Or Norme 13

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ornorme N°13 JUIN 2014

L’INFORMATION AUTREMENT

LA CRISE, LES ANGOISSES, LA DÉPRIME, LE DÉFAITISME… ILS S’EN FICHENT.

ILS OSENT ! ENTRETIEN SAVOUREUX

ROBERT GROSSMANN LIBRAIRIE KLÉBER

LE LIVRE DE MA VIE 2014 BALADE SUR LE

QUAI DES BATELIERS EUROPE

APRÈS LE SÉISME



OURS Photo de couverture : Zaman Babu

OR NORME STRASBOURG N°13 EST ÉDITÉ PAR MÉDIAPRESSE STRASBOURG 11, boulevard de l’Europe – 67300 Schiltigheim CONTACT : jlf@mediapresse-strasbourg.fr DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Josy Falconieri DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Jean-Luc Fournier - jlf@mediapresse-strasbourg.fr RÉDACTION : Alain Ancian - Erika Chelly - Jean-Luc Fournier Véronique Leblanc - Charles Nouar - Benjamin Thomas MAQUETTE ET MISE EN PAGE : Juleye ju.juleye@gmail.com IMPRESSION : AZ IMPRIMERIE - Mulhouse contact@azimprimerie.fr DISTRIBUTION : Impact Media Pub info@impactmediapub.com PUBLICITÉ : Au support TIRAGE : 15 000 exemplaires Tous déposés dans les lieux de passage de l’agglomération (liste des points de dépôt sur demande). Dépôt légal : juin 2014. ISSN 2272-9461 Retrouvez notre actualité sur Facebook : www.facebook.com/magazine.ornorme.strasbourg

Édito Certains s’évertuent encore à parler de «  crise » pour qualifier ce qui a débuté aux États-Unis il y aura six ans au mois de septembre prochain. Soit ils ne se rendent pas encore bien compte, soit ils nous racontent des bobards. Mon petit doigt me dit que c’est plutôt la deuxième explication, mais bon… Non, ce n’est pas une crise. C’est la fin d’un monde. Dans longtemps, il est fort probable que les historiens du futur se pencheront sur ce début de XXIème siécle pour analyser cette lente agonie d’un système presque usé jusqu’à la corde. Il faut être aveugle ou très cynique pour ne pas admettre que les inégalités sont devenues bien trop criantes, scandaleuses, au point de provoquer maintenant la nausée. Si rien ne change, tôt ou tard il y aura de très graves événements partout dans le monde. Car nous sommes des milliards de fourmis affolées qui cheminons dans une pagaille qui va devenir de plus en plus insoutenable. Nous n’en discernons pas encore l’issue car elle est trop lointaine. Mais il y en aura une, c’est certain. Reste à savoir laquelle… La «  crise » donc, puisque la facilité nous impose ce mot, nous l’avons mise à la une de ce numéro 13 d’Or Norme Strasbourg. C’est notre thème de ce trimestre mais nous n’avons pas voulu pour autant sombrer dans le pessimisme … Car si les femmes et les hommes que nous avons choisis de vous présenter ici ont subi comme tant et tant d’autres le marasme de ces six dernières années, ils ont décidé un jour qu’ils n’avaient plus le temps d’attendre que l’horizon s’éclaircisse. Alors, ils ont osé puis, eux-mêmes stupéfaits de leur propre audace, ils ont ensuite foncé. Et depuis, jour après jour, mois après mois, ils nous disent tous qu’ils ne regrettent rien. Ils sont à fond dans leur passion, ils créent, ils bâtissent, ils construisent, ils imaginent et ils vont tous au bout de leurs idées. Il arrive même que certains nous disent s’être tant épanouis malgré les difficultés qu’ils ont fini par dénicher, tout au fond de leur intimité, l’être profond qui sommeillait en eux. Ce n’est pas le moindre bénéfice de leur audace car, désormais, ils n’ont plus peur. Et comme tous ceux qui n’ont plus peur, ils savent bien que leur démarche va les emmener loin, très loin… Strasbourg recèle de ce genre de passionnés et, à la rédaction d’Or Norme, nous aimons les dénicher, les rencontrer et vous transmettre leur essentiel. A part ça, ce numéro regorge de reportages et d’interviews parmi lesquelles celle que nous a accordé Robert Grossmann n’est pas la moins savoureuse. A la lumière de ce qui se passe actuellement sur le front désolé et désolant de la politique, on conviendra facilement que ce vieux loup de la vie publique, pour ce qui le concerne dans le champ des idées pour lesquelles il a très tôt combattu, a eu bien raison avant tout le monde… Nous espérons que cette édition de Or Norme n°13 vous accompagnera durant cet été que nous vous souhaitons infiniment bleu azur et régénérant. Nous nous retrouverons à la rentrée de septembre pour un numéro que nous préparons déjà et qui vous surprendra. Pour la quatorzième fois… D’ici là, bonnes vacances et… Restez Or Norme ! JEAN-LUC FOURNIER 3


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Sommaire N°13 - JUIN 2014

6 ENTRETIEN AVEC ROBERT GROSSMANN

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ILS OSENT ! 48

RENCONTRE AVEC AYMERIC CARON

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LE LIVRE DE MA VIE 2014

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ART : MARSEILLE - PARIS

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CAFÉ BRANT : C’EST POUR L’AUTOMNE

EUROPE APRÈS LE SÉISME

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72

BULLI TOUR EUROPA

68

QUE DEVIENS-TU ?

70

LA SYMPHONIE DES DEUX RIVES

BALADE LE QUAI DES BATELIERS

80 PORTFOLIO : JEAN-FRANÇOIS BADIAS 6


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ROBERT

Grossmann «  JE SUIS LIBRE ET EN RÉVOLTE ! » Entretien réalisé par JEAN-LUC FOURNIER Photos MÉDIAPRESSE

Incontestablement, Robert Grossmann vient de tourner une grande page de sa vie publique après plus d’un demi-siècle d’engagement politique. L’occasion pour nous de rencontrer longuement cet homme réellement Or Norme qui n’entend pas pour autant devenir un grand absent. Car il a Strasbourg chevillé au cœur…

OR NORME : La politique a littéralement envahi votre vie durant quasiment six décennies. A l’heure où vous tournez cette page (du moins en tant qu’élu), vous avez bien sûr abondamment regardé dans le rétro. Au final, qu’est-ce qui apparaît le plus clairement ?

ROBERT GROSSMANN : « Ce sont quasiment soixante ans d’engagement militant dont cinquante ans de mandat municipal qui se terminent… J’avais à peine dix-huit ans quand je me suis engagé au sein de l’UNR. C’était l’Union pour une Nouvelle République et si je m’y suis engagé, c’était pour contribuer à restaurer l’esprit républicain. Ça reste d’actualité en 2014, cette notion-là, non ? Plus que jamais, oui, plus que jamais… Car aujourd’hui, devant l’état politique des choses, je suis en révolte ! Et cette révolte gronde en moi depuis plusieurs années. Je ne me retrouve plus du tout dans ce qui se passe dans le pays et particulièrement ces derniers mois, au sein de ma propre famille politique. Ce qui s’y est passé l’an passé a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ça m’a heurté, désolé et révolté, oui, révolté ! O.N. : Jean-François Copé s’en est vite rendu compte, à la lecture de la lettre sans concession que vous lui avez adressée. «  Je ne m’y retrouve plus dans ton UMP et, après avoir mûrement réfléchi, j’ai décidé de rompre et de mettre mon engagement en accord avec ma conscience. » Des mots très forts, précis, des mots qui interpellent…

R.B : Oui, mais je ne fais aussi que réagir à un climat général. Si j’étais socialiste, je me poserais la même question de base : qui incarne aujourd’hui mon idéal ? A droite comme à gauche, plus personne n’incarne un grand dessein, il n’y a plus aucun souffle. A 18 ans, je me suis engagé sur ce simple constat : le gaullisme était un humanisme. Aujourd’hui, quel engagement peut bien motiver un jeune de 18 ans ? Je concède qu’on ait pu avoir de l’admiration pour Mitterrand. Mais pour Giscard, pour Chirac, pour Sakorzy… pfff… où est le corpus d’idées qui pouvait faire s’engager les jeunes auprès d’eux ? Quand j’avais 18 ans, la participation était la grande idée. J’étais enthousiaste : le capital et le travail pouvaient se rejoindre. Mais près de soixante ans après, le capitalisme n’a jamais été aussi sauvage. Je me 6


de la Droite Forte, la ligne Buisson de l’UMP, ce qui ne l’a pas empêchée de se rallier avec eux en l’espace d’une soirée. Complètement contrenature. La composition de sa liste était également d’une faiblesse consternante. Dans tout ça, j’ai eu bien du mal à discerner le début d’une vision pour Strasbourg… O.N. : Sanguin un jour, sanguin toujours… Cette réputation-là vous a toujours suivi. Des regrets ?

demande bien pour quelle raison il n’y a pas encore eu de véritable révolution dans la rue. Les travailleurs sont anesthésiés. Je pense que si les acteurs importants de la sphère politique ne prennent pas très rapidement conscience du déni de républicanisme dans lequel ils se cantonnent, ça peut maintenant surgir très vite, oui ! Le quinquennat a aggravé les choses. Il a dérogé à l’esprit des institutions. En faisant coïncider l’élection présidentielle avec les élections législatives, il a enfermé le président de la République dans le vote des parlementaires, lui empêchant de bénéficier d’un maximum de hauteur pour arbitrer vraiment. Le septennat le mettait de facto au-dessus de tout ça, il pouvait respirer… Pour illustrer mon désenchantement de la vie politique actuelle, regardez les récentes élections européennes. Quelle Europe voulons-nous ? La question n’a même pas été posée aux citoyens ! Et les candidats ! Martin, tête de file du PS dans l’Est : totalement en contradiction avec ses propos antérieurs. Catherine Trautmann aurait été autrement plus légitime. Et Morano à l’UMP ? Du grand n’importe quoi ! Le FN prospère sur tout ça, les abstentionnistes aussi : ils portent les germes de cette révolte… A longueur de tribunes, dans d’innombrables émissions de télé ou de radio, dans quasiment tous les journaux, on nous assène en permanence un discours résigné. On parle de déclin de notre pays, on cultive l’idée qu’il est inéluctable. J’en reviens aux raisons de mon engagement il y a presque soixante ans. Je cherche désespérément la voix qui va s’élever et donner aux jeunes d’aujourd’hui des raisons profondes de s’engager en politique. O.N : Revenons sur le résultat des récentes élections municipales à Strasbourg. Roland Ries a été réélu et quelque chose me dit que vous n’en avez pas été fâché plus que ça…

R.B : Je ne vais pas rebondir sur votre sympathique provocation… Oui, Roland Ries a été réélu. C’est un homme cultivé, pour qui j’éprouve du respect et de la sympathie et je m’entretiens avec lui de façon très agréable. Mais j’ai trouvé que l’offre proposée aux Strasbourgeois était bien pauvre, en tout cas pas au niveau de la capitale européenne qu’est Strasbourg. Quant à Madame Keller, «  centriste  » -n’oubliez pas de mettre les guillemets, s’il-vousplait   », elle avait contre elle de manière constante les tenants 7

R.B : Je suis effectivement un passionné. Et c’est vrai, cette passion s’est toujours manifestée avec authenticité. J’ai toujours pensé qu’il convenait de dire sa vérité sans la masquer. Et si j’avais réussi à dissimuler, à ruser, à me taire aussi, bien souvent, je n’aurais pas cultivé autant d’inimitiés. Mais, par ailleurs, je me suis aussi souvent aperçu que lorsqu’on exprime une vérité qui n’est pas dans l’air du temps, ce dernier, justement, finit par nous donner raison. Si j’ai pu être désapprouvé dans l’instant, je n’ai pas souvent eu tort sur la durée. J’ai donc pu être prisonnier d’une réputation. Vous savez, une réputation n’est jamais que la somme de tous les malentendus accumulés sur un nom. Oui, j’en ai eu des coups de gueule. Mais aucun d’entre eux ne s’est produit avec méchanceté. On m’a souvent dit, à droite comme à gauche, que j’étais un homme de cœur. Je n’ai jamais été un monstre froid, un calculateur… beaucoup le savent. O.N. : Et maintenant ?

R.B : … Que vais-je faire ?… (Robert Grossmann chantonne sa réponse sur l’air de Bécaud –ndlr). Et maintenant, je suis sur mon Aventin avec une chose très rare : ma liberté. Je suis enfin complètement libre. Je-suis-libre !! Je peux dire les choses entièrement, telles que je les ressens. Je peux exprimer complètement ma vision pour Strasbourg. Plus de conseil municipal mais enfin du temps pour écrire, m’exprimer. Ça, ça compte, oui, ça compte ! Pouvoir m’exprimer dans des tribunes, donner mon sentiment sur les événements, les projets, etc… c’est tout sauf négligeable. Je pense sincèrement que si je réussis à mener à bien cette réflexion, notamment par le biais de l’écriture de tout ce que j’ai dans mes cartons, ça peut contribuer à une inflexion sur la gestion de notre ville. Oui, j’ai toujours envie, par ce biais, d’exprimer ma vision, de défendre mes options, de délivrer mon opinion. J’ai une grande admiration pour Flaubert et le combat qu’il a mené contre la bêtise et le fait qu’on ne sache plus s’écouter. Ce dernier point me désole… O.N. : Un exemple?

R.B : Le lieu d’Europe qui vient d’être inauguré. Strasbourg méritait un site de cette nature, mais bien plus important et ambitieux. Il y a tant de terrains disponibles autour de l’hémicycle… C’est raté. On est parti sur une vision étriquée et c’est réellement dommage. Ce dossier sur Strasbourg


et l’Europe me tient à cœur. En France, on voit les ministres qui en sont charge se succéder à une vitesse effrayante. Paris ne s’intéresse pas vraiment au sort de Strasbourg et ça a été vraiment très clair le jour où Chirac a accepté que l’ensemble des traités européens se négocie à Bruxelles. Pour défendre le rôle et les prérogatives de Strasbourg, il faut maintenant une offensive, une vraie ! Et elle est urgentissime... O.N. : Donc, des tribunes, des prises de position, des livres… Le prochain ?

R.B : Oh là là… Je suis d’une prudence de Sioux. J’ai deux ou trois projets en chantier. Vont-ils aboutir ? Sontils aboutis, d’ailleurs ? Si je n’étais pas avec vous en ce moment, je serais sans doute en train de tapoter sur mon clavier… Je suis très sollicité par la presse mais aussi par des associations, pour parler de mes projets dont la culture… O.N. : La culture, votre combat de toujours…

R.B : Avec une conviction profonde que j’ai eue très tôt. La culture doit être au cœur de la vie publique. Là aussi, à gauche comme à droite, on constate une absence complète d’attachement à cette diffusion en profondeur de la culture. A l’évidence, il ne faut pas se contenter d’un package de subventions… Les vrais acteurs de la vie culturelle ont des choses à nous dire. Prenez pas exemple le projet de Thierry Danet sur le site de la Coop. Il est remarquable mais il faut prendre de la hauteur là-dessus. Que fera-ton ensuite de La Laiterie, par exemple ? Ça, c’est une vraie question ! L’ensemble du tissu social mérite une vraie démarche volontariste. En 2001, j’avais beaucoup discuté avec l’Orchestre Philarmonique de Strasbourg, sur ses tournées dans le monde et le fait que cet ensemble soit susceptible de porter très haut les couleurs de Strasbourg en matière d’excellence musicale. Mais en même temps, il y avait aussi les quartiers où il se devait d’être présent. A la Meinau, à La Canardière… Les gamins de là-bas avaient alors eu l’occasion de rencontrer très souvent un compositeur qui travaillait avec eux, au sein des collèges. Et au bout de deux ans, tout le monde en redemandait… Je me souviens aussi du public du Centre socio-culturel de la Montagne Verte que nous avions invité à découvrir l’Opéra. Des mères voilées et des jeunes de toutes origines sont venus assister à nombre de spectacles. Ce furent des moments exceptionnels, hors du temps. Et au Neuhof, nous avions installé des artistes. Un metteur en scène de théâtre, un photographe, un plasticien, et même un cuisinier gastronomique qui avait travaillé avec les gens à leur faire découvrir les saveurs du monde. C’était extraordinaire. Il faut absolument mettre en

contact tous les publics avec la culture, c’est essentiel de l’étendre au plus grand nombre possible. Dire que la culture est créatrice de lien social ressemble à une tarte à la crème, mais c’est quand même une réalité qu’il faut vraiment prendre en compte… O.N. : Vous citiez tout à l’heure Thierry Danet à qui notre revue avait consacré, il y a neuf mois, une large place pour un entretien de haute volée. Dans ses propos, il soulignait l’extraordinaire motivation de beaucoup de personnes à Strasbourg qui rêvent que notre ville ressorte vraiment du lot en France. Bien sûr, l’action municipale ne peut pas donner satisfaction à tous en la matière. Mais ne pensez-vous pas qu’il conviendrait enfin de créer les conditions pour que les budgets du privé viennent renforcer ceux de la puissance publique sur des projets fédérateurs qui génèrent des retombées positives et importantes pour Strasbourg ?

R.B : Oui, absolument. Et d’autant plus que l’argent public va devenir beaucoup plus rare, manifestement… Dans ce domaine comme pour d’autres, il faut savoir choisir et fédérer. Dans le domaine de la culture, c’est le tout premier acte sur lequel une municipalité doit s’engager car il donne de la lisibilité et il suscite des idées et des projets. Ceci dit, notre région souffre un peu de la raréfaction des investisseurs patrimoniaux qui seraient les premiers à montrer le chemin et à être intéressés par les actions conduisant à un plus grand rayonnement de Strasbourg. Peu à peu, au fil du temps, ils sont devenus moins nombreux, c’est un fait qui compte. Moi aussi, je constate effectivement un vrai attachement pour l’image, la notoriété et le rayonnement de Strasbourg. Il faut travailler là-dessus… O.N. : Ça tombe bien, vous avez du temps à y consacrer. Sincèrement, si l’un ou l’autre projet venait à émerger et nécessitait qu’on s’y attelle avec vigueur et méthode, en seriez-vous ? Accepteriez-vous de mettre vos réseaux et votre carnet d’adresses à la disposition de ses promoteurs ?

R.B : Oui, assurément. Je suis ouvert à tout projet en faveur de l’image de Strasbourg et plus particulièrement à un grand projet culturel qui ferait rayonner notre ville. Je suis prêt à y réfléchir, à y consacrer du temps et de l’énergie et des actes. Ce serait un très beau challenge...  »

A DROITE COMME À GAUCHE, PLUS PERSONNE N’INCARNE UN GRAND DESSEIN, IL N’Y A PLUS AUCUN SOUFFLE.

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LA CRISE, LES ANGOISSES, LA DÉPRIME, LE DÉFAITISME… ILS S’EN FICHENT.

ILS OSENT !

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FLORENCE SANCHEZ « J’AI UNE AIGUILLE DANS LES MAINS DEPUIS TOUTE GAMINE » Texte JEAN-LUC FOURNIER Photos HURLUBERLUE MYLÈNE FUHRMANN - DR

Être dans le flou de toutes parts (professionnellement, personnellement…). Comment s’en sortir ? Simple : il faut se (re) trouver soi-même et ensuite, foncer ! C’est la belle histoire vécue par Florence, une créatrice de lingerie hors-pair… 11

C’est peu dire qu’il y a quelques années encore, Florence Sanchez (41 ans aujourd’hui) ne savait plus comment surmonter la nuée de problèmes qui s’étaient abattue sur elle. Pendant dix ans, de 1994 à 2004, cette ancienne de la pub s’était investie à fond dans la gestion de Pluriel, une agence photo. Patatrac ! Ses patrons ayant très mal géré le tournant du numérique, mettent brutalement la clé sous la porte. Une tentative de créer une agence de production audio-visuelle tourne vite court. Puis, alors que la crise économique produisait déjà ses premiers ravages, un divorce compliqué couronne le tout. «  Oui, il a fallu que je fasse face à tout ça et, avec deux enfants au quotidien, il y avait de quoi s’angoisser » se rappelle-t-elle. «  D’abord, une école privée de communication a souhaité que je devienne prof pour ses classes de BTS en communication. Je faisais partie de ses jurys de fin d’année depuis longtemps. J’y exerce toujours et c’est passionnant, je m’y éclate bien. Ce job m’a permis de subvenir aux besoins de la famille… Puis j’ai retrouvé un ami de Paris qui est dans le show-biz, pour qui ma société avait tourné un film sur les effeuilleuses. Et, peu de temps après, il y a eu «  Tournée », le beau film d’Almaric sur les filles qui vont de cabaret en cabaret pour gagner leur vie. Là, j’ai percuté. J’ai rencontré ces filles, j’ai assisté à nombre de leurs spectacles et je me suis dit que je pouvais créer moi aussi des lingeries très féminines. Car depuis toute gamine, j’ai une aiguille dans les mains et j’ai été formée à la couture par ma mère qui m’a tout appris dans ce domaine. Ce genre de sousvêtements est sensuel, beau, et assume avec beaucoup de pudeur le respect pour le corps de la femme. J’ai d’abord testé sur moi. Et quand je portais ces sous-vêtements, mes amies ne cessaient de m’inciter à créer une collection. Alors, je me suis lancée…  »


MOUSSELINE & CHOU D’AMOUR Quatre ans plus tard, Florence enchaîne les soirées à domicile ou les ventes éphémères en boutique en faisant connaître ses collections de lingerie coquine et de corsets. Elle n’a de cesse de proclamer que « la lingerie rétro fait honneur au corps de toutes les femmes en valorisant leurs formes avec élégance et culot, quelquefois. Car il en faut pour porter ce style de lingerie » dit-elle en souriant. Passionnée par la reine Marie-Antoinette, elle s’est beaucoup inspirée de son époque pour ses créations : « Au moment où je me suis lancée, je peignais beaucoup autour de Marie-Antoinette. A vrai dire, je suis une fan, je baigne depuis longtemps dans son univers… C’est en pensant lui rendre hommage que j’ai appelé ma société « Mousseline & Chou d’Amour ». Ce sont les surnoms qu’elle donnait à ses enfants au moment de la Révolution française. En quelque sorte, j’ai été aussi candide que cette femme qui évoluait alors dans un Versailles où virevoltaient les jupons, les froufrous… » Les réactions des clientes ont été très favorables et, depuis, Florence a pu mesurer la pertinence de sa démarche. D’autant que son imagination est débordante : « J’essaie de récupérer des tissus anciens comme la dentelle des vieilles robes et des pièces authentiques comme les boucles de porte-jarretelles, par exemple et je m’en sers pour créer mes pièces. Toutes sont uniques, je ne fabrique jamais deux fois la même. J’imagine ou je crée à la demande, c’est selon mais j’ai en permanence le souci que les femmes se sentent bien dans ce qu’elles portent. En fait, elles découvrent ce type de lingerie comme les enfants le font avec les bonbons. Dans mon atelier ou dans le cocon de mes boutiques partenaires, je les amène à découvrir mes collections et je les incite à porter mes créations qui transcendent les générations. Aller chercher une lingerie dans les années 50 et la mettre au goût du jour, c’est un exercice vraiment passionnant.

C’est un univers qui me plait énormément et dans lequel je me réalise beaucoup. J’y fais de très belles rencontres mais la plus importante d’entre elles, c’est la rencontre avec… moi ! Je sens que j’ai grandi et découvert la vraie Florence qui était bien cachée au fond de moi. Ce n’est pas le moindre acquis de ma démarche depuis quatre ans. Aujourd’hui, je suis follement heureuse d’avoir osé emprunter cette voie-là…  »

Mousseline & Chou d’Amour 06 28 68 58 27 mousseline.choudamour@gmail.com 12


SOLVEEN DROMSON ET ERWANN BRILLANT LA POPARTISERIE : IL FALLAIT OSER… Texte

Photos

JEAN-LUC FOURNIER

LA POPARTISERIE

Ces dernières semaines, tous deux avaient les traits tirés. La mine de ceux qui ne dorment pas assez et sont depuis longtemps sur la brêche. Faut dire qu’il y avait de quoi… Car les deux créateurs (et animateurs) de la PopArtiserie s’évertuent à tenir leur promesse initiale. Et y parvenir se paie en déficit de sommeil, assurément.

