ornorme N°14 OCTOBRE 2014
L’INFORMATION AUTREMENT
STRASBOURG C’EST LE MOMENT
BOUGE TOI ! ENTRETIEN
MARTIN GRAY RÉUSSITE
LES BIBLIOTHÈQUES IDÉALES 2014
OURS Photo de couverture : Victor Chevalier
OR NORME STRASBOURG N°14 EST ÉDITÉ PAR MÉDIAPRESSE STRASBOURG 11, boulevard de l’Europe – 67300 Schiltigheim CONTACT : josy@mediapresse-strasbourg.fr DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Josy Falconieri DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Jean-Luc Fournier - jlf@mediapresse-strasbourg.fr RÉDACTION : Alain Ancian - Erika Chelly - Jean-Luc Fournier Véronique Leblanc - Charles Nouar - Benjamin Thomas MAQUETTE ET MISE EN PAGE : Juleye ju.juleye@gmail.com IMPRESSION : AZ IMPRIMERIE - Mulhouse contact@azimprimerie.fr DISTRIBUTION : Impact Media Pub info@impactmediapub.com PUBLICITÉ : COEX - Claudia Friederich - 06 28 40 98 86 TIRAGE : 15 000 exemplaires Tous déposés dans les lieux de passage de l’agglomération (liste des points de dépôt sur demande). Dépôt légal : octobre 2014. ISSN 2272-9461 Retrouvez notre actualité sur Facebook : www.facebook.com/magazine.ornorme.strasbourg
Édito Le dernier numéro d’Or Norme, en juin dernier, mettait en avant l’audace de celles et ceux qui font bouger les lignes à Strasbourg. C’est peu dire que vous avez été très nombreux à nous encourager à poursuivre dans la voie de faire découvrir les belles aventures humaines qui se déroulent dans notre ville. Et c’est grâce à cette interaction qui existe entre vous, les lecteurs, et notre rédaction que nous avons chamboulé notre thème prévu en ce début d’automne. Pour mieux encore enfoncer le clou… « Strasbourg, c’est le moment, bouge-toi ! » est le titre qui barre la Une du numéro que vous tenez en main, en direct prolongement de ce que nous présentions dans le numéro précédent… Nous nous en expliquons dans un long article d’introduction : nous avons vraiment le sentiment que les mois qui viennent vont être déterminants pour nous tous qui composons la société française d’aujourd’hui. Notre pays ne va pas bien, c’est un euphémisme de l’écrire. A la rédaction de Or Norme, nous pensons que, malgré le climat sociétal délétère qui nous stresse quotidiennement, rien ne saurait justifier que l’on baisse les bras. Nous sommes convaincus que les « élites » de toutes sortes étant largement défaillantes, le système dans lequel nous visons depuis des décennies étant en voie d’effondrement, c’est à l’individu, le citoyen, de jouer, désormais. En agissant, pas en parlant. Loin des institutions paralysées et pathétiquement incapables de comprendre ce qui se prépare, loin des pseudo-faiseurs d’opinion des réseaux sociaux, nous vous présentons des gens plein d’audace et qui tous ont le souci de « faire » avant celui de donner leçon. Bien sûr, parce que nous avons Strasbourg au cœur, nous souhaitons aussi que notre ville ose et se bouge. Un peu plus. Beaucoup plus… Dans un formidable entretien de notre dossier principal, Patrick Adler définit bien en quoi Strasbourg pourrait être le lieu où se fabrique un nouveau modèle de collaboration citoyenne. Passionnant… Un dernier mot qui résume on ne peut mieux l’état d’esprit qui a présidé à la rédaction de ce numéro. La quasi totalité des personnes que nous avons rencontrées nous ont demandé : « Mais, pourquoi moi ? » Notre réponse a toujours été la même : « Parce que vous faites. » Pour autant, ce ne sont pas des pensées de gens hors du commun que nous vous proposons. Ils œuvrent dans le rugby, l’hôtellerie, la restauration, la communication, l’immobilier, la culture, l’associatif, l’aéronautique, le tourisme, les nouvelles technologies… Leur point commun : ils osent, ils agissent, ils créent, ils inventent… Et loin des systèmes et des institutions, ils ont très souvent décidé de « changer de logiciel ». Et… c’est ici, à Strasbourg et en Alsace, qu’ils vivent et travaillent. Bonne lecture et… Restez Or Norme ! JEAN-LUC FOURNIER
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Sommaire N°14 - SEPTEMBRE 2014
6 ENTRETIEN AVEC MARTIN GRAY
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STRASBOURG C’EST LE MOMENT
BOUGE TOI ! 51
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BIBLIOTHÈQUES IDÉALES 2014
ROBERTSAU - ORANGERIE
UN ÉCRIN DE VERDURE 63
UN NOUVEAU VAISSEAU
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AGENCE D’ATTRACTIVITÉ ALSACE LA MONTÉE EN PUISSANCE
UN ÉTÉ 2014 80
LE PIÉTON DE STRASBOURG
82 PORTFOLIO : MURIEL CUNY
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MARTIN
GRAY « JE N’AI PAS LE DROIT D’ÊTRE FATIGUÉ... » Entretien réalisé par JEAN-LUC FOURNIER Photos ALBAN HEFTI MÉDIAPRESSE
