HORS-SÉRIE 100 ANS DE DROIT
LOCAL
Un droit moderne façonné au cœur de l’Europe
100 ANS !
Par Éric Ricou, Président du Conseil interrégional des Notaires Alsace MoselleCela fait 100 ans que deux lois françaises du 1er juin 1924 consacreront, au lendemain du premier conflit mondial, la naissance d’un droit spécifique aux départements du Bas-Rhin, du HautRhin et de la Moselle, combinant des dispositions issues du droit français et du droit allemand. Pont entre deux cultures, ces lois feront œuvre novatrice puisqu’elles puiseront, dans l’une et l’autre, les outils de ce qui deviendra une législation efficiente, structurante et en phase avec les attentes de ses utilisateurs.
Ce que l’on appelle désormais « le droit local » cristallise tous les paradoxes.
Méconnu, certains diront quasi clandestin, le droit alsacien-mosellan concerne pourtant presque 3 000 000 d’habitants et couvre un champ très large touchant aux libertés publiques, à l’organisation judiciaire, au droit social.
Du point de vue de la France de « l’intérieur » il faut bien reconnaitre que le droit local est parfois passé inaperçu. Classé au rang des curiosités juridiques, on a fait un peu comme s’il se réduisait en l’expression de quelques traditions provinciales, éparses et désuètes.
Conçu à l’origine comme un droit à l’obsolescence programmée, invité à se fondre dans le droit général, c’est étonnamment le droit général qui, à de multiples occasions, viendra puiser dans le droit alsacien-mosellan bon nombre d’innovations.
Inclassable, ce droit « hors norme » va s’imposer comme une évidence et verra en 2011 le Conseil Constitutionnel l’ériger en principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Silencieux, discret, le droit local suscite aujourd’hui un engouement fort, des débats passionnés quand on fait mine de le remettre en cause.
Construction audacieuse, prémices d’une Europe naissante, il n’est pas anodin que des grands noms aient été associés à son élaboration, l’un des artisans du droit alsacien-mosellan sera aussi, quelques années plus tard, l’un des pères fondateurs de l’Europe, Robert Schuman !
En 1985, Monsieur Robert Badinter, ministre de la Justice et garde des Sceaux installera la première commission d’harmonisation du droit privé qui contribuera à la modernisation de cette législation.
Mais quelle est la raison de cette longévité ?
Certainement l’attachement des populations qui le vivent, mais au-delà, il faut y voir l’actualité d’une législation qui n’a pas pris une ride et conserve toute sa raison d’être. Dernier exemple en date, et alors même que le ministère de la Justice place au cœur de son action la « justice de l’amiable », il est saisissant de relever que, 100 ans plus tôt, le droit local avait déjà inventé des voies amiables de résolution des différends !
Aussi le droit alsacien-mosellan a su traverser les époques, prendre sa place dans l’espace juridique français pour répondre de façon pertinente aux enjeux d’une société en perpétuelle mutation.
Le 17 juin 2024 le Congrès interrégional des Notaires Alsace Moselle donne la parole aux acteurs du droit alsacien-mosellan en associant, dans une réflexion commune, universitaires, avocats, magistrats et notaires. Il s’agit bien d’extraire ce droit local de son côté « confidentiel », de dire ce qu’il est vraiment.
Alors que nous assistons en France depuis trente ans à un concert de voix appelant à la simplification du droit, à l’évidence le droit local fait figure de modèle, car il est réellement un droit simplificateur qui laisse place au champ des possibles.
Concevoir une loi est naturellement toujours un exercice complexe et parfois périlleux.
Écrire une loi qui laisse l’humain au cœur de son propos est une prouesse. Il est ainsi des œuvres éphémères qui connaîtront une destinée.
Le droit local est de celles-ci.
LE DROIT LOCAL : UN SIÈCLE DE MODERNITÉ
AU CŒUR DE L’EUROPE
Par Sophie Sabot-Barcet, Présidente du Conseil supérieur du notariatous savons que le droit local, qui doit être défini comme « du droit français et républicain dont le domaine d’application dans l’espace est limité aux territoires de l’Alsace et de la Moselle », s’est construit au travers d’une histoire difficile et mouvementée de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Il est aujourd’hui un des éléments structurants de l’identité juridique de ces départements. Son incorporation dans le corpus juridique national par les lois civile et commerciale du 1er juin 1924 a permis de le maintenir en vigueur pour en faire du droit français d’application territoriale limitée. Il est au centre de l’activité des notaires locaux et, loin d’être seulement une résurgence d’un passé tumultueux, il reste résolument tourné vers l’avenir.
NPreuve en est, ce droit local est une source d’inspiration pour le droit notarial de la « France de l’intérieur ». S’il fallait en donner deux exemples très concrets, on pourrait citer volontiers le partage judiciaire et le livre foncier.
Le législateur a voulu en 2006 repenser le partage judiciaire, mais ces dispositions, qui sollicitent l’intervention de nombreux professionnels (notaires, avocats, experts et magistrat), n’ont pas simplifié les procédures. En particulier, dans le partage amiable, le juge est en théorie absent, mais en pratique omniprésent, aux fins de validation – en amont comme en aval – des opérations. Le partage du droit local alsacien mosellan est par contraste plus accessible, plus simple et plus économique : il a été conçu comme un mode alternatif de règlement de conflit plus qu’une véritable procédure judiciaire. Les retours d’expérience de la pratique sont
bons, ce qui nous a portés, à plusieurs reprises déjà, à promouvoir ce modèle auprès des pouvoirs publics.
Dans le domaine foncier, le droit local s’illustre encore par son système à la fois original, moderne, et efficace. Assis sur un système de « livre foncier », le dispositif a été entièrement informatisé au début des années 2000. Ses deux particularités essentielles sont, d’une part l’intervention d’un juge spécialisé – qui donne un surcroît de sécurité au dispositif – et, d’autre part une publicité ayant pour objet les droits eux-mêmes, et non les actes – ce qui rend le registre beaucoup plus lisible, et donc au final plus fiable.
La pratique des spécificités du droit local par la profession nécessite un préalable exigeant. Ce préalable s’illustre bien entendu dans la spécialisation des enseignements dispensés aux futurs notaires, mais également, pour des raisons historiques, dans le mode d’accès à la profession, qui s’écartent là encore du droit commun (exigence d’un concours spécifique de droit local et non application des créations d’office en application de la loi « croissance » du 6 août 2015). Si évolution il doit y avoir, elle devra toutefois s’inscrire dans le respect du particularisme de ces départements.
E nfin et de manière plus générale, la coexistence en France de deux modalités de notariat, dont l’un d’inspiration à l’origine germanique, est une source d’ouverture et nous permet de mieux appréhender la diversité des notariats européens, leur culture, leurs modes de pensée et leurs réflexes.
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a Centenaire du droit local
8-15 Rencontre avec l’équipe scientifique du congrès
a Grand Entretien
16-21 Jean-Noël Barrot (→)
Le droit local alsacien-mosellan est-il un exemple pour l’Europe ?
a Le droit local au quotidien
22-25 Tout comprendre (enfin presque...)
a Le droit local, un droit de proximité
54 Régis Gauthier Notariat : droit général, droit local, quelles différences ?
58 Le droit local Source d’inspiration pour le droit général
60 Nouvelle Génération L’humain au cœur du métier de notaire
66 Accès au droit Notariat : les lieux de consultation gratuite
68 Robert Malgras Le droit local aime les associations
70 Le droit des cultes Un exemple de laïcité
76 Métiers du notariat Des collaborateurs « hors-norme » (→)
78 Le Pôle Mécénat Grand Est
80 Catherine Bonichot Le Prix Marianne
82 Pascal Conradt Expert en médiation
a Le droit local, un droit de modernité
88 Elsa Schalck Sénatrice et jeune titulaire de DU (→)
92 Patrice Hilt
Un diplôme de droit local
96 Le cadastre
Fleuron du droit local
100 Le livre foncier
« Bijou » du droit local
102 Notaire Détective de l’immobilier
104 Notaire, mais pas que...
108 Luc Sengel Notaire et commissaire de justice
26-51
a Le droit local, un droit humaniste
28 André Reichardt
Le Conseil représentatif du droit
local alsacien-mosellan
34 Frédéric Bierry
Un droit protecteur de la laïcité
38 Josiane Chevalier
La commission du droit local
44 Eric Sander
Enjeux de la défense
d’un droit territorial
48 Chronologie
L’histoire du droit local alsacien-mosellan
52-85
86-109
110 Sélections
Pour aller plus loin
112 Remerciements
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CENTENAIRE DU DROIT LOCAL RENCONTRE
AVEC L’ÉQUIPE SCIENTIFIQUE DU CONGRÈS
Cent ans pour le droit local, quel merveilleux anniversaire. Les notaires sont les premiers artisans de la défense du droit local alsacien-mosellan. Pour le congrès des notaires des trois départements qui se déroule en juin 2024, le Conseil interrégional des Notaires Alsace Moselle a mis en place « une équipe scientifique » qui travaille depuis un an sur les enjeux de ce centenaire. Rencontre avec une équipe ultra-positive et passionnée par le droit local.
Vous composez tous les trois « l’équipe scientifique » du congrès 2024 des notaires qui est dédié au droit local d’Alsace-Moselle. C’est quoi cette « équipe scientifique » ?
Stéphane Robin : C’est vrai que c’est un peu particulier. C’est du jamais vu lors des différents congrès. C’est un format novateur qui a été voulu par le Président du Conseil interrégional des notaires d’Alsace-Moselle, Éric Ricou. Il souhaitait une équipe scientifique resserrée.
Johanne Lotz : En général, lors des congrès il y a un rapporteur général et plusieurs commissions de travail. Là, nous sommes tous les trois à concentrer le travail de recherche et d’analyses. L’objectif est de travailler de manière transversale et pas uniquement sur des thèmes classiques du droit local notarial (livre foncier, partage judiciaire et exécution forcée). Vous aurez remarqué que l’équilibre territorial est parfaitement respecté puisque chacun de nous représente un département concerné par le droit local d’Alsace-Moselle.
Pourquoi avez-vous accepté cette mission ?
Olivier Beltzung : Pourquoi s’en cacher… Nous nous entendons bien tous les trois. Nous avons donc plaisir à nous retrouver. Mais surtout, parce que l’opportunité de fêter le centenaire du droit local auquel nous tenons tant est un moment unique. Jamais il ne sera possible de le revivre. Donc nous mesurons l’enjeu.
Johanne Lotz : Nous aimons tous les trois la recherche, l’aspect pratique et théorique de notre métier. Mais évidemment, c’est surtout l’attachement au droit local alsacien-mosellan qui nous réunit.
Quels sont les objectifs de ce congrès ?
Olivier Beltzung : Mettre en avant la vivacité du droit local alsacien-mosellan qui fête ses cent ans, mais qui reste un droit très présent, d’actualité.
Stéphane Robin : Montrer que contrairement à l’image d’Épinal que nous pouvons avoir, le droit local n’est pas poussiéreux. C’est même tout le contraire ! C’est un droit vivant, en avance sur son
« C’EST UN DROIT VIVANT, EN AVANCE SUR SON TEMPS SUR TOUS LES SUJETS. »
Stéphane Robin
L’équipe scientifique de gauche à droite :
Olivier Beltzung est notaire à Kingersheim (68). Il enseigne à l’Université de Strasbourg, de Mulhouse et à l’Institut national des formations notariales. Il a partagé avec ses deux autres collègues l’aventure du congrès interrégional des notaires de Metz en 2019.
Johanne Lotz est notaire à Val-de-Moder (67) et maître de conférences à l’Université de Strasbourg. Elle a déjà participé au congrès interrégional des notaires de 2019 à Metz et à un congrès national.
Stéphane Robin est notaire à Thionville (57). Il a participé aux congrès interrégionaux des notaires de 2012 à Mulhouse où il était rapporteur, en 2019 à Metz où il était président de commission.
« L’ENJEU
DE CE CENTENAIRE
RAYONNER NOTRE DROIT EN DEHORS DE L’ALSACEMOSELLE. »
Stéphane Robin
temps sur tous les sujets. Le travail que nous effectuons depuis un an le prouve. Nous-mêmes nous redécouvrons cet outil qui est absolument magnifique. Ce congrès va nous permettre de lever la tête, de prendre de la hauteur et de constater comme nous avons de la chance de l’avoir. Quand nous faisons des parallèles avec ce qui existe dans le reste de la France, nous ne pouvons que constater que notre droit local est très vivant et très utile.
Olivier Beltzung : Le droit local fonctionne tellement bien que personne ne se rend compte qu’il est appliqué au quotidien dans la vie des Alsaciens et des Mosellans. On ne peut pas le résumer aux jours fériés ou au régime d’assurance maladie ! Le droit local est partout. Comme le dit très bien Stéphane, en cent
ans le droit local a su s’adapter à toutes les situations de nos vies. Il ne prend pas une ride. Pour autant, l’objectif de notre travail et du congrès est de faire de la prospective : comment notre droit local peut-il évoluer ? Comment peut-il s’adapter aux nouvelles technologies ?
Quels sont les enjeux de ce centenaire ?
Stéphane Robin : Démontrer politiquement que le droit local mérite d’être connu, pas uniquement sur nos territoires. L’enjeu de ce centenaire est de faire rayonner notre droit en dehors de l’Alsace-Moselle. Nous devons mettre en avant ses atouts et démontrer à ceux qui ne le connaissent pas qu’il peut être un exemple.
Johanne Lotz : L’enjeu de ce centenaire est aussi de montrer que malgré une loi de 1924, le droit local est moderne. Il reste d’actualité.
Olivier Beltzung : Les notaires sont au cœur de la pratique du droit local. Nous sommes ses « praticiens » : partage judiciaire, exécution forcée… Pour autant le droit local est bien plus vaste : le droit des associations, le droit de la chasse, le droit des cultes, le livre foncier... Le droit local irrigue tous les aspects de la société. Je trouve que c’est un formidable équilibre qui a été trouvé en 1924 : arriver à garder ce qui marchait bien concrètement dans la vie des gens.
Stéphane Robin : C’est un droit consensuel qui est là pour éviter les conflits. Le droit local d’Alsace-Moselle, nous le constatons dans notre pratique notariale, est là pour sécuriser les gens.
Depuis 2011, une décision du Conseil constitutionnel contraint le droit local à n’évoluer que dans le sens d’un rapprochement avec la loi française. Dans cette condition peut-il encore évoluer et n’est-ce pas la fin du droit local ?
Johanne Lotz : Effectivement, cette décision du Conseil constitutionnel précise que le droit local ne peut évoluer que dans le sens du droit général. Mais non ce n’est pas la fin du droit local ! En réalité de nombreuses institutions qui n’existent qu’en droit local évoluent et doivent pouvoir évoluer. Elles ne sont pas figées. Par exemple, le livre foncier n’existe qu’en droit local d’Alsace-Moselle. Forcément il doit pouvoir évoluer et se moderniser. Il a même été informatisé et cela n’a jamais posé aucune difficulté. Tout ce qui est propre au droit local peut évoluer puisqu’il n’y a pas d’équivalent en droit général. C’est d’ailleurs la raison qui explique la vivacité et la modernité de notre droit local. Il est tout à fait possible de moderniser le droit local existant.
Donc, vous êtes plutôt positifs pour l’avenir du droit local ?
Les trois ensemble : Oui !
Olivier Beltzung : (en riant) Le président Ricou ne nous aurait sans doute pas confié cette mission s’il pensait que nous n’étions pas positifs sur l’avenir du droit local.
Johanne Lotz : Très clairement, le droit local est une source d’inspiration pour le droit général. Nous voyons bien que le législateur vient s’inspirer de nos textes.
Stéphane Robin : Vraiment, il faut voir les choses positivement. Ce seront d’ailleurs sans doute les conclusions de l’équipe scientifique à la fin de ses travaux.
Olivier Beltzung : Le droit local, ne l’oublions pas, est un droit français. Son application est certes territoriale, mais nous parlons bien d’un droit national. Je ne perçois pas la loi de 1924 comme un point de départ, mais plutôt comme l’aboutissement d’une longue construction législative qui s’est faite depuis 1870, et même bien avant avec des dispositifs comme le concordat.
Diriez-vous que le droit local est en avance ?
Stéphane Robin : Oui. Regardez par exemple sur la publicité foncière. Nous avons un outil qui sécurise les propriétés, qui évite du contentieux et qui en plus a su s’informatiser. Quand on compare les deux outils entre le système de publicité foncière d’Alsace-Moselle et le livre foncier du reste de la France, c’est sans commune mesure.
Le livre foncier en Alsace-Moselle est tant performant que « probant » : il est source de preuve…
Johanne Lotz : C’est tout à fait exact. Il a une présomption d’exactitude ce qui sécurise par exemple les ventes immobilières. Les exigences en matière de procuration sont plus fortes et ce pour être sûr que vous avez le « bon » vendeur devant vous.
Stéphane Robin : Quand les notaires du reste de la France découvrent notre livre foncier, ils sont interpellés par l’efficacité du système et de son informatisation. Le livre foncier est un bijou du droit local d’Alsace-Moselle.
D’autres exemples qui prouvent que le droit local est en avance ?
Olivier Beltzung : Le partage judiciaire. Dans le reste de la France, il y a une vraie réflexion pour s’inspirer du droit local sur ce sujet. Le partage judiciaire intervient par exemple après un divorce ou une succession si les époux, les partenaires de pacs ou les héritiers ne s’entendent pas. C’est le moment où les protagonistes décident de saisir la justice. La particularité en Alsace-Moselle, c’est que le notaire agit comme « délégué » du juge. Son objectif va être de concilier les parties, de trouver un accord qui peut ne pas être totalement juridique d’ailleurs. Il s’agit d’un savant mélange entre conciliation et médiation. C’est un système qui sort un peu des sentiers battus, mais cela reste un partage dit « judiciaire » bien que cela soit une procédure gracieuse. Ici le notaire est à la manœuvre de la procédure, le magistrat n’intervient qu’en cas de difficultés.
Stéphane Robin : La procédure de saisie immobilière aussi. L’exécution forcée immobilière est vraiment un système original. Alors évidemment, il y a une part de folklore pour les gens, les enchères immobilières se faisant encore en Alsace-Moselle à la bougie, alors que dans le reste de la France c’est au chronomètre et à la barre du tribunal. Mais ce que les gens oublient, c’est qu’avant d’en arriver aux enchères en Alsace-Moselle, il faut d’abord passer devant le notaire. Et le notaire a devant lui le créancier et le débiteur. Quel va être son rôle ? Faire de l’amiable. Convaincre les parties de trouver une solution. Le notaire va essayer de rapprocher les points de vue. La plupart du temps c’est ce qui se passe d’ailleurs. Des solutions sont trouvées pour éviter la vente à la bougie. Le notaire va chercher à convaincre le débiteur qu’il vaut mieux pour lui une vente amiable où il va s’en sortir financièrement beaucoup mieux qu’une vente aux enchères. Le droit local permet dans un cadre judiciaire de mettre tout le monde autour d’une table, même lorsque les protagonistes ne se
« LES MÉCANISMES DU DROIT LOCAL PROTÈGENT MIEUX
LES ALSACIENS ET LES MOSELLANS QUE PARTOUT AILLEURS. »
Johanne Lotzparlent plus. C’est la justice de l’amiable et de la concertation. C’est là où on voit que le droit local est vraiment moderne et en avance.
Olivier Beltzung : De la concertation avec tout de même une obligation à comparaître, les absents ont toujours tort. Souvent, je découvre lors des échanges que les problèmes ne sont pas forcément juridiques, mais répondent à des enjeux personnels ou familiaux. Le droit local évite ainsi des procédures judiciaires trop longues. Pour l’anecdote, dans l’exécution forcée, j’ai acheté un bougeoir pour ma première nomination, finalement il est toujours dans son carton d’origine.
À une époque où on judiciarise tout, vous n’avez pas le sentiment de nager à contre-courant ?
Johanne Lotz : Les populations d’Alsace-Moselle ne connaissent pas ce rôle déterminant du notaire. Ils ne connaissent pas les enjeux derrière le droit local et qui font qu’il y a une supériorité sur le plan technique notarial pur. C’est pour cela que nous voulons aussi communiquer sur cet aspect : les mécanismes du droit local protègent mieux les Alsaciens et les Mosellans
que partout ailleurs. Lors d’une vente par exemple, si vous êtes absent, vous pouvez vous faire représenter par une procuration. Dans les trois départements, cette procuration est davantage sécurisée, car elle n’est pas juste certifiée, elle est légalisée. Par ailleurs, dans les trois départements le certificat d’héritier permet de prouver la qualité d’héritier. Ce certificat, conjugué à l’acte d’affirmation sacramentelle est un acte plus fort que l’acte de notoriété connu dans le reste de la France. Le certificat d’héritier ayant force probante.
Olivier Beltzung : Le droit local a 100 ans et il est toujours aussi stable, rendez-vous compte, c’est exceptionnel ! La loi de 1924 qui réintègre le droit local en droit français a peu changé. Les législateurs de l’époque ont pris le temps de bien faire. À l’inverse aujourd’hui, on fait souvent des lois dans l’urgence pour répondre à une émotion de la société. Nous ne nageons pas à contre-courant, c’est nous qui sommes dans le courant !
Peut-on considérer que le droit local alsacien-mosellan est humaniste ?
Olivier Beltzung : Le droit local d’Alsace-Moselle est universel. C’est un droit
qui rassemble plus qu’il ne divise. Sans doute parce qu’il est né d’une construction issue de l’histoire franco-allemande. Il dispose d’aspects protecteurs assez singuliers qu’on ne retrouve pas ailleurs.
Stéphane Robin : Le droit local s’applique à tous, qu’importe sa nationalité ou son lieu de naissance. Vous vivez en Alsace-Moselle, le droit local s’applique. Oui, le droit local est humaniste, car il remet l’Homme au milieu. Notre droit remet de l’humain dans les procédures. Ce n’est pas un droit froid. C’est un droit qui veut que les gens se parlent.
Quel est le premier constat de l’équipe scientifique sur le droit local aujourd’hui après votre travail de recherche et d’auditions, puisque vous avez aussi rencontré des professeurs d’université, des chercheurs, des avocats, des magistrats ou des représentants institutionnels ?
Johanne Lotz : Le consensus sur le droit local alsacien-mosellan. Tous ceux que nous avons interrogés, qu’ils soient d’ici ou du reste de la France sont d’accord : le droit local est une chance. Nous nous sommes aperçus que le droit local
est défendu, en dehors des notaires, par de nombreuses autres professions. Nous ne pouvons que constater un engouement global, un enthousiasme, pour le droit local. J’ai même le sentiment qu’il est revenu à la mode. Quant au projet du centenaire, tout le monde s’en réjouit.
Qu’est-ce que vous attendez du congrès des notaires qui va célébrer le centenaire du droit local ?
Olivier Beltzung : Nous aurons vraiment réussi notre défi si au soir du congrès des personnes qui ne viennent pas de nos trois départements et qui n’ont aucune connaissance du droit local nous disent : « franchement on est convaincu du fait que votre droit présente des atouts, qu’il faut que ce droit se pérennise parce que c’est un bijou législatif ».
Stéphane Robin : Ce que j’aimerais bien, c’est prouver que le droit local peut être un laboratoire pour le droit général. Concernant les confrères, je n’oublie pas l’aspect formation du congrès. Et puis, sur des sujets techniques, nous voulons le faire évoluer. Ce congrès va nous permettre de porter des réformes pour continuer à le faire rayonner.
« LE DROIT LOCAL A 100 ANS ET IL EST TOUJOURS AUSSI STABLE, RENDEZ-VOUS COMPTE, C’EST EXCEPTIONNEL ! »
Olivier Beltzung
Johanne Lotz : Soyons ambitieux ! Nous allons porter effectivement certaines propositions de réformes, mais notre volonté est de les faire aboutir. Le congrès 2024 doit être l’occasion de pouvoir moderniser le droit local comme cela a toujours été le cas auparavant. Nous voulons faire évoluer le droit local avec son temps. Le notariat s’est toujours organisé pour défendre le droit local alsacien-mosellan en organisant de façon répétée des congrès qui portaient des vœux législatifs et/ou réglementaires. Certains ont abouti, d’autres pas, mais nous restons force de propositions. Nous voulons maintenir cette énergie positive. a
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Jean-Noël Barrot
Ministre délégué chargé de l’Europe
Le droit local alsacien-mosellan est-il un exemple pour l’Europe ?
Le droit local alsacien-mosellan a été façonné au cœur de l’Europe et de son histoire tumultueuse. C’est le message que veut rappeler
Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l’Europe. Son expression dans Or Norme marque aussi tout l’intérêt du gouvernement pour le droit local et pour les festivités liées à son centenaire.
Le droit local alsacien-mosellan fête ses 100 ans. Est-ce que cet anniversaire revêt un caractère particulier pour le gouvernement ?
Jean-Noël Barrot : Fêter 100 ans d’existence d’un droit est un symbole fort de résilience et de modernité.
Le droit local alsacien-mosellan est le fruit de l’Histoire riche et parfois tragique du territoire, rythmée par des changements de souveraineté entre la France et l’Allemagne. Non seulement ce droit local est né et a survécu aux deux Guerres Mondiales et aux nombreux changements politiques, mais il a également su s’adapter aux exigences contemporaines, ce qui lui permet d’être toujours appliqué aujourd’hui. De plus, la reconnaissance du droit local par le Conseil constitutionnel français comme un principe fondamental illustre l’intégration réussie de spécificités régionales dans le cadre national, renforçant ainsi sa réalité à l’échelle nationale.
Fêter les 100 ans de ce droit met en lumière l’Histoire régionale, mais également l’Histoire de la France, et ainsi la persévérance d’une tradition juridique et culturelle unique qui sait s’adapter aux innovations de son temps.
Si on devait schématiser, le droit local c’est le meilleur du droit français et le meilleur du droit allemand au profit des habitants et sans considération des origines de la loi. Est-ce que cela ne peut pas devenir un exemple pour l’Europe de demain ?
J.-N. B. : Le couple franco-allemand peut impulser une logique nouvelle de convergence en Europe. Le droit local démontre que des deux côtés de la frontière, il est possible de s’inspirer de bonnes pratiques pour les mettre au service de l’ensemble des citoyens français et allemands.
C’est la raison pour laquelle en 2019, les députés français et les députés allemands ont voté et créé l’Assemblée parlementaire franco-allemande. Cette initiative inédite qui rassemble 50 députés français et 50 députés allemands permet un contrôle conjoint de leurs exécutifs nationaux dans la bonne application du traité d’Aix-la-Chapelle, une harmonisation de nos droits des deux côtés de la frontière et nous rapproche sur des sujets stratégiques tels que les politiques environnementales, de défense ou celles de l’emploi. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de fêter, aux côtés de Brigitte Klinkert et Niels Schmid, les 5 ans de cette assemblée parlementaire au mois de mars. L’amitié franco-allemande est essentielle et structurante
pour l’Europe, et le territoire alsacien en mesure bien sûr son importance.
Tout le monde attend avec impatience la loi sur la décentralisation. Selon vous, aura-t-elle un impact sur le droit local alsacien-mosellan ?
J.-N. B. : Depuis 2017, il y a eu plusieurs avancées importantes pour les territoires et en faveur de la décentralisation.
C’est notamment le cas de la loi 3DS et du travail innovant porté par Jacqueline Gourault lorsqu’elle était Ministre en charge des collectivités territoriales. Cette loi, d’ores et déjà mise en œuvre, est la première qui comporte un volet
transfrontalier et régule les schémas régionaux de santé pour décliner de façon opérationnelle l’organisation des soins transfrontaliers du quotidien, mais aussi de l’urgence et des cas de pandémie. Elle renforce la coopération entre les collectivités frontalières et règle des irritants du quotidien. Je pense notamment à l’organisation d’évènements sportifs !
De manière générale, depuis 2017, avec l’impulsion du Président de la République, nous avons développé les circuits courts entre les citoyens et la décision publique (Grands Débats, CNR territoriaux…) en privilégiant des modèles de différenciation des territoires, qui permettent de s’adapter
« La laïcité est aussi le respect de la liberté de culte. C’est le sens du dialogue interreligieux en Alsace-Moselle. »
aux réalités et aux spécificités de ces derniers. C’est une approche différente des anciennes grandes vagues de décentralisation uniforme portées par Defferre et Balladur, qui respectent les spécificités de chaque territoire.
Les députés Eric Woerth et David Valence travaillent sur les prochaines pistes de réflexion à mettre en œuvre en termes de décentralisation et d’organisation administrative. Nous verrons quelles en seront les conclusions, mais ces dernières se concentreront surtout sur les compétences et les contours des territoires et ne devraient pas avoir un impact significatif sur le droit local.
Des partis politiques d’extrêmegauche sont farouchement opposés au droit des cultes en Alsace-Moselle. Pourtant ses habitants y sont favorables, car il organise la laïcité, le dialogue interreligieux, et permet de la part des administrations un contrôle du fait religieux comme dans de nombreux autres pays européens, qu’en pensez-vous ?
J.-N. B. : La laïcité est aussi le respect de la liberté de culte. C’est le sens du dialogue interreligieux en Alsace-Moselle. Le modèle alsacien-mosellan a permis des succès d’entente et d’écoute à l’échelle des quartiers qui sont remarquables, je pense notamment à l’Oasis de la rencontre à la Meinau ou encore aux Sacrées Journées. Ces temps d’échange et de construction de projets communs sont une force qui contribue à la concorde au sein du territoire d’Alsace-Moselle.
Au moment où l’Europe est accusée de tous les maux, et notamment de primer sur les droits nationaux, le droit local alsacien-mosellan est-il garanti par l’Union européenne ?
J.-N. B. : Le droit alsacien-mosellan, comme tous les droits y compris le droit national, doit composer dans le cadre juridique européen. Certaines dispositions du droit local ont dû être actualisées ou abrogées pour respecter les textes internationaux et les règlements de l’Union européenne, telle que l’abrogation du délit de blasphème, qui était encore applicable selon le Code pénal allemand de 1871. Ce délit a été aboli en 2017, afin que le droit local soit en adéquation avec les principes de liberté d’expression reconnus à l’échelle nationale et européenne. Le droit alsacien-mosellan est soumis aux mêmes règles que les autres et c’est ce qui participe également à son maintien. Il est essentiel, dans un système démocratique, que les droits s’adaptent aux enjeux et défis contemporains.