UN SUCCÈS VENU D’UNE AUTRE PLANÈTE

Une maison banale dans le quartier de la Place de Bordeaux. Pas la moindre plaque ostentatoire. Une sonnette parmi d’autres. Un simple appartement transformé en bureaux lumineux. Ici travaille un Strasbourgeois dont le nom est désormais connu sur les cinq continents. Histoire d’une superbe aventure professionnelle et humaine. Formidablement humaine… 13

Résumons. Vers le début de l’hiver dernier, La PopArtiserie ouvre ses portes. On fait alors mieux connaissance avec le couple à l’origine du projet : Solveen Dromson (38 ans), fille d’un des fondateurs du Groupe Dromson, une très ancienne famille strasbourgeoise bénéficiant d’une réputation flatteuse dans l’immobilier, et son compagnon dans la vie, Erwann Brillant (42 ans), ex-réalisateur remarqué de documentaires, devenu ensuite directeur de la communauté « historique » d’Emmaüs à Neuilly-Plaisance, celle de l’Abbé Pierre dans les années cinquante. Erwann et Solveen se sont connus là-bas et ont longuement réfléchi à leur projet. Comme souvent, l’évidente simplicité du postulat de base explique tout. Solveen : «  J’aime l’art depuis toujours et je suis moi-même peintre… enfin quand je trouve le temps. Ouvrir un lieu dans la ville de mon enfance, Strasbourg, je l’ai toujours rêvé… » Erwann : «  Moi aussi j’ai toujours rêvé d’un tel lieu. Et j’ai baigné dans l’univers de la récup chez Emmaüs. Le Street Art, c’est ma culture… » Les deux : «  Alors, on a mûri l’idée et on s’est lancé. Voilà… » Dit comme ça, cela paraît simple. Mais il en a fallu du courage et de l’audace. Car Strasbourg et le Street Art, ce n’était pas gagné d’avance, il faut bien le reconnaître. Certes, la capitale européenne est réputée pour accorder à l’art et à la culture une très grande place. Mais, sans insulter personne, le conformisme est très souvent de mise ; même si la qualité est aussi très souvent au rendez-


vous. Parlons clair : le Street Art bénéficiait avant la PopArtiserie d’une audience un chouïa confidentielle. Depuis, la donne a changé car le succès est manifestement au rendez-vous…

DES MOMENTS INOUBLIABLES « Le concept est lui aussi très simple » font observer les deux passionnés. « Une expo d’envergure tous les deux mois accompagnée d’expos-flash aussi souvent que possible. Et des événements, des concerts, des rencontres à profusion. Le tout relayé via les réseaux sociaux, le bouche-à-oreille d’aujourd’hui mais puissance 1000… » Modestes, Solveen et Erwann «  omettent » juste de préciser l’investissement incroyable qui est le leur, celui de leurs équipes aussi. Car à la PopArtiserie, on n’a ni les moyens ni les effectifs de la Saatchi Gallery à Londres qui, selon nous, est le lieu d’audience internationale où souffle l’esprit le plus voisin de celui qui règne rue de l’Ail à Strasbourg. Nous ne sommes pas flagorneurs, croyez-le bien, mais c’est ainsi : en buvant un verre à la PopArtiserie, en étant attentif aux conversations (qui ne se cachent pas) des deux fondateurs et de leurs collaborateurs, on ressent bien deux notions toutes simples et pourtant si rares dans le domaine des galeries d’art : la volonté de surprendre et de faire découvrir des artistes inattendus avec, toujours, le souci aigü de partager les émotions avec les visiteurs.

Le partage : une notion sans doute définitivement inoculée par leur long séjour commun au sein de la communauté de «  l’Abbé  », comme ils le disent tous deux de façon spontanée et rituelle. Bref : l’exact postulat de base des frangins Saatchi, les rois de la pub outre-Manche qui, dès 2007, ont littéralement imposé ce concept : une galerie à l’accès gratuit, au cœur de la capitale britannique, dont le but avoué dès le départ fut de promouvoir les jeunes artistes anglosaxons fans d’art contemporain, et perpétuellement animée par des événements bien promotionnés, lieu de débats et d’échanges entre tous les publics. Bar convivial compris… L’exposition-phare des premiers mois de la PopArtiserie a apporté sans conteste la preuve de l’esprit ambiant. Tant au vernissage qu’au finissage, le plaisir d’être là se lisait sur le visage de Pierre Terrasson, le photographe historique des «  backstage » des années 80. Terrasson a la réputation d’un vieil ours mal lêché, caustique et provocateur à souhait comme le sont souvent ceux qui ont trimé pour conquérir leur liberté d’être et d’agir et qui craignent comme la peste qu’on l’écorne ne serait-ce qu’un peu. Souvent se cache derrière ces personnages « à vif » un cœur « gros comme ça ». Tout le monde a pu le remarquer : le vieil ours était chez lui, dans ses charentaises… Il baignait dans le plaisir d’échanger avec les visiteurs. Il se mouvait comme lors d’une soirée «  entre potes ». Nul doute que cette vision-là aura définitivement rassuré Solveen et Erwann : le pari était réussi. Depuis, ils ne se sont pas le moins du monde endormi sur leurs lauriers. C’est d’ailleurs pourquoi tous deux ont les traits tirés, la mine de ceux qui… (voir le début de l’article)…

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HORIZOME Grégoire Zabé

UN TRUC TOUT SIMPLE : DES HABITANTS QUI RÉAMÉNAGENT LEUR QUARTIER... Texte

Photos

CHARLES NOUAR

HORIZOME

«  Ceux qui parlent et ceux qui font ». Difficile de trouver meilleure illustration de cette expression que le strasbourgeois Grégoire Zabé, designer d’origine, amené depuis quelques années à naviguer entre design, urbanisme et arts numériques, et l’association Horizome à laquelle il appartient. Fondée en 2008 par Barbara Morovich, anthropologue à l’ENSAS, l’école d’architecture de Strasbourg, et Marguerite Bobey, artiste, ce collectif s’est en effet mis en tête de faciliter la réappropriation de l’espace urbain par les habitants. Une tendance qui séduit jusqu’à Sendaï, Buenos Aires ou Rio... 15

L’exemple d’Horizome n’est certes a priori pas unique. A l’international, d’autres collectifs d’artistes ou d’architectes existent... Mais la spécificité d’Horizome tient peut-être à sa transversalité entre urbanisme, sciences sociales et art. Ici, tous ont fait le choix de travailler ensemble et de décloisonner les processus de réflexion avec les habitants : sociologues, urbanistes, designers, artistes. Le tout, autre spécificité, au sein d’un même quartier – Hautepierre -, où l’association inscrit son action dans le temps et se refuse, à l’inverse d’autres structures, à ne se focaliser que sur de simple «  one shots ». Ceci, avec pour résultat(s) des réussites là où le politique – quelque soit sa couleur – n’avait pas forcément su prendre pied.


QUAND LES HABITANTS DES QUARTIERS PRENNENT LES RÊNES... Le réaménagement de la Place Erasme en est un exemple assez significatif. Jamais vraiment aboutie malgré plusieurs aménagements précédents et presqu’oubliée par dépit, ce sont cette fois les habitants du quartier qui ont pris les rênes de son réaménagement avec Horizome. Des ateliers de réflexion avec quelques résidents pour commencer, une consultation élargie via des ateliers de dessin et des applications numériques pour continuer. Résultat premier, une adhésion à un imaginaire partagé par les habitants eux-mêmes, puis une phase de co-construction entre ceux-là mêmes et Horizome, associé au collectif Délits d’archi et à l’association AMI et, le tout, désormais matérialisé par une place aux allures de petits jardins potagers que se sont depuis appropriés enfants et parents du quartier. Un truc simple en somme, mais assez exceptionnel tant il interroge notre rapport au politique, à la démocratie, à l’action citoyenne. A la fin d’une verticalité sociale et politique, aussi, qui, avec l’apport du numérique et de ses usages militants naissants, pourrait finalement progressivement laisser place à un processus fondé sur le coworking horizontal, entre les habitants eux-mêmes, aidés financièrement dans la réalisation de leur projet par des partenaires comme l’ASERH - l’association qui gère l’entretien et l’aménagement des espaces publics à Hautepierre. « Une méthodologie », analyse Grégoire, « qui permet de sortir de la simple délégation du citoyen vers le politique en le replaçant au cœur même de la réflexion urbaine et de la co-conception de l’espace public. Ceci avec la participation de milliers de gens au travers d’outils numériques qui permettent, par l’accès massif de la collecte d’information, d’aller vers de l’«  urbadiversité » et d’éviter des espaces trop normés et de se nourrir de la réalité d’un quartier pour créer des lieux uniques et mieux appropriés aux réalités et aux aspirations des habitants ».

L’équipe Horizome. De gauche à droite : Pauline Desgrandchamp, Grégoire Zabé, Barbara Morovich, Mélanie Frésard, Thuc Huynh, Yann Coiffier, Marine Froeliger

STRASBOURG, COMME SEINDAI, RIO OU HELSINKI... Cette logique de travail, d’autres structures n’ont d’ailleurs déjà pas manqué de se l’approprier avec succès à plus grande échelle. Parmi elles, la start-up parisienne UFO - Urban Fabric Organization – dont Grégoire Zabé est également cofondateur aux côtés de l’urbaniste Alain Renk (Paris), Walter Simone (Grenoble) et Phil Brock (Santa Barbara). Parmi leurs premiers clients, les villes de Montpellier, Rennes, Seindai, Rio, Helsinki au travers du projet Unlimited Cities où le principe de coconstruction attire, dans ce dernier exemple, jusqu’aux co-financements de la Commission européenne. Un signe, peut-être, que quelque chose est bien en train de se passer dans notre approche de la gestion de nos villes et qui intéresse jusqu’au Forum International de la Sociologie de 2012 à Buenos Aires, où Barbara Morovich et Grégoire Zabé ont présenté deux communications sur les cartes de mobilités et le projet HTP3D, deux actionsphares d’Horizome. Un intérêt également particulièrement marqué par le monde de la recherche qui voit ainsi dans les expériences menées par le collectif strasbourgeois une façon de mieux connaître les modes de fonctionnement de la population d’un quartier. Sa mémoire collective, aussi, partagée au sein d’un espace digital, comme justement dans le projet htp3D qui remodèle en trois dimensions le quartier d’Hautepierre et sur lequel des habitants - bien réels - laissent trace de leur passage au travers de témoignages photos, vidéos et audio de leur réalité urbaine, parfois seuls ou avec le concours d’artistes en résidence. Une façon, également, de comprendre comment la construction de la ville impacte le quotidien de tous, et de favoriser une autre approche de l’urbanisme, en phase – cette fois – avec les véritables aspirations des gens...

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FRANCK MEUNIER Texte

Photos

JEAN-LUC FOURNIER

MÉDIAPRESSE - DR

L’Atlantico, le Barco Latino, Les Aviateurs, les deux Franky’s Diner (probable clin d’œil du proprio…), le S’Wacke Hiesel, Mémé dans les Orties… Derrière ces établissements bien connus des Strasbourgeois, Franck Meunier, un monstre de professionnalisme. Cet amoureux de Strasbourg porte un regard passionné sur sa ville et la voudrait beaucoup, beaucoup plus dynamique et audacieuse…

«  FAUT QU’ÇA BOUGE ! » Le temps qui passe n’y fait rien. Toujours aussi hyperactif, Franck Meunier (42 ans) nous reçoit avec un large sourire à bord du Café Atlantico, sa pénichebar amarrée au Quai des Pêcheurs. C’était au début avril dernier, avec une température et un soleil qu’il nous arrive quelquefois d’espérer avec ferveur en juin ou juillet. Et d’entrée, il rebondit sur notre remarque : « Hyperactif, oui, certainement. Comme tous ceux qui sont passionnés par leur travail. La gestion au quotidien m’ennuie profondément, c’est vrai aussi. Alors, je me suis entouré de gens qui s’en occupent. Moi, mon truc, c’est de créer et de bâtir. J’ai sans cesse de nouveaux projets qui font que quand je me lève le matin, je ne me sens pas comme quelqu’un qui est obligé d’aller bosser. Ce n’est que du plaisir puisque je réalise ce qui me passionne : créer, développer... Ça, c’est top ! »

UNE MACHINE À PROJETS On se perd souvent en conjoncture sur les bases du succès et de la réussite. Mais quelquefois, c’est finalement assez simple. C’est le cas pour cet entrepreneur qu’on peut sans conteste qualifier d’Or Norme : « Après des études scientifiques, DEUG de Physique, Maîtrise dans le domaine des fluides, le tout pour faire plaisir à mes parents  » sourit-il « j’ai obtenu un DESS de gestion d’entreprise à l’IECS, devenue depuis l’Ecole de Management de Strasbourg. Et je me suis aventuré dans le monde de l’entreprise. En commençant par la gestion d’une pizzeria, je ne savais pas que je me lançais dans cinq années de galère : les salaires, les collaborateurs, la cuisine très moyenne, la déco très moche et j’en passe…J’ai appris sur le tas et même sur le tard car j’avais quand même 25 ou 26 ans. On apprend toujours de ses erreurs mais moi j’en suis sorti 17


à zéro. Comment rebondir ? Soit on plante son banquier, soit on se met à le rembourser jusqu’au dernier euro et alors, il est capable de nous faire confiance sur un nouveau projet. Moi, je peux dire qu’un banquier a réellement compté dans ma carrière. M. Henky, du Crédit Mutuel, ne s’est pas contenté d’une simple lecture des bilans, il est venu sur le terrain pour suivre mes projets de très près. Bref, un banquier qui a fait réellement son métier de banquier… » Enfin épaulé efficacement, la ronde des établissements repris par Franck peut commencer. Les noms sont bien connus à Strasbourg : La Java, le Rafiot, la Salamandre… A l’instar de la Java dont le chiffre d’affaires n’a cessé de progresser de façon spectaculaire, la seule passion de développer dicte sa conduite : « Au bout de cinq ans, j’ai senti que j’étais arrivé au bout de l’histoire. J’avais 37 ans et je ne me sentais plus totalement en phase avec le monde des étudiants. J’ai revendu et suis passé à autre chose… ». Il suffit de prononcer le mot « projet » pour que le regard de Franck Meunier s’éclaire : « Oui, je me sens un peu comme une machine à projets : un nouveau restaurant qu’on me proposera peut-être bientôt, développer Strasbourg-Plage cet été, créer des événements éphémères, créer et organiser des événements sur les quais, peut-être même changer de métier, pourquoi pas ?.. J’ai toujours la soif d’apprendre, et aussi celle d’avoir un regard neuf sur certaines choses, c’est important cette évidence-là. Être en permanence le nez dans le guidon et y perdre mon moi profond, non, définitivement non !  »

«  COMME LE PREMIER DE LA CLASSE, PAS UN PET DE TRAVERS… Vous voulez constater par vous-même l’énergie qui anime cet homme ? Dites simplement «  Strasbourg »… Et ensuite, prévoyez du temps car les idées fusent en rafales : «  Je me rappelle tout ce que nous avons créé ici sur le Quai des Pêcheurs. En 2006, il n’y avait pas grand chose et huit ans plus tard, c’est un véritable pôle d’activités qui s’y est installé. Strasbourg recèle un énorme et incroyable potentiel mais il faut faire bouger les choses et les lignes. C’est le rôle d’un entrepreneur comme moi, mais aussi comme cette ribambelle de quarantenaires qui ont réussi dans leur vie professionnelle et qui ont envie qu’on leur donne les coudées franches. J’ai été impressionné par les propos d’un invité à un forum qui évoquait les grosses lourdeurs administratives qu’on peut rencontrer dans notre ville. Je le cite mot pour mot : « Dans Strasbourg, il y a bourgeois. Ne cherchez pas l’Est à l’Ouest…  ». Ça ne me paraît pas pour autant inéluctable même si je partage cette opinion que les lois sont votées à Paris, appliquées en Alsace et dérogées dans le reste de la France. En Alsace, on est tellement carrés, tellement dans les normes, on est toujours comme le premier de

la classe, pas un pet de travers… Mais les temps ont changé. 30 ou 40 ans après notre école primaire, ce n’est pas toujours le premier de la classe d’alors qui a réussi. On commence à comprendre que ce qui compte vraiment, ce n’est pas toujours d’avoir été le meilleur en cours mais bel et bien d’avoir l’intelligence de la vie, tout simplement… » Une véritable profession de foi mais dite tranquillement, avec un grand sourire, et beaucoup d’enthousiasme. Evidemment, quand nous lui posons simplement la question : « Et, concrètement, comment on fait ?.. », la réponse fuse avec autant de pertinence : « Simple. Il faut que les politiques s’associent avec nous, les jeunes entrepreneurs et, je le répète, qu’ils nous donnent les coudées franches. Laissez-nous tenter ! Ailleurs, ça a réussi : Ayrault à Nantes, Juppé à Bordeaux ont fait de leur ville des exemples dans ce sens. Pareil pour Aubry à Lille ou Collomb à Lyon. Leur point commun : ce sont tous des maires de grandes villes qui osent ! Ici aussi, il faut oser ! Cette ville a un tel potentiel : la gastronomie, la culture, l’identité régionale très forte, l’afflux des touristes, son caractère cosmopolite avec l’Europe, l’architecture, les étudiants, sa beauté. Et l’eau, simplement l’eau… Quand j’étais petit, il y avait des joutes qui étaient organisées l’été sur les quais et qui attiraient un monde fou. Certes, l’eau n’est plus aujourd’hui au top, question qualité. Et alors ! Personne ne mourra d’un plongeon… Trop de précaution fait qu’il ne se passe plus rien. C’est le syndrome Pourtalès qui nous poursuit. Certes, il faut être prudent mais je ne pense pas que le but qu’il ne se passe plus rien soit ce que nous voulons pour Strasbourg… » Et Franck de conclure : « On a réussi à animer décembre, ça démarre pas mal en février avec « Strasbourg mon amour ». Alors, il faut s’occuper des autres mois de l’année. Car, tous les mois, il devrait y avoir un événement à Strasbourg. Avec d’autres, je vais donc continuer à proposer des projets aux politiques en espérant qu’ils finissent par oser… »

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BERTRAND

Charpilloz DR

JE ME SUIS BATTU POUR TOUT SIMPLEMENT EXISTER Texte BENJAMIN THOMAS

Il n’y pas que la crise et les difficultés économiques pour inciter les hommes à l’audace. Il y a aussi ce que l’on nomme «  les accidents de la vie », la maladie grave en particulier. Bertrand Charpilloz, 48 ans, sait d’où il revient. Et il se confie à Or Norme… Il était parti, brillamment parti, pour faire une carrière de consultant dans l’audit financier à Genève et sans doute un peu partout dans le monde. D’origine familiale très modeste, Bertrand Charpilloz était alors le pur produit de ce que l’on nomme encore «  l’ascenseur social », même au sein de la société d’aujourd’hui qui ne le favorise plus guère, voire plus du tout. Beau gosse, enthousiaste, il surfait sur les succès professionnels et personnels, malgré le souvenir d’un père emporté trop tôt par le cancer et d’une sœur qui perdit la vie dans la catastrophe du Mont-Saint-Odile. Chaque jour sans doute, il rejoignait son bureau «  le couteau entre les dents », comme tous ceux que la modestie de leurs origines galvanise quand ils escaladent les escaliers de la réussite… Puis, à l’âge de 31 ans, un brutal AVC le frappe de plein fouet : « J’ai été dans le coma durant deux semaines, je me suis réveillé le 1er avril 1997 après une trépanation, amputé d’une partie de mon cerveau, hémiplégique et aphasique ». Trois longues années d’hospitalisation vont suivre. Pudiquement, Bertrand n’en parle que peu aujourd’hui, mais on devine sans peine leur dureté quotidienne à combattre les très lourdes séquelles de l’AVC.

LA RAGE DE VIVRE «  Quand je suis définitivement sorti du Centre de rééducation Clémenceau, je me sentais le dos au mur. J’avais la rage de vivre et surtout celle de ne pas accepter d’être en quelque sorte mis de côté. Il 19

fallait absolument que je réexiste socialement et humainement. L’énergie, on l’a ou on ne l’a pas. Moi, je sentais que je l’avais. Alors, comme oser c’est avant tout ne pas tergiverser, j’ai immédiatement créé ma société de conseil. Je ne pouvais évidemment pas conduire une voiture. Pour rencontrer mes clients, c’était le train ou le tram et, pour finir, à pied, avec ma canne. Avec en moi une conviction forte : surmonter ce qui paraissait insurmontable. J’ai eu de bonnes surprises, on m’a fait confiance. Malgré mes handicaps. Ses différences, soit on en souffre éternellement, soit on les exploite ! J’ai choisi la deuxième voie. Aujourd’hui, cette société marche bien : avec ma sœur qui est avocate internationale à NewYork, nous conseillons de gros clients dans l’événementiel d’entreprise, comme les grands Chefs étoilés de France que nous aidons à exporter leur savoir-faire, par exemple…. »

UN TALENT INTACT Au cœur du gigantesque combat qu’il mène, Bertrand Charpilloz engage son énergie sur tous les fronts imaginables : «  J’ai essayé le vélo. Je suis tombé cinquante fois. Mais aujourd’hui, je fais du vélo et, sur ma selle, on ne devine rien de mon handicap. Avec la conviction, on surmonte ce qui paraît insurmontable. Idem pour le piano que je pratiquais depuis toujours : même avec une main défaillante, je joue. Je chante aussi, même avec les séquelles d’une aphasie. J’ai enregistré deux CD, depuis. Idem encore pour ma vie sentimentale : un jour, une femme magnifique me sourit. J’étais assis dans le tram, elle ne pouvait donc rien deviner de mon handicap. C’est elle qui a pris les devants et m’a remis sa carte de visite. J’ai hésité pendant dix jours et puis, j’ai affronté cette réalité. Il faut oser pour vivre à fond ! Et toujours aller au bout de sa démarche, c’est la grande leçon… » Bertrand est aussi écrivain. Dans son libre « Mes liaisons cérébrales  » (quel beau titre ! –ndlr), il raconte les multiples épisodes de son combat avec une franchise totale. Il y évoque aussi les femmes de sa vie (à commencer par sa fille, Sarah) et ne craint pas également d’insister sur les circonstances qui l’ont fait rompre définitivement avec son passé, après la rupture sentimentale avec l’inconnue du tram. « La boucle était bouclée. Je n’éprouvais plus le besoin de courir après mon passé, de me mesurer professionnellement, de prouver je ne sais quoi à je ne sais qui. J’aspirais désormais à profiter simplement de la vie, sans artifices, avec authenticité… » y lit-on. Le quittant le jour de notre rencontre, au sortir d’un bel hôtel strasbourgeois, ses mots ont résonné longtemps : « Il faut oser pour vivre… »


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DIDIER WOLFF

LE RENDEZ-VOUS AVEC SOI-MÊME Texte JEAN-LUC FOURNIER Photos KATSUHIKO TOKUNAGA HAPPY DESIGN

Une maison banale dans le quartier de la Place de Bordeaux. Pas la moindre plaque ostentatoire. Une sonnette parmi d’autres. Un simple appartement transformé en bureaux lumineux. Ici travaille un Strasbourgeois dont le nom est désormais connu sur les cinq continents. Histoire d’une superbe aventure professionnelle et humaine. Formidablement humaine… «  Mon parcours en matière d’études ? Oh là, là… mouvementé ! » affirme Didier Wolff (49 ans) avec une lueur amusée dans l’œil. «  J’ai été viré de plusieurs collèges, je m’y ennuyais, à tous les niveaux. Fatigué de regarder par la fenêtre (sic), je me suis dirigé vers le dessin. A 15 ans, j’ai passé le concours des Arts Décos et ça a marché. J’étais le plus jeune élève de France à être reçu. Je m’attendais à y 21

trouver un grand espace de liberté et de création, le tout dans une vie un peu comme dans une troupe de cirque. En fait, les Arts Décos, c’était très, très académique, au point que j’y ai retrouvé… l’ambiance du collège ! J’ai tout plaqué. Pour aller faire du théâtre à Paris avec des profs comme Annie Girardot ou encore Philippe Léotard. Je me suis mis à beaucoup écrire pour le cinéma et pour le théâtre, avec un certain succès. C’est avec ces épisodes que j’ai compris une première chose importante : le meilleur moyen de travailler était d’écrire pour moi, jouer dans mes propres films. Une pièce de théâtre a très bien marché mais je me suis senti alors trop cantonné dans l’étiquette d’auteur. Douze ans après cette expérience parisienne, j’ai constaté une nouvelle fois que je n’étais pas dans la bonne direction… »

LA LENTE PROGRESSION VERS SOI-MÊME Revenu à ses premières amours, le dessin et la peinture, Didier Wolff découvre alors l’Afrique à travers de longues pérégrinations en Mauritanie, en Ethiopie jusqu’en Afrique du Sud. « Une source phénoménale d’inspiration » se souvient-il encore aujourd’hui. Un lent chemin vers lui-même, surtout, même s’il n’en avait sans doute pas parfaitement conscience alors. Revenu en France, une autre tentative de vivre de ses œuvres artistiques tourne court : «  J’avais constamment besoin de la validation d’autrui pour progresser, mais j’étais aussi incapable de vendre mes peintures ou mes sculptures au bon prix. Alors, je les offrais, tout simplement… L’envie de travailler était bien sûr toujours là, heureusement… » C’est alors que se produit le premier déclic. Il apprend que British Airways a pris la décision de redécorer l’ensemble des dérives de ses avions en les confiant à plusieurs artistes, chacun représentant son pays et sa culture. «  J’ai trouvé cette idée géniale » confie Didier « mais je me suis aussitôt demandé : pourquoi pas le fuselage de l’avion tout entier ? J’ai alors conçu une quarantaine de décos complètes et j’ai obtenu un rendez-vous à l’arrache chez BA -ils ne m’avaient bien


sûr rien demandé-. Juste pour m’entendre dire que mes projets ne rentraient pas dans leur concept d’alors. Ensuite, périodiquement, les avions réapparaissaient dans les dossiers que je rangeais. Et peu à peu, l’évidence s’est imposée, sous la forme d’une réflexion personnelle toute bête : qu’estce que j’aimerais faire ça ! » Entretemps, Didier découvre la 3D et cet outil génial lui permet de décortiquer les avions sous toutes leurs coutures. Et, ultime coup de pouce du « destin », il compense une situation professionnelle toujours aussi précaire en devenant auxiliaire de vie en milieu scolaire, auprès d’une classe d’enfants de Mundolsheim qui présentaient tous d’importants troubles du comportement. « J’ai beaucoup travaillé auprès d’eux pour leur transmettre mes connaissances autour du dessin et de la peinture. En les côtoyant durant quatre ans, j’ai aussi beaucoup appris sur l’incapacité d’exprimer son talent. Ce fut une nouvelle étincelle pour moi. J’ai alors vraiment décidé de me donner les moyens, tous les moyens pour faire ce que j’aimais. Et ce que j’aimais, c’était imaginer, créer et réaliser la décoration des fuselages des avions, c’était évident… Du coup, plus rien ne pouvait m’arrêter pour y parvenir. »

entièrement l’exécution concrète de mon design. C’est passionnant, surtout avec les gens bourrés d’expertise avec lesquels je travaille dans le monde entier dans ce domaine… » Sur le tarmac de Tarbes, une autre rencontre a lieu : ni plus ni moins qu’Olivier Dassault, le petit-fils du créateur de la marque et fils du président actuel. Pourtant peu en manque de designers au sein d’une des plus prestigieuses sociétés d’aéronautique mondiales, Olivier Dassault choisit Didier Wolff pour designer son Falcon personnel. Une sacrée référence de plus. « Ça m’a donné des ailes » confie aujourd’hui Didier, sans jeu de mots.

