise dans une posture grotesque et stérile : s’opposer au Front national et rien d’autre. Elle est incapable de se réinventer, elle ne fait qu’agiter cet épouvantail depuis quarante ans, c’est sidérant. Je lui en veux énormément et je ne supporte pas d’entendre que le communau tarisme est formidable : c’est un grand danger pour l’humanité, la gauche le laisse s’installer, c’est gravissime… » L’interview est en effet récente, mais ça fait longtemps que je pense ça. Ceci dit, quelque chose a bougé ces temps derniers, mais je ne suis pas sûr que ce soit dans le bon sens. Un pan de la gauche a préempté les débris de tout le reste. Personnellement, je ne suis pas du tout sur une ligne proche de celle de Mélenchon : cet homme a eu un parcours brillant, très chaotique. En fait, son parti me fait peur et cette espèce d’OPA qu’il vient de réaliser sur ce qui res tait de la gauche, je la trouve un peu gro tesque et un peu minable. Que ce soit ce parti-là, qui est très révolutionnaire, qui ait pris les choses en main me paraît déce vant. Je me doute que ça ne va pas durer et que la gauche va bien finir par se recompo ser, je vois poindre quelques jeunes élus qui vont sans doute être capables de faire naître une gauche socio-démocrate moderne. J’ai bien conscience que ces mots, il faudrait les jeter aussi et faire table rase de tout ça, mais bon, il faut bien que je tente de me faire comprendre (rire). Oui, il se passe plein de choses. Mais qu’est-ce qui va sortir de extrapolé ? C’est un sujet qui est ultime, je dirais. Ça met en rapport la mémoire vivante, celle de notre cerveau, avec la mémoire vive du numérique qui a disparu. L’homme se retrouve confronté au monde qu’il a créé, mais il a perdu le principal des outils dont il disposait. Le plus je travaille ce sujet, le plus je trouve que c’est de la folie. Et d’ailleurs, je me demande si je ne vais pas réa liser plus que les cinq albums que je m’étais fixés pour développer et conclure mon scéna rio. J’ai la fin, bien sûr, mais je n’ai pas du tout le reste de l’histoire. Ce troisième tome, je l’ai travaillé dans la douleur. Ce n’est pas une image, j’ai été très handicapé durant de longs mois par de graves problèmes de dos, qui sont d’ailleurs la raison qui m’avait fait annuler mon dernier déplacement à Strasbourg, pour les Bibliothèques idéales. Je ne pouvais plus me tenir debout face à ma planche à dessin et c’est sur le canapé sur lequel je suis assis aujourd’hui pour cette interview que j’ai ter miné l’album, sur une planche de bois posée sur mes genoux. Ça m’a rappelé mon enfance quand je peignais et dessinais ainsi, dans le tout petit appartement qu’on occupait à La Garenne-Colombes, je me mettais dans un coin, je tournais le dos à tout le monde et je dessinais, je dessinais… Trois pages avant la fin de l’album, je ne savais pas ce qui allait se passer sur la toute dernière image, je ne savais que mon personnage allait devenir tout bleu et perdre la mémoire. Ça s’est fait comme ça, et je me souviens bien que même si j’étais handicapé, tout s’est passé somme toute très tranquillement, comme une évidence… Pour finir, je ne peux bien sûr que vous demander comment vous voyez la suite des choses, pour notre monde, à une échéance plausible, c’est à dire vers la fin de ce siècle… Parmi les graves menaces que nous devons affronter, il y a celles venant d’un personnage contemporain qui fascine et qui terrorise : je veux parler de Poutine, bien sûr. Dans un album de Bilal, il pourrait être comme la violente résurgence d’un monde qu’on croyait disparu…

Dans L’homme est un accident, vous évoquez aussi cette sorte de régression culturelle que le numérique a provoquée… C’est très net. Le numérique, je le com pare à une bombe nucléaire qui a explosé et qui a provoqué l’arrêt de toute transmission du passé. J’ai l’impression d’être en présence de nouvelles générations qui n’ont plus besoin des fondements historiques et cultu rels, qui se disent qu’ils ont la maîtrise des outils nouveaux puisqu’ils sont nés avec et qu’avec ces outils, ils vont faire le monde de demain. Leur tâche va être d’une incroyable complexité, je crois qu’ils le savent…

Ce qui a changé également, c’est la science-fiction. Ce genre a évolué consi dérablement en même temps qu’il s’est mis à analyser comme jamais les évolutions prévisibles de nos sociétés. Dans Bug, dont le troisième volet vient de sortir, vous décrivez ce qui se passe dans notre monde où la mémoire numérique a disparu. Quels sont les retours que vous avez eus, vous avez pu mesuré l’impact de cette histoire qui se passe vers 2040, pas si loin de notre époque ? Ils sont excellents. Cette histoire parle formidablement aux gens et je crois que ça tient au traitement que j’ai choisi pour la raconter. L’album est assez classique au fond, il n’a pas ce côté expérimental de mes précédents bouquins, comme Le Sommeil du Monstre. J’avais besoin d’un cadre solide et donc, classique pour traiter de ce sujet. Est-ce que Bug est de la science-fiction ? Ou est-ce notre monde d’aujourd’hui, à peine

10 11b GRAND ENTRETIEN — Enki Bilal b GRAND ENTRETIEN — Enki Bilal№46 — Septembre 2022 — Se retrouver№46 — Septembre 2022 — Se retrouver

« Le numérique, je le compare à une bombe nucléaire qui a explosé et qui a provoqué l’arrêt de toute transmission du passé. »

Poutine s’est peu à peu radicalisé. Je ne veux pas commenter les raisons qui l’ont amené à ça, je pense qu’on a un peu notre part de responsabilité, mais ça ne sert plus à rien de le dire. Il est devenu cet homme qui veut recréer un empire, il veut être le nouveau tsar, celui qui va détacher son pays de ce monde occidental qui, selon lui, est devenu décadent. Je pense que le conflit avec l’Ukraine va durer, que ces événements sont atroces, mais je ne vois pas ça comme un élément déterminant dans notre histoire humaine. Ce qui m’inquiète beaucoup plus, c’est le réchauffement climatique. Ce pro blème me paraît insoluble, et ses consé quences vont être réellement dramatiques. À commencer par l’Afrique qui va remon ter vers nous. On va assister à une grande mutation, le monde qui en adviendra est le monde tel qu’il a toujours été, au fond. C’est le début de 2001, l’Odyssée de l’espace le film de Kubrick, deux tribus qui se battent pour un même point d’eau et un homme qui se rend compte soudain du pouvoir qu’il a sur les autres avec un os cassé, une arme qu’il peut donc utiliser. Bien longtemps plus tard, l’homme a eu très froid et il s’est dirigé ins tinctivement vers là où il savait qu’il aurait moins froid. C’est ce qui va se passer. L’Afrique va devenir un continent invivable, les migrations vont rendre les frontières ino pérantes. L’humanité va devoir se serrer les coudes, mais ce ne sera pas jouable. Dans L’homme est un accident, je dis qu’en 2100, l’humanité aura disparu. Je ne suis même pas pessimiste, je suis lucide, point barre. Et ce ne sont pas avec les écolos hors-sol que nous avons que nous allons pouvoir nous en sortir. C’est eux qui devraient être complètement lucides sur l’avenir de notre planète, mais non, c’est dramatique, ils sont dans le pavlovisme idéologique. Mais pour revenir à la première partie de votre ques tion, je reste d’une lucidité absolue : à court terme, on peut tout faire pour améliorer ce qu’on pourra améliorer, gagner du temps, gagner du temps de vie sur cette planète, il le faut. Mais à long terme, je le sens, je le sais, il n’y a pas de solution… » b * L’humanité disparaîtra, bon débarras ! Yves Paccalet – Éditions J’ai lu. tout ça ? Je ne suis pas sûr que ce soit de bonnes choses. La rue va finir par reparler de nouveau, c’est la logique de La France Insoumise, ce sont des pavloviens…

Annick etune« Journaliste,Cojean :folleenvieunrêveincroyable… »

Nous ne serions pas arrivées là, si…

Les trois week-ends des idéales 2022Bibliothèques

Rencontre avec celle qui a initié ce rendez-vous, une des plus remarquables des journalistes français, récompensée en 1996 par le prix Albert Londres pour Les mémoires de la Shoah, une série de cinq formidables reportages publiés à l’occasion du cinquantenaire de la libération des camps d’extermination…

Les Bibliothèques idéales vont accueillir une nouvelle fois Annick Cojean pour la parution de Nous ne serions pas arrivées là si…, le tome 2 des témoignages de trente femmes recueillis dans le cadre de ses rencontres pour son journal, Le Monde.

Alban Hefti c DOSSIER – BIBLIOTHÈQUES IDÉALES

Comment est-elle née, comment s’est-elle imposée dans la durée, comment parvient-on à initier l’intimité nécessaire pour que les confidences surviennent immanquablement ?...

Le livre en festival Ça bouge au niveau des BI. La manifestation phare de la rentrée culturelle strasbourgeoise innove en s’étalant sur les trois premiers week-ends de septembre et, toujours principalement basée à la Cité de la Musique et de la Danse (CMD), investit de nouveaux lieux comme le Parlement européen, lors du dernier week-end. Ce qui ne change pas, c’est la multitude des écrivains qui seront à Strasbourg et la qualité des spectacles musicaux proposés qui composent un cocktail unique en France… DOSSIER

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De l’avis quasi général, c’est une des plus belles idées d’entretiens mises en œuvre dans la presse depuis bien longtemps.

— Événement c DOSSIER — Événement№46 — Septembre 2022 — Se retrouver №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

C ela fait déjà une quinzaine d’années que ces entretiens ont fait leur apparition dans les colonnes du quotidien du soir. Au départ, c’était pour M le Magazine du Monde le rendez-vous encarté dans le quotidien, chaque fin de semaine : « On cherchait un rendez-vous de l’intime », se souvient Annick, « quelque chose qui permettrait d’approfondir des questions existentielles et d’en savoir un peu plus sur des interlocuteurs qu’on ren contrait plus ou moins régulièrement, qu’ils soient des politiques, des artistes, des comédiens, des gens de l’art en général, de la médecine, bref de quasiment tous les domaines. Dès le départ, l’idée était aussi de fidéliser les lecteurs, d’une part, et d’in venter quelque chose qui soit une sorte de sésame permettant d’initier le début d’une conversation. Après avoir pensé à plusieurs phrases, on a essayé celle-là. Je dis on, car on était plusieurs dont Raphaëlle Bacqué… En tout cas, le point central était vraiment de créer un nouveau rendez-vous : je pense encore aujourd’hui que si ces entretiens pouvaient paraître dans n’importe quelle autre rubrique du journal, pages culturelles comprises, c’est que je n’aurais pas bien fait le job… » Il faut qu’on se fasse confiance… »mutuellement Aussi loin que l’on se souvienne, les entre tiens de Je ne serais jamais arrivé là si… n’ont jamais divergé de quelques partis – pris manifestement mis en œuvre dès le départ, notamment une forme de têteà-tête très intime, dont la nature ne peut qu’être acceptée en amont par les interlo cuteurs choisis par la journaliste. Annick confirme : « C’est un rendez-vous différent où on peut tout se permettre, y compris poser et aborder des questions très personnelles. De façon pas trop intru sive, car la limite que je me suis toujours fixée a été de ne jamais faire mal en évo quant des territoires où les personnes que je rencontre ne veulent pas aller. Mais on tourne toujours autour de ce qui est essen tiel pour les découvrir sous un autre aspect que celui qu’on connaît généralement. Je ne serais jamais arrivée là si… s’est donc révélé ce merveilleux sésame qu’on imagi nait, la clé parfaite pour ouvrir des registres intimes ou plus personnels ou secrets, très révélateurs. Ce qui me sidère, je dois dire, c’est que cette phrase permet quasiment à chaque fois d’entendre mes interlocuteurs aborder d’emblée quelque chose d’essen tiel pour eux. Qu’ils aient préparé ou non

c DOSSIER – BIBLIOTHÈQUES IDÉALES

Jean-Luc Fournier Yann Lévy

l’entretien, très vite on arrive à les plon ger dans une conversation durant laquelle ils ne tricheront pas… En fait, je ne sais jamais comment ça va se passer, c’est vrai ment un plongeon dans l’inconnu. Il faut qu’on se plaise, en tout cas il faut qu’on se fasse mutuellement confiance. Donc, je délaisse vite mes fiches, j’en ai quand même préparé quelques-unes qui sont au fond de mon sac, au cas où… J’écoute très attentivement ce qu’ils me disent et quel quefois, quand on s’égare un peu, j’essaie de les recentrer sur le fil qui m’intéresse et que, d’ailleurs, je découvrirai vraiment au moment du décryptage qui précède l’écri ture. Car oui, il y a une écriture, ce n’est évidemment pas simplement le script des propos de l’interviewé. Je tire un fil à ce moment-là, pour qu’il y ait une cohérence : le début de l’entretien, puis les rebondis sements et enfin la chute finale. Mon écri ture sert à ce qu’on entende vraiment la personne, en quelque sorte, qu’on entende les mots bien sûr, mais aussi les hésitations, l’émotion, le grain de la voix. Pour obtenir tout cela, il faut bien sûr que les interviewés se sentent parfaitement en confiance… » Avec honnêteté, la journaliste se dit que « quelquefois, au sortir d’un entretien, je n’ai pas été bonne, j’aurais dû rebondir sur telle ou telle parole, ne pas laisser filer, interrompre… Mais souvent, en réécou tant, je réalise alors qu’il y a vraiment de la matière et que c’est à moi de la mettre en forme et de la souligner. C’est toute la différence entre l’entretien format presse écrite et l’interview télé ou radio où, quand ce n’est pas bon, c’est irrécupérable, car ça se voit ou ça s’entend immédiatement. La réécriture sauve les choses, elle ne les rend pas meilleures ou plus profondes, non, mais quelque chose qui t’a paru un peu foutraque sur le coup se révèle ensuite contenir des choses intéressantes. D’autres fois, tu te rappelles avoir été sous le charme lors de la rencontre et puis, au décryptage, tu réa lises que ce ne sont que des généralités un peu banales. Oui, ça arrive aussi… » Le d’êtredevoircurieux Il ne faut pas pousser longtemps Annick Cojean pour qu’elle déroule le fil de sa propre carrière, se retrouvant ainsi plus ou moins consciemment à répondre à la fameuse amorce Je ne serais pas arri vée là si… Elle se souvient ainsi avec émotion de ses premiers pas de jeune journaliste débarquée fraîchement de sa Bretagne natale pour intégrer la presti gieuse rédaction de la rue des Italiens (le siège du Monde dans les années 80 – ndlr). Coup double assez rare pour être noté : « J’ai commencé mon stage au Monde le 4 mai 1981. Au départ, je voulais ensuite continuer mes études, mais Le Monde m’a happée. J’y ai débuté en octobre de la même année. » Très vite spécialisée sur le sujet alors émergent des radios locales privées autorisées par le tout pre mier gouvernement de gauche, Annick Cojean avoue avec un enthousiasme intact avoir été « possédée » par la thé matique. « J’écoutais les fréquences la nuit, je rendais visite à certaines radios le jour, ça fleurissait de partout, ça m’ex citait bien. Que de souvenirs quand vous me faites évoquer mes débuts moi qui ne suis ni la plus ancienne ni la plus âgée des journalistes du Mond e… Mais je suis celle qui a passé le plus de temps au journal, ça c’est Évidemment,certain. »l’occasion était belle pour tenter vraiment et ouvertement la pirouette : Annick, vous ne seriez pas arri vée au Monde si… Après un grand éclat de rire, la journaliste esquisse une esquive (« arrivée au monde avec ou sans majus cule ? »demande-t-elle), mais avoue vite : « Voyez, là, j’ai le vertige. Du coup, je com prends celles et ceux que j’interroge et qui, à ce moment précis, se disent en un quart de seconde : qu’est-ce que je fais ? Je réponds par une anecdote, je réponds par un truc fondamental ? ». Puis, rapi dement, elle se lance : « Je ne serais pas arrivée au Monde si depuis l’âge de quinze ou seize ans, je n’avais pas eu cette folle envie et ce rêve incroyable de faire ce métier de journaliste. Oui, ce métier m’a fait rêver à un point que j’ai du mal à expliquer, il m’a mis les larmes aux yeux quand j’imaginais pouvoir le faire un jour tant cela me paraissait inaccessible pour moi quand j’étais ado. Mais j’ai toujours su, au plus profond, que ce métier était pour moi l’ouverture à toutes les aven tures possibles, qu’il me donnait le droit à toutes les curiosités – ce droit qui, du coup, est devenu un devoir, car c’est un devoir d’être curieux quand on est jour naliste. Enfin, ce métier était l’assurance que ma vie serait pleine d’inattendu et de rencontres multiples. Ce rêve était un moteur puissant et je ne serais jamais arrivée dans ce journal si je n’avais pas eu cette folle envie-là, qui m’a fait écrire puis téléphoner et encore téléphoner pour obtenir ce stage, car je ne connais sais absolument personne au journal. Fin juin dernier, je suis revenue dans mon ancien lycée à Morlaix et j’ai raconté alors à tous ces jeunes ce qui m’habitait il y a quarante ans : vous avez le droit de rêver et de transformer vos rêves en projets… » Et quand on la pousse un peu sur ce chemin-là et qu’on lui pose ouvertement la question de savoir si intégrer aujourd’hui la rédaction du Monde quand on a 21 ans et qu’on n’y connaît personne serait pos sible, Annick n’élude pas : « Bon, il faudrait avoir fait les écoles agréées, il faudrait sûre ment être très patient et, pour être tout à fait franche, ce serait infiniment plus com pliqué. Mais je le dis toujours à tous les jeunes avec qui je parle de ça qu’on finit tou jours par remarquer celles et ceux qui sont animés par une vraie passion et qui sont décidés à beaucoup travailler pour réaliser leur rêve. D’ailleurs, ce qui relie les soixante femmes avec lesquelles j’ai mené ces entre tiens, c’est le travail : elles aussi ont rêvé, mais c’est dingue ce qu’elles ont pu travail ler pour le réaliser, leur rêve. C’est le travail qui fait la vraie différence… »

14 15c DOSSIER — Événement c DOSSIER — Événement№46 — Septembre 2022 — Se retrouver №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Ne ratez pas la venue d’Annick Cojean aux Bibliothèques idéales le samedi 17 sep tembre à 17h30 au Parlement européen : avec ses amies comédiennes Judith Henry et Julie Gayet qui liront des extraits des entretiens réalisés pour le tome 2 de Nous ne serions pas là, si… , la journaliste vous fera partager son rêve et sa passion de l’inattendu et des rencontres. Forever young… c écriture sert à ce qu’on entende vraiment la personne, en quelque sorte, qu’on entende les mots bien sûr, mais aussi les del’émotion,hésitations,legrainlavoix. » que jamais, le métier spécifiques. »avecdéontologieavecdesdesêtrejournalistededoitdéfini,avecrègles,avecprincipes,uneetdesvaleurs

« Mon

Oui, la subjectivité existe dans notre métier, nos interviews sont extraordinai rement subjectives, mais nous avons des règles : nous sommes tenus à l’honnêteté et je pense vraiment que plus que jamais, précisément parce que nous travaillons dans un maelström incroyable, il nous faut des gens formés, préparés à faire de l’information, mais aussi à détecter la désinformation et les fake news . C’est le cas aujourd’hui dans les écoles de jour nalisme, mais il faut encore et encore en faire plus dans ce domaine… »

« Plus

Puis, tout naturellement, Annick aura ces mots profonds sur ce métier qu’elle aura donc tout fait pour exercer. « Il est traversé par une très grande illusion : aujourd’hui, on a l’impression que tout le monde peut s’improviser journaliste, tout le monde a un smartphone qui permet de photographier, de filmer, d’envoyer des tweets et de s’adresser au monde entier.

Tout le monde parle de droit à l’informa tion, tout le monde prétend informer à sa façon. Non, plus que jamais, le métier de journaliste doit être défini, avec des règles, avec des principes, avec une déon tologie et avec des valeurs spécifiques.

1re partie Le Plus Simple Appareil de Thierry Danet et Joël Danet Un répertoire de compositions/ recompositions où se mêlent émotions, instants de vie, petits riens et absolus nourrissant leur rapport au monde.

Dans cette soirée d’ouverture baignée de musique baroque, l’écrivain et la pianiste disent la musique de l’âme en mêlant textes antiques et répertoire classique (Debussy, Ravel, Chopin, Fauré, Schubert…).c Cité de la Musique et de la Danse Lecture musicale en Ouverture de festival Pascal Quignard et Aline Piboule : la musique, les mots, l’amour, la mer…

2e partie Soirée Etienne Daho Concert de Nicolas Comment revisitant sa propre discographie avec Milo, muse et bassiste et la chanteuse américaine Brisa RencontreRoché. avec Sébastien Monod, Dahovision(s), références musicales, litté raires, artistiques et cinématographiques, plongée dans le monde de l’icône de la pop française, Nicolas Comment,  Hôtel des Infidèles  et Christophe Lavergne, Variations Daho – 17 créations graphiques.

Le grand psychiatre et spécialiste de la psychologie des émotions et de la médita tion est à Strasbourg. Bien consoler s’ap prend, démontre-t-il dans Consolations, celles qu’on reçoit et celles qu’on donne (L’Iconoclaste). c Cité de la Musique et de la Danse Grand entretien Christophe André sublime la consolation

Conversation avec Yannick Haenel, Le Trésorier payeur (Gallimard), auteur du livret du dernier disque de Nicolas Comment et intime de l’univers de Daho c Cité de la Musique et de la Danse Concert Comme un boomerang !

Le programme complet et mis à jour est consultable sur www.bibliotheques-ideales.strasbourg.eu

SAMEDI 3 SEPTEMBRE à 15h30 SAMEDI 3 SEPTEMBRE à 19h

SAMEDI 3 SEPTEMBRE à 14h Rencontre Antoine Compagnon : la littérature, pourquoi faire ? Passionné de Proust et de Colette, l’Académie française est son terrain de jeu. L’auteur de Un été avec Colette (Équateurs) et Proust, du côté juif (Gallimard), nous dit comment la littérature permet de faire des expériences par procuration. c Cité de la Musique et de la Danse

LEÏLA KA / AURORE GRUEL / BENJAMIN DUPÉ / MATHIEU CHAMAGNE / MARINO VANNA / JEAN-BAPTISTE ANDRÉ / DIMITRI JOURDE / AMBRA SENATORE / RENAUD HERBIN / SYLVAIN RIÉJOU / THOMAS LEBRUN / SILVIA GRIBAUDI / BRUNO BELTRÃO / OUSMANE SY / AKIKO HASEGAWA / MARIE CAMBOIS / BRYANA FRITZ / BETTY TCHOMANGA / SOA RATSIFANDRIHANA / LARA BARSACQ / NACH / LENIO KAKLEA / MAUD LE PLADEC / MEYTAL BLANARU / MARTA IZQUIERDO MUÑOZ / VIA KATLEHONG / AMALA DIANOR / MARCO DA SILVA FERREIRA / EZIO SCHIAVULLI / WEN HUI / NATHALIE PERNETTE / MARCO D’AGOSTIN / SIMONE MOUSSET / SIMON FELTZ / KIYAN KHOSHOIE / FOUAD BOUSSOUF / SERGE AIMÉ COULIBALY & MAGIC MALIK / POLE-SUD.FR +33 (0)3 88 39 23 40 1 rue de Bourgogne - F 67100 Strasbourg 22 / 23 VANDENDAELANNELIE©PHOTO theUntilLions Thierry Pécou Direction musicale Marie Jacquot Mise en scène, chorégraphie Shobana Jeyasingh Ballet et Chœur de l’Opéra national du Rhin Orchestre symphonique de Mulhouse Strasbourg (Opéra) 25-30 sept. 2022 Mulhouse (La Filature) 9-11 oct. 2022 Conception graphique Twice studio Illustration Laura Junger Voici notre sélection parmi la multitude d’événements et de rencontres proposés Demandez le programme !

c DOSSIER – BIBLIOTHÈQUES IDÉALES

JBMillot© 16 c DOSSIER Événement №46 Septembre 2022 retrouver

— Se

VENDREDI 2 SEPTEMBRE à 19h

Inclassables, ils partagent le plateau des Bibliothèques idéales ! Le philosophe et phy sicien rencontre la figure tutélaire de la bande dessinée politique et de science-fic tion. Le monde tel qu’il va, la création artistique comme rempart au nationalisme, au communautarisme et à la barbarie. (lire aussi Le Grand Entretien avec Enki Bilal, [page 6]). c Cité de la Musique et de la Danse Grand entretien Enki Bilal et Étienne Klein, en toute complicité Grand entretien Anny Duperey, écrire est un geste consolateur à 18h30

Cité de la Musique et de la Danse Le concert-événement des BI 2022

10 SEPTEMBRE à 19h

C’est à Strasbourg que la grande historienne des femmes Michelle Perrot sort de son silence et pose un regard apaisé et optimiste sur les combats sociétaux des femmes.

Charles Trenet : Gérard Daguerre, Léopoldine HH, Muriel Daguerre et Vincent Dedienne LévyYann© Septembre 2022 Se retrouver №46 — Septembre 2022 Se retrouver

c DOSSIER – BIBLIOTHÈQUES IDÉALES

La comédienne est aussi photographe, peintre et surtout écrivaine. Elle nous incite dans Le tour des arènes (Seuil) à faire confiance à notre instinct et défend l’imprévu et la beauté des rencontres. c Cité de la Musique et de la Danse

Leur dénominateur commun, c’est l’engagement. Leur arme, la poésie. Ils sont contem porains des totalitarismes et des guerriers en Europe. Ils sont partis, leurs mots restent vivants, leurs langues parlent… c

Cité de la Musique et de la Danse

DIMANCHE 4 SEPTEMBRE à 18h30

VENDREDI 9 SEPTEMBRE à 21h Rencontre Lola Lafon et Joachim Schnerf disent la transmission Rencontre Bernard Minier, Franck Thilliez et Michel Bussi Concert Concert rock-fiction de Alain Damasio et Yan Péchin

Réunis pour la première fois sur un pla teau, les trois plus grands auteurs fran çais de thriller sont à Strasbourg pour une soirée exceptionnelle autour du polar. Avec Lucia, (XO) Bernard Minier s’intéresse aux angles morts de la société. Dans Labyrinthes (Fleuve noir), Franck Thilliez joue avec ses lecteurs. On se téléporte dans la Nouvelle Babel, (Les Presses de la Cité) de Michel Bussi. Qui est le coupable ? c Cité de la Musique et de la Danse Entrer dans la couleur est le prolonge ment sonore du roman Les Furtifs (La Volte). Entre guitare et théâtre épique, la science-fiction monte sur scène pour explo rer le cœur du vivant. Plus qu’un spectacle, une initiation au monde qui vient. c

Concert littéraire L’accordéoniste de jazz Marcel Loeffler et la chanson Découverte en live du nouvel album Saint-Germain réminiscence des joies et de la liberté d’après-guerre à Saint-Germain-des-Prés. Soirée de rêve en perspective avec Marcel et ses musiciens. À ne pas manquer ! c

Cité de la Musique et de la Danse

Rencontre

VENDREDI 9 SEPTEMBRE à 17h

18 19c DOSSIER — Événement c DOSSIER — Événement№46 —

SAMEDI 10 SEPTEMBRE à 14h30

Dans Quand tu écouteras cette chanson (Stock) Lola Lafon raconte sa nuit d’insomnie dans la maison d’Anne Frank. Dans Le cabaret des mémoires (Grasset) Joachim Schnerf se souvient de sa grande-tante Rosa, survivante d’Auschwitz… c Cité de la Musique et de la Danse

La psychanalyste Laurie Laufer renoue avec la subversion dans Vers une psychanalyse émancipée (La Découverte) et démontre qu’elle peut dialoguer aujourd’hui avec la génération #MeToo, les études queers et les mouvements trans. c

10 SEPTEMBRE à 20h30

DIMANCHE 4 SEPTEMBRE à 16hDIMANCHE 4 SEPTEMBRE à 15h VENDREDI 9 SEPTEMBRE à 17h VENDREDI 9 SEPTEMBRE

Leila Slimani et Xavier Le Clerc s’interrogent sur leurs racines Dans Regardez-nous danser (Gallimard), Leila Slimani évoque ses racines alsaciennes et marocaines. Xavier Le Clerc, dans Un homme sans titre (Gallimard) interroge le parcours de son père, analphabète et manœuvre en métallurgie. c Médiathèque André Malraux

Indémodables, les mélodies et les textes de Charles Trenet ont traversé ce siècle avec la force et la sérénité des grandes évidences. c

SAMEDI

Lecture musicale Pasolini-Weckmann, poètes des choses

Cité de la Musique et de la Danse Rencontre Femmes puissantes : Michelle Perrot et Laurie LauferSAMEDI

Cité de la Musique et de la Danse

DIMANCHE 11 SEPTEMBRE à 14h

DIMANCHE 11 SEPTEMBRE à 10h Café philo en compagnie de Raphaël Enthoven, Krasnaïa (L’Observatoire), Adèle Van Reeth, Les chemins de la philosophie (France Culture/Herscher) et Laurent de Sutter, Hors-la-loi. Théorie de l’anarchie juri dique (Les Liens qui libèrent) c Cité de la Musique et de la Danse Rencontre Adèle Van Reeth, Raphaël Enthoven & Laurent de Sutter

Pourquoi sommes-nous touchés par les œuvres de ces deux compositeurs qui signent à eux deux pas loin de 700 BO ? Le pianiste solo Grégory Ott nous invite à fre donner les musiques de films de Sergio Leone, Visconti, Coppola et Fellini lors de cette création des Bibliothèques idéales 2022. c

DIMANCHEpas !11 SEPTEMBRE à 14h Christelle Taraud est historienne et fémi niste, spécialiste des femmes, du genre et des sexualités en contexte colonial. Dans Féminicides, une histoire mondiale (La Découverte), elle montre que dans tous les pays du monde et depuis toujours, des femmes ont été tuées parce qu’elles étaient des femmes. Espoir d’un avenir meilleur, inclusif et égalitaire.c Cité de la Musique et de la Danse Grand entretien uneFéminicides,histoiremondiale

Rencontre/Lecture Annick Cojean, Julie Gayet et Judith Henry à à

Cité de la Musique et de la Danse Concert Olivia Ruiz et ses

Frédérique Neau–Dufour nous raconte dans La villa des Genêts d’or (La Nuée bleue) l’histoire de cette maison, construite par une Allemande avant la Première Guerre, habitée par une Française jusqu’en 1940 avant d’être occupée par le commandant du camp du Struthof. Sonia Devillers nous dit l’horreur de la Roumanie de Ceausescu dans Les exportés (Flammarion) où avait lieu un commerce d’êtres humains, un échange de « citoyens contre animaux d’élevage » afin de renflouer les caisses du pays. L’horreur et la perversion à l’échelle de l’intime. c Parlement européen C’est autour de cette pensée magnifique du poète Édouard Glissant, que nous accueil lons un ami fidèle des Bibliothèques idéales, Edwy Plenel qui nous fait l’honneur de revenir à Strasbourg. Entre la plume et la plaie, le cofondateur de Médiapart nous par lera de ses combats, des livres de sa vie, de ses indignations et de son livre L’épreuve et la contre-épreuve / De la Yougoslavie à l’Ukraine (Stock). c Parlement européen

Cité de la Musique et de la Danse Rencontre Entre enfouissement de la mémoire et secrets de famille

17h30 Parlement européen BertiniJean-Luc© 20 21c DOSSIER — Événement c DOSSIER — Événement№46 — Septembre 2022 — Se retrouver №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Cité de la Musique et de la Danse Concert Immortelles mélodies de Ennio Morricone & Nino Rota par Grégory Ott Pour la première fois à Strasbourg, Amélie & Juliette Nothomb sont réunies ensemble sur un plateau. Amélie nous dit dans Le livre des sœurs (Albin Michel) que « les mots ont le pouvoir qu’on leur donne » tandis que Juliette profite de son Éloge du cheval (Albin Michel) pour voyager dans l’espace et le temps avec le cheval et dans les souvenirs d’enfance. c Dédicace dès 16h. Parlement européen

14h SAMEDI 17 SEPTEMBRE à 15h SAMEDI 17 SEPTEMBRE

DIMANCHE 11 SEPTEMBRE à 18h30

JEUDI 15 SEPTEMBRE à 17hSAMEDI 17 SEPTEMBRE

c DOSSIER – BIBLIOTHÈQUES IDÉALES

DIMANCHE 11 SEPTEMBRE à 16h Accompagnée de ses musiciens David Hadjadj et Vincent David, Olivia Ruiz met en musique des extraits de son nouveau roman, Écoute la pluie tomber (JC Lattès), où elle explore les itinéraires tortueux de ses origines espagnoles.c

PAGAJF©

DIMANCHEmusiciens11 SEPTEMBREà

Ce que les femmes ont à nous dire : Annick Cojean, grand reporter au Monde et autrice, continue de porter la parole des femmes. Mona Ozouf, Céline Sciamma, Gisèle Halimi, Melody Gardot… Avec Nous ne serions pas arrivées là si …, elle nous fait entendre celle de 33 d’entre elles. Des mots précieux et inspirants que les actrices Judith Henry et Julie Gayet incarnent sur scène lors d’une lecture exceptionnelle. c Rencontre Amélie Nothomb et Juliette Nothomb au Parlement européen ! Rencontre Dire l’indicible Grand entretien Edwy Plenel dans sa bibliothèque idéale : agis en ton lieu, mais pense avec le monde.

