Lumière ! l Or Norme #54

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LE MAGAZINE

D’UN AUTRE REGARD SUR STRASBOURG

b GRAND ENTRETIEN

NICOLAS MATHIEU

« On a tous besoin du discours amoureux pour se soulager. »

Page 6

a CULTURE

BIBLIOTHÈQUES IDÉALES

En septembre, place au temps de l’admiration !

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№54 SEPTEMBRE 2024 LUMIÈRE !

a CULTURE

RENTRÉE CULTURELLE

Les programmes des salles à Strasbourg et au-delà !

Page 26

Lumière !

c ACTUALITÉ

WORLD WAR Z

Carnet de route d’une génération guerrière ukrainienne.

Page 52

LUMIÈRE !

« La nuit vient ? Le jour viendra.
L’obscurité porte la promesse de la lumière. »

Le testament d’un poète juif assassiné Elie Wiesel, écrivain et prix Nobel de la Paix (1928-2016)

Dans le numéro précédent d’ Or Norme nous vous invitions à une escapade estivale, et donc, à profiter de cette belle lumière d’été qui réchauffe le corps autant que l’âme, nous faisant même, parfois, oublier l’obscurité, à moins que ce soit l’obscurantisme, d’une sombre contemporanéité.

Avec la rentrée et le retour au quotidien, heureusement encore baigné d’une lumière de fin d’été, on pourrait laisser place à une inclination vers un spleen automnal... mais non !

La rentrée culturelle strasbourgeoise, avec en tête de pont traditionnelle les Bibliothèques Idéales, nous incite avec enthousiasme à nous plonger dans une autre lumière : celle du spectacle, de la culture et de l’art !

Cette lumière a le mérite, non seulement de nous indiquer vers où regarder les artistes, souvent les plus inspirés pour éclairer notre avenir, mais également de nous rappeler des actualités, des sujets, des combats, oubliés dans l’ombre des médias mainstream.

C’est à cet éclairage que ce numéro 54 d’Or Norme souhaite contribuer, et la lecture du grand entretien que nous a accordé Nicolas Mathieu, comme le reportage exclusif sur une génération guerrière en Ukraine, tout autant que les projecteurs que nous pointons sur les programmations exceptionnelles de nos institutions culturelles vous permettront de devenir aussi des relais de cette flamme, fragile et pourtant essentielle.

À l’instar d’Elie Wiesel, qui expérimenta la plus noire des obscurités, nous sommes convaincus que, toujours, elle porte en elle la promesse d’une aube.

Crédit photo Laetitia Piccarreta pour Strasbourg Eurométropole

08-13

b Grand entretien

Nicolas Mathieu

« Rien ne dit qu’on parviendra à faire l’économie d’événements graves… »

E Société

120 Les Jardins de Gaïa (↓)

Pionniers dans l’importation de thé à la voile

124 Vins Sous forces cosmiques

126 Art et vin

Un regard neuf sur l’étiquette

130 Julien Tanguy

Le concierge aux Clefs d’Or

132 Sébastien Maurer

Champion de dégustation

Q Or Champ

142 Mickaël Ben David

Ici et maintenant

S Avignon

72 Avignon 2024

Ouf ! Et encore Ouf !

74 Blandine Savetier

Un pas de chat sauvage

76 Bougrr !

Voleurs de chansons

78 Et Puis (←)

Tout simplement génial !

a Portfolio

86 Michaël Bouton Vertiges de Paysages (↑)

a Culture

82 Le jour où…

94 Arménie Afghanistan

La passion d’écrire

98 Les Siptrott En harmonie

102 Rififi

C’est la dernière ligne droite

106 Kafka L’ultra moderne

118 Musique Alice Cooper

134 Sélection Livres, festival...

SEPTEMBRE 2024

14-25 c Dossier Bibliothèques idéales

18 Olivier Guez

La fresque épique Mésopotamia

22 Yasmina Khadra

Cœur-d’Amande, une formidable bouffée d’air

24 BI 2024 : la sélection de Or Norme

26-53

c Dossier

La rentrée culturelle dans les salles à Strasbourg et au-delà.

54-65

S Actualité

World War Z Reportage. Carnet de route d’une jeunesse guerrière ukrainienne.

66 Pénurie de médicaments

Peut-on pallier le problème au local ?

108 Le parti-pris de Thierry Jobard

De notre servitude volontaire

112 Moi Jaja Dans la peau de Jerry Seinfeld

116 Mari in Borderland

Une journaliste ukrainienne en France

La Caisse d’Epargne Grand Est Europe présente la 2e édition des Trophées

inv EST ir

Climat MOBILITé EAU énergie

En partenariat avec : Déposez vos candidatures sur : Entreprises engagées dans la transition environnementale, trophees-avenir.fr*

Disponibilité du règlement des Trophées sur simple demande auprès de Maître Pascal SAYER, huissier de justice – 17 rue Jacob Netter 67200 Strasbourg - ou consultable sur www.trophees-avenir.fr*. Fin du dépôt des candidatures le 30 septembre 2024.

* Coût de connexion selon votre opérateur. Caisse d’Epargne et de Prévoyance Grand Est Europe, Banque coopérative régie par les articles L.512-85 et suivants du Code Monétaire et Financier, société anonyme à Directoire et Conseil d’Orientation et de Surveillance au capital de 681.876.700 euros - siège social à STRASBOURG (67100), 1, avenue du Rhin - 775 618 622 RCS STRASBOURG - immatriculée à l’ORIAS sous le n° 07 004 738.- Crédit photo : Shutterstock

Nicolas Mathieu

« Rien ne dit qu’on parviendra à faire l’économie d’événements graves… »

Apparu en pleine lumière avec le magnifique Leurs enfants après eux (prix Goncourt 2018), le Nancéien Nicolas Mathieu a passé gaillardement l’obstacle du roman suivant en s’inscrivant dans les meilleures ventes de 2022 avec le très subtil Connemara. Au printemps dernier, il a signé Le ciel ouvert, un livre brillant et inclassable qu’il viendra présenter le 18 septembre prochain en ouverture des Bibliothèques idéales. Rencontre avec un auteur qui n’a rien renié de ses engagements de l’époque où il pensait s’être « fourvoyé dans la voie de devenir un écrivain… »

Il faut souligner d’entrée que Le ciel ouvert, publié chez Actes Sud, est avant tout un bel objet, très bien édité, avec les dessins absolument somptueux de l’illustratrice Aline Zalko qui soulignent avec talent la compilation de vos textes, écrits à l’origine pour votre compte Instagram…

Ce livre s’est bâti en plusieurs temps. Il y avait un certain nombre de textes assez lyriques et poétiques dans lesquels je parlais beaucoup d’amour, entre autres thèmes et que j’avais en effet publiés sur Instagram. Avec l’éditrice Emmanuelle Lê, nous avons conçu ce livre qui ressemble à un recueil de poèmes avec, comme vous le faites remarquer, l’ambition d’en faire un bel objet, mais aussi le désir que la mise en ordre de ces textes, la composition du livre produise elle aussi du sens, qu’il ne s’agisse pas seulement d’une compilation paresseuse, mais d’un vrai livre. Et ce dernier est un peu envisagé comme une petite chapelle, avec ses blocs de textes, et les dessins d’Aline qui font office de vitraux, inondant l’intérieur de lumière et de couleurs. Comme ça a pu se faire entre Man Ray et Eluard (pour le livre  Les mains libres, en 1937 – ndlr), sans bien sûr aucune prétention de se hisser à cette hauteur-là. J’avais remarqué le travail d’Aline avec ses couvertures, notamment celle de la réédition de La nuit des chats bottés de Fajardie. J’aime le style flamboyant, l’intensité des couleurs et le feu que dégagent ses dessins. Ses dessins érotiques m’avaient également beaucoup plu. Je ne la connaissais pas personnellement avant notre travail commun sur Le ciel ouvert

Ce n’est sans doute pas la première fois qu’on vous le dit, mais Le ciel ouvert fait irrésistiblement penser à  Fragments d’un discours amoureux, l’essai majeur de Roland Barthes. Le ciel ouvert est le récit d’une histoire amoureuse dans tous ses états…

C’est tout à fait ça. L’histoire commence clandestinement, mais parcourt ensuite toute la palette des couleurs qu’on trouve dans une relation amoureuse : il y a les rencontres, les cinq à sept, la famille, les ruptures, les rabibochages, la distance, la présence, les noëls avec ou sans, bref toute la panoplie jusqu’à l’amour paternel, l’amour filial…

Dans la réalité, cette histoire amoureuse a duré combien de temps ?

Cinq ans. Ce fut une grande passion. Vous parliez de Barthes : chez lui, l’amour est toujours univoque, unilatéral et dans l’absence, en quelque sorte. Il

y a effectivement un peu de ça dans mon livre, c’est vrai. La souffrance de l’absence de l’être aimé, son indisponibilité, les difficultés à vivre ensemble, à faire avec les impossibilités, les casseroles et les bagages de chacun, et puis le pressentiment de la fin… Étymologiquement, la passion c’est la souffrance, les grandes passions amoureuses sont toujours immanquablement douloureuses…

Dans un autre temps que celui des réseaux sociaux, vous auriez sans doute envoyé de très longues lettres à votre amante…

Absolument, des billets comme on disait au XIXe siècle. C’était ça aussi l’idée du livre : pouvoir arracher ces textes à la

virtualité du numérique et en faire un objet tangible, comme une correspondance.

C’est un lieu commun de le dire car on a déjà beaucoup écrit sur ce sujet. Mais, quand on vit une telle passion amoureuse, écrire contribue à expulser la douleur de soi. Écrire soulage, apaise…

C’est certain. Je suis fait comme ça : tout affect qui me traverse, joie, indignation, plaisir ou souffrance, exige des mots pour être dit. Cela provoque un soulagement, certes, mais impose aussi un ordre. Dans la confusion des sentiments, le langage peut produire quelque chose. Il l’ordonne pour soi-même, mais en le disant, si c’est bien fichu, il l’explicite aussi pour les autres. C’est d’ailleurs ce que j’essaie d’expliquer

« On a tous besoin du discours amoureux pour se soulager tant ces affects nous dépassent. »

dans la préface du livre : en rédigeant tous ces textes, je me suis rendu compte assez vite que je ne posais pas des mots uniquement pour moi et ma petite histoire, mais que ces mots témoignaient pour l’amour en général. C’est le livre pour lequel j’ai reçu le plus de messages dans les semaines qui ont suivi sa sortie. Je ne compte plus les « C’est moi, c’est mon histoire !.. » que j’ai lus sous la plume des lecteurs. On a tous besoin du discours amoureux pour se soulager tant ces affects nous dépassent, on en a besoin pour les domestiquer, les apprivoiser, leur donner du sens. On a besoin des mots pour les exprimer…

On vous sait maniaque de l’expression via Instagram, notamment, et ce livre inclassable compile d’ailleurs heureusement le meilleur de cette expression. Mais vous êtes également un écrivain qui manie avec bonheur les mots de la langue française. Quand vous écrivez via Instagram, votre tempérament d’écrivain est-il toujours aux avant-postes ? Il y a l’usage un peu maniaque en effet des réseaux et l’expression tous azimuts, comme tout le monde. Mais, sur Insta comme dans mes livres, il y a une volonté de justesse, une volonté de trouver les bons mots pour le dire. Il y a aussi un effort de style et tout ça est mis en œuvre pour que les lecteurs puissent ressentir les situations tout aussi fortes et puissantes que moi je les ressens…

Et si l’on en revient à cette passion amoureuse qui est au centre du livre, celles et ceux qui l’ont déjà vécue avec cette intensité-là s’en souviennent comme d’un moment qui échappe à toute normalité…

Exactement. La passion amoureuse est un moment totalement et profondément pathologique. Bien sûr il y a diverses phases : il y a quand même des moments de normalisation… Mais la passion, ce sont des moments où l’on expérimente notre existence à ses potentiels maximaux. Physiquement, il y a le désir, il y a les joies et les souffrances exacerbées, c’est comme si on poussait les curseurs des possibilités de notre corps au maximum. L’état amoureux, c’est une expérience de vie extrême. Chez Spinoza, il y a cette question : jusqu’où un corps peut-il aller ? Deleuze a particulièrement relevé cette question : le corps peut produire des exaltations, des plaisirs, des décrochages du réel qui peuvent être extrêmes. C’est en ça que la passion amoureuse produit du révolutionnaire, quasiment. Elle permet d’échapper aux règles du train-train, elle est un levier d’intensification de la vie.

Cette passion a duré cinq ans. À partir de quand avez-vous décidé de publier un livre à partir de cette masse de messages que vous avez écrits sur Insta ? Dès le départ, et c’est d’ailleurs pour ça que ce livre est titré Le ciel ouvert, les messages que j’écrivais via Instagram étaient évidemment publics. Le lyrisme qu’ils contenaient et que vous évoquiez tout à l’heure est un petit peu exhibitionniste, par nature aussi, non ? Le moment où on décide d’en faire un livre survient à la jonction de deux ou trois désirs : j’avais été sollicité par Emmanuelle Lê pour que ces textes, mêlés à des dessins, paraissent sous la forme d’un livre. En ce sens, c’est Emmanuelle qui est principalement à l’origine du livre. Mais il y a aussi la destinataire de mes textes avec

qui j’avais vécu cette histoire : elle aussi pensait que ce serait bien de faire quelque chose de tous ces écrits. Enfin, il y a eu mon propre désir, celui d’arracher ça aux flux des réseaux sociaux : avec la parution du livre, au moins c’était fixé. Pour être franc, beaucoup de lecteurs de mes textes sur Insta avaient eux aussi émis leur désir de les voir paraître sous la forme d’un bouquin.

Le ciel ouvert est donc issu d’une co-construction…

Oui, clairement, c’est Emmanuelle, à mes côtés, qui a sélectionné et recomposé les textes et bien sûr, Aline, qui a créé les dessins.

Changeons de focale. Vous écrivez régulièrement sur l’actualité politique et sociale et vos propos sont très suivis sur les réseaux là encore, à tel point qu’il arrive assez fréquemment que certains journaux ou magazines vous offrent des tribunes qui permettent alors de toucher d’autres publics. Ce fut le cas le 24 juin dernier avec le magazine Les Inrocks qui vous a proposé d’écrire une tribune suite aux élections européennes et à la dissolution-surprise de l’Assemblée nationale. Bien entendu, votre notoriété, après le prix Goncourt de 2018 et la parution de Connemara qui a été un livre qui s’est très bien vendu, est sans doute devenue une arme importante pour vous, vous sentez-vous investi si ce n’est d’une mission du moins d’une forme de devoir de mettre votre plume et vos idées au service des citoyens de notre pays ?

Je ne me vis en aucune façon comme un étendard moral ou un porte-voix de quoi que ce soit ou pour qui que ce soit. Mais Leurs enfants après eux, de par le sujet du livre et bien sûr grâce à l’énorme diffusion qui a fait suite au prix Goncourt m’a permis de parler avec un peu de légitimité de certaines personnes et de la spécificité de certains territoires. Tout cela a bénéficié d’un certain écho. Je ne me sens pas pour autant comme le représentant de ces gens ou de ces endroits, plus simplement il me semble que j’ai des choses à exprimer à cet égard, voilà… De toute façon, tous mes livres sont politiques, pas au sens de livre de gauche ou de livre de droite, mais plus globalement parce qu’ils parlent des rapports de force, que ce soit dans l’entreprise, dans le couple ou entre les différentes classes sociales. Je l’écris dans la préface de Le ciel ouvert : il y a des lignes de continuité entre l’effort littéraire, la poétique, la politique,… tout ça se tient un peu. Je n’ai pas l’impression de faire des choses très différentes, en tout cas…

Nous sommes nombreux à vivre, consternés et atterrés, la tournure des événements après les résultats des récentes élections européennes et la dissolution-surprise de l’Assemblée nationale qui s’en est suivie. Dans le texte de votre rubrique parue dans Les Inrocks , vous avez des mots très forts pour rappeler à quel point nous aurions bien tort de mépriser les millions d’électeurs qui ont voté pour le Rassemblement National… Je vous cite : « (…) La gauche ne peut plus faire l’économie d’une reconquête des milieux populaires qui votent à l’extrême droite. D’une partie au moins. Elle est trop faible et la vague du RN ne dégonflera pas sans cela. Tant que la gauche n’adressera pas ces problèmes et n’offrira pas une sortie par le haut à ces passions mauvaises qui tournent dans le ventre du pays, nous ne ferons que repousser temporairement la catastrophe. Tant que la gauche n’ira pas chercher aussi ces électeurs qui ne sont ni des minorités ni des grandes villes, qui sont la moyenne qui gronde, rien ne sera réglé. La gauche doit se préoccuper de ce peuple-là parce que c’est sa mission historique d’aller à ce qui subit, parce que c’est la seule solution pour réduire l’abcès politique qui depuis vingt ans transforme chaque élection en roulette russe ou en prise d’otage. Elle doit le faire parce que mon père n’était pas un salaud (plus avant dans sa rubrique, Nicolas Mathieu précise que son père avait voté FN en 2002 – ndlr) et que ces gens n’en sont pas non plus. »

Je pense que les gens des milieux populaires qui votent pour l’extrême-droite ont leurs raisons et que ces mêmes raisons, les intérêts de ces gens devraient être portés et en quelque sorte métabolisés de manière plus décente, progressiste, désirable, par des partis de gauche. Depuis bien longtemps maintenant, la gauche a

perdu les classes populaires. Et bien, il faut d’urgence qu’elle se remette au turbin pour récupérer la confiance des ouvriers, des petits salariés, des employés et de tous ces gens qui se sentent dans la merde et qui, aujourd’hui, soit par colère, par dépit, par ressentiments ou par désespoir, voire par conviction, votent pour l’extrême-droite. Comme vous le soulignez, j’ai vu mon propre père faire ce parcours-là, passer d’un vote socialiste en concordance avec ses engagements syndicaux dans les années 80 à un vote Front National dans la décennie suivante : il n’était pas le seul, grosso-modo toute sa classe d’âge et sa classe sociale sont passées par là. Ce sont ces électeurs-là que la gauche doit s’efforcer de récupérer. Certains ont essayé : en 2017, Mélenchon était sur cette ligne, Roussel en 2022 l’était aussi. Cet effort, il faut d’urgence que la gauche l’accomplisse, pour dégonfler cette vague de votes d’extrême-droite…

Dans votre rubrique, quand vous citez le vote Front National de votre père en 2002, vous précisez aussi que ce vote était un vote « honteux ». Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Le vote RN est revendiqué sans le moindre complexe…

Pour être franc, si je peux parler des électeurs Front National d’il y a vingt ans en parfaite connaissance de cause, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Culturellement et socialement, j’ai changé de milieu, nos chemins se sont éloignés. Mais c’est évident, il y a cette décomplexion que vous évoquez. Elle tient à plein de choses : la massification du vote d’extrême-droite qui fait qu’on se sent autorisé entre pairs du même avis, mais aussi le fonctionnement des médias. Il y a pas mal de médias d’extrême-droite qui sont très populaires désormais : CNews, le JDD, Valeurs Actuelles… Ils font le job, à l’évidence. Le résultat est que les électeurs se sentent facilement autorisés à voter comme ils le font, c’est en effet très différent de

ce qui se passait dans la génération précédente. Plusieurs digues qui jouaient un rôle important ont cédé, et pas des moindres : en 2002, il n’y avait pas de profs qui votaient pour le Front National, aucun cadre intellectuel, aucun cadre manager. Ça a bien changé et il faudra des années, peut-être quinze ou vingt ans pour inverser cette tendance. La bataille culturelle sera très longue. Et ça ne se jouera pas sur une seule élection. En espérant que le barrage républicain tienne bon pendant tout ce temps, mais rien n’est moins sûr…

Si on en revient au scénario politique vécu au début de l’été, je parle ici de la dissolution de l’Assemblée Nationale après les résultats de l’élection européenne, ne pensez-vous pas que les écrivains ont été battus à plate couture ? Si l’un d’entre eux avait essayé d’imaginer un tel pitch, aucun éditeur ne l’aurait encouragé à poursuivre, non ?.. (Grand rire) Je vais vous répondre par la bande : j’écris aussi des scénarios. Dans ce métier, on se jugule en permanence parce qu’on obéit à une exigence continuelle de vraisemblance. Et bien, le réel nous déborde toujours ! On imagine des scénarios catastrophes, on se dit que non, décidément, c’est trop gros, et bien ils se produisent dans la réalité… Durant ces trois semaines que vous évoquez, l’enchaînement des faits est complètement délirant. C’est comme si le champ politique avait été pris de folie. La tectonique des plaques a produit plus d’effets en quelques jours que durant les deux dernières décennies ! Ça prouve une nouvelle fois que la fiction est toujours un peu en retard dans ses audaces…

Qu’est-ce que tout cela dit de la personnalité profonde de l’auteur de cet acte politique jugé de toutes parts comme insensé, avions-nous complètement tout perçu ?

Je pense sincèrement qu’on avait tout perçu. Mais son sentiment d’excellence lui a toujours donné à penser qu’il pouvait tout réussir. En 2017, il est élu en se faufilant, en bénéficiant notamment de la mise à l’écart de Fillon, avec pas mal de maestria tactique. Il a réussi son coup et de façon très inattendue. Chez Macron, il y a un côté très stendhalien, il se vit comme un personnage historique, il tente des coups avec audace, il agit comme un hussard. Mais voilà, il aurait fallu qu’il pense un peu moins à la France et à l’Histoire et beaucoup plus aux Français et à leur quotidien… J’ai écrit un truc récemment sur ce sujet : « Son sentiment de pouvoir réaliser des prodiges, c’est sa force. Et c’est notre drame… »

Dans votre rubrique des Inrocks, vous évoquez aussi cette obsession de diriger le pays comme on dirige une multinationale… Là, on peut en revenir aux écoles de commerce que j’évoquais dans Connemara. Dans l’histoire de notre République, on a parlé longtemps de la République des instituteurs, puis de la République des avocats, après est apparue l’énarchie. Depuis quelques années maintenant, ce qui prévaut c’est la philosophie managériale. C’est parfaitement documenté tout ça : ça a commencé dans les pays anglo-saxons, on a importé dans le domaine public ce qu’on a appelé le New Public Management, c’est-à-dire les techniques des entreprises au cœur des politiques publiques. Dans l’espoir de produire de l’efficacité et de la performance dans la manière de gouverner. Or, le monde de l’entreprise n’est pas démocratique : il y a un Comex où se trouvent les gens qui décident et il y a les salariés qui exécutent et produisent. Le rapport qui les réunit s’appelle un contrat de travail et il est basé sur la subordination. Le résultat, notamment sur ces sept dernières années ? Les mentalités d’exercice du pouvoir ont considérablement changé : les nécessités d’écouter les gens, de considérer les désaccords ou de créer du consensus, tout cela a été largement mis de côté. Le côté « Nous, on sait comment faire pour que ça marche… » a largement prévalu. Ça, ce sont des logiques d’entreprise, la « Comexisation » de l’art de gouverner, comme on pourrait l’appeler. Quand ils sont arrivés en 2017 avec leurs discours sur la disruption, notamment, j’ai parfaitement reconnu les mêmes modes de pensée, les mêmes archétypes, les mêmes habitudes et les mêmes silhouettes que j’avais pu observer auparavant dans les boîtes, les entreprises, c’était vraiment les mêmes… « Nous, on sait, laissez-nous faire… » Et, depuis deux ans, ils ont même continué alors qu’ils n’avaient plus de majorité à l’Assemblée ! Mais voilà, ça ne marche pas comme ça en démocratie, ce n’est pas celui qui est persuadé d’avoir raison qui gouverne, c’est celui qui a la majorité…

Une question à laquelle vous allez peut-être avoir du mal à envisager une réponse : en élargissant la focale à l’ensemble des pays aux institutions démocratiques, comment peuvent-ils espérer pouvoir sortir de cette situation ?

(Longue réflexion) Je n’en sais rien, évidemment. Mais il n’est pas évident que ça se purge en économisant une tragédie. Aucun des problèmes identifiés dans les

années trente n’a été résolu autrement que par la guerre. Je ne veux en aucune façon me considérer comme un oiseau de mauvais augure, mais rien ne dit qu’on va pouvoir retrouver une voie de la raison, avec un exercice démocratique apaisé. Avec cette polarisation extrême du débat démocratique, exacerbée par les réseaux sociaux, rien ne dit qu’on parviendra à faire l’économie d’événements graves… Internet est devenu le Far West, il n’y a aucune régulation. C’est l’Occident tout entier qui est plongé dans une crise considérable. Les signes avant-coureurs du drame sont là.

Alors, la tentation d’écrire un grand roman qui regroupe tout ce que notre société traverse ? Ce serait légitime, pour un écrivain désormais reconnu et très lu.

Je ne me dis évidemment pas que je vais écrire LE roman de l’époque, ce serait débile et ce serait surtout la meilleure manière de se planter. Mais je me sens évidemment affecté par l’époque que je vis. Connemara est traversé par les oppositions France managériale / France provinciale

sous-diplômée et moi, je me sens entre ces deux pôles. Comment métabolise-t-on tout ça, c’est à dire comment donne-t-on des formes à ces enjeux-là pour que tout ça devienne un récit ? J’ai des idées, des envies, j’imagine déjà des personnages, des lieux… Je suis empli de fixations, de choses qui me tourmentent, je me dis que ces passions-là doivent se réunir dans une histoire qui va les faire exister. J’essaie de partir des impressions, des sentiments, des visages, des corps… Quand j’écris un roman, j’essaie de partir du plus petit bout possible : un personnage, ses désirs, ses objectifs et le récit du monde dans lequel il évolue, le tout en essayant de penser le moins possible aux grandes idées, à l’époque, etc. Si ça se passe bien, ces grandes thématiques suinteront d’elles-mêmes, j’en suis convaincu. b

Rencontre avec Nicolas Mathieu le mercredi 18 septembre à 17H30 à l’Aubette dans le cadre des Bibliothèques idéales.

c DOSSIER – BIBLIOTHÈQUES IDÉALES

Le temps de l’admirationBibliothèques idéales

Installées par la force du calendrier au mitan de cette année exceptionnelle où Strasbourg a la charge d’incarner le livre et la lecture, les Bibliothèques idéales réinvestissent l’espace avec un nouveau temps fort. Douze jours durant, du mercredi 18 au dimanche 29 septembre, une centaine d’auteurs viendront témoigner, débattre, lire, échanger sur le thème de l’admiration, « cette subite surprise de l’âme » dont parlait Descartes.

Alain Leroy Alban Hefti

Il faut vivre ! L’an dernier à pareille époque, l’affiche des Bibliothèques idéales était comme un manifeste, avec ce point d’exclamation impératif à un moment où l’histoire oblige à ne rien céder. Celle de cette année porte en elle un sentiment qui pourrait en être le prolongement.

Parce que, finalement, qu’est-ce vivre sans admirer ? Qu’est-ce au juste que vivre sans connaître ce que René Descartes considérait comme la passion première, celle qui permet de regarder le monde autrement, de considérer ce et ceux qui nous entourent comme des objets ou des êtres exceptionnels ? Comment penser vivre sans s’abreuver à cette source d’inspiration qui « nous pousse vers le changement personnel, cette reconnaissance joyeuse d’une supériorité d’autrui » pour reprendre des paroles d’aujourd’hui cette fois, celles du psychiatre Christophe André.

Vivre sans admirer, c’est comme vivre sans espérer, ce n’est pas vivre pleinement. Et nos admirations qui sont des étonnements disent beaucoup de ce que l’on est.

« Aujourd’hui on a tendance à se méfier de l’admiration et à la voir comme une emprise, alors que c’est un sentiment qui anoblit et nous tire vers le haut. C’est court, c’est fort, c’est percutant et ça fait partie des grandes fulgurances de l’adolescence et de la vie », explique François Wolfermann, créateur des Bibliothèques idéales et directeur de l’association Relatio qui a désormais la charge du festival. « On se construit sur l’admiration du beau, du grand, de l’exceptionnel. C’est un sentiment très poétique en fait que symbolise le vers de Neruda “parmi les étoiles admirées…” qui nous a donné l’idée directrice du festival. Mais admirer, c’est aussi s’engager et on avait envie de défendre ça par rapport à l’époque. Ça nous a semblé un beau thème pour ces Bibliothèques idéales ».

Médusé d’admiration !

Cette année, une somptueuse méduse a été choisie comme mascotte du Festival, symbolisant cette puissance de l’admiration dans un monde où elle semble parfois anachronique, à l’heure des réseaux sociaux et de la culture du ressentiment. Car admirer, c’est avant tout établir une interaction vivante avec le monde, une manière

conviviale et écologique de s’y relier. La Méduse, avec son allure mystérieuse et captivante, reflète les peurs et fantasmes qui traversent nos sociétés, devenant ainsi l’une des métaphores les plus puissantes de l’art et de l’effet saisissant qu’un livre peut provoquer...

Se poursuit ainsi au mitan passé de 2024 une œuvre entamée en 2006 et qui n’a jamais renoncé à placer l’exploration littéraire et artistique au cœur des grands enjeux sociétaux en accueillant à Strasbourg les plus grands des écrivains comme ceux en devenir. Parce que tout est lié bien sûr, la vie, la littérature, le chant, pour que ce rendez-vous ne soit pas un simple salon du livre et de la dédicace, mais un espace de rencontres, de débats, un festival artistique au sens le plus large du terme.

Ce sera encore une fois le cas cette année pour ce gros temps fort où sont notamment annoncés Amélie Nothomb, Édouard Louis, Agnès Jaoui, Alain Damasio, Gaël Faye, Kamel Daoud, Delphine Horvilleur, Yasmina Khadra, Alain Mabanckou, Olivier Guez, Leïla Slimani, Philippe Collin, Pierre Assouline, Emma Becker, Alain Badiou, Erik Orsenna, Élodie Frégé, Pierre Rosanvallon et tant d’autres. Pour marquer une année dense et inédite puisque les Bibliothèques idéales ont largement évolué depuis qu’elles ont quitté le giron exclusif de la Ville et de l’Eurométropole.

La salle du ciné-bal se transforme en lieu de vie du festival : café littéraire, librairie, dédicaces...

« La municipalité nous soutient toujours beaucoup, nous pouvons aussi compter sur la Communauté Européenne d’Alsace (CEA) ou la Région Grand Est et ce soutien des collectivités publiques est évidemment essentiel », poursuit Lisa Haller, cheville ouvrière de l’événement. « Mais ce fonctionnement que nous avons depuis un an maintenant nous permet d’avoir plus de souplesse et une vraie liberté. Nous pouvons plus travailler sur le long terme, mais aussi réagir à chaud à l’actualité en montant rapidement des rendez-vous sur un thème donné et multiplier les rencontres en dehors de nos grands rendez-vous de janvier et de septembre. »

Une évolution tout de suite perceptible puisque sitôt la procédure d’Appel à manifestation d’intérêt bouclée et le destin de la manifestation confié à l’association Relatio présidée par Bernard Alexandre, le rythme s’est accéléré.

Prendre le pouls du monde

Au traditionnel temps fort de janvier ont ainsi succédé Le temps des féminismes, qui a connu un succès tel qu’il est appelé à devenir un moment majeur et récurrent de la saison, il sera d’ailleurs reconduit en mars prochain. Un week-end monté autour de la question sans doute centrale « Que peut guérir la littérature ? » s’est aussi intercalé et un autre, en juin dernier à la BNU, ambitieusement consacré à la traduction, a passionné les foules.

« Nous allons poursuivre dans cet esprit », continue Lisa Haller, « avec le 3 novembre prochain, avant les élections américaines, la venue de Douglas Kennedy qui s’apprête à sortir un livre sur ses relations avec les États-Unis et, fin janvier 2025, un week-end consacré à la littérature concentrationnaire et au populisme ».

Plus que jamais, il s’agit donc de prendre régulièrement le pouls du monde. De l’entendre respirer. Avec ce temps fort et forcément spécial cependant de la rentrée où il halète davantage encore puisque l’événement s’étire sur douze jours autour du « vaisseau amiral » de l’Aubette avec une incursion de deux jours (le samedi 21 et dimanche 22 septembre) au sein du prestigieux hémicycle du Parlement européen. Comme pour ancrer l’événement dans un autre rapport au monde, dans une autre dimension aussi.

« C’est important pour nous d’être chaque année au Parlement, c’est une symbolique très forte et cette année elle le sera tout particulièrement avec le dialogue entre Judith Godrèche et l’historienne Michelle Perrot qui s’y tiendra le samedi 21 », poursuit François Wolfermann.

L’Aubette, le Parlement européen, mais aussi une douzaine de librairies indépendantes, les médiathèques, les écoles, les quartiers, comme autant de lieux où la littérature a rendez-vous avec le réel. L’idée, qui a globalement toujours été celle des BI depuis leur création, étant d’innerver le tissu local et de développer les partenariats (avec l’orchestre philharmonique, le Rectorat, l’Alliance française, etc.) puisqu’une bibliothèque n’est idéale que lorsqu’elle est accessible au plus grand nombre. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles l’accès à l’immense majorité des rencontres reste et restera gratuite. Seuls cinq spectacles donnés en soirée sur la vingtaine de lectures musicales proposées étant payants (12€) cette année. « Ce sont des événements exceptionnels et des créations », dit encore le directeur de ces BI qui débuteront avec une ouverture comme il se doit majuscule le mercredi 18 septembre salle de l’Aubette (à 17h30), en compagnie de Nicolas Mathieu sur le vaste thème de « La littérature et la vie ». Qui mieux en effet que l’auteur de Leurs enfants après eux, prix Goncourt 2018, et de Connemara, écrivain totalement engagé dans son époque, pour donner le La de cette édition dense, riche d’une soixantaine de rencontres. En un mot admirable. c

2024.

Du 18 au 29 septembre à Strasbourg Programme complet et billetterie sur www.biblideales.fr

Abd al Malik au Parlement européen, septembre

Sur le plateau des BI

Mesopotamia, la fresque épique d’Olivier Guez

Près de sept ans après La disparition de Josef Mengele, le Strasbourgeois Olivier Guez revient au roman historique. La superbe couverture de son Mesopotamia dit tout des quatre cents pages de la saga historique et humaine qu’on dévore sur les pas de son héroïne, Gertrude Bell, qui fut la femme la plus puissante de l’Empire britannique à la fin du XIXe siècle et dans les toutes premières décennies du XXe. Cette épopée lyrique sera l’un des événements de la rentrée littéraire et Olivier Guez sera l’un des invités des Bibliothèques idéales de septembre prochain.

On se passionne très vite pour le parcours de cette femme au destin extraordinaire qu’est Gertrude Bell. Comment êtes-vous tombé sur elle ?

Il y a une vingtaine d’années, quand je débutais comme jeune journaliste à La Tribune, je m’occupais du MoyenOrient et des affaires pétrolières et, dans ce cadre, je me suis beaucoup intéressé à l’Irak quand les tambours de la guerre ont commencé à résonner. En me documentant, je suis tombé en effet sur elle et je me souviens avoir noté son nom dans un carnet, en me disant : « Tiens, pourquoi pas un personnage, plus tard… ». Et puis, quinze ans après, j’ai lu Ormuz de Jean Rolin, qui raconte l’histoire de ces

ornithologues britanniques excentriques dans le Golfe Persique et je suis retombé sur elle. Là, ça a fait vraiment tilt. Voilà comment j’ai rencontré Gertrude Bell.