Didier Wolff avec Olivier Dassault

ILS SONT MOINS DE CINQ DANS LE MONDE… A fond dans son projet, Didier Wolff entend parler de Dubaï comme le pays de tous les possibles. «  Mes projets, j’en étais certain, pouvaient trouver un écho là-bas. Je m’y suis retrouvé en plein été, 35° à l’ombre, et j’y ai rencontré des gens du French Business Council qui m’ont renforcé dans l’idée que c’était le bon endroit et le bon moment pour m’enraciner dans cet émirat. Je suis rentré en France juste pour vendre mon appartement parisien afin de pouvoir obtenir ma mise de fonds pour créer ma société. Libre de tous mes mouvements, je me suis dit : allez, maintenant, fonce, vas-y ! On ne vit qu’une fois… Trois mois plus tard, je participais au Dubaï Air Show, l’équivalent au Moyen-Orient de notre Salon du Bourget. Les réactions de mes visiteurs m’ont fait enfin réaliser que j’étais complètement à ma place. Un seul truc restait à régler, et non des moindres : réaliser mon premier avion, avoir un premier client ! Ma démarche a été jugée plus qu’intéressante par un, deux, puis trois journalistes aéronautiques parmi ceux qui comptent le plus dans le monde entier et qui ont publié sur moi quelques articles qui ont été très lus. Et un jour, le constructeur Morane-Saulnier m’a contacté. Il voulait une livrée pour un de ses modèles, pour fêter leur centenaire. Mon projet était parmi les 48 qu’ils avaient retenus. Et j’ai été choisi. Un véritable soulagement. Et un marché conséquent : designer et peindre 15 avions à Tarbes. Je me suis rendu moi-même sur place, pour veiller à tout et surtout pour m’assurer que mon travail ne serait pas déformé. C’est d’ailleurs devenu une constante chez moi : c’est le moment que je préfère, superviser

La «  dream story » va ensuite s’amplifier et n’a pas cessé depuis. Les clients se succèdent : l’Armée de l’Air française avec ses Rafales de la BA 113 de Saint-Dizier, parés de leur robe spéciale fêtant leurs 30 000 heures de vol cumulées, les avions de chasse du Tiger Meet, la réunion annuelle des pilotes de chasse des armées de l’OTAN (leur livrée tigrée est splendide), les avions et hélicos de la prestigieuse marque allemande Brabus qui redesigne, à la demande, les intérieurs des voitures de luxe du monde entier, le constructeur Bombardier qui fait redesigner ses jets de démonstration (autant de retombées via la presse spécialisée internationale), un Airbus cargo 300/600, un Antonov 124 à Abu-Dhabi… «  Au fond, je travaille sur un gros objet qui n’est jamais que l’équivalent d’une sculpture brute à la sortie de l’usine de son fabricant. Mais ma galerie à moi, c’est le ciel ! Ce fut un énorme combat pour mettre mes idées en avant. Même aujourd’hui, nous ne sommes que moins de cinq, à travers le monde, à faire ce métier. Ma vraie différence, c’est le travail systématique en 3D et surtout la supervision de la mise en peinture de A à Z car je n’en fais pas des centaines par an, je ne suis pas esclave de mon boulot. Je me sens donc comme un vrai artisan. Et parmi les qualités d’un artisan, j’en développe une qui fait aussi la différence : je suis d’une exigence redoutable, vis à vis de moi-même en tout premier lieu mais aussi vis à vis de mes partenaires. Je ne cesse de me battre pour que mes valeurs soient mises en avant. J’adore quand je discute en direct avec le propriétaire de l’avion. Là, on parle au top : car une part de sa personnalité profonde finit toujours par se retrouver sur le fuselage de son jet… » C’est l’histoire d’un petit gars de Strasbourg qui ne parvenait pas à trouver sa place dans ce Meccano infernal qu’est la vie. Après avoir longtemps tâtonné, cherché, échoué… il a fini par entrevoir puis comprendre l’essentiel : il faut oser se trouver, ne pas tricher avec soi-même et oser se laisser emporter par son vrai talent. Alors, le reste suit. Presque tout seul… Didier Wolff • wolffdidier@happydesign.net • www. happydesign.net

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Le superbe habillage réalisé par Didier Wolff pour un avion de chasse à l’occasion de la réunion annuelle des pilotes de l’OTAN, le Tiger Meet. Cr 23: Katsuhiko Tokunaga


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ARNAUD STENGEL Texte

Photos

JEAN-LUC FOURNIER

MÉDIAPRESSE - DR

Avec sa licence de Mandarin, doté par ailleurs d’une solide formation en commerce international, Arnaud Stengel (27 ans aujourd’hui) se voyait bien travailler dans le big business mondial, basé à Singapour, au Japon ou encore au Canada. Mais soudain, ses origines se sont mises à lui chuchoter un autre destin à son oreille. Et, n’écoutant que sa petite voix intérieure, armé de sa seule audace, il a foncé…

Arnaud Stengel

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EN ERITHAJ… Le dialogue se tient dans le saint des saints, le laboratoire de la célèbre pâtisserie Christian, tout près de la place Kléber, en présence de Christophe Meyer qu’on ne présente plus en Alsace et même au-delà, tant cet artisan de génie est devenu l’ambassadeur de la grande (la très grande) tradition chocolatière. Ce n’est pas le hasard qui nous fait retrouver là Arnaud Stengel que Christophe couve d’un regard quasi paternel quand le fondateur d’Erithaj nous raconte son parcours. « Il y a encore cinq ans, mon père me parlait sans cesse de sa passion du chocolat et cherchait à me convaincre de le rejoindre au Vietnam où il a longtemps travaillé dans ce secteur » sourit Arnaud Stengel. «  Mais moi, j’avais la tête ailleurs. Et ce fut longtemps «  Niet ». Sans doute a-t-il fini par être convaincant malgré tout, lui qui, depuis sa retraite de proviseur de lycée d’enseignement professionnel, s’était consacré à défendre le vrai chocolat face aux projets de la commission européenne de Bruxelles qui s’apprêtait alors à dénaturer ce magnifique produit par une directive européenne. Finalement, j’ai accepté de le rejoindre au sud du Vietnam, dans la région du Delta du Mékong. Là-bas il a créé la filière Vietcacao qui consolide les liens avec les planteurs, des gens incroyables, littéralement possédés par l’amour de leur métier et qui connaissent leur production sur le bout des doigts. J’ai donné un coup de main à mon paternel au sein des plantations à la rencontre des familles de planteurs et là, ça a commencé à cogiter dans ma tête. J’ai découvert alors tellement de choses que les idées se sont enchaînées les unes après les autres. Erithaj est né de cette expérience-là. Le nom rend bien sûr hommage à ce que m’a transmis mon père mais il fait aussi écho à mon propre background culturel. Je suis moitié français et moitié vietnamien, via ma mère… »


UNE COMPLICITÉ PARFAITE « Après cette expérience et ayant fermement osé me lancer dans l’aventure, sur les traces de mon père, je me suis dit qu’il fallait que je connaisse tous les stades et notamment la transformation de la fève de cacao produite là-bas en bel et bon chocolat comme on le connaît tous. Alors, je suis venu travailler pendant six mois, tous les jours, au Christophe Meyer labo de Christophe, à la production… » Silencieux jusqu’alors, Christophe Meyer confirme : «  En fait, je l’ai laissé faire. Et quand il a pris la mesure du lieu et de ce que nous y faisons, je lui ai dit : allez, lance-toi, passe au concret. Touche la matière… » « Ouais…» confirme Arnaud avec un regard complice jeté à son mentor «  en fait, ça a été vite fait. Christophe m’a quasiment jeté dans la fosse aux lions. Ici, on t’explique deux ou trois fois et après, c’est démerde-toi ! » «  C’est pas compliqué » tente de nous convaincre Christophe… «  Si, c’est compliqué. Mais, à force, on y arrive et puis, c’est en faisant des erreurs qu’on progresse vite… » se souvient Arnaud Stengel. « Toujours est-il que ce fut une aventure exceptionnelle durant six mois. Je suis finalement parvenu à une certaine maturité. Je veux dire par là que cette expérience avec Christophe a définitivement validé ma démarche. Car je voulais tout comprendre de A à Z, c’est à dire du stade initial de la plantation et de la récolte à celui de la confection et la mise en vente des produits finis. Etre à l’aise avec toute la filière quoi… Du planteur au chocolatier, voilà une vraie réalité socio-économique ». «  Ce que dit Arnaud en toute simplicité nous ouvre en fait à tous les deux d’immenses perspectives » intervient Christophe Meyer. « Car on en profite tous deux pour aller bien plus loin, pour prolonger les choses. Et j’avoue que c’est un peu vertigineux. Car on s’est mis ensemble à parler de l’innovation qui, dans notre métier d’artisan, consiste en fait à améliorer sans cesse le goût et la qualité de notre production. Arnaud m’a beaucoup appris sur les phases-clés de la production du produit brut, comme le point crucial de la fermentation des fèves, par exemple. Pour comprendre cela, il lui a fallu du temps et un sacré investissement comme par exemple séjourner dix jours sur une plantation avec une famille de planteurs. Il a réellement partagé leur vie durant ces dix jours. J’en ai fait des voyages à travers le monde à la recherche effrénée des nouvelles fèves mais pas au point de dormir avec les planteurs ! Ce qu’Arnaud a fait là est vraiment exceptionnel ! » s’enthousiasme Christophe. Qui poursuit aussitôt : «  Dans le monde du chocolat, l’artisanat familial de base, les producteurs-récolteurs de fèves, peut très vite basculer dans les filets des multinationales qui, elles, ne poursuivent que leurs seuls intérêts économiques. Et ça provoque des sacs de nœuds inextricables. Car le planteur n’a pas du tout la conscience complète du métier de chocolatier. Il ne connaît rien de la destination finale de son produit. Dans ce cas, comment l’aiguiller précisément vers de que nous recherchons exactement ? Si on est en contact direct avec lui, alors on peut expérimenter ensemble plein de fermentations différentes ce qui nous permet à nous, ensuite, de regarder ce que ça donne au niveau du résultat final, là où apparaît le goût, tout simplement…. ». Arnaud, qui a suivi avec une très grande attention les arguments développés par Christophe, confirme : «  Les planteurs sont à la merci de ces multinationales. Ils ne font que vendre leur production, c’est tout. Ça

m’a donné des idées, ce constat-là : en travaillant avec eux, en expérimentant avec eux, le cacao devient un fruit qui bénéficie d’une énorme valeur ajoutée. Pour les planteurs comme pour nous, une infinité de pistes à explorer s’ouvrent… Moi qui ai acquis une grande sensibilité tant avec les planteurs qu’avec les chocolatiers, j’essaie de vivre cette aventure de A à Z. Mon idéal est vraiment, comme le dit Christophe, que le planteur et le chocolatier se rencontrent et qu’avec moi, tous les trois autour de la même table, on élabore alors le produit comme un véritable art de vivre, avec le seul goût final comme arbitre. Je vais donc développer encore mon activité sur le terrain, au Vietnam, faire beaucoup plus d’essais ; défricher les choses encore plus, expérimenter toujours plus aussi et particulièrement en direction de tout ce qui n’entre pas encore dans les concepts habituels. Travailler le terrain au plus près des planteurs d’origine et retraduire ensuite tout ces acquis auprès des chocolatiers… »

Et Christophe de conclure, à la volée : « Il va développer la matière première et moi, je vais la transformer. C’est pas le pied, ça ? » Et les deux de convenir : « Une nouvelle fève ? Allez, on goûte ! On est comme des gosses, oui c’est ça, comme des gosses ! ». Deux heures passées avec ces deux fous de chocolat. Malicieux, Christophe Meyer ne nous a pas laissés repartir les mains vides. Cinq tablettes de ses dernières productions, même pas encore disponibles à la vente, dans un packaging encore provisoire. Le soir même, des saveurs subtiles et formidables nous explosaient délicieusement le palais. Pour tout vous dire, les cinq tablettes n’ont pas duré longtemps… 26


LE FESTIVAL MELTING POT

Cr : Einar Kling-Odencrants

PARIE SUR LE RENOUVEAU DU CIRQUE Texte et entretien CHARLES NOUAR

Du 12 au 14 juin, Les Migrateurs ouvrent leur nouvelle édition de Melting Pot – Rencontres agitées. L’occasion de découvrir un art encore trop méconnu, à mille lieues du cirque traditionnel et des assez insupportables numéros de dressage et de clown en tous genres : le cirque contemporain. Envoûtant... Magie nouvelle, trapèze Washington, mât chinois, roue allemande, rock electro et poésie. En quelques mots, un univers quasi indescriptible empreint de génie artistique, de charme et de foisonnement de transversalité. Car Melting Pot est bien plus qu’un festival qui commence, l’air de rien, à se faire un joli nom en Europe et au-delà. Il est une rencontre agitée, entre de multiples univers artistiques. Melting Pot se veut avant tout le reflet d’une époque comme avec la compagnie française Oktobre : « Quatre personnages… - la table noire… et les trois autres, plongés dans un univers à la fois sombre et absurde où les règles du réel sont modifiées. Un monde de violence où le noir est la couleur par défaut mais avec un humour – tout aussi noir mais irrésistible -, la peur, la mélancolie et l’excès sont omniprésents ». Tout comme la douceur ou la douleur aussi, afin de contraster un peu plus une réflexion en noir et blanc. Presqu’une méthaphore du temps réel avec laquelle joue également aux temps antiques la compagnie suédoise «  Vu » avec The curtain of Parrhasius qui travaille sur scène le trompe l’œil avec une rare maestria. Autre petit bijou, Clokwork, d’autres suédois, 27

la Sisters company, qui, autour d’un double mât chinois, se transforment, au fur et mesure de leurs évolutions, en de véritables éléments mécaniques d’une horlogerie fine et minutieuse. Et puis, au sein d’une liste non exhaustive, reste l’étonnant Fragments of a Mind, de l’Irlandais Darragh MCLoughlin, lauréat de Circus Next 2014. Plus qu’un simple numéro, une pièce à part entière qui relate l’état d’un homme, à la fois présent et absent. Ici et ailleurs. Car «  nul ne sait vraiment qui il est, ou comment il est arrivé là ». Seul est livré à notre observation son voyage à la découverte de lui-même et sa recherche d’une raison d’être dans ce monde étrange, sur fond de deux carrés de lumière activés un par un et dont chacun possède une fonction propre. Le tout sur fond de séquences très cinématographiques, «  comportant d’occasionnels sauts dans le temps, qui mènent peu à peu le spectateur à se faire sa propre idée sur la nature des situations vécues par ce personnage et son état d’esprit ». Une relation au final intimiste et profonde, à l’image d’un très joli cru 2014 de ces étonnantes Rencontres agitées.

STRASBOURG FUTUR PÔLE NATIONAL DES ARTS DU CIRQUE ? Le projet semble à deux doigts de se réaliser grâce au travail des Migrateurs, l’une des structures phare du cirque contemporain en Europe hébergée depuis cinq ans au Théâtre de Hautepierre, et du Festival Pisteurs d’Étoiles d’Obernai. Une véritable chance pour Strasbourg de se poser en laboratoire des nouveaux modes de financement de la Culture afin de répondre au cahier des charges exigeant du projet de Pôle. Retour sur enjeux avec Jean-Charles Hermann, directeur des Migrateurs.


Tout d’abord qu’est-ce qu’implique pour vous le statut de Pôle national au-delà de l’image dont pourrait bénéficier la Ville de Strasbourg ? “ Précisons peut-être tout d’abord que nous ne sommes qu’en phase de préfiguration de Pôle qui ne pourra être labellisé qu’après une période d’inspection de la Direction générale de la création artistique. A l’issu de cette période, un rapport devrait être rendu au mois d’octobre, et l’avenir du Pôle précisé courant 2015. Quelles sont justement ces missions inscrites au cahier des charges du Pôle ?

Elles sont au nombre de cinq : l’aide à la création, au travers de résidences d’artistes ou de production déléguée comme nous le faisons déjà avec le jongleur Clément Dazin, dont le travail vient d’être couronné par Avignon qui l’a programmé au festival In de juillet, la diffusion de spectacles, l’action culturelle structurée sur le territoire avec, notamment, la mise en place de workshops ouverts au public, la formation aux nouvelles techniques circassiennes, et, cinquième axe, l’inscription de notre travail dans les enjeux européens, qui est déjà l’une des spécificités des Migrateurs. Vous faites ici référence à Circus Next, préalablement Jeunes Talents Cirque Europe...

Oui, une organisation dont nous sommes membre quasiment depuis ses balbutiements et qui regroupe une soixantaine de structures culturelles associées à travers l’Europe et dont la mission consiste à accompagner un certain nombres d’artistes des prémices de leur création jusqu’à la finalisation de leur spectacle. Et une structure qui alimente aussi de plus en plus la programmation même des Migrateurs...

Bien sûr. Et c’est justement là l’une de nos forces, qui fait d’autant plus sens dans une ville comme Strasbourg, capitale européenne. Ceux que nous découvrons, accompagnons, produisons et diffusons sont sans doute aujourd’hui les artistes les plus prometteurs et innovants de la scène européenne. Et placer les Migrateurs et Strasbourg au cœur de ce réseau nous permet non seulement de les inscrire dans notre programmation mais de faire de notre ville une véritable vitrine de la scène circassienne mondiale. Reste que le cahier des charges du Pôle suscite de lourds moyens financiers et humains dans un contexte de stagnation, voire de baisse des crédits Culture. Or, les Migrateurs ne comptent que trois salariés permanents et le Festival Pisteurs d’Etoiles, seulement deux supplémentaires...

Vous posez le doigt sur une réalité essentielle mais paradoxalement presque tabou tant personne ne s’accorde vraiment à faire le deuil de l’exception culturelle française. Tout financement public, qui plus est à l’heure de la crise économique, est un leurre et il nous faut urgemment sortir d’une situation qui a désormais quelque chose de kafkaïen. Comment en effet se permettre d’envisager une montée en puissance budgétaire nécessaire sans disposer des moyens de le faire... ? C’est-à-dire ?

L’un des problèmes, en France, est que l’on continue à construire de nouveaux théâtres, mais sans leur donner par après les moyens de réaliser leurs missions de création. Soyons un peu sérieux : il n’y a pas de prestige sans création. Juste des murs vides. A ceci s’ajoute une autre réalité : dans le même temps, le nombre de compagnies et de festivals en tous genres ne cesse d’augmenter. Comment finançons-

nous tout cela sans apport financier nouveau ? Enfin, dernier point, on nous explique qu’il faut commencer à nous orienter vers des financements privés mais sans mettre en œuvre les bases législatives facilitant un tel transfert... Avouez que cela a quelque chose d’ubuesque. Pourtant, d’autres pays facilitent à l’inverse cette transition...

Oui, la Belgique en est un exemple proche. Le mécénat privé y fonctionne depuis fort longtemps. En outre, il ouvre un droit d’abattement fiscal réel ce qui n’est pas totalement possible aujourd’hui en France, du fait de questions fiscales non pleinement résolues. Comment, dans un tel contexte, faisonsnous dès lors pour inciter les entreprises à nous soutenir ? Comment faisons-nous la balance entre des financements publics qui se raréfient et des financements privés que notre législation ne favorise pas ? Reste que des pays comme l’Allemagne où existe également une scène circassienne ne disposent à l’inverse pas des aides existantes en France...

Certes, mais cela n’est possible que parce que les artistes peuvent se reposer sur un maillage de cabarets, inhérents à la culture populaire nationale, et qui, par leur force et l’attachement du public attire des fonds privés et permet à des circassiens de s’y produire. Chose qui n’existe pas dans la culture française. Par contre, le revers de la médaille est tout autant réel. En développant une forme d’individualisme artistique, ce système freine, voire rend impossible le fonctionnement en compagnies ainsi que le développement d’une notion claire de concept de cirque contemporain. En Allemagne, vous n’entendrez ainsi pas parler de cirque contemporain mais de danse, niant un pan entier de la réalité de ce milieu. On pourrait aussi mentionner le crowdfunding, particulièrement développé en matière culturelle dans les pays scandinaves... Oui, mais non seulement il n’en est qu’à ses prémices en France mais sa fiscalisation à long terme reste encore très floue. Cela fait partie de la réflexion que nous devons mener sur nos métiers et au-delà du seul spectacle vivant sur la création culturelle. Très honnêtement il y a urgence et cette réflexion doit autant associer les milieux culturels que privés et publics. Sinon, tout le monde sera perdant d’ici quelques années - artistes, villes, public confondus. Mais vous restez pourtant optimiste... ?

Oui, parce que je m’efforce, aux côtés d’Adan Sandoval, le directeur de Pisteurs d’Étoiles, pour en revenir au Pôle, de croire en l’intelligence collective et que ce n’est qu’en mettant clairement à plat les choses que nous y parviendrons.  »

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DES JEUNES QUI OSENT Texte et photo VÉRONIQUE LEBLANC

SOLIDARITÉ Ils ont osé monter une mini-entreprise au sein de leur classe du Lycée Ort, ils y sont arrivés et un prix du Crédit Mutuel a consacré leur volonté de s’armer pour construire leur avenir et celui des autres. Avec de belles valeurs à la base.

«  Des jeunes qui osent !  ». Le prix du Crédit Mutuel colle parfaitement au thème de ce numéro d’Or Norme et il a été décerné en mai dernier aux élèves la classe de seconde GT2 du Lycée Ort de Strasbourg. Que leur vaut cet honneur ? Rien moins que la minientreprise qu’ils ont créée ensemble au fil de cette année scolaire. Nom de code : «  Ishido ‘Selle  » tout simplement parce qu’Ishido est le surnom de l’un d’entr’eux. Ensemble, ces jeunes ont créé un produit - une housse de selle de vélo colorée et imperméable -, l’ont fait fabriquer par VETIS, structure d’insertion par le travail qui s’inscrit aussi dans le développement durable, pour au final la commercialiser. Mais le produit n’étant pas tout, il fallait une structure pour le porter et c’est donc une mini-entreprise en bonne et due forme que ces jeunes ont mise sur pied, sous l’égide de leurs professeurs, Gisèle Guillot et Corinne Haenel.

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Cinda fut PDG, Mathilde son adjointe. Samia prit la tête du service administratif constitué de Laura, Marina et Kelly. Yassin assisté de Louis et Axel se sont occupés de la compta. Nicolas, Michel, Emre, Olivier, Antoine, Arnaud et Lara ont constitué le service de production pendant que Maud, Carla, Lina, Léa, Chloé et Sarah assuraient le marketing. Sans oublier les commerciaux, Maud, Léo, Inès, Mathilde, Basile et Yann. Une joyeuse bande qui mit un peu de temps à trouver ses marques, racontent leurs professeurs, mais qui sut mettre en place une solidarité de groupe dont tous parlent aujourd’hui quand on les questionne sur cette expérience. C’est d’ailleurs l’intervention dans leur classe de Mathilde Jean, de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, qui les a sensibilisé à cette valeur sur laquelle ils ont décidé de fonder leur démarche. Leur charte d’engagement est par ailleurs significative d’une réelle réflexion sur ce qui doit, à leurs yeux, sous-tendre une entreprise : la protection de l’environnement, la santé et la sécurité des travail, le respect des droits fondamentaux, la promotion de la diversité et la contribution au développement économique et social local.

TOUT A ÉTÉ VENDU Que demander de plus sinon le succès ? Et il fut au rendez-vous puisque toutes les selles fabriquées ont toutes été vendues (au prix de 6,90 euros) ce qui a largement rentabilisé la mise de fonds collective accordée au départ. Sans compter ce prix du Crédit Mutuel : «  Les jeunes qui osent !  ». La consécration est belle et couronne un engagement qui ne restera pas sans suite pour certains d’entre eux. «  On a touché à tous les métiers de la vente, souligne Yassin, tout le monde a fait du bon travail  ». Quant à Marina, elle a «  envie de monter d’autres projets, de valoriser cette expérience.  » Bon vent à elle et à tous ses condisciples.


