TALENTS D’ALSACE
« Le succès n’est pas la clé du bonheur. Le bonheur est la clé du succès. Si vous aimez ce que vous faites, vous réussirez… »
Notre grand humaniste alsacien Albert Schweitzer, Prix Nobel de la Paix, dont nous célébrons le 150e anniversaire de sa naissance en ce début d’année, avait trouvé la définition parfaite du mot « talent ». Une force née avant tout dans le plaisir de faire. Ces 27 talentueuses et talentueux réunis dans ce numéro spécial ont en commun cet amour de la création, de la perfection et du dépassement, dans le sport, les arts, la médecine, la gastronomie, l’artisanat, la mode, l’économie ou les solidarités.
Nous avons toutes et tous des talents cachés. Nous savons toutes et tous faire des choses avec nos mains et notre tête, mais nous n’arrivons pas forcément à trouver le temps ou la motivation nécessaires pour les exploiter pleinement. Ces 27 parcours nous rappellent que le travail et la persévérance peuvent nous faire faire de grandes choses.
2024 restera dans nos mémoires comme une merveilleuse année olympique et paralympique, une parenthèse pleine de ferveur, de grandeur et d’espoir dans un contexte national et international anxiogène. Plusieurs talents figurant dans ce numéro ont participé à la grande année du sport et des solidarités lancée pour l’occasion par la Collectivité européenne d’Alsace, collectivité des solidarités à tous les âges de la vie. 160 000 Alsaciens ont applaudi la Flamme olympique en Alsace le 26 juin dernier, et nos résidents d’EHPAD alsaciens ont parcouru 22 000 km sur des pédaliers, soit la moitié du tour de la Terre, lors d’un Relais de la Flamme virtuel !
Il n’est jamais trop tard pour se dépasser, se lancer des défis, se découvrir une passion, prendre un autre chemin, plonger dans une nouvelle aventure, donner un nouveau sens à sa vie. Ces talents nous inspirent et nous apprennent une chose : il suffit d’y croire, d’avoir confiance en soi et d’avoir confiance en l’autre. La confiance, ce vent d’espoir qui nous relie, comme un remède à toutes les crises.
Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d’Alsace
HORS-SÉRIE TALENTS D’ALSACE 2024
ART ET CULTURE
9
b L’art de Pierre Fraenkel
12
b Lou Fauroux Du MoMa à Art Basel, penser l’après-internet…
16
b Terra Alsatia Quand l’Histoire de l’Alsace s’illumine à Mulhouse
20
b Olivier Arnold L’HistoireGéographie et le cinéma chevillés au corps
22
b Yann Siptrott Viens, voir les comédiens…
SPORT
43
b Benoît Chevreau Tout en haut des étoiles
46
b Magali Magail L’âme du Volley Mulhouse Alsace
48
ÉCONOMIE, BUSINESS
33
b Le tourbillon de la vie de Mélanie Biessy
36
b Steve Risch L’art du pain d’épices en héritage
GASTRONOMIE, VIN, TOURISME
27
b Charles Weiss réinvente le jambon beurre
30
b de:ja Un restaurant et un couple bluffants
b Benjamin Toniutti : « Sur un terrain, nous pouvons mourir les uns pour les autres... »
50
b Antoine Geyer Une détermination à toute épreuve
52
b Vincent Grobelny Le passeur d’émotions
54
b Jules Ribstein Et le Graal du titre paralympique
56
b L’Or pour Joseph Fritsch, le titre de la maturité !
RECHERCHE, INNOVATION, SANTÉ ÉCOLOGIE, ENVIRONNEMENT
61
b Émeline Hahn et Fizimed au secours des périnées
64
b Tom Cardoso et son Petit Truc en Plus
68
b Carole Mathelin est une sacrée battante...
72
b Gaël Le Dorze et la MAM L’art comme levier d’inclusion
81
b Aziz Shokhakimov Le surdoué
84
b L’ascension fulgurante de Alizée Marchal
86
b Evan Carreau-Joho Quinze ans seulement, mais déjà le cœur sur la main !
88
b Mohamed El Amroussi « Les enfants de l’Elsau ont un niveau international... »
92
b Victor Weinsanto a affolé le Tout-Paris
75
b Arlette Rohmer infuse le monde
78
b Nathalie Lebran produit des trésors
Art & CULTURE
Quand mots et lumières habillent la ville L’art de Pierre Fraenkel
Les petites phrases de Pierre Fraenkel habitent le paysage urbain de Mulhouse, interpellant les passants depuis vingt ans. Cet artiste discret, poète de rue au verbe libre, est aujourd’hui très sollicité. Son année 2024, bien remplie, s’est achevée par une exposition en Californie, dans l’effervescence créative de Los Angeles.
Arrivé en 1988 à Mulhouse, alors qu’il n’avait que seize ans, Pierre Fraenkel s’y installe avec sa mère et sa fratrie. Ce jeune Belge, dont le destin est marqué par la dyslexie, se révèle un élève calme, mais peu académique. Le baccalauréat, tenté deux fois sans succès, ne couronnera jamais son parcours scolaire. Pourtant, c’est un talent précoce pour le dessin qui lui ouvre les portes d’une école d’art, son rêve d’enfance. Il poursuit des études à Paris, ville où les ambitions se bousculent, mais que la dureté du quotidien rend inabordable pour un jeune plasticien. Rentré à Mulhouse, il se retrouve face à la page blanche de sa vie, en proie au doute.
Les débuts sont éprouvants : Mulhouse, alors, manque de galeries ou d’institutions capables de donner leur chance aux jeunes talents. Loin de se laisser abattre, Fraenkel multiplie les petits emplois pour subsister. Et puis, un jour, une idée s’impose : s’adresser directement aux passants, sans filtres ni intermédiaires. Il décide de faire de la rue son
espace d’expression, le lieu où son langage visuel, encore balbutiant prendrait racine. « Au bout d’un moment, je me suis dit que j’allais m’adresser aux gens directement, dans l’espace public, parce que j’avais des choses à leur dire ! » confiet-il, repensant à cette impulsion initiale, simple et lumineuse.
Naissance d’un langage
Le début des années 2000 marque la naissance de son style unique. Armé de pinceaux et d’encre, il écrit des phrases sur les panneaux d’affichage libre, où les coulures de peinture ajoutent une fragilité poétique à ses mots. Ses préoccupations, ses rêves, son regard sur le quotidien s’expriment avec une mélancolie qui touche les cœurs. Ses messages, loin de rester lettre morte, s’inscrivent dans la mémoire collective : Tu es celle qu’il te faut !, Keske tu
fée ?, ou Keske tu veux ? résonnent dans la ville, comme autant de poèmes urbains qui surprennent, interrogent, attendrissent.
Un instant suspendu dans la course au quotidien : dans cette époque qui précède l’avènement des réseaux sociaux, ses phrases trouvent un écho singulier. Et puis, Pierre Fraenkel observe : la ville bouge, les gens passent, souvent pressés, sans lever les yeux. Il adapte son art à cette mobilité, inscrivant ses messages directement au sol, où les regards finissent par se poser. À prendre par le cœur fait partie de ces courtes déclarations que l’on aperçoit parfois en flânant. Longtemps, il offre cette poésie de façon désintéressée, un cadeau éphémère au promeneur, un instant suspendu dans la course du quotidien.
Pour un dyslexique, jouer avec les mots n’allait pas de soi, mais Pierre Fraenkel
en fait sa force. Son style, faussement naïf, laisse passer des fautes d’orthographe, ajoutant une dimension ludique et vulnérable à ses messages. Avec les années, son art devient plus engagé, abordant des questions sociales avec des formules simples, mais percutantes. Que ferais-je sans toit ?, se demande un de ses messages, soulignant la précarité avec une innocence qui ne juge pas, mais interpelle, avec l’allusion à une chanson bien connue.
L’humour, toujours présent, tempère la gravité de ses propos, apportant cette légèreté propre aux poètes.
Sa police de caractères, tracée à l’encre de Chine, est reconnaissable entre toutes, mais jamais figée. Chaque lettre évolue, car Pierre Fraenkel refuse la rigidité. « Une écriture, c’est vivant, ça change », explique-t-il, défendant ce refus de se laisser enfermer dans une forme unique.
« “Le pendant des mots, c’est l’image”, dit-il, convaincu que Mulhouse est une muse inépuisable. »
Ses créations, devenues iconiques, s’exportent aujourd’hui sur des cartes postales, mugs, et autres objets, permettant à l’artiste de vivre de son travail, sans trahir l’esprit de son art. Pourtant, le cœur de son œuvre demeure dans l’espace public, où il joue avec des panneaux de signalisation, guidant l’automobiliste vers des horizons poétiques : Se rendre à l’évidence, ou Retour aux sources, écrit pour la direction des Eaux de Wattwiller. Ces interventions, souvent légères, s’accompagnent parfois du soutien des autorités, qui lui commandent des créations en alsacien, pour célébrer l’identité locale.
L’Alsace… et Mulhouse
Pierre Fraenkel est fasciné par le dialecte alsacien et en capture les expressions pour les faire vivre. Des locutions comme
Alles esch net foutu ! ornent désormais des mugs ou badges. « Je ne suis pas alsacien d’origine, mais ces mots sont un cadeau pour moi », confie-t-il. Ses œuvres sont autant de clins d’œil malicieux à ce patrimoine vivant, il puisse aussi l’inspiration dans les réseaux sociaux.
Depuis 2013, il est installé à Motoco, espace de création au cœur de Mulhouse. Là, il redécouvre l’histoire textile de la ville, ses motifs hérités des archives de DMC, et les projette, avec un regard neuf, sous forme de mapping sur des façades, des usines, châteaux ou silos. Ses images habillent le patrimoine sans le dénaturer, éphémères, mais spectaculaires. « Le pendant des mots, c’est l’image », dit-il, convaincu que Mulhouse est une muse inépuisable.
Il transforme aussi des lieux ailleurs en Alsace en tableaux lumineux, habillant par exemple la Villa Burrus ou le Musée
de Wesserling, à la demande de propriétaires ou de collectivités.
L’année 2024 fut riche pour cet artiste éclectique. En Alsace, ses projets se sont multipliés : une campagne sur la récupération du verre du SIVOM de Mulhouse joue avec les mots, avec par exemple Le geste verre de la planète, tandis qu’un circuit de projections a animé le Zoo de Mulhouse fin octobre dernier, à l’aide d’images issues des archives textiles du Musée de l’Impression sur Étoffes. Ailleurs, ses images ont illuminé des édifices, comme à Lons-le-Saunier en novembre, où il proposait une balade de nuit poétique. En décembre, Pierre Fraenkel s’est envolé pour Los Angeles, à l’invitation d’un collectionneur qui suit son travail depuis 2009. Là-bas, il expose une œuvre sur toile, évoquant le silence et le souvenir, comme un dernier clin d’œil à une année intense. b
Du MoMa à Art Basel, penser l’après-internet… Lou Fauroux
À travers la pratique de la vidéo, de la sculpture, de l’installation et de la 3D, l’artiste mulhousienne Lou Fauroux questionne, avec fluidité et une touche d’humour, les enjeux éthiques des intelligences artificielles et des technologies sur les humains. En particulier, ses films imaginent l’après-internet et ses conséquences. Le prestigieux MoMA à New York et la dernière édition de Art Basel à Paris viennent de recevoir ses œuvres…
Un mot sur votre parcours artistique et surtout sur ce qui vous a amenée à travailler sur le thème de la fin d’internet ?
Mon parcours a toujours été marqué par une fascination pour la technologie et son impact sur notre société. J’ai commencé par étudier les arts visuels à l’ENSAD, puis je me suis tournée vers la vidéo et la 3D comme moyen d’expression. Le thème de la fin d’internet m’intéresse particulièrement, car il soulève des questions sur notre dépendance à cette technologie et sur ce que cela signifie pour l’avenir de la communication humaine.
Vous avez réalisé des films WhatRemains Genesis et Porn Selector, présenté au MoMA à New York en avril 2024. Deux réalisations très remarquées.
WhatRemains est un projet global qui explore la mémoire et la perte à travers le prisme de la technologie. Il examine comment nos souvenirs sont façonnés par notre interaction avec les médias numériques et comment cela influence notre perception du passé. Tous mes films utilisent des techniques de montage innovantes pour juxtaposer des images d’archives et des séquences contemporaines, créant ainsi un dialogue entre différentes époques.
Une grande partie de mes références musicales et esthétiques me viennent de mon enfance et adolescence, mon « capital immatériel ». Elles me sont aujourd’hui d’autant plus précieuses que je les ai longtemps partagées avec ma sœur aînée, artiste aussi, décédée en 2023.
Biographie
Lou Fauroux est née en 1998 à Mulhouse. Elle vit et travaille entre Paris et la Seine-SaintDenis. Elle a étudié à l’ECAL et est diplômée de l’ENSAD (École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris) en 2022. Ses premières images en mouvement sont réalisées à partir de l’industrie du film pour adultes à Los Angeles. À travers la pratique de la vidéo, de la sculpture, de l’installation et de la 3D, Lou Fauroux travaille sur les enjeux éthiques des intelligences artificielles et des technologies sur les humains, et décrypte les structures sociales du pouvoir à travers la culture pop et les médias, tels que la musique et les jeux vidéos. Intégrant son expérience queer dans les multiples couches de la narration et de la représentation, elle se réapproprie, avec poésie, les images avec lesquelles elle a grandi en construisant de nouvelles mythologies.
« Mon
film K-Détox présenté à Art
Basel
Paris
vise à créer une archive pour qu’un jour on puisse
dire :
voilà comment on pensait les
relations
humains-Internet, à quoi ressemblait la réalité virtuelle, comment on parlait de telle ou telle icône... C’est une façon de contribuer, à mon échelle, à documenter mon époque. »
Lou Fauroux
Et Porn Selector Family ?
Porn Selector Family est une œuvre qui aborde les thèmes de la sexualité et de l’intimité à l’ère numérique. Le film utilise des éléments de la culture internet pour questionner notre rapport à la pornographie, qui concerne un tiers de la fréquentation sur le web. Une fois internet disparu, que va devenir ce trafic ?
Présenter ce film au MoMA a été une expérience enrichissante, notamment grâce aux échanges avec les interlocuteurs sur place.
Quels thèmes avez-vous abordés dans vos œuvres présentées à Art Basel Paris en octobre dernier ?
À Art Basel, où j’ai exposé avec la galerie Exo Exo, j’ai présenté un film, K-Detox, de ma série Internet Collapse (dont Porn Selector fait partie) dans lequel Mark Zuckerberg et les Kardashian ont créé un centre de désintox qui vise à se sevrer du web en vue de sa disparition imminente. Il est divisé en neuf pistes simultanées sur neuf écrans différents qui se suivent et qui explore un scénario dystopique lié à la disparition de l’internet. C’est un mélange de fiction et de réalité, où je mets en lumière les conséquences émotionnelles et sociales d’une telle rupture.
Pourquoi neuf écrans dans cette installation ?
Je voulais un dispositif de type panoptique ; en juxtaposant les neuf écrans j’ai recréé un 360 degrés. Je m’inspire encore une fois de la réalité de jeux d’observation, de capture et surveillance dans laquelle on évolue. Avec les caméras de surveillance dans l’espace public, tout est capté en multi-angles et la réalité s’y déploie en continu. Ce dispositif de multi-capture d’une réalité qui, une fois saisie, est déjà révolue. Cela rejoint les thèmes de la disparition, du souvenir, du deuil, très présents dans mon travail. Plusieurs tableaux encadrés présentent aussi des vestiges matériels de notre monde en disparition.
Que voulez-vous dire d’autre à travers ce centre de détox ?
Ce qui m’intéresse, c’est à quel point internet est omniprésent, et comment il l’est devenu rapidement et la facilité avec laquelle il est accepté. S’il y a 40 ans ce n’était même pas un sujet, aujourd’hui une grande partie de la société ne fonctionne plus sans. La dimension anthropologique de cette constatation m’intéresse beaucoup.
C’est aussi une réflexion sur l’absence d’internet : que ferions-nous sans
K-Detox
K-Detox-Stock-Exchange
K-Detox-Church
cet outil ? De quoi serait fait notre quotidien ? Ce « potentiel vide » est au centre de mon questionnement, puisque dans mon film, le centre n’offre pas d’accès à Internet, et les personnages évoquent avec nostalgie leurs souvenirs de cette période sans véritablement interagir, car ils en ont perdu l’habitude.
Ensuite, j’ai grandi avec une personne en grande souffrance, qui enchaînait les tentatives de séjours en cure de désintoxication sans jamais accéder à un véritable lieu de soin, car paradoxalement, il fallait être sobre pour y être admis.
Enfin, il y a l’aspect du capitalisme ultra-libéral américain, vers lequel on tend doucement en Europe, qui vend du care : la santé, la guérison, et la réparation du corps – ce qui a nourri mes premiers intérêts pour l’immortalité – en proposant des systèmes et des services pour réparer l’humain abîmé.
Quels ont été les retours de cette exposition ?
Ils ont été assez enthousiastes, beaucoup ont ouvert des échanges sur la question de la longévité car plein de gens ne se l’étaient pas posée. C’était super pour moi de voir que la pièce a parlé à des personnes et des âges très différents.
Quels sont vos projets futurs ? Avezvous d’autres thèmes que vous aimeriez explorer ?
Je suis actuellement en train de travailler dans le cadre d’une résidence au Palais de Tokyo à Paris sur une version en réalité virtuelle de projets précédents, ainsi que sur d’autres épisodes de ma série Internet Collapse sur des personnages récurrents dans mon travail comme PJ Horny, Paulo Gatabse. Je prépare aussi un film/album avec la productrice Talita Otović. b
Instagram : @loufauroux
Terra
Quand l’Histoire
Émilie Jafrate Lionel Gomas – Émilie Jafrate
En février 2024, l’église Saint-Étienne de Mulhouse a été le théâtre d’un événement culturel majeur : Terra Alsatia. Ce spectacle immersif, conçu pour plonger le public dans l’histoire tourmentée de l’Alsace, a été produit par Jérôme Bigeard, dirigeant de l’entreprise TSE avec le metteur en scène Damien Fontaine. Une prouesse qui, en plus de captiver 24 000 spectateurs, a démontré la capacité d’une entreprise régionale à allier ambition artistique et innovation technologique.
Amis de longue date, Jérôme Bigeard et Damien Fontaine partagent une passion pour les spectacles immersifs, où le public ne se contente pas de regarder, mais se trouve immergé dans le spectacle. Damien Fontaine avait précédemment mis en scène des projets à succès, notamment pour la Basilique de Domrémy-la-Pucelle et la Cathédrale Saint-Jean de Lyon, avec un concept novateur : la scène entoure le spectateur grâce à des décors vidéo et des jeux de lumière. Lorsqu’un projet de Damien Fontaine, prévu à l’église Saint-Sulpice à Paris, a été reporté, Jérôme Bigeard y a vu une opportunité. Il a suggéré l’église Saint-Étienne de Mulhouse comme cadre d’un nouveau spectacle. Cette proposition n’était pas anodine : Jérôme Bigeard est profondément attaché à l’Alsace, une région dont l’histoire mouvementée a marqué sa propre famille. Avec Terra Alsatia, il voulait raviver cette mémoire collective et rappeler
les drames qui ont émaillé le destin de l’Alsace, une terre tantôt française, tantôt allemande, mais toujours tiraillée par les conflits. La paroisse Saint-Étienne, enthousiasmée par cette initiative, a rapidement donné son feu vert, permettant au projet de prendre vie en un temps record. L’histoire, soutenue par des conseils d’historiens, s’étend de 1859 à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle traite de l’identité alsacienne, tiraillée entre la France et l’Allemagne, et se termine sur un message d’espoir et de réconciliation, plus pertinent que jamais dans le contexte mondial actuel.
Des moyens techniques impressionnants
En seulement trois mois, l’équipe de TSE a dû relever le défi de monter une production d’une ampleur exceptionnelle. Le budget,
entièrement financé par des fonds privés, s’élevait à 750 000 euros. Pour Jérôme Bigeard, cette première expérience en tant que producteur impliquait une prise de risque importante. TSE a mobilisé des moyens techniques impressionnants : 23 vidéoprojecteurs laser illuminant la nef et les voûtes de l’église, et plus de 400 projecteurs pour une ambiance lumineuse spectaculaire. Le résultat ? Une immersion totale dans l’histoire, avec des images saisissantes et une bande-son enveloppante.
Le spectacle a connu un succès retentissant, avec de nombreuses représentations à guichets fermés. Terra Alsatia a captivé 24 000 spectateurs, grâce à un savant mélange de drame, de romantisme et de messages de réconciliation. La mobilisation des bénévoles a été un autre facteur-clé. Près de 250 personnes, dont 80 acteurs, ont donné vie à cette fresque historique. Les comédiens ont été principalement recrutés parmi les membres de la paroisse et les associations locales, tandis que des voix professionnelles enregistrées apportaient une touche de crédibilité aux personnages historiques.
TSE ne s’est pas arrêtée pas là. Au mois de novembre dernier, l’entreprise est engagée dans un projet similaire, intitulé Nikolaos, à Saint-Nicolas-de-Port, en Lorraine. Ce spectacle, centré sur la figure emblématique de Saint Nicolas, le patron des Lorrains, a également suscité un fort engouement local. Les associations de la région ont réussi à mobiliser 400 bénévoles, et TSE a de nouveau mis en œuvre ses compétences en son, lumière et vidéo pour créer une expérience immersive inédite avec un budget comparable à celui de Terra Alsatia. Ce projet confirme la stratégie de TSE : créer des spectacles à dimension humaine, ancrés dans le patrimoine local, tout en utilisant des techniques dignes des productions nationales.
L’ascension de TSE et ses projets pour 2025
Basée à Habsheim, TSE (Techniques Son et Éclairage) est une entreprise fondée en 1998 par Jérôme Bigeard. Initialement spécialisée dans l’ingénierie du spectacle et l’événementiel, elle a rapidement acquis
une réputation dans l’univers du mapping vidéo, une technologie de pointe qu’elle a contribué à populariser en France, notamment lors de la Fête des Lumières de Lyon. L’entreprise emploie aujourd’hui 60 personnes en équivalent temps plein, réparties entre 30 permanents et 30 intermittents du spectacle. Deux tiers de l’activité de TSE sont dédiés à la location et à la prestation de sonorisation, d’éclairage et de vidéo, tandis que le tiers restant concerne la vente et l’intégration de matériel.
Cependant, la production de spectacles immersifs, bien que récente, prend une place de plus en plus significative. Le succès de Terra Alsatia a convaincu TSE d’investir davantage dans ce secteur. Jérôme Bigeard a même créé quatre emplois permanents pour soutenir cette nouvelle activité. Pour lui, le défi est double : développer un savoir-faire unique tout en rendant l’art immersif accessible, notamment aux collectivités, malgré des technologies encore coûteuses.
Pour 2025, TSE a d’autres projets en gestation. Trois spectacles sont en cours de discussion dans la région, et d’autres lieux en Alsace sont envisagés pour accueillir Terra Alsatia. L’idée est de poursuivre cette dynamique, en proposant des spectacles qui valorisent l’histoire et la culture locale, tout en fédérant les collectivités, les paroisses et les associations. Le modèle est clair : une production professionnelle soutenue par une troupe amateur et de nombreux bénévoles, avec une implication locale forte.
L’entreprise reçoit de plus en plus de sollicitations de collectivités souhaitant promouvoir leur histoire locale. Selon Jérôme Bigeard, le coût pour les collectivités reste limité : la mise à disposition d’un lieu et un soutien logistique.