Quand une anthropologue, spécialiste des populations arctiques, rencontre le chef de file de l’ethnopsychiatrie. De l’Afrique à l’Alaska, des âmes errantes aux âmes sauvages, rencontre entre Nastassja Martin, À l’Est des rêves (Empêcheurs) et Tobie Nathan, Secrets de thérapeute (L’Iconoclaste). Elle est l’autrice du bou leversant Croire aux fauves et des Âmes sauvages . Comment résister à la main mise coloniale et à la crise climatique ? Ils nous disent les langues et les cultures qui font la richesse du monde. On parlera de la France, des migrations et d’un monde qui vacille. c Cité de la Musique et de la Danse Rencontre Nastassja Martin et Tobie Nathan, le monde ne suffit

17h Dans Chien 51 (Actes Sud), le Prix Goncourt goûte au thriller d’anticipation sociopoli tique et dresse un portrait redoutable d’un monde qui ne permet plus à l’humanité de s’épanouir. Laurent Gaudé, renoue avec une veine dénonçant les injustices sociales et la cruauté d’un monde impitoyable, envers les grands ou les insignifiants. Bienvenue dans notre zone d’inconfort !c Cité de la Musique et de la Danse Grand entretien Laurent dénonceGaudé DIMANCHE 11 SEPTEMBRE à 17h

Dans Les enfants du désordre (Le Beau Jardin), Janine Elkouby propose un roman choral sur trois générations de familles catholique, juive et musulmane. Dans Ces protestants alsaciens qui ont acclamé Hitler (La Nuée Bleue), le pasteur Michel Weckel publie une enquête très personnelle sur le délicat sujet des luthériens alsa ciens durant la Seconde Guerre mondiale. c

Venez prendre le café avec Pochep, Marie Colmant et Gérard Lefort pour un retour sur les grandes heures du journal Libération à l’occasion du lancement de la BD Libération - Nos années folles (Casterman). Dans ce récit au long cours illustré par le trait vibrionnant de Pochep, Marie et Gérard font le portrait d’un journal drôle et paradoxal, où des personnages hauts en couleur s’invectivent à coups de bons mots. Ces années folles, de Clint Eastwood à Tchernobyl, dessinent une comédie humaine attachante, inattendue…. c Parlement européen Yasmina Khadra est l’auteur de la trilogie Les Hirondelles de Kaboul , L’Attentat et Les Sirènes de Bagdad . Vendus à cinq millions d’exemplaires, ses romans sont traduits dans une cinquantaine de pays. Dans Les Vertueux (Mialet-Barrault), il renoue avec la grande tradition des romans politiques et engagés. c Parlement européen Une amie fidèle des Bibliothèques idéales et l’une des premières femmes rabbines de France imagine dans Il n’y a pas de Ajar (Grasset) une entourloupe litté raire. Hantée par le dibbouk, le fantôme, de Romain Gary/Emile Ajar, l’autrice de Vivre avec nos morts nous montre com ment se réinventer par la force de la fiction permet de desserrer l’étau des tri balismes d’exclusion et des compétitions victimaires. En présence exceptionnelle de la comédienne Johanna Nizard. c Parlement européen Dans V13 (P.O.L.), Emmanuel Carrère suit le procès-fleuve des attentats du 13 novembre. Ironie terrible des propos et des situations ; humanité des uns et des autres, qu’elle soit bouleversante, admi rable, ou abjecte. Il donne à cet écheveau complexe d’horreur, d’idéologie, de folie et de détresse, une dimension univer selle, profondément humaine. Il en fait notre histoire. c Parlement européen Khadra, de deux-guerresl’entre-

Rencontre petit-déjeuner Café Libé Retour sur les grandes heures  du journal Libération Grand entretien Yasmina

l’Algérie

Grand entretien Delphine Horvilleur face aux identitairesobsessions Grand entretien Clôture du festival DIMANCHE 18 SEPTEMBRE à 10h DIMANCHE 18 SEPTEMBRE à 14h DIMANCHE 18 SEPTEMBRE à 15h30 DIMANCHE 18 SEPTEMBRE à 17h BruneelGéraldine© IsardAlexandre© 1980 1996 MARIE COLMANT GÉRARD LEFORT POCHEPCOLMANTMARIEGÉRARDLEFORT POCHEP ATELIERSSOPXE CINÉMA MUSIQUE NERCONTRES Touteespacedjango.eulaprogrammation sur SEPT. DÉC. BD-CONCERTCRÉATIONBARBAROSSAORCHESTRA2022BAOBABFURAXLESFRÈRESTIMALLÉOPARDDAVINCI&JEAN-MARCFERDINANDKLÔPELGAGDAVODKAARKA’NASRAFOKORBAB’LBLUZCKRAFTM.PÉLICANFABCAROPARTOTORRONHFLOWAVECKAYTHEPRODIGYETALLOCROCOCONCERTÀLABONNEHEUREAVECL’OPSTUMUES,TUMEURSTOURNÉEDESRÉCRÉSAVECBAKATRIOKARAOKÉLIVERAIDSURBAINSÉCOUTEDEPROGAPARTÉCINÉDJANGO…STRASBOURGNEUHOFJEUNEPUBLIC 22 c DOSSIER — Événement №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

c DOSSIER – BIBLIOTHÈQUES IDÉALES

c DOSSIER – AVIGNON 2022 Jean-Luc Fournier DR

B ien sûr, il y a les chiffres qui ont retrouvé leur amplitude d’antan (entendez, d’avant l’irruption du virus) et qui ont pu faire les gorges chaudes de Harold David et Laurent Domingos, les deux nouveaux présidents de l’association Avignon Festival & Compagnies (AF&C) qui organise le Off. Songez donc : plus de 1 570 spectacles et près de 33 000 levers de rideaux, de quoi justifier l’affiche du Festival auto-proclamant le Off d’Avignon comme « le plus grand festival de théâtre du monde ». Deux ans après le désert virusé de juillet 2020, un an après l’édi tion 2021 traumatisée par les sévères contraintes sanitaires, le Off 2022 a fait comme si l’insouciance et l’opulence étaient de retour, comme si de rien n’était… Et pourtant, l’air de rien, la tempête couve et chacun sait qu’elle peut éclater sévèrement d’une édition à l’autre. L’an passé, juste avant de passer la main à la doublette déjà citée, Sébastien Benedetto, (un vrai saltimbanque, fils d’André Benedetto, créateur historique du Off en 1967, et toujours directeur de l’histo rique Théâtre des Carmes) avait prévenu : « Aujourd’hui, nous sommes tous dépassés par cette inflation de spectacles. Ce n’est pas une surprise : avant de mourir, mon père commençait déjà à s’interroger sur ce foisonnement. Nous sommes sur une ligne de crête. Il ne faut pas se refermer, mais entraîner davantage de lieux dans des pratiques irréprochables » Force est de constater que la parole portée par cet authentique amoureux d’Avignon et du théâtre est restée lettre morte. Car, ces plus de 1 570 spectacles et 33 000 levers de rideau sont l’arbre qui cache la forêt. Derrière le chatoiement des affiches multicolores flottant au vent (et qui sont sans cesse renouvelées jusqu’au dernier jour du festival par une armée de petites mains artistiques qui veulent y croire jusqu’au bout), derrière les parades plus ou moins professionnelles dans les rues de la vieille ville, derrière des comé diens à la foi totale qui tentent chaque jour d’attirer dans leur théâtre le moindre spec tateur, il y a une terrible réalité et même une tragédie, puisque nous sommes dans le milieu du théâtre.

Toutes les troupes théâtrales ne béné ficient pas (et de très loin) de l’apport pré cieux de celles de la Région Grand Est qui, chaque saison, jouent à la Caserne des Pompiers, un des plus reconnus des théâtres d’Avignon, entièrement réquisi tionné par la Collectivité régionale pour héberger les seize troupes régionales sélec tionnées. Une idée originale, mise en œuvre pour la septième année consécutive…

« Des

Pour des centaines de troupes venues de tout le pays, le Off d’Avignon est un pari audacieux et personne n’est là pour les prévenir qu’il peut être quasiment perdu d’avance. Des chiffres circulent (ils n’ont bien sûr rien d’officiel puisqu’aucun orga nisme, et pas même AF&C, l’organisateur, ne réalise la moindre enquête officielle) et ils ont de quoi effrayer. Le budget moyen à réunir pour tenter sa chance à cette vaste loterie estivale serait, en moyenne, supérieur à 35 000 €. Car s’agit pendant trois semaines de rejoindre Avignon, de louer un théâtre pour au moins une représentation quotidienne, de loger et nourrir tout le monde pendant la durée du festival et bien sûr d’assurer les salaires des comédiens et des techniciens indispen sables pour démonter et remonter sans cesse décors, éclairages et autres éléments tech niques puisque, bien sûr, plusieurs spectacles se succèdent sans trêve sur chacune des près des 180 scènes que compte le Off.

Ce éléphantsannuelcimetièredesd’Avignon

Mais elles sont plus de 1 570… et les sta tistiques n’existant donc pas, l’histoire ne dit pas combien ne termineront même pas les trois semaines du Off (salle vide ou presque, programmateurs aux abon nés absents…). L’histoire en dit encore moins sur le nombre d’entre elles, rui nées, qui ne passeront pas l’automne suivant. L’histoire est muette sur ce cime tière annuel des éléphants d’Avignon, sur ces compagnies qui « vont y laisser leur froc », comme le reconnait sans détour Laurent Crovella, un des metteurs en scène que nous avons rencontrés ( lire page 28 ). Il estime à une petite centaine à peine les spectacles qui vont être cor rectement vendus et qui vont bénéficier ensuite d’une programmation décente… Malgré tout, ces milliers de comédiens, metteurs en scène, techniciens, administra tifs… sont animés de cette merveilleuse foi de la création culturelle et ne trouvent leur bonheur que sur les planches de la scène, fussent-elles si brûlantes et instables. Et tous parviennent souvent à nous émerveil ler et à perpétuer la très ancienne vitalité du spectacle vivant dans notre pays. Aujourd’hui, décrocher une trentaine de dates (qui ne seront effectives et rétri buées qu’à partir de dix-huit mois plus tard, pour les plus précoces) est considéré comme une performance exceptionnelle… C’est tout cela le Off d’Avignon. En juil let dernier, les deux néo co-présidents du Festival ont salué la venue de Rima AbdulMalak, fraichement nommée ministre de la Culture. « Depuis sa visite, nous avons rencontré les responsables de la direction régionale des affaires culturelles et avons constaté un changement de positionne ment, un esprit plus enthousiaste et plus collaboratif », se sont-ils réjouis. Il est ques tion de l’élaboration d’un « label » de bonnes pratiques pour les salles et les compagnies, du développement d’ouvertures de lieux à l’année (à l’instar du formidable projet réa lisé par la Strasbourgeoise Mélanie Biessy, lire ci-après) ou de la recherche de nou veaux publics. « Les lignes ont bougé », ontils affirmés à la fin de cette édition 2022, « un tour de table devrait être organisé entre collectivités, État et organisations profes sionnelles dès le début 2023… » c

C’est l’histoire désormais plus que cinquantenaire d’un centre-ville médiéval d’ordinaire quasi économiquement sinistré qui, chaque été, par la grâce de l’envahissement par quelques milliers de saltimbanques, retrouve dynamisme, couleurs et sens de la fête. Mais derrière le vernis, cette ruée vers l’or théâtral ruine bien des aventuriers… bataille chiffres circulent et ils ont de quoi effrayer… »

D’autant que les temps sont devenus encore plus durs puisque chacun sait bien que l’argent public irriguant la culture va diminuer (quelquefois drastiquement). Plus que jamais, la plupart des troupes savent ne pouvoir réellement compter que sur ellesmêmes et leurs talents.

Alors, pour tenir, pour espérer pouvoir sortir du lot et se faire remarquer par le public certes, mais surtout par les précieux pro grammateurs de toutes les salles du pays qui viennent à Avignon « pour faire leurs courses », c’est une véritable foire d’em poigne qui se met en place entre bien trop de candidats, tous brutalement pris par la même incontournable frénésie.

Avignon 2022 L’impitoyable

24 25c DOSSIER — La saison culturelle c DOSSIER — La saison culturelle№46 — Septembre 2022 — Se retrouver №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

loger tous les outils et les moyens que nous avons mis en place et que nous dévelop perons bien sûr dans les temps à venir. Il s’agit bien sûr que cette Fondation fonc tionne au-delà de nous, en quelque sorte, et qu’elle puisse nous relayer pour continuer nos actions sur l’émergence des talents et des pratiques et les soutenir via le mécé nat, les aides publiques. Ce sera à l’image des grandes Fondations qui existent depuis longtemps en matière d’art plastique par exemple. Le terrain reste à défricher dans le secteur de l’art vivant, évidemment, tout reste à y inventer, mais avec Frédéric, nous pensons que ce sera notre projet ultime. En attendant, on goûte vraiment notre plai sir ici : La Scala-Provence a ouvert dans les temps, l’accueil a été fabuleux notam ment au niveau d’une couverture-presse qui a dépassé nos espérances, et le public répond formidablement à notre offre de spectacles durant le festival… C’est pour vivre ces moments-là que nous avons entre pris tout çà et bien sûr, nous sommes tout simplement très heureux… »

Pardon, mais la première question va vous paraître d’une banalité épouvantable. L’annonce, il y a quelques semaines, de l’ouverture de la ScalaProvence nous a surpris… En fait, il s’agit bel et bien du troi sième volet de notre projet commun avec Frédéric. Après l’avènement de La ScalaParis, ouverte en septembre 2018 avec une seule salle de spectacle, nous avons créé une deuxième petite salle durant le confinement de 2020. C’est un audito rium de 200 places qui a permis d’accueillir l’émergence dans beaucoup de domaines : stand-up, musique classique ou contempo raine, jazz, théâtre… bref c’est un endroit dédié aux jeunes artistes qui ne peuvent pas encore remplir la grande salle de La Scala. Seulement voilà : une fois cette décision prise, nous n’avions plus de salle de répéti tion, ce qui veut dire que nous ne pouvions plus faire de création en résidence. On a donc entrepris de dénicher un lieu autour de Paris, sans succès. Et puis, il y a main tenant un an, nos amis Françoise Nyssen et Jean-Paul Capitani (Françoise Nyssen, ex-ministre de la Culture [lire son interview dans Or Norme numéro 33 de juin 2019] et son mari sont les dirigeants des Éditions Acte Sud) nous apprennent que le plus ancien cinéma d’Avignon, Le Capitole, est à vendre. Ce fut le cinéma historique de la ville, inauguré dans les années 1930 et qui a littéralement construit la culture ciné matographique de plusieurs générations d’Avignonnais, devenant pour eux un véri table lieu mythique. Frédéric est descendu depuis Paris pour voir le lieu et en est tombé immédiatement amoureux. Je me suis dit,

Là, maintenant, il va nous falloir assu rer la pérennité de nos lieux. On a en tête la création d’une Fondation où on va pouvoir « Là, maintenant, il va nous falloir assurer depérennitélanoslieux. »

On n’a pas seulement envie de créer du buzz, on veut aussi pouvoir accueillir des artistes dont nous nous sentons proches. Avec La Scala-Provence, nous stabilisons notre navire, nous l’ancrons dans un projet global de création tous azimuts : il y aura de la danse, du cirque, du stand-up, et bien sûr du pur théâtre, du classique…

Jean-Luc Fournier DR – Or Norme Mélanie Biessy Mélanie et Frédéric Biessy interviewés dans la grande salle de la Scala-Provence lors de l’inauguration de juillet dernier.

O n retrouve Mélanie tranquillement installée dans le hall de la ScalaProvence une heure environ avant le début de la neuvième journée du festival Off (à l’extérieur, une trentaine de specta teurs forme la première file d’attente de la journée sous un soleil déjà bien plombant). Spontanément disponible dès notre demande d’interview formulée quelques jours auparavant, elle est ravie de pour suivre avec nous le récit d’une histoire où le succès est abonné au rendez-vous…

c 26 27c DOSSIER — La saison culturelle c DOSSIER — La saison culturelle№46 — Septembre 2022 — Se retrouver №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

LA SCALA-PROVENCE

Avec Frédéric, vous allez vous arrêter quand, exactement (rires) ?

Une belle histoire vient de débuter…

Les lecteurs de Or Norme connaissent l’histoire de la Strasbourgeoise Mélanie Biessy et de son mari Frédéric qui, à force d’obstination (et de passion), ont réussi leur pari de faire vivre le dernier né des grands théâtres parisiens, La Scala qui brille désormais de mille feux le long du boulevard de Strasbourg (lire Or Norme numéro 33 de juin 2019).

Le couple vient de créer un des grands événements du dernier Festival d’Avignon en ouvrant La Scala-Provence dont la programmation a fait un carton en juillet dernier…

c DOSSIER – AVIGNON 2022

ça y est, ça recommence ! (rires). Bon, heu reusement, le site était en bien meilleur état que celui de La Scala-Paris ! Après moins de six mois de travaux, ce lieu est vraiment incroyable : 3 000 m², quasi le double de sur face de La Scala-Paris, quatre salles de 600, 200, 100 et 60 places, ce qui nous permet durant tout le festival Off de programmer trente spectacles par jour… Donc, La Scala-Provence, non contente de programmer tant de spectacles durant chaque festival, va servir de résidence d’artistes durant tout le reste de l’année… Oui, et c’est cet aspect qui donne tout son sens au reste du projet. En fait, ici, nous avons quatre studios que nous avons installés dans les anciens espaces admi nistratifs du cinéma et qui vont pouvoir accueillir les artistes durant toute l’année. Évidemment, l’acoustique et les équipe ments sont top niveau, comme à La ScalaParis. Il faut savoir qu’à Paris, la plupart des artistes sont sous contrat d’exclusivité, soit à la Philharmonie, soit à l’Orchestre de Radio-France, entre autres… et le problème est qu’ils n’ont donc pas le droit de se pro duire à la Scala-Paris. Ici, cette exclusivité n’existe pas. Ici, ils vont donc pouvoir s’ex primer à leur gré… Ce pan du projet était indispensable et il va permettre de pousser en avant notre projet de fabrique du spectacle vivant : les gens se mélangent, ils prennent un verre ensemble, ils dorment et travaillent là. On s’est entouré d’une équipe artistique qui s’investit formidablement dans la création.

GENS DU PAYS – Compagnie LES MÉRIDIENS

C’est, sur scène, le cri permanent d’un jeune ado, arrêté par la police aux confins de la ville. Il n’a pas ses papiers et ne peut prouver son identité. Il est retenu au commissariat pour la nuit. Et, parallèlement, son professeur de français propose un nouveau projet pour sa classe. « Un grand projet » qui fait la part belle à la diversité. Interrogé sans cesse sur ses origines, Martin Martin crie et crie encore… Une œuvre remarquable.

Alsace dans le cadre d’un échange culturel et on lui a proposé de travailler avec moi. J’ai découvert son texte en 2018, et j’ai flashé tout de suite dessus : résonnance, qualité d’écri ture… tout était là… » Entendre Laurent Crovella narrer les racines de Gens du Pays c’est réaliser à quel point notre société est traversée par l’his toire des origines. « La question qui tra verse ce texte dit-il, c’est de se demander quand est-ce qu’on va arrêter de demander aux jeunes Français de se nommer par rap port à un pays d’origine ? Moi, par exemple, je me suis souvent entendu affirmer que je suis issu de la troisième génération de l’im migration italienne en France. Sauf que ça ne veut strictement rien dire, si je réfléchis deux secondes sur mon cas : je ne suis jamais allé dans le village italien d’où est originaire mon grand-père, je ne parle pas italien… Dans Gens d’ici, Martin Martin dit d’emblée : je suis moi, c’est tout… » Le spectacle a été bâti durant la période Covid, avec sa dose éprouvante de stop & go incessants. « Un spectacle, ça se patine » dit R encontré au sortir de « Gens du Pays », Laurent Crovella, metteur en scène, dirige la compagnie Les Méridiens qu’il a fondée en 2004. « Je ne tra vaille que sur des textes d’auteurs contem porains vivants », précise-t-il. « Ce qui m’intéresse, c’est comment les auteurs d’au jourd’hui parlent du monde dans lequel nous vivons. Les questions de transmission m’in téressent beaucoup… » Ce fana des résidences de création – Chaumont (trois ans), Auxerre (un an), Vitry-le-François (un an), Haguenau (six ans) et à la Comédie de l’Est à Colmar, cinq ans) est actuellement associé à l’Espace Rohan à Saverne et n’hésite pas à souligner « la richesse dingue de l’Alsace en matière de plateaux disponibles : une centaine ! Si dans chaque lieu, il y avait une compagnie en résidence, totalement et fermement inté grée dans la ville, ce serait formidable, non ? » ajoute-t-il avec une foi remarquable. « On ne peut pas avoir de rayonnement sans avoir un ancrage ferme… » « J’avais déjà mené un travail autour des uto pies de la jeunesse dès 2017 » se souvient Laurent Crovella. « La question centrale qui m’obsédait était de savoir à quoi les jeunes pouvaient bien rêver. Daniel Keen, un des plus grands auteurs contemporains, était venu m’accompagner dans ce travail. Je suis allé ainsi à la rencontre d’élèves de lycées très divers, à Bischwiller, Sélestat, Colmar et Mulhouse. Au cours de ce travail, la question de l’identité s’est bien sûr imposée à de mul tiples reprises. Je me souviens d’une jeune fille dont la famille était d’origine kurde, née en France, qui m’a tout de suite précisé : “je suis née en France, je ne suis pas française, je ne peux pas l’être et je ne le serai jamais…” Tout cela, Marc-Antoine Cyr, l’auteur québé cois de Gens du Pays le connait par cœur, il est venu en France à l’initiative de la Région Fabien Joubert (le prof), Mathias Bentahar (l’ado) et Blanche Giraud-Beauregard (la policière)

Laurent Crovella

« Je m’appelle Martin Martin, je viens d’ici, je vis ici, je suis ici. Je suis français ! »

Laurent Crovella. Sur scène, franchement, ce que le metteur en scène estime être une « fragilité » ne se perçoit absolument pas. Les trois comédiens, les rôles de la prof, la policière et l’ado, sont formidables (on soulignera l’exceptionnelle performance de Mathias Bentahar, 31 ans, qui joue sans pro blème le rôle d’un ado de dix-sept ans !) et le spectacle souligne d’un bout à l’autre la défaillance de ceux qui sont censés repré senter d’un côté l’ordre et de l’autre le savoir.

Alors le jeune ado ne peut que crier, obstinément : « Je m’appelle Martin Martin, je viens d’ici, je vis ici, je suis ici. Je suisAprèsfrançais ! »avoir déjà été présenté à Strasbourg, le spectacle espère prendre la route (contacts avancés avec La Filature, à Mulhouse, entre autres) et Laurent Crovella s’enthousiasme déjà pour sa future création Michelle, doit-on t’en vouloir d’avoir fait un selfie à Auschwitz ?, « une pièce assez géniale », dit-il, qui sera créée à l’Espace Rohan à Saverne et reprise au TAP’S strasbourgeois en décembre prochain… c

c DOSSIER – AVIGNON 2022 Jean-Luc Fournier DR SÉLECTION 2022 REGION GRAND EST 28 29c DOSSIER — La saison culturelle c DOSSIER — La saison culturelle№46 — Septembre 2022 — Se retrouver №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Du tréfonds des âges

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L’AVIS DE MARGUERITE – Compagnie VERTICALE

On est immédiatement captivé par cette enfance que raconte Marguerite, un peu comme un conte. Et déjà, on note bien du talent un peu partout : le texte, précis, ciselé, très évocateur, œuvre de celle qui signe aussi la mise en scène, Catriona Morrison ; puis la force de la voix et de l’interprétation de Sophie Nehama, littéralement habitée par ce rôle et qui déploie tout ce que fut sans doute Marguerite, la première d’une longue liste de femmes accusées de sorcellerie et qui furent brûlées vives en 1582, les archives sont Aprèsformelles.l’enfance, c’est la guerre qui vient tout balayer. Marguerite, à peine adoles cente, la raconte, pétrie de terreur. Puis c’est une épidémie qui fait rage, la voix se trouble, fait ressentir la peur de l’invisible et du si présent, pourtant. Enfin, ce sont des hivers d’une dureté implacable, la faim est omniprésente, elle accable Marguerite, devenue une jeune femme.

Autant vous le dire d’entrée : cette pièce, d’un bout à l’autre, est un choc. Elle vous prend immédiatement à la gorge et ne vous lâche jamais. Peut-être parce ce qu’elle évoque un sujet venu du tréfonds des âges tout en le projetant dans une troublante actualité. Marguerite Möwel a existé, on est formel sur ce qu’elle fut. La Franco-Britannique Catriona Morrison s’est emparée de ce fil si lointain et l’a étiré jusqu’à aujourd’hui. Formidable moment… DR Sophie Nehama sur la scène de L’Avis de Marguerite Il faut bien trouver des coupables pour jus tifier tant de malheurs s’acharnant sur les villageois de Bergheim. Marguerite en sera. La voix, toujours aussi présente, raconte comment, imperceptiblement d’abord puis plus violemment ensuite, la jeune femme va se retrouver mise à l’écart des habi tants tandis que les ragots circulent sous le manteau… On devine sans peine la fin de ce destin des temps obscurs : ce sera le Maisbûcher…avant, sans crier gare, la lumière des projecteurs éclate soudainement sur scène. On comprend que c’est la très loin taine descendante de Marguerite qui nous parle aujourd’hui. Elle est rejointe sur scène par une chanteuse (la remarquable Marie Schoenbock) et ces deux voix se mêlent pour faire entendre la vérité de Marguerite, le destin tragique de cette femme, son âme chantant ce que les mots ne peuvent plus dire… Oui, d’un bout à l’autre, c’est le talent qui est au rendez-vous de cette pièce très bien écrite, magnifiée par une mise en scène intelligente et originale et interprétée si puissamment.Ilyacomme ça des rendez-vous qui ne seront pas oubliés de sitôt… c

C omme souvent à Avignon, tout commence par un noir complet. Encore qu’en entrant dans la salle de La Caserne des Pompiers, on a eu le temps de réaliser qu’un large tissu noir servira de décor, c’est tout. Un minima lisme qu’on devine immédiatement revendiqué.C’estune faible lumière qui signe le début du spectacle. De côté, elle révèle un visage de femme. Brune, cheveux courts. La femme nous parle : elle s’ap pelle Marguerite, elle vit au x V i e siècle à Bergheim, un petit village du pied des Vosges, côté Alsace d’aujourd’hui.

c DOSSIER – AVIGNON 2022 Jean-Luc Fournier

SÉLECTION 2022 REGION GRAND EST 30 c DOSSIER — La saison culturelle №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

On a tout fait pour bénéficier de cette visibilité. Ça faisait longtemps qu’on vou lait venir à Avignon, mais on avait alors des pièces trop compliquées à défendre et on s’est contentée de venir ici faire des repérages, sans déposer de dossiers. L’an passé, je suis venue ici pour étudier de près cette question des théâtres où on pouvait jouer. J’ai ensuite déposé un dossier à la Région Grand Est et à la Ville de Strasbourg et j’ai ainsi pu expliquer le pourquoi de notre envie de venir et nos enjeux. Au moment de la création l’an passé, on a eu quelques pré-achats mais la crise sanitaire a provoqué beaucoup de reports.

22, rue de l’Industrie 67400 Illkirch-GraffenstadenTél.0388202381www.hygiexo.frnot r e t a len t Tertiaire - Industriel - ERP et collectivités - Secteur santé Copropriétés - Commerces TROIS QUESTIONS À… Catriona Morrison, auteure et metteuse en scène

On l’appelait « la boudeuse », car elle a été Catriona Morrison mise à l’écart du village après avoir eu un enfant hors mariage. C’est à peu près tout ce qu’on sait d’elle, historiquement parlant. Le reste dans mon écriture, c’est bien sûr de la fiction. Comment êtes-vous parvenue à arbitrer entre ce récit impressionnant qui nous parvient du passé et qui monte comme une vague et le présent ? Ça ne s’est pas fait d’un seul coup. J’ai écrit une première mouture de la pièce quand j’étais en résidence et elle ne comportait pas alors les temps modernes. D’ailleurs, c’était écrit à la troisième personne, on parlait de Marguerite, ce n’est pas elle qui s’adressait à nous. On a fait une première lecture et on s’est aperçu alors que la pièce était trop courte, j’ai donc eu besoin de l’étoffer. Je suis revenue à l’écriture et comme un puzzle, j’ai décidé qu’il y aurait des aller-retour entre le passé et le présent. Et puis, c’est une pièce très, très parlée et je sais bien qu’aujourd’hui, on a de plus en plus de mal à écouter. Même moi, quand je vais écouter des récits, je me déconcentre très facilement. Alors, il m’a fallu faire en sorte que le fait d’avoir à com muniquer ce qu’on a à dire soit vraiment l’ac tion première à mettre en œuvre. Entre la comédienne et le public, il y a cette parole qui est là, omniprésente. Bien sûr, il y a aussi le jeu, le dosage, mais les émotions proviennent de ce qui est dit, de la parole qui parvient de si loin. Ce ne sont pas elles qui provoquent la parole, c’est le contraire… On a beaucoup tra vaillé ensemble avec Sophie Nehama qui joue Marguerite, on s’est posé ces questions sur le jeu, du récit… On a constamment réajusté, un peu comme le cap d’un bateau qu’on doit ramener à bon port. Tous les matins ici à Avignon, on a rendez-vous ensemble pour poursuivre ces ajustements… J’imagine que dans les circonstances actuelles, cette exposition de votre travail dans la lumière du festival Off d’Avi gnon vous ravit…

On a vraiment craint que la pièce disparaisse avant même d’avoir eu le temps de vivre. Notre choix premier était ce théâtre de La Caserne des Pompiers et heureusement, la Région a accepté le dossier. Nous nous ren controns neuf jours après le début du festi val et tous les jours jusqu’à présent, il y a eu des professionnels qui sont venus nous voir. Certains sont venus nous voir pour nous dire qu’ils avaient beaucoup aimé et tous, en tout cas, en parlent à leurs collègues diffuseurs et les encouragent à venir nous voir. C’est évi demment très positif… » c Une version extérieure de L’Avis de Marguerite « sur tréteaux » comme dit joliment Catriona Morrison, sera présentée le 4 mai prochain à Oberhausbergen et le 6 mai à Erstein. Une occasion unique pour découvrir le petit joyau qu’est cette pièce.