Sa présence constitua un des très grands moments des Bibliothèques Idéales de septembre dernier à Strasbourg. Ses 92 ans n’empêchent pas Martin Gray de témoigner. Lui, le survivant du ghetto de Varsovie, le survivant du terrible camp de Treblinka d’où il fut l’un des rares à réussir à s’évader, lui qui a ensuite perdu toute sa famille dans un incendie sur le Côted’Azur, il témoigne encore de sa foi en l’homme. Son dos, meurtri par les coups des nazis il y a soixante-dix ans, lui fait mal. Ses jambes peuvent quelquefois le trahir… Mais Martin Gray avance, obstinément. Pour nous murmurer à l’oreille des choses essentielles…
OR NORME : Une première question qui vous paraîtra peut-être incongrue mais c’est une évidence pour nous de vous la poser. Malgré une vie faite de tumultes, de drames mais marquée aussi par un engagement constant pour les causes que vous défendez, vous continuez à témoigner quasiment à chaque fois qu’on vous le demande. Les voyages, même ceux d’un jour ou deux comme celui qui vous a conduit à Strasbourg pour cette rencontre dans le cadre des Bibliothèques Idéales, ne vous font pas peur. Mais d’où tirez-vous toute cette énergie ?
MARTIN GRAY : Oh ! vous savez… Je suis descendant d’une grande tribu biblique qui a connu la souffrance, sous toutes ses formes, depuis des millénaires. Les dictateurs, les rois et tant d’autres ne nous ont pas effacés, le peuple juif est indestructible. A l’évidence, j’ai hérité de cette histoire. Je crois que cette obstination vient de mon père et des exemples qu’il m’a donnés avant d’être assassiné sous mes yeux lors de l’insurrection du ghetto de Varsovie. Mon père m’a littéralement inculqué de ne jamais désespérer et d’avoir une foi inébranlable dans l’avenir, c’est à dire dans l’homme tout simplement. J’ai survécu à ces horreurs-là et, à l’âge de vingt ans, quand j’ai débarqué à New-York, cette confiance qu’il m’avait donnée et cette espérance en mon avenir m’ont poussé en avant avec une force irrésistible. Comme si j’étais destiné à crier, à chanter ma confiance dans l’avenir. Cette force-là, oui, je crois que je la tiens de mon père. Elle n’a cessé d’être en moi depuis, malgré tous les événements de ma vie. Elle est encore bien présente aujourd’hui, même avec l’âge, même avec les douleurs de mon corps qui a subi tant de vicissitudes. Aujourd’hui, je n’ai pas le droit d’être fatigué… O.N. : Vous avez bien sûr eu votre lot de moments de fort abattement. N’importe quel homme aurait été dévasté s’il avait vécu les drames qui vous ont accablé…
M.G : Oui, bien sûr que je me suis senti moi aussi dévasté. C’était juste après la guerre, à New-York là encore, là où je me suis retrouvé seul après la tourmente où près de six millions de juifs et des dizaines de millions d’autres êtres humains ont trouvé la mort. Je me suis senti très coupable
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d’avoir survécu. Je ne voulais plus vivre malgré le fait que je me retrouvais bel et bien vivant, dans un pays libre, jeune et avec plein de possibilités ouvertes devant moi. Beaucoup de survivants de la Shoah ont ressenti cette culpabilité-là, vous savez… Nous sortions d’un drame épouvantable, nous avions survécu et l’envie de vivre nous fuyait. Malgré l’amour que me prodiguait alors ma grand-mère, j’ai été percuté violemment par un choc insoutenable qui m’a atteint en profondeur. Je me sentais pourtant prêt à entamer une nouvelle vie, ce choc m’a tant bouleversé que je me suis senti une nouvelle fois en grand danger. Je me sentais comme dans un monde hanté par tant des tragédies que j’avais vécues et qui avaient emporté toute ma famille. L’angoisse était ancrée au plus profond de moi et je sentais la peur m’envahir de nouveau, aussi forte que durant les plus sombres moments que j’avais vécus durant la guerre. Et la sentant monter en moi, j’avais peur de céder à cette peur et cette angoisse-là me hantait vraiment. J’ai dû en quelque sorte me confronter à moi-même et, là encore, au moment où je me sentais le plus désespéré, ce sont les leçons de mon père qui m’ont sauvé. Ne jamais renoncer, ne jamais désespérer, croire en l’avenir de l’homme. Et surtout au caractère sacré de la vie humaine. Peu de temps avant l’insurrection du ghetto, mon père m’avait expliqué qu’il allait nous falloir prendre les armes et que nous allions être obligés de tuer. Mais il avait aussitôt ajouté que jamais je ne devais oublier le caractère sacré de la vie. Il avait enraciné tout cela en moi… O.N : Plus tard, après avoir perdu toute votre famille, votre épouse Dina et vos quatre enfants, dans ce terrible incendie dans le sud de la France au tout début des années soixante-dix, la tentation d’en finir vous a assailli de nouveau ?