Cette femme a laissé une trace incroyablement profonde dans l’histoire récente du Moyen-Orient…

Oui, Gertrude Bell est l’une des grandes architectes de l’histoire récente de cette région. Sa relation avec Lawrence, celle avec Churchill, elle était consultée sur tout et d’ailleurs, elle donnait son avis sur tout en envoyant mémo sur mémo. C’est l’une des personnes à qui l’on doit cette grande réussite géopolitique qu’est le Moyen-Orient depuis près d’un siècle…

L’action de votre héroïne se déroule au cœur de ce que vous appelez la construction de la première grande mondialisation de l’histoire de l’humanité qui a débuté avec la révolution industrielle du XIXe siècle et à un moment où l’Empire britannique réalise que le pétrole va être la clé d’une extraordinaire source de développement économique.

Tout a commencé effectivement à la fin du XIXe siècle. Pour la première fois en effet, la planète est unifiée, d’une certaine manière, par les progrès technologiques liés au charbon et à la vapeur. Là-dessus se greffe la seconde révolution industrielle, celle liée au pétrole. Cet empire

gigantesque est curieusement dénué de tout territoire produisant cette ressource indispensable. Le Moyen-Orient, qui végétait depuis des siècles et des siècles, redevient rapidement le nombril du monde. C’est ce que je raconte dans le roman : cette Grande-Bretagne, un peu en avance par rapport aux autres pays, notamment européens, qui se jette dans ce combat pour conquérir le contrôle du pétrole et comment cette femme se retrouve pratiquement aux manettes de cet empire à l’œuvre dans la région. Dans ce contexte, le personnage de Gertrude Bell est littéralement fascinant alors qu’elle reste aujourd’hui très peu connue, en tout cas hors de Grande-Bretagne.

« Dans ce contexte, le personnage de Gertrude Bell est littéralement fascinant alors qu’elle reste aujourd’hui très peu connue. »

Bien sûr, beaucoup d’entre nous ont quelques notions de cette époque grâce au film Lawrence d’Arabie. Gertrude Bell et Lawrence vont entretenir une relation très proche, c’est un peu comme si ces deux personnages atypiques devaient immanquablement se rencontrer. En effet, ces deux personnages partageaient une vision du monde très proche, ils étaient très romantiques, très marginaux dans leur propre pays et fascinés par le monde arabe, non pas celui des villes qu’ils trouvaient trop occidentalisé, déjà, mais plutôt celui des Bédouins, plus authentique à leurs yeux. La relation que je décris est exactement celle qu’elle fut entre eux deux, je me suis appuyé sur des lettres, tout cela est très documenté.

Cette femme est accablée par des tourments amoureux considérables, pour tout dire Gertrude Bell est extrêmement malheureuse sur ce plan-là. Quelle est la part du roman dans ce que vous décrivez à ce sujet ?

Sincèrement, tout ce que je décris repose là aussi sur la lecture des nombreuses lettres dont j’ai pu disposer. Je n’ai rien inventé. La part du roman repose sur des petites choses de mise en scène, comme je l’avais fait pour Mengele. Mais je ne fais que décrire la vie amoureuse extrêmement malheureuse, extrêmement malchanceuse aussi, de cette femme et de son rapport au corps et à la séduction qui a été très compliqué pour elle. C’est en cela, par sa dimension politique et sa dimension privée, que Gertrude Bell est un extraordinaire personnage de roman. J’ai quand même travaillé sur elle pendant six ans… Je suis fasciné par les individus, en fait. Mengele et Gertrude Bell ont un point commun : ce sont des êtres prométhéens. Ils ont cette ambition, cette folie, cette hubris de vouloir changer le monde. Et de participer étroitement à cet objectif-là. Et puis, au fond, peut-être suis-je là en train de décliner sous forme de roman l’ouvrage d’Hannah Arendt sur les totalitarismes… Il y a eu le nazisme avec Mengele, là c’est l’impérialisme avec Gertrude Bell, il y aura sans doute un jour le communisme et puis aussi l’islamisme ; si Hannah Arendt vivait encore, sans doute l’inclurait-elle dans les totalitarismes.

Ce qui est impressionnant également à la lecture de Mesopotamia, c’est de deviner à quel point vous êtes passionné et en quelque sorte à l’aise avec l’histoire récente de cette région du monde.

C’est vrai que j’ai raconté cette histoire avec beaucoup de plaisir. J’ai abordé très tôt le Moyen-Orient, notamment quand j’étudiais en Angleterre : j’ai écrit un mémoire sur l’identité nationale turque, j’ai travaillé sur l’Égypte puis, comme je vous l’ai dit, j’ai arpenté la région en tant que jeune journaliste. Géographiquement, culturellement, historiquement, j’avais lu, je m’étais promené là-bas car au fond, j’ai la chance d’avoir appartenu à la génération des accords d’Oslo. Pour nous cela signifiait qu’on pouvait voyager au MoyenOrient, s’y promener. Je me souviens que durant l’été 1999, j’ai eu la chance d’atterrir à Amman, de là de pouvoir partir pour Damas, de Damas pouvoir rejoindre Palmyre puis, de retour à Amman, traverser la Cisjordanie et Israël avant de

« J’ai eu la chance de voir un monde qui, au fond, n’avait pas tellement changé par rapport à l’époque que je décris dans
Mesopotamia.
Tout cela m’a
évidemment marqué et j’ai voulu le restituer. »

me retrouver dans le Sinaï. Le dixième de tout ça est malheureusement devenu impossible aujourd’hui. C’était un voyage privé, mais ensuite, je suis allé au Caire, à Téhéran, au Kurdistan, j’ai traversé la Syrie en bus… J’ai eu la chance de voir un monde qui, au fond, n’avait pas tellement changé par rapport à l’époque que je décris dans Mesopotamia… Tout cela m’a évidemment marqué et j’ai voulu le restituer avec mes petites mains et mes petits mots… Mais il faut être prudent : Gertrude Bell et Lawrence donnent l’impression de tout décoder de ce qui les entoure, mais au fond et en même temps, ils ne décodent rien du sens réel de l’Histoire. C’est cette matière qui était intéressante à travailler dans mon roman. c

Rencontre avec Olivier Guez et Leïla Slimani le samedi 21 septembre à 14H au Parlement européen dans le cadre des Bibliothèques idéales.

Participez à l’aventure du Vaisseau !

Participez à l’aventure du Vaisseau !

Établissement de la Collectivité européenne d’Alsace, le Vaisseau initie ses jeunes visiteurs aux sciences et techniques. Ses missions ? Sensibiliser aux enjeux environnementaux et technologiques, valoriser la créativité et la réflexion, pour préparer l’avenir !

Établissement de la Collectivité européenne d’Alsace, le Vaisseau initie ses jeunes visiteurs aux sciences et techniques. Ses missions ? Sensibiliser aux enjeux environnementaux et technologiques, valoriser la créativité et la réflexion, pour préparer l’avenir !

Un objectif en lien avec votre politique d’entreprise ? Alors n’hésitez plus ! Véritable vitrine, le Vaisseau saura contribuer au rayonnement local de votre entreprise en privilégiant le mécénat le plus adapté à votre stratégie : financier, de compétences ou en nature.

Un objectif en lien avec votre politique d’entreprise ? Alors n’hésitez plus ! Véritable vitrine, le Vaisseau saura contribuer au rayonnement local de votre entreprise en privilégiant le mécénat le plus adapté à votre stratégie : financier, de compétences ou en nature.

Retour sur différents mécénats :

Retour sur différents mécénats :

Un mécénat en nature : trois bras-robots industriels fournis par KUKA, ainsi que l’expertise en intégration et en programmation robotique de Solu-Tech, enrichissent l’exposition la Fabrique.

Un mécénat en nature : trois bras-robots industriels fournis par KUKA, ainsi que l’expertise en intégration et en programmation robotique de Solu-Tech, enrichissent l’exposition la Fabrique.

Un mécénat de compétences : une nouvelle maison dans le Chantier grâce au savoir-faire de SIRC, société alsacienne d’ouvrages métalliques, propose aux plus jeunes d’allier collaboration et créativité !

Un mécénat de compétences : une nouvelle maison dans le Chantier grâce au savoir-faire de SIRC, société alsacienne d’ouvrages métalliques, propose aux plus jeunes d’allier collaboration et créativité !

Un mécénat financier de 20 000€ : l’entreprise Merck de Molsheim, a permis de créer la Caverne, exposition permanente sur la lumière et ses couleurs.

Un mécénat financier de 20 000€ : l’entreprise Merck de Molsheim, a permis de créer la Caverne, exposition permanente sur la lumière et ses couleurs.

Autant d’exemples variés démontrant les multiples possibilités de projets ! Alors prêt à embarquer avec nous ? Nous avons de multiple projets en cours : renouvellement de notre jardin pédagogique, création d’une nouvelle exposition temporaire ou encore l’élaboration d’une programmation culturelle riche et variée. L’équipage reste à votre disposition pour vous conseiller ! N’hésitez plus > info@levaisseau.com

Autant d’exemples variés démontrant les multiples possibilités de projets ! Alors prêt à embarquer avec nous ? Nous avons de multiple projets en cours : renouvellement de notre jardin pédagogique, création d’une nouvelle exposition temporaire ou encore l’élaboration d’une programmation culturelle riche et variée. L’équipage reste à votre disposition pour vous conseiller ! N’hésitez plus > info@levaisseau.com

Sur le plateau des BI

Une formidable bouffée d’air dans un monde en apnée avec Cœur-d’Amande de Yasmina Khadra

Après le beau succès de son dernier livre, Les Vertueux, Yasmina Khadra est le plus prolifique des écrivains de langue française (ses romans sont traduits en 53 langues et édités dans 56 pays, touchant ainsi des millions de lecteurs dans le monde). Fidèle des Bibliothèques idéales, il sera au rendez-vous pour présenter son Cœur-Amande, délicieuse chronique d’une époque qui existe peut-être encore, celle d’une fraternité qui s’inscrivait spontanément dans le quotidien des gens et qui s’apprenait au hasard des vagues de la vie.

Sur la très élégante couverture de l’édition originale de Cœurd’Amande parue chez MialetBarrault, un Sacré-Cœur aquarellé surgit au sortir d’une bouche de métro ayant gardé l’esthétique des années soixante. Le ton est donné, et c’est sans ambiguïté : Montmartre et ses abords immédiats, Barbès et les grands boulevards, vont être le théâtre d’un récit comme on les aime. Un personnage central attachant et une galerie de « seconds rôles » à foison qui rythment une histoire comme toute prête pour être transformée en très bon scénario de cinéma.

Écoutons Nestor, alias Cœur-d’Amande, se raconter : « J’ai souvent touché le fond, sauf qu’à chaque tasse bue, je remonte plus vite qu’une torpille. Renié par ma mère pour anormalité physique (le nanisme – ndlr), je me réinvente au gré de mes joies. J’aime rire, déconner, me faire mousser et rêver de sacres improbables. J’ai appris une chose dans la vie – pour se dépasser, il faut savoir prendre son pied là où l’on traîne l’autre.

Même avec des béquilles ou avec des prothèses, je continuerai de marcher dans les pas du temps en randonneur subjugué. Je ne lâche rien. »

Cœur-d’Amande est un véritable hymne au courage d’être soi, à l’amour et à cette solidarité inoxydable des « gens du quartier » qui finit toujours, immanquablement, par se manifester au gré des circonstances les plus tragiques comme de celles, plus usuelles, du quotidien.

La mamie de Nestor est celle qui le maintient à flot et, passons ici les mille circonstances vécues que le livre fera délicieusement découvrir à ses lecteurs, elle sera également celle qui le fera s’attaquer à sa grande œuvre, l’écriture de son premier roman. « C’est pour Mamie que j’ai commencé à écrire, que j’écris et que j’écrirai jusqu’à ce qu’il ne me reste plus rien à dire. Je n’ai, me semble-t-il, que cet exercice pour compenser ce qui nous manqué et que nous taisons, car nous avions trop d’amour-propre pour l’avouer… »

Le livre s’écrira et sera même édité… mais on arrêtera là la chronique de ce beau roman de Yasmina Khadra. Le reste, il vous faudra le découvrir à la lecture de ces plus de 300 pages qui apportent « une formidable bouffée d’air dans un monde en apnée » comme le note l’éditeur en quatrième page de couverture. On ne « spoilera » rien en révélant ce que note Cœur-d’Amande dans son calepin à quelques pages de la fin du livre : « La vie n’est qu’une quête de soi et d’un soupçon de bonheur. Celui qui y cherche autre chose ne rattrapera même pas l’ombre de lui-même. »

Confirmation de ce que l’on savait depuis bien longtemps : Yasmina Khadra est un merveilleux conteur…

D’où vient cette idée de chroniquer aussi tendrement un Montmartre qu’on croyait à jamais disparu ?

J’avais besoin de renouer avec les histoires qui faisaient mon bonheur de lecture, autrefois, de retrouver ces personnages attachants, qui m’étaient aussi proches

que mes parents, de me diluer dans leur monde au point de me confondre avec eux, de devenir un des leurs. J’ai toujours aimé les quartiers où l’on a du temps pour soi et pour les autres, où les gens sont solidaires, voire complices, où l’on se serre les coudes. Coeur-d’Amande m’a renvoyé aux êtres qui me manquent aujourd’hui : l’épicier du coin qui nous faisait crédit, l’adolescente qui faisait fantasmer tous les louveteaux de la cité, les frimeurs persuadés que toutes les caméras de la Terre étaient braquées sur eux, le gros bras que j’adorais voir rouler des mécaniques sur la place et vers qui je courais

lorsqu’un garnement du quartier rival me coupait la route pour me détrousser.

C’était une époque heureuse ?

Oui, en dépit des infortunes, c’était une époque heureuse. Les gens étaient plus humains, me semble-t-il encore, plus prompts à rigoler ensemble qu’à se méfier les uns des autres. J’ai eu envie de revivre tout ça, de me soustraire au tapage d’un monde décevant, fait de guerres et de complots, d’intox et de mauvaises nouvelles ; me prouver que, derrière la Une frustrante des journaux et les images

« Il y a toujours de la place pour rêver et pour se réinventer… »

cauchemardesques dont nous bombarde tous les jours la télé, il y a encore des foyers épargnés, des zones où il fait bon vivre, où la folie des hommes est proscrite, interdite, rejetée en vrac.

À Paris, lorsque j’en ai jusque-là, je vais souvent décompresser à Montmartre. Ce que je décris dans mon roman est vrai. La bonne humeur, l’empathie, les cocasseries, les Grands Frères Frédo et les Confucius, les Kader et les Ness, les Nanard et leur clique existent bel et bien. Il suffit de s’asseoir à la terrasse d’un café et de laisser le regard écarter les voiles des a priori et des stigmatisations pour se rendre compte que la furie des mitrailles et ses tueries n’ont pas cours chez les « petites gens » des quartiers populaires.

Reste que ce n’est pas tous les jours le paradis, pour eux…

Certes, mais l’enfer est bien loin. Chez ces gens-là, s’offrir une taffe ou une bière, c’est s’offrir le monde. Un rien les comble et un rien les émeut. S’ils ne paient pas de mine par moments, ils n’oublient jamais qu’ils ont du cœur à en revendre. Aucune de leur colère ne résiste à l’appel de la raison. Ils se réconcilient plus vite qu’ils ne disjonctent car ils ont compris que l’essentiel d’une existence réside en ces moments de joie que l’on partage avec les potes, et que tout le reste n’est que diversion. Le soir, lorsque je rentre chez moi à Ternes, dans le 17 e arrondissement, je me surprends à croire dur comme fer que le monde va bien, malgré tout, puisqu’à Montmartre, entre deux vendeurs à la sauvette et une descente de police, il y a toujours de la place pour rêver et pour se réinventer… c

Rencontre avec Yasmina Khadra le dimanche 22 septembre à 15h30 au Parlement européen dans le cadre des Bibliothèques idéales.

BI : la sélection de Or Norme Édition 2024

Clara Ysé creuse les silences

Autrice, compositrice et chanteuse, Clara Ysé est une artiste incandescente qui fait feu de tout bois. Dans Vivante (Seghers), elle observe les tourments de l’âme, décrit le combat face aux monstres que sont l’absence, la mélancolie et la douleur.

MER. 18 SEPT. 18H30

Aubette - Lecture musicale Gratuit et sans inscription

Agnès Jaoui, ni conventionnelle, ni nostalgique

L’actrice, scénariste et réalisatrice, multi-primée aux César pour ses rôles et son œuvre, nous offre avec La taille de nos seins (Grasset) un texte personnel sur l’amitié, la découverte de la féminité et la gestion du regard de l’autre.

JEU. 19 SEPT. 17H

Aubette - Rencontre en musique et dessins

Gratuit et sans inscription

Alain Mabanckou & Murielle Szac, de Angela Davis à Joan Baez

Icônes aux États-Unis, militantes anti-racistes et féministes, elles ont dit non à l’oppression. Dans un roman graphique étonnant, Joan Baez dit Non à l’injustice (Actes Sud), Murielle Szac et Jeanne Detallante détaillent l’engagement de Joan Baez. Dans Cette femme qui nous regarde (Robert Laffont), Alain Mabanckou dit son admiration à la philosophe et militante Angela Davis.

LUN. 23 SEPT. 16H

Aubette – Rencontre

Gratuit et sans inscription

Chantons Sagan ! Soirée hommage

Il y a 70 ans, Françoise Sagan, 18 ans, naissait à la littérature avec un premier roman, Bonjour tristesse dont la sortie fût accompagnée d’un gigantesque succès et d’un scandale retentissant…. Sa biographe Sophie Delassein, son fils unique Denis Westhoff, la chanteuse Rose et le pianiste Romain Berrodier nous invitent à un concert littéraire. En présence de Denis Westhoff.

MAR. 24 SEPT. 19H30

Aubette - Concert littéraire

Gratuit et sans inscription

Tous les détails et le programme complet sur le site www.biblideales.fr

L’Appel de Strasbourg des écrivains pour la paix avec Kamel Daoud et Delphine Horvilleur

Les Bibliothèques idéales invitent la rabbine Delphine Horvilleur et l’écrivain Kamel Daoud à s’interroger sur les conditions du dialogue, à apporter leurs éclairages sur la place et le sens des mots. Que faire lorsque notre monde semble se fracturer de toutes parts ? Dialogue nécessaire.

VEN. 20 SEPT. 14H30

Aubette - Rencontre Gratuit et sans inscription

Elodie Frégé & Nicolas Comment en exercices d’admiration

Soirée en chansons avec Christophe, Étienne Daho, Gérard Manset, Vince Taylor, Philippe Pascal & Marquis de Sade, Yves Simon, Ingrid Caven… Entre textes et chansons autour de Chroniques du temps qui passe (Chic médias / Médiapop). Concert-performance avec Élodie Frégé, auteurecompositrice-interprète, Nicolas Comment, Ian Aledji, et Marcello Giuliani.

VEN. 27 SEPT. 20H30

Aubette – Concert Tarif unique : 12 euros

Arthur Teboul, de Feu Chatterton à la poésie !

Arthur Teboul a ému la France en chantant pour l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian. Dans Le Déversoir et L’Adresse (Seghers), il explore l’écriture automatique et la poésie comme expérience collective. Accompagné par le guitariste Hakim Hamadouche, Arthur Teboul dit et chante.

DIM. 22 SEPT. 14H

Parlement européen Lecture musicale Gratuit et sans inscription

Catel & Bocquet célèbrent Anita Conti, la Dame de la mer

Après Kiki de Montparnasse, Joséphine Baker ou encore Alice Guy, le fructueux duo met en lumière une nouvelle figure féminine : celle de la Dame de la mer Anita Conti (Casterman), océanographe, photographe, lanceuse d’alerte dénonçant les dangers de la pollution des mers et de la surpêche.

SAM. 28 SEPT. 15H

Aubette - Rencontre + musique Gratuit et sans inscription

Smith Modds– Carole Mathieu Castelli – Francesca Mantovan – Patrick Wack
Lorenzo Piano & Esther Szac
Zazzo

Réception pour un anniversaire, une communion, une occasion particulière ou un mariage...

Chez Soi est une entreprise familiale, à la cuisine authentique, généreuse et gourmande, à base de produits frais, locaux et de saison. Nos équipes sont passionnées, qu’il s’agisse de plats traditionnels du terroir alsacien ou de mets délicats, élaborés et inventifs.

Inauguration, lancement de produit, séminaire, congrès, assemblée générale ou repas d’affaires…

Lumière !

LARENTRÉE C ULTURELLE

Lumière sur les programmes culturels de cette rentrée 2024/2025. Quelle chance d’être à Strasbourg !

Voici l’essentiel de ce que proposent les structures strasbourgeoises et périphériques...

Véronique
Illustration par Adrià Fruitós. Photos du dossier par Jean-Louis Fernandez

OnR La beauté des bannis à l’Opéra national du Rhin

Encore à la tête de l’Opéra national du Rhin jusqu’en juillet 2026, Alain Perroux a choisi de dédier la saison 2024-2025 aux bannis, aux déclassés, à tous ceux qui sont « sortis de la voie commune ».

La plupart des protagonistes des opéras et ballets qui seront à l’affiche sont mis au ban de la société mais magnifiés par l’art. Prouvant combien il y a de beauté dans les marges.

Partant de ce fil rouge, l’OnR proposera La Traviata (du 24 mars au 6 avril) dans une nouvelle production d’Amélie Niermeyer avec, dans le rôle de la dévoyée Violetta, la jeune soprano Martina Russomanno en alternance avec Julia Muzychenko.

Autre égaré, le poète torturé des Contes d’Hoffmann affrontera ses démons dans une mise en scène de Lotte de Beer et sous la baguette du chef Pierre Dumoussaud.

Attilio Glaser interprètera le rôle-titre, Lenneke Ruiten tiendra les rôles d’Olympia, Antonia, Giuletta et Stella (du 20 au 30 janvier).

Ariodante pour la première fois à l’OnR

Pour les amateurs de baroque, Ariodante de Haendel sera dirigé par Christopher Moulds

et proposé dans une nouvelle mise en scène de Jetske Mijnssen du 6 au 13 novembre. Adèle Charvet tiendra pour la première fois le rôle-titre de ce très bel opéra seria donné, pour la première fois, à l’OnR.

Du 11 au 20 mai ce sera au tour de Giuditta, rare et douce-amère opérette de Franz Lehàr, d’être proposée en version française avec Melody Louledjian dans le rôle de cette femme fatale qui fuira avec son amant de l’autre côté de la Méditerranée. Un spectacle flamboyant signé PierreAndré Weitz, inspiré par les univers du cirque et du cabaret.

Natalie Dessay dans le sombre et drôle

Sweeney Todd

Sweeney Todd, comédie musicale sanglante, pathétique et drôle, lui succédera du 17 au 24 juin. Signé de Stephen Sondheim, défendu par Scott Hendricks, Natalie Dessay et Marie Oppert, ce thriller musical donnera un

Picture a day like this de George Benjamin en ouverture de saison de l’Opéra national du Rhin

réjouissant point final à une saison qui sera lancée du 15 au 20 septembre avec Picture a day like this, chef d’œuvre de notre temps. Ce dernier opus de George Benjamin sur un livret de Martin Crimp, met en scène la vie d’une femme ayant perdu son enfant mais qui pourra le retrouver si elle découvre quelqu’un qui témoigne du véritable bonheur. Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma en signent la mise en scène.

Hélène Blackburn et William Forysthe au Ballet du Rhin

Une saison riche et éclectique à laquelle il faut ajouter celle du Ballet du Rhin dirigé par Bruno Bouché.

Elle débutera du 3 au 7 octobre avec la création de Noces de la chorégraphe québécoise Hélène Blackburn sur la musique de Stravinski. Y est interrogé le désir d’union à travers le symbole d’une robe de mariée. Autre événement, le tout premier Triple bill dédié à William Forsythe du 27 février au 2 mars. Trois pièces créées dans les années 1990 par le chorégraphe américain y seront données : l’hypnotique Quintett , le magnétique Enemy in the Figure et le virtuose Trio qui fera son entrée au répertoire du Ballet de l’OnR.

Et Casse-noisette pour Noël

L’envoûtante partition du Casse-Noisette de Tchaïkovski reviendra pour Noël dans une pièce signée de Rubén Julliard, jeune chorégraphe issu du Ballet strasbourgeois. Seize enfants de la Maîtrise de l’OnR rejoindront les 32 danseurs au plateau. La cheffe Sora Elisabeth dirigera l’Orchestre philharmonique dans ces soirées pleines de féerie, idéales pour vivre en famille les fêtes de fin d’année. c www.operanationaldurhin.eu

LIVE |

JEUNE PUBLIC AVEC TURNSTEAK | CURIOMATON CONCERT “À LA BONNE HEURE” AVEC L’OPS TOURNÉE DES RÉCRÉS ET DES CRÈCHES RAIDS ARTISTIQUES AU NEUHOF ...

Théâtre

Se retrouver au cœur battant du TnS

« Quand serons-nous enfin réuni-es ? » interroge Caroline Guiela Nguyen en amorce de sa saison signature au Théâtre national de Strasbourg (TnS). Comment élargir les publics ? Comment convaincre le plus grand nombre de franchir le pas d’une première fois au théâtre ? Comment faire lieu et langage commun ? Autant de questions, chevillées au corps des artistes invités au soleil d’un nouveau logo en forme de cœur. Pour la nouvelle directrice du TnS et ses équipes, l’enjeu est de se connecter aux pulsations de l’humanité des quatre coins de l’époque et à 360°.

Au secret de Lacrima

Dix-neuf spectacles sont annoncés dans le livret de programmation à l’esthétique très pop conçu par la plasticienne, photographe et vidéaste Silina Syan. Avec, en ouverture de saison, du 24 septembre au 3 octobre, le très attendu Lacrima, nouvelle création de Caroline Guiela Nguyen présentée avec succès en Avignon cet été après des avant-premières workshops à Strasbourg la saison dernière. L’histoire d’une robe de mariée commandée par une princesse d’Angleterre, extraordinaire ouvrage destiné à faire rêver mais dont la confection brise des vies. « À la base », révèle l’auteure et metteuse en scène, « se pose la question du secret en tant que condition de la violence. Le spectacle raconte ce qu’on ne voit pas ».

L’urgence de raconter

S’enchaîneront cet automne et dans la même « urgence de raconter », la question de la violence des femmes dans Beretta 68 du collectif FASP (du 8 au 18 octobre), l’amour entre deux détenues raconté par la Britannique Kae Tempest dans un texte traduit et mis en scène par la chorégraphe Dorothée Munyaneza qui signe Inconditionnelles à l’affiche du 5 au 15 novembre, le stand-up d’art et d’essai d’Éric Feldman dans On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie. Crucial en ces temps de flambée de l’antisémitisme, ce texte qui explore avec humour et gravité les traumatismes des enfants cachés survivants de la shoah (du 12 au 22 novembre).

Novembre finira sa course sur Le Ring de Katharsy mis en scène par Alice Laloy (du 20 au 29). Partition pour cheffe d’orchestre, chanteurs et chanteuses, acteurs, actrices et artistes circassiens, le spectacle se fait tournoi sur fond de jeu vidéo dystopique et interroge l’animé/inanimé.

Rendre voix aux colères et faire place aux miracles

Laurène Marx fera la jonction avec décembre en présentant ses deux spectacles Pour un temps soit peu du 26 au 30 novembre et Je vis dans une maison qui n’existe pas du 3 au 7 décembre. Autrice et performeuse,

Lacrima de Caroline Guiela Nguyen

elle y contera les histoires bien réelles des personnes trans dans un cri de colère qui rend voix et justice « aux queers, aux folles et aux fous ».

L’année se terminera avec La Symphonie tombée du ciel de Samuel Achache, AntoninTri Hoang, Florent Hubert, Ève Risser et leur orchestre La Sourde. Partis en quête des miracles d’aujourd’hui, ils ont fait moisson d’intimes retranscrits en une symphonie dont tous les mouvements sont façonnés par les récits des personnes rencontrées. Un souvenir, une odeur, un paysage, un rêve… tout devient mélodie.

Programmé du 8 au 16 janvier le Dom Juan de Molière mis en scène par David Bobée se tiendra au plus près du texte classique pour se saisir des questions du XXIe siècle.

Stand-up et autres nouveautés

C’est aussi en janvier que le TNS lancera une première Traversée des ondes sur le thème de l’hospitalité.

Manière d’émission de radio en direct basée sur les récits de Strasbourgeois et Strasbourgeoises, cette initiative s’inscrit dans une série de nouveaux dispositifs inaugurés cette saison.

Ainsi en va-t-il des Galas, festival de printemps qui rassemblera du 23 avril au 2 mai, les projets lancés par Claire Lasne Darcueil, Maxence Vandevelde et Caroline Guiela Nguyen dans trois territoires de la ville. Au programme, des créations menées par des troupes composées d’habitantes et d’habitants et le retour de Joël Pommerat avec son spectacle Marius d’après Pagnol.

Autre nouveauté en mai, l’ouverture au stand-up avec le TnS Comedy Club (du 12 au 17 mai). « Il s’agit de poser la question de l’humour », précise la directrice de l’institution, « de retrouver l’énergie du comique et la joie de la transgression ». Avec, en point d’orgue, la venue de l’humoriste Fary fondateur du comedy-club Madame Sarfaty conçu comme une rencontre entre Paris et les origines américaines du genre. « Un pont entre les cultures et les arts, un geste inspirant qui assume le stand-up comme une forme esthétique à part entière », souligne Caroline Guiela Nguyen. c

tns.fr

Opéra national du Rhin Saison

Ouverture de la billetterie

Opéra

Picture a day like this George Benjamin

Ariodante Georg Friedrich Haendel

Les Trois Brigands Didier Puntos

Les Contes d’Hoffmann Jacques Offenbach

Peer Gynt Edvard Grieg

La Traviata Giuseppe Verdi Brundibár Hans Krása

Giuditta Franz Lehár

Sweeney Todd Stephen Sondheim Werther Jules Massenet

Danse

Noces Hélène Blackburn / Bruno Bouché

Casse-Noisette Rubén Julliard

William Forsythe

Kamuyot Ohad Naharin

operanationaldurhin.eu

Illustration © Sarah Martinon

Maillon Milo Rau et toute la complexité du monde

Plus que jamais européenne, transdisciplinaire et ouverte à la diversité des pensées, la scène du Maillon prône une « autre façon de voir », une multiplicité des regards amplifiés par le spectacle vivant.

Quoi de mieux que de se frotter aux visions du réel à chaque fois singulières que portent les artistes venus d’ici et d’ailleurs ?

Quel meilleur antidote aux visions simplistes que de se confronter à leur travail en refusant les évidences trompeuses ?

Pour ne rien figer, le Maillon opte pour une programmation semestrielle qui débutera les 27 et 28 septembre avec deux spectacles inscrits dans Musica : All Right. Good night , hypothétiques derniers mots du pilote du vol MH370 dont s’est saisis le Rimini Protokoll et « The Source » où Ted Hearne explore l’information et le secret à partir de l’histoire de la lanceuse d’alerte Chelsea Manning.

Retour d’Antoine Defoort ensuite, avec du 8 au 10 octobre, un pastiche de conférence TedX sur les affres du travail créatif. Un spectacle feel good qui donne à penser autant qu’il prête à rire.

Déferlement d’énergie vitale, le One song Histoire(s) du théâtre IV de la Belge Miet Warlop explosera les codes du sport, de la musique et du théâtre les 15 et 16 novembre.

Juste après le l’onirique Velvet de la chorégraphe-metteuse en scène Nathalie Béasse programmé du 6 au 8 novembre. L’être au monde s’y déploie dans un velours des illusions inspiré par le peintre Whistler.

Annoncée du 21 novembre au 1er décembre, la venue du metteur en scène suisse Milo Rau sera l’événement de ce premier semestre.

Il y présentera « Antigon in the Amazon » (du 21 au 23 novembre) et sa dernière création, Medea’s children (du 30 novembre au 1er décembre), adaptations volontairement troublantes de tragédies grecques mises en résonance avec les violences d’aujourd’hui.

Du 12 au 16 décembre, Reclaim de Patrick Masset explorera un rituel chamanique d’Asie central dans un spectacle de cirque cérémonial à couper le souffle. c maillon.eu

Medea’s Children mis en scène par Milo Rau, du 30 novembre au 1er décembre au Maillon.

OPS

Une

fabrique d’émotions

Pour cette nouvelle saison, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg s’inscrit dans la continuité et la diversité et se veut plus que jamais fabrique d’émotions.

Innover tout en gardant le meilleur de la tradition », résument dans leur éditorial Marie Linden, directrice générale de l’orchestre et Aziz Shokhakimov qui en est le directeur musical et artistique. Il s’agira de repenser les formats de concerts, d’élargir les lieux et les horaires, de bousculer certains codes sans rien enlever aux concerts « classiques ». Dans les 120 concerts programmés, on compte 15 séries symphoniques contre 17 cette saison. Six seront donnés deux soirs de suite et un nouvel horaire sera expérimenté le samedi à 18h en salle Érasme du Palais de la musique et des congrès.

Planètes de Gustav Holst en ouverture de saison

Le chef Aziz Shokhakimov a choisi d’ouvrir la saison avec les colossales Planètes de Gustav Holst, poème symphonique d’une grande puissance onirique (5 septembre).

D’autres chefs d’œuvre du répertoire suivront dans une volonté d’ouverture totale d’Antonio Vivaldi à Nina Šenk en passant par des compositeurs comme Anton Bruckner et Gustav Mahler « qui font partie de l’ADN de l’Orchestre », soulignent Marie Linden et Aziz Shokhakimov.

Le public sera aussi heureux de retrouver de grands solistes complices de l’orchestre : le violoniste franco-serbe Nemanja Radulović en résidence à l’OPS pour cette saison (10-11 octobre), la violoniste Simone Lamsma (7 mars), le violoncelliste JeanGuihen Queyras (9 mars) le pianiste Alexandre Kantorow (26 et 27 février), ou encore le chef Wayne Marshall, spécialiste du répertoire américain (8 novembre). Parmi les orchestres invités, signalons l’excellent Luxembourg Philharmonic dans le Concerto pour violon n° 3 de Mozart et la Symphonie N° 3

dite Écossaise de Mendelssohn sous la direction du violoniste Renaud Capuçon le 9 avril.

Concerts RELAX à la Cité de la musique et de la danse

L’orchestre sera au rendez-vous de trois opéras présentés dans la maison de la place Broglie, Picture a day like this de George Benjamin en septembre, Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach en janvier et Sweeney Todd de Stephen Sondheim en juin. Il proposera aussi de nouveaux formats tels ces concerts RELAX d’une heure programmés à 12h30 et à 19h à la Cité de la musique et de la danse.

La seconde série, en janvier, proposera les Quatre saisons de Vivaldi, œuvre fédératrice s’il en est, interprétée par Charlotte Juillard, « super soliste de l’orchestre ».

