Abysses ABYSSES PHOTOVOLTAĂQUE Lamya Essemlali, prĂ©sidente de Sea Shepherd France «âPaul Watson est tombĂ© dans un guet-apensâŠâ» MUSĂE DâORSAY Les Family ties de Tina Barney MUSĂE DU JEU DE PAUME CERTAINS NE JURENT QUE PAULE, JACQUES... POP FOREVERâ: Welcome back, Tom ! FONDATION LOUIS VUITTON Le trompe-lâĆilâ: quand lâart illusionne⊠Matisse. Invitation au voyageâ: la quĂȘte de la lumiĂšre⊠Le Rendez-vous Expos (sans) TGV, Ă Strasbourgâ! ESPACE APOLLONIA â STRASBOURG ILLUSTRATION ENFANTIMAGESâ! UNE PREMIĂRE EN FRANCE LE MAMCS DONNE LE MODE DâEMPLOI DES ĆUVRES Ă PROTOCOLE UN LEADER de lâenveloppe du bĂątiment DIFFUSE POUR LâAMOUR DU CIEL JĂRĂMY GONĂALVES LE JOUR OĂ⊠ALBERT KAHN A ARCHIVĂ LE MONDE BREf, GEWURZ LE DESTIN HORS NORMES DE LOUIS HENRI BOJANUS HAPPY APOCALYPSE UNE CATHARSIS TRĂS ĂNERGIQUE DE NOS PEURS 1971 LA REVANCHE DES CLAVIERS ROCK Incursion en pays Chadkhanite «âMarry me, Estherâ» SâENGAGER EST ESSENTIEL. CMSI Entre mĂ©decine de ville et urgences hospitaliĂšres Jean-Christophe Pasqua Les nouveaux chapitres «âCette cohabitation, câest comme dans la sociĂ©tĂ©, il y a des accrochages, des disputes mais avec toujours un lieu oĂč on va se rĂ©concilier, la salle Ă manger.â» Chacal dorĂ© Un grand explorateur en Alsace Smith Fleurette Le sac de trek strasbourgeois ultra-fonctionnel Tout penche, sauf lui MoiJaja⊠MARI IN BORDERLAND LâintemporalitĂ© dâune Ăąme Splendeur et misĂšre de lâempathie est instrumentalisĂ©e par les cadrages politiques, culturels et mĂ©diatiques, et est traversĂ©e par les dynamiques de domination que ceux-ci imposent. MUSIQUE KING CRIMSON Red LA SOUFFRANCE DANS LA COUR DE RĂCRĂ ET SUR LES RĂSEAUX ENJEU DE SANTĂ PUBLIQUE ON SE MET AU DRY JANUARY LOCALâ? CHRISTOPHE ANDRĂ Ă V ĂNEMENTO R EMRON SPECTACLES FESTIVAL, LIVRES GALERIES, ETC. 1KLIVRES / LE SENS ET LA HAUTEUR DE VOS PROJETS 1K LIVRES DFeuillets complices HAmerican Horror Stories John Carpenter 1K LIVRES 2K FILM Ă LA RENCONTRE DE LâHOMO MEDICUS, UN LIVRE QUI DONNE ACCĂS Ă LâHUMANITĂ â55 ABONNEMENT NOS DERNIERS NUMĂROS POUR NOUS, VOTRE SANTĂ LE MAGAZINE
DâUN AUTRE REGARD SUR STRASBOURG
c GRAND ENTRETIEN
Lamya Essemlali
«âPaul Watson est tombĂ© dans un guet-apensâŠâ»
Page 6
b DOSSIER
Expos TGV
Paris Ă©tincelle de mille feux et pour longtemps encore... Page 16
â55 DĂCEMBRE 2024 ABYSSES
S PORTFOLIO
Jérémy Gonçalves
Sous lâhorizon Page 64
Abysses E SOCIĂTĂ
HarcÚlement scolaire un enjeu de santé publique Page 112
ABYSSES Par Patrick Adler â Directeur de la Publication
«âQuiconque lutte contre des monstres devrait prendre garde, dans le combat, Ă ne pas devenir monstre lui-mĂȘme. Et quant Ă celui qui scrute le fond de lâabysse, lâabysse le scrute Ă son tour.â» Par-delĂ le Bien et le Mal Friedrich Nietzsche, philosophe (1844-1900)
es abysses sont des fonds ocĂ©aniques si profonds que la lumiĂšre nây parvient pasâ; lâorigine du mot est le grec abussos qui signifie «âsans fondâ».
LDans lâAntiquitĂ©, les Grecs, qui avaient moins la connaissance scientifique des fonds marins que nous la possĂ©dons aujourdâhui, avaient donc lâintuition de profondeurs insondables, ce qui signifie aussi quâelles sont difficiles ou impossibles Ă mesurer, Ă expliquer.
Vous lâaurez compris, si nous avons choisi ce titre pour le numĂ©ro 55 dâOr Norme câest bien sĂ»r pour illustrer la magnifique couverture de JĂ©rĂ©my Gonçalves (Ă qui nous consacrons Ă©galement un trĂšs beau portfolio en page 64), mais Ă©galement pour rendre hommage au combat pour la sauvegarde des baleines de Paul Watson et de Sea Shepherd dont sa prĂ©sidente France, Lamya Essemlali nous dit tout dans le grand entretien quelle nous a accordĂ© (page 6). Mais pas que...
En effet, les abysses nous renvoient aussi Ă cette atmosphĂšre si dĂ©lĂ©tĂšre que tout un chacun peut percevoir de la situation actuelle du monde, mais pareillement de notre environnement proche, en France, et Ă Strasbourg mĂȘme, qui nâa aucune raison de faire exception au climat ambiant.
Ainsi va le monde et câest pourquoi il faut lire la chronique de Maria Pototskaya (page 106) qui nous rappelle, comme Ă chaque numĂ©ro depuis des mois, que son Ukraine «âa lâintemporalitĂ© dâune Ăąme dont la voix (...) nâentend pas, tout comme en son temps lâAlsace (...) cĂ©der sous le bruit de bottes dâun homme du passĂ©.â»
Et lire aussi lâarticle de Barbara Romero sur le harcĂšlement scolaire, et la souffrance dans les cours de rĂ©crĂ© et sur les rĂ©seaux, dont lâexplosion chez les plus jeunes crĂ©e un espace social oĂč «âtout se mĂ©lange, la politique, la libertĂ©, le genre, les religions... Ătre un jeune aujourdâhui est terrifiant...â»
Alors bien sĂ»r, Ă la veille des fĂȘtes de fin dâannĂ©e, il nous reste lâart et la culture pour, non seulement espĂ©rer un monde plus beau (quel beau dossier expos TGV Ă partir de la page 16, par Jean-Luc Fournier), mais surtout pour nous inciter Ă ne pas accepter, Ă ne jamais accepter, la fatalitĂ© dâune situation, en prenant conscience que chacun dâentre nous a le pouvoir de changer la sienne, et quâĂ plusieurs nous pouvons la changer pour le monde qui nous entoure.
Comme la baleine qui remonte des abysses, il nous appartient de retrouver le chemin vers la lumiĂšre.
Les illuminations et lâEsprit de NoĂ«l nous guideront peut-ĂȘtre, et câest avec la conviction que tout peut changer que toute lâĂ©quipe dâOr Norme vous remercie pour votre fidĂ©litĂ© (qui nous permettra lâan prochain de fĂȘter nos 15 ans dâexistenceâ!), et vous souhaite de trĂšs belles fĂȘtes de fin dâannĂ©e.
b Grand entretien
Lamya Essemlali, Sea Shepherd
06-15
«âSâil venait Ă ĂȘtre extradĂ©, on ne le reverrait pas vivant.â» S ActualitĂ©s 86 Marry me, Esther Incursion en pays Chadkhanite
90 CMSI Entre médecine de ville et urgences
92 Jean-Christophe Pasqua
Roman sportif
96 Le chacal doré
Grand explorateur en Alsace
100 Outdoor Smith Fleurette
102 Moi, Jaja... Tout penche, sauf lui
106 Mari in Wonderland
LâintemporalitĂ© dâune Ăąme
108 Le parti-pris de Thierry Jobard Splendeur et misĂšre de lâempathie
a Portfolio 64 JĂ©rĂ©my Gonçalves Sous lâhorizon
DĂCEMBREÂ 2024
a Dossier Expos TGV
16-51
18 MusĂ©e dâOrsay Caillebotte, peindre les hommes
24 Bourse de Commerce Arte poveraâ: ni un style, ni une Ă©cole
30 Musée du Jeu de Paume Tina Barney
34 Fondation Louis Vuitton Tom Wesselmann (â)
38 MusĂ©e Marmottan Monet Le trompe-lâĆil
42 Fondation Beyeler Matisse
48 Espace Apollonia FrantiĆĄek Zvardon
E Société 114 HarcÚlement scolaire
Un enjeu de santé publique
118 Dry January En local
122 Les événements Or Norme
a Culture 52 Illustrations Enfantimages ( )
56Â MAMCS
mode dâemploi, suivre les instructions de lâartiste
60 Diffuse Pour lâamour du ciel
74Â Le jour oĂč
Albert Kahn a archivé le monde
78 Le Destin Hors Normes de Louis Henri Bojanus
82 Point dâeau Happy Apocalypse
84Â 1971 La revanche des claviers rock
112Â Musique King Crimson
124 SĂ©lection Concert, livres...
Q Or Champ 130 Claudia Siegwald Ă la rencontre de lâHomo Medicus
PHOTOVOLTAĂQUE PHOTOVOLTAĂQUE Votre installation 6 kWc Ă partir de .05 ⏠/ mois* 120 Votre installation 6 kWc Ă partir de .05 ⏠/ mois* 120
(hors assurance facultative), sur 180 mois.
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03 88 20 70 75
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Exemple pour un crĂ©dit dâun montant de 15 000 âŹ, remboursable en 180 mensualitĂ©s de 120.05 ⏠(hors assurance facultative). TAEG fixe : 4.98 %. Montant total dĂ» par lâemprunteur : 21 608.13 âŹ. Un crĂ©dit vous engage et doit ĂȘtre remboursĂ©. VĂ©rifiez vos capacitĂ©s de remboursement avant de vous engager.
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* Exemple de financement (hors assurance facultative) : pour lâachat dâune installation photovoltaĂŻque de 6 kWc, modules garantis 25 ans au prix de 15000 âŹ, sans apport, remboursable en 180 mensualitĂ©s de 120.05 ⏠(hors assurance facultative). Taux annuel effectif global (TAEG) fixe : 4.98 %. Taux dĂ©biteur fixe : 4.88 %. Perceptions forfaitaires : 0 âŹ. CoĂ»t total du crĂ©dit : 6608.13 âŹ. Montant total dĂ» par lâemprunteur : 21608.13 âŹ. 1Ăšre Ă©chĂ©ance Ă 180 jours. DurĂ©e effective du crĂ©dit : 185 mois. Vous disposez dâun droit de rĂ©tractation. Taux Annuel Effectif de lâAssurance (TAEA) pour un assurĂ© (hors surprimes Ă©ventuelles) couvert Ă 100 % sur la base de la couverture CONFORT (incluant les garanties DĂ©cĂšs, Perte Totale et IrrĂ©versible dâAutonomie et IncapacitĂ© Temporaire Totale de travail) du contrat « Mon Assurance de personnes » n°5035 : 2.85 % soit un coĂ»t mensuel de lâassurance de 24.00 ⏠en sus de la mensualitĂ© indiquĂ©e plus haut et inclus dans lâĂ©chĂ©ance de remboursement. Le coĂ»t total de lâassurance sur toute la durĂ©e du prĂȘt sâĂ©lĂšve Ă 4320 âŹ. Contrat dâassurance facultative de groupe des emprunteurs « Mon Assurance de personnes » n° 5035 souscrit par FINANCO auprĂšs des sociĂ©tĂ©s SURAVENIR et SURAVENIR ASSURANCES, entreprises rĂ©gies par le Code des assurances. Offre rĂ©servĂ©e Ă des crĂ©dits dâun montant minimum de 1000 ⏠et maximum de 75000 ⏠et dont la durĂ©e de remboursement varie de 12 mois Ă 180 mois. Le TAEG fixe varie de 4.98 % Ă 6.45 % en fonction du montant empruntĂ© et de la durĂ©e du crĂ©dit. Offre valable du 01/03/2024 au 31/12/2024. Sous rĂ©serve dâacceptation par FINANCO â SiĂšge social : 335 rue Antoine de Saint-ExupĂ©ry â 29490 GUIPAVAS. SA Ă Directoire et Conseil de surveillance au capital de 210 000 000 ⏠- RCS BREST B 338 138 795. SociĂ©tĂ© de courtage dâassurances, n°ORIAS 07 019 193 (vĂ©rifiable sur www.orias.fr). Cette publicitĂ© est conçue et diffusĂ©e par ĂS Energies Strasbourg sous la marque Planigy par ĂS, SociĂ©tĂ© Anonyme au capital de 6 472 800 âŹ, immatriculĂ©e au Registre du Commerce et des SociĂ©tĂ©s de Strasbourg, sous le numĂ©ro 501 193 171 et dont le siĂšge social est situĂ© au 37 rue du marais Vert 67932 Strasbourg cedex 9, agissant en qualitĂ© dâintermĂ©diaire en opĂ©rations de banque et service de paiement de Financo immatriculĂ© Ă lâORIAS en tant que mandataire non exclusif sous le N°09049279 (en cours dâinscription). Cet intermĂ©diaire apporte son concours Ă la rĂ©alisation dâopĂ©rations de crĂ©dit Ă la consommation sans agir en qualitĂ© de PrĂȘteur.
Document publicitaire dépourvu de valeur contractuelle.
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Lamya Essemlali, prĂ©sidente de Sea Shepherd France «âPaul Watson est tombĂ© dans un guet-apensâŠâ» Lamya Essemlali, prĂ©sidente de Sea Shepherd France, est une trĂšs proche de Paul Watson, le fondateur de la cĂ©lĂšbre association humanitaire qui pourchasse les navires-usines japonais qui chassent illĂ©galement la baleine sur tous les ocĂ©ans du monde. Alors que le Captain est incarcĂ©rĂ© depuis juillet dernier au Groenland, Lamya Essemlali vit Ă ses cĂŽtĂ©s et nous raconte leur combat commun contre lâinjustice et mĂȘme lâarbitraire, un combat qui a Ă©galement pour enjeu la survie de Paul Watson. Un grand entretien exclusif et passionnantâŠ
Avant que nous Ă©voquions la terrible actualitĂ© qui affecte Paul Watson, parlons un peu de vous. Comment en ĂȘtesvous arrivĂ©e Ă devenir co-fondatrice de Sea Shepherd Franceâ? Celles et ceux qui vous connaissent bien disent tous quâil y a eu un fort engagement de votre part, et depuis longtempsâŠ
Jâai rencontrĂ© Paul Watson en janvier 2005, alors quâil Ă©tait de passage Ă Paris. Cette rencontre a Ă©tĂ© un fort point de dĂ©part, puisque je me suis complĂštement retrouvĂ©e dans son discours, et dans son mode dâaction Ă©galement. Mon intention Ă©tait de trĂšs vite rejoindre les bateaux de Sea Shepherd. Au moment de cette rencontre, jâavais repris mes Ă©tudes en master en sciences de lâenvironnement parce que jâavais envie de mâengager dans la protection de la planĂšte.
Vous aviez quel Ăąge en 2005â? Quelles Ă©taient vos originesâ?
Je suis nĂ©e et jâai grandi en banlieue parisienne. Jâai fait des Ă©tudes assez classiques puis, aprĂšs le bac, jâai fait une Ă©cole de marketing. Je me suis assez vite rendue compte que ce nâĂ©tait pas ce qui me motivait, ce nâĂ©tait pas lĂ que je mâĂ©panouirais. Donc je me suis complĂštement rĂ©orientĂ©e et Ă 24 ans, jâai dĂ©cidĂ© de reprendre des Ă©tudes pour travailler dans le domaine de la protection de la planĂšte, globalement ça me faisait vibrer⊠JâĂ©tais dĂ©jĂ militante, jâavais fait un peu de bĂ©nĂ©volat et jâavais levĂ© des fonds pour quelques organisations, sans pour autant me sentir tout Ă fait Ă ma place, câĂ©tait Ă dĂ©faut dâautres choses on va dire⊠En revanche, quand jâai rencontrĂ© Paul et que jâai dĂ©couvert lâexistence de Sea Shepherd, lĂ je me suis complĂštement retrouvĂ©e en accord profond avec Ă la fois la philosophie
«âLâobjectif Ă©tait de trouver le Nisshin Maru, le navire-usine qui Ă©tait la piĂšce maĂźtresse de la flotte baleiniĂšre japonaise.â» et le mode dâaction de lâorganisation. Au moment de cette rencontre, Paul Ă©tait de passage Ă Paris, il avait un peu de temps, câĂ©tait un dimanche et il avait organisĂ© une petite confĂ©rence avec un public dâĂ peine une trentaine de personnes, car il nâĂ©tait pas encore trĂšs connu en France. Je me souviens quâil nâavait mĂȘme pas dâinterprĂšte. Jâai eu envie de rejoindre immĂ©diatement ce mouvement-lĂ . Je le lui ai dit et il mâa posĂ© la question quâil posait systĂ©matiquement Ă lâĂ©poque Ă tous ceux qui voulaient rejoindre les bateauxâ: est-ce que tu es prĂȘte Ă risquer ta vie pour une baleineâ? Jâai affirmĂ© que oui et ce fut un moment trĂšs Ă©tonnant pour moi. Cette rĂ©ponse spontanĂ©e sâest comme imposĂ©e Ă moi en dĂ©pit du fait que je nâavais jamais vu de baleine de ma vie Ă cette Ă©poque-lĂ . Il mâa rĂ©ponduâ: bon, si câest le cas, alors postule, et on se reverra sur un bateau. Quelques mois plus tard, je suis arrivĂ©e en Floride pour rejoindre le bateau qui a commencĂ© une premiĂšre mission aux Galapagos, oĂč jâai passĂ© tout lâĂ©tĂ©Â 2005. Et quand je suis rentrĂ©e en France en septembre, je suis retournĂ©e Ă la fac, mais lâhiver suivant, donc en dĂ©cembre, il y avait la mission contre la chasse baleiniĂšre en Antarctique. Jâai prĂ©venu tous mes profs Ă lâĂ©poque que je ne serai pas prĂ©sente pour les partiels de dĂ©cembre parce que jâallais en Antarctique pour sauver des baleines. Ils ont tous Ă©tĂ© trĂšs coopĂ©ratifs, hyper fiers quâune de leurs Ă©lĂšves fasse ça. Et jâai pu vivre cette premiĂšre mission-lĂ en AntarctiqueâŠ
Comment sâest passĂ©e cette premiĂšre missionâ? Vous avez fait quoi concrĂštementâ?
Lâobjectif Ă©tait de trouver le Nisshin Maru, le navire-usine qui Ă©tait la piĂšce maĂźtresse de la flotte baleiniĂšre japonaise, un ancien chalutier de 8â000 tonnes, assez colossal, qui avait Ă©tĂ© converti en navire-usine. La flotte baleiniĂšre, câĂ©tait un navire spotter, câest-Ă dire un navire qui part repĂ©rer les baleines, et deux navires-harponneurs qui sont ensuite chargĂ©s de les harponner et de les ramener sur le Nisshin Maru, Ă bord duquel les baleines seront hissĂ©es, dĂ©coupĂ©es, congelĂ©es, puis stockĂ©es. Et donc pour nous, lâobjectif Ă©tait de maniĂšre prioritaire de trouver le navire-usine et de bloquer en fait le passage des baleines par la rampe arriĂšre, car Ă partir du moment oĂč on bloque cette opĂ©ration prĂ©cise, on paralyse lâensemble de lâopĂ©ration de chasse puisquâil ne sert alors plus Ă rien pour les harponneurs dâaller tuer des baleines si leurs collĂšgues ne sont plus en mesure de les dĂ©couper et les congeler trĂšs rapidement, car la viande de baleine devient trĂšs vite impropre Ă la consommation. Nous touchions lĂ au tendon dâAchille de la flotte baleiniĂšre japonaise et donc, notre prioritĂ©
«âQuand on dit quâon est prĂȘt Ă risquer notre vie pour sauver des baleines, ce nâest pas juste un slogan, câest bien rĂ©el.â» Ă©tait de trouver ce bateau-lĂ . Câest ce que lâon a fait aprĂšs lâavoir cherchĂ© pendant plusieurs semaines, on a fini par le dĂ©nicher et par lui barrer la route. Pour moi câĂ©tait le premier moment trĂšs concret quant Ă la prise de risque. Le jour oĂč on le trouve est un jour de forte tempĂȘte il y a une houle de dix mĂštres de haut et Paul nous ditâ: «âbon, on se met devant lui, on lui barre la route et on ne bouge pasâ!â» Câest ce que lâon fait. Du coup, le Nisshin Maru Ă©tait en train de nous foncer dessusâ: on est au bout du monde, il nây a personne pour nous secourir ou pour nous aider au milieu de cette houle, Ă bord de notre bateau qui fait 700 tonnes et qui est dix fois plus petit que le navire-usine⊠En fait, notre bateau nâĂ©tait quâune simple coquille de noix en comparaison avec le Nisshin Maru. Notre premier officier nous explique que, quand il y aura la collision, trĂšs certainement, notre bateau sera coupĂ© en deux et coulera Ă pic. On a tous nos combinaisons de survie, mais on sait bien que, de toute façon, on ne va pas tenir bien longtemps dans lâeau glacĂ©e avec ça et quâon nâa pas beaucoup de chance de sâen tirer. En mĂȘme temps, Paul nous ditâ: «âen fait, on ne bouge pas parce que sinon, autant rentrer Ă la maison. On est lĂ pour les empĂȘcher de chasser.â» Et je me souviens vraiment trĂšs distinctement de ce fameux moment oĂč le premier officier vient nous voir et nous ditâ: «âcollision dans deux minutesâ!â» Ă lâextĂ©rieur de la passerelle, on entendait juste les sirĂšnes dâalarme du Nisshin Maru, avec une voix enregistrĂ©e qui, via le haut-parleur, hurlaitâ: «âdĂ©gagez, dĂ©gagez du chemin, route de collision, dĂ©gagezâ!â» Ă ce moment-lĂ , effectivement, on se ditâ: et bien voilĂ , on est arrivĂ©. Câest le bout du chemin. Câest la fin. Clairement, je me dis Ă cet instant que je ne reverrai pas les gens que jâaime parce que câest ici que ça se termine, câest comme ça. Et en fait, ça a Ă©tĂ© un moment trĂšs, trĂšs important pour nous et pour moi, parce que mĂȘme sâil y avait la peur, je nâai ressenti aucun regret.
En fait, je me sentais Ă ma place. Je savais que jâĂ©tais Ă ma juste place. Et Ă aucun moment, je ne me suis dit, mais dans quoi je me suis embarquĂ©eâ? Câest nâimporte quoi. Je donnerai tout pour ĂȘtre Ă Paris. Non, pas du tout. Je lâaffirme, il nây avait aucun endroit au monde oĂč jâavais envie dâĂȘtre, ailleurs quâici. Et donc, ce moment-lĂ a Ă©tĂ© trĂšs, trĂšs important aussi pour la suite parce quâeffectivement, ce baptĂȘme du feu a Ă©tĂ© la confirmation de la nature profonde de mon engagement parce que, mĂȘme si je mâĂ©tais sentie sincĂšre quand jâavais rĂ©pondu positivement Ă la question de Paul Ă Paris, jâĂ©tais Ă lâĂ©vidence loin dâĂȘtre dans le concret Ă ce moment-lĂ , je nâavais jamais Ă©tĂ© dans une situation Ă risque comme celle que je vivais dans cette immensitĂ© liquide au bout du monde, trĂšs loin du cocon parisienâŠ
Comment ça sâest terminĂ©â?
Et bien, en fait, au dernier moment le Nisshin Maru a virĂ© de bord aprĂšs avoir foncĂ© jusquâau bout, aprĂšs avoir testĂ© notre motivation et compris quâen fait on nâallait pas bouger. Et pour nous, câĂ©tait trĂšs important quâils sachent que quand on dit quâon est prĂȘt Ă risquer notre vie pour sauver des baleines, ce nâest pas juste un slogan, câest bien rĂ©el.
Paul le savait je crois, et je me souviens lâavoir entendu dire quâon Ă©tait plus dâune quarantaine Ă bord, de vingt-trois nationalitĂ©s diffĂ©rentes. En fait, imaginez la crise diplomatique que ça aurait Ă©tĂ© Ă gĂ©rer pour le Japon, dâavoir percutĂ© et tuĂ© quarante-quatre personnes de vingt-trois pays diffĂ©rents dans un sanctuaire baleinier international, alors quâils sont en train de chasser en violation dâun moratoire. Ăa aurait Ă©tĂ© catastrophique pour lâimage du pays. Paul sâen doutait, mais on nâest jamais certain de rien, bien sĂ»r.
Le tout, en fait, câest de savoir oĂč on met les pieds. Il y a mille et une façons de sâengager aux cĂŽtĂ©s de Sea Shepherd.
On nâest pas obligĂ© de commencer par des moments pareils⊠On peut sâengager en Ă©tant prĂšs de chez soi, en faisant des articles, des confĂ©rences ou quoi que ce soit dâautre. Mais Ă partir du moment oĂč on sâengage sur les bateaux, on peut potentiellement se retrouver dans des situations Ă risque comme ça, face Ă des gens qui nâont pas forcĂ©ment de scrupules. Câest juste quelque chose Ă avoir en tĂȘte. Ăa veut dire que quand on se retrouve dans une telle situation et quâon est face Ă un navire de 8â000 tonnes qui vous fonce dessus et que vous avez le capitaine qui dit «âon ne bouge pasâ», il nây a pas de place pour la surprise ou lâĂ©tonnement. On ne peut pas se dire «âmais attends, il est complĂštement fou, comment ça on ne bouge pasâ?â» Non, on est lĂ pour ça en fait. Donc, on sait Ă quoi on sâengage.
Et vous avez rĂ©ussi Ă bloquer ensuite la rampe arriĂšreâ?
Non, par sur ce coup-lĂ , lui, il a rĂ©ussi Ă nous Ă©chapper. Mais on lâa retrouvĂ© aprĂšs. Et on lui a fait perdre Ă©normĂ©ment de temps. Ăa nâa pas Ă©tĂ© la campagne oĂč on a Ă©tĂ© le plus efficace, parce que cette annĂ©e-lĂ , on avait un bateau qui nâĂ©tait malheureusement pas suffisamment rapide. En revanche, on y est retournĂ© les
saisons suivantes, avec des bateaux plus rapides. Lors de ces annĂ©es, je crois que le meilleur quâon ait fait, câest dâavoir rĂ©ussi Ă diminuer de 90â% le nombre de baleines tuĂ©es. Câest assez Ă©norme. En gĂ©nĂ©ral, câĂ©tait autour de 50 Ă 60â% de baleines sauvĂ©es. La meilleure annĂ©e quâon ait faite, câĂ©tait 91â%, câĂ©tait Ă©normeâ!
Quâest-ce quâil sâest passĂ© pour vous aprĂšs cette premiĂšre expĂ©rience mĂ©morableâ?
Quand je suis rentrĂ©e dâAntarctique, je me suis dit quâil fallait en fait quâon crĂ©e Sea Shepherd France. Il fallait absolument quâon alerte lâopinion publique en France sur ce qui se passait. Ă lâĂ©poque, je nâavais mĂȘme pas conscience, en fait, du rĂŽle central jouĂ© par la France en matiĂšre de protection des ocĂ©ans, du fait de notre deuxiĂšme position en terme de surface maritime et, partant, de notre responsabilitĂ©.
Du coup, jâai fondĂ© lâantenne française en novembre 2006 en me disant que ça allait rester quelque chose de trĂšs embryonnaire, car, en fait, on allait nous trouver beaucoup trop radicaux. Dans les milieux français de lâaction Ă©cologique et Ă©cologiste, on nâest pas du tout habituĂ© Ă ce genre dâactions qui correspondent Ă un modus operandi un peu Ă lâanglo-saxonne. Et bien, jâavais tort de penser comme
ça. Jâai Ă©tĂ© assez vite agrĂ©ablement surprise de voir quâil y avait en fait un Ă©cho assez Ă©norme pour les actions et la philosophie de Sea Shepherd. Et aujourdâhui, Sea Shepherd France est lâantenne la plus dynamique et la plus active, celle qui incarne le mieux la rĂ©sistance et lâADN originel de Sea Shepherd, telle que lâorganisation a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 1977.
Quel est le budget de Sea ShepherdFranceâ?
On a un budget annuel qui est dâenviron trois millions dâeuros. 99,5â% des fonds viennent de monsieur et madame tout le monde en fait, qui font des petits dons mensuels, notamment. Et les 0,5â% restants proviennent de petites fondations ou de petites institutions. On nâa pas du tout de subvention publique par exemple. Ăa nous procure une Ă©norme libertĂ©âŠ
Venons en maintenant Ă la situation trĂšs pĂ©nible vĂ©cue actuellement par Paul Watson, emprisonnĂ© depuis des mois au GroenlandâŠ
Le Japon a dĂ©cidĂ© dâinaugurer le KangeĂŻ Maru qui est la relĂšve du Nisshin Maru dont on parlait tout Ă lâheure. Câest un navire-usine qui est encore plus grand que son prĂ©dĂ©cesseur.
Cet Ă©tĂ©, il a lancĂ© sa premiĂšre campagne de chasse dans le Pacifique Nord. Donc, Paul a dĂ©cidĂ© de lui barrer la route et lâempĂȘcher de massacrer les baleines.
En fait, Paul fait lâobjet dâune notice rouge dâInterpol depuis 2012. Cette procĂ©dure a beaucoup restreint ses mouvements, le contraignant Ă faire trĂšs attention aux pays dans lesquels il sâarrĂȘtait. En France, il nây a jamais eu aucun problĂšme. Il a aussi Ă©tĂ© en Suisse, en Irlande, aux Pays-Bas et aux Ătats-Unis, Ă©videmment. Mais il y a certains pays dans lesquels il ne pouvait se rendre. Câest typiquement le cas du Groenland qui est rattachĂ© au Danemark, Ă cause des campagnes quâon mĂšne depuis des dĂ©cennies contre les massacres de dauphins aux Ăźles FĂ©roĂ©, qui sont sous protectorat du Danemark. On sait quâon nâest pas en odeur de saintetĂ© dans ce pays.
Mais en novembre 2023, la notice rouge a disparu du site internet dâInterpol. On a donc menĂ© quelques recherches pour savoir ce quâil sâĂ©tait passĂ©. Et en fait, on nous a affirmĂ© que cette notice rouge nâexistait plus. Et que donc, il nây avait plus de mandat dâarrĂȘt. En rĂ©alitĂ©, cette notice a simplement Ă©tĂ© camouflĂ©e. Paul, en fait, sâest rendu au Groenland pour faire le plein, tout simplement, parce que câĂ©tait le dernier endroit oĂč il pouvait ravitailler avant le passage vers le Pacifique Nord. Et quand il a accostĂ© pour faire le plein, et bien, il y a quatorze policiers fĂ©dĂ©raux qui sont montĂ©s Ă bord et lâont arrĂȘtĂ©âŠ.
Ă ce stade, concernant la notice qui disparaĂźt du site dâInterpol, vous dites vous-mĂȘme quâil est tout Ă fait possible quâelle ait Ă©tĂ© camouflĂ©e, câest votre
terme. Ăa sous-entendrait que Paul Waston a Ă©tĂ© piĂ©gĂ©â?
On sait quâelle a Ă©tĂ© camouflĂ©e, la police a fini par nous le dire et puis mĂȘme Interpol nous a confirmĂ© que ce camouflage avait Ă©tĂ© exercĂ© Ă la demande du Japon⊠Et Paul est tombĂ© dans ce guet-apensâŠ
Paul Watson a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© dans le petit port de Nuuk, oĂč il est toujours incarcĂ©rĂ© Ă ce jour. Comment avez-vous rĂ©agi, personnellement, Ă lâannonce de cette arrestationâ?