La première des trois questions sera pour nous permettre de faire mieux connaissance avec l’auteure de cet OVNI théâtral qu’est l’Avis de Marguerite. Qui êtesvous, comment vous êtes-vous emparée de cette histoire, comment sont nés vos choix d’écriture et de mise en scène ? Je suis d’origine britannique, née à Londres de parents écossais. Je suis venue en France à deux reprises, une première fois jeune adulte pendant six ans pour faire pas mal de théâtre de rue ou de théâtre under ground et j’ai alors fait la connaissance de gens qui m’ont bien inspirée pour la suite de mon parcours. Je suis retournée ensuite à Londres pour suivre les cours d’une grande école de théâtre et là, j’ai découvert la puis sance des textes et comment les utiliser et les malaxer pour produire l’essence même du théâtre. Depuis, je n’ai jamais abandonné cette toute puissante du texte… Plus tard, c’est la rencontre avec le met teur en scène canadien Matthew Jocelyn avec qui j’ai travaillé et qui par la suite est devenu directeur artistique de la Comédie de Colmar. Il m’a fait venir en Alsace et nous avons travaillé ensemble à Colmar pendant une dizaine d’années. Il m’a donné les plus beaux rôles que j’ai pu jouer de ma vie, comme celui de Violaine dans L’Annonce faite à Marie, par exemple… J’ai énormément appris durant cette décennie. Matthew a eu une énorme influence sur mon travail… Pour répondre à votre question sur la genèse de L’Avis de Marguerite, il faut que je vous dise que je suis arrivé à l’écriture après avoir beaucoup œuvré dans la traduction, ce qui m’a permis de m’attaquer au français de manière très profonde, moi qui avait appris votre langue dans la rue, de façon stricte ment orale au départ. Quand je parle, je fais encore beaucoup d’erreurs de syntaxe, mais quand j’écris, j’ai le temps de corriger et d’af finer… Je vous passe beaucoup d’épisodes, mais je suis tombée un jour sur le livre Les sorcières de Bergheim écrit par un historien, Edmond Bapst (le livre a été écrit en 1929 –ndlr) qui avait étudié les archives du village et découvert l’existence de Marguerite Möwell qui fut la première d’une quarantaine de condamnées à mort à la fin du xVie siècle.

SÉLECTION 2022 REGION GRAND EST 32 c DOSSIER — La saison culturelle №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Jean-Luc Fournier Illustration par Paul Lannes c DOSSIER – LA SAISON CULTURELLE

Revivre la ensemble !cultureSe retrouver

Dans tous les lieux de culture et de spectacle de Strasbourg et sa métropole, on se déclare prêt à tout faire pour que les salles soient pleines.

Tour d’horizon sur tout ce qui va se passer d’ici l’hiver prochain… 35c DOSSIER — La saison culturelle№46 — Septembre 2022 — Se retrouver№46 — Septembre 2022 — Se retrouver34 c DOSSIER — Culture

C’est sans doute le plus grand défi que le secteur culturel aura eu à relever depuis des décennies : tout faire pour que les publics retrouvent les chemins du spectacle vivant après le trauma et le « chacun chez soi » engendrés par la pandémie.

E t lorsqu’ils s’en expliquent, Alain Perroux, directeur général de l’Opéra national du Rhin et Bruno Bouché, directeur du CCN-Ballet de l’Opéra (lire page 38) évoquent la force des récits et l’espace-temps privilégié du spec tacle en tant qu’oasis de réflexion, d’émo tions, de partages, d’apaisement. « Cette année, nous mettrons en avant la force guérisseuse des contes », souligne Alain Perroux à l’aube d’une saison marquée par le 50 e anniversaire de l’Opéra du Rhin, entité institutionnelle inédite regroupant les forces vives de Strasbourg, Mulhouse et Colmar pour porter l’opéra au niveau de tout un territoire.

Titrée « Et ils vécurent heureux », la nouvelle saison de l’Opéra national du Rhin creuse la voie et les voix du conte après une programmation 2021-2022 placée sous la force évocatrice du « Il était une fois ».

Opéra national du Rhin Contes et merveilles lyriques à l’Opéra du Rhin OnR qui rassemble conte de fées, spectacle à machines et récit psychologique », rap pelle Alain Perroux. Programmée du 8 au 18 décembre, elle sera dirigée par Andreas Spering, l’un des grands spécialistes de la musiqueJanvierancienne.débutera avec une surprenante Petite balade aux enfers d’après Orphée et Eurydice de Gluck. Mêlant les plus grands airs de ce classique au fil de dialogues mor dants, cette odyssée malicieuse pour petits et grands sera présentée en tournée dans le Grand Est dans la formule « Opéra volant ». Pleins feux sur un chef-d’œuvre du xxe siècle en février avec à l’affiche La Voix humaine de Cocteau porté au rang de tragé die lyrique grâce au génie musical de Francis Poulenc. La soprano Patricia Petibon relè vera le défi de ce seule-en-scène exigeant avec la complicité de la cheffe Ariane Matiakh et de l’Orchestre philharmonique

Trois productions artistiques très dif férentes joueront de cette synergie en sep tembre avec, parmi elles, Until the lions, le nouvel opéra de Thierry Pécou présenté en création mondiale à Strasbourg du 25 sep tembre au Composée11 octobre.surune relecture féministe du Mahabarata par la poétesse Karthika Naïr, l’œuvre dénonce la vanité de la guerre et donne la parole à ceux qui n’ont jamais l’occasion de se faire entendre, les femmes, les opprimés… réduits au silence tant que les lions garderont la parole au mépris de lionnes. Cette œuvre on ne peut plus contempo raine est mise en scène par la chorégraphe indienne Shobana Jeyasingh. À coup sûr, un événement d’importance… Des étoiles de la scène Suivra le sulfureux Chercheur de trésor de Franz Shreker fin octobre – début novembre et la magique Flûte enchantée de Mozart, « miraculeux succès depuis sa création il y a plus de deux siècles » et « œuvre complète de Strasbourg dans une mise en scène poé tique de Katie Mitchell qui offre à ce drame un nouvel épilogue cinématographique porté par une composition symphonique de l’Islandaise Anna Thorvaldsdottir.

c DOSSIER – LA SAISON CULTURELLE Véronique Leblanc

Chercheur de trésor 36 c DOSSIER — La saison culturelle №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Impossible d’épuiser ici la richesse de la programmation à venir marquée par la diversité des genres et des approches scéniques sublimées par les étoiles de la scène que sont Katie Mitchell, Christof Loy, Dmitri Tcherniakov, William Forsythe ou Lucinda Childs. Les approches musicales seront quant à elle signées par des noms prestigieux d’Aziz Shokhakimov, Marko Letonja, Ariane Matiakh ou Raphaël Pichon, qui fera sa toute première apparition en Alsace avec son ensemble d’instruments anciens, « Pygmalion ». c

Ballet de l’Opéra national du Rhin

c DOSSIER — La saison culturelle c DOSSIER — La saison culturelle№46 — Septembre 2022 — Se retrouver №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

vivre douloureusement le décès d’Eva (Eva Kleinitz, la charismatique et regret tée directrice de l’OnR, disparue au prin temps 2019 – ndlr) avec qui j’avais monté mon projet en vivant avec elle une compli cité merveilleuse, Eva qui avait tenu à hono rer jusqu’au bout des rendez-vous de travail dans sa chambre d’hôpital…

« La culture amène un supplément d’âme absolument essentiel aux êtres humains… »

Oui, ces moments m’ont permis de grandir, on peut dire ça comme ça. D’autant que j’ai vécu une expérience assez dingue en devenant père. La mère de mon enfant, qui est ma meilleure amie, car étant homo sexuel, nous ne sommes pas en couple, était à Paris, enceinte. Je n’ai pu l’accompagner que lors des derniers mois en la rejoignant pour la deuxième échographie. Oui, tout cela m’a grandi, et la maman est venue vivre une année à Mulhouse avec mon enfant, ce qui tombait pile durant le deuxième confi nement. Toutes les soirées du ballet ayant été annulées, cela m’a permis d’être très présent près de ma fille. Moi qui ai une ten dance naturelle à beaucoup m’occuper des autres, j’ai réalisé que je pouvais me perdre assez facilement dans cette démarche. Alors ce retour sur moi-même que j’ai vécu si intensément, je pense qu’il m’a été très bénéfique pour relancer la compagnie sur un socle que j’identifiais parfaitement : sa refondation, qui était impérative, puisque son manque d’activité et de rayonnement, qui n’étaient pas à la mesure d’un ballet national, auraient pu provoquer sa ferme ture. Il m’a fallu me battre en interne avec des équipes pour acquérir les véritables exi gences d’un ballet au sein d’une maison d’opéra qui a des ambitions et des objec tifs élevés en matière de spectacles et de tournées et qui doit se confronter avec d’autres compagnies, toutes de niveau international. Je suis rassuré aujourd’hui, tout le monde a très bien répondu et nous sommes reconnus, la presse nationale et de grandes scènes s’intéressent de nouveau à nous, désormais. Mais les traces du Covid 38 39

Moi qui étais natif du petit village de Roissy dans la grande banlieue parisienne et donc, par nature, très éloigné de tout cet univers culturel, j’ai vraiment commencé à exis ter pleinement dans ce domaine quand j’ai habité Paris. J’avais dix-huit ans, je venais de signer mon contrat à l’Opéra et je logeais dans une petite chambre de bonne. Il ne se passait pas un soir sans que j’aille dans un théâtre, un cinéma avec l’incontournable Officiel des Spectacles au fond de la poche. J’ai eu très jeune un rapport particulier à la littérature, un excellent biais pour échap per à mon cercle familial. J’ai tout décou vert en tant qu’autodidacte puisqu’après la terminale, je n’ai pas pu entrer dans un cycle normal d’étudiants… Ce lien avec la littérature, je ne l’ai jamais perdu. J’écris, même. Pour moi… Vous venez de terminer votre cinquième saison à la direction du ballet de l’OnR. Quel est le regard que vous portez sur ces années-là qui, pour deux d’entre elles, ont été bouleversées par le Covid ?

Pour revenir à cette longue période de confinement, l’utilisation des médias numériques a été spectaculaire, en ce qui vous concerne. Vous les avez qua siment instantanément mobilisés pour maintenir le lien avec vos danseurs… Je vais employer un grand mot, mais c’était pour moi, pour nous, une question de survie. Sans quoi j’aurais pété un plomb, entre guillemets, et les danseurs aussi. Je me suis soudain retrouvé seul à Mulhouse dans un contexte de catastrophe épouvan table puisque la ville a été à ce moment-là la plus exposée de France aux ravages du virus. L’hôpital militaire installé à la hâte était à cinq minutes de chez moi, les hélicos tournaient sans cesse, les sirènes des ambu lances n’arrêtaient pas… En fait, ce furent des semaines très intenses pour moi, durant lesquelles je n’ai jamais cessé de bosser : les contacts avec les danseurs étaient quoti diens, via l’appli Zoom et les e-mails, je n’ai cessé d’attirer leur attention sur la chance que nous avions, par rapport à tant d’autres artistes, avec un salaire qui ne cesserait jamais de tomber chaque fin de mois. Il fal lait donc rester en contact avec notre public et, pour ça, créer toute sorte de choses inno vantes via les réseaux sociaux. J’ai aussi donné des cours publics, qui ont très bien marché, les gens m’en parlent encore dans la rue aujourd’hui. Honnêtement, j’avais un énorme besoin de ces liens, tout seul, sans échange avec l’autre, je me serais senti perdu…

Le verbe « bouleverser » s’impose en effet, d’autant que nous venions de Bruno Bouché chorégraphique national. Ce sera pour une durée de quatre ans et je bénéficierai alors d’un CDI…

On peut dire que vous vous êtes senti grandi, en quelque sorte, au sortir de ce confinement ?

Si à l’évidence le virus a percuté bien des certitudes dans le monde la culture, l’énergie que beaucoup ont déployée via les réseaux sociaux aura néanmoins permis de faire émerger les passions et les audaces. Vous êtes de ceux-là et les initiatives que vous avez prises via le numérique ont fait apparaître un homme qui réfléchit bien au-delà de son art et de ses responsabilités et qui n’est pas avare en matière de prise de risque… Bien sûr, mon moyen d’expression pri vilégié est la danse. Mais, depuis toujours, je me suis nourri beaucoup ailleurs, d’au tant plus que la danse est un art où on doit énormément se concentrer sur son propre exercice. L’exigence dans ce domaine est très forte. Alors, très jeune, j’ai eu ce besoin de m’évader. J’ai été très tôt admis à l’Opéra de Paris : c’est évidemment un lieu sublime, mais dans lequel on est très encadré et qui multiplie les obligations. Alors, le besoin de fabriquer mon propre univers était présent et mon moyen d’évasion a été de fréquen ter au maximum les salles d’art et essai des cinémas parisiens, de me plonger dans la lit térature, la philosophie, la psychanalyse…

Parce qu’on est réellement impressionné par tout ce que le directeur du ballet de l’Opéra national du Rhin met en œuvre depuis son arrivée en Alsace, on s’était promis depuis longtemps de lui donner la parole dans une interview au long cours. Mais il y eut ce satané virus qui bouleversa les programmes, à l’Opéra comme ailleurs. À l’aube d’une saison culturelle qu’on espère enfin sans mauvaise surprise, la rencontre a pu avoir lieu. Et elle méritait bien cette longue attente…

Bruno Bouché :

La pandémie nous a contraints à frei ner considérablement, car il a fallu annu ler beaucoup de productions comme par exemple Until the Lions et Le Joueur de flûte qu’on devait présenter en 2020 et qui figurent dans la saison à venir, cet automne.

Personnellement, à mon arrivée, j’avais des pistes de réflexion pour la transforma tion de cette maison, il m’a fallu bien sûr attendre des jours meilleurs. Aujourd’hui, j’ai besoin de temps pour relancer toutes ces pistes-là et aller au bout de mon projet. Il me reste un an de contrat et le Syndicat intercommunal, la Région, la DRAC (Direction régionale des affaires cultu relles – ndlr) ont voté ma reconduction à l’unanimité, reste au ministère à valider, sur le vu du dossier d’auto-évaluation que j’ai remis puisque nous sommes un Centre

c DOSSIER – LA SAISON CULTURELLE Jean-Luc Fournier Nicolas Rosès

Eva m’a aidé, m’a guidé, mais elle me consi dérait aussi comme son égal. Ça, ça a été très fort et ça a scellé notre complicité et notre réelle affection, humainement. Eva est le deuxième prénom de ma petite fille… Avec Alain, je m’entends également super bien, c’est aussi une chance, car, très hon nêtement, institutionnellement, il n’y a rien qui défend le ballet : si un jour, ici, le direc teur du ballet se retrouve face à un direc teur général qui ne comprend pas la danse et qui ne veut pas la soutenir, plus rien ne nousMonprotégerait.projettend à jouer toutes les cartes pour développer et recréer de grands titres qui sont susceptibles de parler à beaucoup plus de gens : depuis les années 80, la danse contemporaine a plutôt déconstruit, et ça, c’est très intéressant pour sortir du monde du classique qui est là depuis toujours. Il s’agit donc de raconter des histoires diffé remment de la forme classique : à l’image des Ailes du Désir où j’ai tout mis et qui corres pond bien à l’image que je me fais du ballet contemporain… Sincèrement, je ne savais que j’en étais capable, c’était ma première grande création et je ne pensais pas que ça répondrait autant… Du coup, dans les années qui viennent, je compte aller beaucoup plus avant dans la diversité et l’innovation des propositions même si je me sens limité par le fait que je ne pourrai, de toute façon, créer qu’un seul ballet par an… On peut avoir une idée de la prochaine création ? Oui, ce sera adapté de la pièce On achève bien les chevaux qui contient dans son cœur même l’idée de danser jusqu’à en crever. Cette adaptation de danse-théâtre ne sera pas dans la démarche déstructurée de Pina Bausch, elle racontera une histoire bien réelle. Ce sera une tout autre dramatur gie… Cette création figurera dans la pro grammation 2023/2024 de l’OnR. Après avoir pris mes marques, j’es saie donc de trouver une vitesse de croi sière, car il m’a fallu beaucoup, beaucoup pousser pour que le ballet retrouve un vrai niveau international et j’avoue que je suis ressorti de là usé, tout comme les équipes d’ailleurs, car il a fallu repousser les limites de la structure. Et c’est là que les problé matiques lourdes qui existent ici nous rat trapent : les décisions sur le bâtiment de l’Opéra tardent à venir, il y a cet énième comité de réflexion, mais ça fait juste vingtcinq ans que cet Opéra devrait être refait !… Néanmoins, on a de la chance à l’OnR, le public revient en masse. C’est très impor tant, car l’ensemble du monde culturel est désormais tenu de se battre en masse pour rappeler que la culture, c’est essen tiel, contrairement à ce que l’on a tenté de faire croire durant les confinements. Oui, la culture amène un supplément d’âme abso lument essentiel aux êtres humains… c LA SAISON 2022-2023 DU BALLET DE L’ONR LE JOUEUR DE FLÛTE Ballet jeune public – Création Mondiale du 22 septembre au 12 octobre UNTIL THE LIONS Création mondiale – Ballet et chœur de l’OnR Orchestre symphonique de Mulhouse du 25 septembre au 11 octobre BalletGISELLEde Orchestrel’OnRsymphonique de Mulhouse du 4 janvier au 5 février 2023

sont encore là : comme beaucoup d’autres compagnies, nous n’avons pas de tournées à notre programme de la prochaine saison à l’exception notable, et c’est formidable, des Ailes du Désir que nous allons présen ter au théâtre de la Ville au Châtelet, lors de quatre dates. Une opportunité extraor dinaire pour la compagnie ! À la veille donc d’être renouvelé à la tête du Ballet, tous les feux sont au vert ? Pas tous, car il y a bien sûr l’obsoles cence de l’équipement lui-même, état de fait bien connu depuis longtemps et qui avait été rapidement diagnostiqué par Eva. Notre actuel directeur, Alain Peyroux, est lui aussi sur cette même longueur d’onde. Cette maison est superbe, humainement. Elle tient grâce à la passion de ses équipes et aussi grâce à sa taille humaine, préservée au fil du temps. Mais les moyens qui sont alloués, surtout à Strasbourg avec les pro blèmes du bâtiment de l’Opéra lui-même, ne sont pas à la mesure d’un projet d’Opéra national dans le cadre d’une des plus pres tigieuses villes européennes en matière de culture.Malgré tout, ce qui a été exceptionnel, pour moi, c’est d’entreprendre mon par cours ici sous l’égide d’Eva Kleinitz, qui a été une directrice générale si parfaite ment clairvoyante sur le destin de cette maison qu’elle a réussi à réinscrire à un niveau international en moins de deux ans.

40 c DOSSIER — La saison culturelle №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

SPECTRES D’EUROPE Lucinda Childs/David Dawson/William Forsythe Ballet de l’OnR du 27 avril au 30 juin 2023 « Après avoir pris mes marques, j’essaie donc de trouver une vitesse de croisière, car il m’a niveauretrouvepourbeaucoupfallupousserqueleballetunvraiinternational. »

c DOSSIER – LA SAISON CULTURELLE Véronique Leblanc Jean-Louis Fernandez Théâtre

TNS

Stanislas Nordey reconduit une31 décembre,jusqu’auilsignenouvellesaison...

Retour au classique du 13 au 22 octobre avec Iphigénie revisitée au prisme du libre arbitre par le dramaturge et metteur en scène Tiago Rodrigues patron du festi val d’Avignon depuis juillet dernier, le spectacle ayant été créé dans une mise en scène d’Anne Théron. Stéphane Braunschweig reviendra au TNS du 27 février au 4 mars avec Comme tu me veux de Pirandello, « un de ses plus beaux spectacles » a commenté Stanislas Nordey lors d’une présentation de saison où Anne Brochet a évoqué son singulier Odile et l’eau (février) précédé du 26 novembre au 2 décembre d’un Bachelard Quartet pro posé par Marguerite Bordat avec l’acteur Pierre Meunier, la pianiste Jeanne Bleuse et la violoncelliste Noémi Boutin. Une « rêve rie active » au fil des quatre éléments en se laissant porter par le langage du philosophe et celui de la musique. À découvrir aussi La septième , ins pirée d’un texte de l’écrivain et philo sophe Tristan Garcia (15-23 novembre), Nostalgie 2175 où Anja Hilling sublime l’énergie vitale humaine face à une catas trophe écologique (7-15 décembre) ; Mon absente écrit par Pascal Rambert en sou venir de la comédienne Véronique Nordey (28 mars-6 avril) ; Par autan , spectacle « mouvant » de l’inimitable François Tanguy ; Grand Palais où Julien Gaillard et Frédéric Vossier confrontent l’univers mental du peintre Bacon à celui de son amant George Dyer suicidé deux jours avant le vernissage d’une grande rétros pective parisienne (10 au 16 mars). Sans oublier Tout mon amour, premier texte de théâtre du romancier Laurent Mauvignier. Mis en scène par Arnaud Meunier, ce « thril ler métaphysique » parle d’un deuil impos sible et d’un retour auquel on veut croire. Ou pas… c c

DOSSIER — La saison culturelle№46 — Septembre 2022 — Se retrouver

D ix-huit spectacles sont à l’affiche, bien moins que les 25 qui ont scandé 2021-2022, cru marqué par l’offre pléthorique née des reports de la crise Covid ce qui a, hélas, entraîné un rem plissage passé de 90 à 70 %. « Le phénomène est général », souligne Stanislas Nordey qui se veut rassurant « la maison va bien, les gens reviendront, on ne peut se passer de théâtreParmivivant ».les18 spectacles à venir, « la moitié sont portés par des autrices », se félicite-t-il. Deux textes de Marie Ndiaye, lauréate du Goncourt 2009, auront notam ment les honneurs du TNS : en novembre, Berlin mon garçon, pièce mise en scène par Stanislas Nordey et initiée par lui sur le thème du terrorisme ici abordé par des voies de traverse ; en mars, Un pas de chat sauvage mis en scène par Blandine Savetier avec l’artiste lyrique Natalie Dessay. Écrit à l’occasion de l’exposition Le modèle noir au musée d’Orsay en 2019, « ce récit abyssal » parle de l’incarnation et de l’appropriation d’une personne disparue, en l’occurrence Maria Martinez, chanteuse cubaine sur nommée « la Malibran noire » Autre autrice membre de la « famille du TNS », Claudine Galea ravivera un Sentiment de vie au sein des mémoires écartelées par les guerres coloniales. Une quête de beauté et de vérité, entre musique et littérature, du 17 au 27 janvier. Juste avant, en janvier également, Caroline Guiela Nguyen présentera Fraternité, un conte fantastique sur l’ab sence et la consolation réunissant des inter prètes professionnels ou non, de divers âges et origines, parlant différentes lan gues. Issue de l’école du TNS, l’autrice, metteuse en scène et réalisatrice est évo quée par Stanislas Nordey pour la future direction du TNS, tout comme d’autres artistes issus de la génération des « qua dras » tels que Julien Gosselin ou Sylvain Creuzevault.Enmai, ce dernier mettra en scène L’Esthétique de la résistance œuvre majeure de l’écrivain allemand Peter Weiss portée, entre autres, par les artistes du Groupe 47 de l’École du TNS.

Partant d’un questionnaire poétique et poli tique, Îlots donnera la parole à ceux et celles qui ont renoncé à la prendre ou à qui on ne donne plus le droit de la prendre. Un politiquethéâtre Du 27 septembre au 8 octobre, Stanislas Nordey poursuivra sa quête d’un théâtre politique contemporain au travers d’un nou veau texte de Falk Richter, auteur associé au TNS depuis 2015. The silence explore le traumatisme du silence familial, interroge le patriarcat et alerte sur la tentation d’un leader fort dans un monde fragilisé par les crises écologique, économique et sociale.

Le Groupe 46, quant à lui, ouvrira la saison à partir du 23 septembre avec un théâtre musical présenté en partenariat avec « Musica ». Fondé sur le dernier cha pitre du texte inachevé de Franz Kafka, L’Amérique, Donnez-moi une raison de vous croire de Marion Stenton démonte les arcanes bureaucratiques du rêve américain dans une mise en scène de Mathieu Bauer et SylvainGroupesCartigny.46et47 se retrouveront autour d’un texte de Sonia Chiambretto, La Taïga court du 4 au 9 novembre.

Sonia Chiambretto reviendra avec Yoann Thommerel en mars pour poser un acte théâtral issu de la démarche du g.ig. (groupe d’information sur les ghettos).

Nommé en 2014 à la tête du Théâtre national de Strasbourg et décidé à ne pas briguer un troisième mandat de quatre ans, le comédien et metteur en scène Stanislas Nordey aurait dû voir son mandat s’achever en octobre dernier. L’absence de nomination d’un(e) successeur(e) par le ministère de la Culture durant la période électorale a cependant entraîné la prolongation de son mandat jusqu’au 31 décembre avec pour mission de lancer la programmation de l’automne 2023. La saison à venir portera donc sa marque faite de parité et de diversité sur les plateaux. national de Strasbourg 1 avenue de la 03 88 24 88 00Marseillaise

www.tns.fr

À gauche : Staislas Nordey avec Falk Richter (à droite) sur le plateau de Je suis Fassbinder.

43

Jusqu’à Nancy Du 16 au 18, Only the sound remains , opéra double signé par la même compo sitrice à partir de deux pièces du théâtre Nô sera donné au Maillon, partenaire de la manifestation tout comme, entre autres, ARTE, le TNS, L’Opéra du Rhin, L’Ososphère… ou bien encore Pôle Sud au cœur de la Meinau.

Car Musica investit la ville, au plus près d’un public qu’il convie à une proximité toujours plus fine avec la création musi cale« L’actioncontemporaine.“concerts pour soi” nous a beaucoup mobilisés » confirme Lucie Leng en évoquant le repérage de lieux insolites où se tiendront, du 16 au 19 septembre, pas moins de 250 concerts en petits comités au plus près des musiciens et des œuvres. Le lieu mystère n’étant dévoilé que 48 heures avant l’événement, par sms.

L’ouverture de cette édition passion nante est fixée au 15 septembre au Palais des Fêtes avec Migrants de Georges Aperghis par l’Ensemble Resonanz. Oratorio en 5 mouvements dont les Strasbourgeois auront la primeur. La clôture sera quant à elle nancéienne à partir du 30 septembre avec mise en place de facilités en termes de transports, héber gement et visites de la ville. Musica entre intime collectif – singulier, toujours pluriel ». c Billetterie au 11 rue Mercière àwww.festivalmusica.frStrasbourg №46 Septembre 2022 Se retrouver

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La 40e édition de Musica est celle du sujet, de la voix qui dit « je », du moi qui résonne entre les notes.

En un mot de l’intimité.

c DOSSIER – LA SAISON CULTURELLE Véronique Leblanc DR

D evenu l’un des plus importants fes tivals de musique contemporaine d’Europe, Musica présentera entre du 15 septembre au 2 octobre « beaucoup de parcours de vie » relève Lucie Leng en charge de la communication. En témoigne, le 17 septembre, la soirée dédiée à la compositrice finlandaise Kaija Saariaho, invitée d’honneur de cette édition. Kaija dans le miroir débutera dès 17h dans le cadre historique du Palais des fêtes avec la projection d’Innocence, son dernier opéra composé sur un livret de la roman cière Sofi Oksanen. Suivra un concert exceptionnel où le parcours de l’artiste sera retracé par ses plus fidèles compa gnons de création.

44 c DOSSIER — La saison culturelle

c DOSSIER – LA SAISON CULTURELLE Véronique Leblanc DR Le FEFFS a 15 ans et toutes ses dents… de vampire Fantastique

rencontres…Masterclasses, « Un hommage sera évidemment rendu à Nosferatu » annonce Daniel Cohen, direc teur artistique du festival en évoquant les remakes – le film de Herzog bien sûr, mais pas seulement – et les références au chef d’œuvre de Murnau qui émaillent bien des productions ultérieures. Autre rétrospective : le cinéma fantas tique français « de Méliès à aujourd’hui, en passant par Cocteau, Franju, Maurice Tourneur… ».Uneprogrammation assortie de master classes et de rencontres avec les équipes à découvrir dans les cinémas partenaires : Star et Star Saint-Exupéry, Vox, UGC Ciné Cité. Sans oublier le « village du festi val », place Saint-Thomas, entre ateliers, concerts et tartes flambées forcément… fantastiques. c Pour célébrer sa 15e édition, le Festival européen du film fantastique de Strasbourg rend hommage à Nosferatu, chef d’œuvre de l’expressionnisme allemand réalisé par Murnau il y a cent ans. Signée Mahon, la superbe affiche du festival restitue ce double jubilé programmé du 23 septembre au 2 octobre. www.strasbourgfestival.com

P armi les films retenus en compéti tion internationale de films fantas tiques, citons Nos cérémonies du français Simon Rieth sélectionné à la Semaine de la critique de Cannes, Piggy de l’Espagnole Carlota Martinez-Pereda, Family Dinner de l’Autrichien Peter Hengl, Attachment du Danois Gabriel Bier Gislason… vertiges de la fraternité, harcè lements adolescents, malbouffe, ésoté risme juif s’y déclinent et s’y déchirent. Thrillers et films noirs figurent dans la catégorie Crossovers avec, notamment, Pamfir du réalisateur ukrainien Dmiytro Sukholytkyy-Sobchuk découvert lui aussi à Cannes.Entre Roumanie, Japon, Lettonie… la catégorie Films d’animation explorera, entre autres territoires improbables, l’île de Robinson Crusoé, les arcanes du théâtre Nô médiéval, les affres de la guerre entre licornes et oursons ou bien encore les mys tères de la chimie amoureuse.

46 c DOSSIER — La saison culturelle №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Avant ce temps fort, la grande salle réno vée accueillera en novembre des spectacles empreints de poésie et d’humour : Thomas Lebrun, mais aussi Sylvain Riéjou avec Je rentre dans le droit chemin et Silvia Gribaudi qui présentera Monjour, nouvelle forme de « dessin animé contemporain ». Décembre sera urbain avec son explo sion de danses de rue énergiques et styli sées. Le Brésilien Bruno Beltrão présentera sa New Creation, le Strasbourgeois Marino Vanna interrogera notre temps avec Man’s Madness, pièce préparée durant sa résidence à Pôle Sud de 2019 et la compagnie Ousmane Sy proposera le dernier spectacle du choré graphe décédé subitement en 2020. Mêlant house dance et danse africaine Queen Blood est une ode à la féminité assu mée ou subie. Toujours énergique.. c B enoît Van Kote et Mourad Mabrouki y mettent en mots le sens même du spectacle vivant : « savourer la culture, celle qui nous lie, celle qui nous rassemble » et qui, chez Django, nous bous cule « comme du trash métal togolais qui explose les frontières, comme du hip-hop acéré qui dépeint la morosité avec poésie, comme une pop éclairée qui dompte la folie, comme un baobab ancestral qui prépare son avenir ou encore, tenez-vous bien, comme si l’amour c’était aimer. »

« De bon augure ! » titre le programme 2022-2023 de Pôle Sud Centre de développement chorégraphique national de Strasbourg. « Se délecter du moment présent pour anticiper le prochain moment présent vulgairement appelé le futur », écrivent les co-directeurs de l’Espace Django dans leur bel édito de présentation de saison. 03 88 61 52 87 www.espacedjango.eu Bab L’Bluz

Tordre le cou au marasme Aimer le métier d’artiste et en parler en Aparté avec Jean-Marc Ferdinand en com pagnie de son acolyte Cyprien, le 15 sep tembre au Kneckes de la Grand-Rue. Animée par l’artiste strasbourgeois Eli Finberg, cette soirée s’inscrira en pré lude au concert d’ouverture de saison le samedi 17 septembre : Les frères Timal !, création Django née de la rencontre entre le Strasbourgeois Cyp Steck alias Leopard DaVinci, producteur de funk électronique et de Jean-Marc Ferdinand, chanteur et percus sionniste que les Guadeloupéens surnom ment simplement « l’Ambianceur ». S’y confronteront dans une belle fra ternité les multiples facettes de la musique antillaise aux sonorités de la musique élec tronique. « Une musique de là-bas, d’ici, de partout » précédée d’un concert du groupe franco-marocain Bab L’Bluz en première partie de soirée. De la Guadeloupe au Neuhof en passant par le Maroc, Django donnera le ton d’une saison marquée par la diversité de styles, de formats, de moments qui tordent le cou au marasme. c

Pôle03 88 39 23 40Sud1ruedeBourgogne – Strasbourg www.pole-sud.fr Espace Django 4 Impasse Kiefer, Strasbourg

Queen Blood Ousmane Sy 48 49c DOSSIER — La saison culturelle c DOSSIER — La saison culturelle№46 — Septembre 2022 — Se retrouver №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

c DOSSIER – LA SAISON CULTURELLE c DOSSIER – LA SAISON CULTURELLE Véronique Leblanc Timothée Lejolivet Véronique Leblanc Besma Mansour Pôle Sud mise sur l’élégance de l’humour

Le spectacledernier de Ousmane Sy

L’Espace Django fait vibrer la vie Danse DiversitéL e titre est emprunté au spectacle de Thomas Lebrun programmé en septembre et fait écho aux propos de la directrice de Pôle Sud, Joëlle Smadja lors de la présentation de saison : « Nous avons choisi le parti d’en rire », non par désinvolture à l’égard des sujets graves, « mais pour les aborder avec légèreté et humour au travers de nos 35 rendez-vous artistiques ».Unpeubousculé par des travaux dans la grande salle, le début de saison sera nomade entre salles et jardin de Pôle Sud à moins que ce ne soit dans d’autres lieux, ailleurs en ville.Leïla Ka et Aurore Gruel ouvriront la danse, du 13 au 15 septembre et donneront le « la » d’une programmation essentiellement féminine marquée, en janvier, par une nou velle édition de « L’année commence avec elles » consacré aux femmes chorégraphes.