Gospel participatif en concert de fin d’année

Innovant aussi le Gospel Philharmonic experience annoncé pour le Nouvel an. Treize chanteurs professionnels dirigé par Pascal Horecka seront associés à un chœur participatif de 70 amateurs qui auront répété depuis septembre afin de parfaire leur prestation. S’annonce ainsi une saison pleine de vertiges philharmoniques que Marie Linden et Aziz Shokhakimov qualifient de « temps suspendus » ou bien encore d’« espaces émotionnels » dont nous avons bien besoin. « Une salle de concert », concluent-ils dans un clin d’œil à Maurice Ravel « doit rester un jardin féerique où se cultivent le beau, le rêve et le vivre ensemble ». c philharmonique.strasboug.eu

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Musica La voix de la contemporanéité

Faire lien autour de la musique contemporaine, accompagner les artistes et leurs projets les plus ambitieux, mettre en valeur des propositions venues de tous les horizons. Pour sa 42e édition le festival Musica reste fidèle aux ambitions qui l’ont fondé en 1983 sans pour autant renoncer à se réinventer au regard des affres géopolitiques actuelles ou de la nécessité de réaffirmer la liberté artistique face à l’intelligence artificielle. Et toujours en confrontant les musiques de la deuxième moitié du XXe siècle aux nouvelles tendances de la création.

L’église

Cette année, le festival se déroulera du 20 septembre au 6 octobre avec, notamment, Cornelius Cardew et Scratch Orchestra Strasbourg, les ensembles Klang et Asko/Schönberg, Joanna Bailie, Enno Poppe, François Sarhan et bien d’autres.

Ouverture au Maillon

Ces semaines de concerts et manifestations distribués entre Strasbourg et Metz s’ouvriront le vendredi 20 septembre

au Maillon avec De Staat du compositeur néerlandais Louis Andriessen interprété par les ensembles Asko/Schönberg et Klang. Se nouent dans cette œuvre les liens entre politique et musique, question vertigineuse aux implications dépassant les frontières.

Musica expérimente d’ailleurs une coopération inédite, fruit de deux années de recherche et de dialogue avec le Performing Arts Fund NL et des figures de la création musicale néerlandaise dont plusieurs seront présentes à Strasbourg

Saint-Paul se fait Sonic Temple dans le cadre de Musica.

tout comme le stimulant festival Rewire de La Haye déterritorialisé le temps de deux soirées à la façon d’un jumelage (le 20 septembre à 22h au Maillon et le 21 à 22h également à l’église Saint-Paul).

François Sarhan, concert et expo

Autre point fort, la mise en lumière du travail du compositeur, metteur en scène et plasticien français François Sarhan dont la nouvelle création Les Murs meurent aussi sonde les impacts intimes de la guerre en Ukraine, au Moyen-Orient et ailleurs. Son Log Book interprété par l’ensemble berlinois Zafraan met en musique – entre speech music et spoken word – un étonnant journal intime et quantité d’observations sur la vie d’un artiste d’aujourd’hui le 29 septembre à 10h à la Manufacture des tabacs.

Le travail plastique de François Sarhan sera présenté aux cimaises du quartier général de Musica face à la cathédrale. Son titre : Épicerie solitaire.

Lien avec le MAMCS et le Centre

Pompidou-Metz

Le festival s’associe par ailleurs à l’exposition Mode d’emploi du Musée d’Art moderne et contemporain et clôturera cette édition 2024 à Metz autour de l’exposition La Répétition. Sont ainsi annoncés un Concert-performance Mode d’emploi par le Scratch Orchestra à Strasbourg le 26 septembre à 18h30 et Gay Guerrilla de Julius Eastman, le 6 octobre à 11h au Centre Pompidou-Metz.

Le champ de Musica est immense, foisonnant, organique. Il est impossible d’en faire le tour en un article mais il est essentiel d’insister sur sa pertinence.

La musique contemporaine et ses mutations ne sont pas réservées aux initiés, elles nous concernent tous. c

festivalmusica.fr

Hélène Blackburn / Bruno Bouché

Noces

Chorégraphies

Hélène Blackburn / Bruno Bouché

Direction musicale

Hendrik Haas

Ballet de l’Opéra national du Rhin

Chœur et Opéra Studio de l’Opéra national du Rhin

Percussions de Strasbourg

Strasbourg (Opéra) 3-7 oct.

Colmar (Théâtre municipal) 12 oct.

Mulhouse (La Filature) 18 & 20 oct.

Sarah Martinon

FEFFS John McTiernan, Judex, focus sur le cinéma australien et films en cascade

À chaque édition du Festival européen du film fantastique de Strasbourg, son invité d’honneur. Cette année ce sera John McTiernan qui en donnera le top départ, le 20 septembre lors de la cérémonie d’ouverture. Avec, dans la foulée une masterclass le dimanche 22 au cinéma VOX, une rétrospective au STAR et une carte blanche de deux films encore secrets.

John Mc Tiernan a révolutionné le cinéma d’action, s’enthousiasme

Daniel Cohen, directeur du FEFFS en citant Piège de cristal mais aussi Predator , entre science- fiction et aventure militaire et Octobre rouge . « Il a lancé Bruce Willis, réinventé le cinéma d’action à Hollywood et marqué les années 1980-90. »

Autre événement annoncé par Daniel Cohen, en lien avec les Bibliothèques Idéales et Strasbourg capitale du livre, la tenue d’une soirée consacrée au Judex de Louis Feuillade, réalisateur de la Belle Époque considéré comme l’inventeur des Serials Quatre épisodes des aventures du justicier créé par le romancier Alain Bernède en 1917 seront projetés le 19 septembre à l’Aubette aux Bibliothèques Idéales. Emblématiques du cinéma muet, ces séances seront accompagnées en live par les musiciens La Mverte et Vego Vega.

Signalons aussi le focus sur le cinéma australien des années 70-80 communément appelé Ozploitation ainsi que la nouvelle vague australienne. Une mise à l’honneur soulignée par l’affiche de cette 17 e édition. Conçue par Mahon, elle fait écho à la sortie en 2024 de Furiosa, nouvel opus de la saga Mad Max signée George Miller.

Côté programmation, un mini suspens était toujours de mise au moment d’écrire ces lignes. Une partie en était divulguée mais pour tout savoir du FEFFS 2024, il faudra attendre la conférence de presse officielle début septembre.

Il est acquis en tout cas que le film Animale consacré au milieu de la tauromachie camarguaise et signé de la réalisatrice franco-algérienne Emma Benestan sera présenté en compétition internationale de films fantastiques.

De retour au festival, le réalisateur allemand Tilman Singer concourra quant à lui avec son très attendu Cuckoo, nouveau trip horrifique installé dans un hôtel alpin. Les morts vivants hanteront le Handling the Undead de la Norvégienne Théa Hvistendahl, deux ados marginaux seront captivés par une étrange émission télé dans I saw the TV Glow réalisé par Jane Schoenbrun et une voyageuse du temps interprétée par la comédienne britannique Alice Lowe cherchera l’homme qu’elle aime dans Timestalker.

Frémir, frissonner, rire, pleurer peutêtre… Quoi de mieux pour une rentrée fantastique. c

strasbourgfestival.com

Espace K Rififi et humour toujours G

« Dernière saison avant travaux », annonce l’Espace K avant les 18 mois de chantier dont l’entame est prévue à l’automne 2025. Exit le bâtiment actuel qui fera place à deux salles de spectacles bien distinctes mais sans grande clarté sur ce que sera l’entre-deux ni même l’après, en 2027.

Krissmass Show à l’Espace K le 31 décembre.

rognon mais pas morose, l’Espace K relève le gant et lance la nouvelle saison avec Rififi, création maison dont Or Norme a suivi la gestation.

Rien moins qu’une pure comédie musicale qui plongera dans le Paris de 1936, filera jusqu’aux quais de la Havane, hantera les clubs de jazz de Broadway et culminera dans les music-halls parisiens.

Vincent le chorégraphe et Rose la chanteuse vous attendent les jeudis, vendredis, samedis et dimanches entre le 4 octobre et le 3 novembre. Ne ratez pas cette création de la compagnie Le Kafteur emmenée par Jean-Luc Falbriard.

Les spectacles s’enchaîneront ensuite dans une joyeuse alternance de styles, de registres, de publics.

Coup de cœur pour Immo et sa French Touch made in Germany du 28 au 30 novembre. Un échange culturel hétéroclite et farfelu entre jonglage, acrobatie, mentalisme et musique qui se joue des clichés. Nain de jardin, baguette et saucisse de Francfort vont en voir de toutes les couleurs.

Point de décembre sans Krissmass Show et cocktail d’artistes servi le 31 et sur un plateau par l’irrésistible Mister Wonderful. Une pincée de paillettes, quelques grammes de sensualité et d’érotisme, une lichette de dérision, une rasade de parodie, un zeste d’absurde, une poignée de performances et surtout une bonne dose d’humour. Abracadabra ! la soirée est magique.

2024 s’efface, 2025 se pointe et l’Espace K a déjà tout prévu pour qu’il fasse la part belle à l’humour. c

www.espace-k.com

Le TAPS Pôle-Sud

vibre de vies Danser sur le

D’

ici décembre, le Théâtre actuel et public de Strasbourg (TAPS) proposera dix spectacles répartis entre ses deux salles, Scala et Laiterie.Fidèle à son ADN, il privilégiera l’écriture contemporaine mais n’en ouvrira pas moins la saison avec le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux (du 1er au 4 octobre) avant de proposer L’éducation sentimentale de Flaubert en novembre. De grands classiques certes mais revisités pour mieux démonter les déterminismes bon chic bon genre ou faire swinguer un looser magnifique sur un air qui nous ressemble. Du 8 au 12 octobre, le Requin velours fendra l’eau de la scène pour donner corps et mots à une proie tentée de devenir prédatrice. Comment raconter le viol ? Comment reprendre le pouvoir ? Comment mettre en lumière – peut-être – la source de la violence ? Dans cette première création de la compagnie Sorry Mom, en résidence artistique au TAPS, la Strasbourgeoise Gaëlle Axelbrun répare son héroïne sur un ring de boxe. En novembre, trois autres Strasbourgeois sont à l’affiche. Pierre Kretz avec Ich wàrt uf de Theo, tours et détours d’une existence simple mis en scène par Olivier Chapelet, directeur du TAPS. Catriona Morrison avec Frédéric (ou la grande histoire de Frédéric et Anissa), récit d’une love-story hors cadre entre deux personnages hors normes. Sans oublier la Compagnie bleu de Débora Cherrière qui s’attachera au destin d’une Tahitienne fuyant la misère. Un Oratorio pour Billie musical, brutal et poétique. En octobre également, Mélody et le capitaine rescapés d’une famille déchirée seront portés sur scène par la compagnie Travelling Théâtre de Saint-Étienne. Et décembre explorera la disparition et la filiation dans Dissolution mis en scène par Julia Vidit avant d’accueillir Je crois que dehors c’est le printemps, une création du Théâtre Wallonie-Bruxelles qui plonge sans masque et sans filtre dans les pensées d’une mère survivante d’un odieux fait-divers. C’est avec une assemblée générale revigorante que se clôturera 2024. Avis aux Camarades : Mai 68 et les débuts du féminisme revivront sous la craie de la compagnie nantaise des Maladroits. Un bain de jouvence avant d’entamer 2025 et la poursuite de la saison c

taps.strasbourg.eu

volcan du monde

Au Centre de développement chorégraphique national de Strasbourg, Pôle-Sud, on danse sur le volcan du monde et les spectacles s’enchaînent, contrastés, au plus proche du collectif et de l’intime, souvent empreints d’humour. Sylvain Riéjou en sera l’artiste associé jusque 2026. « Je badine avec l’amour » concèdera-t-il, espiègle, les 8 et 9 octobre dans une nouvelle pièce où se percutent Musset et le Patrick Swayze de Dirty Dancing. En octobre également, les 15 et 16, Fanny de Chaillé contera Une autre histoire du théâtre, prétexte à une lecture des enjeux de pouvoir et des angles morts qui émaillent notre culture commune. One Song – Histoire(s) du Théâtre IV de Miet Warlop sera présenté au Maillon les 15 et 16 novembre et Voie, voix, vois de Gaël Santisteva, Saaber Bachir et Antoine Leroy frotteront au silex de la légitimité normes et normalité de l’ordre établi les 19 et 20 de ce même mois.

Accompagné d’un musicien, Arthur Perole explorera l’intime en quête de tendresse dans Nos corps vivants programmé les 28 et 29 novembre alors que Radhouane el Meddeb et la Compagnie de soi traverseront les mille et une variations du sentiment amoureux dans un hommage au poète Khalil Gibran et à sa quête de bonheur. « Lorsque l’amour vous fait signe, suivez-le… »

Décembre débutera lui aussi dans le registre de l’intime avec Grains de Simon Feltz (5 et 6 décembre), création consacrée au moment précis de la rencontre charnelle lorsque la parole abdique face à la force des sensations. Entre danse des fleurs et piste de danse, le Dance Flore de Kristine Groutsch et Marie Chauvière de la compagnie Les Filles d’aplomb explorera le monde invisible et foisonnant de la vie souterraine terrestre. Toute une poésie des saisons. Ce sera du 8 au 10 décembre avant le très décalé et exultant Welcome de Joachim Maudet qui ponctuera 2024 avant d’entamer janvier avec une très belle édition du festival L’année commence avec elles. c

www.pole-sud.fr

Le Requin velours de Gaëlle Axelbrun
Je badine avec l’amour de Sylvain Riéjou

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Django La Laiterie Rythme endiablé Hors les murs mais fidèle à son ADN

Multiplication des approches, prises de risques, éclectisme, l’esprit Django enchante depuis 2010 tous les publics, jeunes et moins jeunes, venus du Neuhof et d’ailleurs. Plus que méritée, sa réputation n’est plus à faire et éclate dès la présentation de saison prévue cette année le 21 septembre. S’y produiront les percussionnistes masqués de Makoto san aux manettes de leur surprenant instrumentarium en bambou dans un show techno électro-acoustique d’une parfaite maîtrise autant mélodique que rythmique.

Le 11 octobre sonnera au son des rythmes afro-colombiens de PIXVAE, voyagera entre culture orientale, groove et musiques actuelles avec le power trio strasbourgeois Turbo Gumzi et explorera les horizons psychédéliques des Québécois de Solipsisme.

Le 24, l’Américain JMSN (prononcez Jameson), ovni du R&B, de la soul et de la néo soul fera étape au Neuhof avec son nouvel album Soft Spot riche de nouvelles sonorités et carrément hors normes.

Au programme également, les Mosellans de AORAKI.

Madam, trio féminin féroce, se produira le 30 octobre tout comme l’électrique Lila EHJÄ.

En novembre sont annoncés la chanteuse mauritanienne Noura Mint Seymali envoûtante par ses sonorités à la fois traditionnelles et résolument contemporaines (8 novembre), Awri spectacle tirés de poèmes de femmes kabyle récoltés par Kahina Afzim, artiste pépinière Django (8 novembre) et Love & Revenge , soirée musicale où le patrimoine chanson et du cinéma arable sera transfiguré par les sonorités d’aujourd’hui (12 novembre).

L’« Esprit Django » encore et toujours. c

www.espacedjango.eu

Saison 2024-2025 On tour pour La Laiterie qui prendra ses quartiers dans d’autres salles jusqu’à la fin des travaux entamés en juillet dans les bâtiments de la rue du Hohwald. La saison débutera au Point d’eau d’Ostwald où La Laiterie Artefact proposera, dès le 1er octobre, un concert gratuit de The Hillbilly Moon Explosion et les Deuxluxes.

La très attendue, très engagée et très talentueuse Barbara Pravi suivra le 2. « Plus qu’un concert, un spectacle », annonce cette chanteuse, révélation féminine aux Victoire de la musique 2022, et véritable conteuse qui revient sur scène après un an d’absence et un petit tour au cinéma. Sidilarsen + Crisix est annoncé le 3, Rotting Christ le 4, Ministère A.M.E.R le 5 et… ainsi de suite dans ce rythme fou bien ancré dans l’ADN de la mythique Laiterie.

Avec 14 000 artistes, 5 000 concerts et environ 2 millions de spectateurs au compteur en 30 ans, la salle s’est en effet taillée une réputation qu’elle compte bien tenir, envers et contre le chantier, que ce soit au Point d’eau d’Ostwald ou à la Briqueterie de Schiltigheim où The Stranglers sont attendus le 17 octobre pour fêter leurs 50 ans de carrière sur la scène de La Laiterie Artefact.

L’itinérance durera un an et demi, le temps de restructurer et rénover les bâtiments historiques pour y accueillir – dans de bien meilleures conditions - public, productions et artistes. Fait notable : la jauge passera de 870 spectateurs à 1 160.

Lieu pionnier des musiques actuelles, La Laiterie est en effet l’une des plus petites salles de France dans sa catégorie, ce qui ne pouvait durer si l’on voulait qu’elle continue à accueillir des artistes à l’aura nationale et internationale. c

www.artefact.org

Makoto san  le 21 septembre.
The Stranglers

ÉRIPHÉRIE…

EN Tour d’horizon des salles où ça bouge bien aussi…

ILLKIRCH-GRAFFENSTADEN

Avalanche de spectacles à L’Illiade

Le Cirque national d’Ukraine sera à l’Illiade le 15 décembre

Avec plus de 70 spectacles programmés la saison prochaine, L’illiade d’Illkirch embrasse large ses publics amateurs de concerts, théâtre, danse, humour, cinéma... Sans oublier les arts circassiens avec la venue, entre autres, du Cirque national d’Ukraine annoncé le 15 décembre, juste à temps pour déployer la magie de Noël.

Impossible d’entrer dans le détail d’une programmation d’une telle ampleur mais sachez que passeront par L’illiade André Manoukian et son histoire de la musique, le pianiste Vincent de Murcia qui jouera Bach, le Trio Mandili chantre des polyphonies géorgiennes, le Quatuor Avena, Marcel Loeffler, Lisa Doby, Matskat, Jyzzel, Murray Head etc. Avec aussi, le 5 octobre, le groupe écossais Manràn fer de lance du rock celtique.

Côté théâtre, il y aura du boulevard, de l’impro, du théâtre alsacien et du contemporain. Le 23 novembre, Mathieu Loos, ingénieur de recherche strasbourgeois devenu directeur de la Compagnie des combats absurdes exposera sa Théorie des fragments pour plonger dans l’histoire de ceux qui, comme son grand-père, furent des « malgré-nous ».

La pièce est programmée au jour même du 50e anniversaire de la libération d’Illkirch.

Part belle sera faite à l’humour avec Sophia Aram, le Portugal Comedy Club, les Décaféinés, Christelle Chollet et, le 12 novembre, un seul en scène galvanisant d’Alfonso Nsangu chef de chœur des Gospel Kids. Il saura faire rire la salle dans un récit de vie commencé en Angola.

De la danse il y en aura avec le Grand ballet de Kiev ainsi que les prestations solo de Chantal Loïal, chorégraphe guadeloupéenne (le 6 novembre) et Roméo Bron Bi, ivoirien arrivé à Strasbourg en 2013 qui dansera son exil dans Terre mon périple le 27 avril. c

lilliade.illkirch.eu

Le PréO s’emballe et

nous emballe

Le monde tourne, il s’emballe et nous bouscule pour le meilleur du spectacle vivant.

Le PréO Scène tient à ouvrir le débat à travers sa programmation pluridisciplinaire lancée le 5 octobre par le seule-en-scène revigorant de la décapante Chloé Oliveres. Quand je serai grande je serai Patrick Swayze avoue-t-elle dans ce spectacle où elle se révèle « femme des années 2020 perdue quelque part entre Simone de Beauvoir et John Travolta, entre Patrick Swayze et Agnès Varda ». Sois belle et t’es toi répond en écho la Compagnie Mira annoncée le 26 du même mois. Dans cette pièce chorégraphique cinq femmes s’interrogent sur l’héritage laissé à nos filles…

Autre femme en lutte, la sublime Leyla McCalla, chanteuse et musicienne américaine d’origine haïtienne qui présentera son nouvel album Sun without the heat le 6 novembre. Ouvert au monde entier, empreint de deuil et de joie, il prône le collectif et bat en brèche les modèles éculés.

Chanson toujours le 8 novembre avec le corrosif Frédéric Fromet bien connu des

OSTWALD

auditeurs de France Inter pour sa lecture au scalpel des sujets de société et d’actualité.

L’enfance, ses blessures et ses refuges étreindront les Possédés d’Illfurth, spectacle saisissant où Lionel Lingelser s’empare de sa propre enfance alsacienne à Illfurth. Un voyage initiatique d’une exceptionnelle sensibilité, une ode au théâtre annoncé le 14 novembre.

Le 23 novembre, le pianiste et trompettiste Guillaume Poncelet présentera son album Durango, au piano droit, entre jazz et classique, infiniment imaginatif.

Véritable hymne à toutes les vies de femmes, La vie en vrai (avec Anne Sylvestre) rendra hommage à cette parolière d’exception dans un concert programmé le 4 décembre. Marie Fortuit et Lucie Sansen, Les Louves à minuit, y célébreront les sorcières les plus diverses. Entre chansons et confidences. c www.lepreo.fr

Que le spectacle commence au Point d’eau !

Toujours pluridisciplinaire et de plus en plus spectaculaire, la saison 2024-2025 du Point d’eau d’Ostwald conserve sa patte « engagée » mais l’a voulue, plus que jamais, gantée du velours de la chaleur humaine.

L’accueil de La Laiterie pendant les travaux portera la programmation musicale ce qui, espère-t-on au Point d’eau, prouvera une fois pour toutes qu’Ostwald « ce n’est pas si loin ». Ce que l’on confirme !

Le cirque contemporain sera l’un des points forts d’une programmation par ailleurs foisonnante. Citons A simple space de l’incroyable compagnie australienne Gravity & Other Myths annoncé le 29 novembre et à ne surtout pas rater. Humour, déluge d’acrobaties, audace et créativité garantis dans ce spectacle auréolé de prix internationaux. Côté théâtre, citons le 25 octobre, Frères , spectacle sur l’amitié dans le monde de la gastronomie qui donne envie de prendre soin des autres.

Le 7 décembre est annoncé un autre coup de cœur, La Claque de Fred Radix, pièce de

théâtre musicale et poétique où applaudir est un métier. Avec, en perspective, un mois de janvier foisonnant.

Retour du cirque le 10 avec le très poétique Blizzard de la compagnie québécoise Flip Fabrique, théâtre le 17 et le 24 avec Courgette de la compagnie Paradoxe(s) et Le Moby Dick mis en scène par Lina Lamara, odyssée moderne où la baleine est devenue cargo de la mondialisation et le capitaine Achab docker.

Le 7 février, le Point d’eau présentera Happy Apocalypse, création de la Compagnie F.O.U.I.C. avec laquelle l’équipe d’Ostwald a noué un véritable lien. S’y pose la question de l’humanité prise en étau entre progrès technologique et fragilité. S’y croisent un astrophysicien paraplégique, un homme papillon, une performeuse nihiliste et tout un tas de personnages hybrides… c

www.lepointdeau.com

Guillaume Poncelet présentera Durango le 23 novembre
A Simple Space par Gravity & Other Myths, le 29 novembre

Une

ébouriffante

« playlist humaniste »

Éric Serra & le RXRA Group à la Briqueterie le 10 octobre.

En fil rouge de la programmation des trois salles de Schiltigheim – Le Brassin, la Briqueterie et le Cheval blanc –Gaël Doukkali Burel annonce une playlist humaniste portée par des artistes de plain-pied avec l’époque et ouverts au monde entier.

Des têtes d’affiche sont annoncées – la toujours avant-gardiste Émilie Simon en mars, The Stranglers, éternellement mythiques, le 17 octobre, Yanns très introspectif dans 1996 le 26 et Nach qui fera Peau neuve le 19 décembre – autant de noms parmi bien d’autres coups de cœur artistiques en musique, danse et théâtre.

Le lancement de saison se fera le 28 septembre Entre las flores avec Jeanne Michard et son latin 5tet. La saxophoniste ténor française à suivre, Révélation des Victoires du Jazz 2023, présentera à cette occasion son deuxième album toujours empreint d’une immersion fondatrice à La Havane. D’une immense maîtrise.

Le 4 octobre, le public sera invité à passer une nuit avec Laura Domenge, « jeune insomniaque féministe, écolo à hyper potentiel et haut sensible », elle ne sait plus, elle n’a dormi que 3 heures… Décoiffée et décoiffante !

L’immense Éric Serra est quant à lui annoncé le 10 octobre au Brassin. Mondialement célèbre pour avoir composé plusieurs des BO les plus marquantes de ces dernières années – Subway, Le Grand Bleu, Goldeneye, Lucy, etc. – il a monté le groupe RXRA Group et partage sur scène un jazz/fusion à couper le souffle !

Autre bassiste virtuose qui fut repérée par Prince, la Danoise Ida Nielsen & The Funkbots, offrira le 18 novembre un concert funk plein d’énergie.

Des noms parmi tant d’autres d’une saison à découvrir dans son entier le 25 septembre à 19h à La Briqueterie. Avec à 21h le show dé-men-tiel proposé par la House of Marley ! c

www.ville-schiltigheim.fr/lieu/ schiltigheim-culture-billetterie

VENDENHEIM

Traversées au Diapason

De collines en îles, de cabane en clairière, le Diapason de Vendenheim croise au large des imaginaires, ramenant dans ses filets une moisson de bonheur à donner.

n témoigne le spectacle d’Ariane

EAscaride annoncé le 5 décembre. Accompagnée musicalement par David Venitucci, elle y distille textes et poésies de Bertolt Brecht juste pour le Plaisir de donner, de divertir, d’instruire et d’éclairer les cœurs.

Du Grand Nord à l’Écosse, qu’on se le dise Les gros patinent bien et la Compagnie Le fils du Grand Réseau le prouvera les 26 et 27 septembre avant que, le 9 octobre, la compagnie Vert d’eau ne s’empare de l’histoire de Moby Dick dans C’est une colline qui se prend pour une île.

Jazz ensuite, le 16 octobre avec le Asta Quartet tout à la joie de se retrouver pour swinguer, bopper à l’occasion et donner à tous une irrépressible envie de battre la mesure. Autre évasion, celle de l’Éclipse très onirique proposée par la compagnie de cirque et magie la Compagnie Basile Narcy le 31 octobre. De la page blanche naissent des mondes inconnus qui trouent les murs

de bureau pour filer en douceur entre le noir et le blanc de tous les possibles.

Production du Diapason, l’Encabanée remettra le cap du Kamouraska, au bord du Saint-Laurent, au cœur du plus rude des hivers et au plus proche de son être (8 et 9 novembre).

Ahora y siempre, Vivre dans le présent et y trouver l’éternité clame en écho et en jazz flamenco le Lydie Fuerte Trio. Ce sera le 22 novembre, six jours avant le spectacle de danse Carrément cube de la compagnie Hanoumat. Du bon usage du parallélépipède, lit, placard, bureau… mais aussi cubes pour les enfants que nous ne cesserons jamais d’être.

L’enfance envers et contre notre Part d’ombre, confirmera le danseur et chorégraphe Sofiane Chalal qui livrera son premier solo le 28 novembre. Un corps hors normes transformé par la scène. c

billetterie.vendenheim.fr

Les gros patinent bien au Diapason les 26 et 27 septembre

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À L’OMBRE DE LA Portraits des coulisses CULTURE

Septembre. Alors que chacun retourne à ses obligations, la rentrée culturelle bat son plein. Les institutions strasbourgeoises classiques s’éveillent. Les salles s’assombrissent, les artistes profitent de leurs premiers applaudissements, les œuvres de la première caresse des yeux des visiteurs, les coulisses fourmillent. Pas de côté dans les coulisses et rencontre de quatre métiers qui rendent le rêve possible.

Caroline Ayat-Doreau Projectionniste au Cosmos

Originaire de ClermontFerrand, Caroline

Ayat-Doreau, l’une des trois projectionnistes du cinéma Le Cosmos, a rejoint l’équipe dès l’ouverture en juin de l’année passée. Lever de voile sur ce métier aussi invisible qu’indispensable, au sein d’un lieu redorant l’image de chefs-d’œuvre parfois oubliés.

Cinéphile depuis l’enfance, Caroline se rend pourtant assez tard dans les salles obscures. Lorsqu’elle les découvre, ses fréquentations deviennent vite hebdomadaires. C’est ce sentiment de bien-être qui la parcourt lorsqu’elle se trouve dans ces lieux qui la mènera à ce métier. Couplé au hasard, si tant est qu’il existe. À l’époque étudiante en art, elle profite du temps dont elle dispose suite à un redoublement pour adhérer à un cinéclub tenu par des bénévoles. « En même temps qu’on programmait, on se formait à la projection entre nous », expliquet-elle. C’est là-bas qu’elle apprend la possibilité de passer le CAP d’opérateur projectionniste en candidat libre. CAP qui n’existe d’ailleurs plus tel quel aujourd’hui, car les demandes ne sont plus les mêmes qu’à l’époque. Elle se lance, pour ellemême avant même d’aspirer à en faire une vocation, et l’obtient.

Parallèlement à la poursuite de ses études, c’est au fil d’une rencontre qu’elle est embauchée en alternance dans une association belfortaine, Cinémas d’Aujourd’hui, qui organise des évènements à l’année dans un cinéma multiplex et qui s’occupe de la programmation art et essai. Initialement chargée de la partie administrative, on lui demande rapidement d’effectuer la technique. L’alternance finit par se transformer en CDD technique pour le festival Entrevues de Belfort, puis pour des cinémas plein air. Désireuse d’un poste de projectionniste à part entière, elle postule alors au Cosmos où commence alors son aventure quotidienne dans le monde du cinéma.

Quand les bobines persistent

Caroline n’a pas eu à subir en cours de carrière la grande transition numérique des salles de cinéma, celle qui a peu à peu transformé le métier de projectionniste en un emploi plus polyvalent. Formée dès le début de sa formation au 35 mm, elle s’estime chanceuse de pouvoir encore manipuler la pellicule aujourd’hui. Au Cosmos, pour un cycle de six semaines comprenant vingt à trente films, trois films au maximum sont projetés en pellicule. Cela dépend beaucoup de la disponibilité des films. « Quand les collègues s’occupent de demander les droits et les supports de visionnage, les distributeurs n’ont pas toujours le support numérique car le film est

« Ce qu’aime particulièrement la projectionniste au Cosmos, c’est pouvoir montrer des films qui n’ont pas eu l’écho qu’ils méritaient à l’époque de leur sortie. »

sorti en pellicule, et n’a été ni numérisé ni restauré depuis, dévoile-t-elle. Le seul moyen de le diffuser est alors la pellicule ». Travailler avec la pellicule demande plus d’efforts physiques et davantage d’entraînement afin de se perfectionner, bien que les occasions soient plus rares. Cela génère souvent plus de pression qu’en numérique, où les problèmes se règlent en général assez vite. Avec l’expérience, la jeune projectionniste résiste de mieux en mieux à la pression pouvant découler d’éventuels problèmes techniques. Celle-ci naît davantage de situations qui ne dépendent pas toujours des machines, ni d’elle-même : lorsque certains films n’arrivent pas à temps par exemple. Ce qu’aime particulièrement la projectionniste au Cosmos, c’est pouvoir montrer des films qui n’ont pas eu l’écho qu’ils méritaient à l’époque de leur sortie.

Une curiosité sans cesse attisée

Si les journées de Caroline commencent et finissent toujours par l’allumage et l’extinction des machines, elles ne se ressemblent pas. Des missions récurrentes, elle en a, mais elles dépendent surtout des évènements organisés. Le Cosmos n’étant pas concerné par la programmation nationale et offrant au public une

ample variété d’événements, la routine n’a pas sa place. À la question des plus grandes qualités à avoir pour exercer cette profession, Caroline sourit. « Un jour j’ai lu dans un livre sur les métiers du cinéma, l’un des seuls qui citait le métier de projectionniste : une forte résistance au stress ». Pourtant, la projectionniste ne se reconnaît pas spécialement en cette vertu, avoue-t-elle en riant. Selon elle, le plus important est le fort intérêt pour les films diffusés et ne jamais se détacher de ce qui se passe en salle pour les spectateurs. Le moment où elle reçoit la liste des films qu’elle va projeter est précieux. Il lui semble essentiel de connaître les œuvres qu’elle va passer, et bien qu’elle ne puisse pas toutes les voir, Caroline fait systématiquement une sélection. Obnubilée par Gondry pendant ses études, lorsqu’elle voulait encore faire de l’animation, ses goûts cinématographiques sont en perpétuelle construction, en fonction de ses émotions du moment. Ou plutôt, en constante mutation. « Depuis que je travaille ici, je ne vais plus du tout voir les mêmes films qu’avant en sortie nationale. Je redécouvre beaucoup de choses », observe celle qui n’hésite pas à s’immiscer discrètement dans la salle lorsqu’un film qu’elle a projeté défile, pour se mettre au mieux dans la peau des spectateurs et spectatrices. c

Valérie Fischbach Doigts de fée de l’Opéra

national du Rhin

Valérie Fischbach nous accueille dans le Grenier de l’Opéra national du Rhin. Couturière de vocation, elle a toujours été attirée par l’univers du costume.

« Voir mon œuvre prendre vie sur scène est une récompense inestimable. »

Dans sa jupe fleurie, parfaitement cintrée et cousue main (évidemment !), elle ajuste des épingles sur le mannequin aux mesures d’une des danseuses. À 36 ans, Valérie travaille ici depuis onze ans et n’a jamais cessé de s’émerveiller devant les créations qui prennent vie grâce à son talent. Elle est titulaire d’un Diplôme des Métiers d’Art (DMA) en costumes, spécialité couturière-costumière. Après un baccalauréat en arts appliqués, orienté vers le stylisme, le design et l’architecture, elle a choisi de suivre sa passion. La jeune femme a toujours travaillé pour l’OnR : « J’ai débuté en tant qu’intermittente, une période de sept ans marquée par l’incertitude, mais aussi par une riche expérience. Depuis 2019, je suis permanente ».

Le souci du détail

Des étoiles dans les yeux, elle est aussi celle par qui prennent vie les flots de tissus qui viennent se poser sur les épaules d’autres étoiles, sur scène. « La saison dernière, je me suis dédiée à la création d’une pièce magnifique : la création du costume d’Amour pour Le Couronnement de Poppée Une robe en tulle, composée d’une trentaine de strates blanches et roses. Il fallait trouver la méthode idéale pour obtenir le volume désiré tout en conservant fluidité et aisance de mouvement », se souvient l’artiste, patrons en main. Cette saison, un nouveau défi l’attendait avec Sérénade. Un tutu immense devait recouvrir toute la scène… et se détacher pour disparaître en coulisses ! Valérie a dû inventer un système d’attaches et placer les fils avec précision, pour que le tutu soit tiré sans accroc.

« La création d’un costume est un processus méticuleux qui commence par des discussions avec les costumiers sur le design, les matières, et les besoins spécifiques. Suit une série d’étapes complexes : commande de matériaux, prises de mesures, préparation, dessin sur le tissu ou la toile, essayages et ajustements, désassemblage et montage final dans un atelier voisin. Chaque détail compte. La répétition générale, appelée «piano», permet de voir le tissu en mouvement sur les danseurs, offrant une occasion précieuse pour les dernières reprises », explique Valérie en récupérant dans le même temps les mensurations des têtes d’affiche d’un des prochains spectacles. Les petites mains de l’OnR assistent aux générales. Le plaisir de Valérie ? « Voir mon œuvre prendre vie sur scène est une récompense inestimable ». c

Valérie Marti L’audace brille de mille feux au Théâtre national de Strasbourg

Comédienne, elle a réalisé un pas supplémentaire derrière le rideau. À 32 ans, Valérie Marti brille parmi les rares femmes techniciennes lumière.