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AU FOND DU JARDIN LA LETTRE À SARKO... Texte

Photos

JEAN-LUC FOURNIER

MÉDIAPRESSE

Il y a déjà quatorze ans, Frédéric et Laurent ont ouvert un des endroits les plus délicieux de Strasbourg, «  Au Fond du Jardin », niché au pied de la cathédrale. Tout est parfait chez eux : le cadre, l’accueil, les incroyables madeleines de Laurent et cette ambiance si british que beaucoup adorent. Il y a cinq ans, l’intransigeance et surtout le mépris de leur banquière ont failli provoquer la disparition de cet endroit unique. Mais, une nuit, l’idée de la dernière chance a jailli…

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Un mot tout d’abord sur ce lieu incroyable et sur ses créateurs. Frédéric fêtera ses 50 ans dans peu de temps. Cet Avignonnais de naissance a depuis toujours la passion de la décoration. Avec un signe distinctif, qu’on apprécie forcément au sein de notre rédaction, et qu’il tient à préciser sans ambage : «  J’aime ce qui est décalé par rapport au monde de folie qui nous entoure. Ici, on a su oser le suranné, le cocooning à la British. Bref, j’ai toujours aimé me lancer à fond dans l’improbable… ». Laurent (36 ans) est vendéen et n’a jamais envisagé autre chose que de travailler dans la belle famille de la pâtisserie gastronomique. Il a notamment passé de nombreuses années aux célébrissimes «  Maisons de Bricourt » à Cancale, à la dure école du Chef triplement étoilé Olivier Roellinger. C’est là-bas que Frédéric, venu pour réaliser un décor, et Laurent se sont rencontrés. C’est là-bas que l’idée créatrice d’Au Fond du Jardin a surgi. Laurent : « J’avais envie de vivre et de faire autre chose mais je ne savais pas exactement quoi. Ça s’est construit ensemble… » Frédéric : «  Quand j’ai découvert le talent de Laurent, j’ai crayonné le projet que j’avais en tête avec des couleurs, sur du papier Canson. J’ai développé la stratégie, le positionnement, Laurent a déjà imaginé les produits et tous les deux, on a su mettre parfaitement en avant notre objectif de faire déconnecter nos clients de leur vie quotidienne… Les bases étaient jetées… » Et cela fait quatorze ans que cela dure. Or Norme reviendra prochainement sur le talent de Frédéric et Laurent, sur ces incroyables 48 variétés de madeleines que les connaisseurs s’arrachent mais aussi sur les projets des deux créateurs que certains de leurs clients viennent visiter depuis Paris, juste pour ramener via le TGV la fameuse boîte de madeleines. Car, oui, ils ont des projets (et non des moindres…) et s’ils sont dans cet état d’esprit aujourd’hui, c’est qu’ils ont su


passer avec une vraie audace un cap fatidique : contrer ce qui est souvent la hantise du chef d’entreprise (surtout le petit…) : l’hostilité de leur banquière. On vous explique…

UN SACRÉ COUP DE POKER Nous sommes dans la nuit du 3 au 4 avril 2009, à quelques heures de l’arrivée d’Obama à Strasbourg pour le désormais tristement fameux sommet de l’OTAN. Ce n’est pas l’atmosphère plombée qui règne depuis quasiment une semaine dans Strasbourg en état de siège qui empêche Frédéric de dormir. Ce n’est pas non plus la pression qui s’est quelque peu abattue sur les deux compères quand, l’avant-veille, le téléphone a sonné. L’appel venait de… l’Elysée, rien que ça. Le président souhaitait goûter enfin les célèbres madeleines d’Au Fond du Jardin et passait donc commande des meilleures productions de Laurent. Dans la nuit du 3 au 4 avril, ce qui empêche Frédéric de dormir est beaucoup plus prosaïque, quasi banal depuis le grand foutoir financier qui a débuté six mois plus tôt et tétanisé l’ensemble du système bancaire mondial : leur banquière refuse jusqu’au moindre cent de facilité de trésorerie à leur petite entreprise dont les neuf premières années avaient cependant été prometteuses à souhait. De réunion en réunion, de rendez-vous en rendez-vous, l’accablement a fini

par gagner le duo. « Nous ne supportions plus l’intransigeance dont nous faisions l’objet de la part de cette femme qui, de plus, affichait ouvertement le mépris qu’elle nous portait » se rappelle aujourd’hui Frédéric. A bout de nerfs, angoissés, Frédéric et Laurent ont sans doute envisagé de tout lâcher, à l’époque… « C’est cette nuit-là, à deux heures du matin, que l’idée m’est venue. La boîte de madeleines du président était prête à être livrée à son destinataire quelques heures plus tard au Palais des Rohan, parfaitement emballée, nickel. Je me suis rappelé alors que Nicolas Sarkozy, les mois précédents, avait maintes fois exhorté les banques à ne pas couper le robinet aux entreprises, à les aider à passer ce cap. Alors, je me suis mis frénétiquement à écrire une lettre pour lui expliquer notre situation. Une lettre de deux pages dont Laurent et moi avons soupesé le moindre mot. Quand elle a été écrite, on l’a enveloppée avec précaution dans du papier de soie pour ne pas que son papier colle au sucre des madeleines, on l’a placée dans la boîte au-dessus des produits et on a refait le paquet. Il a été livré comme ça le lendemain matin… » Quelques jours plus tard, le téléphone a de nouveau sonné. Laurent et Frédéric ont savouré les félicitations présidentielles pour la qualité de leurs madeleines. En peu de mots, le président les a également assurés que leur problème allait être traité comme il se devait… Et, par magie, leur banquière est ensuite devenue rapidement plus… compréhensive, dirons-nous. Les problèmes ont été surmonté, les nuits sont redevenues plus sereines. L’audace a donc payé. Une sacrée histoire, hein ? A Or Norme, on aime bien les histoires comme ça…

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MOHAMED TORCHE L’AUDACE A TOUJOURS ÉTÉ SON SEUL HORIZON LES ÉPISODES D’UNE HISTOIRE… OR NORME Texte JEAN-LUC FOURNIER Photos MÉDIAPRESSE HORIZONS NOMADES

Mais qui se cache donc derrière Horizons Nomades, la très courue société organisatrice de voyages strasbourgeoise, nichée dans la discrète rue des Pucelles ? Son créateur, Mohamed Torche, est tout sauf un vantard mais le passionnant regard dans son rétro qu’il nous a permis de réaliser révèle une audace inouïe et un tempérament de feu… Un matin pluvieux et frisquet de début mai dernier. « Tu veux tout savoir sur moi ? Allez, on va au resto d’en face, chez ces petits jeunes qui viennent d’ouvrir. Faut les aider… » Et Mohamed Torche (53 ans) de s’élancer sur le trottoir mouillé, les pieds seulement protégés par ses chaussures d’été ouvertes (c’est comme ça, un choix perso, été comme hiver…)

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«  Je rentre juste d’un voyage en Algérie, dans la région de Constantine, pas loin de là où je suis né et où j’ai accompagné des clients. Et tu veux connaître mon histoire ? Alors, je vais t’en raconter une, d’histoire… 1962. Une femme fuit ce beau pays qu’est l’Algérie. Sur le même bateau que les autres émigrés. Elle a des soucis, elle a honte, elle est enceinte. Elle fuit car elle vient de perdre son mari. Elle est jolie cette femme mais la honte est la plus forte. Arrivée à Marseille, elle rejoint l’Alsace car elle a connu beaucoup de colons alsaciens à l’Est de Constantine. Eux aussi ont fui… Mais en Alsace, elle ne trouve pas de boulot. Alors, elle place ses deux enfants à l’orphelinat, chez les bonnes sœurs. Ils apprennent «  Notre Père qui êtes aux cieux… », la vie de Jésus. Ils prient, ils ne comprennent pas. Mais cette jeune femme est fière, elle les récupère au bout de deux ans. Elle les fait grandir au milieu des autres émigrés de Mulhouse, des charbonniers, des poseurs de pavés… Puis un jour, toute contente, elle leur annonce qu’ils vont tous occuper enfin un vrai appartement, dans la cité mulhousienne de Bourtzwiller. Ses deux enfants découvrent alors ce qu’est une salle de bain... Mais, peu à peu, Bourtzwiller devient un ghetto. Et j’enchaîne connerie sur connerie, car un de ces deux enfants-là , c’est moi et cette jeune femme c’est ma mère. La meilleure façon de connaître vraiment sa mère, c’est de connaître toute son histoire. Alors, tu as du recul. En partant de cette jeune femme de 25 ans, tu comprends tout, en bien mieux. Donc, je me retrouve vite dans un foyer de jeunes délinquants, dans le Territoire de Belfort. J’y ai séjourné de 14 à 18 ans. Mais attention : j’ai vécu ça comme un bonheur permanent. Je ne me souviens d’y avoir manqué de quoique ce soit. J’y découvre l’équitation et des tas d’autres choses. Une vraie aventure !


Après ce séjour, je passe le CAP d’électricien et je me retrouve sur des chantiers en Arabie Saoudite. Là-bas, j’ai eu le temps de me rappeler de tout mon jeune passé et je me suis dit que tous ces jeunes qui traînent, la dope et tout ça, ce n’est pas une fatalité. Je me suis alors lancé dans la vie associative en me disant que faire connaître à ces jeunes «  Le Petit prince », la pâte à modeler, le théâtre, diffuser auprès d’eux la culture, le savoir, la poésie, le beau, c’était pas con ! Je n’avais pas tort car tout ce que je fais aujourd’hui, c’est grâce à mon goût de l’esthétique. La photo, par exemple : je n’ai jamais fait d’école pour ça mais le regard, je l’ai car je vois le beau. J’ai très vite compris tout ça… Puis, il y a eu ce coup de folie : éducateur, j’avais accompagné des groupes de jeunes pour faire des randos dans les Vosges. J’y avais connu une jeune fille qui devait avoir dans les seize ans. Elle ne parlait pas bien le français… A elle et à ce groupe de jeunes, on a fait découvrir la nature et plein de belles choses. Un jour, elle rentre en Algérie et on apprend qu’elle ne reviendra plus. Son père la retenait là-bas et voulait la marier de force ! Je me suis senti coupable. J’ai pris l’avion. Une fois là-bas, j’ai tout expliqué à mon cousin. Et je l’ai revue. Tu veux vivre en France ? Oui. Tu sais ce que ça veut dire ? Oui, a-t-elle encore répondu. Alors, j’ai décidé de la ramener en France. Pour ça, on a payé un douanier, pour pouvoir passer les contrôles sans passeport ni rien. Ca a marché mais on a eu des sueurs froides, elle était mineure et on l’a en quelque sorte kidnappée ! Entretemps, j’avais prévenu le juge des enfants à Belfort. Elle a été placée dans un foyer et elle a pu rester en France.. Cette jeune fille s’appelait Afiza. Je n’étais pas amoureux d’elle à l’époque mais c’est venu ensuite. Elle est ma femme, aujourd’hui…. »

NOUVEAUX HORIZONS A l’âge de trente ans, Mohamed en a soudain marre de son métier d’éducateur, «  marre de faire le Samu social » comme il le dit aujourd’hui. Il a assez donné… Mais comment «  continuer à cheminer dans le beau » ? Voilà la seule question qui l’obsède. «  Je connaissais bien le Sahara, j’y avais convoyé des médicaments et du matériel sanitaire quand j’avais dix-huit ans. Je contacte un copain touareg et hop ! c’était parti pour y amener des gens, leur faire plaisir et me faire plaisir aussi. Un groupe, six groupes, vingt groupes… Quelques articles dans la presse ont fait le reste et depuis… je continue ! Ensuite, il a fallu un cadre juridique, je me suis mis alors au Droit. Une autre forme d’aventure : l’administration en France, les licences, les agréments… je n’étais pas habitué à tout ça. Horizons Nomades est né ainsi, et ça fait dix-huit ans maintenant. Nos voyages ne sont pas comme les autres : on emmène les gens à pied, dans des pays peu connus quelquefois. Nous ne sommes pas une simple agence de voyage : nous ne raisonnons pas en terme de business-plan mais plutôt dans l’exigence de faire plaisir et nous faire plaisir. Le luxe que nos clients aiment, c’est de se retrouver seuls dans des paysages à tomber. Le luxe de marcher, dormir chez l’habitant, monter leur tente le soir dans les plus beaux endroits de la planète. Je rentre des Aurès, en Algérie. Qui a le courage aujourd’hui de voyager là-bas ? Et bien, ce groupe en est revenu émerveillé. Dix jours sublimes où on donne mais où on reçoit beaucoup aussi. Ah ! le regard que se sont portés les Alsaciens qui étaient les premiers à revenir làbas et les Berbères qui, du coup, étaient fiers de réexister en accueillant des touristes français ! Tu croises un berger et tu discutes un quart d’heure avec lui. Il te raconte que l’une de ses chèvres s’est fait bouffer les jours derniers par un chacal… C’est émouvant, fort, et extraordinaire de voir l’humanité passer ainsi entre un Alsacien et un Berbère, les uns parlant de leurs soucis quotidiens en France et l’autre parlant de ses dattes et de ses soucis avec son bétail : mais c’est la rencontre qui est importante. Quand tu marches, tu es à la hauteur des gens que tu croises, et alors tu vas à l’essentiel tant tu es content de discuter enfin. Et la marche, si elle t’épuise, te fait aussi toucher du doigt cet essentiel-là. Tu es alors prêt à rencontrer l’Autre car il

fait le même chemin que toi. Et tu retrouves tout à coup tes muscles, tes articulations, tu retrouves ton corps… Et, en ce qui me concerne, quand je vois les gens heureux, je suis heureux. C’est tout simple, non ?» Sur le très beau catalogue d’Horizons Nomades, la plupart des photos sont signées de Mohamed Torche. Au-delà du superbe Nikon D3 qui le suit partout, les images sont celles d’un véritable œil qui sait (presque) tout de l’endroit qu’il capture dans son objectif. Un véritable passionné qui ne fonctionne pas que sur le seul appât du gain : «  C’est pas le fric qui est important. L’important, c’est de savoir si je vais vivre encore longtemps avec cette passion-là qui est née parce qu’à un certain moment, j’ai pris le goût de la beauté et de la rencontre avec l’Autre. A mes deux enfants, j’ai toujours dit : allez au bout de vos idées. Ne faites pas attention à ceux qui moralisent sans cesse et sans cesse. Rencontrez les gens. N’ayez pas peur. Comme moi auparavant, mon fils Samir, 22 ans, n’aime pas trop les études. Alors, je lui ai dit : apprends à voler ! Fais du parapente ! Et il le fait… » Parmi les 42 pays (et une foultitude de formules de séjours) qui figurent au catalogue de Horizons Nomades, l’Ethiopie, l’île de Socotra (au large du Yemen), Madagascar, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan sont les destinations qui marchent le plus fort. « Mais je vais mettre le paquet sur l’Algérie, le nord et le sud » confie Mohamed. « A 1h30 d’avion de Strasbourg, il y a des paysages et des gens inouïs qu’il faut rencontrer… » L’audace, le petit délinquant de la cité mulhousienne n’en a jamais manqué. Sublimée par la passion, elle forme aujourd’hui un mélange détonant. Le tout, complété par le goût du beau et un sens esthétique certain, elle confine à la vraie sérénité, même si cet angoissé de nature le conteste. Rencontrer ce gars-là est un vrai bonheur et un exemple pour ceux qui se laisseraient aller à désespérer de tout…

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La splendeur désertique du sud-algérien capturée par l’objectif de Mohamed Torche, le fondateur de Horizons Nomades. 35


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LE BOUCLIER D’OR UN PARI INCROYABLE Texte JEAN-LUC FOURNIER Photos MÉDIAPRESSE

La crise financière avait déjà depuis longtemps produit ses premiers ravages quand Déborah et Denis Jung ont courageusement pris la décision de se lancer dans l’aventure de leur vie : la création d’un hôtel quatre étoiles en plein cœur de la petite France. D’une masure, ils ont fait naître un des plus beaux établissements de Strasbourg. Il leur a fallu déployer un véritable concentré d’audace pour réussir leur pari…

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Tous deux avaient jusqu’alors réalisé un beau parcours dans le secteur de l’immobilier. En couple. Denis (51 ans) dit de lui-même : «  Je sentais que j’avais fait un peu le tour de mon métier de vendeur de biens où j’avais fini par acquérir une solide expérience de la rénovation de gros bâtiments grâce à un contact très étroit avec un beau volant d’entreprises artisanales. » Son épouse Déborah (47 ans) avait participé à toute l’aventure, en tenant solidement les rènes de la gestion : «  En hébreu, Déborah c’est l’abeille. J’ai toujours beaucoup travaillé et j’ai toujours aimé ça… » dit-elle. Après des décennies consacrées sans relâche au travail («  On ne s’est marié qu’après quatorze ans de vie commune car, tout simplement, on n’avait jamais trouvé le temps de le faire auparavant… »), le couple cherchait un dernier « grand et beau projet, quelque chose qui nous plaise vraiment pour la seconde partie de notre vie professionnelle ». Et Denis, en rénovant la Galerie Froessel, a découvert, juste en face, une véritable masure…


LE PARCOURS DU COMBATTANT «  Le propriétaire de la galerie y garait ses voitures, dans l’arrière-cour » se rappelle Denis. «  L’idée d’y réaliser un bel hôtel s’est tout de suite imposée. Peu de gens y avaient pensé car la capacité potentielle de chambres paraissait alors trop faible pour être profitable. Le business-plan que nous avons réalisé a très vite prouvé qu’il fallait monter en gamme, se projeter tout de suite vers le quatre étoiles ». Six mois de négociation avec les propriétaires ont été nécessaires. Au final, la transaction s’est réalisée pour 2,5 millions d’euros pour le foncier de base, y compris les 800 000 euros d’apport personnel du couple. «  Toutes nos économies, jusqu’aux fonds des tiroirs… » avouent-ils. Pour autant, la masure restait encore une masure… «  Au final, il nous a fallu injecter 3,5 millions d’euros de plus, pour les travaux et la décoration. Quelle saga, ces travaux ! » se souvient Denis Jung. «  Mais je savais ce que je faisais, expérience oblige. Cet hôtel, je le voyais déjà dès la première visite. Le contraire même de tous ceux qui étaient partis en courant dès qu’ils constataient l’état des lieux. J’avais raison : des 1000 m2 d’origine, on a réussi à concevoir les 1400 m2 d’aujourd’hui… Ça, je le savais depuis le départ. » Nous sommes là à la mi-2009. Dans le monde entier, la crise financière fait rage. Investisseurs et banques sont tétanisés. « Quand nous sommes allés toquer à la porte des banquiers, l’affaire Madoff venait d’éclater  »  sourit aujourd’hui Denis. «  On pouvait rêver d’un meilleur contexte… Trois mois avant la date définitive d’engagement, le 26 janvier 2010, nous n’avions toujours pas de deuxième banque pour assurer le financement. Heureusement, M. Beck, du Crédit Mutuel, un banquier rare qui connaissait notre capacité de travail et la force de nos engagements s’est engagé auprès de nous. Et notre expert-comptable, Michel Gable, a su trouver les solutions pour que les travaux puissent commencer enfin. Ils ont duré deux ans et demi, comme prévu. Et nous sommes parvenus à notre but… » Les difficultés surmontées les unes après les autres, ce succès est aussi celui d’un couple parfaitement motivé et déterminé : « C’était déjà le cas auparavant mais c’est vrai que, durant cette période très dure, nous étions plus que jamais main dans la main, comme scotchés l’un à l’autre » confirme Déborah.

UN VÉRITABLE BIJOU DANS SON ÉCRIN DE LA PETITE FRANCE Au-delà de ses 22 chambres au décor raffiné, l’ambiance générale de cet hôtel à l’histoire hors du commun se traduit par une décoration qui révèle parfaitement l’amour des propriétaires «  pour la pierre et les belles choses ». Déborah se souvient avoir décliné fermement l’offre d’un décorateur de très grande renommée qui «  voulait mettre absolument sa griffe sur l’endroit. Il voulait tout casser et même repeindre en blanc la charpente du XVIème siècle ! » s’insurge-t-elle. « Alors, on a décidé de ne pas tomber dans le panneau de son pipeautage et de faire selon notre instinct, en gardant tout ce qu’on pouvait garder des origines de l’immeuble. Une façon de marquer notre territoire après tous les risques que nous avions pris. Edgard Mahler (un peintre et compagnon ébéniste réputé –ndlr) nous a beaucoup aidés. Il s’est battu avec nous pour imposer nos choix de décoration à l’Architecte des Bâtiments de France qu’il a su convaincre de la pertinence de certaines de nos options… Et, peu à peu, les obstacles se sont atténués et, jour après jour le Bouclier d’Or apparaissait tel que nous le rêvions depuis le début. » On imagine sans peine leur état d’esprit quand, le 17 juillet 2012, après un ultime suspense dû aux tergiversations de

la commission de sécurité, l’hôtel a accueilli ses premiers clients… «  Nous avons dû faire preuve de sang-froid jusqu’au bout du bout » se rappelle Déborah. « Quel soulagement quand nous les avons accueillis ces premiers clients, et encore plus quand ils sont déclarés enchantés à leur départ. Il s’agissait du big boss parisien d’une grande banque et de ses directeurs de régions. On a connu six premiers mois difficiles mais aujourd’hui, près de deux ans plus tard, on est bien dans les clous. Certes, on ne vit pas avec, car on rembourse, on ne part pas en vacances, on bosse, on bosse… mais le patrimoine est là. Denis a montré ce qu’il savait faire et je suis heureuse pour lui pour qui tout n’a pas toujours été facile. Moi, très discrète de nature, j’avais un peu peur de me mettre en avant dans ce métier qui était tout nouveau pour moi. Mais c’est oublié aujourd’hui : je développe la clientèle, j’organise les événements. Même avec cette crise économique qui perdure à Strasbourg comme ailleurs, on ne brade pas notre produit, on ne déprécie pas notre établissement. Et nos clients s’en rendent parfaitement compte, ils savent, ils apprécient. Je le remarque bien : beaucoup ont besoin qu’on leur raconte l’histoire de ce lieu, elle les passionne. La reconnaissance est là… » L’audace de Déborah et Denis Jung a payé, grâce à l’écoute de leur seul instinct. «  On n’était pas connus, on sortait d’on ne sait où, on n’avait pas de réseau et, en plus, on n’était pas du métier. Et on a globalement réalisé nos objectifs et même fait encore un peu mieux » disent-ils avec une légitime fierté. «  Nos clients comprennent bien ce qui a été réalisé ici et leur bouche-à-oreille fonctionne parfaitement. En plus, nous sommes heureux, très heureux même. Fatigués, aussi, mais c’est passionnant tous les jours et tout le temps… » conclut Déborah avec un grand sourire. LE BOUCLIER D’OR 1, rue du Bouclier d’Or 67000 Strasbourg Tél : +33 3 88 13 73 55 contact@lebouclierdor.com www.lebouclierdor.com

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LA PIZZA DE NICO Texte VÉRONIQUE LEBLANC

Une saga alsacienne débutée dans 40 m2 à Bischwiller et dont la fin n’est pas écrite car c’est à la France entière que s’attaque aujourd’hui un réseau désormais franchisé. Rencontre avec Nico Palea, son fondateur, dans le tout nouvel établissement de Rivétoile. Tout a l’air simple à l’écouter, évident comme la pomme de Newton qu’il a choisie pour emblème. Une belle histoire.

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«  TOUJOURS S’AMÉLIORER   »

«  J’ai osé, c’est vrai  ». Nico Palea s’étonne lui-même de ce constat. Ni rodomontade ni effet de manche, la voix est douce mais c’est vrai que cet homme a fait un sacré chemin depuis son arrivée à Strasbourg il y a 25 ans. «  La ville m’a plu, dit-il, je m’y suis senti bien, je me suis dit qu’il était possible d’y faire sa vie ». Il avait alors 25 ans et a enchaîné des petits boulots - «  beaucoup dans la restauration » -, s’est formé comme pizzaïolo «  Chez Aldo  » jusqu’à ce que lui vienne l’idée, en 2000, de monter sa propre pizzéria. « A l’époque, j’avais l’équivalent de 1 500 euros en poche  », racontet-il. «  J’ai loué un local de 40 m2 à Bischwiller, ramené mon frigo, acheté à crédit un vieux four à pizza et empoigné mon couteau pour tout découper à la main, de la pâte aux champignons !  ». Son idée, inédite à l’époque, était de faire de la vente à emporter dans une pizzéria «  sans Vésuve, ni gondole accroché aux murs  ». «  Il fallait un «  plus  » pour que les gens se déplacent, raconte-t-il, et j’ai décidé d’opter pour de grandes pizzas de 40 cm de diamètre (!) vendues à peine plus cher que les «  normales  ».

«  JE ME DISAIS QUE J’AVAIS TOUT BOUSILLÉ   » «  Des pizzas grandes, bonnes - pâte fine, que des produits frais à l’exception des fruits de mer - et pas chères », résume-t-il. Et le voilà qui ouvre son établissement, «  un lundi soir  », «  sans un sou de fond de caisse  » avec une étudiante pour lui donner un coup de main. Une vingtaine de ventes, des voisins curieux le premier jour, une trentaine le lendemain... et puis le vendredi, coup de pouce du destin grâce à l’inauguration d’un magasin de matelas juste en face. «  Tout Bischwiller était invité, dit-il. J’ai proposé de ramener des parts de pizzas et du Lambrusco pour animer la soirée.  » Avec la jeune fille embauchée, Nico a passé son temps à traverser et retraverser la rue jusqu’à ce que les invités passent par chez lui pour emmener des prospectus. Pressentant que le samedi serait «  chaud  », il a préparé une centaine de pizzas - toujours à la main ! -, ouvert à 18 h et... tout écoulé en une heure ! «  Ça a été la soirée la plus cauchemardesque de ma vie, se souvient-il, les gens arrivaient en masse et me regardaient courir. Je me disais que j’avais tout bousillé. » Son assistante est rentrée chez elle en pleurs, jurant de ne plus jamais revenir mais elle a repris courage et bien lui en a pris puisqu’elle a travaillé durant toute la durée de ses études dans un établissement définitivement lancé.