Avec cette diversification réussie, TSE s’affirme comme un acteur majeur de la scène culturelle, capable de réinventer le spectacle vivant et de construire des ponts entre tradition et modernité. Une aventure passionnante qui ne fait que commencer, portée par la passion d’une équipe et le rêve d’un homme pour qui l’Alsace reste le plus beau des théâtres. b
« Pour lui, le défi est double : développer un savoir-faire unique tout en rendant l’art immersif accessible, notamment aux collectivités, malgré
des technologies encore coûteuses. »
Émilie Jafrate Marc Guénard – DR
Olivier Arnold L’Histoire-Géographie et le cinéma chevillés au corps
Il a fait de ses passions son quotidien. Professeur d’Histoire-Géographie au collège Wolf, Olivier Arnold est également réalisateur. Deux passions qui l’animent au quotidien et qu’il croise pour le plus grand plaisir de ses élèves.
L’Histoire et le cinéma ont toujours fait sens pour lui. Le parallèle est d’ailleurs logique. « Lorsqu’on regarde de plus près, le cinéma, c’est l’art de raconter des histoires. Or l’Histoire est constituée de nombreuses histoires et j’ai toujours aimé que l’on me raconte ces histoires-là… », glisse-t-il avec humour.
À 13 ans, Olivier découvre Coups de Feu sur Broadway, de Woody Allen. Une
révélation. « C’est un film qui vous plonge dans le New York des années vingt. C’était incroyable et en sortant de cette projection, j’ai su que je voulais faire du cinéma. » Adolescent, il ne se sépare plus du caméscope familial. Il entraîne ses proches, famille et amis, au cœur de ses réalisations. Quelques années plus tard, il passe un CAPES d’Histoire-Géographie, avec une certification complémentaire
cinéma. Il lie ces deux mondes au quotidien. « En Histoire-Géographie, je m’appuie sur des images, des archives de la fin XIXe, début XXe siècle. Cela me permet aussi d’expliquer à mes élèves les différences entre des images d’archives et des reconstitutions. Et tout s’éclaire lorsqu’eux-mêmes produisent des images. »
On se réunit, on invente des histoires…
Aujourd’hui, Olivier Arnold se bat pour faire du cinéma une matière à part entière, comme le sont aujourd’hui la musique et les arts plastiques. « Le cinéma réunit tous les métiers : l’écriture, le maquillage, les costumes, le jeu, l’improvisation, la physique, les mathématiques… », souligne-t-il. Lui, a débuté « modestement » il y a 20 ans, à l’aide de petits ateliers, avec une autre prof complice, Virginie Weibel. « C’était un ciné-club artisanal, se souvient-il. Nous construisions au jour le jour, de façon empirique. » Sa rencontre avec le Strasbourgeois Mathieu Winckel –producteur, réalisateur et scénariste pour Red Revolver – a fini de professionnaliser les choses. Et voilà dix ans que dure ce partenariat. « On se réunit, on invente des histoires. C’est un jeu merveilleux.
« Les portables sont coupés et je laisse faire l’ennui, parce que sans ennui, il n’y a pas d’histoire. Ils se retrouvent face à eux-mêmes, aux autres aussi. »
Olivier Arnold
On travaille sans s’en rendre compte et c’est précieux. »
Steven Spielberg, un rêve éveillé
Olivier Arnold a déjà une quarantaine de courts métrages à son actif. Des courts métrages réalisés seul, aussi bien que collectivement, avec ses collégiens. « Quand j’écris avec mes élèves, je pars de ce qu’ils proposent. On leur fait scripter le scénario, tenir la caméra, la perche. On ne vise pas quelque chose d’abouti, c’est parfois même bancal, mais tout le charme réside dans la spontanéité et la sincérité de la démarche. » Avec, à la clé, deux jours de tournage pour un 15 minutes. Le cinéma lui permet aussi de les confronter à leurs propres préjugés. « J’adore voir leurs têtes lorsque je leur annonce que nous allons visionner Le Kid de Charlie Chaplin. Un film qui a plus de cent ans, muet et en noir et blanc. En 50 minutes, ils passent du rire aux larmes, ils sont traversés par une multitude d’émotions. Et là, je ne manque pas de leur rappeler leur première réaction. »
Olivier Arnold a vécu des moments exceptionnels avec ses élèves, comme ce tournage en Suisse, dans le manoir de Chaplin, avec quatre classes mulhousiennes. « Je me pinçais pendant le
tournage, tellement c’était incroyable ! » Avec le cinéma, Olivier Arnold rallume l’imagination kidnappée de toute cette jeunesse qu’il côtoie au quotidien. « Les portables sont coupés et je laisse faire l’ennui, parce que sans ennui, il n’y a pas d’histoire. Ils se retrouvent face à euxmêmes, aux autres aussi. » Un moment suspendu qui leur permet de s’évader, justement. Et puis il y a eu ce rêve éveillé, lorsque Steven Spielberg en personne a répondu au court-métrage Une Étoile, dans lequel ils rendaient hommage à cette légende du cinéma. « Ce message a permis aux élèves de comprendre à quel point il était important de croire en ses rêves. C’est un véritable trésor pour moi. »
À Mulhouse, « Faire cordée » de la primaire aux études supérieures
Le professeur d’Histoire-Géographie, lui, ne s’est jamais arrêté de rêver. Une thématique qui revient sans cesse dans ses projets personnels, de la comédie au drame, en passant par l’anticipation. Et comme il le prône auprès de ses élèves, Olivier Arnold ne se met aucune barrière. Si Mulhouse l’inspire, il n’hésite pas à tourner ailleurs. « J’aime les grands espaces, cette lumière
et cette ambiance propres aux pays anglosaxons, tout comme l’humour so british. » Olivier Arnold s’est aussi créé une petite famille corse. « J’aime ces rencontres entre l’histoire, le lieu et une équipe. Cela donne des créations uniques. Et puis en Corse, la lumière est incroyable. »
Lorsqu’il se retrouve face à sa feuille blanche, Olivier Arnold est face à ses interrogations, ses envies, sa propre liberté, aussi. « J’aime de plus en plus ces moments d’écriture. Et plus ça va, plus le film prend forme dans ma tête, avant même de le tourner. Si au final, les images que tu as dans la boîte sont identiques à celles formées dans ta tête, alors c’est gagné ! » Il n’hésite pas non plus à solliciter ses anciens élèves pour les faire travailler à ses côtés. « J’en ai croisé un qui est aujourd’hui papa. Et bien il a montré le film qu’il avait réalisé à 14 ans à ses enfants. Cette expérience l’a fait grandir. Ce n’est que du beau qui en ressort. »
À la rentrée prochaine, Olivier Arnold fera partie intégrante des équipes de l’option cinéma audiovisuel du Lycée Lambert. Leur ambition ? « Faire cordée », de la primaire au lycée, en passant par le collège, jusqu’aux études supérieures. « Il y aurait une vraie progressivité de 9 à 18/22 ans », se réjouit le professeur et réalisateur. Olivier Arnold n’est jamais à court de rêves… b
Viens, voir les comédiens…
Yann Siptrott, ce baroudeur du théâtre régional, a su trouver son chemin, entre sa naissance à Sarreguemines, sa jeunesse à Crastatt près de Wasselonne avant son arrivée à Strasbourg et son long exil à Paris où sa passion pour le théâtre s’est nourrie de très nombreux projets. Aujourd’hui âgé de 53 ans, Yann Siptrott est l’âme du plus improbable des théâtres alsaciens, le Théâtre Forestier, niché au cœur d’une clairière perdue dans les forêts des Vosges du Nord…
b THÉÂTRE EN FORÊT
Jean-Luc Fournier Sabine Trensz, Michel Grasso
Le Théâtre Forestier, c’est là :
48° 50’ 44,62’’ de latitude nord
7° 42’ 26’’ de longitude est.
Il faut soigneusement intégrer ces coordonnées dans le GPS de votre véhicule si vous avez l’intention de vous rendre au hameau de Guensthal, car ce lieu-dit n’apparaît que sur un seul petit panneau forestier, à peine quelques centaines de mètres avant votre arrivée à destination, alors que vous êtes sur des sentiers forestiers depuis déjà trente minutes !
La magie unique d’un lieu exceptionnel
Au cœur de la clairière et sur les flancs boisés des coteaux alentours, il y a d’abord le domaine de France et Hughes Siptrott, les parents de Yann. Ce couple d’artistes totalement atypiques est connu très au-delà des frontières régionales pour ses sculptures géantes et ses installations hors normes (certaines surgissent inopinément dans la clairière) mais aussi pour ses peintures, céramiques et autres créations.
« Quand mes parents sont venus de Lorraine pour s’installer à Crastatt, j’ai vécu au milieu de leurs créations de potiers »
se souvient Yann. « Je n’avais alors aucun accès à la culture comme on l’entend dans des zones plus urbaines. C’est plus tard, quand j’ai commencé mes études à Strasbourg, que je me suis frotté de beaucoup plus près au théâtre, dans le cadre de l’ARTUS (le plus ancien théâtre universitaire de France – ndlr), sous la houlette de Colette Weil, une vraie passionnée comme j’en ai rarement rencontrée. À cette époque, moyennant une cotisation de 1 500 francs, tu pouvais écrire ton scénario, monter ta pièce et la jouer pendant une semaine, avec un vrai public. C’était un peu fou, il y avait de très bonnes choses et d’autres un peu pourries, mais bon, ce furent des moments assez formateurs où j’ai côtoyé nombre de passionnés comme moi. J’en ai retrouvé certains bien plus tard… »
Ce sont ses parents qui vont convaincre Yann de « monter à Paris », à peine sa maîtrise en études théâtrales obtenue. « Je leur avais dit que je voulais devenir comédien, parce que j’avais besoin, tel le Petit Poucet, de jalonner ma vie de plein de petits cailloux, de choses que j’allais réaliser, pour pouvoir ensuite me retourner et prendre conscience de la réalité de mon parcours. J’ai passé vingt-deux ans dans la capitale, et ça a été extrêmement
ART ET CULTURE
formateur par rapport à la vocation, l’exigence, la prise de risque, tout un tas de choses, parce qu’à Paris, évidemment, ce n’est pas aussi facile et aussi rose que les contes de fées qu’on peut te raconter. Mais j’ai toujours gardé un pied en Alsace. Même en habitant à Paris, j’ai toujours joué ici. Et j’y ai toujours travaillé mon réseau parce qu’il y avait déjà quelque chose à l’époque qui me gênait, c’était le côté un peu sur-urbain du théâtre. J’avais déjà ce fantasme de jouer hors les murs, et plus spécialement dans la nature. De jouer ailleurs en tout cas, de jouer dans d’autres contextes que le théâtre traditionnel. »
Les racines alsaciennes
Toujours partagé entre Paris et l’Alsace, Yann Siptrott fait « une nouvelle grande rencontre », celle de Pierre Diependaël, le co-fondateur du Théâtre du Marché aux Grains à Bouxwiller. « Ce théâtre est vraiment le fruit de la décentralisation théâtrale. Après toute cette tranche de vie, alors que j’étais déjà à Paris depuis dix ans, on a monté à Guensthal Le Conte d’hiver de Shakespeare avec quelques potes alsaciens dont Denis Woelffel
(l’actuel directeur de l’Espace Rohan à Saverne – ndlr). Ca a cartonné deux saisons de suite. Et l’idée m’est restée dans la tête… »
Mais la rencontre déterminante fut celle avec Serge Lipszyc, le co-fondateur des Rencontres Internationales de HauteCorse dirigées par Robin Renucci, alors en résidence à Colmar. « J’ai adoré immédiatement sa manière de bosser. Quand je travaille avec lui, j’ai l’impression que sur le boulot même de comédien, c’est tout à fait ce que j’aime, ce que je cherche depuis longtemps, c’est-à-dire creuser un petit peu le personnage, et ensuite avoir quelqu’un en face de toi qui a l’intelligence pour te diriger. C’est une vision de l’œuvre mais aussi un respect du comédien sur le plateau, Serge est quelqu’un qui connaît ces recettes d’alchimie qu’on a besoin d’avoir… »
Depuis, les deux compères ne se quittent plus. Et le Théâtre Forestier de Guensthal leur sert d’écrin. Sept ans déjà que chaque été est animé par des spectacles de haute volée, tous mis en scène par Serge Lipszyc qui est également toujours un des comédiens des pièces présentées. Yann Siptrott y a incarné Mikhaïl Khrouchtchev, dans le Sauvage de Tchekhov, Platonov dans la pièce éponyme de Tchekhov encore, Richard III dans l’épopée York, Scapin dans Les Fourberies du même nom et Philinte dans Le Misanthrope. En juin dernier, tout le hameau a vibré sous les cris des treize comédiens du Songe d’une nuit d’été, de Shakespeare, la mise en scène d’une folle
invention les éloignant quelquefois de plusieurs centaines de mètres de la « scène » centrale, leurs voix résonnant en écho à travers le vallon.
« Financièrement, on serre les fesses chaque année, c’est-à-dire qu’on remet le projet en jeu et en pari, sans quasiment de subvention et avec quasiment pas de mécénat. S’il pleut trop, on boit vraiment le bouillon, ca veut dire qu’il va nous falloir ensuite réfléchir à éponger les dettes avant de refaire quelque chose. On n’a pas de filet de sécurité, quoi. Mais en même temps, c’est ce qui rend l’aventure très belle. Et puis, il y a les gens du coin, les gens des villages aux alentours, de Wissembourg à Haguenau, et tous ces gens-là, moi je suis très, très heureux qu’ils viennent au théâtre, alors qu’ils n’y vont jamais, en fait. Ils nous le disent. Pour moi, c’est le rêve de la culture pour le plus grand nombre et ça c’est merveilleux, oui, merveilleux. »…
L’été prochain, vous pouvez déjà activer votre GPS pour rejoindre le petit hameau de Guensthal où le Théâtre Forestier et la compagnie Matamore joueront La Mouette, de Tchekhov.
Ils y mettront toute leur passion du théâtre. Et puis, après la fin du spectacle, il y aura du sanglier à la broche, préparé par des potes du village voisin et dégusté dans la nuit noire, à la seule lueur des tisons du feu. Enfin, quand vous reprendrez votre voiture, vous serez cerné par des centaines de lucioles qui vous accompagneront dans la nuit noire. Un endroit unique et magique, on vous dit… b
« Pour moi, c’est le rêve de la culture pour le plus grand nombre et ça c’est merveilleux, oui, merveilleux... »
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Charles Weiss réinvente le jambon beurre
Fondée en 1994, la société CGA (Créateur de goûts pour les artisans) a été reprise par Charles Weiss en 2018, alors âgé de 33 ans. Depuis, l’entrepreneur alsacien a développé et modernisé cette entreprise unique en Alsace dédiée au snacking pour les artisans-boulangers. Car si le jambon beurre reste le gage de qualité, les artisans-boulangers doivent se réinventer. Rencontre avec un dirigeant motivé par le service de proximité, la qualité et la créativité.
À 33 ans, vous avez décidé de reprendre la CGA, entreprise de distribution de produits alimentaires à l’attention des artisans-boulangers, basée à Mutzig. Qu’est-ce qui vous a motivé à relever ce challenge ?
J’ai toujours eu une appétence pour l’agroalimentaire. Après avoir travaillé pendant douze ans en tant que directeur opérationnel chez le pâtissierglacier Erhard, où j’ai effectué différentes tâches – responsable des achats, contrôleur de gestion, gestionnaire de production – j’ai eu envie d’être à mon compte.
Le dirigeant de CGA, Claude Grosjean, souhaitait prendre sa retraite, j’ai saisi l’occasion. Je savais que le secteur du snacking était en nette progression, représentant entre 35 et 50 % du chiffre d’affaires des artisansboulangers, contre 15 % il y a quinze ans.
Cette progression est inversement proportionnelle à la vente de pain en nette baisse…
En effet, les ventes de pain ont diminué de 36 % en cinq ans selon une enquête IFOP. Les artisans-boulangers ont dû se réinventer, pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs à travers une offre diversifiée, innovante, et de qualité.
Mais pourquoi ce désamour pour le pain ?
Il s’agit surtout du pain blanc que les Français ont boudé pour des questions de régime, de digestion… Comme le souligne mon responsable de commerce et des recettes, Christophe Deveney, qui était lui-même boulanger, c’est aussi lié à la baisse de qualité, notamment du pain industriel, dans les années 80-90. Or aujourd’hui on constate un vrai
retour à la qualité, avec des jeunes soucieux de bien faire, curieux et créatifs. Prenons l’exemple de ce boulanger de la Walck qui a développé quatorze levains ! L’Alsace compte 800 boulangers, et tous les mois, de nouveaux jeunes s’installent et innovent. Ils compensent la baisse des ventes de pain par le développement du snacking, et c’est là que nous intervenons pour les accompagner.
Comment expliquer cet engouement pour le snacking boulanger ?
Le Covid a changé les habitudes, les restaurants étaient fermés, mais les boulangers ont continué de travailler. Ils ont une grosse clientèle du BTP, des VRP, des étudiants. En réalité, tout le monde ou presque est déjà passé chez son boulanger pour un déjeuner rapide, un encas dans la journée ou
Charles Weiss au sein de son entrepôt CGA pour lequel il a investi un million d’euros en 2023.
« Je souhaite que tout le monde y trouve son compte avec différentes gammes de prix, mais avec des produits de qualité. »
pour le dîner. Aujourd’hui, leur clientèle recherche des repas plus équilibrés, moins gras, dans un budget abordable. Notre activité de distributeur de denrées alimentaires n’est pas uniquement de proposer un prix intéressant aux artisansboulangers, mais des produits de qualité, sourcés, des conseils, et des idées créatives de recettes.
Comment justement les accompagnezvous ?
Nous proposons un accompagnement global. Nos commerciaux leur présentent notre catalogue de 400 produits et nous les livrons dès le lendemain. Notre force est de proposer des concepts innovants, avec une newsletter éditée chaque mois détaillant une idée de nouvelle recette, son coût de revient, l’actualité de la filière, etc. Nous proposons des dégustations dans notre show-room car les artisans-boulangers sont exigeants sur la qualité des produits et ont besoin de goûter. Nous sommes passés de 150 clients en 2018 à 370 aujourd’hui, avec un chiffre d’affaires de 4,6 millions d’euros en 2024 contre 1,8 millions d’euros cinq ans auparavant.
Comment expliquez-vous cette successstory ?
J’ai investi un million d’euros en 2023 pour agrandir notre entrepôt à Mutzig de 100 à 800 m2. Nos métiers ont besoin de place au sol pour stocker la marchandise
avec des dates limites de consommation de trois semaines en moyenne. Nous avons également élargi notre offre passant de 150 produits au catalogue à 400. Je souhaite que tout le monde y trouve son compte avec différentes gammes de prix, mais avec des produits de qualité. Je mets un point d’honneur à sourcer notre offre. Prenons l’exemple du fameux jambon beurre qui reste le produit numéro 1 des boulangeries. Je n’avais pas trouvé la qualité de charcuterie que je souhaitais jusqu’à il y a six mois où nous avons développé un partenariat avec Thierry Schweitzer qui concocte une charcuterie de qualité avec des porcs élevés sans antibiotiques, sans OGM, sans polyphosphates. La qualité est exceptionnelle. Nos autres jambons, moins onéreux, proviennent de la coopérative de Brocéliande en Bretagne, engagée dans une démarche de qualité et de respect du bienêtre animal. Nous travaillons également avec Alélor, Alsace Lait, IDA d’Hochfelden pour la mayonnaise, Val d’Argent, Val Martin, les Fromages Kurtzemann, des partenaires locaux de qualité. 80 % de nos produits sont alsaciens ou français, et pour la plupart labélisés.
Nous avons des produits bio, notamment les tartinades de légumes que vous avez pu découvrir. Mais le développement de notre gamme se fait vraiment sur des produits présentant un réel intérêt gustatif, technique et qualitatif pour nos boulangers. C’est ce que nous privilégions plus que l’allégation bio par exemple.
Vous avez également rejoint le GRAL, GIE basé à Rungis en 2021. Pourquoi ce choix ?
J’ai souhaité dès le départ structurer les achats et favoriser les échanges avec mes confrères, car nous avons tous les mêmes problématiques. Nous sommes 60 grossistes indépendants regroupés dans ce GIE qui compte 30-40 fournisseurs en direct. Nous achetons tous ensemble pour 290 millions d’euros de marchandises, ce qui nous permet de faire des économies d’échelle, mais surtout d’avoir des fournisseurs qui proposent des produits de qualité et labélisés, comme notre gorgonzola, notre mozzarella AOP d’Italie ou notre chorizo et serrano espagnols. Les prix ne doivent pas non plus être déconnant, car nos clients ne vendent pas des sandwiches à 20 € place Vendôme !
Vos recettes sont aussi particulièrement innovantes…
Nous proposons en effet des gammes ethniques, végétales, pour aider nos clients à se diversifier. Nous développons des recettes grammées, avec un prix de revient, car le produit doit être rentable pour être viable dans le temps. Nous avons par exemple toute une gamme de mélanges de légumes français, de tartinables : la note végétale est très intéressante dans les sandwiches, cela offre une signature au produit.
Les artisans-boulangers sont-ils prêts à mettre le prix dans un produit de
qualité dans une conjoncture que l’on sait difficile ?
Ce sont des métiers qui ont une vraie culture de la qualité, même s’il y existera toujours des chasseurs de prix. Nos clients qui marchent fort sont ceux qui recherchent de bons produits. Je ne suis pas prophète, mais c’est ce que j’observe chez mes 370 clients.
Envisagez-vous de vous développer hors Alsace ?
Notre axe de développement prioritaire reste l’Alsace, il y a de quoi faire, ce n’est pas la peine de se disperser. Si on faisait partir nos transporteurs à Reims, on perdrait en qualité de service et en réactivité. Aujourd’hui, nos clients à qui il manque un produit peuvent être livrés dans l’heure.
Quels sont vos axes de développement pour l’année à venir ?
L’arrivée de José Guerra, célèbre footballeur et entraîneur de football qui travaille également dans l’univers de la boulangerie depuis trente ans, devrait nous ouvrir de nouvelles portes. Nous allons également aller plus loin dans l’informatisation de nos stocks. Avec 800 artisans-boulangers en Alsace notre marge de progression est énorme. Nous comptons continuer à nous développer tout en maintenant la qualité de nos produits et prestations. b
Un restaurant et un couple bluffants de:ja
Un peu plus de trois ans après l’ouverture de leur restaurant gastronomique au cœur du quartier des XV de la capitale alsacienne, Jeanne Satori et David Degoursy savourent le plaisir d’être un couple à la ville comme au travail. Leurs partis-pris de départs (le recours aux petits producteurs locaux, une carte de vins « nature », notamment) ne se sont jamais démentis, d’autant qu’une première étoile au Michelin est venue fleurir le pilier de grès qui matérialise l’entrée de leur restaurant, un peu plus d’un an après son apparition au coin de la rue Schimper à Strasbourg…
Àeux deux, ils n’atteignaient même pas la cinquantaine quand ils se sont installés dans leurs murs !
C’est dire si ce couple de restaurateurs très atypiques peut intriguer dans un monde de la gastronomie qui aime par-dessus tout les parcours bien identifiés, ceux qui mènent de façon très linéaire vers l’excellence « à la française ».
Pas besoin de beaucoup pousser Jeanne Satori et David Degoursy pour qu’ils évoquent leurs parcours respectifs, avec une légère pointe de satisfaction dans la voix, comme pour bien marquer leur fierté de n’avoir pas hésité à emprunter quelques chemins de traverse pour parvenir à leurs fins.