Après deux ans en alternance à partir de septembre 2021, elle a été embauchée en CDI en juillet 2023 au Théâtre national de Strasbourg (TNS). Une reconversion réussie pour la jeune femme qui se remémore son parcours : « Je cherchais à apporter un nouveau souffle à ma vie professionnelle, ce qui m’a amenée à me former à Orléans pour devenir technicienne polyvalente en lumière. La crise du COVID a été un moment charnière ! ». Sa rencontre avec Thibault Daubert, chef du service lumière, a été décisive. Il reconnaît en elle une maturité et une envie, dues à son expérience de la scène. Valérie intègre alors rapidement l’équipe de régie du fait de ses compétences.

En tant que régisseuse lumière, « mon travail consiste à m’assurer que le plan

lumière nécessaire à chaque spectacle est en place, en gérant une équipe électrique sur le plateau. Sous l’autorité du chef de service et de la régie générale, je transmets les directives et veille à leur exécution.

Un travail minutieux

Lorsqu’un spectacle est accueilli au TnS, je reçois les informations de la compagnie et du metteur en scène, puis j’élabore un plan de feu détaillé. Ce travail inclut des plans vus de dessus, des plans de coupe, et des modélisations 3D, garantissant une conception lumineuse précise ». Les créations demandent une gestion minutieuse des réglages, du montage au démontage. Lorsqu’il s’agit d’un projet extérieur, la régie du spectacle gère la première

« La lumière est maîtresse. Elle joue sur les émotions, le scénario, toute la construction d’une scène, d’une pièce. »

représentation, puis Valérie prend la relève. À la troisième représentation, elle gère définitivement la régie. Une fois le spectacle terminé, elle participe au démontage et à la gestion du matériel.

Récemment, Valérie a suivi un spectacle en tournée à Vienne, Avignon, et Athènes. Son rôle implique également des compétences techniques pointues : « choix des projecteurs, gestion de l’électricité, passage des câbles, configuration des consoles DMX, paramétrage des canaux, et utilisation de logiciels spécifiques », énumère-t-elle. Véritable cheffe d’orchestre derrière sa platine, elle confie : « C’est un travail exigeant, mais très satisfaisant. La lumière est maîtresse. Elle joue sur les émotions, le scénario, toute la construction d’une scène, d’une pièce. C’est une actrice à part entière ! ». c

Frédérick Meyer

Gardien vigilant des musées strasbourgeois

« La communication avec le public est la plus grande part de notre métier », affirme Frédérick Meyer, agent d’accueil et de surveillance dans les musées de Strasbourg. Nous l’avons rencontré au musée

Tomi Ungerer, où il travaille depuis un an.

epuis son enfance, il rêvait de devenir gardien de musée. Un rêve devenu réalité, sur un poste qui lui offre des moments hors du temps. « Parfois les gens se figent devant les œuvres, comme absorbés et nous sommes les témoins privilégiés d’un furtif instant suspendu ». La Nuit des musées tient une place particulière dans le cœur de cet homme de 38 ans : « Ce soir-là, le contact avec le public est plus intense et plus présent. Durant cet événement, nous recevons jusqu’à 99 personnes (la jauge maximale du musée – ndlr), et j’apprécie particulièrement l’effervescence et les échanges qui en découlent », confie-t-il, enthousiaste.

DSon travail quotidien est réglé comme du papier à musique. À son arrivée, il s’assure

que les spots sont allumés, que le matériel est en place, et que les dispositifs pour les personnes malvoyantes ou malentendantes sont accessibles. Il met en place les flyers et tout autre matériel nécessaire pour l’accueil des visiteurs. Frédérick est également responsable de vérifier l’état général des salles. Il guide ensuite les visiteurs vers les différentes parties du musée, notamment le sous-sol. Avec les exigences accrues du plan Vigipirate et le renforcement de la surveillance des œuvres, ses missions se sont élargies. Bien que les œuvres soient souvent protégées par des vitrines, Frédérick doit vérifier les sacs des visiteurs et s’assurer qu’ils ne transportent pas de nourriture. En cas de problème, « mon rôle est d’évacuer la salle, limiter les potentiels enregistrements et protéger les œuvres, avant l’intervention des forces de l’ordre ».

Un agent à l’écoute

Le cœur du métier d’agent d’accueil et de surveillance reste pourtant bien la communication, : « Je suis à l’écoute des visiteurs, répondant à leurs questions dans la mesure de mes connaissances, et les orientant vers les bonnes sources d’information lorsque nécessaire. Je rappelle régulièrement les règles de conduite : porter le sac à l’avant, respecter le sens de circulation, ne pas marcher pieds nus (rires). C’est déjà arrivé et nous avions dû faire preuve de toute notre diplomatie ! ». Grand curieux et passionné par la culture, il trouve dans son travail une source d’épanouissement. c

« Parfois les gens se figent devant les œuvres, comme absorbés et nous sommes les témoins privilégiés d’un furtif instant suspendu. »

Place Maidan. 1 drapeau, 1 mort. Depuis plusieurs mois poussent les couleurs d’un pays qui refuse de se soumettre. Les graines de la génération d’après, les Z.

REPORTAGE

World War Z

Christophe Nonnenmacher | Fixeuse et interprète UA/RU : Maria Pototskaya

Bus, avion, train, bus, bus, train : Strasbourg-Kyiv. Zone de guerre. 4000 kilomètres aller-retour et cinq jours de route contre quelques heures avant le 24 février 2022.

Objectif : rencontrer cette génération Z ukrainienne, sur laquelle repose l’avenir d’un pays.

Le nôtre presqu’autant que le leur, impacts de balles et frappes aériennes en moins. World War Z : carnet de route d’une génération guerrière.

RÉVOLUTIONS AUGMENTÉES

Mais qui sont les Z, cette classe d’âge dont l’arrivée sur le « marché démographique » date de la fin des années 1990 ? Quelle histoire géopolitique, technologique, culturelle ? Quels sont leurs codes ? En quoi leur regard diffère-t-il de celui de leurs aînés ? Sur le chemin de Cracovie, étape aéroportée la plus proche de Kyiv, ces questions défilent.

Z :

génération née entre 1997 et 2012. Âge actuel : 12 à 27 ans.

Particularité : n’a pas connu Tchernobyl, la Glasnost, la Perestroïka, la Chute du Mur, l’effondrement de l’Empire soviétique, pas plus que le retour de l’Ukraine à l’indépendance en 1991. Passons l’usage des téléphones à cadran, des cassettes audio ou vidéo que ses ainés rembobinaient à l’aide d’un crayon. Minitel, MS-DOS, Commodore 64 vs Amstrad CPC, premiers caméscopes Sony Betamovie, mise en service du premier TGV, clonage de la brebis Dolly, accident mortel de Lady Di. Il s’en est passé des choses avant que les Z n’arrivent.

ZAPRESHCHENNYY !

1997 – pour ces premiers Z ukrainiens –ressemble à s’y méprendre à une année de transition politique. Signature du « Traité d’amitié, de coopération et de partenariat » entre Kiev et Moscou, aux fondements assez simples : ni l’Ukraine ni la Russie ne pourraient désormais s’envahir ni se déclarer la guerre. Zapreshchennyy !

Interdit ! Dans le même temps, Russie et Biélorussie signent un accord d’union dans les domaines culturels, militaires et socio-économiques. Pas inutile quand on sait que depuis 1989, une grande partie de la population de la nouvelle Communauté des États Indépendants s’est appauvrie, à l’exception des plus riches. Production et demande sont en chute libre pendant que l’inflation et les mafias prennent leur envol. Désormais détachés de l’autorité du grand frère, au centre de l’Europe, Hongrie, Pologne et République tchèque programment leur adhésion à l’Otan et, avec Chypre, l’Estonie et la Slovénie, débutent les négociations en vue de leur adhésion à l’UE.

1997, c’est aussi le lancement de Google par Larry Page et Sergey Brin. En guise de cadeau pour leurs 7 ans, Mark Zuckerberg, Chris Hughes, Eduardo Saverin, Andrew McCollum et Dustin Moskovitz offrent The Facebook aux premiers Z. Deux ans plus tard, Jack Dorsey, Evan Williams, Biz Stone et Noah Glass, les couvrent de gazouillis avec Twitter. Pour leurs 10 ans, Steve Jobs,

« L’imagination c’était aussi la marque de fabrique de Mikhail Yuryev, qui, en 2006, publiait Le troisième Empire : La Russie qui devrait être. »

alors qu’il présente son premier IPhone à la convention Macworld du George Moscone Center de San Francisco, leur offre un village désormais « planétaire » et de nouveaux usages que nul avant eux n’aurait osé rêver.

L’HOMME QUI

MURMURAIT À

L’OREILLE DES CHEVAUX

L’imagination, c’était aussi la marque de fabrique de Mikhail Yuryev qui, quelques mois plus tôt, en 2006, publiait Le troisième Empire : La Russie qui devrait être Yuryev était un homme d’affaires réputé dans les couloirs du Kremlin. Il assura même la vice-présidence de la Douma d’État. L’homme était aussi un proche de Vladimir Poutine, murmurait-on. D’une certaine manière, il était devenu L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, à la différence que ceux-ci étaient un ours et que le dompteur cherchait à guérir le

« Euromaïdan puis les élections de 2019 avaient donné naissance à une génération peut-être bien plus occidentalisée et éprise de libertés que d’autres avant elle. »

plantigrade d’un passé humilié de son propre fait. C’est là que Yuryev se mit à conter, jusqu’aux plus hautes marches du Kremlin, la fable dystopique d’une Ukraine insurrectionnelle et de sa population désireuse de se voir réunifiée avec la Russie pour mieux se détourner d’une intégration « forcée » à l’Union européenne et à un bloc atlantiste anti-Russe conduit par les États-Unis et la Pologne.

Journaliste et – furtivement – vice-ministre ukrainienne, Aleksandra Klitina fut la première à attirer mon attention sur cet ouvrage. « L’annexion de la Crimée et l’établissement des Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk en 2014, ce sont l’exacte retranscription du monde de Yuryev ! Et regarde, maintenant ce qui se passe ! Des leaders américains qui hésitent à répondre militairement, des missiles nucléaires réorientés vers eux et une flotte aérienne équipée de missiles de croisière prêts à être lancés à travers l’Europe ! On y viendra, tu verras. Depuis 2006, tout est écrit dans ce livre de chevet de Poutine ». Et si Yuryev, cinq ans après sa mort, en 2019, n’avait finalement pas laissé ce legs au fol espoir d’indépendance de la génération Z ukrainienne ? Celle qui, après la Révolution Orange portée en 2004 par ses aînés X ou Y, avait poussé davantage encore le curseur à l’hiver de ses 16 ans, à coup d’hashtag #Euromaïdan, contre un gouvernement jugé liberticide et corrompu, et qui, plutôt que de signer un accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne, s’était obstinée à lui en préférer un autre avec la Russie.

Les Z étaient encore ados, certes, pour certains plus jeunes encore, mais l’écho de leur mobilisation était difficile à ignorer. Euromaïdan puis les élections présidentielles de 2019, lors desquelles un grand nombre de leurs votes adultes s’est porté sur un Zelenski qui leur promettait de casser les codes d’antan, avaient donné naissance à une génération peutêtre bien plus occidentalisée et éprise de libertés que d’autres avant elle. S

Hauteurs de la rue Khreschatyk. En contrebas, un bus direction Maïdan.

« Ce monde, je ne le réalisais pas encore, serait celui des Z, de leur village planétaire, hérité de nos lectures de X. »

BIENVENUE EN ENFER !

Lorsque j’arrive à Cracovie, ce sont des hennissements et des meuglements qui m’accueillent sur quelques notes de guitare pour me soulager. Un WTF ! jusqu’à l’intime.

Passé les commodités qui jouxtent le carrousel à bagages, je m’engage vers la zone de dépose, passe le sas, observe un défilé de taxis dont les conductrices paraissent sortir d’un défilé Elite. Je remonte d’un étage, prends la passerelle qui mène à la navette aéroportuaire, achète un billet, m’engage dans le premier wagon, valide auprès d’une nuée de contrôleuses en tailleurs strictes, arrive après 30 mn de trajet à la gare Centrale de la ville. Je monte puis je descends les quelques étages qui me séparent du parvis du Mall Galeria, m’en extirpe sur son flanc ouest, prends la rue qui me fait face, passe le vieux marché Nowy Kleparz, m’y attarde quelques instants pour y prendre une inspiration postsoviétique, reprends mon chemin, le poursuit de quelques centaines de mètres à droite de la Świętego Filipa jusqu’au Tociekawa – Specialty Coffee du 37, rue Dluga. J’y commande un cappuccino, traverse sa petite salle, m’engouffre dans le jardin, me pose dans un transat et y retrouve ma fille, expatriée dans la ville des rois.

Elle, du haut de ses 21 ans, fait aussi partie de cette génération Z. Elle, aussi, s’interroge sur la possibilité d’échapper aux griffes de l’Ours rouge. Bien avant qu’elle ne naisse, beaucoup avaient tenté de briser son mur idéologique. Ce soir du 9 novembre 1989, j’étais encore adolescent, sans grande fascination encore pour la marche du monde. Mais je me souviens n’avoir pu décoller mes yeux du poste de télé familial, hypnotisé par l’improbabilité de l’instant, par la possible émergence d’un autre monde, espéré plus ouvert, plus libre. Ce monde, je ne le réalisais

Face à la sortie du métro Khreshchatyk, Azovstal marque son passage

pas encore, serait celui des Z, de leur village planétaire, hérité de nos lectures de X, nés entre 1965 et 1980. Lorsque l’inspiration « rurale » prit forme en 1967, à la publication du livre de Marshall McLuhan The Medium is the Massage : An Inventory of Effects, peu imaginaient l’importance que prendrait l’utopie.

MAIS QUE

CROYEZ-VOUS ?!

Deux ovulations et deux générations plus tard, la combinaison des frustrations historiques d’un ancien directeur du KGB et du génie mercantile de quelques geeks consacrerait l’entrée des Z dans le monde adulte. Maîtrise et partage de l’information se jouent désormais entre brouilleurs, drones, chaînes Telegram, applications partisanes ou paraboles Starlink. Face à eux, d’autres Z qui affichent leurs lettres blanches sur des chars T64 ou T72, venus pour « sauver » un peuple qui n’avait jamais demandé à l’être. « Mais que croyez-vous ?! Qu’ici des nazis oppriment des malheureux et crucifient des garçons en culotte ? Croyez-vous vraiment qu’ici les gens attendent des libérateurs ? Surtout à Kharkiv, Mariupol ou Odessa ? Personne ne les demande, personne ne les attend ! » s’enflammait alors Petro Obukhov, un jeune élu russophone d’Odessa et créateur de la plateforme Taxi Bond. « Nous sommes prêts à défendre chaque morceau de notre terre. Comme l’a dit Alexey Goncharenko – le président du conseil régional d’Odessa et membre de la délégation ukrainienne de l’Assemblée parlementaire du Conseil

« Cesse d’affabuler. Personne ne vous a attaqué. Ce n’est rien d’autre qu’une Opération Spéciale. Cette phrase maternelle, Olga se la repasse encore en boucle. »

connecté elle se doit de sauver les siens et d’organiser chaque étape de leur repli strasbourgeois.

MAIS.. MAIS... TU N’AS PAS PEUR POUR MOI ?!

de l’Europe – “Bienvenue en enfer” ! » Rencontré trois ans plus tôt à proximité de l’Hôtel Londonskaya situé sur les hauteurs de l’Escalier du Potemkin, le trentenaire n’avait de mots assez durs pour qualifier l’invasion à grande échelle du 24 février 2022. X, Y, Z : tous promettaient les flammes de l’enfer à ces autres Z.

Kseniia est originaire de Kharkiv. Je la reçois le lendemain au soir. Le teint blafard, elle craint pour sa mère et son jeune frère, retranchés dans les couloirs du métro de la ville pour échapper aux assauts russes. Sur son smartphone, elle se repasse en boucle les 10 000 Kadyrovtsy qui promettent de « libérer » l’Ukraine. Chacun a conscience de qui sont ces gens : des miliciens qui ont fait du meurtre et de la torture un art de vivre. En une nuit et la vingtaine à peine entamée, Kseniia le sait : au moyen d’un simple téléphone

À Odessa, Olga n’est pas de la génération Z, mais travaille avec eux. Sous sa coupe de cheveux qui rendrait presque hommage à Jeanne d’Arc ou Mireille Mathieu, cette journaliste rencontrée autour d’un café pris face à la mer Noire, peine à trouver ses mots lorsqu’elle appelle sa mère restée à Moscou : « Maman, Poutine nous a attaqués, il nous bombarde ! », lui ditelle apeurée, le 24 février. Quand elle n’eut pour seule réponse qu’un « Tu m’as réveillé en pleine nuit ! Tu m’as fait peur : j’ai cru que Moscou était bombardée ! », Olga est hébétée. « Mais.. mais... tu n’as pas peur pour moi ?! ».« C’est absurde, lui rétorque sèchement sa mère depuis sa bulle moscovite. Personne ne vous tire dessus ». Olga dit avoir honte, « honte d’admettre que ma propre mère, restée en Russie, ne se soucie même plus de moi ».

Dans la colocation de ma fille, Ivan et Danijel, deux de ses camarades monténégrins dont les parents ont vécu l’implosion de l’ex-Yougoslavie, ne sont guère étonnés de ces fracas familiaux et de l’effet des propagandes de toute sorte sur la nature humaine. À titre d’exemple, au coin de la Knez Mihailova, la principale rue commerçante de la voisine belgradoise pro-russe, y trône encore une large banderole sur laquelle l’on peut lire en lettres capitales : The only genocide in the Balkans was

Poutine. Même les colombes lui résistent.

against the Serbs». En français, « Le seul génocide dans les Balkans fut contre les Serbes »... « Cesse d’affabuler. Personne ne vous a attaqué. Ce n’est rien d’autre qu’une Opération Spéciale ». Cette phrase maternelle, Olga se la repasse encore en boucle, plus de deux ans après.

L’HUMOUR

NOIR,

C’EST

ÇA QUI NOUS AIDE À TENIR

Comme un très grand nombre d’Ukrainiens ayant de la famille en Russie, ce « délit d’affabulations », Maria et sa fille Arina, âgée de 18 ans, l’ont elles aussi connu. Au départ, elles se sont évertuées à expliquer, à envoyer des photos, des vidéos, des preuves pour montrer que la seule farce était le déni. Les liens d’enfance partagés, ce qui les avait unis avec ces autres membres familiaux s’étaient

« Tu as vu ? Mais que leur prend-il ?!
I can’t relax !!! »

Un temps exilé à Nice, Stepan, symbole des réseaux en Ukraine a lâché son cynisme pour la lutte armée.

comme évaporés en une nuit. Journalistes, blogueurs internationaux informaient en continu chacun à travers le monde, mais, côté russe, l’obstination à ne voir dans ces événements qu’une parodie du Truman show sonnait comme une double peine. Qu’espèrent-ils dans ces bouts de familles plus orientales et orientées ? Que Truman Burbank, ce personnage né au 1 an des Z, navigue sur son bateau jusqu’à percuter le ciel peint sur la paroi du dôme d’un gigantesque plateau télévisé et leur lance un « Au cas où on ne se reverrait pas d’ici là, je vous souhaite une bonne soirée et une excellente nuit »... ?

Avec une douce ironie, Maria m’avait dit un jour « l’humour noir, c’est ça qui nous aide à tenir », comme après ce jour de septembre 2023 où sa cousine, après avoir été jusqu’à lui demander de prendre soin de son fils quand son régiment viendrait

« libérer » Zaporizhzhia, lui avait envoyé un message paniqué. « Tu as vu ce qu’ont fait les Ukrainiens ?? Ils ont bombardé l’aérodrome militaire situé à proximité de la piscine de mon hôtel. Je suis venue ici pour mes vacances ! Mais que leur prend-il ?! I can’t relax !!! ». « Mais non, ne t’en fais pas », lui a répondu Maria. « Pourquoi nous ferions vous-ça ? À la rigueur, si nous étions en guerre ou si vous aviez annexé la Crimée, je pourrais comprendre, mais là... Non, rassure-toi, profite de tes vacances ». C’est à ce moment-là, sans doute, qu’est né entre Maria et sa fille, l’expression « journée Popcorn ». Regarder les Russes, même originellement membres de leur propre famille, goûter à la simple terreur qu’ils faisaient vivre à leurs « frères » ukrainiens, sans leur témoigner la moindre marque de compassion, avait quelque chose d’incomparablement savoureux. S

À bientôt 18 ans, Pour les hommes, l’heure des choix.

MOON PALA.Z

Maria, je la retrouve le lendemain dans la file du train Przemisl-Kyiv après une nuit et deux bus Too fast Too furious. Je m’étais préparé à affronter les coupures d’électricité, des frappes de Shahed, mais un remake polonais du film Speed avec Keanu Reeves et Dennis Hopper, non.

Ça va ?, s’enquiert Maria. « Si on considère que je viens déjà d’échapper au destin funeste de Paul Walker, oui ». Maria sourit, mais me conseille d’éviter l’humour avec les contrôleurs militaires : « pas leur truc... », me souffle-t-elle. Vu de mon siège, la patrouille canine, en quête d’éventuels saboteurs, déserteurs ou autres trafiquants, ressemble en effet bien plus à une équipe de cyborgs qu’à la troupe du Marrakech du rire. Face à nous, une mère et son Z de fils nous expliquent à mi-chemin de nos 10 à 12 heures de trajet, qu’ils descendent au prochain arrêt, dans leur ville « d’avantguerre ». Plus de deux ans qu’ils n’y avaient mis les pieds... 22h30, Kyiv-Pasazhyrskyi. Du quai au parvis, rien n’a changé depuis mon dernier séjour. Maria commande un taxi, direction métro Pecherska. Détour par le supermarché du coin, ouvert jusqu’à la limite du couvre-feu, découverte de l’appart, répartition des chambres, crash nocturne sur le canap’ à peine déployé.

À peine levé, les alertes aériennes se succèdent. Très appliqué, j’exécute à la lettre les moindres consignes de sécurité

« Nous pouvons gagner cette guerre, guérir les maladies, mais nous ne pouvons pas maintenir la nation unie si les gens n’ont pas le désir de rester dans ce pays. »

que Maria me demande de suivre, les yeux rivés sur son smartphone qui lui indique en direct la trajectoire d’éventuels missiles. À la quatrième alerte, mon attention se porte sur le calme olympien des pigeons qui font face à la cuisine. Les cyber Z et les Geeks Y ont sacrément bossé. Jusqu’à ces charmants volatiles, chacun semble savoir où, quand, comment une alerte est susceptible de contrarier ses plans de vie. Seuls les contrôles nocturnes de vitesse nous laissent perplexes. « À quoi bon après le couvre-feu de minuit ? », je demande à Maria. Amusée, elle répond par un « sans doute pour éviter que les conducteurs ne fuient trop vite la ville ». Mémo pour le futur : recaser cette phrase dans l’un des trois Comedy clubs de la rue Zolotovoritska.

CASHBACK NUCLÉAIRE ET ONLYFANS

Interviewé en juillet 2022 par le Toronto Post, Anton Tymoshenko est l’un des maîtres de cet humour absurde dont se délectent les jeunes générations de Kyiv : « En 1996, l’Ukraine a cédé toutes ses armes nucléaires à la Russie », expliquait-il à son intervieweur. « Aujourd’hui, celle-ci menace d’utiliser des armes nucléaires contre nous. Pour autant que je sache, c’est le premier “cashback nucléaire” de l’histoire ! ». Presque Z, Alina Kachura, qui a relancé le StandUp English Open Mic, et Kate Mamai, sa maîtresse de cérémonie du soir, m’expliquent que le rire « a, depuis la guerre, un effet thérapeutique pour de nombreuses personnes ». « Au moins tant qu’il y aura des Russes », ironisent-elles. Dans les clubs en langue ukrainienne, le concept fait fureur, jusqu’aux Z qui n’hésitent pas à participer financièrement aux collectes pour l’armée, un pourcentage de la caisse du soir étant souvent reversé à ses soldats en poste sur la ligne de front. Fun fact, dans un autre registre, même des égéries Z de la plateforme OnlyFans, comme la vingtenaire Anna Malygon, aujourd’hui résidente à L.A., disent consacrer une part

À la Kyiv National Economic University, de gauche à droite Arina, Yevheniya, Vlada et Slava.

de leurs émoluments à l’achat de drones ou de systèmes Starlink pour ceux qui se battent à Kharkiv, sa ville natale.

CHAMPS DE VIES SUR MAÏDAN

Cet avenir guerrier fait néanmoins hésiter nombre jeunes de 17 ans, dont ces deux lycéens, rencontrés à l’Aroma Kava de la rue Petra Sahaidachnoho. Tous deux savent qu’il ne leur reste que quelques mois avant de pouvoir encore rejoindre l’Ouest européen. À défaut, la majorité atteinte, ils se retrouveront piégés dans les limites territoriales de leur État. Pis, leurs envies de rêve européen ou américain pourraient se retrouver égrainées au milieu d’un champ de vies sur Maïdan, hommage aux soldats tombés pour la patrie. Dans l’attente de suivre les conseils de leurs parents désireux de les voir vivre, tous deux se sont employés à mener un autre combat, symbolique et politique : remplacer chaque jour leur pratique quotidienne du russe par celle de l’ukrainien.

Partir est un sentiment assez courant chez les Z, dont les femmes, m’explique Serhyi Baksheev, un gynécologue de la banlieue de Kyiv. Stress chronique, stress immédiat, cycles menstruels déréglés, gestion du handicap ou des troubles psychologiques émergents participent de cette décision. Mais « la corruption arrive en tête des motivations » des Z, poursuit-il. « Comment voulez-vous que des jeunes combattent seuls cet ennemi de l’intérieur ? Nous pouvons gagner cette guerre, guérir les maladies, mais si les dysfonctionnements de notre société leur enlèvent toute envie de rester, comment voulez-vous maintenir la nation unie ? »

MON GRAND FRÈRE EST MORT. NON, ASSASSINÉ EN PRISON

Cette urgence de changement, Arina et trois de ses amies entendent pourtant bien y contribuer. Toutes sont étudiantes à l’Institut de droit de la Kyiv National Economic University. Toutes ont entre 17 et

Serhyi Baksheev : père d’une fille de 18 ans, exilée à Édimbourg, il sait qu’elle ne reviendra pas.

19 ans. Arina vient de Zaporizhzhia ; Slava, de Drabiv, dans la région de Cherkassy comme le père de Yevheniya, née à Kyiv, mais dont la mère vient de Polonne, dans l’ouest du pays. Vlada, elle, est arrivée de Yenakieve, à proximité de Donetsk. Le jeu que je leur propose est simple : sur un carnet, j’ai numéroté une quinzaine de mots. Un chiffre, un mot. « Guerre », « culture », « corruption », « Europe », les premiers sont lâchés. Yevheniya débute l’exercice sur le premier : « Mon grand frère est mort. Non, assassiné en prison par les Russes, après avoir été torturé », se corrige-t-elle. « Nous étions sans retour de lui pendant 4 ans. Le choc a été violent ». « Deux de mes oncles, aussi, ont été tués, le dernier en janvier. C’est très dur, pour moi », fond-elle en larmes. Déjà, l’armée impériale avait par le passé exécuté la femme et le fils de son arrière-grand-père, un Cosaque, pour le forcer à rejoindre les bataillons du Tsar. « C’est sans fin : depuis des générations, les Russes nous exécutent, détruisent notre culture, tuent notre avenir ».

AUJOURD’HUI,

LE

SEXE

C’EST OK EN UKRAINE !

La haine, tenace, durable, au-delà des mots, c’est le sentiment qui les domine.

« Chez les Z, les liens avec les Russes se sont cassés pour les 200 à 300 prochaines années. »

Serhyi m’avait prévenu : « Chez les Z, les liens avec les Russes se sont cassés pour les 200 à 300 prochaines années ». Les artistes musicaux, même opposés à Poutine, n’y font pas exception : « La musique n’est pas apolitique. Elle ne l’a jamais été », complètent Slava et Vlada. « De quelle mémoire, de quel travail sur celle-ci naît une nation ? », s’interrogeait Andrii Palatnyi, la vieille de mon départ. Acteur, scénographe, producteur, ce trentenaire qui collabore aussi avec les Dakh Daughters, est un des piliers du film d’animation Mariupol. A Hundred Nights. Témoignage et partage

Mariupol. A Hundred nights. Pour ne jamais oublier. Andrii Palatnyi, co-scénariste de Mariupol. A Hundred nights.

pourraient être deux incontournables de son questionnement. Reconstruire pourrait aussi passer par là, pour lutter efficacement contre la « corruption qui gangrène notre pays depuis trop longtemps », reprend Yevheniya. « Se hisser au niveau des critères européens sera l’un des objectifs de notre génération », complète Arina. « L’égalité des genres », aussi, poursuit-elle. « Il est grand temps de sortir des stéréotypes. Mais les choses progressent rapidement ! » Jusqu’aux relations non maritales où, pour Slava, là aussi, « cela a évolué autour de moi, depuis une dizaine d’années ». Et de conclure dans un éclat de rire communicatif chez les filles « aujourd’hui, le sexe, c’est OK en Ukraine ! »

Difficile d’affirmer ce que deviendront ces Z qui se cherchent une place entre gravité de leurs parcours de vie et légèreté de leurs espoirs. Mais un mot est souvent revenu au cours de cette semaine : unbreakable . Comme si rien ne pourrait faire plier ce pays. Encore moins l’Ours russe. Le regard perdu au-delà de la grande vitre de mon train retour, je repense à cette phrase de Paul Auster, tirée de Moon Palace : « Une fois qu’on a goûté au futur, on ne peut pas revenir en arrière ». S

Peut-on pallier le problème au local ? Pénurie de médicaments

La pénurie de médicaments est devenue une préoccupation majeure en France, affectant à la fois les patients et les professionnels de la santé. Les signalements de ruptures de stock explosent. Ce problème pousse le gouvernement à élaborer un plan d’action, afin de juguler ces pénuries. Avant que les effets ne se fassent sentir, peut-on pallier localement ces manques ? Tour du sujet.

Une des principales causes de la pénurie de médicaments en France est la forte dépendance aux importations, notamment en provenance d’Asie. Environ 60 à 80 % des principes actifs des médicaments sont fabriqués en Inde et en Chine. Cette concentration de la production expose la chaîne d’approvisionnement à des risques élevés de perturbations, comme l’a montré la pandémie de Covid19. Le retard accumulé par la France dans le domaine industriel est également un facteur clé.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pointe également des origines multifactorielles aux pénuries. Comme l’explique Céline Kauv, directrice des affaires pharmaceutiques du LEEM, l’organisation professionnelle qui représente les entreprises du médicament : « Les causes des pénuries sont multiples : augmentation du volume de vente, pics épidémiques, problèmes d’approvisionnement, notamment en verre pendant la guerre en Ukraine, problèmes de qualité (bien que représentant moins de 5 %), ainsi que des problèmes réglementaires et de transport ». Céline Kauv ajoute : « Il y a deux ans nous avons

rencontré des problèmes de capacité de production. L’an dernier, le problème s’est déplacé, c’était une répartition inégale sur le territoire qui a perturbé la chaîne de distribution. Le ministère a alors réuni les acteurs pour signer une charte pour un accès équitable des patients aux médicaments, mais cela a seulement déplacé le problème. Depuis 2021, il y a une réglementation obligeant à déclarer les ruptures de stock. Les tensions peuvent également être causées par des décalages de livraison et des problèmes de production, qui peuvent être longs selon la méthode de fabrication du médicament ».

PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET PATIENTS SUR LE FIL

Les conséquences des pénuries de médicaments laissent patients et professionnels de santé sur le carreau. En 2023, des médicaments essentiels comme l’amoxicilline sous forme pédiatrique, des antidiabétiques comme l’Ozempic ou le Trulicity, et même le paracétamol ont été en rupture de stock. Cette situation génère du stress, des retards dans les traitements

et, parfois, une détérioration de l’état de santé des patients.

Pour les pharmaciens, les pénuries signifient des dizaines d’heures perdues chaque semaine à essayer de se procurer les médicaments nécessaires. Ils doivent également contacter les médecins pour trouver des alternatives de traitement et gérer l’anxiété des patients. Cette surcharge de travail peut aussi affecter la qualité des soins dispensés. Une gérante d’officine à Strasbourg confie : « Forcément, les choses se tendent avec les patients. Avant, nous avions des préparateurs en pharmacie, nous pouvions ponctuellement pallier certaines quantités de médicaments “simples” comme le paracétamol. Aujourd’hui, avec le rythme de travail, les gestes en plus que nous devons effectuer (vaccinations, test PCR etc.) et la gestion alourdie des stocks ce n’est plus possible ou alors extrêmement ponctuellement ».

Pendant la crise sanitaire due à la COVID-19, quelques pharmacies alsaciennes possédant leurs propres laboratoires, avaient pu sauver la mise aux parents en détresse face aux fièvres infantiles en fabriquant du paracétamol

« Historiquement, à Strasbourg, le Laboratoire de la Pharmacie de l’Homme de Fer était connu pour sa production de paracétamol. »

Le 30 mai 2024, pharmaciens et étudiants en pharmacie se sont rassemblés pour protester contre, entre autres choses, la pénurie de médicaments, qui pénalise leurs patients.

liquide adapté. « Mais il faut compter le temps de production ! et le problème que nous avons avec ces pénuries c’est qu’il ne s’agit pas seulement de médicaments fabricables dans des laboratoires locaux. » Historiquement, à Strasbourg, le Laboratoire de la Pharmacie de l’Homme de Fer était connu pour sa production de paracétamol. Durant la dernière crise sanitaire, Alain Boetsch, pharmacien à Strasbourg et président du syndicat des pharmaciens du Bas-Rhin déclarait à nos confrères de France 3 (en 2022) : « C’est extrêmement compliqué depuis plus de deux mois parce que nous manquons aussi bien de paracétamol que d’antibiotiques pour les petits. Selon le poids de l’enfant, on arrive à trouver des solutions en diluant et en expliquant aux parents. Mais toutes les formes manquent, le suppositoire, le sachet, tous les dosages enfants. C’est pire pour les antibiotiques, il ne nous reste qu’une ou deux familles ou nous avons encore du stock mais pour les essentiels, l’amoxicilline ou l’Augmentin, on n’a plus

« Le gouvernement

nous encourage à nous tourner vers une délivrance à l’unité. Seul problème : les conditionnements eux, ne changent pas... »

rien ». Deux autres établissements locaux avaient pu produire et fournir la précieuse molécule durant cette période. Les pénuries créent aussi des disparités régionales. Par exemple, il est souvent plus difficile de se procurer des antigrippaux à Marseille qu’en région parisienne ou en Alsace en raison de circuits d’approvisionnement différents.

SOLUTIONS

D’OFFICINES…

« Au niveau du patient, outre-Rhin, il y a parfois des possibilités de se fournir », renseigne une pharmacienne de Kehl. Attention toutefois au coût ! Il faut avancer les frais et transmettre une demande de remboursement à votre caisse de sécurité sociale. La plupart des pharmacies strasbourgeoises communiquent entre elles leurs stocks. Au centre-ville, il n’y a d’ailleurs qu’une exception au tableau. Aussi, il vous sera possible d’avoir des indications de votre pharmacien pour compléter votre ordonnance.

« Le gouvernement nous encourage à nous tourner vers une délivrance à l’unité. Seul problème : les conditionnements eux, ne changent pas. Ce qui veut dire qu’en plus de notre travail actuel, nous devrions ajouter des heures de déconditionnement des boites… », soupire une autre gérante d’officine bas-rhinoise.