P our preuve, la soirée d’ouverture programmée les 7 et 8 septembre sera marquée par la carte blanche donnée à la compagnie Je, Tu, Elle, créée en 2021 par des artistes tout juste sortis du TNS et accompagnée par Olivier Chapelet dans le cadre du dispositif Fluxus. Radicalité La saison proprement dite débutera début octobre sous le signe d’une frater nité retrouvée au bout de 65 miles d’er rance et de fuite en avant. Une pièce de Matt Harley interprété par la compagnie Paradoxe(s) inscrite la ligne du théâtre social britannique. La pièce Billy la nuit d’Aurélie Namur portée par la compagnie Les Nuits claires explorera en novembre les sortilèges déployés par une petite fille de 6 ans lors qu’elle doit affronter seule le passage du jour au jour, Ce samedi il pleuvait interprété par la compagnie strasbourgeoise Le cri des pois sons passera au crible sarcastique d’adoles cents montréalais la bonne conscience de leurs parents et Michelle doit-on t’en vouloir d’avoir fait un selfie à Auschwitz ? du talen tueux Sylvain Levey questionnera le rapport à l’image des enfants du Web dans un texte subtil et brutal mis en scène par Laurent Crovella à la tête des Méridiens. Plus tard dans la saison, Araignée de Charlotte Lagrange issue elle aussi de l’école du TNS traitera de la douloureuse question des mineurs non accompagnés dans un monologue très fort porté par les Strasbourgeois de L’Imaginarium. Le TAPS n’oubliera pas le classique et creusera d’autres thèmes, mais Olivier Chapelet a raison : la jeunesse marquera de sa tendre ou abrupte radicalité cette saison 2022-2023. c

C’est à la jeunesse que pense Olivier Chapelet lorsqu’on lui demande quelle sera la couleur de la prochaine saison dans les salles Laiterie et Scala du Théâtre actuel et public de Strasbourg. Théâtre actuel et public de96StrasbourgrouteduPolygone, Strasbourg 03 68 98 52 02TAPSLaiterie10rueduHohwald taps.strasbourg.eu

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Véronique Leblanc Didier Pallagès

Unl’espaceconceptnouveauàK Une programmation pléthorique

Humour C’ est dire s’il est important de garder un œil sur une programmation plé thorique qu’elle enrichit en perma nence à l’aube de cette saison 22-23. Plusieurs têtes d’affiche sont d’ores et déjà à relever : Machine Head le 15 septembre en exclusivité Grand Est avec une autre seule autre date à Paris, idem pour Wet Leg (octobre), Milky Chance (octobre) dont les seuls autres concerts français seront à Paris et Lyon. Sans oublier Peter Doherty qui présentera le 5 décembre son nouvel album The Fantasy Life of Poetry & Crime inspiré par Étretat, le confi nement et sa nouvelle sobriété. À ses côtés, le guitariste Frédéric Lo com positeur de la musique de cet opus unanime ment salué par la critique. A vec un nouveau concept, annonce Jean-Luc Falbriard : « La Suite » consa crée cette année au Stand-up, forme de spectacle rendue célèbre par les nombreux Comedy Club et les réseaux sociaux. « Une fois par mois, nous allons recréer l’ambiance une fois le spectacle terminé et accueillir dans un cadre tout à fait profes sionnel des jeunes Strasbourgeois avides de vannes, de punchlines et de délires. » Une programmation – concoctée avec le Collectif Latéral de Sécurité – qui espère aussi « attirer à l’Espace K un public qui ne connaît pas le lieu ». Présentée les 15 et 16 septembre prochains, la programmation de saison déroulera une cascade de joyeu setés « musicales, poétiques, acrobatiques, érotiques, classiques, engagées, interga lactiques » vouées à être « à être consom mées sans modération ». À partir de 20h et non plus de 20h30, qu’on se le dise !

Lieu leader en France désormais identifié comme une marque tant par le public que par les filières artistiques, culturelles et professionnelles La Laiterie Artefact PRL reste fidèle à son ADN et défend plus que jamais les musiques actuelles qu’elle qualifie de signature de l’époque. Esthétiques variées, formes inattendues, « Humour avec un grand H », l’Espace K reste fidèle à lui-même, annonce son directeur Jean-Luc Falbriard à l’aube de cette saison 2022-2023. La Laiterie Artefact PRL 17 rue du Hohwald, Strasbourg 03 88 23 72 37 www.artefact.org Espace K 10 rue du Hohwald,03 88 22 22 03Strasbourg www.espace-K.com L’Aventura de et par Lou Volt et Éric Toulis Meute ouvrira L’Ososphère en brisant une nouvelle fois les codes le 23 septembre, Izïa prendra de La Vitesse et fera fi du danger en novembre, Suzanne présentera son tout nouveau show en décembre… Aperçu loin d’être exhaustif tant la liste est longue. À noter également, les têtes d’affiche en devenir parmi lesquelles La Laiterie cite November ultra avec son premier album Bedroom walls, Gaelle Buswel qui vient de sortir un 4e album Your Journey aux accents blues rock ainsi qu’Ayron Jones et ses riffs de guitare explosifs sublimant une voix rocail leuse. L’artiste a sorti son premier album Child of the State en 2021 et… il a fait la pre mière partie des Rolling Stones à Paris. Tous trois se produiront en novembre c Au tournant de septembre et octobre, se profile L’Aventura de et par Lou Volt et Éric Toulis, artistes on ne peut plus confirmés qui allieront une nouvelle fois leurs multi ples talents dans un mini cabaret « rock’n roll qui rigole ». Autres temps forts annon cés parmi d’autres par Jean-Luc Falbriard alias Capitaine Sprütz : en novembre, Les Courses folles des « Fouteurs de joie » tou jours fidèles à l’Espace K quand il s’agit de « faire rire et sourire avec parfois une petite larme qui s’échappe » et, bien sûr en décembre, le Krismass Show qui reviendra pour une 6e édition tout en paillettes, sen sualité, dérision et bien sûr humour. Avant la reprise des spectacles en janvier et, en février, la 5e édition du « Strasbourg burlesque Festival ». Plus de 40 artistes venus de toute la planète et rompus à l’art de l’effeuillage burlesque vous en mettront plein les yeux. c

L’ ouverture en sera festive avec le retour de « L’Afrique festival » à la mi-septembre et celui du « Festival O.Q.P » à la charnière d’octobre. Programmation à 99 % féminine pour le premier, ouverture aux possibles des quartiers popu laires en point de mire du second, le Point d’eau porte haut et fort l’interculturalité. En témoigne la pièce d’adieu de Kader Attoli programmée le 1er octobre. Intitulé Les Autres ce spectacle d’accrorap renou velle le dialogue entre musique, danse et scénographie pour entraîner le public dans un espace-temps où l’extraordinaire se substitue à l’ordinaire. « Tout comme le cirque, la danse est un axe qui nous est cher », rappelle Mathieu Bernhardt en évoquant le parte nariat avec Pôle Sud et l’accueil du Deal de « ASSOCIATION W » du 9 au 11 octobre. Le théâtre sera très présent également avec, en octobre et novembre, deux spectacles D ès le 13 septembre à la Briqueterie, Lúcia de Carvalho, chanteuse et per cussionniste angolaise désormais alsacienne enchantera la présentation de saison d’un concert aux accents universels prélude à une programmation marquée par le jazz, les musiques du monde et des Notes classiques inaugurées le 16 octobre par le jeune harpiste Marcel Cara, deux jours après le concert du quintette Ozma valeur sûre du jeune jazz mondial née en 2001 sur les bancs du conservatoire de Strasbourg. Huit concerts de jazz sont prévus d’ici décembre dont celui de la célèbre chanteuse franco-américaine Cécile McLorin Salvant, le 21 octobre.Côtémusiques actuelles et du monde, citons : The Brooks (18 octobre), Romane (22 novembre), Laura Cahen (25 novembre) et Souad Massi le 16 décembre. Du théâtre À l’image de son logo qui s’échappe en couleurs du rond du Point d’eau, la saison 2022-2023 de la salle d’Ostwald se veut « pluridisciplinaire et vitaminée » annonce Mathieu Bernhardt en charge de la communication. « Joie, partage et audace » au service d’un « regard festif et engagé sur le monde » l’édito Schiltigheim Culture 15A Rue Principale, Schiltigheim 03 88 83 84 85 www.billetterie.ville.schiltigheim.fr Lúcia de Carvalho York par la compagnie du Matamore marqués du sceau de Jean-Philippe Daguerre dont la pièce Adieu Monsieur Haffman reçut quatre Molières en 2018. À la mise en scène du Dom Juan (de Molière), il revisite le mythe avec humour et intelli gence. Dans Le petit coiffeur, il nous replonge dans la Seconde Guerre mondiale en s’at tachant au sentiment de culpabilité de la France libérée. Le Reste est silence inspiré de Shakespeare par les Lorrains de Tout va bien (le 7 octobre), Mesdemoiselles Molière par la compagnie strasbourgeoise La Mesnie H (le 12 novembre)…, le répertoire classique reste à l’affiche et teste de nouvelles formes avec York où la compagnie du Matamore rassemble en 4h de spectacle deux pièces de Shakespeare. Les huit dates qui lui sont réservées en novembre et décembre per mettront de découvrir ce spectacle en inté gralité ou en épisodes. À tenter ! c aussi avec Les cartographies de l’avenir, une expérience de démocratie participative inter rogeant le public ou encore Les secrets d’un gainage efficace et ses ateliers détonnants. Au Brassin, les 12 et 13 novembre, les plus jeunes retrouveront la Panique dans la forêt mise en mots et en musique par les Weepers Circus avant de partir, le 26, aux confins de la Mongolie avec La légende de la princesse Solmon mise en scène par Gabi Rhapsodie. Le 7 décembre le Suzette project de la « Daddy compagnie ! » les conviera à la cyberenquête d’une bande mômes avides d’un monde meilleur. Un vœu partagé par L’Échappée belle qui poursuivra sa saison avec moult spec tacles dont l’incontournable Revue scoute en janvier et des têtes d’affiche telles que Arthur H, Henri Texier trio, Ben l’oncle Soul sans oublier un Printemps du flamenco pro grammé en mai. c

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C’est vous qui le dites ! OSTWALD SCHILTIGHEIM c DOSSIER – LA SAISON CULTURELLE Véronique Leblanc DR Véronique Leblanc Frank Lorioux Le Point L’Échappéepétilled’eauencouleursest belle ! Accrorap et Théâtre… Jazz et musiques du monde en force

des rendez-vous de L’Échappée belle à Schiltigheim. Qu’on en juge ! Le Point d’eau 17 Allée René Cassin – 6754003 88 30 17 17Ostwald www.pointd’eau@ostwald.fr

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54 c DOSSIER — La saison culturelle №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

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disciplinaritéPluri-essentiellesRéalités

L a saison débutera avec le festival 10 jours VERT le futur et le spectacle familial Et puis de la Soupe Compagnie. Douce introduction à l’écologie, ce dernier met en scène des marionnettes bien plus conscientes que nous d’une réalité essentielle : notre rôle d’humain sur la terre. Le rire prendra ensuite le relais avec AH AH AH !!! des biens connus Patricia Weller et Denis Germain qui y débroussail leront « à la pince à épiler » les irritants poils incarnés de l’info. De la radio au théâtre, le tout poncé par un humour décapant qui se déclinera, un mois plus tard en novembre, dans le spectacle d’un Stéphane Guillon « sevré de vacheries » pendant la pandémie et déterminé à rattraper le temps perdu. Parler du monde tel qu’il va, tel qu’il déraille, tel qu’il se cherche… C’est le sens même du spectacle vivant et le PréO Scène abordera bien des thèmes qui nous per cutent au quotidien : la place des femmes  avec Les secrets d’un gainage efficace par les Les Filles de Simone (1er décembre), la pas sion du sport, mais aussi le sens de l’échec dans Le Syndrome du banc de touche par Le grand Chelem (16 novembre), la place des utopies dans nos sociétés désenchantées L a saison à venir ne dérogera pas à cette pluridisciplinarité aux accents de liberté. Elle sera présentée au public le 16 sep tembre, juste avant un concert des Cracked Cookies, trio vocal féminin déterminé à cro quer du swing avec humour et énergie. Un spectacle musico-théâtral aux ambiances de cabaret teinté de rock and roll. Le 7 octobre, la si talentueuse humo riste Sandrine Sarroche livrera sa vision très personnelle du féminisme entre stand-up et chansons. « C’est drôle, puissant, saignant, mais toujours tendre », annonce le pro gramme. On ne demande qu’à voir ! À savourer aussi le 21 octobre, le concert dessiné des Violons barbares associés à Humour, musique, théâtre, danse, « le PréO Scène marche sur quatre pieds » s’amuse Catherine Munch etdethéâtre,Centrespectacless’estVingtetd’Oberhausbergen,communicationresponsabledelasalle« quatremêmecinq »,ajoute-t-ellepuisquelesenfantsetleurfamillefontl’objetd’uneprogrammationspécifique.ansdéjàqueVendenheimmisauDiapasondesproposésparsonculturel.Vingtansdedeconcert,dedanse,chant,d’humour,deriresdelarmes.

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56 c DOSSIER — La saison culturelle №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Notre Cheffe Maud Aracil a élaboré des plats à partager (ou pas) à découvrir selon les produits du marché. Et toujours une belle carte de vins vivants, de cocktails création et de nouveaux événements. 7 rue du 22 novembre 67000 Strasbourg BOMA Strasbourg

c DOSSIER – LA SAISON CULTURELLE

Véronique Leblanc Pauline Le Goff

Partage, raffinement et convivialité

Nouvelle carte pour vos dîners...

Véronique Leblanc Jérôme Dominé Le monde tel qu’il se cherche au PréO Scène Respirer large au Diapason

Le PréO Scène 5 rue du Général de Gaulle, Oberhausbergen03 88 56 90 39 le-preo.fr Le Diapason 14 Rue Jean Holweg, 67550 03 88 59 45 50Vendenheim lediapason@vendenheim.fr

Sandrine Sarroche Le Syndrome du banc de touche exposées au prisme du pop art par la compa gnie Label brut dans Label illusion en janvier. De la danse aussi avec, notamment, une nouvelle édition de la compétition hip hop « The Circle of dancers » sous la hou lette de la compagnie Mira (23 octobre). Sans oublier les concerts inaugurés par le « Royal » de Ayo le 20 octobre et le « On/Off » de Bachar Mar Khalifé le 18 novembre. Les amoureux des sciences pourront retrouver le « Curieux festival » inauguré la saison der nière, mais ça, ce sera à l’horizon d’avril. c l’illustratrice Clotilde Perrin. Ensemble, ils mettront en traits et en musique les monstres et créatures fantastiques des légendes bul gares et mongoles. Du spectacle vivant au sens le plus vibrant du terme. Théâtre les 2 et 3 novembre avec Ana Non proposé par la compagnie alsacienne Théâtre du même nom, chanson française le 22 avec la présentation de son nouvel album Icare par l’impétueuse Emily Loizeau. Le 29, le chanteur de raï Sofiane Saïdi, le rockeur Rodolphe Burger et le joueur de oud électrique Mehdi Haddab réunis dans le trio Mademoiselle seront en concert au Diapason avant un album annoncé pour bientôt.Endécembre, on se posera de drôles de questions : comment séduire ? comment édu quer ses enfants, comment transmettre son héritage, quel est le meilleur moment pour tromper son conjoint ? Pour y répondre, Les chanteurs d’oiseaux se lanceront dans une Conférence ornitho-perchée entre conférences, joutes sifflées, discussions avec le public, saxo et clarinette.Pourneplus jamais écouter les oiseaux comme avant en attendant la reprise de la saison en janvier. c

J’imagine que votre proximité avec vos abonnés a pu vous permettre de les consulter directement, au moins en partie. Beaucoup, et c’est tant mieux sont aujourd’hui de retour, mais avezvous un état des lieux précis sur les raisons qui les avaient éloignés durablement des concerts de l’OPS ? M-L. D. : Au début de la dernière saison, il y avait bien entendu une vraie crainte d’avoir à se projeter sur plusieurs mois. C’était très net et d’ailleurs, cela se confirme en ce début juillet, nous avons déjà dépassé le nombre d’abonnés de la dernière saison (cette table ronde a été réalisée le 5 juillet, donc au tout début de ce qui était alors annoncé comme « la 7e vague de Covid » – ndlr). Sans doute nos abonnés ont-ils aussi été interpel lés par nos changements de concerts : LES PARTICIPANTS: Marie-Laure Denay, directrice de la communication de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg Stéphane Libs, directeur des Cinémas Star à Strasbourg Jean-Luc Falbriard, directeur de l’Espace K à Strasbourg Stéphane Litolff, directeur du centre culturel le Diapason à Vendenheim (qui a participé à la table-ronde via liaison vidéo, étant cas-contact Covid durant la vague de début juillet dernier)

« Certainsspectaclesaffichantcompletnesesontpourlaplupartremplisqu’àpeinequelquesjoursavantleurdate.Unphénomènetoutàfaitnouveau,pournous. »

Dans le cadre de notre traditionnel numéro de septembre consacré à la rentrée culturelle et aux program mations de la saison culturelle à Strasbourg et dans son Eurométropole, nous avons souhaité en priorité évo quer une thématique qui s’est cruellement fait jour suite au Covid qui, depuis plus de deux ans, a particulièrement impacté le monde de la culture : à des degrés divers, la plupart des salles ou des rendez-vous ponctuels, comme certains festivals par exemple, peinent à retrouver leurs publics d’avant l’hiver 2019-2020. Et ce malgré une multitude d’actions ou d’initiatives mises en place quelquefois très tôt pour contrer un danger qui avait été identifié assez vite par les acteurs culturels. Je vous propose donc, chacun à votre tour, de vous livrer à un état des lieux concret de la struc ture qui est la Marie-Laurevôtre…Denay : À l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, c’est le très gros désengagement des abonnés qui a été le phénomène le plus net et que nous avons constaté dès le début de la saison 2021-2022 qui vient de se terminer. Sur une base de près de 4 000 abonnés traditionnels, nous en avons perdu près de 75%… Ce phénomène de manque d’en gagement sur plusieurs mois s’est confirmé tout au long de la saison et nous avons aussi réalisé que la billetterie pour chaque spectacle se déclenchait bien plus tard qu’auparavant. Certains spectacles affi chant complet ne se sont pour la plupart remplis qu’à peine quelques jours avant leur date. Un phénomène tout à fait nou veau, pour nous. Alors, bien sûr, cela nous a obligés à travailler la communication dif féremment et à aller chercher le public là où on pensait le trouver. Il a fallu nous réin venter, en quelque sorte. Malgré nos efforts, on a constaté aussi que certains spectacles peut-être un peu plus pointus ne faisaient plus du tout le plein comme auparavant. J’ai en tête la venue de Sol Gabetta (une violoncelliste d’origine argentine de notoriété mon diale, installée en Suisse – ndlr) qui avec sa consécration peu de temps aupara vant aux Victoires de la musique classique bénéficiait pourtant d’une notoriété très Marie-Laure

Table ronde animée par Jean-Luc Fournier Nicolas Rosès C’est la première « vraie » rentrée culturelle depuis deux ans, la précédente ayant été encore assortie de tas de contraintes dues au Covid. Nous avons donc tenu à réunir quelques acteurs culturels de l’agglomération strasbourgeoise autour de la question cruciale de la reconquête des publics disparus. Avec une lucidité et une franchise réjouissantes, nos quatre interlocuteurs prouvent que personne n’est dans la résignation ou l’impuissance…

S ACTUALITÉ — TABLE RONDE Table

Réunis autour de Jean-Luc Fournier, directeur de la rédaction de Or Norme (de dos), de gauche à droite : Stéphane Litolff (en visio), Marie-Laure Denay, Stéphane Libs et Jean-Luc Falbriard. importante : la salle était loin d’être pleine alors qu’à peine quelques années aupara vant, elle l’aurait été sans problème. Tout cela nous a posé des questions multiples : des questions de programmation et de format, notamment, et bien sûr la question centrale, pourquoi le public ne revenait-il que difficilement ? À l’automne dernier, une étude commandée par le ministère de la Culture à l’institut Harris Interactive a livré quelques conclusions intéressantes : parmi pas mal de facteurs évoqués, il y a celui du cas de ces très nombreuses per sonnes qui, d’un jour à l’autre, se sont retrouvées en situation de télétravail à leur domicile. Pour ces personnes, le fait d’avoir à retourner au centre-ville pour un spectacle à 20 heures était rédhibi toire, en tout cas était un frein réel. Ce qui semble être étayé par la fréquentation des concerts que nous avons program més le samedi après-midi, à 17 heures, par exemple : ces concerts n’ont pas désem pli. Donc, aux questions inévitables du choix des œuvres proposées, il nous a fallu aussi nous pencher sur les formats – concerts plus courts, concerts doublés, à d’autres horaires…

Denay 58 59S ACTUALITÉ S ACTUALITÉ№46 — Septembre 2022 — Se retrouver №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Le cercle desdisparuspublics ronde

« Le

C’est à mon avis un phénomène tout à fait marginal, mais il participe à l’accu mulation de raisons que j’évoquais pré cédemment. Il en va d’ailleurs de même pour l’argument du pouvoir d’achat : Gladiator, au Zénith de Strasbourg, a fait le plein avec un ticket d’entrée à 49 €. À l’OPS, la tarification pour les étudiants et les plus jeunes est extraordinairement attractive : 6 € la place ! Pour résumer mon long propos, pardonnez-moi, on se projette bien sûr en septembre prochain, même avec les incertitudes récentes sur la résurgence du Covid, sur quelque chose de beaucoup plus stable avec une prise de conscience de nos abon nés que « faire au coup par coup » comme les événements les avaient contraints à pratiquer, est quelque chose qui ne marche pas, sur la durée. Ils ne viennent pas en « billetterie sèche » comme nous le disons, ils finissent par oublier. Ils vont redécouvrir les vertus de l’abon nement, j’en suis persuadée, mais cela ne nous empêchera pas de nous adap ter en facilitant les remboursements, par exemple, voire en faisant beaucoup, beaucoup plus de communication directe via l’affichage, mais aussi les réseaux sociaux pour cibler au plus près les différentes communautés… Stéphane Libs, on va maintenant évo quer le secteur du cinéma, en se basant sur une étude toute fraîche publiée par le Centre National du Cinéma qui fait apparaître une statistique frappante : toutes salles et types de films confon dus, c’est pas moins d’un tiers des spectateurs qui manquent à l’appel, par rapport à la même étude pré-Covid, en 2019. Ces chiffres sont-ils confirmés ici à Strasbourg, d’abord aux cinémas Star où vous œuvrez et chez les autresStéphaneenseignes ?Libs :

Il y a un chiffre de base que j’aime bien citer, c’est la compa raison du nombre d’entrées d’aujourd’hui avec celui du nombre des entrées de 2019, avant le Covid. En 2019, année exception nelle, on était à 214 millions d’entrées en France. Si on prend les douze mois de mai 2021 à mai de cette année, on est à 151 millions d’entrées. Alors oui, on ne peut que se dire qu’il y a une grosse perte, que le cinéma est sans doute, culturel lement, la plus grande victime du Covid et qu’en entrant dans cette période de transition, il va devoir se réinventer et ça vaut autant pour les grands groupes que pour les plus modestes des salles « art et essai ». Maintenant, sur les ciné mas Star en particulier, la perte J pour respecter les distances de sécu rité entre les musiciens, il nous a fallu en effet changer assez souvent de pro gramme. En octobre dernier, il y avait par exemple la 2e symphonie de Mahler qui était très attendue, mais nous étions dans l’impossibilité absolue de donner cette œuvre si nous voulions respecter les règles concernant les musiciens. Nous avons donc été contraints de ne pas res pecter la promesse faite au public, et ça, c’est ensuite très difficile à récupérer. Mais, pour expliquer l’essentiel de cette désaffection, il y a l’accumulation de mul tiples choses : la perte d’habitude, l’arrêt du pass sanitaire qui a fait peur à certains parmi les plus âgés de nos spectateurs, mais aussi, plus prosaïquement, la ques tion du pouvoir d’achat. Enfin, je n’oublie pas la question de l’offre – un domaine dont on va entendre parler lors de cette table ronde puisque le cinéma est pré sent. Bien sûr, l’offre des plates-formes en musique classique n’est pas compa rable aux Netflix et autres, mais n’em pêche, certains abonnés nous ont confié s’être abonnés à certaines plates-formes de musique classique et nous disent qu’en restant chez eux, ils ont accès aux meil leurs orchestres du monde et ont un choix que ne pourra jamais leur proposer l’OPS. cinéma va devoir se réinventer et ça

“artdesmodestespourgroupeslesautantvautpourgrandsquelesplussallesetessai”. » Stéphane Libs 60 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Et puis, on a pu observer aussi que cer tains grands groupes ont considérable ment réduit leurs personnels lors de la première reprise après le confinement. Ce qui fait par exemple que l’UGC Ciné Cité de Strasbourg, qui est de par sa concep tion un des plus beaux cinémas du pays, est alors devenu l’endroit le plus triste du monde, ne donnant plus du tout l’envie de s’y rendre puisqu’aucun des services associés comme le bar ou les confiseries ne fonctionnait.Jevoudraisaussi évoquer le phéno mène des abonnements. Strasbourg, à cet égard, est une ville tout à fait unique dans le paysage cinématographique français puisque la carte UGC Illimité et celle du Pass Pathé à Brumath fonc tionnent dans l’intégralité des salles. Sur ces cartes, il y a eu un véritable gouffre de non-réabonnement à la rentrée, alors que nos propres abonnements, aux Star, ne perdaient que 5 ou 6%. Ce qui veut dire qu’aujourd’hui, tout le travail des grands groupes est de faire réactiver absolument ces abonnements perdus avec toutes les offres possibles et imaginables.

« Nous voilà devant un double défi : faire revenir les spectateurs d’une part, et parvenir à leslesrelationsnosconserverexcellentesavecartistesettourneurs. »

D’autant que nous partageons la recette avec les artistes que nous programmons… Jusqu’à présent, on a réussi à tenir, comme l’ensemble des salles de spectacle pri vées, avec les aides d’État dont nous avons pu bénéficier. On surfe encore un petit peu là-dessus et, comme nous avons vingt-cinq ans d’existence, nous avions également pu constituer des fonds nous permettant de tenir en cas de coup dur. On a donc puisé allègrement dedans et le point positif est que les artistes ont continué à venir chez nous. Jusqu’à cette crise sanitaire, on pouvait leur garantir des salles quasi pleines et ils avaient bien sûr entière confiance en nos capacités à rétribuer correctement leurs presta tions. Maintenant, cette confiance com mence à s’émousser, c’est normal et nous voilà devant un double défi : faire revenir les spectateurs d’une part, et parvenir à conserver nos excellentes relations avec les artistes et les tourneurs. Notre saison prochaine, nous avons réussi à la boucler (lire aussi page 52 – ndlr), mais je ne sais vraiment pas comment cela va évoluer pour les saisons suivantes. On est donc sur tous les fronts, prêts à tout tester : les changements d’horaires, 20h au lieu de 20h30, par exemple ce qui nous permet trait de développer un nouveau concept à l’intention d’un public plus jeune et étudiant, le stand-up, qui marche fort pour ce public-là. Ce sera en seconde partie de soirée, à 22h. Ça s’appellera « La Suite »… On essaie aussi la vente antici pée de billets, avec de fortes réductions sur les « plein tarif ». On se démène sur tous les fronts…

Concernant le spectacle « Familles », pas de baisse et, comme on a aussi une petite programmation cinéma, je peux dire qu’on a retrouvé là aussi la totalité du public, depuis quelques mois, notamment grâce au fait qu’on a démultiplié les séances.

« Concrètement,çaveutdirequelaconnexionaveclespublicsn’ajamaistotalementétéperdue. »

Si on est parvenu à peu près à « sauver les meubles » comme je disais, c’est en nous bougeant comme jamais en termes d’événementiel, on a eu jusqu’à trois soi rées simultanées certains soirs ! On a multiplié les venues de réalisateurs, la mise sur pied de festivals, les locations de salles… Tout cela nous a permis de maintenir une réelle activité et cela nous permet aujourd’hui d’afficher une perte de fréquentation qui est quand même plus de moitié moindre que celle des grands groupes, que ce soit au niveau national ou plus local. En termes de bilan financier, ce n’est certes pas facile, mais ce n’est aucunement catastrophique… Il y a eu un réel point d’orgue avec l’événementiel dont vous parlez. En novembre dernier, bien avant le César qu’ils ont obtenu à la fin février suivante, la venue de Vincent Munier et Marie Amiguet pour leur sublime Panthère des Neiges a déclenché une ferveur exceptionnelle. Pas moins de trois salles du Star Saint-Exupéry ont été mobilisées simultanément pour cette avant-première…

S. L. : Oui, même bien avant sa sortie officielle, ce film « sentait bon », comme on dit dans notre jargon. C’est bien la première fois ou trois des cinq salles du Saint-Ex passaient en même temps le même film ! Oui, c’est bien avec des opé rations comme celle-ci que nous avons réussi à maintenir le contact avec notre public, d’une part, et à conserver une bonne dynamique parmi nos équipes. Ceci dit, il faut bien évoquer un point impor tant : le public « senior » nous a abandon nés, je parle de ce public un peu basique des salles « art et essai » qui était là pour les films d’auteur. Ce public a été effrayé par le fait que les salles de cinéma ont tou jours été les premières et les plus impac tées par les différentes mesures sanitaires et il s’est réfugié en masse dans l’offre des plates-formes numériques dont les gens ont apprécié en tout premier lieu l’aspect sécurisant, comme un refuge. A contrario, on a pu constater la présence des plus jeunes spectateurs, tout à fait à l’aise avec le fait de venir quand même au cinéma pour découvrir toutes sortes de films, non disponibles sur les plates-formes…

Passons aux problématiques des salles de spectacle intra-muros, gérées par le privé comme l’est votre Espace K, Jean-LucJean-LucFalbriard…Falbriard :

Les constats sont les mêmes. Une perte importante de fréquentation, voisine de 50% en ce qui nous concerne. C’est énorme, évidem ment. Et chez nous, ce n’est pas reparti. Les gens, globalement, ne sont pas reve nus. Le budget de l’Espace K étant entiè rement basé sur nos entrées réalisées, c’est évidemment un problème crucial.