« Cela fait une dizaine d’années qu’on se connaît », raconte Jeanne. « J’ai grandi à Drusenheim et David est originaire d’un petit village voisin. On avait quinze et seize ans, on prenait le bus ensemble pour aller au lycée et c’est ainsi qu’on a commencé à se parler. Et puis, on a poursuivi nos études, j’ai fini par obtenir une licence en écologie… »
Il faut un peu insister pour que David concède s’être orienté vers les Lettres. Mais sans grand enthousiasme : « Sincèrement, je n’ai jamais été très assidu… » finit-il par avouer un petit sourire au coin des lèvres…
En immersion méditative…
Moins de dix ans après, quand on mesure le chemin parcouru en matière de gastronomie, on brûle un peu de savoir sur quelles bases a pu s’écrire leur jeune histoire.
« C’est assez simple… », poursuit Jeanne. « Nous avions dès l’origine cet
intérêt commun pour la nourriture issue des petits producteurs qui nous entouraient. Nous allions sans cesse à la recherche de leurs produits et David les cuisinait durant les week-ends. Ce n’était pas toujours une cuisine très aboutie mais c’était comme un choix de vie, pour nous. On était en Bretagne à ce moment-là, et on s’est mis à réfléchir à ce que nous allions faire. David a pensé au maraîchage mais son projet n’a pas abouti. Cependant, notre intérêt pour les producteurs locaux ne s’est pas démenti. David a fini par rentrer en Alsace pour être embauché au restaurant Maïence à Strasbourg, pour travailler en étroite complicité avec Gilles Goujon (Meilleur Ouvrier de France – ndlr), notamment… »
« Je n’y suis resté que quatre mois » précise David. « Mais la rencontre avec les Meilleurs Ouvriers de France qui travaillaient au Maïence m’a fait prendre conscience que je pouvais aller bien plus loin… »
Ce plus loin-là ramènera le jeune couple très près de leurs racines, à la réputée Auberge Au Bœuf à Sessenheim. Une étape qui s’avérera déterminante : « Avant tout, c’est avec le Chef Yannick Germain qu’avec Jeanne, nous avons travaillé ensemble dans la même brigade de cuisine… » se souvient David. « On s’y côtoyait en permanence, tous les jours. Nous avons vécu une belle histoire d’amour avec ce Chef et avec l’Auberge, en général. Parce qu’elle se situait tout près de chez nous et qu’elle était ancrée dans notre patrimoine, notre univers alsacien. On a commencé vraiment à réciter nos gammes et nous y avons appris beaucoup de choses… »
2020 arrive alors. L’année du Covid, qui viendra bouleverser, parfois ravager, tant de choses dans la bonne marche du
secteur de la restauration. Le couple avoue facilement avoir utilisé cette période pour peaufiner un projet naissant : ouvrir son propre restaurant. « On a profité de ces moments pour beaucoup nous informer sur tout ce qui se passait dans nos métiers, via les réseaux par exemple. On a beaucoup lu, aussi, et nous qui n’avons pas suivi les voies classiques des chefs traditionnels qui sont passés par pas mal de restaurants trois étoiles, nous nous sommes plongés en immersion méditative dans l’histoire mais aussi les pratiques de beaucoup de restaurants pour en retirer le meilleur. On a pris de l’information à haute dose, en quelque sorte… » se souvient David. Au final, tout ira assez vite. Jeanne se souvient que « tout s’est bien passé, tant pour le financement que pour l’ouverture du restaurant. Nous étions comme dans une forme de frénésie tant nous avions envie que ça aille vite, tant nous étions poussés par notre désir de nous confronter vraiment au défi de faire grandir notre propre affaire. On se sentait bien plus forts que tout ce qui nous environnait… »
Un nouveau projet… déjà
Et aujourd’hui ?
« On a acquis de la sagesse, avec nos deux ans de plus. Mais enfin, si on ne fonce pas quand on a vingt-trois ans, on ne foncera jamais, non ? »
Le pari a été payant puisque la première étoile Michelin, reçue à Strasbourg lors de la cérémonie du guide coorganisée avec la CeA, est venue très vite récompenser l’audace du jeune couple et trône depuis deux ans à l’entrée de leur restaurant : « Certains l’espèrent pendant
« Nous avions dès l’origine cet intérêt commun pour la nourriture issue des petits producteurs qui nous entouraient. »
des années et des années mais pour nous, en effet, elle est arrivée très vite », commente Jeanne. « C’était clairement notre objectif, mais bien sûr on ne travaille pas chaque jour avec cette obsession en tête. Cette étoile est une récompense flatteuse, évidemment, et c’est bien que le Michelin récompense aujourd’hui plus vite les jeunes restaurateurs qui se lancent. Est-ce que ça crée des responsabilités supérieures ? Non, je pense plutôt que ça libère, on se dit que le chemin qu’on s’est choisi est la bonne voie. Et puis, à peine cette première étoile étaitelle arrivée que nous nous sommes retrouvés complets pour les huit mois suivants. Elle rassure aussi, cette étoile… » (sourires) reconnait David.
Mais c’est au sujet de leur avenir que Jeanne et David nous surprendront peutêtre le plus. « Nous avons noué des liens de confiance tellement étroits avec nos équipes que nous allons encore évoluer. Nous allons racheter un deuxième restaurant, à la campagne, et nous y impliquer pour le faire évoluer. Nous le connaissons bien… Vous avez sans doute déjà deviné qu’il s’agit de l’Auberge Au Bœuf à Sessenheim. Tout ça s’est discuté de façon assez fortuite avec Yannick Germain. Nous passerons encore deux ou trois jours par semaine ici mais sincèrement, tout est bien mûri, tout est réfléchi et tout est bien organisé avec notre équipe du de:ja qui peut être parfaitement autonome. Je ne pense pas qu’on prenne de gros risques… » poursuit David. « Mais je pense que c’est une opportunité pour nous. Après, qu’on ait 28 ou 50 ans, je pense qu’il suffit juste d’un peu de maturité, de savoir-faire et de gestion pour y arriver. Il faut bien sûr garder la tête froide et avoir l’envie de gagner. Jeanne et moi avons tout ça… » b
ÉCONOMIE & business
Le tourbillon de la vie de Mélanie Biessy
En journée, elle est la Directrice générale exécutive associée d’un énorme fonds financier qui gère 31 milliards d’euros d’actifs et qui contrôle déjà le futur premier opérateur privé sur les lignes TGV de l’ouest de la France. En soirée, elle rejoint son mari, Frédéric, qui gère le dernier né des théâtres parisiens, La Scala, boulevard de Strasbourg, dont elle est aussi la présidente. Et ce n’est pas tout…
La Strasbourgeoise Mélanie Biessy, à force de talent, d’audace et de travail, vit comme un rêve éveillé…
Elle s’appelait encore Sengel quand elle est arrivée à Paris en 1995. Quelques années auparavant, elle avait quitté Strasbourg où ses deux parents, Danièle et Georges, tenaient le restaurant Zimmer-Sengel dans la rue du Temple-Neuf, une véritable institution dans la capitale alsacienne.
Et puis, la vie, la vraie, avec ses incroyables scénarios a happé Mélanie Sengel dans son tourbillon. La place nous manquerait ici si nous devions tout raconter en détail. Alors, tentons plutôt un pitch comme cela se pratique dans le milieu artistique qui occupe beaucoup Mélanie aujourd’hui.
Un scénario « à la Lelouch »…
Dans ce pitch, il serait question d’une rencontre sur les gradins séculaires des arènes d’Arles qui bouscule deux destins, deux timidités spontanées qui se découvrent, celles de Mélanie, fraîchement redevenue célibataire « après une amourette sans importance » et celle de Frédéric, plus sévèrement impacté par un divorce alors qu’il était déjà le père de trois enfants.
Dans ce scénario, il y aurait aussi un amour qui se déclare un jour de tragédie mondiale quand les avions des terroristes islamistes percutent les tours du World Trade Center à New York où près de 4 000 vies s’éteignent tragiquement en quelques heures.
Ce pitch , ce serait aussi un destin commun qui finirait par se sceller, puis
la découverte et l’acquisition d’un vieux café-théâtre abandonné au cœur de la Ville lumière qui deviendrait le théâtre le plus moderne de Paris, le rêve professionnel de Frédéric. Tous les ingrédients d’un beau scénario seraient donc déjà en place, mais pour faire bonne mesure, il y aurait même une splendide réussite professionnelle pour Mélanie, qui serait devenue entre-temps la directrice générale associée d’un des plus imposants fonds financiers du pays…
Un parfait scénario à la Lelouch, non ? Sauf que ce n’est ni une mise en scène, ni du cinéma chabadabada, ni du théâtre… C’est la vie, la vraie.
« Construire plein de choses… »
On rencontre Mélanie, devenue donc Mélanie Biessy, dans les luxueux bureaux du Groupe Antin Infrastructure Partners, aux confins du 1 er arrondissement de Paris, tout près de la place de la Concorde.
Le temps a peu de prise sur cette pétillante jeune quinquagénaire qu’on a toujours connue débordante de vitalité. Quand on imagine la gestion d’une seule
de ses journées, Mélanie résume tranquillement : « J’essaie d’être efficace en permanence. Je me suis levée en même temps que mon fils parce que je m’assure qu’il se lève à 7h chaque matin. J’arrive ensuite au bureau vers 9h, et j’entame ma journée de travail. Entre temps, je réponds à quelques e-mails pour notre théâtre, La Scala.
Il y a aussi Scala Films puisque hier soir (l’interview a été réalisée début novembre dernier – ndlr ), je rejoignais l’équipe du film Miséricorde avec Catherine Frot pour l’avant-première à l’UGC Les Halles. Dès 20h, j’étais avec l’équipe du film qu’on venait de coproduire. On est allé dîner ensuite puis je suis rentrée à 23h à la maison. On a débriefé avec Frédéric qui rentrait de La Scala où il y avait un concert pour la sortie du disque de la pianiste Alice Ader, produit par Scala Music, un label que nous avons également lancé. Et puis, on s’est endormi vers minuit après avoir regardé quelques informations qui ne sont pas toujours réjouissantes sur France 5 : C Politique , C dans l’air sont pour moi des émissions géniales. Et voilà, on s’est endormi tranquillement avec un réveil programmé pour 6h le lendemain matin… Bon, c’est sûr, il faut de
l’énergie, mais Frédéric et moi, on en a à revendre. Car il y a beaucoup d’enjeux, de toutes parts. En fait, j’ai la vie chevillée au corps, je crois que c’est vraiment ça, mon truc. Peu importe l’âge qui avance, peu importe la fatigue, j’y vais à fond. Cette énergie ne me quitte pas, je la tiens sans doute de ma grand-mère maternelle qui a 98 ans. Elle a eu de gros soucis de santé ces dernières années, j’ai cru qu’elle allait nous quitter, mais, après ses deux opérations, son début de cancer et la tristesse d’avoir perdu son fils qui avait soixante ans, elle qui avait déjà perdu par le passé un autre fils âgé de sept ans, c’est une femme qui se lève chaque matin avec entrain, qui se fait belle, qui s’active. Elle est vivante ! J’ai certes un autre parcours qu’elle, mais nous avons en commun cette belle énergie de vivre. C’est fondamental : c’est elle qui me permet d’entreprendre et de construire plein de choses… »
La pépite
Et parmi ces choses, comme dit Mélanie, il y a un projet qui se mûrit, se façonne, qui la mobilise déjà et qui la mobilisera encore plus quand il aboutira en 2028. Ce projet est managé par Antin, le fonds de capital-investissement dont elle est
« En fait, les projets culturels nourrissent
mon
projet professionnel et vice-versa. Et tout
cela me comble vraiment… »
devenue la Directrice générale associée après y être entrée il y a dix-sept ans.
Là aussi, il y a une belle histoire. Le groupe Antin a été fondé par Alain Rauscher (aux origines alsaciennes), un spécialiste reconnu en placements financiers qui avait déjà fait montre mainte fois de son expertise au sein d’un grand groupe bancaire français. « Son ancien employeur l’a accompagné dans son projet entrepreneurial » raconte Mélanie « et a doté son fond de 300 millions d’euros pour lui permettre de se lancer. La réussite a été quasi immédiate. Alain m’a recrutée quasiment au feeling, pour devenir son bras droit. Aujourd’hui, nous gérons plus de 31 milliards d’euros d’actifs que nous avons investis dans une trentaine de sociétés dans lesquelles nous prenons généralement le contrôle pour mieux travailler avec leurs équipes managériales et développer leurs plans de création de valeur. Nous ne sommes pas un fonds spéculatif, nous pratiquons plutôt l’investissement responsable, plus porté sur l’accompagnement et le développement de nos sociétés… »
C’est donc au sein d’Antin que se façonne la future pépite. « Après une rencontre avec une femme d’un incroyable charisme,
Rachel Picard, qui, au sein de la SNCF, fut la créatrice de la marque Ouigo, nous avons décidé de l’accompagner dans son projet en prenant des parts dans Proxima, une société créée pour exploiter des TGV sur les lignes Atlantique, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence. Antin vient d’injecter un milliard d’euros pour commander douze rames à Alstom, qui circuleront probablement à partir de 2028, dans à peine plus de trois ans. Le rail, c’est un peu la spécialité du Groupe Antin puisque nous avons développé une véritable expertise sur des réseaux anglais depuis une quinzaine d’années.
On a donc tout analysé concernant les problématiques du TGV français et de la SNCF, des analyses de trafics à l’ensemble des analyses techniques, commerciales en passant par les analyses de croissance et de vieillissement de la population et j’en passe… Au final, notre comité d’investissement n’a pas hésité longtemps et on s’est positionné aux côtés de Rachel Picard. Le but n’est bien évidemment pas d’entrer dans une confrontation sévère avec la SNCF, et notamment pas d’entamer une guerre tarifaire. D’ailleurs, Rachel a eu en quelque sorte l’adoubement de l’opérateur national qui préfère bien sûr ce genre de concurrence à une confrontation sauvage. Donc, la commande des douze rames est passée,
on a finalisé le site de notre dépôt-centre technique de maintenance à Marcheprime, près de Bordeaux, on commence à négocier nos futurs slots (les créneaux de circulation – ndlr) avec Réseau Ferré de France et on va bientôt travailler sur tout ce qui va différencier nos rames de TGV des rames actuelles, le nom, la couleur, les espaces, l’ambiance à bord, nos tarifs… bref, l’ensemble de notre positionnement est en train d’être élaboré par nos équipes… »
Il faut entendre Mélanie Biessy décrire avec une passion fervente l’ensemble de ses activités. « J’ai vraiment cru que j’allais te perdre » lui a un jour avoué Alain Rauscher, son mentor, quand elle lui a annoncé qu’elle allait investir dans ce qui allait devenir La Scala Paris. « Ne t’inquiète pas, c’est Frédéric qui gérera le théâtre, je continuerai à être totalement engagée à tes côtés, chez Antin » lui ai-je promis. « Il a été d’une élégance totale et m’a dit de foncer. Et j’ai tenu parole. Il m’a même avoué il y a quelque temps : “Tu es encore plus présente aujourd’hui que tu ne l’as jamais été”… En fait, les projets culturels nourrissent mon projet professionnel et vice-versa. Et tout cela me comble vraiment… » conclut-elle, les yeux pétillants. Quelle belle histoire, non ? b
Barbara Romero Nicolas Rosès
Steve Risch L’art du pain d’épices en héritage
À la tête de l’entreprise familiale Fortwenger depuis 2017, Steve Risch revient sur des années de savoirfaire, d’audace et de persévérance quotidienne, héritées du rachat par son grand-père en 1963 de cette emblématique société alsacienne, reine du pain d’épices alsacien depuis 1768.
Dirigeant d’une entreprise comptant plus de 200 salariés et enregistrant un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros, Steve Risch n’en reste pas moins ultra accessible. Son management, il l’exerce comme un père de famille, avec exigence et bienveillance. « J’ai la chance d’être à la tête d’une entreprise familiale, une partie de notre succès réside dans ce mot, confie le PDG de Fortwenger. La qualité de vie au travail est essentielle, mon encadrement s’attache à transmettre les valeurs familiales qui fondent notre entreprise. »
Si Fortwenger a été fondée en 1768 par le maître-boulanger Charles Fortwenger, le grand-père maternel de Steve a repris la fabrique de pain d’épices en 1964. « Il était boulanger à Haguenau, mais son médecin lui a déconseillé de se lever tous les jours à 1h du matin pour confectionner son pain », raconte Steve Risch. « Il s’est alors tourné vers le pain d’épices, car il pouvait en préparer à n’importe quelle heure de la journée. »
À sa disparition en 1977, les parents de Steve ont repris les rênes de l’entreprise. « Ils étaient très jeunes, alors âgés de 20 et 21 ans, et n’ont pas vraiment eu le temps de réfléchir, mais ils ont géré l’entreprise durant 40 ans. Chaque génération a apporté sa pierre à l’édifice : mon grand-père, la qualité des produits, la mécanisation et l’industrialisation de la production, mes parents, le sens du commerce en touchant la grande distribution et en créant les premiers magasins
Fortwenger à Colmar... Et moi ? Je n’ai pas fini ! », sourit-il.
Un PDG audacieux,
soucieux du bien-être
au travail
Steve Risch a pourtant hésité plus jeune à reprendre les rênes de l’entreprise : « Quand mes parents ont pris leur retraite, je travaillais avec eux depuis quinze ans, après avoir fait mon chemin dans le marketing à Beaune. Au départ, je n’étais pas certain de reprendre le flambeau, car cette entreprise ne m’appartient pas, elle est celle de ma famille et des Alsaciens. J’ai senti qu’il fallait se poser la nécessaire question de la responsabilité. C’est ce chemin de réflexion que je souhaite pour mes deux garçons. »
Et depuis 2017, Steve n’a pas manqué d’audace. Avec au moins trois faits d’armes, en plus du développement de l’entreprise : la création du Palais du pain d’épices à Gertwiller, l’ouverture d’une boutique à deux pas des ChampsÉlysées en plein COVID, et la création du musée Hansi à Colmar. « Le Palais du pain d’épices reste mon plus beau projet, le premier que j’ai réalisé seul,
confie-t-il. C’est une fierté de permettre aux consommateurs de devenir acteurs de notre marque dans un outil moderne, précurseur, un peu fou à l’époque, mais aujourd’hui montré en exemple. Notre plus belle récompense, c’est le sourire des enfants. C’est magique ! »
Un univers interactif construit autour du mannele et du pain d’épices qui sera entièrement rénové cette année, tout comme le magasin et le site de production historique de Gertwiller.
Quant à Paris ? « Avec du recul, c’était une folie ! lâche-t-il. On était en novembre 2020, j’étais tout seul sur les ChampsÉlysées, mais j’ai quand même pris la décision d’ouvrir cette boutique où nous vendons d’autres produits alsaciens, comme du miel, de la confiture, des eauxde-vie. C’est une fierté pour nous de représenter l’Alsace à deux pas de la plus belle avenue du monde. » Un « coup de folie » qui lui a ouvert les portes du marché français. « Tout ce qui se vend hors Alsace est pour moi de l’export. » Car le pain d’épices a souffert sur le territoire d’une mauvaise image de marque dans les années 80-90, « quand de gros industriels se sont mis à en fabriquer du bas de gamme, sans miel
« C’est une fierté pour nous de représenter l’Alsace à deux pas de la plus belle avenue du monde »
Steve Risch
« Aujourd’hui, le marché est en progression grâce au travail des pains d’épiciers qui produisent des produits premium peu chers, bons, sains et naturels. »
Steve Risch
et insipide, rembobine-t-il. Aujourd’hui, le marché est en progression grâce au travail des pains d’épiciers qui produisent des produits premium peu chers, bons, sains et naturels. »
Le
sens de la famille
dans toutes ses entreprises
Et chez Fortwenger, on ne badine pas avec la qualité : « Le secret d’un excellent pain d’épices, ce sont les bons ingrédients et des collaborateurs qui savent mettre en œuvre la recette. En Allemagne, on l’appelle le Lebkuchen, littéralement “gâteau de vie”. Constitué majoritairement de
miel, sa particularité, c’est qu’il vit en fonction de la température et de l’hydrométrie. Il faut aussi respecter un temps de repos de la pâte mère de minimum quatre semaines. »
À ce jour, Fortwenger compte trois sites de fabrication. À Gertwiller, mais aussi à Ensisheim, le plus gros site de production de France. « Et depuis un an, nous avons également racheté une chocolaterie à Molsheim, car je ne souhaitais pas voir un site industriel péricliter. J’ai pris ce risque, qui se révélera payant. Nous avons pu récupérer une vingtaine de salariés, et à terme nous sauverons l’ensemble du personnel. En 2025, nous
allons dupliquer le modèle de Gertwiller avec la création d’une boutique et d’un univers ludique interactif autour du chocolat. » Avec cette gamme chocolat en plus, Fortwenger compte 250 à 300 références différentes et écoule dix millions de produits par an.
Le PDG qui a toujours aimé relever les défis, a aussi racheté les droits de la marque Hansi, contre l’avis de son père, et créé un musée dédié à Colmar. « Au début, cela n’a pas fonctionné : le weekend de son ouverture, on a réalisé moins de chiffres que dans la boutique de 40 m2 de Colmar. Parce que l’éclairage n’était pas bon, les prix n’étaient pas affichés, le parcours mal balisé. Finalement, on a transformé cela en positif en apprenant de nos erreurs : nous avons conscience, à chaque fois que nous ouvrons une boutique, que tout se joue sur les détails. »
C’est son épouse Céline qui gère l’ensemble des douze boutiques Fortwenger... dont deux nouvelles à Strasbourg dans des emplacements premium, Grand Rue et rue des Hallebardes. « Ce n’était pas vraiment une volonté d’ouvrir à Strasbourg, mais nous avons saisi l’opportunité de ces emplacements numéro 1 », détaille Steve Risch qui se réjouit aussi des bons chiffres de son site internet avec 500 clients et plus de mille colis envoyés chaque jour, essentiellement en France. « Pendant le COVID, j’ai été la première entreprise à donner des stocks de masques et de gants aux hôpitaux, aux maisons de retraite, et à développer une formule de gel hydroalcoolique. Quand en novembre nous avons dû une nouvelle fois fermer, c’était un vrai coup dur pour l’entreprise. Tous ceux que nous avons soutenus sans rien attendre en échange sont revenus : infirmiers, médecins... Cet élan de générosité a jailli d’une chance offerte sans condition. C’est ce que j’enseigne à mes enfants et cela fait partie de la réussite de Fortwenger. »
Certifié IFS, l’équivalent ISO dans l’agroalimentaire pour la qualité de ses produits depuis octobre dernier, Fortwenger peut désormais songer à développer le marché international. « Avec mes parents, nous avons dépassé la frontière des Vosges, j’ai fait ce qu’il fallait pour que mes enfants avancent vers l’international », conclut Steve Risch dont le sens de la famille est indéniablement authentique. b
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Raymond SCHWEITZER
SPORT
Benoît Chevreau Tout en haut des étoiles avec l’équipe de France de cécifoot
Gardien de l’équipe de France de cécifoot depuis 2015, Benoît Chevreau est aussi le seul voyant sur le terrain. Après être monté sur la plus haute marche du podium aux Jeux paralympiques 2024, le joueur de 35 ans de l’équipe de cécifoot du Sporting Club de Schiltigheim a depuis raccroché les crampons. Avec à jamais en tête l’aventure humaine d’une vie…
Avec l’équipe de France de cécifoot, vous avez accompli l’exploit de remporter la médaille d’or aux Jeux paralympiques Paris 2024. Comment avez-vous vécu cette consécration ?