D’ailleurs, les pharmaciens en ont assez. Rare et notable, une grève des

officines a eu lieu le 30 mai 2024. Pierre Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), a déclaré : « Selon une étude que nous avons commandée, les pharmaciens passent à présent en moyenne douze heures par semaine à s’occuper des pénuries, entre les recherches de boîtes, les appels aux laboratoires, aux grossistes, aux confrères… Un tiers-temps de gâché ». L’intersyndicale des pharmaciens, incluant des étudiants en pharmacie, a organisé une journée de mobilisation nationale pour dénoncer la dégradation des conditions économiques des officines, exacerbée par les pénuries de médicaments. « La profession veut mettre la pression sur le gouvernement, alors que doivent prochainement s’ouvrir des négociations sur les conditions d’exercice et de rémunération du réseau », explique un étudiant en pharmacie strasbourgeois.

Le gouvernement, justement, comme les syndicats de professionnels de santé rappellent également que la consommation excessive et sans ordonnance de médicaments (automédication) participe au problème actuel. Et ce, en plus d’être délétère pour la santé des patients.

… EN ATTENDANT UNE RÉPONSE NATIONALE

Pour répondre à cette crise, le gouvernement français a présenté en février 2024 une feuille de route

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pour 2024-2027. Ce plan vise à accroître la production nationale de médicaments, notamment en relocalisant la fabrication de 450 « médicaments essentiels ». Des nouvelles lignes de fabrication devraient être annoncées dans les prochains mois. Le ministre de l’Industrie, Roland Lescure, a souligné l’importance de relocaliser la production et d’éviter les départs d’industriels. D’ailleurs deux usines de production vont voir le jour en 2025 : une à Toulouse et une à Lyon. En effet, Ipsophène souhaite désormais produire du paracétamol « 100 % français », à Toulouse. Jean Boher, PDG de l’entreprise, a affirmé à nos confrères de La Dépêche qu’il « n’y avait aucun retard par rapport au calendrier initial ». Rendez-vous donc au second semestre 2025, où les premières molécules de paracétamol devraient sortir de l’usine. Pour les commercialiser, il faudra toutefois attendre la validation du certificat européen de pharmacopée (CEP) qui dépend de la montée en charge de la production. Dans le Rhône, pour répondre aux besoins, Benta Lyon a obtenu, en avril 2024, l’autorisation de mise sur le marché de son anti-douleur de 500 mg. De premières avancées saluées par deux entreprises pharmaceutiques d’Alsace, dont une a répondu plus en avant à nos sollicitations : « Nous espérons que cette dynamique s’applique à une

réindustrialisation plus intense de nos territoires. L’industrie pharmaceutique est jugée sale, polluante et dangereuse, donc nous avions relégué les productions à l’autre bout du monde. Évidemment il y avait aussi une question de coûts ! Mais l’idéal pour la santé publique est d’avoir une production nationale suffisante pour les médicaments de base, et pourquoi pas rêver à une relocalisation de la production d’antibiotiques ! »

Le gouvernement entend améliorer la transparence de la chaîne d’approvisionnement grâce à l’outil DP-Rupture (Distribution Pharmaceutique Rupture), mis en place par l’Ordre national des pharmaciens. Cet outil permettra un suivi plus précis des stocks et des ruptures de médicaments. De plus, un tableau d’équivalence des médicaments devrait aider les médecins et les pharmaciens à trouver des alternatives plus rapidement. Face aux pénuries d’antibiotiques pédiatriques, l’ANSM a instauré de nouvelles règles pour prévenir les ruptures pendant l’hiver prochain. Les pharmacies doivent désormais se procurer ces médicaments auprès des grossistes répartiteurs, assurant ainsi une répartition équitable des stocks. Ces mesures seront réévaluées à l’automne pour s’assurer que les pharmacies disposent des quantités nécessaires de médicaments. S

Avignon 2024

Ouf !

Et encore Ouf !

Depuis toujours, le festival

Off d’Avignon constitue le baromètre idéal pour sonder le monde de la culture, du moins en ce qui concerne ce que l’on appelle le « spectacle vivant ». Cette année encore, au cours du Off, près de 1 600 spectacles ont été proposés au grand public et aux programmateurs comme toujours venus de la France entière. Mais c’est l’actualité politique, chaude comme de la braise, qui est venue agiter les tréteaux du Off, du moins lors de ses deux premières semaines…

Le Off c’est ouf ! C’est ce que l’on a l’habitude de commenter quand on parle du festival d’Avignon. C’est ouf avant tout par la démesure affichée : l’indispensable catalogue dans lequel sont chroniqués exhaustivement les 1666 spectacles de l’édition 2024 comporte près de 500 pages et dépasse le kilo dans la besace du festivalier !

Derrière ce gigantisme affiché se cache cependant une réalité moins exubérante. S’il n’existe aucun outil pour mesurer la « pérennité » des compagnies théâtrales durant et après le festival, elles ne sont pas rares, celles ayant investi avec enthousiasme et espérance sur leur participation au Off et qui, faute de spectateurs et surtout de programmateurs dans les rangs du public, auront été contraintes de quitter le festival avant son terme. Et pourtant, ces artistes et techniciens se seront battus sans répit pour attirer un maximum de spectateurs et professionnels dans leur théâtre. Leur chemin de croix quotidien aura été impressionnant. Dès 8h à 9h du matin, il s’agit en effet de renouveler les affichages sur les lieux dédiés (officiels ou carrément « sauvages »), combat impitoyable perdu chaque jour puisque la féroce concurrence recouvre systématiquement les affiches déjà accrochées. Il s’agit donc d’être

systématiquement sur place au moins deux fois chaque jour pour se donner un vague espoir d’être vu, même partiellement.

Autre moyen d’autopromotion : les parades en ville. Cela va du solitaire trimballant sur son dos un chevalet avec l’affiche du spectacle bien en vue au dessus de sa tête et dans les mains, un stock de flyers distribués à qui mieux mieux jusqu’à l’intégralité de la troupe (comédiens et techniciens) à grand renfort de musique et de déguisements tape-à-l’œil qui cherche à convaincre les passants de venir voir ce spectacle (forcément « le plus génial du Off »). Et tout ça, jusqu’à deux heures avant le lever de rideau, précédé du montage des décors, des éclairages et de la sonorisation en un temps forcément record dès la fin du spectacle précédent. Puis, après les ultimes bravos, la même précipitation pour le démontage avec l’impératif de tenir les délais horaires puisque la troupe suivante attend que le plateau soit de nouveau vierge de toute trace de décor pour monter le sien. Et ainsi de suite…

Rien ne change…

Ainsi va le quotidien des troupes participant au Off. Et pour celles qui sont

obligées de quitter précipitamment le festival, c’est bien souvent la double peine. Leur créneau au théâtre a en effet été loué pour la durée totale du Off et il leur a été exigé bien sûr, de régler la totalité de la location avant la première date… Parlons-en d’ailleurs de ces théâtres. Lors de l’édition 2023, 141 lieux de programmation, représentant 250 salles, avaient accueilli les troupes. Si le nombre des lieux et salles 2024 n’avait toujours pas officiellement été communiqué à la date du bouclage de notre magazine (le 11 août dernier – ndlr ), on en connaît bien les caractéristiques…

Évidemment, Avignon n’abrite pas 250 salles de théâtre permanentes durant toute l’année. Malgré tout, une grande majorité sont des lieux tout à fait conformes aux standards des théâtres modernes. Il existe aussi nombre de minithéâtres qui n’ouvrent leurs portes que durant la durée du festival. Et parmi eux, nombre de lieux de bric et de broc avec un plateau scénique rudimentaire, des équipements techniques minimalistes et un accueil du public souvent scandaleusement sous-dimensionné : allez donc faire cette expérience de poser vos fesses sur un gradin sans confort et de passer une heure sans climatisation alors qu’il fait 40° à l’ombre à l’extérieur (la remarque vaut bien sûr aussi pour les conditions de travail des comédiens et techniciens).

Avignon, c’est aussi cette réalité-là : les habituels dépôts de toutes sortes réagencés à la hâte en théâtres côtoient les lieux les plus confortables et techniquement avancés qui accueillent leurs spectateurs dans des conditions idéales. Chaque année, les organisateurs dressent leur bilan dès la fin du festival. En commentaires, ils disent vouloir lutter contre les effets délétères du gigantisme qui s’est emparé de l’événement n° 1 du spectacle vivant national. Et dès l’ouverture de la saison suivante apparaît nettement la réalité brute : rien ne change… À la mi-juillet, les organisateurs du Off ont annoncé la mise en place d’un label de qualité, fondé sur une « multitude de critères d’accueil ».

Le moins que l’on puisse dire est que cette annonce a laissé sceptiques nombre de compagnies et de participants. À suivre…

En marge des conditions d’organisation de l’événement, un autre « Ouf » unanime a été entendu au soir du 7 juillet dernier quand il est apparu que le Rassemblement National ne pourrait en aucune façon bénéficier d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Les jours précédents, nous avions été témoins de l’avis unanime des acteurs culturels présents, bien conscients que la Culture serait une cible prioritaire et tous quasi terrorisés de la probable remise en cause de leur statut d’intermittent du spectacle, le cœur de leurs revenus.

Au lendemain de la surprise des résultats du second tour des Législatives, le sourire était revenu sur les visages profondément inquiets lors des jours précédents. Mais chacun avait bien conscience que le coup était passé bien près…

Et la Région Grand

Est ?

Nous avions décrit cette espèce de douche froide survenue il y a un an quand on avait appris l’abrupte fin de la présence des compagnies du Grand Est au sein de la Caserne des Pompiers (lire Or Norme n° 50 de septembre 2023), ce lieu municipal ayant été investi depuis par une grande école de théâtre parisienne. À l’époque, Martine Lizola, vice-présidente de la Région et présidente de la Commission Culture nous avait indiqué que la Région souhaitait conserver le principe si prolifique d’un lieu unique et se donnait deux ans pour en retrouver un, précisant même que des agents immobiliers spécialisés avaient déjà été mandatés.

Fort logiquement donc, cette saison, les troupes théâtrales sélectionnées ont été réparties dans plusieurs lieux autour des trois salles de Présence Pasteur, un lieu bien connu du centre d’Avignon (jauges de 198, 84 et 45 places). Rencontrée début juin dernier lors de la conférence de presse annuelle dédiée à la présence du Grand Est à Avignon, Martine Lizola est restée assez vague sur ce sujet si sensible. Sur le terrain, lors du dernier festival Off, nous avons entendu l’inquiétude unanime des acteurs culturels, toujours sans réponse quant au retour d’un

lieu unique mutualisé, comme le passé, depuis tant d’années, avait prouvé l’importance… Peut-être parviendrons-nous à avoir un début de réponse : le président de la Région Grand Est, Franck Leroy, a accepté de nous recevoir pour une interview sur ces questions, début octobre prochain. Ses propos paraîtront dans notre numéro n° 55, début décembre.

À suivre, donc… c

« Derrière ce gigantisme affiché se cache cependant une réalité moins exubérante. »

Un pas de chat sauvage

La metteuse en scène Blandine Savetier, ex-artiste associée du TNS alors dirigé par Stanislas Nordey, a adapté pour le théâtre le très beau texte original de l’auteure Marie NDiaye. Et s’est assurée de la présence sur le plateau de deux comédiennes d’exception, l’ex-cantatrice Natalie Dessay et l’époustouflante Anne-Laure Segla. Un formidable spectacle en résonance directe avec notre monde contemporain…

La mise en scène avignonnaise surprend d’entrée les spectateurs : à leur arrivée dans la salle, Natalie Dessay est déjà à l’avant-scène, assise sur une chaise, impassible durant tout le temps que nécessitera l’installation du public. « Il arrive souvent que certains me reconnaissent et en me frôlant pour gagner leurs places, ils me glissent à voix basse : “On a tellement aimé ce que vous avez chanté, alors on est là” », nous avouera-t-elle à l’issue de la représentation.

Plus tard, dans une pénombre savamment fabriquée, une femme à la souplesse incroyablement féline surgira du corps même d’un piano à queue, donnant le top départ d’un spectacle d’un onirisme haletant de bout en bout. C’est, de nos jours, une universitaire un rien rigide et coincée (elle est jouée par Natalie Dessay) qui a décidé d’écrire un roman sur Maria Martinez, une cantatrice d’origine cubaine du XIXe siècle que le public parisien de l’époque surnomma la « Malibran noire » et qui la gratifia d’une éphémère célébrité avant que le « Tout-Paris qui compte » ne lui manifeste un racisme sordide au point qu’elle disparut vite des scènes de la capitale, se mariant en Espagne avec un aristocrate et révolutionnaire fortuné aux côtés duquel elle acheva sa vie au Portugal. L’universitaire est contactée par une mystérieuse chanteuse noire, Marie Sachs (Anne-Laure Segla) qui se conçoit comme une réincarnation de Maria Martinez. Entre l’universitaire en mal d’inspiration et l’artiste d’un fantasque absolu va alors se nouer une relation où la fascination et le rejet vont se mêler sans cesse…

À l’issue d’une représentation devant une salle comble Blandine Savetier et Natalie Dessay nous ont rejoints dans le patio intérieur du Théâtre des Halles. Toutes deux étaient à l’évidence presque exubérantes : « On était à un très bon niveau aujourd’hui et la salle était bien pleine » s’exclame Blandine. Et Natalie surenchérit : « Et puis, le temps est orageux, j’adore ça, je me sens électrique quand l’orage menace… »

L’ex-cantatrice poursuit : « Marie NDiaye a découvert Maria Martinez lors de l’exposition du Modèle Noir en 2019 au Musée d’Orsay. Dans un coin, il y avait les deux portraits de la cantatrice, tout est parti de là. Moi-même qui suis chanteuse d’opéra,

La fascinante Anne-Laure Segla

je n’avais jamais entendu parler d’elle… »

« Tout ce que nous racontons sur elle est vrai » abonde Blandine. « Même la relation avec Théophile Gauthier, jusqu’à Baudelaire qui a écrit sur elle des lettres d’un racisme évident et d’une condescendance avérée. »

« Dans le spectacle, toutes les critiques qu’on entend sont de réelles critiques écrites à l’époque de l’arrivée de Maria Martinez sur les scènes parisiennes. Dans l’entre-soi du Tout-Paris de l’époque, le mot “macaque” circulait souvent » précise Natalie. Avant d’enchaîner sur son parcours de comédienne aux côtés des œuvres de Marie NDiaye puisque c’est la deuxième fois que leurs chemins sur scène se croisent : « Ce fut d’abord Hilda, une vraie pièce de théâtre puisqu’Un pas de chat sauvage est une adaptation d’une nouvelle. J’ai été comédienne de formation et, durant ma carrière de cantatrice, j’ai été assez réputée pour avoir toujours privilégié l’incarnation de mes rôles, ce qui ravissait bien sûr les metteurs en scène. Comme on le sait, j’ai arrêté l’opéra il y a onze ans, mais j’ai continué à chanter, beaucoup de récitals : je chante Nougaro, Michel Legrand, je chante la comédie musicale américaine – j’en aurai deux à mon programme en 2025 – et bien sûr, je fais beaucoup de théâtre, j’en suis à ma septième ou huitième production, je ne sais plus et ce sont beaucoup de choses très diverses, du théâtre de performances, du classique, du contemporain avec, à chaque fois, un point commun très important : des textes qui m’inspirent… Quand Blandine m’a fait lire cette nouvelle de Marie NDiaye, j’ai réagi avec un “Waooh ! C’est compliqué, mais qu’est-ce que c’est beau !” »

Blandine surenchérit : « La nouvelle d’origine était comme un matériau, il a fallu vraiment l’adapter jusqu’à la rendre parfaitement théâtrale. Rien pour autant n’a été définitif : au fur et à mesure des répétitions, on a coupé, adapté… Le texte s’est ciselé à l’usage. Lors de sa création au TnS au printemps dernier, j’ai senti que la longueur du monologue pourrait finir par nous faire perdre du public, notamment chez les jeunes. Là, je crois qu’on est parvenu à quelque chose de très équilibré. Pour nous, aujourd’hui, c’était un excellent test : la salle était comble et j’ai senti une formidable attention qui n’a jamais faibli. On a affaire à une langue

sophistiquée et tout l’art est de faire comme si elle ne l’était pas. La difficulté est de ne pas plonger dans le pathos et c’est sans parler de la précision diabolique de cette langue : comment tu fais quand il y a quinze mille adjectifs pour que chacun d’entre eux soit réellement vivant et incarné ? »

« Souveraine, sarcastique, vengeresse et âpre, hors d’atteinte de tout mépris… » surjoue opportunément Natalie qui boit les paroles de sa metteuse en scène…

Les deux réunissent leurs voix pour souligner l’incroyable révélation que constitue la comédienne Anne-Laure Segla qui joue le personnage de Marie Sachs. Sur scène, elle chante, elle danse, elle joue, elle incarne, avec une présence et un charisme qui laissent pantois, croyez-nous sur parole.

« Il faut savoir que c’est son premier spectacle professionnel » révèle Blandine Savetier. « Sa spécialité jusqu’alors était le comédie musicale, mais elle n’avait jamais joué dans la moindre production professionnelle. J’ai fait sa connaissance grâce à la fille de Natalie parce qu’elles bossaient toutes les deux chez Disney, à Marnela-Vallée. Elle bossait chez Disney pour gagner sa vie ! Un pas de chat sauvage est

son premier vrai spectacle… » s’enthousiasme Blandine.

Sur scène, Anne-Laure Segla est littéralement animale et dégage un incroyable érotisme qui, d’ailleurs, fascine l’universitaire et narratrice au point de finir de fêler sa carapace si soigneusement entretenue jusque là. « Son jeu a fini par m’inspirer considérablement » reconnaît Natalie Dessay.

Pour finir de tresser des lauriers à cette formidable pépite découverte à Avignon, il ne faut pas oublier Greg Duret, l’auteur des musiques et qui les joue en live sur le plateau. Encouragée par Blandine Savetier, il part à un certain moment dans un délire hors-norme particulièrement remarquable. « J’avais envie qu’il y ait de la musique » précise Blandine « car dans le texte original de Marie NDiaye, on n’a aucun indice sur la musique. J’ai vraiment incité Greg à s’éclater en signant toutes les musiques. Il a été très irrévérencieux, dans le bon sens du terme… »

Oui, Un pas de chat sauvage est une réelle pépite, prête à entamer les dates sur tous les tréteaux de France. Amoureusement poli au fil du temps, devenu encore plus chatoyant et désirable, on n’attend plus que le retour du diamant à Strasbourg, en majesté… c

Blandine Savetier (à gauche) et Natalie Dessay

Bougrr ! Voleurs de chansons

Tout en noir ce sont deux voleurs de chansons en plein braquage. Et une fois de plus, ils ne repartiront pas les mains vides. Autant le dire tout de suite, Lionel Grob et Guillaume Schleer sont parfaits sur scène, formant un duo qui atteint diablement bien son objectif. Leur premier passage à Avignon avait été très remarqué, cette édition 2024 devrait les installer assez haut dans la hiérarchie très compétitive des spectacles musicaux jeune public…

Nous avons suivi le spectacle parmi une trentaine de mômes âgés de cinq et dix ans, que leurs parents avaient soigneusement installés aux premiers rangs, eux-mêmes s’étant sagement concentrés sur les sièges les plus hauts, juste pour conserver un œil sur leurs rejetons. Il y a un signe qui ne trompe pas avec ce type de public : les mômes sont toujours prêts à participer à fond à un spectacle, mais si, que ce soit mérité ou non, le rythme ou le scénario faiblissent un poil durablement, ils décrochent vite et se désintéressent encore plus vite de la suite des choses. Ça se met alors à bavarder ou à ricaner voire même à se chamailler…

Durant les 45 minutes du spectacle sur la scène du Totem d’Avignon, les jeunes spectateurs n’ont pas décroché durant la moindre seconde. Généralement ça rigolait volontiers, ça s’agitait au rythme des musiques, bref ce Bougrr ! emballant a réussi son pari. Et ce n’était pas gagné d’avance.

Rencontre avec Lionel Grob, auteur et metteur en scène de ce petit bijou de spectacle musical…

Une question tout d’abord sur le bilan des tout premiers jours de la vie de Bougrr ! au sein du festival Off…

Lionel Grob : Côté public, globalement, il a répondu à nos espérances. Tout va changer avec les vacances scolaires qui sont là, les mômes vont nous rejoindre en nombre, on a d’ailleurs commencé à s’en apercevoir avec la séance de ce lundi matin. Mais les retours des professionnels programmateurs qui sont venus ont été excellents et c’est le plus important, car nous sommes avant tout là pour remplir notre carnet de commandes de spectacles…

Il y a donc la cible première, les enfants, mais tu n’oublies cependant pas leurs parents…

C’est cela. Il arrive parfois que ce soient les adultes qui rigolent le plus. Nos vannes sont à double usage, parents et enfants, mais les chansons sont clairement orientées vers le jeune public. C’est sciemment,

Lionel Grob (à droite) et Guillaume Schleer

car il faut savoir qu’elles ont été écrites par des enfants, lors d’ateliers que j’ai animés. Concrètement, j’ai débuté via ce que l’on appelle l’action culturelle en animant ces ateliers, moi qui suis, à la base, auteur-compositeur de chansons destinées aux adultes. Quand on m’a proposé de travailler en collèges ou dans le primaire avec des enfants, j’ai fini par me prendre au jeu et me passionner pour la transmission aux plus jeunes de l’humour musical, du second degré qui permet de se moquer gentiment des choses et aussi de la réalité des messages qu’on transmet quand on compose et on chante… Bougrr ! est directement né de mes actions dans les écoles primaires d’Ostwald de 2015 à 2018, cela a été le débouché naturel de tout un matériau créé par les mômes et avec eux. L’idée d’en faire un spectacle est une évidence qui s’est assez vite imposée…

Et ce spectacle a sans doute beaucoup évolué au fil des mois…

Oui. On a écrit de nouvelles chansons, certaines ont directement pris la place de celles qui existaient. A un certain moment, beaucoup d’entre elles parlaient du terrorisme parce qu’au moment où elles ont été écrites, les gamins était très sensibles à cette thématique. Puis le virus du Covid a fait son apparition dans nos chansons (dans le spectacle, c’est le Rigolovirus – ndlr). Lui aussi va finir par disparaître… Le répertoire bouge sans cesse, en fonction de l’actualité. Et les gamins m’étonneront toujours : souvent, ils écrivent des chansons qui parlent directement aux adultes, c’est assez incroyable.

Tu formes avec Guillaume Schleer un duo formidablement huilé et, en tout cas, très efficace. Lui aussi est totalement intégré dans votre démarche ?

Tout à fait, nous animons d’ailleurs conjointement quelques ateliers. Guillaume, je l’ai rencontré en 2015 sur mes albums pour adultes. Il a une particularité que tous n’ont pas : il adore jouer la comédie. Nous sommes devenus comme un duo à l’ancienne, un peu à l’image de Laurel et Hardy par exemple, le grand et le petit, la belle rencontre des contraires…

Un mot peut-être sur la compagnie Bon Gorille que tu as créée, comment se porte-t-elle ?

Plutôt pas mal puisqu’elle n’existe que depuis deux ans. Il y a Bougrr ! qui tourne et qui, je l’espère, va pouvoir séduire pas mal de programmateurs à Avignon. Je travaille sur un nouvel album et un nouveau spectacle pour adultes qui vont sortir en 2025 et un nouveau spectacle jeune public, un conte musical. Je suis plutôt heureux, car, avec mon intermittence et mes interventions dans les écoles, je parviens à vivre de mon travail. Je m’épanouis énormément et totalement avec tout ça. Je ne regrette pas d’avoir quitté il y a cinq ans le monde de la communication où je travaillais alors pour me lancer à plein temps dans la musique et m’y donner à fond.

Les conversations vont bon train durant cette édition assez spéciale du festival. Le monde de la culture se sent très impacté par les circonstances politiques nationales qui ont permis à l’extrême-droite de réaliser des scores impressionnants…

Ça fait plutôt flipper, on voit bien que nos métiers sont dans le collimateur. Un climat assez dégueulasse est en train de s’installer alors que j’estime que nous jouons un rôle fondamental. Quand je me plonge dans le milieu scolaire, je touche des enfants qui, très souvent, ne vont jamais au théâtre ou au spectacle, qui entendent des trucs assez trash à la maison et du coup, qui ont des visions assez étriquées culturellement et socialement. Ça concerne les milieux aisés où il y a beaucoup d’individualisme avec des gosses qui sont comme déjà blasés ou des milieux très populaires où il y a un manque d’horizon culturel. Mon travail est de semer des graines pour qu’ils puissent tous voir et entendre des choses différentes. Nous, les gens de la culture ou de l’art, nous avons un rôle fondamental à jouer dans ce domaine. Nous devons urgemment aller vers des gens qui ne constituent pas nos publics naturels, nos premiers publics… Il y a là un terrain que nous avons un peu oublié, il faut le réinvestir avec de la joie, de l’enthousiasme, il faut montrer nos spectacles dans les lieux les plus improbables. Oui, il faut retrouver les gens… c

Lionel Grob

Jean-Luc Fournier DR – Jean-Luc Fournier

Et Puis

Tout simplement génial !

C’est l’histoire d’une rencontre coup de foudre dans le rayon enfants d’une librairie de Strasbourg. Un coup de foudre entre l’album d’un couple d’auteurs, Icinori, et un couple de metteur en scène et comédienne qui ont toujours l’œil braqué vers le meilleur de ce que l’édition propose. Il n’a ensuite pas fallu longtemps pour que les planètes s’alignent complètement. Ainsi est né Et Puis, et le spectacle proposé par La Soupe Cie a déclenché les vivas au mois de juillet dernier à Avignon…

Il y a trois ans, sur ces mêmes tréteaux du Off d’Avignon, nous avions quitté le couple (à la scène comme à la ville) Yseult Welschinger – Éric Domenicone encore sous le choc de Je

Hurle, ce cri des femmes afghanes privées de parole, un spectacle qui fut alors très remarqué et qui continue encore aujourd’hui à tourner sur les scènes françaises.

Les revoici en cet été 2024 avec Et Puis, un spectacle classé « Jeune Public », mais qui fera réfléchir nombre d’adultes.

parlent d’une seule voix : « On l’a déniché ensemble et en même temps à la librairie Quai des Brumes à Strasbourg. On cherchait l’inspiration et donc, on est tombé sur Et Puis, du duo Icinori (Mayumi Otero et Raphaël Urwiller) un couple de dessinateurs formés à la Hear à Strasbourg et qui vit aujourd’hui en région parisienne. » (Et Puis est paru en 2018 chez Albin Michel et a été récompensé par la Mention Fiction du Bologna Ragazzi Award 2019 et par le prix Libbylit Bruxelles catégorie Ovni – ndlr).

Yseult Welschinger et Éric Domenicone

À la question de savoir qui, le premier, était tombé sur le livre, Yseult et Dominique

« Chacun d’entre nous a feuilleté le livre et l’avis unanime a été radical : Et Puis est un livre passionnant, mais d’une grande complexité… » juge Yseult. Et Dominique d’ajouter immédiatement : « C’est un livre un peu abyssal : il contient énormément de microhistoires puisqu’il s’agit d’une forêt et de ses habitants, imaginaires ou réels. C’est aussi un imagier, il faut donc prendre le temps d’y entrer, de s’y poser, de revenir en arrière, de repartir en avant… »

Les deux compères ont immédiatement compris que l’adaptation d’un tel livre pour le théâtre serait une tâche plus qu’ardue. « Sur ce chemin, il y a eu plein d’étapes » se souvient Yseult. « Après avoir été d’entrée fascinés par le livre, nous nous sommes penchés sur le travail des deux auteurs et c’est d’ailleurs là que nous avons appris qu’ils étaient sortis de ce que l’on appelait encore les Arts Déco de Strasbourg. Nous les avons rencontrés et ça a tout de suite matché entre nous. On a immédiatement commencé à travailler, sans précisément se fixer sur un livre ou un autre.

Je crois que le choix de Et Puis s’est imposé pour une raison très précise : nous habitons à Kolbsheim et notre village est de loin celui qui a été le plus massacré par le Grand Contournement Ouest de Strasbourg. De retour d’une tournée en Chine, nous avons subitement pris conscience de l’ampleur de ce ravage pour notre belle forêt, littéralement éventrée par des travaux gigantesques. C’est justement une des thématiques fortes de Et Puis. Dans notre tête, il était évident qu’il nous fallait adapter cette histoire… »

Une

chorégraphie « au millimètre »

À la vision des 45 minutes de ce superbe spectacle, un angle saute aux yeux : sur scène, Yseult Welschinger et sa complice Faustine Lancel forment un duo qui maîtrise plus que parfaitement l’art de la manipulation des marionnettes (personnages et objets) tirées du livre original d’Icinori. Ces manipulations, quelquefois complexes voire même acrobatiques, on les compte par centaines et le tout se déroule dans une chorégraphie « au millimètre » qui ne peut être que l’aboutissement d’un très long parcours à travers l’art de la marionnette. Dominique confirme : « Comme on était portés quasi intimement par le sujet, on a dit “fuck” à cette injonction rituelle dans nos milieux, celle de sortir de sa zone de confort, celle de se réinventer sans cesse et sans cesse. Avec Yseult, on a décidé que si on devait porter cette histoire, il allait falloir qu’on

se serve de ce qu’on sait faire. Il faut dire qu’on a une formidable équipe avec nous, notamment ces deux régisseurs avec qui nous travaillons depuis dix ans et qui comprennent parfaitement notre vocabulaire. On leur demande beaucoup, comme tu l’as vu : entre la vidéo, l’éclairage, la technique, le son… il faut que tout soit parfait, d’autant qu’avec les conditions et les contraintes qui sont celles du Off d’Avignon, il faut que tout soit plus que jamais millimétrique. Pas plus tard que ce matin, les réglages d’un vidéoprojecteur avaient “bougé” durant le week-end. Il est situé tout là-haut dans les cintres et bien, notre régisseur a réussi à tout rétablir en dix minutes alors que ce réglage particulier prend plus d’une heure, normalement. Avignon est un miracle permanent et seules des compagnies très soudées dans une forme d’exigence permanente peuvent s’en sortir, c’est évident… »

Une vitrine idéale

Il faudrait ici des pages et des pages pour décrire avec exhaustivité tout ce qui a dû être mis en œuvre pour parvenir à la représentation de ce spectacle d’exception à laquelle nous avons eu le privilège d’assister, cernés que nous étions par des dizaines d’enfants littéralement happés par ce voyage grandeur nature à travers un livre d’images toutes plus superbes les unes que les autres.

Quel travail, quel sens de la poésie, quel talent pour pouvoir transmettre avec autant d’efficacité l’univers si onirique

Yseult Welschinger (à gauche) et Faustine Lancel, les deux magiciennes de Et Puis.

du couple Icinori. D’entrée, Et Puis s’est retrouvé sur la toute première des trois listes des dix meilleurs spectacles publiées par Télérama durant le Off avignonnais ! Un sacré coup de boost qui a lancé le spectacle auprès du grand public et des précieux programmateurs qui vont garantir, plus tard, une tournée sur tout le territoire français, l’objectif évident de toutes les compagnies participant au Off. « C’est évidemment une nécessité » confirme Dominique « mais Et Puis fonctionne aussi comme une vitrine idéale. Grâce au spectacle, grâce à sa visibilité durant les semaines du Off, on va rencontrer nombre de professionnels de toutes sortes qui vont constituer autant de points d’appui pour la suite de l’ensemble de nos productions qui tournent encore aujourd’hui… »

Et Yseult de conclure : « Et Puis fonctionne comme une caisse de résonance, mais bien sûr nous espérons que son succès ici permettra de remplir notre agenda de dates sur la saison 2025/26 qui s’ajouteront à la vingtaine de salles de spectacles où nous savons déjà que nous jouerons d’ici le printemps prochain. C’est une nécessité absolue tant nous sentons bien à quel point, en quelque sorte, l’étau se resserre. Là où nous jouions, il n’y a pas si longtemps encore cinq ou six représentations de nos spectacles Jeune Public lors de notre venue dans une salle, aujourd’hui nous sommes heureux de jouer deux ou trois fois. C’est un signe, il ne trompe pas, le monde de la Culture est en plein doute, aujourd’hui. Donc, nous aussi… » c

a CULTURE — HISTOIRE

Alain Leroy

LE JOUR OÙ… L’ARMÉE RUSSE EST ENTRÉE DANS STRASBOURG

Il fut un jour où les Russes étaient aux portes de Strasbourg et puis à l’intérieur de la ville. Les cosaques se sont même installés en Alsace pendant de longs mois avant de consentir à repartir chez eux. C’était en 1814, au temps de Napoléon le premier.

Être situé à un carrefour de communications, de cultures, de territoires est une chance formidable… et un malheur sans nom, l’Alsace s’en rend compte à chaque guerre. Depuis Attila et ses soldats qui sont passés par, enfin disons plutôt sur, Strasbourg en 451, à chaque fois que les grands de ce monde qui sont alors des empires en viennent à parler haut et puis finalement aux mains, elle se retrouve jetée dans la bataille.

C’est ainsi qu’après les Alamans, les Huns, les Suédois, les Français ou les Autrichiens à moins qu’ils ne fussent Hongrois, ce sont un jour les Russes qui se trouvent aux portes de Strasbourg. Nous sommes en 1814. Napoléon Ier a été vaincu à Leipzig le 19 octobre 1813 et avant de dire la suite, il faut revenir un peu en arrière si on veut bien tout comprendre.

Parti à la conquête de la Russie en 1812 à la tête d’une troupe de plus de 600 000 hommes, Napoléon avait bien

failli achever son grand œuvre, mais il avait aussi failli tout perdre ; failli seulement et c’est bien ça le point de départ de l’histoire du jour qui démarre le 14 septembre 1812 quand ses soldats entrent dans un Moscou vidé de ses habitants. Les effectifs de sa Grande Armée ont fondu de moitié ou peu s’en faut, ceux qui ont survécu sont malades ou fatigués, ils n’aspirent qu’au repos. Ils sont en apparence victorieux, sauf que non. Le Corse s’installe bien au Kremlin, mais les gigantesques incendies volontairement allumés qui ravagent la cité pendant quatre jours privent les hommes d’abri et de repos. La crainte de se trouver encerclée et piégée pousse la désormais moyenne armée à repartir d’où elle vient puisque la voilà dans un cul-de-sac et qu’Alexandre Ier ne se rend toujours pas.

Seulement l’hiver est là, les cosaques aussi qui entament ce qu’on appellerait aujourd’hui une guerre de harcèlement, frappant et se repliant, frappant et se repliant. Pris par le froid, la faim, les maladies, la fatigue et la guerre, chevaux et hommes succombent les uns après les autres, la Bérézina quoi. Certains spécialistes estiment que 30 000 soldats seulement, soit 5% de l’effectif initial, rentreront de cette aventure désastreuse.

L’empereur a certes perdu une bataille, mais puisqu’il est toujours en vie, il n’a pas perdu la guerre et les nations coalisées contre lui (l’Angleterre, la Prusse, l’Autriche, la Russie, la Suède) le savent. L’affrontement final se prépare des deux côtés, il est inévitable. En toute hâte, la France reconstitue en partie la mythique Grande Armée qui a reculé jusqu’aux rives de l’Elbe sous les coups de boutoirs des Cosaques de Koutouzov ; les Alliés en font de même de leur côté.