On en arrive à vous Stéphane Litolff. Vous êtes le directeur du Diapason à Vendenheim, un centre culturel de la « seconde couronne », comme on le dit de façon très technocratique. Pour vous évidemment, la problématique de fond n’est pas exactement la même que pour Jean-Luc Falbriard qui vient de s’exprimer…StéphaneLitolff : Déjà, je voudrais vraiment faire preuve de modestie visà-vis des deux dernières personnes qui viennent de s’exprimer. Je ne ren contre évidemment pas du tout les mêmes contraintes financières qu’eux, le Diapason est l’émanation d’une col lectivité territoriale, donc les finances ne sont pas un élément aussi crucial qu’il peut l’être pour eux. Donc, personnelle ment, je n’ai pas cette épée de Damoclès du chiffre au-dessus de ma tête. Je dirais même plus : j’ai la chance d’avoir un maire qui m’a toujours dit : « On est en période de Covid, on ne s’occupe pas du financement, on y va, on continue, on trace la route ! ». En avril 2020, en plein pre mier confinement donc, j’ai proposé au maire de mettre en place une program mation estivale d’une part, d’arrêter les abonnements pour la saison suivante et de mettre en place une programmation tri mestrielle. Une façon de parier sur l’arrêt de l’épidémie l’été avant une reprise l’hi ver suivant. Ça revenait à dire : on va tra vailler quand on pourra le faire. Alors, on a mis le paquet sur l’été, avec une quin zaine de levers de rideau en plein air. Au total, durant l’ensemble de la période où le Diapason a été fermé, on a totalisé 42 levers de rideau. Concrètement, ça veut dire que la connexion avec les publics n’a jamais totalement été perdue.

Si on revient sur la problématique des salles de spectacle, je me retrouve beau coup dans ce qui vient d’être dit. Oui, il y a évidemment eu une baisse : -60%, voire -70% sur le théâtre, -30% pour les concerts.

Maintenant, si on veut hausser le débat à la thématique Culture en géné ral, il faut bien dire qu’en pareilles circons tances, la politique culturelle relève avant tout des collectivités. J’ai été effaré de constater à quel point les fonctionnaires des services culturels ont été dormants de spectateurs est de 15%, ce qui me fait dire qu’on a largement « sauvé les meubles ». L’UGC Ciné-Cité est à 35 ou 36% de perte de spectateurs, le Vox, qui avait refait son hall et ouvert deux écrans de plus n’a eu que 8% de perte. Ce qui apparaît aussi, c’est qu’il est plus facile de maintenir un public dans les grandes villes que dans les autres agglomérations.

Stéphane Litolff

Jean-Luc Falbriard 62 63S ACTUALITÉ S ACTUALITÉ№46 — Septembre 2022 — Se retrouver №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

M-L. D. : En qui nous concerne à l’Or chestre, la connexion avec le public n’a 64

Gewurztraminer d’Alsace. Puissant et tellement délicat.* L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION

J-L. F. : Ce qui me console, c’est le taux de satisfaction très élevé de gens qui reviennent. Et ça vaut pour la programma tion habituelle, mais aussi pour les spec tacles plus pointus…

« Leincroyable… »estfrançais,Led’auteur.lel’onàsefrançaiscinémanelimitepascequeappellecinémacinémailmultiple, jamais été perdue. Grâce à beaucoup de créativité et la déploiement de beau coup d’énergie, on a pu multiplier les ini tiatives pour que le lien soit conservé. En revanche, côté communication, le cur seur a bougé, on a beaucoup changé nos façons de toucher le public. Maintenant, il faut être modeste : si nous savions ce qu’il faut faire pour retrouver la pleine connexion telle qu’elle existait aupara vant, nous ferions tout ce qu’il faut, non ? Il faut vraiment qu’on s’accroche ferme ment à ce qu’attendent les gens de nos institutions : générer du rêve, du posi tif. On sait tous que si nos programma tions font trop appel à des thématiques un peu sombres, les gens ne viennent pas. C’est comme ça, désormais. Cette crise sanitaire nous a permis de tisser de nou veaux liens, sous des formes jusqu’alors moins explorées, je pense par exemple aux réseaux sociaux… Le point crucial est de pouvoir faire en sorte que les gens se projettent à nouveau un peu plus loin que les jours qui suivent. Mais c’est vrai, cette situation nous oblige à réfléchir autre ment, à nous remettre en question et c’est une très bonne chose, je crois… Stéphane Libs, entre les problématiques mises en lumière ces deux dernières années, je pense surtout à la montée des plates-formes dans l’offre culturelle, et les problèmes de financement des films d’auteur, n’y a-t-il pas là une spécificité assez formidable du cinéma français qui risque d’être considérablement mise en danger ? S.L. : D’abord, pour moi, le cinéma français ne se limite pas à ce que l’on appelle le cinéma d’auteur. Le cinéma français, il est multiple, incroyable… En ce début de juillet, En corps le film de Klapisch, est en seizième semaine au Star Saint-Ex ! Ça n’était jamais arrivé, même à sa grande époque de L’auberge espagnole… Sur le film Allons enfants qu’on a spontanément adoré dès le début et très fortement soutenu, nous avons fait le meilleur chiffre d’entrées en France. Je considère que mon métier est d’être garant des émotions des gens quand ils entrent aux Star. On fait notre métier de sélection des films, on édi torialise, mais on a ensuite une façon bien à nous de leur parler, directe, sans flonflon culturel. Notre programmation est loin de celle de Netflix. Je regarde Netflix et d’autres plates-formes aussi et je constate qu’il y a chez elles énor mément de films « tièdes » et finalement ultra-décevants. Et leur succès, mérité, sur les séries ne me gène pas, les séries n’ont pas la même temporalité que les films, le cinéma offre la liberté que la série ne peut pas offrir. Aujourd’hui, le cinéma ne doit pas mettre forcément en avant des films mièvres et cette néces sité nous va bien, aux Star. Je peux vous dire que le cinéma va cartonner à partir de septembre prochain, on va avoir des mercredis de malades, lors des sorties qui vont se succéder. Seize ou dix-sept films vont sortir chaque semaine, il va nous falloir en choisir six ou sept. J’étais à Cannes, j’ai vu trente-huit films, je sais le matos qui arrive… C’est tant mieux, car je sais les difficultés qui m’attendent : le remboursement des Prêts garantis par l’État, par exemple. Ça va être serré… Malgré tout, je ne suis pas inquiet sur notre modèle de création en France. À partir du moment où notre cinéma est vivant, où il se bouge et va voir à droite et à gauche, partout, et qu’il sait rester aussi divers qu’il est aujourd’hui : allez voir Coupez !, le film de Michel Hazanavicius qui a fait l’ouver ture de Cannes, il est en dixième semaine, c’est une merveille de drôlerie et de mise en scène. Il en est à plus de 500 000 entrées avant la Fête du Cinéma qui va le boos ter encore plus. Il marche remar quablement bien… Et que dire J Stéphane Libs durant cette longue période. La politique culturelle de l’État a été absconde, se limi tant à des aides qui certes ont fait du bien aux artistes, globalement, mais n’ont pas porté la culture en général. Il a vraiment manqué quelque chose de très incitatif de la part de l’État pour que les services culturels, qu’ils soient départementaux, régionaux et encore plus communaux ne baissent pas les bras. J’ai été effaré de la pauvreté de la programmation culturelle de l’été 2020. Je n’en tire aucune gloriole déplacée, mais au Diapason, on a multi plié les initiatives en été donc, mais aussi à Noël suivant, pour Carnaval, et j’en passe.

Pour résumer vos propos à toutes et à tous, l’élément central est de retrouver cette connexion avec les publics et tout mettre en œuvre pour les faire revenir dans les salles. Si on retrouve une situa tion sanitaire normale, qu’est ce qu’il faudrait faire en ce sens, qui n’aurait déjà pas été fait ? En un mot, ce public qui auparavant venait naturellement et spontanément ne doit-il pas être désor mais reconquis grâce à de nouvelles stratégies, un état d’esprit différent, une autre façon de concevoir vos métiers. Vous êtes-vous posé ces questions ?

* L’unicité des terroirs alsaciens et le travail des vignerons lui confèrent une forte richesse aromatique

On a fait bosser au maximum les artistes quand on le pouvait, on a utilisé tous les interstices possibles. Ce qui me fait redire, mais ceux qui me connaissent m’entendent depuis longtemps sur ce sujet, que notre rôle ne peut se cantonner à acheter des spectacles pour les programmer, mais que nous sommes aussi en charge de mettre sur pied une vraie dynamique culturelle. C’est ce qui m’attriste beaucoup quand j’entends Jean-Luc Falbriard faire part de ses grandes difficultés, ça me peine vrai ment, car son projet est de qualité…

S. L. : Nous aussi, aux Star, nous avons constaté un exceptionnel engouement lors de la réouverture à l’été 2020 et jusqu’à octobre, au moment du second confine ment. Nos salles étaient « blindées ». En fait, c’est suite au second confinement qu’on n’a plus retrouvé une part du public et c’est là-dessus que reposent nos inter rogations actuelles…

S Marie-Laure Denay 66 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Pour conclure, Jean-Luc Falbriard, quel est l’axe principal sur lequel vous allez appuyer lors de cette rentrée culturelle 2022 ? J. L. F. : On va tout faire ce qu’il est possible de faire pour réinitier auprès de nos publics la démarche de faire le choix de sortir pour aller voir un spectacle. Mais sur quels leviers appuyer ? Toute notre problématique est là. Sortir voir un spectacle est souvent un moment de la soirée programmée, souvent les gens enchaînent avec un dîner entre amis au restaurant. On est dans l’attente depuis des années de l’ouverture d’un restau rant sur notre site et, a priori, ce serait pour cette rentrée. Cela devrait nous apporter un plus… Le retour du public est vital, pour nous. Car s’il devait y avoir la moindre petite vaguelette contraire, un lieu comme le nôtre pourrait cette fois-ci vraiment morfler… Toujours en guise de conclusion, Stéphane Litolff, quel est l’état réel du milieu du spectacle vivant après ces deux années tumultueuses ? Les soucis ne manquent pas, apparemment… S. L. : Sincèrement, j’ai beaucoup entendu que ces périodes de confine ment devaient permettre aux artistes et aux compagnies de travailler sur de nou veaux projets, mais, dans les faits, ils ont été bien seuls puisque nous ne pou vions plus les accueillir. Je crois qu’il y a le feu au lac pour beaucoup de compa gnies, c’est clair. Beaucoup d’artistes et de techniciens du spectacle ont arrêté, ils ont changé de métier. Le « non essentiel » dont ont été affublés les acteurs cultu rels de notre pays a fait beaucoup de mal. Or, tout est aujourd’hui reparti comme si de rien n’était, à l’exception bien sûr du public. D’autres secteurs connaissent ça : plein de gens ont appris à faire de la cui sine durant le confinement et se posent la question aujourd’hui de retourner au restaurant ! Moi je pense que c’est tout un certain art de vivre à la française qui a été percuté par la crise sanitaire et ses consé quences. Ça fait longtemps que je pense qu’on est à un tournant, alors il est évident qu’avec cette crise qui nous a si fortement affectés, nous sommes aujourd’hui dans l’obligation de faire revenir le public dans nos salles, tout en continuant d’inciter les gens à découvrir de nouvelles choses.

L’équation n’est pas simple… M.-L. D. : Durant les confinements, on a tous été extrêmement déçus : clairement, au niveau gouvernemental, la culture a manqué d’un porte-parole enthousiaste. Il suffit de regarder les nominations sur venues au ministère et dans les admi nistrations : que des technocrates, pas un seul de ces « saltimbanques » qui sont en fait les vrais praticiens experts de l’action culturelle même si, bien sûr, les aides gouvernementales ont été importantes et ont sans doute permis à beaucoup d’entre nous d’être encore là aujourd’hui, il faut le reconnaître. Mais c’est le moment, vraiment, de redynami ser considérablement notre secteur et de lui redonner confiance…

Espace Européen de l’entreprise Bâtiment MIKADO Schiltigheim

« Durantenthousiaste. »porte-parolemanquélagouvernemental,audéçus :extrêmementonconfinements,lesatousétéclairement,niveauculturead’un de Ennio sorti début juillet, un monu ment absolu en termes d’émotion, un film unique et incroyable. Aujourd’hui, c’est clair, les gens ne « vont pas au cinéma », comme avant, c’est à dire comme une sortie rituelle hebdomadaire. Ils vont « voir un film » spécifique, choisi, attendu. Alors moi, je suis hyper content d’avoir proposé durant tout l’été huit films avec les plus belles partitions d’Ennio Moriccone et douze films de Pasolini.

a CULTURE – RENCONTRES Lisette Gries Nicolas Rosès

UNCOMMELIVREOUVERT

Emprunter l’histoire d’une personne le temps de s’en imprégner, puis la reposer à sa place. C’est en résumé ce que propose la Bibliothèque vivante animée par Stamtisch, où les livres sont des personnes. Étonnant, enrichissant… comme un roman ! C harlène s’est inscrite sur le registre, elle a signé la charte des lecteurs qui l’engage à ne pas abîmer les ouvrages et consulte désor mais le catalogue qui détaille titres et quatrièmes de couverture. « J’ai choisi Une Laotienne qui ne parle qu’alsacien, parce que le trait d’humour m’a interpel lée », glisse-t-elle. Jusque là, rien de nou veau sous le soleil (qui attaque, en plein mois de juin), pourrait-on objecter… Oui, mais ! Les livres de cette bibliothèque ne sont faits ni de papier, ni d’encre, mais de chair, d’os, et de sourires, de souve nirs, de mots et de remèdes. À l’occa sion du lancement de l’édition 2022 du Refugee Food Festival, aux Petites Cantines de Strasbourg, l’association Stamtisch a eu envie de proposer une « bibliothèque vivante ». « Nous nous sommes inspirés d’une initiative portée il y a quelques années par le Conseil de l’Europe », retrace Sophie Renard, responsable de l’insertion profession nelle. « Les livres sont des personnes, qui racontent leur histoire dans le cadre bienveillant d’une rencontre d’une ving taine de minutes. »

LES

DIALOGUE

VEILLENTBIBLIOTHÉCAIRESAUGRAIN

J 68 a CULTURE №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

En amont de l’événement, chaque livre se choisit un titre et quelques préju gés associés à son parcours ou à Sohmak (à droite) détaille à Charlène comment son enfance partagée entre trois cultures (laotienne, alsacienne et française) a nourri sa personnalité.

DANSENTRERL’INTIMITÉDURÉCIT

des Petites Cantines. Charlène s’installe face à elle, on les laisse converser. À l’ac cueil, Chantal et Laura remplissent le planning : l’heure tourne. Après quelques minutes de « rab », Laura va gentiment leur signaler que la lecture doit prendre fin. « Je me suis laissée surprendre par son récit, c’était très enrichissant, souffle Charlène en ressortant. Il y a une forme d’intimité qui s’est installée avec une parfaite inconnue, qui me permet d’ouvrir d’autres perspectives dans ma compréhension du monde. » Après ce baptême du feu réussi, l’as sociation Stamtisch souhaite organiser d’autres bibliothèques vivantes, ouvertes au grand public ou dans un cadre sco laire. Vivement les prochains tomes ! a

sa personnalité. Pour cette édition liée au Refugee Food Festival et à la Semaine des réfugiés, ces choix ont tous été faits en résonance avec le thème des migra tions. Quatre personnes ont accepté de se livrer à des « lecteurs » inconnus, suite à un appel sur les réseaux sociaux et parmi les partenaires habituels de Stamtisch. Deux bénévoles endossent le rôle de bibliothécaires, qui guident les lecteurs dans leur choix, gardent un œil sur le timing pour éviter les retours tar difs et assurent une présence discrète pour parer à tout incident. « Il y a un code visuel entre les livres et nous, pour que nous puissions être averties si jamais ce moment d’échange devait devenir pénible, détaillent Chantal et Laura, les deux bibliothécaires du jour. Cela pour rait être une question qui fait remon ter à la mémoire un épisode négatif, par exemple. Nous pourrions alors interve nir avec douceur. » Toutes les deux novices de l’exercice, elles ont été séduites par l’idée de jouer les facilitatrices de dialogue. « Je trouve cela très riche de donner la parole à quelqu’un en lui disant qu’il est aussi intéressant qu’un livre, remarque Laura. Cela repose sur une considération pour son histoire et son parcours que je trouve magnifique. » Devenir un livre vivant n’implique donc pas d’être réduit à un statut d’objet, bien au contraire. « La notion de livre introduit une dimen sion quasi sacrée, estime Chantal. Mais pousser la porte d’une bibliothèque, chercher un ouvrage, le parcourir : ce n’est pas possible pour tout le monde. Ici, on a accès à une histoire grâce à un dispositif qui est davantage ouvert que la lecture. »

70 a CULTURE №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Pour les livres, le cadre de la bibliothèque garantit aussi une sorte de filet de sécurité. « Les personnes qui ont envie d’échanger avec nous viennent avec des intentions bienveillantes, mais même si quelqu’un arrivait avec l’idée d’en découdre, la pré sence des bibliothécaires et l’organisa tion assurent que je ne me sentirai pas en danger » apprécie Sohmak. La Laotienne du titre sélectionné par Charlène, c’est elle. « Je suis arrivée avec mes parents à l’âge de trois mois, dans un village alsacien. À la maison, on ne parlait que le laotien, alors quand je suis entrée en maternelle avec des enfants qui eux, ne parlaient qu’alsacien, ça a fait un mélange intéressant », se remémoret-elle. Aujourd’hui enseignante-chercheuse associée en droit prospectif, elle est égale ment une fervente partisane de la défense de la langue alsacienne. « Grâce à ce bain linguistique dans ma petite enfance, je parle allemand couramment. Grandir dans une triple culture : lao tienne, française et alsacienne a été fon dateur, car il n’y a jamais eu de conflit de loyauté. Il y a toujours deux autres regards qui mettent en perspective quelque chose qui peut bloquer dans une des appartenances », poursuit-elle, avant de filer s’installer dans « son » coin LA PAROLE À QUELQU’UN EN LUI DISANT QU’IL EST AUSSI INTÉRESSANT QU’UN LIVRE, (...) CELA REPOSE SUR UNE MAGNIFIQUE.. »QUEETPOURCONSIDÉRATIONSONHISTOIRESONPARCOURSJETROUVE

« DONNER

Château fort en Alsace Verte, une des photos dont il est le plus fier.

Marine Dumény Cédric Schell

NOUVELETPARAMÉTRERJ’AIAUTODIDACTE,YOUTUBE,DEET« DOUCEMENT,ÀL’AIDETUTORIELSENAPPRISÀRÉGLERCEAMI. »

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Doucement, et à l’aide de tutoriels YouTube, en autodidacte, j’ai appris à para métrer et régler ce nouvel ami, pour par

TRANSFRONTALIERTALENTUEUXPORTRAITSCHELL,D’UNŒIL d’emploi du temps. Et c’est dans celle-ci qu’il fait une place à sa passion, son moyen d’expression. Comment en êtes-vous venu à la photographie ?

Cédric Schell pourrait être nommé « ambassadeur » de l’Alsace. De sa vie professionnelle à ses photographies, le jeune homme de 25 ans, originaire d’Alsace du Nord, vit comme beaucoup de personnes dans la région une double vie. De part et d’autre de la frontière, il s’épanouit appareil à la main ou en assemblant des tableaux de bord. Une dichotomie ? Ce serait méconnaître la culture alsacienne. Et, celui qui a l’art de capturer l’essence même des beautés d’Alsace, est suivi sur Instagram par plus de 27 500 personnes ! Pour Or Norme, nous avons rencontré ce natif de la région, parfait exemple de ce qu’être un transfrontalier dans l’industrie peut offrir de meilleur…

a CULTURE – ZOOM SUR

Je faisais beaucoup de photos avec mon portable. Je postais sur Instagram, avec une grande part de couchers de soleil ! Puis, en 2018, un ami à moi s’est acheté un appareil. J’avais déjà eu quelques retours très positifs sur ce que je postais à l’époque, on me disait que j’avais un « œil »… Donc j’ai sauté le pas. Il faut savoir que sur le téléphone, c’est l’IA qui gère. L’appareil, c’est un tout autre monde ! C’est pas du tout la même chose ! (rires)

U  n accent tintant de l’Alsace Verte, des lunettes de vue façon aviateur, des yeux clairs et le sourire facile… Avec une mère allemande et un père alsa cien, Cédric, né chez nos voisins, dans le Palatinat, ne s’est pas longtemps posé la question de travailler par-delà les cimes – composées de châteaux forts – qui déli mitent son pays de naissance et la région de Wissembourg, où il habite. « Je parle couramment allemand, et il faut savoir que les salaires sont meilleurs là-bas, dans l’industrie automobile », pose, très prag matiquement, le jeune homme. Mécanicien chez Mercedes Benz à Rastadt, il a été embauché cette année, après plusieurs contrats d’intérim. Sur sa chaîne de pro duction, cet alsacien se fond dans la masse. Cependant, le fonctionnement en 3x8, lui permet une certaine liberté

AUTODIDACTE CÉDRIC

La Terre demande toute notre attention, est l’engagement de chacun d’entre nous à être, chaque jour, totalement impliqué à atteindre nos objectifs, ambitieux et passionnants, éthiques et pragmatiques, pour l’environnement.

La Terre demande toute notre attention 2050 CARBONENEUTRALITÉ

Au programme : neutralité carbone en 2050, recyclabilité et réutilisation à 100% de tous nos nouveaux produits et préservation de la biodiversité dans tous nos sites. Parce que notre engagement doit être durable, nous avons créé notre programme d’actions collaboratives « Tous engagés pour la Terre ». wienerberger.fr

« LA BRUME ET LES SUIVANTE. »ÉTÉFORTS,CHÂTEAUXÇAAL’AVANCÉE

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Vous qui aimez les défis et vous diver sifier, que faites-vous quand cette compagne n’est pas là ? J’ai vu passer quelques photographies en macro… Oh ça c’est très récent ! Oui effecti vement, comme je n’aime pas m’ennuyer je teste toujours de nouvelles choses. La macrophotographie (technique per mettant de capturer des sujets de tailles infimes – ndlr), est une technique à part et j’ai bien aimé pouvoir l’expérimenter. Je varie aussi en faisant des commandes pour l’Office du Tourisme de l’Alsace Verte ou celui de Strasbourg, depuis fin 2021. Avec des photos de paysages ou de villes, de villages… Et les orages ! Je me suis vrai ment amusé sur les derniers de juillet ! Et je calcule tout par rapport à la météo, pour ne jamais avoir la même photo. Debout avant 5 h pour les levers de soleil, noctambules pour chasser les orages, vous n’arrêtez pas ! Qu’est-ce qui vous fait vibrer dans vos photos ?

En Vuehaut :depuis les hauteurs du Champ du Feu, sous le lever du soleil. Le Roi de la Brume offre ici un tableau à la Ghibli À Cédricdroite :Schell 74 a CULTURE №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

SOLUTIONS TERRE CUITE | MUR-TOITURE-FAÇADE venir à avoir ce que je voulais. Il était hors de question pour moi de l’utiliser en mode automatique. Pour mes premiers tests, je me suis fait la main sur de beaux couchers et levers de soleil. Je regardais la météo. Vous êtes aujourd’hui particulièrement connu et remarqué pour votre lien fort – et une sorte d’intimité parfois oni rique – à la brume. Qu’est-ce qui vous plaît dans cette circonstance météo ? La brume et les châteaux forts, ça a été l’avancée suivante. Je me suis offert du matériel plus poussé, et j’ai pu me faire plai sir. Pour la brume, je pense que ça a tout à voir avec mon amour des défis ! D’ailleurs, on m’appelle le « Roi de la Brume » ! (rires) Où je suis, elle est. Ou plutôt, avec l’ex périence, je sais quelles conditions météo rologiques sont ou non favorables. S’il y a le bon taux d’humidité, la bonne température, un ciel dégagé, je me lève tôt – très tôt ! –et j’y vais. Évidemment, il arrive qu’elle ne vienne pas à notre rendez-vous ! Avec la sécheresse, il n’y en a pratiquement plus depuis quatre ou cinq mois, d’ailleurs.

Une de mes photos favorites est un autoportrait, de dos, avec mon pull rouge sur les ruines d’un château de l’Alsace Verte, non loin du Fleckenstein, face à la brume. Sinon, j’aime les tons chauds, chaleureux, les lumières des levers de soleil… Je suis quelqu’un de calme, et à ce moment-là je me sens en harmonie avec la nature, très serein face à ce moment qui m’est offert. a

Pour ceux qui, comme moi, ne se sou viennent plus des Lapithes, je note qu’il s’agit des descendants d’Apollon, immor talisés par leur légendaire combat avec les Centaures. Vivants en Thessalie, ils dispu taient l’espace vital de la plaine aux Doriens. Et les Doriens ? Allons, malgré notre culture woke tous azimuts, on se rappelle encore de ceux qui ont donné le nom aux colonnes doriques – héritage d’une Grèce antique qui ne cesse de nourrir les esprits… Enfin, le rapport entre le poivron vert et les Lapithes vous échappe tou jours ? Interrogez plutôt le Strasbourgeois Jean Hurstel sur ses photographies transformant un bout de courgette en Aéthon – un des chevaux d’Hector ou une tranche de potimarron qui se liqué fie en Styx – le fleuve transportant les âmes vers le royaume de Hadès. Est-ce donc un de ces petits lichens sur la peau du poivron vert qui ont fait penser Jean au fragment de la métope du Parthénon, exposé dans le British Museum, repré sentant le combat entre un Lapithe et un Centaure ?« Non,mon esprit y a aperçu plutôt une rangée de soldats, une armée mythique

a CULTURE – UNE AUTRE LECTURE

Elena Angelowski Jean Hurstel 76 77a CULTURE №46 — Septembre 2022 — Se retrouver №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

prête à combattre les Doriens, répond-il en toute timidité. C’est la magie de la macrophotographie. Elle me permet d’en trer dans le Cosmos à partir d’un fruit, de voyager dans l’espace, mais aussi dans le temps en atteignant une dimension fas cinante, mythologique, dont nous nous sommes tant éloignés. C’est bien la raison des titres étranges que je donne à mes œuvres… »Voilàqui explique aussi la citation de Claude-Lévy Strauss ouvrant le livre de photos L’œil gourmand que Jean-Hurstel a publié en début de l’année aux édi tions Gambier & Keller editori en Italie. Extraite des Tristes tropiques, elle dis tille la nostalgie de la perte de notre perception magique de l’Univers et le désir ardent de la retrouver : « Tel je me reconnais, voyageur, archéologue de l’espace cherchant vainement à recons truire l’exotisme à l’aide de parcelles et de débris. » À l’image de celle du grand ethnologue, l’œuvre de « reconstruction » de Jean Hurstel se réalise aussi à partir de « parcelles et de débris ». Il les a choi sis à travers son contact quotidien avec divers aliments d’origine végétale, miné rale ou animale. Les 135 photographies du livre, toutes aussi originales qu’ins pirantes, sont conçues comme autant d’« hommages aux dons de la nature ».

L’ŒIL

Parmi les nombreux livres photos qui paraissent régulièrement, il est souvent difficile d’opérer un choix tant les talents sont proches et les points de vue très voisins, aussi… Mais quelquefois, comme un petit miracle, l’un d’entre eux frappe directement la rétine et s’impose alors sans coup férir. Ce fut le cas, en début d’année, pour L’œil Gourmand de Jean Hurstel. De quoi donner envie de mieux connaître ce photographe jusqu’alors peu visible… D epuis les origines de l’Homme les énigmes ne sont pas passées de mode. Alors, quel est le rapport entre les Lapithes et le poivron vert ?

CES PHOTOS QUI NOURRISSENT NOS RÊVES GOURMAND DE JEAN HURSTEL

ment l’image, mais surtout notre percep tion de la réalité. Les œuvres, réalisées dans son labo au sous-sol de l’appartement rue de la Forêt Noire, appellent à un retour aux origines. La toute première expérience de Jean était justement de « photographier la zone de contact entre le jaune et le blanc d’un œuf cru. » La fascination pour l’œuf que l’objectif du photographe transforme en paysages imaginaires, a produit des titres captivants : Abydos, ville de Mysie en Egypte, Deux mondes bleue, Hyperboréenscosmique, Cosmogonie, Gaia,parallèles, HorizonPlanète

Aucune maîtrise technique n’est pour tant capable de remplacer l’amour et la tendresse qui s’expriment (ou pas) à tra vers l’œuvre d’un artiste. Point d’œil gour mand sans cœur. Jean a une véritable

Jean Hurstel

TRAVAUX DE CONFINEMENT Et même si cet ancien responsable com mercial d’une entreprise de spiritueux en Suisse est un passionné de la photo depuis ses quatorze ans et qu’il pratique depuis longtemps la macrophotographie des insectes et des fleurs, « l’aventure avec les aliments en macro a démarré pendant le confinement de 2020. » Quand le monde de dehors nous a été fermé, de nombreux esprits intranquilles, dans le sens de Pessoa, ont cherché de nouveaux terrains d’exploration dans l’intimité des « univers qui s’ouvrent vers l’intérieur », des univers à portée de main qui nous projettent vers l’infini. Sa curiosité, son besoin de mouvement et surtout la néces sité existentielle de découverte, de beauté, de sens et de révélation d’une harmo nie au moment même où le monde nous est apparu hostile, décousu et absurde, ont fait avancer Jean Hurstel « Vers le centre ». Il a réussi à agrandir non seule

. Dans la der nière photo, le jaune d’œuf irradie tel un soleil inextinguible : « Je l’ai appelé Hyperboréens – un peuple mythique, connu pour son habitat au Nord où le soleil ne se couche jamais », explique Jean Hurstel. Le spectateur est plongé dans un silence nourricier. Étonnement et curiosité, délectation des formes et des couleurs inédites remplacent l’an goisse et l’ennui des images stéréo typées. Quelques pages plus loin, la texture d’une pelure d’oignon se révèle digne de la finesse d’étoffe d’une robe de ballerine. Le rouge incandescent de son bulbe, tacheté d’ombres noires, et le blanc désincarné de « l’aile arrachée » s’interpénètrent au milieu de l’image, sur fond bleu-gris, dans l’intimité de doux reflets saumon. On est face à un véritable travail de peintre coloriste qui éveille notre sensibilité pour la moindre nuance ! Jean en est déjà à plus de six cents de ces minuscules mises en scène sur les quelles il a projeté la lumière d’un dispo sitif technique mis au point par lui-même. « Le focus stracking (maîtrise de la pro fondeur de champ) n’a pas de secret pour toi ! », lui confirme le grand photographe Frantisek Zvardon, lors d’un entretien dans le labo rue de la Forêt Noire. Lui, qui avait consacré toute une période de son travail aux aurores boréales avec leur « magie fugace de la diffraction de la lumière », a été surpris de découvrir « les mêmes tourbillons et les mêmes éclats improbables de couleur dans les explorations du cœur de nos aliments » de Jean Hurstel. « J’AI DU MAL À ME PHOTOGRAPHE… »COMMEPRÉSENTER

« ON EST FACE À UNE ALCHIMIE QUI QUISURÀDUPASTUDEPROCESSUSTOUSCARACTÉRISELESL’EXISTENCE.N’IMAGINESLABEAUTÉFLÉTRISSEMENTL’ŒUVRE,LESOMPTUEUXBLEUTURQUOISEDESGERMESQUIAPPARAISSENTUNEFRAISES’ÉTEINT ! » PLANÈTE À ÉTAGES – Sans contacts ? –œuf 78 a CULTURE №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Preview.:photoCrédit passion pour la gastronomie. Étant un fin cuisinier lui-même il est fasciné par cet art éphémère de transformation de la matière en plaisir nourricier. Même le pourrissement des fruits provoque chez lui une infinie affection : « On est face à une alchimie qui caractérise tous les pro cessus de l’existence. Tu n’imagines pas la beauté du flétrissement à l’œuvre, le somptueux bleu turquoise des germes qui apparaissent sur une fraise qui s’éteint ! » Son Vaisseau craché en vol – un bout de figue dont le mûrissement est au point de céder à la décrépitude, rappelle les représentations de gibier sanguinolent dans les natures mortes des maîtres Hollandais du xviie siècle. À l’autre extré mité du spectre, à partir des cristaux de sel ou du blanc d’œuf, le photographe parvient à créer des paysages hiver naux d’un bleu éclaté et magnifié par la lumière. Les quatre éléments – terre, air, feu et eau – apparaissent à l’œuvre au cœur des aliments. Mais comment un tel travail pourrait atteindre son public ? Encouragé par sa femme Roberta, ancienne responsable des musées de Venise, et aussi par ses amis, notamment ceux de l’Académie des lettres et des arts de l’Alsace dont il est le secrétaire général, Jean Hurstel a déjà exposé ses photographies à START (2021) avec la galerie Myriam Booghs. En mai 2022, il a passé deux semaines très riches en échanges avec le public qui s’est rendu à son exposition au Multimedial Laboratory Art Conservation dans le quartier de Cannaregio durant la Biennale de Venise. Pourtant, Jean Hurstel est toujours en proie des doutes – une preuve d’esprit d’artiste, même s’il hésite encore à se qualifier comme tel lui-même. « J’ai du mal à me présenter comme photographe. Beaucoup de gale ries ont refusé de m’exposer avec l’argu ment qu’il est compliqué d’investir dans la carrière d’un artiste ayant dépassé les 70 piges. Et même si vendre n’est pas existentiel pour moi, j’avoue que la recon naissance qu’un tel acte permet de se sentir accepté et désiré par le public. » Les artistes nourrissent nos rêves, de plus en plus maigres ces dernières décennies. Ne les oublions pas ! Leur témoigner notre admiration, notre res pect et notre désir est essentiel pour entretenir le processus de reconstruc tion permanente du monde dans le labo ratoire intime de ceux qui l’aiment et l’imaginent meilleur. a

FM, DAB+, APPLI, PODCAST ET TOPMUSIC.FR

EvenementShowcaseSURPREMIERLARégionplaylistConcertFestival•

80 a PORTFOLIO Dans les pages précédentes, Jean Hurstel explique sa démarche photographique. Ses photos d’aliments exposés via le filtre implacable de la macrophotographie rappellent la fonction nourricière de notre planète. Grâce à elles, on rentre dans un fruit et c’est soudain un gigantesque voyage qu’on entreprend, jusqu’au bout de l’âge quelquefois. « Changer d’univers en pénétrant dans l’intimité de ces dons de la nature est une expérience que j’ai grand plaisir à partager »… dit le photographe à son lecteur dans l’avant-propos de son beau livre. Il ajoute aussitôt : « Je souhaite que l’émotion le conduise à témoigner à cette nature le respect qu’elle mérite et qui garantit à nos enfants un avenir ». Cette démarche originale courant sur les quatre saisons valait bien un portfolio dans notre magazine… Contact : hurstel.jh@orange.fr Jean Hurstel et ses voyagesgigantesquesimmobiles

a CULTURE — PORTFOLIO

88 a PORTFOLIO Espace Nexity 5 place de l’Université, Strasbourg Nexity, partenaire desgagnantsinvestissements nexity.fr03 88 154 154 Pour une étude de personnaliséefinancementet gratuite, prenez rendez-vous avec nos spécialistes Des adresses de choix Siret 390 295 244 00011 - NEXITY GEORGE V EST RCS 383910056 - SNC au capital de 250 000 €. 5A, Boulevard Wilson, 67061 Strasbourg Cedex. Connexion Architecte Ajeance et Lucquet, illustration Vizion Studio Square 112 Architecte Arpen, illustration 3DMS Atypic Atelier WOA, illustration 3DMS Imagin’AIR Architecte Oslo, illustration 3DMS - L’Empreinte Architecte BIK, illustration kreaction Crédit photo Gettyimages Création Lmdi.fr NANCY GEISPOLSHEIM MULHOUSE STRASBOURG Par ordre d’apparition dans le portfolio : 1. ABYDOS – Ville de Mysie et d’Égypte – œuf 2. ACHÉLOOS – Fleuve de l’Héliade – fraises 3. ADIANTE 2 – Herbe purifiante – asperge 4. ANGUILLE – Anguille sur roche – œuf 5. GAJA 2 – Cité sur un haut-plateau – œuf

IL EST NÉ IL Y A CENT ANS

L’INTRANQUILLEPASOLINI

Isabelle Baladine Howald DR a CULTURE – POÉSIE

Sa poésie est très belle : Est-il de mai, cet air impur qui rend ce noir jardin étranger plus noir encore, ou l’éblouit d’aveugles éclaircies, elle précédera l’œuvre cinématographique.