Jâai eu la nouvelle dĂšs le 21 juillet. Trois jours aprĂšs, je prends lâavion pour le Groenland et je passe un premier sĂ©jour de trois semaines sur place, oĂč je vais voir Paul tous les jours de la semaine puis je commence le cycle des allers-retours avec la France, je crois que jâen suis au cinquiĂšme aujourdâhui... Je mâassure dâĂȘtre prĂ©sente Ă toutes les audiences, et lors de chaque voyage, je lui ramĂšne Ă chaque fois ses mĂ©dicaments parce quâil est sous traitement mĂ©dical. Je lui ramĂšne des DVD parce quâil nâa aucun accĂšs Ă internet. Il nâa droit quâĂ une visio de dix minutes par semaine, avec sa femme et ses enfantsâŠ
Ses conditions de dĂ©tention se sont considĂ©rablement durcies ces derniĂšres semaines, je croisâŠ
Câest exact, et câest important quâil ait des visites. Ă cĂŽtĂ© de ça, je travaille aussi sur la campagne de communication pour obtenir sa libĂ©ration et puis aussi avec lâĂ©quipe juridique quâon a mise en place. On a une dizaine dâavocats en tout, des avocats français, danois, groenlandaisâŠ
Les demandes de mise en libertĂ© se succĂšdent, sans rĂ©sultatâŠ
Oui, je crois quâon est Ă la quatriĂšme ou la cinquiĂšme. Je ne sais plusâŠ.
Et le timing maintenant, câest une cour danoise qui doit statuer dĂ©finitivement sur lâextradition ou non, câest çaâ?
Non, il sâagit du ministre de la justice danois, en personne. Câest donc un homme seul qui va prendre la dĂ©cision dâextrader ou non Paul Watson.
Une date est fixĂ©e pour cette dĂ©cisionâ?
On aimerait bien le savoir justement. On ne sait rien, on nâa aucune rĂ©ponse. Ăa fait plus de trois mois quâon attend, les avocats ne savent pas non plus, et en fait, cet homme prend son temps⊠Et pendant ce temps-lĂ , Paul reste en prison.
Quâest-ce quâil se passe en coulisses selon vousâ?
Pour lâinstant, on ne voit pas grandchose se produire. On a lancĂ© une pĂ©tition et on a fait une demande officielle dâoctroi de la nationalitĂ© française Ă Paul. Et pour lâinstant, pas de son, pas dâimage venant de lâĂlysĂ©e. VoilĂ ...
Ce silence de notre pays, du moins officiel, il peut sâexpliquer commentâ?
Je pense quâil y a des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques et diplomatiques en jeu avec le Danemark et avec le Japon. Les choses se pĂšsent et se soupĂšsent. Le Japon est quand mĂȘme une grande puissance Ă©conomique mondiale et on sait quâil a des accords commerciaux colossaux avec le Danemark. Un exempleâ: les contrats Ă©oliens, ce sont plusieurs centaines de millions qui sont en jeu, car le Danemark est le leader mondial de lâĂ©olien. CĂŽtĂ© français, câest pareil, il y a dâĂ©normes intĂ©rĂȘts commerciaux qui sont en placeâŠ
Quel est votre sentimentâ? Est-ce que ça peut dĂ©boucher sur une issue favorable ou pasâ?
Moi, jâai du mal Ă imaginer quâon puisse se diriger vers une extradition, mais, Ă lâheure actuelle, on ne peut quand mĂȘme pas lâĂ©carter complĂštement. Ă lâheure oĂč nous nous parlons (le 10 novembre dernier - ndlr), Paul aura bientĂŽt fait quatre mois de prison, câest la durĂ©e maximale dâemprisonnement au Groenland pour quelquâun dont la culpabilitĂ© nâa pas Ă©tĂ© prononcĂ©e. Donc on est dĂ©jĂ dans quelque chose de dĂ©lirant. Et en mĂȘme temps, on sait que le Danemark, en fait, essaye de caresser les Ăźles FĂ©roĂ© dans le
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sens du poil. Ce territoire en veut Ă©normĂ©ment Ă Paul pour son opposition Ă ses massacres annuels de dauphins. Il faut avoir Ă lâesprit que ces Ăźles sont sous protectorat autonome danois, mais quâil existe un mouvement indĂ©pendantiste trĂšs fort qui veut se sĂ©parer du Danemark. Donc le Danemark veut aussi montrer aux Ăźles FĂ©roĂ© quâelles ont tout intĂ©rĂȘt Ă rester danoises. Tout ça, câest Ă lâĂ©vidence trĂšs politique et ça complique tout, bien sĂ»r. On a affaire Ă une procureure qui sâappelle Myriam Khalil, qui, durant les audiences, nous dit quâen fait, Paul Watson avait comme intention de blesser des marins japonais, ce qui est complĂštement faux. LĂ , elle sâassoit en fait sur la prĂ©somption dâinnocence, sur la base dâabsolument rien, puisque Paul Watson a au contraire cinquante ans dâactivisme Ă son actif, sans jamais avoir blessĂ© qui que ce soit. Et puis surtout il a toujours Ă©tĂ© extrĂȘmement clair et sans ambiguĂŻtĂ© sur le fait quâil nâĂ©tait pas acceptable de blesser qui que ce soit, il a toujours affirmĂ© que son moteur Ă©tait la prĂ©servation de la vie dans son ensemble. La procureure ne se base sur rien, câest du mensonge pur, et ce qui est terrible en fait, câest que câest elle qui est en charge de faire la synthĂšse du dossier de la dĂ©fense. Ce dossier, nos avocats lâont fourni, mais câest elle qui fait la synthĂšse et qui transmet ça ensuite au ministre de la Justice. Nous, on nâa mĂȘme pas accĂšs Ă ce document final, et on ne sait pas ce quâelle a Ă©crit dedans. Câest complĂštement dĂ©lirant, câest assez lunaire comme systĂšme et oui bien sĂ»r, câest contre tous les principes du droit. Apparemment, au Danemark, câest possible dâagir ainsi⊠Nous sommes donc face Ă un juge qui refuse de voir les preuves de son innocence. Donc on nâest pas Ă lâabri quâil dĂ©cide quand mĂȘme de le maintenir encore en dĂ©tentionâŠ
Parlons de lâĂ©tat de santĂ© de Paul puisque vous dites quâil est sous traitement. Il vient dâavoir 74 ans le 2 dĂ©cembre et sâil venait Ă ĂȘtre extradĂ© au Japon, tout le monde craint quâil ne ressorte pas vivant de cette Ă©preuve. Câest votre sentiment aussiâ?
Câest clair que sâil venait Ă ĂȘtre extradĂ©, on ne le reverrait pas vivant. On connaĂźt le systĂšme carcĂ©ral au Japon et on sait que ce pays est dans une dĂ©marche de vengeance. Câest terrible Ă dire, mais je pense vraiment quâil vaudrait mieux lui tirer une balle dans la tĂȘte parce que ce qui lâattend lĂ -bas, ça serait la torture physique et psychologique au quotidien.
«âMais on a une poignĂ©e de nantis (...) qui sâaccrochent Ă des postes haut placĂ©s avec des avantages, des privilĂšges qui disparaĂźtraient si lâindustrie baleiniĂšre venait Ă sâĂ©crouler.â» Comment est-il actuellement, Ă lâinstant oĂč on parleâ? Est-ce quâil a le moralâ? Est-ce quâil reste combatifâ?
Le plus dur pour lui, en fait, est dâĂȘtre Ă©loignĂ© de ses deux jeunes enfants. Ils lui manquent Ă©normĂ©ment et il a manquĂ© leurs deux anniversaires. AprĂšs, ce quâil se dit aussi, câest que son incarcĂ©ration a le mĂ©rite, en tout cas, de braquer les projecteurs sur lâillĂ©galitĂ© de la chasse baleiniĂšre menĂ©e par le Japon. Il sait que câest quelque chose qui a toujours fait partie des risques quâil a toujours pris. Il a toujours dit que ce que lâon fait implique aussi, potentiellement, de risquer sa vie et sa libertĂ©, parce quâon sâattaque Ă des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques trĂšs puissants, mĂȘme si, Ă©conomiquement, pour le Japon, la chasse baleiniĂšre nâa absolument aucun intĂ©rĂȘt. Au contraire, elle coĂ»te extrĂȘmement cher. Câest important de le prĂ©ciser quand mĂȘme. Moins de 2â% des Japonais mangent de la viande de baleine et donc, Ă©conomiquement, câest une industrie qui est sous perfusion de subventions publiques. Mais on a une poignĂ©e de nantis, dâanciens membres du gouvernement qui sont de la droite ultranationaliste, qui sâaccrochent Ă des postes haut placĂ©s avec des avantages, des privilĂšges qui disparaĂźtraient si lâindustrie baleiniĂšre venait Ă sâĂ©crouler. Donc ce nâest pas le peuple japonais qui est en cause, câest un noyau dur de quelques personnes, les yakuzas notamment, cette mafia des yakuzas qui est trĂšs impliquĂ©e dans la chasse baleiniĂšre, qui lâutilise et qui se cache derriĂšre tout le rouleau compresseur de la machine dâĂtat pour broyer un homme qui a osĂ© sâopposer Ă eux. On est strictement parlant dans la vengeanceâŠ
Dans ces conditions, que peut faire le grand publicâ? Parce que lĂ , maintenant, jâai lâimpression que câest directement
sur le ministre danois de la Justice quâil faut mettre la pression...
Oui, on va essayer dâintensifier la pression ici au Danemark, mais en France, les gens peuvent signer et partager la pĂ©tition pour lâoctroi de la nationalitĂ© française. Ăa, câest important. Elle est sur la page dâaccueil du site de Sea Shepherd France. Et que les gens nâhĂ©sitent pas Ă Ă©crire Ă Paul en prison parce que ça lui remonte le moral de recevoir du courrier.
Pour vous, câest une Ă©preuve inĂ©dite. Forte de votre engagement depuis prĂšs de 20 ans, comment vivez-vous personnellement cette histoireâ?
Pour moi, il y a deux chosesâ: dâabord il y a cette injustice, Ă©videmment, par rapport au fait dâincarcĂ©rer quelquâun qui a sauvĂ© des baleines dans un sanctuaire baleinier international. Câest lâinjustice qui est faite au capitaine Watson, fondateur de Sea Shepherd, et par ricochet, finalement, Ă tous les activistes, tous ceux qui souhaitent dĂ©fendre et protĂ©ger la planĂšte.
Et puis aprĂšs, il y a aussi Paul, que je connais personnellement, qui est un ĂȘtre humain qui est extrĂȘmement attachant, extrĂȘmement juste, extrĂȘmement bienveillant, et pour lequel jâai Ă©normĂ©ment dâaffection. Et donc, tout ce que je fais pour lâaider, je le fais Ă©videmment pour lâactiviste, mais aussi, et beaucoup, pour lâĂȘtre humain quâil est, lâhomme quâil est, qui est comme un pĂšre pour moi.. Donc il y a ces deux dimensions, je les vis de maniĂšre assez difficile et en mĂȘme temps je suis en mode machine, câest-Ă -dire que je suis un peu en pilotage automatique⊠Je ne mâarrĂȘterai pas tant quâil ne sera pas sorti de prison, je suis poussĂ©e par cette Ă©nergie-lĂ , jâavance et je ne veux pas croire quâon nây arrivera pas⊠b
c DOSSIER â EXPOS TGV PARIS
Jean-Luc Fournier
En cette fin dâannĂ©e 2024, aprĂšs un formidable Ă©tĂ© olympique qui a marquĂ© les esprits et propulsĂ© Paris au firmament des destinations mondiales Ă visiter, la capitale française aligne ses atouts artistiques. Comme Ă lâhabitude, vous serez nombreux Ă y sĂ©journer durant les fĂȘtes de fin dâannĂ©e, pour un jour ou plusieurs, et câest le moment idĂ©al pour visiter lâune ou lâautre des expositions exceptionnelles que les musĂ©es parisiens vous proposentâŠ
Pour beaucoup, cet hiver 2024-2025 naissant va marquer un cap dans la tradition parisienne dĂ©jĂ trĂšs ancienne des «âgrandes expositionsâ» organisĂ©es de la fin dâautomne au dĂ©but du printemps suivant.
La raison en est bien trivialeâ: lâargent. Pour les institutions publiques, il manque de plus en plus, comme diverses sonnettes dâalarme dĂ©jĂ tirĂ©es les annĂ©es passĂ©es lâont montrĂ©. Cette annĂ©e, il y a comme un symbole Ă©crasant sous nos yeuxâ: le Centre Pompidou va fermer pour une totale rĂ©novation de ses 103â305 m2 qui va durer cinq trĂšs longues annĂ©es. La «âraffinerie de pĂ©troleâ» du plateau de Beaubourg (comme le Centre avait Ă©tĂ© nommĂ© ironiquement en 1977 quand ses immenses tubulures Ă©taient apparues au-dessus du plus vieux quartier de la capitale) a abritĂ© annĂ©e aprĂšs annĂ©e les plus grandes expositions jamais rĂ©alisĂ©es Ă Paris, au mĂȘme titre que celles organisĂ©es dans les autres grands musĂ©es publics.
Mais en cette fin 2024, lâexpo SurrĂ©alisme prĂ©sentĂ©e par le Centre Pompidou (jusquâau 13 janvier prochain) sonne un peu comme le chant du cygne avant sa fermeture totale pour travaux.
Lâessor des fondations privĂ©es Les interrogations sont dâautant plus de mise que les fondations privĂ©es semblent sâĂȘtre dĂ©sormais accaparĂ© le concept des expos exceptionnelles et quelquefois, gĂ©antes, celles dont les budgets sont en permanence sur la base de plusieurs millions dâeuros voire mĂȘme de plus de dix millions dâeuros pour Chtchoukine en 2016 (la collection russe avait auparavant Ă©tĂ© proposĂ©e au musĂ©e dâOrsay qui nâavait pu relever le challenge, faute de moyens financiers).
Câest que tout coĂ»te horriblement cher aujourdâhui, dĂšs quâon envisage ce type dâĂ©vĂ©nements artistiques «âblockbustersâ», des valeurs dâassurance des Ćuvres jusquâau renchĂ©rissement impressionnant du coĂ»t des
transports, encore aggravĂ© par les exigences des prĂȘteurs qui ne «âlĂąchentâ» leurs prĂ©cieux trĂ©sors quâen contrepartie de solides garanties sur leurs conditions de voyage. Tout cela a fait exposer les budgets de mise en Ćuvre de ces expos. Bref, tout est dĂ©sormais conditionnĂ© par les moyens financiers et les institutions publiques ne les ont plus. Les retrouveront-ellesâ? Pas avant trĂšs longtemps, câest malheureusement certainâŠ
On vous donne envie de tout dĂ©couvrirâŠ
Pour cette annĂ©e, retrouvez dans les pages suivantes le surprenant Gustave Caillebotte Ă Orsay (quel accrochageâ! Lâexpo est belle Ă tomberâŠ), les artistes disruptifs de lâArte Povera Ă la Bourse de Commerce-Pinault Collection ou encore Tom Wesselmann et les autres artistes du Pop Art Ă la Fondation Louis Vuitton. Mais vous dĂ©couvrirez aussi (vous ne la connaissiez sans doute pasâŠ) la surprenante photographe amĂ©ricaine Tina Barney qui expose ses clichĂ©s gĂ©ants au musĂ©e du Jeu de Paume.
Nos pages multiplient les surprises inĂ©dites, comme les chefs-dâĆuvre du Trompe-lâĆil au (trop) discret MusĂ©e Marmottan-Monnet par exemple. Et, mĂȘme si, faute de place, nous nâavons pas pu les chroniquer ici, nous vous encourageons Ă parcourir les espaces de la sublime expo sur les Ćuvres de jeunesse de James Cameron, Ă la CinĂ©mathĂšque française de Bercy, Figures du fou. Du Moyen Ăge aux Romantiques au MusĂ©e du Louvre, ou encore la si superbe Collection de la Galerie BorghĂšse au musĂ©e Jacquemart-AndrĂ©âŠ
Plus prĂšs de nous, on parle aussi de la rĂ©trospective Matisse Ă la Fondation Beyeler Ă BĂąle. Et encore plus prĂšs, Ă lâEspace Apollonia Ă lâentrĂ©e de La Robertsau, ce sont 95 tirages noirs et blancs de Frantisek Zvardon, rĂ©cemment dĂ©cĂ©dĂ©, qui vous attendentâ: tous focalisent lâattention sur lâhomme et la nature. Cette exposition est splendide⊠c
Gustave Caillebotte, Le pont de lâEurope, 1877.
La partie de bateau, 1877â78
c DOSSIER â EXPOS TGV
Jean-Luc Fournier © MusĂ©e dâOrsay, dist. RMN-Grand Palais / Sophie CrĂ©py / Patrice Schmidt â The Art Institute of Chicago â Lea Gryze c/o Reprofotografen â DR
MUSĂE DâORSAY Le musĂ©e dâOrsay ne propose pas une rĂ©elle rĂ©trospective de Caillebotte (la derniĂšre, qui fut aussi la seule, avait Ă©tĂ© organisĂ©e il y a trente ans Ă Paris), mais une exposition thĂ©matique centrĂ©e sur les figures masculines composant «â70â% de lâĆuvre de lâartisteâ» selon le rĂ©dacteur du catalogue officiel de lâexposition. MalgrĂ© tout, le remarquable accrochage rĂ©alisĂ© par Paul Perrin, le commissaire de lâexpo du musĂ©e dâOrsay, est Ă dĂ©couvrir absolument.
Gustave Caillebotte (1848-1894) nâest plus de ce monde depuis 130 ans. Cette date anniversaire nâa sans doute pas suffi Ă elle seule pour programmer lâexposition parisienne Ă Orsay. Plus sĂ»rement, lâentrĂ©e dans les collections du MusĂ©e dâOrsay (grĂące au mĂ©cĂ©nat du Groupe LVMH) de La partie de bateau, une des toiles les plus cĂ©lĂšbres du peintre, aura sans doute dĂ©clenchĂ© le projet (en octobre dernier, au tout dĂ©but de lâexpo, cette toile utilisĂ©e pour lâaffiche inondait les stations de mĂ©tro et les rues parisiennes).
Ainsi, ce sont donc 140 Ćuvres et objets, dont 65 peintures, une trentaine de dessins prĂ©paratoires, des photographies, des costumes dâĂ©poque et des documents divers qui composent lâexposition parisienne de cette fin dâannĂ©e.
«âLe peintre de la vie moderneâ» Les dĂ©buts du jeune Gustave Caillebotte, entrĂ© Ă lâĂcole des Beaux-Arts de Paris en 1873, se font dans une France encore profondĂ©ment meurtrie par les massacres de la Commune de Paris et lâhumiliante dĂ©faite subie face aux armĂ©es prussiennes. Paradoxeâ: la fourniture en masse de tissu pour les uniformes et de draps pour les lits allait alors faire la fortune de la famille CaillebotteâŠ
Encore trop jeune pour figurer dans la premiĂšre exposition des impressionnistes en 1874, les peintures de Gustave Caillebotte font sensation lors de la deuxiĂšme exposition, deux ans plus tard, surtout les deux tableaux Raboteurs de parquet , prĂ©sentĂ©s Ă Orsay. Les tableaux frappent encore aujourdâhui par leur apparent classicisme assumĂ© au point que certains critiques
dâart de lâĂ©poque firent rapidement remarquer Ă quel point les Raboteurs de parquet tranchaient avec lâensemble des toiles de ce groupe que la presse avait rapidement classĂ© sous le terme Les impressionnistes. DĂ©jĂ , le peintre dĂ©butant dĂ©tonnaitâŠ
Déçu par le jury du salon de 1875 qui refusa dâexposer son tableau, Caillebotte dĂ©cida immĂ©diatement de nâexposer que dans des salons de peintres «âindĂ©pendantsâ», ce qui prĂ©cipita encore plus rapidement son arrivĂ©e parmi les plus novateurs artistes de lâĂ©poque.
Sa situation familiale de «âgrand bourgeoisâ» lui fit frĂ©quenter ce quâon appelait alors les beaux quartiers. MĂȘme lâatmosphĂšre de la scĂšne des Raboteurs est
«âLes tableaux frappent encore aujourdâhui par leur apparent classicisme assumĂ©.â» Rue de Paris, temps de pluie, 1877
connectĂ©e Ă cet environnement huppĂ©, les ouvriers fabriquant en fait⊠le parquet de lâhĂŽtel particulier familial.
Caillebotte hĂ©rita donc trĂšs vite du titre de peintre de la vie moderne. Lâexposition dâOrsay prĂ©sente en majestĂ© ses toiles qui multiplient les points de fuite, toutes peintes Ă partir de cet Ćil surplombant si caractĂ©ristique. On ne compte plus aujourdâhui les commentaires dâapprentis-critiques dâart imaginant dĂ©tenir la preuve que Caillebotte «âvoit les choses de trĂšs hautâ», loin des turpitudes du quotidien de la population, la supĂ©rioritĂ© prĂ©sumĂ©e du grand bourgeois sur le prolĂ©tariat.
Une homosexualitĂ© cachĂ©eâ? Il faut bien sĂ»r Ă©voquer le propos de lâexpositionâ: Peindre les hommes. Le catalogue nous «âinviteâ» Ă nous prĂ©occuper de «âla sexualitĂ© de la peinture de Caillebotteâ», pas moinsâ! Quelle drĂŽle de sommation⊠Le mĂȘme catalogue recense (lourdement) sept tableaux sur dix, dans lâĆuvre de lâartiste, oĂč nâapparaissent que des hommes⊠Et tant pis si Gustave Caillebotte peint sa compagne nue, dans une pose provocante, son doigt titillant un tĂ©ton. Le tableau figure bien parmi les «â70â% de tableaux dâhommes rĂ©alisĂ©s par le peintreâ». Charlotte Berthier, sa compagne, le restera jusquâĂ sa disparition oĂč elle hĂ©ritera dâune rente importante. Factuellement, pas le moindre Ă©lĂ©ment nouveau ne vient Ă©tayer cette thĂšse de lâhomosexualitĂ© cachĂ©e, apparue au dĂ©tour de la fin du xx e siĂšcle, une chercheuse amĂ©ricaine ayant alors prĂ©conisĂ© de considĂ©rer lâĆuvre de Caillebotte avec un «âregard gayâ».
Lâexposition dâOrsay nâest donc pas loin de brutaliser quelque peu lâhistoire de lâart, son titre et lâabsence de nombreux tableaux restĂ©s aux Ătats-Unis (ses remarquables natures mortes et ses fleurs rĂ©alisĂ©es peu avant la fin de sa vie) faisant focaliser encore plus sur la masculinitĂ© des toiles prĂ©sentĂ©es Ă Paris.
Ne pas passer à cÎté de Caillebotte
Les Ătats-Unis, parlons-en. DĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1900, leurs collectionneurs et leurs musĂ©es publics et privĂ©s ont
Raboteurs de parquet, 1875
Homme sâessuyant la jambe, vers 1884
acquis de trĂšs nombreuses Ćuvres de Caillebotte sans mĂȘme quâune compĂ©tition sâamorce avec lâĂtat français dâalors ou les collectionneurs de notre pays. Il en fut Ă©galement ainsi avec nombre de toiles du groupe des impressionnistes dont la France se dĂ©sintĂ©ressa surprenamment Ă la fin du xixe siĂšcle.
Une nouvelle preuve de la prĂ©sĂ©ance amĂ©ricaine sur les impressionnistes français en est aujourdâhui apportĂ©e avec lâexposition Caillebotte de cette fin dâannĂ©e Ă Orsay, puisquâelle sera intĂ©gralement prĂ©sentĂ©e lâan prochain au Paul Getty Museum de Los Angeles avant dâĂȘtre accrochĂ©e ensuite Ă lâArt Institute de Chicago. On y surveillera alors lâarmĂ©e de nĂ©o-critiques qui ne vont
sĂ»rement pas manquer de reprendre la thĂšse de lâhomosexualitĂ© supposĂ©e du peintre⊠Reste quâon peut admirer lâensemble des toiles exposĂ©es Ă Orsay (et mĂȘme prendre son temps pour dĂ©couvrir les autres talents de Caillebotte, qui fut aussi un rĂ©gatier paraĂźt-il exceptionnel, doublĂ© dâune belle rĂ©putation de concepteur de voiliers).
Si la France de la fin du xix e siĂšcle et du dĂ©but du xx e nâa pas saluĂ© Ă son juste mĂ©rite lâĆuvre de ce peintre brillant, il ne faudrait pas que les amateurs dâart du dĂ©but de cette troisiĂšme dĂ©cennie du xxi e siĂšcle passent Ă cĂŽtĂ© de lâoccasion qui leur est donnĂ©e de dĂ©couvrir ou redĂ©couvrir Gustave Caillebotte, «âle peintre de la vie moderneâ»⊠c
MUSĂE DâORSAY
GUSTAVE CAILLEBOTTE
Esplanade
ValĂ©ry Giscard dâEstaing 75007 Paris
MĂ©troâ: Ligne 12 (Station SolfĂ©rino)
Ouvert tous les jours de 9h30 Ă 18h. FermĂ© le 25 dĂ©cembre Nocturne le jeudi jusquâĂ 21h45 RĂ©servation internet trĂšs conseillĂ©e
Jusquâau 19 janvier 2025 www.musee-orsay.fr
LâArte povera est lâun des mouvements les plus inventifs de la seconde moitiĂ© du xxe siĂšcle. Câest une expo-monstre (plus de 250 piĂšces, toutes plus originales et inspirantes les unes que les autres) qui attend les visiteurs Ă la Bourse de Commerce â Pinault Collection, ce parfait Ă©crin au cĆur de ParisâŠ
Jean-Luc Fournier © Pinault Collection â Adagp, Paris, 2024 â Jean-Luc Fournier â DR
IdĂ©es de pierre â 1532 kg de lumiĂšre sur le parvis de la Bourse de Commerce
Lâexposition Arte Povera dĂ©bute avant-mĂȘme⊠son entrĂ©e. Sur le parvis de la Bourse de Commerce, câest IdĂ©es de pierre -1532 kg de lumiĂšre (2010) de Giuseppe Penone qui nous accueille, une allĂ©gorie des chemins de la pensĂ©e, prĂ©sentant lâun des axes majeurs de lâArte poveraâ: la fusion entre nature et culture.
Puis câest cette superbe rotonde cernĂ©e par lâimposant cylindre de bĂ©ton de lâarchitecte japonais Tadao Ando qui enfonce le clouâ: en son cĆur, on y trouve (sans la moindre exhaustivitĂ©) une surface de gazon synthĂ©tique sur laquelle git un tube couvert de glace, une silhouette allongĂ©e faite de mottes de terre malaxĂ©e, une mitrailleuse lourde kaki, un gisant de marbre acĂ©phale, un tronc dâarbre au cĆur dĂ©pecĂ©, un portique Ă la carcasse concassĂ©e qui supporte de gros lambeaux de mousse flashy, des escarpins en fil de cuivre et on en passe⊠Ces piĂšces de quelques-uns des treize artistes de lâArte povera, trentenaires Ă lâĂ©poque, prouvent quâil nâest ici ni question de style, encore moins dâĂ©cole, mais bien dâindividus rĂ©unis autour dâune mĂȘme idĂ©eâ: imaginer et fabriquer de bien Ă©tranges choses avec des matĂ©riaux et objets issus du quotidien et sans valeur aucune en les prĂ©sentant seulement vĂȘtues de leur radicale variĂ©tĂ©.
Pour bien le faire comprendre, les artistes Ă lâorigine du mouvement dans les annĂ©es soixante nâont jamais publiĂ© le moindre manifeste ou la moindre tribune, se contentant avec obstination de paraĂźtre lors dâexpositions collectives dont le fil rouge, au final, tenait dans un seul mot symbole de lâĂ©poqueâ: provocationâŠ
«âLâartiste devient un guĂ©rilleroâ» Au sol de la rotonde initiale, on remarque inĂ©vitablement un moule gastronomique mĂ©tallique rempli par une question en nĂ©on blancâ: Che fareâ? Câest Mario Mertz qui sâinterroge ainsi, faussement naĂŻf, dĂšs 1968. Et ses autres complices de lâArte povera de rĂ©pondre en fanfareâ: «âQue faireâ? Tout, absolument tout ce qui est possible avec ce qui nous tombe sous la mainâŠâ»
Câest donc ce festival dâextravagances que lâon dĂ©couvre du sol au plafond et sur tous les niveaux de la Bourse de Commerce. Ces crĂ©ations sont toutes audacieuses
et savent nous provoquer avec une infinie variĂ©tĂ© de styles, de matĂ©riaux, de concepts. Lâobsession de ces treize artistes emblĂ©matiques (chacun a droit Ă sa prĂ©sentation personnalisĂ©e), de ne jamais vouloir plus reprĂ©senter que ce chacun dâeux-mĂȘmes avait lâidĂ©e de produire Ă un moment X, est allĂ©e jusquâĂ refuser de trouver un nom Ă leur mouvementâ: câest un critique dâart italien, Germano Celant, qui sây est collĂ© aprĂšs quâil ait visitĂ© une exposition Ă GĂȘnes et une autre Ă Amalfi Ă la toute fin des annĂ©es soixanteâ: Arte povera est nĂ© Ă la fin dâun week-end oĂč lâart lâavait envahi, expo qui se termina par⊠un match de foot entre les artistesâ! Câest dire si ces temps-lĂ , avec ces gens-lĂ , Ă©taient bien diffĂ©rents de lâenvironnement de lâart contemporain dâaujourdâhui.
La preuve en est avec cet extrait de Notes pour une guĂ©rilla, un court texte publiĂ© par le mĂȘme Germano Celant dans le catalogue de lâexpo Flash Art de Milan en 1967â: «âLâArte povera est une nouvelle attitude qui pousse lâartiste Ă se dĂ©placer, Ă se
dĂ©rober sans cesse au rĂŽle conventionnel, aux clichĂ©s que la sociĂ©tĂ© lui attribue pour reprendre possession dâune ârĂ©alitĂ©â qui est le vĂ©ritable royaume de son ĂȘtre. AprĂšs avoir Ă©tĂ© exploitĂ©, lâartiste devient un guĂ©rilleroâ: il veut choisir le lieu du combat et pouvoir se dĂ©placer pour surprendre et frapper.â»
«âTu deviens vivant, et conscient de lâĂȘtre.â» Tout autour du gigantesque cylindre en bĂ©ton de la Pinault Collection, les vingtquatre vitrines du Passage rĂ©activent la pensĂ©e de Walter Benjamin et des passages parisiens comme une lecture du xix e  siĂšcle se transformant en autant de jalons temporels et contextuels, et rappelant le terreau dâoĂč Ă©merge lâArte povera. Y figurent les artistes de lâavantgarde italienne de lâaprĂšs-guerre, tels que Lucio Fontana, dont les toiles trouĂ©es donnent aux artistes lâexemple dâun art qui sâaffranchit de lâespace du tableau, ou Piero Manzoni, par la dimension libre
Che Fareâ? de Giuseppe Penone
«âQue faireâ? Tout, absolument tout ce qui est possible avec ce qui nous tombe sous la mainâŠâ» et provocatrice de son usage des matĂ©riaux. Dâautres vitrines exposent la dimension plus internationale des influences de lâArte povera, par exemple celle de lâInternationale Situationniste ou du groupe japonais Gutai. Une constellation de protagonistes y apparaĂźt, des artistes aux galeristes, des critiques aux figures de thĂ©Ăątre, tel que le metteur en scĂšne polonais Jerzy Grotowski qui ont participĂ© Ă lâĂ©largissement de la dĂ©finition de lâart, lâouvrant aux nouveaux mĂ©dias, Ă la performance, Ă lâexpĂ©rimentation. Beaucoup prĂ©tendent mĂȘme que le terme dâinstallation artistique aujourdâhui si rĂ©pandu est nĂ© des dĂ©monstrations de lâArte povera italienâŠ
Laissons les mots de conclusion Ă Carolyn Christov-Bakargiev, la commissaire de lâexposition de la Bourse de Commerceâ; commentant cette invention de lâinstallation artistique, elle ditâ: «âCâest pour cela que jâai appris davantage de ces artistes de lâArte povera que pendant mes Ă©tudes de lâhistoire de lâart, notamment Ă monter des expositions comme des expĂ©riences totales.
