Or Norme N°10 - Femmes, on vous aime !

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ornorme OR NORME STRASBOURG N°10 SEPTEMBRE 2013

L’INFORMATION AUTREMENT

Femmes

ON VOUS AIME...

UN ÉTÉ 2013 Le regard d’Alban Hefti

PORTFOLIO Fernand D’Onofrio

LIBRE ET REBELLE



OURS © Alban Hefti

OR NORME STRASBOURG N°10 EST ÉDITÉ PAR MÉDIAPRESSE STRASBOURG 12, rue de Bouxwiller - 67000 Strasbourg CONTACT : jlf@mediapresse-strasbourg.fr DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Jean-Luc Fournier DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Jean-Luc Fournier - jlf@mediapresse-strasbourg.fr RÉDACTION : Alain Ancian - Erika Chelly - Jean-Luc Fournier Véronique Leblanc - Charles Nouar - Benjamin Thomas MAQUETTE ET MISE EN PAGE : Juleye - www.juleye.fr juleye.graphicdesigner@gmail.com IMPRESSION : AZ IMPRIMERIE - Mulhouse contact@azimprimerie.fr DISTRIBUTION : Impact Media Pub info@impactmediapub.com PUBLICITÉ : Au support et Groundcorp Consulting - charles@groundcorp-consulting.com 06 81 05 14 08 TIRAGE : 15 000 exemplaires Tous déposés dans les lieux de passage de l’agglomération ( liste des points de dépôt sur demande ). Dépôt légal : septembre 2013. ISSN : en cours. Retrouvez notre actualité sur Facebook : www.facebook.com/magazine.ornorme.strasbourg

Édito Nous fermons les pages de notre numéro 10 ( déjà… ) en nous rappelant de cet été 2013 qui restera dans les annales comme le plus ensoleillé et le plus chaud enregistré depuis des lustres. C’est marrant : mai et juin ont été calamiteux avec leurs températures de début mars, le gris et les averses de début avril. On déprimait sévère… J’entends encore Cabrol sur Europe 1 nous pronostiquer l’été le plus pourri qui soit. Et puis paf ! Fin juin, l’anticyclone se rappelle qu’il séjourne l’été aux Açores et prend ses aises jusqu’à l’ouest de l’Europe. Il se réinstalle brusquement et décide de passer deux bons mois chez nous. Et Cabrol bouffe son chapeau en direct une semaine après ! On est de vrais gosses, on adore les docteurs La Science quand ils se plantent… Alors, à la rédaction d’Or Norme, pigeant ça plus vite que le prévisionniste le plus aiguisé, on commande vite fait bien fait à notre ami photographe Alban Hefti un de ces reportages qu’il adore. Cahier des charges : tu te balades à Strasbourg et alentours, le matin, le midi, le soir, la nuit… et tu captes l’air du temps de cet été d’enfer. Le résultat est dans les dernières pages d’Or Norme n°10, couverture comprise. A vous de juger… Nous avons néanmoins travaillé dur et fort pour rencontrer une belle brochette des femmes qu’on aime. C’est notre dossier du trimestre, et si nous nous adressons ainsi à vous mesdames, mesdemoiselles, c’est parce qu’on en avait un peu marre de vous voir réduites à la conso pathétique du dernier « petit haut » à la mode, du pot de crème qui vous fait la peau lisse mieux que Photoshop voire des études bidons sur votre libido de l’été ou de l’automne à venir. La presse féminine ou people est votre principale ennemie ! Enfin, selon nous... et personne n’est obligé d’être d’accord avec notre parti-pris. Notre entretien du trimestre est consacré à Thierry Danet, le boss de La Laiterie et de l’Ososphère qui prendra ses quartiers d’automne à la Coop du Port du Rhin dès la fin de ce mois de septembre. Ce fou de culture baigne en permanence en pleine modernité, et son flair est légendaire dès qu’il s’agit d’être branché en direct sur l’air du temps. Dans son entretien, il voit loin, très loin même et, en ce qui nous concerne, nous pensons que Strasbourg aurait besoin d’un maximum de gens de cette trempe-là… Dans ce numéro, nous consacrons aussi de nombreuses pages aux Bibliothèques Idéales, la manifestation-phare de la rentrée strasbourgeoise, avec sa cohorte d’écrivains, d’artistes et de belles surprises en tous genres. Les organisateurs, la Librairie Kléber et la Ville de Strasbourg, ont encore fait fort cette année, très fort… Mais nous consacrons également d’autres pages à une nouvelle manifestation en octobre : les Rendez-Vous Européens de l’Éthique Alimentaire. Nous sommes toutes et tous concernés par un tel sujet. Découvez cet événement dans Or Norme… Bonne lecture et… Restez Or Norme ! JEAN-LUC FOURNIER 1


Sommaire N°10 - SEPTEMBRE 2013

4 RENCONTRE AVEC THIERRY DANET

10 Femmes On vous aime ! 34

LES BIBLIOTHÈQUES IDÉALES LIBRE ET REBELLE

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MALADIE D’ALZHEIMER

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FORUM MONDIAL DE LA DÉMOCRATIE

DEUXIÈME ÉDITION

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L'ÉTHIQUE ALIMENTAIRE

64

UN ÉTÉ 2013

BIEN MANGER, BIEN PRODUIRE, ÊTRE JUSTE !

À STRASBOURG, EN FRANCE ET DANS LE MONDE

78

STRASBOURG 2028

84 PORTFOLIO : FERNAND D’ONOFRIO

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THIERRY

danet « À STRASBOURG, LA CULTURE EST UNE EXIGENCE ! »

MÉDIAPRESSE

Thierry Danet, « M. Ososphère », est très disponible certes, mais est un type rare, de ceux qu’on n’a pas tous les jours l’occasion de rencontrer, même si on fréquente régulièrement le monde culturel. Toujours smart avec son costume trois-pièces (« Je me dois à moi-même d’être un rien élégant » dit-il en souriant), ce monstre de travail laboure le terrain des cultures contemporaines depuis vingt ans… Et il voit loin, très loin…

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Entretien réalisé par JEAN-LUC FOURNIER

OR NORME : Ososphère est l’évènement culturel le plus surprenant de Strasbourg. D’année en année, vous réussissez toujours à vous renouveler, comme l’an passé quand vous avez investi l’historique Coop au Port du Rhin. Et il n’est nullement besoin d’être un expert pour constater que l’Ososphère est une manifestation bourrée de sens à ras bord…

THIERRY DANET : « J’ai récemment compté sur les doigts… ( rires ). Nous en sommes à la quatorzième édition. L’ensemble de notre projet est le fait d’un groupe de quatre porteurs de projets ( Nathalie Fritz, Patrick Schneider, Christian Wallior et moi-même ) qui a créé et dirige Artefact avec lequel nous avons ouvert les salles de concert de La Laiterie en 1994, que nous dirigeons toujours tout en développant Le Festival des Artefacts et l’Ososphère. En 1997, c’était comme une préfiguration. Nous avions mis sur pied un cycle de soirées à La Laiterie qu’on a appelé « Ohm Sweet Ohm » en hommage à un titre de Kraftwerk. Il s’agissait simplement d’accueillir la culture autour de l’explosion de la musique électronique… Dès l’année suivante, le concept prenait forme : il s’agissait ni plus ni moins de construire un bout de ville éphémère en symbiose avec le temps réel qui l’entourait et notamment ce que j’appelle le fait numérique. On venait de trouver la trame qui nous motive encore aujourd’hui… Nous nous sommes très vite vécus comme des pionniers. Pendant deux jours, on a inventé un bout de ville qui réagissait en temps réel par rapport à l’enjeu du moment : capter l’énergie qui était en train d’émerger du net notamment. Je rappelle juste qu’à l’époque, c’était le modem à 56 Ko, pas l’ADSL… Un tas de types entreprenaient déjà sur ce vecteur-là : ça ne coûtait rien, pour créer on ne rencontrait aucune des pesanteurs habituelles, aucune législation contraignante et on était au cœur des marges : comment faire évoluer la société sans entrer dans le système. L’un des propos de l’Ososphère était d’inventer une forme grâce à laquelle cette énergie-là nourrisse le regard sans être du tout un entre-soi de plus. Et ça reste d’actualité. Désormais, la ville se développe sur ce champ-là et dans beaucoup de domaines : le commerce, les réseaux, la convivialité – ce


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ou un autre dans le jaillissement, l’immédiateté, le foisonnement ; ce sont des mouvements de forme impure qui n’obéissent pas aux règles académiques et qui remettent en question les pré-requis… L’Ososphère a une dimension d’espace public invitant les spectateurs à devenir acteurs individuels de la situation créée. La dimension festive vient toute entière de là, incontestablement…

qui produit autant de possibles que de phénomènes pervers avec lesquels l’individu et la société doivent évoluer. Regardez Facebook qui constitue une privatisation de l’espace public… On ne peut pas ignorer ce phénomène car il impacte le vivre ensemble. Je crois que l’Ososphère a prouvé que le fait numérique a permis de solliciter de nouveau les artistes en tant qu’éclaireurs, que repères, car ils donnaient à voir des choses qui nous échappaient. L’interactivité par exemple, telle qu’elle est liée au fait numérique, est devenue un langage qui n’a sans cesse cessé d’évoluer et qui évolue encore et interroge ainsi l’ensemble des dispositifs dans lesquels nous baignons chaque jour d’avantage. Quatorze éditions plus tard, dans une perception instinctive, on a tendance à penser que si une œuvre est numérique, elle est interactive : il faut réinterroger cela, tout comme le principe même d’une « oeuvre numérique » ! On réinterroge sans cesse, finalement…

T.D : L’Ososphère est une grande conversation polyphonique entre les artistes et les spectateurs. Voilà, c’est ça… Et tout ça se passe à Strasbourg, en tenant de favoriser le fait que nous, ses habitants dépassions nos exigences d’usagers et nos demandes de prestations de services pour habiter cette ville, une ville que ses habitants doivent vraiment habiter et pas seulement consommer les services qu’elle offre. Je pense que cette notion « d’habiter » est l’un des enjeux majeurs de l’époque dans le rapport du citadin à la ville. La ville répond à mes besoins : elle m’offre des services, des prestations, des routes, des hôpitaux, des transports publics… OK, c’est bien mais il faut que tout cela soit transcendé par un regard. Regarder me semble être le premier geste qui permet d’habiter. Il faut s’inscrire à fond dans ce regard, vivre la ville comme une expérience singulière, non reproductible. La ville a une identité, une histoire et un avenir dont les habitants doivent être les acteurs. L’Ososphère est un objet pop si on distingue la culture académique, institutionnelle, savante et la culture pop. La pop, tel que j’envisage ce terme, agrège l’ensemble de ces mouvements artistiques et culturels, parfois nés dans l’underground et parfois d’un fait marchand ou culturel et qui ont en commun depuis un siècle de se construire en public dans une immédiate appropriation par les publics ( fussentils en marge ). Cette réelle dimension populaire intégrant dans le même temps une multiplicité de niveaux de lectures qui font qu’ils viennent ensuite interroger les académies, voire les faire évoluer en y pénétrant. La pop a produit des artistes qui sont, à un endroit

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O.N. : Résumer ce qu’est l’Ososphère en une phrase n’est pas simple… On essaie ?

O.N. : On parle d’Ososphère 2013. La surprise est venue du fait que la manif est scindée en deux temps : septembre et février. Pourquoi ces deux temps séparés de cinq mois ? T.D : Difficile de trouver dans les conditions de cette année tous les engagements publics et privés qui auraient pu permettre un temps ramassé et unique à la hauteur de nos ambitions : mieux valait scinder pour déployer deux temps très forts. En septembre, les deux nuits électroniques offriront une programmation musicale électro de très haut vol, très dansante et festive. Et en février, on viendra habiter la Coop différemment, avec un programme d’exposition, de performances qui portera notamment le fruit d’une intense période de production sur le site. À la fin de ce mois, Laurent Garnier retrouve une nouvelle fois l’Ososphère et viendra jouer à la Cave à Vins. Il va se passer quelque chose de très grand parce que Laurent est réputé pour son exigence dans le monde entier. Alors, s’il a accepté de jouer à cet endroit même, cela va marquer les esprits dans toute l’Europe. Je suis certain que La Cave à Vins va devenir un des « dance floor » les plus excitants du continent.

Laurent Garnier


O.N. : C’est une superbe reconnaissance, non ?

T.D : Ça nous correspond bien, en effet. Ça correspond à la façon avec laquelle nous désirons avancer. Cet évènement prouve que nous sommes bien ancrés dans le réel. Il faut vraiment accepter et vivre ces musiques pour ce qu’elles sont, ici et maintenant, à Strasbourg, en 2013 ! Nous sommes dans l’instant, nous ne sommes pas en train de rêver à un avenir aléatoire et ce geste de Laurent Garnier, connu et reconnu dans le monde entier, va offrir à la Coop un statut de lieu de culture ancré dans l’existant, le réel. Nous travaillons passionnément sur ce lieu éphémère, qui intégrera également une architecture mobile en toile, de façon à ce qu’il se déploie dans le site avec une grande cohérence… Les bâtiments de la Coop , tels que nous les avons revisités, ont une grâce tout à fait particulière. Ce site est un petit miracle car tous ses bâtiments fonctionnent les uns avec les autres de façon très harmonieuse, malgré les couches d’architectures de différentes époques, dictées par différents usages… Ceux qui ont bâti ça, il y a bien longtemps aujourd’hui, ne pouvaient pas deviner que leurs œuvres traverseraient les décennies et trouverait un tel aboutissement aujourd’hui en tant qu’objet « de ville », au coeur d’enjeux de l’avenir de Strasbourg. C’est un lieu magique… O.N. : Strasbourg consacre près d’un quart de son budget à la culture. Ce qui est frappant ici, c’est que ce secteur est depuis longtemps préservé, quelles que soient les municipalités… La culture est en quelque sorte devenue un marqueur pour l’image de notre ville. Que peut-on faire de plus ? Ou de mieux ? T.D : Peut-être devrait-on interroger plus le domaine de définition… Quel est le périmètre dans lequel on choisit d’évoluer : voilà à mon sens le premier acte indispensable pour définir une politique culturelle. C’est une question fondamentale, qui touche au sens de l’action ou des actions à mener. Soit on est dans une politique culturelle auto-centrée, et ce terme n’est pas du tout péjoratif dans mon esprit : alors, on se préoccupe avant tout de produire et faire de la culture. Ou alors, on s’occupe de ce que la culture elle-même fait et produit… Cet enjeu est fondamental, et encore plus aujourd’hui. Les crises ( pour peu qu’elles existent au-delà des apparences médiatiques ) - crise économique, crises de société, crises démocratiques etc – s’accumulent par strates et elles s’amoncellent les unes par-dessus les autres, de façon incessante. Dans ces conditions, la culture pourrait passer au second plan, au troisième pourquoi pas… Or, Strasbourg est une ville d’exigence : ici, aujourd’hui encore et toujours. La culture est au centre des débats et l’action, dans le domaine culturel, peut agir sur le reste des choses. Les projets culturels influent naturellement et immédiatement sur le vivre ensemble, le développement économique, le tourisme, le développement urbain. Alors, on débouche sur un enjeu de société, un enjeu politique, au sens premier

du terme. A Strasbourg peut-être plus qu’ailleurs, la culture est un levier naturel pour inter-agir avec les politiques publiques. La trajectoire de notre ville arrive sans doute aujourd’hui à un carrefour historique. L’art et la culture sont des moyens qui peuvent apporter un nécessaire contrepoint/contre-chant qui s’adressant aux habitants, aux visiteurs et à tous ceux qui s’intéressent à notre ville, vient dire autrement les enjeux et perspectives. L’art et la culture ont toute leur place aux côtés des politiques plus rationnelles avec leurs enjeux plus identifiables, expertisés de toutes parts. Pour faire exister cette voix singulière au champ de l’art et la culture, il faut aller chercher les artistes et le faire en temps réel, aujourd’hui, maintenant… Il faut que Strasbourg se raconte dans son présent et son avenir, au-delà de sa mémoire. Car quand même : notre ville a une histoire très singulière à raconter, notamment au-delà d’elle-même. Quand on est en voyage, même très loin, et qu’on est strasbourgeois, on a vraiment un truc à raconter, non ? Strasbourg doit dire ce qu’elle est aujourd’hui, pas seulement pour se vendre même si c’est important et nécessaire mais aussi pour son rayonnement profond, pour parler d’elle-même et à elle-même. Strasbourg n’est pas qu’une ville de plus sur la carte. Il y a une responsabilité à être ici et y agir !

il faut que

strasbourg se raconte dans son présent et son avenir... Le champ des questions est immense au niveau de la politique culturelle - et je ne suis pas un spécialiste de ces questions, tout juste un « acteur observant ». Comment travaille-t-on pour mettre en place une mécanique qui produit des choses comme nous le faisons avec l’Ososphère et le site de la Coop au port du Rhin ? Comment exister au-delà de Strasbourg et perdurer ? Comment fait-on s’articuler les acteurs entre eux, chacun à leur place ? Ces rencontres-là, il faut les écrire, c’est à dire dépasser l’expérimentation ou le dispositif pour entrer de plein pied dans la direction de projet. Dans ce domaine, il me semble que la politique publique a un rôle fondamental à jouer sans être réduite à un guichet ni devenir un opérateur en soi, c’est un enjeu fondamental puisque profondément politique… O.N. : À vous entendre, la culture se doit de se sentir concernée par tout ce qui vit autour d’elle…

T.D : Oui, résolument oui. La politique culturelle doit faciliter les passerelles entre les créateurs, les experts afin que la culture se mêle de tout, y compris de l’économie qui est devenue le marqueur quasi universel. Tout d’abord parce que nous sommes une entité économique. Pardonnez-moi, je vais revenir à Artefact : l’ensemble de nos activités ( Laiterie et festivals ) représente suivant les années 4 à 4,5 millions d’euros

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en budget consolidé, auto-financée à plus de 60% ( parfois audessus de 70% sur certaines activités ). Et bien plus de 80% de ce budget est directement réinjecté dans l’économie locale en salaires, rémunération des prestataires et autres – et ce sur des activités que nous avons toutes générées de notre propre initiative. L’activité d’Artefact depuis 20 ans sur ce territoire y a favorisé un véritable écosystème de prestataires divers et trois sociétés ont vu le jour grâce à notre activité depuis dix ans, développant à partir de là leurs propres projets. Vous voulez un autre exemple ? Actuellement, nous sommes dans des registres de discussions avec La Coop et avec le Port Autonome de Strasbourg qui sont exactement sur ces enjeux où l’action culturelle vient augmenter le regard sur une activité économique dans des contextes particuliers. Les enjeux ne sont pas les mêmes mais on se retrouve ensemble autour de leur importance. Le Port Autonome de Strasbourg est au coeur d’une problématique de territoire rhénan que la culture a légitimité à rendre incarnable. Quant au territoire urbain qu’il constitue, ces immenses espaces, il faut en parler aux gens si on veut sortir du registre cadastral. Si on veut que cette partie de la ville existe, que le centre de gravité de Strasbourg bascule un peu plus vers l’Est et le Rhin, l’Allemagne, s’articulant au passage avec la Neustadt et l’Esplanade, la construction de logements ne suffira sans doute pas ! Il y a une nouvelle ville à inventer à partir de l’éternité strasbourgeoise. C’est comme si on avait ignoré depuis longtemps une porte oubliée de tous – et pourtant fondatrice de la ville. On l’ouvre et hop ! de l’autre côté il y a un immense port. Le deuxième de France ! Ce territoire est extraordinaire, merveilleux de beautés qui nous sont devenues inédites alors même qu’elles sont séculaires. Strasbourg est un port ! Ça, c’est grand, non ? Nantes a réussi à se positionner ainsi alors que cette ville n’est pas un port. Quel enjeu et mêmes quels enjeux, au pluriel ! Sans doute la culture a-t-elle fonction à en être partie prenante. O.N. : Voilà qui devrait convenir à beaucoup. Strasbourg pourrait revendiquer ça à fond…