S on visage creusé et sa silhouette sont aujourd’hui encore ico niques, dessinés en noir et blanc collés sur les murs, Pasolini toujours disruptif comme on dit aujourd’hui, por tant un Christ crucifié, lui férocement contre la religion, par le peintre Ernest Pignon-Ernest.Intellectueltrès engagé, « poète civil » dit René de Ceccatty dans sa biographie (Folio) très proche des marxistes, avant tout antifasciste, proche aussi des luttes paysannes dans sa région d’enfance le Frioul, puis ouvrières et sociales à Rome, pourtant jamais affilié où quand il l’a été (Parti communiste italien), exclu, profon dément tourmenté par le privilège de sa propre condition et le vécu de son homo sexualité, passionné de football, Pasolini est quelqu’un de pur, qui croit au chan gement politique, et qui tout au long de sa vie luttera pour cela. Jamais la créa tion ne sera séparée de son engagement. C’est aussi un homme lucide, conserva teur à sa façon au fond sur le tard (contre l’avortement, la libération des femmes) que l’amertume gagne peu à peu, mais qui reste combatif.

— Se

Comment croire que le cinéaste transgressif, le poète brûlant, Pier Paolo Pasolini (1922-1975) eut pu atteindre l’âge de cent ans tant il semble toujours d’une intense jeunesse ? C’est peut-être le propre des artistes morts jeunes. Il ne l’a pas atteinte, cette centaine, loin s’en faut. Et pourtant fêter le centième anniversaire de sa naissance prouve combien il est resté présent, combien sa « vitalité désespérée », titre du dernier recueil paru chez Gallimard regroupant les fameuses Cendres de Gramsci, La religion de notre temps et Poésie en forme de rose, demeure nécessaire… Il ne t’est permis, ne le vois tu pas, que de dormir en terre étrangère… … je m’en vais, je te quitte, dans le soir, tombe si doux pour nous, vivants, dans la clarté cendrée…. (dans Les cendres de Gramsci) Il s’y lit toujours une tendresse, une force aussi, une rage sociale et la mer veilleuse et brûlante sensualité. Peu de belles filles, mais des corps de garçons pauvres du monde rural à l’adolescence frêles corps nus comme des esprits puis du monde ouvrier plus tard, c’était là les dieux ou les fils de dieu qui se donnent facilement, sans savoir qui est Pier Paolo, qui défendra avec achar nement leurs droits.

90 91a CULTURE a CULTURE

Lui-même dira : tous ces films, je les ai tournés « en poète ». Sa poésie est bien moins provocatrice que ses films, aussi demeure-t-elle peut-être plus lisible :

— Se

À la fois haï (des dizaines de procès pseudo-politiques) et très aimé (nom breuses récompenses pour ses films, toujours dans un climat de scandale), Pier Paolo Pasolini n’a jamais rien négo cié de sa liberté. Mais sa poésie reste parfois étrange ment si douce, malgré les brûlures, quand il évoque la Poésie en forme de rose, allu sion politique autant que poétique. Pasolini est toujours actuel. Rencontre aux Bibliothèques idéales : Àlivreouvert/wieeinoffenesBuch, Samedi 10 septembre à 20H30 à la Cité de la musique et de la danse avec le soutien de l’Institut culturel italien et de l’OLCA. №46 Septembre 2022 retrouver №46 Septembre 2022 retrouver

Nous avions tous été choqués de la fin de Pasolini (fin 1975 donc), qu’il avait d’ail leurs très précisément décrit littérale ment massacré, battu à mort, puis écrasé volontairement par une voiture, sans que jamais les raisons de cet assassinat –sexuel ou politique – ne soient vraiment éclaircies. Célébrer une naissance, dans ce cas, reste entaché de noir et de sang. Pourtant il a vécu très pleinement sa vie et donné le meilleur de lui-même.

À partir de là, sa vie sera une lita nie entrepreneuriale, le jeune ingé nieur ayant son idée sur tout. Paiement en ligne avec Paypal, transport en sous-sol avec Hyperloop et The Boring Company, automobile électrique avec Tesla et Cybertruck, énergie solaire avec SolarCity, neurobiologie avec Neuralink, aérospatial avec SpaceX, intelligence arti ficielle avec OpenAI, télécommunications avec Starlink, voire peut-être même les

Elon l’étoffeMusk,duhéros

Serialentrepreneur

S ACTUALITÉ – TECHNOKING

GHOST OF MARS Après de brillantes études dans son pays natal puis au Canada, le jeune Elon migre, en 1992 aux États-Unis, le pays des selfmade-men, et co-fonde sa première com pagnie, Zip2, un éditeur de logiciels.

93S ACTUALITÉ

Génie visionnaire pour certains, transhumaniste mortifère pour d’autres, le personnage d’Elon Musk fascine autant qu’il effraie. Au-delà des effets d’annonces et des vraies avancées technologiques, de la finance au transport en passant par la terraformation de Mars, la soif de conquête de l’autoproclamé « technoking » est la signature d’une époque qui amalgame inspiration et culte de la personne, d’où cette question : de quoi Elon Musk est-il le nom ? « Cet homme du futur paraît en proie à la révolte contre l’existence humaine qu’il veut échanger contre un ouvrage de ses propresHannahmains. »Arendt

C’ est une histoire que ferait un très bon biopic pour la plateforme de streaming Netflix, celle d’un fils d’ingénieur, né en 1971, à Prétoria, en Afrique du Sud ; enfant précoce qui vendra son premier jeu vidéo à l’âge de 12 ans, qui tournera le dos à la fortune paternelle pour se faire tout seul et deve nir, à 51 ans, l’entrepreneur le plus influent de la Silicon Valley, pesant des milliards de dollars et allant jusqu’à ins pirer le personnage de Tony Stark dans Iron Man… La carrière d’Elon Musk est à son image, hors norme, le génie côtoyant la mégalomanie entre percées technologiques et darwinisme social.

Aurélien Montinari Souvik Banerjee – Craig Adderley – DR

« Après leÉtats-Unis,enElonCanada,nataldansbrillantesdeétudessonpayspuisaulejeunemigre,1992auxpaysdes self-made-men

. »

Un management qui pousse au dépas sement de soi et valorise l’innovation, mais dont les ressorts violents mettent parfois les employés en danger. Ainsi, en pleine pandémie de Covid-19, Elon Musk leur fait savoir qu’il les « préférerait » au bureau (« Si vous ne vous pointez pas, nous suppose rons que vous avez démissionné. »), allant jusqu’à affirmer que les gens avaient « plus de chances de mourir dans un accident de la route que du coronavirus… » (rappe lons que c’est un vendeur de voitures qui parle). Enfin, récemment en Chine, tou jours en pleine pandémie, Elon Musk a littéralement fait enfermer ses employés dans les usines Tesla, travaillant et dor mant sur place, en circuit fermé, pour que ces dernières continuent de produire coûte queOncoûte…voit mal ici ce qui participe à « résoudre des problèmes pour l’avenir de l’humanité… » Si monde meilleur Elon Musk entrevoit, c’est donc ailleurs et sans

« Il

Neuralink, projet le plus compliqué à inté grer dans la logique d’ensemble, doit, lui, permettre le contrôle d’interfaces par la seule pensée dans un environnement par ticulier, là encore, utile dans l’espace. Et, enfin, les fusées de SpaceX nous mène ront sur Vousplace. »l’aurezcompris, votre voiture Tesla ne sauvera pas l’humanité du réchauffe ment climatique, mais doit servir aux futurs colons de la planète rouge. L’entrepreneur martionaute ne cache d’ailleurs pas ses ambitions et évoque sans retenue son business model : « L’important est que le coût par personne du voyage vers Mars atteigne un seuil économique. S’il coûte 1 milliard de dollars par personne, il n’y aura pas de colonie sur Mars. Autour d’un million ou 500 000 dollars, je pense que médias comme le montre sa récente ten tative de rachat de Twitter ; Elon est par tout et jusque sur la planète Mars où il projette d’installer une base autonome. Pourtant, si cette boulimie de projets (et par ailleurs de succès) semble dispa rate, elle cache en réalité un objectif précis, celui de l’avenir de l’humanité par-delà les étoiles. C’est en discutant avec un employé d’une de ses firmes que l’on comprend mieux le plan d’ensemble de la logique muskienne. « Il y a toujours un lien entre ses entreprises, même s’il peut paraître plus ou moins ténu. En réalité tout est lié à la conquête spatiale. Les projets comme The Boring Company et Hyperloop sont là pour faciliter le transport, notamment d’éléments destinés à créer des infrastruc tures comme les tuiles et les batteries de SolarCity qui serviront à produire de l’énergie et participer de la terraformation (processus consistant à transformer l’envi ronnement naturel de ce corps céleste afin de le rendre habitable par l’homme – ndlr).

QUI M’AIME ME SUIVE

C’est là qu’on peut faire le lien avec Tesla et Cybertruck, des véhicules qui à terme seront autonomes et utiliseront les réseaux mis en place. Ces transports demanderont la création d’une colonie martienne auto nome devient probable. Il y aura suffi samment de gens intéressés ; ils vendront tous leurs biens terrestres et s’en iront. Il ne s’agit pas de tourisme. C’est comme le voyage vers l’Amérique à l’époque du Nouveau Monde. » Avis aux amateurs ! En attendant, il y a fort à parier que la conquête de ce Nouveau Monde intersi déral laisse quelques citoyens sur l’aire de lancement, comme le souligne l’ana lyste politique Vaclav Smil, « l’espace est bien la dernière chose à laquelle devrait s’intéresser un pays dont 50 millions d’ha bitants perçoivent une aide alimentaire et qui s’endette de 85 milliards de dol lars supplémentaires chaque mois. » On a les voyages qu’on mérite… Et pour ce qui est de la dangerosité (de la faisabi lité devrait-on dire) d’un tel voyage, Musk d’ironiser : « J’aimerais bien mourir sur Mars, mais pas pendant l’impact. » Passez devant, on vous suit !

On l’aura compris, le monde selon Elon Musk est teinté d’un darwinisme social radical, combinaison d’un génie véritable dans les technologies (et les affaires) et d’une farouche autonomie dès le plus jeune âge. En ressort un personnage ambivalent donc, pour qui, il ne s’agit « jamais d’argent, mais de résoudre des problèmes pour l’avenir de l’humanité », mais qui affirme avec le même entrain : « Nous sommes en train de changer le monde, de changer l’histoire, et vous en êtes ou pas. » Pour cet entrepreneur qui cumule les succès, il n’y a qu’une vision de l’avenir et à laquelle il faut œuvrer selon ses exigences. Un de ses employés explique : « C’est un ingénieur visionnaire, ultra-connecté avec une audience gigan tesque et qui communique son bonheur, son désarroi et sa haine directement. C’est quelqu’un qui est extrêmement exi geant avec les autres, et extrêmement exi geant avec lui-même. Elon Musk présente un syndrome d’Asperger, ce qui explique cette communication sans filtre et polari sante. Dans ses entreprises, il attend que les employés soient toujours force de pro position. Si Elon Musk vous pose la ques tion “mais pourquoi on fait comme ça ?” et que vous lui répondez “parce qu’on a y a toujours un lien entre spatiale. »liéEnpluss’ilentreprises,sesmêmepeutparaîtreoumoinsténu.réalitétoutestàlaconquête

tout le temps fait comme ça”, le lende main vous n’avez plus de travail ! Il faut que vous lui prouviez que votre process tient la route, et que vous réfléchissez constamment à comment l’améliorer… »

94 S ACTUALITÉ №46 – Septembre 2022 – Se retrouver 95S ACTUALITÉ№46 – Septembre 2022 – Se retrouver

le développement d’intelligences artifi cielles puissantes via OpenAI, Twitter, et son immense base de données servant ainsi de réseau neuronal (ensemble de neurones formels interconnectés per mettant la résolution de problèmes com plexes – ndlr). Le projet Starlink lui, se réfère aux télécommunications, évidem ment nécessaires aux voyages spatiaux.

S ACTUALITÉ – TECHNOKING

OISEAU MOQUEUR 25 avril dernier : Elon Musk défraie la chro nique en annonçant le rachat de Twitter pour 44 milliards de dollars (rachat qui se soldera trois mois plus tard par un procès).

Libertarien convaincu, Musk a une défi nition toute personnelle du réseau social au petit oiseau bleu : « J’espère que même mes pires détracteurs resteront sur Twitter, car c’est ce que signifie la liberté d’expres sion. Elle est le fondement d’une démo cratie qui fonctionne et Twitter est la place publique numérique où sont débattues des questions vitales pour l’avenir de l’hu manité ». L’annonce est rapidement saluée par la droite conservatrice américaine, elle qui reproche justement aux entreprises de la Silicon Valley de favoriser les démo crates. Ainsi, la sénatrice conservatrice du Tennessee, Marsha Blackburn, s’est empressée de déclarer qu’il s’agissait d’un « grand jour pour être conservateur sur Twitter » et qu’il était « temps que Twitter devienne ce qu’il est censé être : une plate forme numérique ouverte à toutes les opi nions ». À voir si ces dernières servent, une fois encore, l’avenir de l’humanité, même si l’on peut en douter avec les récentes lois votées aux États-Unis contre le droit

96 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver nous (comprenez « terriens »), notre inside man le confirme : « Avec lui, il n’y a rien qui est laissé au hasard, il a plusieurs étapes de plans pour toutes ses entre prises qu’il appelle d’ailleurs des secret master plans. Le principe est d’utiliser les ressources que l’on a actuellement – natu relles et humaines – pour d’une part faire en sorte qu’on puisse peut-être inverser la balance ici, mais que l’on ait surtout des technologies pour fonder un écosys tème ailleurs, facilement et pas cher. » Si tout cela semble tout droit sorti d’un scé nario à la James Bond, toujours est-il que les éclairs de génie et frasques mégaloma niaques d’Elon ont bel et bien des impacts sur notre époque et parfois même jusque dans le champ du politique…

« Avec lui, il n’y a rien qui est laissé au hasard, il a plusieurs étapes de plans pour toutes ses entreprises qu’il appelle d’ailleurs des secret master plans. » en était encore besoin, que le milliardaire excentrique ne connaît de limite que sa mégalomanie et cherche toujours, et par tous les moyens, à imposer sa propre vision technophile et élitiste du monde. Fruit d’une époque qui érige en héros les figures montantes de l’ultra-libéralisme, Elon Musk est le nom d’un mouvement qui confond avenir et progrès, sacrifiant la condition humaine sur l’hôtel de la technologie et du profit. S à l’avortement ou le droit au port d’armes hors du Nicoledomicile…Gill,directrice exécutive de Accountable Tech, association qui milite pour responsabiliser les grandes entre prises numériques, déclarait quant à elle : « si nous ne bloquons pas cette opération, il donnera un mégaphone aux démago gues et aux extrémistes qui incitent à la haine, à la violence et au harcèlement ».

L’aspirant acquéreur affirme alors vou loir en faire « une arène ouverte pour la liberté d’expression » en allégeant, pour commencer, les règles de modération.

Elon Musk clivant, as usual… Aboutie ou non, cette tentative d’achat prouve, s’il

TERRESTRASBOURG,DECOOP’

Pour proposer un modèle alternatif de consommation, de gouvernance et de financement, neuf sociétés coopératives se sont unies et développent des projets en commun sous le nom de Licoornes. Un clin d’œil malicieux aux grosses start-up.

Adrien Montague

99S ACTUALITÉ№46 — Septembre 2022 — Se retrouver98 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver S ACTUALITÉ — ALTERNATIVES Lisette Gries DR

Les leréenchantentLicoornesmarché Start-up

LEVÉE DE FONDS

ENTREPRISESRÉSILIENTES

Trois de ces Scic ont leur siège en Alsace : Citiz, Commown et Railcoop. Un hasard ? « Peut-être pas ! Les habitants de Strasbourg et ses environs sont connus pour leur sensibilité sociale et environ nementale forte, peut-être en raison de notre proximité avec l’Allemagne où ces sujets sont plus avancés », constate Jean-Baptiste Schmider, PDG de Réseau Citiz. « La Région Grand Est a été la pre mière collectivité à devenir sociétaire de P our changer le monde, on ne peut compter que sur les licornes. Qui se reconnaît dans ce point de vue fait preuve soit de poésie désabusée, soit de libéralisme économique effréné. Car non, les licornes ne sont pas que des créa tures enchanteresses à l’appendice fron tal doué de pouvoirs surnaturels. Dans le monde des start-up, ce sont aussi des jeunes entreprises innovantes valorisées plus d’un milliard de dollars avant d’être cotées en Bourse. Le site web national de la Chambre de commerce et d’industrie précise : « 48 % des licornes dans le monde sont domiciliées aux États-Unis, comme le site de location immobilière Airbnb ou la plateforme d’in formation et de divertissement en ligne Vice Media. (…) Seulement (…) quatre sont fran çaises : le réseau de covoiturage BlaBlacar, le site de vente en ligne Vente-Privées.com, la plateforme de streaming audio Deezer et la plateforme de rendez-vous médicaux en ligne et de téléconsultation Doctolib. » Une certaine idée de la magie, donc.

Mais souvent dans les histoires d’ogre, il y a un Petit Poucet qui s’efforce de semer ses cailloux. Dans notre business-conte, ils sont en réalité neuf. Neuf sociétés coo pératives d’intérêt général (Scic, lire l’en cadré) qui se sont associées en 2021 pour créer les Licoornes, avec deux « O » comme dans « coopérative ». Leur objectif : faire valoir leur modèle alternatif dans le pay sage économique français.

Jean-Baptiste Schmider

Comment comptent-ils s’y prendre, face à des mastodontes économiques à la force frappe difficile à contrer ? « Nous avons fait en juin une première opération commune en lançant un appel aux contri butions. C’était une campagne de com munication, pour nous faire connaître, et pour proposer à de nouveaux de rejoindre nos gouvernances, mais c’était aussi un pied de nez aux levées de fonds pha raoniques des start-up », s’enthousiasme AdrienRésultatMontagut.de l’opération : quelque 500 000 euros, ventilés entre les neuf entreprises selon les souhaits des nou veaux associés. L’appel a été relayé auprès de leurs usagers, mais aussi sur les réseaux sociaux, notamment profes sionnels, qui sont le terrain de jeux des start-up. Au-delà de l’opération finan cière, il était évidemment aussi question de convaincre de potentiels investisseurs, ou à tout le moins de les faire s’interro ger sur le type d’innovations qu’ils sou haitent« C’étaitencourager.unepremière action com mune visible pour le public, mais au quo tidien, nous menons déjà beaucoup de projets partagés », complète Alexandra Debaisieux. Railcoop travaille par exemple avec du matériel informatique fourni par Commown et un abonnement télépho nique Télécoop. Pour le mobilier en gare, ils ont fait appel à Label Emmaüs et leurs comptes bancaires sont hébergés par la Nef. « Il y a aussi des partages plus infor mels, sur les pratiques professionnelles, sur l’animation de la vie coopérative, pour suit-elle. Il s’agit de créer une chaîne de valeurs, en se soutenant dans nos déve loppements respectifs. » En l’espèce, les entreprises plus jeunes comme la sienne peuvent s’appuyer sur l’expertise des sociétés qui ont davantage de bouteille, à l’image d’Enercoop et de Citiz.

On le comprend, l’énergie est là, la dyna mique semble lancée et les Licoornes prêtes à ensorceler de nouveaux territoires. Mais, même si on a envie d’y croire, on ne peut s’empêcher de se demander : n’y a-t-il pas un peu une part d’utopie, par essence irréalisable, dans tout ça ? Fatima Bellaredj, déléguée générale de la Confédération générale des Scop, se veut pragmatique et rassurante. « Certes, les coopéra tives (Scop et Scic), ne représentent que 4000 entreprises et 80 000 emplois en France, mais c’est un modèle en très fort développement. En cinq ans, les emplois ont augmenté de 30 % et le chiffre d’af faires global de 40 %. » Dans un contexte de morosité éco nomique, c’est plutôt prometteur... « Nos entreprises ne sont pas surhu maines, elles restent soumises aux aléas des marchés. Cependant, on observe que comme lors de la crise de 2008, les coopératives ont fait preuve d’une grande résilience. Il n’y a jamais eu de solde d’emploi négatif, par exemple », poursuit-elle.

« Notrefonctionnementestàl’opposédesstart-ups,puisqu’onnecherchepasàfairedel’argentàpartirdel’argent »

Railcoop. L’Alsace est une terre de coopé ratives », renchérit Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée de l’opéra teurPourferroviaire.résumer, une coopérative, c’est une entreprise à la gouvernance démocra tique : personne ne peut détenir plus de 50 % du capital, chaque sociétaire a une voix en assemblée générale, quel que soit le montant de sa participation, et les sala riés sont systématiquement parties pre nantes. Les Scic intègrent une dimension « intérêt général ». « Notre fonctionnement est à l’opposé des start-up, puisqu’on ne cherche pas à faire de l’argent à partir de l’argent », insiste Adrien Montagut, cofon dateur de Commown. Autre point commun entre toutes ces Licoornes : elles sont positionnées sur des marchés dits « de masse ». « L’idée, c’est de proposer une option alternative aux grands groupes dans les domaines cou rants de la consommation de biens ou de services. Que ce soit pour se dépla cer, se nourrir, s’équiper, communiquer, se chauffer ou financer toutes ces dépenses, nous offrons un modèle plus vertueux, qui repose sur une logique d’usage plutôt que de propriété », déroule Jean-Baptiste Schmider. En unissant leurs forces, les Licoornes espèrent pouvoir chan ger d’échelle et sortir des cercles déjà convaincus, voire militants.

Qui sont les neuf Licoornes ? Les Licoornes sont l’union de neuf sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic). Ces entreprises associent les producteurs de biens ou de services (salariés, cadres), les bénéficiaires (clients, usagers…) et d’autres personnes physiques ou morales qui contribuent à l’activité (associations, bénévoles, collectivités territoriales, autres sociétés…).

« Cettesociale. »l’innovationintéressantunproposeinitiativezoomsur

№46 — Septembre 2022 — Se retrouver100 S ACTUALITÉ

Fatima Bellaredj Pour le projet Licoornes, elle ne cache pas son enthousiasme. « Cette initiative propose un zoom intéressant sur l’innova tion sociale, par opposition à l’innovation technologique. Il y a un volet d’accultu ration des acteurs économiques et poli tiques sur ces sujets qui doit être fait, et les Licoornes y répondent de manière intelligente », insiste-t-elle. Encore au tout début de leur aventure, les Licoornes espèrent à terme pouvoir élargir leur cercle à d’autres entreprises, et créer une structure juridique solide pour accueillir leurs projets communs. « L’enjeu est vraiment de prouver qu’il est pos sible d’entreprendre sans être capitaliste, conclut Adrien Montagut. Ce que nous pro posons, c’est de reprendre la main sur les outils de production et sur la protection des biens communs. Parce que, soyons clairs, seules les entreprises qui n’ont pas inscrit la lucrativité dans leur statut ont un avenir, les grands groupes ne seront pas capables de penser la sobriété. » Souhaitons-leur de faire beaucoup d’enfants... S

www.licoornes.coop

Dans les Scop (sociétés coopératives de production), 51 % du capital est réservé aux salariés : un plancher qui ne s’applique pas aux Scic. Les neuf Licoornes sont : X Citiz, un réseau coopératif d’autopartage X Railcoop, un opérateur ferroviaire X Commown, un fournisseur d’appareils électroniques écoconçus X Enercoop un fournisseur d’électricité verte X Télécoop, un opérateur téléphonique X Mobicoop, une plateforme de covoiturage sans commission X Coop circuits, une plateforme pour les circuits courts X La Nef, une banque éthique X Label Emmaüs, un site d’e-commerce dont le catalogue est alimenté par des acteurs de l’économie sociale et solidaire

102 103S ACTUALITÉ S ACTUALITÉ№46 — Septembre 2022 — Se retrouver №46 — Septembre 2022 — Se retrouver Ordinateur patienter…endéveloppementquantique :cours,veuillez Ça va venir

S ACTUALITÉ — SCIENCES Marine Dumény Franck Disegny – ISIS/MD

Il fait son retour sur le devant de la scène… E ngageant, l’œil taquin de l’éternel curieux, il a pour habitude de courir les conférences en France comme à l’étranger. Référence dans le milieu, les passionnés de nouvelles tech nologies se repèrent sur les terrasses de café à l’évocation de son nom. Olivier Ezratty, expert de la vulgarisation des sciences et technologies quantiques, s’est intéressé à ce domaine il y a quatre ans. Depuis, il maintient une veille et transmet sa passion à qui le souhaite. La quantique, pour le commun des mortels, ce sont quelques vagues notions en introduction simplifiée au cours d’un TD de physique au Lycée. Le (pauvre) chat de Schrödinger. Un livre au pluriel d’Ortoli et Pharabod (Le Cantique des Quantiques). C’est un champ des possibles. La Quantique, cette lettre « Q » placée à tout va dans les projets à la mode, qu’est-ce que c’est ? C’est de la magie. Tu ne sais pas com ment ça marche. Quand j’ai commencé à travailler dessus je me suis dit : « Qu’est ce que c’est que ce truc que personne ne comprend, et que moi je ne comprends pas, comment ça marche, et à quoi ça sert ? ». La physique quantique à l’origine, c’est la physique des particules élémentaires. C’est-à-dire la physique des atomes, des électrons, des photons, qui sont les petits éléments de matière qui gouvernent notre vie. Elle explique pourquoi la matière est solide. La physique quantique est utilisée depuis très longtemps dans les produits de tous les jours qu’on utilise. Il faut savoir que tous les outils numériques qu’on a mainte nant sous la main, notre visioconférence, notre smartphone, les ordinateurs dans le cloud, c’est de la physique quantique en fait. Pourquoi ? Parce que les transis tors, qui sont à l’origine de tous ces pro duits-là, s’appuient dessus. Ils utilisent les interactions entre la lumière et la matière, ils utilisent la manière dont les électrons tournent autour des atomes. La quantique, c’est l’échange d’énergie entre atomes et lumière. Viennent ensuite des notions plus poussées qui ne sont pas utilisées à l’heure actuelle dans le numérique. Olivier Ezratty

L’ordinateur quantique fait rêver. Il est aussi de ces technologies qui évoluent au gré des marées : avancée, stagnation, avancée…

Une onde monotone qui prête à l’oubli.

Olivier Ezratty, ingénieur développeur en logiciel, désormais indépendant, est connu des milieux scientifiques comme le « couteau suisse de la vulgarisation des nouvelles technologies ». En décembre dernier, IBM a annoncé en fanfare son record de bits : 127.