Strasbourg, capitale de l’Europe est au cœur du droit local et de ses institutions. Malgré les attaques externes et internes qui lui reprochent « ses particularismes », serez-vous un défenseur impitoyable de Strasbourg en tant que siège du Parlement européen ?
J.-N. B. : Sans l’ombre d’un doute ! Mon premier déplacement en France en tant que ministre chargé de l’Europe était à Strasbourg. Depuis ma nomination en février, je m’y suis rendu une fois par mois, à l’occasion des sessions plénières du Parlement européen, mais aussi de nos opérateurs européens qui y siègent.
Strasbourg accueille non seulement le siège du Parlement européen, mais également le Conseil de l’Europe, garant des droits de l’Homme, ainsi que la Cour européenne des droits de l’Homme, dernière instance de justice vers laquelle le citoyen européen peut se tourner quand il connait un litige avec son État. Strasbourg est donc
la capitale des citoyens européens, tant dans la représentation politique avec les députés européens, que dans la défense de leur droit. En témoigne également la présence du Centre européen de la consommation ou la Pharmacopée que je visitais le mois dernier, mais aussi de plus de 75 représentations diplomatiques et consulats.
Strasbourg, c’est la capitale européenne, pas uniquement pour les représentants politiques, mais aussi pour les institutions et opérateurs.
J.-N. B. : Strasbourg, par son histoire, illustre la paix des peuples, l’unité européenne et la diversité culturelle. Réaffirmer le siège unique du Parlement européen à Strasbourg, c’est se rappeler pourquoi il a été installé ici. Se souvenir des heures terribles de l’Histoire européenne pour promouvoir le développement de l’Union européenne et l’entente en son sein. Je resterai évidemment un défenseur inlassable de Strasbourg comme siège unique du Parlement européen, car je suis profondément attaché à cet héritage.
D’après vous pourquoi les AlsaciensMosellans sont-ils autant attachés à leur droit local ?
J.-N. B. : La naissance d’un droit et son évolution sont intrinsèquement liées à l’histoire et l’identité d’un peuple. Les Alsaciens et les Mosellans ont subi des changements de souveraineté lors des occupations allemandes de 1871 et 1940. Ces périodes terribles, notamment celle de la Seconde Guerre mondiale et des « malgré-nous », ont forgé une identité régionale distincte pour laquelle le droit local est un pilier important. Ce sentiment d’appartenance fort à sa région et à son histoire est prégnant en Alsace-Moselle, mais
il l’est également dans d’autres régions françaises et européennes. C’est ce qui fait la force de notre territoire et de notre continent. C’est même notre devise européenne : « Unis dans la diversité ».
En France, le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle ne sont pas les seuls départements à disposer d’une législation spécifique, on pense notamment aux territoires d’Outre-mer ou à la Corse. En Europe, il n’est pas rare de voir des droits locaux spécifiques pour une région, voire pour une ville. Pensez-vous qu’il sera un jour possible en France de développer ces droits particuliers sur tout le territoire ou la tâche semble-t-elle trop difficile pour un pays centralisateur comme le nôtre ?
J.-N. B. : Le droit national français est né de grandes décisions politiques et structurelles telles que le code Napoléon de 1804 qui constituait une refonte majeure du droit civil français, établissant des principes clairs et accessibles pour régir les relations civiles. Je pense aussi à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui protège les libertés individuelles. Ce sont des acquis dont la France a été précurseure et qui sont devenus des modèles pour nos voisins et amis européens.
Ainsi, le droit national et le droit local se complètent. Le droit national assure l’uniformité des règles juridiques essentielles à travers le pays, protégeant les valeurs fondamentales comme les droits de l’Homme, la démocratie, le droit de vote, et l’État de droit. C’est notre droit national qui régit les domaines de défense nationale, la politique étrangère, seule compétence de l’État. Le droit local, quant à lui, permet d’adapter certaines dispositions aux spécificités régionales, comme l’organisation judiciaire, enrichissant ainsi le cadre juridique général par des pratiques et traditions locales.
Conscient de la nécessité de rapprocher les citoyens de la décision publique et de simplifier et renforcer l’organisation territoriale tout en respectant les spécificités territoriales, le Gouvernement, alors représenté par Jacqueline Gourault, et notre majorité, a créé en 2021 la Collectivité européenne d’Alsace. Cette fusion des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin offre une structure unique avec des compétences élargies, de la coopération transfrontalière à la gestion des routes départementales, mais aussi certaines spécificités du droit local liées aux cultes reconnus, à la chasse ou aux aspects
du droit du travail et de la sécurité sociale spécifiques à l’Alsace-Moselle.
Le respect des droits particuliers et leurs évolutions peuvent s’effectuer dans le respect du droit général, socle de notre Histoire commune. Nous faisons nation dans le respect des spécificités territoriales.
Le droit local est-il une atteinte à l’unité nationale ?
J.-N. B. : Le droit local est complémentaire du droit national. Le principe même de l’unité nationale est de se sentir appartenir au même pays, à la même nation, quels que soient les particularismes qui nous définissent individuellement ou localement. Les spécificités du droit local ne nuisent pas à la cohésion sociale.
Selon vous, « une différenciation territoriale » bien conçue n’améliore-t-elle pas l’application du droit ?
J.-N. B. : La preuve en est avec la création de la Collectivité européenne d’Alsace. Le Gouvernement et la majorité présidentielle ont démontré leur confiance dans le territoire alsacien et ses élus pour mettre en œuvre cette innovation territoriale.
D’après vous, ce droit local au cœur de l’Europe fêtera-t-il ses deux cents ans ?
J.-N. B. : Comme tous les droits, qu’ils soient locaux ou nationaux, ils ne subsisteront que s’ils ont la capacité d’évoluer et de prendre en compte les défis de nos sociétés et en particulier la défense des libertés fondamentales. Dans le pays des Lumières et des Droits de l’Homme et dans un territoire humaniste et européen comme l’Alsace, je ne doute pas que le droit local comme le droit national sauront être à la hauteur des défis des générations à venir.
Avez-vous un message pour les Alsaciens-Mosellans qui célèbrent le centenaire de leur droit local ?
J.-N. B. : Vìel Glìck zum Geburtstàg ! Je vous souhaite à toutes et à tous de très belles célébrations. Ce droit local, votre droit local, illustre l’histoire singulière de votre territoire et de vos parents, grands-parents et ancêtres. Ces 100 ans sont en réalité les 100 ans de vie des Alsaciens et des Mosellans à travers les turbulences, parfois tragiques, de l’Histoire française et européenne. C’est aussi l’occasion de célébrer leur rôle essentiel dans la réconciliation et la paix en Europe et de saluer l’adaptation de droit local démontrant de sa modernité. Ce centenaire et ce qu’il représente pour la France est une richesse culturelle dont nous pouvons tous être fiers. b
« Ce droit local, votre droit local, illustre l’histoire singulière de votre territoire et de vos parents, grands-parents et ancêtres. »
TOUT COMPRENDRE SUR LE DROIT LOCAL ALSACE-MOSELLE (ENFIN PRESQUE…)
Le droit local est un ensemble de dispositifs et règles de droit applicable uniquement dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Ce sont des particularismes hérités des rattachements successifs de l’Alsace et des territoires lorrains à la France et à l’Allemagne. LE DROIT LOCAL SE COMPOSE DE PLUSIEURS CATÉGORIES
• CEUX DATANT D’AVANT 1871
C’est-à-dire lorsque les territoires de l’Est sont français, comme le Concordat de Napoléon, par exemple ;
• CEUX DATANT DE 1871 À 1918
C’est-à-dire lorsque le Reichsland Elsass-Lothringen est un territoire de l’Empire allemand. L’Allemagne étant un pays fédéral, le Parlement d’Alsace-Lorraine va établir ses propres lois, comme celle concernant le cadastre (1884).
• CEUX D’APRÈS 1918
Lorsqu’au sortir de la Grande Guerre l’Alsace-Moselle retourne à la France, avec les lois sur la législation civile et commerciale française par exemple.
POURQUOI DIT-ON QUE LE DROIT LOCAL A 100 ANS ALORS QUE CERTAINS DE CES TEXTES SONT PLUS ANCIENS ?
Ce sont deux lois du 1 er juin 1924 qui marquent l’avènement et la consécration du droit local, sa naissance officielle.
L’une d’elles introduit dans les trois départements de l’Est une grande partie de la législation civile et commerciale française ; l’autre maintient en vigueur des pans entiers de règles et lois anciennes spécifiques à ces territoires.
Ainsi, le droit local est un droit national d’application locale. Il a la même valeur juridique que les lois applicables en « France de l’intérieur ».
LE DROIT LOCAL DANS MON QUOTIDIEN
Bien souvent, les Alsaciens et les Mosellans ne se rendent absolument pas compte des particularités juridiques de leur droit local. Ils le vivent dans leur quotidien sans se poser aucune question. Petite revue (absolument pas exhaustive et volontairement vulgarisée) de nos règles avantageuses par rapport au reste des Français. a
MON TRAVAIL
• En tant qu’Alsacien-Mosellan j’ai deux jours fériés supplémentaires : le Vendredi Saint et la Saint-Étienne (26 décembre).
• Mon repos dominical est préservé, ainsi que mes autres jours fériés. Dans le secteur industriel, il est interdit d’employer des salariés le dimanche (sauf dérogations). Dans le commerce, l’usage est la fermeture de tous les magasins (sauf dérogations).
• Dans le secteur privé, mon salaire est maintenu intégralement si je suis malade ou si mon enfant est malade.
• En cas de rupture de contrat de travail, je bénéficie de meilleurs délais de préavis. Le plus court, si je veux démissionner ou le plus long, si je suis licencié.
• Si je suis commis commercial, je peux bénéficier d’une indemnité spéciale de clause de non-concurrence payée par mon ex-employeur s’il ne veut pas que je vienne le concurrencer après mon départ.
MES PROTECTIONS
• Je suis couvert par la faillite civile en cas de surendettement, ce qui me permet, sous certaines conditions, d’effacer mes dettes.
• En tant que locataire, je suis mieux protégé, notamment en cas d’incendie de mon appartement.
• En tant qu’assuré, je suis mieux protégé, notamment après un sinistre.
MON RÉGIME LOCAL
D’ASSURANCE MALADIE
• Mon régime local d’assurance maladie couvre 90 % de mes dépenses de santé, au lieu de 70 % pour le reste des Français.
• Mon régime local d’assurance maladie couvre 100 % du forfait hospitalier.
• Le régime local d’assurance maladie est géré de manière totalement décentralisée, ce qui lui permet notamment de financer des actions de prévention en santé publique pour lutter contre des pathologies qui touchent particulièrement les Alsaciens et les Mosellans.
• Mon régime local d’assurance maladie est davantage solidaire, il est financé par une cotisation proportionnelle aux revenus de chacun, les plus modestes en sont exonérés.
MON NOTAIRE
• Mon notaire n’achète pas son droit d’exercer, contrairement au reste de la France. C’est le principe de « non-patrimonialité des offices ». Il permet un accès à la profession sans condition de ressources.
• Pour être titulaire d’une étude, mon notaire doit avoir obtenu un diplôme national et réussir le concours spécifique de droit local.
• Pour désengorger les tribunaux, mon notaire a en plus de ses missions traditionnelles, un rôle de délégué du tribunal dans les procédures propres au droit local.
• Mon notaire facilite les règlements à l’amiable.
• Si un accord ne peut pas être trouvé pour le partage d’un bien appartenant à plusieurs personnes, c’est le tribunal qui va désigner un notaire pour rédiger un acte de partage et mettre fin à une indivision.
LE DROIT LOCAL DANS MON QUOTIDIEN
MA JUSTICE
• Mes tribunaux tiennent de nombreux registres de publicité, comme celui des associations, du livre foncier, du commerce et des sociétés.
• Devant les cours d’appel de Metz et Colmar, l’activité de représentation de mon avocat est fixée par décret ce qui permet de calculer certains aspects de sa rémunération.
• Les tribunaux de commerce n’existent pas en Alsace-Moselle. Ils sont remplacés par des chambres commerciales spécialisées au sein des tribunaux judiciaires. Chacune d’elles est présidée par un magistrat professionnel, assisté de deux assesseurs élus (l’échevinage).
• De la même manière que pour les notaires, l’accès aux fonctions de commissaires de justice passe par la réussite d’un concours de droit local et non par l’achat d’un office.
• Un tribunal peut me délivrer un certificat d’héritier.
MES ASSOCIATIONS
• Mon association bénéficie d’une pleine capacité juridique. Elle dispose des mêmes droits et devoirs qu’une personne physique.
• Mon association peut recevoir des legs ou des dons. Elle peut exercer une activité lucrative et partager les ressources entre ses membres, si cela est indiqué dans ses statuts.
• En dehors des associations traditionnelles, elles peuvent être « d’utilité publique », ce qui leur permet d’obtenir de nombreux avantages légaux, ou « coopératives » selon la loi locale de 1889 comme le Crédit Mutuel en Alsace-Moselle.
• Le droit local reconnaît également l’existence légale des associations non inscrites au registre des associations.
LE LIVRE FONCIER ET LE CADASTRE
• Pas d’erreur possible. L’information sur la propriété des immeubles est assurée par le livre foncier qui est entièrement informatisé. Toutes les données concernant les ventes, donations, usufruits, servitudes, hypothèques y sont publiées. Ce livre foncier bénéficie d’une présomption d’exactitude, ce qui garantit la sécurité des opérations foncières.
• Le cadastre alsacien-mosellan est reconnu comme quasiment infaillible, cela permet d’éviter les conflits de voisinage concernant les limites des propriétés.
MA COMMUNE
• Mon maire dispose de davantage de pouvoirs : de police, de réglementation de certaines professions, d’horaires d’ouverture et de fermeture des magasins, d’urbanisme et de protection de l’esthétique locale, de droit de chasse, d’exploitation forestière, de subventions à des institutions religieuses ou à des écoles privées…
• Ma commune a l’obligation de fournir secours aux personnes qui n’ont pas de ressources. Chaque municipalité fixe le plancher à partir duquel les aides sont accordées et les formes qu’elles prennent : logement, nourriture, aide en espèce…
• Les actes de ma commune sont « exécutoires de plein droit ». Pour une très grande partie d’entre eux, inutile d’attendre leur transmission au Préfet.
• Le Préfet ne dispose qu’exceptionnellement d’un pouvoir de substitution lui permettant d’agir à la place de ma commune.
• La procédure de « redressement des comptes » en cas de déficit n’est pas applicable dans nos trois départements.
LE DROIT LOCAL DANS MON QUOTIDIEN
MES ARTISANS
• Contrairement au reste de la France, pour être un « artisan », il ne suffit pas que l’entreprise qui exerce soit de petite dimension. Un artisan en Alsace-Moselle a obligatoirement obtenu et réussi une formation dédiée.
• Mon artisan est reconnu « artisan » parce qu’il travaille selon des méthodes non industrielles. Dans le cas contraire, il ne pourrait pas l’être.
• L’apprentissage est au cœur des préoccupations des professionnels. Il y est beaucoup plus développé que n’importe où ailleurs.
• L’apprentissage donne lieu à un diplôme particulier : le Brevet de Compagnon.
• Les salariés et employeurs artisans se regroupent en corporations particulièrement soudées afin de faire la promotion de leur secteur professionnel.
MON ENVIRONNEMENT
• Mon droit local garantit le bon usage de l’eau.
• La chasse est organisée sur le principe d’une gestion rationnelle qui respecte un équilibre entre les chasseurs, les promeneurs, les agriculteurs, et les communes. Les réparations des dégâts causés par le gibier sont à la charge des chasseurs. Les propriétaires fonciers peuvent décider d’abandonner à ma commune le montant des loyers de chasse. Cela va permettre à ma ville de consacrer cet argent à l’environnement.
• Sur le Rhin et la Moselle, la sécurité et la liberté de navigation sont garanties.
LE VIVRE-ENSEMBLE
• Le droit des cultes organise une laïcité de coopération respectueuse des convictions de chacun. Les Alsaciens-Mosellans n’ont pas peur de la religion de l’autre.
• Les pouvoirs publics et les autorités religieuses ont l’objectif de garantir une bonne intégration des religions dans la société.
• La nomination de certains personnels religieux fait l’objet d’un droit de contrôle de l’administration.
• Les communes sont chargées d’entretenir les édifices religieux.
• Pour pallier le déficit de culture religieuse, des « cours de religion » sont organisés dans les écoles, collèges et lycées publics. Il ne s’agit pas de « catéchisme », mais d’apprentissage des notions d’interreligieux, de connaissance de l’autre et de sa culture.
• Les ministres des cultes disposent d’une formation exigeante à la faculté de théologie protestante ou catholique de Strasbourg ou au centre autonome de pédagogie religieuse à Metz.
Un droit humaniste –I–
LE DROIT LOCAL
André Reichardt
Président du Conseil représentatif pour le droit local
« Nous avons créé le Conseil représentatif du droit local alsacien-mosellan
pour défendre les intérêts de nos populations. »
André Reichardt, sénateur et président du Mouvement Pour l’Alsace (MPA), est surtout le président du Conseil représentatif du droit local (CRDL). Ce nouveau conseil, créé en 2022 a pour vocation de se prononcer sur les aspects juridiques, sur les orientations et les stratégies pour préserver au mieux le droit local alsacien-mosellan. Il est constitué de tous les parlementaires d’Alsace-Moselle, d’élus des communes, ainsi que des représentants des différents secteurs concernés par le droit local. L’élu alsacien se montre très critique sur la commission du droit local qui vient d’être réactivée par l’État. Rencontre avec un passionné du droit local, une référence politique reconnue et incontestée dans ce domaine.
Conseil représentatif du droit local alsacien-mosellan contre Commission du droit local, on s’y perd ! C’est la guerre entre vous ?
André Reichardt : Le Conseil représentatif du droit local alsacien-mosellan créé à l’initiative de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) et du Conseil départemental de la Moselle n’a strictement rien à voir avec la Commission de droit local dont le Premier ministre a décidé par décret, la réactivation au mois de février de cette année après plusieurs années de vacances. Son dernier président, Jacques Bigot, sénateur du Bas-Rhin et ancien maire d’Illkirch-Graffenstaden, avait dû faire le constat en décembre 2019 « que le gouvernement avait de fait supprimé, la commission du droit local d’Alsace-Moselle », ne souhaitant pas renouveler les mandats de ses membres.
Malgré nos divergences politiques, Jacques Bigot m’avait contacté à l’époque en tant qu’ancien président de cette commission, pour obtenir des réponses du gouvernement. Je peux dire que l’ensemble des forces politiques de nos régions, de droite comme de gauche, ont été sollicitées pour faire réagir l’État. Eh bien rien ! Nous n’avons jamais eu aucune réponse. Et la Commission du droit local s’est donc éteinte en 2019, sans doute par désintérêt ou ignorance de l’administration centrale. Il a fallu l’intervention du Premier ministre Jean Castex en décembre 2021, pour qu’enfin la Commission soit officiellement réactivée. Seul très gros problème de l’avis de Frédéric Bierry, président de la CeA, de Patrick Weiten, président du département de la Moselle, et également du mien, c’est que la renaissance de cette commission a deux vices. D’abord son objectif premier est de supprimer ou d’abroger totalement le droit local alsacien-mosellan ou de procéder à des
modifications qui permettent de rejoindre petit à petit le droit général.
Deuxième écueil du décret, il est très lacunaire en termes de composition. N’y figurent plus les ministres du culte alors que le droit des cultes est un pan très important du droit local. Plus d’huissiers de justice. Les sept barreaux d’Alsace-Moselle n’ont plus qu’un seul représentant. Idem pour les notaires qui n’ont plus qu’un seul représentant. Les chambres d’agriculture n’y sont plus. Bref c’est du grand n’importe quoi !
La Commission du droit local a donc pour vocation ni plus ni moins d’enterrer le droit local. Évidemment pour les Alsaciens et les Mosellans c’est inconcevable ! C’est la raison pour laquelle nous avons créé le Conseil représentatif du droit local alsacien-mosellan de notre côté, pour défendre les intérêts de nos populations.
La première réunion de cette commission du droit local a finalement eu lieu en février 2024, peut-être que la situation a évolué plus favorablement ?
A. R. : Sincèrement j’en doute. Je suis personnellement intervenu auprès de Jean Castex en 2021. Il m’a renvoyé dans mes buts en disant : « on commence comme ça et on verra plus tard… ».
Début février 2024, un arrêté ministériel a officiellement désigné les personnes qui siègent à la commission du droit local. Elle est présidée par le représentant de l’État dans les trois départements, c’està-dire la préfète du Grand Est. La majorité des membres de cette commission représentent l’État : services administratifs, Cours d’appel, etc. En plus le service instructeur, c’est-à-dire celui qui est chargé d’effectuer concrètement le travail n’est plus dévolu à l’Institut du Droit Local (IDL). C’est directement la préfecture qui va s’en charger. Ainsi les représentants
« Il est faux de dire que la défense du droit local appartient à un camp politique plutôt qu’à un autre. »
locaux sont désormais des supplétifs. Ils sont devenus minoritaires pour défendre un droit qui nous concerne.
Cerise sur le gâteau, plus aucun parlementaire des trois départements n’est convié. Franchement, tout cela est risible ! La commission du droit local c’est l’État qui parle à l’État. C’est vraiment du temps de travail fichu par les fenêtres.
Donc évidemment que oui, le Conseil représentatif du droit local que je préside a toute sa place pour défendre les intérêts des Alsaciens et des Mosellans.
D’où le mot « représentatif » auquel vous tenez particulièrement dans Conseil représentatif du droit alsacien-mosellan ?
A. R. : Voilà ! Et je l’affirme de manière très tranquille et sans vouloir polémiquer : toutes celles et tous ceux qui sont des acteurs du droit local participent ou peuvent participer à nos travaux. Les géomètres nous ont demandé de pouvoir contribuer. Bien sûr qu’ils sont concernés par le cadastre : venez ! Les mutuelles, puisque nous avons un régime spécifique d’assurance-maladie, nous ont demandé : venez ! Notre volonté c’est d’être le plus représentatif possible, d’être connecté aux réalités du terrain sur nos territoires.
La Commission du droit local mise en place par l’État est donc là uniquement pour mettre fin au droit local alsacien-mosellan ?
A. R. : C’est évident. Il suffit de voir l’objet de cette commission. L’objectif est très clair : accompagner l’enterrement du droit local.
Des élus locaux réunis également dans votre conseil attaquent le droit local et le remettent en cause dans la presse.
A. R. : D’accord, parlons de nos élus ! Je suis sénateur, je rencontre des élus et des maires à longueur de temps. Lorsque j’interviens sur le droit local, sur le fichier domiciliaire, je reçois pléthore d’interventions de collègues qui me félicitent et m’encouragent. Chez les maires d’Alsace-Moselle, il y a un engouement très fort pour le droit local. Vous ne pouvez pas savoir les propositions qui affluent de la part des communes sur les adjudications de chasse par exemple ou les dégâts de gibiers. Ce ne sont là que quelques exemples.
Concernant les parlementaires, nous avons créé au sein du Conseil représentatif du droit local une commission stratégique. Elle travaille sur la prospective. Quel droit local voulons-nous demain ? Cette commission n’est composée que de parlementaires, députés et sénateurs de toutes obédiences et partis politiques. Je l’ai réunie déjà quatre fois. La participation est très importante. Sandra Regol, députée écologiste de Strasbourg est présente par exemple. Jacques Fernique, sénateur écologiste également. Là encore, il y a un vrai engouement pour le droit local. Il est faux de dire que la défense du droit local appartient à un camp politique plutôt qu’à un autre.
Monsieur Reichardt, n’enjolivez pas. Le droit local est attaqué.
A. R. : Bien sûr que le droit local est attaqué ! Depuis Louis XIV, le droit local est attaqué ! Mais il est attaqué par l’extérieur. Pas par les parlementaires d’Alsace-Moselle à l’exception de deux d’entre eux qui sont députés de la France Insoumise : Emmanuel Fernandes et Charlotte Leduc. Mais même
ceux-là obéissent, me semble-t-il, à un mot d’ordre national.
Le Parti de Jean-Luc Mélenchon, La France Insoumise (LFI) est particulièrement agressif avec notre droit local. Ce mouvement estime que le droit des cultes par exemple ne colle pas avec nos valeurs républicaines. Ils veulent absolument aller vers la loi de 1905 qui régit la séparation de l’Église et de l’État. Mais, le problème c’est qu’ils critiquent le droit des cultes en Alsace-Moselle sans rien y connaître. Ils ne perçoivent à aucun moment tous les intérêts positifs du droit local sur la laïcité, le vivre ensemble, et la lutte contre la xénophobie.
Les loges franc-maçonnes sont également des opposantes virulentes traditionnelles. Une des dernières agressions provient du Grand Orient de France qui a financé un sondage complètement obéré : une enquête nationale sur le droit local en Alsace-Moselle. Mais aller demander à un Parisien ce qu’il pense du droit local, franchement est-ce que la démarche est honnête ?
Mais nous ne sommes pas mauvais joueurs, avec l’Institut du Droit Local (IDL) nous avons financé un sondage avec l’IFOP, en reprenant exactement les mêmes questions que le sondage organisé par le Grand Orient de France. Mais cette fois-ci nous poserons la question aux populations représentatives concernées. Nous verrons bien si nous arrivons aux mêmes résultats…
Le droit local peut-il évoluer ?
A. R. : Là on rentre dans le dur. Oui le droit local peut évoluer, mais il est quand même très cadenassé. Ainsi, chaque fois qu’il y a un texte de droit général, naturellement personne, dans aucun ministère, ne
se soucie ou se souvient qu’il y a un droit local alsacien-mosellan. Je pourrais dire que ce sont à peu près les mêmes problématiques pour l’Outre-mer ou la Corse. À charge pour nous les parlementaires de faire une veille permanente pour la transposition du droit général au droit local. Il faut tout regarder ! J’ai un collaborateur qui ne fait que ça !
Par exemple, le droit des associations est actuellement en débat au Sénat et à l’Assemblée nationale, et bien nous avons déjà fait une étude sur les répercussions sur notre droit local. Et s’il faut intervenir, je ferai des amendements. Mais honnêtement, je suis le seul à faire cela. Je me sens parfois bien seul.
J’ai quand même quelques lueurs d’espoir. Je me félicite qu’Elsa Schalck qui n’était pas sur ma liste aux élections sénatoriales s’intéresse également au sujet. Elle vient d’obtenir un Diplôme d’Université de droit local. Donc, quand je ne serai plus là, j’espère qu’elle récupérera le flambeau. Et même si je me plains que mes collègues d’Alsace-Moselle ne fassent pas le job, ils sont toujours là ! Quand je les sollicite, ils sont tous derrière moi. Personne ne manque à l’appel. Je sais aussi que le droit local est devenu une passion personnelle parce que je l’ai exercé. Alors, ils me laissent faire, me font confiance et se reposent sur mon expertise.
Pour répondre directement à votre question, « le droit local peut-il évoluer ? » Je veux rappeler la « Décision Somodia » du Conseil constitutionnel de 2011. Pour la première fois, le Conseil constitutionnel considère que le droit alsacien-mosellan est un principe fondamental reconnu par les
« Ce droit local n’est pas tombé du ciel. Ce n’est pas un privilège. Ce droit est
issu de l’histoire. »
lois de la république. C’est fondamental ! Jamais auparavant il n’y avait eu une telle reconnaissance du droit local. Mais il y a un revers à la médaille, c’est que dans le même temps, le Conseil constitutionnel juge que si le droit local peut évoluer, cette évolution ne peut se faire que dans le sens d’un rapprochement au droit général. En clair, qu’est-ce que cela veut dire cette « Décision Somodia » ? Que le droit local est amené à disparaître si on veut le faire évoluer.
C’est d’ailleurs pour cette raison que l’islam ne peut pas intégrer ce que l’on nomme communément « le concordat ». En AlsaceMoselle tout le monde y est favorable, y compris les associations musulmanes. Mais intégrer l’islam dans le concordat serait considéré comme une disposition qui serait une évolution positive du droit local et qui l’écarterait encore davantage du droit général. Elle ne serait donc pas constitutionnelle.
Mais le combat n’est pas terminé. Nous ne baissons pas les bras. La commission stratégique du conseil représentatif du droit local alsacien-mosellan composée uniquement de parlementaires de nos deux régions, dont j’ai parlé tout à l’heure, vient de rédiger un amendement très simple le jour où arrivera une révision constitutionnelle, car elle finira par arriver sur la décentralisation : « le droit alsacien-mosellan peut évoluer ». L’idée étant évidemment de pouvoir faire évoluer le droit local en pouvant s’éloigner du droit général.
J’imagine que pour ce qui concerne les droits régaliens de l’État, la police, la défense, ou même la levée des impôts il n’y a pas besoin de regarder tous les textes de loi du droit général pour les transposer en droit local ?
A. R. : Détrompez-vous ! En Alsace-Moselle, on lève aussi des impôts dans l’artisanat notamment en faveur des Chambres de métiers. Alors Bercy va s’en occuper un jour c’est sûr. Ils ne peuvent pas accepter cela cent sept ans. Mais bon, comme à Paris ils ne comprennent pas trop le droit local et surtout parfois nous savons très bien nous faire oublier, nous continuerons à lever des impôts. Évidemment tout cela doit rester entre Alsaciens et Mosellans.
L’égalité républicaine est un principe fondamental de notre Nation. Le droit local alsacien-mosellan ne vient-il pas contredire cette notion ?
A. R. : Si, bien sûr ! Mais si le droit local est davantage favorable pour les citoyens et qu’il garantit un fonctionnement pérenne des institutions où est le problème ? Si bien souvent il contribue à faire des économies tout en assurant la justice pour le plus grand nombre, où est le problème ? Pourquoi faudrait-il toujours niveler par le bas ?
Ce droit local n’est pas tombé du ciel. Ce n’est pas un privilège. Ce droit est issu de l’histoire. Il est identitaire. Il vient d’une partie du droit français, du droit allemand, mais aussi de lois du land lorsque l’Alsace-Lorraine était autonome. Et les Alsaciens et les Mosellans sont attachés à tout cela.
Les Alsaciens-Mosellans vivent leur droit local quotidiennement sans s’en apercevoir. C’est leur vie. Ils ne se rendent compte de rien. Ils ne s’aperçoivent bien souvent d’un changement en leur défaveur, d’une dégradation de leurs droits, qu’au moment de la mise en application d’une décision nationale.