Achat d’un robot pour couper les légumes, embauches... Les 40 m2 n’ont plus suffi et il a fallu acquérir l’appartement voisin pour passer à 130 m2 en cassant un mur. «  La Pizza de Nico  » s’est professionnalisée avec pour fil rouge l’impératif de «  toujours s’améliorer !  ». Et pace que «  la vie n’est qu’une suite de rencontres  », celle avec Magdalena Lopez en 2004 fut décisive. Il se sont associés et elle a pris la gérance d’un nouvel l’établissement à Betschdorf, ouvert en même temps qu’un autre à Schweighouse. « Impliqué par ailleurs dans le lancement du « Bouquet garni » au Neudorf avec Gaétan Serge, j’ai couru pendant des mois d’un lieu à l’autre en me disant que si je ne mourais pas cette année-là je deviendrais immortel », se souvient Nico. Mais... tout a marché ! Et comme il n’était pas mort, il a poursuivi sur sa lancée en améliorant le concept à chaque étape. Ouverture à Vendenheim sous l’égide du fils de Magdalena, à Wissembourg... et création d’une « identité visuelle » basée non sur la tomate mais sur la pomme ! Pourquoi ? «  Pour marquer notre différence, pour rendre hommage à Newton et... parce que j’adore ça !  »

«  SANS VOLONTÉ D’ALLER DE L’AVANT, LA VIE S’ARRÊTE   » Fort d’une rencontre avec Michel Kahn, président de la Fédération européenne des réseaux de partenariat de franchise (IREF), Nico s’est ensuite lancé dans la franchise enchaînant une suite d’ouvertures à Haguenau, Reichshoffen, Erstein en mixant désormais vente à emporter et restauration sur place. Il parle de Marie, Yannick, Raphaël, Didier, Mathieu... à qui il a confié ses établissements sans les avoir « recrutés » au sens classique du terme. «  A chaque fois ça a été une rencontre, je n’ai jamais «  cherché  »... Du Nord au Sud de l’Alsace, ce sont aujourd’hui douze points de vente que compte un réseau appelé à doubler encore d’ici la fin 2015 en s’étendant à toute la France. Aix-en-Provence ouvrira cet été, Nantes à la rentrée sans compter L’Esplanade et La Meinau à Strasbourg ainsi qu’Horbourg-Wihr près de Colmar. «  On est dans l’air du temps, conclut Nico, les gens sont heureux de manger vite et sainement, à prix raisonnables.  » Chaque semaine, ils sont d’ores et déjà près de 100 000 à déguster des «  Pizzas de Nico  » et ce chiffre n’est qu’un début car répète-t-il, «  sans volonté d’aller de l’avant, la vie s’arrête  ». www.lapizzadenico.com www.facebook.com/lapizzadenicof

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MIEUX DORMIR GRÂCE UN TEE SHIRT CONNECTÉ

LAURENT SCHMOLL MÉDECIN I-TECH

Laurent Schmoll est convaincu que la Télémédecine couplée à l’Internet des objets représente l’avenir. «  Il existe déjà des brassards à tension, des balances connectées, des tests de glucose etc. », rappelle-til, Orange développe la vente de ces objets sur son site et le fera bientôt dans ses boutiques ». Fort de ces convictions, il a participé au Digital Health Camp organisé à Strasbourg du 28 au 30 mars et y a remporté le prix de la meilleure innovation technologique pour un «  I-Jama  » imaginé par lui et conçu en équipe lors de ce marathon I Tech. « En l’occurrence, il ne s’agit pas d’un outil médical, précise le médecin qu’il est, mais d’une technologie de bien-être associant un « t-shirt » dans lequel sont répartis des capteurs de température, fréquence respiratoire, tension artérielle, saturation en oxygène, sudation... et une application smartphone qui, sur la base des données recueillies, permet des améliorations du sommeil. » Le concept est donc défini, reste à le développer et pour cela rassembler des moyens financiers et technologiques.

Texte VÉRONIQUE LEBLANC

Le docteur Laurent Schmoll est décidément un créatif. Président de la renommée «  Biennale du Verre  » qu’il a créée en 2006, ce Strasbourgeois est aussi le concepteur d’outils médicaux innovants. Prendre un cliché de son tympan enflammé et l’envoyer à son médecin, améliorer la qualité de son sommeil grâce à un tee shirt I tech, participer à la cartographie d’une épidémie de grippe. A portée de main nous dit-il... La Télémédecine n’est pas un vain mot ! Laurent Schmoll s’impatiente... Il a écrit à deux reprises sur le site du ministère du «  Redressement productif  » et n’a obtenu que des réponses automatiques d’accusé de réception. Il aimerait pourtant aller de l’avant et mettre sur les rails la technologie «  I-Nside  » pour laquelle il a déposé brevets français et européen. Médecin ORL lui-même, ce Strasbourgeois a élaboré un système permettant la prise de clichés en cas d’affection nez-gorge-oreille. La méthode est simple puisqu’elle ne requiert qu’un objectif vissé à un smartphone et elle est porteuse « d’économies d’échelles gigantesques », dit-il en évoquant notamment les maisons de retraite d’où les infirmières peuvent envoyer des images aux médecins. « On évite ainsi les déplacements en ambulance, coûteux, perturbants pour les personnes âgées et risqués pour leur état général.  » Sans compter que cette technologie apporte aussi une solution à la question des «  déserts médicaux  » en France ou dans les zones d’Afrique et d’Asie qui pourraient en bénéficier par l’intermédiaire d’ONG.

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CE QUI EST VRAI POUR L’IMAGE LE SERA POUR LE SON «  Les contacts sont lancés  », annonce Laurent Schmoll avant d’évoquer «  Epidemic Detect  », autre innovation qu’il a eu l’occasion d’initier avec une équipe comptant plusieurs développeurs issus de l’IRCAD lors du Digital Health Camp. Intégré sur smartphone et sur ordinateur, cet outil permet à chacun de se géolocaliser gratuitement en cas de grippe, bronchiolite, gastro-entérite... mettant ainsi en place une cartographie d’épidémie en temps réel permettant aux responsables sanitaires de prendre au plus tôt les mesures qui s’imposent. A suivre également... «  La médecine a bien changé, répète Laurent Schmoll et elle n’a pas fini d’évoluer. Il ne sera plus nécessaire de se déplacer en permanence en cas de maladie chronique par exemple. Et ce qui est vrai pour l’image le sera pour le son, on pourra envoyer un souffle cardiaque, un râle pulmonaire et permettre ainsi un pré-diagnostic. » Restera aussi à mettre en place toute une interface d’identification du patient et de cryptage afin d’assurer la confidentialité des données à l’ère des nouvelles technologies. Le chantier est complexe mais se profile comme inéluctable dans une société où cyclistes, joggeurs et autres sportifs peuvent mesurer en temps réel leur tension, leur rythme cardiaque et autre taux de sucre. Laurent Schmoll compte bien participer à cette mutation. Il s’y consacre chaque jour, tablant pour l’heure plus sur ses contacts avec l’Agence régionale de santé que sur un retour au niveau national. http://digitalhealthcamp.eu www.i-Jama.com www.i-Nside.com


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UN NOUVEAU VENT SOUFFLE SUR L’ÉDITION RÉGIONALE Texte ERIKA CHELLY Photo MÉDIAPRESSE

Si le contexte des «  Alsatiques » traditionnels s’essouffle quelque peu, de jeunes éditeurs veulent lui redonner de la vigueur. Parmi eux, «  Vent d’Est   » s’est déjà fait remarquer grâce à la sortie d’ouvrages particulièrement bien ciblés et bien réalisés. Tout est affaire de réactivité, selon Bernard Kuntz…

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D’entrée, le créateur de Vent d’Est, Bernard Kuntz, «  règle », un peu provocateur, la question de l’avenir de l’édition traditionnelle via le livre : « Si tu es fou, inconscient, un peu malade… tu peux envisager de gagner de l’argent dans l’édition. Sinon… » Heureusement, il modère vite son propos : «  En 2014, la vraie difficulté pour un éditeur est d’être plus vif, plus malin en imaginant des livres qui surfent plus sur les tendances d’aujourd’hui, pour ensuite dénicher les auteurs qui peuvent bâtir le projet avec lui. En réalisant la série des Portraits célèbres d’Alsace (une belle collection à prix attractif –10 €- mais soigneusement éditée –ndlr), Vent d’Est a été estampillé très vite en tant qu’éditeur régional, c’est à dire quelqu’un qui ne va pas sur les territoires qui ne sont pas les siens. Ensuite, la qualité de la production attire les auteurs comme un aimant. D’ailleurs, je constate qu’arrivent de jeunes auteurs qui sont très prometteurs : comme par le passé, ils écrivent dans le cadre de leur thèse mais ils ont compris que l’édition de leur thèse «  à la papa », c’est terminé. Dans les deux ou trois ans à venir, ça va se décanter. Des sujets très intéressants, novateurs et qui concernent l’Alsace ou la Lorraine vont voir le jour et vont à mon avis complètement renouveler le genre des Alsatiques. Ceci dit, jusque-là, il faut tenir… »


TOMBER PLUSIEURS FOIS, SE RELEVER TOUJOURS… Issu du monde de la pub (à l’époque où Séguela était un génial créatif…), Bernard Kuntz a été un des premiers à comprendre que l’apparition du Mac et de la PAO allaient révolutionner la mise en page des imprimés et a créé un studio de prépresse qui a produit, durant une quinzaine d’années, les Affiches du Moniteur, un journal d’annonces légales, puis plusieurs magazines comme La Chasse en Alsace ou encore les Saisons d’Alsace ainsi qu’une flopée de productions de moindre notoriété. «  Pour autant, je ne partageais pas toujours la vision stratégique des éditeurs. En fait, j’étais en train d’apprendre, tout simplement. Et j’ai sauté le pas il y a deux ans en accompagnant ma fille dans la création d’une maison d’édition, Quitus, qui gère le label Vent d’Est. Sans l’aide de quiconque, Quitus/ Vent d’Est est parvenu à sortir sa première collection sur les Alsaciens célèbres. Elle a très bien marché, avec l’aide de Benoît Wirrmann, en tant que directeur de collection et auteur lui-même. Ces petits ouvrages ont trouvé leur public. D’ailleurs, nous allons réimprimer celui dédié à Émile Mathis, c’est un fait assez rare aujourd’hui pour être noté. » Et si l’art de l’édition, aujourd’hui, consistait à perpétuer la traditionnelle martingale flair + auteur talentueux qui a, depuis toujours, fait ses preuves ? «  Toujours un peu » concède Bernard Kuntz «  mais voilà : la difficulté des temps économiques que nous vivons fait que nous n’avons pas le moindre droit à l’erreur. Auparavant, le gros succès d’un ouvrage permettait de prendre quelques risques sur d’autres. Aujourd’hui, c’est fini et pour une petite maison d’édition comme la nôtre, aucun échec commercial n’est permis. Alors, il faut bien tout étudier, sur le fond comme sur la forme. Et oui, être très réactif : ce fut le cas pour «  Le guide des orchidées sauvages » de tout l’Est de la France. Son auteur, Damien Martinak » m’a envoyé un mail un vendredi soir qui m’a parfaitement permis de jauger le potentiel de ce livre. Je lui ai répondu le lendemain à 8h30, on s’est rencontré le lundi et on signait le lendemain… » Le guide, sorti juste avant la floraison, fait déjà un carton chez les libraires (ndlr)…

DES PROJETS AMBITIEUX VONT VOIR LE JOUR Et pour la prochaine rentrée littéraire, en septembre ? « J’ai du lourd » annonce cet éditeur plein d’audace. «  D’abord, «  Les Alsatiques photographiques », l’inventaire de tous les livres qui traitent de l’Alsace, de l’invention de la photo à 1920. Avant cette date, les livres paraissaient rarement audessus de trois unités, avec des reliures absolument extraordinaires. Christian Kempf, un photographe colmarien, les a presque tous recensés et a fait un travail titanesque sur les photos… Le livre de 376 pages sera édité à 1 000 exemplaires pour les amateurs purs et durs d’Alsatique. C’est la première fois que j’ai entre les mains un bouquin qui est un véritable voyage dans le passé de l’Alsace. Une pure merveille ! Nous allons aussi publier «  Coop Alsace : plus d’un siècle de complicité partagée », un livre très nourri qui sera comme l’album photos de la mythique Coop, plus de 512 pages et de 1000 illustrations qui vont rappeler à beaucoup tant de souvenirs. Nous sommes en train de recueillir le soutien des fournisseurs historiques de la Coop qui nous a ouvert toutes ses archives. Ce livre sera un hommage à mon grand-père qui travaillait

au Konzum, l’ancêtre de la Coop avant-guerre, un homme bosseur et très courageux, au boulot dès quatre heures du matin et qui ramenait toujours de quoi nourrir sa famille.

Nous aurons aussi un important ouvrage «  La merveilleuse histoire des marchés de Noël d’Alsace ». Je lance également la série des Portraits célèbres de Lorraine, qui sortira à l’occasion du Livre sur la Place à Nancy, les 12, 13 et 14 septembre prochains. » Malgré la crise économique et sans trop écouter les éternels oiseaux de mauvaise augure annoncer la mort programmée du livre (ce sont souvent ceux qui, depuis longtemps, n’en ont jamais lus – ndlr), Bernard Kuntz et Vent d’Est en appellent même aux auteurs : « Aujourd’hui, il faut conserver cette culture de nos ouvrages régionaux. Nous avons besoin de nouveaux auteurs, courageux et opiniâtres, qui doivent innover en trouvant des sujets originaux et encore non édités. C’est un peu dommage que cette audace soit pour l’heure le seul travail des éditeurs. Moi, je dis à ces auteurs : allez-y, remettez-vous y. Il reste tant de sujets intéressants à traiter !… » Or Norme va suivre cette démarche de près…

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AYMERIC CARON INCORRECT !

Entretien réalisé par JEAN-LUC FOURNIER Photos PATRICE NORMAND / OPALE EDITIONS FAYARD - DR

Vous venez d’être au centre d’une polémique, lancée par le réalisateur Alexandre Arcady, liée à de prétendus propos antisémites que vous auriez tenus durant l’émission de Ruquier et qui auraient été coupés au montage. Personne n’a vu ni entendu ces propos mais, pour autant, beaucoup se sont déchaînés ensuite, sur le net notamment…

Journaliste très en vue depuis qu’il occupe avec brio l’espace que lui a confié Laurent Ruquier dans « On n’est pas couché » chaque samedi soir, Aymeric Caron a accepté de nous parler de son métier durant deux heures, au siège parisien de son éditeur Fayard. Il sera en outre à Strasbourg le 13 juin prochain, invité par la Librairie Kléber, pour commenter son dernier livre… 45

Oui, beaucoup de gens ont raconté absolument n’importe quoi. Je m’en suis déjà expliqué sur Canal +, chez Thierry Ardisson et chez Maïtena Biraben. Et puis Laurent Ruquier et Franz-Oliver Giesbert, ce dernier étant présent sur le plateau ce soir-là, ont eux aussi expliqué publiquement les choses et ont très clairement démenti tout propos antisémite ou choquant de ma part. Je n’en dirai pas plus dans le cadre de cet entretien, c’est un principe que je me suis fixé depuis cette polémique, parce que je ne veux pas que cette histoire, pour le moins navrante, détourne de mon travail, ici en l’occurrence mon livre «  Incorrect ». Dans ce type d’émission, un danger menace le journaliste. Celui de franchir (même sans en avoir conscience) la frontière entre les règles de son métier et celles du divertissement…

Ce n’est pas le cas pour cette émission. Quand Laurent Ruquier m’a sollicité, il m’a fixé un cahier des charges qui tenait en trois mots : «  Sois toi-même ». Et depuis, on ne m’a jamais rien ordonné. Rien n’est calculé pour créer du buzz


et encore moins pour fabriquer des incidents. Il y a des moments âpres, des tensions et même des affrontements, d’accord, mais c’est parce que je peux pousser les invités dans leurs retranchements. Ces moments-là ne sont que les conséquences d’une interview et d’une discussion franche et honnête. C’est normal qu’il y ait de la pugnacité dans une interview. C’est le vrai boulot du journaliste, on a parfois tendance à l’oublier. Fondamentalement, un journaliste doit être un rebelle et doit être un contre-pouvoir. S’en étonner aujourd’hui est vraiment hallucinant. Sans «  On n’est pas couché », je n’aurais pas écrit ce livre… Justement, dans votre livre, «  Incorrect », vous révélez les impostures des tenants de ce que vous appelez « La droite bobards », les Elisabeth Lévy, Eric Zemmour, entre autres… Vous livrez aussi des faits incontestables. Mais, en permanence, en filigrane, on y découvre en fait un véritable plaidoyer en faveur de la profession de journaliste telle que vous la concevez… Ce livre est né d’une grande exaspération face à ces bobards qui ne datent pas d’hier. En travaillant pour «  On n’est pas couché », j’ai vraiment réalisé le décalage qui existait entre la réalité objective des choses et la manière dont certaines personnes parlent de cette réalité en la détournant ou en la niant. Dans mon livre, je donne en effet des exemples concrets sur l’insécurité, l’immigration, l’islam qui, tous, prouvent les amalgames, les fantasmes, les a-priori qui sont véhiculés à longueur d’antenne par la droite bobards. Ils ont un art consommé de manier des concepts creux, des mots vides de sens et en arrivent vite aux injures dès qu’on les pousse un peu dans leurs retranchements. Zemmour par exemple détourne constamment les faits. Comme il use de références historiques qu’il prétend pointues, on ne décrypte pas toujours immédiatement les mensonges. Mais quand on vérifie, on tombe vite dessus. Le Zemmour des trois dernières années n’est plus le même qu’auparavant, il est devenu un idéologue perdu dans sa propre vision fantasmée. Il dit des énormités et, sous-couvert de ces fameuses vérités qui dérangent, il en vient aux discours de haine qui sont dans la pure lignée de ceux du FN. Ce qui est particulièrement gênant, c’est que dans ses éditos sur RTL, il promeut ces idées sans que le journaliste présent en studio n’éprouve parfois le besoin de l’interrompre pour lui dire qu’il ment ou qu’il se trompe… Nous parlons là d’une radio qui, depuis des lustres, est la première de France. Et elle pourrait se permettre de confier son antenne, chaque matin, à un personnage pareil ?.. Je crois que, peu à peu, la station est en train de s’apercevoir de tout ça. Elle lui a déjà diminué son temps d’antenne. Comme il ne cesse de se radicaliser, je pense que la station est en train d’étudier tout cela de près… Le grand public vous a découvert grâce à «  On n’est pas couché   » mais vous avez déjà une carrière impressionnante. Europe 1, Canal +…

Déjà, à I-Télé, je m’étais aperçu de cette forme de dictature du temps qui fait que le journaliste ne parvient pas à potasser convenablement ses sujets d’enquête et de reportage. J’ai

quitté cette chaîne car je n’étais pas d’accord sur l’évolution de sa ligne éditoriale. Quand je recevais des invités qui avaient écrit un livre, il me fallait le temps de le lire. C’est quand même le B-A BA de la profession, non ? Et bien, le fait que les autres présentateurs ne le fassent pas, ça ne semblait gêner personne. La direction s’en foutait. On me poussait à réduire mon temps de préparation, on me poussait à faire comme les autres. C’est la machine qui veut ça… J’ai accepté la proposition de Laurent Ruquier parce que je savais que j’allais profiter d’un luxe fabuleux, celui d’avoir du temps pour potasser mes dossiers. Laurent anime une vraie émission de fond qui est beaucoup plus qu’une simple émission de divertissement. Dans ce contexte, j’ai beaucoup plus de temps pour m’exprimer en tant que journaliste, beaucoup plus de temps pour entrer dans la nuance et la subtilité. Je ne donne mon avis qu’après avoir rappelé les faits. Un peu à l’anglosaxonne. En France, on a un journalisme d’opinion avant tout. Ça met en avant des gens qui sont capables d’écrire des essais remplis de thèses qui ne sont étayées par rien. Je trouve que c’est consternant pour la démocratie. Pour autant, je ne jette pas la pierre à mes confrères car tout est fait pour nous empêcher de fonctionner plus judicieusement. Je sais de quoi je parle : j’ai été étudiant, puis prof en école de journalisme. Dans ces écoles, tout est fait pour te faire rentrer dans le moule. La crise de la presse est venue encore durcir et compliquer tout ça. Les écoles de journalistes se sont multipliées depuis dix ans, elles font rêver les jeunes mais que de difficultés pour trouver ensuite un poste ! Alors, quand ils en ont un, les journalistes sont obligés de la boucler… Il y aura une fin à votre collaboration à «  On n’est pas couché ». Vous avez pensé à l’après ?

Non, pas vraiment. Ce que je sais, c’est qu’avant Laurent, aucun de mes supérieurs ne m’encourageait à persister dans ma méthode exigeante et parfois surprenante. On m’encourageait plutôt à lever le pied. Laurent a été le premier à me permettre de m’épanouir en tant qu’intervieweur et à me demander de pratiquer à fond ce journalisme offensif et constructif. Après « On n’est pas couché », je ne sais pas encore ce que je ferai, je ne me projette pas… Ce qui est sûr, c’est que je souhaite continuer à être libre… C’est donc un incorrect résolu que nous allons recevoir à la librairie Kléber le 13 juin prochain… Oui. Et je me réjouis d’être au rendez-vous… » 46


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Benoît Schupp - mon nom est Légion

Déjà quatre ans que la librairie Kléber n’avait pas édité « Le Livre de ma vie ». Des dizaines de Strasbourgeois figureront dans l’édition 2014 qui sortira le 19 juin prochain, à 18 heures précises. La différence entre une vraie librairie et un endroit où l’on vend entre autres des livres ? Simple : les libraires sont avant tout des lecteurs, amoureux exclusifs du livre. En prélude, chaque libraire de l’établissement-phare de Strasbourg nous parle du livre de sa vie. Certains de leurs choix sont surprenants…


OLGA PHILONENKO • LIBRAIRE RAYON POLAR // SOKORINE • La glace Une bien étrange secte, la Confrérie de la Lumière Originelle, kidnappe des individus dans les rues de Moscou afin de «  révéler » une population «  élue », destinée à atteindre l’ éternité. Pour cela, les membres de la secte frappe la cage thoracique de ses victimes avec un marteau taillé dans la glace d’une mystérieuse météorite. Ceux qui survivent sont censés parler le véritable « langage du coeur », alors que les autres se réduisent à de simples «  machines de chair », carcasses vides, creuses et inutiles... Si parfois la glace diffracte la lumière, Sorokine lui, diffracte son récit, à la fois thriller métaphysique et science-fiction pamphlétaire; et s’il nous propose à travers cette fable eschatologique la confrérie comme métaphore de tous les totalitarismes, il nous impose la dystopie comme vision de tous les avenirs possibles. Un roman provocateur, subversif et lumineux qui nous rappelle que la glace brûle.

NOÉMIE LESIRE • LIBRAIRE RAYON ALSATIQUE // JEAN-PAUL SARTRE • Huit clos Il est des livres qui marquent l’existence et qui ont le goût sucré des friandises. Huit clos est ma confiserie fétiche à moi, mais plutôt acide s’il en est… Trois personnages enfermés dans un salon impénétrable, morts de surcroît, sont condamnés pour l’Éternité à attendre leur destin. Ainsi débute cet hallucinant huit clos où Sartre fait preuve d’un génie sans borne et nous livre une pièce à la simplicité diabolique et à la mécanique redoutable. Soumis aux perpétuels jugements des autres, les trois protagonistes s’engoncent dans leur mauvaise foi et dans une vision étriquée et faussée de ce qu’ils sont en réalité. Ne songeant à aucun moment à modifier cet état de fait, ils finissent par se poser en bourreaux les uns envers les autres et deviennent par voie de fait des victimes auxquelles toute liberté individuelle a été annihilée. «  L’enfer c’est les autres » vous avez dit ? Mais ça, c’est ce que vous en faites !