Lâinstallation, câest un espace fluide oĂč la limite entre ce qui est lâĆuvre et de ce qui ne lâest pas nâest pas claire. Le spectateur est partie prenante de cette scĂšne presque thĂ©Ăątraleâ; lâart ne se situe pas dans lâobjet physique, mais dans la diffĂ©rence phĂ©nomĂ©nologique entre les objets. Dans ce lieu, ce moment, sous cette lumiĂšre particuliĂšre, tu deviens vivant, et conscient de lâĂȘtre.â»
Une rĂ©ponse aux sempiternels commentaires, notamment lus sur notre fil Facebook aprĂšs avoir publiĂ© en avantpremiĂšre quelques photos de notre visite. Parmi eux, «âCâest froid, mort, non inspirant, plat, limite on se demande si câest une blagueâ» ou «âConcept Ă©culĂ©, vieilles rengaines post-soixante-huitardesâ» ou bien encoreâ: «âĂa a lâair bien moche et peu artistique. Attention de ne pas jeter une Ćuvre en la prenant pour un dĂ©chetâ». La preuve ultime que lâArte povera reste lâun des mouvements les plus libres et authentiquement vivants nĂ©s durant les derniĂšres dĂ©cennies du xxe siĂšcle. Une exposition rare et unique, Ă ne pas rater, assurĂ©ment. c
Dans Tutto, Alighiero Boetti a invitĂ© ses collaborateurs Ă dessiner tout ce quâils pouvaient imaginer exister dans le monde, tandis que les brodeuses ont eu comme consigne de ne jamais utiliser la mĂȘme couleur pour broder deux objets adjacents. Cette mosaĂŻque de points est bluffante.
BOURSE DE COMMERCE PINAULT COLLECTION ARTE POVERA
2 rue de Viarmes 75001 Paris
AccÚs Métro Lignes 1, 4, 7, 11 et 14 ou RER A, station Chùtelet-Les Halles
Ouverture du lundi au dimanche de 11h Ă 19h Nocturne le vendredi jusquâĂ 21h FermĂ© le mardi
Réservation internet conseillée
Jusquâau 20 janvier 2025 www.pinaultcollection.com
⹠2 résidences de 8 et 13 logements
âą Du T1 au T4
âą De 25 Ă 95 m2
⹠Proximité de toutes commodités
âą DĂšs 102 250 âŹ
Les Family ties de Tina Barney MUSĂE DU JEU DE PAUME Une fois de plus, le sĂ©millant MusĂ©e du Jeu de Paume propose une trĂšs belle exposition consacrĂ©e Ă lâamĂ©ricaine Tina Barney, aujourdâhui ĂągĂ©e de 78 ans. Ses photos consacrĂ©es Ă sa thĂ©matique de rĂ©fĂ©rence, la famille, y occupent une trĂšs large place, bien mises en valeur par de trĂšs grands tirages qui semblent harmonieusement flotter dans les volumes des deux salles du musĂ©eâŠ
La seule façon de sâinterroger sur soi-mĂȘme ou sur lâhistoire de sa vie, câest Ă travers la photographiĂ©â» Ă©crivait Tina Barney en 2017. Câest que, depuis la fin des annĂ©es 1970, lâartiste poursuit principalement une Ćuvre de portraitiste, en grand format et le plus souvent en couleurs. Dâabord centrĂ© dans les annĂ©es 1980 et 1990 sur ses proches au sein des milieux aisĂ©s de la cĂŽte Est des Ătats-Unis, son travail a ensuite concernĂ© dâautres horizons, notamment ceux de la haute bourgeoisie et de lâaristocratie europĂ©enne. Depuis les annĂ©es 2000, Tina Barney rĂ©alise rĂ©guliĂšrement des images de commande, notamment pour la presse, la mode et la publicitĂ©.
Un regard sans concession sur sa propre famille «âSans doute les gens pensent-ils [que je consacre mon travail] Ă la haute sociĂ©tĂ© ou aux riches, ce qui me contrarie. Ces photographies traitent de la famille, de personnes de la mĂȘme famille qui se cĂŽtoient dâordinaire au sein de leur propre maison. Je ne sais pas si le public se rend compte que câest de ma famille quâil sâagit.â» â Tina Barney, BOMB Magazine, 1995
Il faut absolument lire avec soin les cartels des photos de lâexposition. Ils ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s par Quentin Bajac, le directeur du musĂ©e et commissaire de lâexposition. ils sont issus dâarticles de presse parus au fil des dĂ©cennies sur les expositions de Tina Barney et ils reprennent souvent les propos mĂȘmes de la photographe.
On y comprend assez vite son cheminement. Les annĂ©es 1980 et 1990, en pleine rĂ©volution libĂ©rale aux Ătats-Unis initiĂ©e par Ronald Reagan, ont Ă©tĂ© marquĂ©es par une surreprĂ©sentation des fameux WASPS (White Anglo-Saxon Protestant), câest-Ă -dire
Jean-Luc Fournier © Tina Barney
The Young Men, 1992
lâĂ©lite de la classe dominante, issue des vieilles familles de la cĂŽte Est. Un photographe comme Bruce Weber, collaborateur attitrĂ© de la marque bon chic bon genre Ralph Lauren, a multipliĂ© ces clichĂ©s de prime abord publicitaires, mais qui ont en fait enkystĂ© le style WASP dans les imaginaires. Et ce nâest sans doute pas pour rien si nombre de critiques de lâĂ©poque ont parlĂ© de Tina Barney comme de lâantiRalph LaurenâŠ
Un regard oblique Au tout premier coup dâĆil, le style de la photographe ne dĂ©tone pasâ: elle est issue de ce mĂȘme milieu cossu et, photographiant sa propre famille, on y retrouve les codes des images de la haute bourgeoisie amĂ©ricaine de ces annĂ©es-lĂ . Sauf que⊠en y regardant de plus prĂšs, on dĂ©cĂšle immĂ©diatement une forme de distance subtile,
mais trĂšs visible. Les sujets, les ambiances sont les mĂȘmes, mais câest comme si Tina Barney, avant chaque clichĂ©, faisait mentalement un lĂ©ger pas de cĂŽtĂ©. Cette mise Ă distance est vraiment la signature du travail de la photographeâ: elle nâest pas grossiĂšrement Ă©vidente, et ce nâest pas non plus une volontĂ© de se moquer des personnes ou des situations quâelle immortalise, câest juste un regard oblique qui nous fait rĂ©aliser Ă quel point ces AmĂ©ricains «âde bonnes famillesâ» vivent Ă lâĂ©cart de lâimmense majoritĂ© de leurs concitoyens.
Dans un de ces fameux cartels rĂ©alisĂ©s tout exprĂšs pour lâexposition, cet avis de Vince Aletti, un journaliste de lâhebdo new-yorkais The Village Voice, qui rĂ©sume mieux que tout lâĆil unique de Tina Barney sur cette classe sociale se voulant lâĂ©lite de la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaineâ: «âLa familiaritĂ© de Barney avec ses sujets transforme une
«âSauf que⊠en y regardant de plus prĂšs, on dĂ©cĂšle immĂ©diatement une forme de distance subtile, mais trĂšs visible.â» Jill & Mon, 1983
image qui aurait pu tourner Ă la satire sociale en quelque chose de plus subtil et de plus rĂ©vĂ©lateur. Puisque la plupart dâentre eux se trouvent dans leur intĂ©rieur oĂč fourmillent des indices de leurs goĂ»ts et de leur statut, nous avons tendance Ă en infĂ©rer immĂ©diatement une lecture de classeâ: femmes lasses, hommes qui en imposent, enfants dotĂ©s dâune souveraine confiance en soi. Mais parce que Barney ne livre jamais ce type de lecture, ses portraits possĂšdent une gĂ©nĂ©rositĂ© et une grĂące qui leur confĂšrent de la substance, mĂȘme aux plus anecdotiques.â» Tout est dit.
Les grands tirages proposĂ©s par le MusĂ©e du Jeu de Paume ne sont pas un choix du commissaire de lâexposition. Ă partir de 1982, Tina Barney, aprĂšs avoir fait le choix radical de la couleur, a imposĂ© ces grands formats. Un autre choix artistique dĂ©libĂ©rĂ©â: ces photos «âgĂ©antesâ» se destinaient ainsi dâemblĂ©e Ă lâaccrochage en galerie plutĂŽt quâau traditionnel livre photo abondamment diffusĂ© en librairie. Ce nâest pas le moindre des mĂ©rites de cette trĂšs belle exposition de proposer avec succĂšs cette vraie dĂ©couverte dâune Ćuvre unique en son genre⊠c
ET PUISQUE VOUS ĂTES AU MUSĂE DU JEU DE PAUME⊠Chantal Akerman. Travelling Le Jeu de Paume rend hommage Ă la cinĂ©aste, artiste et Ă©crivaine belge Chantal Akerman (Bruxelles 1950 âParis 2015) Ă travers une exposition exceptionnelle, co-rĂ©alisĂ©e avec le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles.
Lâexposition Chantal Akerman. Travelling retrace le parcours atypique de cette figure emblĂ©matique qui ne cesse dâinspirer et de fasciner des gĂ©nĂ©rations dâartistes et cinĂ©philes et dont le film Jeanne Dielman, 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles est aurĂ©olĂ© du titre de «âMeilleur film de tous les tempsâ» dĂ©cernĂ© en 2022 par la revue britannique Sight&Sound.
Lâexposition au Jeu de Paume propose un dialogue entre ses films, ses installations et une biofilmographie contenant des archives inĂ©dites.
TrĂšs franchement, ne manquez pas ces salles mĂȘme si vous ignorez tout de Chantal Akerman. Prenez le temps de dĂ©couvrir les visuels et de vous coiffer dâun des casques audio connectĂ©s aux ordinateursâ: ses interviews et les extraits de ses films fascinent, et son actrice fĂ©tiche, Delphine Seyrig, est omniprĂ©senteâŠ
De haut en basâ:
The Daughters, 2002
The Two Students, 2001
MUSĂE DU JEU DE PAUME
TINA BARNEY
1 place de la Concorde â Jardin des Tuileries 75001 Paris
AccĂšs MĂ©tro Lignes 1, 8 et 12, station Concorde
Ouvert du mardi au dimancheâ: 11hâ19Â h
Nocturne le mardi jusquâĂ 21h FermĂ© le lundi
Jusquâau 19 janvier 2025 www.jeudepaume.org
CERTAINS NE JURENT QUE PAR NICOLAS. NOUS ON A PIERRE, PAULE, JACQUES... Au Théùtre du vin, nous avons 38 prénoms et une grande passion pour les conseils personnalisés. Et sinon, retrouvez-nous sur theatreduvin.fr
STRASBOURG - HAGUENAU - FEGERSHEIM - COLMAR - MITTELHAUSBERGEN
Jean-Luc Fournier © The Estate of Tom Wesselmann, New York â Robert McKeever / Courtesy Gagosian Gallery â Jean-Luc Fournier â DR
POP FOREVERâ: Welcome back, Tom ! FONDATION LOUIS VUITTON Ce sont 150 Ćuvres, dont certaines vraiment monumentales, qui ont envahi les vastes salles de la Fondation Louis Vuitton. Il fallait bien une telle cathĂ©drale de verre et de bĂ©ton pour accueillir ce dĂ©ferlement de couleurs et de gigantisme, nĂ©gociĂ© directement auprĂšs de la succession de Tom Wesselmann et marquĂ© notamment par des prĂȘts de grande ampleur dâĆuvres qui avaient jusque-lĂ trĂšs rarement voyagĂ© (voire jamais, pour une bonne dizaine dâentre elles). Il nâest pas abusif de penser que la Fondation Louis Vuitton revisite lĂ lâhistoire dâun mouvement qui nâaura jamais cessĂ© dâinventer, avec une ferveur bien rĂ©elleâŠ
Les deux dĂ©cennies 1960 et 1970⊠Elles font presque rĂȘver aujourdâhui mĂȘme si ce fut le temps de la guerre froide entre les Ricains et les Ruskov qui rivalisaient en comptant leurs centaines dâogives nuclĂ©aires respectives, le mur de Berlin, la guerre dâAlgĂ©rie en France puis la guerre du Vietnam qui lacĂ©ra la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine, les combats des civil rights aux ĂtatsUnis, et mĂȘme un premier choc pĂ©trolier en 1974. Si ces deux dĂ©cennies parviennent encore aujourdâhui Ă susciter un peu de rĂȘve, câest parce quâelles furent aussi le thĂ©Ăątre dâune Ă©bouriffante succession de libĂ©rations comportementales et artistiquesâ: la libĂ©ration sexuelle et fĂ©ministe, le mouvement hippy, lâĂ©mergence dâune vraie culture rock dĂ©pouillĂ©e des colifichets Beach BoysâŠ
Un souffle puissant⊠Et parmi cette exubĂ©rance sociĂ©tale, on assista Ă lâarrivĂ©e dâartistes peintres et plasticiens Ă peine trentenaires, bien dĂ©cidĂ©s Ă imposer leur vision bousculante de lâordre des choses, en tout premier lieu leur quasi-obsession dâignorer volontairement le gris et le noir de la condition humaine. Un vrai souffle, et puissant de surcroĂźt, gĂ©nĂ©rĂ© par Andy Warhol et ses contemporains, les Roy Lichtenstein, Martial Raysse et on en passe⊠Parmi eux, un petit gars de la banlieue de Cincinatti, Tom Wesselmann qui allait devenir une des vraies figures de proue de ce mouvement vite baptisĂ© Pop Art, parce que la musique pop, la culture pop, les fringues pop, les radios pop, la pop-attitude, etc. Tous ont eu un point commun, plantĂ© comme un roc dans lâeffusion permanente de lâĂ©poqueâ: lâeffacement frĂ©nĂ©tique et assumĂ© de la frontiĂšre entre art et rĂ©alitĂ© quotidienne, jamais trĂšs loin de la satire avec le culte de lâAmerican Way of Life, la bagnole Ă tout-va, le bien-ĂȘtre fourni par la consommation Ă outrance, le cinĂ©ma pour bien propager tout ça trĂšs au-delĂ des
Great American Nude #75, Tom Wesselmann, 1965
Self Portrait While Drawing, Tom Wesselmann, 1983
frontiĂšres amĂ©ricaines et lâĂ©rotisation exubĂ©rante et sans limites du corps fĂ©mininâŠ
Tous les codes sont lĂ âŠ
Lâexposition Pop Forever â Tom Wesselmann &⊠est double. On y dĂ©couvre dâabord une trĂšs vaste rĂ©trospective consacrĂ©e Ă lâartiste. Elle rĂ©unit 150 de ses Ćuvresâ: ses tout premiers collages, puis les imposantes Still Lifes, les emblĂ©matiques et extraordinaires Great American Nudes, les sĂ©ries Mouths et Smokers, les Sunset Nudes et les immenses Ćuvres abstraites en mĂ©tal, certaines pour la premiĂšre fois visibles en Europe.
Tous les codes du Pop Art sont lĂ â: les Ćuvres de Wesselmann jouent avec une perception Ă©largie Ă partir dâobjets ou de matĂ©riaux ordinaires et des Ă©lĂ©ments «âperturbateursâ» souvent omniprĂ©sents, la sonnerie dâun tĂ©lĂ©phone, le tic-tac dâune horloge, le bruit dâun ventilateur, le son dâune radio ou les images dâun Ă©cran tĂ©lĂ©.
La scĂ©nographie merveilleusement rĂ©ussie de cette partie de lâexpo fait vite
apparaĂźtre lâĂ©tonnante dimension immersive qui grandit au fur et Ă mesure que le visiteur rapetisse peu Ă peu, au fil du caractĂšre monumental de ces Ćuvres. Bien sĂ»r, et souvent en tout premier lieu, la rĂ©tine se noie parmi une explosion de flashs de couleursâŠ
Avec les grandes figures iconiques⊠Mais lâexposition comporte aussi un volet thĂ©matique judicieusement mis en scĂšne. Il regroupe 70 Ćuvres de 35 autres artistes. Wesselmann y dialogue avec lâhistoire du Pop Art, de ses sources Ă ses manifestations bien actuelles. Ses premiers collages voisinent par exemple avec des Ćuvres du mouvement Dada qui, Ă lâinstar de lâexplosion soudaine et irrĂ©sistible du Pop Art, Ă©mergea lui aussi comme un mouvement «âanti-Artâ» Ă la toute fin de la PremiĂšre Guerre mondiale avant de se propager comme un incendie Ă Berlin, Hanovre, Cologne, Paris et New York.
Tout au long de cette seconde partie de lâexposition, les Ćuvres de Wesselmann
sont systĂ©matiquement replacĂ©es dans le contexte des annĂ©es 1960-70, aux cĂŽtĂ©s des grandes figures iconiques du Pop Art. Puis, habilement, lâhistoire se diffuse de nos jours, avec les Ćuvres de nos contemporains. Car, il y a peu, Wesselmann a Ă©tĂ© redĂ©couvert par des jeunes artistesâ: parmi eux, Mickalene Thomas, Derrick Adams et Tomokazu Matsuyama qui ont tous trois crĂ©Ă© des Ćuvres spĂ©cialement pour lâexposition. On devine sans peine leur Ă©motion et leur fiertĂ© dâĂȘtre ainsi prĂ©sentĂ©s en majestĂ© parmi les Ćuvres de Tom Wesselmann et consorts.
Cette nouvelle gĂ©nĂ©ration continue donc Ă travailler sur cette fusion obsessionnelle de lâart et de la rĂ©alitĂ© opĂ©rĂ©e par Wesselmann et ses complices dâil y a six dĂ©cennies, fusion qui prolonge ainsi le rĂ©cit lĂ©gendaire du Pop, une sorte de Pop Forever comme le proclame avec jubilation le titre de lâexposition de la Fondation Louis Vuitton.
Un dernier clin dâĆil, savoureux. Ă plusieurs reprises, les cartels se font lâĂ©cho dâune monographie de Tom Wesselmann
Still Life #57, Tom Wesselmann, 1969-70
Ice cream, Evelyne Axell, 1964
publiĂ©e en 1980 et rĂ©digĂ©e par un certain Slim Stealingworth. Ce dernier Ă©crit, au sujet des dĂ©buts de lâartisteâ: «âIl ne connaissait rien de lâart et de artistes. Il avait une impulsion crĂ©ative constante, mais elle nâavait pas de direction, et rien dans son expĂ©rience immĂ©diate ne pouvait lui donner une forme artistique.â» Ce jugement trĂšs sĂ©vĂšre sur un trĂšs jeune artiste dĂ©butant aurait pu faire bondir Tom Wesselmann, lui qui Ă©tait dĂ©jĂ une star du Pop Art au moment de la sortie de cette monographie. Il nâen fut cependant rien et pour une bonne raisonâ: Slim Stealingworth nâĂ©tait quâun pseudo. Le vrai rĂ©dacteur Ă©tait⊠Tom Wesselmann, himself ! Lâesprit Pop, toujours⊠c
«âLes Ćuvres de Wesselmann jouent avec une perception Ă©largie Ă partir dâobjets ou de matĂ©riaux ordinaires et des Ă©lĂ©ments âperturbateursâ souvent omniprĂ©sents.â» FONDATION LOUIS VUITTON POP FOREVER âTOM WESSELMANN
8 avenue du Mahatma Gandhi 75016 Paris
Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 11h Ă 20h
AccĂšs MĂ©tro Lignes 1, station Les Sablons (950 m) Navetteâ: Toutes les 20 minutes environ durant les horaires dâouverture de la Fondation. La station de la navette se trouve Ă la sortie n° 2 de la station Charles de Gaulle Ătoile, Ă la hauteur du 44 avenue de Friedland.
Jusquâau 24 fĂ©vrier 2025 www.fondationlouisvuitton.fr
MUSĂE MARMOTTAN MONET Le trompe-lâĆilâ: quand lâart illusionne⊠Le discret MusĂ©e Marmottan-Monet, aux confins ouest de Paris, propose une exposition dâune folle originalitĂ© sur le trompe-lâĆil du xviie siĂšcle Ă nos jours. Plus de quatre-vingts Ćuvres, toutes plus surprenantes les unes que les autres, et provenant dâEurope et des Ătats-Unis en ont rejoint dâautres faisant partie des collections permanentes du musĂ©e. Le tout forme un ensemble foisonnant. Une formidable dĂ©couverte, assurĂ©mentâŠ
Ă gaucheâ:
La déchirure, Henri Cadiou, 1981
Ă droiteâ: Transcendance spaciale, Henri Cadiou, 1960
Le terme trompe-lâĆil aurait Ă©tĂ© employĂ© pour la premiĂšre fois par Louis LĂ©opold Boilly (1761-1845) en lĂ©gende dâune Ćuvre exposĂ©e au Salon de 1800. Le terme fut adoptĂ© trente-cinq ans plus tard par lâAcadĂ©mie française. Bien quâelle apparaisse donc officiellement au xixe siĂšcle, lâorigine du trompe-lâĆil serait liĂ©e Ă un rĂ©cit bien plus ancien, celui de Pline lâAncien (23-79 apr. J.C.), qui rapporte dans son Histoire naturelle comment le peintre Zeuxis (464-398 av. J.C.), dans une compĂ©tition qui lâopposait au peintre Parrhasios (entre 460 av. J.-C. et 455-env. 380 av. J.-C.), avait reprĂ©sentĂ© des raisins si parfaits que des oiseaux vinrent voleter autourâŠ
Un parcours chronologique trĂšs complet PassĂ©e cette nĂ©cessaire prĂ©cision tout historique, on rĂ©alise quâau cours des siĂšcles, le trompe-lâĆil sâest dĂ©clinĂ© Ă travers des mĂ©diums trĂšs variĂ©s et sâest en permanence rĂ©vĂ©lĂ© pluriel. Il a toujours jouĂ© avec le regard du spectateur et est vite parvenu Ă constituer un clin dâĆil aux piĂšges que nous tendent nos propres perceptions. Si certains thĂšmes du trompe-lâĆil sont connus â tels que les vanitĂ©s, les trophĂ©es de chasse ou les porte-lettresâŠÂ â dâautres aspects sont abordĂ©s dans cette remarquable exposition, comme les dĂ©clinaisons dĂ©coratives (mobilier, faĂŻences...) ou encore la portĂ©e politique de ce genre pictural, de lâĂ©poque rĂ©volutionnaire jusquâaux versions modernes et contemporaines.
Le tout se dĂ©cline autour de plus de quatre-vingts Ćuvres significatives du xvie au xxie siĂšcle provenant de collections particuliĂšres et publiques dâEurope et des Ătats-Unis (National Gallery of Art de Washington, le musĂ©e dâart et dâhistoire de GenĂšve, le Museo dellâOpificio delle Pietre Dure de Florence, le chĂąteau de Fontainebleau, le musĂ©e du Louvre, le musĂ©e de lâArmĂ©e, la Manufacture et musĂ©e nationaux de SĂšvres, la Fondation Custodia, le Palais des Beaux-Arts de Lille, jusquâau musĂ©e Unterlinden de Colmar qui a prĂȘtĂ© une des Ćuvres les plus anciennes de lâexposition, une huile sur bois Armoire aux bouteilles et aux livres, datĂ©e de 1520-1530 et dont lâauteur nâa jamais pu ĂȘtre identifiĂ©.) Les neuf sections de lâexposition illustrent
ainsi, Ă travers un parcours chronologique, la pluralitĂ© des sensibilitĂ©s et des reprĂ©sentations du trompe-lâĆil tout comme son Ă©volution au fil du temps.
La volontĂ© de crĂ©er lâillusion Bien avant lâentrĂ©e de lâexposition, on sait pertinemment que notre regard et notre perception vont ĂȘtre immanquablement manipulĂ©s par la kyrielle dâartistes qui, au fil des siĂšcles, ont utilisĂ© le trompe-lâĆil. Pour autant, trĂšs souvent, on reste stupĂ©fait devant les techniques utilisĂ©es et surtout leur rĂ©sultatâ: il nâest pas abusif de parler dâhyperrĂ©alisme pour beaucoup de tableaux accrochĂ©s aux cimaises de lâexposition.
Câest au xviie siĂšcle et plus particuliĂšrement aux Pays-Bas quâon a pu situer lâapogĂ©e des innombrables recherches menĂ©es par les artistes qui, avec des moyens purement techniques et plastiques, la peinture Ă lâhuile, la perspective ou encore les effets de lumiĂšre ont ainsi pu ambitionner de rivaliser avec la rĂ©alitĂ©. Cornelis Norbert Gijsbrechts, peintre de la cour de Copenhague au service des rois FrĂ©dĂ©ric III puis Christian V, amateurs de cabinets de curiositĂ©, a conçu pour eux des trompe-lâĆil dont la virtuositĂ© inĂ©galĂ©e a alors Ă©levĂ© le trompe-lâĆil, un genre dit mineur, Ă un niveau de perfection et dâingĂ©niositĂ© sans prĂ©cĂ©dent.
Un siĂšcle plus tard, on pouvait parler dâune vĂ©ritable peinture illusionniste, certains artistes mettant Ă profit leur maĂźtrise de cette technique pour faire ressortir les traits de leurs modĂšles comme ceux de Madame Chenard par Boilly ou copiant les Ćuvres de maĂźtres dont le BĂ©nĂ©dicitĂ© de Chardin ce dont tĂ©moigne lâĆuvre de Moulineuf ajoutant de maniĂšre habile la troisiĂšme dimension grĂące au verre cassĂ© feint. Durant ce mĂȘme xviiie siĂšcle, la volontĂ© de crĂ©er lâillusion sâest Ă©tendue Ă la production de la cĂ©ramique en trompe-lâĆil au service dâobjets utilitaires oĂč il sâagissait davantage dâune Ă©vocation que dâune rĂ©elle duperie. Des thĂ©matiques nouvelles se sont ainsi multipliĂ©es au grĂ© des nouvelles techniques apparaissant dont la porcelaine dureâ: soupiĂšres en forme de choux, de salades, de courges, assiettes garnies dâolives et autres fruits et lĂ©gumes ou terrines de forme animaliĂšre dĂ©corant les tables dâapparat aux cĂŽtĂ©s de plats aux formes plus conventionnelles, source de confusion pour les convives.
Les trompe-lâĆil contemporains Ă partir du dĂ©but des annĂ©es 1910, Georges Braque et Pablo Picasso, posant la question du lien entre la peinture et le rĂ©el Ă travers un nouveau type de reprĂ©sentation, le cubisme, avaient innovĂ© en matiĂšre de composition en proposant une sĂ©rie de plans verticaux leur permet de jouer avec des jeux dâillusion. Plus tard, le monde de lâobjet a lui aussi vu un nombre considĂ©rable de reprĂ©sentations oĂč le trompe-lâĆil a Ă©tĂ© roi. Mais ce sont encore les initiateurs puis les dignes descendants du mouvement italien Arte povera (lire notre reportage Ă la Bourse de Commerce, page 24) qui ont perpĂ©tuĂ© lâart de lâillusionâ: tableaux-miroirs (le reflet est directement inclus dans le tableau), moulages de personnages hyperrĂ©alistes, empreintes de corps dans la matiĂšre⊠Le trompe-lâĆil, sans cesse renouvelĂ©âŠ
Cette exposition au Musée MarmottanMonet surprend à chaque pas. c
Nature morte aux bouteilles et aux livres, Anonyme, vers 1520â1530
MUSĂE MARMOTTAN-MONET LE TROMPE-LâĆIL
2 rue Louis Boilly 75016 Paris
AccĂšs MĂ©tro Ligne 9, station La Muette ou RER C, station Boulainvilliers
Ouvert du mardi au dimanche de 10h Ă 18h
Nocturne le jeudi jusquâĂ 21h FermĂ© le 25 dĂ©cembre
Jusquâau 2 mars 2025 www.marmottan.fr
LaurĂšne Marx
Samuel Achache, Antonin-Tri Hoang, Florent Hubert, Eve Risser
MoliÚre, David Bobée
Marion Duval
FONDATION BEYELER Matisse. Invitation au voyageâ: la quĂȘte de la lumiĂšre⊠Avec son inimitable sens du professionnalisme et la qualitĂ© depuis longtemps reconnue de ses accrochages, la Fondation Beyeler Ă BĂąle prĂ©sente la premiĂšre rĂ©trospective consacrĂ©e Ă Henri Matisse en Suisse et dans lâespace germanophone depuis prĂšs de deux dĂ©cennies. Les habituĂ©s des grands musĂ©es parisiens caresseront une nouvelle fois des yeux des toiles habituellement accrochĂ©es aux cimaises de la capitale, mais dĂ©couvriront aussi des merveilles rarement vues en Europe, en provenance de musĂ©es internationaux prestigieux et de nombreuses collections privĂ©es.
Henri Matisse (1869-1954) est lâun des peintres incontournables de lâart moderne et on peut affirmer sans crainte dâĂȘtre dĂ©menti quâil a influencĂ© des gĂ©nĂ©rations dâartistes, de ses contemporains Ă nos jours, lui qui, faut-il le rappeler, fut refusĂ© Ă lâadmission Ă lâĂcole des beaux-arts en 1892 (il y fut nĂ©anmoins admis trois ans plus tard).
Avec Pablo Picasso, Matisse occupait une place Ă part dans la collection personnelle dâErnst Beyeler, disparu en 2010, longtemps marchand dâart Ă©tabli Ă BĂąle avant de crĂ©er sa Fondation Ă©ponyme. Câest sans doute ce lien particulier qui a inspirĂ© Sam Keller, le directeur de la Fondation, au moment de programmer cette Ă©niĂšme exposition de prestige Ă BĂąle.
Une nouvelle
lĂ©gĂšretĂ© On sâaccorde gĂ©nĂ©ralement sur un aspect de lâĆuvre de Matisseâ: sa permanente simplification des formes. AssociĂ© Ă la libĂ©ration frĂ©nĂ©tique de la couleur, le peintre a redĂ©fini la peinture et apportĂ© Ă lâart comme une nouvelle lĂ©gĂšretĂ©. Cela vaut aussi pour ses lĂ©gendaires papiers dĂ©coupĂ©s, rĂ©alisĂ©s durant la dĂ©cennie 1940 et
Jean-Luc Fournier © Succession H. Matisse / 2024, ProLitteris, Zurich/ Mitro Hood / Robert Bayer - Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMNGrand Palais / Philippe Migeat â Kimbell Art Museum, Fort Worth, Texas
Nu Bleu, 1952
LâAsie, 1946
«âLe geste est ample, prĂ©cis, harmonieux et sans le moindre Ă -coup, mĂȘme lors de la dĂ©coupe des plus petits dĂ©tails.â» IntĂ©rieur, bocal de poisson rouge, 1914
jusquâĂ sa mort en 1954. Ă ce sujet, ne manquez pas, vers la fin du parcours de lâexposition de la Fondation Beyeler, ce film rare, en noir et blanc malheureusement. On y voit Matisse, presque octogĂ©naire, sâemparant dâun imposant ciseau de couturiĂšre pour dĂ©couper les bandes de papier dĂ©jĂ gouachĂ© de bleu quâil collera ensuite sur le support final. MalgrĂ© lâĂąge avancĂ© (et les affres dâune opĂ©ration dâune tumeur Ă lâintestin dont il survĂ©cut quasi miraculeusement), le geste est ample, prĂ©cis, harmonieux et sans le moindre Ă -coup, mĂȘme lors de la dĂ©coupe des plus petits dĂ©tails. Un simple retour en arriĂšre permet de contempler le rĂ©sultat sur nombre dâĆuvres dont le cĂ©lĂ©brissime Nu Bleu , terminĂ© en 1952. Au-delĂ de lâoriginalitĂ© crĂ©atrice, on nâaura jamais mieux montrĂ© lâapport essentiel de la douce gestuelle du peintre. Câest trĂšs Ă©mouvantâŠ
Lâexposition aligne les chefs-dâĆuvre Ce sont donc soixante-douze Ćuvres majeures qui attendent les visiteurs de lâexposition bĂąloise. Les plus emblĂ©matiques sont bien sĂ»r prĂ©sentes, mais beaucoup dâautres ont Ă©tĂ© rarement exposĂ©es en Europe. Elles proviennent de musĂ©es et de collections particuliĂšres de premier plan, dont la Baltimore Museum of Art, le Centre Pompidou de Paris, le K20 de DĂŒsseldorf, le Kimbel Art Museum de Fort Worth (Texas), le MoMA de New York, la National Gallery de Washington et le San Francisco Museum of Modern Art. La simple Ă©numĂ©ration de ces partenariats (on ne parle mĂȘme pas des collectionneurs privĂ©s, eux aussi nombreux et qui, pour la plupart, ont souhaitĂ© rester anonymes) situe bien la place prĂ©pondĂ©rante occupĂ©e par la Fondation Beyeler parmi les lieux dâart europĂ©ens et mĂȘme mondiaux. Quand le tĂ©lĂ©phone sonne et que Sam Keller est au bout de la ligne, on discute volontiers de prĂȘts et de visibilitĂ© des Ćuvres⊠Mesuret-on bien le privilĂšge dâavoir prĂšs de chez soi une telle institutionâ?