M.G : C’était la deuxième fois en à peine plus de vingt ans que je perdais toute ma famille. Avec Dina, ma première épouse, j’avais jusqu’alors effectué un merveilleux chemin. Après avoir surmonté mon angoisse, j’étais devenu riche à New-York, j’avais réussi dans le commerce des antiquités, ouvert plusieurs succursales… mais c’est en rencontrant Dina que j’ai compris que ce que je recherchais dans cette réussite m’avait conduit sur un chemin sans issue. Il n’y avait aucune noblesse dans cette réussite, juste la quête de fausses valeurs. Grâce à Dina, j’ai compris qu’il y avait d’autres priorités que l’argent. Alors oui, quand cet incendie m’a fait perdre de nouveau toute ma famille, je suis passé très, très près du suicide, une fois encore. Moi qui avais lutté durant la guerre pour aider tant d’autres pour qu’ils
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n’en arrivent pas à cette extrêmité fatale. Au camp de Treblinka, les plus jeunes, dont moi, avions décidé de nous relayer durant les nuits pour empêcher nos camarades d’en finir. Mais il faut aussi dire que d’autres avaient choisi l’option inverse, ils attendaient que le camarade s’accroche le cou à une couverture et ensuite, ils enlevaient brutalement la caisse sous ses pieds. Je les ai compris aussi… Reste qu’après l’incendie, je me suis retrouvé devant ce trou béant, je ne pouvais plus dormir, ni manger, ni penser, je ne pouvais plus vivre. Des amis comme Pablo Picasso ou encore David Douglas Duncan, le grand photographe, m’ont alors formidablement soutenu et, peu à peu, j’ai compris qu’il fallait que je donne un sens à la mort des miens. J’avais terriblement besoin de ça et la bataille que j’ai menée pour créer la Fondation Dina Gray pour lutter contre les incendies de forêt m’a sauvé en me redonnant une grande confiance en l’avenir. Ca s’est fait doucement, sans même que je m’en aperçoive. Je n’ai fait que donner ce que j’avais reçu, vous savez… J’ai réussi à mobiliser les pouvoirs publics sur cette question, Chaban-Delmas, le premier ministre d’alors, m’a cité à mainte reprises devant le Sénat pour faire passer les budgets nécessaires. Au final, j’ai admis que ma famille n’était pas morte pour rien. Et j’ai décidé de vivre et de témoigner sans relâche… O.N. : Au fil du temps, et grâce à vos livres en tout premier, une formidable chaîne humaine s’est mise en place. Aujourd’hui encore, vous ne cessez de recevoir le témoignage de beaucoup d’inconnus qui vous disent à quel point votre témoignage incessant les a aidés..
M.G : Oui, je reçois encore tant et tant de lettres. J’ai arrêté de compter il y a quelques années maintenant. Nous en étions à plus de 800 000. Je pense que nous atteignons aujourd’hui quasiment le million de courriers reçus. Bien sûr, je ne peux plus répondre à tous. La plupart de ces courriers expriment la même chose : ces gens disent tous que mes livres décrivent une expérience de la vie qu’ils ne connaissaient pas et ils me remercient car ils sentent que mes livres ne sont pas que des mots. Ces gens ont compris que j’avais donné un sens à ma vie et du coup, ils prêtent mes livres autour d’eux. Une lectrice m’a un jour écrit qu’elle avait prêté cinquante-quatre fois un de mes ouvrages. Ça en fait des millions de lecteurs tout ça… des millions de gens qui pensent que ces livres leur ont donné du courage et, parfois, qu’ils leur ont permis de retrouver l’envie de vivre… O.N. : Vous avez quatre-vingt-douze ans aujourd’hui et votre rage de témoigner et de rencontrer le public prouve que vous vous sentez encore très engagé. Quelle est votre vision de l’époque que nous vivons ici et maintenant ?