T.D : Ô combien ! Et on revient vite à la culture. C’est une politique culturelle qui va revendiquer ça, le faire exister, le rendre partageable. Strasbourg est une ville de modélisation, j’en suis persuadé. Par l’analyse, la réflexion, les débats, le sens politique, on identifie des trucs à créer. Mais attention ! J’ai l’impression qu’en Alsace, l’expérimental seul ne marche pas. Il faut qu’à la fin, ça réussisse ! Le meilleur exemple est celui du tram à la fin des années 80. On a 8

imaginé, puis imposé contre vents et marées, un réseau homogène, dense et profond, susceptible de modifier vraiment le paysage urbain et les usages de la ville. Ça a marché, c’est fait ! Depuis, le tram strasbourgeois a été copié, recopié et surcopié… O.N. : Au final, la culture est donc un des fers de lance essentiels qui doivent projeter notre ville dans son futur proche et plus lointain…

T.D : Oui, assurément oui. La culture doit être entièrement partie prenante de cette modélisation dont je parlais. Il me semble qu’ici nous pouvons singulièrement inventer un « mode de ville », voire même un « art de ville » pour le XXIème siècle. Le format de notre petite grande ville, son histoire, son poids symbolique, sa capacité à inspirer ceux qui y agissent le permettent à un moment même où il faut sans aucun doute dépasser nos acquis. C’est par la culture notamment que les choses prennent leurs sens ( fussent-ils multiples ), que les projets transcendent l’usage si ces projets sont ancrés dans le réel. Car le réel renvoie la ville à elle-même, à son image, à ce qu’elle offre et pourra encore plus offrir à partager dans un futur proche. S’offrir à elle-même, à ses habitants, à ceux qui la fréquentent quotidiennement mais aussi à l’image et à la réputation qu’elle souhaite projeter à l’extérieur. La culture a toute sa place dans ce débat et ses acteurs peuvent et doivent être en première ligne… Une dernière chose, si je puis me permettre : il n’y a vraiment pas besoin de penser à tout cela au moment où, face à l’oeuvre ou au spectacle, le spectateur que nous sommes est avant tout un individu que l’émotion artistique émeut ou exalte. Et puis, ce que je tente de formuler ici n’est qu’une somme d’intuitions et de réflexions en marche ( ça aide à tenir debout ) qui ne saurait en rien avoir d’autres prétentions...


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Alban Hefti pour MĂŠdiapresse

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Femmes

On vous aime...

Même le choix du titre a été difficile à arbitrer. Et si nous nous sommes arrêtés sur , librement adapté des belles paroles de JeanLoup Dabadie pour la chanson de Julien Clerc, c’est parce qu’au final, il nous est apparu le plus proche de l’esprit qui a présidé à la rédaction de ce dossier spécial d’Or Norme n°10.

« Femmes on vous aime »

Nous avons choisi ce thème en réaction contre les milliers de pages qui tombent sous nos yeux chaque année dans les titres de la presse « féminine » et même ailleurs. Ces avalanches de crèmes anti-rides, ces tsunamis d’enquêtes bidons sur la femme « moderne », « active », « libérée », « décomplexée » et on en passe, ces Niagara de compassion hypocrite pour les femmes déboussolées dans leurs sentiments, leurs vies, leurs amours… Ces wagons entiers de méthodes pseudo-révolutionnaires pour gommer ici une poche de cellulite, là une paupière qui s’affaisse, là encore des hanches qui s’épaississent… Et aussi l’exposition indécente de ces centaines et centaines de mannequins quasi prépubères qui enferment encore plus, chaque jour qui passe, ces femmes qu’on aime dans le bagne du paraître et du superflu… Ces femmes que nous aimons à la rédaction d’Or Norme ne répondent pas aux diktats de la vacuité de l’instant consumériste. Elles possèdent naturellement cette « allure » qui leur va bien, en harmonie avec l’être profond qu’elles sont. Elles peuvent s’habiller pour deux sous et cependant elles auront l’élégance de leur beauté intérieure, la seule qui restera à jamais. Et si elles se hasardent dans les rayons de la mode du jour, elles en ressortiront toujours aussi classes, inspirées, rayonnantes, loin des pauvres déguisements à quelques milliers d’euros qui se baladent quelquefois, juchés sur des talons interminables qui leur donnent la démarche ridicule d’un échassier débutant. naturelles, libres de cette belle liberté qui ne se décrète pas mais qui se gagne au prix d’un long combat, pour mieux ensuite se vivre et se déguster au quotidien. quand vous avez rompu avec toutes les chaînes qui vous entravent depuis la nuit des temps. quand vous combattez vous-mêmes, avec votre intelligence, votre courage, votre détermination, vos certitudes…

Femmes, on vous aime

Femmes, on vous aime

vous aime

Femmes, on

femmes

Or Norme ne sont pas Lisez les portraits de femmes qui suivent. Nos les plus célèbres, les plus médiatiques, les plus incontournables. Mais elles sont belles, magnifiquement belles, lumineuses, et surtout, elles sont dans leur vérité la plus authentique…

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Delphine

COURTAY QUAND LES PORTES S’OUVRENT….

Texte JEAN-LUC FOURNIER Photo MÉDIAPRESSE

Avec méthode, constance et dotée d’un sens rare et méticuleux du professionnalisme, Delphine Courtay trace un magnifique sillon dans le monde de l’art strasbourgeois. Elle redonne ses lettres de noblesse à un métier peu connu voire trop souvent galvaudé : agent d’artistes…

Les amateurs d’art et plus encore, les artistes le savent : il est quasiment impossible de gérer en parallèle son art et le reste, tout le reste, tout ce qui découle de la nécessité d’en vivre. Très souvent, la tentation est alors grande de confier la gestion des nombreux contacts avec les galeristes, les organisateurs de salons ou d’expos, à un ami qui vous veut du bien. Juste un coup de main… Au mieux, le coup de main ne va pas très loin; au pire, on se fait escroquer, voire même plagier ou piller ( une récente mésaventure survenue à une peintre strasbourgeoise de notoriété l’a encore prouvé, certains sont vraiment sans scrupules... ).

DU MONDE ASSOCIATIF À L’AGENCE DES ARTISTES Cette jeune ( 30 ans ) messine d’origine a débarqué à Strasbourg pour ses études en médiation et citoyenneté, notamment culturelle. Diplôme en poche, elle a vécu le traditionnel parcours : associations culturelles et artistiques, organisation d’événements, d’expos… Souvent le pire (

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chausses-trappes, luttes de pouvoir, egos exacerbés… ) y côtoit le meilleur ( prise en charge concrète et pratique de l’évènementiel artistique, cette myriade de petites ou grandes tâches obscures qui, au final, conditionnent grandement la réussite et la visibilité des artistes ). Une belle consécration pour ce labeur où l’on est soi-même très rarement dans la lumière : lors de l’ouverture du Jardin des Deux Rives, Delphine prend en charge complètement la toute première rencontre franco-allemande des jongleurs : une année de montage, de la recherche des subventions au contact avec les artistes. Et une révélation personnelle : « C’est l’évènementiel qui me passionne ! Le temps d’un contrat de longue durée dans le cadre d’une agence scénographique spécialisée, j’ai réellement appris ce qu’était l’intégralité du montage de projet culturel, et, grâce au contact avec les scénographes, je me suis passionnée pour l’écriture de textes pour le grand public, la relation avec les scientifiques pour la validation des contenus, l’architecture, le design, les nombreux corps de métiers liés à la scénographie sans oublier les démarches administratives, les appels d’offres, la gestion d’une entreprise… et tant d’autres choses encore… L’aventure ne s’est pas terminée comme elle aurait dû, le talent, quelquefois, pouvant gêner les réputations établies. Après cinq belles années, il me fallait relever d’autres défis, plus personnels, tirer des leçons des expériences passées... C’est ainsi, en 2011, que l’idée de créer l’Agence des Artistes est née… ».

Le feeling avant tout… Avec Delphine, le métier d’agent d’artistes, c’est du sérieux. « La relation avec un artiste ne se limite évidemment pas à un contrat... C’est beaucoup plus fort que ça. D’abord, il faut que le feeling soit présent, tant sur la production de l’artiste que sur sa personnalité profonde. Mes choix sont très personnels et si je me suis orientée sur l’art contemporain, c’est parce que j’avais déjà un réseau d’artistes, des connaissances dans l’art, grâce à mes différentes participations aux « Ateliers ouvert s» dès 2002, un temps fort annuel à Strasbourg. Cette orientation est arrivée simplement après avoir pris la voie de la musique à Paris où je me suis formée au métier de manager d’artistes du spectacles à l’IRMA ( Centre de formation et de ressources des musiques actuelles ). Mes échanges avec des avocats, des régisseurs de tournées et managers m’ont fait prendre conscience que je serais plus à l’aise à travailler dans le milieu de l’art contemporain, plus calme à mon goût et correspondant plus à ma personnalité… Aujourd’hui, après à peine deux années d’existence, l’Agence des Artistes a noué quelques partenariats sérieux avec, notamment, Alexandre Moliera, un peintre de paysages urbains nocturnes, avec lequel j’ai eu le privilège d’exposer plusieurs fois à Auxerre, notamment à l’Abbaye Saint-Germain. J’y ai rencontré des décorateurs et j’ai eu le privilège de travailler pour eux comme prestataire pour inaugurer un nouveau lieu à Auxerre. Du coup, j’ai assuré complètement cette ouverture, les conseillant sur tous les points importants et notamment sur l’organisation d’exposition. Un contrat certes rare mais qui a produit tous ses effets positifs. Aujourd’hui, ce nouveau lieu fonctionne merveilleusement bien… Sinon, je me concentre sur les aspects très concrets de mon métier :

mon rôle est de décharger complètement les artistes de toutes les contraintes juridiques, matérielles et leur permettre ainsi de se concentrer exclusivement sur leur travail. Je négocie et relis tous leurs contrats, je vérifie et défends leurs droits, et bien sûr, je suis à la recherche permanente de nouveaux lieux d’exposition où ils peuvent présenter leur travail. Je me rétribue principalement en commissions sur leurs ventes et parfois en tant que prestataire pour conseiller les professionnels ( libéraux ) dans l’organisation d’expo et dans leur façon de communiquer. Dans ce domaine, le pragmatisme prévaut, c’est évident, mais je le répète : ce qui compte le plus, au départ, c’est le feeling personnel. Sans ce feeling, rien ne serait possible… » Et c’est ainsi que l’Agence des Artistes se développe, et plutôt bien malgré les difficultés économiques actuelles auxquelles l’art n’échappe pas. Et c’est ainsi que la jeune lorraine est devenue un nom de plus en plus côté dans le milieu au point d’évoquer, avec beaucoup de prudence et de pudeur, même, son rêve personnel : « J’aimerais bien sûr avoir les moyens d’ouvrir ma galerie. Je n’en suis pas là mais, prochainement, je vais avoir mon show-room. Mais pour l’heure, je me concentre sur la recherche active de nouveaux lieux d’expositions et les ventes. Car c’est là qu’on rencontre un maximum de gens qui s’intéressent à l’art et qu’on s’ouvre sans cesse de nouvelles portes… ». Avec, sous contrat, des artistes comme Michaël Delattre, architecte de formation qui s’est lancé dans la sculpture béton, le Luxembourgeois Samuel Levy spécialiste des œuvres à la pointe Bic ( à mi-chemin entre le graphisme et le graffiti ), Jean-No, un sculpteur de sphères en acier, Yann Mege, un scénariste strasbourgeois, qui a déjà collaboré au scénario de « La marque des Anges » un film avec Gérard Depardieu, et Dorota Bednarek, une peintre-sculpteur prometteuse, l’Agence des Artistes présente déjà une belle diversité sous le signe d’une étonnante qualité. Un pronostic de notre part ? Allez, on se lance. Quand le professionnalisme et la passion se marient ainsi, la réussite sera tôt ou tard au rendez-vous. Delphine Courtay ira loin…

Delphine Courtay 06 22 52 05 92

delphine@des-artistes.fr

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Florence

Leozewski « MERCI DE M’AVOIR FAIT NAÎTRE, MAMAN !.. » Texte JEAN-LUC FOURNIER Photo MÉDIAPRESSE

A 42 ans, la dirigeante et fondatrice du club de réflexion Galiléo Concept Alsace regorge de dynamisme, de joie de vivre et est pleine de projets. Son parcours prouve qu’elle sait aller au bout des choses. Portrait d’une femme pétillante.. 21 ans déjà qu’elle est à Strasbourg. Et il y a fort à parier que cette Nordiste d’origine (« avec un quart de sang polonais dans les veines » dit-elle avec fierté) n’envisage pas une seule seconde de quitter l’Alsace. « Je suis arrivée en Alsace pour mes études » préciset-elle « Après avoir commencé en Chimie à Lille et à Londres, j’ai obtenu un Master II en vente industrielle. Dans un milieu très masculin, j’ai réussi à faire mes preuves en entreprise. J’ai vendu des générateurs et analyseurs d’ozone sur le marché français mais aussi en Asie, puis des gaz rares, des mano-détendeurs… Mes clients étaient des laboratoires de recherche, des universités, des industriels… C’était passionnant et j’ai beaucoup appris, alors… Puis Osram, un de mes clients à qui je vendais du krypton, a publié une annonce de recrutement d’un chef de marché. J’ai postulé et j’ai donc été embauchée par mon désormais ex-client comme chef de marché puis, en cumul, responsable grand compte. Peu à peu, je me suis investie aussi dans le marketing toutes divisions. Là encore, j’ai beaucoup appris. Malheureusement, le PDG avec qui je travaillais a quitté la société. Avec son successeur, je n’ai jamais été en phase. Je suis attachée à certaines valeurs humaines importantes et qui, selon moi, se doivent d’être également présentes 14


dans le milieu du travail. Pour moi, le management, c’est prendre en compte les valeurs de chacun. C’est avant tout l’intérêt de l’entreprise, non ? Quand cette prise en compte n’existe pas, ça ne me va pas. J’ai passé huit belles années chez Osram mais ma vie n’était pas de travailler jour, nuit et week-end avec ce manque de valeurs fondamentales. Je suis partie… »

L’aventure Galiléo Concept Alsace

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Désormais à la tête d’une société de conseil depuis 2009 ( car de nombreux ex-clients ont désiré poursuivre l’aventure avec elle ), Florence est devenue en outre attachée de presse du Rallye de France qui est désormais organisé en Alsace. Au sein de cette petite équipe enthousiaste et très aiguisée à la performance ( surtout dans la dernière ligne droite puisque l’édition 2013 se déroulera dans un mois ), le punch de cette battante fait merveille… « Je vis un vrai bonheur personnel et professionnel sur les missions que j’accepte. J’ai retrouvé un bel équilibre entre mon temps de travail et mes activités personnelles, dont mes enfants qui représentent pour moi une source de motivation incomparable. Et puis, il y a Galiléo… ».

Galileo Concept Alsace : ce club de réflexion que Florence a initié voilà plus de deux ans et qui réunit plus d’une demi-douzaine de fois dans l’année des décideurs alsaciens, tous passionnés par la réflexion sur notre époque proposée par des invités de renom. Une formule volontairement épurée de tout le « folklore » habituel qui règne quelquefois autour des manifestations de ce type à Strasbourg. « On ne vient pas à Galileo pour se montrer ou parader » confirme Florence. « Bien sûr, on y fait des connaissances, on peut y échanger sa carte de visite, mais vers la fin de la soirée. L’essentiel, c’est la réflexion et les échanges générés par la venue d’un invité expert… » On confirme. Que ce soit autour de Marek Halter, venu parler de la poudrière du Moyen-Orient, Michel Rocard, Vladimir Fédorovski, un des hommes-clés de la Perestroïka de Gorbatchev, l’avocat Éric DupondMoretti, un des « monstres » actuels du barreau ou même Jérôme Kerviel,

l’ex-trader de la Société Générale… les adhérents de Galiléo participent à des soirées de grande qualité et tous reconnaissent facilement beaucoup y apprendre et dialoguer que ce soit avec l’invité ou entre eux. « Strasbourg est une ville extraordinaire sur ce plan » ajoute Florence. « Je ne connais pas d’équivalent en France, Paris mis à part. Il y a une réelle appétence intellectuelle chez nous et cela représente une très belle image de marque pour notre ville. Les personnalités que je contacte sont toutes enthousiastes pour venir. Strasbourg représente un aimant réputé dans ce sens… » Pour la réussite de ses rencontres, Florence s’investit à fond. Elle a même développé un talent inattendu en matière d’interview puisqu’elle réalise personnellement le minientretien préalable à la soirée qui est ensuite mis en ligne sur internet. Et elle avoue prendre un « plaisir inouï » à convaincre tel ou tel décideur à découvrir Galiléo… Cette femme pétillante et inspirée pourrait facilement s’enorgueillir de sa réussite qui l’amène régulièrement à côtoyer de près des personnalités qu’elle n’aurait jamais imaginé pouvoir rencontrer au cours de son précédent parcours professionnel. Mais non : modeste, les pieds bien sur terre, elle proclame « privilégier mon équilibre personnel dans toutes ces activités ». Et ses enfants, Celian (13 ans) et Miliau (10 ans) sont une source inépuisable de motivation. « Celian a été malade quand il avait à peine plus de six ans. Il m’a alors donné une grande leçon de vie. Il a constamment affronté sa maladie avec courage et confiance. Il est aujourd’hui tiré d’affaire mais quelle leçon pour moi ! Quant à mon petit Miliau, comment se décourager quand cette petite boule de joie me dit subitement, comme dernièrement : « Maman, merci de m’avoir fait naître… » « Avec eux, j’ai appris à relativiser, ils ont été constamment mes repères et ils comptent tant dans les choix personnels que je suis amené à faire. Ils sont ma ressource » conclue Florence, un large sourire accroché au visage…

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Mathilde

CASPARD UNE ERREUR D’AMPHI ? NON, UNE CARRIÈRE QUI S’OUVRE ! Texte JEAN-LUC FOURNIER Photo MÉDIAPRESSE

A quoi tient un beau début de carrière dans un des métiers les plus pointus qui soient : ingénieur en traitement d’images satellite ? Mathilde Caspard, 29 ans, raconte, en en riant encore, le sacré coup de pouce du destin qui l’a propulsée dans la passion de son métier… D’abord, c’est une sacrée « boule de vie » qui fait son apparition sur la terrasse ensoleillée de l’Art Café, au Musée d’Art Moderne. Elle a du bonheur plein ses beaux yeux bleus, Mathilde. Fraîchement mariée au tout début septembre avec son amoureux de DJ (avec lequel elle a déjà partagé une année sabbatique à La Réunion, à la découverte du monde ), elle se raconte de la façon la plus cool et naturelle qui soit. Mais sans prétention : cette croqueuse de la vie a appris très tôt qu’il faut vivre « à l’écoute des signes que la vie nous envoie ». Une référence ? Le chef d’œuvre de Paolo Cuehlo, « L’Alchimiste ». Effectivement, avec de telles lectures, on peut voyager loin (ndlr)… 16

LE PREMIER GRAND COUP DE POUCE DU DESTIN Il y a dix ans, son bac S en poche, Mathilde vise la fac de Biologie à Strasbourg. Au deuxième semestre, sa rentrée est prévue au lendemain de la date d’instauration de… l’heure d’été ! Se croyant à l’heure pour son premier jour de cours, elle arrive en fait avec... une heure de retard ! Elle n’a pas fini aujourd’hui de bénir ce prof acariâtre qui lui interdit alors l’accès de l’amphi. Un peu désemparée, elle pousse alors la porte de l’amphi de géographie. Elle ne le sait pas encore mais elle vient de franchir le pas le plus important de sa formation. Grâce à cette anecdote extraordinaire, elle deviendra ingénieur en traitement d’images satellite ! Géographe, titulaire d’un Master II Géo-Sciences-Environnement et Risques, Mathilde découvre alors le Service Régional de Traitement d’Image et de Télédétection (Sertit), un labo de l’Université de Strasbourg, basé à Illkirch. Coup de foudre réciproque : elle y est désormais embauchée depuis trois ans !