Lâexposition aligne donc ses chefs-dâĆuvreâ: La desserte (1897), Luxe, calme et voluptĂ© (1904) â on y reviendra â
Avec Camille Cottin Katharina Volckmer Jonathan Le Rendez-vous 11 â 22 mars 2025
© Estelle Hanania
La fenĂȘtre ouverte, Collioure (1905), Le luxe (1907), Baigneuses Ă la tortue (1908), Poissons rouges et sculpture (1912), Figure dĂ©corative sur fond ornemental (1926), Grand nu couchĂ© ( Nu rose ) (1935), LâAsie (1946), IntĂ©rieur au rideau Ă©gyptien (1948) et le Nu Bleu dont on parle plus haut. Cette profusion de tableaux, de sculptures et de papiers dĂ©coupĂ©s donne Ă voir lâĂ©volution et la richesse de lâĆuvre de Matisse.
La lumiĂšre idĂ©ale Au dĂ©part de lâexposition, il y a Lâinvitation au voyage , le cĂ©lĂšbre poĂšme de Charles Baudelaire, auquel Henri Matisse sâest rĂ©fĂ©rĂ© Ă maintes reprises. Et le visiteur aux yeux grand ouverts que nous sommes est invitĂ© lui aussi Ă voyager avec les Ćuvres ivres de couleurs du peintre.
Ă lâĂ©vidence, Matisse Ă©tait habitĂ© par la quĂȘte de la lumiĂšre idĂ©ale et câest cette quĂȘte qui le fit voyager quasiment jusquâĂ son dernier souffle. Sans doute le petit enfant nĂ© dans les grisailles du nord de la France et qui avait grandi loin de ces bleus
ou de ces ocres si chaleureux avait-il eu trĂšs tĂŽt besoin des bords de la MĂ©diterranĂ©e (dĂ©couverts lors dâun voyage Ă SaintTropez, Ă lâinvitation de Paul Signac), puis de lâItalie, de lâEspagne, de lâAfrique du Nord avant de se lancer dans une traversĂ©e des Ătats-Unis et dâun long sĂ©jour dans le Pacifique Sud⊠Dâautres nombreux voyages lâont aussi conduit en Europe, jusquâen Russie. Ă chaque fois, Ă son retour, Matisse a incorporĂ© Ă son travail les traditions picturales et les ambiances ainsi dĂ©couvertes, des Ćuvres aux influences fauvistes de ses dĂ©buts jusquâĂ ses fameux papiers dĂ©coupĂ©s de sa toute fin de sa vie.
Le titre de lâexposition de la Fondation Beyeler, est souvent Ă©voquĂ© par le motif de la fenĂȘtre ouverte, rĂ©current chez le peintre et qui constitue bien sĂ»r lâidĂ©ale invitation au voyage. Un espace multimĂ©dia, spĂ©cialement conçu pour lâexposition, regroupe nombre de photos, films Ă ce sujet, complĂ©tĂ©s par des aperçus des divers ateliers occupĂ©s par lâartiste tout au long de sa vie et de son processus de crĂ©ation. c
Grand Nu couché (Nu rose), 1935
FONDATION BEYELER HENRI MATISSE
Baselstrasse 77, Riehen, Basel
AccĂšsâ: Gare SBB puis
Tram Ligne 6, station Fondation Beyeler
Ouvert tous les jours de 10h Ă 18h, le mercredi jusquâĂ 20h
Jusquâau 26 janvier 2025 www.fondationbeyeler.ch
Le
Expos (sans) TGV, Ă Strasbourgâ! SĂ©rie Grand Nord
c DOSSIER â EXPOSITION
Jean-Luc Fournier © Frantisek Zvardon / La NuĂ©e Bleue, 2024 â DR
ESPACE APOLLONIA â STRASBOURG * Titre utilisĂ© par Bernard Reumaux dans le dossier de presse de lâexposition, avec lâautorisation des Ăditions La NuĂ©e Bleue.
Jusquâau 2 fĂ©vrier prochain, ce sont 95 photographies de FrantiĆĄek Zvardon qui sont exposĂ©es Ă lâEspace Apollonia, Ă lâentrĂ©e du quartier de La Robertsau Ă Strasbourg. ParallĂšlement, les Ăditions La NuĂ©e Bleue ont prĂ©sentĂ© LâAlsace et au-delĂ â un voyage entre rĂȘve et rĂ©alitĂ©, le dernier livre du photographe qui nous a quittĂ©s le 14 novembre dernier.
Ce ne sont que quelques lignes tout Ă la fin dâune interview de FrantiĆĄek Zvardon parue dans le journal de lâexposition qui lui est consacrĂ©e Ă lâEspace Apollonia. Le photographe rĂ©pond Ă une question posĂ©e par Dimitri Konstantinidis, le commissaire de lâexposition (et directeur de lâassociation Apollonia)â: «âCela fait maintenant un an que je me bats contre la maladie. Depuis, mes jours sont comptĂ©s. La vie a une fin, et je lâai acceptĂ©. Jâai essayĂ©, avec des capacitĂ©s trĂšs limitĂ©es, de me plonger dans le travail que jâai commencĂ© il y a quelques annĂ©es sur le Nord, que jâappelle Artic Ways. Quand Apollonia a acceptĂ© une exposition, le projet a Ă©tĂ© pour moi source de bonheur et dâespĂ©rance face Ă mon Ă©tat actuel et lâincertitude de pouvoir prĂ©parer un tel projet. Ce sera une derniĂšre signatureâ? Le temps nous le montreraâŠâ»
Câest donc avec un Ă©norme pincement au cĆur que les premiers visiteurs de lâexposition ont pu contempler les photos dâun des plus cĂ©lĂšbres photographes dâAlsace, la grave maladie dont souffre FrantiĆĄek nâĂ©tant alors connue que par le premier cercle de sa famille et de quelques amis trĂšs proches. Lors du vernissage de lâexposition le vendredi 8 novembre dernier, aucun des discours des intervenants nâa Ă©ludĂ©, nĂ©anmoins avec tact et respect, les grandes inquiĂ©tudes quant Ă lâĂ©tat de santĂ© du photographeâŠ
Certains de ses amis parmi les plus proches laissaient mĂȘme entendre que FrantiĆĄek avait tout fait pour sâaccrocher
Ă la vie jusquâau vernissage de son exposition correspondant Ă©galement Ă la date de parution de son dernier livre. Sentiments prĂ©monitoires puisque le photographe sâest Ă©teint quelques jours ensuite, le mercredi 13 novembre dernier.
Toute une vie Quatre dĂ©cennies dĂ©jĂ que FrantiĆĄek Zvardon parcourait inlassablement non seulement les chemins alsaciens, mais ceux du monde, Ă©galement. FormĂ© Ă la grande Ăcole VytvarnĂ© Fotografie de Brno (en TchĂ©coslovaquie, son pays natal, devenu aujourdâhui la RĂ©publique tchĂšque), puis Ă lâĂcole de philosophie
«âLe projet a Ă©tĂ© pour moi source de bonheur et dâespĂ©rance face Ă mon Ă©tat actuel et lâincertitude de pouvoir prĂ©parer un tel projet.â» FrantiĆĄek Zvardon SĂ©rie Grand Nord
de Prague, il sâĂ©tait Ă©tabli Ă Strasbourg oĂč il avait pris le statut de photographe-auteur en mĂȘme temps quâil demandait lâasile politique en 1987. Son travail a trĂšs vite Ă©tĂ© remarquĂ© par de nombreux Ă©diteurs (dont la fine fleur de lâĂ©dition rĂ©gionale, La NuĂ©e Bleue, les Ăditions du Signe, Le Verger Ă©diteurâŠ) et son premier ouvrage publiĂ© date du dĂ©but des annĂ©es 1990. Ses photos se retrouvent Ă ce jour dans plus de quarante ouvrages signĂ©s de son nom personnel et dans une foultitude dâautres parutions et campagnes publicitairesâŠ
Lâexpo dâApollonia propose donc prĂšs dâune centaine dâimages de grands formats, des tirages sublimĂ©s par le lĂ©ger satinage du papier utilisĂ© et reprĂ©sentant parfaitement le travail du photographeâ: le travail emblĂ©matique de toute une vie,
en fait. Ces images, exclusivement en noir et blanc, ont Ă©tĂ© choisies afin de focaliser lâattention sur lâhomme et sur la nature, les deux thĂ©matiques qui ont depuis toujours passionnĂ© Frantisek Zvardon.
Ainsi, notamment, on voyage parmi les sublimes paysages captĂ©s dans le Grand Nord, un des terrains de chasse photographique prĂ©fĂ©rĂ©s de Zvardon. Quand on connaĂźt les conditions climatiques extrĂȘmes qui rĂšgnent au-delĂ du cercle polaire, on devine sans peine toute lâabnĂ©gation et le professionnalisme qui ont prĂ©sidĂ© Ă ces prises de vueâ: lâattente de la lumiĂšre parfaite malgrĂ© un temps qui change sans cesse et Ă une vitesse dĂ©routante⊠Câest du trĂšs grand et trĂšs beau travail, assurĂ©ment, et il en est de mĂȘme avec les sublimes portraits ramenĂ©s dâAfriqueâŠ
Un livre dâune folle originalitĂ©
Concomitamment au vernissage de lâexposition, les Ăditions La NuĂ©e Bleue ont donc prĂ©sentĂ© ce qui restera le dernier livre de FrantiĆĄek Zvardon, Au-delĂ de lâAlsace. Un voyage entre rĂȘve et rĂ©alitĂ©. En 4e de couverture, le photographe dĂ©crit lui-mĂȘme son projetâ: «âJâai fait des milliers de photos de lâAlsace. Jâen ai choisi une centaine et les ai transformĂ©es en les retravaillant avec lâintelligence artificielle, pour les rendre fidĂšles aux images que jâai en tĂȘte. Pour quâelles ressemblent Ă mon rĂȘve.â»
Ainsi, nous sommes emmenĂ©s dans une Alsace Ă©trange et sublimĂ©e, pleine de chĂąteaux bĂątis sur des rochers vertigineux, de forĂȘts mystĂ©rieuses, de riviĂšres tonitruantes et de paysages dâun romantisme souvent bouleversant. Une trĂšs belle prĂ©face, signĂ©e Bernard Reumaux qui, quand il Ă©tait journaliste puis Ă©diteur, a si souvent collaborĂ© avec FrantiĆĄek Zvardon⊠c
LâEXPOSITION
ESPACE APOLLONIA FRANTIĆ EK ZVARDON
23 rue Boecklin, La Robertsau
AccĂšsâ: tram E, arrĂȘt Robertsau Boecklinâ; Lignes de busâ: 72 et L6, arrĂȘt Boecklin
Ouvert du mardi au dimanche de 14h Ă 18h et aux heures dâouverture du BâArt Garden Fermeture dâhiverâ: du 21 dĂ©cembre 2024 au 5 janvier 2025 EntrĂ©e libre
www.apollonia-art-exchanges.com
LE LIVRE
AU-DELĂ DE LâALSACE, UN VOYAGE ENTRE RĂVE ET RĂALITĂ
Ăditions de la NuĂ©e Bleue, 28âŹ
SĂ©rie Surma
RĂ©ception pour un anniversaire, une communion, une occasion particuliĂšre ou un mariage...
Chez Soi est une entreprise familiale, Ă la cuisine authentique, gĂ©nĂ©reuse et gourmande, Ă base de produits frais, locaux et de saison. Nos Ă©quipes sont passionnĂ©es, quâil sâagisse de plats traditionnels du terroir alsacien ou de mets dĂ©licats, Ă©laborĂ©s et inventifs.
Inauguration, lancement de produit, sĂ©minaire, congrĂšs, assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale ou repas dâaffairesâŠ
Isabelle Baladine Howald © BibliothĂšque Alsatique du CrĂ©dit Mutuel â BibliothĂšque des MusĂ©es â M.Bertola/MusĂ©es de Strasbourg
ILLUSTRATION ENFANTIMAGESâ! Lâillustration du livre pour enfants est Ă la fĂȘte Ă Strasbourgâ! 180 merveilles sous nos yeux enchantĂ©s sous lâintitulĂ©â: Enfantillages, lâAlsace et les prĂ©mices de lâillustration jeunesse, XIXe-XXe siĂšcles.
Charles-Ămile Matthis (graveur), ZoĂ© la vaniteuse. Ensemble de huit épreuves dâĂ©tat, 1868, 19 x 15 cm, Strasbourg.
Henry Morin (illustrateur), Germain le Hautain. Dessin original, 1925, 37 x 33Â cm, Strasbourg.
a commence bienâ! La petite fille de lâaffiche avance dâun pas dĂ©cidĂ©, la tĂȘte haute, un poil insolente et lâair quelque peu Ă©nervĂ©â! Libre, quoiâ! Donc ici, pas dâenfantssages ici, vous ĂȘtes prĂ©venusâ! Ils gambadent et font mille facĂ©tiesâ!
ĂEt en effet tout commence Ă la Galerie Heitz et se poursuit au MusĂ©e Ungerer. La riche tradition alsacienne de lâillustration du livre pour enfants est mise Ă lâhonneur. Cette tradition naĂźt au dĂ©but du XVIIIe avec notre lĂ©gendaire Struwwellpeter (quelle orthographeâ!). On connaĂźt bien sĂ»r ensuite Gustave DorĂ© et ses impressionnantes, terrifiantes illustrations des contes de Perrault entre autres, Jules Hetzel pour celles de Jules Verne, jusquâĂ nos jours avec Claude Lapointe en passant par Hansi. Ă partir de 1835 lâimagerie de Wissembourg poursuivra sa propre voie, vive, colorĂ©e engagĂ©e, pour Rintintin
Raymond de la NéziÚre (illustrateur), Les fables de La Fontaine. Le chat et le vieux rat, tirés à part, Tours, Mame, sd. 1930, 30 x 25 cm, Strasbourg.
et NĂ©nette. Lâillustration prenant de plus en plus de place dans le livre de jeunesse, câest la pĂ©riode dorĂ©e des auteurs citĂ©s, mais aussi dâautres comme Charles Ămile Mathis, FrĂ©dĂ©ric Lix, ThĂ©ophile Schuler, ou Gustave Jundt. Nos contrĂ©es alsaciennes Ă©tant riches de lĂ©gendes, celles-ci sont de vraies machines Ă rĂȘves pour les illustrateurs, mais toute la rĂ©gion rhĂ©nane de part et dâautre du Vater Rhein trouve Ă©galement sa place et prouve son importance dans une tradition alĂ©manique venue des contes. Merveilleuses vignettes de LĂ©o Schnug Ă partir des frĂšres Grimmâ!
Et bien Ă©videmment les guerres serviront de champs de bataille Ă leur façon, prĂŽnant le patriotisme, la haine en de lâennemi et la forme dâaffirmation de lâidentitĂ© alsacienne. 180 illustrations et livres carnets, esquisses, petites et Ă©mouvantes silhouettes dĂ©coupĂ©es en noir et blanc dites Scherenschmitt,
dĂ©coupages, premiers pop-up, livres de sciences, imagiers et abĂ©cĂ©daires adorables⊠Bien dâautres illustrateurs et illustratrices comme la dĂ©licieuse Jacqueline Verly sont exposĂ©s.
Il est trĂšs intĂ©ressant de voir lâĂ©volution de lâillustration enfantine, dite Enfantina. De nos jours, peu de dĂ©tails des dessins, plus grands, plus symboliques, au trait plus affirmĂ©, aux couleurs trĂšs vives, avec assez peu de textes, sauf pour les plus grands. Mais au XIXe siĂšcle, le dessin, minutieux, dĂ©taillĂ©, Ă©tait-il vraiment pour enfantsâ? Rien de moins sĂ»r. Faisaient-elles moins rĂȘverâ? Certainement non. «âLe support de lâĂ©poque, sur lithographie, peu onĂ©reuse, permet aussi une plus grande diffusionâ», explique Florian Siffer, un des deux commissaires.
Lâexposition au MusĂ©e Ungerer est sur la vision des choses par le grand illustra-
«âCE NâĂTAIT PAS MIEUX AVANT, MAIS LâIMPRESSION
EST DOUCE DâAVOIR
ĂTĂ DANS UN COCON, DâAVOIR SAUTĂ Ă NOUVEAU
DANS LES FLAQUES.â»
teur alsacien. Prenant les enfants trĂšs au sĂ©rieux tout en se mettant Ă la place de leurs regards, de leurs univers, de leurs perceptions, de leurs sensibilitĂ©s, toutes et tous multiples. Il dĂ©veloppe un monde Ă part qui ne tient pas compte de la pĂ©dagogie classique. LâintitulĂ© est clairâ: «âPas de livres pour enfantsâ»â! Il sâagit du mot dâordre de lâĂ©poque et de la grande pĂ©riode des annĂ©es 60 et 70, oĂč les thĂšmes plus intĂ©rieurs de la vie secrĂšte des enfants peuvent trouver un Ă©cho en eux. De nombreux illustrateurs alsaciens et internationaux interviennent dans cette exposition. Et on compte sur lâimpertinence du grand Tomi pour faire le nĂ©cessaireâ!
De nombreux visages adultes se plongent vers les illustrations exposĂ©es. Que revivent-ilsâ? Ă quoi rĂȘvent-ilsâ?
A-t-on lu des livres avec eux le soir, couchĂ©s sur leur lit, pelotonnĂ©s dans des bras aimantsâ? Ont-ils appris plus tard, dĂ©voreurs de contes, dâaventures, de rĂȘvesâ? Les regards se perdent, lâenfance affleure sur des visages parfois ĂągĂ©s, lâenchantement sur celui des enfants (câest plus joli que les nouveaux Disney, il faut quand mĂȘme le dire). Ce nâĂ©tait pas mieux avant, mais lâimpression est douce dâavoir Ă©tĂ© dans un cocon, dâavoir sautĂ© Ă nouveau dans les flaques et «âdonnĂ© des coups dâĆil pour de fauxâ» â comme chantait Renaud dans Mistral gagnant, la chanson qui fait pleurer Ă coup sĂ»r â fait des bĂȘtises et marchĂ© le nez en lâair. On ressort Ă la fois nostalgique et joyeux de cette trĂšs jolie exposition. Dehors, une petite fille saute dans les flaques. a
Dorette Muller (illustratrice) Hansel et Gretel, Mulhouse, Ăditions Lucos, sd., ca 1938, 25,7 x 20Â cm, Strasbourg, collection particuliĂšre.
Enfantillages Ă la Galerie Heitz, 2 place du ChĂąteau, Strasbourg, jusquâau 17 fĂ©vrier 2025, exposition placĂ©e sous le Commissariat de Florian Siffer et Christine Esch, respectivement responsable du Cabinet des Estampes et des Dessins et responsable de la BibliothĂšque Alsatique du CrĂ©dit Mutuel.
Pas de livres pour enfants. Enfantillages chapitre 2 au MusĂ©e Ungerer, Centre international de lâIllustration, jusquâau 2 mars 2025, sous le Commissariat dâAnna Sailer, conservatrice du MusĂ©e Ungerer.
Ces deux expositions sont placĂ©es dans le cadre de la programmation de Strasbourg, Capitale mondiale du Livre Unesco 2024 (jusquâen avril 2025).
Mission OPC pour « LâAlcazar », Saint-Louis. Sodico Immobilier. Espace EuropĂ©en de lâentreprise - BĂątiment MIKADO - Schiltigheim
VĂ©ronique Leblanc Service presse MusĂ©e dâart moderne et contemporain de Strasbourg
UNE PREMIĂRE EN FRANCE LE MAMCS DONNE LE MODE DâEMPLOI DES ĆUVRES Ă PROTOCOLE Erwin Wurm, One Minute
Sculpture : Untitled (Double), 2002
Piedestal, pull-over, instructions dessinĂ©es, collection MusĂ©e dâart contemporain, Marseille.
Enfilez Ă deux le pull dâErwin Wurm et transformez-vous en une sculpture unique, observez se craqueler en fissures alĂ©atoires la terre de la VallĂ©e de la Mort ramenĂ©e par Alice Aycock, regardez se faner les Flowers for Africa de lâartiste canadienne Kapwani Kiwanga et pensez au temps passĂ© depuis les indĂ©pendances africaines, aux espoirs déçus et Ă la persistance de la mĂ©moire rĂ©activĂ©e Ă chaque fois que lâon recompose les bouquets conçus lors des moments officiels qui ont ponctuĂ© ces Ă©vĂ©nements.
Bref, faites fi de lâimage de lâartiste romantique Ă lâinspiration irrĂ©pressible et lancez-vous dans la trĂšs originale exposition qui se tient jusquâau premier juin au MusĂ©e dâArt moderne et contemporain de Strasbourg.
Marianne Mispelaëre
BibliothĂšque des silences, 2017, fusain et gomme mie de pain, collection FRAC Occitanie, Montpellier.
CONCEVOIR, DĂLĂGUER, INTERAGIR, INTERPRĂTER, ACTIVER, LAISSER FAIRE. YOKO ONO, DANIEL BUREN, SOL LEWITT, VERA MOLNĂR ET BIEN
DâAUTRES
DES PROTOCOLES HYPER PRĂCIS Câest le cas de la BibliothĂšque des silences conçue par Marianne MispelaĂ«re, une artiste passĂ©e par Strasbourg et la Haute Ăcole des Arts du Rhin.
Le protocole en est trĂšs prĂ©cis tant dans la dimension de lâespace, clos Ă 80 % et oĂč se dĂ©ploie la liste des centaines de langues disparues depuis 1988, annĂ©e de naissance de lâartiste.
Ăcrits en français et en anglais dans une typographie prĂ©cise â la Minion Pro Regular â, les noms de ces langues ont Ă©tĂ© retranscrits Ă la main et au fusain par trois personnes au moins et seront effacĂ©s les uns aprĂšs les autres durant une performance menĂ©e par des intervenants nĂ©s eux aussi en 1988.
EntamĂ©e en 2017, cette Ćuvre Ă protocole prendra fin avec la disparition de lâartiste et existera alors sous sa derniĂšre actualisation.
UN NOUVEAU RAPPORT AUX ĆUVRES Ainsi en va-t-il dans lâexposition, des Ćuvres peuvent apparaĂźtre, disparaĂźtre, ĂȘtre touchĂ©es voire emportĂ©es.
Toutes ont Ă©tĂ© fabriquĂ©es Ă partir du mode dâemploi rĂ©digĂ© par lâartiste Ă lâimage du Jeux dâĂ©chec pour jouer Ă la paix conçu par Yoko Ono ou du Papier peint de Daniel Buren de couleur obligatoirement diffĂ©rente Ă chaque prĂ©sentation.
Les contraintes ne sâarrĂȘtent pas avec le vernissage comme en tĂ©moigne lâarrosage de la flaque dâeau façonnĂ©e par lâartiste alsacienne Capucine Vandebrouck captivĂ©e par la fugacitĂ© et lâĂ©phĂ©mĂšre.
Sans intervention rĂ©guliĂšre, cette eau sculptĂ©e sâĂ©vaporeraitâŠ
mode dâemploi, suivre les instructions de lâartiste au MAMCS jusquâau 1er juin 2025
IntitulĂ©e mode dâemploi, celle-ci prĂ©sente, pour la premiĂšre fois en France, les Ćuvres Ă protocole des annĂ©es 1960 Ă aujourdâhui. PrĂšs de 50 propositions dâune quarantaine dâartistes dont Yoko Ono, Daniel Buren, Sol LeWitt, Vera MolnĂĄr et bien dâautres y sont prĂ©sentĂ©es. Remettant en cause la notion dâauteur, dâoriginalitĂ© ou encore de pĂ©rennitĂ©, ces Ćuvres reprennent la notion de protocole scientifique pour lâappliquer Ă lâart. En clair, lâartiste Ă©labore des consignes et invite une Ă©quipe, ou le public, Ă les rĂ©aliser, dissociant ainsi lâidĂ©e de la fabrication.
Concevoir, dĂ©lĂ©guer, interagir, interprĂ©ter, activer, laisser faire etc., le parcours se dĂ©cline selon des verbes qui sont autant de chapitres permettant aussi dâapprĂ©hender lâhistoire des Ćuvres Ă protocole que ce soit dans les arts plastiques, la musique ou le design.
De lâ Art by Telephone⊠Recalled , exposition conçue en 1969 par le directeur du Contemporary Art de Chicago qui a recueilli au bout du fil les instructions des artistes, Ă lâintroduction plus rĂ©cente des Ă©lĂ©ments naturels en passant par lâintervention de lâordinateur mise en Ćuvre, notamment, par Sol LeWitt et lâimmense Vera MolnĂĄr. a
UN LEADER de lâenveloppe du bĂątiment Aujourdâhui rĂ©unis, wienerberger et Terreal en France conjuguent expertise, expĂ©rience et innovation pour vous offrir le meilleur de lâenveloppe du bĂątiment. Notre capacitĂ© industrielle alliant savoir-faire ancestral et avancĂ©e technique nous permet de vous proposer des solutions adaptĂ©es Ă lâensemble des besoins du marchĂ©.
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Julien Batard
MĂ©tamorphe, spectacle de Diffuse Ă Valentigney.
DIFFUSE POUR LâAMOUR DU CIEL En seulement deux ans dâexistence, lâentreprise alsacienne de spectacles de drones lumineux Diffuse sâest solidement installĂ©e dans le paysage, en proposant des shows rĂ©volutionnaires qui mĂȘlent tous les arts et toutes les techniques.
Câ est lâhistoire de deux gamins, dingues de feux dâartifice, et qui, Ă des centaines de kilomĂštres de distance, se rencontrent sur la Toile au travers dâune communautĂ© de jeunes Youtubeurs passionnĂ©s par la pyrotechnie. LĂ©o et Vincent ont Ă peine 12 ou 13 ans et partagent sans relĂąche leurs vidĂ©os de simulation, rĂ©alisĂ©es sur ordinateur Ă partir de logiciels dĂ©diĂ©s.
UN PARCOURS SIMILAIRE Dans sa bourgade vendĂ©enne de Moutiers-les-Mauxfaits, oĂč il utilise en cachette lâordinateur de la mairie pour publier ses crĂ©ations, LĂ©o nâa quâune idĂ©e en tĂȘteâ: faire de la pyrotechnie son mĂ©tier. Il entre presque de force dans un lycĂ©e agricole et, dĂšs que lâoccasion se prĂ©sente, prend son vĂ©lo pour partir Ă la rencontre des artificiers qui installent ici ou lĂ leurs feux. «âCâest comme ça que je suis passĂ© de lâautre cĂŽtĂ© de la barriĂšreâ», explique-t-il. LĂ©o apprend le mĂ©tier sur le tas et crĂ©e Ă 18 ans sa propre microsociĂ©tĂ© pyrotechnique. Il nâaura pas le temps de la dĂ©velopperâ: une sociĂ©tĂ© drĂŽmoise lâembauche presque aussitĂŽt comme chef de projet et lâenvoie pendant quatre ans faire exploser la poudre en Espagne, Ă Nice, Courchevel et Monaco.
Le parcours de Vincent est gĂ©mellaire Ă celui de LĂ©o. DestinĂ© au mĂ©tier de cuisinier, le jeune Haguenovien sâĂ©merveille devant la mise en scĂšne des «âpyroconcertsâ» de Jean-Ăric Ougier alors quâil est en stage dâhĂŽtellerie Ă Talloires, en Haute-Savoie. Il intĂšgre alors par la petite porte une sociĂ©tĂ© dâĂ©vĂ©nements pyrotechniques, Ă Thionville. Il y restera finalement cinq ans, en apprenant toutes les bases du mĂ©tier, puis en concevant de A Ă Z des feux qui Ă©clatent Ă Strasbourg, Metz, Besançon ou Bruxelles.
UNE RĂCOMPENSE QUI CHANGE TOUT LâannĂ©e 2021 marque un tournant dans lâaventure des deux passionnĂ©s. Vincent se forme en autodidacte Ă Blender, un puissant logiciel de modĂ©lisation et dâanimation 3D. «âLa premiĂšre fois que je lâai ouvert, et devant sa complexitĂ©, je lâai tout de suite fermĂ©â», sourit-il. Mais lâAlsacien est du genre tenace. Pendant cinq mois, il se fait des nĆuds dans le cerveau pour en maĂźtriser les moindres dĂ©tails, puis prĂ©sente le spectacle de drones quâil a conçu en 3D Ă lâInternational Drone Show Competition. Face Ă 140 autres concurrents, il rafle en dĂ©cembre le prix spĂ©cial du jury, notamment grĂące Ă sa synchronisation musicale qui rĂ©volutionne le genre.
Vincent Bauer Ă gauche et LĂ©o Dolignon
Olivier MĂ©tral DR â Olivier MĂ©tral
Pour Vincent, câest le moment de se lancer sur cette nouvelle voie, celle des spectacles de drones lumineux, dâautant que le monde de la pyrotechnie lâĂ©puise avec prĂšs de 300 feux tirĂ©s Ă lâannĂ©e et une Ă©volution technique qui prend de plus en plus le pas sur la crĂ©ation artistique. Il enjoint LĂ©o de lâaccompagner sur ce projet. Dâabord rĂ©ticent, il finit par plier. «âQuand Vincent mâa montrĂ© toute lâĂ©tendue des possibilitĂ©s en 3D, jâai rapidement changĂ© dâavisâ».
UN LANCEMENT RETENTISSANT Leur sociĂ©tĂ© Diffuse est crĂ©Ă©e en octobre 2022. Les deux compĂšres sâinstallent dans un algĂ©co de chantier Ă Goxwiller et Vincent candidate Ă nouveau au concours de lâInternational Drone Show, avec une nouvelle crĂ©ation portĂ©e par la musique originale de Titouan Malivoir. Bingoâ! Câest cette fois le premier prix que dĂ©croche Vincent, sous la banniĂšre cette fois de leur nouvelle entreprise. «âDeux mois aprĂšs notre lancement, on se retrouvait avec une rĂ©fĂ©rence internationale sans mĂȘme avoir fait voler un seul droneâ», sâĂ©tonne encore LĂ©o.
Ce dernier prend les commandes du secteur technique avec toutes les complications que le vol de drone implique, alors que Vincent se concentre sur la partie artistique. En deux ans Ă peine, leur succĂšs est phĂ©nomĂ©nal. On a vu leurs drones parader dans le ciel des festivals Vents dâEst et DĂ©cibulles, reproduire les arabesques de La Nuit Ă©toilĂ©e de
Van Gogh ou encore illuminer la nuit strasbourgeoise Ă lâoccasion dâOctobre Rose. Au total, une dizaine de spectacles Ă leur actif et ne parle-t-on pas ici de tous ceux que des sociĂ©tĂ©s, au Maroc, au Canada ou en Espagne, leur sous-traitent.
Mais pas question pour LĂ©o et Vincent dâopposer feux dâartifice et spectacles de drones. «âLes seconds nâĂ©vacueront pas les premiersâ», prĂ©vient LĂ©o. «âAu contraire, ils sont complĂ©mentaires et notre travail sâinscrit dans une dĂ©marche de spectacle total oĂč peuvent sâentrecroiser jeux de lumiĂšre, effets sonores, tableaux pyrotechniques et show aquatiqueâ», insiste Vincent. «âIl sâagit pour nous de repousser les limites de lâimaginaire et de transmettre de lâĂ©motion. Le drone nâest quâun des moyens techniques pour y parvenirâ». a
©
Frédéric Lepla
© Nicolas Guilitte
Songe dâĂ©tĂ©, spectacle de Diffuse en partenariat avec Aquatique Show lors du festival Vents dâEst.
La Nuit étoilée, spectacle de Diffuse pour Drotek.
JĂRĂMY GONĂALVES Jeune photographe français, JĂ©rĂ©my Gonçalves se passionne dĂšs les premiers pas pour les mammifĂšres marins. Cet univers mystĂ©rieux, qui pourrait effrayer les tout-petits, lui, lâĂ©merveille. Ă travers les films Orca ou bien Moby Dick, les orques retiennent son attention et font naĂźtre sa passion. Lâenfance rythmĂ©e par un imaginaire sous-marin quâil sâattĂšle trĂšs souvent Ă dessiner prend un autre tournant lorsque lâappareil photo remplace les feutres.