Je ne sais pas si j’arriverai un jour à mettre des mots sur ce que l’on a vécu. Les Jeux sont une grosse parenthèse enchantée. En juillet, nous étions en stage du côté de Lens, et déjà l’ambiance était incroyable. Tu intègres un village où tout est accessible, les bénévoles sont extraordinaires, le public, énorme... Et puis, il y a eu les Jeux, on a joué sur le plus beau site, au pied de la Tour Eiffel et devant 12 000 spectateurs alors que d’habitude, ils sont 100, 200 ! Parmi l’organisation, il y avait trois Alsaciens, c’était sensationnel d’avoir le sentiment de jouer à domicile. Il y a eu ensuite la parade avec les athlètes olympiens. À ma droite, j’avais Léon Marchand avec qui on a échangé quelques mots. On était reconnus au même niveau. C’est une immense fierté cette médaille, mais surtout l’aboutissement d’une formidable aventure humaine.
Au début des Jeux, pensiez-vous gagner ?
Quand on se prépare, l’objectif de podium est fixé. Je savais que l’on allait réaliser quelque chose, cela se ressent au niveau collectif. Cela étant, tout s’est enchaîné tellement vite. Le premier match contre le Brésil, le seul que j’ai joué, on l’a perdu 3-0, lors des qualifications. Et puis est arrivée la demi-finale contre la Colombie, le moment le plus incroyable pour nous. On a gagné en finale aux tirs au but. J’ai réalisé lors du podium que c’était la dernière Marseillaise que j’entendrais en tant qu’athlète. Je réalise à ce moment-là que je vais arrêter. Et je pleure aussi.
Vous évoquiez déjà l’émotion que la Marseillaise vous a procurée au début de votre carrière. La boucle est bouclée ?
Lors de ma première sélection non officielle en Russie, c’est en effet La Marseillaise qui m’a marqué. Vous voyez tellement de sportifs la vivre, c’est un moment assez fort dans un stade.
J’ai intégré l’équipe de France de cécifoot en 2016 jusqu’à aujourd’hui. C’est Lucas Ignatowicz, le coach de l’époque, un Alsacien aussi, qui m’a sélectionné. Je n’ai jamais quitté l’équipe jusqu’à aujourd’hui. La boucle est en effet bouclée.
Revenons sur votre parcours sportif. Pourquoi avoir décidé d’intégrer la section de cécifoot du Sporting club de Schiltigheim ?
Entre 2011 et 2015, j’étais éducateur à l’AS Strasbourg. L’un de mes coéquipiers, Julien Chaussec, avait découvert le cécifoot en Espagne et avait la volonté de créer un club en Alsace, avec Rémi Garranger. Je suis tout de suite devenu leur gardien. J’avais envie de vivre autre chose, j’étais lassé de l’ambiance du foot traditionnel, on passait plus de temps à gérer l’extra-sportif que le sportif. En tant que joueur je n’étais plus épanoui, alors que j’ai commencé le foot à 5 ans et que j’ai pu être sélectionné dans l’équipe nationale de l’Île Maurice où je suis né, avant de venir à Strasbourg l’année de mes 17 ans, avec ma mère, Alsacienne d’origine. Je connaissais le public, car ma grand-mère s’occupait d’une association de mal-voyants à Schiltigheim, et je l’accompagnais souvent.
Vous êtes le seul joueur voyant sur le terrain. Vous sentiez-vous différent dans l’équipe ?
Le gardien a le même rôle, mais il communique davantage avec tous les joueurs. Il est une source d’information supplémentaire pour qu’ils puissent se repérer et prendre des décisions plus rapidement. Dans une équipe, il y a trois guides : le coach, le guide offensif derrière les buts et le gardien. Les joueurs se repèrent au bruit de grelot du ballon. S’il ne fait plus de bruit, ils ont besoin d’informations. Mais avec les équipes nationales, c’est du très haut niveau, le jeu est plus rapide, ils ont plus d’expérience et de pratique, ils ressentent les masses. Notamment le capitaine, Frédéric Villeroux, a une perception de masses dingue. Ils sont impressionnants. Je peux vous dire qu’ils savaient tous précisément quand j’ouvrais un paquet de gâteaux super discrètement !
Avant d’atteindre le sommet avec la médaille d’or aux Jeux, quels ont été vos moments marquants au sein de l’équipe de France ?
Je n’ai jamais arrêté, mais j’ai vécu deux déceptions : ne pas avoir été sélectionné pour l’Euro de Berlin en 2017, et pour les Jeux de Tokyo. En 2019, je suis dans la sélection, et on est vice-champions, c’était un grand moment, alors que l’on n’était pas favoris. Mais je n’étais pas aux Jeux. C’était très dur, car je m’étais beaucoup investi, j’avais pris un coach perso, un préparateur
physique et mental à mes frais. Je commençais en plus mon alternance en comptabilité en parallèle. Mais entre Tokyo et Paris, il s’est passé plein de trucs, on a été champions d’Europe en 2022 en Italie, puis septième au championnat du monde...
On est aussi les premiers à avoir battu le Brésil et cela restera à jamais dans l’histoire. Le cécifoot m’a énormément apporté.
Je suis de base très timide, côtoyer des personnes qui ont un regard sur la vie tellement différent m’a permis de comprendre les notions de résilience et d’abnégation. Ce sont des athlètes, et je peux vous dire qu’ils sont souvent plus autonomes que la plupart d’entre nous.
Quels sont vos projets maintenant que vous avez raccroché les crampons ?
Je serai le premier supporter de l’équipe de cécifoot. Le championnat d’Europe aura lieu en 2026 à Schiltigheim pour les qualifications aux Jeux de Los Angeles, je serai évidemment dans les tribunes !
Aujourd’hui, j’ai envie de profiter de cette médaille, de faire des choses simples, un ciné, des soirées, profiter de mes proches... Le sport de haut niveau prend beaucoup de temps. J’ai besoin de prendre du recul, mais peut-être cela reviendra-t-il. En tout cas, le sport fait partie de moi… b
Biographie
Benoît Chevreau de Montlehu est un athlète français spécialisé dans le cécifoot, un sport adapté aux personnes déficientes visuelles. Né le 28 janvier 1989 à Curepipe, à l’île Maurice, il a grandi en France où il a découvert sa passion pour le football classique en jouant au Sporting Club Schiltigheim. Sa grandmère, qui travaillait avec des personnes malvoyantes, l’a sensibilisé au monde du handicap visuel et l’a conduit à s’intéresser au cécifoot. Il a pris l’initiative de fonder la première section de cécifoot dans son club, faisant de celle-ci un pionnier dans la région.
En tant que gardien, Benoît est devenu un pilier de l’équipe de France de cécifoot. Il a connu une ascension rapide, participant à plusieurs compétitions internationales. Parmi ses accomplissements majeurs, il a été vice-champion d’Europe en 2019 à Rome et a
remporté le titre de champion d’Europe en 2022 à Pescara. En 2023, il a également participé aux championnats du monde à Birmingham.
Au-delà de ses performances sportives, il incarne l’engagement pour l’inclusion et l’essor du parasport en France, contribuant à la visibilité et au développement du cécifoot au niveau local et national.
Non, Benoît Chevreau n’est pas aveugle. Il est voyant, ce qui est assez particulier dans le monde du cécifoot où la majorité des joueurs de champ sont non-voyants. Son rôle spécifique est celui de gardien, une position qui peut être occupée par des personnes voyantes selon les règles internationales du cécifoot. Les gardiens, en tant que seuls joueurs voyants, jouent un rôle crucial dans la communication et l’organisation défensive de l’équipe
Magali Magail L’âme du Volley Mulhouse Alsace
Elle a su se faire une place dans ce qui était encore un monde exclusivement composé d’hommes. Entraîneur principal de l’ASPTT Mulhouse pendant 14 ans, Magali Magail a décroché le premier titre de championnes de France de l’histoire du club. Aujourd’hui manager générale, elle continue de faire grandir et rayonner ce club – aujourd’hui VMA – qu’elle a dans le cœur.
Émilie Jafrate
Chez les Magail, le volley-ball est une affaire de famille. Magali a touché très tôt ses premiers ballons. Elle a bien tenté le tennis, mais il lui manqué ce petit truc en plus que seul le volley lui procurait. « Perdre seul était trop dur. En volley, tu gagnes ensemble et tu perds ensemble. Si tu as une défaillance, quelqu’un est là pour te rattraper. »
Elle débute à Mulhouse, pendant trois ans, avant de rejoindre ses copines à Kingersheim, avec qui elle décroche le titre de championnes de France minimes. Elle revient ensuite du côté de Mulhouse, pour jouer avec l’équipe réserve, avant de passer pro en 1996. Ses étés, elle les passe à la plage, non pas pour faire bronzette, mais pour jouer au beach volley. Elle décroche d’ailleurs un titre de vice-championne de France. Au bout de trois ans, la volleyeuse doit arrêter sa carrière professionnelle. « Mon corps ne me permettait plus de m’entraîner deux fois par jour », explique-t-elle.
« J’étais jeune, inexpérimentée et une femme »
Elle doit alors envisager sa reconversion. « Brigitte Trouillet a vu en moi les capacités de devenir entraîneur », glisse Magali avec humilité. C’est le déclic. L’ancienne joueuse pro passe alors tous ses diplômes. La progression est fulgurante et son coaching démarre dès 1999. Magali Magail entraîne les jeunes, puis l’équipe réserve, le Pôle Espoir de Mulhouse, avant de devenir le bras droit de Martin Panou auprès de l’équipe professionnelle. Elle n’a alors que 26 ans. Trois ans plus tard, on lui propose de passer entraîneur principal. Un challenge qu’elle soupèse pendant quelques temps, avant d’accepter. « J’étais jeune, inexpérimentée et une femme qui plus est. Je me retrouvais en plus à entraîner des filles plus âgées que moi, que je connaissais et avec qui j’avais joué. » Un challenge de taille. Mais la passion alliée au goût du défi finissent de la convaincre.
« Entraîner, c’est transformer un matériau noble en métal précieux »
Si elle est aujourd’hui la figure emblématique du VMA – anciennement ASPTT Mulhouse – Magali Magail a dû
batailler dur pour gagner sa légitimité. Elle se construit alors seule, en adéquation avec ses croyances, envers et contre tous. « La première saison, lorsqu’en face, l’entraîneur masculin gagnait, il me faisait la bise, lorsqu’il perdait, il me serrait la main. » Des difficultés et une animosité qu’elle a d’ailleurs dû affronter dès son passage du Brevet d’État second degré, et cette séance pédagogique qu’elle a dû mettre en place pour l’Équipe de France junior composée de gaillards de 2 mètres, 2 mètres 10. « Je ne me suis pas sentie à ma place. Certaines réactions ont été violentes. Alors j’ai respiré un grand coup et je ne me suis pas laissée démonter. Mais si je ne l’avais pas eu du premier coup, je ne l’aurais pas repassé. »
Magali Magail a su faire de sa féminité une force. « Je m’appuie sur le langage corporel des joueuses. Je vois des choses qu’un homme ne peut pas discerner. » Son management a toujours été bienveillant et participatif. « Entraîner, c’est transformer un matériau noble en métal précieux. Et pour y arriver, il faut aussi que les joueuses s’approprient le projet. »
En 2017,
le
premier titre
de Championnes de France de Ligue A
de l’Histoire du club
La coach a pu s’appuyer sur la confiance de ses dirigeants. Et puis les résultats sont arrivés très vite. L’ASPTT Mulhouse de Magali Magail a évolué sous l’hégémonie cannoise. Magali Magail en a connues, des finales perdues face à cette équipe surnommée « l’ogre » du championnat. En 2017, l’exploit. Magali Magail remporte le premier titre de champion de France de Ligue A féminine de l’histoire du club. Un titre décroché au bout du suspens, face au Cannet. « Nous étions passées de perdre le match, au titre de championnes. Et des retournements de situation incroyables en cours de jeu. Mais dans cette équipe, chaque joueuse a su se mettre au service du collectif. » Une délivrance pour la coach liée à jamais à cette génération. Magali Magail a aussi porté l’Équipe de France féminine, entre 2014 et 2017. Et puis un jour, elle décide de passer la main : « Le métier de coach est usant psychologiquement, on met sa vie de côté. Il était de plus en plus compliqué pour moi
« Je m’appuie sur le langage corporel des joueuses. Je vois des choses qu’un homme ne peut pas discerner. »
Magali Magail
de terminer les semaines. » Il lui a fallu trouver le successeur idéal. Celui qui ne ferait pas qu’entraîner, mais qui se mettrait au service du projet du club. En 2019, l’Italien François Salvagni débarque ainsi à Mulhouse et Magali s’efface du sportif pour que le nouveau coach trouve sa place.
Le VMA, « une fusée bien installée qu’il reste à faire décoller »
Parce que sa flamme pour l’ASPTT Mulhouse brûle toujours, et qu’elle veut continuer de voir grandir son club de cœur, Magali se forme pour devenir manager général du club. En 2021, elle co-construit une vision à horizon 2026. Un projet pour sortir l’ASPTT Mulhouse de l’ombre, malgré ses 32 ans au plus haut niveau. « La première mission était de faire de nos matchs de véritables spectacles, que nous soyons générateurs de liens et de mixité sociale, au cœur de notre territoire. »
En 2022, l’ASPTT Mulhouse devient le Volley Mulhouse Alsace. Le club se structure, fédère ses partenaires autour de son Club Affaires, à raison d’une bonne vingtaine d’événements par an. Autour de son VMA Queens, elle mobilise 14 femmes cheffes d’entreprises qui partagent les mêmes valeurs et tiennent à déconstruire les préjugés, dans les prisons, mais aussi auprès de femmes de quartiers. « Pour moi, le VMA est une fusée bien installée mais il faut encore qu’elle décolle ! »
Le VMA qui dispose désormais du plus gros budget professionnel, garçons et filles confondus. Une véritable fierté pour celle qui était arrivée dans ce milieu, sur la pointe des pieds… b
Benjamin Toniutti : « Sur un terrain, nous pouvons mourir les uns pour les autres... »
Il est le capitaine emblématique de la Team Yavbou. Le Pfastattois Benjamin Toniutti fait partie de cette génération qui a sorti le volley-ball français de l’ombre. Et à 35 ans, il n’est de loin pas prêt à raccrocher le maillot..
Chez les Toniutti, le volley-ball est une affaire de famille. Avec un papa président et une maman secrétaire du club de Pfastatt, Benjamin est tout logiquement tombé dedans lorsqu’il était petit. Comme tous les enfants, il passe par tous les postes et développe ses qualités techniques. À l’adolescence, c’est tout aussi naturellement qu’il occupe le poste de passeur. « J’étais physiquement plus petit que les autres, mais cela me convenait bien. C’est un poste où il faut montrer du caractère et mettre ses coéquipiers dans les meilleures conditions. »
Il intègre ensuite le Pôle Espoir de Strasbourg. Un an plus tard, son chemin le mène au Centre national du volley-ball, à Montpellier, le « Clairefontaine » de la discipline. « J’y suis arrivé avec un an d’avance, le niveau était très, très haut. J’ai dû beaucoup travailler », se souvient-il. Une année de transition au cours de laquelle il s’entraîne en tant que passeur et joue au poste de libero, pour pallier les absences dues
aux blessures. La deuxième année, il est titularisé à ce poste.
De l’Italie
à la Pologne, un passeur au cœur des deux meilleurs championnats du monde
Trois ans plus tard, il signe son premier contrat professionnel en Ligue B, à l’Arago de Sète, avec une titularisation d’entrée là où habituellement, les coachs attendent une ou deux saisons, le temps que leurs recrues fassent leurs preuves. « C’était un club qui faisait venir des jeunes du CNVB parce que financièrement, il ne pouvait pas attirer de joueurs d’expérience. J’ai eu la chance d’avoir la confiance de Patrick Duflos qui a pris ce risque. »
Une saison plus tard, en 2010, il décroche sa première sélection en Bleu. Il passe quatre saisons avec Sète, engrange de l’expérience et goûte à la Coupe
d’Europe. Et puis il s’envole à l’étranger dans l’un des deux meilleurs championnats du monde : l’Italie. « Le club avait l’ambition de terminer dans les 5 à 8 premiers. Nous avons décroché une 5e place dès la première année. C’est un championnat très dur, d’un tout autre niveau et d’une autre mentalité. Je suis sorti de ma zone de confort. »
Une parenthèse allemande avec un titre de champion à la clé et Benjamin Toniutti rejoint la Pologne, l’autre nation reine du volley-ball. « J’ai découvert la Pologne en 2014, avec l’Équipe de France, sur un championnat du monde. J’ai été fasciné par l’engouement que suscite notre sport là-bas ! Nous jouions devant 13 000 personnes, même lorsque la Pologne n’était pas sur le terrain. J’avais envie de découvrir ce championnat médiatiquement incroyable. »
« Faire briller les joueurs autour de moi »
Les résultats s’enchaînent dès son arrivée avec un titre de champion et un Final Four de Ligue des Champions. « Gagner nous a bien aidés. Les salles sont pleines lorsque l’on joue et je me suis fait un nom dans ce championnat. »
Voilà 10 ans que Benjamin Toniutti évolue dans ce championnat de rêve. Les années passent, mais la flamme est intacte. « J’ai toujours la même motivation, la même envie de performer et de gagner. Et puis le
club met tout en œuvre pour donner envie de rester. Ce qui m’anime aussi, c’est de faire briller les joueurs autour de moi. »
Le secret de Benjamin Toniutti, c’est aussi la remise en question permanente, les nouveaux challenges à relever. « Lorsque j’ai décroché mon premier titre de champion avec la Pologne, jamais je ne me suis dit, “ça y est, c’est fait”. Dans le sport comme dans la vie en général, il faut se réinventer. » Pour tenir dans la durée, le passeur a adopté une hygiène de vie irréprochable. Son quotidien est fait d’entrainements, de déplacements, de matchs, sans oublier la récupération, les bains froids ou les séances de kinésithérapie. « J’ai toujours admiré les sportifs qui s’inscrivent sur le long terme et j’ai envie d’en faire partie. »
« Je peux aussi bien tempérer que bousculer »
Le volley lui a permis de vivre des moments incroyables, indescriptibles.
Benjamin Toniutti et ses coéquipiers de la team Yavbou ont marqué l’Histoire avec un premier titre olympique en 2020, à Tokyo, puis en 2024, à Paris. « À Tokyo, nous avons réussi à nous transcender. À Paris, nous n’étions plus les favoris, après un été 2023 où nous avions mal joué. Cela nous a aidés côté pression, mais nous savions que nous avions un coup à jouer. Nous avons débuté timidement jusqu’aux quarts. À partir de là, nous avons été poussés par le public. Il y avait plus fort que nous, mais notre force repose sur notre collectif. Sur un terrain, nous pouvons mourir les uns pour les autres. » En Bleu, Benjamin Toniutti endosse également le rôle de capitaine. Et il met tout en œuvre pour bien faire vivre son groupe. « Je ne suis pas le capitaine qui prendra la parole dans le vestiaire, mais celui qui va comprendre chacun de ses coéquipiers individuellement, savoir ce qui est bon, pour chacun d’entre eux. Émotionnellement, je peux aussi bien tempérer que bousculer. »
Benjamin Toniutti compte bien accrocher encore de nombreux titres
à son palmarès. « La dernière finale de Supercoupe que nous avons perdue, je n’en ai pas dormi de la nuit. Bien dormir après une défaite, c’est le signe qu’il faut s’arrêter. »
En quête de nouveaux titres
On l’aura compris, le passeur alsacien est loin de prendre sa retraite. Pour ce qui est du maillot tricolore, il prend le temps de la réflexion. Une réflexion d’autant plus importante que ce maillot lui a apportée énormément. Beaucoup d’émotions, beaucoup d’amour aussi. La tête sur les épaules, Benjamin Toniutti a en parallèle passé ses diplômes d’entraîneur. Une reconversion pensée dans le volley-ball. Les pistes sont nombreuses : directeur sportif, entraîneur d’une sélection nationale… « Un retour en France est envisageable, mais ce serait pour un vrai projet de développement et des ambitions. » b
Antoine Geyer Une détermination à toute épreuve
Le vélo, il l’a dans la peau et il rythme d’ailleurs son quotidien depuis ses cinq ans. Antoine Geyer a vécu les frissons des grandes compétitions. Son rêve aujourd’hui est de voir l’un de ses « potes » professionnels devenir champion de France Élite sur leurs terres alsaciennes communes.
En organisant les championnats de France Avenir du 8 au 12 mai 2024, Antoine Geyer a montré patte blanche et démontré qu’il avait les épaules pour réaliser son rêve.
Ils s’appellent Hugo Hofstetter, Axel Zingle ou encore Antoine Raugel. Tous trois ont pour points communs d’être cyclistes professionnels, alsaciens et proches d’Antoine Geyer. Son rêve ? Voir l’un d’entre eux devenir champion de France professionnel en Alsace. L’idée a germé dans son esprit en mars 2022, lors de sa dernière saison sur route, au détour d’une conversation. « Axel venait de terminer 3e de ses premiers championnats de France professionnels, se souvient-il. Et je me suis rendu compte que l’Alsace n’avait jamais accueilli cette compétition. Il y avait bien eu un championnat de France, mais amateur, en 1993. »
Antoine Geyer laisse passer la saison de route avant de revenir à la charge. « J’ai appelé mon père en lui disant qu’il fallait trouver quelques centaines de milliers d’euros pour organiser un championnat professionnel. » Le jeune homme contacte également la Fédération française de Cyclisme. Mais le chantier était énorme, avec un budget conséquent à réunir et des contraintes trop importantes pour une première organisation. Une alternative lui est alors proposée. Celle d’organiser les Championnats de France de l’Avenir 2024 avec, pour ambition, celle d’accueillir les Élites en 2026.