Exemple : la loi de la transformation de la fonction publique qui date de 2019 a
indiqué que la durée de travail dans la fonction publique serait de 1 607 heures pour tous. Personne n’a abordé la question des jours fériés de l’Alsace-Moselle dans ce texte, celui de la Saint-Étienne et celui du Vendredi Saint.
Résultat, désormais la préfète écrit à tous les maires : « prière de faire respecter les 1607 heures dans vos collectivités territoriales ». La réponse à la levée de boucliers des salariés concernés dans les trois départements a été de la part de l’État : « Vous pouvez pratiquer vos jours fériés traditionnels, pas de problème. Il faut juste rattraper. C’est deux minutes de travail en plus par jour ». Sérieusement on ne prend pas les Alsaciens-Mosellans pour des cons ?
Heureusement, les communes ont répliqué à cette demande complètement idiote en envoyant des motions à la préfecture : « on n’appliquera pas ! ». Normalement, une délibération transmise à la préfecture donne lieu à un contrôle de légalité. Si le contrôle de légalité est défavorable, ce qui est le cas précisément, la préfecture doit saisir le tribunal administratif. À ce jour, elle n’a rien déféré du tout. Donc elle sait bien que c’est compliqué. Et que font les communes ? Eh bien, elles font comme avant.
Notre chance dans la préservation du droit local, c’est notre unité. L’immense majorité des citoyens, des élus, des syndicats, des corporations, des associations, des clubs sportifs, des institutions, barreaux, chambres d’Alsace-Moselle défendent le droit local. Dès que le droit local est menacé, nous mordons.
Mais ce pays est tellement centralisateur qu’il en est désespérant. Notre planche de salut sera de quitter la région Grand Est, j’en suis persuadé. b
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FRÉDÉRIC BIERRY
Président de la Collectivité européenne d’Alsace
« LE DROIT LOCAL NE PEUT PAS ÊTRE
L’INSTRUMENT
D’UN
ENJEU
IDENTITAIRE »
Le président de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA), Frédéric Bierry participera aux festivités liées au centenaire du droit local alsacien-mosellan. Depuis son élection, il milite – comme une majorité d’Alsaciens qui le soutiennent – pour un retour à une région Alsace cumulant les compétences de la CeA et de la Région. Pour autant, le droit local est-il une question identitaire ? Nous lui avons posé directement la question.
Le président de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) est-il un spécialiste du droit local ?
Frédéric Bierry : (en riant) Absolument pas. Il utilise le droit local, mais ce n’est pas un spécialiste. D’ailleurs, les spécialistes ou les experts du droit local sont rares. Les Alsaciens et les Mosellans utilisent le droit sans s’en rendre compte. Je découvre encore quotidiennement des sujets qui relèvent du droit local que je n’avais pas soupçonnés, notamment concernant les notaires ou les avocats.
La CeA organise régulièrement des conférences consacrées au droit local alsacien-mosellan. Honnêtement, le public qui s’y intéresse est surtout âgé et majoritairement masculin, non ?
F. B. : Je ne suis pas d’accord. Pour avoir assisté à certaines rencontres, j’ai vu notamment des avocates, des notaires et des élues particulièrement intéressées par le sujet. Je constate même un regain d’intérêt pour le droit local. Aujourd’hui, chacun comprend que derrière le centenaire du droit local, il y a un véritable enjeu pour nos territoires.
Dans le magazine de la Collectivité européenne d’Alsace, Toute l’Alsace, nous parlons de plus en plus du droit local sous toutes ses formes. Les retours sont excellents. Je me rends compte aussi que le droit local dans son potentiel est sous-exploité.
Vous n’avez pas le sentiment que c’est surtout le droit des cultes en AlsaceMoselle qui canalise les polémiques et les tensions au détriment de tout ce que peut apporter par ailleurs le droit local ?
F. B. : Oui. Le droit local ne peut pas se limiter au droit des cultes. Néanmoins, le droit des cultes en Alsace-Moselle me paraît fondamental. Il est un moteur du dialogue interreligieux. Je vous donne un exemple : lors de l’attentat du Bataclan, toutes les communautés politiques et religieuses se sont retrouvées, un vendredi soir, à la grande mosquée de Strasbourg. À la fin des prises de paroles, un jeune musulman a commencé à entamer La Marseillaise. Tout le monde, de l’iman, au grand rabbin, de l’archevêque au pas-
teur l’a accompagné. Quand j’y pense, j’en ai encore la chair de poule. Je ne suis pas certain que cela puisse exister ailleurs qu’en Alsace-Moselle.
Aujourd’hui la société est en quête de repères, de valeurs. Je pense que la religion lorsqu’elle est dans sa posture raisonnée et raisonnable est un vrai apport pour le vivre ensemble. Je défendrai toujours la pratique de toutes les religions dans la mesure où elles respectent les valeurs de la République. Le droit local oblige à respecter ce cadre.
Vous parlez comme un démocratechrétien ?
F. B. : (en riant) Je n’en suis pas très loin en tout cas. J’essaye de réunir une à deux fois par an l’ensemble des confessions religieuses.
La CeA a missionné le pasteur Philippe Ichter pour entretenir le dialogue interreligieux en Alsace. C’est si important pour vous la religion ?
F. B. : Oui et c’est quasi unique en France. Nous avons été capables de construire ensemble de belles actions, notamment avec les Veilleurs de Mémoire qui assurent la préservation du patrimoine des cimetières, quelles que soient leurs origines cultuelles et/ou culturelles. Cette capacité à travailler ensemble sans a priori, je pense que c’est le régime spécifique du droit des cultes qui nous l’apporte.
Et concernant les cours de religion à l’école publique ?
F. B. : Le catéchisme, au sens strict, n’existe plus à l’école publique en AlsaceMoselle depuis bien longtemps ; il s’agit de cours de connaissance de la religion de l’autre. Cette forme d’éducation est une richesse pour les enfants qui suivent ces cours. Chaque religion a quelque chose à apporter à la société. La laïcité à la mode alsacienne-mosellane peut être un véritable modèle au moment où certains nous poussent à la division. Le droit local et le droit des cultes sont des atouts pour l’apaisement des sociétés. Nous devrions tous nous en inspirer plus régulièrement.
« LES CORPORATIONS
PARTICIPENT ENCORE À
LA BELLE IMAGE DE L’ALSACE ET À SA SINGULARITÉ. »
Faut-il lier le droit local à l’identité des Alsaciens et des Mosellans ? Le droit local est-il un argument pour se séparer du Grand Est, puisque sur dix départements, seulement trois en bénéficient ?
F. B. : Alors moi je ne le lie pas du tout. Le droit local ne peut pas être l’instrument d’un enjeu identitaire. Le droit local ne nous appartient pas égoïstement. Si le reste de la France veut se saisir des avantages du droit local, qu’il le fasse !
C’est comme la décentralisation : l’Alsace a toujours été précurseur en matière de décentralisation au bénéfice de la France. Et si les expériences positives de l’Alsace-Moselle, sur l’histoire ou le droit local peuvent servir notre pays et bénéficier à toutes les populations, tant mieux !
Ce qui me paraît important aujourd’hui concernant le droit local, c’est qu’à la fois on le protège et qu’on puisse élargir son potentiel. Mais non, le droit local n’est pas attaché à une identité. D’ailleurs, il profite à tout le monde. Il suffit de vivre en Alsace ou en Moselle pour en profiter.
Tous ceux que nous avons interrogés pour ce hors-série d’Or Norme nous disent : « le droit local fait consensus. Il est plus social, plus avantageux, plus humain ». Mais n’avez-vous pas l’impression que pour le défendre, cela part dans tous les sens ? Et vous, quel rôle jouez vous dans la CeA ?
F. B. : (en riant) Très bonne question ! Le droit local irrigue notre société dans
nos trois départements. Il fonctionne bien. Ceux qui le connaissent à l’extérieur le jalousent. C’est aussi un droit plus enclin au droit européen. Il peut apparaître en avance sur bien des points.
Sa défense est assurée par l’Institut du Droit Local (IDL) avec son président Jean-Marie Woehrling et son secrétaire général, Eric Sander. Le Conseil représentatif du droit local est présidé par André Reichardt. La Commission du droit local est présidée par Madame la Préfète, Josiane Chevalier. Je ne peux que saluer son courage, son investissement personnel et son engagement pour le rétablissement de cette commission.
Chacun a son rôle. L’IDL est très précieux, car il a une connaissance fine du droit local. Pour moi, ce sont les experts. La Commission du droit local est d’origine étatique. C’est normal puisque c’est de la préfète que relève l’application du droit local dans nos territoires. Cette commission joue donc le rôle d’expertise juridique dans son application. Quant au Conseil représentatif du droit local, selon moi, il coordonne et informe les parlementaires qui sont exclus des autres organisations liées au droit local. Il fait office de veille dans le débat législatif. Ce Conseil est aussi un rempart contre les agressions extérieures du droit local. Il est donc primordial.
La CeA vise à mettre de l’huile dans les rouages de tout cela afin que tout se passe pour le mieux entre ces organisations.
Vous avez un grand regret pour le droit local : la décision du Conseil constitutionnel en 2012 qui a bouleversé notamment les corporations ?
F. B. : Oui. Le caractère obligatoire des corporations permettait un travail précieux sur la qualité des formations des jeunes. Le brevet de compagnon est né de ces corporations. Dans chaque corps de métiers, le niveau des formations était extraordinaire.
Aujourd’hui les corporations souffrent. Elles existent encore, mais elles n’ont plus les moyens qu’elles avaient. Et pourtant, les métiers de l’artisanat sont au cœur de la vie de nos concitoyens.
Malgré cette crise, les corporations participent encore à la belle image de l’Alsace et à sa singularité, que ce soit dans la gastronomie, le bâtiment, les métiers d’art, etc.
Chaque fois que l’on fragilise la marque Alsace, on fragilise du même coup la dynamique de nos territoires. Si je ne lie pas droit local et identité, je ne suis pas certain en revanche que dans le Grand Est, lorsqu’on s’attaque à l’Alsace, on ne souhaite pas s’attaquer en même temps au droit local… Il y a une volonté, je crois, de s’attaquer à notre capacité à l’action publique. Oui, tout cela fragilise quand même le droit local.
Quand nous reviendrons à une région Alsace à part entière, parce que nous y reviendrons, cela nous donnera des capacités à agir pour renforcer le droit local, j’en suis convaincu. a
Nous nous engageons à personnaliser nos conseils pour proposer les solutions les plus pertinentes à chaque situation dans la sphère professionnelle comme dans la sphère privée de chaque notaire.
Josiane Chevalier
Préfète de la région Grand Est
« L’objectif de la commission du droit local est d’éclairer le Gouvernement et le Parlement. »
Josiane Chevalier, préfète de la région
Grand Est, préside la commission du droit local d’Alsace-Moselle. Après une longue période d’inactivité, cette commission, sous son impulsion, se réunit depuis février 2024. La composition de cette commission a suscité des polémiques, mais c’était sans compter sur l’engagement d’une convertie passionnée par le droit local qui considère « qu’il n’y a pas de monopole » pour défendre le droit local d’Alsace-Moselle.
Quel est l’objectif de la commission du droit local d’Alsace-Moselle ?
Josiane Chevalier : L’objectif de la commission du droit local est d’éclairer le Gouvernement et le Parlement, qui sont amenés à voter les lois, de l’incidence de leurs projets dans la situation juridique spécifique que constitue le droit d’Alsace-Moselle. Comme vous le savez, le droit local d’Alsace-Moselle est régi par un droit distinct du droit général.
En fait, les avis de cette commission sont de deux ordres : concernant un projet de loi, une ordonnance ou un décret qui modifierait ou supprimerait des dispositions du droit local ; concernant toutes questions relatives à l’application du droit spécifiquement applicable dans les trois départements d’Alsace-Moselle.
Cette commission doit, chaque année, produire un rapport d’activité pour dire sur quels thèmes elle a travaillé.
Qui peut saisir cette instance ?
J. C. : Tout d’abord, le Premier ministre bien sûr et son Gouvernement peuvent saisir la commission sur un projet de loi, d’ordonnance ou un décret.
Également, les trois préfets du HautRhin, du Bas-Rhin et de la Moselle peuvent saisir cette commission. Dans ce cas, il s’agira plutôt de vérifier l’application du
droit local sur tel ou tel domaine. Cela peut être notamment sur le pouvoir de substitution du préfet. Il y a des différences entre l’Alsace-Moselle et le reste du territoire. Je vais prendre des exemples pour illustrer. Pour les établissements recevant du public, le préfet ne peut pas se substituer au maire. Pour l’évacuation de camps de migrants, ce sont les élus qui doivent saisir le tribunal administratif et non le préfet.
En étant saisi en amont, nous pourrons ainsi faire remonter au Gouvernement les spécificités du droit local alsacien-mosellan, afin que dans la rédaction et l’application des lois et décrets il n’y ait plus de difficultés comme nous avons pu le connaître.
L’objectif est donc d’éviter juridiquement des trous dans la raquette du droit local ?
J. C. : Exactement ! Cette commission a surtout un rôle d’expertise juridique. C’est pour cette raison qu’elle est composée d’éminents juristes : le procureur général près la cour d’appel, le président du tribunal administratif, les directeurs de l’administration centrale… Ce rôle d’expertise juridique est primordial. J’ai eu l’occasion de le rappeler plusieurs fois, cette commission n’est pas un parlement du droit local. Ce n’est pas un endroit où l’on parle de sujets identitaires. C’est un lieu d’expertise sur le droit local.
Depuis un décret du 7 décembre 2021, la commission du droit local est rattachée au Premier ministre, pourquoi a-t-il fallu attendre 2024 pour qu’elle se réunisse enfin ?
J. C. : Il s’est posé le sujet des désignations dans la commission puisque le décret du 7 décembre 2021 avait fixé les catégories de représentants. Il faut bien reconnaître que cela a été un sujet délicat notamment pour les représentants des notaires et des avocats. Et pour les avocats, nous n’avons toujours pas abouti, car le représentant des avocats doit être désigné conjointement par les ordres des avocats du barreau de Strasbourg, Saverne, Colmar, Mulhouse, Metz et Thionville. En revanche dès que l’arrêté ministériel a été pris, j’ai pu réunir la commission. L’arrêté a été signé le 1er février 2024 et j’ai réuni la commission dès le 29 février 2024 : nous n’avons pas perdu de temps. Fin avril, une nouvelle réunion a été programmée puisque nous avons été saisis par le ministère de la Justice sur le livre foncier.
Vous êtes originaire de l’Isère, vous vous sentez concernée par le droit local alsacien-mosellan ?
J. C. : Je vous le dis très sincèrement, cette question du droit local d’Alsace-Moselle est un sujet qui me passionne.
« Le droit local fait consensus. Il a beaucoup de spécificités et de richesses. »
Dans la chronologie de la constitution de cette commission du droit local, j’avais été chargée par le garde des Sceaux de consulter les anciens membres de la précédente commission pour savoir comment ils envisageaient l’avenir. J’avais remis, en temps et en heure, un rapport qui a permis la publication du décret. J’ai particulièrement porté ce dossier au plus haut niveau. Je tenais à installer cette commission du droit local d’Alsace-Moselle. Mes collaborateurs sont eux aussi extrêmement intéressés et passionnés par le droit local alsacien-mosellan. Je dispose en préfecture d’un pôle juridique vraiment compétent. Ces fonctionnaires connaissent parfaitement le droit local.
Au plus haut niveau ? Cela veut dire avec le Président de la République ou avec le secrétaire général de l’Élysée… qui est alsacien ?
J. C. : J’ai eu des échanges avec le secrétaire général de l’Élysée (Alexis Kohler né à Strasbourg – ndlr). Il est évidemment très sensible au sujet du droit local alsacien-mosellan. Pour nous c’est un relais extrêmement précieux. Il comprend de quoi il s’agit et l’importance qu’il revêt pour les populations des trois départements.
Concernant la composition de la commission du droit local, de sévères critiques ont été émises par des parlementaires.
J. C. : Des sénateurs ! Contrairement à ce qui a pu être affirmé, le gouvernement a veillé dans sa composition à un bon équilibre entre les élus, la société civile et les juristes.
J’ai reçu une lettre collective de sénateurs, du président de la Collectivité européenne d’Alsace et d’un député qui critiquaient la composition de la commission du droit local. Ils me reprochaient de ne pas y avoir associé des parlementaires
alsaciens et mosellans. Cette lettre émanait du président de l’Institut du Droit Local et du président du conseil représentatif du droit local – qui est une structure qui n’a aucune existence juridique puisqu’elle n’est même pas formée sous forme d’association. Le texte est très étonnant pour des personnes qui pensent être d’éminents juristes et parlementaires puisqu’ils oublient qu’une loi organique sur « la confiance dans la vie publique » votée en septembre 2017, indique que les parlementaires ne peuvent pas être membres d’une commission sauf si une loi le prévoit.
J’ai discuté avec plusieurs d’entre eux. J’ai également écrit un courrier à tous les parlementaires qui m’avaient interpellée pour leur rappeler le droit. Ils ont reconnu qu’ils ignoraient ce texte ou ne s’en souvenaient pas. Donc, fin de la polémique. Et puis pour rassurer les parlementaires – c’est dans le règlement intérieur – ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas officiellement membres de la commission que je ne vais pas les inviter sur des sujets qui les concernent. D’ailleurs ils ont été invités en avril dernier.
Qui vous a confié la présidence de la commission du droit local ?
J. C. : La présidence de la commission du droit local m’a été confiée par le Premier ministre. C’est conforme à la Constitution : le préfet est le représentant de tous les ministres et bien sûr du Premier ministre sur son territoire. C’est l’article 72 de la Constitution. Donc juridiquement, le préfet est légitime pour présider cette commission. Dans un département, la seule personne habilitée à dire le droit c’est le préfet. Après si on n’est pas d’accord avec ses décisions – et chacun en a le droit –, le juge de paix qui tranche, c’est le tribunal administratif ou le juge judiciaire selon le cas.
La commission est composée notamment de personnalités du Grand Est ou de Paris. Pour défendre le droit local, cela ne semble pas très logique ?
J. C. : Vraiment, je souhaite que l’on arrête de faire de cette commission et de ses intentions un marqueur identitaire. Il n’est pas question dans cette commission de parler de l’avenir administratif de l’Alsace vis-à-vis du Grand Est. L’AlsaceMoselle a une histoire extrêmement lourde, extrêmement douloureuse. Personne ne le remet en cause ni en question. Personne ne veut gommer cette histoire.
La commission du droit local est un outil juridique. Je veux qu’on arrête ces procès d’intention qui provoquent des tensions. C’est très désagréable et extrêmement injuste pour le travail et l’investissement que mes services et moi-même y mettons ainsi que pour ses membres « qui ne seraient pas suffisamment alsaciens-mosellans pour comprendre ». Je voudrais tellement me montrer rassurante. Il n’y a aucune raison de craindre pour l’avenir du droit local.
Mais la crainte pour les défenseurs du droit local alsacien-mosellan c’est qu’une décision du Conseil constitutionnel prévoit que le droit local…
J. C. : (vigoureusement) ne puisse pas s’écarter du droit général ! Mais la réalité c’est qu’aujourd’hui le droit général aussi puise dans le droit local. Je vais prendre un exemple : celui de la faillite personnelle. C’est le droit général qui s’aligne sur le droit local. Le régime d’assurance-maladie aussi, qui en plus est extrêmement bien géré en AlsaceMoselle. Pourquoi voulez-vous que l’État change quelque chose qui fonctionne bien ?
Non, ne faisons pas un mauvais procès à cette commission. Si le gouvernement avait voulu oublier le droit local, il n’aurait pas recréé cette commission. Bien au contraire, la volonté du gouvernement est de préserver le droit local alsacien-mosellan, de défendre cette spécificité.
Donc le procès de dire que l’objet de cette commission est de viser à la suppression à terme du droit local alsacien-mosellan…
J. C. : (vigoureusement) Cette affirmation est fausse ! L’État aurait pu supprimer purement et simplement la commission sans jamais la reconstituer si son désir était celui-là. Le droit local fait consensus. Il a beaucoup de spécificités et de richesses. Nous voulons le défendre et le préserver !
Cette commission a d’ailleurs été placée auprès du Premier ministre. Auparavant elle dépendait du ministère de la Justice.
C’est une évolution extrêmement positive, car le droit local touche à tous les domaines. C’est donc une garantie et une reconnaissance de son champ au niveau de toutes les politiques publiques.
Le droit local est un droit national d’application territoriale, est-ce que cela change quelque chose ?
J. C. : Le droit local dans sa définition même ne s’applique évidemment qu’à trois départements, mais il n’échappe pas aux dispositions de nature législative et aux dispositions réglementaires. L’Alsace-Moselle est en France, c’est le droit français qui s’applique. Mais effectivement ce droit national précise qu’il existe néanmoins des exceptions territoriales. Certains règlements peuvent être adoptés par les autorités locales. Par exemple pour l’Alsace-Moselle, c’est le cas des statuts en matière de repos dominical : c’est le niveau local qui le gère et qui l’applique.
Que pensez-vous de l’initiative de l’Université de Strasbourg d’avoir mis en place un diplôme d’université du droit local pour former notamment des juristes ?
J. C. : C’est une très bonne chose. Mais je vais suggérer au président de l’Université que nous puissions également intervenir dans ce cadre universitaire. Parce qu’il y a la théorie, mais aussi la pratique. Sur la partie intellectuelle du D.U., je n’ai pas de remarque. Mais je souligne la plus-value que pourraient apporter les praticiens du droit local que sont les préfets et leurs équipes. Je ne voudrais pas qu’on oublie également les élus, et notamment les maires, qui sont aussi des praticiens du droit local alsacien-mosellan. Ce sont les premiers utilisateurs du droit local. Ils ont beaucoup plus de responsabilités dans nos trois départements qu’ailleurs, notamment dans les établissements recevant du public.
D’ailleurs cela pourrait constituer une intéressante thématique du D.U. de droit local : la responsabilité des maires en Alsace-Moselle…
Vous faites allusion par exemple, au droit au secours des indigents qui revêt un caractère obligatoire dans le droit local. C’est la commune qui doit venir en aide aux personnes défavorisées « en engageant si nécessaire des dépenses » afin de leur assurer « un minimum vital ». Ces aides sont conçues pour gérer des situations d’urgence.
J. C. : Les indigents oui. L’actualité devrait nous amener à en reparler prochainement, notamment dans de grandes communes de nos territoires. Les indigents sont de la responsabilité des maires en droit local. Qu’on ne l’oublie pas !
Le Président de la République a prévu une grande loi sur la décentralisation est-ce que cela aura un impact sur l’avenir du droit local ?
J. C. : Je pense que ce n’est pas le même sujet. La « différenciation territoriale » touche davantage l’organisation des collectivités. Ce sont des questions qui vont se poser à ce moment-là. Mais cela n’aura aucun impact sur le droit local.
Le droit local a 100 ans. Qui est le mieux placé pour le défendre ?
J. C. : La défense du droit local alsacien-mosellan n’a pas de monopole. Je ne conteste pas les organisations qui se prévalent de le défendre. Mais chacun doit rester dans ses compétences : la formation (l’Université), l’histoire (l’Institut du droit local), l’expertise juridique (l’État). Dans tous les cas, contrairement à la commission du droit local alsacien-mosellan que je préside, aucune de ces organisations ne joue un rôle régalien. b
« Mais la réalité c’est qu’aujourd’hui le droit général aussi puise dans le droit local. »
Éric Sander
Secrétaire général de l’Institut du droit local
« Le droit local est au cœur des vies des Alsaciens et des Mosellans. »
Éric Sander est considéré comme le gardien du temple du droit local. Il est surtout le secrétaire général de l’Institut du Droit Local (IDL) d’Alsace-Moselle basé à Strasbourg. Maître de conférences associé à la Faculté de Strasbourg, co-directeur du Master II de Droit notarial à l’Université de Strasbourg et du diplôme supérieur du notariat. Il a consacré sa vie à l’étude, à la diffusion, et à la reconnaissance du droit local alsacienmosellan. Il est également le co-auteur du Code du droit local. Rencontre choc avec ce personnage hors norme qui n’a pas sa langue dans sa poche.
Le droit local est au cœur des vies des Mosellans et des Alsaciens…
Éric Sander : Le droit local irrigue toute la vie quotidienne des Alsaciens et des Mosellans : assurance maladie, jours fériés, faillite civile lorsque les gens sont surendettés, le droit des cultes… Le droit local s’applique quotidiennement sans que les gens s’en rendent compte. Ce droit local fonctionne bien. Il est plus avantageux et plus protecteur sur bien des points que le droit général actuel français. Ceux qui sont les garants de son bon fonctionnement sont les juristes, les notaires, les avocats, les professeurs de droit qui l’enseignent à la faculté. Ils viennent régulièrement à l’Institut du Droit Local pour effectuer des recherches ou y trouver des informations pour leurs dossiers.
Éric Sander, d’où vient le droit local des Alsaciens-Mosellans ?
É. S. : De l’histoire. Tout s’explique par l’histoire et les changements de souveraineté entre la France et l’Allemagne.
Nous fêtons officiellement le centenaire du droit local, mais celui-ci est plus ancien ?
É. S. : Oui. Par exemple, les textes du gouvernement de Napoléon Bonaparte sur le Concordat qui organisent les relations entre l’État et les religions datent de 1801.
En fait, nous parlons du centenaire du droit local par rapport à deux lois, civile et commerciale, de 1924. Elles émanent d’un personnage extraordinaire, un parlementaire mosellan, Robert Schuman. Au-delà de ce qu’il a entrepris plus tard pour la construction européenne, il est à l’origine des lois qui vont officialiser le droit local. Robert Schuman est un avocat. Il a exercé sous l’Empire allemand, il est donc parfaitement bilingue. Il a beaucoup œuvré pour maintenir les anciennes lois du Reichsland dans les territoires d’Alsace-Moselle. Alors bien sûr, il n’a pas été le seul, mais Schuman a joué un rôle déterminant.
Bien souvent, les Alsaciens et les Mosellans découvrent le droit local à partir du moment où il est attaqué.
É. S. : C’est exactement cela ! C’est là que les gens redécouvrent que nous avons un certain nombre de spécificités, ou plutôt des
avantages, disons les choses. On l’a vu tout dernièrement en décembre dernier lorsqu’il y a eu une proposition de loi soutenue par le parti La France Insoumise qui demandait à remettre en cause le régime local du droit des cultes en visant à élargir la loi de séparation des Églises et de l’État sur le territoire français. Immédiatement, j’ai pu constater qu’il y a eu une vive contestation de cette proposition dans la population.
Le droit local est-il un exemple de décentralisation réussie ?
É. S. : Tous les gouvernements, les uns après les autres, parlent de « l’importance de la décentralisation » et de la « nécessité de différentialiser le droit suivant les territoires ». L’Alsace-Moselle est un exemple unique, en tout cas dans la métropole, de différenciation du droit. Nous réglementons par exemple autrement les associations, les cultes, l’ouverture des commerces
le dimanche, l’artisanat, le notariat, les avocats, la chasse… Je m’arrête là, nous pourrions y passer la nuit. Ce « droit différencié » fonctionne bien.
L’Institut du Droit Local est né après une « bourde » du Président François Mitterrand.
É. S. : En 1982, le droit local des conseils de prud’hommes avait été par inadvertance et méconnaissance supprimé sur nos territoires. Cette décision d’un gouvernement de gauche avait suscité beaucoup d’émoi et d’émotion dans les syndicats. La secousse était vive : les salariés s’étaient mobilisés contre cette décision. Pour atténuer le mécontentement, François Mitterrand avait décidé de commander un rapport sur le droit local. « Trouvez-moi un parlementaire qui s’y connaisse en droit local alsacien-mosellan ! » aurait dit le Président de la République. C’est Jean-Marie Bockel,
« Nous pouvons dire que les missions de l’Institut du droit local sont aujourd’hui largement accomplies et qu’elles perdureront, c’est une certitude. »
député du Haut-Rhin à l’époque qui a été désigné. Le rapport qu’il remit était très complet. Ce fut un nouveau point de départ pour le droit local. Ce rapport disait principalement deux choses : il actait de nouveau tous les droits différenciés des AlsaciensMosellans et il proposait des outils pour les faire connaître. C’est ainsi qu’est né en 1985, l’Institut du Droit Local sur le fondement des préconisations de Jean-Marie Bockel.
Comment était défendu le droit local avant 1985 et la naissance de l’IDL ?
É. S. : Chacun défendait son pré carré sans aucune coordination. L’artisanat, son secteur. Les notaires, leurs droits. Les chasseurs, leurs locations. Les maires, leurs prérogatives et ainsi de suite. Il n’y avait aucune vision du droit local dans son ensemble. La première mission de l’Institut du Droit Local a été de recueillir et de collecter
tous les vieux recueils, documentations, ouvrages, jurisprudence, décisions de justice, disséminés partout comme des confettis. Il fallait avoir une vision globale de ce que recouvre le droit local dans son entièreté. Ce fut un travail de plusieurs années. Mais aujourd’hui, tout un chacun, citoyen lambda, administration, préfecture, État, parlementaire a accès à la vision complète du droit local. La deuxième mission de l’IDL est de publier, de montrer et de prouver que le droit local est vivant. L’objectif est de diffuser la connaissance. La troisième mission est celle de pouvoir être librement consulté. Nous sommes régulièrement consultés par les administrations, les ministères, ou des particuliers qui viennent nous poser des questions sur tous les sujets que recouvrent le droit local. Nous trouvons des réponses à chacune des interrogations. Nous pouvons dire que les missions de l’Institut du Droit Local sont aujourd’hui largement accomplies et qu’elles perdureront, c’est une certitude.
Quelles sont les perspectives du droit local alsacien-mosellan ?
É. S. : Prenons acte de la volonté du Président de la République Emmanuel Macron de l’élaboration d’une loi de décentralisation. Il n’hésite pas à parler de « différenciation des droits suivant les territoires ». La force de notre droit local c’est qu’il respecte profondément les valeurs républicaines. Les grands débats nationaux contre le droit local concernent surtout le droit statutaire du financement des cultes protestant, catholique et juif. Mais il ne s’agit que d’une petite partie du droit local. Ceux qui montent des polémiques prétextent que l’islam ne dispose pas de ce financement. Pour cela, il faudrait changer la constitution française : ce qui est tout à fait possible, mais cela ne relève pas du droit local alsacien-mosellan.
Le droit local alsacien-mosellan est-il « ouvert » ?