En 2020, JĂ©rĂ©my Gonçalves dĂ©cide de partir afin de sâimmerger dans le milieu de grands animaux marins. La RĂ©union, la NorvĂšge ou lâĂźle Maurice provoquent une myriade de photographies et autant de dĂ©couvertes. Selon les destinations, il se consacre tantĂŽt aux orques, tantĂŽt aux baleines Ă bosse, aux cachalots. En plongeant dans leur environnement naturel, il ne fait pas que les observer, mais documente leurs mouvements et leurs modes de vie Ă travers ses prises de vues.
Par Lisa Christ
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Alain Leroy Musée départemental Albert Kahn
LE JOUR OĂ⊠ALBERT KAHN A ARCHIVĂ LE MONDE NĂ© Ă Marmoutier dans la deuxiĂšme partie du XIXe siĂšcle et exilĂ© en «âFrance de lâintĂ©rieureâ» aprĂšs lâannexion allemande, Albert Kahn a bĂąti une immense fortune quâil a quasi entiĂšrement consacrĂ© Ă archiver le monde qui Ă©tait alors le sien, dĂ©pĂȘchant cameramen et photographes partout sur la planĂšte. Un legs pour lâhumanitĂ©.
Chaque Ă©poque a les milliardaires quâelle mĂ©rite. La nĂŽtre par exemple a vu fleurir les Tycoon obsĂ©dĂ©s par le culte du pouvoir et de lâargent, qui rĂȘvent de conquĂ©rir la lune, dâenvoyer Ă la MaisonBlanche un de leurs atrabilaires coreligionnaires ou de sâaccaparer les richesses du globe Ă leur seul profit. On ne dit pas que certains dâentre eux ne se soucient pas de la santĂ© du monde, mais enfin, il semble que comme les poissons volants, ils ne constituent pas la majoritĂ© du genre.
Celle dâAlbert Kahn nâĂ©tait peut-ĂȘtre pas mieux lotie, mais les Rockfeller, Carnegie, J-P. Morgan, pour ne parler que des plus cĂ©lĂšbres dâentre eux, avaient compris que leur immense fortune ne sâĂ©tait pas faite toute seule, que pour ça il avait fallu utiliser la force de travail dâhommes et de femmes et que cette force de travail devait ĂȘtre prĂ©servĂ©e. Une sorte de deal gagnant-gagnant au cĆur dâune RĂ©volution industrielle qui allait faire exploser le nombre de milliardaires un peu partout dans les grandes nations occidentales.
Abraham Kahn Ă©tait dâune autre espĂšce. Dâabord, mĂȘme sâil nâest pas nĂ© pauvre, il nâest pas nĂ© riche. Son pĂšre est
marchand de bestiaux Ă Marmoutier oĂč existe une forte communautĂ© juive qui a aussi fait lâhistoire de lâAlsace. La guerre de 1870 est un tournant pour la rĂ©gion qui se retrouve annexĂ©e et pour lui qui, Ă lâĂąge de 16 ans, dĂ©cide de franchir cette nouvelle frontiĂšre. Nous sommes en 1876, le monde est vaste, immense et Abraham qui se fait dĂ©sormais appeler Albert a des envies de femme enceinte.
Le rĂ©cit de la premiĂšre partie de son existence est celle dâun Rastignac. Le voilĂ Ă Paris, sans beaucoup de sous, mais Ă Paris. Puisquâil faut survivre avant de vivre, il trouve un emploi dans un magasin de confection de vĂȘtements rue du Faubourg Montmartre. Quelques mois seulement. Le temps de prendre la mesure de ce monde nouveau qui autorise toutes les audaces. Il est dĂ©sormais commis Ă la banque des frĂšres Goudchaux, qui sont des cousins lorrains Ă©loignĂ©s. Commis, ce nâest pas grand-chose, mais il a mis un pied dans la porte, il ne la laissera pas se refermer.
On lâimagine dĂ©brouillard, il est intelligent, brillant et ça se voit. Et puis, il en veut, il a envie dâavaler le monde. Alors, il
grimpe tous les Ă©chelons, un Ă un dâabord et puis quatre Ă quatre, on ne lâarrĂȘte plus. Le voici fondĂ© de pouvoir, bientĂŽt (en 1891) associĂ©, dĂ©jĂ richeâ: il a devinĂ© avant tout le monde le potentiel Ă©norme des mines dâor et de diamants dâAfrique du Sud et a investi ce quâil avait et ce quâavaient les autres dans ces contrĂ©es lointaines. En 1898, il fonde sa propre banque au 102 rue Richelieu. Il a 38 ans, il est richissime et chaque jour accroĂźt sa fortune, ce qui ne lui suffit dĂ©jĂ plus.
Albert Kahn est un aventurier, il nâen a jamais assez et on ne parle pas dâargent, ça, câest bon, il en a pour des gĂ©nĂ©rations. Non, il veut vivre, exister et lâargent justement nâest pas un but, câest un moyen. NâĂ©crit-il pas Ă son ami Henri Bergson, en 1887, alors quâil est en pleine ascension professionnelle, que rĂ©ussir dans les affaires «ânâest pas son idĂ©alâ»â? Cet idĂ©al, il le trouvera en parcourant le monde. Ses voyages au Proche et MoyenOrient, au Japon, en AmĂ©rique du Nord et de Sud font jaillir de lui lâhumaniste qui ne sommeillait que dâun Ćil. Il rĂȘve de rapprocher les peuples, soĂ»le avec ça ses relations dans les salons oĂč lâon
parle, crĂ©Ă© des fondations, une dizaine, qui ont pour objet la fraternitĂ© universelle et encourage ses amis fortunĂ©s Ă faire de mĂȘme. Surtout, il est conscient que le monde quâil voit est un monde en voie de disparition, que bientĂŽt il sâĂ©teindra parce que lâĂ©poque est en train de changer et quâil faut garder une trace de tout ça. Il Ă©crit ainsiâ: «âIl faut fixer, une fois pour toutes, des aspects, des pratiques et des modes de lâactivitĂ© humaine dont la disparition fatale nâest plus quâune question de temps.â»
En 1898, Albert Kahn ouvre au sein de lâUniversitĂ© de Paris les Bourses de voyages autour du monde, concours qui permet aux laurĂ©ats, qui sont de jeunes agrĂ©gĂ©s, de rĂ©aliser un voyage de quinze mois dans un pays Ă©tranger afin quâils y prennent «ârĂ©ellement contact avec la vieâ». Un programme Erasmus avant lâheure. En 1905, ces bourses sâadressent aussi aux femmes agrĂ©gĂ©es et, lâannĂ©e dâaprĂšs, il crĂ©e la SociĂ©tĂ© autour du monde pour favoriser les Ă©changes entre les anciens boursiers et lâĂ©lite internationale. En 1909, il lance enfin son grand Ćuvreâ: Les Archives de la PlanĂšte. Un
Albert Kahn posant au balcon de sa banque au 102 rue de Richelieu Ă Paris en 1914 devant lâobjectif de Georges Chevalier, il a alors 54Â ans.
inventaire visuel et documentaire dâune ampleur inouĂŻe, jamais vue.
Pendant plus de deux dĂ©cennies, photographes, reporters dâimages et scientifiques vont partir aux quatre coins du globe pour fixer sur la pellicule ou graver sur des plaques de verre des vies et des modes de vie. Ils sont au couronnement de lâempereur dâĂthiopie, aux confins de la Chine oĂč les prisonniers portent au cou des chaines massives comme des ancres de bateaux, dans les Balkans, auprĂšs des cow-boys en Argentine, en Ăgypte, en Scandinavie, en GrĂšce, en Arabie, ils sont partout on vous dit. En Alsace aussi oĂč Albert Kahn, qui nâa jamais oubliĂ© sa rĂ©gion natale, envoie plusieurs missions, car ce monde-lĂ aussi est en voie de disparition, la premiĂšre dans le Haut-Rhin en 1917, alors que la guerre fait encore rage. Car la premiĂšre chose que rencontrent ces archivistes du vivant, câest la guerre, les ruines, les vies brisĂ©es. Il faut consigner
ça aussi malgrĂ© la douleur. Pour que rien ne soit oubliĂ©, pour la mĂ©moire du monde. Vingt ans durant donc, il financera ces expĂ©ditions uniques dans lâhistoire. JusquâĂ ce que le monde de la finance sâĂ©croule. Nous sommes le 24 octobre 1929, la bourse de New York explose et Albert Kahn, qui bien que philanthrope nâen reste pas moins banquier, est ruinĂ© du jour au lendemain. Tout sâarrĂȘte. Sa magnifique propriĂ©tĂ© de BoulogneBillancourt â qui abrite aujourdâhui un fabuleux musĂ©e de 70â000 plaques autochromes et 183â000 mĂštres de films que chacun peut consulter â est vendue puis rĂ©cupĂ©rĂ©e, une partie du jardin aussi avec ses plantes apportĂ©es du monde entier est sauvĂ©e in extremis et Albert Kahn peut y finir ses jours et rĂȘver en regardant les Ă©toiles. Il sây Ă©teindra le 14 novembre 1940 au moment mĂȘme oĂč dĂ©marrait lâune de ces guerres quâil avait passĂ© sa vie Ă essayer dâĂ©loigner. a
«âVINGT ANS DURANT DONC, IL FINANCERA CES EXPĂDITIONS UNIQUES DANS LâHISTOIRE.â»
Dans le cadre de la programmation de lâannĂ©e Strasbourg capitale mondiale du livre de lâUNESCO «âLire notre mondeâ», la BibliothĂšque nationale et universitaire de Strasbourg propose, jusquâau 26 janvier, un voyage Ă travers les Archives de la PlanĂšte dâAlbert Kahn.
Mademoiselle Hincky, la fille du maire de Masevaux en 1918. Photo Georges Chevalier.
Un prisonnier au carcan à Oulan-Bator en Mongolie, en 1913. Photo Stéphane Passet.
GEWĂZRTRAMINER ?
GEWRUZTARMIREN ?
GREWUZTARMINER ?
GEWURZTRAMINER ! LâABUS DâALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTĂ, Ă CONSOMMER AVEC
BREf, GEWURZ Le vignoble alsacien a dĂ©veloppĂ© au fil des siĂšcles la culture de cĂ©pages trĂšs aromatiques se forgeant ainsi sa propre identitĂ©. FruitĂ© et gĂ©nĂ©reux, le Gewurztraminer est certainement lâun des plus emblĂ©matiques.
VĂ©ronique Leblanc Alban Hefti
LE DESTIN HORS NORMES DE LOUIS HENRI BOJANUS Enfant dâAlsace et savant de Vilnius, Louis Henri Bojanus est au cĆur dâun documentaire accessible en un clic.
Ălâheure oĂč la Lituanie vient de clore sa prĂ©sidence du ComitĂ© des ministres du Conseil de lâEurope, revenons sur une Ă©tonnante figure alsacienne, le savant naturaliste Louis Henri Bojanus, brillant chercheur Ă lâuniversitĂ© de Vilnius, mais nĂ© Ă Bouxwiller, en 1776. Pour Philippe Edel, prĂ©sident de la Fondation France-Lituanie, Bojanus est «âparticuliĂšrement emblĂ©matiqueâ» de la relation entre ces deux pays et «âprĂ©figure, au tournant des XVIIIe et XIXe siĂšcles, la collaboration europĂ©enneâ».
De gauche Ă droiteâ: Ruta Kneitzeviciute, Philippe Edel et Jolita Silanskiene.
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Lien vers le documentaire
Louis Henri Bojanus (1776-1827. De Bouxwiller Ă Vilnius, de la tortue au bison, du scientifique Ă lâartiste. Gratuit sur YouTube.
Artisan de la redĂ©couverte de ce scientifique, le Strasbourgeois lui a consacrĂ© un Portrait cĂ©lĂšbre dâAlsace aux Ă©ditions Vent dâEst, avant de prĂ©sider Ă la rĂ©alisation dâun documentaire dĂ©sormais disponible sur YouTube.
UN VĂTĂRINAIRE PIONNIER IntitulĂ© Bojanus, de Bouxwiller Ă Vilnius, de la tortue au bison, du scientifique Ă lâartiste, ce film raconte le destin hors normes dâun Alsacien passionnĂ© dĂšs lâenfance par les fossiles vieux de 50 millions dâannĂ©es qui affleurent dans la rĂ©gion de Bouxwiller, fĂ©ru de dessin et forcĂ© avec sa famille de sâexiler Ă Darmstadt aprĂšs la RĂ©volution française. Câest lĂ quâil Ă©tudiera avant dâobtenir une bourse pour se former Ă la mĂ©decine Ă lâuniversitĂ© dâIĂ©na. Suivra un tour des Ă©coles vĂ©tĂ©rinaires dâEurope, la publication dâun ouvrage sur leur organisation et lâentrĂ©e Ă lâuniversitĂ© de Vilnius en plein apogĂ©e. Son expertise vĂ©tĂ©rinaire sây dĂ©ploiera dans lâĂ©tude des pandĂ©mies animales favorisĂ©es par les dĂ©placements de chevaux et bovins lors des guerres et son Ă©rudition se concrĂ©tisera dans plusieurs publications.
NATURALISTE ET HOMME DE CONVICTION
Une soixantaine dâĂ©ditions originales de celle quâil a consacrĂ©e aux cistudes dâEurope sont conservĂ©es en AmĂ©rique et en Europe, lâune dâentre elles peut encore ĂȘtre consultĂ©e au Studium de Strasbourg. DocumentĂ©es par la dissection de quelque 500 tortues, les planches qui lâillustrent rĂ©vĂšlent lâimmense talent de dessinateur de Bojanus. Une autre somme rĂ©sout un des plus importants dĂ©bats scientifiques de lâĂ©poque en distinguant aurochs et bisons des steppes comme deux espĂšces diffĂ©rentes. Pour le documentaire, Philippe Edel a travaillĂ© avec Ruta Kneitzeviciute et
Jolita Silanskiene par ailleurs prĂ©sidente de lâUnion des Lituaniens de Strasbourg. «âDĂ©goĂ»tĂ© de la politique aprĂšs avoir vĂ©cu la Terreur en France, Bojanus est restĂ© trĂšs loyal Ă son universitĂ©, relĂšve Jolinta, mais il a refusĂ© dâen ĂȘtre nommĂ© recteur par un rĂ©gime tsariste de plus en plus rĂ©actionnaire et il sâest battu avec succĂšs pour des Ă©tudiants menacĂ©s dâĂȘtre incorporĂ©s 25 ans dans lâarmĂ©eâ». Une rĂ©sistance face Ă la brutalitĂ© politique qui, hĂ©las, fait de plus en plus Ă©cho aujourdâhui. a
Louis Henri Bogdanus, gravure post-mortem de Maciej Przybylski, 1835.
HAPPY APOCALYPSE UNE CATHARSIS TRĂS ĂNERGIQUE DE NOS PEURS Tout change, tout tangue, tout inquiĂšte. Que deviennent nos idĂ©aux Ă lâheure du transhumanisme, de la course au progrĂšs technologique, du rĂ©chauffement climatique etc.â? Avons-nous encore le droit Ă la fragilitĂ©â?
Nul ne sait de quoi lâavenir sera fait et le spectacle Happy Apocalypse programmĂ© le 7 fĂ©vrier au Point dâeau dâOstwald ne prĂ©tend pas donner de mode dâemploi.
«âIl y a une voie Ă trouver, ce nâest pas Ă nous â artistes â de la dĂ©finir, mais nous pouvons dire quâil faut chercherâ», prĂ©cise Jean-Christophe DollĂ©, auteur du texte de cette dystopie thĂ©Ăątrale.
«âIl sâagit dâun conte aux allures scientifiquesâ», ajoute Clotilde MorgiĂšve qui en signe la mise en scĂšne avec Jean-Christophe.
UNE HUMANITĂ EN MUTATION RencontrĂ©s en septembre, durant une semaine de rĂ©sidence prĂ©-crĂ©ation au Point dâeau, Clotilde et Jean-Christophe Ă©voquent un conte «âtrĂšs Ă©nergiqueâ», «âpsychĂ©dĂ©lique dans la forme et teintĂ© de musique pop rock Ă©lectroâ».
Trois musiciens seront sur scĂšne pour accompagner cinq comĂ©diens interprĂ©tant onze personnages et, par le biais de masques, quelques animaux. Se croiseront en plateau, une gĂ©nĂ©ticienne Ă©crasante de savoir soudain prise de hoquet, sa fille, une jeune femme hybride nĂ©e au croisement de sa mĂšre avec un⊠varan de Komodo, mais qui finira par assumer sa diffĂ©rence, un astrophysicien en fauteuil roulant sâexprimant par une voix artificielle â toute rĂ©fĂ©rence Ă Stephen Hawking est assumĂ©e â un homme papillon empreint de fragilitĂ©, une performeuse nihiliste avalĂ©e par sa derniĂšre Ćuvre ainsi que
VĂ©ronique Leblanc Alban Hefti
Jean-Christophe Dollé et Clotilde MorgiÚve happés par le décor de Happy Apocalypse
tout un tas de personnages hybrides dessinant une humanitĂ© en mutation au cĆur dâun cosmos qui dicte ses lois encore mĂ©connues. Lâunivers est-il toujours en expansion ou a-t-il commencĂ© Ă se rĂ©tracter en nous affectant dâores et dĂ©jĂ â? Les scientifiques sâinterrogentâŠ
Quant aux animaux, ils soulĂšvent la question de lâesclavage moderne auquel les soumet la recherche scientifique.
RIEN DE PLOMBANT, BEAUCOUP DE DRĂLERIE MĂȘlant les changements sociĂ©taux, les mutations de lâhumanitĂ© et de la transhumanitĂ© ainsi que les lois astrophysiques, le propos dâHappy Apocalypse semble vertigineux, voire mĂȘme angoissant.
«âIl nâa rien de plombantâ», certifient cependant Jean-Christophe et Clotilde co-crĂ©ateurs de la compagnie F.O.U.I.C, nominĂ©e deux fois aux MoliĂšres 2024 pour un prĂ©cĂ©dent spectacle, Allosaurus «âBeaucoup de drĂŽlerieâ», promettent-ils
«âPRENDRE LA PEUR Ă BRAS LE CORPS ET LâEMBRASSER SUR LA BOUCHE.â» nâest plus humain. «âMontrer le monstre est un mal nĂ©cessaire pour se mettre Ă penser, faire Ă©merger la lumiĂšre aprĂšs avoir regardĂ© en face lâĂ©trange et lâinquiĂ©tant. ExtĂ©rioriser lâangoisse sans se laisser dĂ©border et mĂȘme en sâen moquant. Prendre la peur Ă bras le corps et lâembrasser sur la boucheâ», est-il Ă©crit dans la note dâintention.
«âLa piĂšce porte aussi une confiance en lâintelligence collectiveâ» ajoute GĂ©rald Mayer, directeur du Point dâeau.
en insistant sur «âlâesthĂ©tique un peu cinĂ©matographique, la construction en live dâune Ćuvre dâart, la musique et le dĂ©cor dĂ©structurĂ© Ă la maniĂšre des peintres cubistes, clin dâĆil Ă la relativitĂ© chĂšre Ă Einstein.â»
MONTRER LE MONSTRE POUR EXTĂRIORISER LâANGOISSE Fondamentalement, Happy Apocalypse questionne la question du monstre disentils, câest-Ă -dire de ce qui, dans lâhumain,
«âUn directeur trĂšs impliquĂ© qui nous a accompagnĂ©s au PrĂ©O dâOberhausbergen et qui continue Ă le faire Ă Ostwaldâ», souligne Jean-Christophe.
Les lie le questionnement commun dâune sociĂ©tĂ© qui semble parfois perdre le lien entre bonheur et progrĂšs, une confiance en la fragilitĂ© vue comme lieu de rĂ©sistance, de nombreux spectacles vus ensemble, de savantes lectures partagĂ©es⊠Et de «âtrĂšs trĂšsâ» longues discussions tĂ©lĂ©phoniques autour du thĂ©Ăątre comme lieu de catharsis et «âimmense machine Ă sublimer le tragique de lâexistenceâ». a
1971 LA REVANCHE DES CLAVIERS ROCK Les Inconnus avaient posĂ© la base du dĂ©batâ: «âcâest quoi le bon hard rockeur et le mauvais hard rockeurâ?â». Ă
sa façon, Thomas Kieffer rĂ©pond une nouvelle fois Ă cette question, dans la lignĂ©e dâun Bruce Springsteen, et peut-ĂȘtre plus encore dâun Mick Jones (Foreigner)â: «âun amour immodĂ©rĂ© du songwriting, ĂȘtre Ă la fois auteur et compositeur pour crĂ©er de belles mĂ©lodies sur de beaux textes qui dĂ©livrent, pour la plupart un message dâamour et dâespoir.â»
Son nouvel album, 1971 est ainsi gorgĂ© dâamour, dâespoir, de larsens et de claviers. Un virage totalement assumĂ© par ce passionnĂ© de musique qui, malgrĂ© son pedigree rock admet quâaujourdâhui, en France, la scĂšne Ă©lectro est bien plus intĂ©ressante. NĂ©anmoins, ce sont les claviers vintage, analogiques, des annĂ©es 80 qui accompagnent ce 1971 trĂšs variĂ©. Un album nĂ© pendant le confinement, «âcomme pour exorciser cette pĂ©riode compliquĂ©e.â»
Qui a suivi la carriĂšre de Thomas Kieffer lâaura connu tour Ă tour rockeur, hard rockeur â parfois Ă la frontiĂšre du mĂ©tal â ou mĂȘme folkeux . Sur 1971 , il rĂ©ussit haut la main Ă mĂ©langer toutes ces influences (et mĂȘme un peu de disco sur le titre Survive this) en gardant une cohĂ©rence sonore parfaite. TrĂšs loin dâun assemblage de chansons, 1971 offre Ă lâauditeur une narration claire, une dĂ©ambulation musicale parfaite.
Pourquoi ce titre, 1971â? «âParce que câest mon annĂ©e de naissance. Mais aussi celle de la disparition de Jim Morrison, la
Emmanuel Didierjean
sortie du film Love Story, Brown Sugar des Stones, et Stairway to Heaven de Led Zeppelin, les premiĂšres prises de conscience anti-nuclĂ©aire, des violences policiĂšres contre la communautĂ© homosexuelle lors dâun meeting.â» Et peut-ĂȘtre aussi pour retrouver cette essence dâun rock encore adolescent, qui se foutait des chapelles. Un rock qui, alors, ne sâinterrogeait pas pour savoir sâil Ă©tait Ă ranger dans le blues, le prog, le hard, etc. Dans cette lignĂ©e, le chanteur alsacien aime avancer, sur chaque projet, dans sa
culture musicale personnelle, assurant que lâarrivĂ©e de lâĂ©lectro sur cet album est une façon pour lui de dĂ©couvrir un nouvel espace de crĂ©ation, quâil associera avec son ADN musical.
Car, Ă travers ses voyages en Rock et en Roll, ce passionnĂ© quâest Thomas Kieffer rend surtout hommage Ă la culture qui lâa façonnĂ© en tant que personne. Et il admet bien volontiers ce que trop de fans de rock cachent avec un peu de honte aujourdâhuiâ: «âjâaime le son vintage des synthĂ©s analogiquesâ» qui ont habillĂ© une
grande partie du rock 80s, de Foreigner Ă Journey, de Bon Jovi Ă INXS. Ce dernier groupe marquant aussi lâentrĂ©e dans les annĂ©es 90. «âJe regrette beaucoup les annĂ©es 90â», explique Thomas, «âje pense quâelles ont Ă©tĂ© les meilleures annĂ©es pour les groupes de rock. On ne retrouve plus aujourdâhui cette effervescence crĂ©ative et artistique.â» Alors, certains gardiens du temple, comme Thomas, entretiennent cette flamme, face aux prĂ©dicateurs du «ârock is deadâ». Assez normal dâailleurs pour un artiste qui avait nommĂ© lâun de ses prĂ©cĂ©dents groupes Stellar Temple.
MarchĂ© difficile du disque oblige, 1971 est pour lâinstant disponible uniquement sur les plateformes musicales bien connues. Mais un vinyl est prĂ©vu pour 2025. Ce sera la mĂȘme belle nouvelle pour son album rĂ©alisĂ© avec son groupe The Meltdwn, oĂč il est accompagnĂ© par des musiciens qui ont ĆuvrĂ© aux cĂŽtĂ©s de Jean-Jacques Goldman, Seal, Archive, Bashung ou Jean-Michel Jarre. 2025, annĂ©e dâun Thomas Double KiffâŠerâ!âa
Christophe Nonnenmacher DR
Incursion en pays Chadkhanite «âMarry me, Estherâ» «âĂa ne te dirait pas de rencontrer ma collĂšgue Estherâ? Elle est marieuse au sein de la communautĂ© juive de Strasbourg. Ăa pourrait ĂȘtre intĂ©ressant, comme papierâ», mâa lancĂ© un soir lâami François, au dĂ©tour dâun de nos nombreux Ă©changes. «âMarieuseâ? Au sein de la communautĂ© juiveâ? Ăa existe encore, ce genre de trucs, Ă lâheure du tout Tinderâ?â». «âVisiblement, ouiâ», mâa-t-il rĂ©pondu.
Je lâavoue, jâĂ©tais intriguĂ©, mĂȘme si mon for intĂ©rieur ne savait si la chose relevait de la belle histoire, de lâescroquerie ou dâun Disney made in Tel-Aviv. Jâavais, par le passĂ©, entendu tellement de choses, venues dâautres pays. Mais lĂ , me disait François, «âça a lâair trĂšs diffĂ©rent. Esther, je la connais. Commence peut-ĂȘtre par la rencontrer. Et puis, ça pourrait ĂȘtre intĂ©ressant pour toi de changer dâair, de chercher un peu de ciel bleu dans ce monde qui part en sucetteâ».
POSTE NON RESTANTE François nous fixe rendez-vous quelques jours aprĂšs, Ă Esther et moi, Ă la Nouvelle Poste. Je ne le cache pasâ: je reste encore un peu dubitatif. Peine encore Ă me lancer dans le projet, nâayant jamais eu affaire Ă une forme dâagente matrimoniale, qui plus est communautaire, mais je comprends que la «âquinquaâ» ne fait rien de cela dans une quelconque optique financiĂšre. Au mieux, ne perdra-t-elle pas dâargent, Ă la vue de son prĂ©visionnel financierâ: temps
dâorganisation, nuitĂ©es en hĂŽtel 4 Ă©toiles, location de salle, traiteur, coachs et intervenantes, sorties touristiquesâ: le «âprixâ» du billet dâentrĂ©e me paraĂźt presque risible tant il semble en dessous des dĂ©penses budgĂ©tĂ©es. Au mieux, si des couples se forment et sâunissent, une petite participation Ă leur union leur sera suggĂ©rĂ©e, pour qui respecterait sa parole donnĂ©e.
Esther nâa aucune richesse matĂ©rielle particuliĂšre, vit dans un petit appart avec Ă©poux, enfants, et mĂšre, loin du Maroc, son pays de naissance quâelle a quittĂ© Ă ses 18 ans pour trouver une universitĂ© qui saurait la former Ă sa vie de salariĂ©e. Autant dire que lâon sâĂ©loigne des clichĂ©s ambiants de la communautĂ©. Avec son homme, issu de la classe moyenne ouvriĂšre, juste des gens «ânormauxâ». Juste une famille douce oĂč lâon se partage la table du salon entre regard sur infos, repas de Shabbat et devoirs des enfants. Parfois, Esther, que jâapprends progressivement Ă connaĂźtre, se dĂ©sespĂšre de voir certains couples se sĂ©parer pour une quelconque broutille ou chimĂšre. Comme
«âCertains des participants se sont dĂ©jĂ rencontrĂ©s dans le hall de leur hĂŽtel voisin, venus de Paris, Amsterdam, Suisse ou Allemagne, selon les cas. Dâautres, de la rĂ©gion.â» si la vie nâĂ©tait faite que de hauts, sans aucun Ă©cueil, sans aucune incomprĂ©hension. Comme si le dialogue, le partage, la confiance nâĂ©taient que de vains mots.
TOURNIS ET CHADKHANITE Aujourdâhui, en France, toutes populations confondues, prĂšs dâun couple mariĂ© sur deux finit par divorcer. 46â%, officiellement. La chose en donnerait presque le tournis. Entre autres raisons statistiques, lâinfidĂ©litĂ©, le manque de complicitĂ©, voire lâincompatibilitĂ© de caractĂšre, qui sembleraient Ă eux trois rĂ©unir 65â% des cas. Viennent ensuite lâargent, les beaux-parents, lâaddiction, la manipulation ou lâobsession du contrĂŽle. Esther nâest pas novice en la matiĂšreâ; a dĂ©butĂ© sa «âcarriĂšre parallĂšleâ» alors quâelle nâĂ©tait encore quâĂ©tudiante. A appris Ă Ă©couter, sĂ©lectionner, accompagner, comme Chadkhanite, un nom hĂ©breu qui renvoie Ă lâagrafe qui permet de lier, aidĂ©e de quelques coachs ou mentors spĂ©cialisĂ©s dans lâouverture aux autres. Humaine, intellectuelle, ou religieuse.
Dans la petite salle en sous-sol de lâune des synagogues strasbourgeoises oĂč elle me convie pour sa soirĂ©e, Esther finit dâinstaller une longue table de rencontres collectives. Certains des participants se sont dĂ©jĂ rencontrĂ©s dans le hall de leur hĂŽtel voisin, venus de Paris, Amsterdam, Suisse ou Allemagne, selon les cas. Dâautres, de la rĂ©gion, pour qui ne craindrait pas dâĂȘtre vu ou reconnu. Pas simple, pour ses hĂŽtes, dâafficher une recherche amoureuse sous lâĆil dâamis, de voisins, de connaissances mĂȘmes lointaines.
GRAND ĂCART Esther, je lâobserve, a mĂ©ticuleusement placĂ© ses convives en fonction des Ă©changes quâelle a eu en amont avec eux. Une notion de Middot ou de Match, pressentie par une compatibilitĂ© de personnalitĂ©s et dâobjectifs de vieâ: lâĂąge et lâattirance, les centres dâintĂ©rĂȘt, le caractĂšre intra ou extraverti de chacun, les histoires familiales, le degrĂ© de religiositĂ©, le niveau dâinstruction, Ă©motionnel ou la façon quâa chacun de voir le monde. Veulent-ils aussi dâune vie commune en France ou en IsraĂ«l, dâune maison ouverte ou fermĂ©e aux invitĂ©sâ? Tout ce travail prĂ©liminaire de la Chadkhanite participe au plan de table. Les trois «âcoachsâ» invitĂ©es sur deux jours aident Ă ouvrir davantage
Ă la connaissance de lâautre, entre deux mets partagĂ©s, sous forme de questions ludiques, jeux de rĂŽle ou de rappels plus solennels quant Ă ce que peut ou doit ĂȘtre un engagement commun, eu Ă©gard aux enseignements confessionnels. Presque un grand Ă©cart entre le film Brazil et la sĂ©rie Unorthodox.
Dâheure en heure, de promenades en soirĂ©es, chacun en apprend un peu plus sur lâautre, confirme parfois les jolis pressentiments dâEsther. Un couple, mĂȘme, tend Ă se former entre la France et les Pays-Bas. Dâautres ont moins de chance, de par une lignĂ©e religieuse plus compliquĂ©e ou de par une histoire maritale non encore religieusement scellĂ©e. Quelques semaines aprĂšs ce week-end, Esther mâapprend quâun autre couple tendait Ă se faire. Quatre Ăąmes, quatre sourires aimants sur vingt, peut-ĂȘtre durablement rĂ©unis en quelques jours Ă peine, par sa jolie entremise, sans compter les amitiĂ©s qui se sont nouĂ©es. Mon rictus ou ma vigilance des dĂ©buts fait aujourdâhui place, je crois, Ă davantage dâouverture. Dans son premier roman, Marc Levy, que lâon peut juger selon ses affinitĂ©s littĂ©raires, posait cette question dĂ©clinable au fĂ©minin, aussiâ: Et si câĂ©tait vrai...? En une phrase, presque un petit coup de pouce au destin, aidĂ© par la belle implication dâEsther. S
«âDâheure en heure, de promenades en soirĂ©es, chacun en apprend un peu plus sur lâautre, confirme parfois les jolis pressentiments dâEsther.â» SâENGAGER EST ESSENTIEL. ClassĂ© parmi les 50 premiers groupes de construction et dâinfrastructures en France*, KS groupe a choisi dâaccĂ©lĂ©rer sa transformation en devenant sociĂ©tĂ© Ă mission.