UN BOULOT RARE ET PASSIONNANT Le Sertit collecte, analyse et retransmet à ses clients les images satellitaires provenant des agences spatiales du monde entier. Pour des applications très concrètes : « Je me suis déjà beaucoup investie


Le passage du cyclone Haruna le 22 février 2013 a provoqué de nombreux dégats liés aux vents violents et à la montée des hauts. Cette carte montre l’impact des inondations dans le secteur de Toliara. Elle a été établie par le Sertit grâce aux données du satellite SPOT 5 du 26 février 2013. Sa précision et le nombre des indications portées ont grandement facilité les secours prodigués par la Sécurité Civile de cette région de l’ouest de Magadascar.

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dans quelques projets comme la cartographie des châtaigniers en Alsace » confie-t-elle. « Il s’agissait dévaluer au plus près le volume de cette ressource, très utile pour valoriser cette essence… Mais c’est au niveau de la gestion des catastrophes que notre boulot est le plus passionnant. Cela m’a valu une expérience unique en Haïti… » Janvier 2010. En quelques secondes, Haïti est victime d’une succession effroyable de tremblements de terre. Des événements si terribles qu’ils ont déclenché immédiatement, on s’en souvient, un énorme élan de solidarité internationale. Et c’est là que le Sertit joue son rôle. Capital… « Nous avons toujours une équipe d’astreinte 24 heures sur 24, trois ingénieurs et un gestionnaire. Dans ce cas, dans le cadre d’un planning très contraignant, nous avons tout de suite pris les premiers contacts avec les agences spatiales pour qu’elles programment leurs satellites sur Haïti dans la cadre de la Charte Internationale en tant que producteur de valeur ajoutée. Avant même de recevoir les premières images satellitaires, nous avons préparé le site internet de destination de nos cartes et recueilli les nombreuses informations de référence des régions sinistrées. Facile quand c’est en France avec l’IGN, beaucoup moins dans certains pays. Quand les images arrivent, nous avons huit heures pour les traiter. Pour Haïti, la première carte de crise a été publiée moins de 24 heures après l’événement. Un exploit ! Nous centralisons toutes les données, nous repérons les bâtiments impactés, les routes, les ponts, les pistes d’atterrissage, les voies de chemin de fer, les rassemblements spontanés de population après la catastrophe, les points d’eau disponibles… une foule de données très précieuses que nous cartographions avec méticulosité, notamment avec les données GPS les plus précises qui soient. On met ensuite tout en ligne sur internet à l’intention des services de Sécurité Civile locaux et internationaux. Munis de ces précieuses cartes, ils peuvent ainsi porter secours aux populations et faire face aux tragédies qui les frappent… »

« La Terre est trop belle ! » Quelquefois, l’ampleur de la catastrophe est telle que l’expertise du Sertit est requise pour former les locaux sur place. Ce fut le cas pour Haïti et personne n’étant très chaud pour effectuer le déplacement, Mathilde s’est portée volontaire. « Une expérience inoubliable » se rappelle-t-elle. « J’étais sous contrat avec la Croix-Rouge américaine. Il m’a fallu former deux Haïtiens pour leur apprendre à utiliser les images satellites. Deux ans après la catastrophe, le chaos était encore total, j’ai été surprise de constater si peu de choses en matière de reconstruction… J’ai vu la vraie misère, l’insécurité et le danger qui vont avec. Je croyais savoir ce qui se passait dans le monde mais j’avoue que là, moi qui suis généreuse par nature, j’ai eu du mal à côtoyer cette misère toute la journée avant, le soir, de rentrer dans les logements tout à fait confortables où nous résidions. Cela m’a mis très mal à l’aise. Ici, on vit dans l’opulence, on pleurniche pour un rien… Alors, on est bien obligé de relativiser… » Mathilde n’a pas fini de rendre grâce à son destin qui l’a fait pousser la porte de son amphi de géographie. « J’ai une soif énorme de tout découvrir de notre planète, la Terre est trop belle. Moi qui passe mon temps à la voir du ciel, j’ai envie de la parcourir dans tous les sens, et en vrai ! Ma vie n’y suffira pas. Mais je ne me pose aucune question, je prends tout ce qui vient. Je suis toujours volontaire pour aller quelque part. En biologie, j’aurais passé mon temps à observer l’infiniment petit. Là, sous mes yeux, il y a l’immense, le grand ! Je vis mon métier comme un rêve ! »

Mathilde Caspard mathilde.caspard@sertit.u-strasb.fr DR

www.sertit.u-strasb.fr

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Laurence

Peiffer

MÉDIAPRESSE

LES SECRETS D’UNE PASSIONNÉE

Texte JEAN-LUC FOURNIER

Les lecteurs d’Or Norme savent toute l’énergie que Laurence Peiffer, directrice du Printemps à Strasbourg et ses équipes ont mis dans les travaux puis l’inauguration de l’emblématique grand magasin de la place de l’Homme de Fer. Mais qui se cache vraiment derrière ce visage souriant et cette disponibilité permanente ?

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Tous les matins de la semaine, Laurence Peiffer quitte son domicile colmarien, son mari, enseignant en Eco-Droit et Marketing dans un lycée haut-rhinois et ses deux enfants Louise, 11 ans et Jules un peu plus de 7 ans et rejoint le train qui va la conduire à Strasbourg où l’attendent ses responsabilités de directrice du Printemps. L’habitude aidant, elle sait précisément où s’installer : « Nous sommes un petit groupe d’habitués et nous bloquons chaque matin un compartiment juste pour nous » sourit-elle. « Il y a des gens qui travaillent dans des banques, des chercheurs... c’est très varié; certains, dont elle, bossent déjà sur leur ordinateur mais la plupart se parlent. Moi qui suis toujours allée à mon travail à pied auparavant, je n’avais jamais connu ces moments-là. On se soutient, on connait toutes les histoires des uns et des autres, on s’apporte des conseils et puis, ça ne s’arrête pas là. On est une petite communauté d’amis... Ce petit moment particulier est très sympa. Je l’apprécie beaucoup avant de me plonger dans mes grandes journées de travail... »


Un leitmotiv : bien faire !

Coups de cœur

À 39 ans, Laurence surprend toujours ceux qui font sa connaissance par son dynamisme et son professionnalisme. « Je suis en fait très redevable à mes parents » précise-t-elle. « Ils étaient instituteurs tous les deux à Katzenthal, un petit village dans un fond de vallée hautrhinois. Il y avait une sorte d’obligation durant mon enfance avec ma sœur : bien faire ! Nous étions les enfants des instituteurs. Nous n’avons jamais été traumatisés par cela, bien sûr, c’était d’ailleurs plus nous qui nous imposions cette obligation que nos parents... »

Depuis des mois maintenant, le Printemps Strasbourg est dans sa vitesse de croisière, métamorphosé, somptueux. Et le jardin secret dans tout ça ? Quels sont les autres secrets de Laurence ? « Je fonctionne par coups de cœur » dit-elle, « dès que je vois quelque part un article, une photo, un concept, j’en conserve soigneusement la trace en me disant que ça me servira tôt ou tard. C’est ainsi que je procède pour capter l’air du temps. Dès que j’ai cinq minutes, je flaire, j’adore aller à la rencontre des petits créateurs, des artistes, des peintres... L’art en général, la photo d’Annie Leibowitz, la déco avec les frères Bourroullec ou l’architecte Zaha Hadid, la mode ou plus précisemment les histoires de la mode comme celle de Gabrielle Chanel ou Cristobal Balenciaga sont mon univers et je suis comme une éponge. Je stocke tout... » Au point de rêver à voix haute à trouver du temps , « tout d’abord pour ma famille dont le soutien est toujours indéfectible » puis pour elle, rien que pour elle : « S’il m’était donné ce temps-là, je me mettrais à l’apprentissage du russe et d’autres langues, j’apprendrais les techniques de peinture, je m’inscrirais aux cours d’histoire de l’art à l’Université populaire européenne... »

Reste qu’aujourd’hui encore, Laurence parle de son enfance et de son adolescence avec des étoiles dans les yeux : « Mon père est un altruiste né, tout comme ma maman l’était aussi. Elle nous a quittés il y a peu... J’ai grandi avec leur exemple, et ils m’ont toujours dit : tu t’es engagée, va au bout ! Mon grand-père ne proclamait-il pas déjà : j’ accompagne mes enfants pour en faire des Hommes debouts ! Cette détermination, ce véritable atavisme familial me sers beaucoup aujourd’hui... »

Laurence Peiffer est une authentique passionnée de la vie. « N’oubliez pas le V majuscule » précise-t-elle avec son beau sourire...

Le Printemps Metz où Laurence fut successivement responsable de département, responsable des opérations puis directrice du magasin, gérant la complexe période des grands travaux de ce magasin, tout comme à Strasbourg les années passées... Nul doute que le « toujours bien faire » aura fait là aussi merveille...

MÉDIAPRESSE

C’est cette même détermination qui a permis à Laurence d’intégrer l’EM Normandie, une école qui misait tout sur l’alternance et les séjours en immersion dans l’entreprise à l’image de cette année passée au service Export de Cacharel au contact du fondateur Jean Bousquet, cet autodidacte génial. « Une super expérience » se souvient-elle, « de même que cet autre patron marquant de la filiale allemande de Pimkie où j’ai œuvré en tant que Chef de produit, courant les salons professionnels à la recherche des tendances, des nouvelles matières des fournisseurs... Et finalement l’intégration au Printemps, lors de mon installation à Metz où j’ai suivi la progression professionnelle de mon mari ».

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Lucille

Ulrich Les mots pour le peindre Texte

Lucille Uhlrich expose en ce moment "Ulysse" au Pont du Gard dans le cadre des 30 ans du FRAC mais de Los Angeles à Moscou, ses oeuvres se posent bien au delà de la France et de son Alsace natale. D’abord, elle hésite à parler, puis se lance dans la conversation et c’est un bonheur. Lucille Uhlrich est limpide ce qui n’exclut pas le sens des nuances. Cette jeune plasticienne dit aimer « que son oeuvre soit un parcours, une traversée et ne pas être reconnaissable à une arabesque… » A 29 ans, elle creuse un sillon entamé aux Beaux-Arts de Lyon après une prépa littéraire à l’emblématique lycée strasbourgeois Fustel de Coulanges. Les livres l’accompagnent toujours aujourd’hui mais elle leur a trouvé d’autres usages, s’attachant à leur forme, à leur aspect pour en faire des objets plastiques. « Pour moi, dit-elle, ils incarnent à la fois une résistance au discours ambiant en laquelle je me retrouve et une autorité « définitive » qui me convient moins. » D’un côté, une temporalité, une poésie différentes de ce à quoi nous confronte le quotidien, de l’autre ; une espèce d’arrogance définitive... Du plus et du moins, une ambivalence passionnante à laquelle l’artiste se confronte. 20

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VÉRONIQUE LEBLANC

Des oeuvres qui parlent sans la béquille de l’explication « J’étais très conceptuelle au départ, confie-t-elle, mais aujourd’hui je veux qu’une oeuvre puisse « parler » d’elle-même sans s’appuyer sur la béquille de l’explication. La majorité des oeuvres contemporaines demandent une grille de lecture, j’y vois une certaine suffisance et je veux plus participer à tout cela. » Rien d’étonnant à ce que cette passionnée des livres ait été choisie pour réaliser la « Fenêtre contemporaine » qui ouvre la Bibliothèque humaniste de Sélestat sur la rue. « J’ai fait une oeuvre un peu loufoque, explique-t-elle, jouant sur l’intérieur et l’extérieur, le patrimoine et la modernité ; invitant le passant à se frayer son propre chemin dans le maelström des connaissances. « Exglosion subite - from form morf » invite à la glose », poursuit Lucille en éclatant de rire au son de ses propres mots. Ceux-ci s’imposent alors qu’elle voudrait s’en tenir à la forme et elle s’en amuse. Farceurs un brin démoniaques, ils la rattrapent et elle compte les affronter sur un front très ludique en se lançant dans une nouvelle série entamée à la faveur d’une bourse du Centre européen d’actions artistiques contemporaines (CEEAC) à Berlin. « Tip of the tongue ». Ces mots que l’on a sur le bout de la langue et qui apparaissent s’ils le veulent bien…

Berlin, Madagascar, Los Angeles, Kyoto, Moscou... et l’Alsace Lucille est heureuse de cette résidence d’artiste dans une ville qu’elle découvre depuis juillet avec son compagnon Bertrand Lacombe qui étudia aux Arts Déco de Strasbourg. Elle va exposer avec lui l’été prochain à Proekt Fabrika de Moscou et participe en ce moment à la Biennale de Kyoto. Elle a aussi présenté son travail au LACE à Los Angeles... Voyageuse au long cours, la jeune femme reviendra bientôt en Alsace, histoire de retrouver un port d’attache où poser ses valises, non loin de chez sa mère, la journaliste-écrivain Simone Morgenthaler, autre belle amoureuse des mots…


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MÉDIAPRESSE

Thérèse willer OBSESSION UNGERER Texte JEAN-LUC FOURNIER

C'est un parcours insolite qui a mené Thérèse Willer aux commandes du musée Tomi Ungerer. Certes, la dame aux yeux verts a « fait » l'histoire de l'art à l'université de Strasbourg mais elle s'y est spécialisée en archéologie grecque avant de travailler au début des années 80 dans... la restauration. Non pas celle d'oeuvres d'art mais celle qui se mitonne en cuisine pour le bonheur des papilles. « L'Arsenal à la Krutenau était à l'époque une des belles adresses de la ville, raconte-t-elle. Avec une vraie convivialité qui drainait écrivains et artistes. » Tomi Ungerer faisait partie des habitués, Thérèse et lui ont fait connaissance et lorsque la Ville a ouvert le poste de chargé(e) de conservation de la collection Ungerer, elle a postulé et été retenue. « Au fur et à mesure, s’est construit le projet du futur musée, raconte-t-elle, et je m’y suis attelée. Une année après l’inauguration en 2007, Thérèse a défendu une thèse consacrée à « son » artiste. Autant dire que l’oeuvre de Tomi a été une obsession pendant 10-12 ans, dit-elle en riant 22

mais c’était passionnant. » Depuis l’Arsenal, ses conversations avec l’artiste n’ont pas cessé. « Cet autodidacte est plus que cultivé, il est érudit, raconte-t-elle. Il n’y a pas un mouvement, un artiste qui ne l’ait interpellé et c’est la même chose en littérature, en sciences... On peut parler de tout avec lui. »

STRASBOURG, EPHÈSE, L’IRLANDE, TOMI ET... STEPHEN KING Et ne pas forcément être d’accord ! Notamment au sujet de la cathédrale de Strasbourg en face de laquelle habite Thérèse. Elle s’en émerveille à l’infini, lui s’en irrite y voyant un symbole « d’arrogance bourgeoisecitadine-du moyen âge ». « Sa relation à la ville est complexe dit-elle. Il l’observe avec la distance de l’expatrié mais quand il y revient, il s’immerge dans un bain d’amitié. » Strasbourgeoise, Thérèse est aussi voyageuse. Chaque année, avec son mari, elle retourne à Ephèse où « l’aube aux doigts de rose » décrite dans l’Odyssée devient réalité en se levant sur la mer Egée. Tous deux sont allés « un peu partout dans le monde » et prennent régulièrement la direction de l’Irlande où séjourne Tomi. Comme elle, l’artiste a la passion de la botanique et tous deux « adorent parler de fleurs». « Je connais parfois les noms latins, lui me les donne aussi en allemand, en anglais...» Cet été, un sms envoyé d’Irlande par Thérèse m’annonçait que l’armoise était en fleurs et que ce serait bientôt le temps des asphodèles. Il faudra que je lui demande si elle a terminé la lecture de « 22.11.63 », le livre de Stephen King consacré à l’assassinat de Kennedy. Elle est en effet férue de littérature fantastique et de science fiction, de cinéma aussi. Elle a fait de la danse classique, dessine un peu même « si personne ne le sait » et reste déterminée à faire de Strasbourg un pôle de l’illustration en travaillant avec l’université, la Haute École des Arts du Rhin... Et Tomi bien sûr, « tellement ouvert ! »


REPORTER POLY GAMMES

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Andrana noaghiu

Vol au-dessus du toit du monde pour rejoindre le minuscule aéroport de Simikot, dans le distrioct de l’Humla, à la pointe nord-ouest du Népal.

Texte VÉRONIQUE LEBLANC

27 ans, Andrada Noaghiu trace depuis quelques années un sillon prometteur dans les couloirs renommés de France Culture. Pigiste de presse écrite, puis rapidement mise à l’essai au travers de docs produits pour Arte Radio, la jeune strasbourgeoise d’origine roumaine, après un été passé à présenter les journaux de RFI, se refuse à suivre la voie toute tracée de ses anciens collègues du CUEJ. Andrada veut faire du documentaire radio, n’en démord pas, quand bien même les moyens financiers ne seraient pas forcément là. Plus que consigner, elle aspire à enregistrer, photographier, dessiner, mélanger les gammes et les formes d’expression subjectives. Car le suivi de l’info brute, factuelle, la course contre la montre, la chasse au scoop politique ou économique ne sont pas dans son ADN.