Une vision sans concession
Antoine Geyer débute alors un véritable parcours du combattant avec, pour première épreuve, celle de rallier les institutionnels à sa cause. Le jeune homme y va d’ailleurs au culot. Il se joint à une réunion publique de 2h30 pour pouvoir atteindre ses premiers alliés, Nicolas Jander – vice-président de la Collectivité européenne d’Alsace et maire d’Altkirch – et Gilles Frémiot – conseiller régional et maire d’Heidwiller. « Sans eux, rien n’aurait été possible. Ils ont cru au projet, qui a été officialisé à la fin de l’été 2023… »
Antoine Geyer démarre alors une véritable course contre la montre pour l’organisation de ces championnats de France Avenir qui se tenaient sept mois plus tard. « C’est une course nationale avec de véritables enjeux pour ces gamins qui jouent un titre de champion de France. Et dans une carrière, cela marque ! » D’une feuille blanche, sans expérience hormis celle de coureur, Antoine Geyer imagine un
« Je voulais montrer que nous avions les épaules pour organiser un championnat professionnel. »
événement ambitieux avec une vision qui allait bien au-delà du cahier des charges établi par la Fédération. « Je voulais le plus beau camion d’arrivée d’Europe avec des visuels en LED et deux écrans géants sur les flancs. Nous avons aussi loué un camion VIP pour l’ensemble de nos partenaires. Nous leur avons fait vivre la course de l’intérieur, grâce à trois voitures dédiées. Un drone filmait les courses en direct, ce qui a également permis de voir Altkirch comme nous ne l’avions jamais vu. Je voulais montrer que nous avions les épaules pour organiser un championnat professionnel. » Et la compétition – sportivement parlant – a été à la hauteur des attentes. Les courses ont été disputées et le spectacle était au rendez-vous. « Et puis nos champions de France sont de vrais champions de France parce qu’ils se sont imposés sur un parcours exigeant et difficile. » Au rang des satisfactions, les 200 bénévoles mobilisés chaque jour, dont la moitié étaient des signaleurs, ainsi que la sécurité. « Rien qu’à l’entraînement, on sait à quel point les gens sont fous sur la route… »
Le manque de fréquentation pour point noir
Il y a eu des moments de doutes, des critiques, aussi sur certains de ses choix, mais Antoine Geyer a tout assumé. « J’aime mon projet parce que personne n’y a cru, mais nous sommes parvenus à démontrer que nous étions capables de le faire ! » Si le VCS Altkirch était club support de l’événement, Antoine Geyer a préféré endosser tous les risques en créant l’association Sundgau Sport Association. « L’idée était de ne pas faire couler le club si le projet
capotait. Et si on arrivait à en tirer des bénéfices, alors je les aurais reversés à l’école de vélo. Cela me tenait à cœur. » Si Antoine Geyer s’en est finalement sorti à l’équilibre, son événement a pâti du manque de fréquentation. Ces championnats de France Avenir ont accueilli trois fois moins de visiteurs qu’attendu. « Cela nous a plombé les comptes. Nous avions investi dans la restauration, les éco-cups, mais aussi le système cashless. »
Le championnat Élite toujours en tête
Compétiteur dans l’âme, Antoine Geyer n’a pas dit son dernier mot. S’il envisageait accueillir les championnats Élite en 2026, le projet est reporté à 2027. « Cela nous permet de travailler plus sereinement avec un projet à trois ans. » Du temps aussi pour réunir un budget conséquent. De ces championnats de France Avenir, Antoine Geyer aimerait également pérenniser La Sundgauvienne pour l’installer dans le paysage des cyclosportives françaises. Une détermination et un mental à toute épreuve que le jeune homme muscle au quotidien. S’il a quitté les compétitions cyclistes depuis 2022, il n’a pas complètement raccroché le vélo. C’est au triathlon qu’il s’adonne désormais. « Que ce soit dans le travail, dans le sport ou dans l’organisation d’une compétition, j’ai la même mentalité. J’aime l’entraînement parce qu’il permet d’atteindre un objectif dans les meilleures conditions possible. Il faut se donner les moyens de nos ambitions. » Pas étonnant qu’Antoine Geyer ait mis la barre si haute pour sa toute première organisation… b
Émilie Jafrate
Vincent Grobelny Le passeur d’émotions
Son parcours était ce qu’il y a de plus classique jusqu’en 2020. Professeur des écoles, Vincent Grobelny opère alors un virage à 360 degrés pour faire carrière dans le monde du spectacle. Et en 2023, il est sacré Champion du Monde de Pole Dance…
L’ enseignement lui plaisait. C’est d’ailleurs une voie qu’il avait choisie. Après des études d’Histoire, Vincent Grobelny suit le parcours classique d’éducateur sportif, avant de passer son concours de Professeur des écoles il y a dix ans. « Initialement, je voulais devenir prof d’Histoire, mais à vingt ans, je ne me sentais pas d’intervenir dans une classe. » Il officie en tant qu’éducateur sportif pendant près de six ans. En 2020, une rencontre redistribue les cartes. « J’ai croisé la route d’intermittents du spectacle et ils m’ont donné envie de m’y plonger », se souvient-il les yeux brillants. Il se met en disponibilité avant de définitivement quitter l’Éducation nationale pour le monde du spectacle.
La pole dance, sa révélation
Vincent Grobelny a toujours eu cette fibre artistique. Il danse, chante et crée des spectacles depuis son plus jeune âge. « Petit, je ne tenais pas en place, je sautais dans tous les sens. Mes parents m’ont inscrit à la gymnastique pour me canaliser, mais c’était pire ! » Enfant, son moment le plus important restait pour lui le Gala de fin d’année. La gymnastique qui lui plaisait était la gym spectacle, pas la gym compétition. Il était d’ailleurs fasciné par les spectacles du Cirque du Soleil.
Cette fibre artistique, il l’a cultivée en parallèle de ses années au service de l’Éducation nationale. Des années au cours desquelles il découvre la pole dance, par le biais d’une amie. « Je suis allé à mon
« La pole te demande force, souplesse, méditation, et un important travail sur le souffle. »
premier cours et là, ce fut la révélation. C’était ce que je recherchais. Cela ressemble à la gym, mais le côté festif en plus. La pole te demande force, souplesse, méditation, et un important travail sur le souffle. Tu apprends en groupe, aux côtés de personnes d’horizons complètement différents. Il y a une véritable dimension et mixité sociale ! » Mordu de cette discipline, Vincent Grobelny retourne également à ses premières amours. L’enseignement. Il intègre l’équipe de professeurs du Studio Cocoon, à Mulhouse.
En 2019, la création des Aéronautes
Il réalise son premier numéro à l’occasion d’un Concours de Talents, à Mulhouse, avant d’enchaîner sur ses premières scènes au calendrier de l’Avent d’Uffhotz. Un nouveau tournant dans sa carrière, grâce à sa rencontre avec Sophie Mosser, harpiste. Le duo crée un spectacle mêlant pole et harpe. L’engouement est tel que les scènes s’enchaînent et que naît leur compagnie, les Aéronautes, en 2019. « J’avais envie d’explorer cette voie-là avec elle. Je suis persuadé que nous avons tous un chemin à suivre. Les rencontres nous aident à nous construire et font ce que nous sommes. » Jouer reste sa principale préoccupation. Peu importe l’endroit et le nombre de spectateurs. Les Aéronautes se produisent dans la rue, dans des festivals, jusqu’en milieu scolaire.
Vincent Grobelny s’attache à proposer des bulles poétiques, des moments suspendus, dans lesquels les gens oublient l’instant présent. Une échappée, sans
téléphone portable et hors des tracas du quotidien. « Un jour, une dame est venue nous confier, les larmes aux yeux, qu’elle avait pris ce moment pour s’échapper un court moment du milieu hospitalier dans lequel était plongé son papa. »
« En spectacle, tu es là pour faire plaisir aux gens. En compétition, tu es jugé »
Et puis Vincent Grobelny a fini aussi par raccrocher la compétition. En 2023, il devient champion du Monde Master de Pole Dance. « C’est drôle, je n’en parle jamais, mais les personnes que je rencontre, elles, m’en parlent encore. » Un retour poussé par l’envie de progresser et de faire un point sur l’évolution de sa pratique à lui. « En spectacle, tu es là pour faire plaisir aux gens. En compétition, tu es jugé. » L’année de son titre de champion de France, en 2018, pourtant qualifié d’office, il choisit de ne pas participer aux Mondiaux. De 2019 à 2023, il consacre toute son énergie à sa compagnie. En 2023, le champion reprend des cours en visio, se rend à Paris aussi pour travailler et se challenger autour de nouvelles figures, aux côtés de nouvelles personnes. Cette même année, il décroche un nouveau titre national et une nouvelle hésitation, quant à sa participation aux Mondiaux. Bien entouré, écouté et conseillé, il finit par tenter l’aventure. « Le stress était bien présent pendant l’échauffement, alors je me suis concentré sur tous ceux qui me
soutiennent, qui sont là au quotidien pour moi, tous mes proches, mes parents, mes amis. » S’il pensait avoir accumulé les erreurs, le jury le sacre champion du Monde. Explosion de joie. « J’ai beaucoup pleuré. Pour atteindre un tel niveau d’excellence, cela demande beaucoup de sacrifices. Il y a des moments difficiles, mais au final, lorsque les gens te disent avoir vibré, tu oublies tout le négatif. » Tout un symbole aussi, après les difficultés rencontrées lors de ses représentations à la barre, au cœur de la paroisse protestante Saint-Guillaume de Strasbourg. « J’ai choisi une musique de Slimane pour répondre à tous mes détracteurs et le jury a saisi le sens de tout cela, même s’il ne comprenait pas le français. »
Une nouvelle page avec l’Opéra National du Rhin
Les années ont filé, mais il n’a pas changé. Le quadragénaire ne tient toujours pas en place. Pas de routine qui tienne, son quotidien mixe entraînements, création de spectacles, répétitions, cours de pole dance, de cerceau et de tissu aérien, sans oublier les sessions d’entretien auprès de son kinésithérapeute et de son chiropracteur. Il continue de suivre ses envies, sans freins ni barrières. « Dans dix ans ? Pourquoi ne pas explorer d’autres métiers, et pas uniquement ceux de la scène, mais tout cela dépendra des rencontres. » Une nouvelle histoire s’écrit déjà pour Vincent Grobelny, avec l’Opéra National du Rhin. Un challenge personnel aussi important, pour lui, que la compétition. b
Jules Ribstein et le Graal du titre paralympique
Sacré champion paralympique de triathlon aux Jeux Paralympiques Paris 2024, l’Alsacien Jules Ribstein a porté au sommet les couleurs de la région. Il a surtout réalisé son rêve pour lequel il a travaillé de manière acharnée pendant cinq ans.
Depuis cinq ans, l’Alsacien n’avait que les Jeux en tête. D’autant qu’il n’avait pu participer aux Jeux de Tokyo en 2020, alors qu’il était champion du monde en titre. « Ma discipline avait été retirée du programme, la déception a été énorme, rembobine-t-il. C’était un peu compliqué, car j’avais gagné le titre de champion du monde avec 2 minutes 30 d’avance sur le deuxième, je me disais que j’avais les moyens de faire un podium. En plus d’être le Graal pour les sportifs de haut-niveau, un titre paralympique facilite les choses d’un point de vue financier... Même avec un titre mondial, vous n’êtes pas soutenu, vous n’avez aucun statut... »
Beaucoup de travail pour revenir au très haut niveau…
Pas de quoi entacher la motivation de l’athlète qui revient de loin. Après son accident de moto à 22 ans qui l’a privé de sa jambe gauche, il était convaincu qu’il ne pourrait plus accomplir son rêve de devenir professionnel en triathlon. « Avant mon accident, j’étais en deuxième division nationale, c’est du haut niveau, mais pas du très haut niveau. Mais je voulais faire une carrière professionnelle. Quand tu te fais amputer, c’est tout un projet de vie que tu remets en cause, tu débarques dans un monde inconnu. J’ai mis six mois pour me remettre en forme, un an pour réapprendre à marcher, trois ans pour reprendre mes études. J’ai obtenu mon diplôme d’orthoprothésiste, mais j’ai quitté ma boîte en 2017 en raison d’une mauvaise ambiance. C’est à ce moment-là que j’ai envisagé de reprendre le sport. »
Le plus difficile a été de pouvoir à nouveau courir. « Quand tu es amputé au-dessus du genou, c’est compliqué de trouver la bonne prothèse pour ne pas trop souffrir. Je l’ai confectionnée moi-même du coup. En 2017, j’ai participé au championnat de France de paratriathlon et j’ai été repéré. » En 2018, il accède aux stages fédéraux, en 2019, il est sacré champion du monde. « Heureusement, j’étais soutenu par ma femme et mon premier cercle, car peu de gens comprenaient que
je quitte un CDI pour refaire du sport avec un handicap. Cela n’a pas été évident, mais on peut y arriver avec de la chance et beaucoup de travail. »
Et beaucoup d’abnégation, car une fois les droits au chômage expirés, les revenus sont faibles pour les athlètes de haut-niveau. « Jusqu’à il y a deux ans, je n’avais pas de situation sociale, pas de job, pas de salaire, ce n’est que grâce à ma recherche de partenaires que j’ai pu tenir, confie-t-il. Quand tu es jeune, tu es encadré par Sport études, dans les Pôles espoir. Mais une fois dans le monde du travail, on te laisse tomber. Or avoir un job en parallèle de la pratique de haut niveau est impossible. Pratiquer un sport individuel de haut niveau en France, c’est très compliqué. Mes revenus équivalent à un joueur de foot en 4e division nationale... »
La libération de la victoire
L’aspect financier ne lui a pas fait baisser les bras. « J’avais envie de gagner, l’aspect sportif a primé. » Il a eu raison
de s’accrocher, car depuis deux ans, il a obtenu un contrat d’insertion professionnelle au Bataillon de Joinville, « car l’État et la Fédération ont vu que j’avais une chance de podium aux Jeux, précise-t-il. Ils m’ont prolongé le contrat d’un an, mais après ? »
C’est sous pression qu’il est arrivé aux Jeux paralympiques : « J’étais quatre fois champions du monde, la Fédération, l’État, avaient beaucoup d’attente sur moi, sans oublier celle des cercles amicaux et familiaux qui me disaient depuis deux ans, c’est sûr, tu vas gagner les Jeux... Il faut arriver à croire en soi et à gérer cette pression. »
Quand il s’est retrouvé premier à 500 mètres de l’arrivée, Jules a craqué : « C’était une charge énorme pour moi, tout est sorti... Tu te libères. Quand tu gagnes, la récompense est énorme. J’ai vécu des choses incroyables, même pendant l’entraînement, des émotions physiques et psychologiques dingues... »
Malgré la concurrence, l’ambiance pendant les Jeux entre les athlètes de l’Équipe de France de para triathlon était au top. « J’ai senti une vraie cohésion, le public était vraiment derrière nous, les
athlètes valides également et on l’a vraiment ressenti, et les bénévoles ont été incroyables. On sentait vraiment qu’ils avaient tous envie d’être là, ils étaient investis à 200 %. » Jules Ribstein conserve aussi un souvenir inoubliable de la soirée au Club France, le soir de son épreuve de 750 mètres de natation, 20 km de cyclisme, 5 km de course à pied. « On a pu fêter le titre avec le public, c’était incroyable. Même les athlètes qui ont vécu de grosses désillusions étaient là, c’était un beau moment à vivre en équipe. »
À 38 ans, Jules Ribstein n’est pas près de raccrocher : « Je continuerai tant que le physique suivra », confie-t-il malgré sa blessure à la clavicule après une chute à vélo lors des derniers championnats du monde en octobre. « J’aurais pu me blesser pendant les Jeux, relativise-t-il. J’espère juste qu’elle se remettra bien pour pouvoir reprendre l’entraînement en janvier. »
Avec toujours ce mental de dingue qui lui permet de s’entraîner seul avec la rage de gagner. b
L’Or pour Joseph Fritsch, le titre de la maturité !
Devenir athlète de haut niveau le faisait rêver depuis sa plus tendre enfance. À force de détermination, de persévérance et de travail, Joseph Fritsch a fait de ce rêve une réalité. Et cet été, il est monté sur la plus haute marche des Jeux Paralympiques…
Joseph Fritsch est né avec les jambes bloquées à 90 degrés, ce qui ne l’a pas empêché de grandir et d’évoluer dans un milieu valide. « J’ai toujours tout adapté à ma sauce, sourit-il. Quand les copains jouaient au football, je jouais avec eux ! »
Le sport, justement, l’a toujours fait vibrer. Il a d’ailleurs très vite ambitionné de faire carrière dans le haut niveau. « Je ne savais en revanche pas si j’allais réussir à l’atteindre… » C’était sans compter sur Patrick Moyses, fondateur de l’Association Sport Fauteuil Mulhouse. C’est lui qui met en selle le petit Joseph alors âgé de 7 ans. Il avale ses premiers kilomètres juste pour le plaisir et pour passer du temps avec les copains, une ou deux fois par semaine. Et c’est au collège qu’il intensifie le rythme d’entraînement. À partir de 1991, il prend le départ de ses premières compétitions. Des courses qui le font voyager à travers l’Europe. « Je courais avec des adultes qui avaient
entre 30 et 50 ans, j’avais la moitié de leur âge et pour certains, j’étais même trois fois plus jeune. »
Champion d’Europe en 2021
Son premier déclic a été ce premier titre de champion de France en 2016. « J’avais 18 ans et je venais de battre le sélectionné aux Jeux. Je n’avais jusque-là jamais terminé dans le groupe de tête alors là, oui, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire. » Le titre de la maturité, pour celui qui avait pris l’habitude de prendre des départs canon avant d’exploser en fin de parcours. « Mes résultats ne reflétaient pas mon niveau. Je donnais tout, tout de suite, quitte à tout perdre. »
Un titre qui lui ouvre de nouvelles portes, celles de la Sunrise Team International. Une équipe composée des
meilleurs Européens. « Elle m’a ouverte au monde en me permettant notamment d’aller de course en course à l’autre bout du monde, en toute autonomie, sans pour autant être seul. Aujourd’hui aussi, je maîtrise l’anglais et je suis capable de parler à tout le monde. » Des années au cours desquelles aussi Joseph prend de l’expérience et apprend à s’affirmer. En 2021, l’athlète signe son premier coup d’éclat en décrochant le titre de Champion d’Europe devant le double médaillé d’argent olympique. « Et puis la Team m’a demandé de me sacrifier avec interdiction de porter mon maillot de champion d’Europe sur le marathon de Berlin. » Joseph Fritsch court alors avec le maillot orange de la Team, avant de mettre un terme à leur histoire commune.
Le coach allemand Ralf Lindschulten à ses côtés depuis dix ans
Un claquement de portes bénéfique pour l’athlète qui confirme son titre européen en 2022. Un nouveau titre qui lui permet de se montrer au niveau de la Fédération. Une belle année pour l’athlète qui décroche également sa première Coupe du Monde. En Allemagne, il passe devant la légende Jetze Plat sur le contre la montre qui avait tout gagné les six dernières années. « Je me suis dit que si j’étais capable de passer devant lui, j’étais capable de tout gagner. » Joseph Fritsch met les bouchées doubles à l’entraînement et optimise tous ses efforts du quotidien, jusqu’à décrocher un nouvel emploi pour s’économiser physiquement. « Avant, j’étais en ligne de caisse au supermarché. Je me retrouvais les épaules bloquées pendant des jours. » Joseph Fritsch est aujourd’hui
« Joseph Fritsch a pu réaliser un relais sans accro, savourer même la dernière ligne droite avec sa minute d’avance et décrocher l’or olympique. »
conseiller clientèle en agence bancaire. Au quotidien – depuis ses seize ans –Joseph travaille « de manière scientifique » aux côtés de l’entraîneur allemand Ralf Lindschulten.
Cap sur un triplé aux Jeux de Los Angeles
2022 a aussi marqué l’entrée de Joseph Fritsch en Équipe de France. Un nouveau tournant dans sa carrière. « Je ne remplissais pas, jusque là, les critères pour l’intégrer. Mon sésame a été la Coupe du Monde ainsi que la sélection pour les Mondiaux. » Un statut qui lui permet également d’être reconnu au niveau institutionnel et de déclencher des aides financières. Mais ses premiers Mondiaux ne se déroulent pas comme attendus. « Je suis parti avec les bras et non avec la tête, souligne-t-il. J’avais le niveau pour le podium, mais j’ai commis des erreurs de débutant.
Ce n’est que l’année d’après que Joseph Fritsch parvient à décrocher ses premiers titres mondiaux : l’or sur le relais mixte et le bronze en contre la montre. Ce n’est qu’en 2024, après les Jeux, qu’il réalise la promesse qu’il s’était faite à huit ans – après avoir reçu en cadeau le maillot de champion de Patrick Moyses – de devenir lui aussi champion du Monde. Chose faite à Zürich, en course en ligne et en relais mixte.
Une année 2024 bien évidemment marquée par les Jeux de Paris et de multiples mésaventures pour l’Alsacien, à commencer par cet accident, sur l’épreuve de la course en ligne. Au bout du troisième virage, sur une route détrempée, Joseph perd l’adhérence et termine dans les barrières à 45km/h. « Mon premier réflexe a été de regarder l’état de mon vélo pour pouvoir repartir. » Mais les dégâts étaient trop importants. « Dans ces conditions, je suis désavantagé par mon poids. Il n’y a pas assez de pression sur la roue avant. C’est pour cela que les autres ont réussi à tenir et pas moi. »
Pas le temps de s’apitoyer sur son sort. Joseph entame une véritable course contre la montre pour trouver de quoi prendre le départ du relais mixte 48h plus tard. Les planètes ont fini par s’aligner à temps. « Mes coéquipiers me disaient de ne pas faire de bêtise », s’amuse aujourd’hui l’athlète. La pluie s’est arrêtée dix minutes avant le départ et Joseph Fritsch a pu réaliser un relais sans accro, savourer même la dernière ligne droite avec sa minute d’avance et décrocher l’or olympique.
« La célébration au club France, avec 10 000 personnes était magique. Tout le monde était là pour nous applaudir, faire la fête en notre nom ! Et Joseph Fritsch n’a pas fini de faire parler de lui. Son prochain objectif ? Réaliser le triplé aux Jeux Paralympiques de Los Angeles. Rendezvous en 2028. b
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RECHERCHE, INNOVATION & santé
Émeline Hahn et Fizimed au secours des périnées
Fascinée depuis toujours par le secteur médical, la Strasbourgeoise
Émeline Hahn a eu l’idée à 27 ans de concevoir une sonde connectée de rééducation du périnée pour accompagner les femmes au quotidien. Un produit qui suscite l’engouement jusqu’à être remboursé par la sécurité sociale allemande.
À l’origine de votre aventure entrepreneuriale, vous souhaitiez concevoir une attelle connectée pour les sportifs. Pourquoi vous être finalement orientée vers la rééducation du périnée ?
J’ai un parcours scientifique, et en parallèle de mes études, je pratiquais du sport de haut niveau, du basket et du rugby. Cela faisait quatre ans que j’accompagnais des start-up de santé, j’ai toujours eu envie de créer des choses pour accompagner les patients. Avec mon ami et associé Julien, on souhaitait créer une attelle connectée pour aider à récupérer plus vite à la maison, en voyant en direct sur son téléphone les gestes que l’on faisait. Nous avons rencontré Paul, un kiné devenu depuis notre associé, qui trouvait l’idée sympa, mais qui rencontrait un problème plus récurrent : ses patientes ne faisaient pas, ou pas bien, leur rééducation du périnée, soit faute de temps ou d’informations, soit parce qu’elles vivaient dans des déserts médicaux. C’est comme cela que l’idée d’Emy, notre sonde connectée de rééducation du périnée, a germé. Nous avons travaillé avec des kinés, des sages-femmes, des urologues, pour développer le produit.
Émeline Hahn dans les bureaux de sa société Fizimed qu’elle a fondée en 2017
Comment avez-vous pu concevoir ce produit de haute-technologie ?
Nous avons eu la chance d’être accompagnés par l’écosystème local dédié à la santé qui est très actif dans la région. Nous avons été soutenus par Quest for health, ex-Semia, par la Ville de Strasbourg, la Région, depuis le premier jour de notre aventure et notre essai clinique au CMCO. Nous avons également le soutien du ministère de la Santé, mais en local, nous avons un terreau précieux qu’il faut entretenir. Notre sonde est fabriquée avec des partenaires français, notre sous-traitant principal est dans le BasRhin, et nous fabriquons nos produits avec des composés électroniques, du silicone et du plastique de l’Alsace à la région lyonnaise. Nous les commercialisons via notre site web ou dans les pharmacies.
À quelles femmes s’adresse votre sonde connectée ?
À toutes les femmes entre 25 et 70 ans. On pense souvent à la rééducation après un accouchement, mais le périnée est un muscle qui a besoin d’être entretenu. Une
faiblesse musculaire peut entraîner des fuites urinaires, des descentes d’organes... On estime à trois millions les femmes incontinentes rien qu’en France. Une grande partie de nos utilisatrices ont la ménopause, car le changement hormonal induit le relâchement des tissus. Or il faut penser musculation pour éviter les problèmes.
Quelles sont les particularités d’Emy ?