Fort de 11 entreprises intĂ©grĂ©es permettant de proposer des solutions adaptĂ©es de la conception Ă lâexploitation, le groupe familial indĂ©pendant sâengage pour :
âą Le bien-ĂȘtre et le dĂ©veloppement de ses 400 collaborateurs
âą La construction dâune sociĂ©tĂ© plus durable en plaçant les enjeux environnementaux au cĆur de tous ses projets
⹠Faire vivre la solidarité au sein de ses territoires
*Classement du Moniteur décembre 2023
ksgroupe.fr
CMSI Entre mĂ©decine de ville et urgences hospitaliĂšres DĂ©panner les mĂ©decins traitants et dĂ©sengorger les urgences, câest la promesse de ce Centre MĂ©dical de Soins ImmĂ©diats nichĂ© au cĆur de lâEspace EuropĂ©en de lâEntreprise. Une prise en charge rapide et sans rendez-vous, avec en prime des salles dâexamen façon carte postale gĂ©ante, qui nous font (presque) oublier nos petits bobos.
De gauche Ă droiteâ:
Noémie Gleizes, Pauline Le Peutrec, Cécile Meyer et Marie Nauny
VoilĂ des mois que les syndicats tirent la sonnette dâalarme sur le flux tendu des services dâurgences hospitaliers. Et pour causeâ! «â80â% ne sont pas des urgences vitales mais des choses aiguĂ«s, comme une fracture ou une plaie, qui nĂ©cessitent une consultation rapide pour sâen soulager. Si vous avez mal au ventre ou de la fiĂšvre, et que votre mĂ©decin traitant ne peut pas vous prendre, vous pouvez aussi venir chez nousâ», explique CĂ©cile Meyer, infirmiĂšre. UsĂ©e par ses 7 ans de gardes aux urgences de Wissembourg, la jeune philanthrope dĂ©cide de sâassocier aux Docteures Marie Nauny et Pauline Le Peutrec ainsi quâĂ sa consĆur NoĂ©mie Gleizes. Car câest lĂ tout le concept des 27 CMSI de Franceâ: mĂ©decins et infirmiers travaillent en binĂŽme. Pour autant, chaque centre a sa spĂ©cificitĂ©. Ici, la radiologie et un certain goĂ»t de lâĂ©vasionâŠ
VOYAGE VOYAGE Une fois le local autofinancĂ©, les quatre soignantes Ă©taient unanimesâ: au diable les murs blancs du milieu hospitalier. Place Ă la couleur et Ă la lĂ©gĂšretĂ©â! Avec lâagence ArchitĂ©a, elles imaginent leur
Salomé Dollinger Nicolas RosÚs
«âNotre centre doit apporter une rĂ©ponse rapide et concrĂšte. Si on ne lâa pas, on rĂ©oriente vers le mĂ©decin ou on contacte le 15.â» CĂ©cile Meyer, infirmiĂšre coordinatrice CMSI comme un road trip, en dĂ©diant chaque box de consultation (six au total) Ă un continent. Chers gĂ©ographes en herbe, rassurez-vous, lâĂ©quipe sait compterâ: cinq continents plus un box reprĂ©sentant lâocĂ©an, ça fait sixâ! Dans celui-ci, un papier peint fond marin recouvre un pan de mur entier. De quoi ravir les patients, quâils soient petits ou grandsâ: «âles enfants adorent compter les poissons ou caresser la tortue. Ce matin, il y avait un couple dâoctogĂ©naires. Le monsieur mâa dit âil est beau votre mur, qui plus est avec cette magnifique sirĂšneâ, en me montrant sa femmeâ», sourit NoĂ©mie Gleizes. Avec ce dĂ©cor, le syndrome de la blouse blanche semble prendre le largeâŠ
COLLABORATION HORS LES MURS InaugurĂ© en mars, le premier CMSI dâAlsace a accueilli plus de 5â400 patients en six mois. Ces derniers sont pris en charge par une secrĂ©taire puis une infirmiĂšre, qui leur prodigue les premiers soins. Et le mĂ©decin prend le relai si besoin. Sutures, perfusions avec traitements intraveineux, nĂ©bulisation dâaĂ©rosols, prĂ©lĂšvements, pĂ©diatrie, prise de sang⊠Vous pouvez
aussi faire une radio et repartir avec une attelle ou un plĂątre. Pour vos renouvellements dâordonnance en revanche, inutile de vous dĂ©placer. «âOn ne remplacera jamais votre mĂ©decin traitant. Notre centre doit apporter une rĂ©ponse rapide et concrĂšte. Si on ne lâa pas, on rĂ©oriente vers le mĂ©decin ou on contacte le 15, qui nous envoie une ambulance. En attendant, on peut immobiliser le patient, le perfuser, faire la prise de sang⊠Comme ça quand il arrive aux urgences, il est dĂ©jĂ bilantĂ© et prĂ©-techniquĂ© comme en milieu hospitalierâ», assure CĂ©cile Meyer. Une collaboration qui se fait aussi dans lâautre sens.
7/7 ET TIERS PAYANT La prise en charge est rapide (moins dâune heure) et remboursĂ©eâ; le CMSI est conventionnĂ© secteur 1 sans dĂ©passements dâhonoraires et applique le tiers payant. Ouvert du lundi au samedi de 8h Ă 20h et de 10h Ă 19h les dimanches et jours fĂ©riĂ©s, il fonctionne sans rendez-vous. Toutefois, une prĂ©-admission peut ĂȘtre faite en ligne pour amĂ©liorer la prise en charge et rĂ©duire le temps dans la salle dâattente. S
La salle de radiologie du CMSI Strasbourg, 4a rue de La Haye, 67300 Schiltigheim.
Guylaine Gavroy Nicolas RosĂšs
Jean-Christophe Pasqua Les nouveaux chapitres Ancien journaliste Ă la rĂ©daction des sports de lâAlsace puis des DerniĂšres Nouvelles dâAlsace,
Jean-Christophe Pasqua a Ă©tĂ© rattrapĂ© par son plaisir dâĂ©crire et raconte dans ses romans des rencontres plus humaines que sportives.
LâĆil brillant, le sourire large, JeanChristophe Pasqua est intarissable lorsquâil sâagit dâĂ©voquer son nouveau quotidien, peuplĂ© dâenfants rĂ©fugiĂ©s. BĂ©nĂ©vole au sein de Contact et Promotion, une association de Hautepierre qui aide Ă lâintĂ©gration des familles Ă©trangĂšres, le cadet dâune fratrie de quatre leur apprend le français et la vie aussi, celle plus lĂ©gĂšre en Alsace que dans leur pays dâorigine. «âIl y a parfois des miracles, lĂąche le nĂ©o-professeur humaniste. Cette annĂ©e par exemple, jâai une Ă©lĂšve russe Ă cĂŽtĂ© dâune Ukrainienneâ». Il sâamuse Ă©galement des tribulations de Mohibullah, jeune Afghan de treize ans quâil initie au football et Ă la natation.
«âJâAVAIS PLUS DE PLAISIR Ă ALLER VOIR DES FOOTBALLEURS DANS LES CITĂS QUE SUIVRE ZIDANEâ»
Le regard est plus triste, le sourire un peu forcé, lorsque Jean-Christophe Pasqua (61 ans) retrace son ancienne
vie. Pendant prĂšs de trente ans, il a Ă©tĂ© journaliste sportif, Ă LâAlsace dâabord, puis aux DerniĂšres Nouvelles dâAlsace oĂč sa carriĂšre sâest achevĂ©e brutalement en 2020 lorsquâun matin, il nâa plus Ă©tĂ© capable de se lever. «âJâai eu six mois difficiles. JâĂ©tais arrivĂ© Ă un point de non-retour pour beaucoup de choses. Je voyais que tout ce que jâaimais disparaissait, rĂ©vĂšle lâancien reporter, fan du Racing Club de Strasbourg depuis lâĂąge de huit ans, avant dâen ĂȘtre le suiveur Ă titre professionnel de 2000 Ă 2006. Jâaimais rencontrer des gens. Jâavais plus de plaisir Ă aller voir des footballeurs dans les citĂ©s que voir Zidane Ă lâEuro 2000, câest ce que les gens ne comprenaient pas. Mes meilleurs souvenirs de journaliste, câest Schirrhein, Haguenau â deux clubs de football amateurs â et câest Paris-Colmar Ă la marcheâ».
Câest dâailleurs Ă cette compĂ©tition mythique que «âJCP » a consacrĂ© son dernier article dans la presse quotidienne rĂ©gionale. «âJâadorais cette Ă©preuve parce que les gens vont Ă neuf Ă lâheure au
XXIe siĂšcle dans un monde oĂč tout va vite et oĂč on court dans tous les sens, lĂąche, amusĂ©, lâancien correspondant de presse pour La Montagne. Quand jâĂ©tais en proie Ă des moments de moins bien, jâĂ©tais heureux que mon dernier papier soit un portrait de Roger Quemener, lĂ©gende du Paris-Strasbourg, puis du Paris-Colmar dont il Ă©tait devenu un des organisateurs. Roger est mort un an aprĂšs mon articleâ».
«âAU DĂBUT, JâAVAIS REPOUSSĂ LâIDĂE DE RĂĂCRIRE. ET PUIS FINALEMENT, ĂA ME MANQUAIT TROP. JE RESSENTAIS CE BESOIN DâĂCRITUREâ»
Ses yeux sâilluminent Ă nouveau et son sourire rĂ©apparaĂźt, la passion pour les mots et ce quâon en fait est revenue animer Jean-Christophe Pasqua. «âAu dĂ©but, jâavais repoussĂ© lâidĂ©e de rĂ©Ă©crire. Au final, ça me manquait trop. Je ressentais ce besoin dâĂ©criture, lĂąche lâauteur
«âCette cohabitation, câest comme dans la sociĂ©tĂ©, il y a des accrochages, des disputes mais avec toujours un lieu oĂč on va se rĂ©concilier, la salle Ă manger.â» de deux romans, dâun troisiĂšme quâil doit encore relire et dâun quatriĂšme en cours. Ăa faisait longtemps que jâavais cette envie dâĂ©crire des livres, mais je nâosais pasâ». Peut-ĂȘtre la consĂ©quence dâune scolaritĂ© compliquĂ©e avec des rĂ©sultats qui fluctuaient au rythme de ceux du Racing. Le dĂ©clicâ? «âLa SPA nous avait confiĂ© un chat, Popeye, trĂšs malade. La vĂ©tĂ©rinaire nous avait dit quâil nâallait pas tenir, son traitement Ă©tait contraignant. Finalement, il sâest requinquĂ© et a vĂ©cu encore trois ans. Mais quand jâai vu quâil allait mourir, je lui ai fait la promesse dâĂ©crire un jour un livre oĂč je parlerai de luiâ».
Lâhomme est de parole. ParallĂšlement Ă cette promesse, le randonneur cycliste dĂ©couvre le dĂ©cor de son histoire. «âAu cours de mes promenades Ă vĂ©lo, je suis tombĂ© amoureux dâune maison Ă la Robertsau, rue des Chasseurs. Rouge passĂ©, dĂ©labrĂ©e. Elle Ă©tait habitĂ©e par de vieilles dames. Et il y avait plein dâanimaux, qui traĂźnaient. Des poules se promenaient dans la rue, des canards aussiâ». Dans CrĂ©puscule dâun tueur (sorti en septembre 2022), Ugo, un ancien des forces spĂ©ciales devenu tueur Ă gages, loge donc
dans une maison aux colocataires loufoques mais terriblement attachants. «âSouvent, les gens qui ont lu le livre me disent que je suis Ugo, mais je me vois plutĂŽt comme Rosie, celle qui est lâĂąme de la maison et qui arrive Ă faire cohabiter plein de gens diffĂ©rents. Cette cohabitation, câest comme dans la sociĂ©tĂ©, il y a des accrochages, des disputes mais avec toujours un lieu oĂč on va se rĂ©concilier, la salle Ă mangerâ», estime celui qui aime Ă partager ses recettes sur les rĂ©seaux sociaux.
Sorti cet Ă©tĂ©, Le Parc des drĂŽles dâoiseaux est une suite des aventures dâUgo⊠sans vraiment en ĂȘtre une. Certains des personnages sont de retour, dâautres font leur apparition, des SDF et des joueurs de pĂ©tanque notamment. «âDans ce parc se croisent plein de gens trĂšs diffĂ©rents⊠que jâai rencontrĂ©s dans le Parc des Oiseaux et dont jâai voulu parlerâ». Ancien collĂšgue dâUgo dĂ©sormais sans domicile fixe, Reno a plantĂ© sa tente Ă Bischheim, dans le parc en question. Et lâon ne peut sâempĂȘcher de trouver Ă Jean-Christophe Pasqua un air de ressemblance avec son personnage principalâ: comme Ugo, il se
promĂšne Ă vĂ©lo, aime faire la popote pour la petite communautĂ© et regarde le monde Ă©voluer autour de lui. Ce deuxiĂšme volet des aventures de lâancien militaire se dĂ©roule juste aprĂšs le confinement au cours duquel, armĂ© dâune autorisation mĂ©dicale, le convalescent a dĂ©roulĂ© les kilomĂštres Ă vĂ©lo, dans le silence de la ville et des routes de campagne.
«âJâai achevĂ© le troisiĂšme roman, il sera un peu plus personnel, il parlera de ce que je vis actuellement. Il y aura toujours la maison, les pĂ©tanqueurs, mais il y aura de nouveaux personnages, rĂ©vĂšle lâauteur. Jâen ai commencĂ© un quatriĂšme mais ça fait six mois que je nây ai pas touchĂ© parce que je suis pris par ce que je partage avec les gaminsâ». Jean-Christophe Pasqua est dĂ©finitivement un homme de parole. Et de mots aussi, de ceux qui ont la capacitĂ© de panser les maux S
OUVRAGES
CrĂ©puscule dâun tueur, VĂ©rone Ă©ditions
Le Parc des drĂŽles dâoiseaux, VĂ©rone Ă©ditions
Chacal dorĂ© Un grand explorateur en Alsace Originaire des Balkans, le chacal dorĂ© a pour la premiĂšre fois Ă©tĂ© dĂ©tectĂ© sur le territoire national en 2017. PhotographiĂ© Ă deux reprises en Alsace en 2023, ce voyageur au long cours est peut-ĂȘtre en passe de sâinstaller durablement en France.
Quatre mai 2023. Au petit matin, Ă Oberbronn (Bas-Rhin), lâun des piĂšges photographiques du rĂ©seau Loup/Lynx, qui assure le suivi des deux espĂšces dans les Vosges du Nord, capture lâimage dâun canidĂ©. Le clichĂ© fait rapidement le tour des spĂ©cialistes. Il ne sâagit ni dâun loup, ni dâun lynx, mais dâun chacal dorĂ©, une espĂšce installĂ©e depuis 2000 ans dans les Balkans. Quatre mois plus tard, le 14 septembre, câest Ă Obersteinbach, Ă moins de 20 kilomĂštres de lĂ , que lâanimal est Ă nouveau flashĂ©.
UNE DISPERSION SUR UNE LARGE PART DU TERRITOIRE
Cette double dĂ©tection alsacienne sâajoute alors Ă celles qui se succĂšdent
en France depuis 2017. Pour la premiĂšre fois surpris cette annĂ©e-lĂ en HauteSavoie, le mammifĂšre est ensuite repĂ©rĂ© dans les Deux-SĂšvres, dans les Bouchesdu-RhĂŽne, dans lâEssonne et jusque dans le FinistĂšre. «âLes lumiĂšres sâallument un peu partout sur le territoireâ», rĂ©sume Marie-Laure Schwoerer, chargĂ©e de mission prĂ©dateurs-dĂ©prĂ©dateurs Ă la direction Grand Est de lâOffice national de la biodiversitĂ© (OFB) et animatrice du rĂ©seau Loup/Lynx. «âOn compte aujourdâhui 56 donnĂ©es vĂ©rifiĂ©es qui tĂ©moignent de sa prĂ©sence en Franceâ», poursuit-elle.
Le chacal dorĂ©, qui se diffĂ©rencie du loup par sa plus petite taille et du renard par sa queue plus courte qui nâatteint pas le sol, est un drĂŽle de voyageur. Car non
«âOn compte aujourdâhui 56 donnĂ©es vĂ©rifiĂ©es qui tĂ©moignent de sa prĂ©sence en France.â» Marie-Laure Schwoerer
«âLe plus Ă©trange, peut-ĂȘtre, est quâil traverse plusieurs territoires capables de lâaccueillir sans pourtant quâil sây installe. Câest un fait quâon ne sait pas expliquer aujourdâhui.â» Marie-Laure Schwoerer
seulement son expansion Ă partir des Balkans sâĂ©tire depuis les annĂ©es 60 vers lâEurope de lâOuest, mais aussi vers lâEurope du Nord, jusquâau Danemark et en Estonie. «âIl semble quâil profite Ă la fois du changement climatique et de lâextinction du loup, dont il est lâune des proies, pour occuper de nouveaux territoiresâ», avance la scientifique. «âIl Ă©vite les rĂ©gions enneigĂ©es, qui se rarĂ©fient chaque annĂ©e, et semble privilĂ©gier des zones intermĂ©diaires, de transition, et les zones humides. En France, on sâattend ainsi Ă le voir arriver sur la façade atlantique et en Camargueâ».
UNE REPRODUCTION NON ENCORE AVĂRĂE Pour lâheure, lâOFB, chargĂ© du suivi de lâespĂšce par le ministĂšre de la Transition Ă©cologique, ne dispose dâaucune preuve de reproduction en France. «âLa dĂ©tection nâa pour lâinstant concernĂ© que des individus solitaires et lâenjeu consiste aujourdâhui Ă organiser son suivi et la collecte des donnĂ©es pour mettre en Ă©vidence, le moment venu, son Ă©tablissement durableâ», souligne Marie-Laure Schwoerer. En Allemagne, des cas de reproduction de lâespĂšce ont Ă©tĂ© avĂ©rĂ©s dans le massif de la ForĂȘt-Noire. Peut-ĂȘtre les deux dĂ©tections de lâespĂšce en Alsace dĂ©coulent-elles de sa prĂ©sence dans le Bade-Wurtenberg, mais rien ne permet de confirmer cette hypothĂšse.
LâarrivĂ©e rĂ©cente du carnivore dans lâHexagone et, plus gĂ©nĂ©ralement, son expansion europĂ©enne soulĂšvent bien
des interrogations. «âLe plus Ă©trange, peutĂȘtre, est quâil traverse plusieurs territoires capables de lâaccueillir sans pourtant quâil sây installe. Câest un fait quâon ne sait pas expliquer aujourdâhuiâ», avoue la spĂ©cialiste. «âIl a vĂ©ritablement un tempĂ©rament dâexplorateurâ».
UN CONCURRENT DU RENARD EspĂšce opportuniste qui sait parfaitement sâadapter Ă son environnement, le chacal dorĂ© est avant tout un charognard, mĂȘme sâil est Ă©galement trĂšs portĂ© sur les micromammifĂšres. «âCâest dâabord un Ă©boueur qui rend Ă ce titre des services Ă©cosystĂ©miquesâ», confirme MarieLaure Schwoerer. «âPeut-ĂȘtre encore plus que le renard avec qui il pourrait entrer en concurrence en termes de rĂ©gime alimentaire et dâhabitatâ». Les Ă©leveurs alsaciens, prĂ©occupĂ©s pour certains par le loup et le lynx, nâont a priori rien ou peu Ă craindre du chacal dorĂ©. «âLa littĂ©rature ne recense que trĂšs peu de prĂ©dations. Tout juste a-t-on deux donnĂ©es fiables recueillies en 2016 en Estonie, qui concernent des attaques sur des volailles et des agneauxâ». Son comportement alimentaire sur le sol français constituera un vrai sujet dâĂ©tudes.
Protégé en Allemagne, en Suisse et en Italie, et régulé notamment en Estonie, Serbie et Bulgarie, le chacal doré ne dispose pas de statut particulier en France. Son arrivée est trop récente pour cela. Mais la réglementation actuelle, qui le classe parmi les espÚces gibiers, ne permet ni de le chasser, ni de le piéger. S
(1) Photo prise par piĂšge photographique en Ă Oberbronn le 4 mai 2023.
(2) Photo prise par piĂšge photographique en Ă Obersteinbach 14 septembre 2023.
(3) Marie-Laure Schwoerer dans les locaux de lâOffice français de la biodiversitĂ© Ă Rosheim
(2)
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Au Vaisseau,
Smith Fleurette Le sac de trek strasbourgeois ultra-fonctionnel Strasbourgeois, Samuel GĂ©rard est le crĂ©ateur de la marque Smith Fleurette, spĂ©cialisĂ©e dans les sacs de randonnĂ©e. Avec plus de 30 ans dâexpĂ©rience en moyenne et haute montagne, il lance en 2022 un sac polyvalent crĂ©Ă© aux Contades, conçu avec des matĂ©riaux de pointes, et Ă©co-responsable.
PPour comprendre le produit, il faut en Ă©tudier lâinventeur. Samuel GĂ©rard a tout du couteau suisse humain. Son objet favori par ailleursâ! «âJe ne mâen sĂ©pare jamaisâ», confie-t-il au dĂ©tour de lâentretien. Dans son atelier, vĂ©ritable cĆur de Smith Fleurette, machines Ă coudre, mousses et sangles cĂŽtoient un lecteur de vinyles. Les Ă©tagĂšres dĂ©bordent de livres, une valise gravĂ©e «âSamuel GĂ©rard, photographie dâartâ» attire le regard, tandis quâune monture cyclable attend fiĂšrement Ă lâentrĂ©e. Partout oĂč le regard se pose, un art en rencontre un autre. Dans une vie antĂ©rieure, Samuel GĂ©rard Ă©tait coursier Ă vĂ©lo. Dans la prĂ©cĂ©dente, il fut photographe. Ce lien intime entre lâart, lâaventure et lâartisanat dĂ©finit lâidentitĂ© de Smith Fleurette. Chaque sac â Kerbholz, de leur petit nom â est le rĂ©sultat dâune rĂ©flexion approfondie sur lâusage, lâesthĂ©tique et lâĂ©coresponsabilitĂ©. Ă la croisĂ©e des chemins entre innovation technique et savoirfaire traditionnel, Samuel GĂ©rard repousse les limites de la conception dâĂ©quipement de randonnĂ©e. Ses sacs, longs Ă tester et
Ă perfectionner, sont destinĂ©s Ă ceux qui cherchent un alliĂ© fiable pour leurs expĂ©ditions, tout en restant soucieux de lâenvironnement. Lâobjectif est clairâ: offrir des produits Ă la fois performants et durables, conçus avec un minimum de compromis sur la qualitĂ©. Dans un marchĂ© saturĂ© par les grandes marques dâĂ©quipement outdoor, Smith Fleurette se dĂ©marque.
FAIRE DâUN PROBLĂME UNE INVENTION «âAu cours dâune traversĂ©e des PyrĂ©nĂ©es, sur la HRP (Haute Route PyrĂ©nĂ©enne pour celles et ceux dâentre vous qui ne parlent pas âlongue randonnĂ©eâ) sur 26 jours avec un sac light, jâai rencontrĂ© mes premiĂšres grosses limites de matĂ©riel. Mon sac me cisaillait les Ă©paules. Il y a mĂȘme eu de la casse. Plus tard, lors dâune traversĂ©e des Alpes, lâergonomie limitĂ©e du sac que je portais, son manque de confort et les difficultĂ©s dâaccessibilitĂ© Ă mes affaires sur certains rangements mâont de nouveau sautĂ© aux yeuxâ», retrace le cinquantenaire passionnĂ© de grand air.
Arrive alors celui qui aura su faire la part belle aux esprits crĂ©atifsâ: le confinement, pour cause de crise sanitaire mondiale. Samuel en partage son souvenirâ: «âCâĂ©tait le lendemain de mon anniversaire, et jâai eu lâimpulsion dâaller acheter juste avant du matĂ©riel de couture et une machine. Mon salon sâest alors transformĂ© en atelierâ!â» Samuel pose le problĂšme sur papier. Ou plutĂŽt un dĂ©but de solution. Il trace le premier croquis de ce quâil estime ĂȘtre le sac idĂ©al. En dĂ©cembre 2019, une maquette 3D voit le jour. Fruit dâun assemblage de bĂąche Ă coups dâagrafeuse sur un week-end. Tuto YouTube, apprentissage sur le tas, et quelques multiples tentatives plus tard, fin juin 2020 naissait le premier prototype fonctionnel. TrĂšs «âannĂ©es 80â», de bleu, de rouge et de jaune mĂȘlĂ©s qui lui donnent des airs de veste Lafuma, ce patchwork de tissus est entiĂšrement «âcousu mainâ». Câest Ă partir de ce modĂšle que notre inventeur dĂ©marche des entreprises pour une industrialisation. «âMKM, trĂšs connu dans le milieu du matĂ©riel outdoor, a acceptĂ© de se charger de la production. Ce qui
Marine Dumény Nicolas RosÚs
mâa demandĂ© de dĂ©velopper de nouvelles compĂ©tences puisquâil fallait leur livrer ce quâon appelle une âgamme de montageââ», raconte-t-il. Comprenez par lĂ un cahier des charges, avec dessins, explications et moult dĂ©tails et indications destinĂ©s Ă reproduire la confection. Confection qui, par ailleurs, a Ă©tĂ© simplifiĂ©e pour lâoccasion par Samuel, pour plus dâaisance.
UN VĂRITABLE TRAVAIL DâINGĂNIERIE Outre lâhistoire de leur naissance, ce qui distingue ces sacs câest leur confection. Ils sont fabriquĂ©s en Europe (un des ateliers MKM est en France, vers Annecy) Ă partir de tissus recyclĂ©s. Notamment le tissu principal, choisi en Challenge Ecopak 200 + 400 et Cordura «âsmoothâ» 400 deniers, pour les connaisseurs ou les curieux. Il sâagit dâune base de bouteilles plastiques recyclĂ©es. Les sacs offrent de nombreux rangements, sont dĂ©perlants, fournis avec une housse de pluie, et leur conception ergonomique permet un ajustement optimal pour toutes les
situations de randonnée. Premier venu, le sac Kerbholz est apprécié pour sa capacité, ses multiples réglages et sa résistance aux intempéries.
Le coup de gĂ©nie de Samuelâ? «âLe systĂšme de pivot du sacâ». PlacĂ© au niveau des hanches, il sâadapte aux mouvements de celles-ci afin de soulager le dos dont lâĂ©quilibre est dĂ©jĂ trĂšs Ă©tudiĂ© par la suspension des bretelles et du rĂ©glage ventral. EssayĂ© et approuvĂ©â!
Produit fait pour durer, le Kerbholz se dĂ©cline en deux taillesâ: M et L (pour les petit(e)s randonneur(se)s nous avons posĂ© la question et une taille S est en rĂ©flexionâ!) et vient avec un service aprĂšsvente. «âEn cas de casse dâun Ă©lĂ©ment, ce qui peut toujours arriver au cours dâune vie de sac, je peux opĂ©rer les rĂ©parations nĂ©cessaires Ă lâatelierâ», assure le crĂ©ateur de Smith Fleurette. Encore un avantage pour ce sac strasbourgeois. TestĂ© en conditions rĂ©elles, il avance plĂ©thore de promesse pour les amateurs de grande randonnĂ©e. Et la gamme devrait sâĂ©largir rapidement si le public est au rendez-vousâ! S
Site internetâ: www.Smithfleurette.com
Instagramâ: @smithfleurette
Le Kerbholz de Smith Fleurette et son concepteur, Samuel Gérard, en test en conditions réelles.
Tout penche, sauf lui MoiJaja⊠Dindon amĂ©ricain, salade grecque Ă la française, soupe Ă la grimace ukrainienne, loukoum salĂ© et canard «âdĂ©laquĂ©â»â: la fin gastronomique de lâannĂ©e 2024 sâannonce aussi bien quâelle avait dĂ©butĂ©. Heureusement, reste notre «âpassion sapinâ»âŠ
Donald versus Minnie. Câest amusant, parfois, comment une Ă©lection, en lâoccurence amĂ©ricaine, peut se rĂ©sumer en deux personnages de fiction. Donald, chacun lâaura compris, ce quâil dit nâa pas grand sens, au moins gĂ©opolitiquement. Le canard est un brin colĂ©rique, il fatigue, il use mais distrait les petits. Minnie, elle, est plutĂŽt jolie, fĂ©minine avec sa petite robe vintage Ă pois blancs. Sans trop savoir pourquoi, nombreux sont ceux qui auraient eu envie de lui donner pleinement le monde. Mais faute de se sentir suffisamment considĂ©rĂ©s, certains lui ont prĂ©fĂ©rĂ© une forme dâindividualisme rageur, de colĂšre et dâincapacitĂ© Ă sâinscrire sereinement dans une architecture mondiale non ethnocentrĂ©e. «âCâest-Ă -dire.. ?â», mâa alors interrompu Tato. Bah, que voter pour un mec imprĂ©visible, aux multiples casseroles et prĂȘt Ă reconquĂ©rir un pays pour son seul avantage judiciaire et financier nâest peutĂȘtre pas forcĂ©ment idĂ©al⊠«âHumâ», mâa t-il sobrement rĂ©pondu, sans chercher Ă prendre parti. Je le connais bien, mon Tato. Certains silences ont souvent un double
sens ou reflĂštent plutĂŽt sa lassitude Ă voir le monde se dĂ©faire Ă mesure quâil est censĂ© gagner en maturitĂ©.
KONJAC ET WOK DE VERMICELLES Parfois je me dis que son retour sur les ondes radiophoniques pourrait lui faire prendre un peu de recul. Souci, ce sont les questions politiques et internationales qui continueront dâanimer ses analyses. Officiellement, il fera bonne figure, cherchera Ă trouver le bon mot, celui qui fait sourire, le temps au moins dâune chronique. LâarrivĂ©e de Nord-CorĂ©ens en Ukraine pourrait ĂȘtre un angle prĂ©cieux. AprĂšs quelques TchĂ©tchĂšnes, Syriens, Africains, cet espace de plus en plus mondialisĂ© commencerait presque Ă faire office de destination pour les plus charmants tour-opĂ©rateurs. Quand lâĂ©crivain martiniquais Ădouard Glissant parlait du Tout Monde, je doute quâil pensait Ă tant de gĂ©nie crĂ©atif. CĂŽtĂ© mĂ©dias hexagonaux, pas certain non plus que lâon imaginait riz de konjac aux lĂ©gumes et wok
«âQuand lâĂ©crivain martiniquais Ădouard Glissant parlait du Tout Monde, je doute quâil pensait Ă tant de gĂ©nie crĂ©atif.â» de vermicelles se mĂȘler Ă une quelconque variante de Bortsch. MaĂŻtĂ© avait un temps dĂ©fendu La Cuisine des Mousquetaires mais il est Ă croire que ceux-ci ont depuis pris les habits cardinaux. Parfois, Tato aimerait bien dĂ©crocher notre correspondante Maria de son mur de Zaporizhzhia, comme moi, par le passĂ©, de mon passage couvert de Gdansk, lĂ oĂč nous nous sommes rencontrĂ©s. Je mâefforce de lui dire quâelle sait ce quâelle fait, quâelle saura se protĂ©ger le temps voulu, elle, sa fille et ses parents. Tato sâaccroche Ă cette idĂ©e, mais la fin de lâannĂ©e sâannonce au mieux compliquĂ©e.