104 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver Formez voscollaborateursEntouteautonomie! RGPDAu SENSIBILISEZ VOTRE PERSONNEL AU RGPD À VOTRE RYTHME GÉREZ LA MISE EN PLACE FORMATIONSDESRGPDVOTRECHOISISSEZPACK ET VOS OPTIONS www.rgpd-academy.eu+33 (0)3 67 68 02 91formations@rgpd-academy.eu BRIGHT BOX TRAINING

Ce sont ces notions de physique, abs traites et un peu contre-intuitives qui amènent à cette innovation qu’est l’ordinateur quantique, n’est-ce pas ? Là où un ordinateur actuel code 0 ou 1 sur un bit (une unité d’information), un quantique peut coder simultané ment 0 et 1. C’est exactement ce qu’est la superpo sition. Et l’intrication, c’est la capacité de particules quantiques d’avoir des états cor rélés. Supposons qu’on prenne un photon, par exemple. C’est un grain de lumière. Si on coupe ce photon en deux, et qu’on envoie un bout à droite et un bout à gauche, et qu’on mesure l’état d’un des photons, il sera le même que celui du photon parti de l’autre côté. C’est en cela qu’on a une corrélation. Mais elle est aléatoire. Et c’est ce qu’on n’explique pas, et qui est abstrait dans l’esprit des gens. Les recherches en sciences et technologies quantiques tra vaillent là-dessus pour former des proto types d’ordinateurs quantiques. Pour le moment, et malgré la guerre des records menée entre les GAFA, il y a plus de fantasme que d’ordinateur quantique exploitable, pourquoi ? L’ordinateur quantique existe, et ceux d’IBM sont testables dans le cloud, mais il est limité. Notamment par l’unité de traitement de calcul qu’on appelle le aQCess : Strasbourg a son laboratoire quantique européen Dirigé par le Professeur Guido Pupillo, le CESQ (Centre Européen de Sciences Quantiques) a rejoint ses locaux flambants neufs à Cronenbourg. Avec son acolyte, le Professeur Shannon Whitlock, ils travaillent sur une plateforme destinée à la quantique. À la suite de la stratégie nationale sur les sciences et technologies quantiques lancée en janvier 2021 (PEPR), les deux physiciens ont porté auprès de l’Agence Nationale de Recherche (ANR) un projet interdisciplinaire de grande envergure. Soutenus par le Région, l’Eurométropole et des fonds privés, ils se sont associés à la Karlsruhe Institute für Technology (KIT), Bale et Freiburg. aQCess est la première plateforme informatique quantique publique. En effet, chercheurs, étudiants, entreprises y auront accès pour effectuer des calculs de systèmes quantiques, ou résoudre des problèmes. Le prototype sur lequel travaillent les Professeurs et leur équipe est différent de celui d’IBM. Il se base sur les neutrons. Pourquoi ? « Pour la stabilité de l’atome, et la facilité d’isolation de cet élément par rapport à son environnement ». Impliqués dans la formation des générations futures dans la quantique, ils insistent sur l’aspect « long terme » de leur domaine de recherche. Et sur la capacité de Strasbourg et son expertise. Néanmoins, « les entreprises annoncent l’arrivée de cette technologie. Alors, oui, quelque chose va sortir, c’est vrai dans un sens : ça va venir. Mais c’est toujours en développement ! ». Leur souhait pour leur projet ? « Réussir ! ». qubit, qui est l’objet quantique de base qu’on manipule à la place du bit clas sique. Il en faut plus d’une cinquantaine pour avoir des résultats, et on travaille dans un univers analogique fait de 0 et de 1 exclusivement. Comme sur les anciennes cassettes audio, il y a donc un bruit de fond, parasite, qui représente sur le quantique 1 % du signal. C’est énorme et ça entraîne des erreurs de calcul, qu’on tente de corriger, mais qui ajoutent donc des qubits… et du bruit. Il y a redondance avec ce système. Ce qui entraîne donc une perte. À Strasbourg, la méthode en cours de développement est-elle différente de celle utilisée par Google ou IBM ? Il y a une très grande diversité de technologies qui sont testées en paral lèle par les créateurs de ces systèmes. Il y a un enjeu technologique et scientifique énorme pour arriver à contourner ce bruit pour faire en sorte qu’on puisse monter en puissance et réaliser la promesse d’aug menter la puissance de calcul. Pour l’ins tant on n’y est pas encore. Strasbourg présente en effet un autre développement de prototype. L’Unistra s’est dotée, en association avec l’Europe, d’un nouveau laboratoire avec le duo de chercheurs Shannon Whitlock et Guido Pupillo. Et ils sont dans la course… S Guido Pupillo (à gauche) et Shannon Whitlock

Par « intuition », confitelle. Son quotidien, depuis : suivre sa vie d’épouse, de sœur et de fille entre deux écrans digitaux, entre deux tirs de roquettes dont elle n’a plus à souffrir... au moins physiquement. Et aider, autant qu’elle le peut, son pays. Logistique humanitaire, accompagne ment des nouveaux arrivants en terre alsa cienne, de 10h à 13h, trois fois par semaine, forment une grande part de son quotidien.

Les modèleUkrainiens,d’intégration ?

Plus, parfois, selon les arrivages en den rées alimentaires, produits hygiéniques et autres médicaments déposés par quelques Strasbourgeois anonymes dans un entre pôt du Port du Rhin mis gracieusement à disposition par l’entreprise Soprema. Au cours des quatre derniers mois, plus de 100 tonnes d’aide humanitaire sont parties d’ici vers l’est de l’Ukraine, Kharkiv ou Izum.

KaterinaCi-dessus :Pushkar ordonne l’aide CoursAu-dessous :humanitairedefrançais à la CEA

Oksana Leleka, psychologue, est l’une de leurs élèves : « Maîtriser le fran çais nécessitera une à plusieurs années, mais nos progrès sont déjà stupéfiants ».

106 S ACTUALITÉ FernandezJean-Louis©SauvageLaurent 03 88 24 88 24 | tns.fr | #tns2223 T NS Théâtre National de Strasbourg Saison 22-23 donnez-moi une raison de vous croire Marion Stenton Mathieu Bauer, Sylvain Cartigny 23 sept er oct THE SILENCE CRÉATION AU TNS Falk Richter * 27 sept | 8 Iphigénieoct Tiago Rodrigues | Anne Théron * 13 22 oct Berlin mon garçon Marie NDiaye Stanislas Nordey 9 | 19 nov La Septième D’après 7 de Tristan Garcia Marie-Christine Soma 15 23 nov Bachelard Quartet Jeanne Bleuse, Marguerite Bordat, Noémi Boutin, Pierre Meunier 26 nov | 2 déc Nostalgie 2175 Anja Hilling | Anne Monfort 7 | 15 déc Par autan Théâtre du Radeau | François Tanguy 6 14 ConteFRATERNITÉ,janvfantastique Caroline Guiela Nguyen Les Hommes Approximatifs 12 20 janv Un sentiment de vie CRÉATION AU TNS Claudine Galea * | Émilie Charriot 17 | 27 janv Odile et l’eau Anne Brochet 2 10 fév Comme tu me veux Luigi Pirandello | Stéphane Braunschweig 27 fév 4 mars Un pas de chat sauvage CRÉATION AU TNS Marie NDiaye * Blandine Savetier * 3 | 10 mars Grand Palais Julien Gaillard, Frédéric Vossier Pascal Kirsch 10 16Îlotsmars Sonia Chiambretto, Yoann Thommerel 17 | 25 mars Mon absente Pascal Rambert * 28 mars | 6 avril Tout mon amour Laurent Mauvignier | Arnaud Meunier 11 | 15 avril L’Esthétique de la résistance CRÉATION AU TNS Peter Weiss | Sylvain Creuzevault 23 27 mai * Artistes associé·e·s au TNS

Un statut de résident temporaire qui leur donne accès à l’emploi ; des cours de langue intensifs initiés par les binationaux et primoarrivants ; une volonté d’aider leur pays depuis la ville d’accueil ; un désir, surtout, de ne pas être perçus comme une charge et de rendre au plus vite à Strasbourg ce qu’elle leur a donné. Entre deux pays, deux espaces temps, deux réalités, les Ukrainiens, une communauté pas tout à fait comme les autres.

LES PARIS GAGNANTS DE LA LANGUE Mais au-delà de l’effort de guerre, les néo-résidents strasbourgeois ont tout autant à cœur leur propre intégration, déjà facilitée, disent-ils, par les pouvoirs publics locaux et les services de la pré fecture même si quelques écueils sub sistent encore dans l’accès au logement, comme le soulignent Alisa et Hanna, deux jeunes actives de Kharkiv, placées en « zone tampon », du côté d’Obernai avant qu’un logement plus durable ne se libère sur la capitale alsacienne où elles se construisent progressivement un avenir professionnel rendu plus facile par leur maîtrise initiale de la langue française. Pour les autres, là encore la com munauté ukrainienne s’organise avec le concours de professeurs bénévoles, qui officient depuis les locaux de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA).

Encore faudra-t-il que l’enthousiasme des enseignants ne faiblisse pas, tant fonc tionner sans soutien budgétaire pour rait vite s’avérer intenable eu égard au temps qu’ils consacrent à leur partage de connaissances. Un choix à réfléchir pour les autorités publiques qui pourraient y remporter un double pari : celui d’un accès à l’emploi accéléré, et celui d’une réduc tion progressive de la charge portant sur le contribuable. Un vœu partagé par l’en semble des Ukrainiens rencontrés, dont le rapport à leur cité d’accueil pourrait fina lement tenir en trois verbes : aider, s’inté grer, travailler pour (re) donner en retour. S *Marina Moiseyenko est journaliste ukrainienne, originaire de la ville de Zaporijia, rattachée pour la France à l’AFP et au magazine eutalk.eu du Pôle européen d’administration publique de Strasbourg.

S ACTUALITÉ — UKRAINE Marina Moiseyenko* DR S’ organiser, aider une ville, sa ville, qui s’éclaire d’autres lumières que celle du soleil, de la lune ou de quelque réverbère. Les ogives qui drachent plutôt que la pluie. Une promenade qui peut être la dernière. Du haut de ses 53 ans, Natalya Pugach a fait le choix de fuir un quotidien que ni elle ni sa fille n’avaient choisi. De quitter Kramatorsk l’Ukrainienne pour rejoindre le 9 mars dernier Strasbourg l’Eu ropéenne. Et de laisser derrière elle mari, frère et mère. Un choix difficile pour celle qui, quelques mois en arrière, était encore enseignante en physique et en astronomie dans son Strasbourg ?pays.

Une logistique déjà bien rodée à laquelle participent désormais plus d’une centaine de bénévoles.Ancienconcessionnaire automobile, Evgeniy Medyanyk avait trois garages en Ukraine et quelques économies en poche, qu’il redistribue en partie à l’armée de Kyiv, lorsqu’il n’achemine pas de convois huma nitaires vers l’Ukraine. « À défaut d’avoir été enrôlé, c’est pour moi une manière d’aider, d’être utile à mon pays ». Depuis peu, l’homme de 31 ans achemine éga lement des « ambulances à la frontière, qui participeront à l’évacuation des bles sés ». L’achat et la livraison de véhicules : « une nouvelle activité pour la communauté ukrainienne de Strasbourg », commente Katerina Pushkar, en charge de la coordi nation de l’aide humanitaire.

La vie entre deux mondes

C’était bien de vouloir dialoguer avec Poutine comme l’a fait Macron avant la guerre, mais actuellement il n’y a plus de dialogue possible. Poutine veut enva hir l’Ukraine en la détruisant totalement, qu’il ne reste rien. La Russie a une puis sance de feu énorme, il y a beaucoup de victimes en Ukraine même si l’armée ukrai nienne a surpris par son excellente prépa ration militaire. Comment les Ukrainiens peuvent-ils, s’ils le peuvent, tenir dans la durée ? Par quels moyens continuer de les aider ? Il y a deux moyens, poursuivre et renfor cer l’aide militaire et maintenir fortement les sanctions économiques, afin d’affaiblir le plus possible la Russie. Les Russes com mencent à manquer de pièces détachées, de matériels électroniques, le ravitaillement est difficile, l’armée est affaiblie. Sur la durée cela peut faire plier Poutine. Il faut bien sûr continuer toutes les aides aux Ukrainiens.

108 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Saison ’22’23 Et ils heureux...vécurent

Cenerentolina Gioachino Rossini

ledeOuverturelabilletterie6septembre operanationaldurhin.eu

JungerLaura©

Voici près de neuf mois que la Russie a déclaré la guerre à l’Ukraine. Ce conflit se déséquilibrant au profit de la Russie malgré l’aide internationale. Quelles sont encore les solutions possibles ? Il faut obliger Poutine à reculer, la seule aide vraiment efficace est l’aide mili taire, apportée notamment et majoritaire ment par les Américains. Il faut donc que ceux-ci renforcent encore leurs apports. Il faut livrer des avions en particulier, que per sonne n’envoie pour le moment, des chars, des lance-rockets, beaucoup de matériel à utiliser de suite. L’offensive russe se fera dans la durée. Les Russes n’ont pas l’in tention de quitter les territoires annexés en 2014 et le sud de l’Ukraine où les terres sont si fertiles, et le président Zelinski ne cédera pas. L’avenir est très indécis. Pensez-vous que la lointaine adhésion de l’Ukraine à l’Europe garantisse quoi que ce soit pour elle à court ou à moyen terme ?

Isabelle Baladine-Hohvald Claire Moliterni S ACTUALITÉ – BIBLIOTHÈQUES IDÉALES

Quel est le but à long terme de Poutine ? Est-ce un souhait et depuis quand, de rebâtir une grande Russie ? Est-ce sa haine contre l’Occident qui motive cette destruction programmée ? La question subsidiaire d’une pathologie est parfois soulevée, qu’en pensez-vous ? Je pense que Poutine a toujours voulu reconstituer l’URSS, mais il a dû avancer lentement vers cet objectif. Après 20 ans au pouvoir, il a totalement détruit la société civile et les médias indépendants, endoctriné la population, renforcé et res tructuré l’armée, accumulé des moyens considérables et des armements. La haine contre l’Occident est un élément néces saire dans la construction de la seconde réalité, celle où la Russie victorieuse se bat contre les « nazis » ukrainiens aidés par des « nazis » occidentaux. L’Europe s’est ressoudée à la faveur, hélas, de cette guerre, et l’OTAN s’est remobilisée autour de ses valeurs. Est-ce une garantie pour une paix future dans une Europe élargie ? C’est vrai qu’il y a un rapprochement nouveau entre l’Europe et l’OTAN. Mais ce n’est en rien une garantie tant cet équi libre est fragile. Les dernières élections en France le montrent, le président Macron est au milieu des extrémistes. Il y a eu en France comme en Europe une déception démocratique qui a permis l’émergence de ténors de la propagande pro-russe, qui peuvent aussi bien décider un jour que la guerre en Ukraine n’est pas leur problème. Voyez les montées des populismes dans les différents pays… En Europe l’inflation monte et il commence à y avoir des pénu ries de produits alimentaires et de gaz, cela peut engendrer des tensions, sans parler de l’antiaméricanisme toujours présent. La menace nucléaire de la part de Poutine est très réelle. Nous sommes en Russie au début d’un régime totalitaire à la Staline.

Candide Leonard Bernstein

Galia Ackerman

Galia Ackerman est très engagée depuis longtemps, pour l’Ukraine et contre Poutine. Historienne et journaliste, elle est, entre autres livres, l’auteure de Le régiment immortel : la guerre sacrée de Poutine (Premier Parallèlle, 2019). Avec elle, nous faisons le point sur (interviewukrainienne…l’actualitéréaliséele12aoûtdernier)

La Voix humaine Francis Poulenc / Anna Thorvaldsdottir

Le Chercheur de trésors Franz Schreker

Danse Le Joueur de flûte Béatrice Massin Until the Lions Thierry Pécou Giselle Adolphe Adam / Louise Farrenc Martin Chaix Spectres d’Europe Lucinda Childs David Dawson / William Forsythe

dunationalOpéraRhin

Turandot Giacomo Puccini

Petite Balade aux enfers C. W. Gluck

Le Couronnement de Poppée C. Monteverdi

La Flûte enchantée W. A. Mozart

Opéra Histoire(s) d’opéra Until the Lions Thierry Pécou

Le Conte du Tsar Saltane N. Rimski-Korsakov

« Les dissidents russes disaient : “Buvons à nos causes désespérées !”. »

Galia Ackerman, un mot d’espoir ? Les dissidents russes disaient : « Buvons à nos causes désespérées ». Ces dissidents, c’était une poignée d’hommes. Mais l’URSS a quand même éclaté, et le régime commu niste est tombé. C’est pour dire qu’il faut toujours espérer. c Elle sourit, c’est un faible sourire. Mais un sourire quand même…

Design culinaire Le regard des sens d’applats de noir strié qui créent de la lumière. J’ai donc reproduit son process de stries sur la surface d’une plaque de chocolat noir pour ainsi faire ressortir la lumière et la brillance du chocolat. Ma démarche de création ne s’est pas arrê tée à l’aspect plastique, mais elle se pour suit jusqu’en bouche, en s’interrogeant sur l’impact des stries lors de la dégustation du chocolat ainsi que sur la perception des arômes de celui-ci. »

110 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

S ACTUALITÉ — PLAISIRS DE LA TABLE Aurélien Montinari DR

Si de prime abord, le terme « design » apposé à celui de « culinaire » peut sur prendre, on est très vite convaincu par la définition que donne Céline de la disci pline : « Il s’agit de créer avec et autour de l’aliment. C’est une façon d’orches trer et de théâtraliser l’acte de manger.

Leader alsacien des solutions RH L’OFFRE RH, SPADE & PARTNERS, TDF CONSEIL ET LEURS 30 EXPERTS S’UNISSENT ET DEVIENNENT SKAYL LA FORCE D’UNE UNION POUR FAIRE GRANDIR VOS PROJETS skayl.fr| RECRUTEMENT | FORMATION & BILAN DE COMPÉTENCES | CONSEIL RH & ASSESSMENT | MARQUE EMPLOYEUR | SCRUM RPO | OUTPLACEMENT | EXECUTIVE SEARCH infra.fr Céline Marder

CONCOURS ET COURS D’ÉCOLE

C’ est en 1999, à Reims, aux côtés de Marc Brétillot, fondateur de l’ESAD (École Supérieure d’Art et de Design), que Céline Marder, fraîchement diplômée, commence à réfléchir aux liens unissant la pratique du design aux arts culi naires, considérant alors les aliments comme des matériaux auxquels donner forme. Tout en gardant cette idée en tête, elle développe son activité de designer et de graphiste au sein de différentes agences parisiennes pour ensuite intégrer le groupe de restauration Frères Blanc, l’occasion de mettre à l’épreuve ses théories. « À l’époque, j’étais directrice artistique et au fur et à mesure, je me suis retrouvée dans les cui sines, aux côtés d’un grand chef qui s’est dit, “Tiens, tu es peut-être la seule dans la société qui a un regard artistique… ce serait intéressant que nos opérations com merciales soient cohérentes, aussi bien au niveau de la communication que dans ce que l’on propose réellement dans l’as siette”. » Forte de cette expérience, Céline décide de retourner sur les bancs de l’école pour associer ses deux passions, le design et la cuisine, en intégrant le premier Master de design culinaire ; un an plus tard, en 2012, elle débute sa carrière de designer culinaire indépendante.

Le design culinaire apporte donc une dimension artistique et sensible à ce que l’on ingère. Il ne se cantonne pas unique ment au contenu ou au contenant, mais développe un spectre plus large, tenant compte de l’environnement, de l’écologie et de l’agriculture. » Le métier allie ainsi la créativité, la technique, et le plaisir, pour satisfaire et stimuler nos 5 sens. Le rôle du designer culinaire est donc de penser la cuisine, d’associer le fond et la forme pour créer « des expériences porteuses de sens. » Les sources d’inspi ration de Céline Marder sont principale ment la nature et l’art. « Pour un projet sur le thème du chocolat je me suis inspirée du travail de l’artiste Pierre Soulages sur L’autre Noir, ces grands tableaux couverts « Jamais dans aucun cas on ne doit faire la cuisine pour soi seule. », Marguerite Duras. S’il nous arrive d’avoir les yeux plus gros que le ventre, on oublie de dire que les plaisirs de la table passent aussi par le regard. Céline Marder l’a bien compris : designer culinaire, elle interroge depuis plus de dix ans les relations entre la matière comestible et le corps sensible, toujours au service du plaisir.

UNE DISCIPLINE À PART ENTIÈRE

Professeure à Sciences Po Reims, Céline Marder est aussi entrepreneuse avec la création en 2020 du studio Créaculinaire. « Je travaille avec des artisans des métiers de bouche, l’agroalimentaire, ou directe ment avec les chefs pour revoir ensemble le dressage de leur assiette, avec égale ment le choix de la vaisselle. J’ai ainsi pré paré 3 chefs pour le Bocuse d’Or. Voilà pour la partie conseil. Ensuite, la partie formation, ce sont les universités et les écoles. Je tra vaille aussi avec le milieu de l’entreprise pour des lancements de produits. Les collectivi tés m’interrogent pour la valorisation de leur territoire ou pour des fêtes locales. J’anime des ateliers pour des associations, en entre prise ou pour des particuliers. Mes projets sont très vastes. » explique la designer. Fusion des sens, le design culinaire a affaire au sensible et aux valeurs humaines liées au partage et à la convivialité. Pour Céline, il y a ainsi une fonction poétique et narrative : « On ingère un univers qui a été pensé pour vivre une expérience agréable et porteuse de sens, tant pour le consom mateur que pour son créateur. » S

S ACTUALITÉ — CRÉATION ÉTHIQUE Barbara Romero Nicolas Rosès

Flore & Zéphyr : la joaillerie confidentielle et éthique qui a tout d’une grande Création

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Laura et Amaury, un duo soucieux de l’environnement et de l’humain du privé au professionnel

112 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Nichée depuis sa création en étage, la joaillerie d’art indépendante Flore & Zéphyr fait le pari depuis 2015 d’utiliser exclusivement des métaux équitables et des pierres précieuses tracées et labellisées. Un pari éthique gagnant pour ses jeunes créateurs qui souhaitent toujours aller plus loin dans la traçabilité, au service de l’environnement, de l’humain, du précieux et de l’unique.

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« Le confinement n’a pas ralenti notre croissance, au contraire, nous enregistrons une progression de 30 % de notre chiffre d’affaires », souligne Amaury, relancé par Laura : « La porte d’entrée, c’est le mariage, le bijou d’une vie. Nos clients se posent plus de questions sur l’origine de l’or ou des pierres, même si ce segment a tendance à baisser en pro portion dans notre activité, au profit des autres lignes de bijoux. »

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Si au départ « on nous voyait avec un côté huppé en mode « ils sont mignons à vou loir changer le monde ! », aujourd’hui des clients se déplacent de toute la France », sourit Amaury. Avec la crise sanitaire, les modes de consommation ont changé et les prises de conscience sont plus grandes.

I ssue de l’école Boule, la joaillière d’art Laura Zimmermann n’envi sageait pas de créer à n’importe quel prix. « Le milieu aurifère est très pol luant, fait travailler des enfants dans la totale illégalité, cela nous posait un réel problème, confie-t-elle. Nous souhaitions créer un outil de travail qui nous corres ponde, éthique au sens large du terme. » En creusant avec son époux Amaury Noirel, ils découvrent le label Fairminded, initié par l’ONG Max Havelaar, garantis sant un contrôle strict de l’impact environ nemental lors de l’extraction et assurant des conditions de travail sécurisées, un respect de l’humain, l’interdiction du tra vail des enfants… « La filière n’était pas mature, mais elle existait, précise Amaury qui gère le volet commercial de Flore & Zéphyr. En France, nous sommes peu nombreux à travailler avec, car les pro blèmes logistiques sont importants, avec davantage de sous-traitance, des délais plus longs, un or plus cher. Mais nous tenions à travailler avec ces circuits très contrôlés de la mine à l’affineur. »

114 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Pour faire face aux problématiques actuelles de délais d’approvisionne ment de l’or, Amaury et Laura ont pris la décision unique d’internaliser la fonte : « Nous serons les seuls dans le Grand Est à avoir un système de fonte, précise Amaury. Cela ne sera pas forcément ren table, mais nous allons gagner en indé pendance car pour nos prestataires, nous sommes trop petits et des délais de cinq mois ne sont pas tenables. » L’aspect confidentiel et intimiste de Flore & Zéphyr, sa notion du luxe plus Des créations tout en délicatesse « La porte d’entrée, c’est le mariage, le bijou d’une vie… »

GAGNER EN INDÉPENDANCE

Flore & Zéphyr 2 rue du Tribunal, Strasbourg Prise de rendez-vous sur flore-et-zephyr.com

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Retrouvez-nous sur les réseaux MediaSchool.eu/strasbourg intimiste et pas ostentatoire, séduit aussi une clientèle urbaine, sensible aux enjeux sociaux et environnementaux. Un succès qui a amené le charmant duo à embaucher quatre autres personnes et une apprentie, et à s’installer dans des locaux plus grands, à deux pas du tribu nal à Strasbourg. C’est aujourd’hui dans un doux cocon imaginé par les archi tectes d’intérieur Archipiquant qu’ils reçoivent sur rendez-vous. Tout en chêne des Vosges, dans des tonalités douces, le show-room-atelier est aussi délicat et intemporel que les créations de Laura. S

THE COMPLETEMAUS Tonton Sacha, lui, est reparti sur la ligne de front, en Ukraine, en expliquant à qui veut l’entendre que le monde est contre lui. Que cette guerre, entamée dans

S ACTUALITÉ – MOI JAJA

MoiJaja...MENDIERAVECOUSANSCRAVATE

Parce que j’ai bien envie d’y croire à ce Monde d’Après, même si Tato, lui, n’y a jamais cru : « Le Monde d’Après ? T’es sérieux, Jaja ? Ce sera juste le même que celui d’avant, mais en plus sauvage ». La

Croire en de jolis futurs : c’est sur ces mots que j’ai fini ma dernière chronique.

durévolutionlama

Question : Vous croyez qu’elle sort d’où cette électricité ? Vous pensez vraiment qu’une centrale ne pollue pas ? Que rem placer son vieux diesel par un véhicule neuf n’engendre pas des dégâts environ nementaux additionnels lors de sa pro duction et de son acheminement ? Petit Poney Rose, je l’aime bien, mais quand elle tente de nous expliquer que l’on va progressivement supprimer les vieilles voi tures pour les remplacer par des e-cars, j’ai un peu l’impression qu’on nous prend pour des benêts. Tant financièrement, qu’écologiquement. Encore si un système intermodal fonctionnait 24/7 ou était à l’étude, je pourrais me résoudre à une telle perspective. Mais non. Pour sauver la planète, une nouvelle voiture à plus de 30 000 € tu achèteras et des centrales nucléaires tu construiras pour les faire rouler. Un vrai discours de visionnaire(s) !

116 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Bonne nouvelle des législatives, néan moins, Pouxit conserve son temps de vie familiale. La force de la constance. Celle de se prendre une gifle à chacun des scru tins auxquels il se présente. À ce stade, je ne peux que lui suggérer de se chercher un avenir politique à Assigny, dans le départe ment du Cher. La clientèle de La Fistinière pourrait, elle au moins, s’ouvrir à lui… Croire en de jolis futurs… J’ai beau cher cher, je ne les trouve pas. Même les choses les plus basiques deviennent absurdes. Je ne parle pas du consommer bio qui devrait simplement être considéré comme évident parce que non industriel. Je parle du simple fait de marcher : pendant qu’en Afrique, des gosses cherchent à recueillir un peu d’argent pour se mettre des souliers aux pieds, au Lac Blanc on vous propose, moyennant finances, de marcher pieds nus sur l’herbe, afin de « réduire les maux de tête, et tout un tas de douleurs ». D’ici à ce qu’un restaurant facture l’option cou verts pour manger une salade de Quinoa ou que quelqu’un invente les veillées au feu de bois sur un Iceberg, il n’y a qu’un pas…

Force est de reconnaître que, même si ça me cause une petite gêne sous l’aile gauche, il n’avait pas tort, Tato. Plus un endroit où ça ne couille pas. Les Nupes voulaient sauver la France d’en bas ? Ils organisent une fashion week parlementaire en portant des cra vates pour illustrer combien le monde d’en haut est méchamment patriar cal… Envers eux, du moins, pensentils. Ou plus précisément envers leurs troupes masculines, aucun règlement ne recommandant ni n’imposant le port de la cravate aux femmes députées. Comme combat, nul doute doute qu’à 5 679,71 euros net mensuels, il leur était difficile de trouver meilleur angle d’at taque pour lutter contre les inégalités… Parfois, je me demande ce que pense la famille qui mendie en bas de chez nous, à l’entrée du supermarché, pour simple ment manger, à défaut d’accompagne ment suffisant vers l’emploi. Mendier avec ou sans cravate : cela change-t-il son quotidien ?

LA TENTATION DE LA FISTINIÈRE

Vous trouvez que j’abuse ? Sans doute un peu, mais les exemples s’enchaînent les jours passants. Chez les Nupes, mais dans l’ensemble de la population aussi : « Oui à la sobriété énergétique ! Mais le premier, cet hiver, qui me demande de baisser ma consommation, je l’éclate ! » « Oui à un monde moins énergivore », mais « Oui au vélo et à la voiture électriques ! ».

CHALLENGE  BLACKOUT

Pink Jaja Charles Nouar

Certes, l’écologie n’aime pas le nucléaire, c’est vrai, mais pour l’heure, comment vous dire… Quant au fait que l’exécutif strasbour geois, qui ne cesse de clamer son amour à l’Union européenne, soutienne Mélenchon, chantre de l’anti-européisme, les ailes m’en tombent. Mais bon, les projets fusent en interne pour fêter les 70 ans du Parlement européen. À commencer, dans les services, par cette brillante idée d’installer un cœur aux couleurs de l’Europe, rue Mercière. Un cœur devant lequel d’aucuns espèrent que nos parlementaires européens se lais seront photographier et, ce faisant, met tront de côté leur vie bruxelloise pour s’implanter durablement en terre alsa cienne… quand bien même ma ville d’adop tion ne bénéficierait d’aucun – ou quasi d’aucuns – centre de recherche européen, think tank, siège d’ONG, cabinet-conseil, etc. Tout ou presque ce qui, dans son fonctionnement, fait vivre une institution internationale ou européenne… Un cœur en photo pour stratégie de défense du Siège : sérieusement...?

UN CŒUR EN PHOTO POUR STRATÉGIE

Je sais, me direz-vous, cette chronique se doit, en temps normal, d’être un peu sulfureuse, mais surtout un brin plus légère, optimiste. Mais plus le temps passe, plus je vois la bêtise des humains flinguer tout espoir de jours meilleurs. Et les rend encore plus sidérants qu’ils ne le sont de prime abord. L’ironie me permet généralement d’échapper à ces sombres pensées, mais cet été n’a défini tivement pas la même saveur : le monde brûle et celles et ceux qui annoncent vouloir le sauver n’ont rien d’autre à faire que de se nouer une cravate autour du cou. J’y reviens, c’est vrai, mais cette image me hante. Elle a quelque chose du jeu du foulard, récemment remis au goût du jour sur Tik Tok avec le black out challenge . Principe : « s’autoétran gler ou demander à un camarade de le faire, avec ses mains, ou avec n’importe quel autre objet du quotidien : lacet, écharpe, foulard », cravate… « Le tout jusqu’à perdre connaissance », peut-on lire dans la presse. « 82 victimes à tra vers le monde, déjà ». À raison de 151 députés, la trahison de clercs qui se refusent d’en être pourrait rapidement se chiffrer à 857 636,21 euros nets mensuels. Soit plus de 10 millions annuels. À la question « Que feriezvous avec 10 millions d’euros ? », des Strasbourgeois avaient répondu en 2014 au micro d’Hélène David, des DNA : « Aider les gens les plus défavorisés, les associa tions », pour Martine ; soutenir « les SDF, les gens sans revenus, ceux qui sont dans la difficulté, construire des écoles, creu ser des puits » en Afrique, pour Amadou. Huit ans après, la réponse de certains de nos élus pourrait être résumée en une petite phrase : « J’organiserais une suc cession de plans com’ éloignés, telle ment éloignés du quotidien des gens ». Un jeu du foulard ou de la cravate, un brin déplacé en ces heures sombres que nous traversons.

L’Islande pourrait encore m’être un refuge, si ma Tata Solveen, qui fait office de consule honoraire m’obtient un visa. Mais même là j’ai des doutes : une cigogne a bien essayé au début de l’été, en se ren dant dans les locaux de la Représentation, mais même elle s’est fait sortir. Avec bonté d’âme, certes, mais tout ne débute-t-il généralement pas par de bonnes inten tions, à commencer par la folie humaine...? En attendant, la rentrée va bientôt reprendre le cours de son existence : on parlera beaucoup, on agira peu. On pro mettra beaucoup, mais rien au fond ne changera, parce que même pour sa survie, l’humain est simplement incapable du moindre changement ; tout bonnement parce qu’il ne comprend toujours pas que les autres c’est lui, c’est elle, pour promou voir un esprit non genré. Un peu comme celui de ces pistes cyclables, à Lyon, dont la conception serait elle aussi un enjeu de lutte contre le patriarcat. Le monde brûle et un bout de bitume devient un symbole de lutte contre la domination masculine.