DE L’AUDACE Ce qu’elle veut : prendre le temps. Celui de découvrir, de comprendre, d’interroger. Quand elle pousse la porte d’Irène Omélianenko, la productrice historique de l’émission Sur les Docks ne lui impose qu’une règle: « Ne vous demandez pas ce qui doit être traité mais quel

sujet vous seriez capable de traiter comme personne d’autre ». En est sorti quelques mois après « Coucher n’est pas tromper, les nouvelles infidélités », un doc de 52 minutes qui « interroge les libertés et les normes amoureuses à inventer ou à réinventer au sein de la génération des presque trentenaires », et un succès d’audience remarquée chez Culture. Passé l’essai, Irène lui prendra deux autres docs qui ne passeront également pas inaperçus : Les tribus des récrés ( 2012 ) et Cachez ce sein ( 2012 ), Trois docs convaincants qui la conduisent à proposer cette fois un projet hors norme : rencontrer les sociétés polyandres himalayennes. Irène est intéressée mais ne peut s’engager tant qu’elle n’a pas écouté les rushs. Sans moyens, Noaghiu et une amie journaliste de la Deutsche Welle – Anne-Julie Martin - frappent à toutes les portes et obtiennent 15.000 euros de subventions. Neuf semaines d’enregistrement, de croquis et de photos plus tard, de retour du Penjab et de l’Haryana, du district d’Humla, chez les Nyinba, et de la frontière du Yunnan et du Sichuan, chez les Moso, Omélianenko découvre leur travail et leur signe trois 52mn et un webdoc programmés pour 2014. De quoi faire dire à l’étoile strasbourgeoise montante de Culture, « qu’au lieu de se complaire dans la morosité, la génération Y à laquelle j’appartiens devrait se souvenir que le monde est à portée de main, même en partant de rien ». Une prise de conscience à laquelle, conclut-elle n’ont pas été étrangères « ces Indiennes et Népalaises corsetées par les carcans de leur société ».

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Dorothée CHARLES NOUAR POUR MÉDIAPRESSE

jost

L’ILLUSTRATION DE NOS RÊVES D’ENFANTS Texte CHARLES NOUAR

Milan, Fleurus : deux grandes maisons d’éditions jeunesse dont il n’est plus besoin de faire l’article. Ce que l’on sait moins, par contre, c’est que c’est à la même illustratrice strasbourgeoise à qui toutes deux ont confié l’univers visuel d’une partie de leurs collections. A 32 ans, Dorothée Jost met notamment en scène les scénographies du « Dico Chéri » ( Fleurus ), des « Copains des Bois » ou de « Balayette à l’école des princesses » ( Milan ). Reconnue très jeune pour ses dons graphiques, c’est à l’Ecole Emile Cohl de Lyon, - « une école de dessin pur et dur » - qu’elle apprend véritablement les bases de son métier. C’est là aussi, qu’elle comprend très vite que ce milieu fourmille de nombreux talents et que ses seuls dons ne suffiront peut-être pas à se démarquer. « Des gens qui savent dessiner, il y en a plein. A Cohl, tu le vois vraiment. Ça te fout une claque ». Mais cette claque, Jost en fera l’une de ses forces, non seulement confortée dans ses ambitions mais également en comprenant que pour vivre de son art elle ne pourra se murer dans un seul univers comme d’autres talents s’y sont obstinés. Un 24

Une sorcière amoureuse? Bien plus : l’une de ces fées qui font que, depuis l’enfance, chacun a droit à sa part de rêve.

choix qu’elle ne regrette en rien mais que lui ont aussi permis ses parents en la soutenant, le temps de voir si elle pourrait vivre de son trait. « Ce soutien a été très important pour moi car il est très difficile de faire un job à côté quand tu démarches des maisons d’éditions. Avoir cette liberté est un véritable luxe que tout le monde n’a pas ».

PAYÉE POUR DESSINER DES PETITES NÉNETTES Un an aura finalement suffi avant qu’elle ne signe ses premières commandes: des illustrations pour Charlotte aux fraises, pour le marché, aussi, alors très porteur des magazines pour pré-ados. « J’étais payée pour dessiner des petites nénettes. C’était assez incroyable pour moi ! », s’étonne t-elle encore. Puis vinrent « des petits bouquins dans l’édition jeunesse. Après, une fois que tu mets un pied dans ces boites un projet en appelle un autre : des documentaires, des couvertures de romans, des contes, des encyclopédies ». Milan, Fleurus, Hachette, Lito, Grenouille, la liste s’allonge et se fidélise. Désormais bien installée dans le milieu après dix années d’exercice, la jeune femme n’en oublie toutefois pas que son activité reste précaire. « Si tu n’as plus de commandes, tu n’as plus rien : dans ce métier, tu n’as pas de statut d’intermittent, tu ne touches pas de chômage ». Cette prise de conscience, Dorothée essaie là aussi d’en faire bon usage, en soutenant notamment l’idée que les illustrateurs – souvent trop isolés - se regroupent et à pèsent davantage pour défendre leurs droits. Car si les livres jeunesse ont encore les faveurs des familles, la jeune femme n’oublie pas que le monde éditorial est en pleine mutation budgétaire et technologique. Des virages seront sans doute pris mais encore faut-ils qu’ils préservent cette part de féérie qu’apportent les illustrateurs. C’est là l’un des grands enjeux qui lui tiennent aujourd’hui à cœur. Car sans illustrateurs, les mots perdraient une grande part de rêve et ce monde magnifié, dont ces artistes sont dépositaires depuis notre enfance, ne serait plus tout à fait le même…


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O.N. : Une ville c’est un urbanisme, une architecture, plus ou moins de couleurs. Comment vous est-elle apparue à vous qui veniez de la magnifique Istanbul ? P.N : Ma première impression fut que les maisons y ressemblaient à des gâteaux ! Mais cette ville est tellement belle que lorsque je me sens mal, abattue... je réagis tout de suite. Je prends soin de moi et de mon appartement pour que tout reste aussi net que le sont les rues. O.N. : Une ville est aussi faite de ses habitants...

P.N : J’ai beaucoup d’amis ici et il me semble que je les connais depuis des siècles. De l’université à la mairie, des artistes aux membres de collectifs, d’associations... tous m’ont dit « Bienvenue ». Jusqu’au cinéma L’Odyssée qui m’a offert un pass pour assister aux séances. Des gestes comme cela, il y en a eu plein.

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Pinar

O.N. : C’est la première fois que vous veniez en Alsace ?

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« STRASBOURG M’A SOURI » Texte VÉRONIQUE LEBLANC

Accusée sans fondement par la Turquie d'Erdogan, condamnée en janvier 2013 à la perpétuité au terme de quatre procès dénoncés par les défenseurs des droits de l'homme, la féministe et sociologue Pinar Selek paie son engagement en faveur des minorités. Strasbourg l'a accueillie s'est mobilisée pour elle. Elle parle ici de la ville et de sa vie d'exilée. OR NORME : Que représente Strasbourg pour vous ?

PINAR SELEK : La ville qui n’a cessé de me sourire durant les deux ans que je viens d’y passer. Elle est devenue une partie de mon histoire, de ma vie. Je m’y suis très vite « habituée » et ensuite j’ai voulu mieux la connaître. Je me suis mise à lire l’histoire de l’Alsace, j’ai pris conscience de toutes les difficultés qu’elle avait surmontée et j’ai mieux compris pourquoi elle m’avait si bien accueillie alors que moi aussi j’affrontais l’adversité. Cette ville qui m’a ouvert les bras, je voudrais aujourd’hui être « tranquille » pour continuer à la découvrir. Ce sera possible après la remise de ma thèse en sciences politiques entreprise à l’Université. Très bientôt. J’ai l’impression d’avoir pris rendez-vous avec Strasbourg. 26

P.N : Non, j’y étais venue il y a vingt ans. À l’époque je suivais un programme d’études de trois mois à l’université de Nice Sofia Antipolis et j’ai décidé de rendre visite à Server Tanilli, un ami de mon père, professeur d’histoire turc et écrivain en exil à Strasbourg. J’ai pris le train de nuit et j’ai fini par trouver sa maison. Il a pleuré en me voyant. Je lui ai parlé de ses livres en lui disant de ne pas s’inquiéter car même s’il était loin tout le monde le lisait encore en Turquie. Jamais je n’aurais imaginé que je me retrouverais un jour exactement dans la même situation que lui. O.N. : Vous êtes en effet écrivain puisque, outre vos textes de sociologie vous venez de publier votre premier roman, « La Maison du Bosphore » aux éditions Liana Levi. La littérature va-t-elle devenir une nouvelle terre d’accueil ?

P.N : Je sais en tout cas que l’écriture me rend heureuse et que je vais m’y replonger. O.N. : À Strasbourg ?

P.N : Je suis une méditerranéenne qui a besoin de la mer. J’aime bouger et j’ai compris que l’on peut avoir plusieurs maisons. Je suis de chez moi et aussi d’ailleurs... Mais Strasbourg restera un de mes ports d’attache car j’ai bien conscience que la relation que j’ai nouée avec elle est un lien rare, difficile à voir naître, un petit miracle. D’être à Strasbourg a rendu l’exil moins violent même si la douleur de ne pas revoir la Turquie reste vive. O.N. : Vous avez l’espoir de pouvoir un jour retourner dans votre pays ? P.N : Il faut toujours garder l’espoir.

Le 21 septembre à 19 h 30 à L'Aubette, Pinar Selek dialoguera avec la journaliste engagée Florence Aubenas dans le cadre des Bibliothèques Idéales. Intitulé « Libre et rebelle », ce débat sera ponctué des interventions musicales du groupe « Système D ».


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C’est au café faisant face le futur pôle Seegmuller que donne rendez-vous Géraldine Farage. 26 ans et déjà responsable d’un lieu dédié au numérique dans toutes ses déclinaisons : artistiques, bien sûr, mais également économique, sociétale, urbanistique. Un lieu prévu à l’ouverture en janvier 2015, un peu à l’image de la Gaité Lyrique à Paris, du Lieu Unique à Nantes, de L’imaginarium à Tourcoing , ou de la Panacée à Montpellier. Un lieu parfois associé au milieu Geek, auquel n’est d’ailleurs pas étrangère Géraldine : « Les jeux vidéos et les univers qu'on rattache à la culture geek font partie de mon histoire personnelle », sourit-elle. Geek, oui, mais pas que. Parce que pour la jeune femme, le numérique n’a de sens que s’il est associé à ses usages dans la société et sous ses multiples facettes : culturelle, économique, sociale, urbanistique...

CHARLES NOUAR POUR MÉDIAPRESSE

LA GUERRE EN FOND D’ÉCRAN

Géraldine

farage L’ART AU SERVICE DE L’INTELLIGENCE COLLECTIVE Texte CHARLES NOUAR

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La composante culturelle, qui est au cœur du projet, n’est pas non plus étrangère à l’histoire de Géraldine. Un frère directeur du Bruit du Frigo, à Bordeaux - une association culturelle qui travaille sur l’urbanisme et la réappropriation de la ville par ses habitants, et ses années passés au Liban, un pays où la culture est synonyme de résistance politique face aux stigmates de la guerre. Géraldine donne l'exemple de l'été 2006, durant lequel Israël bombarde les zones tenues par le Hezbollah, en représailles à la capture de plusieurs de ses soldats. Le sud Liban, mais aussi les quartiers sud de Beyrouth, fief du Hezbollah. Géraldine déroule le fil de son histoire personnelle. Explique que l’art, au Liban, a une valeur intrinsèquement politique et cite l’exemple de Mazen Kerbaj, trompettiste et dessinateur de bandes dessinées, qui a improvisé un solo de trompette pour accompagner les lâchés de bombes. Un symbole fort comme pour montrer qu’aucune ogive, qu’aucune prise d’otage n’assècherait la soif de vivre d’une population prise entre deux feux. « Cette guerre n'a duré environ que deux mois, mais c'était suffisant pour faire revivre un bout d’histoire à beaucoup de gens : celui de la guerre civile de 1975 à 1990. Ici, des générations entières ont grandi dans la guerre et s’expriment sur le sujet à travers leur art, poursuit-elle. Faire science po, traverser 2006, m’a fait comprendre que ce qui importait le plus était le propos politique derrière l’art et non l’art pour l’art ». Sens, quête de sens. C’est justement le propos de l’art numérique, du Pôle Seegmuller. Parce que sans doute, le numérique, mieux que tout autre mouvance, n’a de cesse de bousculer, d’interroger, d’émanciper nos société, tel un work in progress, sans codifications figées, où chaque avis est légitime. De briser les tabous, les clivages et les frontières aussi. De faciliter le dialogue entre opposants, communautés, cultures.


Un véritable service public numérique Passée par Marseille et Lyon, où elle fait ses premières armes dans le secteur, c’est donc tout naturellement que Géraldine choisit de rejoindre le projet Seegmuller en décembre 2012. Presqu’une évidence au regard de son parcours. Développement de projets artistiques, universitaires, économiques, sociétaux, urbanistiques au travers du numérique, la jeune femme ne boude pas son plaisir de voir bientôt s’ouvrir une surface de près de deux milles mètres carrés dédiés au dialogue et à la transversalité. A l’inscription de ces nouveaux usages technologiques et à la réduction de la fracture numérique au sein des populations. Car si le lieu accueillera de nombreux professionnels et artistes en résidence, il n’en sera pas moins ouvert à tous les publics, offrant jusqu’à la possibilité pour tout un chacun de venir se former aux technologies de demain, par exemple au travers de workshops intégrés au FabLab, cet espace donnant accès à imprimantes 3D, fraiseuses, découpes laser, d’imprimantes vinyle. Un complément, une suite logique aux expositions dédiées, séminaires, conférences et autres projets collectifs menés au sein de la structure. « Notre ambition ?, conclut Géraldine. Proposer une plateforme d’expérimentation et de visibilité aux professionnels locaux du secteur ainsi qu’un véritable service public. La ville évolue sur le plan humain mais aussi technique, avec la multiplication d’usages numériques dans la Ville auxquels tout le monde n’a pas encore accès. C’est cela aussi que nous voulons changer ». Sur place, à partir de janvier 2015, mais aussi hors les murs comme elle l’a déjà entrepris avec le soutien d’un maillage d’acteurs locaux tels que le réseau des médiathèques, d’Alsace Digitale, ou d’associations comme Horizome, la fabrique de l’hospitalité, ou encore le collectif AV Exciters. Une démarche de territoire(s) où l’art prend tout son sens. Pas simplement en tant qu’outil de réflexion ou d’émotion mais aussi en tant que moteur d’une société en transition où le seul combat qui vaille et qui fasse sens est celui de l’intelligence collective.

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VÉRONQIE LEBLANC POUR MÉDIAPRESSE

Maria

nowinska DIRECTE, TENDRE, DÉLICIEUSE MARIA … Texte VÉRONIQUE LEBLANC

Les habitués de « Chez Yvonne » la connaissent tous. Mais on sait si peu d'elle. Pour or Norme, Maria Nowinska se raconte un peu... Aller « Chez Yvonne », rue du Sanglier, c'est aussi aller chez Maria, tout autant que chez Julien et Marjolaine de Valmigère, les propriétaires du restaurant. Un peu comme Michel Delpech allait « Chez Laurette »... C'est bien, c'est chouette cette façon qu'elle a de vous accueillir sans chichi, avec les mots qu'il faut, pimentés de cette pointe d'accent venue de la Pologne où elle naquit en 1957. Un père architecte et une mère médecin et puis très vite, à 16 ans, la naissance d'un petit garçon en plein dans les années lycée. Le Bac envers et contre tout, suivi de quatre ans d'études de Lettres avant le départ pour Strasbourg en 1982 où l'attendait une soeur qui s'y était mariée. Et voilà Maria plongée de plein pied dans le restaurant de son beau-frère, « La Bourse aux vins ». Son destin prenait un virage inattendu qui se confirma lorsqu'elle décida de « voler de ses propres ailes » à « L'Ami Schütz » où Paul Schloesser « lui a tout appris » avant de passer d'abord au « Pont des Vosges » et puis, en 2001, « Chez Yvonne » où la recruta Jean-Louis de Valmigère.

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« À STRASBOURG, LES GENS N’ÉTAIENT PAS TRISTES » Quand elle regarde en arrière, elle se souvient de la solidarité qui l’entoura durant toutes ces années et évoque la première impression que lui fit Strasbourg « toute en lumière et en couleurs » en ce mois de décembre 1982 où elle la découvrit. « Les magasins étaient pleins et les gens n’étaient pas tristes », racontet-elle, « c’était si différent de la Pologne aux prises avec l’état de siège ». Pour la littéraire qu’elle est, les librairies semblaient un Eldorado mais si elle a appris le français c’est grâce à... Barbara Cartland. « Des phrases courtes et simples, rien de tel ! », dit-elle en riant. Aujourd’hui, elle peut discuter des traductions de Tolstoï avec Dominique Fernandez accueilli « Chez Yvonne » par la Librairie Kléber. Fernandez et tant d’autres... car la vie a voulu que Maria croise dans les salles du restaurant tant et tant de ces écrivains qui comptent pour elle. « À chaque fois c’est une émotion incroyable de rencontrer tous ces gens que j’ai lus. Un peu comme si vous discutiez avec Wagner après avoir écouté un de ses opéras... ». Maria n’est retournée que deux fois en Pologne, elle n’a pas la nostalgie du pays natal. « Strasbourg est devenue mon nid, dit-elle, j’y ai élevé mon fils, j’y ai fait ma vie. » Elle voyage, au moins deux fois par an, en se souvenant de sa jeunesse à l’Est d’où l’on ne pouvait pas partir vers l’Ouest. Elle savoure la vie, toute fière qu’elle est de l’avocat qu’est devenu son fils et parle de « Chez Yvonne » comme d’une « adresse douce » à Strasbourg. Douceur dont elle partie prenante. À sa manière bien à elle, directe et tendre.


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VÉRONIQUE LEBLANC POUR MÉDIAPRESSE

Françoise

Schöller &

Anka

wessang

LES DRÔLES DE DAMES DU CLUB DE LA PRESSE STRASBOURG - EUROPE HONNEUR À LA PRÉSIDENTE... Texte VÉRONIQUE LEBLANC

35 ans cette année, plus de 800 membres et deux femmes aux commandes. Un bilan dont il peut être fier et des défis stimulants. Le Club de la presse est Or Norme. L'exercice de l'interview ne va pas de soi. Amies depuis longtemps tout en étant membres toutes les trois du CA du Club de la presse StrasbourgEurope, Françoise Schöller, Anka Wessang et moi nous regardons en souriant, « Tout cela est...un peu bizarre ! » mais on se lance, dans la lumière qui baigne les locaux de la place Kléber en ce premier vendredi de rentrée. 32

Journaliste à la rédaction européenne de France 3, Françoise a été élue à la tête du Club au printemps dernier. « J'en ai été membre il y a très longtemps raconte-t-elle, quand j'ai débarqué à Strasbourg en droite ligne de ma Belgique natale. Et puis j'y suis revenue il y a quelques années, à l'incitation d'Anka. » Et Anka ? Depuis quand son destin est-il lié au Club de la presse ? « 2001 ! J'ai été recrutée par Michèle Bur qui fut une présidente emblématique dont la mémoire reste vive jusque dans la ville. » Avant Michèle, Maria Fernanda Gabriel avait été la première femme présidente du Club. Après Michèle, il y a eut Nadia Aubin et Françoise. Anka a donc connu trois femmes à ce poste et... trois hommes. Voit-elle une différence entre les unes et les autres ? « Une femme est plus exigeante en ce sens qu'elle est plus présente, peut-être parce que - aujourd'hui encore - cela va moins de soi pour elle que pour un homme de prendre la tête d'une structure représentative de sa profession. » Mais, tient-elle à préciser, elle « n'a connu que de super-présidents » et elle cite les deux derniers Jacques Rieg-Boivin et Vladimir Vasak, avec qui elle a « magnifiquement travaillé ». Aucun n'a voulu de carte de visite « présidentielle », dit-elle en riant alors qu'en écho Françoise cite Jean Monnet pour qui, parfois, il fallait « choisir entre être quelqu'un et faire quelque chose ».