É. S. : Il n’y a pas plus ouvert que le droit local ! Il suffit de vivre en Alsace-Moselle pour en bénéficier. Quelles que soient ses origines ! Il n’y a pas plus juste et égalitaire que le droit local d’Alsace-Moselle. C’est le droit du sol qui s’applique. Bien souvent, ceux qui critiquent virulemment le droit local ne le connaissent absolument pas. Ils parlent de « repli identitaire », mais l’argument ne tient factuellement pas. Si vous exercez votre activité en Alsace-Moselle, vous bénéficiez du droit local même si votre entreprise se trouve en dehors des trois départements. Et je peux vous dire
que nous sommes intransigeants avec cela. Quel humanisme dans nos principes !
Au fond, qu’est-ce qui caractérise le droit local ?
É. S. : Le bon sens, la logique, le respect, la promotion sociale et le mérite. Prenons l’exemple du notariat. Pour être notaire en Alsace-Moselle, il ne suffit pas pour exercer d’acheter son étude comme sous l’Ancien Régime. Il faut avoir passé un concours. Il faut l’avoir mérité. Un notaire peut être d’origine modeste. C’est un magnifique exemple pour nos jeunes générations qui se posent tant de questions sur leur avenir. Et puis le droit local a pour lui sa clarté et sa stabilité. Ce sont des fondamentaux qui ne sont pas remis en cause. C’est donc une source de droit fiable.
L’Europe protège-t-elle le droit local d’Alsace-Moselle ?
É. S. : L’Europe et la Cour européenne des droits de l’Homme sont extrêmement protectrices avec le droit local alsacien-mosellan. L’Europe défend les libertés
fondamentales, elle défend de facto le droit local alsacien-mosellan. Finalement, dans la construction européenne, c’est comme si chaque État était un peu du droit local. Heureusement, dans l’Union européenne, la conception centraliste d’un État est très minoritaire. Le droit alsacien-mosellan, comme ceux d’autres régions ou états peuvent donc librement s’exprimer et exister. Pour qu’un droit local fonctionne bien comme le nôtre, il doit répondre aux besoins des populations. Ce sont d’abord les gens qui sont concernés par le droit : des citoyens, des travailleurs, des agriculteurs, des notaires, des maires, des entrepreneurs, des commerçants… C’est pour eux, sur un territoire donné, qu’il faut appliquer les règles les mieux adaptées.
Qui prime : le droit local ou le droit national ?
É. S. : L’articulation entre le droit national et le droit local est très simple. Le principe c’est le droit général. Nous sommes en France et ce sont les lois de la République qui s’appliquent à tous. Mais sur certains
points, il existe des règles particulières pour l’Alsace-Moselle : les jours fériés, les mutuelles, les jours de carence pour les salariés…
Éric Sander, vous êtes un peu le gardien du temple du droit local. Vous le voyez comment son avenir ?
É. S. : Je suis persuadé qu’il me survivra (en riant). Il y aura peut-être dans cet Institut du Droit Local une salle Sander quelque part… Je vois le droit local inscrit dans un droit régional et de différenciation territoriale. Le but est de faire évoluer ce droit local, de le mettre en symbiose avec ce que les gens vivent réellement sur le terrain, de le mettre au service des citoyens. Le droit n’est pas fait pour les théoriciens. Il est fait pour les gens qui travaillent, qui ont leur entreprise, qui sont dans le concret. Le droit doit être un outil de facilité et pas un instrument de contrainte. C’est pour cette raison que je pense que le droit local alsacien-mosellan a de belles années devant lui : car il est au cœur des vies des Alsaciens et des Mosellans. b
Vial /
L’HISTOIRE DU DROIT LOCAL
Le droit local est né des rattachements successifs des territoires de l’Alsace et de la Lorraine entre la France et l’Allemagne. Voici quelques dates clés.
10mai1871 27janvier1877 31mars1884 22juin189118août189617avril18991erjanvier1900 1914-1918 2février191926juin1919 1870-1871
UNE FOIS ALLEMANDE…
1870-1871
Guerre franco-allemande (parfois appelée guerre franco-prussienne).
Défaite de l’armée française à la bataille de Sedan.
10 mai 1871
Traité de Francfort. L’Alsace-Moselle passe sous souveraineté allemande avec annexion des trois départements de l’Est de la France. Ce changement de souveraineté n’emporte pas changement immédiat de législation : le droit français continue de s’appliquer.
27 janvier 1877
Début du changement de système juridique. Introduction de la procédure civile allemande, de la faillite et l’organisation judiciaire.
31 mars 1884
Loi prévoyant « la force probante absolue » du cadastre.
22 juin 1891
Création du livre foncier qui remplace le régime de publicité instauré par la loi française de 1855. Livre foncier à l’époque dit provisoire car complété au fur et à mesure des mutations intervenues.
18 août 1896
Loi d’adoption du Code civil allemand destiné à devenir le code applicable en Alsace-Moselle, désigné par la pratique locale de Code civil local.
17 avril 1899
Loi sur l’exécution du Code civil local. Le droit civil allemand s’applique maintenant en Alsace-Moselle.
1er janvier 1900 Application généralisée du droit allemand.
UNE FOIS FRANÇAISE…
1914-1918
Première Guerre mondiale. L’Allemagne est défaite.
2 février 1919
Arrêté concernant la langue française qui devient langue judiciaire, mais les actes notariés peuvent être rédigés en langue allemande si toutes les parties déclarent ignorer le français et requièrent le notaire de dresser l’acte en langue allemande.
26 juin 1919
Traité de Versailles. Le retour à la souveraineté française est confirmé, mais le droit allemand, supérieur en certaines matières au droit français reste maintenu dans le respect des traditions et des attentes des populations d’Alsace et de Lorraine.
1er juin 1924
Deux lois fondatrices maintiennent le droit local alsacien-mosellan et lui donnent une existence légale.
1erjuin1924
ALSACIENMOSELLAN
18juin194015septembre1944
DE NOUVEAU
ALLEMANDE…
18 juin 1940
Annexion de fait des trois départements de l’Est par le régime nazi. Retour à l’application du droit allemand total. Suppression du droit local.
DE NOUVEAU
FRANÇAISE…
15 septembre 1944
Retour à la France. Ordonnance portant rétablissement de la légalité républicaine dans les trois départements, tous les textes pris par la puissance occupante sont réputés nuls.
1985
Création de la commission Badinter pour l'harmonisation du droit local.
1985
Création de l'Institut de Droit Local (IDL)
4 mars 2002
Loi portant réforme de la publicité foncière et création du livre foncier informatisé.
2011
Décision du Conseil constitutionnel qui reconnaît le droit local alsacienmosellan « principe fondamental reconnu par les lois de la République », mais qui limite ses possibilités d’évolution, sans exclure la création de nouvelles lois territoriales dans les mêmes conditions que dans le reste de la France.
La Banque des Territoires
Notaires, la Banque des Territoires vous accompagne et vous propose, à la fois des services digitaux qui conjuguent sécurité et simplicité et un prêt qui vous permettra d’équiper votre étude (Digital +).
Contactez votre direction régionale au 03 88 52 45 46
Le nouveau plan stratégique de la Banque des Territoires prévoit pour les 5 ans à venir de mobiliser tous nos savoir-faire autour de deux grands axes, les deux faces d’un seul et même défi pour les territoires : la transformation écologique et la cohésion sociale et territoriale. Le notariat, profondément ancré dans les territoires, est un acteur clé de la cohésion sociale grâce à un maillage de proximité que nous avons à cœur, en partenariat étroit avec le Conseil supérieur du notariat et les instances locales, de soutenir et pérenniser. Partenaire de long terme des notaires, notre cœur de métier est de sécuriser les fonds des citoyens mais plus largement de contribuer à consolider ce maillage territorial, de promouvoir le rôle des professionnels, de permettre à chaque citoyen d’entrer en contact facilement avec un professionnel à proximité et de dématérialiser et digitaliser les procédures. Banquier du quotidien et consignataire, nous accompagnons aussi, sur le long terme, les projets professionnels des chefs d’entreprise, dans les bons comme dans les mauvais jours.
La Banque des Territoires, et tout particulièrement la Direction Régionale Grand Est, est heureuse de célébrer à vos côtés le centenaire du droit local.
Cet accompagnement du notaire chef d’entreprise fait écho à la démarche lancée dès 2019 par le CSN avec le Programme de Consolidation du Maillage Territorial qui permet aux offices volontaires de construire leur stratégie de développement et ainsi de renforcer leur ancrage territorial, notamment dans les zones rurales et péri-urbaines. Aux côtés de l’ANC (Association Notariale de Conseil), la Banque des Territoires accompagne et cofinance depuis son lancement cette démarche inédite et exemplaire. Concrètement, un consultant spécialisé analyse l’activité de l’offi ce et coconstruit avec le notaire un projet d’entreprise en cohérence avec les évolutions du territoire. Le programme permet ainsi de renforcer les offices sur des enjeux de pilotage, d’organisation, de développement des activités, de ressources humaines, de management, de rationalisation des charges, de digitalisation, de rapprochement, de relation client… Début avril 2024, ce sont plus de 1300 offices accompagnés sur l’ensemble du territoire français au service d’un égal accès au droit partout et pour tous.
Jérôme LAMY, Directeur des Clientèles Bancaires de la Banque des territoiresParce qu’il est important de rappeler que le droit local est d’abord un droit vivant.
Son existence, reconnue par les lois de la République, lui permet d’évoluer dans le respect des principes constitutionnels. Il évolue avec les réformes de droit général et fait l’objet d’interprétations par les juridictions. Et parce que le droit local est également, malgré son ancienneté, un droit très en phase avec son temps, et qui peut même être une source d’inspiration pour le législateur dans le cadre des réformes nationales.
Au quotidien avec les notaires et l’ensemble des professions juridiques, la Banque des Territoires se met à la hauteur des enjeux du développement et de l’évolution du Notariat, et s’adapte pour accompagner la profession dans les transformations sociétales et la digitalisation de ses outils de travail.
Je ne peux que me réjouir des étroites relations que nous entretenons avec le Conseil Interrégional des Notaires. Cette proximité dans les échanges et leurs réciprocités permettent de renforcer notre partenariat. En témoignent nos nombreuses participations aux assemblées générales en 2023 pour présenter les dispositifs en matière de lutte contre la fraude avec le déploiement d’HID Approve, ou les actions de sensibilisation pour permettre aux comptables de mieux armer les études face aux risques de malveillances de plus en plus sophistiqués. Je forme le vœu que notre partenariat continue de se renforcer et qu’il nous permette de rester présent à vos côtés. Je vous souhaite une belle célébration de ce centenaire.
Magali DEBATTE, Directrice Régionale Grand Est de la Banque des territoires
Partenaire historique des professions juridiques, la Banque des Territoires contribue à la digitalisation et à la sécurisation du service public de la Justice.
supérieur du notariat un dispositif global de sécurisation de la tenue de vos comptes. Dès le début d’année, la sécurité du dispositif d’émission des virements a été accrue avant de sécuriser l’accès à votre banque en ligne à l’été, puis l’exécution des virements externes saisis dans vos logiciels comptables, afin de contrôler et valider vos opérations avec une solution d’authentification forte.
Un maitre mot : la sécurité avant tout ! Si la sécurité est au cœur du service que nous proposons au notariat, la poursuite de la digitalisation est au cœur de notre ambition. Une ambition qui doit répondre aux besoins du quotidien des offices : accéder en mobilité à vos services bancaires, gérer avec plus d’autonomie vos activités, communiquer de façon sécurisée avec votre banque et disposer d’un bouquet complet de produits et services.
C’est pourquoi, nous souhaitons accélérer la digitalisation de vos services bancaires dans les trois prochaines années afin de :
- Sécuriser l’authentification à vos services et les échanges concernant vos comptes et opérations (renforcement du mot de passe, messagerie sécurisée…)
- Disposer d’une application mobile bancaire Banque des Territoires
- Bénéficier d’une meilleure expérience utilisateur (mise en place d’un espace client, univers unifié entre CDC-Net et la plateforme www.mon-compte.banquedesterritoires.fr, personnalisation de contenus...)
- Améliorer les services existants et développer de nouveaux services
Ces nouveaux services bancaires seront les vôtres. Nous avons donc lancé début 2024 une première communauté de clients pour collecter vos besoins, recueillir vos avis et découvrir en avant-première les premières fonctionnalités et les tester. C’est l’esprit dans lequel nous souhaitons concevoir vos services de demain.
Alexandre BROUILLOU, Directeur du Marketing et Développement, Direction des Clientèles Bancaires de la Banque des territoires
En 2023, face à la recrudescence des fraudes qui ont particulièrement ciblé le notariat, nous avons déployé en relation étroite avec le Conseil
L’intérêt général a choisi sa banque
–II–
LE DROIT LOCAL
Un droit de proximité
RÉGIS GAUTHIER
Président de la Chambre interdépartementale des notaires de Nancy
DROIT GÉNÉRAL, DROIT LOCAL, QUELLES DIFFÉRENCES ?
Régis Gauthier est notaire et Président de la Chambre interdépartementale de Nancy. Issu de la faculté de droit de Metz et diplômé du CFPN de Nancy, il est installé dans la capitale lorraine depuis 2004. Son parcours professionnel l’a conduit à exercer aussi bien en AlsaceMoselle qu’en dehors. Il a donc une expertise et une expérience singulière sur l’exercice et la pratique des deux droits : général et local. Vers lequel son cœur balance-t-il ?
Vous avez été notaire-assistant en Moselle, vous êtes désormais notaire en Meurthe-et-Moselle de l’autre côté de la frontière du droit local. Alors quel est votre droit préféré ?
Régis Gauthier : Effectivement j’étais notaire-assistant en Moselle pendant huit ans et demi, ensuite j’ai passé la frontière pour m’installer en « vieille France ». Je n’ai jamais été nommé en Alsace-Moselle pour un partage judiciaire, mais j’ai aidé, à l’époque, mon patron à les faire. C’est pour cette raison que j’ai la réputation de bien connaître les deux systèmes.
Alors sincèrement lequel je préfère… ? (en riant). J’ai davantage d’atomes crochus avec le droit local alsacien-mosellan qui repose sur « l’amiable ». Le système « vieille France » applique des règles du Code civil pures et dures. Les process et les procédures sont établis. Ils ne laissent pas la place à l’interprétation, à la concertation ou à la dérogation. Le notaire chez nous entérine les accords. Nous inscrivons les désaccords et c’est le tribunal judiciaire qui tranche.
En revanche, en Alsace-Moselle, le notaire est nommé délégué de justice. Son but est toujours que le partage aboutisse. Le notaire alsacien-mosellan va chercher des solutions par la discussion sans forcément que le juge n’intervienne pour trancher. Ses rôles de concertation et de médiation sont primordiaux.
Qu’est-ce qui caractérise le droit local alsacien-mosellan selon vous ?
R. G. : Prenons un exemple : la transmission foncière est contrôlée par un juge. Dans le cas d’une succession, en AlsaceMoselle le juge vérifie le travail du notaire. Moi à Nancy, si je fais une succession, je suis le seul à engager ma responsabilité. Voilà une illustration concrète de la philosophie des deux systèmes. D’un côté le droit local plus orienté vers la concertation et le contrôle pour éviter toutes les mauvaises surprises, de l’autre le droit général plus vif, mais moins exigeant.
La pratique notariale en AlsaceMoselle laisse-t-elle plus de place à l’Humain ?
R. G. : Oui c’est vrai, peut-être... Déjà, les missions du notaire sont beaucoup plus étendues en Alsace-Moselle qu’en
« L’OBJECTIF DU NOTAIRE
EN ALSACEMOSELLE EST DE PROTÉGER LA NOTABILITÉ ET LA RESPECTABILITÉ
DES GENS. »
« vieille France ». Par exemple, l’exécution forcée. Je vous explique : vous avez une banque qui vous prête de l’argent pour acheter votre appartement, mais vous n’arrivez pas à rembourser. La banque a pris une hypothèque. Immédiatement, il faudra lancer une procédure « d’exécution forcée » pour vendre votre bien afin de rembourser le créancier.
En Alsace-Moselle, le juge va nommer un notaire pour réaliser cette « exécution forcée ». Le notaire sera alors chargé de mettre autour d’une table l’emprunteur et le créancier pour trouver une solution afin d’organiser une vente amiable. Si aucune solution n’est trouvée, la vente aux enchères aura lieu le plus souvent dans son étude, loin des cancans et du qu’endira-t-on. Son objectif est jusqu’au bout de protéger la notabilité et la respectabilité des gens. Cette procédure est rapide. Elle laisse le moins de trace et d’amertume possible.
En revanche dans le reste de la France cela ne se passe pas du tout comme cela. On va d’abord contacter un avocat. Celui-ci va faire vendre à la barre du tri-
bunal le bien immobilier devant les quidams et les curieux. La procédure est souvent longue. Ces accidents de parcours peuvent être vécus comme de vrais traumatismes pour les personnes.
Autre exemple, le livre foncier. Nous en « vieille France » nous avons ce que nous appelons « la conservation des hypothèques » (service de la publicité foncière). Si vous vous trompez dans la lettre d’un patronyme, si vous oubliez un tiret : votre acte sera rejeté. Il va falloir produire un acte modificatif pour le petit tiret manquant : quelle perte de temps ! C’est de l’administratif pur et dur. Vous commettez la même erreur dans le livre foncier : le juge procède à l’inscription constatant qu’il s’agit de la bonne personne ; aucune perte de temps. C’est aussi une mentalité bien différente…
Un notaire d’Alsace-Moselle a-t-il la même formation qu’un notaire du reste de la France ?
R. G. : Alors… C’est la question récurrente (en souriant) ! Les formations sont exactement les mêmes. Ce qui change
c’est le concours. Je le sais d’autant plus que mon épouse est notaire en Moselle et moi en Meurthe-et-Moselle.
C’est quoi ce concours ?
R. G. : C’est un concours que vous passez pour pouvoir postuler et être sur une liste d’attente afin de pouvoir exercer en Alsace-Moselle et avoir une étude. La différence c’est quoi ? Moi en tant que notaire à Nancy j’ai dû acheter mon étude. J’ai emprunté, je n’avais pas beaucoup d’argent. Je ne suis ni fils de notaire, ni petit-fils de notaire. Ma mère était vendeuse et mon père comptable. Ils n’avaient absolument pas les moyens de me payer une étude contrairement aux préjugés que l’on peut se faire sur les notaires. En Alsace-Moselle, les confrères ont eu la même formation initiale que la mienne. Donc un notaire d’Alsace-Moselle peut s’installer où il veut en France. Mais en plus de cet examen qu’il a dû obtenir pour devenir notaire, il passe un concours spécial pour exercer uniquement en Alsace-Moselle : le concours de droit local.
« LE DROIT LOCAL
A ENCORE UNE LONGUE VIE DEVANT LUI. »
Les notaires d’Alsace-Moselle sontils dès lors mieux rémunérés que ceux du reste de la France ?
R. G. : Tous les tarifs sont réglementés. Cela ne change rien. Nous avons tous les mêmes tarifs sur tout le territoire national.
En matières notariales quelles sont les grandes différences entre le droit local et le droit général ?
R. G. : Les principales différences en matières notariales sont le livre foncier, l’exécution forcée, et le partage judiciaire. Ce sont les trois principales différences. Ensuite, il existe des singularités, mais elles sont à la marge. Par exemple en ce qui concerne le droit des cultes. Lorsque j’étais notaire assistant en Moselle, j’ai réalisé une vente par une mense curiale. Quand vous parlez de cela en « vieille France » on vous fait des yeux tout ronds. Une mense curiale, c’est le patrimoine affecté au curé du village. Cela n’existe qu’en Alsace-Moselle, c’est presque folklorique quand on y pense. Et les textes sur ce sujet sont très particuliers en la matière puisqu’ils datent de bien avant l’annexion de 1871. C’est en fait un droit qui existait auparavant dans toute la France et qui a été conservé malgré toutes les vicissitudes de l’histoire.
Un notaire de la France de l’intérieur peut-il produire des actes pour des alsaciens ou des mosellans ?
R. G. : Je suis mosellan d’origine et même si j’exerce à Nancy, j’ai beaucoup de dossiers qui sont en Moselle. Mais parfois effectivement je suis contraint de dire à mes clients que je ne peux pas intervenir. Une maison vendue à Metz, je peux produire un acte notarié. En revanche, pour un partage judiciaire d’une maison à Metz, je ne peux pas recevoir la demande. Ce sera obligatoirement un notaire d’Alsace-Moselle qui pourra s’en occuper.
Pourquoi ?
R. G. : Parce que même si j’en ai une connaissance fine, je ne suis pas notaire en droit local comme tous mes autres confrères qui n’exercent pas sur les trois départements (Moselle, Bas-Rhin, HautRhin). Je n’ai juridiquement pas la compétence. Je n’ai pas eu le concours de droit local pour effectuer un partage judiciaire pour un bien effectué en Alsace-Moselle.
Avez-vous le sentiment concernant la pratique notariale que le droit général puise de plus-en-plus dans le droit local alsacien-mosellan ?
R. G. : Personnellement j’aimerais qu’il vienne davantage puiser ! Sur l’exécution forcée, comme je vous l’ai dit, ce serait un véritable gain pour la justice. Qu’y a-t-il de plus professionnel qu’un notaire en matière immobilière pour traiter d’une vente d’un bien immobilier ? Là aujourd’hui, c’est à la barre du tribunal avec des cahiers des charges, des choses très compliquées et ultra administratives que tout s’opère. Ce sont des frais très lourds qui sont engendrés. Tout cela n’existe pas en Alsace-Moselle ! Le notaire qui fait l’exécution forcée est rémunéré de manière règlementée. Il est au centre de la manœuvre.
Dommage que le droit local ne diffuse pas sur le reste du territoire ses bonnes pratiques et sa vocation de « l’amiable et de la concertation… »
R. G. : Effectivement en « vieille France », les notaires sont censés suivre des procédures bien établies. Mais en pratique, personnellement, le process je ne l’applique pas… J’essaie, comme dans le droit local alsacien-mosellan, de trouver des solutions amiables. Je m’évertue à cela. Et je pense que je ne suis pas le seul notaire à faire cela. Alors forcément ces moyens que je me donne ne sont pas
traditionnels ni orthodoxes. J’explique simplement à mes clients que s’ils le veulent nous pouvons suivre strictement les textes avec ce que cela va coûter : expertises auprès d’un expert du tribunal, recours éventuels avec les avocats et durée de la procédure ; mais que nous pouvons aussi sortir des textes en trouvant un partage amiable. Donc oui, la philosophie du droit local irrigue bien au-delà de l’Alsace-Moselle.
Et alors, obtenez-vous des résultats ?
R. G. : Cela fait vingt-ans que je suis installé à Nancy, j’ai seulement eu deux dossiers où j’ai dû renvoyer devant le tribunal.
Le droit local alsacien-mosellan est-il un droit reconnu en dehors de ses frontières ?
R. G. : Absolument pas. D’ailleurs lorsque vous échangez avec des confrères qui ne sont pas frontaliers avec l’Alsace-Moselle concernant un acte du droit local, ils sont perdus. Ils ne connaissent pas le droit local. L’objet de la célébration du centenaire est aussi de mieux le faire connaitre et de mieux l’appréhender.
Vous craignez pour l’avenir du droit local ?
R. G. : Absolument pas. Je crains davantage pour l’avenir du métier de notaire notamment par rapport à la libéralisation des tarifs règlementés qui est envisagée. Ce sera une catastrophe pour les particuliers que nos gouvernants appliquent cette déréglementation : les coûts vont devenir exorbitants. Mon combat en tant que Président de la Chambre interdépartementale de Nancy est là actuellement, c’est l’urgence. Le droit local a encore une longue vie devant lui. a
LE DROIT LOCAL, SOURCE D’INSPIRATION POUR LE DROIT GÉNÉRAL
Les réformes intervenues depuis 1924 en droit général se sont inspirées du droit local alsacien-mosellan. Parfois en le reprenant, sans toutefois abroger la disposition locale, parfois en l’abrogeant tout en la modernisant. Voici quelques exemples de réussites juridiques du droit local au profit de tous les Français.
LA FAILLITE CIVILE
La procédure de rétablissement personnel du Code de la consommation s’est inspirée de la faillite civile de droit local, notamment en ce qui concerne l’extinction totale du passif, en cas d’insuffisance d’actif.
LA MÉDIATION
AVANT L’HEURE : L’EXÉCUTION FORCÉE
La mission du notaire dans le cadre des débats de l’article 147 de la loi de 1924 en matière d’exécution forcée immobilière permet d’envisager avec le débiteur la solution d’une vente amiable, préférable à l’adjudication dont le prix final sera souvent inférieur.
LA MÉDIATION AVANT
L’HEURE : LE PARTAGE JUDICIAIRE
La mission de médiation dévolue au notaire en matière de procédure de partage judiciaire du droit local par l’article 232 de la loi de 1924 a devancé les procédures de médiation et conciliation prévues par les articles 127 et 1530 et suivants du Code de procédure civile. Par ailleurs, les pouvoirs accrus du notaire en procédure de partage judiciaire de droit général, tels que prévus par les articles 1364 et 1376 du CPC, se rapprochent de ceux du notaire en droit local depuis l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 27 mars 2024 (n° 22-13041).
LA PREUVE DE LA QUALITÉ D’HÉRITIER
Le certificat d’héritier du droit local a inspiré l’acte de notoriété de l’article 730-1 du Code civil et la protection du tiers acquéreur en découlant introduit dans le Code civil en 2001.
LE LIVRE FONCIER
L’informatisation du livre foncier par la loi du 4 mars 2002 a devancé les travaux de numérisation du service de la publicité foncière de droit général. La réforme de la publicité foncière en 1955 s’est inspirée de certains principes fondamentaux du livre foncier à l’image de l’effet relatif.
L’HUMAIN AU CŒUR DU MÉTIER DE NOTAIRE
Notaires associés, salariés ou titulaires en Alsace-Moselle, ils ont tous en commun l’attachement au droit local et au fondement de leur métier : accompagner les gens dans les moments importants de leur vie. Rencontre avec ces jeunes notaires qui rompent avec l’image de l’officier public et ministériel derrière son bureau.
MARION COSSUS NOTAIRE ASSOCIÉE À INGWILLER
Son concours de droit local en poche depuis 2017, Marion Cossus, 35 ans, s’est installée en tant que notaire associée en septembre 2022 à Ingwiller (67) avec Émilie Klein.
Marion Cossus a toujours eu en tête de devenir notaire. « Après mon master 2 en gestion de patrimoine, j’ai intégré le Centre de Formation Professionnelle Notariale (CFPN), car je ne souhaitais pas me limiter à la partie financière, mais accompagner les gens tout au long de leur vie. L’humain est ce que j’apprécie le plus dans mon métier, même si parfois les situations sont douloureuses ou difficiles. » Contrats de mariage, succession, divorces... Le notaire reste un précieux conseil.
LE RENDEZ-VOUS
CONSEIL EST GRATUIT...
« Je regrette la mauvaise image que l’on a de notre profession, alors que notre rôle est d’accompagner les gens, de répondre à leurs questions, rappelle Marion Cossus. Ils n’osent pas forcément venir nous voir alors que nous ne sommes pas là uniquement pour les ventes et les actes. Le rendez-vous conseil est gratuit et permet d’anticiper les éventualités de la vie. » Notaire stagiaire puis salariée, elle reprend une étude notariale à Ingwiller en septembre 2022 en pleine crise de l’immobilier. « Nous avons eu le soutien de toutes nos instances et une vraie bienveillance de nos confrères », souligne-t-elle. En devenant associée, Marion Cossus découvre le métier de chef d’entreprise : « C’est un métier en plus du notariat, mais c’est passionnant ! », assure-t-elle. Dans sa petite étude de campagne dont elle a toujours rêvé, Marion Cossus gère la comptabilité et l’accompagnement de ses collaborateurs, trois clercs de notaire et une secrétaire, pour un quotidien chargé ! Pas de quoi entamer sa passion pour la profession qui rajeunit et se féminise. « On ne s’ennuie jamais, car chaque personne est différente. » a
Barbara Romero Nicolas RosèsL’HUMAIN AU CŒUR DU MÉTIER DE NOTAIRE
GUILLAUME HAUPTMANN NOTAIRE ASSOCIÉ À JEBSHEIM
près son master 2 en droit de l’environnement et des risques à la Faculté de Strasbourg, Guillaume Hauptmann décide de postuler dans une étude notariale pour se faire une meilleure idée du métier. « Entre avoir des connaissances sur une profession et la pratiquer au quotidien, ce n’est pas la même chose, rappelle-t-il. En tant que notaire, vous assistez les gens dans les étapes importantes de leur vie, mariage, divorce, succession, et ce n’est pas forcément évident. Nous sommes un peu comme les médecins généralistes, nous sommes là quand on a besoin de nous. C’est surtout l’aspect humain du métier qui m’a convaincu. L’accompagnement au quotidien, mais aussi le plaisir de trouver des solutions. Lorsque l’on arrive à diminuer les droits à payer, c’est un peu jouissif ! »
AÊTRE PROCHE DES GENS
Son cursus ? Un master 2 en droit notarial, puis un diplôme supérieur du notariat à Dijon en régime salarié, avant de réussir le concours de droit local. « Je n’ai jamais vraiment quitté ma région, j’y suis très attaché, ainsi qu’au droit local... J’ai eu la chance de réussir le concours ! », reconnaît-il.
Guillaume Hauptmann apprécie particulièrement d’exercer dans un village où les rapports sont peut-être un peu moins
Dans le notariat depuis 2008, Guillaume Hauptmann, 42 ans, a repris l’étude de Jebsheim (68) le 1er janvier 2021.
guindés qu’en ville. « Dans un village, la mentalité est d’être proche des gens, nous offrons un service de proximité, sans que cela débouche forcément sur un acte notarié. Les habitants me connaissaient avant que je reprenne l’étude, il n’est pas question de prendre le melon, sourit-il. En trois ans, nous avons doublé nos effectifs, passant de cinq à dix personnes. Nous nous attachons à expliquer les choses concrètement, à ne pas noyer nos clients dans un jargon juridique incompréhensible. Notre génération est loin de l’image du notaire assis derrière son bureau, nous nous asseyons tous autour d’une table. » a
L’HUMAIN AU CŒUR DU MÉTIER DE NOTAIRE
Notaire salariée à Haguenau (67), Stéphanie
Roth-Richert
ambitionne d’avoir son étude dans son Alsace natale à laquelle elle est très attachée.