C’est une sonde connectée avec un système breveté qui permet aux patientes de se muscler à la maison. La contraction appuie sur des capteurs qui envoient en temps réel ce qu’elles font sur leur téléphone. Notre système permet d’avoir un programme personnalisé en fonction de la puissance de contraction maximale, et des exercices alternant endurance, force, rapidité. Avec mes deux grossesses, j’ai largement participé à son développement !
Vous venez justement de sortir un nouveau produit, un tire-lait portable et mains libres. Comme souvent, une idée née d’une expérience personnelle...
« Entreprendre, c’est une liberté, mais aussi des obligations d’actions qui font sortir de sa zone de confort. C’est une source d’épanouissement forte, car tous les jours sont nouveaux et on est obligé d’apprendre vite. »
Émeline Hahn
Sa genèse est double : d’un côté le développement du business, et de l’autre mon vécu personnel. L’an dernier j’ai accouché de mon deuxième enfant, et nous étions même trois de notre équipe de 10 personnes à avoir donné naissance la même semaine ! Nous nous sommes toutes les trois retrouvées avec la même problématique de tire-lait encombrant, qui empêche de faire toute autre chose pendant ce temps. Quand ma fille a eu deux mois, je devais aller à un mariage en Sardaigne dont j’étais témoin. Je savais que je ne pouvais pas emmener un énorme tire-lait, mais je voulais quand même continuer l’allaitement et pouvoir profiter de la fête. J’ai finalement trouvé un équivalent à notre tire-lait qui m’a dépanné, mais qui n’était pas parfait. Avec mes collaboratrices, nous avons identifié les facteurs majeurs du tire-lait idéal, avec des tests live et des retours pragmatiques ! Nous avons vraiment imaginé un produit facile d’utilisation, qui permette de tirer son lait les mains libres et sans qu’il soit branché à une prise électrique. Il est portable, petit, facile d’utilisation et d’entretien.
Et aujourd’hui, le succès de vos produits dépasse les frontières françaises. En effet, depuis l’an dernier, la sécurité sociale allemande rembourse Emy sur prescription d’un médecin. Nous avons un gros enjeu de développement dans ce pays, mais aussi aux États-Unis où nous avons une filiale, et dans les pays asiatiques que nous avons commencé à approcher. On regarde l’Australie aussi. Notre tire-lait connaît également un très beau lancement, c’est encourageant. À chaque étape, nous essayons de développer et de consolider.
Si vous regardez dans le rétro, êtesvous épanouie dans ce parcours d’entrepreneure ?
La première motivation de notre parcours entrepreneurial pour moi et mes collaborateurs, c’est de se découvrir soimême. Entreprendre, c’est une liberté, mais aussi des obligations d’actions qui font sortir de sa zone de confort. C’est une source d’épanouissement forte, car tous les jours sont nouveaux et on est obligé d’apprendre vite. Entre les prototypes,
l’industrialisation, la commercialisation, l’Allemagne qui reconnaît la qualité de notre produit, chaque fois, c’est une nouvelle porte qui s’ouvre. Il faut apprendre à gérer le financement, le développement produits, les ressources humaines : entreprendre nécessite de multiples compétences. À certains égards, c’est compliqué, on est toujours obligé d’apprendre. Mais à plusieurs, on avance plus vite !
Est-ce difficile de concilier la gestion de sa société et une vie de famille ?
Je ne sais pas si c’est plus difficile que pour un père de famille ! Tout dépend de comment on s’implique, et selon moi, cela n’est pas une question de genre. Je ne dis pas que c’est facile tous les jours, mais la maternité reste un moment incroyable pour prendre du recul sur son parcours entrepreneurial. À chaque fois, elles m’ont donné un second souffle, une nouvelle vision. Aujourd’hui nous sommes concentrés sur le développement du deuxième produit, mais comme on aime développer de nouvelles choses, nous verrons ce que l’on imaginera par la suite. b
Tom Cardoso et son Petit Truc en Plus
Spécialisé dans l’accompagnement des personnes en rééducation ou nécessitant des soins post-opératoires, le Centre de Réadaptation de Mulhouse (CRM) n’hésite pas à sortir de ses missions habituelles pour innover. Un Petit Truc en Plus, le restaurant porté par le CRM qui emploie des personnes trisomiques, fête ses cinq ans. Et en 2024, Le CRM a bouclé une première année d’accompagnement expérimental de personnes en burn-out, grâce à un programme totalement conçu en interne.
Tom Cardoso est une figure inspirante dans le domaine de l’innovation sociale. À la tête du Centre de Réadaptation de Mulhouse (CRM), il combine une vision stratégique à une approche profondément humaine. Passionné par les initiatives qui changent des vies, il insuffle à son équipe énergie et créativité. Sous sa direction, le CRM ne se contente pas de remplir ses missions classiques : il explore constamment de nouvelles pistes pour répondre aux défis contemporains…
Avant d’aborder vos projets, pourriez-vous nous parler un peu de vous et de votre parcours ?
Bien sûr. J’ai toujours eu à cœur de travailler dans des domaines où l’humain est au centre. Avant de rejoindre le CRM, j’ai eu l’opportunité de m’investir dans des projets qui mêlaient innovation et
accompagnement social. Ce qui m’anime, c’est de trouver des solutions concrètes pour améliorer la vie des gens. Quand je suis arrivé au CRM, j’ai tout de suite été séduit par sa richesse : des équipes passionnées, des infrastructures remarquables, mais surtout une mission qui résonne avec mes valeurs profondes.
Votre travail semble aller bien au-delà d’une simple gestion d’établissement. D’où vient cette envie d’innover constamment ?
Au CRM, nous avons un comité de direction stratégique dédié à l’innovation sociale. C’est une vraie boîte à idées qui nous permet de réfléchir en profondeur aux problématiques émergentes. Ce qui me motive, c’est de transformer ces idées en actions concrètes. Quand je vois l’impact de nos projets sur la vie des gens, je sais que tous ces efforts en valent la peine.
La Maison du Mieux-Être est un exemple de ces innovations. Comment est née cette idée ?
C’est une belle aventure, née de plusieurs constats. Nous avons observé que le burn-out est une problématique mal prise en charge en France, alors qu’il touche de nombreuses personnes. Avec l’équipe, nous nous sommes dit qu’il était de notre responsabilité d’agir. La Maison du Mieux-Être, c’est la concrétisation de plusieurs années de réflexion, d’études et de conception. Le burn-out est un mal insidieux, une épidémie silencieuse qui touche de plus en plus de personnes. C’est souvent le résultat d’un dévouement, d’une volonté de bien faire qui finit par dépasser les limites de la personne. Ce n’est pas un échec, mais un cri d’alarme. Cela me touche particulièrement, car derrière chaque cas, il y a une histoire, une souffrance qui mérite
« Pour moi, accompagner ces personnes, c’est une manière de leur redonner une chance de se reconstruire. »
Le restaurant
Le Petit Truc en Plus
Ce restaurant inclusif imaginé par le CRM et l’une de ses salariées, cuisinière, emploie cinq personnes trisomiques. Un Petit Truc en Plus (clin d’œil au chromosome surnuméraire responsable de la trisomie 21), a ouvert ses portes en septembre 2019. 36 couverts sont servis uniquement le midi, du lundi au samedi. L’établissement organise aussi des soirées privatives, avec une carte simple mais composée « de plats faits maison, mitonnés avec des produits de qualité », précise Tom Cardoso. La Communauté européenne d’Alsace est depuis l’origine un partenaire actif de ce beau projet.
d’être écoutée et comprise et qui souvent dépasse le contexte professionnel. Pour moi, accompagner ces personnes, c’est une manière de leur redonner une chance de se reconstruire.
Qu’est-ce que la Maison du Mieux-Être, concrètement ?
C’est le nom que nous avons donné à un dispositif à la fois gratuit, coordonné, pluridisciplinaire et long, ce qui est unique en France. Pour répondre à l’urgence, nous avons mobilisé toutes nos ressources et notre savoir-faire. Située dans les locaux du CRM, la Maison du Mieux-Être offre aux participants l’accès à des infrastructures telles qu’une piscine, une salle de gym une cuisine... Constituée en association, la MME incarne une expérimentation sociale novatrice. Nous avons conçu un accompagnement en trois étapes, soit trois « Box », chacune correspondant à une étape-clé du rétablissement :
La Déconnexion et recentrage sur soi : cette première phase invite les participants à se détacher du stress et à se reconnecter à leurs besoins fondamentaux. Art-thérapie, initiation au sport, et premiers ateliers de relaxation sont au programme.
La Reconquête du pouvoir d’agir : les participants travaillent sur leur estime de soi, leur capacité à poser des limites, et la reprise de confiance en leurs compétences. Des ateliers d’écriture, des groupes de parole, et des séances de sophrologie structurent cette étape. Enfin, la Préparation à une reprise d’activité : selon les cas, il peut s’agir d’un retour à l’emploi précédent ou d’un projet de reconversion. Cette phase mobilise des professionnels comme des consultants RH, des juristes ou encore des associations d’aide à l’emploi.
Chaque session dure neuf semaines, organisées en trois périodes de trois semaines entrecoupées de pauses. Les
« Le collectif est une force : partager son expérience permet de se sentir moins seul et de se nourrir du parcours des autres. »
parcours sont individualisés, mais favorisent aussi des échanges collectifs, essentiels à la reconstruction. Le collectif est une force : partager son expérience permet de se sentir moins seul et de se nourrir du parcours des autres.
Pour accompagner les personnes en burn-ou t, nous mettons à disposition une équipe pluridisciplinaire au service du mieux-être : psychiatres, neuropsychiatres, sophrologues, professeurs de sport, diététiciens, juristes, et consultants RH travaillent ensemble pour une prise en charge globale. Chaque professionnel joue un rôle clé dans ce parcours. Par exemple, l’art-thérapie aide les participants à exprimer des émotions enfouies, tandis que les séances sportives contribuent à leur réappropriation de leur corps.
Et quels sont vos premiers résultats ?
En un an, cinq groupes de huit participants ont suivi le programme. Sans communication publique, le bouche-à-oreille
a suffi à remplir les sessions, et une liste d’attente s’est rapidement formée. Les premiers retours sont extrêmement positifs et les témoignages des participants sont souvent bouleversants. Certains retrouvent une lumière qu’ils pensaient avoir perdue… Les professionnels de santé qui suivaient déjà ces personnes constatent une nette amélioration de leur état.
À la fin de chaque session, un moment convivial est organisé, un apéritif réunissant bénéficiaires et accompagnants. Cela symbolise la fin d’un parcours, mais aussi le début d’une nouvelle étape ! Nous envisageons d’organiser une journée dédiée aux aidants, pour sensibiliser les proches et faciliter les échanges... L’idée de répliquer le modèle dans d’autres régions fait également son chemin. Ce dispositif a un potentiel énorme. Si nous réussissons à inspirer d’autres structures, nous aurons vraiment accompli quelque chose de grand. » b
Cheffe du service de chirurgie de l’Institut de cancérologie de Strasbourg (Icans), Carole Mathelin a été élue vice-présidente de l’Académie nationale de chirurgie en janvier 2024, avant d’organiser à Strasbourg, l’automne dernier, les Rencontres de Sénologie, sous l’égide de la Société Internationale de Sénologie. Rencontre avec une Professeure qui déploie volontiers ses convictions de fer et… parle vrai.
Ma grand-mère était une enfant de Ribeauvillé et mon père Lorrain. Je suis donc issue du vaste melting-pot de la région » sourit d’entrée Carole Mathelin, 64 ans, alors qu’elle vient juste de nous accueillir dans son bureau de l’ICANS, en lisière du CHU de Hautepierre.
Nos pas nous ont conduits vers elle après avoir pris connaissance du programme des Rencontres de Sénologie qu’elle a organisées début octobre dernier, en présence des sommités mondiales de la sénologie, venues des cinq continents pour communiquer leurs avancées durant 48 heures dans la capitale alsacienne. Au menu de ces travaux, les
facteurs de risque et les facteurs protecteurs du cancer du sein, les risques dus à l’environnement, les pratiques variées de la prise en charge des cancers du sein dans le monde, et une question (centrale dans l’esprit de Carole Mathelin), la sénologie doit-elle devenir une discipline chirurgicale à part entière ?
Le besoin impératif d’une spécialisation en chirurgie du sein
Car, en effet, et très curieusement, la sénologie n’est pas comptabilisée comme une discipline chirurgicale à part entière. « Il y a treize disciplines chirurgicales »
« Vous
pouvez être orthopédiste, chirurgien cardiaque et j’en passe, mais pas sénologue, cette spécialité n’existe pas, tout simplement. »
Carole Mathelin
nous apprend la Professeure. « Vous pouvez être orthopédiste, chirurgien cardiaque et j’en passe, mais pas sénologue, cette spécialité n’existe pas, tout simplement. On peut donc avoir un chirurgien digestif “qui fait du sein”, ou un chirurgien plasticien, ou encore un gynécologue… Mais personne ne peut mettre “sénologue” sur la plaque de son cabinet médical.
Avec l’Académie nationale de Chirurgie, nous militons bien sûr pour qu’il existe une formation spécifique qui soit reconnue. Selon moi, cela vient du passé de notre discipline. Il y a très longtemps aujourd’hui, opérer les cancers du sein était somme toute assez simple, cela consistait purement et simplement à réaliser l’ablation totale. Et cela, n’importe quel chirurgien pouvait le faire. Puis, tout s’est compliqué, et heureusement : ce que l’on appelle les reconstructions, au départ la simple pose d’une prothèse, aujourd’hui les reconstructions
par lambeaux, par microchirurgie… Tout est devenu plus complexe : les tumeurs sont plus précoces donc plus subtiles à identifier, il faut bien connaître les techniques d’imagerie, bref, il faudrait vraiment maintenant une formation spécifique, reconnue. C’est le combat de l’Académie nationale de Chirurgie dont je suis la vice-présidente, c’est notre combat et nous avons besoin de le gagner… »
Ce combat a eu un écho lors des Rencontres de Sénologie d’octobre dernier. « C’est un début de médiatisation » convient Carole Mathelin « et cela s’est fait en présence des pontes de la discipline venus du monde entier. Si nous pouvions bénéficier de cette spécialisation, les femmes seraient plus et mieux reconstruites, la chirurgie serait de meilleure qualité et on éviterait beaucoup plus souvent d’avoir à réopérer, grâce à des taux de guérison bien meilleurs… On va travailler là-dessus durant toute
l’année 2025 avec l’espoir d’un aboutissement favorable en fin d’année. On va rencontrer le ministre et ce ne sont pas les soucis que rencontre le pays qui vont nous faire désarmer… »
Elles imploraient pour « qu’on fasse quelque chose »
Carole Mathelin raconte volontiers toutes les étapes qu’elle a connues durant sa carrière, des premiers progrès de la discipline à l’aube des années 80 grâce au professeur Robert Renaud, à Strasbourg, ou encore « la Professeure Astrid Wilk qui s’est tant battue pour que l’on puisse proposer des solutions de reconstructions aux femmes atteintes par la maladie. Tant parmi elles souffraient de se sentir mutilées » se rappelle Carole Mathelin. « Elles imploraient pour “qu’on fasse quelque chose”. On s’est lancé dans ces reconstructions, puis les gestes chirurgicaux ont été remboursés par la Sécurité sociale. Tout a beaucoup progressé et aujourd’hui, il y a de plus en plus d’offres de reconstruction, même si ce c’est jamais simple : le sein est un organe évolutif. Il arrive qu’on lui donne une certaine forme, un certain volume, mais l’autre sein, non opéré, va continuer d’évoluer naturellement, devenir plus grand, peut-être va-t-on constater une ptose mammaire. On va donc avoir à traiter une asymétrie. Parfois, certaines femmes vont devoir revenir pour une nouvelle intervention. Rien n’est simple dans ce domaine. Toujours est-il que dans près de 70 % des cas, aujourd’hui, on peut éviter la mammectomie et quand elle
se révèle indispensable, la reconstruction se fait dans la continuité, lors de la même opération ! C’est une option qui est prévue en étroite relation avec la patiente, bien en amont de l’opération proprement dite… »
La maladie
est de mieux en mieux cernée
Carole Mathelin déroule des statistiques édifiantes et des connaissances de plus en plus approfondies sur la maladie : « Le cancer du sein, ce sont 62 000 nouveaux cas chaque année ! Quand j’ai débuté ma carrière, nous en étions à 25 000 cas. On comprend beaucoup mieux les causes, aujourd’hui : il y a le facteur génétique, ce que l’on appelle, dans le grand public, l’effet Angelina Jolie (du nom de l’actrice américaine qui a subi, volontairement, l’ablation totale de sa poitrine pour ne pas prendre le moindre risque du fait de ses antécédents génétiques familiaux – ndlr). Il y a aussi des maladies qui prédisposent à l’apparition possible d’une tumeur cancéreuse, comme le diabète de type 2, où l’obésité, ou encore certains facteurs hormonaux comme l’hyperthyroïdie. Et puis, parfois, on ne trouve rien de tout ça : les gens ont tout bien fait, ils font du sport, ils sont minces, ils ne consomment pas d’alcool, ils ont un excellent mode de vie… »
Une des recherches principales, et pas seulement sur cette maladie, s’oriente délibérément vers les impacts de l’environnement. Le plus grand nombre de cancers du sein par rapport à la population est atteint par les pays les plus économiquement favorisés.
Nous avons déjà des preuves absolues de l’impact de l’environnement… »
Les facteurs environnementaux représentent donc le plus gros des travaux entrepris par la communauté médicale du monde entier et bien sûr soutenus par l’Académie nationale de Chirurgie.
Mais la Professeure Mathelin revient aussitôt sur cette nécessité urgente d’instaurer une formation diplomante, une spécialité, pour la chirurgie du sein. En soulignant au passage un autre combat parallèle : « Je suis devenue vice-présidente de l’Académie, au beau milieu d’une institution gouvernée par les hommes. Il a donc fallu attendre cette année 2024 pour qu’une femme chirurgienne accède à cette fonction. Dans les hôpitaux, il y quand même de plus en plus de femmes parmi les professionnels qui y travaillent… C’est le syndrome du fameux plafond de verre : il n’y a pas de femme doyenne, pas de présidente de Comité Médical d’Établissement (CME)… Et jusqu’alors, il n’avait aucune femme à l’Académie… Sincèrement, il va falloir que ça change… »
Pour être tout à fait franc, nous avons discuté durant plus de deux heures avec Carole Mathelin, celle-ci évoquant sans détour et avec une passion contagieuse nombre de problématiques liées à l’avenir de sa profession. La place nous manque bien sûr ici pour tout évoquer. Mais nous nous rappelons de ses mots, juste avant de nous quitter : « Maintenant, on rentre dans le dur. Il faut que les lignes bougent. Sinon, si on faisait tout ça pour qu’au final, rien ne change, on aurait raté notre coup… »
Carole Mathelin est une sacrée battante. b
Gaël Le Dorze et la MAM
L’art comme levier d’inclusion
La Maison de l’Autisme de Mulhouse (MAM), un Groupe d’Entraide Mutuelle (GEM) fondé en 2017, occupe une place pionnière en France dans l’accompagnement des personnes autistes. Parrainée par l’association Marguerite Sinclair, la MAM propose un espace inclusif dédié à la socialisation et au développement personnel. Elle se distingue par ses initiatives novatrices qui répondent aux besoins spécifiques des personnes autistes, tout en valorisant leurs talents et leurs ressources.
Gaël Le Dorze dirige la Maison de l’Autisme de Mulhouse depuis sa création en 2017, et accompagne son développement. La MAM est un lieu créé par des autistes pour des autistes adultes, sans déficience intellectuelle. En effet, ce public ne bénéficiant d’aucun suivi ni accompagnement, créer un Groupe d’Entraide Mutuelle constituait un début de solution, la première expérimentation en France. Les débuts ont vu une adhésion rapide de personnes autistes et de parents, touchés par l’isolement de leur enfant adulte.
Les activités de socialisation, les propositions thérapeutiques, les formations et activités artistiques ou culturelles s’enchaînent à un rythme soutenu, grâce notamment à la présence de deux animatrices.
En 2024, la MAM a doublé sa superficie de 140 à 250 m2 afin de répondre à une demande croissante et pour améliorer l’accueil des adhérents, désormais au nombre de 120. Cette expansion permet non seulement d’accueillir plus de participants, mais aussi de diversifier les activités et les espaces, incluant des bureaux pour les nouveaux projets. Ce développement reflète une dynamique forte, soutenue par des partenaires institutionnels tels que l’Agence Régionale de Santé, la Collectivité européenne d’Alsace et la Ville de Mulhouse.
Parmi d’autres avancées notables, la création de logements inclusifs pour personnes autistes autonomes ont été inaugurés à Mulhouse grâce à l’initiative du père d’un adhérent, Giles King. Propriétaire d’un immeuble, il en a supervisé les travaux pour transformer cet espace en un lieu de vie favorisant l’autonomie et les échanges entre résidents et adhérents du GEM (voir encadré).
Diagnostiquée autiste, l’artiste Cécile Fauroux, décédée il y a un an, était adhérente de la première heure de la Maison de l’Autisme de Mulhouse.
Nouveaux projets et partenariats : l’art comme levier d’inclusion
Dans une volonté d’élargir ses horizons, la MAM a recruté en 2024 un chargé des partenariats, Christophe Dijoux, avec pour mission de développer des liens avec le monde culturel et le monde de l’entreprise. Ce poste, financé par des subventions locales et nationales, s’inscrit dans une stratégie visant à renforcer la visibilité de la structure, diversifier les sources de financement et toucher un public plus large.
L’un des projets phares concerne la mise en avant des talents artistiques des adhérents, allant de l’écriture au spectacle vivant, en passant par les arts visuels ou des expositions. Par exemple, un atelier collectif a été lancé pour créer une œuvre sur le patrimoine alsacien et le dialecte local. Ce projet, symbole de l’ancrage régional de la MAM, s’accompagne de sorties culturelles mensuelles, comme à La Filature, pour favoriser l’accès des adhérents à la culture.
La MAM se tourne aussi vers les entreprises, via des formations dispensées sur le lien entre entreprise et handicap, et un programme de partenariats et de mécénats destiné à favoriser l’inclusion au sein de l’entreprise.
La MAM bénéficie de la Marque Alsace, une reconnaissance qui met en lumière son engagement pour son ancrage social et culturel. Cette distinction est un pas
important dans la quête de notoriété de l’association, qui aspire à devenir un modèle pour d’autres GEM en France.
Sur le plan national, la MAM contribue activement à la Fédération des GEM Autisme (FéGEMA), créée sous son impulsion il y a quatre ans, pour partager son expertise et aider d’autres structures à se développer. Ce rôle de leadership témoigne de sa capacité à conjuguer innovation sociale et développement organisationnel.
Une ambition soutenue par une approche collaborative
Avec un taux d’emploi de 50 % parmi ses adhérents, la MAM démontre qu’accompagner les personnes autistes ne se limite pas à la thérapie. Il s’agit aussi de reconnaître et de valoriser leurs compétences. En 2024, un groupe de travail pour les parents et aidants a été créé afin d’élaborer de nouveaux projets, notamment d’habitat inclusif en colocation, pour élargir encore les possibilités d’autonomie.