THIERRY JOBARD • LIBRAIRE RAYON HISTOIRE // BLAISE PASCAL • Pensées Je ne peux pas dire que j’aime ce texte. Il m’attire, il m’inquiète, il me fascine, mais je ne l’aime pas. Pas tout à fait. Peut-on aimer quand on vous fait violence ? Chateaubriand parlait de lui comme d’un «   génie effrayant  », donnant de lui, avec les romantiques, l’image d’un esprit surpuissant enté sur un corps maladif et souffrant. Je le vois plutôt plein de malice et d’agilité. Bretteur caustique contre les jésuites dans les Provinciales, d’Artagnan de la dispute théologique qui ne se contente pas de vaincre mais nargue ses adversaires au passage. Il a cet esprit français qui nous fait tant défaut aujourd’hui. Non pas celui de son illustre contemporain Descartes, qui suit la droite raison, mais cet autre qui sait garder une légèreté plaisante en toute occasion. Faire les choses avec sérieux sans se prendre au sérieux. Sait-on encore faire cela ? Contradictions, paradoxes et ironie, Pascal s’amuse, y compris de lui-même. Certes il s’agissait d’un projet d’apologétique du christianisme. Mais il nous en apprend d’abord sur l’homme, coincé entre néant et infini, oublieux de luimême dans un permanent divertissement (tiens ?). Il n’impose pas sa vérité mais, à l’âge des grands systèmes classiques, reconnaît qu’elle est sinueuse, multiple et que, de son point de vue, chacun détient une part de vérité. Tout n’est pas blanc ou noir avec lui et il faut sans cesse sortir de soi-même ; vivre avant d’écrire. Polémiste, libertin, ascète, génie, il a vécu. Son livre est un piège.

DAVID CUISSET • RESPONSABLE LOGISTIQUE // AUGUST BINZ • Flore de Suisse Au risque de vous décevoir, le livre qui, à ce jour, a le plus marqué ma vie, n’est ni un roman, ni un récit historique, ni un livre de philosophie… il s’agit en fait d’une Flore : un petit livre de botanique regroupant la description et permettant la reconnaissance de la plupart des fleurs et arbres qui nous entourent. Un livre, sans histoire ni image, qui raconte pourtant une merveilleuse histoire : celle de la vie, de l’évolution, de la diversité des plantes, et par là même des paysages que nous côtoyons tous les jours. Pour être tout à fait honnête avec vous, je dois avouer que c’est contraint et forcé que je l’ai acheté. En effet, à l’époque, je n’y connaissais rien en botanique et j’avais besoin d’une Flore dans le cadre de mes études de Biologie. La Flore de Suisse d’August BINZ était une référence indispensable… et c’est comme cela que tout a commencé. Jamais je n’aurais imaginé m’intéresser autant à un livre. Et pourtant, je ne compte plus les après-midi passées à vagabonder dans la nature à la recherche de nouvelles plantes, ni les soirées à identifier les innombrables végétaux que j’ai pu récolter. Aujourd’hui encore, que ça soit en randonnées ou en vacances, je ne pars pas sans glisser mon «  BINZ  » dans mon sac. 48


ISABELLE BALADINE HOWALD • LIBRAIRE RAYON PHILOSOPHIE WG SEBALD • Austerlitz Austerlitz, de WG Sebald, écrivain allemand (1944-2001) est paru chez Actes Sud peu après la mort prématurée de l’auteur, que l’on commençait à découvrir en France avec ferveur, dans une superbe traduction de Patrick Charbonneau. D’emblée on est dans le flottement biographique, celui de Jacques Austerlitz, errant sublime, et de sondouble, l’auteur, «  Max  » - son surnom car il détestait ses prénoms qu’il trouvait «  nazis », comme son père l’était - Sebald. Le narrateur rencontre Jacques Austerlitz à la gare d’Anvers puis trente ans plus tard à celle de Londres. Entre les deux, à la recherche de son passé, de ses origines, Austerlitz lui livre peu à peu des pans d’Histoire avant de laisser découvrir sa biographie d’enfant juif exilé cherchant sa mère ou son père de la salle des pas perdus des gares, des allées des cimetières jusqu’aux baraques de Theresienstadt. Ce livre bercé de chagrin et de traces introuvables est parcouru de surimpressions constantes, les archives photographiques mystérieuses traversant ces voix croisées, fantomatiques. Écrites dans une langue somptueuse, hantée de littérature et d’une douleur sourde - comment, pour Sebald, continuer d’être allemand ? - , ces phrases interminables et parfaites sont de toute beauté. C’est d’un monde disparu et d’un homme infiniment secret qu’il est question, ce sont des descriptions minutieuses du flou qui font apparaître la poussière d’or du temps, le désir de l’oubli tout autant que la remontée des souvenirs. Austerlitz est un chef d’oeuvre bouleversant. C’est le seul livre de ma vie que je voudrais ne pas avoir déjà lu pour pouvoir le découvrir.

DELPHINE MUNSCH • LIBRAIRE RAYON LITTÉRATURE PAUL AUSTER • Chronique d’Hiver C’est adolescente que je suis entrée dans l’univers de Paul Auster. Je l’ai suivi bien longtemps et puis me suis lassée. Les découvertes inattendues qui étaient alors en correspondance avec moi ne coïncidaient plus avec ce que j’étais en train de devenir. Et puis voilà que je me laisse tenter par Chronique d’Hiver, roman des sensations physiques de Mr Auster, récit où il s’observe vivre, aimer, jouir et s’abîmer. À nouveau en adéquation avec lui je prends conscience du temps qui passe et de la fragilité de l’être humain : l’homme est mortel. Et puis il y a cette phrase de Jean-Louis Trintignant à Paul Auster, lors d’une rencontre entre les deux hommes dans le sud de la France. Imaginez ces deux monstres, imaginez surtout la voix de Jean-Louis Trintignant qui dit : «  Paul il y a juste une chose que je voudrais vous dire. à cinquante-sept ans, je me sentais vieux. Maintenant à soixante-quatorze ans je me sens beaucoup plus jeune qu’à l’époque » (p.38 in Chronique d’Hiver). Troublée, je ne pense pas encore avoir saisi toute l’étendue de cette pensée mais j’y songe un peu tous les jours. Et j’avance…

ALEXIS MOUGENOT • LIBRAIRE RAYON LITTÉRATURE ALAIN DAMASIO • La horde du contrevent Coup de force pour ce second roman qui condense tout ce qui fait un excellent livre. Un livre-monde original où l’individualité n’est rien. Seul survit le groupe face à la puissance du vent qui balaye la planète, échappe à tout contrôle, à toute compréhension. Un récit polyphonique à 23 voix (autant de narrateurs) réunies par un seul objectif : comprendre, trouver la vérité à tout prix. Alain Damasio s’approprie la langue, invente des mots, joue sur la syntaxe et nous livre un objet-texte poétique, philosophique et dont le sujet n’est autre que le devenir de l’Homme. Original tant sur le fond, la forme que sur le parcours éditorial, ce grand roman promet une expérience de lecture unique. Outrepassez vos préjugés sur la littérature de l’imaginaire et jetez-vous dans cette histoire qui ne laisse pas de marbre et pousse à penser commun, à penser terre.

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NATHALIE HUSSER • LIBRAIRE RAYON SCOLAIRE BJÖRN LARSSON • Le Capitaine et les rêves Un capitaine sans port d’attache accoste dans la vie de quatre personnages dont il va changer le destin. En l’espace de quelques heures, cette rencontre les marque tant, que, chacun de son côté, ils partent à sa recherche. Leur pas les mèneront dans un petit port d’Irlande, où ils se rencontreront, et retrouveront leur Capitaine, qui leur proposera de partir en mer, invitation qui finira de changer leur vie pour toujours. Le Capitaine et les rêves est un formidable roman d’aventure, et son personnage messianique, dont on ne saura presque rien, sinon qu’il semble avoir vécu mille vies, comme son auteur, en fait l’un des plus inoubliables. Ce livre, que j’ai lu avec passion il y a quinze ans, s’est rappelé à moi il y a très peu de temps, alors que je pensais l’avoir oublié. J’avais totalement effacé de ma mémoire le lieu du récit, et me suis demandée, pendant plusieurs jours, pourquoi ce rappel à cet instant et à cet endroit. Ce n’est qu’à mon retour d’Irlande que j’ai compris… Oui, les livres ont leur vie propre. Il leur arrive de délicatement vous tapoter l’épaule. «  Chaque fois que je descends à terre dans un coin perdu du monde, je fais en sorte de trouver quelqu’un qui rêve d’une vie différente et légèrement meilleure. J’insuffle de la vie dans leurs rêves, voilà ce que je fais. Je ne peux pas m’en empêcher, malgré toute l’envie que j’en aie. »

LORYANE VINCENT • LIBRAIRE RAYON PRATIQUE GILLES LEGARDINIER • Nous étions les hommes Un polar où la réflexion se mêle aux sueurs froides ? Nous étions les hommes, par l’auteur Gilles Legardinier, nous plonge dans un décor de laboratoire, froid, aux odeurs médicales. Dans un hôpital d’Édimbourg, le docteur Kinross, assisté de Jenni Cooper, découvre l’existence d’un mal qui ronge l’Homme : la maladie d’Alzheimer. Celui-ci se rend compte que ce mal dégénère et se révèle bien plus effrayant. Elle dénature l’Homme, lui fait perdre toute conscience de respect, d’amour ; il devient agressif et commet des meurtres à profusion sans pouvoir s’arrêter. Ce virus se propage plus vite que l’éclair : une course contre la montre commence alors pour nos deux scientifiques ! La philosophie se mêle à une enquête intense et sociologique. Plus l’on avance sur le chemin sombre du diagnostic, plus l’on a l’impression de ressentir les émotions propres à la fébrilité d’un film d’horreur. Le rapprochement flagrant avec la société actuelle installe un malaise que l’on veut tout de même déchiffrer, comme s’il on désespérait d’y trouver une autre issue. Un big-bang sur fond d’enquête classique de roman policier : à découvrir absolument pour un voyage humaniste dépeint par un auteur surprenant de réalisme !

DAMIEN BREM • LIBRAIRE RAYON BEAUX-ARTS ALBERT COHEN • Le livre de ma mère Belle du Seigneur fut pour moi un éblouissement absolu. L’écriture. L’histoire. Tout m’avait subjugué. Vite, vite, vite il me fallait un autre livre d’Albert Cohen, je voulais en lire un autre ! Tout de suite ! Ce fut Le livre de ma mère. Par quels hasards ? Je ne sais plus. Cette lecture fut un nouveau bouleversement, totalement différent du premier. Là, comment ne pas être ému par le portrait drôle et mélancolique de cette mère maladroite et généreuse, ridicule et pathétique mais aimant son fils d’un amour absolu ? Par quels mystères aussi ce texte me revient-il en mémoire chaque fois que j’ai envie de me montrer inconséquent, capricieux, ingrat à l’égard de mes proches et de ma mère en particulier ? Là non plus je ne sais pas. Se dessine alors dans mon esprit le portrait de cette femme et particulièrement l’anecdote chez la comtesse. Un jour, Cohen, jeune diplomate, est invité chez des «  mondains » ; sa mère sans nouvelles de sa part téléphone, inquiète, chez ces gens, ces «  crétins cultivés   », et avec sa maladresse, son accent d’orientale déracinée demande si son fils est toujours chez eux. Celui-ci mortifié lui fera à son retour une scène d’une violence inouïe avant de s’en repentir. Qu’est ce qui vaut la peine de blesser quelqu’un qui vous aime d’un amour véritable ? Rien. Ni un caprice, ni la comédie sociale. Je ne l’ai compris qu’à travers ce livre d’amour au parfum mélancolique et cette scène qui agit comme un garde-fou. Photos : Gwendolyne Delisle

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WEEK-END AU SOLEIL

MARSEILLE, UN AN APRÈS… Texte BENJAMIN THOMAS Photos MÉDIAPRESSE - DR

L’événement «  Capitale européenne de la Culture 2013  » a superbement remis en valeur la capitale phocéenne qui, un an plus tard, surfe encore sur sa lancée. C’est l’été : vous pouvez encore vous en rendre compte par vous-même…

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Marseille, mille fois visitée et jamais la même. La ville peut paraître toujours aussi surprenante, bordélique, curieuse, inquiétante, fantasque… mais jamais son charme ne cesse de magnétiser. En cette mi-2014, elle surfe encore sur son beau succès de l’an passé. Et elle montre de très belles choses…

L’OMBRIÈRE DU VIEUX-PORT ET LE PANIER

dresse depuis 1640, date à laquelle il accueillait «  les gueux de Marseille ». Cet ancien mouroir, riche de mille histoires toutes plus sordides les unes que les autres, est devenu un splendide lieu artistique, sur ses trois niveaux. Actuellement, et jusqu’au 22 juin, l’expo «  Visages » concentre un ensemble d’œuvres de Picasso à Wahrol, en passant par Bacon, Magritte, Ernst, Giacometti et beaucoup d’autres qui, à elles seules, valent le détour. D’ailleurs, à elle seule, la restauration du lieu mérite d’être découverte. Splendide, on vous dit… La balade estivale que nous vous proposons (en un court week-end, pourquoi pas ?..) vous amènera vers deux réalisations architecturales habilement mises en avant dans toute la communication mondiale générée par l’événement 2013 et la visite d’un lieu surprenant… En bas de la Canebière, l’accès au Vieux-Port a été métamorphosé. Si la géographie particulière de la ville n’a pu permettre l’éradication complète du transit automobile (c’eut été la congestion assurée..), le bas de la célèbre avenue a complètement été remodelé et est devenu semi-piéton. Un large parvis a été réalisé à l’endroit même où Pagnol filmait Fanny en train de vendre ses poissons. Et une superbe ombrière a été érigée. Son architecte, le célèbre britannique Norman Foster, a réalisé là un objet unique, très identifiant pour la nouvelle image de Marseille. Avec une idée de génie : celle du gigantesque miroir qui lui fait office de plafond. Sous toutes les lumières du jour (mais aussi au crépuscule), l’élégance des lignes est parfaite et les reflets des passants et même de l’eau attenante sont un régal. Sans doute l’ombrière de Foster est-elle en passe de détrôner la basilique de la Bonne-Mère au hit-parade des sites les plus photographiés de Marseille… Laissez vos pas remonter légèrement l’avenue puis vous faire bifurquer à gauche. Barrant le boulevard Carnot se dresse devant vous le quartier du Panier, un des plus anciens de Marseille. Qu’il soit devenu à jamais le quartier qui a inspiré l’écriture de la série TV «  Plus belle la vie  » est complètement anecdotique (d’ailleurs, rien n’a été tourné là, tout a été enregistré en studio mais vous ne trouverez pas un Marseillais pour vous l’avouer…). En revanche, le quartier a lui aussi bénéficié des effets de Marseille-Provence 2013 avec la rénovation complète de l’Hospice de la Vieille Charité qui se

LE CHOC MUCEM

Redescendre du Panier côté sud (par son entrelacis de petites rues superbes) pour revenir au Vieux-Port a toujours été possible bien sûr, mais correspondait à une vue imprenable sur des docks décrépis et glauques à souhait. C’est fini ! Au bas du Panier se dresse désormais le fameux MUCEM (Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée). Là encore, l’architecture est incroyable avec sa belle résille de béton noir qui enveloppe formidablement l’établissement, œuvre du «  local » Rudy Ricciotti. Sous tous les angles possibles (si, si, nous avons fait le tour pour vous…), l’harmonie et la grâce sont omniprésentes. Et les photographes, là encore, se régalent. Tout en haut du bâtiment, et toujours à «  l’ombre » de cette résille, un bar à l’accès libre fournit une des plus belles vues sur la mer. Superbe… Jusqu’au 25 août prochain, le MUCEM propose Splendeurs de Volubilis, une exceptionnelle présentation des collections de bronzes antiques des musées marocains. Avec, en parallèle, une foule d’événements parmi lesquels une programmation de films d’art pour certains très rares… Osez Marseille cet été ! 52


EXPO TGV

MAPPELTHORPE LES INDIENS ET L’ORIENT-EXPRESS VOUS ATTENDENT À PARIS

Texte ERIKA CHELLY Photos MEDIAPRESSE ROBERT MAPPLETHORPE FOUNDATION. USED BY PERMISSION

MUSÉE DU QUAI BRANLY RMN.

A elles seules, ces trois expos méritent bien l’aller et retour à Paris en un week-end. Juste avant vos vacances, ne les ratez pas. A la rentrée, elles ne seront plus là et l’occasion ne se représentera pas de sitôt…

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ROBERT MAPPELTHORPE AU GRAND PALAIS Il fut sans doute un des photographes les plus sulfureux de la seconde moitié du XXème siècle. Robert Mapplethorpe fut le très jeune compagnon de Patti Smith (relisez «  Just Kids », le livre qu’elle lui a consacré il y a quelques années, un ouvrage incroyable et émouvant) et se lança ensuite dans une œuvre photographique exceptionnelle. Le grand public ne connaît de lui que ses clichés de nus d’éphèbes noirs qui ont fait s’étrangler des armées de Christine Boutin de part et d’autre de l’Atlantique. Certains sont re-présentés dans l’expo. Les œuvres les plus crues sont d’ailleurs réunies dans une sorte d’alcôve «  interdite au moins de 18 ans » dans laquelle on pénètre en traversant un rideau comme dans les sex-shops des années 70. Provocation ou précaution légale ? Allez savoir avec la drôle d’époque que nous vivons… Mais les autres photographies sont là pour enfin rendre justice à ce provocateur-né : Robert Mapplethorpe était en recherche permanente de l’harmonie, de l’esthétique et du beau. On adore ces expos qui remettent les pendules à l’heure… Jusqu’au 13 juillet

«  INDIENS DES PLAINES » AU MUSÉE DU QUAI BRANLY Sans nul doute l’expo la plus émouvante et la plus surprenante jamais présentée depuis l’ouverture du Musée du Quai Branly. Avant l’arrivée des hommes blancs dans les vastes plaines qui s’étendaient du Montana au Texas et du Mississipi aux Montagnes Rocheuses, les différents peuples indiens vivaient dans une harmonie profonde avec la généreuse nature qui les environnait, leurs croyances et leur monde spirituel se matérialisant via le temps qui passait, les saisons et autres événements météorologiques. Comme tous les peuples de la terre, ils étaient aussi des artistes. D’incroyables artistes, comme en témoignent les 132 objets et œuvres d’art présentés par l’expo. Comment dire ? C’est une splendeur d’un bout à l’autre qui, plusieurs siècles plus tard, fait vraiment prendre conscience de l’infâme génocide qu’ils ont subis, loin des caméras et du grand barnum médiatique qui n’existaient pas encore. On vous fait le pari que certaines des œuvres présentées resteront à jamais gravées dans votre mémoire… Jusqu’au 20 juillet

«  IL ÉTAIT UNE FOIS L’ORIENT-EXPRESS » À L’INSTITUT DU MONDE ARABE Vous pénétrez dans un des célèbres wagons de ce train mythique. Vous le traversez en admirant les délicats placages de bois précieux et les appliques de Lalique. Le wagon suivant est le wagon-restaurant. Sur les tables, les carnets de notes des voyageurs, les couverts en argent massif, les assiettes de porcelaine fine, un journal qui traîne là et annonce l’actualité du jour, un cendrier et son mégot qu’on jurerait encore fumant… Un luxe de détails proprement sidérants, comme si vous étiez un des passagers réels de cette époque inoubliable. Plus loin, un autre wagon, celui des cabines. La mise en scène du célèbre crime qui n’eut jamais lieu dans la réalité (une pure invention de maman Agatha…). Vous sortez du convoi (les wagons d’origine, convoyés tout spécialement sur le parvis de l’IMA) pour visiter le reste de l’expo. De quoi en prendre encore plein la vue, avec les célèbres affiches, les documents imprimés de l’époque, les objets. Plus tard, vous ressortez en remerciant Jack Lang, tout nouveau directeur de l’établissement. Plus ministre, mais toujours le flair… L’expo-événement ne désemplit pas, réservez votre visite le matin (vous achetez un créneau horaire, en fait) et revenez l’après-midi à l’heure dite, vous éviterez ainsi l’horrible enchaînement de la (très) longue file d’attente suivi de la visite et votre plaisir sera intact. Jusqu’au 31 août 54


LE VOYAGE À NANTES OU L’ÉTÉ DE TOUS LES POSSIBLES Texte VÉRONIQUE LEBLANC

Il ne pleut pas toujours sur Nantes et si aucun bal n’est donné sur ses ponts, la ville captive dans ses métamorphoses. Imaginez un éléphant de 12 mètres arpentant le site des anciens chantiers navals à deux pas d’un carrousel des mondes marins estampillé « attraction la plus originale au monde », de cossus immeubles classiques tout de guingois, le visage de Laetitia Casta dans la mouvance aquatique d’un canal, une maison qui semble se noyer dans la Loire, le souvenir d’Anne de Bretagne... il y a tant de raisons de faire «  Le Voyage à Nantes.   »

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A Nantes, "la vie n'est pas la même qu'ailleurs, écrivait André Breton dans "Nadja" car "un esprit d'aventure au delà de toutes les aventures habitent encore certains êtres". Parmi les plus illustres de ceux-là, Jules Verne qui naquit dans l'Ile Feydeau aujourd'hui intégrée au tissu urbain par les comblements de l'Erdre. De sa maison-musée, tout en haut de la butte Sainte-Anne, le regard plonge vers l'ancien port de mer, "point de départ et d'arrivée de nombreux voyages au long cours", écrivait-il. Horizon de voiles qui nourrit ses propres "voyages extraordinaires", de la terre à la lune, par delà les océans et jusqu'à "Vingt mille lieues sous les mers". Est-ce en hommage à l'écrivain que navires, bathyscaphes, raie Manta et autres monstres des abysses mènent aujourd'hui la danse dans le "Carrousel des mondes marins ? Sans doute mais pas seulement car la ville s'entend à jouer de tous les imaginaires. Breton avait raison, Nantes a de l'audace et de l'audace il lui en a fallu... Ne serait-ce que pour apaiser les démons d'une prospérité d'antan fondée sur le "commerce triangulaire" reliant l'Europe, l'Afrique et les Amériques. Sinistre trafic d'esclaves à destination des colonies du Nouveau monde permettant à l'Europe de s'approvisionner en produits de ces terres lointaines.

REMUE-MÉNAGE URBAIN, BRANLE-BAS CRÉATIF Passé longtemps refoulé que Nantes assume désormais dans son bouleversant «  Mémorial de l’esclavage » et évoque au rythme des 18 Anneaux installés par Buren sur le Quai des Antilles. Anneaux d’esclaves, anneaux d’amarrage mais aussi anneaux nuptiaux qui relient la Loire au si proche Atlantique... Cette oeuvre, comme bien d’autres, constitue l’une des étapes du «  Voyage à Nantes  » créé en 2012 par Jean Blaise, un homme qui fut aussi à l’origine de la maison de la culture de la ville et de la métamorphose des anciennes usines LU en un «  Lieu Unique  » consacré aux arts actuels. Le «  Festival des Allumés  », le «  Festival Fin de siècle  » et la triennale d’art


Cr : Gino Maccarinelli/LVAN

CARROUSEL DES MONDES MARINS ET ELÉPHANT DE NANTES

Les anneaux de Buren

contemporain «  Estuaire  » ont également été de son fait mais si les deux premières manifestations disparurent, la dernière se fondit dans «  Le Voyage à Nantes  ». Vaste remue-ménage urbain, branle bas de combat créatif, ou «  renversement par l’art  » selon le mot de Jean Blaise lui-même, cette joyeuse entreprise compte une trentaine d’étapes reliée par une ligne verte tracée aux sols de la ville.

C’est à Los Angeles que Pierre Orefice et François Delarozière recevront l’award de l’attraction la plus originale au monde pour leur «  Carrousel de Mondes marins  ». Ils n’avaient pas postulé mais ce sont des Américains, membres du jury de passage à Nantes en 2012, qui les ont défendus sans même qu’ils le sachent. «  On avait bien conscience d’avoir fait quelque chose d’original, se souvient Pierre Orefice mais de là à penser qu’on serait visible aux Etats-Unis, terre de fastueux parcs à thèmes s’il en est...  » Avec l’Eléphant et un autre manège plus classique ce carrousel déployé sur trois étages constituent le parc des «  Machines

LAETITIA CASTA SE FAIT NYMPHÉA

Cr : Gino Maccarinelli/LVAN

Les oeuvres jaillissent au détour d’une rue, dans l’ampleur d’une place ou bien au fil de l’eau... Un arbre lunaire flanque la maison de Jules Verne, un pendule géant marque le rythme de la chamarrée Trentemoult, fief modeste des cap horniers où Catherine Deneuve, Bernard Giraudeau et Richard Bohringer tournèrent la «  Reine Blanche  » de Jean-Loup Hubert... L’oeil s’attarde sur un élément remarquable de la ville des ducs de Bretagne, s’étonne du double visage de la «  Prudence  » au tombeau de la cathédrale... et l’on flâne dans le passage Pommeraye où Jacques Demy -Jacquot de Nantes- tourna «  Un Chambre en ville  ». A la tombée de la nuit s’éveillent d’autres magies. Les anneaux de Buren s’illuminent, Laetitia Casta se fait «  nymphéa  » au miroir des eaux du canal SaintFélix. Du Lieu Unique à la pointe ouest de l’île de Nantes, de jour comme de nuit, la ville se la joue artistique, poétique, humoristique, décalée et conviviale. Elle invite au voyage jusque dans l’estuaire lui-même, aux abords de Saint-Nazaire et Saint-Brévin où se découpe l’étrange carcasse d’un «  Serpent d’océan  ». Du 27 juin au 31 août, Nantes déroulera le fil vert de son «  Voyage  ». D’oeuvre en oeuvre, celles-ci et bien d’autres destinées - ou pas - à s’installer à demeure dans une ville longtemps appelée la Venise de l’Ouest.