Une vibration au monde À écouter l'une et l'autre, je réalise qu'un de leurs points communs serait une vibration au monde, le besoin d'être là où les choses avancent. Formée à Strasbourg à la communication et à l'histoire de l'art, Anka a, dit-elle, « rapidement pris pied dans la vie active » en multipliant les stages à France Bleu, France 3 Alsace, Arte ainsi qu'à la Région etc. avant le Festival du Film européen et le Club de la presse. Très vite, elle s'est « constituée un réseau », pas par stratégie mais parce qu'elle se retrouvait toujours « là où ça bougeait ». Françoise a quant à elle entamé sa carrière, en free lance en 1979, quand le Parlement européen a été élu pour la première fois au suffrage universel. « Cela a été très excitant de participer à cette aventure et de voir Simone Veil, ancienne déportée, élue présidente. On n'aurait pu rêver meilleur symbole de réconciliation que cette grande dame. »

Les 35 ans du Club L’Europe, chevillée à Strasbourg, l’est tout autant au Club de la Presse qui l’a associée à son nom. « Elle y est vivante, ne serait-ce que par la variété de ses membres », précisent Anka et Françoise : « C’est un atout. Cette diversité née des correspondants étrangers ouvre des problématiques, permet de relativiser, d’élever le débat. » Mais l’Europe, c’est aussi un défi en cette année d’élections. « Elle sera forcément un des thèmes de l’année, toutefois ce ne sera pas simple d’y intéresser des citoyens qui ont de bonnes raisons d’être désabusés. » Présidente, directrice et CA au grand complet retroussent leurs manches en cette rentrée 2013 tout sauf banale. A l’horizon, le 35e anniversaire du Club en octobre qu’il faudra marquer dignement. Soirée festive et conférences-

débats sont au programme de cette année jubilaire qui sera aussi électorale sur les fronts européen et municipaux. Le Club doit garder son dynamisme, son ouverture, élargir la réflexion dit Françoise dont le souhait est, aussi, de « pouvoir donner la parole à ceux qui ne l’ont jamais ».

Livres et voyage Il reste mille choses à dire du parcours de l’une et de l’autre, de leurs passions respectives mais s’il n’y en avait qu’une ce serait le goût des livres. Françoise, dont le chemin croisa le « Carrefour européen des littératures » à Strasbourg, fit partie de la bande qui créa le festival « Étonnants voyageurs » en 1990 à Saint-Malo et s’y replonge chaque année. Anka, amatrice d’essais et de récits, est membre du jury du « Prix des Assises du journalisme » depuis 2009. Toutes deux voyagent ... L’Inde est chère au coeur de Françoise et Anka a été retenue dans le cadre du « International Visitor Leader Program » pour un voyage d’études de trois semaines aux Etats-Unis début 2014. Le Club sera alors confié à ses deux « formidables collaboratrices », Valérie Muller et Iulia Gheorghe dont elle veut absolument qu’on parle. Et c’est vrai qu’elles sont formidable s ces deux autres drôles de dames de Club de la Presse Strasbourg-Europe. www.club-presse-strasbourg.com FACEBOOK : clubpresse Strasbourg

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Libre et rebelle Texte JEAN-LUC FOURNIER

Nous avons de la chance à Strasbourg ! Alors que le mois de septembre est partout en France synonyme de rentrée (avec toute la morosité qui peut parfois s’y attacher..) nous, nous avons les Bibliothèques Idéales. Et le cru 2013 ne va pas nous faire regretter les beaux mois d’été… 34

De saison en saison, les Bibliothèques Idéales, organisées par la Librairie Kléber et la Ville de Strasbourg, affinent leur statut de plus grande manifestation littéraire de la rentrée. Ici, pas d’ambiance salon du livre où les auteurs, sagement assis les uns à côté des autres, attendent que la longue queue de visiteurs s’épuise, à grand renfort de dédicaces stakhanovistes. Non, les Bibliothèques Idéales sont un hymne à la littérature dans ce qu’elle recèle de plus précieux : l’élévation des esprits. Et tout cela en y consacrant le temps qu’il faut : du 12 au 29 septembre prochains, des dizaines et des dizaines d’écrivains, intellectuels, artistes… vont faire vibrer les lecteurs de Strasbourg qui ne demandent que ça…

Demandez le programme !


SOIRÉE D’OUVERTURE qui donne le ton Une

Jeudi 12 septembre

Dès 18h, Jean-Claude Carrière sera sur scène. Ce monstre de connaissance, écrivain, conteur, scénariste qui fut le plus intime des collaborateurs de Luis Bunuel, l’inoubliable auteur de la Controverse de Valladolid et du Mahâbhârata, nous parlera de son Iran en compagnie de Nahal Tjadod, son épouse, écrivain franco-iranienne qui évoquera son livre Elle joue, inspiré de la vie d’une actrice iranienne exilée pour avoir eu le front de jouer dans un film occidental.

19H30

A 19h30, ce sera au tour d’Alain Badiou de prendre possession de la scène de la Cité de la Musique. Egalement romancier et dramaturge, ce grand philosophe est un chantre de la rébellion et cultive une forme de pensée politique qui se veut le plus possible dégagée des courants, surtout ceux à la mode. Nul doute que ses propos ne laisseront personne indifférent…

20H30

A 20h30, Leili Anvar, docteur en littérature persane et Ariana Vafadari, soprano de renommée internationale, offriront leur concert Chemin de lumière.

DR

18H

Le jeudi 12 septembre, l’auditorium de la Cité de la Musique et de la Danse sera plein à craquer. Cette soirée d’ouverture justifie à elle seule le titre de la manifestation cette année : Libre et rebelle !

UNE SOIRÉE D’OUVERTURE À L’INITIATIVE DE LA LIBRAIRIE KLÉBER, MONTÉE EN PARTENARIAT AVEC STRASS IRAN ET LES SACRÉES JOURNÉES DE STRASBOURG, QUI EST UNE PARFAITE RAMPE DE LANCEMENT POUR LES BIBLIOTHÈQUES IDÉALES 2013…

Jean-Claude Carrière

UNE MYRIADE DE RENCONTRES A partir du lundi 17 septembre, plusieurs lieux accueilleront les rencontres avec les auteurs ( les médiathèques de la Ville de Strasbourg, les librairies Au bonheur des Livres, Chapitre 8, Ehrengarth, la Fnac, L’Usage du monde, les Bateliers, Oberlin, Quai des Brumes et Soif de Lire autour du véritable épicentre de l’événement, la grande salle de l’Aubette où la Librairie Kléber, une fois de plus, assurera l’essentiel de la manifestation. 35


Une histoire d’hommes

ZEP MERCREDI 18

SEPTEMBRE

17H00 DR

a l'aubette C’est un véritable événement. L’auteur du célébrissime Titeuf ( 20 millions d’albums vendus, traduits en 8 langues sans parler du dessin animé diffusé dans 240 pays ! ) se renouvelle complètement grâce à un album très personnel qui raconte l’histoire d’une bande de copains ex-membres d’un groupe de rock qui se retrouvent longtemps après. Certains ont réussi, d’autres beaucoup moins… Ils ont tout vécu autour de la musique ( les concerts, la drogue, les amours d’un soir… ) mais quelque chose de plus fort que la musique unit depuis toujours certains d’entre eux…

Dans son nouvel album, ZEP se dévoile à vif et ouvre une nouvelle veine de son travail. Une rencontre unique, exclusive ( l’album ne sera paru que quelques jours auparavant… ) et qui ne sera pas suivie que par les seuls amateurs de BD.

Tandis qu’on évoquera le cerveau humain et la plasticité des connexions neuronales avec des neurologues et Israël Nisand le fondateur du Forum Européen de Bioéthique ( Médiathèque André Malraux – 19h ), une rencontre autour du Jury du film fantastique aura lieu à l’Aubette à 19h avec des acteurs, réalisateurs, producteurs et critiques de cinéma. Le clou de cette journée du mercredi 18 septe mbre sera la soirée Raconte moi… Franz Kafka ( Aubette – 20h ), un débat entre trois grands juristes autour de l’engagement de l’ écrivain avec le comédien Francis Leyburger, la chanteuse Astrid Ruff et l’accordéoniste Yves Weyh, avant la projection de l’Etudiant de Prague, un film muet de 1926 qui sera « sonorisé » par la pianiste Eunice Martins et la bruiteuse Abril Padilla.

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eric-emmanuel

SCHMITT VENDREDI 20 SEPTEMBRE

17H00 • a l'aubette

Bel événement dès la fin d’après-midi avec la présence d’Eric-Emmanuel Schmitt venu parler de son dernier ouvrage Les Perroquets de la place d’Arezzo, ou comment pénétrer au cœur des gens « biens comme il faut » de Bruxelles, la ville où l’auteur vit… Forte affluence à prévoir…

17H30 • FNAC On parlera de la critique littéraire autour d’Arnaud Viviant ( France Culture ) et Edouard Launet ( Libération )

19H • librairie soif de lire Javier Sebastian présentera à 19h à la librairie Soif de Lire son ouvrage Le cycliste de Tchernobyl, un hymne à la résistance dans le monde dévasté de la centrale nucléaire soviétique.

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19H • A L'AUBETTE À 19h également mais à l’Aubette, un hommage particulier sera rendu au subversif Georges Perros . Diffusion du film Georges Perros de Paul-André Picton et rencontre avec Pierre Pechet et Thierry Gillibœuf.

CORINNE

SOMBRUN VENDREDI 20 SEPTEMBRE

À 20h30, à l’Aubette, aura lieu un des rendez-vous incontournables des Bibliothèques Idéales 2013 : Corinne Sombrun, la première occidentale à avoir été formée aux techniques chamaniques, reviendra sur sa surprenante expérience racontée dans Les esprits de la steppe. Un expérience qui ouvre de nouvelles perspectives quant aux capacités réelles du cerveau humain… Le chamanisme, une pratique qui remonte aux sources de l’humanité, intéresse désormais nombre de scientifiques dans le monde et Corinne Sombrun raconte avec délicatesse et précision ( les lecteurs qu’elle a rencontrés à Kléber s’en souviennent encore.. ) son expérience asiatique… A ne pas rater !

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20H30 • a l'aubette

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Samedi 21 septembre 15H • Médiathèque 14H30 • Médiathèque andré malraux andré malraux Ce sera à coup sûr un crève-cœur pour beaucoup mais il faudra choisir. A Traditionnel moment fort des Bibliothèques Idéales, la remise du Goncourt de la Nouvelle. Fouad Laroui en est la lauréat cette année. Le discours sera prononcé par Tahar Ben Jelloun.

15H • a l’aubette A 15h à l’Aubette, Julia Kristeva parlera à bâtons rompus de ses principales inspirations littéraires et philosophiques… Philosophe, psychanalyste, féministe et écrivaine, Julia Kristeva est une habituée de Strasbourg…

14h30 l’académicienne Goncourt Paule Constant présentera à la médiathèque Malraux son dernier ouvrage C’est fort la France.

17H • a l’aubette A 17 h à l’Aubette, le dossier de candidature à l’extension de la Grande-Ile à la Neustadt au patrimoine mondial de l’UNESCO fera l’objet d’une table ronde.

Laure Adler, journaliste et historienne, célèbre pour ses biographies de Marguerite Duras, Hannah Arendt, Simone Weil ou encore Françoise Giroud sera là à 18h avant que l’Aubette n’accueille une fabuleuse rencontre féminine entre Pinar Selek, sociologue féministe condamnée à mort en Turquie et Florence Aubenas, journaliste engagée sur tous les fronts de l’injustice.

Dimanche 22 septembre

hommage a léo ferré

14H • a l’aubette Dès 14h l’Aubette résonnera de toute la chaleur des Antilles et fêtera le centenaire de la naissance d’Aimé Césaire. La Compagnie Mémoires Vives ponctuera la rencontre avec des extraits de son spectacle Héritages. Le philosophe André Comte Sponville présentera à 15h30 sa bibliothèque philosophique idéale en parlant également de son Dictionnaire philosophique.

17H • a l’aubette Le feu d’artifice de l’Aubette ne s’arrêtera pas là. À 17h Pierre Juquin, l’ami intime d’Aragon, évoquera la trace immense laissé par ce poète d’exception, en compagnie de Daniel Bougnoux, son éditeur en Pléïade qui évoquera son œuvre. Le tout ponctué par des chansons d’Aragon par Lieselotte Hamm et JeanMarie Hummel.

Bel hommage à Léo Ferré, à l’occasion du 20ème anniversaire de sa mort. Son épouse Marie-Christine sera là avec un grand ami du poète disparu, Robert Horville lors d’un récital d’une dizaine de chansons donné par Jean-Baptiste Mersiol et Sarah Eddy. DR

Toujours le même soir, à 20H, une table ronde sera consacrée à Nicos Kazantzakis. ( Zorba le Grec, La dernière tentation du Christ ).

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Il faut réécouter Léo... Le vieil anar a tiré sa révérence il y a 20 ans lors d’un ultime pied de nez ( il est mort le 14 juillet (!) 1993 dans sa maison de Toscane ). Oui, il faut réécouter Léo, le « libre et rebelle » Léo. Et pas seulement ses indignations, ses révoltes mais aussi sa poésie, sa musique fabuleuse ( il était avant tout un musicien d’exception ). Pour tout dire, plus que Brel ou Brassens (autres génies…), Léo Ferré a su inventer un langage universel. Dans ses chansons-fleuve dont il égrenait les mots comme personne, Léo a réussi à fabriquer une poésie très contemporaine et des milliers de jeunes ont retiré de son œuvre une quintessence qu’ils n’ont pas oubliée aujourd’hui. S’il ne fallait que retenir un seul de ses joyaux, réécoutez

« La Lettre ». Cette chanson, écrite très tôt dans sa carrière, est un véritable hymne à l’amour serti dans un écrin musical d’une incroyable ampleur. Tout Léo est dedans : son amour qu’il sût notamment donner à Marie-Christine, son épouse et la mère de son fils Mathieu, qui sera présente aux Bibliothèques Idéales, mais aussi la force de l’être humain quand il atteint ces sphères rares et sublimes… Oui, il faut réécouter Léo Ferré, le libre et rebelle Léo, et même il faut s’en inspirer plus que jamais aujourd’hui… DR

Mardi 24 septembre

yasmina

khadra

DR

17H • a l’aubette Yasmina Khadra sera présent à 17h à l’Aubette. Toujours partant pour venir à Strasbourg ( il adore la ville ) il présentera son dernier roman Les Anges meurent de nos blessures, consacré à l’Algérie de l’entre deux-guerres. Un roman très attendu après le succès mondial de Ce que le jour doit à la nuit…

18H30 • a l’aubette

20H • a l’aubette

Que peut la littérature quand la vie se brise ? Tel est le thème d’une très belle rencontre entre Jean Hatzfeld, écrivain, grand reporter et correspondant de guerre, Yannick Haennel écrivain et Pascal Manoukian directeur éditorial de l’agence de presse Capa. A 18h30 à l’Aubette. Une des rencontres les plus attendues de la manifestation.

Un hommage spécial sera rendu à 20h, à l’Aubette toujours, à Germain Muller, le maître du Barabli. Dinah Faust sera là avec une partie de la troupe de la Choucrouterie. Cette soirée marquera le début d’une saison que la Ville de Strasbourg dédie au souvenir de Germain Muller…

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Mercredi 25 septembre 17H • a l’aubette

18H30 • a l’aubette

Historienne de la Russie, membre de l’Académie française, c’est Hélène Carrère d’Encausse qui, à 17h, ouvrira la soirée de l’Aubette. Avec son livre historique Les Romanov, elle braque les projecteurs sur une dynastie qui, durant trois siècles de l’histoire de la Russie, aura vécu un destin tragique qui s’est terminé dans le sang…

A 18h30, un autre hommage particulier sera rendu à Charlotte Delbo. Ecrivain emblématique de la littérature concentrationnaire, assistante et confidente de Louis Jouvet, Charlotte Delbo a été déportée. Violaine Gelly co-auteur de sa biographie, dialoguera avec Jean Hatzfeld, et les élèves de l’option théâtre du Lycée international.

RICHARD

ford

A 20h, à l’Aubette, un des événementsphares des Bibliothèques Idéales 2013 avec la présence de Richard Ford, prix Pulitzer, auteur d’Indépendance et d’Une saison ardente. Son roman « Canada » est un des livres les plus attendus de la rentrée littéraire. Ce véritable héritier de Faulkner, dans la grande tradition de la littérature américaine, développe inlassablement son œuvre où dominent cette mélancolie des êtres qui s’aiment fort, quelquefois mal, mais qui vivent à chaque fois l’aventure sans désarmer Une rencontre à ne pas rater, évidemment…

DR

20H • a l’aubette

Jean ziegler 18H30 • a l’aubette

DR

Si le thème de la manifestation, Libre et rebelle, devait s’appliquer à un seul des écrivains invités, il irait comme un gant à Jean Ziegler qui est sans doute la figure emblématique d’un parti-pris constant : ne jamais se laisser gagner par le conformisme et la bien pensance. Jean Ziegler est à l’évidence le Suisse le plus connu mais aussi le plus contesté dans le monde. Toute sa vie, il n’a cessé de combattre l’injustice et son combat contre le capitalisme sauvage et les atteintes aux droits de l’homme est légendaire. Avec son accent vaudois reconnaissable entre mille, ses mots sont autant d’appels à la vigilance et à la révolte… À l’Aubette à 18h30

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Samedi 28 septembre Vendredi Jérôme Prieur présentera son roman Une femme dangereuse à la librairie L’Usage du Monde ( 11h ).

27 septembre

15H • a l’aubette

17H30 • a l’aubette

Polina Jerebtsova sera exceptionnellement à Strasbourg pour présenter Le Journal de Polina, une adolescence tchétchène. Menacé de mort en Russie, Polina jerebstova vit en exil. Une rencontre animée par la journaliste et correspondante de guerre Anne Nivat en présence de l’historienne Galia Ackerman.

Entre un bel hommage à Golardia Sapienza, une belle rencontre entre Roger-Pol Droit, philosophe et Christophe Ono-dit-Biot écrivain et journaliste, la confrontation inédite entre Philippe Bilger, le célèbre magistrat auteur de La France en miettes et Éric Naulleau, journaliste et chroniqueur à la dent acerbe ( Aubette, 19h ), et la nuit de la Chanson Française qui suivra et évoquera Reggiani et autres poètes, le programme des spectateurs sera bien difficile à établir…

À 16h30, Alain Moussay et ses musiciens offrent au public un concerto qui révèle poésie hallucinante et incandescente d’Arthur Rimbaud.

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À 17h30, Alain Finkielkraut évoquera sa bibliothèque idéale, l’idée de la France comme « nation littéraire », l’élitisme pour tous et la société post-culturelle. La comédienne Marianne Denicourt lira des textes…

Grand moment également de la manifestaion 2013, Raconte-moi… Marcel Proust. Jean-Paul et Raphaël Enthoven présenteront leur Dictionnaire amoureux de Proust que le père et le fils ont écrit à quatre mains. Un ouvrage facétieux et érudit. A 20h30 un concert des Weeper Circus sera le prétexte à une belle fête musicale autour de Prévert, Rimbaud, Verlaine et Vian. Musique et littérature réunies…

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Dimanche 29 septembre Feu d'artifice pour la journée de clôture ! 11H30 et 14H • a l’aubette Et si l’on pensait autrement que l’on croit ? Michel Serres reviendra sur sa désormais célèbre Petite Poucette et sur son ouvrage Le Temps des Crises. Le grand philosophe ne cesse de publier sur ce monde « moderne » et persiste à croire que l’Homme, même malmené dans ses fondements et ses racines, reste l’acteur de son avenir.