LâAMBIANCE FESTIVE DE NOĂL La ligne de front rejoint dĂ©jĂ le cĆur de la ville. Pas plus tard quâil y a quelques semaines, les Russes ont lancĂ© des travaux dâembellissement dans la chambre de la mĂšre dâune amie, dĂ©jĂ rapatriĂ©e de Donetsk. Le concept de terrasse Ă ciel ouvert devient tendanciel dans de nombreux logements de Zaporizhzhia. La vie
«âCâest Tonton François qui va ĂȘtre content, lui qui a enfin trouvĂ© son presquâidĂ©al professionnel Ă lâautre bout de lâagglomĂ©ration.â» sous terre, aussi, alors que les tempĂ©ratures prĂ©hivernales renforcĂ©es par la destruction croissante des infrastructures dâĂ©lectricitĂ© et de chauffage ajoutent Ă lâambiance «âfestiveâ» de NoĂ«l. Comme si cela ne suffisait pas, lâhĂŽte du Kremlin continue Ă agiter la menace nuclĂ©aire Ă laquelle sont particuliĂšrement sensibles les Occidentaux. Sur certains plateaux tĂ©lĂ©visĂ©s, on Ă©value dĂ©jĂ la taille et la puissance de la bombe qui pourrait ĂȘtre utilisĂ©e pour bander ses muscles. Certains vont mĂȘme jusquâĂ demander si son impact serait plus pĂ©nĂ©trant en surface quâen profondeur. Câest Sifredi qui a bien dĂ» se marrer⊠Lâon sâĂ©tonnerait presque que notre GĂ©gĂ© national nâait pas Ă©tĂ© consultĂ©. En mĂȘme temps, celui qui fut un temps notre gloire cinĂ©matographique nationale nâĂ©tait vraiment pas en forme ces derniĂšres semainesâ: la faute Ă un «âquadruple pontage coronarienâ» et Ă un «âdiabĂšte amplifiĂ© par le stress (de son) procĂšsâ», finalement reportĂ©. Lâon pourrait aussi citer la Chine qui multiplie les tours de piste maritime autour de TaĂŻwan. La GĂ©orgie, au bord de lâimplosion nationale ou plutĂŽt limitrophe. IsraĂ«l, qui a choisi les coups aux lamentations, nâen dĂ©plaise Ă ses populations civiles voisines.
SUR UN MALENTENDU, ĂA PEUT MARCHER Heureusement que le 24 dĂ©cembre arrive et que la France est en bonne santĂ©. De notre PrĂ©sident jupitĂ©rien Ă notre maire, le
mot dâordre paraĂźt inchangĂ©â: profitez des bienfaits que nous vous offrons. Par lassitude, ça clĂŽt au moins le dialogue national ou local et donne la parole Ă quelques esprits considĂ©rĂ©s comme chagrins, des extrĂȘmes de gauche ou de droite au centre droit. Ă ce rythme, au moins Ă Strasbourg, Pierre Jakubowicz pourrait avoir ses chances aux prochaines municipales mĂȘme si personne nâose vraiment y croire. Dommage que Michel Blanc et son «âsur un malentendu, ça peut marcherâ» ne soit plus de ce monde pour vivre la scĂšne. Le nom de son nouveau mouvement «âStrasbourg, on y croitâ» a, de ce point de vue, quelques accents de mĂ©thode CouĂ©, mĂȘme si lâhomme garde lâimage de celui qui travaille ses dossiers, Ă commencer par celui dâun Tram Nord dont nul ne comprend plus vraiment en quoi il va simplifier et Ă©gayer la vie des habitants. Nombre dâentre eux ont dĂ©jĂ lĂąchĂ© lâaffaire au regard des futurs tracĂ©s, a priori pour certains en sens unique jusquâĂ Schiltigheim ou Bischheim, pendant que lâautoroute va, semble-t-il, se «ârĂ©trĂ©cirâ». Câest Tonton François qui va ĂȘtre content, lui qui a enfin trouvĂ© son presquâidĂ©al professionnel Ă lâautre bout de lâagglomĂ©ration. Bonne nouvelle, nĂ©anmoins, aprĂšs plusieurs annĂ©es dâinvestigation facebookienne, Denis Tricard, chef de la cellule enquĂȘte aux DerniĂšres Nouvelles dâAlsace Ă©tait formel dans son post du 28 octobreâ: cette annĂ©e, notre nouveau sapin, place KlĂ©ber, «âne penche pasâ». Câest dĂ©jà ça. S
MARI IN BORDERLAND LâintemporalitĂ© dâune Ăąme Ne pas perdre notre libertĂ©, nos vies, celles de nos proches, de nos familles. Avons-nous seulement dâautres options que de lutter, autant que nous le pouvons. Jâentends parfois ce message de certains qui nous enjoignent Ă tout dĂ©laisser, de venir ou revenir Ă lâOuest quand il ne sâagit pas de nous oublier. Objectivement, parfois, je les comprends.
Maria Pototskaya DR
Un peu partout ici, lâUkraine compte ses Ăąmes.
«âChaque jour ou presque, depuis le dĂ©but de lâautomne, tombent dĂ©sormais les bombes russes sur ma ville de Zaporizhzhia, sise Ă deux pas, dĂ©jĂ , de la Centrale nuclĂ©aire occupĂ©e dâEnerhodar. Ă moins de 30 km, aussi, de la ligne de frontâ». Au dĂ©but de lâautomne, le Wall Street Journal citait une «âestimation confidentielleâ» qui Ă©valuait à «â80â000 morts et 400â000 blessĂ©sâ» le bilan de ces deux derniĂšres annĂ©es et demie de guerre, cĂŽtĂ© ukrainienâ; «âet une autre Ă©valuation, moins prĂ©cise, cĂŽtĂ© russe, qui fait Ă©tat de quelque 200â000 morts et 400â000 blessĂ©sâ». «âPlus dâun million de victimes, mortes ou blessĂ©es, câest plus que tout autre conflit sur terre actuellement, et ça aura des consĂ©quences dĂ©mographiques et psychologiques durables sur les deux paysâ», relevait rĂ©cemment Radio France.
CHAMBRE EN ACCĂS PANORAMIQUE Nombreux sont Ă©galement ceux qui ont fui ou se sont dĂ©placĂ©s au sein du pays. PrĂšs de 5 millions parmi ceux qui ont refusĂ© de se tourner vers la Russie. Majoritairement des femmes et des enfants. Des hommes aussi, mais pour les plus privilĂ©giĂ©s, tout le monde nâest pas oligarque. Tout le monde nâa pas non plus envie de laisser derriĂšre soi celles et ceux qui leur ont donnĂ© vie et qui se refusent Ă partir. Tout le monde nâa pas les moyens de les dĂ©raciner ou lâabsence de cĆur ou dâirraison de les laisser entre des dĂ©combres
annoncĂ©s â ou dĂ©jĂ bien rĂ©els â comme ceux transformĂ©s en accĂšs panoramique tel un film en Super 8 tournĂ© depuis la chambre de la mĂšre dâune amie. Tout le monde, non plus, ne se rĂ©sout Ă ĂŽter tout espoir Ă notre pays.
Chaque jour ou presque, depuis le dĂ©but de lâautomne, tombent dĂ©sormais les bombes russes sur ma ville de Zaporizhzhia, sise Ă deux pas, dĂ©jĂ , de la Centrale nuclĂ©aire occupĂ©e dâEnerhodar. Ă moins de 30 km, aussi, de la ligne de front. Depuis fin octobre, quatre bataillons de nord-CorĂ©ens se sont en outre amassĂ©s non loin de la frontiĂšre ukrainienne, du cĂŽtĂ© de Koursk. LâIran continue, lui, Ă livrer, tout comme, dâune certaine maniĂšre, la Chine, avec ses composants Ă©lectroniquesâ: certes plus malicieusement que dâautres, mais quand mĂȘmeâŠ
LâALSACE DE MON AUTRE MOI De maniĂšre ordinaire, jâessaie de traiter la chose avec humour â un trait dâĂ©ducation ukrainienne. Je dois avouer que nous sommes assez bons dans ce domaine. Le cĂŽtĂ© culinaire avec, pour qui en a dĂ©jĂ goĂ»tĂ© les saveurs. Mon ami sâen amuse parfois en se demandant ce qui a fait
quâentre la France et lâUkraine, une sorte de gap spatio-gustatif semble sâĂȘtre installĂ© Ă longueur de siĂšcles. Au moins pour lâEurope centrale. Ă se demander si la carte gĂ©opolitique du monde nâaurait pas mieux fait de se construire en cuisine mĂȘme si, Ă lâheure actuelle, une telle perspective ne ferait sans doute quâajouter aux divisions interĂ©tatiques.
La lĂ©gĂšretĂ©â: tous deux en avons besoin, mĂȘme en ce moment, Ă 3â000 km de distance. Presquâun gage de survie face Ă lâirraison de ce monde quâaucun Ukrainien ni dĂ©mocrate nâa appelĂ© de ses vĆux â un point important quâil importe de ne pas oublier, nâen dĂ©plaise au Kremlin qui ne semble rĂȘver que dâune hĂ©gĂ©monie de son plus haut reprĂ©sentant. Le coĂ»t humain lui est secondaire. Câest un fait et peut-ĂȘtre ce qui nous diffĂ©rencie le plusâ: nous tenons aux nĂŽtres, cherchons Ă les Ă©pargner du mieux que nous le pouvons et honorons les autres, comme autour de cet arbre de mĂ©tal forgĂ© par les ouvriers de Metinvest. Pourquoiâ? Pour ne pas oublier que lâUkraine a lâintemporalitĂ© dâune Ăąme dont la voix, musicale et cosaque, nâentend pas, tout comme en son temps lâAlsace de mon autre moi, cĂ©der sous le bruit de bottes dâun homme du passĂ©. S
Splendeur et misĂšre de lâempathie Sans doute est-ce lĂ faire preuve de mauvais esprit. Car que pourrait-on arguer contre lâempathieâ?
Notre Ă©phĂ©mĂšre Premier Ministre, Gabriel Attal, avait de bonnes idĂ©es. Il avait notamment prescrit de dispenser dans 1000 Ă©coles, pour la rentrĂ©e 2024, des cours dâempathie afin de lutter contre le harcĂšlement scolaire. Moi je trouve ça trĂšs bien. Je ne peux pourtant mâempĂȘcher de ressentir la mĂȘme impression que celle que me procura la coĂŻncidence de la JournĂ©e de la gentillesse et des attentats Ă Paris, le 13 novembre 2015.
Câest beau lâempathie, câest noble, câest gĂ©nĂ©reux, cette facultĂ© Ă comprendre et Ă©prouver les Ă©motions dâautrui afin de rĂ©duire la distance qui nous sĂ©pare de nos semblables. Comme la bienveillance, on ne peut quâadhĂ©rer et mĂȘme sâĂ©mouvoir de ces Ă©lans de belle Ăąme qui Ćuvrent pour lâamour de son prochain et la paix entre les peuples. Dâautant que, avouons-le, il y a du boulot ces temps-ci.
Le mot est rĂ©cent puisquâil apparaĂźt Ă la fin du XIXe siĂšcle, dĂ©but du XXe en anglais (empathy), terme traduit de lâallemand EinfĂŒhlung, et qui Ă©tait une notion ressortissant de lâesthĂ©tiqueâ: lâĂ©motion que nous procure la contemplation dâune Ćuvre dâart. DĂ©sormais on peut se mettre Ă la place de lâautre pour savoir ce quâil ressent et sâĂ©viter les jugements Ă lâemporte-piĂšce.
Soit. Auparavant on parlait de compassion mais les deux notions doivent ĂȘtre distinguĂ©es puisque celle-ci implique le dĂ©sir dâaider celui qui souffre. Elle est donc davantage tournĂ©e vers lâaction. Ce qui veut dire que lâon peut compatir sans empathie ou bien quâon peut empathir(1) sans rien faire pour autrui.
Ce qui est un tout petit peu problĂ©matique. Je peux par exemple avoir une belle tranche dâempathie pour un clochard, comprendre sa situation, et lui dire quâil aurait mieux valu pour lui quâil travaille mieux Ă lâĂ©cole. Ce qui dĂ©montre lâexistence du connard empathique. Il est toujours bon de relire les moralistes. La Rochefoucauld (2) Ă©crit au sujet de la compassion (mais que ne penserait-il pas de notre moderne empathie) quâelle «ânâengage Ă rien, dâoĂč sa frĂ©quenceâ». Mais pour La BruyĂšreâ: «âLes gens dĂ©jĂ chargĂ©s de
leur propre misĂšre sont ceux qui entrent davantage par la compassion dans celle dâautruiâ».(3)
Autrement dit, rester le cul posĂ© au chaud et sâapitoyer sur les malheureux du journal tĂ©lĂ©, câest facile. Rien ne dit dâailleurs que lâun des malheureux, disons syrien, qui a vu sa maison dĂ©truite par un bombardement, nâest pas un ancien tortionnaire de Bachar El Assadâ? Comment savoirâ? Et le sachant, Ă©prouvera-t-on toujours autant dâempathie. Mâest avis quâelle aura singuliĂšrement ramolli. Que faire dâune empathie demi-molleâ? Mais dĂ©jĂ le reportage suivant arrive et nous vante la qualitĂ© des andouillettes de Vire. On sait pourtant Ă quel point nos journa listes(4) raffolent des Ă©panchements lar moyants et des Ă©pouvantements sordides de faits diversâ: du temps de cerveau faci lement gagnĂ©. Ceci dit, le cerveau est-il concernĂ©â? SâĂ©mouvoir, cela vient du cĆur, voire des tripes. Et comme il est bon et rassurant de se dire quâon ne vit pas tout cela. LucrĂšce ne disait pas autre choseâ: Suave mari magnoâŠ(5)
CâEST LE RAPPORT RAISON/ĂMOTION QUI SE REJOUE ICI De lĂ Ă dire que lâempathie est une occu pation dâhypocrites il nây a quâun pas que je ne saurais franchir sous peine de paraĂźtre plus mauvais encore que je ne le suis. Câest le rapport raison/Ă©motion qui se rejoue ici. La tradition a longtemps posĂ© sur les Ă©motions un regard suspicieux, comme pour les stoĂŻciens par exemple, pour lesquels elles nous Ă©garent, le bonheur ne provenant que de la vertu. Les Ă©motions ce sont des passions, nous les subissons alors que la raison est lâexercice dâune volontĂ© libre. Les choses sont-elles cepen dant aussi tranchĂ©esâ? Pour Rousseau, mĂȘme si on ne peut Ă proprement parler dâĂ©motions mais plutĂŽt de sentiments et dâaffections, elles jouent un rĂŽle dans la constitution de la morale. On trouve cette idĂ©e dĂšs le second Discoursâ: il y a «âdeux principes antĂ©rieurs Ă la raison, dont lâun nous intĂ©resse ardemment Ă notre bien-ĂȘtre et Ă la conservation de nousmĂȘmes, et lâautre nous inspire une rĂ©pugnance naturelle Ă voir pĂ©rir ou souffrir tout ĂȘtre sensible et particuliĂšrement nos semblables »(6). Le premier est lâamour de soi, le second la pitiĂ©. Les frontiĂšres sont assez mouvantes entre pitiĂ©, compassion et empathie mais ce qui importe ici câest le
jeu entre Ă©motion et rĂ©flexion. Car sâil est question de se mettre Ă la place dâautrui dans une dĂ©marche empathique, il faut au prĂ©alable le comprendre. Lâempathie se doit donc de revĂȘtir deux aspects, affective certes, mais Ă©galement cognitive. On Ă©prouve tout dâabord ce que ressent lâautre, on saisit ensuite que lâautre vit dâautres expĂ©riences que les miennes.
LâEMPATHIE EST AISĂMENT MANIPULABLE Du moins en thĂ©orie. Car, homme des LumiĂšres, Rousseau pose lâexistence dâune nature humaine universelle, valable en tout temps et en tout lieu. Ă y regarder de plus prĂšs, il apparaĂźt cependant que lâempathie obĂ©it Ă des modes de fonctionnements particuliers. Tout dâabord, comme le souligne Serge Tisseron(7), cognitive ou affective, lâempathie est aisĂ©ment manipulable. Et il semble bien, comme nous lâavons Ă©voquĂ©, quâon ne sâen prive pas. Ensuite, Ă supposer quâelle soit universellement rĂ©partie, on constate dâĂ©tranges disparitĂ©s. On ne me contredira pas si jâavance que, parmi nos semblables, certains le sont davantage que dâautres. On distingue parmi les voyageursâ: les expatriĂ©s oui, les migrants non. Les rĂ©fugiĂ©s ukrainiens oui, les rĂ©fugiĂ©s maliens moins. Doivent sans doute entrer en ligne de compte des considĂ©rations gĂ©opolitiques qui mâĂ©chappent. Il nâen demeure pas moins quâon a lâimpression dâune empathie sĂ©lective.
«âOn Ă©prouve tout dâabord ce que ressent lâautre, on saisit ensuite que lâautre vit dâautres expĂ©riences que les miennesâ» Hasard du calendrier Ă©ditorial, vient de paraĂźtre un livre de Samah Karaki, neuroscientifique, justement consacrĂ© Ă lâempathie(8). Les neurosciences peuvent nous apporter beaucoup si elles ne se rĂ©duisent pas Ă nous expliquer que telle ou telle zone du cerveau est activĂ©e Ă telle ou telle occasion, ce qui lâapparente Ă une phĂ©nologie moderneâ; ou bien que la plasticitĂ© du cerveau rend toutes les adaptations possibles.
En lâoccurrence, lâautrice fait preuve dâun dĂ©licieux sens critique. En pointant par exemple le fait que lâempathie peut facilement dĂ©boucher sur une bonne conscience et devenir un outil de dĂ©veloppement personnel. ĂnoncĂ© auquel je ne peux que souscrire. Plus encore, S. Karaki entend dĂ©montrer que lâempathie Ă gĂ©omĂ©trie variable est une construction politiqueâ: «âLâempathie est instrumentalisĂ©e par les
«âLâempathie est instrumentalisĂ©e par les cadrages politiques, culturels et mĂ©diatiques, et est traversĂ©e par les dynamiques de domination que ceux-ci imposent. » cadrages politiques, culturels et mĂ©diatiques, et est traversĂ©e par les dynamiques de domination que ceux-ci imposentâ». Ce nâest pas moi qui le dis.
UNE CONTRE-EMPATHIE VIS-Ă-VIS DES
AUTRES GROUPES Notons au passage que des phĂ©nomĂšnes dâempathie ont Ă©tĂ© constatĂ©s chez des rongeurs et des primates, ce qui relativise notre primautĂ© dans la CrĂ©ation, sâil en Ă©tait encore besoin. Et les capacitĂ©s Ă lâempathie apparaissent trĂšs jeunes chez les enfants. Si elle est cognitive et affective, lâempathie doit permettre Ă©galement de porter Ă lâaltruisme, y compris hors du groupe naturel ou social primaire, câest-Ă dire de se comporter moralement. Mais tout cela a un coĂ»t, un coĂ»t cognitif, car Ă©tant Ă©galement des ĂȘtres de nature, nous avons acquis un certain nombre de rĂ©flexes parmi lesquels la capacitĂ© Ă classer les autres en amis ou ennemis puis Ă dĂ©velopper des stĂ©rĂ©otypes qui sont un moyen de simplifier la rĂ©alitĂ©. On constate alors que lâeffet de groupe est double. Dâune part notre empathie sâexerce Ă lâintĂ©rieur du groupe mais dâautre part se met en place une contre-empathie vis-Ă -vis des autres groupes (famille, village, nationâŠ).
Et cette contre-empathie, selon les Ă©tudes de psychologie sociale conduit mĂȘme Ă Ă©prouver du plaisir face Ă la douleur des membres des autres groupes. Ceux-ci Ă©tant, bien entendu, moins propres ou moins Ă©voluĂ©s ou moins civilisĂ©s et aurons bien moins dâexcuses au contraire de nos plus proches auxquels
on accordera bien des circonstances attĂ©nuantes. Mieux encore, lâempathie au sein du groupe mĂšne Ă une forme de supĂ©rioritĂ© morale, une image de soi valorisante dont le patriotisme tire bien des bĂ©nĂ©fices.
Nous voilĂ bien loin de nos prĂ©occupations quotidiennes me direz-vous et il nâen demeure pas moins quâil vaut mieux plus dâempathie que pas assez dans ce monde cruel et incertain. Que vous ĂȘtes optimistes. Car dans ce rĂ©gime de sollicitation permanente qui est le nĂŽtre, sollicitations visuelles, auditives, olfactives, attentionnelles, que se produit-il pour lâempathieâ? Elle sâuse. Chez les soignants par exemple, il nâest pas rare quâau burn-out sâajoute une usure empathique. Quant Ă nous, français moyens, les images de famines nous paraissent se ressembler toutes. Ainsi que le rĂ©sume si bien S. Karakiâ: «âLâautre devient une marchandise affective consommĂ©e avec un appĂ©tit de la diffĂ©rence figĂ©e, et une mĂ©connaissance de la subjectivitĂ© et de la singularitĂ© de lâautreâ: de sa vraie diffĂ©renceâ». Comme lâaurait dit un grand philosophe, lâimportant ce nâest pas lâidentitĂ©, ni la diffĂ©rence, mais lâidentitĂ© de lâidentitĂ© et de la diffĂ©rence. LâidentitĂ© conduit au renfermement, la diffĂ©rence Ă lâexclusion. Accepter ce qui, irrĂ©mĂ©diablement, nous est commun au-delĂ ou en deçà des diffĂ©rences, lĂ est peut-ĂȘtre le chemin. PlutĂŽt que de prĂŽner les bons sentiments de pacotille, essayons de mieux connaĂźtre, quand bien mĂȘme cela est inconfortable. Certes «âScience sans conscience nâest que ruine de lâĂąmeâ». Mais Ă©motion sans raison est un piĂšge Ă cons. S
(1) Le mot nâexiste pas, sauf ici.
(2) Dans ses Maximes, qui sont toutes Ă lire (3) Les caractĂšres, mĂȘme remarque que pour La Rochefoucauld
(4) Pas tous, mais la tendance est lourde (5) «âIl est doux, quand la vaste mer est soulevĂ©e par les vents, dâassister du rivage Ă la dĂ©tresse dâautruiâ; non quâon trouve si grand plaisir Ă regarder souffrirâ; mais on se plaĂźt Ă voir quels maux vous Ă©pargnentâ». LucrĂšce, De la nature des choses (6) Rousseau, Discours sur lâorigine et les fondements de lâinĂ©galitĂ© entre les hommes (7) Serge Tisseron, Empathie et manipulations, les piĂšges de la compassion, Albin Michel, 2017 (8) Samah Karaki, Lâempathie est politique, LattĂšs, 2024. Une autrice Ă suivre assurĂ©ment
Samah Karaki
MUSIQUE Olivier MĂ©tral DR
KING CRIMSON Red Il y a cinquante ans, le 6 octobre 1974, le groupe britannique de rock progressif King Crimson sortait Red, son 7e et dernier album sous sa forme historique. Quelques semaines auparavant, son fondateur et guitariste Robert Fripp en avait annoncé la dissolution.
Câest la fin dâune Ăšre, lâachĂšvement dâun cycle, lâaboutissement dâune aventure initiĂ©e en 1969 avec lâalbum In The Court of The Crimson King et son titre phare 21st Century Schizoid Man, aussi torturĂ© que la peinture de Barry Godber qui en illustre la pochette.
Lorsque Robert Fripp, en pleine crise existentielle, annonce la fin du groupe le 25 septembre 1974, soit deux semaines avant la sortie dans les bacs de Red, on imagine la tension qui a entourĂ© lâenregistrement de ce 7e et dernier album du Roi Pourpre. La noirceur de la pochette, au-devant de laquelle les visages de Robert Fripp, John Wetton et Bill Bruford sont Ă demiĂ©clairĂ©s, tĂ©moigne sans doute de cette mort annoncĂ©e. Au dos, et comme un symbole, apparaĂźt un VU-mĂštre dont la 7e graduation signale lâentrĂ©e dans le rouge. Son aiguille a dĂ©jĂ franchi cette limite. On sent que ça va pĂ©ter fort, que malgrĂ© les tĂ©nĂšbres dans lesquels le groupe semble sâĂȘtre enfoncĂ©, ça va saigner.
Les 6 minutes de Red ouvrent cet ultime opus sur une atmosphĂšre lourde et inquiĂ©tante, portĂ©e par les accords sauvages de Fripp et les coups de boutoir de Bruford Ă la batterie. La douceur des premiĂšres notes de Fallen Angel qui suit cette entrĂ©e fracassante sont aussi rĂ©confortantes que mensongĂšres, car bien vite, le refrain presque plaintif de John Wetton vient Ă nouveau noircir lâambiance au milieu de riffs de guitare presque dĂ©sespĂ©rĂ©s. On souffle ici le chaud et le froid, dans un assemblage
aussi subtil que magnifique. One More Red Nightmare prolonge le «âcauchemarâ» du titre dâouverture, avec son caractĂšre toujours aussi pesant, mĂȘme si ses sonoritĂ©s jazzy et ses trouvailles musicales parviennent Ă lâassouplir.
Lâinstrumental et expĂ©rimental Providence est presque insoutenable. David Cross y torture son violon sur plus de huit minutes. On souffrirait presque avec lui. Et puis, soudain, comme une rĂ©compense au calvaire que lâon vient tout juste de subir, Starless nous transporte dans un autre monde, lĂ oĂč la beautĂ© se mĂȘle au dĂ©sespoir, la nostalgie Ă la tristesse, la dĂ©solation au sublime. La partie instrumentale de ce chef-dâĆuvre de 12 minutes est semblable Ă une vague, une vague qui gonfle, se soulĂšve et se dresse, avant dâabattre sa toute-puissance sur un final paroxystique, dans un souffle Ă©tourdissant qui balaye tout ce que lâon a dĂ©jĂ entendu. Câest une claque et une montĂ©e dâadrĂ©naline Ă chaque Ă©coute. On en sort toujours groggy, assommĂ© par cette avalanche sonore qui remplit tout lâespace.
On raconte que Red a inspirĂ© Kurt Cobain pour lâĂ©criture de In utero, le 3e album studio de Nirvana. On dit aussi quâil est le dernier disque que le chanteur ait Ă©coutĂ© avant de se donner la mort le 5 avril 1994. On lâaurait en effet retrouvĂ© dans son lecteur CD, Ă Seattle, aprĂšs la dĂ©couverte de son corps.
Mais sans doute cette anecdote appartient-elle à la légende. a
LA SOUFFRANCE DANS LA COUR DE RĂCRĂ ET SUR LES RĂSEAUX ENJEU DE SANTĂ PUBLIQUE Obligatoire depuis la rentrĂ©e 2023 dans tous les Ă©tablissements du premier et second degrĂ©, le programme pHARe est un vaste plan de lutte contre le harcĂšlement scolaire qui fait plus dâune victime par classe en France. De lâintimidation au harcĂšlement, comment venir Ă bout dâun flĂ©au certes pas nouveau, mais amplifiĂ© par les rĂ©seaux sociauxâ?
Une simple moquerie qui touche en plein cĆur, une brimade, une exclusion dâun groupe WhatsApp, dâune bande de copains ou de copines, peuvent entraĂźner une souffrance parfois indicible pour nos enfants et adolescents. Un flĂ©au rĂ©parti dans toutes les couches de populations sociales ou gĂ©ographiques. «âOr lâisolement est la source la plus forte de morbiditĂ© prĂ©coce, alerte JeanMichel Perez, universitaire et directeur de PĂŽle scientifique Connaissance, Langage, Communication, SociĂ©tĂ©s (CLCS) Ă Nancy, qui a notamment rĂ©alisĂ© une thĂšse sur les microviolences verticales dans lâinstitution scolaire*. Les enfants ne sont que lâexpression des adultes. Il existe des harceleurs qui sont aussi des victimes. Ceux qui ont le pouvoir, sont ceux qui parlent le plus fort. Il faut que la peur change de camp. La chaleur humaine ne nĂ©cessite pas dâargent
mais dâĂȘtre protĂ©gĂ©e par lâinstitution pour que ce type de rapports domine. »
Ă titre dâexemple, dans un collĂšge de lâAcadĂ©mie de Strasbourg, une cinquantaine dâĂ©lĂšves a dĂ©cidĂ© de devenir Ambassadeur contre le harcĂšlement scolaire, comme cela est proposĂ© par le plan pHARe. «âDepuis, la directrice constate un vrai climat dâapaisement dans lâĂ©tablissementâ», rapporte Morgane Martin, responsable acadĂ©mique de la lutte contre le harcĂšlement scolaire. Preuve quâinverser le rapport de forces peut porter ses fruits. Si le programme pHARe nâest pas LA solution, il a le mĂ©rite dâen ĂȘtre une pour lutter contre le harcĂšlement scolaire. InitiĂ© en 2021 et gĂ©nĂ©ralisĂ© lâan dernier, il sâappuie sur la «âmĂ©thode de prĂ©occupation partagĂ©eâ» (MPP) dĂ©veloppĂ©e par le psychologue suĂ©dois Anatol Pikas reposant sur la responsabilitĂ© collective et les effets de groupe. Non-blĂąmant, ce protocole prĂ©voit de rencontrer auteur(s), tĂ©moin(s) et victime(s) dans lâobjectif de responsabiliser les Ă©lĂšves et de favoriser un changement progressif des comportements grĂące Ă une prise de conscience collective et Ă lâengagement volontaire des Ă©lĂšves Ă contribuer au bien-ĂȘtre de leur camarade harcelĂ©. «âCela nous a permis de rĂ©soudre 87â% des faits dâintimidation dans lâAcadĂ©mie de Strasbourg, preuve que le travail avec les Ă©lĂšves, qui restent des enfants, porte ses fruits, souligne Morgane Martin. Je crois en lâĂ©ducabilitĂ© des jeunes.â»
OBJECTIFâ: DĂTECTER
En cas de non-rĂ©solution, lâĂ©quipe ressource et la direction des Ă©tablissements passent au protocole blĂąmant, Ă la sanction donc, pouvant aller de deux heures de colle, Ă lâexclusion, voire au pĂ©nal, le harcĂšlement scolaire Ă©tant qualifiĂ© de dĂ©lit depuis 2022. «âCe qui est intĂ©ressant, câest que le cadre posĂ© est celui de la loi, rap-
«âUn adolescent cyberharcelĂ© va voir la persĂ©cution partoutâ: on parle dâinsĂ©curitĂ© relationnelle, et on insiste lĂ -dessus avec nos Ă©lĂšves. Ils nâont plus le temps dâĂȘtre eux-mĂȘmes. Lâenjeu pĂ©dagogique est Ă©norme.â»
pelle Vincent Affholder, co-coordinateur du programme pHARe au Gymnase Jean Sturm avec Marie Abiven. Les enfants connaissent les risques, et lâexclusion est un vrai enjeu, car elle remet en cause la stratĂ©gie familiale.â» Dâautant que selon la thĂ©rapeute spĂ©cialiste du sujet, Emmanuelle Piquet, «âla jeune gĂ©nĂ©ration est une gĂ©nĂ©ration qui prend soin de ses parents et met tout en Ćuvre pour Ă©viter de les faire souffrirâ», alertait-elle lors dâune confĂ©rence au Gymnase Jean Sturm. Au point de commettre parfois lâirrĂ©parable, par peur de blesser. Et câest lĂ tout lâenjeu de pHAReâ: dĂ©tecter les signaux faibles pour pouvoir agir avant que la situation ne sâaggrave et inviter les victimes ou les tĂ©moins Ă parler. «âLe harcĂšlement nâest pas la seule forme de violence, il est important de montrer quâil existe dâautres niveaux, insistent Vincent Affholder et Marie Abdiven. Les tensions chez les filles et les garçons sont exacerbĂ©es par les rĂ©seaux sociaux. Avant les ados en crise avaient des repĂšres, un temps prĂ©sent. Aujourdâhui, le prĂ©sent est rĂ©duit, car il nây a plus de sĂ©curitĂ© Ă cause des rĂ©seaux. Avec lâexplosion de lâespace social, tout se mĂ©lange, la politique, la libertĂ©, le genre, les religions... Ătre un jeune aujourdâhui est terrifiantâ: vous ĂȘtes en crise, mais vous ne savez pas oĂč aller. Câest dĂ©stabilisant. Un adolescent cyberharcelĂ© va voir la persĂ©cution partoutâ: on parle dâinsĂ©curitĂ© relationnelle, et on insiste lĂ -dessus avec nos Ă©lĂšves. Ils nâont plus le temps dâĂȘtre eux-mĂȘmes. Lâenjeu pĂ©dagogique est Ă©norme.â»
Et chacun a un rĂŽle Ă jouer, de lâagent dâentretien au chef dâĂ©tablissement en passant par les enseignants, les personnes-ressources, les Ă©lĂšves, ambassadeurs ou non, et les parents. «âChaque Ă©tablissement doit avoir une Ă©quipe pHARe intercatĂ©gorielle de cinq personnes minimum. Le programme donne une rĂ©ponse en termes de dĂ©tection, de prĂ©vention et de prise en charge qui implique lâensemble de la communautĂ© qui doit ĂȘtre
*lisec-recherche.eu/membre/ perez-jean-michel
Barbara Romero Nicolas RosĂšs
Vincent Affholder et Marie Abdiven
protectrice, appuie Morgane Martin. Dâici Ă la fin 2026, lâensemble des personnels devra ĂȘtre formĂ©.â»
En parallĂšle, les Ă©lĂšves du CP Ă la Terminale sont sensibilisĂ©s sur leur temps de cours aux compĂ©tences psychosociales, «âcomme sur le harcĂšlement, lâempathie, la collaboration, lâesprit de groupe, comment se mettre Ă la place de... quand tu ne pensais pas que..., ajoute AurĂ©lie Haberer, responsable dĂ©partementale du harcĂšlement scolaire. La sanction peut aussi ĂȘtre Ă©ducative et passer par une mesure de rĂ©paration en fonction de la gravitĂ©. Nous essayons dâaider les Ă©lĂšves Ă sortir de ce rĂŽle de harceleur. Parfois aussi les tĂ©moins passifs sont actifs, car ils nâagissent pas par peur de subir quelque chose quâils ne veulent pas vivre. Nous sommes lĂ aussi pour expliquer tout cela.â»
LE HARCĂLEMENT Emmanuelle Piquet milite de son cĂŽtĂ© pour accompagner lâĂ©lĂšve harcelĂ© Ă trouver toutes les ressources quâil cache en lui. «âLâinstitution rĂ©pond « ne tâinquiĂšte pas, je mâoccupe de tout », comme si lâenfant harcelĂ© nâavait pas les compĂ©tences de sâen sortir. Or les adultes sont lĂ pour lui rĂ©apprendre Ă avoir confiance en lui et Ă trouver la rĂ©partie.â» Pas si facile nĂ©anmoins...