« Serpent d’océan » de Huang Yong Ping

Le Carrousel de mondes marins

de l’Ile  » installé sur les docks désaffectés à la pointe la plus maritime de la ville. Il combine «  ce qui existe  » et «  ce qui n’existe pas  » car «  l’imaginaire marin est sans limite  ». Adultes et enfants s’en emparent tout comme ils grimpent à bord du colossal Eléphant de Nantes, sculpture en mouvement aux frontières du vivant et du mécanique. Le but d’Orefice et Delarozière, anciens de la compagnie «  Royal De luxe  » née à Toulouse mais désormais établie en bord de Loire, fut de «  porter le regard des passants au niveau des yeux de l’animal pour voir la ville autrement  ». Et s’il choisirent l’emblématique pachyderme qui, comme on le leur fit remarquer n’avait rien à voir avec Nantes, c’est pour «  sa longévité, sa fidélité et l’intelligence qu’il a de son territoire.  » Territoire, le mot est lâché et il compte double sur ce lieu longtemps en friche que les Nantais ont dû se réapproprier. Pour leur plus grand plaisir et celui des visiteurs qui chaque année découvrent ou redécouvrent carrousel et éléphant, points forts eux aussi du «  Voyage à Nantes  ». 512 000 visiteurs en 2012 et cette année, des chiffres en hausse dès février que le fil vert de l’été gonflera encore. 56


LE NOUVEAU CAFÉ BRANT C’EST POUR SEPTEMBRE - OCTOBRE Texte JEAN-LUC FOURNIER Photos MÉDIAPRESSE – DR

On profitera sans doute des derniers rayons de soleil avant l’automne à la terrasse du Café Brant. La bonne nouvelle vient d’être confirmée par son propriétaire, Jean-Noël Dron. Bien sûr, durant l’été à venir, on aurait tellement aimé pouvoir s’alanguir de nouveau sur une des terrasses les plus agréables de Strasbourg, celle du Café Brant, place de l’Université. Ce ne sera pas possible, travaux obligent. Car le nouveau Brant va enfin voir le jour, comme nous le confirme son propriétaire, Jean-Noël Dron qui, l’hiver dernier, avait relevé le défi et évité que cet établissement tant prisé par sa clientèle ne se transforme en toute autre chose que l’exceptionnel lieu de convivialité et de rencontre qu’il a toujours été depuis ses lointaines origines.

DES OBLIGATIONS IMPORTANTES D’entrée, Jean-Noël Dron récuse l’idée de retard : « Non, on ne peut pas parler comme ça. Il y a eu concernant le Café Brant plusieurs sujets à prendre en compte de manière concomitante. Déjà l’établissement était fermé. Dès lors, on se situe presque plus dans le cadre d’une « création » que dans celui d’une simple reprise avec toutes les autorisations à solliciter et à obtenir. Le Café Brant étant nouvellement inscrit au titre des monuments historiques, de nouvelles obligations en ont découlé. Tout ce travail en amont du dépôt du permis de construire est long, certes invisible lorsque l’on passe devant la devanture, mais nécessaire et aujourd’hui finalisé. Nous avons trouvé dans les services tant municipaux que préfectoraux des interlocuteurs concernés. On pourrait considérer que le processus est long, mais finalement pas tant que cela lorsque l’on prend en compte l’intégralité des questions avec des réponses bien souvent interdépendantes à traiter. Aujourd’hui tous les dossiers sont prêts. Dès l’obtention du permis de construire, qui constituera le «  top », il suffira alors de dérouler. Je peux donc vous confirmer que l’ouverture se fera pour la prochaine rentrée universitaire, en septembreoctobre… » 57

DES INNOVATIONS Un point tient beaucoup à cœur aux nombreux clients qui fréquentaient le lieu, celui de cette ambiance inimitable qui y régnait. Tous entendent bien la retrouver. Son importance n’a manifestement pas échappé au nouveau propriétaire : «  Je vous lis le considérant de l’arrêté préfectoral du 8 avril 2014, inscrivant le Café Brant au titre des monuments historiques : «  Considérant que la conservation du Café Brant, présente pour son histoire sociale, pour les personnalités qui l’ont fréquenté, pour la qualité de sa situation urbaine et la représentativité de ses décors intérieurs, un intérêt suffisant pour en rendre désirable sa conservation…” C’est parfait, non ? Tout y est dit. C’est tout le sens de mon engagement dans ce projet. Nous allons innover avec l’installation d’une cuisine permettant une véritable offre de restauration qui manquait à l’établissement qui bénéficiera de 104 places assises. La décoration et le mobilier vont nécessairement changer puisque tout avait été vendu par l’ancien exploitant lors de la fermeture. Cela fait l’objet de beaucoup d’attention de la part de l’architecte et d’échanges aussi avec la DRAC qui ne l’oublions pas à son mot à dire à présent. Pour ce qui est de la décoration, on peut laisser quand même un peu d’effet de surprise… » Jean-Noël Dron n’en dira pas beaucoup plus, annonçant quand même que le beau rouge profond sera conservé. Avant de conclure par un autre point important : «  Le café Brant reste le café Brant, avec son ouverture quotidienne du petit déjeuner au début de soirée, y compris le week-end. » Un petit coup d’œil sur le plan ci-dessous montre qu’un nouveau bar prendra place au fond du café, le long du Quai Dietrich et qu’un espace spécial sera prévu pour le tirage des bières, à l’emplacement de l’ancien bar, tandis que plusieurs banquettes seront présentes dans la salle, notamment entre les piliers existants. Bref, on a hâte de pousser de nouveau les portes de cet établissement mythique. Vivement cet automne…


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ÉLECTIONS EUROPÉENNES

LE SÉISME

Texte JEAN-LUC FOURNIER Photos MÉDIAPRESSE - DR

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Tous désavoués sauf le Front national ! Même si on pouvait le redouter bien avant le dépouillement du vote, le résultat des élections européennes en France a plongé le pays dans la sidération. Et, à Strasbourg, qui va devoir lutter comme jamais pour conserver son Parlement, le choc est encore plus grand… Comment dire ? Au moment de rédiger cette page, quelques jours après le dimanche 25 mai dernier, on hésite encore entre la hargne, l’accablement, la tristesse… Car, malgré ses tares et ses handicaps, nous sommes très nombreux à nous sentir citoyens de l’Europe. Mais nous désespérons de constater à quel point cette belle idée de nos anciens est si mal traitée dans notre propre pays. Et ça ne date pas des années dernières…

LE DÉGOÛT Au soir-même du 25 mai, le spectacle qui nous a été infligé sur les différentes chaînes télé françaises a été affligeant. Les mêmes arguments bidons, de toutes parts : en résumé, «  Tous coupables. Sauf moi, bien sûr…  » A un moment, sur France 2, on a pourtant bien cru qu’on allait aborder enfin le cœur du problème. Sur le plateau, quelques politiques consternants (pléonasme…) mais aussi le comédien Jacques Weber et l’écrivain Marc Lévy. Un homme de théâtre et un auteur de livres à succès : des saltimbanques, fussentils plein aux as, des saltimbanques…, de drôles de types dans le contexte… De drôles de types qui ont parlé avec leur cœur, là où les politiciens avaient auparavant montré une nouvelle fois leur autisme imbécile. A un certain moment, Marc Lévy, après deux ou trois minutes où ce «  Français vivant à l’étranger » -tel que David Pujadas l’avait présenté- avait réussi à rappeler que les errements du Parti Démocrate et du Parti Républicains aux Etats-Unis avaient directement provoqué la montée en puissance du Tea Party (le sanctuaire de l’Amérique réac) Marc Lévy, donc, prononça cette phrase importante : «  On ne cesse de nous parler d’économie, de finance, de réglementations… mais personne ne nous a jamais dit durant la campagne quel projet de société nouvelle l’Europe pouvait représenter… ». Là, on s’est mis à devenir d’un coup beaucoup plus attentif. Enfin, on allait aborder le cœur-même du problème, évoquer notre énorme frustration sur ce sujet… Et… rien ne vint. Car Pujadas crut alors bon d’interrompre l’écrivain. Il lui était urgent de lancer l’intervention d’un quelconque correspondant au Danemark ou ailleurs… On attendit en vain ensuite le retour des saltimbanques à l’antenne. On enchaîna direct sur un énième plateau de politiques… Pujadas, de fait co-responsable comme son PDG, l’Alsacien Rémi Pflimlin, de la non diffusion en direct du grand débat européen quelques jours auparavant, Pujadas… pfff… Ce court moment de la soirée électorale fut un parfait révélateur des raisons profondes du séisme du 25 mai. Continuez donc à nous abreuver matin, midi et soir d’indices économiques, de statistiques, de grandes envolées G8, G20 ou G je ne sais quoi, continuez donc à faire en permanence l’apologie de l’ultra-libéralisme triomphant, continuez donc à ne pas condamner les banksters de tous poils, continuez

donc à accepter toute cette pauvreté et cette misère partout ou presque en Europe et chez nous, et vous verrez à quel point la Marine continuera elle aussi à se sentir légère et aérienne, nourrie, gavée et euphorisée par les conséquences de vos propres errements ! Bouffons…

LA DOUBLE PEINE POUR STRASBOURG Autre anecdote vécue. Le mardi suivant, confidences d’un entrepreneur alsacien : « Après avoir voté dimanche, je suis rentré chez moi pas fier du tout et même piteux d’avoir glissé dans l’urne le bulletin « Morano ». Tu te rends compte ? Morano !.. J’aurais bien voté Catherine Trautmann mais avec le nom du premier de sa liste, non, absolument non !.. » La non-élection de Catherine Trautmann est un scandale et une lourde perte pour l’Europe et pour notre ville.Un scandale car la décision de lui préférer Edouard Martin comme tête de liste est d’une connerie et d’une démagogie sans nom. Outre le fait que le syndicaliste lorrain de Florange n’est arrivé qu’en troisième position dans sa propre ville (ce qui en dit long sur son manque de crédibilité, même dans son fief), cette décision nationale du PS condamnait de façon quasi certaine une femme qui, depuis si longtemps, est une européenne convaincue et historique, bosseuse comme pas deux, arpentant le continent de long en large, jamais lassée de faire progresser l’Europe qu’elle a au cœur. Les responsables de cette décision se sont encore un peu plus déshonorés. Parmi eux, Harlem Désir, alors secrétaire national du PS et devenu depuis secrétaire d’État chargé des affaires européennes ! Et même le locataire actuel de l’Elysée qui ne s’est pas mouillé, occupé sans doute à des choses de la plus haute importance… La non-élection de Catherine Trautmann est aussi un coup très dur pour Strasbourg, dans le cadre de sa lutte pour conserver le Parlement européen dans ses murs. Avec son adversaire politique Joseph Daul, qui ne se représentait pas et ne sera donc plus là lui non plus, elle avait formé depuis longtemps un duo complice, efficace et actif en faveur de notre ville et de ses enjeux européens. Quand l’intelligence et la politique font bon ménage pour une belle cause commune. Des exemples. De vrais exemples mais qui ne sont plus là… A Strasbourg, le soir du 25 mai dernier, on naviguait entre le dégoût, la tristesse, la colère et même la rage. La double peine pour les européens convaincus : la victoire et l’arrogance des extrémistes et la disparition des plus forts soutiens pour notre ville. On peut d’ores et déjà s’attendre à d’autres épisodes tout aussi navrants et calamiteux…

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BULLI TOUR «  ON A L’IMPRESSION DE VIVRE PLEINEMENT L’EUROPE » Texte VÉRONIQUE LEBLANC Photos DR

Partis le 10 mai dernier de Strasbourg, Claire Audhuy et Baptiste Cogitore - l’une historienne, l’autre journaliste reporter d’images - ne seront pas de retour avant l’automne. C’est un rêve qu’ils sont en train de réaliser, celui d’interroger l’identité européenne dans 21 pays d’Europe centrale et orientale. 10 000 km au programme à bord d’un combi VW transformé en studio radio. Un projet fou et... indispensable par les temps qui courent. 61

Au Snack Michel, le 26 mai dernier vers 17 heures, moins de 24 heures après le coup de massue des élections européennes. En ligne, en direct de Timisoara en Roumanie via SKYPE, Claire Audhuy et Baptiste Cogitore partis début mai de la place Gutenberg pour le «  Bulli Tour Europa  » Un projet fou qu’ils ont monté pour fêter les dix ans de leur association «  Rodéo d’âme  » et dans lequel ils se sont lancés pour «  interroger  » cette fameuse identité européenne bien mise à mal la veille de notre contact. On en parle tout de suite de ces fameuses élections. Ils en ont appris les résultats alors qu’ils faisaient étape à Belo Blato, village ouvrier de 1 500 âmes en Serbie. «  Pour ces gens, les nationalités ça ne compte pas, raconte Claire, le village en compte 22 et on y parle 7 langues ! Autant dire qu’on a suivi l’issue du scrutin dans un total décalage. Les gens disputaient un match de foot et puis ils nous ont emmenés dans une église protestante slovaque où la chorale locale chantait au profit des victimes des inondations dans les Balkans.  » Une solidarité palpable.


EN CROATIE, L’EUROPE EST UN SUJET «  ÉLITISTE » Avant la Roumanie et la Serbie, Baptiste et Claire sont passés par la Croatie et racontent comment les élections européennes ont été vécues dans ce pays, dernier entrant dans l’Europe des 28. «  La mobilisation est plus forte en milieu urbain, disent-ils. Mais avec plus de 60 % des jeunes au chômage, les préoccupations sont d’un autre ordre et nous avons souvent entendu des réflexions du genre, «  comment voulez-vous qu’on pense à l’Europe, on ne s’en sort pas au quotidien ?  ». Le sujet est «  élitiste  », on peut l’aborder mais avec des étudiants polyglottes par exemple  ». «  Pourtant, ajoutent Claire et Baptiste, l’Europe a suscité beaucoup de fantasmes dans ce pays, la Croatie espérait devenir la «  Suisse des Balkans  ».  » Désenchantement là encore... On n’en sort pas. En Roumanie, c’est sur la question des Roms que le «  Bulli Tour Europa  » va se pencher, en recueillant des témoignages ici encore. Un journaliste, un député et, bien sûr des Roms. « Des gens qui essayent de s’en sortir, explique Claire, en évoquant un universitaire, docteur en médecine et en droit qui s’est imposé comme «  un leader aux mains propres  » mais aussi un «  gang de revendeurs de voitures » composés de jeunes qui n’avaient pas les moyens de se payer des études et qui devaient trouver de l’argent très vite pour aider leurs familles. » Kaléidoscope de vies ou de survies envers et contre tout, avec les moyens de chacun dans un pays en mutation où sévit encore et toujours la corruption.

A VUKOVAR, «  COMMENT FAIT-ON POUR VIVRE ENSEMBLE APRÈS ÇA ? » Claire et Baptiste questionnent, enregistrent, écrivent et, partout, trouvent des gens avides de parler. Ce fut le cas à Vukovar, ville martyre de la guerre d’indépendance de la Croatie à l’automne 1991. Les deux Strasbourgeois ne sont «  pas sortis indemnes  » de leurs entretiens avec ces hommes rescapés des camps serbes, ces femmes hantées par le souvenir des viols, ces jeunes devenus brutalement orphelins. « A chaque fois des coups de poing » et toujours en tête cette question, « comment fait-on pour vivre avec ça ? », « pour vivre ensemble après ça ? Les écoles sont séparées, racontent Claire

et Baptiste, les Serbes le justifient en disant que c’est pour eux une manière de préserver leur culture, l’alphabet cyrillique etc.. Les Croates répètent que «  la guerre continue  », c’est difficile pour eux. Et pour nous, Français, cette double réalité est perturbante. On n’a pas l’habitude de voir des panneaux ou des documents administratifs écrits dans deux langues... Notre regard est étranger. » Ils parlent des «  gamins serbes et croates qui ne communiquent pas entre eux dans les écoles mais soulignent le bien que leur a fait la découverte du «  Centre des jeunes pour la paix dans le Danube  ». «  Là personne ne dit qui est quoi et quand on interroge les gens, ils nous répondent qu’ils ne nous le diront pas, que la seule chose qui compte c’est qu’ils sont tous Européens et qu’ils veulent passer outre la haine pour trouver un nouvel élan. Ça fait du bien quand les nationalismes s’apaisent un peu...  ».

BORIS PAHOR, PARRAIN MAGNIFIQUE Plus de vingt ans après, Vukovar porte encore les stigmates de la guerre. Le château d’eau qui la surplombe est toujours là, criblé de balles et la ville reste détruite matériellement, économiquement 80 % de chômage - et moralement. «  Aucun des deux États ne se mouille, explique Claire, les gens attendent toujours les procès où leurs bourreaux seront jugés...  » Rien ne se passe. Les jeunes partent, les uns vers la Croatie, les autres vers la Serbie, quelques uns restent mais ceux-là comptent double avec envie de faire bouger les choses. Pour eux l’Union Européenne est un moteur, elle leur permet de financer festival de rues ou de cinéma pour dépasser les clivages mais la crise ukrainienne capte beaucoup de moyens communautaires et ils sont inquiets pour la survie de leurs manifestations. Quant au «  Bulli  », le fameux combi VW emblème de l’expédition, il tient le coup ! «  Quelques petites frayeurs de temps en temps pour alimenter nos chroniques, plaisante Claire, mais ça va. » Baptiste et elle y travaillent, enregistrent, montent leurs reportages audio et vidéo, dorment...  «  Les passages de frontières sont à chaque fois un petit moment de stress où il faut tout ouvrir et tout expliquer mais jusqu’à présent «  ça passe  »  ». Et le Livre d’or du «  Bulli Tour  » se charge de signatures au fil des étapes. La première fut celle de Boris Pahor, écrivain slovène rescapé des camps de concentration, rencontré à Trieste. Parrain magnifique d’un périple destiné à donner la parole à ceux qui ne l’ont jamais pour éclairer une identité européenne bien mise à mal par les temps qui courent. Pour suivre le «  Bulli Tour Europa » rendez-vous tous les mercredis à 11 h sur Radio Judaïca, toutes les semaines dans les colonnes de Rue89 Strasbourg et les jeudis soir aux Savons d’Hélène (6, rue Sainte-Hélène) pour les «  JEUDIS DE L’EUROPE ». Sans oublier le site : www.bullitour.eu Et en attendant la chronique hebdomadaire qui sera publiée par L’Alsace à partir du 30 juin. A la rentrée, Alsace 20 diffusera le film du «  Bulli Tour Europa ».

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CANCER DE L'UTÉRUS Texte DR

JEAN-LUC FOURNIER

DÉPISTAGE + VACCINATION : PLUS DE 90% DES CANCERS DE L’UTÉRUS POURRAIENT ÊTRE ÉVITÉS ! LE FROTTIS CERVICO UTÉRIN ET LA VACCINATION

L’association EVE a pour mission de gérer la campagne de dépistage du cancer du col de l’utérus en Alsace, un des deux programmes régionaux de dépistage. Aujourd’hui on dénombre encore annuellement, 85 nouveaux cas de cancers du col de l’utérus dans notre région alors qu’une prévention touchant toutes les femmes, permettrait que ce chiffre ne soit plus que de 7 ou 8. Mais environ 18,5 % de la population cible, soit 100 275 femmes âgées de 25 à 65 ans, n’ont pas réalisé de frottis dans les 5 dernières années. Ce sont elles qui développeront des cancers de mauvais pronostic, nécessitant des traitements lourds. Le cancer du col de l’utérus provoque chaque année près de 1 000 décès en France. Or, il est possible d’agir très précocement face à ce cancer. Le dépistage par frottis cervicoutérin permet en effet, de détecter des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus et ainsi de mieux soigner ce cancer, voire de prévenir son apparition. En Alsace, le nombre de nouveaux cas de cancers du col a diminué d’environ 40% en 10 ans mais on pourrait faire mieux encore puisqu’un dépistage régulier permet de réduire de plus de 80%, le risque individuel de cancer.

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Le frottis cervico utérin (FCU) est un test simple et rapide. Au cours d’un examen gynécologique, après mise en place d’un spéculum, le gynécologue, le médecin traitant ou la sage-femme prélève des cellules sur le col de l’utérus au fond du vagin, à l’aide d’une petite brosse ou d’une spatule. Le prélèvement est ensuite adressé à un médecin spécialiste pour lecture et interprétation. Le dépistage du cancer du col de l’utérus peut être également réalisé dans une certain nombre de structures de soins (établissements hospitaliers, centres de santé, laboratoires d’analyses avec une prescription médicale) ou de prévention (centres d’examens de santé dans le cadre du bilan de santé, centres de planification, …). Le frottis est pris en charge par l’Assurance Maladie à hauteur de 90% pour les personnes bénéficiaires du régime local d’Alsace Moselle, à hauteur de 65% pour les autres, hors dépassement d’honoraire et remboursement des mutuelles. La vaccination a fait l’objet d’une nouvelle recommandation du Haut Comité de Santé Publique en janvier 2013. La population ciblée par cette vaccination se compose des jeunes filles de 11 à 14 ans, avant l’exposition au risque de l’infection HPV et des jeunes filles et jeunes femmes de 15 à 19 ans (population de rattrapage). Les vaccins actuellement mis sur le marché ne protègent pas contre l’ensemble des virus HPV à l’origine du cancer du col de l’utérus. Pourtant, la vaccination constitue un réel progrès en matière de prévention du cancer du col. Elle ne doit cependant pas faire oublier la nécessité des frottis de dépistage dès l’âge de 25 ans, même pour les jeunes femmes vaccinées.

MALHEUREUSEMENT, LES EFFORTS SE RELÂCHENT On constate aujourd’hui un effritement de la participation. En 2012, seulement 68,7 % des femmes ciblées ont fait leur frottis dans les trois ans, 81,3 % dans les cinq ans. La campagne a permis de dépister 7907 lésions précancéreuses (CIN 2+) en Alsace évitant ainsi aux femmes qui en étaient porteuses d’évoluer vers un cancer. Les cancers survenus malgré le dépistage sont de plus petite taille et de stade moins avancé que ceux observés chez les non participantes au dépistage. D’où l’importance de la vaccination et du dépistage le plus précocément possible… Association EVE • Tél : 03 88 25 77 17 association.eve@association-eve-alsace.fr


ALSACE, TERRE DE JEUNES TALENTS PLUS QU’UN TROPHÉE : UN SUPERBE TREMPLIN ! Texte

Photo

JEAN-LUC FOURNIER

DR

La Région Alsace renouvelle cette initiative pour 2014. Un des lauréats de l’édition 2013, Nicolas Wojcik, est là pour témoigner de l’impact du prix qu’il a reçu en janvier dernier… Une belle idée : concevoir une nouvelle forme d’abri modulable, transportable et démontable, réalisé selon les dimensions d’une place de parking, destiné à secourir les sans-abri qui se multiplient malheureusement dans toutes les villes de France, et pas seulement en hiver… Cette idée, Nicolas Wojcik (étudiant à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg (ENSAS), à droite sur la photo) et son ami Nicolas Roth ont su la développer et la faire évoluer. Mais quid de sa réalisation de série et encore plus de sa commercialisation ?

UN COUP DE POUCE PRÉCIEUX Nicolas Wojcik a été sélectionné pour participer au Trophée « Alsace, terre de jeunes talents » organisé par le Conseil régional d’Alsace. Le dossier a convaincu le jury et a obtenu le Prix du Parlement alsacien des jeunes, remis en janvier dernier. Un chèque de 3500 € est alors venu alimenter la caisse de l’association «  Quatre murs et toit » (joli nom !), créée pour développer l’abri modulable. «  Dans un premier temps, nous avons bénéficié de belles retombées médiatiques, condition impérative pour attirer l’attention sur notre projet et sensibiliser les gens sur la problématique des sans-abri » raconte Nicolas Wojcik. «  L’argent obtenu nous a également permis de participer au fameux Concours Lépine, organisé dans le cadre de la Foire de Paris en avril-mai derniers. Notre présence là-bas nous a permis de toucher un immense public et nous y avons obtenu la 5ème plus haute distinction du Concours. Un sacré coup de projecteur sur nous qui nous a permis d’être reçus à l’Hôtel-de-Ville de Paris, par un chargé du logement. Rendez-vous fructueux : un second

rendez-vous est d’ores et déjà prévu pour parler de la suite et permettre que notre prototype actuel, sur lequel nous devons encore travailler, devienne dans un ou deux ans un produit de série, prêt à l’usage… »

LES TROPHÉES 2014 : C’EST PARTI ! L’ensemble du public alsacien est sollicité pour témoigner. Si vous connaissez un jeune (de 15 à 28 ans) qui fait montre d’un talent certain et qui peut ainsi incarner la créativité et le dynamisme de notre région, vous êtes invité à remplir la fiche que vous pouvez télécharger sur le site www.priorité-jeunesse-alsace.eu et, après l’avoir remplie soigneusement, la renvoyer à l’adresse mail : alsaceterredejeunestalents@region-alsace.eu et ce, avant le 30 juin prochain. Ainsi, le jeune talent que vous aurez repéré sera-t-il peutêtre un des lauréats des Trophées 2014. Réponse en fin d’année.

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QUE DEVIENS-TU ?