Ces initiatives s’inscrivent dans une dynamique collective, où le soutien des acteurs locaux et nationaux, ainsi que l’implication des familles et des adhérents, jouent un rôle clé. Par cette démarche, la MAM poursuit son ambition de rendre visible ce handicap invisible, en misant sur l’art et l’innovation sociale pour bâtir une société plus inclusive. b
Le projet Ciel bleu d’habitat inclusif
Ce projet porté par Giles King, père d’un jeune homme autiste et adhérent à la MAM, a vu le jour au printemps 2024. La MAM et l’Association Sinclair se sont engagées aux côtés de l’investisseur pour l’ingénierie du projet et obtenir des financements, notamment de la CeA. Ce sont donc six locataires autistes qui ont intégré les logements, car bien souvent ils sont dépendants de leurs parents. Le logement inclusif permet de favoriser l’autonomie sociale, et l’autonomie dans la vie quotidienne. En effet, une animatrice possède un bureau au rez-de-chaussée de l’immeuble, dans un local commun où les locataires peuvent se rendre à tout moment. Elle gère les tâches administratives et accompagne les locataires dans leur quotidien selon leur demande. Elle peut aussi mettre en place des ateliers culinaires, ou de socialisation. Car, si les adultes adhérents à la MAM sont sans déficience intellectuelle, ils ont de réelles difficultés dans la gestion des relations humaines et du stress. Ciel bleu est un projet social innovant pour l’inclusion de ce public et c’est aussi une expérience à suivre.
Écologie & ENVIRONNEMENT
Arlette Rohmer infuse le monde
Pionnière des thés et infusions bios et équitables, Arlette Rohmer parcourt le monde depuis trente ans à la recherche des petits producteurs les plus éthiques, respectueux de la biodiversité et de l’humain. En retraite active – elle est co-gérante avec sa fille Chloé depuis deux ans – la créatrice des Jardins de Gaïa vibre toujours pour le voyage, les rencontres inspirantes, le respect de la nature et la découverte de pépites qui enchantent le palais des amateurs de thés.
L’arrivée aux Jardins de Gaïa est pour le moins surprenante. C’est dans une zone industrielle de Wittisheim que se niche l’un des fleurons alsaciens où s’activent ses 80 salariés pour gérer tout le process , de l’analyse des arrivages de thés, à l’élaboration des recettes, jusqu’à l’emballage, l’envoi des produits et toute la partie administrative : « On est toujours débordés, sourit Arlette Rohmer. Ici, on fait tout, sauf planter le thé ! »
Mais pousser la porte des Jardins de Gaïa, c’est surtout partir en voyage au milieu des effluves de thé, d’arômes, d’huiles essentielles, de plantes aromatiques. C’est découvrir de magnifiques jardins japonais invitant à la contemplation. C’est aussi profiter d’un moment rien qu’à soi pour déguster des thés d’exception ou plus traditionnels, dans la Maison des thés imaginée par Arlette il y a vingt ans. Un cocon où il se passe toujours quelque chose, une lecture de contes, une cérémonie de thés, une expo, un atelier de calligraphie. « Et pourtant, j’ai démarré dans ma cuisine », se
souvient Arlette Rohmer, qui se réjouit de tout ce monde qui aime à y passer un moment, dans une situation géographique pourtant improbable.
L’envie de découvrir le monde...
Il faut dire que cette passionnée a construit son entreprise à l’intuition depuis toujours. « Quand j’étais petite, mon papa m’emmenait cueillir les champignons, les plantes, les fleurs, et j’adorais en préparer des tisanes, raconte-t-elle. Un jour, une amie m’a fait goûter un Darjeeling, et cela a été la révélation... Même si aujourd’hui, je le trouverais peut-être commun ! »
Éducatrice dans le social, Arlette ressent très vite le besoin de découvrir le monde. Elle part un an en Afrique subsaharienne et en Grèce, et revient avec l’envie de faire quelque chose qui lui permette de bouger, en lien avec le bio pour lequel elle est sensible dès le plus jeune âge. « Dès 1985 au lycée, un professeur de Sélestat nous proposait de concocter des
« Pousser la porte des Jardins de Gaïa, c’est surtout partir en voyage au milieu des effluves de thé, d’arômes, d’huiles essentielles, de plantes aromatiques. »
Trente ans plus tard, Les Jardins de Gaïa comptent 1 700 points de vente, deux boutiques en propre, et enregistrent un chiffre d’affaires de 11 millions d’euros. Cette Maison de thé française et familiale, née dans une petite cuisine de Wittisheim, conditionne aujourd’hui 250 tonnes de thés, épices, infusions chaque année. Et ce malgré un contexte économique difficile : « Chaque année, 200 à 300 magasins bio ferment, cela a forcément un impact sur nos ventes. Nous n’avons pas licencié, mais nous n’avons pas remplacé les départs en retraite ou autres. Si tu veux vendre plus aujourd’hui, il faut proposer de nouvelles références. Je crois en l’avenir des grands crus, car nous avons la chance d’être un pays avec une belle culture gastronomique. Ils ne te permettent pas de faire du volume, mais cela passionne et motive les producteurs. »
repas bio, cela m’a paru si évident de ne pas consommer des trucs bourrés de chimie... C’était l’époque de Tchernobyl, on faisait des analyses de sols... Je réalise que j’ai rencontré les bonnes personnes au bon moment. »
Arlette écume alors les salons bio, en Allemagne, en Angleterre, « et j’ai trouvé ce que je voulais faire : quelque chose autour des plantes, qui me permette de voyager. Je me suis vite rendu compte que l’on ne pouvait mélanger que sept plantes pour faire des tisanes, je me suis alors intéressée au thé. Mais il y a trente ans, il était réservé à une élite, les gens n’y comprenaient rien ! »
Des thés pour tous les jours et le dimanche
Arlette Rohmer se met alors en tête d’éduquer les palais. Elle démarre ses recherches en Inde et en Ceylan. « Et là j’ai découvert tellement d’autres sortes de thés incroyables chez de petits producteurs... J’ai commencé avec 80 produits que je présentais aux salons pour initier aux différentes saveurs. »
Dans sa cuisine de Wittisheim, Arlette concocte ses propres recettes qui tapent dans l’œil de chaînes de magasins bio et nature. L’aventure des Jardins de Gaïa démarre vraiment : « J’ai pu faire davantage de volumes. Mais les thés exceptionnels, c’est moi qui les buvais ! », lâche-t-elle avec malice. En l’an 2000, la Chine commence à ouvrir ses portes : « Quand je leur demandais des thés bio, ils me regardaient avec des yeux ronds ! Mais c’est la demande qui crée l’offre. À l’époque, on ne buvait que des thés parfumés à la menthe, au jasmin. Il n’y avait pas grand-chose sur le marché, il fallait connaître pour être introduite. Pendant très longtemps, j’ai conçu mes recettes de manière intuitive en écoutant ce que les gens aimaient, et j’ajoutais un peu de cannelle, du poivre, des épices... J’ai démarré avec mon compagnon et ma voisine qui travaille toujours dans l’entreprise. » Arlette est aussi l’une des premières à importer des grands crus : « On peut en trouver jusqu’à 100 € les 100 grammes... J’aime comparer le thé au vin, il y en a pour tous les jours, d’autres pour le dimanche et les grandes occasions. »
Car Les Jardins de Gaïa d’Arlette et aujourd’hui de sa fille Chloé est aussi une maison bienfaitrice, tant pour l’environnement que l’être humain. Pour aller plus loin dans sa démarche environnementale, la Maison est la première à avoir testé l’acheminement de marchandises sur le voilier Artémis depuis le Vietnam, attendu mi-décembre dernier (quelques jours après le bouclage de ce numéro – ndlr) après quelques aléas climatiques sur sa route. Depuis trois ans, elle a créé un Fonds de dotation pour la préservation de l’environnement, la cohésion sociale, l’accès à l’éducation et la diversité culturelle. La Maison réaffirme également son attachement à la région en ajoutant la mention « conditionné à la main en Alsace » sur ses paquets modernisés par la nouvelle équipe tout comme son site internet.
De son côté, Arlette s’apprête à prendre davantage de temps pour elle, pour s’occuper de son petit-fils ou sillonner l’Europe dans son nouveau van. Mais son éclatant sourire et sa longue tresse ne semblent pas encore près de quitter définitivement le navire... Pour célébrer les trente ans de cette aventure humaine, environnementale et familiale, Arlette Rohmer doit sortir son livre entre photographies et récits, Le Thé, la terre et les hommes aux éditions de la Martinière en ce début d’année 2025.
À déguster sans modération. b
Nathalie Lebran produit des trésors
Nathalie Lebran, ancienne assistante commerciale
dans l’industrie, a opéré une reconversion remarquable en devenant productrice de safran biologique en Alsace, dans le Sundgau. En seulement trois ans, son exploitation
Les Trésors du Lochmatten a été récompensée par une médaille d’or au Concours
Général Agricole lors du Salon de l’Agriculture à Paris en février 2024.
Travaillant auparavant dans le secteur de la courroie industrielle, Nathalie ressentait une dissonance entre ses valeurs personnelles et son environnement professionnel, qu’elle percevait comme polluant. La pandémie de COVID-19 a servi de catalyseur, lui offrant le recul nécessaire pour revoir ses choix de carrière. Simultanément, son mari a cessé son activité, conduisant le couple à vendre leur maison. Fin 2019, une opportunité s’est présentée avec l’acquisition d’un terrain de 30 ares à Buethwiller, incluant une petite maison.
Après quelques travaux, Nathalie est désormais installée avec son mari dans une maison autonome en énergie au bord d’un étang, entièrement réaménagée par leurs soins, où ils vivent en accord avec leurs convictions écologiques. L’habitation est alimentée en électricité solaire, dispose d’un poêle à bois et d’un groupe électrogène en cas de besoin. L’eau est puisée dans un puits, filtrée et traitée par UV. Ce mode de vie reflète leur engagement envers l’environnement et leur désir de simplicité.
Naissance d’une exploitation
Le terrain de 30 ares d’une terre de qualité ouvre la possibilité de développer une activité agricole. L’idée de vivre du travail de la terre était née. Nathalie a créé une micro-BA, statut adapté aux petites exploitations agricoles, car il lui permet de gérer efficacement son activité tout en bénéficiant d’une fiscalité simplifiée. Elle choisit de cultiver le safran, une épice précieuse aux multiples vertus, nécessitant peu d’eau et offrant une valeur ajoutée significative. À titre d’exemple, avec un gramme de safran (vendu 36 euros TTC), il est possible de préparer un risotto pour 110 personnes. À titre curatif, une dose de 30 mg par jour, soit environ 20 brins, permet de réaliser une cure de bien-être d’un mois avec 1 gramme de safran.
Fascinée par cette plante riche de vertus, mais autodidacte, Nathalie s’est formée en lisant des thèses et en étudiant des AOC existantes. Elle s’est lancée après
avoir pris conseil auprès de producteurs, et, étant donné les aléas climatiques, elle a diversifié sa production en transformant de l’ail en ail noir, en cultivant des fleurs comestibles ou en produisant du citron caviar ainsi que des produits dérivés : huiles, gelées, pastilles…
Une consécration méritée
Après seulement trois ans de culture, Nathalie a vu son safran récompensé par une médaille d’or au Concours Général Agricole. Elle n’y croyait pas en apprenant la nouvelle, et a été très émue par cette reconnaissance qui crédibilise sa démarche et témoigne de la qualité exceptionnelle de son produit. En effet, elle cultive la plante avec un grand soin et effectue des analyses annuelles en laboratoire pour évaluer le pouvoir colorant, le goût et l’odeur de son safran, garantissant ainsi une qualité constante.
En Alsace, on compte environ vingt producteurs de safran, mais peu en bio. Les contraintes du bio impliquent souvent des pertes de fleurs ou des plantes plus petites. Malgré ces défis, Nathalie maintient une production de haute qualité. En 2024, bien que la culture de l’ail ait été belle, les têtes étaient plus petites en raison des conditions climatiques. En effet, l’année 2024 a été marquée par des précipitations excessives, entraînant des pertes dans tous les produits.
Malgré ces aléas, Nathalie exprime son bonheur de faire ce qu’elle aime dans un environnement magnifique. Elle attribue son succès à de nombreuses lectures, à des tests de produits réguliers et au soutien de son mari, cuisinier de profession et en charge des aspects logistiques de la production. Cette distinction a renforcé la confiance en soi de Nathalie et lui a apporté une belle confiance en son travail.
Les multiples vertus du safran
Le safran, surnommé « or rouge », est prisé depuis l’Antiquité pour ses propriétés thérapeutiques et culinaires. Cette épice provient des stigmates séchés de la fleur Crocus sativus et renferme des composés bioactifs tels que la crocine, la safranal et le picrocrocine. La crocine, responsable de sa couleur vibrante, possède des vertus antioxydantes, tandis que le safranal, qui donne au safran son arôme caractéristique, a des effets apaisants. Utilisé en cuisine, il parfume subtilement des plats comme les risottos, les sauces, et même les desserts. À titre curatif, le safran est reconnu pour favoriser le bien-être mental, améliorer l’humeur et réduire les symptômes de dépression légère. Une consommation régulière, comme 20 brins dans une tisane ou un chocolat chaud, procure une expérience gustative unique tout en offrant des bienfaits pour la santé.
Des partenariats locaux et une diversification des canaux de vente
Nathalie commercialise ses produits via sa boutique en ligne (comme de l’huile de colza à l’ail noir ou de la gelée au safran), huit dépôts-ventes, et sur des stands en salons et foires tels qu’Agrogast ou Made in Alsace. Les fleurs comestibles sont vendues exclusivement aux Coursives de l’Auberge du Zoo, un bar à cocktails à Mulhouse utilisant ses fleurs bio de qualité. Enfin, elle développe des partenariats avec d’autres producteurs, comme la création de rhum arrangé au safran.
Le parcours de Nathalie Lebran illustre comment la passion, la persévérance et un profond respect de la nature peuvent mener à une reconversion professionnelle réussie et à une reconnaissance méritée dans le domaine de l’agriculture biologique. b
JeunesTALENTS
Aziz Shokhakimov
Le surdoué
Arrivé à Strasbourg il y a un peu plus de trois ans précédé d’une très flatteuse réputation, le jeune
Directeur musical et artistique de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg a méthodiquement « apporté sa patte » et imposé ses méthodes, malgré des débuts marqués par la nécessité de mobiliser les énergies après la période Covid.
Aujourd’hui bien installé, il évoque déjà sa très forte envie d’être reconduit dans ses fonctions…
« Je vis la musique comme une véritable religion et j’en reviens toujours à la même exigence, je sais ce que je veux et je sais où je veux emmener l’orchestre… »
Il y a trois ans, vous n’êtes évidemment pas arrivé à Strasbourg dans l’inconnu. Vous connaissiez la réputation de l’orchestre dont vous alliez prendre la tête. Mais comment s’est passée votre implantation personnelle à Strasbourg, notamment au niveau familial ?
Quand on s’installe avec femme et enfants dans un autre pays, ce n’est jamais évident. Nous habitions précédemment à Düsseldorf, en Allemagne, alors je pense que cette proximité que Strasbourg entretient avec l’Allemagne nous a en quelque sorte facilité les choses. Pour être franc, je dirais que s’il y a bien une nette différence entre la culture allemande et la culture française, il y a ici, de fait, un mélange subtil entre ces deux cultures et, du coup, cela a été beaucoup plus confortable pour nous de nous installer et vivre à Strasbourg. Si nous nous étions installés, disons dans une grande métropole méditerranéenne, le choc aurait été certainement plus violent, je pense.… Nos deux enfants (un garçon âgé de sept ans, une petite fille qui a quatre
ans – ndlr) sont inscrits à l’école Branly et suivent un enseignement bilingue français et allemand. Ma famille et moi-même nous plaisons énormément à Strasbourg. Cette ville est très tranquille et c’est également une ville superbe. J’adore particulièrement sa spécificité frontalière qui est unique. On traverse un pont et nous voilà en Allemagne, et la Suisse n’est pas loin non plus quand on est au sud de l’Alsace. Ce côté ville-frontière est un atout précieux pour Strasbourg…
Quand un chef d’orchestre prend la tête d’un orchestre aussi réputé que celui de Strasbourg, il doit très vite imprimer sa marque sur le travail des musiciens. Comment se sont passés vos premiers pas de Directeur musical et artistique de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg ?
À mon arrivée, nous sortions à peine de l’époque du Covid qui avait marqué les musiciens de l’orchestre comme tous les artistes, en général, ont pu l’être de par le monde entier. Je ne reviendrai pas en
détail sur le bouleversement de nos programmes prévisionnels mais nous nous sommes adaptés ensemble. Je me suis efforcé de ne pas me laisser gagner par le doute, tout comme les musiciens l’ont fait également. Mais s’il y a une chose dont je n’ai jamais douté, c’est que cet orchestre avait besoin de quelqu’un qui devait l’inspirer au quotidien pour pouvoir réaliser de grandes choses. Alors, on s’est tous plongé dans le travail…
La liaison avec votre prédécesseur, Marko Letonja, s’est-elle bien déroulée ?
Oui, très bien. Mais très vite, j’ai imposé mon style, qui s’est avéré plus strict encore que celui de mon prédécesseur. Cette rigueur représente ma philosophie de travail, et elle est basée sur une exigence toujours plus grande. C’est ma façon de travailler et bien sûr, les musiciens ont dû s’y adapter très vite. Je viens d’Ouzbékistan, une ancienne République de l’ex-URSS. Je crois que l’époque soviétique a marqué nombre de générations d’Ouzbèkes dont la mienne, même si je suis né à peu près à l’époque où l’URSS a disparu en tant que telle. Dès l’âge de six ans, j’ai intégré les rangs d’une école de musique spécialisée dans l’éducation des enfants surdoués. À l’âge de treize ans, j’ai fait mes débuts à la direction d’un orchestre. Ma rigueur vient à coup sûr de là mais, partout où je suis passé, j’ai su m’adapter et trouver l’équilibre idéal. Malgré tout, je fais part de mon exigence et c’est aux musiciens de s’adapter. Ce fut le cas ici. Aujourd’hui, nous fonctionnons très bien ensemble. Je peux dire que je suis très satisfait de la façon dont nous travaillons au quotidien, ça correspond à ce que j’attends d’un orchestre philharmonique. Nous avons tous ensemble créé une alchimie qui me comble, vraiment…
Vous avez récemment reçu le prix de la « Personnalité musicale de l’année » décerné par le Syndicat de la critique théâtre, musique et danse. Cette récompense peut sembler anecdotique mais elle est décernée par des journalistes tous critiques artistiques aguerris. Elle a donc une portée un peu spéciale… Oui, bien sûr. Mais les récompenses, quelles qu’elles soient et bien sûr quel que soit le plaisir réel qu’on éprouve à les recevoir, ne sont pas mon moteur principal. Ce qui compte, et à mes yeux c’est la seule chose qui compte, c’est le travail que
nous faisons à chaque instant, mes musiciens et moi à leur tête, travail permanent qui produit ses résultats lors des concerts.
On a appris, depuis, que vous vous apprêtez à vous rendre aux États-Unis pour diriger deux orchestres, l’Atlanta Symphony Orchestra et le Dallas Symphony Orchestra. Vous avez déjà travaillé avec des musiciens américains, ont-ils une spécificité particulière ?
Oui, ils arrivent toujours très préparés pour jouer les œuvres prévues au programme. Avec les orchestres américains, deux répétitions suffisent souvent, là où on répète cinq fois avec leurs homologues européens. Ces deux répétitions permettent de travailler les détails, avec eux. En Europe, les musiciens sont déjà sensibilisés aux nuances musicales que les répertoires exigent. On n’a pas trop besoin de s’arrêter là-dessus, c’est intuitif.
Ceci dit, ces orchestres que je dirige partout sur la planète comblent ma soif de travailler dans d’autres pays et de connaître d’autres cultures. Aussi jeune que je me
rappelle, j’ai toujours eu en moi cette soif-là, cette soif de connaître tout ce qui m’entoure dans ce monde… Vous savez, c’est une expérience merveilleuse que de travailler avec tant de musiciens différents dans autant de pays de la planète. À chaque fois, c’est une autre culture certes, il faut la découvrir et vite l’apprivoiser mais il y a un lien qui nous relie : l’amour de la musique. Prenez l’exemple de Mahler : aux ÉtatsUnis, la technique de l’orchestre sera parfaite mais l’exécution de la symphonie sera standard. À moi de demander aux musiciens de dépasser leurs bases techniquement parfaites et d’y adjoindre quelque chose de plus subtil, plus musical encore, quelque chose de plus connecté avec ce que le compositeur a voulu exprimer. Pour ce qui me concerne, tout passe par la façon de diriger l’orchestre et elle dépend parfois d’énormément de facteurs : l’acoustique de la salle, par exemple, et puis du niveau réel de l’orchestre aussi. Il faut s’adapter toujours, tout le temps. Ça change en permanence… En tout cas, pour moi, c’est toujours difficile, car je vis
la musique comme une véritable religion et j’en reviens toujours à la même exigence, je sais ce que je veux et je sais où je veux emmener l’orchestre…
Pour conclure et après vous avoir bien écouté, on se convainc vite que vous êtes très serein et très heureux de vivre et travailler à Strasbourg. Il vous reste moins de deux ans de contrat. Vous pensez déjà à la suite des choses, à l’après 2026 ? Je vais être très franc. Je pense qu’on va bientôt commencer à discuter de ces questions. Il me reste pas mal de choses à faire ici, à la tête de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg et j’aimerais bien en effet que l’aventure se prolonge, oui, j’aimerais bien…. D’ailleurs, mon épouse et moi-même attendons la naissance de notre troisième enfant. Elle est prévue pour décembre, un mois avant la parution de votre magazine et nous cherchons à acquérir une maison à Strasbourg. Elles sont rares et très chères (rires), je sais, mais je lance à tout hasard un appel via vos lecteurs… b
JEUNES TALENTS
L’ascension fulgurante de Alizée Marchal
À 23 ans, Alyzée Marchal, originaire de Gérardmer dans les Vosges, incarne la résilience et la passion. Ex-skieuse de haut niveau durant son adolescence, elle relève des défis surmontés avec détermination, la menant des pistes enneigées aux prestigieuses tables de la sommellerie française.
Dès son plus jeune âge, Alyzée se distingue sur les pistes de ski. Intégrée au pôle espoir France de ski, elle jongle entre entraînements intensifs et études. Cependant, le destin lui impose des épreuves : quatre ruptures des ligaments croisés, dont la première à seulement 11 ans lors d’une descente à 120 km/h. Malgré ces obstacles, elle décroche en 2017, à 18 ans, les titres de championne de France en super G et en slalom. Mais une quatrième blessure majeure la contraint à renoncer à son rêve de rejoindre le Pôle France.
Sur les conseils de sa mère et de son médecin, Alyzée met un terme à sa carrière sportive et s’oriente vers des études de droit après un baccalauréat économique et social. Si la première année d’études se déroule sans encombre, la seconde est marquée par un profond ennui. Parallèlement, sa mère ouvre un bar à vin à Gérardmer, La Bodega, où Alyzée effectue des extras. Cette immersion dans le monde de la restauration ravive en elle une nouvelle passion : celle du service en restauration.
Une reconversion passionnée vers la sommellerie
Décidée à changer de voie, Alyzée entreprend un BTS en hôtellerie-restauration à Colmar. Elle intègre la prestigieuse Maison des Têtes en tant qu’apprentie
en salle, au sein d’une équipe de trois personnes. Son énergie débordante et son engagement la propulsent rapidement au poste de bras droit du maître d’hôtel. Elle obtient son BTS en étant major de promotion, avec une moyenne de 19,5 et une mention très bien. Ce succès témoigne de son goût pour les défis, hérité de sa formation sportive.
En juin 2023, Alyzée aspire à approfondir ses connaissances en sommellerie. Face au refus de sa demande de mention sommellerie en alternance à la Maison des Têtes, elle décide de quitter l’établissement. Après l’été, elle postule au Chambard à Kaysersberg, restaurant doublement étoilé au Michelin. En octobre 2023, elle y est accueillie en tant qu’apprentie sommelière, en poursuivant sa formation au Lycée Storck à Guebwiller. Consciente du niveau d’excellence requis, elle s’investit pleinement pour s’intégrer à l’équipe.