La plus grande difficultĂ© pour la communautĂ© Ă©ducative â et les parents â câest que le harcĂšlement ne sâarrĂȘte plus Ă la porte de lâĂ©cole. «âParfois nous dĂ©couvrons certains Ă©lĂšves que nous nâattendons pas au quotidien qui expriment derriĂšre leurs Ă©crans une frustration, une souffrance, car eux-mĂȘmes sont blessĂ©s et considĂšrent les rĂ©seaux comme un refuge, tĂ©moigne Cyrille Weyland, directeur-adjoint, responsable du collĂšge Lucie Berger. Depuis le dĂ©part nous nous sommes engagĂ©s dans le programme pHARe, car si nous Ă©voluons certes dans un cadre privilĂ©giĂ©, cela nâempĂȘche pas certains comportements si nous ne donnons pas les bons repĂšres. Les formes de harcĂšlement Ă©voluent, il nâexiste plus de frontiĂšres. Le plus difficile reste de repĂ©rer trĂšs tĂŽt les formes de violence plus insidieuses que les bagarres dans une cour.â»
Ă lâimage de la mise Ă lâĂ©cart, la plus difficile Ă gĂ©rer selon Emmanuelle Piquetâ: «âDepuis deux ans, 40â% de nos consultations concernent des mises Ă lâĂ©cart, des enfants Ă qui personne ne parlent. Câest une souffrance similaire au harcĂšlement explicite. Mais ici on ne peut pas sanctionner, car on ne peut forcer des gamines Ă ĂȘtre copines, on ne peut dĂ©cider Ă leur place. Je leur recommande de crĂ©er un cordon de sĂ©curitĂ© avec une liste dâenfants quâil ou elle considĂšre comme a priori inoffensifs.â»
La question de lâisolement toujours, qui revient comme un poison dans le cĆur de prĂšs dâun million dâĂ©lĂšves en France sur les trois derniĂšres annĂ©es. Et lâinstitution ne peut pas tout, les parents, aussi, ont leur rĂŽle Ă jouer.
UN NUMĂROâ: LE 3018 Comment rĂ©agir si lâon soupçonne son enfant ou un autre dâĂȘtre harcelĂ©â? Appeler le 3018, un numĂ©ro gratuit et anonyme dĂ©diĂ© au harcĂšlement scolaire (une application existe aussi pour chater), avec au bout du fil des psychologues, des juristes, des spĂ©cialistes du numĂ©rique. «âNous recommandons aux parents de prendre des captures dâĂ©cran, de bloquer les harceleurs et de nous contacter. Nous nous chargeons ensuite de toutes les Ă©tapesâ: informer lâĂducation nationale, lâĂ©tablissement qui enclenche le protocole pHARe et la police nationale si nĂ©cessaireâ», tĂ©moignait Justine Atlan, directrice de lâassociation e-enfance-3018 sur France 2 aprĂšs le documentaire poignant et percutant Lindsay, la mĂ©canique du harcĂšlement, rĂ©alisĂ© par FĂ©lix Seger. En lien avec les rĂ©seaux sociaux, Instagram, TikTok et compagnie, lâassociation a aussi le pouvoir de faire bloquer des comptes et supprimer des Posts et images. Si la France a mis trop de temps Ă comprendre que les violences frontales ou sourdes chez les jeunes nâĂ©taient pas que des gamineries, la gravitĂ© du phĂ©nomĂšne fait aujourdâhui consensus. En Australie, le gouvernement vient de dĂ©cider de promulguer une loi pour interdire les rĂ©seaux sociaux aux moins de 16 ans. Une nouvelle piste de rĂ©flexion pour la Franceâ? a
3018
Un numéro à retenir : le 3018, numéro gratuit de signalement des cas de harcÚlement ou cyberharcÚlement pour les jeunes.
www.education.gouv.fr/non-auharcelement/phare-un-programme-delutte-contre-le-harcelement-l-ecole-32343
Tertiaire - Industriel - ERP et collectivités - Secteur santé
Copropriétés - Commerces
22, rue de lâIndustrie
67400 Illkirch-Graffenstaden
TĂ©l. : 03 88 20 23 81 www.hygiexo.fr
Barbara Romero Nicolas RosĂšs
ON SE MET AU DRY JANUARY LOCALâ? LancĂ© en France il y a cinq ans, le Dry January, ou «âJanvier sans alcoolâ», a Ă©tĂ© suivi par 5,1 millions de Français en 2024*. Un Ă©piphĂ©nomĂšneâ? Il suit au contraire une tendance mondiale Ă la dĂ©consommation dâalcool et Ă lâessor du marchĂ© des softs peu sucrĂ©s et boissons dĂ©salcoolisĂ©es. Strasbourg nâĂ©chappe pas Ă ce phĂ©nomĂšne grandissant avec la crĂ©ation de marques sans alcool rĂ©unies sous le collectif Mieux boire et tout rĂ©cemment lâouverture de la boutique Le Cactus de BarnabĂ© dĂ©diĂ©e Ă ce marchĂ©.
*Sondage rĂ©alisĂ© du 8 au 17 janvier 2024 par Panel Selvitys auprĂšs dâun Ă©chantillon reprĂ©sentatif de 5â000 rĂ©pondants en France mĂ©tropolitaine.
Le collectif Mieux Boire, avec notamment Chloé et Arnaud Henry de la marque Hyca (en bleu).
Du Kombucha, des eaux aromatisĂ©es aux plantes, des limonades peu sucrĂ©es, des tonics bio et naturels, une Ginger beer nouvelle gĂ©nĂ©ration... Les boissons artisanales sans alcool, peu ou pas sucrĂ©es, se dĂ©veloppent Ă Strasbourg. RegroupĂ©es sous le collectif Mieux boire, Bio Brasseurs, Hyca et Drims rĂ©inventent les apĂ©ros et les dĂźners avec des softs tout sauf ennuyants. Des alternatives aux sodas trop sucrĂ©s, aux boissons alcoolisĂ©es, qui pourraient enchanter un Dry January en mode circuit courtâ! «âAu-delĂ du Dry January, on a tous des moments oĂč lâon veut diminuer ou arrĂȘter notre consommation dâalcool ou de sucre pour diverses raisonsâ», rappelle ChloĂ© Henry, co-fondatrice dâHyca. Quand elle est enceinte pour la premiĂšre fois, ChloĂ© ressent le besoin dâinventer quelque choseâ: «âCâest long neuf mois plus lâallaitement, et je nâavais le choix quâentre la pauvretĂ© de la proposition des boissons dĂ©salcoolisĂ©es ou des choses trĂšs sucrĂ©es. Jâavais envie de quelque chose qui casse les codes de la boisson, ne pas jouer sur la balance sucre/aciditĂ© comme partout.â»
DES SOFTS POUR ADULTE, ARTISANAUX, En 2020, avec son conjoint Arnaud, ils lancent Hyca, des eaux aromatisĂ©es aux distillats de plantes. «âJe suis herboriste et lui distillateur. Nous avons souhaitĂ© mettre non pas le cĂŽtĂ© thĂ©rapeutique, mais lâaspect gustatif des plantes dans nos boissons.â» TrĂšs vite, lâidĂ©e sĂ©duit les plus grandes tables Ă©toilĂ©es. «âIls ont trouvĂ© nos eaux pertinentes et qualitatives, cette offre manquait dans leur restaurant pour une clientĂšle qui ne boit pas dâalcool et doit se contenter dâeaux pĂ©tillantes pour le cĂŽtĂ© plus funâ!â»
Cavistes, hĂŽtels et magasins bio suivent. Leur croissance est Ă deux chiffres chaque annĂ©e. «âMais la rentabilitĂ© est toute petite avec le sans alcool, les marges sont moins importantes. Câest pourquoi nous avons montĂ© le collectif Mieux Boire pour travailler en synergie avec Bio Brasseurs, qui gĂšre lâembouteillage de nos produits, et Drims.â» «âPlutĂŽt que de travailler chacun de notre cĂŽtĂ©, on essaye de mutualiser nos compĂ©tences, en optant pour des livraisons communes par exemple puisque lâon a souvent les mĂȘmes clients, tout en parlant de nos diffĂ©rents produits sachant que nos offres sont diffĂ©rentesâ», rebondit Elodie KantĂ©, co-crĂ©atrice avec son Ă©poux CĂ©dric des
Tonic Water Drims. «âOn nâavait pas mesurĂ© lâampleur de la tĂąche ni tous les procĂ©dĂ©s industriels que cela implique, raconte-t-elle. CâĂ©tait laborieux, mais aujourdâhui, câest une belle rĂ©ussite, avec sept produits diffĂ©rents que nous proposons.â»
PassionnĂ©e de cuisine, Ălodie a Ă©laborĂ© toutes les recettes, avec un cahier des charges bien prĂ©cis, rĂ©alisĂ©es dans un laboratoire nancĂ©en. «âJâadore les plantes, les herbes, comme le gĂ©ranium rosat qui me fait penser Ă cette association de framboise et litchi. Notre gingembre et nos fruits sont pressĂ©s, tout est naturel et certifiĂ© bio.â»
Les deux marques strasbourgeoises sont embouteillĂ©es chez Bio Brasseurs, qui a investi dans une unitĂ© de production passĂ©e de 300 m2 en 2016 Ă 1â500 m2 aujourdâhui. «âLes boissons sans alcool ou bonnes pour la santĂ© se dĂ©veloppent car notre façon de consommer a changĂ© avec lâaspect lĂ©gislatif et rĂ©glementaire â on ne prend plus la route aujourdâhui comme avant aprĂšs avoir bu de lâalcool â ou les codes en entrepriseâ», appuie Olivier Courot, co-fondateur avec FrĂ©dĂ©rique Fischer de Bio Brasseurs. PrĂ©curseur, Bio Brasseurs a lancĂ© trois gammes de Kombucha, du thĂ© fermentĂ© biologique et artisanal, dâabord pour les GMS, puis pour les magasins bios et spĂ©cialisĂ©s et le marchĂ© corĂ©en, et tout rĂ©cemment Hopfield, un breuvage Ă base de houblon et de thĂ© vert, une autre vision de la Ginger beer.
LE CACTUS DE BARNABĂ, LE NOUVEAU TEMPLE DU NO LOW «âAujourdâhui, nous crĂ©ons du soft de dĂ©gustation, les gens recherchent des boissons de caractĂšre, de plaisir, que lâon dĂ©guste dans des endroits de convivialitĂ© comme les clubs de sport ou les Bains municipaux,t ou quand on veut rĂ©duire ou arrĂȘter sa consommation dâalcoolâ», ajoute Olivier Courot.
De nouveaux soft «âhaute-coutureâ» qui ont tellement sĂ©duit Yasmina Khouaidjia quâelle a ouvert sa boutique dĂ©diĂ©e aux boissons sans alcool et dĂ©salcoolisĂ©es, Le Cactus de BarnabĂ©, place Saint-Ătienne. Les sublimes bouteilles de champagne French Bloom ont accompagnĂ© ses dĂźners lors de son Dry January. Tout comme les bulles Ribo de La Cave de RibeauvillĂ©, un pĂ©tillant Ă moins de
«âAujourdâhui nous crĂ©ons du soft de dĂ©gustation, les gens recherchent des boissons de caractĂšre, de plaisir. » Olivier Courot, Bio Brasseurs 0,5 degrĂ© dâalcool ou le Tempera de Mauro Colagreco, une boisson dâorfĂšvres quâil a imaginĂ©e avec des Ă©pices, du vinaigre de cidre, de la betterave et du cranberry. «âQuand tu goĂ»tes, tu te dis que tu ne connais rien de tel, les goĂ»ts sont complexes, il faut un palais curieux, dĂ©taille-t-elle. Quand on commence le Dry, on recherche un cĂŽtĂ© astringent, Ă©picĂ©, piquant, pas de sucre. Je me suis prĂ©cipitĂ©e sur les boissons au gingembre, avant de faire mon Ă©tude de marchĂ© et de dĂ©couvrir quâil existait toute une gamme de nouveautĂ©s comme alternative aux boissons sucrĂ©es ou alcoolisĂ©es.â»
Au point que son «âJanvier sans alcoolâ» se poursuit toujoursâ! «âJâai perdu six kilos, mes cheveux, mon teint, sont diffĂ©rents, jâai une meilleure qualitĂ© de sommeil et mon anxiĂ©tĂ© a diminuĂ©. Je me suis dit quâil y avait quelque chose Ă faire Ă Strasbourg car les gens sont nombreux Ă ne pas vouloir ou pouvoir boire de lâalcool ou du sucre, tout en ayant envie de se faire plaisir.â»
AprĂšs Paris, Nantes, Bordeaux, Le Cactus de BarnabĂ© est la premiĂšre boutique dĂ©diĂ©e au 100â% plaisir sans alcool dans le Grand Est. Un cocon poudrĂ© et raffinĂ© au charme scandinave, oĂč le terme «âsurprenantâ» revient en boucle quand on sirote cet amaretto sans alcool, ce French Cancan avec une touche de violette, ou ce fameux vin dĂ©salcoolisĂ© Ribo, assemblage de muscat et sylvaner, droit et sec, le premier du genre en Alsace. «âNous sommes passĂ©s de 13â000 bouteilles en 2021 Ă plus de 30â000 pour la cuvĂ©e 2025, souligne CĂ©lia Langlois, responsable
communication de la coopĂ©rative crĂ©Ă©e en 1895. Les gens sâamusent et sont assez surpris en le goĂ»tant, mĂȘme si Ă©videmment, cela ne plaĂźt pas Ă tout le monde. Nous le vendons principalement au caveau et aux Ătats-Unis, trĂšs demandeur de vins dĂ©salcoolisĂ©s.â»
«âDubitatifs au dĂ©part, nos amis nous demandent maintenant âAlors, tu vas nous faire goĂ»ter quoi aujourdâhui, sourit Yasmina. Ă la maison, il y a toujours du sans alcool et de lâalcool, et on se rend compte que la convivialitĂ© perdure, avec ou sans.â Alors, partant pour un Dry localâ? S
AprĂšs Kwit, lâapplication pour accompagner lâarrĂȘt du tabac, le Strasbourgeois Geoffrey Kretz a conçu Sobero, une sorte de carnet de bord pour aider Ă arrĂȘter ou Ă rĂ©duire sa consommation dâalcool grĂące Ă un suivi quotidien de sa conso, des idĂ©es dâactivitĂ©s, un traceur dâhumeur et un groupe de soutien pour mieux identifier notre rapport Ă lâalcool.
LE CACTUS DE BARNABĂ 10, place Saint-Ătienne, Strasbourg lecactusdebarnabe.com
Hyca.fr
Biobrasseurs.fr
Hedon-distribution.com
Vins-ribeauville.com
Ci-dessous, Yasmina Khouaidjia a créé Le Cactus de Barnabé, entiÚrement dédié aux boissons sans alcool ou désalcoolisées.
SOBERO, LâAPPLI POUR SUIVRE SA CONSO
OR NORME INVITE CHRISTOPHE ANDRĂ Le 27 septembre dernier les membres du Club des Partenaires ont pu Ă©changer avec le cĂ©lĂšbre psychiatre/psychothĂ©rapeute au bar cachĂ© de lâAEDAEN.
OR NORME Ă PARIS Le 4 novembre direction Paris avec dĂ©jeuner au Train Bleu, visite du MusĂ©e des Arts Forains et soirĂ©e Ă la Maison de lâAlsace autour de la thĂ©matique de la transmission dâentreprise avec Ădouard Sauer, dirigeant de KS Groupe.
Ă V ĂNEMENTO R EMRON OR NORME Ă LA HALLE MARCHĂ GARE Le 21 novembre, dernier Ă©vĂ©nement de lâannĂ©e pour le Club des Partenaires avec un diner orchestrĂ© par Thierry Schwartz, le chef Ă©toilĂ© dâObernai.
Alban Hefti
SPECTACLES FESTIVAL, LIVRES GALERIES, ETC. Chaque trimestre, la rĂ©daction de Or Norme a lu, Ă©coutĂ©, visionnĂ© lâessentiel de ce quâon lui fait parvenir. Cette sĂ©lection fait la part belle Ă ses coups de cĆur...
Jean-Luc
Fournier, Isabelle Baladine Howald, VĂ©ronique Leblanc DR
1KLIVRES Crise de soi Thierry Jobard ort du succĂšs de ses deux prĂ©cĂ©dents essais, Contre le dĂ©veloppement personnel et Je crois donc je suis, tous deux publiĂ©s aux Ă©ditions Rue de lâĂchiquier, lâauteur strasbourgeois Thierry Jobard sâattaque Ă un sujet devenu trĂšs transversal ces derniers tempsâ: la double injonction sociĂ©tale Ă ĂȘtre autonome et Ă ĂȘtre authentique. Dans ce petit essai au texte ramassĂ© et prĂ©cis comme un scalpel, il attire lâattention sur la force et la rapiditĂ© avec lesquelles «âle rapport de lâindividu Ă la sociĂ©tĂ© sâest inversĂ© depuis quelques dĂ©cennies au point de faire naĂźtre lâillusion dâune autonomie de celui-ci par rapport Ă celle-ci.â»
FIl dĂ©cline trois exemples tout Ă fait emblĂ©matiques qui illustrent bien son proposâ: le succĂšs du dĂ©veloppement personnel, les Ă©volutions du management et lâusage des rĂ©seaux sociaux. «âQuoi de commun Ă tout celaâ? Une
mĂȘme torsion, une mĂȘme dĂ©sinformation des choses et du rapport au rĂ©el. Plus encore, dans chacun de ces domaines, un mĂȘme schĂ©ma est Ă lâĆuvreâ: lâaffichage dâune connaissance de soi, dâune affirmation, dâune libĂ©rationâ» quâil affirme trompeuses et relevant «âdâune idĂ©ologie dâautant plus efficace quâelle se pare des atouts de la vertu. Chaque Ă©poque produit ses tartuffes et que peut-on opposer Ă la bienveillanceâ?â» se demande-t-il, en affirmant lĂ encoreâ: Câest Ă un dĂ©tournement de notre intimitĂ© que nous assistons, une mise aux normes fourbe et flatteuseâŠâ»
Cette Crise de soi est un essai essentiel et passionnant. a
Crise de soi,Thierry Jobard,Ăditions10/18,6ââŹ
/ LE SENS ET LA HAUTEUR DE VOS PROJETS RECRUTEMENT âą MARQUE EMPLOYEUR âą RPO FORMATION & BILAN DE COMPĂTENCES âą OUTPLACEMENT
EXECUTIVE SEARCH âą CONSEIL RH & ASSESSMENT
1K LIVRES Charles Juliet en son parcours avec Rodolphe Barry e grand poĂšte Charles Juliet sâest Ă©teint cet Ă©tĂ©, et le retrouver dans ce livre dâentretiens, menĂ©s sur une semaine avec Rodolphe Barry, est trĂšs Ă©mouvant. Cette nouvelle Ă©dition est enrichie de nouvelles interrogations oĂč lâon retrouve ce qui habitait si intensĂ©ment ce poĂšte du simple qui Ă©tait passĂ© par bien des tourments.
LLâenfance du poĂšte en devenir est difficile suite Ă lâabandon par sa mĂšre mais aussi heureuse par la bienveillance de sa maman adoptive. LâĂ©cole militaire lui sera une torture. LâannĂ©e de lâĂ©veil en tĂ©moigne, puis Lambeaux. Le grand Ćuvre toutefois câest son Journal, oĂč on le suit, dans une atmosphĂšre trĂšs sombre voire dĂ©sespĂ©rĂ©e puis de plus en plus lumineuse et mĂȘme spirituelle. La question de lâexistence de Dieu lui importe assez peu mais une autre le hanteâ: «âComment se comporte-t-on avec autruiâ? ». On retrouve le parcours long et profond, axĂ© sur le Connais-toi toi-mĂȘme. La naissance de lâĂ©criture fut douloureuseâ: «âLâĂ©criture sâest prĂ©sentĂ©e Ă moi comme un absolu. Il fallait nous lui sacrifier. ⊠il mâa fallu une bonne vingtaine dâannĂ©es pour arriver Ă naĂźtre Ă moimĂȘme, pour avoir une vision claire de ce que jâĂ©crivaisâ» mais aussi salvatrice. Ces entretiens menĂ©s avec dĂ©licatesse par un fin connaisseur et ami nous donnent une leçon de vie, un exemple de modestie et dâobstination, et de nombreuses citations rythment ce petit livre formidable. a
DFeuillets complices Daniel Payot aniel Payot, enseignant en philosophie de lâart, qui fut Ă©galement adjoint Ă la culture de la Ville de Strasbourg regroupe plusieurs textes quâil a, au fil du temps et depuis une trentaine dâannĂ©es, rĂ©digĂ©s pour quatorze artistes, Ă lâoccasion dâexpositions, de catalogues ou dâautres manifestations. Le fil directeur de lâensemble est suggĂ©rĂ© par le titreâ: il sâagit pour lâauteur de poursuivre la rĂ©flexion quâil avait engagĂ©e avec la rĂ©daction de son livre Retours dâĂ©chos, publiĂ© en 2021 par LâAtelier contemporain.
La thĂ©matique, diversement traitĂ©e, concerne les rapports qui se tissent entre pratiques artistiques et pratiques dâĂ©criture. Si les secondes ne peuvent en aucun cas prĂ©tendre Ă©noncer la «âvĂ©ritĂ©â» des premiĂšres, de quelles approches, de quels prĂ©supposĂ©s tĂ©moignent-ellesâ?
Le regroupement de textes rĂ©digĂ©s en des circonstances diffĂ©rentes et Ă des moments rĂ©partis sur un temps relativement long apparaĂźt comme une occasion de manifester par lâĂ©criture les Ă©volutions, continuitĂ©s et discontinuitĂ©s, fidĂ©litĂ©s et reformulations des Ćuvres des artistes concernĂ©sâ: DĂ©sirĂ© Amani, Patrick Bailly-MaĂźtre-Grand, Marie-Odile Biry-FĂ©nique, Jean Claus, Ătienne-Martin, ValĂ©rie Favre, Ilana Isehayek, Philippe Lepeut, Ann Loubert, Pascal Poirot, Laurent Reynes, Germain Roesz, Daniel Schlier, Sylvie Villaume. Comme toujours, cet ouvrage de la collection Essais sur lâart fait lâobjet dâune Ă©dition particuliĂšrement soignĂ©e. a
HAmerican Horror Stories John Carpenter 1K LIVRES alloween, 1978. Ă moins de trente ans, John Carpenter invente le croque-mitaine le plus glaçant de tous les temps. Ce carton planĂ©taire le propulse immĂ©diatement dans la cour des grands. Sâensuit une pelletĂ©e de chefsdâĆuvre, tout genre confonduâ: biopic musical du King Presley (Le Roman dâElvis), dystopie sur une AmĂ©rique fascisĂ©e (New York 1997), horreur paranoĂŻaque en Antarctique (The Thing), comĂ©die de kung-fu Ă San Francisco (Jack Burton), western de suceurs de sang (Vampires).
Si le public lâa parfois boudĂ©, son empreinte sur le cinĂ©ma est indĂ©lĂ©bile. RĂ©alisateur, scĂ©nariste, compositeur, Carpenter sait tout faire, avec une radicalitĂ© et une indĂ©pendance dâesprit qui lui porteront prĂ©judice autant quâelles lui vaudront le respect, voire la dĂ©votion. Lâuniversitaire strasbourgeoise Nathalie Bittinger publie ce retour impressionnant sur la carriĂšre du pirate Ă la tignasse blanche, qui a pulvĂ©risĂ© les artifices du rĂȘve amĂ©ricain.
Câest dĂ©sormais Ă chaque fin dâannĂ©e que cette maĂźtre de confĂ©rences en cinĂ©ma Ă lâUniversitĂ© de Strasbourg est publiĂ©e. Ses prĂ©cĂ©dents ouvrages consacrĂ©s Ă Wong Kar-waĂŻ, aux TrĂ©sors de lâanimation japonaise et lâan passĂ©, Ă Il Ă©tait une fois lâAmĂ©rique Ă lâĂ©cran ont rencontrĂ© un franc succĂšs et il en sera trĂšs certainement de mĂȘme pour cet allĂ©chant John Carpenter â American Horror Stories a
2K FILM Les Violons du Bal version restaurĂ©e oute une famille qui fait honneur au cinĂ©ma français est sur lâaffiche de ce filmâ: Michel Drach, le rĂ©alisateur, son Ă©pouse, la si talentueuse Marie-JosĂ© Nat (avec qui il tourna un chef-dâĆuvre, Ălise ou la vraie vie) et leur fils, David, qui joue le rĂŽle du petit garçon dans ce film singulier, rĂ©compensĂ© par le prix dâinterprĂ©tation fĂ©minine reçu par Marie-JosĂ© Nat au Festival de Cannes en 1973.
TMichel Drach y raconte toutes les difficultĂ©s quâil a rencontrĂ©es pour monter un film sur son enfance durant lâoccupation. Les producteurs contactĂ©s pensaient que le sujet risquait de rebuter le grand public. Mais Drach nâĂ©tait pas du genre Ă se dĂ©courager. ParallĂšlement Ă ses dĂ©marches, il se souvient de sa jeunesse. Paris, 1940. Juifs, Michel et sa famille sont contraints de fuir la capitale tombĂ©e aux mains des AllemandsâŠ
David Drach, le petit garçon du film (qui jouait donc le rĂŽle de son pĂšre, enfant) sera Ă Strasbourg le mardi 28 janvier prochain Ă 19h45 au cinĂ©ma Vox pour prĂ©senter le film Ă lâissue duquel on pourra dĂ©battre sur les thĂ©matiques soulevĂ©es (la tragĂ©die de la Shoah mais aussi lâhistoire tragique des peuples que les guerres meurtrissent si horriblement) sans oublier les difficultĂ©s rencontrĂ©es pour la diffusion des tĂ©moignages (la restauration puis la diffusion des Violons du Bal ne fut pas une mince affaire). David Drach tenait tout spĂ©cialement Ă cette diffusion Ă Strasbourg puisque ses aĂŻeux, cĂŽtĂ© paternel, y vĂ©curent durant des gĂ©nĂ©rations⊠a
par Claudia Siegwald
Directrice de la communication des Hopitaux Universitaires de Strasbourg et auteure de Ă la rencontre de lâhomo medicus
DR
Ă LA RENCONTRE DE LâHOMO MEDICUS, UN LIVRE QUI DONNE ACCĂS Ă LâHUMANITĂ HOSPITALIĂRE Ce livre Ă©ditĂ© par la NuĂ©e Bleue, dont les droits sont reversĂ©s Ă la Fondation de lâUniversitĂ© et des HĂŽpitaux Universitaires de Strasbourg, est admirablement illustrĂ© par Adrien Weber, diplĂŽmĂ© de la Haute Ă©cole des arts du Rhin (HEAR).
ai Ă©tĂ© plongĂ©e dans lâunivers hospitalier en juin 2020. Une pĂ©riode inĂ©dite, juste aprĂšs le premier confinement. Ce nâĂ©tait que la premiĂšre vague. Nous ne savions pas encore que quatre autres allaient se succĂ©der, charriant avec elles prĂšs de 7â000 patients aux HĂŽpitaux Universitaires de StrasbourgâŠ
Lâheure Ă©tait au premier bilan. Les applaudissements aux balcons avaient cessĂ©. Les cellules de crise sâĂ©tiolaient, la fatigue sâĂ©tait installĂ©e. Jâai dĂ©couvert un univers austĂšre, Ă©puisĂ©. Visages masquĂ©s, comportements codifiĂ©s, ambiance fĂ©brile. Le protocole donnait la parole Ă des titres, des fonctionsâ: Professeurs, Docteurs, Directeurs. Jamais de prĂ©nom. Je ne viens pas du milieu du soin. Je connais la gestion de crises environnementales et sanitairesâ; leurs dĂ©bordements, stigmates et doutes semĂ©s dans lâopinion.
PremiĂšre tentative de retour dâexpĂ©rience avec un professeur lors dâun tĂȘteĂ -tĂȘte, ce «âcolloque singulierâ» familier Ă tout mĂ©decin. Un moment de confiance mutuelle, inconditionnelle, qui plonge dans une rĂ©alitĂ© sans filtre, ni apparat. Une rĂ©alitĂ© dure et belle Ă la fois. Je nâĂ©tais pas patiente Ă ce moment-lĂ . Je voulais juste comprendre comment on pouvait vivre aprĂšs çaâŠ
Pour ce professeur blasĂ©, COVID nâavait dâexceptionnel que le flux de patients Ă traiter qui pointait la dĂ©faillance
dâun systĂšme de soin dans sa globalitĂ©. Rien Ă rajouter. Lâentretien semblait clos. Câest lorsque jâai rangĂ© mon carnet, mon crayon, quâil sâest rassis pour me raconter son histoire de vie, indissociable de lâhĂŽpital, qui lui tenait lieu de famille, de maison, de mission.
Je venais de dĂ©couvrir mon primo Homo Medicus. Lâhumain enfoui au plus profond de ce mĂ©decin. Il sâĂ©tait enfermĂ© dans un chĂąteau de plomb pour fuir la vie en sociĂ©tĂ©, se protĂ©ger de ses propres vulnĂ©rabilitĂ©s. De loin, un animal Ă sang-froid. De prĂšs, sans doute lâun des mĂ©decins les plus humains que jâaie pu croiser.
Câest ce qui mâa donnĂ© envie dâĂ©crire ce livre. Jâai voulu en savoir davantage. ĂcoutĂ© dâautres rĂ©cits pour dĂ©couvrir les coulisses de cet environnement idĂ©alisĂ© ou honni, Ă lâaune de nos histoires de vie, de maladie, de vieillesse, de mort. Jâai Ă©coutĂ© des parcours dâune grande intensitĂ©, du professeur au jardinier. Tous avaient besoin de sâexprimer. Ils lâont fait avec humilitĂ©, humour, authenticitĂ©. Les premiĂšres rencontres se sont faites au grĂ© du hasard, de quelques mots Ă©changĂ©s. Progressivement la confiance sâest installĂ©e, les rĂ©cits se sont succĂ©dĂ©s. Le plus dur a Ă©tĂ© dâarrĂȘterâ; lâhĂŽpital est un monde de rĂ©cits Ă lâinfini.
individuelles, sous la forme dâun JE universel. Mises bout Ă bout, elles constituent lâĂ©tat dâesprit dâune institution qui va bien au-delĂ du soin.
Nos hospitaliers ne sont pas des appelĂ©s. Ils ne sont ni bons ni mauvais. Ni rĂ©signĂ©s ni rĂ©voltĂ©s. Ni sorciers ni magiciens. Ni divins ni mandarins. Ils sont juste humainsâŠ
Câest cette humanitĂ© que jâai tentĂ©e de dĂ©crire au travers de cinq valeurs hospitaliĂšres fondamentalesâ: lâhumilitĂ©, lâintuition, la compassion, le geste, lâuniversalitĂ©. a
La restitution de plus de 150 heures dâentretiens offre une cueillette inĂ©dite de tĂ©moignages, dâhistoires Claudia Siegwald
â55 DĂCEMBRE 2024 Couverture
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