STÉPHANIE ROTH-RICHERT NOTAIRE SALARIÉE À HAGUENAU
Diplômée de la Faculté de Strasbourg, Stéphanie RothRichert, 42 ans, a également suivi une année d’étude à Heidelberg pour se familiariser avec le droit allemand. Elle passe ensuite l’examen du CFPN (Centre de Formation Professionnelle Notariale) avec un stage de deux ans, puis devient notaire assistante. En 2014, elle décroche le concours de droit local et choisit de devenir notaire salariée dans une étude à Haguenau dont elle est originaire. « J’ai des enfants en bas âge. Être salariée me permet de gérer mes dossiers de A à Z, sans la dimension de cheffe d’entreprise et de concilier vie professionnelle et vie de famille. Mais j’ambitionne d’avoir ma
propre étude, dans le Bas-Rhin ou le Haut-Rhin, confie-t-elle. Le notariat permet d’avoir une vraie trajectoire professionnelle et d’exercer sa profession selon son statut, entre notaire assistant, salarié ou associé. »
UN MÉTIER QUI ÉVOLUE SELON LES ÉTAPES DE SA VIE
Passionnée dès ses études par la diversité du métier de notaire, Stéphanie Roth-Richert le confirme au quotidien : « Chaque situation de vie est différente. On est tour à tour conseiller, médiateur, confesseur... La relation peut être intime et durable. Il n’y a pas de lassitude. J’aime les relations humaines. En tant que notaires, nous devons faire preuve d’empathie. »
Pour exercer son métier, « il faut être organisé, curieux, ne jamais avoir peur de dire que l’on ne sait pas, mais que l’on va trouver l’information, sourit-elle. Ce n’est pas un métier facile, chronophage : quand nos journées finissent, celles de nos clients commencent ! Mais c’est enrichissant de les accompagner dans les étapes importantes de leur vie. » Stéphanie Roth-Richert apprécie également le côté non-conflictuel du notariat : « Le notaire est en quelque sorte un juge de paix, un magistrat à l’amiable. » Une profession paritaire également. « Le métier se féminise, de plus en plus de femmes osent être à la tête d’étude et mènent très bien leur barque. Tout est question d’équilibre ! ». a
L’HUMAIN AU CŒUR DU MÉTIER DE NOTAIRE
ANNE MULLER NOTAIRE À BOUZONVILLE
Notaire bilingue franco-allemand installée à Bouzonville (57) depuis
2022, Anne Muller a trouvé son équilibre dans le notariat après avoir longtemps rêvé d’être juge d’instruction.
Après des études en droit franco-allemand à l’Université de Sarrebruck, puis à Strasbourg, Anne Muller, 41 ans, a validé un master 2 en sciences criminelles. « Pendant mes études, j’étais assistante de justice au tribunal de grande instance de Sarreguemines, et je rêvais de devenir juge d’instruction, confie-t-elle. J’ai préparé le concours de magistrature que je n’ai pas eu la première fois, et la seconde, je suis arrivée 250e alors qu’il n’y avait que 80 places. L’année suivante, ils ont ouvert 300 places de magistrats ! J’ai alors intégré l’école de notariat à Strasbourg avec une année d’étude et deux ans de stage, dont six mois à Berlin. »
ÊTRE NOTAIRE DE FAMILLE
Mosellane d’origine, Anne Muller commence sa carrière professionnelle à Strasbourg avant de rejoindre Metz en tant que notaire assistante, puis en tant que salariée à Bouzonville. Étude dont elle sera nommée titulaire en août 2022. « J’aurais eu le droit à une troisième chance dans la magistrature, mais le notariat m’a plu. J’ai commencé en tant que rédacteur d’actes, ce qui m’a permis
de bien gérer les fondements du métier. C’est le contact direct avec le client, être le notaire de famille, que j’aime énormément. Je ne regrette pas mon choix ! »
Situé à la frontière de l’Allemagne, Bouzonville lui permet de mettre en œuvre ses compétences juridiques allemandes. « Je suis bilingue et la particularité du droit local Alsace-Moselle est d’avoir des actes en double colonne allemand-français, précise-t-elle. Je fais également beaucoup de traduction orale, parfois des actes en double colonne, car nous avons beaucoup de clients allemands qui habitent dans le secteur. »
Être titulaire à seulement 41 ans est pour Anne Muller une chance : « Tous les jours sont différents, le domaine juridique nécessite une réflexion quotidienne qui me donne envie de m’investir et d’œuvrer pour la profession, confie-t-elle. C’est pour cela aussi que je suis membre de la Chambre des notaires de Moselle, car c’est important d’expliquer ce qu’est un notaire, à savoir avant tout un conseil juridique qu’il ne faut pas hésiter à consulter pour être aidé pour sa société ou sa famille. » Avec cette triple casquette de notaire, de conseil et de patron d’un office de cinq salariés pour sa part. a
L’HUMAIN
AU CŒUR DU MÉTIER DE NOTAIRE
PIERRE-HENRI FONTAINE
NOTAIRE À
SAINTE-MARIEAUX-MINES
Titulaire de son étude à Sainte-Marie-aux-Mines (68) depuis mai 2021, Pierre-Henri Fontaine, 36 ans, a connu un démarrage plutôt atypique, mais hautement formateur.
Titulaire d’un master 2 en gestion de patrimoine de la Faculté de Strasbourg, Pierre-Henri Fontaine se dirige vers le notariat après un premier stage convaincant. Il réussit le concours du CFPN en 2012, puis réalise son stage de deux ans chez Liliane NicastroTangredi. En 2016, il décroche le graal du premier coup : le concours de droit local. Jusque-là, un parcours plutôt classique. Mais en 2016, son employeur présente sa démission au Garde des Sceaux. « Son étude était vacante, et on m’a proposé la suppléance... J’avais 28 ans, rembobine Pierre-Henri Fontaine. J’étais mi-figue, mi-raisin. À la fois très content, mais c’était aussi sauter très jeune dans le grand bain, avec la gestion d’une petite entreprise qu’est un office. Finalement, c’était très formateur et positif. »
Sa suppléance dure huit mois, mais la règle de l’ancienneté accorde l’étude à sa consœur Cordélia Hurth-Lepercq. « Et là, je redeviens notaire assistant et reperds la signature... C’était difficile ! Malgré notre très bonne entente, elle ne pouvait me
salarier, confie-t-il. C’était compliqué de rétrograder, donc quand j’ai eu l’opportunité de devenir salarié chez Raymond Krebs, je suis parti, à la fin de l’été 2019. »
UN MÉTIER À 100 À L’HEURE
En mai 2021, Pierre-Henri Fontaine candidate pour reprendre l’étude de SainteMarie-aux-Mines. « J’étais en seconde position sur cinq dossiers. La première a renoncé pour s’installer à Sélestat, j’ai donc obtenu l’étude. » Deuxième, toujours en raison de la règle de l’ancienneté. « Ce n’est pas évident, mais connu de tous dès que l’on intègre le notariat. »
Avoir son étude est un aboutissement. « Le choix s’est conforté en exerçant mon métier. Au début, on est technicien de la théorie, puis l’on devient praticien. Il faut compter une dizaine d’années pour être à l’aise », estime-t-il. « J’ai pu faire mon choix de métier après trois stages différents en tant qu’avocat, dans une juridiction et dans une étude. Être notaire, c’est
être au cœur de l’humain, des secrets de famille, des moments importants de la vie. Il faut être dans la technicité en permanence, c’est un métier à 100 à l’heure ! »
Si le métier connaît un ralentissement pour la partie immobilier, l’activité reste dense. « Le nombre de successions a augmenté, c’est une matière toujours plus exigeante, qui nécessite de se replonger dans un ouvrage, d’être stimulé. »
Être jeune est-ce selon lui un avantage ou un inconvénient ? « C’est à la fois un avantage par rapport au chamboulement technologique que l’on doit maîtriser. L’inconvénient, c’est qu’il s’agit d’un métier où la pratique nous enrichit. Dans dix ans, ma gestion de certaines situations sera meilleure, car j’aurai acquis davantage d’expérience. Même si j’ai la boîte à outils qui me permet de régler chaque cas. »
Ce qui lui tient à cœur ? « Casser l’image du notaire du film Les Trois frères ! s’amuse-t-il. Notre rôle d’officier public est de faire comprendre les actes qui sont signés. » a
Depuis plus de 50 ans, notre Institut accompagne les notaires et leurs collaborateurs dans l’évolution de leurs compétences professionnelles.
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NOTARIAT : LES LIEUX DE CONSULTATION GRATUITE
Afin de faciliter et de promouvoir l’accès au droit, les notaires de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin assurent des consultations juridiques gratuites en matière immobilière, de patrimoine, de droit de la famille ou de l’entreprise, accessibles à tous dans différents points de consultations répartis sur tout le territoire. Le Conseil interrégional des Notaires Alsace Moselle a également mis en place un service de consultations téléphoniques offertes, Direct Notaire.
Moselle
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POINT JUSTICE DE THIONVILLE
CCAS de Thionville
29 boulevard Jeanne d’Arc 57000 THIONVILLE
J Les mardis matins, sur rendez-vous au 03 82 53 35 57
MAISON DE LA JUSTICE ET DU DROIT DU VAL DE FENSCH 10 rue de Wendel 57700 HAYANGE
J 2e lundi et 3e mercredi du mois de 9h à 11h, sur rendez-vous au 03 82 51 98 62
MAISON DE LA JUSTICE ET DU DROIT 17 place Jean Perrin 57140 WOIPPY
J 3e jeudi matin de chaque mois, sur rendez-vous au 03 87 18 50 67
POINT-JUSTICE DE BORNY Pôle des Lauriers 3bis rue d’Anjou 57070 METZ
Bas-Rhin
POINT JUSTICE DE CREUTZWALD 12 rue de Cochois 57150 CREUTZWALD
J le 1er jeudi du mois à 10h, sur rendez-vous au 03 87 81 89 89
MAISON DE LA JUSTICE ET DU DROIT
1 allée René Cassin 57380 FAULQUEMONT
J Un lundi et un mercredi par mois, sur rendez-vous au 03 87 90 00 22
J 3e mardi du mois de 9h à 12h, sur rendez-vous au 03 87 24 40 00 2
POINT JUSTICE DE CHÂTEAU-SALINS
J le 1er jeudi du mois, sur rendez-vous au 03 87 05 08 20 (ligne directe) ou au 03 87 05 10 22
J 3e mercredi du mois de 9h à 12h, sur rendez-vous au 03 82 51 98 62 ou à l’accueil du Pôle des Lauriers
L’INFOBEST PAMINA Ancienne douane 67630 LAUTERBOURG
J Permanence notariale transfrontalière. Les 1ers mardis du mois sur rendez-vous de 14h à 17h. Prendre contact à l’INFOBEST PAMINA directement au 03 68 33 88 00
POINT JUSTICE DE PHALSBOURG
MAISON DE LA JUSTICE ET DU DROIT 6 rue de Flandre 67000 STRASBOURG
J Les 2e, 3e et 4e mardis du mois (sauf au mois d’août) sur rendez-vous, de 14h à 17h.
Prendre contact à la MJD directement au 03 90 20 64 14
CENTRE EUROPÉEN DE LA CONSOMMATION POINT DE CONTACT FRANCO-ALLEMAND Bahnhofsplatz 3 77694 KEHL ALLEMAGNE
J Le 2e mardi du mois de 10h à 12h. Remplir le formulaire de demande de contact à : https://www.cec-zev.eu/thematiques/justicesans-frontiere/le-projet-justice-sans-frontiere/ formulaire-du-point-de-contact-francoallemand-pour-la-justice/ 9 10 11
Haut-Rhin
Direct Notaire
MAISON DE LA JUSTICE ET DU DROIT
11 avenue de Rome
68000 COLMAR
J Bimensuel lundi de 14h à 16h, sur rendez-vous au 03 89 80 11 67
MAISON DE LA JUSTICE ET DU DROIT
14 rue du 6e Régiment de Tirailleurs Marocains
68100 MULHOUSE
J Bimensuel
jeudi de 14h à 16h, sur rendez-vous au 03 89 36 80 30 12
Service de consultations téléphoniques gratuites organisé par le Conseil interrégional des notaires.
J La mardi et le vendredi de 17h à 18h sur inscription en ligne :
ROBERT MALGRAS
Président des associations THERAS SANTÉ et ATHENES
LE DROIT LOCAL AIME
LES ASSOCIATIONS
La loi du 1er juillet 1901 sur les associations n’est pas applicable dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle. Les associations qui ont leur siège dans ces trois départements sont régies par le Code civil local. Elles bénéficient d’une pleine capacité juridique. Or Norme a demandé à Robert Malgras, président de plusieurs associations ce que le droit local lui apporte dans sa gestion, mais aussi les relations qu’il entretient avec les notaires pour le développement de celles-ci. À 76 ans, cet ancien député socialiste issu du milieu ouvrier, ancien conseiller régional et général, lunévillois de naissance, mais thionvillois d’adoption est toujours aussi actif et fervent défenseur du droit local alsacien-mosellan.
Quel parcours !
Robert Malgras : Mon engagement associatif a toujours été au cœur de ma vie qui est aussi passée par la vie politique, c’est vrai. Mais moi je ne suis pas notaire (en riant) . J’essaie simplement d’être Maître dans mon domaine.
Dans ma vie professionnelle, j’étais sidérurgiste jusqu’en 1969. J’ai ensuite débuté une vie associative dans les années soixante-dix à Lunéville, dans un département qui n’est pas concerné par le droit local. J’ai d’abord été impliqué dans les associations populaires familiales (APF) qui est aujourd’hui la Confédération Syndicale du Cadre de Vie (CSCV). J’ai ensuite été élu assez jeune en 1977, à la ville de Thionville comme adjoint au maire, chargé des affaires sociales. En 1981, je suis élu député de Moselle, puis conseiller régional de Lorraine en 1986, puis conseiller général de Moselle en 1988.
Vous auriez pu rester tranquillement chez vous et profiter d’une retraite bien méritée, mais votre engagement associatif ne s’est jamais éteint…
R. M. : Aujourd’hui, je suis président de deux associations thionvilloises. L’une à la création de laquelle j’ai participé en 1980 : ATHENES, l’association thionvilloise pour l’essor de nouveaux espaces sociaux. C’est une association qui a cinquante-cinq salariés, quatre millions d’euros de budget. Nous sommes dans le domaine AHI, c’est-à-dire Accueil Hébergement Insertion des populations en difficulté. Nous avons deux centres d’hébergement et de réinsertion sociale et un certain nombre d’actions dans ce domaine.
L’autre association que je préside est beaucoup plus importante. J’avais également contribué à sa création. Elle s’appelle THERAS Santé. Sa mission
est d’accompagner les personnes âgées dans tous les stades du vieillissement. Là, nous gérons trois EHPAD (établissement d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes), une résidence autonomie et des services de maintien à domicile. C’est une association qui a près de deux cents salariés et de l’ordre de douze millions d’euros de budget.
Comment vous arrivez à gérer tout cela ?
R. M. : (en riant) Oh c’est juste quarante ans d’engagement ! Je suis retraité depuis 2009. J’ai un petit fils qui me dit toujours : « papy est complètement fou ! Il fait plus de trente-cinq heures et il n’est même pas payé ». Je lui ai appris ce qu’était le bénévolat. J’espère, comme moi, que cela le guidera dans sa vie future.
Quelles sont les relations que vous avez eues avec les notaires ?
R. M. : Depuis que les taux d’emprunts sont relativement bas, j’ai profité, comme le droit des associations du droit local le permet, d’acquérir un patrimoine important pour les deux associations que je gère. Tout cela est possible en Alsace-Moselle, cela aurait été beaucoup plus contraignant dans le reste de la France.
Comme le Code civil local s’applique toujours en Alsace-Moselle, j’ai donc pu acheter au profit des associations deux EHPAD et une résidence autonomie de cinquante-sept logements. Nous avons donc eu besoin des notaires pour l’acquisition de tout ce patrimoine. Ils nous ont aidés lors des transactions. Le droit local a véritablement facilité les opérations. Tout aurait été beaucoup plus compliqué pour une association dont le siège aurait été en dehors des trois départements.
Ce patrimoine peut aussi être vendu beaucoup plus facilement. Finalement,
le droit local apporte une liberté beaucoup plus importante avec les décisions claires du conseil d’administration de nos associations.
Avec le droit local, nos associations bénéficient d’une pleine capacité juridique, c’est-à-dire que nous disposons des mêmes prérogatives qu’une personne physique : nous pouvons posséder de l’immobilier et du patrimoine.
Le droit des associations permet-il de faire des bénéfices ?
R. M. : Non, il permet de faire des excédents. Ce n’est pas la même chose. Comment pourrions-nous investir et entretenir notre patrimoine si nous n’avions pas la possibilité de réaliser des excédents ? Je précise que ces excédents retournent en totalité aux usagers et aux orientations des associations. Nous n’avons aucun actionnaire à rétribuer.
Pourtant le droit des associations en Alsace-Moselle permet d’exercer des activités lucratives et même, si les statuts le précisent, de partager les ressources entre les membres…
R. M. : Pas chez nous ! Nos valeurs ne le permettent pas. Franchement c’est un dispositif du droit des associations à la marge. J’ai passé toute ma vie dans les associations, jamais je n’ai vu cela appliquer. Même lorsqu’une association disparaît, en cas de dissolution, il est toujours précisé que les biens restants reviendront à des organismes ou des associations similaires.
Vos associations peuvent-elles percevoir des dons et des legs ?
R. M. : Les associations que je dirige sont reconnues comme exerçant des activités d’intérêt général. Elles ont une mission d’utilité publique. Conformément au droit local, cela nous permet de percevoir des dons et de délivrer des certificats de déduction fiscale pour les donateurs.
Diriez-vous que le droit local protège mieux les associations que dans le reste de la France ?
R. M. : La loi locale sur les associations est très précise sur le mode de fonctionnement, cela garantit une plus grande sécurité juridique. Pour bénéficier de la personnalité juridique complète, les associations doivent déposer leurs statuts au registre des associations
« J’AI LE SENTIMENT QUE LE CONTRÔLE DES ASSOCIATIONS EST BIEN PLUS PRÉSENT EN
ALSACE-MOSELLE. »
du tribunal judiciaire. Dans le reste de la France, les associations doivent se déclarer en préfecture. Il y a là une différence importante sur la protection juridique dont bénéficient les associations dans nos trois départements. Et puis, mais là c’est l’expérience qui parle, j’ai le sentiment que le contrôle des associations est bien plus présent en Alsace-Moselle que partout ailleurs, notamment au moment de la création d’une association.
Le Code civil local qui est toujours applicable peut se montrer plus contraignant que la loi de 1901 appliquée au reste de la France…
R. M. : Effectivement, la création d’une association du Code civil local ne peut se faire qu’avec un nombre relativement important de personnes. Il faut être au minimum sept pour créer une association en Alsace-Moselle et non pas deux comme dans le reste de la France.
Quand vous étiez parlementaire, vous aviez l’impression que vos collègues députés avaient connaissance du droit local ?
R. M. : Absolument pas. Si bien qu’à chaque projet de loi il fallait être extrêmement vigilant pour que cela n’influe pas sur le droit local. Je suis un partisan résolu du droit local qui apporte des avantages et des protections importantes pour les populations, mais aussi pour les collectivités ou les municipalités. Par exemple, un tiers des conseillers municipaux qui réclament un conseil municipal peuvent l’obtenir.
Vous allez participer aux festivités du centenaire du droit local, qu’en attendez-vous ?
R. M. : J’espère que ce centenaire permettra de mieux faire connaître notre droit local alsacien-mosellan et notre droit des associations. Je souhaite aussi que sur certains points, il soit dépoussiéré. Ne nous arc-boutons pas sur le droit local. Il est très positif et plus avantageux, nous le savons tous. Mais nous devons être capables de le faire évoluer, de l’adapter, sinon il disparaîtra. a
LE DROIT DES CULTES UN EXEMPLE DE LAÏCITÉ
Le droit des cultes est garanti par la Constitution française. Mais comment se fait-il qu’en Alsace-Moselle les officiers du culte soient rémunérés par l’État ?
Comment se fait-il que des cours de religion confessionnels soient obligatoirement prodigués dans les écoles publiques ?
Comment se fait-il que les Alsaciens et les Mosellans bénéficient de deux jours fériés supplémentaires pour des fêtes religieuses (le Vendredi Saint et la Saint-Étienne) ?
Signature du Concordat, anonyme, vers 1801
Le droit des cultes en AlsaceMoselle issu du droit local suscite de nombreuses polémiques à l’Assemblée nationale où des députés n’hésitent pas à dire qu’ils souhaitent « son abrogation ». Arguments avancés : la laïcité et la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État.
Au moment où les différents gouvernements français qui se sont succédés s’interrogent sur le « séparatisme » ; sur le financement des cultes et leurs origines ; sur les subventions publiques accordées à l’entretien, la construction, la rénovation d’édifices religieux ; sur « la nécessité d’une adhésion à une charte commune de valeurs partagées entre les Églises et la Nation » ; le droit des cultes d’Alsace-Moselle, basé sur le respect et la connaissance d’autrui, apparaît finalement comme un exemple : une laïcité qui fonctionne bien.
Ce droit des cultes en Alsace-Moselle (finalement plus ouvert que dans le reste de la France) respecte les différences de chacun tout en imposant un cadre juridique. Ce droit des cultes donne des droits aux religions, mais leur impose des devoirs : le respect des valeurs démocratiques et républicaines, des droits de l’Homme, de l’égalité femmes hommes, de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Il provoque dans la concorde le débat interreligieux. Cela va dans le sens de ce qui est aujourd’hui pratiqué dans une majorité de pays européens.
FAIRE ÉVOLUER
LE DROIT DES CULTES ?
La Constitution française ne permet pas de faire évoluer le droit des cultes en Alsace-Moselle. Cela rend impossible l’entrée de l’islam par exemple (au grand dam de l’ensemble des cultes)
dans les dispositifs faussement appelés « Concordat ».
Le « Régime spécifique des cultes à l’Alsace-Moselle » qui permet de salarier les ministres des cultes se limite donc aux religions présentes en 1801 lors de la signature du Concordat entre Napoléon Bonaparte et Pie VII : catholique, luthérien, réformé et israélite. Les cultes apparus plus tard en sont tous exclus : évangélistes, juifs libéraux, orthodoxes, hindouistes, bouddhistes, musulmans etc.
Ainsi les évêques de Metz et Strasbourg sont nommés par décret du Président de la République. Pour l’anecdote, c’est le dernier chef d’État au monde à nommer, après accord du Saint-Siège, des évêques catholiques.
Les grands rabbins, les présidents et membres des consistoires protestants
« LE DROIT
DES CULTES D’ALSACEMOSELLE, BASÉ SUR LE RESPECT ET LA CONNAISSANCE D’AUTRUI, APPARAÎT FINALEMENT COMME UN EXEMPLE : UNE LAÏCITÉ QUI FONCTIONNE BIEN. »
et israélites sont nommés par le Premier ministre. Le ministre de l’Intérieur est chargé de nommer les officiers du culte.
Le droit des associations spécifique à l’Alsace-Moselle permet en revanche de financer ou de subventionner avec de l’argent public toutes les associations cultuelles, ainsi que tous les édifices religieux. Ces associations peuvent recevoir des libéralités à titre gratuit, bénéficier de soutiens financiers, de mise à disposition de terrain ou de locaux… Toutes les communautés ayant un caractère congrégationniste peuvent ainsi bénéficier du droit local alsacien-mosellan sans contrainte ni discrimination. a
UNE EXPOSITION ITINÉRANTE POUR PROMOUVOIR LE DROIT DES CULTES
Pour faire la promotion du droit des cultes alsacien-mosellan, la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) et l’Institut du Droit
Local (IDL) organisent depuis janvier 2023, une exposition itinérante consacrée au droit des cultes en Alsace-Moselle.
Déjà présentée dans de nombreuses communes comme Strasbourg, Mulhouse, Gundershoffen, Thann, Eschau, Brumath… son caractère pédagogique et didactique lui permet de recueillir un grand succès auprès du public.
Cette exposition intitulée Comment les religions coexistent en Alsace ? prendra prochainement un caractère davantage mosellan avec l’ajout de panneaux consacrés à Robert Schuman (voir encadré). Elle pourra ainsi être présentée prochainement dans les communes de Moselle.
Actuellement dix exemplaires de cette exposition circulent. Les représentants des cultes catholique, musulman, bouddhiste, protestant, en disposent chacun d’un exemplaire. Deux jeux sont réservés aux associations des maires du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Trois sont à disposition à la CeA qui les prête sur simple demande motivée. a
Le Droit local des cultes
Comment les religions coexistent en Alsace-Moselle ? (exposition itinérante de la CeA)
SAINT ROBERT SCHUMAN ?
Né au Luxembourg en 1886, de nationalité allemande jusqu’en 1919, puis française, député de Moselle, ministre des Affaires étrangères, Robert Schuman est un des pères fondateurs de la construction européenne, président de l’Assemblée parlementaire européenne de 1958 à 1960, toute sa vie il a œuvré pour l’amitié franco-allemande.
Sa langue maternelle était le luxembourgeois. Il apprendra le français et l’allemand standard à l’école.
Robert Schuman rejette la mouvance autonomiste des Alsaciens et des Mosellans extrêmement puissante avant-guerre.
Il privilégie une solution politique mixte qui permet l’assimilation juridique progressive en conservant des dispositions essentielles aux yeux des populations, notamment le droit des cultes.
Radio Judaïca interroge le viceprésident de la CeA, Jean-Philippe Maurer au sujet de l’exposition itinérante sur le droit des cultes.
Fervent catholique, il va se montrer particulièrement décisif pour son maintien, lors des débats de 1924 à l’Assemblée nationale.
L’église catholique, par le pape François, a reconnu Robert Schuman « vénérable » en 2021. Première marche avant une possible béatification.
UNE RELIGION D’ÉTAT
498 – Le baptême de Clovis scelle l’alliance entre le pouvoir royal et le pouvoir religieux. La religion catholique romaine est désormais la seule autorisée dans le Royaume franc qui inclut les actuels territoires d’Alsace et de Moselle.
1521 – Le moine allemand Martin Luther est excommunié par le Pape pour avoir osé remettre en cause certains aspects de la religion catholique romaine. À sa suite émerge une Église protestante luthérienne. Ces tensions religieuses, mais aussi économiques et politiques conduisent aux guerres dites « de religion ».
Le théologien français Jean Calvin, installé en Suisse, partage à peu près les mêmes thèses que Martin Luther et fonde, de son côté, l’Église protestante réformée.
1555 – Dans le Saint-Empire romain germanique, auquel appartiennent alors les actuels territoires d’Alsace et de Moselle, la coexistence de la religion catholique romaine et de la religion protestante luthérienne est admise. C’est la Paix d’Augsbourg.
1598 – En France, un édit de tolérance instaure des droits religieux, civils et politiques pour les protestants. C’est l’Édit de Nantes.
1685 – L’Édit de Nantes est révoqué. La religion protestante est interdite en France. En vertu des traités de Westphalie signés en 1648, elle reste cependant autorisée en Alsace, devenue française.
L’ESPRIT DE CONCORDE
1789 – C’est la révolution ! Le mariage civil est institué, la liberté religieuse est proclamée, mais pendant les années qui suivent, celle-ci est souvent malmenée. Des églises sont pillées, des prêtres persécutés, des livres saints brûlés. Certains révolutionnaires mènent une véritable politique de déchristianisation.
1801 – Pour pacifier le pays, le chef de l’État français, Napoléon Bonaparte et le chef de l’Église catholique romaine, le pape Pie VII, signent un traité destiné à donner un statut officiel au culte catholique. Ce traité est appelé Concordat. Par la suite, la loi accorde des statuts à peu près similaires aux autres cultes présents en France : les cultes protestants (luthérien et réformé) et le culte israélite. L’ensemble forme le droit concordataire.
L’État reconnaît les cultes, mais intervient dans leur organisation : il rémunère les prêtres, pasteurs et rabbins, mais participe à la désignation des principaux responsables religieux.
1871 – La France perd la guerre contre les États allemands (issus du Saint-Empire romain germanique). Elle doit céder l’Alsace et la Moselle. Le droit concordataire y subsiste et s’enrichit de lois locales et de règles allemandes ; parmi elles le statut de jours fériés donné au Vendredi Saint et à la Saint-Étienne. L’ensemble constitue un véritable droit local des cultes.
L’ATTACHEMENT
1905 – La loi de séparation des Églises et de l’État est promulguée en France après de longs débats. Au nom de la laïcité, tous les cultes existants sont désormais traités à égalité. L’État n’y intervient plus. Mais cette loi ne concerne pas l’Alsace et la Moselle qui sont alors allemandes.
1924 – L’Alsace et la Moselle, redevenues françaises en 1918, se voient proposer d’appliquer la loi de 1905. Mais, du fait de leur protestation, les Alsaciens et les Mosellans obtiennent de conserver leur droit local des cultes.
1940 – Un an après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne annexe l’Alsace et la Moselle. Le droit local des cultes y est supprimé par le régime nazi.
1945 – L’Allemagne est vaincue. L’Alsace et la Moselle retournent à la France. Le droit local des cultes y est rétabli.
UN BIEN COMMUN
Le droit local des cultes fait partie intégrante d’un ensemble juridique issu du même contexte historique et qui forme aujourd’hui le droit local alsacien-mosellan. Celui-ci concerne particulièrement le droit associatif, la sécurité sociale, la réglementation de la chasse, de la publicité foncière, du repos dominical (fermeture des commerces le dimanche).
Le droit local des cultes comporte aujourd’hui des règles applicables à tous les cultes et d’autres règles applicables aux seuls cultes catholique, protestant (luthérien et réformé) et israélite. Ces cultes sont appelés « cultes statutaires » car la philosophie du droit local alsacien-mosellan a changé. Les cultes statutaires et l’État ont noué un partenariat particulier.
L’État intervient dans le respect de leur autonomie religieuse :
• il les subventionne et prend part à leur organisation,
• il valide la nomination des principaux responsables religieux,
• il rémunère les prêtres, les pasteurs et les rabbins,
• il permet aux collectivités territoriales de les subventionner.
Grâce à l’aide financière de l’État, les cultes s’engagent :
• pour la paix sociale
• pour l’action sociale
• pour l’action culturelle
• pour la protection du patrimoine religieux
• pour le dialogue interreligieux
Le droit local alsacien–mosellan prévoit aussi un enseignement religieux confessionnel dans tous les établissements scolaires.