Au moins, me suis-je fait deux trois potes, durant mes vacances : deux stars de la scène électro ukrainienne – le groupe Tvorchi –, des ours hôteliers, des vaches, un lama chauffeur de bus, un autre ska teur. C’est fou, l’air de rien, ce que les lamas ont en ce moment le vent en poupe : on en trouve partout en Europe, de Rennes à Berlin, en passant par Cracovie. Comme une réponse, peut-être, à nos actes qui ne méritent parfois guère plus qu’un glaviot pour seul commentaire… À bien y réflé chir, les lamas, ce sont peut-être eux les vrais révolutionnaires… S

Cet été, avec Tato, nous sommes tombés nez à nez avec cette plaque profession nelle, placardée sur un vieil immeuble de bord de mer : « Océanographie clito ridienne ». Que doit-on y comprendre...?

118 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

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l’indifférence quasi générale à l’heure où Martine et Amadou rêvaient d’un monde meilleur, devait continuer à être documen tée. De passage à Berlin avec Tato, nous nous sommes arrêtés dans une petite librairie-café, le regard fixé devant The complete Maus, d’Art Spiegelman, pen dant que la ville de ma promise – que m’a accessoirement piquée Tato… – se voyait à nouveau illuminée de mille feux meur triers, sans qu’elle ne puisse y changer quoi que ce soit, pendant qu’à Budapest, Orban nous balance des discours sur la pureté de la race ; qu’à Istanbul, Erdogan nous propose de nouveaux chantages pour échapper à ceux de Poutine ; qu’à Pékin, Xi Jinping nous prévient que Taïwan serait bientôt sienne ; qu’à Tunis, on attend plus que l’heure du chaos, ali mentée par un despote en devenir et une crise alimentaire annoncée ; qu’à Dakar ou Bamako, la politique victimaire envers la France bat son plein tout en deman dant que celle-ci l’assiste économique ment ; qu’à Kiev, déjà, on se rêve déjà de reprendre la Crimée et le Donbass, voire de s’emparer de la Transnistrie moldave, en quelques semaines ou mois, juste pour bouter les Russes hors de leurs bases.

OCÉANOGRAPHIECLITORIDIENNE

Nonobstant, il s’agit tout de même de « restaurer l’autorité comme valeur pre mière ». La liberté, l’égalité ou la fraternité, moi je veux bien, mais l’autorité ? Je vois d’ici poindre l’argument : sans autorité pas de liberté ni d’égalité, ni quoi que ce soit d’autre. Sans autorité tout fout le camp ma bonne dame. L’autorité des parents sur les enfants, l’autorité des enseignants sur les élèves, l’autorité des chefs d’éta blissement sur les enseignants, l’autorité de la loi… il est vrai, tout n’est qu’autorité. Un esprit mesquin aura tôt fait de brandir le taux de suroccupation des prisons de France pour arguer d’une autorité battue en brèche. Sans parler du petit Brandon qui doit copier cent fois « Je ne dois pas traiter de pute la mère à Jessyfer ». Voilà de l’eau pour le petit moulin d’Éric Ciotti. En attendant, Brandon copie ses lignes. D’où l’intérêt de bien définir ce dont on parle et ce dont on ne parle pas. Les termes du débat sont en effet à ce point faussés que qui n’est pas tenant de l’auto rité est partisan du laxisme. Ce qui réduit

Otorhité ? sur puma.com

J e n’ai aucune imagination et le temps pressait pour trouver un sujet. Militer pour une journée naturiste dans les piscines publiques ou bien la création d’un permis de chasse aux utilisateurs de trottinettes (trottiné tistes ? trottinettos ? trotteballes ?) n’est semble-t-il pas de saison. Fort heureuse ment, entre un cahier de coloriages pour adultes (c’est bon contre le stress), un recueil de blagues de Bigard et le dernier titre de Natacha Calestrémé, se trouvait sur ma table de chevet le livre d’un de nos grands hommes politiques, Éric Ciotti. Il s’agit d’Autorité (1) Titre sobre et imposant en même temps, plein d’une forte résolu tion et d’une mâle vigueur (avec le petit assent du sud en prime). Il est bon de voir réaffirmer haut et fort certaines vérités premières : « La France s’en sortira quand le politiquement correct qui a annihilé autorité, mérite et responsabilité aura cédé sous la volonté de tout un peuple de retrouver ses vraies valeurs ». Youpi ! « J’entends démontrer dans ce livre qu’il est possible d’en finir avec cette démis sion généralisée ». Chauffe Marcel, chauffe ! Tout cela énoncé par un « Élu de terrain déterminé qui assume ses convic tions » et qui veut « dire avec force que seul le manque de volonté politique est responsable du déclin français ». Et autres coquecigrues du même tonneau.

ÇAL’AUTORITÉ,S’AUTORISE

*TROP RAPIDE POUR LES AUTRES disponible

120 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

C’est la rentrée. Ça sent l’automne, le monoxyde de carbone et les crayons tout neufs. Chacun va s’affairer de nouveau dans sa petite routine, les uns trottinant pour s’agglutiner avec leurs camarades, les autres clopinant pour retrouver leurs collègues infects. Et tous vont demander, réclamer, espérer une chose qu’en même temps ils vont dénoncer, rejeter, vilipender. C’est amusant l’être humain, ça veut une chose et son contraire.

S ACTUALITÉ – LE PARTI-PRIS DE THIERRY JOBARD Thierry Jobard Pierre Lambert – DR

122 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver J beaucoup la marge de manœuvre et de réflexion. Pour commencer, l’autorité ce n’est pas la répression. Ce n’est pas non plus parce qu’elle est toujours suspectée d’abus (qui n’arrivent que trop fréquem ment) l’autoritarisme, ni la coercition. En un mot comme en cent, l’autorité ça s’au torise. On retiendra donc cette définition toute simple, celle du Larousse : « Pouvoir de décider ou de commander, d’impo ser ses volontés à autrui ». L’autorité ne se démontre donc pas, elle s’exerce. Ce n’est ni la force (même si elle peut y recou rir), ni la persuasion. Et toute autorité n’est pas un autoritarisme ; il existe des autorités douces. Quoi qu’il en soit, l’autorité n’existe que tant qu’elle est légitimée. Légitimée par quoi ? C’est toute la question. Ce discours sur la crise de l’autorité n’est pas une nouveauté. Il y a soixante ans déjà, Hannah Arendt en parlait.(2) Selon elle, si crise de l’autorité il y a, au point de parler d’« un effondrement plus ou moins général, plus ou moins dramatique, de toutes les autorités traditionnelles », la volonté de les restaurer est illusoire. En effet, l’entrée dans des sociétés de masse rend caduc le recours à la transcendance qui légitimait cette autorité. Celle-ci a une origine romaine, l’auctoritas. Et elle était clairement distinguée de la potestas, le pouvoir lui-même. L’auctoritas relevait du Sénat, qui émettait des conseils qu’il eût été mal avisé de ne pas suivre. Pas des ordres, ni des lois, des conseils… Ainsi que le résume plaisamment Cicéron : Cum potestas in populo, auctoritas in senatu sit (3) La légitimité implique donc la reconnaissance et l’implication de ceux sur lesquels elle s’exerce. Cette distinc tion entre auctoritas et potestas sera réactivée à la fin de l’Empire afin de dis socier le magistère moral de l’Église du pouvoir royal. Cette sorte de dyarchie tiendra plus de mille ans.

NOTRE AVENIR TIENT DANS UN AGENDA Arendt va plus loin cependant en écri vant : « En pratique aussi bien qu’en théo rie, nous ne sommes plus en mesure de savoir ce que l’autorité est réellement ». Ce qui ne ravira pas Éric Ciotti. Pourquoi cela ? D’une part parce que ce qui légi timait l’ auctoritas c’était la transcen dance que représentaient les valeurs morales fondatrices de la République romaine. Et donc une conception du temps selon laquelle plus on s’éloignait de cette origine, plus on décli nait. De là la nécessité du travail

« Quoi qu’il en soit, l’autorité n’existe que tant qu’elle est Légitiméelégitimée.par quoi ? C’est toute la question. »

Comme nous l’avons vu, c’est la recon naissance collective qui assure la péren nité de l’autorité. Mais si la société devient un agrégat d’individus vibrion nants, quid du fameux vivre ensemble ?

Il y a des explications à cela. Déjà la recomposition permanente des identités. Auparavant elles étaient définies au pré alable et une fois pour toutes. Le senti ment d’appartenance (à une famille, à un groupe, à une église ou à une entreprise) allait de soi. Tel n’est plus le cas. Se rat tache à cela une forme d’individualisme autoréférentiel promouvant une autono mie totale. Tout ce qui est dit ou pensé doit être respecté de la même façon, et remettre en cause une opinion, une orientation, une représentation revient à porter atteinte à la substance onto logique de l’individu. Ce qui ne favorise guère le débat d’idées. Et de surcroît, induit une remise en cause de l’autorité épistémique, de l’autorité intellectuelle.

On se crée des petits cercles, des petits groupes homogènes, on pratique l’inter relationnel, pas le collectif. L’allergie à l’autorité n’est telle que parce qu’elle est sans cesse rabattue sur l’autoritaire, héritage du vingtième siècle totalitaire. Or pour assumer une réelle autorité, c’est-à-dire une forme de pouvoir à la fois juste et mesuré, dans ce contexte déjà évoqué d’hypersensibilité, il faut un courage et une endurance que peu pos sèdent. Il n’est qu’à voir le nombre de bouquins de management qui paraissent chaque année pour comprendre que cela ne s’apprend ni ne se décrète. Ou bien on se réfugie derrière des normes, des procédures et des règles naturalisées.

Mais dans une société du changement perpétuel, de l’adaptation permanente, dans laquelle les crises deviennent des états habituels et la résilience une vertu cardinale, toute hiérarchie semble friable.

C’est la grosse tendance du moment ; tendance lâcheté.

Alors, morte l’autorité ? Ça se peut bien. Mais que reste-t-il alors ? Tout ce qu’elle n’est pas : violence, coercition, manipula tion, abus de pouvoir. C’est pas cool la vie. S (1) Autorité, Éric Ciotti, éditions du Moment. Hélas le livre est épuisé. (2) Hannah Arendt, Qu’est-ce que l’autorité, in La crise de la culture (3) « Le pouvoir réside dans le peuple, l’autorité appartient au Sénat », dans Contre Pison, IV (4) A lire et relire, ça stimule le sang. (5) #soutienauxprofs

permanent de perpétuation de la vertu. Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, notre paradigme était tout autre puisqu’orienté, lui, vers l’avenir. On appelait ça le progrès. Aujourd’hui notre avenir tient dans notre agenda. Pour résumer, le passé pour nous, c’est tout nul, et le futur, c’est tout moche. Nous sommes donc en panne de

124 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Histoiretranscendance.decorser encore un peu les choses, Arendt précisait : « La relation autoritaire entre celui qui commande et celui qui obéit ne repose ni sur une raison commune ni sur le pouvoir de celui qui commande : ce qu’ils ont en commun c’est la hiérarchie elle-même, dont chacun reconnaît la justesse et la légitimité, et où tous deux ont d’avance leur place fixée ». Hiérarchie, voilà un mot dissonant pour nos oreilles post modernes. Dans une version actualisée de son Dictionnaire des idées reçues(4), Flaubert écrirait sûrement : « Hiérarchie : tonner contre ». Car une société démocra tique, Tocqueville l’avait déjà vue, c’est une société des égaux. Et l’esprit français est ainsi fait que l’on préférerait être tous également pauvres plutôt que tolérer trop d’inégalités. C’est dire à quel point elle dure la longue patience du peuple. Dans l’entreprise par exemple, on ne parle plus de hiérarchie, ni de subordonnés, on parle de collaborateurs. Que personne ne s’af fole, ce n’est que de la graine vide pour appâter les niais. Le pouvoir est toujours là, seulement il n’est plus contrainte mais persuasion. En somme on lubrifie.

C’EST LA RECONNAISSANCE COLLECTIVE QUI ASSURE LA PÉRENNITÉ DE L’AUTORITÉ

Que tu n’entraves que couic à ton texte du bac de français après quatorze ans passés à l’école ne signifie pas que ledit texte soit naze, petit babouin, mais bien que tes capacités de compréhension de ta propre langue sont une honte pour la Création toute entière. Pour prendre un exemple récent et désormais récurrent.(5) Bref, tout devient discutable.

« Pour assumer une réelle autorité, c’est-à-dire une forme de pouvoir à la fois juste et mesuré, dans ce contexte queetild’hypersensibilité,(...)fautuncourageuneendurancepeupossèdent. »

126 S ACTUALITÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver S ACTUALITÉ – DESSIN DE PRESSE L’actuJak Krok' Retrouvez chaque semaine sur notre page Facebook le regard sur l’actualité de l’illustrateur Jak Umbdenstock !

OR NORME UN D’ÉTÉSOIRLe16juindernier, Or Norme a invité ses partenaires pour un dîner insolite organisé par La Casserole de Cédric Kuster. Une soirée inoubliable au bord de l’eau… Il existe à Strasbourg des personnes et des lieux hors-normes et nous sommes heureux de les avoir réunis un soir d’été. E SOCIÉTÉ — ÉVÉNEMENT OR NORME É V ÉNEMENTO R EMRON DR 128 E SOCIÉTÉ №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Russie, 2017. Mathieu Roussel est arrêté et incarcéré sous les yeux de sa fille. Expatrié français, il est victime d’un « kompromat », de faux documents compromettants utilisés par les services secrets russes pour nuire à un ennemi de l’État. Menacé d’une peine de prison à vie, il ne lui reste qu’une option : s’évader, et rejoindre la France par ses propres moyens… ... parce que ce thriller est haletant et parce que Gilles Lellouche y est étonnant… À Paris, Mia est prise dans un attentat dans une brasserie. Trois mois plus tard, alors qu’elle n’a toujours pas réussi à reprendre le cours de sa vie et qu’elle ne se rappelle l’événement que par bribes, Mia décide d’enquêter dans sa mémoire pour retrouver le chemin d’un bonheur possible. ... parce que le thème est très actuel et parce que ce film est joué merveilleusement… DU 7 SEPTEMBRE PARTIR DU 7 SEPTEMBRE De Jérôme Salle Avec Gilles Lellouche, Joanna Kulig, Michael Gor REVOIR PARIS De Alice Winocour Avec Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin №46 Septembre 2022 Se retrouver

À PARTIR

À

KOMPROMAT

Erika Chelly (avec les équipes de l’UGC Ciné-Cité Strasbourg Étoile) DR UNE VRAIE ENVIE DE VOIR…

PROFESSIONNELESPACESURLESCHAMPS-ÉLYSÉESPORTRAITDUMOIS/SCHMIDTGROUPEDepuis1934,lasagafamilialealsaciennehorsnormesahisséSchmidtGroupesurlapremièremarchedupodiumfrançaisetparmilesleadersmondiauxdelafabricationetladistributiondemeubles.ConçueaufildutempscommeunevéritableEntrepriseEtendue,SchmidtGroupeestaujourd’huiunécosystèmeuniqueensongenrequimaitrise100%delacréationdevaleurpourleclient,delaconceptionàlafabricationjusqu’àladistribution,dulocalàl’international…Dèssonorigine,legroupeagrandienconjuguantexcellenceindustrielleetcommercialeenbâtissantdesréseauxdeventescomposésdeconcessionnairespartenairesenmisantsurlaproximitéaveclesclients.Avecplusde1800personnesdanslemonde,SchmidtGroupeestavanttoutuneénergiehumaine!

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Chaque trimestre dans ces pages, nous vous parlons de l’essentiel de ce qui nous attend dans les salles pour les semaines à venir. Il faut retourner au cinéma (d’autant plus que la liste des films à l’affiche dans les semaines à venir est exceptionnelle), c’est important ! Merci à Laurence Algret et aux équipes de UGC Strasbourg a GRAND ECRAN

CULTURE – GRAND ÉCRANGRAND ECRAN GRAND ECRAN

Une mère célibataire et un homme marié deviennent amants. Engagés à ne se voir que pour le plaisir et à n’éprouver aucun sentiment amoureux, ils sont de plus en plus surpris par leur complicité… ... parce que cette comédie romantique est craquante...

SANS FILTRE De Ruben Ostlund

... parce que Kad Merad est au sommet de son talent et que ce film est sensible et intelligent…

Samir Amin est un écrivain comblé, Prix Nobel de littérature, qui vit à Paris, loin de son pays natal, l’Algérie. Il refuse systématiquement toutes les invitations qui lui sont faites. Jusqu’au jour où il décide d’accepter d’être fait « Citoyen d’honneur » de Sidi Mimoun, la petite ville où il est né. Mais est-ce vraiment une bonne idée que de revoir les habitants de cette ville, qui sont devenus, d’année en année, les personnages de ses différents romans ?

À PARTIR DU 14 SEPTEMBRE

Rachel a 40 ans, pas d’enfant. Elle aime sa vie : ses élèves du lycée, ses amis, ses ex, ses cours de guitare. En tombant amoureuse d’Ali, elle s’attache à Leila, sa fille de 4 ans. Elle la borde, la soigne, et l’aime comme la sienne. Mais aimer les enfants des autres, c’est un risque à prendre… ... parce que cette comédie dramatique est excellemment jouée et réalisée…

VOIR…VRAIEUNEENVIEDE

Avec Virginie Efira, Roschdy Zem, Victor Lefebvre

Après la Fashion Week, Carl et Yaya, couple de mannequins et influenceurs, sont invités sur un yacht pour une croisière de luxe. Tandis que l’équipage est aux petits soins avec les vacanciers, le capitaine refuse de sortir de sa cabine alors que le fameux dîner de gala approche. Les événements prennent une tournure inattendue et les rapports de force s’inversent lorsqu’une tempête se lève et met en danger le confort des passagers.  ... parce que c’est la Palme d’Or du dernier Festival de Cannes ! …

Avec Harris Dickson, Charlbi Dean Kriek, Woody Harrelson À PARTIR DU 14 SEPTEMBRE

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№46 — Septembre 2022 — Se retrouver132 a GRAND ÉCRAN

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LESDESENFANTSAUTRES

À PARTIR DU 14 SEPTEMBRE

À PARTIR DU 14 SEPTEMBRE CITOYEN D’HONNEUR De Mohamed Hamidi Avec Kad Merad, Fatsah Bouyahmed, Oulaya Amamra CHRONIQUE D’UNE LIAISON PASSAGÈRE De Emmanuel Mouret Avec Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne, Georgia Scalliet

Avec Pierre Deladonchamps, Camélia Jordana, Thomas Mustin

À PARTIR DU 5 OCTOBRE

Une plongée au cœur de l’AntiTerrorisme pendant les 5 jours d’enquête qui ont suivi les attentats du 13 novembre. ... parce que ce n’est pas si souvent que le cinéma français revient aussi vite sur une actualité brûlante…

Avec Elsa Zylberstein, Rebecca Marder, Élodie Bouchez À PARTIR DU 26 OCTOBRE

NOVEMBRE De Cédric Jienez Avec Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Sandrine Kiberlain №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Le destin de Simone Veil, son enfance, ses combats politiques, ses tragédies. Le portrait épique et intime d’une femme au parcours hors du commun qui a bousculé son époque en défendant un message humaniste toujours d’une brûlante actualité. ... parce que la vie de Simone Veil et ses engagements méritaient bien un tel hommage…

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Sandra, jeune mère qui élève seule sa fille, rend souvent visite à son père malade, Georg. Alors qu’elle s’engage avec sa famille dans un parcours du combattant pour le faire soigner, Sandra fait la rencontre de Clément, un ami perdu de vue depuis longtemps... ... parce que c’est sensible, superbement réalisé et que les trois acteurs principaux y sont remarquables…

SIMONE, LE VOYAGE DU SIÈCLE De Olivier Dahan

Comment surmonter une tragédie sans sombrer dans la haine et le désespoir ? L’histoire vraie d’Antoine Leiris, qui a perdu Hélène, sa femme bien-aimée, pendant les attentats du Bataclan à Paris, nous montre une voie possible : à la haine des terroristes, Antoine oppose l’amour qu’il porte à son jeune fils et à sa femme disparue. ... parce que si vous avez aimé le livre éponyme de Antoine Leiris, vous adorerez son adaptation cinématographique…

Avec Léa Seydoux, Pascal Greggory, Melvil Poupaud À PARTIR DU 5 OCTOBRE

1KÉVÉNEMENT

On danse avec La Clandestine Portes ouvertes du19 septembreau2 octobre33avenueduMaréchal-Lefèbvre–StrasbourgTramLigneA,arrêtLycéeCouffignal lunamokaschool.com

On a tous 1000d’aimerraisons l’Als ce ! etL’excellencel’attractivité,çalebooste! Ambassadeurswww.alsace.comd’Alsace BUSINESSDDICTEDALS’DE Wilfried, C' est décidé à la rentrée, on remue son popotin, on sue, on réveille son corps, on reprend confiance en soi, dans l’atypique école de danse La Clandestine. Créée en 2017 par l’ar tiste burlesque Luna Moka, première en son genre dans le Grand Est, La Clandestine s’est installée dans une ancienne usine de réparation d’avions durant la Seconde guerre mondiale de la Meinau sur 250 m2. Ici, on oublie tous ses complexes et on se libère entre French Cancan, effeuillage burlesque, comédie musicale ou diva dance. 2022 marque un retour à la normale pour l’école malmenée par la crise pour notre plus grand plaisir. Tentée ? On profite des portes ouvertes du 19 septembre au 2 octobre en soirée pour s’essayer aux différentes disciplines. Claquettes, swing tonic fitness ? Ou pourquoi pas la Fabrik process, nouveauté de la rentrée alliant vocalises, danse et jeux scéniques pour un retour à soi et à ses émotions qui devraient faire le job dans le tumulte de la rentrée. a a CULTURE – SÉLECTIONSPECTACLES LIVRESFESTIVAL, ETC.GALERIES,

Barbara Romero – Véronique Leblanc – Benjamin Thomas DR 136 a SÉLECTION №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Chaque trimestre, la rédaction de Or Norme a lu, écouté, sélectioncel'essentielvisionnédequ'onluifaitparvenir.Cettefaitlapartbelleàsescoupsdecœur...

A près avoir investi plusieurs lieux strasbourgeois dont la COOP du Port du Rhin, L’Ososphère 2022 revient au Quartier Laiterie du 23 sep tembre au 2 octobre. Retour aux sources ? « Plutôt retour en spirale », répond Thierry Danet, passionné et passionnant directeur de ce festival « en milieu habité ». La relation avec le voisinage est « fon damentale », poursuit-il en évoquant les « conversations » qui émailleront cette « fête totale » afin de s’interroger ensemble sur les dynamiques de transition urbaine et de le faire à partir de ce quartier Laiterie investi à mille % par L’Osophère.

« Il s’agit de faire de la ville dans la ville », poursuit Thierry Danet, « de la voir non pas comme un terrain de jeux mais d’en jeux » en l’abordant par le biais du sen sible et de l’art.

Deux nuits, quatre dance floor et la ville à ciel ouvert lanceront L’Ososphère 2022.

L’OSOSPHÈRE Fête totale

Créé il y a presque 20 ans, L’Ososphère a pour clé le numérique et ses possibles, tout aussi inéluctables que mystérieux. « Nous avons besoin des artistes pour nous donner des moyens de perception et des clés de mise en cause », explique Thierry Danet en annonçant pas moins d’une trentaine d’œuvres d’art numé riques et hybrides. Toujours sensibles, elles formeront un « récit choral sur nos questionnements » exploré dans les « labs » d’Artefact et l’indispensable « café conversatoire », espace éphémère en accès libre où public, artistes mais aussi acteurs des milieux culturels et institu tionnels du territoire peuvent se croiser pour échanger. Et parce que vivre la ville ensemble c’est aussi faire la fête, deux Nuits élec troniques affirmeront un «  right to the party retrouvé et revendiqué » dans un quartier Laiterie mis en mouvement.

Avec en concert d’ouverture, Meute, singu lier ensemble de cuivres et de percussions qui secouera le festival entre musique de fanfare et techno hypnotique. a www.ososphere.org

2KÉVÉNEMENT 138 a SÉLECTION №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

C’ est cette villa qui est comme le personnage principal du livre. L’ambiance y est d’abord paisible, c’est le temps d’une forme d’insouciance au rythme des saisons de cette vallée de la Bruche des premières décennies du xxe siècle où la nature rythme les vies. À la villa comme ailleurs… Puis soudain, c’est le basculement dans une violence insoutenable, celle des hommes. La villa est choisie pour devenir la résidence du commandant du camp du Struthof. C’est évidemment là le domaine où excelle Frédérique NeauDufour, cette historienne qui a dirigé le Centre européen du résistant déporté, près du seul camp de concentration présent sur le sol français, le sinistre Natzweiler-Struthof…

FORMAT(S)

La villa des Genêts d’or Frédérique Neau-Dufour

3K4K LIVRESFESTIVAL 140 a SÉLECTION №46 — Septembre 2022 — Se retrouver

Le design graphique fait l’événement

PALAIS DE LA MUSIQUE ET DES CONGRÈS PARC DES EXPOSITIONS Votre événementaucœur de la ville ! Nous contacter : +33 (0)3 88 37 67 67 CAPITALTHEEXPERIENCEstrasbourg-events.comcommercial@strasbourg-events.comEUROPEAN NOUVEAU PARC DES EXPOSITIONS LavilladesGenêtsd’or FrédériqueNeau-DufourÀparaîtreenseptembreauxÉditonsLaNuéeBleueÀdécouvrirdu6octobreau20novembreDétaildeslieuxetévénementsur www.formats-festival.org

Comment peut-on aujourd’hui continuer à sensibiliser les jeunes générations sur les tragédies qui se sont produites durant les années de plomb du xxe siècle ? Peut-être grâce à des fictions étroitement basées sur la stricte réalité histo rique. Évidemment, pour cela, il faut des historiens exemplaires : Frédérique Neau-Dufour en est, et cela fait tout le sel de ce livre captivant de bout en bout, qui ourle l’histoire tragique de destins humains essentiels… Frédérique NeauDufour fait partie du programme des Bibliothèques idéales en septembre. a E nfin, oserait-on dire… Enfin, le design graphique devient la thématique unique d’un grand événement, au même titre que le festival dédié depuis douze ans à l’illustration. C’est d’ailleurs Central Vapeur qui préside aux destinées de FORMAT(S) et qui a demandé à l’équipe de Cercle Studio (oui, ceux-là mêmes qui réalise depuis deux ans la superbe mise en page de Or Norme) de formaliser ce projet avec Christelle Dion, Hugo Feist (Horstaxe) et Sébastien Poilvert dont l’objectif est de présenter la diversité du design graphique et ses différents « formats » : imprimés, numé riques, typographiques, codage ou vidéo à travers des exemples divers de productions récentes ou plus anciennes. Il s’agit de défendre une approche contemporaine du design graphique et de mettre l’accent sur son accessibilité et sa présence ainsi que d’en valoriser les pratiques afin d’ac quérir une reconnaissance, un développement et un rayonne ment au-delà des frontières territoriales. a

*Consacrer sa vie à la vérité.

Michel Weckel, auteur de Ces protestants alsaciens qui ont acclamé Hitler – Enquête sur les secrets de famille du réseau luthérien Éditions La Nuée Bleue Nicolas Rosès L e silence est un poison. Ses répercussions dans les destinées individuelles et collectives sont souvent tragiques. En ne mettant pas en mots ce qui le tourmente, l’être humain vit sa vie sans la vivre vraiment, répétant des comportements dans lesquels il est agi plus qu’il n’agit. Névroses, inhibitions, angoisses, répétition de ses échecs amoureux ou professionnels, dépressions, ou même accident s’avèrent souvent être la conséquence de ce qui n’a jamais été symbolisé, c’est-à-dire nommé. Le silence génère malaise de l’esprit et haine de soi. Mettre des mots sur les secrets enfouis du passé suppose le désir de le faire. Certains s’attellent à cette tâche, d’autres ne le feront jamais et en pâtirons, d’une manière ou d’une autre, toute leur vie. Ceux qui choisissent de parler le font parce que c’est vital. Ils comprennent que la souffrance momentanée de parler est préférable à celle générée par le mutisme. De la libération de la parole il résulte une renaissance. En élucidant le passé, en affrontant les secrets et les malédictions de l’histoire, et en assumant les conflictualités et les incompréhensions qui peuvent en résulter, c’est le futur que l’on éclaire. La vérité engendre la vérité. Sur ce chemin un apaisement et une liberté de vivre inédite adviennent.

143a OR CHAMP

Il y a eu, certes, la tragédie de l’incorporation de force et des « Malgré-Nous », mais il y a eu tout le reste, dont il a toujours été si inconvenant de parler : les proallemands fanatiques, les fachos, les collabos. Malgré tout ce qui a été publié, bien des aspects de son histoire restent à défricher. Les entreprises locales, par exemple. Lesquelles ont participé à la construction et au fonctionnement du Struthof ? Lesquelles ont participé à la démolition de la synagogue consistoriale du quai Kléber à Strasbourg ? Qui a récupéré les pierres et en a fait commerce ? Le temps est venu pour aller plus loin et pour parler encore. C’est le moment opportun. Si nous ne le faisons pas, la conscience de cette histoire, entre ignorance et indifférence, sera aspirée dans le gouffre de l’oubli. Et l’ombre portée du malaise continuera de nous empoisonner… a

En m’attaquant à l’histoire occultée de la compromission d’une partie des luthériens alsaciens avec le nazisme, je ne m’attendais pas à recevoir autant de retours positifs. Mon livre, me disent certains, a mis en perspective leur histoire familiale. Ils comprennent mieux ce qui s’est déroulé et me sont reconnaissants d’avoir levé le voile. L’Alsace est traditionnellement une terre de secrets. Le folklore des géraniums et des cigognes a bon dos. Derrière ses façades proprettes, empêtrée dans ses difficultés linguistiques, elle a toujours eu du mal à parler. Au regard de son histoire complexe, elle s’est drapée dans la victimisation.

VITAM IMPENDERE VERO* OR CHAMP Par Michel Weckel

Devise de Juvénal, reprise par Jean-Jacques Rousseau.

144 №46 — Septembre 2022 — Se retrouver Publicité Régis Piétronave 23 publicité@ornorme.fr Directrice Projet Lisa Haller 24 Or Norme Strasbourg est une publication éditée par Ornormedias 2 rue du maire Kuss 67000 Contact :Strasbourgcontact@ornorme.fr Ce numéro de Or Norme a été tiré à 15 000 exemplaires Dépôt légal : à parution N°ISSN : 2272-9461 Site web : www.ornorme.fr Suivez-nous sur les réseaux sociaux ! Facebook, Instagram, Twitter & Linkedin Directeur de la publication  Patrick Adler 1 patrick@adler.fr Directeur de la rédaction Jean-Luc Fournier 2 jlf@ornorme.fr Rédaction Alain Ancian 3 Eleina Angelowski 4 Isabelle Baladine Howald 5 Erika Chelly 6 Marine Dumeny 7 Jean-Luc Fournier 2 Jaja 8 Thierry Jobard 9 Véronique Leblanc 10 Aurélien Montinari 11 Jessica Ouellet 12 Barbara Romero 13 Benjamin Thomas 14 redaction@ornorme.fr SEPTEMBRE 2022 №46Photographie Franck Disegni 15 Sophie Dupressoir 16 Alban Hefti 17 Yann AbdesslamLevy Mirdass 18 Vincent Muller 19 Caroline Paulus 20 Nicolas Rosès 21 Marc Swierkowski 22 Direction artistique et mise en page Cercle Studio Typographie GT America par Grilli Type Freight Pro par Joshua Darden Impression Imprimé en CE 5 1 2 3 4 6 9 7 10 11 8 12 1314 23 20 24 22 15 16 17 18 19 21 Couverture  Paul Lannes Portraits de l'équipe Illustrations par Paul Lannes www.paul-lannes.com OURS

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