Raphaël Enthoven, Adèle Van Reeth, Michaël Flossel et Nicolas Léger seront en tête à tête avec le public pour leurs Leçons de Littérature et de Philosophie. Le Gai Savoir de Nietzsche, Oblomv de Gountcharov, Notre besoin de consolation est impossible à rassassier de Dagerman et cette question : peut-on jouir de tout? sont au programme de ces profs d’un jour qui auront à cœur de dialoguer avec le public… leur élève. Une nouveauté inaugurée cette année par Les Bibliothèques Idéales.

À 18h, la grande féministe américaine Marilyn Yalom sera à Strasbourg avec son dernier livre : Comment les Français ont inventé l’amour. Elle dialoguera avec Mine Günbay. A 19h15, Marcel Cohen, Claire Audhuy et Catherine Allégret reviendront sur la déportation lors d’une rencontre joliment titrée : Ce presque rien arraché à l’abîme…

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18H • a l’aubette

clotilde

courau

21H • a l’aubette

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Clotilde Courau, accompagnée par l’accordéoniste Lionel Suarez fera revivre Edith Piaf qui, à elle seule, justifie la liberté et la rébellion. En 1950, abattue par la disparition lors d’un crash aérien de son grand amour, le champion du monde de boxe Marcel Cerdan, Edith Piaf se lance à corps perdu dans une relation amoureuse avec Tony, un inconnu du grand public. Une bouée pour lui éviter le naufrage et pour l’aider à faire son deuil. Pendant un mois, elle lui écrira des lettres bouleversantes dans lesquelles son besoin d’amour se révèle fort, authentique et déchirant. Clotilde Courau « interprètera » la lecture de ces lettres… Un grand moment pour clore cette édition 2013 des Bibliothèques Idéales.

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La soirée de clôture à l’Aubette s’annonce somptueuse.


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Maladie

d'Alzheimer UNE ENJEU MAJEUR POUR LE CONSEIL GÉNÉRAL DU BAS-RHIN Texte Alain ANCIAN

En France, plus de 800 000 personnes seraient touchées par la terrible maladie d’Alzheimer. Et seulement une sur deux bénéficierait d’une prise en charge adaptée. Sauf remède miracle, les ravages vont encore progresser dans les années à venir. Cette évolution préoccupe les collectivités publiques… Cela commence souvent par une distraction tout à fait usuelle chez la plupart des adultes : j’avais mes clés en main il y a quelques secondes, qu’estce que j’en ai fait ? Cela arrive à tout le monde, on ne s’inquiète pas un seul instant… Puis, ces troubles deviennent de plus en fréquents, plusieurs fois dans la semaine, plusieurs fois par jour ensuite… Le processus est en route : confusions, irritabilité voire agressivité… Plus tard, on en arrivera à des troubles du langage, voire à des « absences » plus ou moins longues et fréquentes… La maladie sera alors irrémédiablement installée. Elle pourra aller jusqu’à la perte d’autonomie et même la perte des fonctions vitales. L’espérance de vie varie de trois à huit ans, selon la précocité du diagnostic et l’âge du patient…

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DES EFFORTS TOUS AZIMUTS Du côté des chercheurs, on espère pouvoir mettre en place, dans les années à venir, des protocoles médicamenteux susceptibles de bloquer les effets de la maladie si le diagnostic est suffisamment précoce… Pour l’heure, rien ne laisse présager, à moyen terme, un médicament miracle… C’est pourquoi les collectivités publiques se mobilisent, malgré les budgets difficiles à boucler, pour faire feu de tout bois, au niveau de la prévention comme à celui de la prise en charge tant des malades que des familles, ces dernières étant particulièrement impactées dès lors qu’un proche est atteint par ce terrible mal… Dans ce cadre, le Conseil général du Bas-Rhin organise la « Semaine Alzheimer » du 18 septembre au 1er octobre prochains. L’ensemble du département est concerné par un programme très dense de temps de rencontres et de débats tant pour les familles que pour les professionnels de la santé. Sur Strasbourg et CUS, périmètre de diffusion de Or Norme, notons la découverte, sous forme de portes ouvertes, de la Maison de retraite et de l’unité Alzheimer de Reichstett le 24 septembre, de l’accueil de jour et l’EHPAD de Schiltigheim ( 25 septembre ), plusieurs conférences-débats à Holtzheim ( 25 septembre ), Lingolsheim ( 24 septembre ), Ostwald ( 26 septembre ) et la projection du film « Et si on vivait tous ensemble » à Bischheim ( 25 septembre ) et Geispolsheim ( 27 septembre ).

Programme détaillé sur

www.bas-rhin.fr


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un musée vaudou

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au château d'eau

Marc Arbogast

Une collection unique au monde Texte Véronique LEBLANC

« Des arbres généalogiques en 3D », c'est par cette image que Bernard Müller, directeur du futur musée vodou de Strasbourg, décrit les objets qui seront présentés dans les salles. Un projet Or Norme à découvrir ici. C'est un musée vodou et non vaudou qui va ouvrir cet automne à Strasbourg sur le site du château d'eau, dans le quartier de la gare. Fondé sur l'extraordinaire collection de Marc Arbogast, ancien président de la brasserie Fischer-Adelshoffen, ce tout nouveau lieu culturel sera en effet consacré au « Vodou » - « monde invisible » - de l'Afrique de l'Ouest moins connu bien qu'antérieur au vaudou haïtien ou brésilien qui a traversé l'Atlantique. « Les rituels originels ne correspondent pas à l'image maléfique des poupées percées, popularisée notamment par le cinéma », explique Bernard Müller qui en sera le directeur-ethnologue alors que Nanette Snoep, conservatrice au musée Branly endossera les mêmes fonctions à Strasbourg. C'est d'ailleurs à l'occasion du montage de l'exposition « Recettes des dieux » dans le prestigieux établissement parisien que tous trois se sont rencontrés autour de l'idée du futur musée. « Le château d'eau était à vendre pas trop cher et nous nous sommes dit « c'est là où nulle part ailleurs ».»

La forme circulaire et un peu trapue de ce bâtiment classé convenait en effet particulièrement aux objets à exposer. Quelque deux cents pièces sur les mille que compte la collection de Marc Arbogast, considérée comme unique au monde. Ils seront présentés sur deux étages dans une scénographie mise au point par la conservatrice alors que deux autres niveaux seront consacrés à des espaces de conférences, de ciné-club, d’ateliers pour enfants et d’expos temporaires à partir de l’automne 2013. Ce pari « fou », « décalé » de créer un musée vodou à Strasbourg tient à la personnalité de Marc Arbogast passionné par l’Afrique où il se rend depuis plus de quarante ans, raconte Bernard Muller. « Il a acquis des objets, au Bénin, au Togo..., racheté une importante collection et restitué ainsi toutes les dimensions d’un univers culturel toujours bien vivant aujourd’hui, bien loin de l’image ésotérique auquel on a l’habitude de le réduire. »

Un culte des ancêtres « Le vodou est un culte des ancêtres bien plus qu’une histoire de poupées », résume Bernard Müller. « Il prend en compte le fait que chaque être humain est constitué de sa propre histoire mais aussi de celle des personnes qui l’on précédé et dont il est né. « Chacun porte des « noeuds », poursuit l’ethnologue, des noeuds pas forcément problématiques mais avec lesquels il faut trouver l’harmonie ». Si l’achat du Château d’eau de Strasbourg n’a pas été trop coûteux, sa restauration fut complexe et onéreuse de même que sa mise aux normes, poste pour lequel la Ville de Strasbourg a été sollicitée. A l’avenir, il devra s’autofinancer par la billetterie, des activités spécifiques et la privatisation occasionnelle de certains espaces. Un pari fou, on vous dit. Un défi « Or Norme » mais qui tombe à pic dans une ville, capitale des droits de l’homme, qui veut donner tout son sens à l’interculturalité. 47


la deuxième édition du forum mondial de la démocratie

Institutions / Citoyens :

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COMMENT LES RECONNECTER ?

Texte JEAN-LUC FOURNIER

La deuxième édition du Forum Mondial de la Démocratie (du 27 au 29 novembre prochains) devrait se pencher sur le fossé qui s’élargit entre les citoyens et les institutions censées les représenter. Judicieux choix : il y a du pain sur la planche… 48

À l’origine, le Forum Mondial de la Démocratie de Strasbourg devait être le pendant du World Economic Forum de Davos, la huppée station suisse où les « maîtres du monde » ( traduisez : une flopée de multinationales et quelques gourous de l’ultra-libéralisme ) se réunissent chaque hiver pour mieux encore asseoir leur domination, entre « happy few... » Il semblerait bien que la deuxième édition en préparation se rapproche de ce but puisque ses organisateurs ( la Ville de Strasbourg et le Conseil de l’Europe ) ont choisi de se pencher sur le thème du retissage de la démocratie et la meilleure façon de connecter les institutions et les citoyens à l’ère du numérique.

CE FOSSÉ QUI SE CREUSE… Dans tous les pays démocratiques, c’est le chiffre alarmant de l’abstention croissante aux scrutins électoraux qui affole les élus. Manifestement, les citoyens se laissent de moins en moins prendre aux discours convenus. Toutes les enquêtes convergent : à l’ère du numérique, l’information est surabondante… Pour autant, est-elle crédible et non manipulée ? C’est bien entendu une autre question, sur laquelle il faudra bien finir par se pencher sérieusement un jour prochain…


Reste que l’action politique est interpellée par ce constat. De plus, pas fous, les citoyens savent bien que le centre de gravité du pouvoir a bougé : il est beaucoup moins aujourd’hui dans les palais présidentiels et les cabinets des ministères que dans les tours de verre des multinationales et au pied des « marchés, ces entités monstrueuses aux contours sans cesse plus opaques et flous. » Dans ces conditions, comment retisser le lien entre les insitutions et les citoyens ? Et par où commencer ? Ces questions seront au cœur des débats du Forum Mondial de la Démocratie fin novembre prochain à Strasbourg.

DES LABORATOIRES D’IDÉES

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Pour la partie officielle, les échanges se dérouleront dans le cadre de « labs », des laboratoires d’idées qui porteront chacun sur une initiative spécifique comme point de départ des discussions. Les débats verront intervenir des personnalités issues du monde politique, académique, activiste et médiatique qui seront invitées à apporter expériences et commentaires. Parmi ces débats, certains seront organisés par la Ville de Strasbourg et la Région Alsace dans le cadre du Forum afin d’impliquer les citoyens locaux dans les discussions. Belle initiative… Les initiatives les plus prometteuses, choisies par vote des participants, seront par la suite mises en lumière par le Conseil de l’Europe et ses partenaires.

La dernière journée sera toute entière concernée par les thèmes « Gouverner avec les citoyens » et « Envisager l’avenir ». Elle examinera le modèle suisse de la démocratie directe, le financement participatif, le contrôle des politiques publiques ( Wikicity ), l’élaboration participative des budgets publics, la démocratie locale numérique… Pour les perspectives d’avenir, on traitera des outils en ligne pour de meilleurs services aux citoyens, des nouvelles formes d’expression via le net ( art, jeux… ) et on fera une grande place au quotidien britannique « The Guardian » qui est devenu un média constructif et pertinent dans le débat démocratique outre-Manche. Enfin, les tendances de l’évolution de l’Union européenne à l’échéance 2030 seront examinées à la loupe…

Amin Maalouf

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Irina Yasina

UN PROGRAMME QUI S’ANNONCE PROMETTEUR

ET POUR LE OFF ?

Pour l’ouverture officielle le 27 novembre prochain, ThorbjØrn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l’Europe accueillera Amin Maalouf, l’auteur membre de l’Académie française et Irina Yasina, journaliste et activiste de la Société civile russe, opposante à Poutine. Un débat réunissant des représentants d’Al Jazeera, Europe’s World, Citizens Foundation, ProPublica… tracera les tendances et perspectives. Pour cette journée d’ouverture, François Hollande et Tony Blair ont été pressentis : à l’heure du bouclage de ce numéro d’Or Norme, trois mois avant l’événement, les organisateurs espèrent que leur agenda leur permettra d’être là… Le reste du programme officiel évaluera les alternatives à la démocratie représentative et bénéficiera d’intervenants de qualité, venus de tous les continents. Les pétitions en ligne, la mobilisation des médias sociaux, la défense des droits de l’homme en matière de technologies numériques, la recherche de la transparence, le crowdsourcing ( l’externalisation ouverte ), la création d’un Open Parliament, d’une Agora virtuelle, la cyber délibération… figurent notamment au programme des Labs.

Parallèlement à la partie officielle du Forum, le programme Off sera aussi dense que varié : concert à la cathédrale de Strasbourg, conférencesdébats, un programme d’émissions géopolitiques de France Culture qui sera enregistré à l’Aubette, un programme de conférences-débats organisées par le journal Le Monde, des expos, un festival du film et une kyrielle d’événements associatifs qui rythmeront la vie strasbourgeoise lors du Forum. Bref, Strasbourg assure son positionnement de capitale mondiale de la Démocratie pendant ces journées de fin d’automne, avec le secret espoir que le label Forum Mondial soit un marqueur fort pour la ville et ce, dans le monde entier. Bref, vous n’avez plus qu’à vous inscrire pour participer via le site www.forum-mondialdemocratie.org

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LES RENDEZ-VOUS EUROPÉENS DE

L’ÉTHIQUE ALIMENTAIRE BIEN MANGER BIEN PRODUIRE ÊTRE JUSTE ! Strasbourg confirme sa vocation de ville de débats intellectuels de haute qualité. Du 11 au 13 octobre prochains, elle accueille les premiers rendez-vous européens de l’Éthique alimentaire. Un thème au cœur de l’actualité et qui préfigure un projet de très grande envergure… 50

Texte JEAN-LUC FOURNIER

Souvenez-vous… En janvier dernier éclate le scandale de la viande de cheval. Au cœur de l’affaire, la société Spanghero qui, depuis quarante ans, est le leader de la transformation de viande destinée aux plats cuisinés « haut de gamme ». C’est l’histoire d’une descente aux enfers pour un groupe industriel qui, en 2012, comptait près de 400 salariés et réalisait un chiffre d’affaires de 65 millions d’euros.


ÉTHIQUE, VOUS AVEZ DIT ÉTHIQUE ? Le scénario de ce scandale est édifiant et colle parfaitement

Le 22 mars, le directeur de La Table de Spanghero a été remercié par les actionnaires. Le 19 avril, la société a été placée en liquidation judiciaire avec une mince poursuite d’activités pendant trois mois, de façon à pouvoir éventuellement retrouver un repreneur. Efforts récompensés par le retour de son fondateur, Laurent Spanghero, retiré des affaires depuis de nombreuses années…

Pris dans la tempête, Spanghero a fait aussitôt savoir qu’elle n’avait pas transformé le « minerai » reçu et qu’elle l’avait simplement commercialisé en l’état. Sous-entendu : « Nous avons été bernés par les abattoirs roumains qui nous l’ont fourni… » Un argument qui ne pouvait tenir très longtemps : le ministère de l’Agriculture ( et de l’Agroalimentaire ) a décidé quasi aussitôt de suspendre l’agrément sanitaire dont bénéficiait la société. De leurs côtés, les services du ministère chargé de l’Economie sociale et solidaire ont très vite enfoncé le clou là où ça faisait vraiment très mal : « Spanghero ne pouvait, par ailleurs, pas méconnaître les prix du marché. Or le kilo de viande ( censé être du bœuf ) a été acheté bien en deçà des prix du marché ». D’après les calculs des mêmes services, la société « aurait réalisé un profit de 550 000 € dans le cadre de cette fraude ».

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à certaines pratiques de cet ultra-libéralisme débridé, si typique de l’époque actuelle, et qui concerne aussi le secteur alimentaire. C’est à dire notre assiette quotidienne à tous… Le Groupe Spanghero est accusé d’avoir vendu à nombre de marques très connues, toutes présentes dans la grande distribution et bénéficiant d’un taux de notoriété important, du minerai ( joli terme... ) de viande de bœuf composé en réalité de viande de cheval ! Et pas qu’un peu : 42 tonnes, comme le confirmera l’enquête, ont été importées d’abattoirs roumains par une société commerciale basée à Chypre, dirigée par un homme d’affaires hollandais, Jan Fasen, qui avait été condamné un an plus tôt à neuf mois de prison fermes pour avoir vendu à plusieurs sociétés européennes de la viande de cheval sud-américain comme étant de la viande de bœuf allemande ! À grands coups de documents falsifiés et de circuits opaques…

D’épisodes en épisodes, tout au long de l’hiver et du printemps derniers, les révélations se sont accumulées : le 15 février 2013, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ( DGCCRF ) révèlait que le circuit de commercialisation incriminé portait sur plus de 750 tonnes « plus de 500 tonnes ont été livrées à l’usine Tavola ( au Luxembourg ) de la société Comigel, le reste ( plus de 200 tonnes ) a servi à fabriquer des merguez surgelées commercialisés sous la marque « La table de Spanghero » et qui viennent de faire l’objet d’un retrait par cette même société ».

Laurent Spanghero

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UN PROGRAMME AVEC

L’ÉTHIQUE AU CENTRE DES DÉBATS Les organisateurs sont en pleine finalisation de leur dense programme de débats et tables-rondes. Faute de pouvoir encore confirmer fermement tous les noms des personnalités pressenties, ils lèvent néanmoins le voile sur les thèmes principaux qui seront abordés lors des premiers Rendez-Vous Européens de l’Ethique Alimentaire.

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BIEN MANGER BIEN PRODUIRE ÊTRE JUSTE ! Vendredi 11 octobre Le slogan dit tout et tant les spécialistes invités que le grand public devraient pouvoir beaucoup retirer de cette manifestation qui s’articulera à l’Aubette, la Librairie Kléber, le Club de la Presse Strasbourg-Europe et au cinéma l’Odyssée. Laurent Spanghero est le grand témoin de la journée d’ouverture du vendredi 11 octobre. La séance inaugurale aura lieu à l’Aubette, sous la présidence du Président de l’Université de Strasbourg, Alain Beretz, dont l’institution présidera aux destinées du futur Institut Européen de l’Éthique Alimentaire de Strasbourg.

11H à 12H30• a l’aubette La première table-ronde aura pour thème : « Bien manger. Bien produire. être juste ! » et permettra de figer le contexte général de la manifestation que le dossier de presse résume ainsi : « Vache folle, fièvre porcine, lasagnes au cheval, circuits courts, bio, terres arables, santé, alimentation équilibrée, famine dans les pays en voie de développement, suicide chez les agriculteurs… » Pas une semaine sans qu’un sujet lié à l’alimentation ou aux conditions de productions ne soit évoqué !

14H à 16H30• a l’aubette La seconde table-ronde posera une grave question : « Sommes nous tous condamnés ? ». « Savoir ce que l’on affronte est alarmant, mais l’ignorer est terrible. » disait Victor Hugo. Avec les crises alimentaires à répétition, le consommateur attend d’être mieux informé sur ce qu’il mange : intrants, contenu, origine et traçabilité… Notre alimentation a un impact direct sur notre santé, la mettre en danger c’est mettre notre société en danger.