Les parents peuvent choisir d’y inscrire leurs enfants ou non.
UN ÉLARGISSEMENT ?
Depuis 1982, l’État a transféré certaines de ses missions aux régions, aux départements, aux communes afin de permettre une gestion :
• au plus près du terrain
• en fonction des spécificités de chaque territoire
• en tenant compte de certaines différences
Cette décentralisation conduit à légitimer, entre les territoires, certaines différences.
Par exemple, l’Alsace et la Moselle se différencient par :
• leurs frontières avec plusieurs pays : l’Allemagne, la Suisse, et le Luxembourg,
• leur histoires ballotées entre l’Allemagne et la France,
• leurs langues régionales notamment l’alsacien et le platt,
• leur identité forte et leur culture propre,
• leur droit local alsacien-mosellan intégrant le droit local des cultes.
Ce dernier est :
• proche du droit religieux de la plupart des pays européens,
• reconnu conforme à la Constitution française,
• respectueux des principes de laïcité et de liberté religieuse,
• un cadre adapté à un dialogue moderne entre la République et les cultes.
Le défendre, ce n’est pas rester crispé sur de vieux textes. Au contraire, c’est le faire évoluer pour l’adapter aux réalités d’aujourd’hui. Comme ailleurs, d’autres cultes (islam, bouddhisme, hindouisme...) sont aujourd’hui présents en Alsace et en Moselle. Sont-ils prêts à jouer le jeu du partenariat particulier entre l’État et la religion ? Toutes les évolutions sont possibles avec une volonté politique.
Partout en France, les communes sont propriétaires de la plupart des édifices cultuels. En Alsace et en Moselle, les communes sont tenues de participer si nécessaire aux travaux décidés par les établissements publics des cultes.
• Habilité pour les annonces légales et judiciaires sur les départements 67 et 57
• Transmission des annonces légales dans tous les journaux habilités de France
• Actualité économique et culturelle, vie des entreprises
DES COLLABORATEURS « HORS-NORME »
Une étude notariale, c’est une entreprise nécessitant des compétences spécifiques. Ceux qui épaulent les notaires, collaboratrices, comptables, formalistes, clercs de notaire, nous expliquent leurs métiers et leurs parcours.
BÉATRICE DIJOUX, FORMALISTE
Formaliste de l’étude SCP Jean-Marc et Frédéric Hassler à Wittelsheim (68), Béatrice Dijoux revient sur son parcours guidé par sa passion du droit.
Béatrice Dijoux est une battante, prête à se replonger dans les études à tout moment de sa carrière pour acquérir de nouvelles compétences.
Titulaire d’un CAP-BEP en secrétariat, elle intègre une étude d’huissier de justice qui appliquait déjà le droit local. « Pour me perfectionner, j’ai suivi deux années d’études à l’école nationale de la procédure pour devenir clerc d’huissier », confie-t-elle. Elle y passera 23 ans, avant de souhaiter rejoindre une étude notariale : « J’avais envie de rester dans le droit, mais chez un huissier, l’ambiance est plus agressive, je souhaitais un environnement plus tranquille, même si mon métier de formaliste est très prenant », confie Béatrice. Mais pour intégrer une étude, « il me fallait obligatoirement le baccalauréat, précise-telle. J’ai donc repassé mon bac à 35 ans ! »
LE FORMALISTE, RESPONSABLE DE LA TRANSMISSION DE L’ENSEMBLE DES ACTES
Ce qui l’anime depuis chaque jour : « Travailler en suivant des procédures
bien précises, et la variété de mes missions. » Le formaliste est celui « qui arrive en fin de course, sourit-elle. Nous devons retranscrire les actes, les ventes, les prêts ; les attestations immobilières pour le livre foncier ; les successions et les testaments pour les enregistrer à l’ADSN ; les PACS au PACSen. Nous gérons également les immatriculations pour les entreprises, les procédures de modification des sociétés au registre du commerce... » En 19 ans, son métier a bien évolué : « Aujourd’hui tout est dématérialisé, ce qui facilite notre quotidien, se réjouit-elle. À l’époque, nous nous déplacions dans les tribunaux pour faire nos recherches et on recopiait tout à la main ! » Le premier, le livre foncier, est dématérialisé depuis 2008 : « Le système AMALFI est extrêmement perfectionné, alors que celui de la publicité foncière en vieille France est moins pointu, on n’a par exemple pas d’accès direct aux données des propriétaires à l’inverse du livre foncier », précise Béatrice Dijoux.
Épanouie depuis 18 ans dans l’étude Hassler à Wittelsheim malgré l’intensité de l’activité et l’attention qu’elle doit porter aux moindres détails, « il ne s’agit pas d’octroyer une parcelle au voisin ! », Béatrice Dijoux compte bien y terminer sa carrière aussi enrichissante que sereine. a
CLAIRE WALTER, CLERC DE NOTAIRE
Embauchée en 2011 par Sabine WagnerOlier à l’issue de stages effectués durant son BTS des métiers du notariat, Claire Wagner est clerc de notaire dans l’étude notariale de Bitche (57).
C’est durant son baccalauréat orienté marketing que Claire Walter s’est découvert une appétence pour le droit. « J’ai réalisé que je n’avais pas une âme de commerciale, alors que tout ce que l’on nous enseignait sur le droit, notamment le droit de la famille, m’intéressait, se souvient-elle. J’ai donc choisi de faire un BTS des métiers du notariat, à l’issue duquel j’ai eu l’opportunité d’un poste au sein de l’étude Wagner-Olier. »
UN MÉTIER RICHE EN SUBTILITÉS Durant ses deux stages de six semaines, Sabine Wagner-Ollier perçoit les compétences de sa jeune recrue : « Elle a pu voir, tout en me formant, que j’étais consciencieuse dans mon travail », apprécie Claire Walter, 33 ans. Elle suit alors une licence par correspondance pour acquérir davantage de connaissances juridiques. Clerc de notaire, elle rédige les actes, que ce soit pour les ventes immobilières, le droit des familles ou les dossiers des sociétés lorsqu’ils ne sont pas trop complexes. « Mon métier est très intéressant, car d’un côté il y a une forme de routine avec les mêmes choses qui reviennent, de l’autre des subtilités dans chaque dossier qui nous imposent de faire des recherches, préciset-elle. C’est le notaire qui recueille les informations, mais nous sommes également en contact avec la clientèle. Dans une vente immobilière, par exemple, nous aidons le client à mener à bien son projet de vie. » Épanouie dans son travail depuis douze ans, Claire Walter n’a jamais eu l’ambition de devenir notaire. « C’est peut-être un peu trop de responsabilités, sourit-elle. J’entends poursuivre ma carrière ainsi et cela me convient parfaitement. » a
AURÉLIE BOILEAU, CLERC AUX SUCCESSIONS
Embauchée en tant que standardiste, Aurélie Boileau est depuis 2020 clerc aux successions de l’étude SCP Weyl et Schaller à Strasbourg (67). Retour sur un parcours atypique.
Prise sous l’aile de Gabriel Weyl qui a décelé en elle un vrai potentiel, Aurélie Boileau, 41 ans, a su gravir les échelons à force de travail et d’intérêt pour le droit. Titulaire d’un BTS assistante trilingue, elle travaille quelques années en entreprise avant de rejoindre l’étude notariale aujourd’hui Weyl et Schaller en tant que standardiste en 2009. « Petit à petit, j’ai commencé à rédiger quelques lettres puis Gabriel Weyl m’a formée au métier de formaliste, avant de me confier les dossiers de succession en 2020, après le COVID », précise Aurélie Boileau. Le tout sans bagage juridique. « J’ai en effet appris sur le tas, je sais que c’est atypique, mais j’ai toujours eu une appétence pour le droit, confie-telle. Je n’ai jamais envisagé de refaire des études, ma formation est continue, le droit évolue tout le temps, nous devons sans cesse nous informer. »
PRÉPARER LES ACTES
Après le premier rendez-vous avec le
notaire, le rôle de Aurélie Boileau en tant que clerc aux successions est de préparer et rédiger les actes, avant la signature. Six mois sont nécessaires pour traiter un dossier. « Au départ, je dois interroger les organismes pour définir les actifs et passifs de la succession, je contacte aussi les héritiers, puis je rédige les informations compilées avant la signature devant notaire. Enfin, je dépose le dossier au livre foncier. »
Aurélie Boileau aime particulièrement traiter les dossiers de successions. « Les héritiers réagissent tous différemment, et selon la vie du défunt, ce ne sont pas les mêmes choses à régler, rappellet-elle. Le notaire accompagne le client, et je les ai aussi beaucoup au téléphone pour répondre à leurs questions. S’il y a conflit, j’essaie de prendre sur moi et je réponds aux questions de chacun sans favoriser personne. Il faut être diplomate. En tout cas, c’est ce que nous faisons dans notre étude. »
Si elle sait que Gabriel Weyl aimerait encore la voir évoluer, Aurélie Boileau se sent aujourd’hui à sa place. « Peutêtre plus tard dans les dossiers du droit des familles, comme le partage », envisage-t-elle. a
KEVIN MINAUD, COMPTABLE
Salarié de l’étude SCP Schott, Schwaab, Gillet et Schott depuis 2022, Kevin Minaud s’épanouit dans son activité de comptable d’une étude notariale qui nécessite une double-casquette.
Contrairement à la comptabilité en entreprise, la gestion comptable d’une étude notariale impose une double compétence : « Nous devons, avec ma binôme Céline Sold, gérer à la fois la comptabilité du client et celle de l’étude en elle-même, précise Kevin Minaud, 30 ans. Nous éditons chaque mois 26 bulletins de salaire et gérons les charges et produits. La comptabilité clients est inversée puisque ce sont eux qui sont créditeurs, nous ne payons pas de factures. »
Une double compétence qui donne de la saveur à son quotidien. « Dans une étude notariale, on apprend tous les jours. Ce qui me plaît c’est la diversité des tâches que l’on exécute entre la comptabilité de l’office et la comptabilité en général. »
DIVERSITÉ DES TÂCHES
Originaire de Nantes, il est arrivé dans le notariat et à Strasbourg un peu par hasard. « Après mon BTS en comptabilité-gestion et mon DCG me donnant un niveau licence, j’ai commencé à travailler en renfort dans une étude à Nantes, et par le jeu des chaises musicales, j’ai remplacé l’assistante devenue comptable, se souvient-il. L’un des gros soucis des notaires est d’ailleurs le recrutement des experts-comptables qui ne savent pas forcément qu’ils en recherchent. »
Arrivé en 2022 en Alsace, il découvre le droit local. « J’ai été surpris, mais on s’y fait vite ! Il faut juste respecter les règles que le livre foncier nous impose. Chaque étude travaille différemment. Les enregistrements au livre foncier ou au service de la publicité foncière sont gérés par un formaliste, mais dans notre étude, Céline se déplace toutes les semaines à l’enregistrement. »
Kévin Minaud est ravi d’avoir atterri dans une étude notariale : « En entreprise, j’aurais peut-être changé de branche, car le travail de comptable est trop monotone, estime-t-il. Alors que dans une étude, il faut être attentif aux taxations et autres qui sont régulièrement ajustées. » a
LE PÔLE MÉCENAT GRAND-EST F
Le 1er février 2024, la préfète du Grand Est et du département du Bas-Rhin, Madame Josiane Chevalier, a lancé officiellement le PMGE, le Pôle Mécénat Grand Est. Créé à l’initiative du Conseil interrégional des Notaires Alsace-Moselle, de l’ordre régional des Experts Comptables du Grand Est, et de la Chambre régionale de commerce et de l’industrie du Grand Est, ce pôle vise à fédérer au sein d’une même structure, les acteurs majeurs du mécénat des mondes économiques, associatifs, institutionnels et de la société civile. Leurs objectifs : défendre l’image du territoire et renforcer son attractivité.
ondée sous forme d’association loi 1901 dont le siège se trouve à Nancy (54), le Pôle Mécénat Grand Est a signé une convention avec la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) Grand Est. Elle s’appuie sur la « loi Aillagon », votée le 1er août 2003, qui met en place un régime de mécénat pilier de « l’exception culturelle française » particulièrement avantageux pour le financement des organismes d’intérêt général. La loi Aillagon a permis le développement sans précèdent du mécénat d’entreprise et des particuliers au profit notamment des artistes et de la culture.
Pour autant, les secteurs d’intervention du Pôle Mécénat Grand Est dépassent bien largement le monde de la culture. Tous les secteurs sont susceptibles désormais d’être concernés par le mécénat : sport, santé, économie sociale et solidaire, développement durable… Toutes les formes de mécénat sont intéressées : dons, subventions, mécénat de compétences…
UN OUTIL FÉDÉRATEUR
Pas d’amalgame, le Pôle Mécénat Grand Est n’est qu’un outil fédérateur. Il n’a pas pour but de lever ou de distribuer des fonds. Ses rôles sont uniquement de promouvoir le mécénat, de travailler à son développement, de conseiller les mécènes. Sa mise en place et ses premiers résultats seront particulièrement scrutés puisque le PMGE est une des trois régions tests avec Provence Alpes Côte d’Azur et Nouvelle Aquitaine, avant un élargissement à l’ensemble du territoire si les bénéfices de ces pôles sont concluants.
LE RÔLE CENTRAL DES NOTAIRES
Les notaires vont bien évidemment avoir un rôle central à jouer dans le développement des actions. Après une forma-
tion, ils devraient être en capacité de comprendre les mécanismes de mécénat. Ils seront ainsi amenés à conseiller les entreprises ou les particuliers, à aider les porteurs de projets, à informer les donateurs et les mécènes, à promouvoir le mécénat collectif. Leur réseau sur tout le territoire, va permettre de coordonner et de fédérer les initiatives.
Le premier bureau du Pôle Mécénat Grand Est est composé comme suit :
• Président : Yvan Jeanneret, Ordre régional des Experts Comptables du Grand Est
• Trésorier : Guy Tonnelier, Chambre régionale de commerce et d’industrie du Grand Est
• Secrétaire : Isabelle Kuhn-Magret, Conseil interrégional des Notaires Alsace-Moselle. a
De gauche à droite : Guy Tonnelier, élu CCI Grand Est, trésorier PMGE ; Yvan Jeanneret, OEC, président du PMGE Christian Berthold, président du Conseil régional de l’Ordre des Experts-Comptables du Grand Est ; Isabelle Kuhn-Magret, notaire, Secrétaire du PMGE ; Éric Ricou, Président du Conseil interrégional des Notaires Alsace Moselle du ressort des Cours d’appel de Colmar et de Metz et Isabelle Boucher-Doigneau, chargée de mission mécénat à la DRAC Grand Est.
LE PRIX MARIANNE UN PRIX LITTÉRAIRE PRESTIGIEUX REMIS PAR LES NOTAIRES
Unique en France, le Prix Marianne décerné par la Chambre des notaires de la Moselle récompense un ouvrage littéraire dans lequel existe « une parfaite adéquation entre la clarté de la pensée et son expression écrite ». Un parallèle avec le notariat fait de rigueur de la pensée et de l’écrit. Rencontre avec Catherine Bonichot qui coordonne les actions du Prix Marianne.
Et le Prix Marianne 2024 est attribué à ?
Catherine Bonichot : François Heilbronn pour sa saga historique Deux étés 44. Un livre étonnant qui raconte l’histoire vraie d’une famille juive qui sauva Louis XV, de passage à Metz en août 1744 et qui deux cents ans plus tard subit en août 1944, les affres de la déportation (voir encadré)
Le Prix Marianne est un prix littéraire prestigieux. Ce prix est décerné chaque année en avril dans le cadre du Salon du livre de Metz, Le Livre Metz. Comment est-il né ?
C. B. : Le Prix Marianne est décerné depuis 25 ans. Il a été créé à l’initiative de deux notaires de Moselle. L’objectif était de faire connaitre le notariat autrement. Il s’agissait d’une opération de communication. Le Prix Marianne est finalement le prix littéraire de la Chambre des notaires de la Moselle. Il est attribué à un ouvrage qui n’est pas un roman. Cela peut être un essai, un document, une biographie, des nouvelles, un recueil ou un ouvrage à caractère historique. Les livres qui sont retenus dans la sélection doivent allier la clarté de l’expression et la qualité de l’écriture comme le sont nos actes notariés.
Qui compose le jury de ce prix ?
C. B. : Le jury est composé de neuf notaires, du directeur des finances publiques et de la romancière Dominique Barbéris qui préside. Dominique Barbéris a été notre premier Prix Marianne il y a vingt-cinq ans. C’est une grande grande écrivaine. Elle est très exigeante sur la qualité de l’écriture. Elle a obtenu cette année le Grand Prix du roman de l’Académie Française. Elle guide avec talent le jury de notaires lecteurs. À l’origine, le Prix Marianne était présidé par l’illustre historien Jean Favier. Il connaissait très bien le notariat puisqu’il est à l’origine de la loi sur les archives du notariat.
Et vous, votre rôle Maître ?
C. B. : Depuis l’origine je fais partie du jury. Aujourd’hui, je coordonne et j’organise les actions : le contact avec les
Catherine Bonichotauteurs, participer aux réunions… Je me passionne pour ce prix qui demande du travail aux notaires. Malgré des emplois du temps surchargés dans les études, les notaires doivent lire dès maintenant les ouvrages qui sortent en librairie pour faire une sélection d’environ treize livres. La liste définitive de la première sélection aura lieu au mois de novembre.
Comment expliquez-vous le succès du Prix Marianne ? Les auteurs s’enorgueillissent dans leur biographie de l’avoir obtenu.
C. B. : Ce prix est attendu ! Il est pérennisé depuis vingt-cinq ans. Nous avons réussi à le faire perdurer : ce n’était pas gagné d’avance. Les notaires prennent tout en charge, car évidemment il y a un coût dans cette opération qui s’inscrit dans le cadre du mécénat : la récompense pécuniaire attribuée au lauréat du prix et notre participation au Salon du livre de Metz.
Chaque année, tous les notaires de Moselle reçoivent le livre du récipiendaire du Prix Marianne.
C. B. : Absolument. C’est un livre qui sera remis également aux institutionnels : magistrats, chefs de cour, des personnalités du Conseil supérieur du notariat… Je ne crois pas qu’il existe un autre prix littéraire de ce type en France. C’est ce qui fait toute son originalité et son attractivité. a
« L’OBJECTIF
EST DE FAIRE CONNAITRE LE NOTARIAT AUTREMENT. »
Le Prix Marianne 2024
François Heilbronn, Deux étés 44 Éditions Stock
« Le Roy se meurt ! » Ce cri résonne par un 15 août 1744 torride dans le Palais du gouverneur de la ville de Metz. En chemin pour la guerre contre les Autrichiens en Alsace, Louis XV se trouve aux portes de la mort. De saignées en purges inutiles, ses médecins l’ont abandonné, son aumônier le force à se confesser publiquement, ses maîtresses sont bannies, sa cour s’enfuit, les saints sacrements lui sont administrés.
Mais en trois jours, Louis XV sera sauvé par un « empirique » dont l’identité restera longtemps mystérieuse et pour cause, puisqu’il s’agit de l’un des docteurs de la communauté juive de Metz, Isaïe Cerf Oulman.
Deux cents ans plus tard, jour pour jour, le 15 août 1944, Henry Klotz, héros de 14-18, agonise dans une annexe du camp de Drancy. Il pense aux siens arrêtés comme juifs à Paris cet été-là et à son fils combattant dans une unité commando, tous descendants d’Isaïe Cerf Oulman.
De gauche à droite : Dominique Barbéris, romancière, André Lombardi, Président de la Chambre des notaires de la Moselle, et François Heilbronn, lors de remise du prix Marianne 2024.
LES MEMBRES DU JURY DU PRIX MARIANNE
• Christiane Bestien
• Catherine Bonichot
• Catherine Claudel
• Anne Girard
• Joseph Saas
• Robert Martini
• Denis Reinert
• Laurent Mercier
• Hubert Schmitt
• Dominique Seitlinger
• Patrice Pierre, responsable du service des impôts des entreprises
De la guérison et l’espérance à l’été 1744, à la tragédie et aux meurtres de l’été 1944, deux cents ans séparent au sein d’une vieille famille juive française ces deux étés, à rebours du sens de l’histoire, de l’émancipation et de la liberté : l’un annonciateur des Lumières, l’autre dispensateur de ténèbres.
Dans ce roman des vertiges de l’Histoire, le Panthéon tisse le lien entre les générations. Louis XV mourant avait promis en cas de guérison la construction de cet édifice.
Un descendant d’Isaïe Cerf Oulman, le capitaine Émile Hayem, écrivain, mort au champ d’honneur en 14-18, aura son nom gravé dans ce monument devenu temple de la République.
Un roman familial singulier et passionnant doublé d’une minutieuse enquête historique.
PASCAL CONRADT EXPERT EN MÉDIATION
Pascal Conradt est notaire à Rombas (57). Il est aussi le Président du Centre de médiation des Notaires Alsace Moselle. La médiation est un processus amiable et confidentiel de résolution des différends. C’est une méthodologie structurée conduite par un professionnel qui a été formé aux techniques de la médiation : « le médiateur ». Ce médiateur est neutre et impartial. Il a pour objectif d’aider à trouver rapidement des solutions concertées, quel que soit le domaine.
Quels sont les rôles du Centre de médiation et celui du médiateur ?
Pascal Conradt : Le Centre de médiation est d’abord la volonté du gouvernement : mettre en place des moyens afin de solutionner des conflits à l’amiable. La mission du médiateur est d’entendre les parties et de les aider à rétablir une communication afin qu’elles trouvent elles-mêmes un accord conforme à leurs intérêts respectifs. Des particuliers peuvent faire appel à un médiateur, des entreprises aussi. Un juge peut nommer un médiateur.
L’objectif est-il de déjudiciariser des affaires ?
P. C. : Non. Mais je dois nuancer. La réflexion du gouvernement est de dire que
« la justice ne peut pas répondre à toutes les questions ; qu’il est parfois difficile de trancher ». Dans ces cas-là, il vaut mieux essayer une médiation pour tenter de trouver des solutions qui pourraient convenir aux parties dans les conflits qui les opposent.
En clair, c’est à la justice de pointer les responsabilités, c’est à la médiation de trouver le montant de l’indemnité ou des solutions adéquates. Être directif dans un jugement, comme dans le droit pénal, est absolument nécessaire. Mais là il n’est pas question de médiation.
En revanche, pour ce qui concerne le droit civil, la médiation est possible à la condition que les parties y soient favorables. S’ils disent : « non nous ne voulons pas de la médiation ni de la conciliation »,
le juge achèvera son travail et fixera de manière unilatérale le montant de l’indemnité : c’est le jugement. Mais le juge peut également faire une injonction à aller en médiation pour pousser les parties à discuter et pour leur permettre de découvrir les moyens mis à leur disposition pour s’entendre. C’est ce qu’on appelle une médiation judiciaire.
Quel est le lien entre le droit local alsacien-mosellan et la médiation ?
P. C. : Nous ne pouvons pas lier les deux. Il existe des principes et des procédures particulières dans le droit local. Pour le néophyte, il faut bien admettre que tout cela n’est pas simple. Les notaires d’Alsace-Moselle pratiquent couramment le partage judiciaire issu du droit local : un exemple de médiation et de concertation qui va chercher à harmoniser des points de vue à l’amiable. L’objectif du notaire en Alsace-Moselle sera donc de faire discuter et dialoguer des parties qui ne s’entendent pas lors des successions ou avant la mise aux enchères d’une maison parce que le débiteur ne peut plus payer le créditeur. Le notaire intervient ici comme un conseiller. La médiation c’est autre chose. Elle se développe dans un cadre neutre. C’est du droit général. Tous les Français, de la même manière, peuvent en bénéficier.
Médiation. Médiateur. Conciliation. Justice de l’amiable. On s’y perd… P. C. : Je veux bien le croire. D’autant que j’étais ce matin en réunion à Colmar, et les magistrats nous demandent « de faire le lien entre médiation et médiateur ». La médiation est inerrante à la profession du notaire en Alsace-Moselle. Ils essayent de concilier les points de vue. Le médiateur est une fonction bien définie. Il faut bien faire le distinguo entre la médiation réalisée par un médiateur et le rôle de conciliation des notaires.
Dans la conciliation, le négociateur propose quelque chose, un acte notarié par exemple. Dans la médiation, non. Ce sont les parties qui trouvent elles-mêmes leurs solutions.
Est-ce qu’on peut dire que le rôle de conciliateur du notaire dans le droit local a tout de même inspiré le gouvernement pour faire naître les centres de médiation ?
P. C. : Effectivement, les dispositifs du droit local sur le partage judiciaire ont intéressé le gouvernement. Mais ce n’est pas, je le redis, de la médiation.
Les centres de médiation de Colmar et de Metz se sont mis en place pour répondre à une directive générale. Ils adapteront avec les magistrats des deux Cours d’appel de Colmar et de Metz des éléments de la justice alternative.
Néanmoins susciter du dialogue est une pratique notariale séculaire en Alsace-Moselle.
P. C. : C’est toute la finesse de nos actions. Susciter du dialogue dans une totale confidentialité. Jouer sur la libre parole. Mais un notaire est un notaire ; un médiateur est un médiateur qui en plus est un notaire.
Un notaire peut donc pratiquer dans son étude la conciliation sans être un médiateur. Cela veut-il dire que les médiateurs reçoivent une formation spécifique ?
P. C. : Exactement. Ils reçoivent une formation dédiée. Ne sont médiateurs que les notaires membres du Centre de médiation. Et pour être membre du centre, il faut avoir suivi la formation adéquate. Vous avez besoin d’un médiateur ? Il faut se renseigner auprès du Centre de médiation. Le médiateur est capable de répondre à des questions qui ne sont pas des questions notariales. Dans le cadre d’une médiation, le médiateur ne fera aucune proposition. Il ne pourra même pas les susciter ni jouer un rôle actif. Tout viendra des parties elles-mêmes.
Mais alors à la fin de la médiation, il y a un contrat ?
P. C. : Non surtout pas ! Les médiés ne sont que les catalyseurs d’une solution. Ils ne sont pas les écrivains de cette solution. Nous n’écrivons rien. Ce sont les
« LE MÉDIATEUR, LUI, VA ÊTRE CAPABLE DE LAISSER PARLER LA COLÈRE ET LES FRUSTRATIONS QUI
SONT SOUVENT
REFRÉNÉES PAR AILLEURS. C’EST DE LÀ QUE PEUT NAÎTRE AUSSI L’APAISEMENT FUTUR. »
parties avec leurs avocats qui vont écrire la solution. Cette solution-là, elle s’est juste construite grâce à l’intervention d’un médiateur qui peut être présent durant des heures et des heures sur un ou plusieurs lieux. L’objectif est tout de même d’aller assez vite.
Le médiateur, lui, va être capable de laisser parler la colère et les frustrations qui sont souvent refrénées par ailleurs. C’est de là que peut naître aussi l’apaisement futur.
Donc, il n’y a pas de contrat. Il y a la mise en confrontation des parties qui peuvent parfois violemment s’opposer. En justice, le juge ne regarde que le droit. Il applique le droit, point. Les petites histoires ne l’intéressent pas. Le médiateur va révéler des éléments parti-
SOLUTION POUR CHAQUE CHOSE.
LA MÉDIATION FAIT RESSORTIR UNE VÉRITÉ
PLUS SENSIBLE, MOINS JURIDIQUE ;
PLUS PROCHE DE LA RÉALITÉ DE LA VIE
DES GENS. »
culiers qui peuvent transformer les décisions. À l’issue de la médiation, c’est toujours le juge qui tranche si nécessaire. Les accords se matérialisent donc par une décision de justice qui les entérinent ou par une homologation pour qu’elle ait force exécutoire.
Chez le notaire le client ressort avec un acte sous le bras. Avec le médiateur il ressort avec la satisfaction d’avoir trouvé une solution. Par expérience je peux vous dire que ce qui a été défini en médiation se traduit par des faits et des résultats. Il y a bien sûr des échecs, mais cela reste minoritaire.
Pourquoi la confidentialité des échanges est-elle si importante ?
P. C. : C’est important parce que même le juge lui-même ne saura pas ce que les médiés ont dit lors de la médiation. Le médiateur aura réussi sa médiation si les parties trouvent un accord. Comment cet accord a été trouvé et dans quelles circonstances, cela ne regarde personne.
Quels sont les domaines d’intervention de la médiation ?
P. C. : Tout le monde peut faire appel aux médiateurs. Les médiateurs interviennent dans tous les domaines. Il y a ce que nous appelons « la conventionnelle ». Vous êtes fâchés avec votre voisin, vous ne voulez pas aller devant le juge, vous pouvez faire une conciliation chez le conciliateur de justice ou alors partir en médiation, c’est tout à fait possible. Autre exemple, dans le cas d’un conflit entre une entreprise et un de ses employés. La médiation permet de ne pas aller en justice.
Comment se déroule une médiation ?
P. C. : La première chose que va faire le médiateur c’est d’envoyer aux parties
un document pour expliquer ce qu’est la médiation et comment cela se déroule. Ensuite, il rassemble les personnes pour une réunion d’information. À la suite de cette réunion, les parties peuvent considérer que cela les intéresse. Il est alors signé une convention, car la médiation à un coût. Le médiateur est rémunéré pour son intervention. La médiation est alors engagée. Les parties peuvent être accompagnées de leurs avocats, mais ce n’est absolument pas une obligation. Il y a alors toute une méthodologie de la médiation qui est va être appliquée.
Quel est le coût d’une médiation ?
P. C. : Au centre de médiation des Notaires Alsace Moselle, nous avons un forfait de 700 € pour deux séances. Mais chaque centre de médiation à des prix différents. Dans une conciliation de justice, c’est le juge qui fixe la rémunération.
Quel est le bilan de la médiation et des centres de médiation ?
P. C. : Franchement, c’est positif. La justice ne peut pas donner une solution pour chaque chose. La médiation fait ressortir une vérité plus sensible, moins juridique ; plus proche de la réalité de la vie des gens. La médiation est loin d’être un gadget. Le plus compliqué est d’appréhender le sujet. Après, une fois qu’on a compris ce que cela recouvre, tous les champs des perspectives sont possibles.
Peut-on considérer le médiateur comme un expert ?