Voilà pour le contexte dans lequel on est au début de l’hiver 1813. Avec deux énormes blocs qui se font face à l’est de l’actuelle Allemagne.

Le temps passe, il faut la faire courte : si les premiers combats sont favorables aux Français, les troupes napoléoniennes sont comme on sait vaincues à Leipzig le 19 octobre 1813. Les voilà une nouvelle fois obligées de faire retraite et seule l’extrême fatigue de leurs adversaires, leur crainte d’être attirés dans

De haut en bas : Pièces de monnaie française de 1 décime du siège de Strasbourg frappées de 1814 à 1815.

Représentation d’un cosaque s’apprêtant à frapper un homme dans une grange (éd. à Paris, vers 1814).

L’armée russe en campagne au XIXe siècle.

La Ie armée silésienne s’apprête à franchir le Rhin le 1er janvier 1814. Tableau de Wilhelm Camphausen exposé au Mittelrhein-Museum de Coblence.

un piège aussi, leur permet de se retirer jusqu’aux frontières du Rhin. Mais la situation ne peut évidemment rester en l’état. Napoléon est à portée de main des membres de cette sixième coalition qui ont trop souffert sous son joug pour ne pas forcer le destin et tenter de le mettre à terre, définitivement.

LE PASSAGE PAR L’ALSACE

Alors, au cœur de l’hiver, Autrichiens, Prussiens et Russes s’ébranlent en direction de Paris. Et pour ça, il faut passer par l’Alsace, c’est le chemin le plus simple et le plus rapide. Cité par l’historien Claude Muller dans Les Russes en France en 1814 (Éditions de la Sorbonne, 2019), le policier Charles Popp rapporte, le 2 janvier 1814, que l’ennemi a passé le Rhin en face de Fort Vauban. « Le lendemain, cent cinquante cosaques arrivent à Bischwiller. Le surlendemain, 4 janvier, Pahlen, qui dirige le détachement russe, marche sur Haguenau et s’y installe. L’un des objectifs consiste à libérer, s’il y a lieu, la route vers Paris qui passe par Saverne. La grande route entre Furdenheim et Marlenheim fourmillait d’hommes, de chevaux, de canons et de matériel divers. Les troupes françaises, bien inférieures en nombre, durent reculer encore », retrace Claude Muller.

Alors qu’une deuxième partie de l’armée d’Alexandre Ier déboule par Saint-Louis et le sud, les Russes sont déjà arrivés aux portes de Strasbourg. Le 5 janvier 1814 toute entrée et sortie de la ville est impossible. Les cosaques sont partout, les voilà à Schiltigheim après qu’ils ont conquis Haguenau et Bischwiller tandis que Sélestat est assiégé par les Bavarois qui, en compagnie des Autrichiens, campent devant Neuf-Brisach. Enfin, le 10 janvier, les Russes apparaissent à Phalsbourg, la porte d’entrée de la « vieille France ». « En s’installant en Alsace, les alliés déclarent, habilement, qu’ils font une distinction entre l’empereur et la nation française », écrit encore l’indispensable Claude Muller. « Ils s’engagent à garantir l’ordre public, à respecter les propriétés particulières, à garder la discipline la plus sévère et affirment ne pas être animés d’un esprit de vengeance. La discipline que les alliés observent, du moins au début de l’invasion, produit une

impression favorable. Ils pensent d’ailleurs que les Français, fatigués de l’Empire, les attendent avec impatience. »

« TANDIS QUE STRASBOURG RÉSISTE AUX RUSSES, À LA

FAIM ET À LA MALADIE, À PARIS, LES CHOSES

D’autant que, comme il le rappelle, « pour un Alsacien vivant à l’époque napoléonienne, un Russe n’est pas un inconnu. Son pays peut même être considéré comme un Eldorado, dans la mesure où il a existé et existe une émigration importante des Alsaciens vers la Russie. » Au début du XIXe siècle, des recruteurs ont ainsi été dépêchés par l’administration tsariste au pays de Bade et en Alsace pour attirer des colons. Ils seront des milliers à partir défricher et cultiver les immenses steppes. « Presque tous les villages du nord de l’Alsace perdent des familles parties dans l’espoir de trouver un avenir meilleur en Podolie, en Tauride ou en Crimée », écrit encore Claude Muller. Reste que bonne impression ou pas, connus ou pas des Alsaciens, les Russes n’en restent pas moins des envahisseurs. Strasbourg se renferme derrière ses remparts. Trois mois durant, le général Bourrier et le comte Roederer, commissaire impérial extraordinaire, organisent la résistance de la place tandis que les uhlans campent à l’extérieur. Les Strasbourgeois se rationnent comme on le fait dans ces circonstances, luttant avec leurs moyens contre une épidémie de typhus qui s’est déclarée dans ce cadre confiné.

Tandis que Strasbourg résiste aux Russes, à la faim et à la maladie, à Paris, les choses se précipitent. Les coalisés progressent inexorablement et entrent dans la capitale le 31 mars 1814 après une seule journée de combats. Vaincu militairement, déchu politiquement (par le Sénat) Napoléon Ier abdique à Fontainebleau le 6 avril 1814. Cette abdication et plus encore la signature de l’armistice rendent inutile la résistance des garnisons assiégées. Strasbourg dépose les armes le 11 avril et, le 13, le drapeau à fleurs de lys des Bourbons remplace le drapeau tricolore sur la flèche de la cathédrale, mais les Russes n’ont pas l’intention de partir pour autant. L’air de l’Alsace leur va bien, alors ils prennent leurs aises, s’installent durablement. Entre pillages, réquisitions de nourriture, achats en bonne et due forme avec tarifs réglementés et affichés, ils font ce que font toutes les armées d’occupation et vivent sur le pays qu’ils ont conquis. La cohabitation forcée durera six mois et laissera longtemps des traces aujourd’hui effacées. a

Le pasteur protestant alsacien
Jean Frédéric Oberlin et les calvinistes d’Alsace-Lorraine chassés en 1814 par les Russes.
Toile d’Ary Scheffer visible au Musée du protestantisme à Paris.
Maître D’ Oeuvre sur Archipel 2, lot A. Wacken, Strasbourg.
Maître d’Ouvrage : Vinci Immobilier / Demathieu Bard Immobilier

MICHAËL BOUTON

VERTIGES

DE PAYSAGES

Michaël Bouton, photographe voyageur basé à Strasbourg, se déplace fréquemment ; le temps et le mouvement le meuvent, l’émeuvent et le conduisent à se jouer de la vitesse.

Autant l’horizon se déploie lentement devant nos yeux, autant ce qui nous est proche ne parvient pas forcément à notre conscience. Déformés par la vitesse du temps qui passe, nous ne les voyons pas réellement.

Rechercher l’abstraction sans déformer les éléments qui la composent implique une mise au point comme un enjeu en soi. Pour capturer un détail, Michaël est contraint de déclencher l’appareil en avance, pour un élément qui appartient déjà au passé au moment précis où son œil le voit. Ce défi participe de la sérendipité de sa démarche : il est toujours question de lumière, de vitesse, de matière et de point de vue.

Au fond, ce qui l’intéresse réside moins dans cette perfection technique d’une photographie comme essence d’un rapport au temps et à l’espace, que l’émotion qu’elle peut créer, toute de beauté, de fugacité et de sensualité.

michael-bouton.com

Instagram : @michael_bouton_art

Tantôt régulières, rassurantes et sereines, tantôt stroboscopiques, chaotiques et grésillantes, les lignes issues de ces voyages viennent composer des tableaux uniques, des paysages déconstruits et verticalisés. Avec plus ou moins de contraste, de matière et de netteté, chaque œuvre est un échantillon de temps.

Michaël capture l’essence même d’un instant, puis retourne le réel pour en faire tout autre chose. Quelque chose de plus beau, de plus simple, de plus brut, de plus vibrant.

La série Vertiges de Paysages se distingue par son focus singulier sur les éléments au premier plan, ceux qui frôlent de près l’objectif du photographe. Ici, chaque image devient une exploration de la proximité, une invitation à découvrir la texture, la couleur, des éléments imperceptibles qui passent sous nos yeux.

Vertiges de Paysages est une célébration de l’éphémère, un regard posé sur ce qui est souvent perçu comme périphérique ou secondaire, mais qui, sous l’objectif de Michael Bouton, acquiert une présence et une poésie captivantes.

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TERRE CUITE | MUR-TOITURE-FAÇADE

La Terre demande toute notre attention

D’ÉMISSIONS CARBONE -15% 2023

2050 CARBONE NEUTRALITÉ

La Terre demande toute notre attention, est l’engagement de chacun d’entre nous à être, chaque jour, totalement impliqué à atteindre nos objectifs, ambitieux et passionnants, éthiques et pragmatiques, pour l’environnement.

Au programme : neutralité carbone en 2050, recyclabilité et réutilisation à 100% de tous nos nouveaux produits et préservation de la biodiversité dans tous nos sites. Parce que notre engagement doit être durable, nous avons créé notre programme d’actions collaboratives « Tous engagés pour la Terre ». wienerberger.fr

ARMÉNIE, AFGHANISTAN… LA PASSION D’ÉCRIRE

« Le Français est une langue qui résonne… » chantait Daniel Balavoine au tout début des années 80. L’affirmation vaut encore aujourd’hui pour deux jeunes passionnés de l’écriture qui ne s’en laissent pas compter et sont axés sur l’atteinte de leur objectif : vivre de leurs mots…

IL REVIENT DE LOIN, ELIYAH AGHAYAN

Aujourd’hui âgé de dix-sept ans, il remonte le fil de ses années avec une simplicité assumée : « Je suis né à Strasbourg de parents d’origine arménienne qui sont arrivés en France au début des années 2000. Mon père, handicapé, ne travaille pas et ma mère multiplie les petits boulots alimentaires. Ils sont séparés depuis deux ans. J’ai une grande sœur âgée de 22 ans qui poursuit ses études de droit. Quant à moi, je dois bien avouer que ça a toujours été très compliqué avec l’école. Jusqu’à la fin du primaire, j’étais déjà assez agité, mais il n’y avait pas trop de souci. Mais j’ai complètement déraillé dès le début du collège, au point qu’on a même pensé que j’avais des problèmes psychologiques. Ça se manifestait par le fait que je tenais un peu tête aux professeurs et que je leur répondais en essayant toujours de me distinguer. Pour tout dire, je pense que le système scolaire ne me convenait pas. J’avais un besoin absolu d’exister et de découvrir des choses, mais je savais que ce n’est pas l’école qui allait me les apporter. Alors, je dérangeais beaucoup autour de moi… et le système scolaire en a eu ras le bol. J’ai été versé en classe-relais, trois mois pour rattraper mes retards, mais ça n’a pas marché et je me suis retrouvé à suivre un enseignement à la maison. Plus tard, j’ai suivi une formation à l’AFPA (Association pour la Formation Professionnelle des Adultes – ndlr ),

destinée à me réorienter. C’est à la fin de cette formation qu’un déclic s’est produit pour moi. Je me suis enfin dit que je pouvais repartir de zéro, que je ne devais plus regarder derrière moi avec tout ce qui s’était passé, l’image que j’avais laissée et tout ce que les gens que j’avais croisés pensaient de moi.

C’était en juin de l’an passé et ma remise en question a été totale. Sur le plan mental, tout a changé et parmi ces changements, l’écriture est devenue quelque chose de très important, une activité presque vitale. Je rêve de plein de choses et l’écriture est une façon de les vivre. D’ailleurs, au collège, seule la rédaction m’intéressait, j’ai toujours aimé écrire. C’est une façon de créer, en partant de rien et j’aime cette idée-là. C’est dans cet esprit-là que je pratique le piano, mais j’écris aussi des textes de rap… »

Il ne faudra pas longtemps dans le cadre de cet entretien passionnant avec un jeune aussi motivé qu’Eliyah pour qu’il nous confie sa véritable passion : « Je travaille à fond sur de longs pitchs qui, dans mon esprit, seraient destinés à être tournés sous forme de séries, par exemple. Du coup, l’idée est née d’aller au bout d’un véritable scénario pour un courtmétrage de cinéma. J’y travaille avec pas mal d’acharnement, en compagnie de ma sœur. Nous sommes à deux sur ce projet… et chaque jour, une séquence par ci et une séquence par là, le projet prend forme… Je sais que mon scénario sera tourné, je n’ai aucun doute là-dessus. »

« SUR LE PLAN MENTAL, TOUT A CHANGÉ ET PARMI CES CHANGEMENTS, L’ÉCRITURE EST DEVENUE

QUELQUE CHOSE

DE TRÈS IMPORTANT, UNE ACTIVITÉ PRESQUE VITALE. »

GUL BALOCH DE KABOUL À STRASBOURG

C’est la toujours aussi motivée et généreuse Claire Audhuy qui nous a parlé la toute première fois de cet émigré afghan et de son amour démesuré pour la littérature française. Et Gul Baloch de confirmer dans un français déjà très correct : « Quand j’étais à Kaboul, je me retrouvais aussi souvent que possible dans une librairie pour pouvoir feuilleter les livres. Ça chassait souvent mon stress car le simple fait de respirer l’odeur des livres et de les feuilleter me faisait du bien… »

Un peu plus tard, arrivé en France grâce à l’action d’un groupe de journalistes français spécialistes de l’Afghanistan, Gul arrive à Strasbourg. Lors d’une rencontre à la librairie Kléber à laquelle participait Claire Audhuy, il se plante devant elle : « Bonjour, je m’appelle Gul et j’aime les livres ! »

Ces deux-là vont vite s’apprivoiser et Gul lui apprendra qu’il était écrivain en Afghanistan, auteur de livres pour enfants et que sa passion pour la littérature lui a fait découvrir Freud, Marx et parmi les auteurs français aussi bien Victor Hugo que Jean-Paul Sartre. « Il connaît tout de la France » s’extasie Claire Audhuy. « Notre histoire, nos révolutions, notre philosophie, rien ne lui est étranger, et il était de tous les échanges entre les cercles intellec -

tuels de Kaboul. Il a même créé une bibliothèque là-bas, il me l’a appris en quelques mots tranquilles lors de l’inauguration de la médiathèque Frida Kahlo de Schiltigheim à laquelle j’assistais… » se souvient l’auteure alsacienne. « Aujourd’hui, tous les intellectuels dont je parle ici sont, comme moi, disséminés dans le monde entier. Moi-même j’ai réussi à quitter le pays après m’être caché dans Kaboul grâce à un saufconduit délivré par l’ambassade française. J’ai pu monter dans un avion militaire qui a évacué un maximum de personnes. Une fois arrivé en France, j’ai eu à choisir ma ville de destination : on m’a proposé Strasbourg et je me suis rappelé qu’André Malraux parle de cette ville dans ses Antimémoires : j’ai dit oui… » se souvient tranquillement Gul. Qui ajoute immédiatement : « Comme beaucoup d’écrivains de son époque, Malraux était un écrivain complètement inséré dans le monde. La vision d’un écrivain doit nous aider à construire le monde, il a des responsabilités pour nous aider à avancer… » sourit-il. La magie du livre, on vous dit…

À Schiltigheim, Gul a pu avoir accès à un emploi dans la médiathèque de la ville. Parallèlement, il continue à cultiver son amour de la littérature française. Le jour où nous l’avons rencontré, nous avons évoqué avec lui cette passion. Il a souri et l’air malin, il a plongé ses mains dans sa

« LA VISION D’UN ÉCRIVAIN DOIT NOUS AIDER À CONSTRUIRE

LE

MONDE, IL A DES RESPONSABILITÉS POUR NOUS AIDER À AVANCER »
Gul Baloch

grande sacoche de cuir pour y extirper un exemplaire en livre de poche des Thibault, la saga romanesque de Roger Martin du Gard, un écrivain français aujourd’hui quasiment oublié qui, dans les années vingt et trente du siècle dernier raconta la fin d’un monde, d’une époque, comme une gigantesque page qui se tourne… Et, pas mécontent de son effet (mon Dieu, mais à part lui, qui donc lit encore Roger Martin du Gard ?), Gul Balloch sort un manuscrit photocopié qui n’est rien d’autre que la traduction des Thibault en pachtoun. « Ça me permet de mieux saisir les subtilités du français… » raconte-t-il en toute modestie. Stupéfiant !

Devant notre surprise, Claire Audhuy s’enthousiasme : « Rendez-vous dans deux ans quand Gul sera parfaitement bilingue… » Et l’écrivain de conclure, désarmant : « J’ai lu Guerre et Paix de Tolstoï. Moi, je pense que Roger Martin du Gard est le Tolstoï français… »

Une dernière information : Gul Balloch a entrepris l’écriture (en français) de son premier roman. Il fera cent cinquante pages et vingt pages ont déjà été écrites. « Je pense encore en trois langues : le pachtoun, le dialecte afghan et le français. Mais, bonne nouvelle, depuis le début de l’été dernier, je rêve de plus en plus en français. Je progresse… » conclut avec un large sourire celui qui veut devenir le premier romancier français d’origine afghane. Il y parviendra… a

Jean-Luc Fournier Sabine Trensz

LES SIPTROTT EN HARMONIE

C’est une histoire comme on aimerait en conter beaucoup plus souvent. Au cœur d’une immense forêt de part et d’autre de la frontière franco-allemande dans les Vosges du Nord, France et Hughes Siptrott ont imaginé et bâti leur destin. Ils sont devenus les acteurs passionnés d’une œuvre artistique perpétuelle sans limites, et même sans temporalité. Là-bas, le bruissement du vent dans les feuilles et la sarabande des lucioles les nuits d’été écrivent chaque soir une page de plus du beau livre de leur vie. Mais une sombre menace plane au-dessus de ce hameau magique…

L’endroit d’abord. Avec cette question lancinante, dès qu’un œil est jeté sur la carte de cette immense forêt située de part et d’autre de la toute proche frontière franco-allemande : comment indiquer avec précision l’accès au hameau de Guensthal, au beau milieu de la si bien nommée vallée de la Faveur ? Car il faut d’abord emprunter un minuscule chemin vicinal heureusement bitumé, puis prendre à gauche sur une piste forestière comme on en trouve plein dans cet endroit des confins du pays. Plus tard, après une fourche à gauche, la piste se transforme en gros sentier à la limite du carrossable et on arrive enfin à Guensthal… Alors le mieux est de vous donner les coordonnées GPS très précises de ce lieu unique et rare. C’est le meilleur moyen de vous garantir de ne pas tourner en rond dans ces encore si sauvages forêts des Vosges du nord (les découvrir ainsi est une escapade assez formidable).

Guensthal c’est là :

48° 50’ 44,62’’ de latitude nord 7° 42’ 26’’ de longitude est

Voilà donc cette petite vallée qui porte le nom de la Faveur, le ruisseau qui la traverse. Elle est blottie dans l’écrin d’une grande clairière, une des rares parmi les milliers d’hectares de forêt qui l’entourent.

Cet endroit est devenu le Graal pour France et Hughes Siptrott, un couple d’artistes pour qui on croirait bien qu’a été spécialement inventé le mot « atypique » : « On est né en 1950, à cinq cents mètres l’un de l’autre et à deux mois d’intervalle » sourit Hughes. « Dans le bassin houiller de Forbach. Ce qui fait qu’on a suivi un cursus très parallèle et analogue, bercé par les traditions de ce pays minier si spécifique. France, enfant de Sicile née en France et moi, issu d’une génération d’émigrés de Thuringe, tout près de la frontière germano-tchèque, installés depuis plus longtemps en Lorraine. Ni France ni moi ne le savions alors, mais nos sensibilités communes ne pouvaient que nous rapprocher. C’est au lycée que notre rencontre a eu lieu, au cœur d’une période où l’enseignement était fantastique… »

France confirme : « Les profs étaient incroyablement géniaux dans ces années-là, ils nous ont transformés à vrai dire, ouverts à l’art, à la littérature, à la poésie… »

France et Hughes Siptrott

« J’étais un brave garçon à l’époque, je ne savais pas draguer » reprend Hughes, avec un sourire malin au coin des lèvres.

« Alors, j’invitais les filles à m’accompagner dans des grottes pour récupérer de la terre dont je me servais en céramique… ». « Oh, j’ai toujours pensé que j’étais la première… » joue France en feignant la déception. Hughes feint lui aussi d’évacuer prestement la remarque et reprend, plus sérieux : « Je suis l’héritier d’une longue lignée de sculpteurs, des “bildhauer”, littéralement des tailleurs d’images. Et, sur les traces de mes grands-oncles, de mon parrain, je sculptais déjà depuis des années quand j’ai fait la connaissance de France… »

« Attends, là, je t’interromps… » dit soudain France. « Tu ne sculptais pas du tout comme eux. Je m’en rappelle bien : quand tu m’as emmenée dans cette grotte où se trouvait ce filon d’argile, on s’est retrouvés ensuite dans ce petit cabanon dans le jardin de ton père et là, nous avons passé toute une journée à modeler. C’était mon tout premier modelage, et, je m’en souviens comme si c’était hier, j’ai vrai-

« NI FRANCE NI MOI NE LE SAVIONS ALORS, MAIS NOS SENSIBILITÉS COMMUNES NE POUVAIENT QUE NOUS RAPPROCHER. »
Hughes Siptrott

ment réalisé que tu avais une sorte de talent déjà construit, tu avais un style, ça je l’ai vu dès ce premier jour… »

L’amour va donc naître entre ces deux artistes-nés. Très vite, dès leur fac de lettres commune à Strasbourg, le ventre de France s’arrondira, annonçant la venue de leur fils, Yann.

LA PASSION

ARTISTIQUE COMMUNE

On est là au début des années 70 et tout va s’enchaîner plus rapidement qu’aucun des deux artistes n’aurait osé l’imaginer dans ses rêves les plus fous. Un premier stage de céramique les conforte dans leur voie et très vite, ils ouvrent leur atelier dans un petit presbytère près de Wasselonne. Une première expo « portes ouvertes » où leur production est dévalisée en quelques heures. « Une période où on a surmultiplié nos dons et nos talents » confie France sans l’ombre d’une quelconque prétention. « Chassez l’atavisme, il revient au galop » se souvient Hughes. L’idée des sculp-

tures géantes s’est vite imposée, dès 1976 et ce fut immédiatement un très grand succès dont beaucoup de Strasbourgeois se souviennent encore, notamment lors des expositions à la galerie Icare de l’Avenue des Vosges (aujourd’hui disparue) juste à l’aube des années 80 qui vont s’avérer déterminantes : plusieurs participations à la Kunstmesse de Bâle puis des expositions régulières dans les grandes foires d’art internationales (FIAC Paris, Art Basel, New York, Gand, Art Frankfurt, ST-ART Strasbourg). Les galeries Art Actuel de Liège, Blondel de Paris, Pieters de Knokke-le-Zoute et Bucciali de Colmar, les accueillent alors en permanence.

Nombre de leurs œuvres figureront assez vite dans des collections particulières en Europe et aux États-Unis avec des acquisitions par les FRAC d’Alsace et de Franche-Comté, le Fond National d’Art Contemporain de Paris, et les musées de Belfort et de Toulon, notamment. Parallèlement, ils auront réalisé de grandes installations, Mignonne allons voir pour une aire autoroutière à Nemours, la Fontaine de ScyIla au Palais des congrès de Strasbourg, le parvis de I’ambassade de France à Conakry, une station de métro RATP, Les hommes de la cité ou AIors, pense à un oiseau très blanc sur I’esplanade de la Défense à Paris.

« L’ŒUVRE

Cependant, « la grande œuvre » du couple Siptrott se situe aux coordonnées GPS

révélées au début de cet article. Car ce minuscule hameau de la vallée de la Faveur acquis en 1981, a été tout de suite conceptualisé en lieu de création artistique et est devenu le périmètre exact d’une « œuvre géographique évolutive ». Dans cet espace perdu au milieu des forêts, l’ensemble des paramètres espace/ durée/action sont devenus des matériaux d’une œuvre d’auteur sans cesse en transformation. Depuis 1996, quelque part sur les douces hauteurs surplombant la clairière, une pierre porte les traces d’une signature attestant la matérialité de ce concept artistique peu commun…

Au sein de cette œuvre donc, et outre la maison d’habitation de France et Hughes Spitrott, on trouve des ateliers d’artistes, des espaces d’expositions et même un théâtre qui abrite Matamore, la troupe du fils, le comédien Yann Siptrott. En parfaite complicité avec Serge Lipszyc, vieux baroudeur des scènes de l’est de la France, Yann a créé le Théâtre Forestier où sa troupe est en résidence permanente pour créer, répéter et présenter deux spectacles annuels, dont certaines représentations en plein air exploitent parfaitement la caisse de résonance et les décors naturels du vallon de Guensthal, par ailleurs parsemé des œuvres géantes du couple d’artistes. La réputation talentueuse de cette bande de comédiens « à l’ancienne » a depuis longtemps essaimé, le public se presse lors

des week-ends estivaux. Nous y reviendrons dans les colonnes d’un numéro hors-série de Or Norme consacré aux talents alsaciens dont la sortie est prévue en janvier prochain.

GUENSTHAL LE HAVRE DE PAIX MENACÉ…

Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Pas tout à fait. Des milliers d’hectares de la forêt alentour ont changé de main l’an passé. Le nouveau propriétaire a confirmé l’ancien régisseur de ce domaine forestier dans ses fonctions, mais ce dernier, à la grande surprise du couple Siptrott, a subitement restreint à leur seul usage privé l’accès à la piste forestière qui mène à Guensthal. À terme, si cette décision venait à devenir effective et surtout définitive, les visiteurs de la vallée de la Faveur devraient emprunter un autre itinéraire et seraient pénalisés par une trentaine de kilomètres supplémentaires à effectuer. De quoi mettre en péril l’essence même de ce lieu unique, alors que, depuis des décennies, on y accède librement via cette piste forestière, sans que cela n’ait jamais posé le moindre problème à quiconque. Depuis quelques mois, les démarches amiables entreprises par France et Hughes sont restées désespérément vaines…

Soudain, les yeux siciliens de France retrouvent plus que jamais leur noir de jais d’origine, la mâchoire se contracte imperceptiblement : « Alors, nous allons nous battre ! Nous n’avons plus le choix… ».

Le regard tout aussi déterminé, Hughes opine de la tête… a

Guensthal est aussi un théâtre en plein air.
Sculpture de Hugues et France Siptrott.

strasbourg@mediaschool.eu

tel : 03 33 36 37 81

@mediaschoolstrasbourg

Jean-Luc Fournier Adrien Berthet

RIFIFI

C’EST LA DERNIÈRE LIGNE DROITE

Quand ces lignes paraîtront, la dernière ligne droite sera largement entamée pour toute la troupe de Rififi, la comédie musicale-événement de la rentrée culturelle strasbourgeoise. Seul Jean-Luc Falbriard pouvait nous parler de ce projet insensé qui va voir le jour début octobre prochain, lui qui l’a conçu, écrit, monté et mis en scène. Voici l’histoire d’une création qui s’annonce magistrale…

Pippa Simmons, votre chorégraphe et Romain Schmitt votre directeur artistique (lire Or Norme n°52 et 53) nous ont parlé abondamment du plaisir qu’ils ont pris à collaborer avec toute la troupe et vous-même pour donner vie à ce projet. Mais si quelqu’un peut parler de la genèse de Rififi, c’est bien vous… « Je portais en moi ce projet depuis très, très longtemps. Sa première ébauche date de 1997, car deux ans avant, j’avais monté, scénographié et mis en scène ce qui pouvait alors être assimilé à une comédie musicale. L’expérience m’avait assez emballé et le désir d’aller bien plus loin est né à ce moment-là. J’étais déjà persuadé que ça ne pourrait aboutir qu’avec des professionnels. J’ai commencé à écrire des bouts de chansons, plein de petites choses comme ça. J’avais même trouvé un beau titre : Rififi à Paname… avant de m’apercevoir que le titre existait déjà au cinéma, avec Jean Gabin à l’affiche ! (rires). Mais bon, l’intrigue et les principaux personnages étaient déjà plus ou moins là et c’est resté en jachère comme ça pendant des

années. Quelquefois, je me plongeais dans les tiroirs et je ressortais le projet, je lui rajoutais une chanson ou une petite scène, mais sans me fixer d’objectif ni même un calendrier particulier. Il y a un peu plus de deux ans, au moment d’entreprendre un nouveau projet avec la compagnie, l’envie de monter une comédie musicale est de nouveau revenue au premier plan. Après m’être renseigné sur le coût d’une reprise d’une comédie standard et avoir constaté que l’achat des droits était une idée très, très coûteuse, je me suis souvenu de ce texte déjà assez élaboré, je l’ai repris et je l’ai encore plus développé. Bref, tout cela a concouru à faire naître une base capable de tenir la route. Mes retrouvailles avec Romain Schmitt se sont révélées providentielles, de même que ma rencontre avec Pippa Simmons. Mais tout ça, vous l’avez déjà raconté dans Or Norme

À un mois du premier lever de rideau, où en êtes-vous, tout est prêt ?

Il ne nous reste plus grand-chose pour atteindre nos objectifs en matière

de cohérence entre le jeu, le chant et la danse. Tout le travail de scénographie est terminé, les costumes sont OK, on ne travaille plus que sur une foule de détails, mais sincèrement, tous les éléments sont réunis pour qu’un beau spectacle soit proposé au public. Il sera au rendez-vous, nous sommes confiants. Au vu du contexte de ces derniers mois, le grand public a besoin de ce genre de proposition qui ne peut que faire du bien. C’est d’ailleurs, et depuis ses origines, le rôle dévolu à la comédie musicale. Aux ÉtatsUnis où elle est née, elle s’est développée après la grande crise économique de 1929 ou après la seconde guerre mondiale : des moments-clés où les gens ont envie d’oublier le plus âpre de ce qu’ils ont connu en se divertissant… Nous, en tout cas, on a toujours tous été dans un parti-pris positif afin de créer quelque chose de joyeux, je dirais… L’inattendu et le jamais vu seront omniprésents sur scène…

Rififi est un projet démentiel, démesuré, quasi pharaonique en regard de

la structure habituelle de votre compagnie. Avez-vous été amené à faire des concessions en matière de production, à “réduire la voilure” comme on dit ?

Pas pour l’instant, et je ne mens pas… on a vraiment suivi le fil de nos envies et de nos besoins. Ceci dit, le projet est ambitieux et du coup, il peut placer la compagnie dans une situation fragilisée. Elle gère l’Espace K, comme vous le savez, et comme vous le savez aussi, ce lieu se retrouve dans une situation assez floue quant à son avenir…

Vous évoquez là certaines activités de La Laiterie qui vont être déportées chez vous durant les travaux de la salle de spectacle… Oui, et c’était donc le moment ou jamais pour monter ce projet. Dans un an ou plus tard, je ne sais pas si nous allons avoir encore un lieu pour produire ce type de spectacle. On est dans un moment où nous pensons que nous pouvons encore nous permettre de prendre ce risque. L’avenir dira si nous avons

Jean-Luc Falbriard en répétition

bien fait de prendre cette décision à ce moment-là…

Vous êtes dans un instant où ça passe ou ça casse, comme on dit ?

Ça va passer, mais ça peut avoir des conséquences d’ici une ou deux saisons en fonction de l’évolution du projet de la compagnie dans son lieu actuel, l’Espace K. On sait qu’on va être fermé pendant un an, peut-être plus en raison des travaux. Que va-t-il se passer pendant tout ce temps ? On est encore dans une foule d’interrogations et il y a très peu de réponses qui nous proviennent de notre principal interlocuteur, la Ville de Strasbourg. C’est donc extrêmement difficile de pouvoir se projeter… Il faut quand même bien comprendre qu’on s’est retrouvés bien malgré nous placés dans une situation que nous n’avons jamais souhaitée. Nous payons les dégâts collatéraux des besoins d’agrandissement de nos voisins de La Laiterie qui vont occuper une partie de notre salle dont les travaux

vont nous immobiliser pendant un temps assez long, dix-huit mois au minimum. Ce sont donc quasiment deux saisons qui n’existeront pas… À part une petite programmation “hors les murs” qu’on pourrait imaginer, il n’y a aucune autre piste… Donc, l’activité de la compagnie va se concentrer sur la production et la diffusion de Rififi lors des saisons 25-26 et 26-27 qui sont devant nous…

En fonction du succès, une distribution nationale peut-elle être envisagée ?

Nous savons déjà que quelques producteurs et diffuseurs nationaux viendront nous voir lors des premières représentations en octobre. En fonction de ce qu’ils verront, pourquoi en effet ne pas espérer pouvoir jouer un peu partout en France et pouvoir terminer à Paris ? Ou au contraire, être programmés dans la capitale avant de jouer en province, forts de la renommée acquise à Paris. En tous cas, je sais que tous les critères artistiques sont d’ores et déjà réunis pour que Rififi cartonne… » a

« EN TOUS CAS, JE SAIS QUE TOUS LES CRITÈRES

ARTISTIQUES SONT D’ORES ET DÉJÀ RÉUNIS

POUR QUE RIFIFI CARTONNE. »

Rififi : Du vendredi 4 octobre au dimanche 3 novembre 2024 Infos & réservation : www.espace-k.com

ESPACE H

KAFKA L’ULTRA MODERNE

Que dirait Kafka en voyant monter les populismes en Europe ? Qu’il le savait.

C’est un jeune homme du XXIe siècle, il est végétarien, s’intéresse à la vie animale, il est sportif, il se sent seul, il est souvent amoureux, il n’aime pas son travail, il dénonce la bureaucratie, l’impersonnalité des administrations, l’absurdité du système judiciaire.

Il est en guerre contre son père, ne supporte pas sa famille, fuit la vie conjugale, est attiré par les milieux libertaires, il aime le cinéma, cet art récent, il n’est pas croyant, il a demandé à son médecin de l’aider à mourir le 3 juin 1924 le jour de sa mort tant ses souffrances étaient grandes, celui-ci lui a donnée.

Bref c’est un jeune homme très actuel, un beau jeune homme mince aux grands yeux sombres.

Il est totalement de notre temps. Sauf qu’il est né en 1883, et est mort en 1924, il y a cent ans.

Franz Kafka est un écrivain tchèque de langue allemande, d’une famille juive non pratiquante. Il est l’auteur de très nombreux livres dont la plupart n’ont pas été publiés de son vivant, mais de manière posthume par son ami Max Brod, qui heureusement n’a pas tenu sa promesse de tout brûler et on ne peut que l’en remercier. On connaît déjà au lycée au moins le Procès et la Métamorphose. Il est au moins aussi célèbre pour ses amours difficiles avec Felice Bauer, Julie Wohryzeck, ses deux fiancées avec lesquelles il ne s’est jamais marié, ou avec Milena à qui il a écrit les plus belles lettres d’amour qui soient. Il a écrit des Journaux qui témoignent d’un moi déchiré, d’une conscience très aiguë de sa personnalité particulière. Il a été célébré aux Bibliothèques idéales à Strasbourg, Régis Quatresous, jeune traducteur de la grande biographie consacré à Kafka par Reiner Stach, nous a ravis par son savoir et son humour.

Kafka avait prophétisé les grandes machines répressives du XXe siècle, il a décrit la herse de torture dans La colonie pénitentiaire, le coupable qui ne sait pas ce dont on l’accuse pas plus que ne le savent ses accusateurs (Le Procès), ce qui fait penser aux systèmes totalitaires qui ont éclos de l’Allemagne à la Chine et à la Russie, et j’en passe pour notre époque. Il est mort avant l’arrivée d’Hitler, mais il a décrit déjà l’antisémitisme montant dans ses lettres. Ses trois sœurs ainsi que Milena ont été déportées et sont mortes dans les camps d’extermination. Il a fortement pensé à s’exiler en Palestine (l’État d’Israël n’existait pas encore), a appris l’hébreu de façon approfondie.