16H30 à 18H • a l’aubette La troisième table-ronde portera sur le thème ô combien d’actualité : « Nourrir la planète ». Aujourd’hui, plus de 850 millions d’individus souffrent de la faim dans le monde. Combien seront-ils en 2050, lorsque la population mondiale aura atteint 9 milliards ? Notre planète se doit de trouver des solutions pour une agriculture écologique et intensive qui saura préserver l’environnement et alimenter toutes les populations.

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Samedi 12 octobre La seconde journée ne démentira pas l’intérêt majeur de la première. Son grand témoin sera le philosophe et écrivain Pascal Brückner.

La première table-ronde mettra tous les acteurs devant leur responsabilité. Du producteur au consommateur, en passant par les industries agroalimentaire, la distribution et la législation, chacun a sa part de responsabilité dans ce que nous consommons. Il convient de concilier les attentes des consommateurs qui veulent manger bon, durable et pas cher, et celles des industriels et de la distribution qui ont des intérêts de production et de profits.

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11H • a l’aubette

Pascal Brückner

14H30 • a l’aubette

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La seconde table-ronde promet un thème et des débats allêchants. « Les consommateurs prennent le pouvoir ». « Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es » disait Brillat-Savarin. Mais aujourd’hui, qui du consommateur ou de l’agro-industrie choisit ce que nous mangeons. Ces dernières années, la restauration hors domicile et la restauration rapide croissent de façon quasi exponentielle. Le consommateur n’est pas toujours dupe et cherche aussi à manger vite et bien… Avant le grand débat de clôture, une troisième tableronde a été arrêtée. Son thème : « Peut-on parler de goût universel ? » Mc Donald et Coca Cola veulent nous faire croire que, tous autant que nous sommes, nous avons les mêmes attentes gustatives et ces enseignes prônent le goût universel. Pourtant les identités régionales, les produits du terroir, les locavores ont le vent en poupe…

18H30 • a l’aubette les premiers Rendez-Vous Européens de l’Éthique Alimentaire se cloront par un débat final sur le thème : « L’éthique alimentaire : une nécessité pour chacun ». Nos méthodes de production et de consommation vont devoir évoluer. N’est-ce pas le moment de poser les bases d’une éthique alimentaire individuelle et collective et d’imaginer ce que nous pourrons en attendre ?...

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À l’heure du bouclage de notre revue, plus d’un mois avant l’événement, les organisateurs recueillaient encore les confirmations des participations d’un aéropage de personnalités du monde universitaire, intellectuel, associatif, industriel, politique et économiqude d’une exceptionnelle envergure. Le programme définitif sera rendu public vers la fin septembre ainsi que les modalités de participation pour le grand public. L’entrée sera bien évidemment gratuite.


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Parallèlement aux rendez-vous... La Librairie Kléber ainsi que le Club de la Presse Strasbourg-Europe accueilleront également des débats et des rencontres avec le public. Le Cinéma L’Odyssée accueillera films et documentaires :

Séance • Vendredi 11 octobre à 20h30 « Lovemeatender » du Dr Yvan BECK et Manu COEMAN D’où vient la viande qui est servie dans nos assiettes ? Quelles sont les conséquences de l’élevage intensif sur les animaux, sur l’environnement, sur notre santé ? « Lovemeatender » apporte un éclairage passionnant sur toutes ces questions.

Séance • Samedi 12 octobre à 18h30 « Le fils de la Terre » d’Edouard BERGEON, 87 min Ce documentaire évoque un sujet dont on parle peu et encore tabou dans le monde agricole : le suicide des paysans.

Séance • Samedi 12 octobre à 20h30 « Comment nourrir l’avenir » de Jean James GARREAU et Kevin GARREAU, 75 min Ce documentaire tente de répondre à la question cruciale sur l’avenir alimentaire, comment nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050 ?

Séance • Dimanche 13 octobre à 18h « Tous cobayes » de Jean-Paul JAUD, 118 min Sommes-nous tous des cobayes ? Comment se fait-il que les OGM agricoles soient dans les champs et dans nos assiettes alors qu’ils n’ont été restés que trois mois sur des rats ? Comment se fait-il que l’énergie nucléaire soit toujours l’énergie de demain après les accidents de Tchernobyl et Fukushima ? Pour son troisième film Jean-Paul Jaud donne la parole aux agriculteurs japonais de Fukushima…

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CONSEIL SCIENTIFIQUE

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LA GARANTIE D’UN

De longs mois de travail pour les membres du Conseil Scientifique réunis autour du Professeur Bernard Ancori ont permis de jeter les bases du futur Institut Européen de l’Éthique Alimentaire de Strasbourg… Bernard Ancori détaille pour Or Norme les

conclusions et observations du Conseil Scientifique réuni par les organisateurs de la manifestation. « Le futur Institut Européen d’Ethique Alimentaire (IEAA) aura une double mission. La première sera de formuler des recommandations concernant nos modes nutritionnels et de proposer aux pouvoirs publics ( locaux, nationaux, européens et internationaux ) des pistes propres à inciter tous les acteurs à améliorer leurs pratiques alimentaires. La seconde consistera à dispenser des enseignements en ce sens, en formation initiale ou tout au long de la vie. Le rôle du Conseil scientifique est de s’appuyer sur la recherche fondamentale et appliquée, en sciences de la vie et en sciences humaines et sociales, pour fournir à l’Insitut toutes informations utiles concernant ces pistes d’amélioration et les contenus d’enseignement correspondants. » L’éthique alimentaire concerne toute la chaîne qui va du producteur au consommateur, ainsi que le système d’informations destinées à cette chaîne, les circuits d’information internes à cette dernière, mais aussi médias. Agriculteurs et associations d’agriculteurs, industriels de l’agro-alimentaire, distributeurs, consommateurs : chaque élément concret de cette chaîne est aussi un consommateur

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individuel ou collectif, et doit pouvoir s’approprier les résultats de la recherche fondamentale et appliquée et les « bonnes pratiques » des acteurs de terrain afin de les mobiliser dans sa propre sphère d’activités avec une visée éthique. L’éthique alimentaire possède donc une dimension collective et individuelle : chaque acteur individuel doit pouvoir effectuer des choix responsables en agissant de telle manière que les générations présente et futures ne puissent en souffrir, ni du point de vue de la santé publique, ni de celui de la préservation de l’environnement. Dans cette perspective de développement durable, l’éthique alimentaire constitue un facteur essentiel d’amélioration de la fonction nutritionnelle, d’épanouissement personnel et de construction ou de consolidation du lien social.

LES PISTES POSSIBLES « Les choix des acteurs s’inscrivent dans une double contrainte — financière et temporelle — dont les recommandations de l’Institut devront tenir le plus grand compte pour pouvoir être concrètement suivies. Ces choix impliquent : - Les choix de l’agriculteur et des associations d’agriculteurs, en matière de production des aliments végétaux, d’élevage des animaux, de modalités techniques d’abattage des animaux afin de leur éviter toute souffrance et d’assurer des conditions d’hygiène et de sécurité irréprochables, de conditionnement des produits : respect des règles d’hygiène et sécurité, mais aussi information convenable du consommateur.


- Les choix des industriels de l’agro-alimentaire, en matière de qualité nutritionnelle des produits, de politique d’achat auprès des producteurs, de provenance des aliments végétaux et animaux, de transformation et de conditionnement de ces aliments : respect des règles d’hygiène et de sécurité, information complète, loyale et compréhensible par le consommateur et le distributeur. - Les choix des distributeurs, en matière d’incitation à la consommation, de juste prix d’achat et de vente aux agriculteurs ou aux industriels de l’agroalimentaire, d’emballage, d’étiquetage et

d’informations complètes, loyales et compréhensibles par le consommateur, de politique des invendus périssables. - Les choix du consommateur individuel ou collectif, en matière de circuit de vente, de provenance des produits achetés, de quantitésévitant le gaspillage de qualité nutritive, y compris au niveau de la restauration collective ( cantines , restaurants d’entreprise ) de plaisir de manger en tant qu’élément de lien culturel. - Les choix des médias, en matière d’information sur la qualité des produits, de création d’effets de mode… Telles sont les bases que le Conseil Scientifique a jetées en vue de la création de l’institut Européen d’Éthique Alimentaire de Strasbourg » conclut le Professeur Ancori.

JEAN-LOUIS

DE VALMIGÈRE

C’est la question que nous avons posée à Jean-Louis de Valmigère, le délégué général de l’association organisatrice. L’ex-patron de « Chez Yvonne » a passé une bonne part de sa carrière à réfléchir sur ce thème et est l’un des premiers à avoir pressenti le besoin impératif d’éthique au niveau de notre alimentation.

« Se nourrir reste la première préoccupation de la plus grande partie de l’humanité » nous répond-il avec conviction. « Pour les uns, hélas les plus nombreux, il s’agit au pire de survivre, au mieux d’avoir les moyens de vivre, de faire grandir les enfants. Pour les autres, dans un océan d’abondance, il s’agit de choisir la nourriture la plus conforme à leurs souhaits ou à leurs désirs, la moins nocive ou, à l’extrême bout de l’abondance, la plus qualitative. Car nous sommes arrivés à cette situation paradoxale que bon égale cher, que naturel égale luxe. On ne peut pas vraiment dire que ce soit un progrès en Europe par rapport à la cuisine de nos grands-mères. Après la sous-nutrition, l’obésité due à l’alimentation est devenue le premier fléau de la planète. À l’évidence, nos sociétés ont profondément évolué. Sans doute absorbés voire éblouis par l’avancée de la science, par la conquête de l’espace, par l’accélération des moyens de communication, nous n’avons pas pris conscience de notre façon de « manger » au quotidien qui pourtant conditionne toute notre économie. »

MÉDIAPRESSE

« POURQUOI UNE ÉTHIQUE ALIMENTAIRE ? »

OR NORME : Peut-on dire que le mangeur est devenu subitement un consommateur ?

JEAN-LOUIS DE VALMIGÈRE : Oui, à partir du moment où s’est mise en place l’industrie agroalimentaire. Du rapport agriculteur-artisan-mangeur nous sommes tombés dans le rapport AgriculteurIndustriel - Consommateur comme le dit Claude Fischler. Puis le système économique a vu apparaître un quatrième acteur redoutable : le distributeur. Nous sommes donc arrivés au rapport agriculteurindustriel-distributeur-consommateur. Par le poids de son service achat, le distributeur, en écho à une demande réelle ou imaginaire, élabore une stratégie marketing qu’il impose en amont à l’industriel et à l’agriculteur. C’est ainsi que naissent certaines dérives ( excès de sucre, de graisses saturées ) qui font appeler à la rescousse les scientifiques,

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nutritionnistes, chimistes et pour pallier la déstructuration des goûts, les services marketing ré-inventent les produits de terroir et la cuisine de grand-mère. S’alimenter de façon anarchique va engendrer des problèmes de santé que les nutritionnistes et les médecins sont priés de résoudre au plus vite… Ce qui fait proposer à Serge Papin, représentant de la distribution, la recherche d’une éthique, un nouveau « pacte alimentaire ». OR NORME : Et quid des politiques publiques ?

J-L.D.V : Si l’alimentation est au coeur de notre futur, il est indispensable de demander aux gouvernants en particulier aux législateurs, de proposer que le bien être alimentaire soit une cause publique majeure. Ainsi, au delà de l’enjeu économique et sociétal dans lequel nous souhaitons jouer un rôle, il s’agit d’une question qui doit être considérée comme une priorité ». D’acte éminemment naturel et constitutif d’une grande partie de la vie humaine, manger est devenu un acte économique et politique. Dans la grande chaîne qui va de la fourche à la fourchette, un grand nombre d’acteurs influe sur les décisions, ( économiques et politiques ). Au final, c’est l’humanité entière qui est actrice. OR NORME : La science a aussi son rôle à jouer, non ?

J-L.D.V : Il est évidemment normal que les sciences, au fur et à mesure de l’évolution de l’humanité, se soient occupées d’étudier et de réglementer la façon de nous alimenter. Les techniques agricoles sont concernées bien sûr, puis la chimie qui les a aidées. Les nutritionnistes et les diététiciens ont étudié les compositions idéales et l’équilibre des aliments, ainsi que la conséquence sur le corps de la façon de s’alimenter. Le droit l’a réglementé. La sociologie s’est penchée sur le lien social créé autour du repas et sur les comportements. L’histoire a retracé son lien avec la culture et la civilisation La médecine a tenté de corriger les conséquences des divers excès. L’industrie a créé de nouveaux modes de production. Elle a engendré le marketing et la distribution alimentaire. Bref, comme dans la préhistoire ou dans l’histoire, manger accapare une partie de notre vie. Mais les sciences et les techniques, si différentes, si variées et si complexes que nous ne percevons plus le lien entre elles, font qu’il n’y a plus ni fil conducteur ni logique de « la fourche à la fourchette ». OR NORME : Faut-il légiférer plus, mieux, différemment ?

J-L.D.V : La législation n’est pas la seule réponse aux risques de dérive de la chaîne alimentaire. En amont de toute législation, il y a une intention éthique. La loi édicte des règles qui trouvent leur fondement dans une intention : préserver la santé, préserver l’honnêteté de l’information, mettre en place le cadre qui permet d’organiser l’activité liée à l’alimentation. OR NORME : Une éthique de l’alimentation pour trouver des réponses, c’est ça ?

J-L.D.V : Nous y sommes. Il y a, ou on tente d’avoir, une éthique de l’environnement, une éthique des affaires, une bioéthique, une éthique politique, et bien d’autres… Alors, pourquoi pas une éthique de l’alimentation ? Si l’éthique se donne pour but

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d’indiquer comment les êtres humains doivent se comporter, agir, et être, entre eux et envers ce qui les entoure », nous devons bien commencer par le commencement et nous poser la question éthique avant tout autre réflexion. Il faudra commencer par tenter de définir ce que pourrait être une éthique alimentaire, tout au moins la méthode pour arriver à cette définition. Il faudra bien sûr tenir compte de la dimension socio-culturelle de la nourriture. Comme le dit Fabio Parasecoli, « la nourriture est un élément central de la conscience ethnique. Elle joue un rôle essentiel dans la formation d’une identité historique ». OR NORME : Le champ d’investigation est large…

J-L.D.V : Il faudra étudier le rôle et la place de chacun des grands acteurs de la filière alimentaire : l’agriculture, l’agro-industrie, la distribution, la consommation. Il faudra inventorier les outils utilisés par les acteurs : la chimie, la génétique, la biologie, le marketing, le packaging, la finance, etc… Il faudra aussi se poser la question de l’influence des comportements, tant en amont qu’en aval, celle des religions, celles des migrations, celle de la mondialisation. Il ne faudra pas oublier la réglementation, la sécurité alimentaire, la traçabilité, pourquoi pas la qualité ? Cette liste est loin d’être exhaustive. Peut être, au stade de la réflexion, faudra-t-il chercher le point d’équilibre entre les contraintes de l’économie et les nécessités de l’écologie ? À ce stade, il ne nous appartient pas de trouver des réponses, mais de chercher les questions, de participer à la réflexion, d’éclairer les décideurs. Les choix de l’éthique alimentaire nous concerneront tous, comme nous concernent les choix de la bioéthique. Les experts pourront nous expliquer les différentes hypothèses et les conséquences de celles-ci. Mais la décision, nous appartiendra ou plus exactement, elle appartiendra aux femmes et aux hommes politiques que nous avons élus. Ce sera un progrès car pour l’instant nos certitudes et nos incertitudes engendrent notre non choix, voire notre passivité. Au lieu d’être acteurs nous demeurons spectateurs de notre bienêtre, de notre santé morale et physique. Nous devons être très humbles sur la recherche de la vérité. Car, comme l’écrivait Nietzsche, cité par Pascal Bruckner, notre témoin de la deuxième journée des Rendez-Vous : « Le contraire de la vérité, ce n’est pas le mensonge, ce sont les convictions ». Je crois que c’est ce chemin qui peut nous conduire à l’élaboration d’une éthique alimentaire… »

Entretien réalisé par ALAIN ANCIAN


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STÉPHAN

Chenderoff « NOUS DEVONS DONNER DU SENS À NOS VIES » Entretien réalisé par JEAN-LUC FOURNIER

OR NORME : Une question toute simple pour commencer. Qui êtes-vous ?

STÉPHAN CHENDEROFF : J’ai 52 ans et je suis associé du groupe Cyrus qui est le leader indépendant en France du conseil en Gestion Privée et Gestion de Fortune. J’ai toujours dans mon parcours entrepris et développé de nouvelles idées et de nouveaux modèles. Celui de Cyrus est unique dans notre secteur par une démarche d’association au capital des salariés dont la moitié est devenue actionnaire. L’éthique est un point central dans mes activités. J’entends par là le respect d’un certains nombres de principes tant vis-à-vis de moi-même mais surtout vis-à-vis des autres. Ainsi, en dehors de la vie professionnelle, je suis administrateur de la Fondation Ostad Elahi dont l’objectif est de promouvoir la réflexion et la pratique de l’éthique sous toutes ses formes dans les activités les plus diverses pour développer la solidarité entre les hommes. Enfin, passionné par la lecture et la musique, je préside l’Institut Diane de Selliers qui conduit des recherches en histoire de l’art dont on voit les fruits à travers les publications des Editions Diane de Selliers qui réalisent les plus beaux livres d’art que je connaisse. Je vis dans le village de Montfort l’Amaury où Ravel vécut les dernières années de sa vie, aussi je participe à l’animation culturelle notamment aux Journées Ravel. OR NORME : En quoi l’éthique en général est-elle au cœur de vos engagements ?

S.C : Comme je le disais, c’est une vieille histoire… je crois que mes origines de russe blanc, le brassage des cultures dans ma famille, l’éducation que j’ai reçue ont 62

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Le président de l’association organisatrice des premiers Rendez-Vous Européens de l’Éthique Alimentaire de Strasbourg, s’il est peu connu à Strasbourg, est une personnalité nationale de premier plan sur les sujets éthiques. Un entretien passionnant avec la rédaction d’Or Norme Strasbourg… participé à développer en moi une sensibilité aux questions d’éthique. Il y a 25 ans à travers mes lectures j’ai découvert une personnalité hors du commun qui a fait de l’éthique un objectif de vie et une pratique au quotidien dans un environnement peu favorable. Il s’appelle Ostad Elahi. Il fut juge dans l’Iran des années 1930 à 1960 et il a mené une réflexion pratique et expérimentale, scientifique et laïque qui m’a beaucoup influencé dans mon parcours. C’est ce qui explique mon implication dans la Fondation créée par sa famille il y a maintenant 12 ans. Ostad Elahi disait que « la clef de voûte de la vie en ce monde est le respect du droit d’autrui ». C’est une phrase qui peut paraître anodine, sa pratique quotidienne est un challenge pour chacun de nous ! Pour respecter le droit des autres, il faut commencer par connaître ces droits et ensuite il faut lutter contre son ego pour les appliquer…. La pratique, c’est un travail personnel quotidien qui nécessite volonté et persévérance. Vous voyez, connaissance et pratique sont intimement liées dans toute approche éthique. Enoncer de beaux principes qu’on n’applique pas, c’est stérile ! Pratiquer sans connaître, c’est assurément se tromper et se faire fourvoyer dans des directions déviées. Nous devons donner du sens à nos vies, « savoir d’où nous venons, ce que nous faisons ici, où nous voulons aller ». OR NORME : Comment êtes-vous arrivés à la présidence de l’association qui organise les Rendez-Vous Européens de l’Ethique Alimentaire de Strasbourg ?