P. C. : Excellente question ! Effectivement, le médiateur est un expert en médiation. Les magistrats ne nous choisissent pas parce que nous sommes des notaires, mais parce que nous sommes des médiateurs. a
Liste des médiateurs du centre de médiation des Notaires Alsace Moselle :
X Samuel Camisan, notaire à Fegersheim, membre fondateur
X Catherine Claudel, notaire à Courcelles Chaussy, membre fondateur
X Pascal Conradt, notaire à Rombas, président et membre fondateur
X Olivia De Bartolo, notaire salariée, membre
X Catherine Dreyfuss, notaire associée à Strasbourg, membre
X Julie Galand, secrétaire générale de la Chambre des notaires de la Moselle, membre
X Anne Girard, notaire associée à Metz, secrétaire et membre fondateur
X Audrey Glady, notaire associée à Creutzwald, membre
X Claude Henimann, notaire à Orbey, membre
X Nadège Karpp, notaire à Freyming-Merlebach, membre
X Julien Rémy, notaire associé à Metz, membre fondateur
X Jean Schaub, notaire associé à Forbach, trésorier et membre fondateur
X Emmanuelle Thiriet, notaire associée à Montigny-lès-Metz, membre fondateur
X Raphaël Wohlidka-Meglen, notaire associé à Saint Avold, membre
mediation@nam.notaires.fr 03 67 70 04 00
La CPRN, l’opérateur de la protection sociale contemporaine du Notariat
Retraite de base et complémentaire
• Régime de retraite spécial des notaires des Cours d’Appel de Colmar et de Metz
• Couverture Prévoyance
• Action sociale
•
Couverture du risque de perte d’autonomie
LE DROIT LOCAL
Un droit de modernité – III –
Sénatrice du Bas-Rhin et jeune titulaire du Diplôme d’université de droit local Elsa Schalck
Avocate de profession depuis 2015, Elsa Schalck est née en 1986. C’est l’une des benjamines du Sénat. Elle est sénatrice du Bas-Rhin depuis 2020, ainsi que conseillère municipale de Strasbourg et de l’Eurométropole. Malgré un emploi du temps particulièrement chargé, elle s’est lancée l’année dernière dans la première promotion du Diplôme d’Université du droit local alsacien-mosellan. Un DU qu’elle vient d’obtenir brillamment. Retours d’expérience avec elle.
Pourquoi avoir voulu passer ce Diplôme d’Université du droit Local ?
Elsa Schalck : J’ai découvert complètement par hasard ce DU (Diplôme d’Université) sur internet. C’est l’Université de Strasbourg qui proposait pour la première fois ce diplôme d’Université de droit local alsacien-mosellan. J’ai trouvé intéressant de pouvoir mieux connaître le droit local, tout simplement.
Pour l’obtenir, il faut suivre une formation de soixante-quinze heures. L’objectif est de se plonger dans les origines de ce droit et dans les particularités. J’ai pu constater qu’il était riche et varié.
Nous avons eu des cours sur l’histoire et l’évolution de la législation qui nous a permis de décortiquer les strates de la loi ; sur les collectivités territoriales ; le droit des associations ; le droit des cultes ; la chasse… Clairement, tout cela m’a permis de mieux appréhender le droit local alsacien-mosellan. En participant à ce DU je me suis clairement enrichie humainement : des rencontres très intéressantes avec des avocats, des huissiers, des magistrats…
Elsa Schalck, vous êtes sénatrice, mais aussi avocate. Vous avez passé votre DU de droit local pour votre côté politique ou votre côté juridique ? Ou est-ce une démarche personnelle ?
E. S. : Pour les trois raisons ! J’ai passé mon diplôme universitaire principalement parce que je suis alsaco-mosellane. Je pense que comme tous les alsaciens-mosellans nous devons connaître les spécificités de ce droit local. Même si j’en connaissais déjà un certain nombre de dispositions, il me semblait que cela pouvait s’avérer utile et pertinent de me plonger davantage dans les subtilités du droit local.
D’abord, il me semblait intéressant de pouvoir intégrer une promotion avec des professionnels et des Alsaciens-Mosellans qui partagent cette envie de connaissance, cette passion pour nos régions. Ensuite évidemment en tant qu’avocate, même si je n’exerce pas actuellement, j’ai une appétence naturelle pour le droit. Je trouve cela passionnant. Enfin, en tant que sénatrice et en tant que législatrice. Nous voyons bien l’inflation des lois au parlement. Ces
nouvelles lois peuvent affecter des dispositions de notre droit local : une manière de se rendre davantage vigilante. Très clairement, cette formation m’a permis de sensibiliser mes collègues du Sénat. De leur faire comprendre et accepter qu’il n’y a pas que le droit général.
Finalement, j’ai pu constater que le droit local est un droit vivant. Il irrigue notre quotidien en Alsace et en Moselle. C’est un droit qui doit pouvoir justement évoluer. C’est une richesse que nous connaissons trop peu. Pour pouvoir bien défendre notre droit local, encore faut-il bien le connaître !
Mais alors comme cela se passe ce DU de droit local ? C’est dur ?
E. S. : Ce sont généralement des cours du soir de 17 heures à 20 heures qui avaient lieu à l’Institut du droit local ou laFaculté de droit de Strasbourg. Les intervenants sont remarquables. Ils sont très différents. On ne s’ennuie pas.
J’ai adoré me replonger dans les cours : une habitude que j’avais perdue. Il m’a donc
fallu un petit temps d’adaptation notamment pour la prise de notes et la concentration. Chaque module est sanctionné par des examens. (en riant) Pas facile de retrouver le stress des examens et les joies du bachotage… En général, les épreuves durent une heure, sauf mon dernier examen qui a duré deux heures. Il a fallu commenter un arrêt de justice, répondre à des questions et disserter sur un article concernant les baux de chasse.
Je me souviens, un mercredi, avoir dû quitter précipitamment les questions du gouvernement pour reprendre le train pour Strasbourg afin de ne pas être en retard à mes examens.
Dans ce numéro d’Or Norme consacré au droit local, André Reichardt, président du conseil représentatif du droit local alsacien-mosellan souhaite que ce soit vous qui repreniez le flambeau. Vous le saviez ?
E. S. : Je suis touchée par cette marque de confiance. André Reichardt a effectué un travail remarquable. Il a été de tous les combats pour le droit local. Son travail est toujours excellent. Nous avons encore besoin de lui pour nous guider. Je loue son engagement, sa capacité opérationnelle et juridique. Ce que j’essaye de vous dire, c’est qu’André sur ce sujet est irremplaçable. De mon côté, j’essaye simplement de conforter cet intérêt qui a toujours été le mien pour le droit local. Mon rôle plus tard, avec d’autres, sera d’assurer une transmission et une transition afin que tout se passe bien.
Et la veille ! Car il faut des élus alsaciens et mosellans qui veillent à la transcription du droit général dans notre droit local. Souvent c’est par méconnaissance ou inadvertance qu’il est attaqué.
E. S. : Tout à fait ! Et c’est la grande œuvre d’André Reichardt, sénateur, qui s’est montré extrêmement vigilant. C’est aussi le gros travail du conseil représentatif du droit local qu’il préside, ainsi que de l’Institut du Droit Local présidé par l’ancien magistrat, Jean-Marie Woehrling. Notre devoir est d’assurer la transmission pour que le plus grand nombre de professionnels, mais aussi d’élus politiques ou syndicaux puissent s’en saisir. Cette question de la veille est précieuse dans ce temps où l’inflation législative est importante. Si nous-mêmes, nous ne sommes pas dans cette veille ou dans cette explication du droit local aux autres, nous manquons en tant qu’Alsaciens et Mosellans une partie de notre rôle et de notre mission. Je l’ai vu notamment lors de la polémique sur le financement de la Grande Mosquée de Strasbourg. « La vieille France » semblait découvrir qu’il était possible pour les Alsaciens et les Mosellans de financer des lieux de culte, des édifices ou des associations cultuelles sans que cela ne pose aucune difficulté particulière. Il a fallu faire un gros travail d’explication auprès des élus. Je constate en tant que sénatrice que globalement autour de moi, en dehors des élus de nos régions, s’il y a bien une connaissance des dispositifs territoriaux, comme dans les outre-mer ou la Corse, celle-ci n’est pas fine. C’est d’ailleurs pour cette raison
la méconnaissance du droit local qui fait qu’on peut y être opposé. »
que j’ai intégré récemment la commission des lois où la commission représentative du droit local est régulièrement auditionnée : c’est une démarche pédagogique.
Ce fut d’ailleurs l’occasion pour un certain nombre d’élus de remettre en cause le droit local et ses particularismes…
E. S. : C’est la méconnaissance du droit local qui fait qu’on peut y être opposé. Mais quand on le connaît bien, il n’y a aucun intérêt à le détricoter, bien au contraire : il est plus juste et plus protecteur. Je rappelle également que le droit local est d’abord un droit national. C’est un droit national d’application territoriale en Alsace-Moselle. C’est-à-dire que le droit local est garanti par la souveraineté du peuple français.
Maintenez-vous des liens avec les élèves de votre promotion ?
E. S. : Oui, c’est formidable ! Nous avons un groupe sur lequel nous continuons à échanger. C’est très enrichissant. Dans la première promotion du DU du droit local auquel j’ai participé il y avait plutôt des professionnels du droit : avocats, commissaires de justice, huissiers…
En tout cas, c’est une excellente initiative de l’Université de Strasbourg. C’est Patrice Hilt, notre responsable qui l’a initiée. Cette formation continue n’existait pas jusqu’alors. J’engage vraiment ceux qui s’intéressent au droit local à se renseigner sur cette formation, car elle est particulièrement enrichissante et intéressante. Là maintenant, ils lancent la deuxième promotion du DU du droit local. Je crois que leur désir est d’ouvrir à un public plus large.
Pour un étudiant, ce diplôme d’université de droit local est-il une vraie valeur ajoutée dans son cursus ?
E. S. : Oui ! C’est une vraie valeur ajoutée. Surtout pour les étudiants en droit. Ils devraient tous connaître ces dispositions. Mais surtout, c’est la promesse d’une ouverture vers l’histoire et les forces de nos régions. Étudier le droit local, c’est étudier l’actualité. Tous les sujets traversés sont brûlants d’actualité. Le droit local est un droit vivant qui va nécessairement évoluer. C’est un DU qui mérite d’exister et de perdurer ! Je lui souhaite longue vie. Le droit local mérite d’avoir ses propres avocats et ambassadeurs dans toutes les sphères de la société. Ce diplôme en donne l’opportunité comme toutes les opérations de communication qui vont encadrer les festivités du centenaire du droit local. Joyeux anniversaire à notre droit ! b
Professeur de droit et responsable scientifique du DU de droit local
« L’idée
du Diplôme d’Université
Il aura fallu attendre presque 100 ans pour qu’une Université en AlsaceMoselle se dote d’une formation sanctionnée par un examen et un diplôme de droit local. Patrice Hilt est professeur de droit privé et sciences criminelles à la Faculté de droit de Strasbourg. Il dirige notamment le master de droit notarial (codirection avec Éric Sander) et le master de droit de la famille, mais surtout depuis l’an dernier, le DU (Diplôme d’Université) de droit local alsacienmosellan. Faisons avec lui le bilan de cette première promotion.
Dans ce magazine d’Or Norme consacré au centenaire du droit local alsacien-mosellan, la sénatrice Elsa Schalck nous raconte son expérience, en tant qu’élève, dans cette première promotion du diplôme du droit local (Voir pages précédentes). Il était normal qu’on interroge son directeur pour confronter les avis.
Patrice Hilt : Oh oui ! Elsa Schalck. J’étais très fier de l’avoir en tant qu’élève. Une brillante élève. Elle a fini major de la promotion. Elle ne vous l’a pas dit ? Évidemment en tant qu’avocate et sénatrice, elle était totalement dans la cible de ce que nous souhaitions réaliser avec ce DU de droit local alsacien-mosellan car ce sont les élus qui peuvent le mieux le défendre à Paris.
Quand on attaque le droit local, c’est toujours au travers de projets de loi. Il faut donc des élus qui en aient la connaissance.
Pourquoi a-t-il fallu attendre 2023 pour voir enfin naître un diplôme d’Université du droit local, 99 ans après la reconnaissance dans le droit national du droit local alsacien-mosellan ?
P. H. : Bien sûr vous avez raison, c’est un peu tard ! Il faut bien le reconnaître l’Université de Strasbourg a mis presque
cent ans pour mettre en place une formation spécifique consacrée au droit local… C’est un peu long.
Pour tout vous dire, le droit local alsacien-mosellan est enseigné ici, à la Faculté de droit de Strasbourg, depuis toujours. Mais il s’agit plutôt du droit civil local. Pour autant, le droit local d’Alsace-Moselle comporte de nombreux autres aspects comme le droit social, la chasse, les cultes, les propriétés, les associations…
Il se trouve que j’ai participé à la soutenance d’une thèse à l’université de Bordeaux en 2021. Un collègue bordelais me dit alors : « tu sais que nous, à Bordeaux, on enseigne le droit local alsacien-mosellan ? » Ils ont effectivement un master action territoriale qui est une formation en droit public avec une spécialisation en droits locaux, alsacien-mosellan, corse, breton et outre-mer.
Je me suis dit : « ils ont mille fois raison ! Pourquoi n’avons-nous pas en AlsaceMoselle ce type de formation ? » Ma fierté était touchée. S’ils enseignent le droit local à Bordeaux, Strasbourg le mérite bien !
D’autant que de tous les droits locaux existants, le droit local alsacien-mosellan est le plus complet et le plus dense.
P. H. : C’est vrai. Le droit local concerne le quotidien de tous les citoyens alsaciens et mosellans. Tout le monde est impliqué par le droit local sans même le savoir. Les dispositifs spécifiques les plus connus sont les deux jours fériés supplémentaires ou les remboursements plus avantageux effectués par la Sécurité sociale, mais le droit local est partout et s’applique dans notre quotidien.
Comment l’idée de mettre en place ce diplôme d’Université du droit local d’Alsace-Moselle sur nos territoires a-t-elle été reçue ?
P. H. : Après mon retour de Bordeaux, j’en ai parlé à Madame le Doyen de la faculté, Jeanne-Marie Tuffery-Andrieu, qui m’a dit : « Mais bien sûr ! Pourquoi on ne l’a pas fait plus tôt ? » Nous avons échangé sur les professions qui pourraient être intéressées par ce cursus. Nous avons convenu qu’il s’agirait surtout des professions juridiques qui sont chargées de la mise en application du droit local. J’ai informé les chefs de cour : ils étaient ravis. Ensuite, j’ai rencontré les représentants des avocats, des notaires, des magistrats… Sans eux et leurs concours, il n’y avait aucun intérêt à monter un tel DU car nous ne voulions pas d’une formation qui reste très théorique. Tout le monde était partant.
« Le niveau n’est pas haut, le niveau est très haut ! »
Une année a été nécessaire pour construire tout le cursus. Comme vous le savez, la création d’un diplôme doit répondre à une réglementation officielle. Nous avions besoin de nombreuses approbations de différents conseils universitaires et pédagogiques. Finalement, en huit mois tout a été acté, ce qui est plutôt rapide pour un diplôme d’un tel calibre. Nous l’avons ouvert officiellement en janvier 2023.
C’est important qu’une telle formation soit sanctionnée par un diplôme ?
P. H. : Ah oui ! Nous n’avons pas voulu organiser simplement une série de conférences sur le droit local alsacien-mosellan. Nous voulions un vrai diplôme. Car qui dit diplôme, dit examen.
Tous les stagiaires qui sont déjà dans la vie active pour la majorité d’entre eux vont donc se retrouver sur les bancs de la faculté pour suivre les séminaires, mais aussi pour composer puisqu’il y a trois épreuves écrites. C’est important pour donner une valeur à ce diplôme qui nous est cher.
L’an dernier, nous avons eu une promotion d’une quinzaine de stagiaires. Le fait de devoir composer ou de participer à des examens n’a posé de problèmes à personne.
Ce n’est pas dommage de limiter cette formation aux professions juridiques, en ouvrant vous pourriez avoir davantage de candidats ?
P. H. : Il s’agit d’une formation de spécialisation juridique. Pour se spécialiser, il faut déjà avoir une petite corde à son arc de compétences sinon cela ne marche pas : c’est un prérequis.
Nous avons beaucoup de gens qui veulent suivre cette formation pour « apprendre quelque chose sur le droit local ». Mais ce DU n’est pas fait pour cela ! Il ne s’agit pas d’une formation initiale.
La formation est ouverte à toute personne titulaire d’une licence en droit ou d’une qualification équivalente qui dans sa vie professionnelle a besoin d’une connaissance approfondie des règles posées par le droit local alsacien-mosellan. Sont principalement visés les magistrats, notaires, avocats, greffiers des services judiciaires, employés des offices notariaux, commissaires de justice, chefs de service de collectivités, employés des cabinets d’avocats, agent des collectivités territoriales, juristes d’entreprise ou d’associations, élus syndicaux avec une formation juridique, assistants parlementaires…
Il est vrai que nous avons été déçus par le nombre d’inscriptions validées pour la première promotion, car le DU peut accueillir au total trente stagiaires. Nous espérons que les professionnels du droit vont se saisir de cette formation pour la deuxième session et les prochaines. Lorsque je les avais rencontrés, ils m’avaient assuré qu’ils y voyaient tous un grand intérêt.
L’explication est sans doute financière. Un diplôme universitaire doit s’autofinancer. C’est-à-dire que l’Université ne met pas un euro dans la formation, si ce n’est la mise à disposition des salles et du matériel pour étudier, ce qui est déjà beaucoup.
Ce sont les stagiaires qui financent euxmêmes, par leur inscription, cette formation, soit 3150 € par personne. Nous avons conscience qu’il s’agit d’une somme importante qui peut rebuter malgré les très nombreuses demandes de renseignements que
nous recevons. Heureusement, il existe des aides ou dispositifs qui permettent de financer tout ou partie le coût de la formation, avec des exonérations partielles ou totales selon les cas.
Tous ceux qui veulent en savoir davantage sur le droit local, mais qui n’ont pas de formation juridique sont donc exclus ?
P. H. : Absolument pas. La faculté de droit de Strasbourg n’a tout simplement pas voulu marcher sur les plates-bandes d’autres formations qui existent déjà. Chaque année, l’Institut du Droit Local (IDL) forme de très nombreuses personnes. Les élus de nos territoires sont formés de leur côté par l’association des maires de nos départements. Des formations sur le droit local pour des personnes n’ayant pas de formation juridique initiale sont accessibles pour tous les publics. Nous n’avons simplement pas voulu faire de doublons et rester dans notre cadre de compétences.
L’obtention du diplôme du droit local est-elle un plus pour ceux qui réussissent l’examen ?
P. H. : Mais bien sûr ! Ce qui est rare est cher. Ce diplôme par la force des choses est rare puisque nous abordons la deuxième année ; seulement onze personnes en sont titulaires. Je suis persuadé que cela donne une plus-value à une carrière.
Comme tout cela est encore neuf, nous n’avons pas encore de retours documentés. Mais cela va être étudié et contrôlé, c’est évident. J’appellerai tous les stagiaires en leur demandant : est-ce que ce diplôme vous a servi ? Est-ce qu’il a boosté votre carrière professionnelle ?
Pour avoir discuté avec certains d’entre eux, ils ont parlé « d’une formidable ambiance », de « belles rencontres », « de la qualité de la formation », mais surtout « d’un épanouissement et d’un accomplissement personnel ». Bref, ils parlent d’une « formation d’excellence ».
P. H. : Je ne sais pas, c’est vous qui le dîtes. Mais effectivement de la plus-value personnelle, tous les stagiaires m’en ont parlé. Mais ce qui va m’intéresser, et ce qui va intéresser l’Université, c’est la plus-value professionnelle…
Le niveau est apparemment assez haut, n’est-ce pas ?
P. H. : Comme je vous le disais, les stagiaires sont majoritairement dans la vie
active. Donc je ne vais pas vous mentir : il faut vraiment se remettre dans les études sinon ce n’est pas possible de suivre.
Le niveau n’est pas haut, le niveau est très haut ! Dans la première promotion, nous avions par exemple deux conseillers de Cour d’appel. Les notaires ou les avocats qui ont suivi les cours pratiquent le droit local alsacien-mosellan depuis plus de trente ans. Elsa Schalck est sénatrice. Voyez, ce ne sont que des pointures !
Vous aviez aussi un vrai étudiant de la faculté de Droit…
P. H. : Oui, c’est vrai. Et cela s’est bien passé pour lui. Simplement il a dû mieux se préparer, davantage travailler, et vraiment se surpasser pour rattraper le niveau. Les professeurs ne l’ont pas lâché. Obtenir ce Diplôme d’Université du droit local n’est pas donné à tout le monde…
Comment s’organisent les cours ?
P. H. : Les cours ont lieu en soirée après la journée de travail. Le planning est prédéfini pour toute l’année. Les stagiaires peuvent ainsi prendre leurs disponibilités à l’avance. Ils ont toutes les dates y compris les dates d’examens. Cela permet à chacun de s’organiser. Ce système a très bien fonctionné.
Les cours se déroulent par blocs de trois heures, généralement de dix-sept heures à vingt heures, à la Faculté de droit de Strasbourg ou à l’Institut du Droit Local en centre-ville. Au total, ce sont soixante-quinze heures qui sont réparties sur toute l’année. Cela peut paraître peu pour certains, mais il faut avoir en tête que ce sont des heures de spécialisation. Une heure de spécialisation d’après les ratios de l’enseignement supérieur représente six heures de préparation...
Les cours sur le droit local alsacien-mosellan sont partagés entre trois modules : un volet droit public, un volet droit privé, et un dernier volet, pour moi le plus important, les interactions entre le droit local et le droit général.
Comment faire si l’on souhaite poser sa candidature ?
P. H. : À l’Université, nous faisons la promotion du diplôme de droit local par des affiches ou des tracts. Les professions se sont engagées à faire la publicité du DU dans leur secteur d’activité. Elles n’hésitent pas à contacter directement des potentiels candidats. Pour le grand public, le site internet est très bien fait. Toutes les informations s’y trouvent ainsi que les fiches de candidature. b
LE CADASTRE FLEURON DU DROIT LOCAL
Produit de notre histoire, le cadastre d’AlsaceMoselle a la particularité d’avoir été conçu avec une exigence élevée d’exactitude en lien avec la création d’un livre foncier. Partie vivante du droit local alsacien-mosellan, il a su s’intégrer au cadre juridique et administratif français et aux évolutions techniques qui ont suivi. Il se distingue par les spécificités juridiques et techniques remarquables que lui confèrent la loi locale sur le cadastre de 1884 et les règlements annexes qui la complètent, toujours appliqués ; en particulier, la capacité de rétablir sur le terrain avec la précision d’origine les éléments figurant sur le plan, un des fondements de sa force probante.
Le cadastre, c’est l’inventaire général et permanent des immeubles bâtis et non bâtis sur un territoire. C’est une représentation graphique qui se présente sous la forme de plans, complétée par des éléments descriptifs littéraux qui portent sur les immeubles et sur l’identification de leur propriétaire. « Cadastre » peut aussi se lire comme « service du cadastre », en France, service public de l’État, faisant partie de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) au sein du Ministère chargé des comptes publics.
LES SPÉCIFICITÉS DU CADASTRE D’ALSACE-MOSELLE
Le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle ont été dotés du cadastre napoléonien appelé aussi « ancien cadastre », comme l’ensemble du territoire français pour donner suite à la loi du 15 septembre 1807 et par règlement impérial du 27 jan -
vier 1808. Remarquablement et rapidement exécuté sur l’ensemble du territoire métropolitain, ce cadastre à vocation fiscale avait pourtant un grave défaut, son immuabilité. Ni le plan ni l’état de sections n’avaient vocation à être mis à jour ou conservés. Il n’y avait pas de sanction en cas d’inaction des propriétaires.
Le concept d’un nouveau cadastre s’est alors imposé alors que les territoires d’Alsace-Moselle étaient sous domination de l’Empire allemand de Guillaume Ier. Il devait répondre aux exigences d’exactitude pour fournir un état physique des propriétés pour un livre foncier de propriété doté de la force probante absolue (présomption irréfragable d’exactitude des droits inscrits vérifiés par un magistrat) pour apporter la sécurité aux transactions immobilières. La loi sur le renouvellement du cadastre en Alsace-Lorraine a ainsi été votée par le Landesausschuss (Délégation AlsaceLorraine) en octobre 1874. Elle a posé les principes d’un cadastre nouveau dont
les spécificités ont gardé à ce jour toute leur pertinence et leur vitalité et qui ont su s’adapter aux évolutions législatives et aux progrès techniques de notre temps. La « force probante » des énonciations de cadastre repose sur une loi du 31 mars 1884. Le plan cadastral est réalisé par voie d’arpentage parcellaire qui s’accompagne toujours par une délimitation contradictoire obligatoire préalable au levé des limites et d’un bornage en présence des propriétaires concernés. Les opérations de levé donnent lieu à l’établissement d’un plan coté (par mesurage terrain de précision), le croquis de levé. La qualité et la clarté du texte de la loi de 1884 et celui des instructions qui l’accompagnent sont telles qu’ils ont pu traverser le siècle, s’adapter aux évolutions techniques et administratives. Ils sont restés en état d’être appliqués encore aujourd’hui pour la tenue et la conservation du plan cadastral d’Alsace-Moselle. Le cadastre d’Alsace-Moselle a également
cette caractéristique d’associer le service public du cadastre au secteur professionnel privé par le principe d’un agrément spécifique, qui permet aux géomètres privés de participer, dans le strict respect des principes de la loi cadastrale locale, à la tenue du plan cadastral par l’établissement des documents d’arpentage parcellaire et les esquisses d’étage qui sont la carte d’identité des propriétés collectives.
LES AVANTAGES DU CADASTRE
D’ALSACE-MOSELLE
La fiabilité des données cadastrales et du livre foncier confère donc une sécurité juridique supérieure à celles de « vieilleFrance », rendant tout à fait exceptionnels les recours juridiques coûteux et fastidieux, ce qui est un grand avantage par rapport au reste de la France, où ce sont les documentations fragmentaires déte-
nues par les cabinets de géomètres-experts, qui sont à rechercher et à porter devant les tribunaux.
Les collectivités, les juristes et les praticiens du droit foncier en Alsace-Moselle sont restés fortement attachés à la sécurité que confèrent pour eux les énonciations du cadastre d’Alsace-Moselle en lien avec le livre foncier.
CRÉATION DU PORTAIL INTERNET DU CADASTRE
À la suite d’une action collective portée par les géomètres experts et les services du cadastre d’Alsace et de Moselle, coordonnée par les services de la région Alsace puis Grand Est et soutenue par les trois conseils départementaux du Rhin et de Moselle, une gestion modernisée, dématérialisée d’une partie de sa documentation spécifique a été mise en place. Les géomètres-experts peuvent dès lors parti-
ciper à la conservation du plan à distance, notaires, collectivités et le grand public peuvent le consulter sans se déplacer au service du cadastre, au bénéfice de l’environnement et ainsi répondre aux attentes de la population d’Alsace-Moselle. La plate-forme du cadastre d’Alsace-Moselle www.cadastre-alsace-moselle.fr/dossier/ comprend le portail interactif le plus complet et fiable possible pour une consultation publique avec une gestion modernisée de l’ensemble des croquis d’arpentage et de leurs filiations ; la dématérialisation de l’ensemble de la documentation cadastrale, y compris du stock des esquisses d’étages avec mise en place d’un système de gestion des données des flux permettant leur accessibilité de manière simple et conviviale dans le cadre d’un processus de gestion optimisé. Elle introduit également une signature électronique pour les esquisses d’étages et divisions en volumes et une transmission dématérialisée du document. a
350 collaborateurs à votre service
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130 ans d’expérience
Une garantie financière et une couverture d’assurance spécifique
LE LIVRE FONCIER « BIJOU » DU DROIT LOCAL
Hérité du droit allemand, le livre foncier (Grundbuch) est considéré comme le « bijou » du droit local alsacien-mosellan.
Les informations primordiales et certifiées qu’il livre font sa réputation. Rencontre avec Julien Millet, directeur général de l’Établissement Public d’Exploitation du Livre Foncier Informatisé.
La publicité foncière en AlsaceMoselle est assurée par le ministère de la Justice qui déploie les ressources humaines (juges et vérificateurs du livre foncier, greffiers, agents des bureaux fonciers) et les moyens nécessaires au fonctionnement des bureaux fonciers des Cours d’appel de Colmar et de Metz.
Depuis la loi du 4 mars 2002, le livre foncier est dématérialisé par l’EPELFI (Établissement Public d’Exploitation du Livre Foncier Informatisé) dont le siège se trouve à Saverne (67). Nous avons rencontré son directeur général, Julien Millet.
Essayons d’être le plus pédagogique possible : c’est quoi le livre foncier ?
Julien Millet : Le livre foncier c’est la compilation de : qui possède quoi ? Qui a des droits sur quoi ?
C’est-à-dire que c’est l’équivalent en Alsace-Moselle de la publicité foncière qui est dans le reste de la France un service public géré par la direction générale des finances publiques.
Il s’agit d’un héritage de l’occupation de l’Alsace-Moselle par l’Empire Allemand jusqu’en 1918. C’est exactement ce que nous pouvons retrouver aujourd’hui chez nos voisins allemands, luxembourgeois, ou badois.
Comment se présente le livre foncier ?
J. M. : Aujourd’hui ce sont juste des données informatiques, des données sur des serveurs. Au quotidien, les notaires, les juges du livre foncier et les greffiers se connectent via un outil qui s’appelle AMALFI (Alsace-Moselle Application du Livre Foncier Informatisé). Il s’agit ni plus ni moins du livre foncier dématérialisé par l’EPELFI (Établissement Public d’Exploitation du Livre Foncier Informatisé), l’établissement que je dirige.
Historiquement, le livre foncier était composé de grands volumes gardés
dans les bureaux fonciers par des greffiers. Dans chacun de ces livres, il était indiqué à la plume les noms des propriétaires, leurs acquisitions, leurs droits. Ces archives existent toujours.
Comment ça marche ?
J. M. : Lorsque vous achetez un bien en Alsace-Moselle, votre notaire va inscrire votre « droit » au livre foncier ou toutes les informations connexes pouvant y afférer, un droit de passage par exemple. Ces inscriptions sur le livre foncier sont validées par les juges du livre foncier dans les différents bureaux fonciers et des Cours d’appel. Ensuite, toutes ces données arrivent à Saverne (67) sur les serveurs de l’EPELFI.