Que dirait Kafka en voyant monter les populismes en Europe ? Qu’il le savait.

Une des modernités de Kafka est qu’il donne largement voix au monde animal, une souris, un singe, un chien, un insecte.

Tout ce qui est petit, tout ce qui est sans défense, tout ce qui n’a pas voix au chapitre le touche. Il serait peut-être aujourd’hui seul dans une petite maison de campagne à écrire ses brefs récits fulgurants ou à diriger comme il en avait envie, un restaurant végétarien avec son dernier amour, Dora.

Il est mort d’une maladie qui n’existe presque plus, la tuberculose. C’est sa plus grande différence avec le siècle qui a suivi sa naissance.

Franz Kafka aurait pu déambuler dans la belle Strasbourg qui évoque tant, en hiver, la belle Prague. Il promènerait sa haute silhouette trop mince, son regard intense et son léger sourire sur des photos un peu floues que l’on connaît de lui et personne ne s’étonnerait de le voir passer. Franz Kafka est un passant que l’on n’oublie pas. a

Franz Kafka

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De notre servitude volontaire

En France, on a la passion de la commémoration. On nous dit quoi et comment commémorer, en fonction des intérêts du moment. On commémore et puis on passe à autre chose. Il y a pourtant des oublis comme celui-ci : les 450 ans de la première parution, par fragments, d’un texte qui n’a pas pris une ride et nous en dit bien plus sur nous que bien d’autres publiés avant comme après : le Discours sur la servitude volontaire de La Boétie.

Richelieu – qui était un fin matois – disait que c’était le seul livre qu’il fallait interdire. Le pauvre grand homme aurait certes été scandalisé au vu des tombereaux d’insipides niaiseries que nous délivre la surproduction éditoriale d’aujourd’hui qui, elles, c’est un mérite à leur rendre, ne présentent du moins aucun danger. Encore que. Le caractère météorique de ce texte, écrit par un jeune homme de dix-huit ans à la manière d’un Rimbaud de la science politique n’a fait qu’ajouter à son mystère. Peu de livres auront autant fasciné les lecteurs et commentateurs qui depuis (malgré des périodes d’éclipse) ont cherché à en tirer tous les enseignements. Tout le sel tient dans l’adjectif. La servitude, passe encore, c’est pas bien et il faut tonner contre, la main sur le cœur. Mais la servitude volontaire, c’est diantrement plus problématique. Comment peut-on vouloir être asservi ? Sophisme ? Paralogisme ? Exercice de style d’un étudiant qui ne sait rien de la vie ? Que nenni. C’est bien parce qu’il met le doigt là où ça fait mal que La Boétie intrigue et dérange. Il ne fait pas dans la pensée positive, lui.

Bien sûr, il y a le contexte de l’époque. Catholiques et Protestants s’étripaillent à qui mieux mieux (quand on vous dit que religion et politique ne font pas bon ménage) et l’autorité du roi de France est contestée (les monarchomaques protestants contestent le pouvoir royal et le tyrannicide suscite des vocations). Les Huguenots ont tôt fait de voir dans le Discours un outil de choix

pour leur propagande, ce qui chagrine Montaigne, ami de La Boétie, qui aurait bien aimé intégrer le texte dans ses Essais Passer pour un calviniste ? Foutre non ! Le petit jeu de Montaigne vis-à-vis de l’œuvre de son ami n’est d’ailleurs pas des plus limpides. Le Discours circule sous le manteau depuis plusieurs années déjà et il entend s’approprier en loucedé l’héritage intellectuel de son copain. Gêné aux entournures, il ne sait trop comment publier le Discours dans un contexte politique incertain et argue d’une « façon trop délicate et mignarde pour les abandonner au grossier et pesant air d’une si mal plaisante saison ». Bien dit Michou. Qui plus est, l’interprétation qu’il avance fait du Discours une sorte de dissertation pubertaire, brillante certes, mais absolument étrangère aux préoccupations de l’époque. La preuve en est que tous les exemples cités par le texte sont issus de l’Antiquité.

Spoiler alert (en français moche divulgâchage) : Le Discours sur la servitude volontaire n’est pas valable seulement pour le XVIe siècle, mais pour toutes les époques.

Vous me direz avec hauteur : « Môsieur, ceci ne se peut, nous sommes en démocratie ! ». Et je pourrais vous répondre, tout confus : « C’est ma foi vrai, où avais-je donc la tête ? Je vous rends mille grâces Monseigneur ». Mais en fait non. Et voici pourquoi.

Le texte de La Boétie commence ainsi : « C’est un extrême malheur d’estre subject

à un maistre dusquel on ne se peut jamais asseurer qu’il soit bon puisqu’il est toujours en sa puissance d’estre mauvais quand il voudra ». Autrement dit, on est toujours soumis au risque de subir l’arbitraire du pouvoir. La Boétie pense bien sûr au roi.

« Et nous n’avons plus de roi ! » me dira-t-on fièrement. « De roi certes pas, mais de chefs ? voire de petits chefs ? de dirigeants ? voire de Jupiter ? (rires). Il est bien d’autres maîtres que les rois. Et les plus puissants ne sont pas toujours les plus visibles ».

Il est tout à fait hors de question que je puisse dissuader celles et ceux qui ne l’ont pas encore lu de se plonger dans le texte de La Boétie. Il faut tout de même reprendre rapidement son argumentation. La question initiale est la suivante : Comment se fait-il que des millions de personnes puissent obéir à une seule ? Et donc : quelles sont les causes de cette obéissance ? « Ils disent qu’ils ont esté tousjours subjets, que leurs peres ont ainsi vescu ».

C’est l’habitude, l’accoutumance, la tradition qui poussent à obéir, une sorte de dénaturation puisque selon l’auteur, l’homme est naturellement libre. Il a oublié qu’il l’avait été. Voilà une première cause.

Une seconde est la capacité du maître à mobiliser d’une part des fondements transcendants, mystiques ou surnaturels pour justifier de son pouvoir. (l’onction

« Il ne s’agit pas d’une simple domination, mais d’une appétence pour la servitude. »

divine a fait son temps, mais l’onction du suffrage est toujours de mise) ; d’autre part des divertissements variés, des jeux et spectacles pour divertir ses sujets. De la séduction donc puisqu’étymologiquement séduire veut dire détourner du droit chemin. Mais si, toujours selon La Boétie on peut déléguer son pouvoir à un autre, cette délégation devrait pouvoir être révoquée à tout moment.

Troisième cause de la servitude volontaire, le rôle des collaborateurs du maître. Ils ne sont que quelques-uns, mais l’effet pyramidal crée des réseaux de courtisans, de clients qui sont autant de « tyranneaux » ayant intérêt à ce que le pouvoir se maintienne afin d’en tirer profits et avantages, quels que puissent être par ailleurs les manquements de celui/ ceux qu’ils servent.

Par conséquent il ne s’agit pas d’une simple domination, d’une pure contrainte extérieure, mais d’une appétence pour la servitude, d’une acceptation de la sujétion, là est le scandale. Et ce au sein d’un dispositif à la fois vertical et horizontal, car il a des relais à tous les niveaux de la société. Ce n’est donc pas le maître qui impose sa domination, mais les dominés qui la rendent possible.

Qu’on ait affaire à un goût pour la servitude (qu’on ne s’avouera jamais) ou bien d’une faiblesse de notre désir de liberté, on peut s’interroger. Il n’en demeure pas moins qu’il ne suffit pas de se dire ou de se croire libre pour l’être. La Boétie n’appelle pourtant pas à la révolte. Simplement à « se reconnoistre », c’est-à-dire à s’interroger soi-même sur les raisons véritables

de son obéissance. Il appelle également à une amitié au sens large, à savoir une forme de fraternité à l’opposé d’un individualisme exacerbé et indifférent à autrui. Un vœu pieux répliquera-t-on. Peut-être. Ou alors une autre conception de l’individu, plus réaliste, plus exigeante aussi. Car la ruse suprême reste tout de même de faire croire à la liberté pour mieux la circonvenir.

Prenons un exemple contemporain : l’embrigadement sectaire. C’est bien parce qu’il se croit libre que l’adepte acceptera tout et n’importe quoi, après avoir été isolé de ses proches et de ceux qui pourraient l’aider. « L’une des subtilités de la manœuvre consiste à faire croire que l’adhésion dépend de l’intéressé et relève de sa volonté. (…) C’est cette prétendue liberté personnelle qui perturbe les efforts de désendoctrinement » 1. Et cela fonctionne également avec un complotiste qui se croira plus malin que les autres en croyant savoir, lui, où est LA vérité. On ira d’autant plus loin qu’on croira exercer sa liberté. Ce sont là des exemples limites. On peut en trouver d’autres, plus courants.

Où passons-nous le plus clair de notre temps ? Au boulot.

« La démocratie a-t-elle cours dans les entreprises ? »

« Ben non »

« Pourquoi ? »

« Mais parce que… c’est compliqué, tout ça quoi… » (traduire par : vous êtes trop cons pour comprendre, mais nous on sait alors laissez-nous faire).

Aujourd’hui, le modèle dominant a conduit à la libéralisation, à la mondialisation et à

« L’individu contemporain se croit libre parce qu’il peut choisir le modèle de son téléphone. »

la financiarisation. L’organisation qui en découle repose sur le flux tendu, la flexibilité, l’adaptabilité et les unités de production deviennent centres de profit et de résultats. La logique actionnariale impose ses objectifs aux managers et dirigeants. Cette nouvelle doxa a produit des merveilles, comme par exemple le sauvetage de banques, qui avaient traficoté avec des actifs radioactifs, par de l’argent public (quelque chose a-t-il changé depuis ? non). La Boétie ne pouvait certes pas prévoir cela, mais désormais il y a, au-dessus des États, des acteurs qui leur prêtent de l’argent (cher), spéculent sur les dettes desdits États et influencent leur politique. Ce qui conduit à l’adoption de règles de management et de gestion dans tous les domaines, y compris non-économiques. Est-il besoin de rappeler dans quel état se trouve aujourd’hui l’hôpital en France ?

L’individu contemporain, qui se croit libre, car il peut choisir le modèle de son téléphone (indépendamment de tout le matraquage publicitaire et marketing, cela va sans dire), se retrouve donc sous ces couches de domination, certaines proches, d’autres lointaines, toutes efficaces. Investi dans tous les sens du terme.

Un matin qui ne sera pas fait comme un autre, il se réveillera et se regardera dans son miroir en se demandant : « Et toi, à qui obéis-tu ? ». S

1. Alberto Eiguer Chapitre 15. Le social et le groupal. Publicité, marketing, sectes, in Des perversions sexuelles aux perversions morales. La jouissance et la domination. Paris, Odile Jacob, « Hors collection », 2001, p. 177-190.

Dans la peau de Jerry Seinfeld Moi Jaja…

L’Ukraine. Avec Tato, j’y ai accompagné mes collègues au mois de mai. Avec mon frère Léo, un petit lion sauvé un jour de fête, patinoire Iceberg de Cronenbourg, l’idée était de lancer du haut des tribunes de l’Étoile noire des doudous achetés au rezde-chaussée. Un geste de solidarité, nous avait-on expliqué, pour une quelconque association humanitaire soutenue par notre équipe de hockey. Je n’ai pas pu. Tato pas davantage. Le petit fauve est resté avec nous, plusieurs mois durant, avec cette idée qu’il viendrait réconforter notre Maria embedded quand on la reverrait. Quoi de mieux qu’un lion pour se protéger face à un ours russe...

Ce jour est arrivé. J’avais apporté des chaussettes Popcorn de chez Tadzio pour fêter l’événement. Ce que j’avais oublié était que, là-bas, les bombes y crépitaient aussi. Ou étaient « susceptibles d’y ». Tato avait pris soin de se renseigner sur la topographie de notre lieu de résidence. Une bouche de métro se tenait à proximité. À la première alerte, je m’y suis engouffré, le temps d’avancer dans mon jeu du moment : Age of origins. L’idée : construire une ville, la développer et la défendre face à une horde d’avides, prêts à vous exterminer sans aucune motivation raisonnable. À peu de choses près, pas loin de ce que Maria vivait ici. …

À la deuxième alerte, nous nous préparions à fêter l’anniversaire de notre collègue. En deux temps trois mouvements,

elle nous a déménagé Léo, Krtek et moi sur une couverture matelassée posée dans le couloir. Krtek, c’est mon autre frère expatrié, ramené d’un précédent séjour à Prague. Dans la culture tchèque, c’est une taupe popularisée sur le petit écran par l’illustrateur et réalisateur Zdeněk Miler. Dans la réalité, je le soupçonne d’avoir surtout révélé Zdeněk. Singularité de Krtek, il aime s’aimanter à tout ce qui contient du métal. Pour mieux surveiller qui se rapprocherait un peu trop près du frigo, m’a t-il avoué un jour. Depuis que je le sais vivre en Ukraine, je me prends parfois à espérer que cela ne fonctionne pas sur ce qui tombe du ciel. Bref, dans notre abri d’occasion installé entre le mur de la salle de bain et la porte d’entrée, nous attendions que l’alerte passe, banane, croissant salé de chez Chris Cake et jus

d’orange à nos ailes ou à nos pattes, selon les cas. Pour immortaliser l’instant, ou me le dédramatiser, Tato m’a pris en photo.

VOUS POURRIEZ

PRESQUE ÊTRE

UKRAINIENS

À la troisième alerte du genre, j’aidais Tato à rédiger une chronique radio dans la cuisine. Chacun plongé dans ses obligations du moment, aucun de nous ne l’a entendue jusqu’à ce que Maria déboule avec un « Mince, on l’a complètement zappée ! ». Imperturbable, Tato la regarda et lui demanda : « c’est toujours en cours ? ». « Non », répondit-elle. « C’était il y a trente minutes ». Les plumes un peu tremblantes, je me rassurais en me disant que nous étions toujours de ce monde. Maria, elle, nous gratifia, avec l’ironie que j’ai appris à lui découvrir, d’un : « Impassibles

comme vous êtes, vous pourriez presque être ukrainiens ». En fait, tu l’as peut-être oublié, mais un quart de moi l’est originellement, avais-je envie de lui rappeler. Mais bon, là n’était pas l’important. Aujourd’hui, m’avait-elle annoncé, je rencontrerai James, le labrador blanc de son amie Ina.

À l’approche de notre lieu de rencontre, j’ai demandé à Tato de nous déporter de quelques mètres vers l’animalerie du coin, pour lui acheter un petit présent : une sorte de renard qui, pour une raison que j’ignore encore, fut rapidement rebaptisé écureuil. Avec mon écharpe-chaussette, achetée quelques heures plus tôt dans un magasin de Maïdan, et au Don’t fuck with Ukraine pour message, je me mis à jouer avec mon nouvel ami canin, ravi de son cadeau. Ina, nous confia qu’elle quitterait bientôt Kyiv, pour rejoindre son époux déplacé en Pologne. Après plus de

deux ans de meurtrissures armées, c’est la décision qu’ils avaient prise pour leur famille, James compris. Un jour je passerai peut-être les voir à Gdansk, la ville où j’ai rencontré Tato sous ce porche en pierres, accroché entre un étron et une étoile de mer en peluche pour qui suit mes aventures depuis le début.

JOLLY RENTRÉE PARALYMPIQUE

Fait inattendu, entre deux autres déambulations, Tato m’a trainé dans un Comedy Club pour y rencontrer des artistes. Les prestations n’étaient pour la plupart pas flamboyantes, mais me travestir le temps d’un soir en Jerry Seinfeld n’était pas pour me déplaire. Plus surprenant encore, de nombreux clubs affichent complet depuis le début de la guerre. Un sas de décompression, me suis-je dit.

« La cérémonie d’ouverture de l’ancien pensionnaire du TnS Thomas Jolly et le flot inespéré de médailles
bleu-blanc-rouge nous ont redonné une bouffée d’air frais. »

À Kyiv, la culture est un peu partout, jusque, parfois, dans des échoppes de jeunes designers où trônent sur le mur des points d’interrogation. Allez savoir pourquoi. Mais en non politiste que je suis, je ne retiens qu’une chose : Tato m’avait promis que nous reviendrions vivants d’ici, parole tenue, même si les nombreux croissants ukrainiens de Chris Cake, Lviv Café ou Aroma Kava me manquent cruellement. Léo et Krtek aussi, mais nous nous sommes revus récemment : ambiance pyjama party dans les rues de Rome. Foxie, ma moitié luxembourgeoise et vraie renarde de son état, m’avait accompagné. C’est avec elle que je me suis rendu au Cloître de Bramante pour y visiter l’exposition Emotion. Tantôt colorée dans un croisement diamantaire entre Stras Trek et ABBA, tantôt sombre en présence du Joker, j’y ai même rencontré Batman. Avant, Tato m’emmena non loin de là dans une petite galerie d’art de la Piazza di Tor Sanguigna. Il y expliqua à la vendeuse que j’écrivais. Elle sourit et me laissa prendre une photo d’un volatile que l’on aurait cru échappé d’un épisode des Shadoks. À croire que, jusque dans l’ancienne cité impériale des gladiateurs, Strasbourg me poursuit.

Ma ville d’adoption, elle, n’a pas changé à mon retour, pas plus que la lassitude de Tato envers notre classe politique. Bienfait des Jeux Olympiques de Paris, alors que l’on s’attendait à un cataclysme, la cérémonie d’ouverture de l’ancien pen sionnaire du TnS Thomas Jolly et le flot inespéré de médailles bleu-blanc-rouge nous ont redonné une bouffée d’air frais. Plus de Macron, ni de Mélenchon ni de Bardella, ou ni même de petit Poney Rose trois semaines durant. J’en oubliais même que, quelques mois plus tôt, Pouxit avait commencé à me manquer. Footix, lui, notre désormais ex-entraîneur du Racing, pas trop, même si je m’interroge sur son rempla çant britannique qui, en toute cohérence avec son parcours professionnel, hérite d’une équipe que l’on imaginerait plus concourir dans la catégorie « Minimes ». À voir sur le temps, après cette fin septembre quand notre vie quotidienne aura repris pleinement son cours, maintenant que se sont aussi clôturés les jeux paralympiques. Peut-être auraient d’ailleurs pu y concourir certains de nos élus. À défaut de pouvoir se prévaloir d’un accident de la vie, ceux-ci auraient-ils pu au moins y représenter celles et ceux qu’ils ont amputés de quelque espoir politique S

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MARI IN BORDERLAND

Dites, notr’

Lénine de 12 tonnes

et 23 mètres

de haut, vous m’le prenez toujours ?

Musée d’histoire naturelle – ou presque – caveau funéraire et marché aux antiquités. Quel lien ? Ne me citez pas le département Fictions d’une quelconque plateforme audiovisuelle. Balthazar , Dexter et Louis la Brocante ont certes mon affection, mais ma pensée est plus profonde. L’Ours Misha des JO de 1980 ? Vous brûlez ! Vladimir Ilitch Lénine, « père » de la révolution d’Octobre de laquelle naîtra la Russie soviétique, premier régime communiste de l’histoire, puis l’Union des républiques socialistes soviétiques. Un coup de maître pour celui qui réussit pour la première fois à ne pas foirer une révolution inspirée de Marx. Le reste, que dire sinon que notre charmant voisin russe dépense chaque année un maigre budget de 200 000 dollars pour préserver son « corps », embaumé depuis 100 ans au fond de son Mausolée, adossé aux murailles du Kremlin, au pied de la Tour Senatskaïa, sur la place Rouge. Sa dépouille eut même la visite de son « ami » Joseph Staline, entre 1953 et 1961. En fait, leurs deux corps embaumés ont-ils plutôt vécu en colocation avant que, la

déstalinisation avançant, son roomate ne soit expulsé de la chambrée dont la température reste en toutes circonstances maintenue à 16,6 °C pour un taux d’humidité stabilisé à 70 %.

MISE À PRIX

300 000 EUROS

Quand j’étais petite, petits nœuds blancs soviétiques dans les cheveux, j’allais régulièrement rendre visite à la reproduction en bronze de Vladimir, lors des festivités du 1er mai ou, 8 jours après, pour le Jour de la Victoire. À l’époque, même si la sculpture attirait les jeunes mariés en manque de fond photographique, je n’imaginais pas un seul instant que cette grosse chose pourrait être vendue trois décennies plus tard. Et pourtant... Avec une mise à prix fixée autour de 300 000 dollars, c’est ce qui est en train d’arriver. Le vendeur ? La municipalité de la ville de Zaparozhzhia. L’acheteur ? Sans doute un pays autoritaire ou communiste. La Chine et le Vietnam se seraient déjà bien portés acquéreurs de la dépouille de notre ancien chef d’État que visitent

encore quelques curieux moyennant la modique somme de 16 dollars. À 2,5 millions de visiteurs annuels, l’homme reste sacrément bankable pour un héros du prolétariat.

Mais, quel qu’en soit l’acheteur de mauvais goût, la question reste de celle de son transport. Au vu des intempéries russo-coréo-iraniennes, un transport aérien paraît compromis. Une Lada aurait pu faire l’affaire, mais même les modèles les plus robustes de la marque peineraient sans doute à équilibrer la charge placée sur le haut de leur toit. Ne parlons pas de l’appel à une remorque, le mastodonte se caractérisant par un poids de 12 tonnes, bien trop lourd à tirer, et une hauteur – ou longueur – de 23 mètres. À bien y réfléchir, affréter un bateau au départ d’Odessa pourrait être envisageable au regard de ce qui reste de la flotte navale russe. Le train ? Potentiellement moins évident, mais jouable selon la destination de Vladimir. Une réunion d’équipe pourrait enfin être organisée avec nos municipalités voisines de Slavyansk, dans la région de Donetsk, et de Kramatorsk.

Toutes deux n’ont-elles pas déjà réussi à vendre deux tailles enfant de cette ode au bon goût pour la somme de 20 000 dollars. De quoi rééquilibrer une partie de leur budget municipal. Mais là, nous sommes sur une tout autre échelle volumétrique et financière.

DRONES LIVRÉS SANS FRAIS

Non rancunier avec l’histoire, en cas de succès mercantile, la ville de Zaparozhzhia a prévu d’utiliser les fonds récoltés de cette vente pour offrir un cadeau à nos voisins russes. Plaisir d’offrir. Quoi ? Des drones d’attaque, ma bonne dame. Moins imposants, plus légers, livrés sans frais de port. Charge à nos militaires de le faire pour célébrer une amitié retrouvée après deux ans et demi de visites régulières sur notre sol et de quelques annexions pour nous alléger du fardeau budgétaire posé par la gestion d’un trop grand nombre de municipalités. Ce petit présent nous permettrait de rendre justice à leur humanité, vous ne pensez pas ? S

MUSIQUE

ALICE COOPER Billion Dollar Babies

Le dernier concours Eurovision a ravivé sur les réseaux sociaux le débat sur la décadence de la musique. La faute à un vainqueur, le Suisse Nemo, non-binaire revendiqué, vêtu d’une jupe rose lors de sa prestation. À moins que ce ne soit à cause de Bambie Thug, candidate irlandaise, elle aussi non-binaire et pseudo sataniste, avec un texte oscillant entre l’estime de soi et Harry Potter.

Et les bonnes consciences, comprenez les zélés conservateurs, de pousser des cris d’orfraie sur cette décadence si dangereuse pour la jeunesse. Au hasard, « je pense que ces trucs sauvages et débauchés sont une tendance effrayante. J’ai deux jeunes enfants et quand je pense qu’ils ont grandi et y ont été exposés, je me sens malade. » Que diable, que diabolus in musica !!! La citation date de 1956 et concerne Elvis Presley. Et de chercher des comparaisons avec l’androgyne Ziggy Stardust, la marquise Elton John (il s’habillait parfois ainsi sur scène), la reine Mercury, qui, tous, étaient allés bien plus loin que nos candidats de l’Eurovision. Et à regarder ma discothèque, je suis tombé sur ce disque, qui célèbre ses 51 ans cette année : Billion Dollar Babies. Et, autant l’écrire de suite : nos candidats 2024 sont bien pâlichons par rapport à ce disque numéro 1 en son temps aux États-Unis et en Angleterre. Après une reprise, le sympathique Hello Hooray, Alice Cooper balance une histoire de viol, sur une route mexicaine (Raped and freezin’). Puis enchaine sur quelques futurs classiques : Elected, No more Mr Nice Guy, et bien évidemment la chanson-titre, évoquant une relation sexuelle avec une poupée gonflable. Et toute cette fête de s’achever par I love the dead, traitant de la… Nécrophilie. Et devenue

au fil du temps l’un des moments forts de ses concerts. Parce que toute l’ironie d’Alice Cooper, tout son génial théâtre grand-guignolesque est à l’apogée sur cette chanson, quand une guillotine débarque sur scène, pour lui couper la tête. Une tête qui, une fois tombée dans le panier est portée à bout de bras par… Alice plus vivant que jamais. Qui doit reprendre à son compte les mots de Danton « tu la montreras au peuple, elle le vaut bien. »

Toujours aussi choquant sur scène en 2024, Alice Cooper est surtout un passionné de golf, alcoolique repenti, qui a découvert la Foi sur un lit d’hôpital. Désormais très engagé dans sa communauté, Alice déclare facilement vivre selon les enseignements de l’église, tout en étant Alice Cooper. Et quand on lui demande ce que c’est d’être Alice Cooper, il vous répond de son regard bleu, dans un sourire entendu « je vis avec Alice deux heures par concert, le reste du temps j’ai ma vie, lui la sienne, et je n’en voudrais pour rien au monde. » Un salutaire exercice de discrépance brechtienne que nombre de bonnes consciences seraient priées de suivre avant de balancer à tue-tête des propos qui tiennent plus d’un fiel frustré que d’un miel qu’est l’intro, au hasard, de l’inoubliable No More Mr Nice Guy ! a

Profondément ancrée sur son territoire, Café Sati est une entreprise familiale et indépendante. Depuis trois générations, Café Sati porte un vif intérêt pour l’art contemporain, le design et la photographie.

Les Talents Sati se sont développés autour d’une opération de mécénat pérenne et originale, et mettent chaque année en lumière des jeunes talents issus d’une des écoles d’art partenaire de France, Allemagne, Belgique et Suisse (*).

Les Talents Sati offrent aux artistes l’opportunité d’investir la façade de la torréfaction située au port du Rhin, à la frontière entre Kehl et Strasbourg. Suite à un projet européen particulièrement exigeant, un jury indépendant constitué de représentants du monde économique et culturel, sélectionne l’œuvre lauréate qui sera intégralement financée par Café Sati et exposée pendant un an dans un cadre exceptionnel.

Depuis 2013, 10 lauréats ont vu leurs œuvres produites et exposées. 39 finalistes ont été récompensés, et plus de 250 projets ont été éxaminés.

Le jury 2024 a choisi l’œuvre Where do I come from ? de Suzon Léger. Le projet de l’artiste sera dévoilé à la rentrée.

www.lestalentssati.com

Ecoles partenaires en 2024 / *En France : Ecole supérieure d’art et de design de Reims, Ecole nationale supérieure d’art de Nancy, École supérieure d’art de Lorraine, Haute école des Arts du Rhin, École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris.

En Allemagne : Hochschule Offenburg, Hochschule Pforzheim, Staatliche Hochschule für Gestaltung Karlsruhe, Hochschule der Bildenden Künste Saarbrücken.

En Suisse : Hochschule Luzern, Design & Kunst - Hochschule für Gestaltung und Kunst FHNW Basel.

C’EST CONTRIBUER À METTRE EN LUMIÈRE

LES LIENS ENTRE L’ART, L’INDUSTRIE ET LA VILLE. »

Nicolas Schulé, Président de Café Sati.

LES TALENTS SATI DEPUIS 2013

L’Heure Bleue, 2023 d’Élisa Sanchez

Haute

Arcadia, 2021 de

Haute

Fenêtre sur canal, 2019 de Justine Siret Ecole supérieure d’art et de design Reims (FR)

Intemporel, 2017 de Pierre Boyer & Youri Asantcheeff

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Trombines d’usine, 2014 de Alexis Reymond

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2022 de

Situ Sati, 2020 de

Haute

Curiosités industrielles, 2018 de Joanna Hateley & Thomas Roger

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Blazing Darkness, 2016 de Nina Kronenberger, Maria Sieradzki & Merle Sommer Hochschule der Bildenden Künste Saarbrrücken (DE)

Heure Luxueuse, 2013 de Margot Dien & Baudoin Lindas

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Maëva Sanz & Eli Bouisson
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Victoria Kieffer
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A Window in Time,
Johannes Musiol & Ozan Güngor Hochschule für Gestaltung und Kunst FHNW, Basel (CH)
La coopérative Bân Liên, au Vietnam.

LES JARDINS DE GAÏA PIONNIERS DANS L’IMPORTATION DE THÉ À LA VOILE

Labellisée Bioentreprise Durable® en 2018, la Maison de grands thés et infusions bio et équitables de Wittisheim vient de franchir un nouveau cap dans sa démarche RSE, en faisant importer ses matières premières du Vietnam par voilier. Une grande première sur le marché du thé français !

Il y a 30 ans, alors que le thé en vrac gagne doucement du terrain en France, Arlette Rohmer se prend de passion pour le bio. Dans sa cuisine, elle ensache à la main des mélanges sourcés auprès d’un producteur au Sri Lanka. Si on lui avait dit qu’aujourd’hui, sa petite entreprise compterait 75 employés, 650 références de thés et de tisanes, 40 coopératives de producteurs partenaires provenant de 14 pays, elle ne l’aurait probablement pas cru… La recette de son succès réside sans nul doute dans son approche holistique de la RSE.

CAP SUR LE COMMERCE ÉQUITABLE

Thés, plantes, épices… Depuis sa genèse, les Jardins de Gaïa commercialise des produits 100 % bio et issus du commerce équitable. La PME alsacienne s’approvisionne en direct auprès de ses coopératives de producteurs cultivant les matières premières. Les produits dits natures (thé vert, noir, blanc) sont conditionnés à la main, à Wittisheim ou dans les deux ESAT partenaires de Sélestat et de Benfeld. Sur le site de production, un comité de développement s’attelle également aux assemblages pour créer des recettes de thés, de tisanes et d’épices. Car la marque a donné naissance à une seconde graine : Terra Madre. « Les épices poussent juste à côté des théiers. C’était donc cohérent d’élargir les partenariats avec nos producteurs », explique Cassandre Maury, Directrice Générale. Si jusqu’alors, l’entreprise alsacienne importait ces produits d’exception jusqu’à Anvers via des porte-conteneurs, elle a récemment misé sur le transport maritime.

EMPREINTE CARBONE RÉDUITE

En 2022, les Jardins de Gaïa font appel à l’association Initiatives Durables pour réaliser leur bilan carbone.

Quelques mois plus tard, ils sont contactés par l’armateur TOWT, basé au Havre et engagé dans la décarbonation du transport maritime, qui leur fait part de son projet de construction au Vietnam : l’Artémis, un voilier-cargo de 80 mètres de long et d’une capacité d’emport de 1100 tonnes. Ce dernier permettrait à la PME alsacienne d’importer les thés de sa coopérative partenaire Bân Liên, regroupant 268 familles de petits producteurs. « C’était évident pour nous de mettre des billes dans ce transport plus clean. Jusqu’à présent, nous soutenions des projets de compensation carbone. Il était temps de prendre le problème de la pollution à la racine », soulève la DG engagée.

DES THÉS PRIVILÉGIÉS

Avec 10 palettes de thés natures, le voilier-cargo Artémis a mis les voiles le 29 juillet du port de Hô Chi Minh jusqu’à celui du Havre, où il devrait arriver à la mi-septembre. Un voyage VIP pour les thés des Jardins de Gaïa, seules marchandises à bord. « Artémis a été construit au Vietnam par les chantiers Piriou et devait rejoindre la France. Alors, autant le charger avec 2 tonnes de thés

« ARTÉMIS A ÉTÉ CONSTRUIT AU VIETNAM PAR LES CHANTIERS PIRIOU ET DEVAIT REJOINDRE LA FRANCE.

ALORS AUTANT LE CHARGER AVEC 2 TONNES DE THÉS PLUTÔT QUE DE LE LAISSER RENTRER À VIDE ! »

plutôt que de le laisser rentrer à vide ! », confie Cassandre Maury. Ceci explique qu’Artémis était en mesure de faire un crochet par le Cap de Bonne-Espérance, en Afriquedu-Sud, pour récupérer 10 palettes de rooibos Demeter (à l’heure où nous écrivons ces lignes, le capitaine n’a pas encore arrêté son itinéraire). Quoi qu’il en soit, cette importation vaut le détour puisqu’elle est décarbonée à 90 % ; le voilier doit rapidement faire vrombir le moteur sur l’océan indien, car le vent est moins porteur que sur l’Atlantique.

NOUVELLES RECETTES EN VUE !

De cette escapade maritime découleront trois nouvelles recettes : un thé blanc, citron, combava et noix de coco, un thé noir caramel, banane et sarrasin ainsi qu’un thé vert grenade et passion. Disponibles en fin d’année dans les boutiques Jardins de Gaïa (à Rennes et à Wittisheim) et sur le site internet, ainsi que chez les professionnels à partir de janvier 2025, ces références seront estampillées ANEMOS, le seul label de transport au monde garantissant une navigation décarbonée grâce aux voiliers.

Répandue dans le transport de marchandises transatlantiques, notamment via la route du café, cette démarche reste inédite sur le marché du thé français. Une nouvelle fois, les Jardins de Gaïa montre la voie et espère ouvrir le champ des possibles. E

« JUSQU’À PRÉSENT, NOUS SOUTENIONS DES PROJETS DE COMPENSATION CARBONE. IL ÉTAIT TEMPS

DE PRENDRE LE PROBLÈME

DE LA POLLUTION À LA RACINE. »

Vue 3D du voilier-cargo Artémis armé par TOWT.

VINS SOUS FORCES COSMIQUES

Le temps est à l’ésotérisme. En témoigne – entre autres – l’engouement pour la lithothérapie, l’astrologie, et les fumigations permettant de purifier son espace. Dans le monde du vin, l’ésotérisme fait son bout de chemin. Sous des airs « plus bio que bio », l’agriculture en biodynamie est une démarche qui consiste à penser la vigne dans l’ensemble de son environnement. Jusqu’ici tout va bien.

Entre 1980 et 2000, les labels biologiques fleurissent. Ces derniers font écho à des changements sociologiques importants, dont l’envie de préserver une biodiversité et des sols nourriciers. Grâce à cette – honorable – prise de conscience, la biodynamie connaît, elle aussi, un essor.

Cette agriculture est basée sur la théorie de Rudolf Steiner (1861-1925), penseur autrichien et fondateur de l’anthroposophie. Ce mouvement philosophicoreligieux s’inscrit dans de nombreux domaines, tels que l’éducation (pédagogie Steiner-Waldorf), les cosmétiques (laboratoires Weleda), et l’agriculture (label Demeter). Il est accessoirement surveillé par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, appelée Miviludes.

Au-delà d’une liste d’intrants plus restrictive, l’agriculture biodynamique diffère de la biologique par la croyance en des « forces cosmiques », en l’influence de la lune, des planètes et du zodiaque sur la croissance des plantes, en l’homéopathie ou encore en l’existence d’êtres surnaturels et invisibles (gnomes, ondines, esprits de l’air et du feu…) 1. Dumbledore serait ravi.