TANJA

Pagnuco

Propos recueillis par CÉDRIC NOLTE

Après une Licence d’études théâtrales obtenue à Strasbourg, c’est vers Paris puis Londres, où elle réside depuis 7 ans, que Tanja Pagnuco s’envole. L’occasion pour elle de décrocher un Master en Dramaturgie au Goldsmith College et de progressivement se faire une place en tant que productrice et metteur en scène dans la capitale britannique. Une ascension rare pour la petite française pour qui Strasbourg garde néanmoins une place à part dans sa vie. Vous avez quitté Strasbourg il y a onze ans de cela. Quelle en fut la raison ? Une opportunité. Celle de rejoindre à Paris une compagnie de théâtre à la Nacelle où j’étais chargée des actions culturelles, des ateliers pour jeunes et d’un festival jeune public. Mais mon envie se portait surtout vers mise en scène, la dramaturgie. C’est ce que ma offert Londres, au travers de nouvelles études au Goldsmith College, qui fait partie de la University of London. Après, tout s’est enchaîné. Vous entrez dans un réseau professionnel et culturel dans le milieu du théâtre londonien. Celui-ci s’agrandit progressivement, vous vous retrouvez sur de nouveaux projets et vous finissez par rester. Sur quels types aujourd’hui ?

de

projets

travaillez-vous

Je travaille actuellement en freelance ce qui me donne la possibilité de travailler sur des projets que j’ai véritablement envie de porter. Ceci m’a conduit à développer plusieurs projets, par exemple, avec la compagnie StoneCrabs qui travaille sur des textes et des sujets internationaux. Ou encore de me retrouver productrice d’un festival qui se tiendra en juillet au Rich Mix, un Centre d’Art londonien. Y 65

DR

STRASBOURG, LOIN DES YEUX, PROCHE DU COEUR

seront produits à cette occasion pièces de théâtre, concerts, lectures de pièces, petite exposition associant des personnes issues de différentes communautés ethniques de la ville. Parallèlement, je suis également en train de développer un projet de mise en scène – une phase que l’on appelle ici research and developpment - pour explorer une pièce que je souhaiterais mettre en scène en octobre. Cette pièce, Das Ding, de Philipp Loehle, explore notre rapport à la mondialisation au travers du parcours d’une boule de coton qui va voyager de pays en pays, suivant la chaîne de fabrication, jusqu’à devenir t-shirt. Ce texte est étonnant, pertinent, drôle et incisif et impose une véritable réflexion sur notre société. Enfin, pour être complète, l’une de mes autres activités consiste à travailler sur des ateliers de théâtre avec des enfants. A vous écoutez, Londres semble vous offrir beaucoup, professionnellement. Le lien avec Strasbourg est-il définitivement coupé ?

Non, il n’est absolument pas coupé. J’ai toujours à Strasbourg ma

famille, des amis de longue date que je continue à voir régulièrement. C’est encore plus vrai aujourd’hui avec les facilités offertes par les vols low cost entre les deux villes, qui réduisent considérablement les distances. Chose qui n’était pas forcément vraie il y a encore dix ans. Maintenant, les deux villes ont leur avantages respectifs. A Londres, ce que j’apprécie vraiment est que je ne passe pas une journée sans croiser quelqu’un qui vient d’un autre pays, d’une autre culture ou dont je n’arrive pas à déchiffrer la langue. Ici, il y a un continuel sentiment de surprise qui éveille ma curiosité. Et puis il y a cette offre culturelle incroyable même si elle nécessite un réel budget pour pouvoir en profiter. Et la France, Strasbourg ?

Je n’ai pas trop de sentiment de manque vis-à-vis de la France. Par contre, Strasbourg c’est différent. Je suis bien plus attachée à cette ville qu’à la France en elle-même. A son centre ville piéton, à ses cafés, à ses bars. Et puis à sa Cathédrale qui est extraordinaire. Vous savez on a souvent tendance de dire «  loin des yeux, loin du cœur ». Pour moi, Strasbourg c’est justement l’inverse. Elle est « loin des yeux, proche du cœur ». Développer de futurs projets à Strasbourg fait-il partie de vos envies ?

Je ne l’écarte pas. Une chose qui m’apparaît de plus en plus clairement est cette envie de retravailler en langue française. Et si Strasbourg me permet de le faire, bien sûr que j’y réfléchirai.


QUE DEVIENS-TU ?

PATRICIA

RUELLEUX DR

STRASBOURG SE VOIT ENCORE COMME UNE PETITE VILLE ALORS QU’ELLE A TOUT D’UNE GRANDE Jeune trentenaire, Patricia Ruelleux est originaire de Strasbourg. Mais c’est sur les bords du Bosphore et de la Corne d’Or, à Istanbul, qu’elle a depuis deux ans décidé de poser ses valises, où elle se lance progressivement dans l’immobilier touristique. Un choix presque improbable au regard de son parcours de haut fonctionnaire territorial formée à l’Inet, mais qu’elle assume pleinement. Pourquoi Istanbul plus qu’une autre ville ?

Alors que je vivais encore à Strasbourg, je suis tombée amoureuse d’Istanbul quand j’organisais des débats sur l’entrée de la Turquie dans l’UE, dans le cadre de mes fonctions de présidente des Jeunes Européens-Strasbourg. Cette ville a une magie et une énergie qui vous happent. Alors vous y retournez régulièrement, jusqu’à vous y poser définitivement. Sans rien, sans projet ?

Si, au départ, le projet était de partir un an et de me spécialiser dans la coopération administrative et politique franco-turque. J’ai alors commencé à prendre des cours de turc et, parce qu’il faut bien vivre, j’ai enchaîné avec des petits boulots de management dans divers secteurs d’activité. Et puis, chemin faisant, beaucoup d’amis me sollicitaient pour les aider à organiser leur séjour à Istanbul, notamment pour leur trouver des appartements où loger, sans mauvaises surprises... J’ai donc débuté un peu par hasard mon activité d’intermédiaire. C’était en août 2012. Les premiers propriétaires à me faire confiance furent des Français, puis des Turcs francophones avant que ne suivent des résidents de mon quartier, pour aujourd’hui disposer d’un catalogue d’une quinzaine d’appartements «  boutiques », du nom que l’on donne ici à ce qui est cosy, charmant et où l’on se sent tout de suite chez soi, avec un service personnalisé à la clé.

Cette confiance a-t-elle été difficile à obtenir ?

Pas tant que cela. Le sérieux, le contact humain y sont pour beaucoup mais ce qui m’a sans doute le plus aidé a été de parler turc, ce qui est particulièrement apprécié ici. Vous savez, les Turcs sont à l’opposé des clichés que l’on entend trop souvent en France. Ce sont des gens doués d’une véritable gentillesse, hospitaliers, incroyablement flexibles, dynamiques. En fait, ce qui est assez incroyable ici est que rien ne semble impossible. Est-ce aussi ce regard sur la Turquie que vous essayez de faire partager à votre clientèle ?

Oui. Au delà de la location d’appartements, je cherche aussi à construire des ponts entre Strasbourgeois et Stambouliotes, sous forme de visites du quartier, de mise en contact avec les habitants. Ces deux villes sont bien plus proches qu’on ne le croit. Et s’il y a bien une critique que l’on peut opposer à Strasbourg est d’être trop timide, de se considérer encore comme une petite ville alors qu’elle a tout d’une grande. Regardez simplement son incroyable offre culturelle, son charme, son quartier historique classé patrimoine de l’Unesco, sa gastronomie que les Turcs connaissent d’ailleurs très bien et qu’ils nous envient. En fait le seul handicap de Strasbourg est qu’elle n’est pas assez audacieuse alors qu’elle est un petit bout de paradis en France. Certes, Istanbul est bien plus grande mais comme dans toute mégalopole, on vit essentiellement autour d’un quartier d’une petite ville qui en font partie et on ne se pose pas la question de savoir si ils sont suffisamment grands pour rayonner. Et de ce point de vue, Strasbourg n’a rien à envier à des endroits comme Cihangir ou Beyoglu, deux petites villes phares d’Istanbul. Et si vous deviez choisir entre les deux villes... ?

Cela m’est impossible. Toutes deux ont leur propre magie qui, j’en suis convaincue, est complémentaire. D’où cette idée de construire des ponts, d’une façon ou d’une autre. Après, pour l’heure, la vie m’a amenée ici, sur ces rives stambouliotes qui ont ceci de magique et plein d’espoir que, pauvre ou riche, chacun par exemple dispose chaque dimanche de son «  quart d’heure Bosphore », que l’on soit à la table d’un brunch au Four Seasons Hotel ou que l’on fasse un pique-nique en famille. Où, de manière générale, rien ne paraît jamais impossible. Mais c’est sûr, si un jour, comme je le pense, je reviens en France, ce sera à Strasbourg, dans mon autre ville. My Flat Istanbul 66


28 JUIN PROCHAIN

LES 10 ANS DE LA SYMPHONIE DES DEUX RIVES Texte

Photo

BENJAMIN THOMAS

OPS

Oui, cela fait déjà dix ans que l’Orchestre Philarmonique de Strasbourg quitte le Palais de la Musique et des Congrès du Wacken pour nous offrir, au bord du Rhin, une soirée unique, la tête dans les étoiles… Chaque année, vers la fin juin, il faut voir cette longue procession de spectateurs de tous âges envahir les rives du Rhin au Jardin des Deux-Rives. Les uns privilégient leur confort et se sont munis d’un siège repliable en toile, les autres ont une grande couverture sous le bras, la plupart n’amènent rien avec eux et s’assoieront à même l’herbe. Peu importe : tous sont là pour s’emplir l’âme de musique. C’est la soirée annuelle en plein air de l’OPS et ils ne la rateraient sous aucun prétexte, même si l’orage venait à gronder. Quand la baguette du directeur musical de l’orchestre libèrera les premières notes, ils seront plus de 10 000 rassemblés là…

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LE RÉPERTOIRE CLASSIQUE EST VRAIMENT POPULAIRE L’atmosphère de la Symphonie des deux Rives - qui célèbre cette année sa dixième édition dans le cadre de la Fête du Rhin- demeure particulière : c’est l’instant ou l’exigence musicale rencontre la décontraction d’un concert en plein air, ou l’on découvre, loin des idées reçues, que le répertoire classique est véritablement populaire, un adjectif à prendre dans son acception la plus noble. Le programme ? Il sera fait de mille et une surprises scintillantes. Des œuvres que tous connaissent (signées Verdi, Mozart, Bizet, Ravel…), croiseront les musiques de film de John Williams et quelques sonorités plus inhabituelles dans le cadre d’un concert classique. Part belle sera également laissée au Chœur de l’OPS qui, lui aussi, fête ses dix ans. Parmi les invités, l’accordéoniste Richard Galliano, déjà présent a la Symphonie des deux Rives en 2008. Virtuose incandescent qui a travaille avec des stars de la chanson – de Claude Nougaro à Barbara, en passant par Serge Reggiani – il a aussi été proche d’Astor Piazzolla a qui il rendit hommage avec Piazzolla Forever. Créateur du “new musette”, complice très jazzy de Chet Baker, Didier Lockwood ou Michel Petrucciani, lauréat de la Victoire de la musique classique dans la catégorie “compositeur” en 2014 (pour Fables of tuba), il est un extraordinaire passeur qui ne peut s’empêcher de tordre le cou aux genres musicaux et de casser les carcans. Symphonie des deux Rives Samedi 28 juin 2014 / 21h30 Strasbourg Jardin des Deux Rives (Reporté le 29 juin en cas d’intempéries) Concert gratuit en plein air


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La balade

sur le Quai des Bateliers Texte JEAN-LUC FOURNIER Photos MÉDIAPRESSE

L’habitude aidant, à l’instar du Parisien de toujours qui passe au pied de la tour Eiffel sans la voir, en voiture, en bus ou en vélo, on longe le Quai des Bateliers sans vraiment y songer. Alors qu’il suffit de l’arpenter un peu à pied pour y découvrir toute une vie…

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Ce ne sont qu’à peine quelques centaines de mètres de bitume entre le Pont du Corbeau et le Pont Saint-Guillaume. Ensuite, c’est déjà le Quai des Pêcheurs, le long duquel on se prélasse, l’été, sur les péniches-bars dont l’Atlantico de l’ami Franck Meunier (voir page 17). En cette fin de printemps ensoleillée, le Quai des Bateliers nous a déroulé son histoire. Savez-vous qu’il a changé une dizaine de fois de nom, au fil des temps ? A l’origine, au XVème siècle, on le nomma «  der-Nidere-Staden », («  le quai en aval  » en parler strasbourgeois du Moyen Âge). En 1792, «  Quai des Bateliers (pour la première fois). Deux ans plus tard, actualité révolutionnaire oblige, il devint le Quai du 23 Thermidor. Débaptisé une nouvelle fois en 1803, il se nomma alors Holzstaden (le Quai du bois) juste avant de retrouver son nom actuel en 1817. Nouveau nom en 1872 : Schiffleutstaden, puis retour au Quai des Bateliers en 1918. Au début de l’occupation allemande en 1940, rebelote pour le Schiffleutstaden et, en 1945, de nouveau (et définitivement) le Quai des Bateliers. Quelle histoire ! Le matin, en été, la cathédrale le surmonte avec majesté sous le soleil dont l’éblouissante lumière est renvoyée par les façades du Palais des Rohan. Tiens, parlons-en de ce palais dont les quais sont animés par la noria des embarcations de Batorama qui embarquent et débarquent les nombreux touristes, à la découverte des merveilles de Strasbourg via la rivière. Quand Louis XV est venu donner une grande fête à Strasbourg, le 5 octobre 1744, on a jugé bon de cacher les façades en face 70


du palais à l’aide de grandes tapisseries. Une seule raison à cela : camoufler la grande diversité des immeubles qui dataient du Moyen-Age. En ces temps-là, on était amoureux des constructions très symétriques. Lors de la visite du Roi, ce fut la très grande fête (feux d’artifices aériens et sur des pontons sur le fleuve). A chaque époque sa modernité…

UNE TRADITION COMMERCIALE DEPUIS TOUJOURS Aussi longtemps qu’on s’en souvienne, depuis toujours en fait, le Quai des Bateliers fut une des voies commerciales les plus florissantes de Strasbourg, l’eau étant alors le seul moyen de transport de masse pour tout ce dont la ville avait besoin. Aujourd’hui, c’est encore le cas mais sur l’eau ne circulent plus que les bateaux touristiques et, de temps à autre, les kayaks qui partent de leur base près du Quai Pasteur, très en amont. En avant donc pour une petite visite des nombreux commerces du Quai. Au n°3 du Quai, une table des plus appréciées à Strasbourg, «  Aux Trois Chevaliers », là où Christine et Stéphane Maser proposent avec constance une carte raffinée et sans cesse agrémentée de nouvelles créations culinaires manifestement appréciées. Surprise au n°6 : Marianne et Guiseppe Cerina ont installé leur enseigne de gastronomie italienne L’Omitta Scelta. Quelques m2 d’Italie mais un assortiment de produits sélectionnés avec soin. Le plateau de charcuterie est à 10€ et trois personnes peuvent s’en régaler sans problème. Quant à la mozzarella Buffala, elle est divine…

croyez-nous sur parole. Passée la toute nouvelle et flambant neuve agence du Crédit Agricole, on découvre Marbre une boutique de prêt-à-porter féminin tout à fait originale avant de retrouver, au 20, le meilleur ouvrier patissier de France, Sébastien Gillmann, toujours en quête d’une innovation. Ce jour-là, il recevait la visite d’un producteur du nord de Strasbourg, cagette de fraises fraîchement cueillies en main. Tout près, au 23, c’est l’extraordinaire boutique de la chaleureuse Corinne Mangin, une chineuse de toujours. Que de belles choses… Au 26, Jean Walsh, un caviste qui n’a de cesse de traquer le bon vin peu connu. Au passage, il souligne à quel point ses jeunes clients se fient avant tout au goût du vin qu’ils découvrent , pas seulement aux étiquettes «  comme la génération de leurs parents » . Sa voisine, Anne-Laure Leleu reçoit chez Guipure, son exquise boutique, les amatrices de lingerie féminine raffinée et n’a de cesse de vanter «  l’ambiance du Quai, avec ces commerçants qui se connaissent tous et s’apprécient ». Au 28, le coiffeur Mauro Alluno est tout fier de nous faire découvrir l’innovante décoration de sa boutique qui vient juste d’être retenue pour la seconde phase de l’opération Commerce Design, mise sur pied par la CCI de Strasbourg… Le 32 du Quai des Bateliers est occupé par Pyramide, magasin très connu des Strasbourgeois, dont les meubles contemporains très stylés contrastent formidablement bien avec la cathédrale et le palais des Rohan sur le quai d’en face. Et au 34, la boutique de prêt-à-porter masculin et féminin « Le Nouvel Accord » recèle de vêtements exclusifs sur Strasbourg. «  On traque les pièces rares » avoue Julien


Goire, son propriétaire. Plus loin, au 34, c’est le territoire de la marque «  Angel des Montagnes ». Monik Tartary y propose une gamme de mobilier contemporain de fabrication artisanale qui n’est proposé que dans quatre villes françaises. A ses côtés, Ypsae et sa propriétaire, Catherine Bourion, sont une réelle référence pour les Strasbourgeoises en matière de vêtements haut de gamme. Au 38, un passionné de bandes dessinées, a eu l’audace d’installer JdBD. Des BD à profusion dans une vraie librairie dédiée et, pour son initiateur, Jean-Daniel Delrue, «  une passion dévorante qui ne faiblit pas… » Presque à la fin du quai, chez «  5ème Avenue », Manu Da Costa propose des marques de montres de luxe qu’il revend d’occasion. La gamme est belle… Un véritable animateur que ce Manu : toujours amateur d’une bonne vanne et avec un généreux sourire en permanence, comme peuvent en témoigner ses deux voisins, Alex Steiner qui, chez Diavolino, propose salades et sandwichs à ses amis commerçants et aux Strasbourgeois de passage et la pétillante Amélie Holder, jeune fleuriste passionnée et dynamique. Sa boutique   «  Après la pluie » est un rayon de soleil permanent. Le point commun entre tous ces commerçants ressemble à un cri du cœur : tous souhaiteraient que le Quai des Bateliers soit piétonnisé à quelques reprises dans l’année à l’occasion d’une manifestation comme La Nuit des Musées, par exemple. A la réflexion, ce serait sûrement une très belle idée. Avec quelques animations et une restauration de rue correcte, les Strasbourgeois pourraient enfin redécouvrir paisiblement leur Quai des Bateliers qui, outre le fait d’être à l’épicentre de la vie strasbourgeoise de jadis, redeviendrait à cette occasion un superbe lieu de balade, comme l’a bien montré le film «  Tous les soleils » de Philippe Claudel, dont


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plusieurs scènes ont été tournées ici. La plus belle (et la plus économique, aussi…) campagne de pub dont Strasbourg a pu bénéficier ces dernières années. L’idée est lancée, et elle n’est pas irréalisable de temps à autre. Dévier la circulation par les voies attenantes paraît tout à fait possible, comme c’est le cas le jour du Carnaval, par exemple. Ce que Paris a su mettre en place avec ses gigantesques et bien plus fréquentées voies sur berge, Strasbourg devrait y parvenir avec son superbe Quai des Bateliers, non ?

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PAR MIRACLE, L’URBANISME SAUVAGE DES ANNÉES 70 N’A PAS DÉFIGURÉ LE QUAI…

En septembre 1968, un promoteur immobilier dépose un projet concernant l’emplacement des immeubles aux numéros 7, 8 et 9 du Quai des Bateliers. C’est le n°9, à l’angle de l’impasse de l’Ancre, qui créera le plus de polémique. En effet, non seulement sa façade en grès du XVIIIème siècle a bel et bien failli disparaître mais une stationservice Shell était prévue pour s’étaler à son pied (débordant même sur les numéros 7 et 8) ! Heureusement, le bureau d’urbanisme de la Ville de Strasbourg émit un «  avis réservé », bien qu’il faut se rappeler que c’était le début de l’ère des projets «  tout bagnole » à l’époque… Il fallut quand même six mois pour que l’avis défavorable définitif soit enfin signé, après une véritable levée de bouclier des Strasbourgeois amoureux du vieux Strasbourg qui s’étaient alarmés de la possibilité de voir naître une telle verrue pile en face du palais des Rohan ! Le promoteur ne s’en tint pas là. Il déposa un nouveau permis de construire en novembre 1971. La façade devait être conservée, la station-service avait disparu mais les numéros 7 et 8 étaient prévus pour être démolis et un accès aux garages du nouvel ensemble se faisait à partir du Quai. Pierre Pflimlin, le maire de l’époque, signa le permis de construire. Grâce à un avenant d’août 1973, on limita les dégâts : on «  accrocha » la façade en pierre sur une deuxième «  peau » en béton armé de 18 cm d’épaisseur, permettant à ce fameux n°9 du Quai des Bateliers de conserver l’aspect qu’on lui connaît encore aujourd’hui… Source : Gérard Ecklé – Strasbourg - L’image des quais, pierre par pierre Editions du Belvédère

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EXPOSITION

LAB'67 Texte

DR

JEAN-LUC FOURNIER

UNE EXPO INTERACTIVE

Le Conseil général du Bas-Rhin consacre sa grande exposition estivale à la découverte de l’ensemble des services qu’il rend aux Bas-Rhinois. LAB pour laboratoire des missions que le Conseil général du Bas-Rhin exerce tout au long de l’année, tant en milieu urbain que rural. Mais LAB aussi comme le labyrinthe dans lequel les visiteurs pénétreront à la découverte de l’institution départementale. L’approche de l’exposition est tout public jeunesse, familles, seniors mais aussi acteurs économiques… Mêlant labyrinthe et jeu de l’oie géant, la scénographie invitera le public à explorer un monde onirique où il découvrira de façon divertissante toutes les actions du Conseil général. Un but : que le visiteur reparte en ayant parfaitement compris ce que fait le Département, à quoi il sert et aussi l’étendue des moyens financiers et humains qu’il déploie : les aides à caractère social en matière d’habitat, le développement culturel et artistique, la valorisation du patrimoine historique, la politique en faveur du Handicap et, pour les seniors, la Silver économie, le sport, les transports et les déplacements, la jeunesse et les collèges, l’environnement et le développement durable, le développement économique et touristique ainsi que les nouvelles technologies…

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L’interactivité aura une place centrale dans la scénographie de l’exposition qui interpellera le visiteur, de façon pédagogique, ludique et interactive, pour donner envie de regarder, de toucher, de participer. Par exemple : une expérience dans le noir pour se mettre dans la situation d’une personne sourde et aveugle qui traverse la rue, la recherche généalogique en reconstituant l’arbre généalogique d’une famille, des tests sportifs pour mesurer sa forme physique, un espace cinéma à la carte pour découvrir des vidéos sur les missions du conseil général, un jeu de l’oie géant sur le parcours pour répondre aux questions et gagner des cadeaux…. Et bien d’autres animations encore… L’exposition prend en compte les nouvelles technologies : applications mobiles, internet mobile, réseaux sociaux, vidéos…..

LAB’67 Du 6 Juin au 26 Août à l’Hôtel du Département et à la Foire européenne du 5 au 15 septembre Du lundi au vendredi de 10h à 18h Les WE et jours fériés à compter du 28 juin de 14h à 18h


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PortFOLIO JEAN-FRANÇOIS BADIAS En bon géographe de formation qu’il est, Jean-François Badias étale une carte de cette Asie centrale qu’il arpente et photographie depuis dix ans déjà. «  Tu vois ces capitales, toutes proches les unes des autres, à proximité des frontières ? Le but, à l’époque soviétique était qu’en cas de problème dans l’une d’entre elles, les autres puissent intervenir rapidement...  ». Ce sont les hasards de la vie qui l’ont conduit au Kirghizistan, pays par lequel il a abordé cette région et auquel ce portfolio est consacré. Un ami Kirghize lui a proposé de découvrir son pays et il ne se l’est pas fait dire deux fois. Depuis, il y est retourné et re-retourné, suivant ainsi la marche complexe de ce jeune État vers la démocratie. Un pays de montagnes, très aride jusqu’à Och - deuxième ville en importance après Bichkek la capitale -, plus vert et «  plus russe  » au Nord. Un pays que Jean-François a photographié au fil de milliers de clichés. Les mines «  aux mains de petites mafias du charbon  », où des gamins viennent travailler après l’école, les gens de là-bas citadins, villageois, cavaliers ou pasteurs en altitude... Silhouettes campées dans des villes improbables et des paysages à couper le souffle. jfbadias@yahoo.fr

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Cr : Katsuhiko Tokunaga

BULLETIN D’ABONNEMENT À LA DISTRIBUTION PERSONNALISÉE DE OR NORME STRASBOURG Pour répondre à de nombreuses demandes, nous mettons en place un abonnement à la distribution personnalisée de notre magazine. Soyez certain de recevoir un exemplaire de chaque numéro de Or Norme Strasbourg par voie postale. Remplissez soigneusement le formulaire ci-dessous, joignez votre chèque et vous serez le premier à prendre connaissance de chaque édition de la revue. Le montant du chèque couvre les frais de conditionnement et d’envoi ( tarif normal ) des 4 prochains numéros, à compter de la date de réception. BULLETIN D’ABONNEMENT À renvoyer soigneusement rempli, accompagné de votre chèque, à : MÉDIAPRESSE STRASBOURG - ABONNEMENTS OR NORME STRASBOURG 3 rue du Travail - 67000 Strasbourg NOM _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ PRÉNOM _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ADRESSE POSTALE : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _________________________________________________________ _________________________________________________________ ADRESSE ÉLECTRONIQUE : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ @ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Chèque joint de 20 euros à l’ordre de MÉDIAPRESSE STRASBOURG, correspondant aux frais de conditionnement et d’envoi de 4 numéros d’OR NORME Strasbourg (à compter de la date de réception du bulletin).

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