Qui a accès au livre foncier ?
J. M. : Ont accès au livre foncier dans sa totalité les professions règlementées. Un décret de 2009 les définit. Il s’agit principalement des notaires et des juges du livre foncier. Le grand public peut avoir accès à « des copies immeuble » qui les concernent individuellement.
Donc le livre foncier est confidentiel ?
J. M. : Bien sûr ! Ce sont des informations confidentielles ! Dans le livre foncier, vous avez la totalité de la liste des propriétaires en Alsace-Moselle. Même le service des impôts n’y a pas accès. Un exemple assez simple : une maison est achetée par un couple, le livre foncier va indiquer s’ils ont partagé en 50/50, s’ils sont en indivision ou pas. Il est inimaginable que ces informations circulent.
Le livre foncier est donc relatif à ce qui concerne l’immobilier et les propriétés ?
J. M. : Exactement ! 90 % des demandes que nous avons viennent des notaires. Le livre foncier peut également régler des successions ou organiser une vente.
Nous avons également des demandes ponctuelles qui peuvent venir de certaines administrations publiques dans le cadre d’enquêtes fiscales ou sur les flux financiers. Évidemment dans ces rares cas nous sommes contraints de fournir les informations à la justice. Mais les données du livre foncier sont très protégées physiquement et juridiquement.
Pourquoi dit-on que le livre foncier est « le bijou » du droit local ?
J. M. : Il y a deux raisons qui expliquent la renommée internationale du livre foncier alsacien-mosellan. D’abord la qualité des informations. Les informations qui sont dans le livre foncier sont certifiées par un magistrat. Donc ce sont des informations authentiques.
Et surtout, le livre foncier est dématérialisé depuis plus de vingt ans, porté par la loi du 4 mars 2002. Imaginez-vous, nous sommes passés du tout papier au 100 % informatique. Un notaire de Thionville qui doit régler une succession à Ribeauvillé n’a plus besoin de se déplacer ou de solliciter un de ses confrères. C’est tellement plus simple et plus rapide.
Mais soyons clairs : le livre foncier ce n’est pas l’EPELFI qui le gère, ce sont les juridictions ! L’EPELFI s’occupe uniquement de la numérisation.
Vous numérisez également les registres des associations ?
J. M. : C’est le projet que nous menons actuellement : celui de la numérisation des registres des associations de droit local. Nous appliquons le même niveau de qualité que pour le livre foncier.
Souvent le grand public confond livre foncier et cadastre. Comment bien les différencier ?
J. M. : Le cadastre donne l’emprise foncière sous forme de plans. Pour schématiser, ce sont presque des données géométriques. Il a une finalité fiscale afin d’établir l’assiette des taxes locales.
Le livre foncier est le système de publicité foncière spécifique à l’Alsace et à la Moselle. Dans le livre foncier, vous connaissez les propriétaires de la maison qui se trouve en face de chez vous et tous les éléments nécessaires à l’établissement des droits sur le bien. a
Ainsi nous pouvons très clairement dire que le droit local alsacien-mosellan est très en avance sur la numérisation et sur la sécurisation des informations. Nous ne constatons aucun bug, aucune perte de données, aucune intrusion sur nos systèmes informatiques.
« LES DONNÉES DU LIVRE FONCIER SONT TRÈS PROTÉGÉES PHYSIQUEMENT
LE NOTAIRE DÉTECTIVE DE L’IMMOBILIER
Magistrat de l’amiable, le notaire est un « petit détective » qui sécurise les compromis et s’assure qu’aucun vice caché n’entravera une vente. Ce que l’on ignore davantage, c’est que le notaire est aussi source d’évolution du droit, comme nous l’explique Catherine Berthol, à quelques semaines du Congrès des notaires qui se tiendra à Bordeaux en septembre, sur la thématique de l’urbanisme durable.
Les congrès des notaires de France sont à l’origine d’au moins centvingt-huit textes de nature législative, réglementaire et jurisprudentielle. Dans le domaine de l’immobilier, on peut citer l’autorisation des ventes d’immeubles sur plans issues du congrès de 1963, l’encadrement de la vente d’immeubles à rénover, ou encore l’accès facilité à la propriété depuis que les conditions d’éligibilité au prêt à taux zéro ont été révisées par le législateur suite aux recommandations des notaires en 2003. Sans oublier la copropriété inventée et mise en place par les notaires avant la loi de 1965. « Nos travaux et recherches aboutissent sur des avancées législatives, c’est stimulant », appuie Catherine Berthol.
LES NOTAIRES
PLANCHENT SUR L’URBANISME DURABLE
La notaire strasbourgeoise a de fait accepté avec plaisir de rejoindre une commission de recommandations sur l’urbanisme durable et les défis environnementaux en amont du Congrès national des notaires de septembre. « Avec mes collègues, nous travaillons sur différentes thématiques et notamment sur comment anticiper les risques avant de construire quand on rencontre le problème de sols argileux, précise-t-elle. L’assurance pour catastrophes naturelles est à bout de souffle, les assureurs disent qu’il n’y a pas de risques aléatoires. La loi a évolué fin décembre en exigeant une étude des sols avant de construire. Mais cela ne gère pas le passé. »
Catherine Berthol travaille plus particulièrement sur le recul des traits de côtes : « Je suis frappée de voir que des maisons de l’Île de Ré par exemple sont encore vendues à prix d’or alors qu’elles sont submersibles. En tant que notaires, nous ne sommes pas techniciens, mais nous devons nous emparer de ces sujets, car nous nous occupons de la vie des gens. Nous devons décrypter des documents de cent pages qui ont l’air abstraits, et être pratico-pratiques. »
Le rôle du notaire est donc de sécuriser les contrats. « C’est un travail juridique précis dans une réglementation hyper complexe, souligne-t-elle. Notre rôle
est de sécuriser les compromis pour que l’acquéreur ait toutes les informations et que le vendeur puisse vendre. On est de petits détectives ! »
NOTRE OUTIL INFORMATIQUE EST TRÈS EFFICACE
Face à la crise de l’immobilier que la France traverse, Catherine Berthol est sans appel : « Jusqu’à présent, on n’avait pas de raisons de se challenger. Nous n’avons jamais connu une crise aussi longue. À Strasbourg par exemple, nous manquons de foncier et les coûts de construction sont chers. Or, construire durable, c’est aussi penser à la rénovation. Il faut arrêter de démolir, mais rénover, même si les coûts sont plus élevés, transformer les bureaux en logements, construire sur les friches. Lors du dernier Congrès des notaires, nous avons parlé de l’idée de surélever les immeubles, de construire sur les toits. L’architecte
Catherine Berthol, notaire à Strasbourg.
« NOTRE LIVRE FONCIER EST UN OUTIL MAGIQUE. »
des Black Swans à Strasbourg, qui a construit les premiers logements réversibles, a expliqué que cela n’avait pas coûté beaucoup plus cher et que c’était un vrai succès. Il faut se réinventer. Le problème à résoudre aussi, c’est le coût des terrains. Je ne suis pas persuadée que l’on connaisse une baisse des prix, mais cela remettrait de la fluidité dans le marché. Tout comme la baisse des taux d’intérêt tant attendue. »
Très attachée au droit local « qu’il faut pratiquer, enseigner et faire vivre », Catherine Berthol souligne son côté avant-gardiste. « Notre livre foncier par exemple est un outil magique. Dès le lendemain de la dépose de l’acte, vous avez le certificat du nouveau propriétaire, alors qu’en “vieille France”, cela peut durer jusqu’à 24 mois dans le Sud, avec le risque d’hypothèques ou de biens saisis dans l’intervalle. Notre outil informatique est très efficace et consultable en temps réel. Nous sommes “le petit village gaulois” », sourit-elle. Et tels Astérix et Obélix, elle compte bien continuer de le défendre. a
AUDREY DUCANOS NOTAIRE, ARBITRE ET MARATHONIENNE DÉTERMINÉE
Audrey Ducanos, notaire et athlète passionnée, impressionne par sa capacité à se donner à 1000 %, autant dans le droit que dans le sport. Depuis son installation à Saverne (67) il y a un an, elle conjugue avec brio ses compétences professionnelles et son engagement personnel, gravissant les échelons du notariat tout en repoussant les limites de ses exploits sportifs, jusqu’à sa récente participation au Marathon de New York.
Après son déménagement de Forbach (57) à Saverne il y a un an, Audrey Ducanos a tracé son chemin avec détermination. Diplômée en droit, elle a commencé son cursus en Allemagne avant de parfaire son expertise au Centre de Formation Professionnelle des Notaires de Strasbourg. Devenue notaire associée en 2012, elle a su allier compétence professionnelle et engagement personnel, devenant ainsi une référence en tant que notaire pleinement adaptée à son environnement transfrontalier.
Son immersion dans le monde de l’arbitrage a débuté à l’adolescence au sein du club de basket de Marlenheim. « Je trouve plus facile d’arbitrer des matchs de basket masculins que féminins », confiet-elle, évoquant son parcours jusqu’au Championnat de France. Cette expérience a forgé en elle des valeurs d’intégrité et de fair-play qui s’expriment également dans sa pratique notariale.
Passionnée de course à pied, la notaire s’était fixée comme défi de courir un marathon. Rêve réalisé avec sa participation au Marathon de New York. Arborant fièrement les couleurs des Notaires Alsace Moselle, elle a vécu cette expérience avec enthousiasme et détermination. « Le Marathon de NYC est une revanche sur tout ce que j’ai vécu les deux dernières années », indique Audrey Ducanos, soulignant l’importance du sport dans sa vie, au-delà d’une simple passion. Cette passion pour la course à pied nourrit son engagement professionnel, lui permettant de trouver des solutions en repensant à ses dossiers pendant ses entraînements.
Fière de son attachement au droit local, Audrey Ducanos considère le droit local comme un pilier essentiel de son métier de notaire, symbole de son enracinement dans la région. Pour elle, le métier de notaire exige des qualités d’organisation, d’empathie et surtout d’écoute, soulignant l’importance de la formation continue dans un domaine où les lois évoluent constamment. « On est des perpétuels étudiants, il faudra toujours se former avec le changement constant des lois », conclut-elle avec conviction. a
OLIVIER FRITSCH
LE DÉFI DU KILIMANDJARO
Président de la Chambre des notaires du Haut-Rhin, Olivier Fritsch aime aussi relever des défis dans des décors à couper le souffle. Le plus marquant ? L’ascension du Kilimandjaro, culminant à 5895 mètres d’altitude.
Sur les traces de son père, Olivier Fritsch, 46 ans, est une personnalité engagée. Actuel président de la Chambre des notaires du Haut-Rhin jusqu’en mai 2025, il a aussi été deuxième puis premier syndic de la Chambre, « une sorte de procureur de ces instances », précise-t-il, puis vice-président. « Mon engagement est lié à mon histoire familiale : mon père s’est engagé pendant plus de vingt ans, notamment en tant que délégué du Conseil supérieur du notariat à Paris, puis trésorier de la Caisse de retraite des notaires, se souvient Olivier Fritsch. Les instances sont inhérentes à la profession, je considère que c’est un devoir pour chacun d’y participer, car ce sont elles qui assurent la cohésion de notre profession et constituent notre force en nous représentant. »
L’objectif de son mandat : « Maintenir la cohésion et contribuer à moderniser la profession sans trop de soubresauts. » Il a ainsi favorisé la participation des notaires et salariés aux Mulhousiennes et au marathon de Colmar : « Ce sont des moments fédérateurs où les notaires se retrouvent avec leurs collaborateurs, confientils. Dans le Haut-Rhin, nous sommes 129 notaires et 450 employés, nous faisons tous partie de la même profession, je n’aime pas cette vision du patron contre l’employé et vice-versa. »
S’il déteste courir, le Président a participé aux deux événements sportifs en marchant. Et on imagine aisément une belle performance, vu le défi qu’il a relevé l’été dernier : l’ascension du Kilimandjaro. « Je ne suis pas le premier notaire à l’avoir fait, tient-il à préciser. J’ai décidé de me lancer avec deux amis un peu sur un coup de tête en parlant en déposant mes gamins dans une colonie de vacances ! »
Au programme : 35 heures trente de marche en montée, 40 heures trente en descente, 74 kilomètres à avaler, avec un dénivelé positif de 5180 mètres et de 5430 mètres en négatif. « Je ne suis pas un grand randonneur, je n’ai fait que quatrecinq randonnées dans les Vosges pour me préparer, sourit-il. C’est une ascension accessible à tous, qui ne nécessite pas d’être encordé ou de porter des crampons. Le seul élément que vous ne maîtrisez pas, c’est le mal des montagnes. J’ai donc effectué une batterie de tests à l’hôpital civil de Strasbourg et le médecin m’a prescrit des médicaments, car j’y aurais été sujet. Une fois cela réglé, arriver en haut est une question de volonté. » Avec ses amis, il a traversé pendant une semaine des paysages extraordinaires. « C’est une réalisation physique, mais on peut y arriver, estime-t-il.
J’ai aussi ressenti un vrai sentiment de repos, car vous êtes déconnecté de tout et préservé du quotidien source d’irritation entre mails, téléphone, clients ou collaborateurs ! »
L’arrivée au sommet, « a été un sentiment de libération et de plénitude, la dernière montée n’est pas évidente. » Ce qu’il en retient surtout, c’est le panorama époustouflant : « La nature a vraiment inventé les plus beaux décors », conclut Olivier Fritsch, définitivement attaché à relever des défis dans des paysages somptueux. Dernier en date, une marche dans le désert jordanien avec nuits à la belle étoile. a
MARIE BRAUNLEYENBERGER LE DROIT ET L’ART
AU CŒUR
Marie Braun-Leyenberger, notaire connue et reconnue à Saverne (67) a deux amours : le droit et l’art contemporain. Convaincue de la modernité du droit local, elle le considère comme une innovation exceptionnelle. Ayant œuvré à son niveau à l’épanouissement du marché artistique, son engagement pour l’art va au-delà de la simple admiration. Entre Giacometti et Soulages, elle trouve inspiration et émotion, collectionnant des œuvres qui font pleinement partie de son quotidien. Voici le parcours d’une notaire-esthète qui illustre l’harmonie entre le droit et l’art, où chaque aspect et détail contribuent à un équilibre subtil.
Dans les ruelles pittoresques de Saverne exerce une figure du notariat alsacien, Marie BraunLeyenberger, dont l’engagement envers le droit local relève davantage de la passion que de la simple activité professionnelle. Convaincue que cette branche du droit représente une chance inouïe et un ensemble de lois novateur et résolument moderne. Pour elle, être notaire va bien au-delà des actes notariés quotidiens, c’est une immersion au cœur même des vies humaines, dans les moments heureux, comme dans les épreuves.
Notaire donc, mais aussi grande amatrice d’art : « J’ai été initiée à l’art dès mon enfance par ma mère. Depuis, c’est devenu une véritable échappatoire pour moi. » nous confie-t-elle avec émotion. Elle ne se contente pas d’apprécier ou d’admirer l’art. Membre du conseil d’administration de l’Hôtel des ventes d’Entzheim il y a 15 ans, elle a contribué activement à l’épanouissement du marché artistique dans la région.
En tête des artistes qui l’ont profondément marquée, Alberto Giacometti, sculpteur, peintre et graphiste moderniste suisse. Elle se rend régulièrement à la Fondation Marguerite et Aimé Maeght, près de Saint-Paul-de-Vence, pour se ressourcer devant les œuvres de cet artiste visionnaire. « L’Homme qui marche de Giacometti est une source d’inspiration quotidienne pour moi. », indique Marie Braun-Leyenberber. Son amour pour l’art contemporain s’est également développé et emballé suite à une exposition mémorable au Centre Pompidou à Paris, où elle a été captivée par les œuvres de Pierre Soulages. Une autre artiste qui l’a profondément touchée est Francesca Gariti, photographe strasbourgeoise, dont les œuvres provoquent en elle des émotions intenses.
Mais son attachement à l’art ne se limite pas aux musées. Elle aime se perdre dans les galeries ou foires d’art contemporain et de design comme ART-BASEL, qui attire l’élite de la scène artistique internationale ou encore ST-ART à Strasbourg. Elle y a de nombreux coups de cœur, comme
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ce tableau de street-art acquis en 2023. « Cette toile m’a immédiatement conquise. En rentrant chez moi après une journée de travail, elle me rappelle que je suis dans mon espace personnel », se souvient-elle.
Diplômée du Lycée international des Pontonniers à Strasbourg en 1993, elle a ensuite poursuivi ses études à l’université Robert Schumann, où elle a obtenu sa maîtrise en droit privé en 1997. En 2000, elle a intégré le Centre de Formation Professionnelle des Notaires de Strasbourg.
Quatre ans plus tard, elle a réussi le concours du droit local, lui permettant d’exercer en tant que notaire en AlsaceMoselle, où elle conjugue avec succès sa passion pour le droit et l’art contemporain. a
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LUC SENGEL
Notaire et commissaire de justice
ADJUGÉ,
VENDU !
Notaire à La Petite-Pierre, Luc Sengel est aussi commissaire de justice et depuis 2019, président de l’Hôtel des ventes des notaires basé à Entzheim (67). Une seconde passion qui l’évade du quotidien du notariat.
Jusqu’en 2012, c’était une spécificité de l’Alsace-Moselle : tout notaire titulaire du droit local était de fait commissaire de justice s’il le souhaitait. Depuis, pour exercer ce métier complémentaire, ils doivent suivre une formation de soixante heures, accessible également à leurs confrères en vieille France. « Nous ne faisons que des ventes aux enchères amiables, pas de justice », précise Luc Sengel, président de l’Hôtel des ventes des notaires fondé en 1989.
De son côté, Luc Sengel est tombé dans la marmite aux côtés de son ancien patron, feu François-Xavier Seyler, et de son épouse, antiquaire nomade. « Dans la vente aux enchères, il y a un côté assez drôle, dynamique, qui change de notre quotidien plus sérieux, confie-t-il. Lors d’une vente, vous gérez trois écrans, le vôtre, celui de votre collaboratrice, la salle avec des gens qui clignent des yeux, baissent leur casquette, font un microsigne... Il faut s’accrocher pour trouver la bonne enchère ! » Notamment depuis le Covid, où l’Hôtel des ventes a intégré la plateforme Drouot Live. « Cela a accéléré le mouvement, confirme Luc Sengel. Avant, l’Hôtel des ventes était un peu un entre-soi, aujourd’hui, nous touchons le monde entier ! Je peux donner l’exemple de notre plus belle vente de 70 montres où nous avons frôlé le million d’euros et dont la moitié a été réalisée à Taïwan, aux États-Unis... La plateforme nous offre une ouverture au monde. »
LE COUP DE MARTEAU QUI CHANGE TOUT
Mais d’où proviennent les objets à vendre ?
« Dans le notariat, nous réalisons beaucoup de successions, où nous faisons
des inventaires mobiliers pour diminuer la pression fiscale. Et comme le dit mon épouse, dans les inventaires fiscaux, nous ne sommes jamais à l’abri de belles surprises ! ». La plus incroyable : un dessin de Victor Hugo vendu aux enchères à 104 000 €. La plus improbable : une boîtecage de l’artiste japonais Testumi Kudo partie pour 90 000 €. Sans oublier une voiture de collection miniature Bugatti de 1952 qui a trouvé acquéreur pour 12 000 € hors-taxes. « Cela fait cher le jouet, sourit Luc Sengel. Mais il faut savoir que ce sont les ventes par spécialité qui fonctionnent le mieux, car elles attirent les collectionneurs. Les petits trains par exemple partent comme des petits pains ! Je me souviens d’un modèle des années 60 vendu pour 1500 euros ! » Vins, bijoux, mobilier, objet de déco, objet d’art, Louis d’or... L’Hôtel des ventes, ses sept collaboratrices et 33 commissaires de justice savent expertiser et estimer tout type de bien ou font appel à leur réseau d’experts si nécessaire.
À chaque vente, l’acquéreur reverse 20 % HT de commission à l’Hôtel des ventes et le vendeur 15 %. « Notre objectif est de permettre au vendeur de le vendre le plus cher possible, ajoute Luc Sengel. Nous ne commençons jamais la vente en dessous du prix de réserve du vendeur, mais quand les gens viennent aux enchères, ils veulent voir des enchères !
Nous fixons le prix pour qu’il y ait une marge. La vox populi fait le reste. »
Si des tensions naissent entre deux acquéreurs potentiels, c’est le commissaire de justice et son coup de marteau qui tranchent ! « On remet alors aux enchères et parfois c’est la troisième personne qui obtient le bien, s’amuse Luc Sengel. Les enchères sont vraiment animées. » a
« NOUS FIXONS LE PRIX POUR QU’IL Y AIT UNE MARGE. LA VOX POPULI FAIT LE RESTE. »Luc Sengel
POUR ALLER PLUS LOIN
Le podcast captivant des Notaires Alsace Moselle. filtre et sans détour,ces récits authentiquesvous mènent bien au-delà des actes officiels.Un monde fascinant s'offre à vous.
Éric Vial DRLe droit local d’Alsace-Moselle
Institut du Droit Local alsacien-mosellan
ette brochure entièrement gratuite est éditée par l’Institut du Droit Local alsacien-mosellan (IDL) en collaboration avec la Collectivité européenne d’Alsace et l’Eurodépartement de la Moselle. Son objectif est de mieux faire connaître le droit local. Particulièrement synthétique et didactique, elle aborde l’ensemble des questions que peuvent se poser les populations des trois départements : qu’est-ce que le droit local ? Quelle est son histoire ? Quels sont ses principaux domaines d’application ? Comment est géré le droit local ? Quel est son avenir ? Des personnalités de la société civile exposent leur point de vue. Cette publication de 20 pages est une base solide pour commencer à s’intéresser au droit local. a
CL’AUTEUR
L’IDL, l’Institut du Droit Local, est chargé de promouvoir et de défendre le droit local. Il dispose d’un centre de documentation ouvert aux professionnels du droit, mais aussi au public. Sa vocation est également d’éditer des publications pour informer les populations des trois départements des évolutions concernant leur droit.
Le Guide du droit local applicable en Alsace-Moselle de A à Z Collectif
Alsace et la Moselle sont soumis à un droit local particulier qui s’applique dans de nombreux domaines : l’artisanat, la chasse, l’enseignement, les cultes, le contrat de travail, la sécurité sociale… Les Alsaciens et les Mosellans vivent ce droit au quotidien sans s’en rendre compte. Ce guide a été réalisé par vingt spécialistes qui ont eu pour ambition de mettre du droit local de A à Z à la portée de tous. Il s’agit aujourd’hui d’un véritable ouvrage de référence. La première édition de ce guide date de 1997, mais il est régulièrement mis à jour et réédité. a
L’AUTEUR
Jean-Luc Vallens est l’ancien secrétaire général de l’IDL, magistrat (président de chambre à la Cour d’appel de Colmar) et professeur associé à l’Université de Strasbourg et à l’Université de Paris I, formateur à l’École nationale de la magistrature et rédacteur aux Éditions Lamy-Wolters Kluwer (Lamy, Droit commercial) et aux Éditions législatives (Dictionnaire permanent, Difficultés des entreprises). Il est considéré comme l’une des grandes signatures du droit en France.
ÉditionsEconomica,1997. Publicconcerné :touspublics ÉditionsIDL,2024. Publicconcerné :touspublics Ilestpossibledelerécupérer directementausiègedel’IDL.
Code du droit local alsacien-mosellan 2024
Laurence-Grisey Martinez, Eric Sander, Jean-Marie WoehrlingC’est la bible du droit local alsacien-mosellan. Mis à jour le plus souvent possible, le Code du droit local aborde l’ensemble des thèmes qui régissent le droit en Alsace-Moselle : règles générales d’application du droit local, droit privé, droit des associations et fondations, questions immobilières, organisations judiciaires et procédures locales, professions juridiques, droit civil (divers), droit économique, artisanat, droit commercial, navigation sur le Rhin et en Moselle, droit social, aide sociale, assurances sociales, droit du travail, droit public, chasse, droit des cultes, contrôle des professions, droit communal local, enseignement, doit administratif… a
LES AUTEURS
Jean-Marie Woehrling, ancien président de tribunal administratif et de Cour administrative d’appel. Éric Sander, secrétaire général de l’IDL, maître de conférences associé à l’Université de Strasbourg, co-directeur du Master 2 droit notarial et immobilier et du diplôme supérieur du notariat, membre de la commission du droit local d’AlsaceMoselle. Laurence Grisey-Martinez, juriste à l’IDL, chargée d’enseignement à l’Université de Strasbourg.
ÉditionsLexisNexis,2023.Public concerné : avocats,enseignants, étudiants,juridictions,magistrats, notaires,préparationauxconcours…
Le droit local cultuel d’Alsace-Moselle, analyse, texte et jurisprudence ministère de l’Intérieur
près le recueil Laïcité et liberté religieuse, paru en 2011 aux Éditions des Journaux officiels, cet ouvrage a pour objet de présenter de manière synthétique le droit local cultuel applicable dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle. Il vient éclairer la compréhension du particularisme juridique que connaissent les territoires alsaciens-mosellans, au moment où le Conseil constitutionnel vient de conférer au droit local cultuel le statut d’exception constitutionnelle au principe de laïcité. Ce livre est construit en deux parties. La première est consacrée à un aperçu général du droit local cultuel, qui en présente les fondements historiques et juridiques, décrit l’organisation et le fonctionnement des institutions cultuelles et revient sur certaines spécificités relatives aux domaines scolaire et associatif. La seconde partie de l’ouvrage regroupe les principales dispositions de ce droit local, issues d’un ensemble hétéroclite de normes de droit interne français ou d’origine germanique. D’application quotidienne, cette législation fait l’objet d’une jurisprudence abondante, largement commentée dans cet ouvrage. L’ensemble du corpus présenté est commenté par des notes explicatifs. a
Le notariat alsacien de 1800 à nos jours et L’Histoire des études notariales de la Moselle de 1804 à nos jours
Me François LotzAL’AUTEUR
Cet ouvrage a été réalisé par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (bureau central des cultes) du ministère de l’Intérieur. Il permet aux citoyens de se référer aux normes qui régissent le droit local cultuel et d’en saisir la portée.
Éditions:Journauxofficiels,2014 Publicsconcernés :représentantsdes religions,enseignants,étudiants,élus…
Ces deux volumes sont les références toujours actuelles de l’histoire de chaque étude notariale en Alsace et en Moselle. Il s’agit également d’un ouvrage juridique qui décrit et analyse des différences entre notariat alsacien et mosellan avec celui du reste de la France. Un travail titanesque qui n’a jamais encore été égalé qui sera apprécié par tous ceux qui s’intéressent à l’histoire, aux structures et à la sociologie locale. Les préfaces sont signées Paul Haegel, ancien président de la Cour d’appel de Colmar et René Monboisse, ancien premier président de la Cour d’appel de Metz. Les ouvrages sont consultables dans les chambres des notaires. a
L’AUTEUR
François Lotz, né en 1921, fut une très grande personnalité de l’Alsace. Notaire honoraire, docteur en droit, ancien chargé d’enseignement à la Faculté de droit, il fut l’auteur de très nombreuses publications aussi bien juridiques qu’artistiques. Il légua l’ensemble de sa collection à la ville de Pfaffenhoffen qui créera en son honneur le musée de l’Imagerie populaire. Incorporé de force dans le Reichsarbeitsdienst puis dans la Wehrmacht, il réussit à s’évader avec un groupe d’une dizaine d’Alsaciens pendant la bataille du Simeto. Il s’engagea ensuite dans les Forces françaises libres et termina la guerre comme officier. Son œuvre littéraire est immense.
REMERCIEMENTS
Ce numéro hors-série a été dévoilé le 17 juin 2024, à l’occasion du Congrès organisé par le notariat alsacien-mosellan au Théâtre Le Maillon à Strasbourg sur le thème : « Le droit local : un siècle de modernité au cœur de l’Europe ».
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qui ont généreusement pris sur leur temps pour partager leurs idées, leurs expertises, leurs connaissances. Leur implication et leurs contributions ont permis de faire de ce projet une réalité et de témoigner de la vitalité, de la richesse et de l’avenir du droit local.
Le Conseil interrégional des Notaires
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Alsace-Moselle tient à remercier chaleureusement tous ceux qui ont initié, soutenu, encouragé, porté ce projet et qui y ont contribué d’une façon ou d’une autre.
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Merci à toutes les personnes qui se sont prêtées au jeu des interviews,
Merci également à tous nos partenaires sans lesquels ce numéro n’aurait pas pu voir le jour.
Merci enfin à toute l’équipe d’Or Norme pour cette opportunité donnée de publier un hors-série « spécial 100 ans de droit local ».
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Or Norme tient à remercier particulièrement :
Éric Ricou, Président du Conseil interrégional des Notaires Alsace Moselle pour sa confiance Isabelle Kuhn-Magret, déléguée communication Séverine Noloni, secrétaire générale Jessica Wendling-Remond, chargée de communication pour leur aide active tout au long de la production de ce magazine. Éric Sander, secrétaire général de l’IDL, Philippe Ichter, chargé de mission relations avec les cultes et dialogue interreligieux à la CeA pour leur aide à l’élaboration de certains articles.
Ainsi que l’ensemble des personnes interrogées pour ce numéro événement.
100 ans DE DROIT LOCAL
Couverture
Visuel par Cercle Studio
Portraits de l'équipe
Illustrations par Paul Lannes www.paul-lannes.com
Directeur de la publication et de la rédaction
Patrick Adler 1 redaction@ornorme.fr
Rédaction en chef
Éric Vial 3
Rédaction
Jean-Luc Fournier 2 (fondateur)
Alain Ancian 4
Isabelle Baladine Howald 5
Erika Chelly 6
Marine Dumeny 7
Achraf el Barhassi
Guylaine Gavroy
Jaja 8
Thierry Jobard 9
Véronique Leblanc 10
Alain Leroy
Olivier Métral
Jessica Ouellet 11
Barbara Romero 12
Benjamin Thomas 13
Photographie
Franck Disegni 15
Alban Hefti 16
Vincent Muller 17
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Direction artistique et mise en page
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Or Norme Strasbourg est une publication éditée par Ornormedias
1 rue du Temple Neuf 67000 Strasbourg
Dépôt légal : à parution N°ISSN : 2272-9461
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Contrats d’assurance souscrits auprès de ACM IARD SA et ACM VIE SA, entreprises régies par le Code des assurances.