L’utilisation de « préparations biodynamiques » est inhérente au label. Quelques-unes, telles que l’utilisation de prêle et d’ortie, font partie du bon sens paysan. C’est que leurs propriétés de prévention des maladies cryptogamiques sont connues depuis belle lurette. D’autres affichent un caractère plus mystique, puisqu’elles consistent à remplir des organes d’animaux morts (corne, intestin, crâne, vessie) de fleurs et de plantes. Après une période de fermentation –généralement dans le sol – le mélange est dilué, puis répandu afin de transmettre une information à la terre.

Le projet Ecovitisol, lancé en 2019, étudie l’impact des modes de production sur la biodiversité et la matière organique des sols. La biodynamique relève des résultats légèrement meilleurs que l’agriculture conventionnelle ou biologique. Or, ces résultats micro-

biologiques […] intriguent, car ils sont bons malgré un travail du sol souvent excessif et une gestion de l’enherbement qui pourrait être améliorée 2. Ce résultat est suivi, puisque le projet est reconduit chaque année dans un environnement différent. Pour le moment, aucune étude scientifique ne conclut une supériorité avérée par rapport à l’agriculture biologique. Ceci alimente son lot de controverses auprès des chercheurs ; la biodynamie c’est du bio plus de la pseudo-science  3, partageait l’an dernier Cyril Gambari, docteur en microbiologie, à la revue Progressistes

En soi, la biodynamie n’est pas dangereuse. Ce qui dessert les vignerons, c’est plutôt le caractère élitiste et l’outil marketing qui accompagnent le discours de certains défenseurs. Les opinions sont – heureusement – propres à chacun. Pour ne pas être confondu avec du charlatanisme, il importe néanmoins ne pas mélanger agronomie et astrologie.

N’en déplaise à Aristote qui soutient que l’homme est un animal rationnel, l’émotion reste au cœur de nos choix quotidiens. La quête du bien-être suit la vague, et ce en corrélation avec l’ascension sociale. La biodynamie s’inscrit dans cet espace inoccupé, et dans un contexte où il fait bon de croire au merveilleux. Mais l’important, ce n’est pas la chute : c’est l’atterrissage. E

1. Cécile Thibert, (17 septembre 2021).

Forces cosmiques, rituels ésotériques et êtres surnaturels : ce qui se cache derrière les vins « biodynamiques » [en ligne], sur le site de Le Figaro Sciences.

2. Projet Ecovitisol (22 février 2022). Compte rendu synthétique Ecovitisol [en ligne], sur le site Soin de la Terre.

3. Thomas Liechti, (21 février 2023).

La biodynamie : occultisme et dérive sectaire, Cyril Gambari [en ligne].

Jessica Ouellet Caroline Paulus

Quelques-unes des étiquettes alsaciennes du collectif Les 9.

ART ET VIN UN REGARD NEUF SUR L’ÉTIQUETTE

Depuis dix ans, le collectif d’artistes sundgoviens Les 9 réinvente l’habillage des vins d’Alsace et d’ailleurs, au travers d’étiquettes originales et uniques qui ornent des séries

limitées de jéroboams.

Transformer un élément marketing en véritable œuvre artistique dans un processus de création partagé, c’est la démarche originale adoptée par le collectif Les 9 depuis 2014 pour promouvoir l’excellence œnologique alsacienne et faire entrer en résonance deux mondes reliés par de nombreuses passerelles.

C’est le peintre et écrivain Philippe Hillenweck qui est à l’origine de ce projet qui regroupe huit autres artistes du secteur sundgovien : le photographe Guy Buchheit, les sculpteurs Yves Carrey et Hervé Spycher, le designer graphiste Justin Hug, les artistes multimédia Chéni, Daniel Dyminski et Christophe Hohler et le peintre Bernard Latuner. Philippe, qui a déjà à l’époque un pied dans la création d’étiquettes, les convainc un à un de rejoindre l’aventure avec l’objectif d’accompagner des vignerons alsaciens sur des cycles de trois ans jusqu’en 2034.

COMME UN PUZZLE

QUI S’ASSEMBLE

Le Domaine Gustave Lorentz, à Bergheim, est le premier à tendre la main au collectif, qui conçoit sa toute première étiquette en 2016 pour habiller 234 jéroboams d’un pinot gris bio du millésime 2015. Un format de bouteille parfaitement adapté au projet, au regard de sa large surface d’exposition. Deux autres cuvées suivront pour ce vigneron avant que les domaines Paul Ginglinger, à Eguisheim, et Joseph Gsell, à Orschwihr, ne croisent eux aussi le chemin des neuf artistes pour six nouvelles créations. Chaque étiquette, divisée en neuf parties, assemble les œuvres de chaque membre du collectif. « Ce qui me frappe à chaque fois », s’enthousiasme Bernard Latuner, « c’est l’harmonie qui se dégage de l’ensemble malgré

nos styles tous différents ». Une harmonie et une complémentarité qui puisent sans doute leur source dans l’espace de liberté accordé à chacun et aux liens très forts qui unissent les membres de ce collectif.

LES COPAINS, D’ABORD

Car bien plus qu’un regroupement d’artistes, les 9 forment avant tout une bande de copains. Leurs premières réalisations sur des flacons alsaciens rencontrent un tel succès que s’ouvrent bientôt à eux les portes d’autres domaines, dans d’autres régions viticoles, en France comme en Europe. Autant d’escapades que l’on imagine studieuses et bien arrosées en Champagne, en Corse, en Beaujolais, en Suisse ou en Allemagne. Partout, ils y ont forgé leur amitié, cimenté leur concept et consolidé leurs relations artistiques « exemptes de tout esprit de compétition », souligne Daniel Dyminski. Sans jamais perdre de vue l’essentiel : le travail de création et la connexion avec le vigneron qui en inspire les lignes directrices. Un processus long et réfléchi, au cours duquel sont définis

« CE QUI ME FRAPPE À CHAQUE FOIS (...) C’EST L’HARMONIE QUI SE DÉGAGE DE L’ENSEMBLE MALGRÉ NOS STYLES TOUS DIFFÉRENTS. »

Bernard Latuner

thème et couleurs dominantes, avant que chacun n’aille en exprimer sa propre vision dans son atelier. « Entre le choix de la cuvée et la réalisation de l’étiquette, il faut compter une bonne année », précise Philippe Hillenweck, « et, au final, près de 350 heures de travail ».

UN VERRE À MOITIÉ PLEIN

Le projet artistico-œnologique des 9 arrive aujourd’hui à mi-parcours. L’occasion pour chacun des artistes qui composent cette talentueuse tribu d’en tirer un premier bilan. « Franchement, je ne pensais pas que cela prendrait une telle ampleur », avoue Hervé Spycher. « Grâce au collectif, je me permets des choses que je ne me permettrai pas tout seul », poursuit-il. Le ton est sensiblement le même dans la bouche de Bernard Latuner. « Le travail avec les 9 m’extrait de mon propre univers, de mon monde de recherches. C’est un peu d’air frais pour moi et une sacrée aventure ». « En atelier, on fait ce que l’on veut », rajoute Daniel Dyminski. « Là, on doit suivre quelques règles et il y a un vrai challenge à relever dans ce format peu habituel ». Guy Buchheit insiste de son côté sur le caractère communautaire de l’expérience. « Quand on est ensemble, ça marche ! Sans enjeu ni jalousie, mais en parfaite communion ». Yves Carrey, de son côté, s’amuse de la pérennité du projet. « Je suis assez surpris que personne ne se soit barré jusque-là, moi le premier. Je dois toujours me sentir libre et, là, depuis le début, je ne me sens pas du tout contraint, même s’il faut bien sûr faire sa part du travail ».

Un travail qui se poursuivra l’an prochain, toujours sous la coordination de Philippe Hillenweck, avec

Une partie du collectif Les 9 avec quelques-unes de leurs créations. De gauche à droite : Philippe Hillenweck, Yves Carrey, Daniel Dyminski, Hervé Spycher, Guy Buchheit et Bernard Latuner.

l’entrée du Domaine François Baur, à Turckheim, dans le giron des collaborations alsaciennes. Un nouveau cycle de trois ans pour les 9, qui ambitionne de boucler leurs 20 ans de collaboration en 2034 avec une troisième étiquette destinée au Crémant Kairos du Domaine Joseph Cattin, après celle réalisée « hors cadre » en 2020 pour les 300 ans de la maison de Voegtlinshoffen et celle programmée en 2027 pour en suivre une première évolution sept ans plus tard.

Le temps et le vin, ces deux éléments qui s’écoulent, le premier bonifiant le second. E

Quelques-unes des étiquettes réalisées par le collectif Les 9, hors Alsace

sur une terrasse

JULIEN TANGUY LE CONCIERGE AUX CLEFS D’OR

Il est le troisième Alsacien à revêtir cette broche aux clés croisées dorées, signe de consécration dans la profession. Rencontre avec l’homme à tout faire de Maison Rouge Hôtel & Spa, la plus vieille auberge de Strasbourg métamorphosée en hôtel cinq étoiles.

C’est un cercle très fermé que celui des Clefs d’Or… et il ouvre de nombreuses portes ! Avec des racines remontant à 1929, cette association a été fondée en France en 1952 autour de deux piliers : le service et la fraternité internationale. Les aspirants à devenir membres doivent justifier d’au moins cinq ans d’expérience en tant que concierge d’hôtel, parler trois langues minimum et répondre à une série de questions de culture générale en lien avec l’actualité. « J’ai passé mon entretien en février donc on a parlé de la panthéonisation de Missak Manouchian et de son épouse. J’avoue avoir séché sur le nom de la vache égérie du Salon de l’Agriculture… Oreillette ! », confie Julien Tanguy.

L’EXCELLENCE EN MOTEUR

Après des études de psychologie, Julien Tanguy s’envole à Montréal pour s’initier à l’hôtellerie. Il office notamment au Fairmont Reine Elizabeth, connu pour le célèbre Bed-in for Peace de John Lennon et Yoko Ono. « C’est dans cette même suite que l’artiste a enregistré l’hymne Give Peace a Chance », raconte ce puit de connaissances. Après une décennie canadienne, il revient en France et ajoute deux cordes étoilées à son arc : le Sofitel Paris Le Faubourg et le Peninsula Paris. Puis, à l’instar des cigognes, il finit par revenir en Alsace. À Strasbourg, l’hôtel Maison Rouge sort de rénovation. L’émérite concierge, qui s’est toujours identifié à ce lieu chargé d’histoires, s’imagine faire partie des murs. En 2021, le rêve devient réalité.

DÉVOUÉ AU SERVICE

Depuis, Julien Tanguy ne cesse de se mettre en quatre pour ses clients : « mon rôle, c’est d’aller au-delà de leurs attentes ». La veille de notre rencontre, il accueillait une cliente dont la valise avait été égarée à l’aéroport. « Elle avait un dîner de gala le soir même. Comme elle ne m’a rien demandé, j’aurais pu me contenter de lui dire “bon courage”. Au lieu de ça, j’ai contacté des magasins pour lui en trouver une nouvelle. Je lui envoyais des photos

pour validation, elle était ravie ! ». Une philanthropie qui fait écho au mantra de Maison Rouge, comme le souligne la directrice générale Carine Kienlé : « l’émotion nourrit le souvenir. On se rappelle d’un établissement à travers ce qu’on y a ressenti ».

AMBASSADEUR DE STRASBOURG

En rejoignant l’illustre Union Internationale des Concierges d’Hôtels, et ses 4000 membres à travers le monde, Julien Tanguy offre une nouvelle aura à cette institution historique, dont les premières briques rouges – qui lui ont donné son nom – ont été posées en 1387. Il est l’un des premiers visages que l’on croise en passant la porte. C’est le complice des demandes en mariage. Et l’Office du Tourisme de la Maison ! « Il ne le sait pas encore, mais on va le solliciter pour les pages locales de notre magazine interne », sourit Catalina Bergan, responsable commerciale et communication. Logique, Julien Tanguy connaît toutes les adresses clés… E

« MON RÔLE, C’EST D’ALLER AU-DELÀ DES ATTENTES DES CLIENTS. »

Au XVIIIe siècle, l’auberge de la Maison Rouge était édifiée sur l’actuelle Place Kléber, à la place de la FNAC.

Jessica Ouellet

ACAFÉS SATI UN CHAMPION DE DÉGUSTATION DE CAFÉ

Il est champion de France de dégustation de café. Sébastien Maurer représente fièrement les Cafés SATI et aspire à la couronne mondiale.

près les JO, voici un autre champion alsacien. Sébastien Maurer, 48 ans, originaire d’une famille alsacienne a construit un parcours qui le mène au sommet du café. Après avoir obtenu un DUT en métrologie et mesures physiques, il rejoint SATI en 1997 en tant que manager qualité. À ses débuts chez SATI, il n’a « aucune notion du café », mais son écoute et sa passion pour l’apprentissage l’ont rapidement propulsé vers l’excellence. Sous la tutelle de son mentor chez SATI, il se forme en interne, devenant un expert en dégustation et un membre du jury lors des tests de qualité. Son rôle implique non seulement la préparation des dégustations, mais aussi le contrôle physique et chimique des lots et de la production de café.

LE CAFÉ VEUT SES LETTRES DE NOBLESSE

Le Cup Tasting, ou dégustation de tasse, consiste pour les candidats à « identifier l’intrus parmi trois tasses de café en un temps limité », nous explique la figure de proue de SATI. La compétition met à l’épreuve les sens, notamment l’odorat et le goût, exigeant une grande concentration et une connaissance approfondie des différents profils de café. Sébastien a remporté plusieurs titres nationaux, démontrant sa maitrise. En 2024, il a remporté son cinquième titre de champion de France de Cup Tasting, se qualifiant ainsi pour le Championnat du monde à Chicago. Il espère décrocher le titre mondial en 2025.

Le succès de Sébastien Maurer est étroitement lié à l’approche rigoureuse de SATI en matière de qualité. Chaque lot de café est minutieusement contrôlé pour garantir une expérience gustative optimale. Cette quête de l’excel-

lence se reflète également dans les concours de dégustation. « Aujourd’hui, seuls 1 à 2 % des cafés sont considérés comme des cafés de spécialité », indique Sébastien Maurer. « Ces concours permettent de mettre en avant cette boisson, encore considérée comme populaire. Dans l’esprit des gens, le café c’est pour se réveiller », sourit ce passionné, « mais chaque famille de grain, chaque méthode de torréfaction, chaque altitude, chaque récolte a un impact sur les arômes, saveurs et flaveurs du café. C’est très fin ! ». À l’image de la dégustation de vins, le palais est sollicité sur plus de 800 composés aromatiques. De quoi en avoir pour quelques heures d’études de la « caféologie ». E

Les Cafés Sati, fondés en 1926 à Strasbourg, sont connus pour leur engagement envers la qualité et l’innovation. L’entreprise se distingue par sa capacité à s’adapter aux évolutions du marché tout en respectant les traditions de torréfaction artisanale. Sati propose une gamme variée de cafés, allant des produits de tous les jours aux cafés de spécialité, vendus via des distributeurs spécialisés et des boutiques. L’excellence à l’Alsacienne !

« DANS L’ESPRIT DES GENS, LE CAFÉ C’EST POUR SE RÉVEILLER. »

Sébastien Maurer

SPECTACLES

FESTIVAL, LIVRES GALERIES, ETC.

Chaque trimestre, la rédaction de Or Norme a lu, écouté, visionné l’essentiel de ce qu’on lui fait parvenir. Cette sélection fait la part belle à ses coups de cœur...

Salomé Dollinger, Isabelle Baladine Howald, Jean-Luc Fournier

Thomas Deschamps, DR

1KEXPOSITION

Les fabuleux trésors de La Fontaine à la Galerie Decorde

our sa quatrième édition, l’exposition Trésor(s) organisée par la Fédération des Métiers d’art d’Alsace (FREMAA) revient à la galerie Philippe Decorde et a choisi la thématique des fables de La Fontaine. Pas moins de trente-trois artistes ont été invités à présenter des œuvres uniques inspirées par l’imaginaire, la symbolique et les personnages foisonnants du célébre fabuliste.

PTantôt figuratives, allégoriques ou anthropomorphes, il y a fort à parier que pas mal d’âmes d’enfants, de souvenirs ou de rêves enfouis vont être réveillés. Faites de bois, de grès, de textile, de verre, de perles, de métal ou encore de cuir, les œuvres présentées sont le fruit de l’expression contemporaine de

techniques ancestrales parfaitement maîtrisées. Une fois de plus, les professionnels des métiers d’art font la démonstration de la vitalité créatrice du secteur, notamment de leur capacité à intégrer les galeries d’art contemporain. Des œuvres sensibles, poétiques et surprenantes, à découvrir dès le 13 septembre. a

TRÉSOR(S) : GaleriePhilippeDecorde, 5ruedeMolsheimàStrasbourg, aupiedduMuséed’ArtModerne etContemporain. Du13 septembreau6 octobre, chaquejourde13hà19h.

Entrée libre www.fremaa.com

Catherine Saby

CERTAINS NE JURENT QUE PAR

NICOLAS.

NOUS ON A PIERRE, PAULE, JACQUES...

Au Théâtre du vin, nous avons 38 prénoms et une grande passion pour les conseils personnalisés. Et sinon, retrouvez-nous sur theatreduvin.fr

STRASBOURG - HAGUENAU - FEGERSHEIM - COLMAR - MITTELHAUSBERGEN

2K 3K FESTIVAL LIVRES

FORMAT(S)

Design graphique Strasbourg

Central Vapeur

Cette troisième édition de FORMAT(S), festival de design graphique à Strasbourg – porté par l’association Central Vapeur – propose du 4 octobre au 17 novembre de mettre en avant le design graphique dans le Grand Est, en France et à l’international. À travers des expositions, des conférences, un salon d’exposants, des workshops et divers événements à Strasbourg, FORMAT (S) est une invitation à rencontrer et découvrir certains acteurs du design graphique dans leurs pratiques variées avec une volonté de dialogue et de médiation entre le champ artistique du graphisme et les publics.

À voir notamment cette année, une exposition d’affiches contemporaines en lien avec la lettre et son traitement qui sera visible dans l’écrin impérial du Palais Universitaire ainsi qu’une sélection d’ouvrages effectuée par les étudiants de plusieurs écoles francophones qui sera exposée à la Chaufferie à la HEAR.

Le temps fort du festival sera bien entendu le salon graphique avec 18 invités locaux, nationaux et européens le weekend des 12 et 13 octobre à la Coop, où une exposition des plus beaux livres suisses primés en 2024 sera également visible. La communication visuelle de cette édition est signée par le studio bâlois Tristesse.

Événement gratuit et ouvert à toutes et tous. a

FORMAT(S)2024–Designgraphique Du4 octobreau17 novembre Toutleprogrammesur : formats-festival.org Insta :@formats_festival

De

père en fils

Tomi

Ce livre d’images est un hommage à mon père. Pour le composer, il m’a fallu accepter qu’il ne soit pas l’idole que sa mort avait créée. Tout est contradictoire dans la quête que j’ai entreprise. Je cherche mon père et c’est moi que je trouve…

Ces quelques lignes sont extraites du long texte original « À la recherche de mon père » qui ouvrait déjà l’édition originale de 2002 et que Tomi Ungerer avait signé. Un texte si dense et si ample qu’on devine sans peine à quel point le plus célèbre des artistes alsaciens avait dû alors puiser non seulement dans ses souvenirs et les archives familiales, mais aussi aux tréfonds mêmes de son subconscient.

Quelle belle idée, donc, de republier ce livre aux illustrations magnifiques qui mêle la profondeur d’une histoire familiale avec l’explosion artistique du grand Tomi. « Mon père et moi avons partagé le même terroir et son histoire avec respect et reconnaissance mêlés, dans mon cas, de dettes et de doutes. Il en a amplifié le bonheur, moi le malheur. Pour lui, l’Alsace était un beau jardin, pour moi l’Alsace a été un champ de bataille clairsemé de cimetières. Nous avons partagé le même don, celui d’être alsacien, mais chacun à sa façon, lui enraciné dans sa terre, moi avec beaucoup d’ailleurs. »

Thérèse Willer (qui a conçu le Musée Tomi Ungerer – Centre international de l’illustration à Strasbourg et a été très proche de l’artiste) signe une postface en tous points remarquable. a

LOn marche sur la tête

Ghislain Benhessa & Guillaume Bigot

a France, L’Union Européenne et les mensonges » proclame le bandeau rouge qui barre la couverture du dernier livre de l’avocat strasbourgeois Ghislain Benhessa, qu’il cosigne avec Guillaume Bigot, un politologue qui éditorialise chez CNews et Sud Radio. Le livre épouse de très près les théories en vogue chez tous ceux qui ont profité des récentes élections européennes pour manifester leur aversion envers Bruxelles, Strasbourg et les institutions européennes. Selon les auteurs, « les Français savent que la prise de décision leur échappe, confisquée par un assemblage composite et insaisissable. Marchés financiers, technocratie polyglotte, forum de Davos, comités d’experts, nébuleuses de juges : comme dans X-Files, la vérité est ailleurs, et la multiplication des strates ne fait qu’alimenter le ressentiment et les théories du complot, auxquelles réplique l’industrie médiatique du fact-checking ». Toujours selon les auteurs, « tout se dilue dans un embrouillamini indéchiffrable qui suscite, au mieux l’abstention, au pire la détestation. Un embrouillamini piloté au sommet, depuis de décennies, par l’UE. »

Et ils vont encore plus loin signifiant dès leur introduction « qu’au fond, l’histoire de l’Europe est celle d’un viol. Pas à la hussarde, non. Un outrage soigneux, délicat, les volets clos et la lumière tamisée… »

L’art du pamphlet est réputé à manier avec une infinie délicatesse. À se battre et tant ferrailler tels Don Quichotte, Ghislain Benhessa et son coauteur sont donc en permanence sur le fil du rasoir. Les convaincus se délecteront de la lecture de cet essai, les autres auraient grand tort de la bouder : il faut toujours savoir exactement ce que pensent nos contradicteurs, c’est la base du débat… a

3K LIVRES

Le Retable d’Issenheim suivi de L’Horloge de Bologne

Margherita Guidacci

e retable d’Issenheim est un des trésors de l’Alsace, les éditions Arfuyen rééditent dans la belle collection Neiges deux textes essentiels de la poète italienne Margherita Guidacci. Le premier en trois parties est une superbe suite de poèmes sur le célèbre retable qui donne son titre au livre et le second comme une longue prière pour les victimes de l’attentat en gare de Bologne.

LLes aiguilles de la gare se sont arrêtées à 10h15 ce jour-là et n’ont jamais été remplacées. Le lien entre les deux est toujours le malheur des humains, les corps brisés et torturés peints par Grünewald et ceux brûlés, déchiquetés à Bologne. L’ensemble est remarquable de beauté.

Certes un certain désespoir habite ces pages, parce que l’homme est, il faut le dire, assez désespérant. Mais la poésie de Guidacci sublime la figure du peintre Grünewald qui finit en ermite et les prières s’élevant pour célébrer les morts : « perdre la conscience du mal est un autre mal/il s’ajoute au premier et n’y porte pas remède. » a

Le Retable d’Issenheim suivi de L’HorlogedeBologne, Trad.del’italienetprésentéepar G.Pfister,Arfuyen 2024,115 p.

Là où les idées naissent et les projets grandissent.

Le club des partenaires

Merci aux partenaires Or Norme pour leur soutien.

ESur la route avec Tante Jeanne

Simone Morgenthaler

n mai 2000, la journaliste et écrivaine Simone Morgenthaler entreprend avec sa précieuse marraine Jeanne, une paysanne à l’esprit sauvage qui n’était jamais sortie de son village, une traversée de la France. Jeanne rêvait de voir Lourdes et l’océan, mais, aux côtés de Simone, via les mille paysages d’une France qu’elle n’avait fait qu’imaginer jusqu’alors, elle rencontra son pays.

Durant ces quelques jours, les deux femmes prirent le temps. Le temps de l’improvisation la plus totale, de l’inattendu, un temps d’une fulgurante liberté, et surtout celui d’un tête-à-tête si proche. Elles abordèrent les sujets les plus divers, transmettant les drames et anecdotes familiaux, dissertant sur l’histoire sainte et celle de l’Alsace, ramassant des fleurs, parlant de mille et un petits riens, dégustant des Wecke, les viennoiseries de chaque localité traversée.

Peu importait le but, leur joie résidait dans le chemin parcouru ensemble.

Ce récit de voyage, écrit vingt ans après, a le charme de l’enfance disparue. La si délicieuse Simone Morgenthaler nous invite à partager avec les êtres qui nous sont chers, le temps d’un voyage, le temps d’une parenthèse enchantée…

Un livre précieux qui invite à se recentrer sur une simplicité heureuse où l’essentiel réside dans l’amour et l’écoute de l’autre, pour cueillir au détour du chemin ce cadeau inattendu : la joie…

La très belle couverture est l’œuvre du graphiste Ange Mercuri. a

Surla route avecTanteJeanne

3KLIVRES

Face’s end

n livre commun d’Alain Vuillaume et de Gérard Haller, Face’s end, paraît à l’Atelier contemporain. Les deux auteurs sont fortement liés à Strasbourg depuis toujours en vertu de leur intérêt commun pour le passage des langues et des frontières. Une manière pour l’un comme pour l’autre de « se tenir au bord du monde ».

UCe qui se passe entre la photo et le poème souligne ces écarts et en fait pourtant un livre d’une grande unité. « Éclats finis de la lumière » est le poème et la photo est faite des traces et traînées de lumière sur le flanc d’un volcan. Images et poèmes ne s’illustrent pas, mais se répondent, dialoguent ensemble, chacun avec son art, sa perception, ses questions. Dans une seconde partie se déroule le texte qui se trouve maintenant au cœur du carré noir de la photo, avec la lancinante question du pourquoi de l’homme, du pourquoi du Mal. Et l’on termine avec une lettre qui serait une lettre à l’Autre, notre merveilleux et parfois pire alter ego : « tu vois, rien n’est fini ». a

Face’s end,Gérard Haller & Alain Vuillaume L’Ateliercontemporain, 2024, 109 p.

Coproduction

Création

Création

Création

Création

Création

Création

Par Mickaël Ben David, Co-Fondateur & Associé au sein d’IZHAK AGENCY agence de Communication Digitale à Strasbourg - Paris - Saint-Denis de la Réunion

ICI ET MAINTENANT

PENSER LES MUTATIONS DU XXIe SIÈCLE ENTRE

LA FIN DE L’HISTOIRE ET LA FIN DE LA GÉOGRAPHIE

Depuis la fin de la guerre froide, deux concepts ont marqué le discours géopolitique : la Fin de l’Histoire, popularisée par Francis Fukuyama en 1989, et la Fin de la Géographie, proposée par Paul Virilio. Bien que ces idées semblent interconnectées, les tensions contemporaines révèlent une rupture entre elles, alimentée par les évolutions politiques et technologiques.

LA FIN DE L’HISTOIRE : UNE ILLUSION

Fukuyama prédisait que la chute du communisme signifierait la fin des grandes luttes idéologiques, avec la démocratie libérale comme forme ultime de gouvernement. Cependant, les résurgences nationalistes, les conflits identitaires et les tensions géopolitiques récentes montrent que l’histoire est loin d’être achevée. Les fractures idéologiques persistent, remettant en cause l’idée d’une paix durable et universelle.

LA FIN DE LA GÉOGRAPHIE : UNE MONDIALISATION INCOMPLÈTE

La Fin de la Géographie suggère que la mondialisation et les technologies de l’information abolissent les distances physiques. Cependant, les réalités géopolitiques, comme les tensions aux frontières ou les débats sur la souveraineté numérique, montrent que la géographie reste centrale. Les technologies ne suppriment pas l’importance des frontières, qui continuent de structurer les relations internationales.

IDENTITÉS DÉCONNECTÉES : UNE RUPTURE CULTURELLE

La rupture entre la Fin de l’Histoire et la Fin de la Géographie se manifeste ainsi dans le décalage entre les idéaux d’un monde homogène, pacifié et démocratique, et la réalité d’un monde toujours marqué par des divisions géographiques et culturelles profondes. Alors que Fukuyama envisageait une convergence des systèmes politiques vers un modèle unique, la géographie, bien loin de disparaître, continue de façonner les identités et les conflits.

La montée en puissance de la Chine en est un exemple éloquent. Alors que le modèle occidental semblait triompher, la Chine a réussi à combiner développement économique et autoritarisme, remettant en cause l’idée que la démocratie libérale est la fin inéluctable de l’évolution politique. Parallèlement, la culture chinoise, bien que marquée par une forte tradition, est de plus en plus influencée par des éléments culturels globaux, créant une identité hybride qui reflète à la fois la puissance économique et les tensions géopolitiques du pays.

Le cas de la jeunesse mondiale est également révélateur. Nombreux sont les jeunes qui se sentent plus connectés à une communauté en ligne qu’à leur propre communauté géographique. Cette nouvelle forme d’identité, fluide et délocalisée, montre que la fin de la géographie n’est pas une simple métaphore, mais une réalité pour une partie de la population mondiale, notamment dans les grandes métropoles mondiales où la diversité culturelle est la norme et où les racines géographiques se dissolvent dans un maelström d’influences globales.

UNE NOUVELLE ÈRE

DES IDENTITÉS

La déconnexion des identités contemporaines des cultures issues des géographies traditionnelles accentue la rupture entre la Fin de l’Histoire et la Fin de la Géographie. Les identités hybrides, désincarnées, témoignent de la manière dont la mondialisation et la numérisation réinventent la notion même d’appartenance culturelle à l’heure de l’IA. Il convient de reconnaître l’émergence d’une nouvelle ère, où les identités se construisent à l’intersection de l’héritage géographique et des dynamiques globales, créant une tension permanente entre enracinement et déracinement. Il s’agit de regarder le choc de civilisation interne à chaque territoire où se jouent de nouvelles luttes darwiniennes : entre ceux qui ont fait du monde leur résidence secondaire et ceux assignés à résidence.

Il s’agit alors de redéfinir un nouveau pacte universaliste face à un statu quo mondialiste. De créer un dialogue créatif entre politiques, monde économique et société civile, pour appréhender ces nouveaux terrains identitaires où les cultures locales et globales collaborent plus qu’elles ne s’affrontent, redéfinissant ainsi les contours d’un monde en pleine mutation pour faire renaitre une nouvelle forme d’humanisme. a

SEPTEMBRE 2024

Couverture

Illustration par Adrià Fruitos

Portraits de l'équipe

Illustrations par Paul Lannes www.paul-lannes.com

Directeur de la publication  et de la rédaction

Patrick Adler 1 redaction@ornorme.fr

Rédaction

Jean-Luc Fournier 2 (fondateur)

Alain Ancian 3

Isabelle Baladine Howald 4

Erika Chelly 5

Marine Dumény 6

Guylaine Gavroy

Jaja 7

Thierry Jobard 8

Véronique Leblanc 9

Alain Leroy

Olivier Métral

Jessica Ouellet 10

Barbara Romero 11

Benjamin Thomas 12

Léa Daucourt

Salomé Dollinger

Photographie

Franck Disegni 14

Alban Hefti 15

Yann Lévy

Vincent Muller 16

Caroline Paulus 17

Nicolas Rosès 18

Sabrina Schwartz

Publicité

Régis Pietronave 13 publicité@ornorme.fr

Directrice Projet Lisa Haller 19

Direction artistique et mise en page

Cercle Studio

Or Norme Strasbourg est une publication éditée par Ornormedias

1 rue du Temple Neuf 67000 Strasbourg

Dépôt légal : à parution N°ISSN : 2272-9461

Contact : contact@ornorme.fr

Site web : www.ornorme.fr

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Typographie

GT America par Grilli Type

Freight Pro par J. Darden

Impression

Imprimé en CE

Lumière !

LA COMPAGNIE LE KAFTEUR

10 rue du Hohwald à Strasbourg

Du 4 octobre au 3 novembre à l’Espace K Billetterie

LIVRET ET MISE EN SCÈNE DE JEAN-LUC FALBRIARD MUSIQUES DE ROMAIN SCHMITT - CHORÉGRAPHIES DE PIPPA SIMMONS SCÉNOGRAPHIE DE MATHILDE MELERO - COSTUMES DE FLORENCE BONHERT ET MAGALI RAUCH

AVEC : JEAN-LUC FALBRIARD, FRANCISCO GIL, DOMINIQUE GRYLLA, LÉA GUÉRIN, JEAN-FRANÇOIS MARTIN, MATHILDE MELERO, SARAH PUYDOYEUX, SABRINA RAUCH,RAPHAËL SCHEER, ALEXANDRE SIGRIST (OU SÉBASTIEN DUBOURG), JORIS CONQUET, MICKEY DE MARCO, LILOU LARRE, HILLA LEVY ASLAN, MANON LORRE, DAPHNÉ SCHLOSSER. ORCHESTRE EN LIVE RAYMOND HALBEISEN, LAURENT WOLF, SERGE HAESSLER, SYLVAIN TROESCH, JÉRÔME WOLF, MICHEL OTT, ROMAIN SCHMITT.

3 FORMULES NOS DERNIERS NUMÉROS

OR NORME c 4 numéros trimestriels + Newsletter Or Norme = 40€ / 1 an

OR DU COMMUN c c 4 numéros trimestriels + Hors-séries + Newsletter Or Norme = 60€ / 1 an

OR PAIR c c c 4 numéros trimestriels + Hors-séries + Newsletter Or Norme + Invitations régulières aux événements de nos partenaires (Concerts, avant-premières, spectacles...) = 80€ / 1 an

En partenariat avec : UGC Ciné Cité, Cinémas Stars, Opéra National du Rhin, TNS, Top Music... Et bien d'autres à venir !

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Formulaire à retourner accompagné du réglement par chèque à l'ordre de ORNORMEDIAS à l'adresse suivante : ORNORMEDIAS, 1 rue du Temple Neuf 67000 Strasbourg

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Lumière !

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Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager.

Exemple : Crédit amortissable de 15 000 euros sur 10 ans, 120 mensualités de 125 euros. TAEG fixe de 0 % (taux débiteur fixe : 0 %). Montant total dû : 15 000 euros. Sans frais de dossier. Hors assurance facultative (Décès, Perte Totale et Irréversible d’Autonomie, Invalidité permanente et Incapacité de Travail) calculée sur le capital restant dû, avec un montant de 1re cotisation mensuelle de 9,83 euros, montant total assurance 602,13 euros, TAEA de 0,79 %. Conditions au 11/03/2024. Intérêts pris en charge par la Banque.

OFFRE DE CRÉDIT SOUMISE À CONDITIONS, jusqu’à 50 000 euros et valable jusqu’au 31/12/2024, réservé au 1er prêt destiné à financer les études, pour les 18-27 ans détenteurs d’une offre groupée de services Crédit Mutuel, inscrits dans un cycle d’enseignement supérieur français, et selon quotient familial. Après étude et sous réserve d’acceptation du dossier. Après expiration du délai légal de rétractation de 14 jours et du délai légal de mise à disposition des fonds. Voir conditions détaillées en Caisse de Crédit Mutuel proposant cette offre et sur www.creditmutuel.fr

Caisse Fédérale de Crédit Mutuel et Caisses affiliées, RCS Strasbourg B 588 505 354 – N° ORIAS : 07 003 758.

Contrats d’assurance souscrits auprès de ACM IARD SA et ACM VIE SA, entreprises régies par le Code des assurances.

Crédit

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