S.C : C’est d’abord et avant tout une histoire d’hommes, puisque l’idée est née d’échanges et de discussions avec Jean-louis de Valmigère avec qui je m’étais associé pour


racheter Chez Yvonne en 2001. Il a donné corps à ces discussions en créant l’Association pour la création de l’Institut Européen d’Ethique Alimentaire. Il m’a demandé d’en prendre la présidence qu’il m’était difficile de lui refuser en tant que gastronome et passionné d’éthique ! Le sujet de l’éthique alimentaire est un enjeu majeur des prochaines années. L’actualité récente nous a confortés dans notre projet. L’appui moral immédiat de Joseph Daul a été déterminant car rien ne se fera sans une prise de conscience politique. Nous avons choisi Strasbourg pour deux raisons : en installant la démarche à Strasbourg, nous positionnons d’emblée la question de l’éthique alimentaire au niveau européen. La deuxième raison est que l’Université de Strasbourg est très en avance sur les questions d’éthique. Son Président, Alain Beretz nous a apporté son soutien. La Ville s’est engagée à nos côtés et nous aide beaucoup dans l’organisation de ces premiers Rendez-Vous. La Région Alsace s’est aussi impliquée. Il très important que la prise de conscience soit collective pour donner l’impulsion à un sujet aussi crucial. Mais je reste convaincu que c’est dans le changement de mentalité de chacun que cette question trouvera ses réponses. Cela ne se fera pas en un jour ! Il faut oser reprendre des questions basiques comme comprendre le rôle de l’alimentation pour notre corps, les besoins de nos cellules, les effets positifs et négatifs qui peuvent nous protéger ou favoriser des pathologies… Ensuite c’est toute la filière qui doit se saisir de cette question qui va forcément bousculer notre organisation actuelle et se heurter à des réticences, des lobbys, des habitudes, des détracteurs… Nous ne faisons qu’entre-ouvrir une porte modestement mais avec conviction. OR NORME : Vous êtes optimiste quant à l’intérêt que déclencheront les Rendez-Vous le mois prochain ?

S.C : Cette manifestation se veut très large dans son programme pour essayer de montrer que le sujet touche beaucoup d’aspects aussi bien philosophiques, économiques, sociaux et culturels. Producteurs, distributeurs, consommateurs, philosophes et politiques sont concernés en tant qu’individus d’abord et en tant qu’acteurs de la filière alimentaire. Le moment n’est pas mieux choisi même si le hasard auquel je ne crois pas tant les coïncidences sont fortes : actualités, scandales, études et médias participent à la sensibilisation du rôle de l’alimentation. La manifestation a pour but de commencer à faire un état des lieux et se poser les bonnes questions, brefs à soulever les vrais problèmes que pose l’alimentation aujourd’hui. Elle est fondatrice d’une démarche qui doit conduire à la création d’un Institut d’Ethique Alimentaire que nous souhaitons pouvoir lancer dans les deux ans. Nous attendons beaucoup de participants de grandes qualités, chercheurs, scientifiques, entrepreneurs et philosophes et je suis certain que le public répondra présent dans la grande salle de l’Aubette, ou se dérouleront l’essentiel des tables rondes, à la Librairie Kléber, au Club de la Presse Strasbourg-Europe et au cinéma l’Odyssée... »

commentaire Voilà donc une manifestation de plus pour Strasbourg et pas la moindre... Bien sûr, ces Rendez-Vous de l’Éthique Alimentaire de Strasbourg n’en sont qu’à leur toute première édition. Comme pour toute nouveauté, il a fallu beaucoup d’engagement de la part des organisateurs pour déterminer le périmètre des débats, convaincre les partenaires, l’Université de Strasbourg et son président Alain Beretz tant le sujet ne saurait souffrir de la moindre approximation en matière de rigueur scientifique et, bien sur, la Ville de Strasbourg, hôte de la manifestation. La thématique générale, pour une éthique de l’alimentation, s’est imposée naturellement tant ses contenus sont au cœur de nos vies à toutes et à tous. Les scandales de l’agro-alimentaire se succèdent à un rythme de plus effréné et il faut à ce sujet, d’emblée, saluer le courage de Laurent Spanghero, le fondateur de la société éponyme, revenu aux manettes pour sauver ce qui pouvait encore l’être, notamment des centaines d’emplois, après les fraudes répétées des anciens dirigeants sans scrupules qui lui avaient succédé. Le rugby, notamment le pack d’avants, est une formidable école d’abnégation, à n’en pas douter. Laurent Spanghero, par sa présence à la première de cette nouvelle manifestation, prouve qu’il ne manque pas de panache et de sens des responsabilités. Bravo aux organisateurs d’avoir osé le contacter et bravo à lui d’avoir accepté d’être présent. Au-delà du succès public des premiers Rendez-Vous de l’Éthique Alimentaire de Strasbourg (qu’il faudra juger sur pièces), l’autre objectif de l’association organisatrice est plus qu’intéressant pour Strasbourg : il s’agit ni plus ni moins de construire les fondations de l’Institut Européen de l’Éthique Alimentaire qui devrait voir le jour dans les deux ou trois ans, comme le confirme Stephan Chenderoff dans l’entretien que nous publions. On devine les enjeux : la compétition est rude aujourd’hui entre les agglomérations. Toutes ont choisi leurs vecteurs de communication, leur image de marque. A Strasbourg, cette image de marque passe notamment par la capacité de notre ville d’organiser et alimenter les débats de société les plus marquants. Strasbourg possède une réelle légitimité intellectuelle dans ce domaine que peu de villes françaises, hormis Paris, peuvent lui contester... Alors, Strasbourg doit foncer et savoir prendre des risques pour asseoir encore plus sa légitimité. C’est pourquoi la Ville a décidé de soutenir cet événement qui, certes, doit faire ses preuves mais dont les enjeux sont bien réels... Alors, on espère que cette première sera une vraie et prometteuse réussite... JLF

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UN ÉTÉ

2013 PHOTOS : ALBAN HEFTI

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Cette photo, ainsi que celle de la double page précédente a 67 été réalisée sur le site de la Ballastière au Nord de Strasbourg.


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UN ÉTÉ

2013 EN FRANCE ET DANS LE MONDE

MÉDIAPRESSE

EN VEDETTE LE SOLEIL ! Cette star-là vous paraîtra sans doute incongrue dans notre palmarès de l’été 2013 mais faut-il vous rappeler nos lamentations à tous au mois de mai et juin derniers, alors que le printemps ressemblait à une fin d’automne, avec sa cohorte de nuages bas et de flotte incessante. Alors, oui, le soleil. Du lever ( comme ici sur cette image saisie au large du minuscule port corse de Centuri ) au coucher, l’astre vital a brillé sans discontinuer sur une France qui en avait bien besoin. Et sur des Français, en vacances ou non, qui n’avaient plus qu’à lever le nez vers lui et le remercier. Le soleil a brillé cet été ; l’air de rien, c’était une info…

Vers la fin du printemps, son clip tourné en caméra cachée dans le petit matin pluvieux de Bruxelles s’est propagé comme la foudre sur le net. Un bijou de film pour un monstre de talent ! Et un titre, « Formidable », à donner des frissons au plus endurci des mecs ! Stromae ( l’anagramme de Maestro, vous l’aviez capté ? ) est un diamant brut. Déjà remarqué avec son single « Alors on danse », il a éclaboussé cet été 2013 de son talent. Et « Papaoutai » cartonne aussi ! Le Brel du début du XXIème siècle ? On parie que oui… 74

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STROMAE


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LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE

Fortement malmenée à la fin du printemps par une ministre de la Santé qui apparemment n’avait rien d’autre de plus important à faire que de mobiliser ses affidés pour la désinguer, la cigarette électronique est partout dans la rue aujourd’hui. Pas con les fumeurs : certes, on s’en passerait bien mais quand à faire, autant diminuer sa consommation de tabac avec le vapotage. D’accord, c’est pas de l’eau claire mais c’est toujours moins toxique que la vraie clope. Et puis l’eau claire, vous savez, est un concept qui s’éloigne, s’éloigne… Vive la clope électronique mais vous pariez combien qu’ils vont bientôt nous la taxer grave ?..

MARSEILLE, CAPITALE EUROPÉENNE DE LA CULTURE

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LE PADDLE-BOARD Le concept a éclaté cet été. Une planche de surf plutôt version long board, avec une surface agrippante en son centre et qui se manœuvre debout avec une pagaie façon canoë. Enfin, quand on a réussi à maîtriser la station debout sur un tel engin... Ça marche sur les vagues de l’Atlantique ( faut quand même s’y faire ), sur celles de la Méditerranée (moins compliqué en temps normal) et aussi sur les lacs et étangs ( mais là, faut avoir de bons biceps ). Ça durera ? On ne sait pas mais ce truc a été immensément populaire durant tout l’été... DR

Le MUCEM ( Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée ) a été le symbole de la belle réussite de la cité phocéenne. Les visiteurs ont été nombreux, enthousiastes pour ce véritable coup d’envoi remarquablement négocié. Enfin du positif pour une ville qui, par ailleurs, reste le théâtre de violences effroyables et « qui mangent ses propres enfants » comme l’a déclaré, accablé de tristesse, le directeur sportif de l’OM, José Anigo ( lui même pas un tendre… ), après l’assassinat brutal de son propre fils, début septembre…

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DAFT PUNK

UN VALLS À MILLE TEMPS Le ministre de l’Intérieur a été partout. Avec, en permanence, la mâchoire carrée et le regard noir du bel hidalgo qu’il est… Sa polémique avec Christiane Taubira, la ministre de la Justice, était parfaite pour un été si ensoleillé… A la Rochelle, les socialistes tranchent en la faveur de Mme la ministre ? Pas grave ! Manu poursuit son chemin et enfonce le clou de la sécurité… Rien à dire, nickel chrome, un été où toutes les embûches ont été déjouées. La récompense : le Nouvel Obs qui titre : « Le vice-président ». Un été 2013 qui va compter. Le modèle avait été déposé il y a plus de dix ans par Nicolas himself… 76

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Là, on a un peu hésité, on avoue. De justesse, les deux robotshumains ( ou le contraire ) figurent dans l’onglet « En vedette » parce que leur hit « Get Lucky » a quand même été diffusé un peu partout sur le globe, faut être honnête et le reconnaître. Ceci dit, pas de quoi non plus crier à l’innovation de génie : certains ont même pensé, à la première écoute, que c’était un tube oublié des années D.I.S.C.O. ! Ceci dit, l’événement a été planétaire alors… En vedette !

TEDDY RINER L’ogre du judo a encore frappé aux Championnats du Monde à Rio de Janeiro. Même diminué par un début de pubalgie, il a une fois de plus ( la sixième ! ) décroché le titre mondial dans sa catégorie, un an après le titre olympique à Londres. Au retour en France, il s’est même étonné de l’accueil des supporters à Roissy et s’est déclaré « très fier pour son sport pas assez médiatisé ». Un colosse-nounours humble et sympa. Pas comme ces gros blaireaux du foot qui ont produit un match minable contre la Géorgie en qualifications pour la prochaine Coupe du Monde au Brésil. France 98, c’était au siècle dernier…


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les flops

LES STATS DU TOURISME MÉDITERRANÉEN Un printemps pourri ? OK, certes… Un mois de juillet entre -7 et – 32% suivant les zones. Un mois d’aôut à peine convenable qui ne rattrapera rien… Un septembre en pente douce, comme d’hab. Pas la peine de déployer les experts : les Français qui étaient en vacances au bord de la grande bleue ( Corse comprise ) se sont aperçus d’eux mêmes que les terrasses des restos étaient bien moins remplies que l’été d’avant. Foin des explications météo ou autres : la crise du portefeuille est là, bien installée, lourde, pérenne… Et elle a frappé grave là où c’était le plus évident, chez ceux qui jusqu’alors surfaient sur tous les excès. Changement de paradigme les gars, va falloir bien se remettre en cause et très vite !..

L’ONU PARALYSÉE La géopolitique est impitoyable. Assad gaze son peuple, les nations occidentales tergiversent, Obama hésite, Hollande veut que la France participe aux frappes sur les objectifs stratégiques syriens et pendant tout ce temps, ce grand humaniste qu’est Poutine bloque toute initiative à l’ONU. L’Europe en tant que telle ? Il n’y a plus d’abonné au numéro que vous avez demandé… Pendant ce temps, les femmes, les hommes et les enfants syriens tremblent de peur et dans l’ombre, les islamistes radicaux s’apprêtent à faire place nette vis à vis de tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Et ça en fait, du monde…

Un été au Prozac pour la majeure partie des producteurs d’Hollywood. Plus rien ne marche, les chiffres sont dramatiquement en baisse sur la plupart des blockbusters habituels, pourtant survitaminés d’effets spéciaux, d’images 3D, de monstres terribles et de héros invincibles. Les ados américains semblent en avoir un peu ras-le-bol de voir toujours les mêmes scénarios débiles et même l’apport de stars ne produit plus le moindre effet… Pour le coup, on se prend à rêver : imaginons un producteur qui ferait son métier, un bon réalisateur, en contact avec un bon auteur qui, tous trois, engageraient un excellent scénariste qui écrirait un très bon scénario. Ils trouveraient d’excellents acteurs, bien dirigés, motivés. Les gens iraient voir un bon film, avec plein de belles émotions er de superbes images. Le tout leur parlant directement au cœur. Ca s’appellerait du bon cinéma… DR

LE DRAME ABSOLU

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HOLLYWOOD DÉPRIME

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Une belle initiative de rue89 Strasbourg Texte JEAN-LUC FOURNIER

L’application Strasbourg 2028, lancée par nos confrères du site d’information Rue89 Strasbourg, avec le concours du bureau strasbourgeois de la société Repérage Urbain, a démarré de façon foudroyante dès le début septembre. De quoi donner bien des idées en matière de démocratie participative… Comme souvent avec internet, ce sont les idées les plus simples qui prennent rapidement une ampleur insoupçonnée. En lançant l’application Strasbourg 2028, Rue89 Strasbourg et repérage Urbain ne pensaient peut-être pas rencontrer un tel succès… Début septembre, plus de 200 idées avaient été « postées » par les internautes strasbourgeois, suscitant près de 500 commentaires et plus de 2500 votes. Car tout l’intérêt de cette initiative de concertation urbaine repose sur ce principe de base : on poste son idée grâce à l’application, en la détaillant et la commentant soi-même puis.. on attend. On attend que les internautes s’en emparent, la commentent eux-même et votent pour elle. A la fin, on fait les comptes, on établit le hit-parade des idées les plus populaires, on le publie et… Et quoi au juste : et bien, par exemple, on peut l’envoyer aux candidats à la prochaine élection municipale et leur demander de se positionner, voire de l’intégrer (pourquoi pas ?) à leur programme…

POURQUOI NE PAS ALLER AU-DELÀ ? Spécificité de la société Repérage urbain oblige, le thème principal de cette consultation en temps réel de cet appel à idées tourne autour des aménagements urbains à réaliser à Strasbourg. Mais déjà, on se prend à souhaiter comme une

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MUNICIPALES 2014

Copie d’écran de la page Facebook Strasbourg 2028

sorte « d’extension du domaine de la lutte » comme dirait Houellebecq… Pourquoi ne pas jouer le jeu jusqu’au bout et susciter aussi d’autres idées sur des thèmes aussi porteurs tels que le logement, la culture, le sport, les transports, la vie intellectuelle, l’université, l’attraction internationale de Strasbourg, l’économie, le social… Les champs d’application sont innombrables. Bien sûr, il faudrait aussi se donner les moyens de traiter ultérieurement l’ensemble des données fournies par les internautes-citoyens mais rien n’est impossible…

ON SE PREND À RÊVER... Bientôt, très bientôt, les campagnes des candidats au poste de Maire de Strasbourg vont atteindre leur vitesse de croisière. Alors, on se prend à rêver d’un hit parade citoyen des actions à mener, sur lequel ils seraient amenés à se positionner. Sur le net par exemple, via l’application en question… Pourquoi pas ? Depuis la campagne présidentielle de Ségolène Royal en 2007, on triture de tout côté son idée de démocratie participative. Quelquefois, on a même du mal à cerner le contenu d’un tel concept, voire même on se moque ouvertement de ce qu’on considère comme un gadget de plus… Pour ne pas dire un attrape-nigaud. Cette initiative de Rue89 est excellente, bravo les gars ! Mais osez pousser le bouchon plus loin, étudiez donc l’extension évoquée… A notre avis, elle a du potentiel. Les politiques se disent tous attentifs aux souhaits profonds de la population. Certains le sont vraiment, d’autres à peu près et pour d’autres encore, c’est le cadet de leurs soucis. Etendre cette belle idée à une multitude de thèmes serait une belle façon de dire à tous les candidats : « Vous voulez que je participe à votre laboratoire d’idées. Alors, chiche ? » Ensuite, il suffirait d’observer à la loupe le programme des candidats, évaluer la prise en compte du hit-parade des idées des internautes. Bien sûr, cela demanderait un sacré travail de tri et de réflexion mais, après tout, cela pourrait, nous en sommes certains, apporter une belle eau au moulin de la démocratie locale. Alors, chiche ?


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PortFOLIO fernand d’onofrio Peintre avant tout, ce Guebwillerois a exposé depuis vingt ans dans le monde entier : Philadelphie, New-York, Chicago, Rabat, Palm Desert, Bâle, Lucerne et on en passe… Récemment, il s’est donné corps et âme à la photo. Juste une question de rencontre amoureuse… Ses clichés, ils les fabriquent violemment, avec cette même violence que le monde nous renvoie : photo, tirage, peinture sur le tirage, nouvelle photo, ajouts numériques… se succèdent avec frénésie jusqu’à ce que LE tirage final naisse. Fernand D’Onofrio est toujours resté le même : entier, exigeant, buté, volontaire, et pour tout dire subversif. On l’aime pour tout ça, et plus encore pour ce gigantesque amour de la vie dont il nous submerge depuis deux décennies maintenant…

www.donof.com - 06 62 14 05 24

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Épicure

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Introduction veinale

Afrodisiaque

VanitĂŠ

L’anneau du Nibelugen


Le nectare du rebelle

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BULLETIN D’ABONNEMENT À LA DISTRIBUTION PERSONNALISÉE DE OR NORME STRASBOURG Pour répondre à de nombreuses demandes, nous mettons en place un abonnement à la distribution personnalisée de notre magazine. Soyez certain de recevoir un exemplaire de chaque numéro de Or Norme Strasbourg par voie postale. Remplissez soigneusement le formulaire ci-dessous, joignez votre chèque et vous serez le premier à prendre connaissance de chaque édition de la revue. Le montant du chèque couvre les frais de conditionnement et d’envoi ( tarif normal ) des 4 prochains numéros, à compter de la date de réception. BULLETIN D’ABONNEMENT À renvoyer soigneusement rempli, accompagné de votre chèque, à : MÉDIAPRESSE STRASBOURG - ABONNEMENTS OR NORME STRASBOURG 12 rue de Bouxwiller - 67000 Strasbourg NOM _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ PRÉNOM _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ADRESSE POSTALE : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _________________________________________________________ _________________________________________________________ ADRESSE ÉLECTRONIQUE : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ @ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Chèque joint de 20 euros à l’ordre de MÉDIAPRESSE STRASBOURG, correspondant aux frais de conditionnement et d’envoi de 4 numéros d’OR NORME Strasbourg (à compter de la date de réception du bulletin).

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