Une ascension
fulgurante dans le monde de la sommellerie
Au Chambard, Alyzée effectue son apprentissage en tant que « volante », intervenant au restaurant gastronomique, à la winstub et au bar. Elle souligne l’importance de son expérience au bar, où la proximité avec la clientèle enrichit ses compétences. Ambitieuse, elle vise trois
concours majeurs en 2024 : le Trophée du Meilleur Sommelier du Sud-Ouest, le Concours Vocation Sommelier et le prestigieux concours Chapoutier, dédié aux apprentis sommeliers.
Sous la tutelle bienveillante de JeanBaptiste Klein, Meilleur Ouvrier de France, Alyzée se prépare intensivement. En janvier 2024, durant la fermeture du restaurant, elle consacre cinq semaines à des révisions rigoureuses, guidée par son mentor. Les deux premiers concours servent d’entraînement, avec des tests soutenus en février : description des vins, accords mets-vins, maîtrise du vocabulaire œnologique, correction des tics de langage, etc.
En mars 2024, Alyzée participe au Concours du Meilleur Sommelier du SudOuest à Toulouse, dans la catégorie professionnelle junior. Elle se hisse parmi les trois finalistes, affrontant des épreuves telles que la proposition d’accords mets-vins, la correction d’une carte et l’identification
« Je suis la Vosgienne qui en veut ! J’ai gagné grâce à mon équipe et à mon mentor. Dans ce métier, les passionnés sont les seuls qui réussissent. »
de vins à l’aveugle. Sa performance remarquable la conduit à la victoire.
Des victoires successives en 2024
Peu après, elle concourt au Trophée Vocation Sommelier, organisé par la Maison Campari au Crillon à Paris. Parmi dix élèves issus de différentes écoles, dont le Meilleur Apprenti en Sommellerie 2023, Alyzée se distingue à nouveau. Les épreuves comprennent un questionnaire de 40 questions, une dégustation à l’aveugle, une présentation personnelle et une dégustation commentée. Sa victoire dans ce concours très médiatisé renforce sa notoriété.
En mai 2024, après des mois de préparation intense, Alyzée participe au Concours du Meilleur Élève Sommelier en Vins et Spiritueux de France, connu sous le nom de Trophée Chapoutier. Parmi 70 concurrents, elle se distingue lors des épreuves théoriques et pratiques, incluant une dégustation de vins blancs et rouges, un questionnaire de 129 questions en une heure, et des mises en situation évaluant sa personnalité. Le 17 mai 2024, à Tainl’Hermitage, Alyzée est couronnée lauréate du concours, devenant la première étudiante du Lycée Storck et la première apprentie du Chambard à remporter ce prestigieux trophée.
Une reconnaissance méritée
Ces succès consécutifs en 2024 témoignent de la persévérance, de la curiosité et de la grande capacité d’apprentissage d’Alyzée Marchal, compétitrice hors pair. Dans un domaine longtemps dominé par les hommes, elle s’impose avec brio. « Je suis la Vosgienne qui en veut ! J’ai gagné grâce à mon équipe et à mon mentor. Dans ce métier, les passionnés sont les seuls qui réussissent », confie celle qui vise déjà d’autres concours en 2025 avec un objectif majeur : réussir sa vie professionnelle. b
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Evan Carreau-Joho Quinze ans seulement, mais déjà le cœur sur la main !
Il a fait partie des porteurs de flamme alsaciens au même titre que Matt Pokora ou Arsène Wenger. Un symbole fort pour Evan Carreau-Joho. Du haut de ses quinze ans seulement, l’adolescent met toute sa bienveillance au service de ceux qui en ont besoin…
De son quotidien d’enfant de l’Aide Sociale à l’Enfance, pilotée par la CeA, Evan Carreau-Joho préfère ne rien évoquer. « Sans entrer dans les détails, je suis arrivé ici il y a un an », prévient-il d’emblée. « Ici », c’est pavillon De Vinci au sein du groupe adolescents de la Cité de l’Enfance, à Colmar.
Evan connaissait déjà l’ensemble de ses éducateurs. « J’ai préparé mon arrivée », sourit-il. L’adolescent a toujours navigué à travers les différents pavillons de la Cité de l’Enfance. Il est d’ailleurs le seul jeune connu et reconnu de tous. Aujourd’hui encore, il adore flâner du côté du parc pour jouer avec les enfants de trois à six ans. « J’aime tout simplement passer du temps avec eux. On rigole ensemble et on joue à tout ce dont ils ont envie de jouer. Ils sont capables, en une heure, de retourner leur salle de jeu ! », s’amuse-t-il. Evan participe aussi activement à leurs sorties. Ce sont ses petits moments bonheur à lui.
« Mc Gyver » dans l’âme
Son quotidien d’adolescent est rythmé par l’école et la vie en entreprise. Une semaine par mois, il retrouve les bancs du CFA Gustave Eiffel de Cernay où il apprend le B.A BA de la maintenance. Les trois autres semaines, il les passe dans un collège à Wintzenheim, où il répare tout ce qui a besoin d’une seconde vie. « Mc Gyver » dans l’âme, Evan a toujours aimé bricoler. Une imprimante à brancher,
une roue à réparer, un problème d’ordinateur à régler, Evan est là. Cette curiosité, il l’a cultivée auprès de Raymond. Aujourd’hui à la retraite, ce dernier s’occupait des ateliers de la Cité de l’Enfance. À chacun de ses moments de libre, le duo se retrouvait pour bricoler tout ce qui lui tombait sous la main.
S’ils ont bricolé de nombreuses heures ensemble, Raymond a aussi ouvert l’horizon d’Evan sur l’univers des pompiers. Un univers dans lequel l’adolescent peut se mettre au service de l’autre et l’aider dans des situations compliquées. Voilà maintenant trois ans qu’il se lève à 7h chaque samedi matin pour rejoindre la caserne et son groupe de jeunes pompiers volontaires.
Malgré son jeune âge, Evan est de nature bienveillante. Aider une personne dans le besoin fait partie de son ADN. Au cœur de la Cité de l’Enfance déjà, il alerte les éducateurs lorsqu’il croise un jeune en détresse. Mais son engagement va plus loin encore. Il vient de rejoindre le collectif Bretz’Maraude à Colmar. « Leur Président m’a offert l’adhésion », glisse-t-il avec bonheur. La maraude, il l’a découverte à travers la Cité de l’Enfance. Chaque mois, la structure propose à deux jeunes de vivre cette expérience, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige. « Je me battais pour pouvoir y aller », souligne l’adolescent. Il a d’ailleurs mis les petits plats dans les grands pour régaler les papilles de ces personnes sans domicile fixe qu’il rencontre désormais régulièrement. Au menu, poulet basquaise pour 25 personnes. Deux jours de
« Evan est de nature bienveillante. Aider une personne dans le besoin fait partie de son ADN. »
était elle aussi italienne. « J’ai préparé trois plats géants de tiramisu classique, avec les boudoirs trempés dans le café, le mascarpone et le chocolat en poudre au-dessus. Tout est parti en trente secondes ! » Avec l’arrivée des fêtes de fin d’année, l’adolescent a déjà planifié ses ateliers bredalas aux côtés d’une bénévole qu’il affectionne tout particulièrement. « J’ai passé une semaine de vacances chez elle. C’était le luxe ! Nous avons fait de la luge d’été ensemble, nous avons mangé au restaurant, dans des auberges… » Un autre dimanche, ce sera distribution des calendriers de pompiers avec Raymond. Que ce soit avec les éducateurs, les bénévoles, les salariés de la Cité de l’Enfance mais aussi en dehors, Evan noue des liens très forts partout où il se trouve. Mais il sait aussi les entretenir. S’il aime les séjours organisés par la Cité de l’Enfance tout au long de l’année, son préféré reste celui de Noël, dédié aux enfants qui ne peuvent rentrer dans leurs familles. Un séjour construit autour d’une activité principale et le reste, à l’envie. L’ambiance y est cocooning, pour que tout le monde puisse relâcher. « On peut rester en pyjama toute la journée, sous le plaid à regarder des dessins animés. C’est le moment où on nous met des étoiles dans les yeux », se réjouit-il.
Un attachement réciproque
préparation au total. « Les gens étaient trop contents. Ils n’ont fait que me remercier. C’était trop mignon et cela m’a donné envie de le refaire. Ce sera pour mars ou avril. »
Une générosité jusque derrière les fourneaux
Son goût pour la cuisine, Evan le développe depuis son arrivée à De Vinci. Son premier plat signature était des spaghettis carbonara. Côté dessert, la thématique
L’avenir ? Evan Carreau-Joho ne le voit pas en dehors de la Cité de l’Enfance. Alors oui, comme tout jeune adolescent, il rêve d’indépendance. Il devrait d’ailleurs bientôt bénéficier du dispositif logement dispensé par l’Aide Sociale à l’Enfance. « Je suis attaché aux éducateurs parce qu’ils sont toujours là pour nous et s’ils se fâchent, c’est pour notre bien. Ils m’ont appris à régler mes problèmes correctement, et à ne pas faire n’importe quoi. J’aimerais bien venir travailler ici et que tous mes éducateurs restent ici aussi. » De la maturité, Evan en dispose déjà d’une bonne dose. L’adolescent a fait partie des porteurs de la flamme olympique à Colmar. Un moment qui l’a marqué à jamais, même s’il ne trouve pas les mots pour expliquer les sensations éprouvées ce jour-là. Mais à travers le petit écran ou sur le parcours, tous étaient avec lui – camarades de CFA, éducateurs, bénévoles, enfants de la Cité de l’Enfance –pour vivre cet instant suspendu. Et la fierté, s’il n’ose aujourd’hui la nommer, se lisait bel et bien sur son visage. b
b CULTURES URBAINES
Barbara Romero Sabrina Schwartz
Mohamed El Amroussi et les enfants de l’Elsau
Un niveau international
Directeur de l’association Mistral-Est, Mohamed El Amroussi, ancien danseur et chorégraphe de hip-hop, participe depuis ses 15 ans à développer les cultures urbaines à Strasbourg et sur la scène internationale. Retour sur le parcours inspirant d’un homme engagé, démarré dans les halls d’immeubles du quartier de l’Elsau à Strasbourg où il a grandi...
Comment est née chez vous la passion du hip-hop et des danses urbaines ?
J’ai découvert le hip-hop en CE2 en 1989. Je venais de quitter la Krutenau pour l’Elsau, et un camarade de classe, nouveau comme moi, a commencé à me montrer des pas de danse. Je le voyais faire des ondulations, des contractions musculaires, cela m’a impressionné, moi qui ne connaissais que Michael Jackson ! Il m’a montré le film Break Street 84 et ça a été la révélation : j’avais des frissons partout, des étoiles dans les yeux, je voulais m’exprimer comme cela. On a commencé à s’entraîner dans les halls d’immeubles, dans les caves, et en 1993, le CSC de l’Elsau nous a donné accès à une salle. En 1995, nous avons monté un groupe de cultures urbaines, Potion du
son, avec d’autres chanteurs, danseurs, graffeurs ou DJ. On faisait des scènes dans la région grâce à notre centre socioculturel. Deux ans plus tard, on a décidé de nous concentrer sur la danse et on a lancé Mistral-Est qui est devenu officiellement une association en 2004.
À 15-16 ans, on est encore tout jeune. Pourquoi avoir décidé de monter un groupe de hip-hop avec vos amis et certains membres de votre famille ?
On voulait faire de la compétition, notamment en Allemagne, à Kehl, dans le club Zig Zag. Cela nous permettait de rencontrer les meilleurs danseurs et de représenter la région et la France, lors de battles non-organisés. Entre 1996 et 2001, on s’entraînait dans notre salle à l’Elsau,
mais aussi à la Petite France, place du Château, rue des Grandes-Arcades. Les week-ends estivaux, 600 à 700 personnes assistaient à nos shows de rue improvisés, c’était incroyable ! »
Aviez-vous conscience de votre niveau ?
Absolument pas, car à l’époque, il n’y avait pas les réseaux sociaux pour pouvoir nous comparer ou nous évaluer. C’est lors d’une compétition internationale en Allemagne, réunissant les fondateurs du mouvement Breaking aux ÉtatsUnis, qu’on l’a réalisé. Ils ont demandé à Youssef, l’un des membres fondateurs de Mistral-Est, de monter sur scène. Il avait 12 ans et a impressionné la galerie ! Aujourd’hui, il fait d’ailleurs partie du nouveau spectacle de La Haine. On
« Et on s’est produit au Palais de la musique et des congrès ! C’était la première fois qu’une autre discipline que la danse classique intégrait cette scène majeure. »
Mohamed El Amroussi
a alors compris que Strasbourg comptait parmi les meilleurs Breakers de la planète ! Que les enfants de l’Elsau avaient un niveau international...
En 2004, vous transformez un mouvement né dans la rue en association. Comment vous êtes-vous professionnalisé ?
Nous avons tous continué à danser, mais les danses urbaines évoluent très vite. Elles s’inspirent d’autres disciplines, comme la capoeira, les arts martiaux. Le hip-hop de 1989 n’est plus le même aujourd’hui. En 2006-2007, j’ai eu la chance d’intégrer le Conservatoire de Strasbourg, grâce à Jean-François Duroure, son directeur de l’époque, qui était aussi le premier à travailler avec des danseurs urbains dans les années 90. On m’a d’ailleurs dit que j’étais une exception nationale, car pour intégrer le Conservatoire, il fallait avoir moins de 26 ans et un cursus en danse classique. J’avais 28 ans et aucune notion de classique ! Cette année de formation académique m’a énormément apporté. Je suis passé danseur, puis danseur chorégraphe à plein temps, avant de devenir directeur de la production Universal dancers.
Cette production Universal dancers marquera un tournant dans la notoriété de Mistral-Est dès 2009. En effet, on a commencé à l’Illiade entre 2009 et 2011, avec deux soirées à chaque fois close-up . Le directeur de l’époque, Jean-Louis Kircher, nous a encouragés à trouver une salle plus grande... Et on s’est produit au Palais de la musique et des congrès ! C’était la première fois qu’une autre discipline que la danse classique intégrait cette scène majeure. Nous nous sommes produits pendant quatre ans, avec plus de dix pays représentés pour le spectacle et la compétition. On a décidé d’arrêter car le budget était colossal, et on a préféré nous concentrer sur des spectacles à plus petite échelle.
Notamment avec Vibrations urbaines, lancées en 2024.
En effet, on a commencé par se produire sur de plus petites scènes, notamment au CSC de l’Elsau pour mettre en avant nos danseurs locaux. L’an dernier, on a développé le programme Vibrations urbaines pour être plus proches des
artistes locaux tout en développant des événements solidaires. Notre premier spectacle a réuni 160 personnes, une soixantaine d’artistes et nous a permis de récolter 1 250 € pour Octobre Rose. Les petits spectacles sont plus faciles à déplacer que les super productions, nous allons nous produire sur différentes scènes de la ville durant l’année. Faire partager ces émotions reste mon moteur.
Mistral-Est, ce sont des spectacles, des compétitions, mais aussi des formations. Notre association compte 11 salariés et nous encadrons 650 participants par semaine, des petits de 4 ans aux personnes âgées. Nous avons par exemple invité des enfants à danser dans un EPAHD de Sélestat. Cette rencontre intergénérationnelle a donné le sourire à tout le monde alors que l’on avait quelques doutes au départ. Notre objectif, c’est surtout de transmettre à la jeune génération, elle représente notre avenir. À travers le programme Trajectoires chez Pôle Sud, on accueille plus de 300 stagiaires par an.
C’est une formation pluridisciplinaire à l’image de Mistral-Est, qui invite les jeunes à s’exprimer, à leur donner des outils pour trouver leur voie. Une quarantaine d’entre eux sont devenus professionnels. Ils travaillent chez nous, ou pour d’autres compagnies. Mistral-Est permet de découvrir le monde de la création, de la scénographie, de la chorégraphie.
Mistral-Est joue-t-elle également un rôle à l’international ? Depuis 1989, les choses ont en effet bien évolué pour le Breaking qui a d’ailleurs été représenté aux JO pour la première fois à Paris.
Notre champ de vision ne se restreint pas à Strasbourg. Nos danseurs se produisent partout en France et ailleurs dans le monde, et nous faisons régulièrement venir des artistes internationaux. Je peux citer Fatima El Mamouny, championne d’Afrique de Breaking qui a représenté la discipline aux Jeux olympiques Paris 2024. Elle est venue à Strasbourg et y a porté la flamme. Nous avons également créé un spectacle avec
elle et un danseur argentin. Tous ces artistes n’hésitent pas à porter nos teeshirts dans leur pays, c’est incroyable pour notre développement.
Au départ très masculin, le Breaking se féminise donc ?
À l’époque, la discipline était très acrobatique et intéressait surtout les garçons. Depuis vingt ans, les filles représentent 80 % de nos cours parce que les danses debout se sont ajoutées au mouvement. Nous venons de créer un groupe de filles encadré par une femme pour éviter la peur du regard de l’autre. Nous travaillons beaucoup sur ce genre de dispositifs.
Quels sont vos projets pour 2025 ?
Continuer à développer Vibrations urbaines et Trajectoires. C’est tout cet ensemble, la proximité et l’échange qui représente Mistral-Est. Notre ADN, c’est de partager, de créer des rencontres, de découvrir, d’échanger, de s’ouvrir sur le monde. b
Victor Weinsanto a affolé
le Tout-Paris
Originaire de Souffelweyersheim, Victor Weinsanto est aujourd’hui l’un des noms qui font vibrer le Tout-Paris. Styliste audacieux, il revendique fièrement ses racines alsaciennes tout en les réinterprétant à sa manière. Présent à Strasbourg pour un défilé hors-norme en l’église Saint-Guillaume, il revient sur son parcours remarquable, jusqu’à défiler lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024.
Cet après-midi de novembre, le catwalk est installé au centre de l’église Saint-Guillaume à Strasbourg. Malgré son expérience et ses shows toujours très théâtraux, Victor Weinsanto ne cache pas une petite appréhension : « C’est la première fois que je défile à Strasbourg, confie-t-il. Si cela n’avait pas été Strasbourg, dans une église où flotte le drapeau LGBT, je n’aurais certainement pas accepté ! Je trouve incroyable ce que fait l’association Passions croisées, un tel lieu est complètement révolutionnaire. Mais je suis très stressé, car d’habitude j’ai 25 mannequins, là je n’en ai que trois et je dois m’occuper des changements... Ce défilé va être à l’image de la marque, bordélique, mais bien organisé ! »
Sa fameuse coiffe alsacienne
monumentale aux JO Paris 2024 !
Un défilé à la hauteur de son approche unique mêlant folklore, exubérance et une bonne dose de second degré, où ses mannequins ont défilé sur la musique live de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Un grand moment, d’autant que sa grand-mère de 94 ans, dont il a pris le nom de famille, a pu y assister : « C’est elle la vraie Weinsanto, sourit-il. Elle ne peut plus venir à Paris, je suis très ému qu’elle soit là. »
Une manière de finir en beauté une année 2024 exceptionnelle pour le Strasbourgeois. « Il y a un an et demi, Daphné Bürki m’a appelé pour participer à la cérémonie d’ouverture de Paris 2024. C’était tellement top secret que j’y croyais à peine ! C’est difficile de réaliser que l’on va défiler devant deux milliards de spectateurs. » Comme à son habitude, Victor a choisi de faire défiler sa muse, Ildjima Masrangar, aka Queen Toïdé, avec sa coiffe alsacienne géante rose en organza imprimé, inspiré du tissu kelsch, (en couverture du numéro – ndlr) « On regardait le défilé à l’abri de la pluie sur la péniche du Rosa Bonheur, c’était incroyable, quelle fête ! On a eu beaucoup de retombées presse, mais surtout, cela nous a offert une crédibilité auprès de nos confrères », réalise le jeune trentenaire.
Le Tout-Paris le surnomme désormais « Le Jacquemus de l’Est », un autre styliste fier de sa région d’origine. Une consécration ? « Évidemment c’est flatteur, mais j’aimerais bien aussi avoir son compte en banque ! » lâche-t-il dans un grand éclat de rire. « Lui et moi partageons ce même amour de nos racines, on respecte nos traditions, c’est normal et gratifiant. »
Dans sa dernière collection printempsété 2025, Victor Weinsanto s’inspire aussi des symboles français. Il a fait sensation avec un imposant parasol en forme de Tour Eiffel : « Ce que je vois m’inspire, je suis très patriote en fait. Cette Tour Eiffel a nécessité 600 heures de travail méticuleux à la main. » Victor a aussi détourné le béret, « mais ça c’était plus un clin d’œil à Emily in Paris, je suis très proche de cette série qui a participé à notre success story. »
Weinsanto en ouverture de la Paris
Fashion week, tout de même...
Weinsanto a été choisi pour ouvrir la Paris fashion week en septembre dernier, de quoi voir le nom du « styliste alsacien » comme l’appelle la presse parisienne, un peu partout. « C’est vrai que cela m’a offert une belle visibilité. Faire l’ouverture en soi, cela ne change rien, mais lire un peu partout “En ouverture Weinsanto et en clôture Louis Vuitton”, je prends ! »
Et comme toujours, Victor Weinsanto a offert un défilé théâtral dans des conditions pour le moins rock’n’roll. « J’ai eu la chance de pouvoir faire ce défilé au Georges, au dernier étage du Centre Pompidou, mais le restaurant n’était pas fermé, du coup on a dû défiler entre deux services ! J’ai choisi de garder la salle avec les tables dressées et j’ai imaginé un show “Cauchemar in the kitchen” un peu rocambolesque en référence à l’émission Cauchemar en cuisine de Philippe Etchebest que j’adore. » Un défilé en présence du chef, mais aussi de Camille Lelouche ou de la drag queen Le Filipe, vainqueur de la troisième Drag Race France. Car s’il reste d’une grande modestie et les pieds bien sûr terre, Victor Weinsanto est désormais connu de tous les peoples, de Philippine LeroyBeaulieu, la fameuse Sylvie d’ Emily in Paris à... Beyoncé !
Depuis quatre ans qu’il a lancé sa marque, une semaine avant le confinement, Victor Weinsanto a bien mené sa barque : « J’étais en stage chez Jean-Paul Gaultier, un créateur de génie, au grand cœur. Mais il se murmurait dans les couloirs qu’il allait prendre sa retraite, il fallait que je présente des looks et des croquis pour essayer de trouver du travail. J’ai alors organisé un défilé à la bonne franquette, et ma marque est née. »
Sa créativité tape dans l’œil d’Adrian Joffe, le président de Comme des garçons, qui le prend sous son aile. « Je lui serai éternellement reconnaissant, mais aujourd’hui, je prends mon envol et reprends le contrôle, grâce à une nouvelle bonne fée, Maxime Cagic, directeur d’une banque de financement qui m’a obtenu une levée de fonds, avec des associés en accord avec mes idées. Cela me permet de relancer la machine dans un contexte très difficile pour le secteur du luxe qui est clairement dans le creux de la vague. C’est difficile pour les jeunes créateurs, la compétition est rude, mais j’ai la chance d’avoir de belles opportunités. »
Quant à ses projets pour cette nouvelle année, l’artiste alsacien prévoit « de faire de nouvelles choses très chouettes avec l’Alsace », sans vouloir en dévoiler plus pour l’heure... b
« C’est difficile pour les jeunes créateurs, la compétition est rude, mais j’ai la chance d’avoir de belles opportunités. »
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