M.G : Oh ! il me faudrait des heures et des heures pour vous répondre et nous ne les avons pas… Le monde, aujourd’hui, est devant un carrefour très
dangereux. Car il peut basculer complètement dans la haine et cela engendrera une très grande violence. L’alternative est simple, du moins à énoncer : haine ou amour, il faut choisir. Si c’est la haine, le chaos l’emportera. Cet été, la guerre a de nouveau meurtri le Moyen-Orient, le conflit entre Israël et le Hamas a provoqué tant et tant de drames, une nouvelle fois. Et pourtant, je peux ici l’affirmer très fort, les peuples veulent la paix ! Souvent, sur ce sujet, on m’a dit : Martin Gray, occupez-vous de vos livres, laisseznous gérer ça ! Moi, je fais un distinguo entre le conflit entre le Hamas et les dirigeants actuels d’Israël et les relations entre les deux peuples, palestinien et israélien. Souvent, on pense que la solution viendrait de l’avènement d’un état palestinien libre et démocratique. Si cela devait être le cas, je peux vous dire qu’il ne faudra qu’à peine vingt ans pour que le peuple palestinien soit un peuple en marche. Et ça, les autres pays arabes alentour, à l’exception peut-être de l’Egypte, n’en veulent pas. Cet essor-là, favorisé par la démocratie, leur fait peur, terriblement peur. Quelque part, il va falloir attendre une vraie révolution dans les pays arabes pour qu’émerge une solution au conflit entre Israël et la Palestine. En attendant, ce sont des pays-frères qui s’entretuent et c’est triste. Ce n’est qu’un exemple sur cette planète
mais moi qui parcours encore le monde, moi qui rencontre aussi bien les présidents, les rois, les premiers ministres que les plus humbles, je peux témoigner qu’existent des âmes nobles et qu’on peut faire encore appel à l’intelligence de l’être humain. Tout peut basculer et survenir : le meilleur comme le pire. Nous vivons donc aujourd’hui une époque dangereuse de l’histoire de l’Homme et rien n’est gagné. Il faut continuer à être vigilant, c’est pourquoi je suis là, à ma modeste place… O.N. : Après tout ce que vous avez vécu, vous ne désespérez pas de l’être humain…
M.G : Non, pas une seule seconde ! Dans un de mes livres, je raconte comment j’ai été sauvé par l’un de mes bourreaux à quelques kilomètres à peine de Treblinka où on me ramenait. C’est bien la preuve qu’on n’a pas le droit de douter de l’être humain. Là-bas, il y avait des communistes, des religieux, des croyants, des non-croyants, toutes sortes de gens mais tous avaient au fond d’eux-mêmes un idéal. C’est encore le cas aujourd’hui, tout homme a besoin d’une morale… O.N. : Vous ne cesserez donc jamais de combattre, c’est évident…
M.G : Non, tant que je pourrai… Je vais écrire un autre livre, sur le thème de l’alimentation. J’ai ouvert les yeux il y a cinquante ans sur ce sujet-là. Vers l’âge de 38 ans, je suis tombé très malade et je crois que l’excès de travail que je m’imposais alors en était la cause principale. D’un médecin à l’autre, on m’a bourré de médicaments et rien n’y faisait. Puis j’ai rencontré des gens qui vivaient différemment. Je les ai longuement écoutés et j’ai compris que les causes majeures de nos maladies proviennent de notre mode de vie et en tout premier lieu de notre alimentation, ce que l’on appelle aujourd’hui la malbouffe. Elle engendre la fabrication et le stockage de beaucoup trop de toxines par notre corps qui ne peut pas résister. Et c’est pourquoi nous sommes malades. J’avais trente-huit ans quand on m’a alerté sur ce sujet. J’ai immédiatement arrêté de manger de la viande et suis devenu assez rapidement végétarien. Et je n’ai jamais plus vu de médecin et n’ai jamais plus pris le moindre médicament. Plus de cinquante ans plus tard, je nage, je fais du sport même si mon dos et mes jambes me font souffrir mais ça, je sais que ça vient des coups reçus de la part des nazis. Je peux témoigner de mon bien-être. Je sais qu’on peut me prendre pour un fou mais je me sens comme un nouveau-né, quelquefois. C’est mon combat d’aujourd’hui. Bien sûr, je ne mélange pas tout. La médecine a fait de très grandes choses, en chirurgie par exemple et dans tant d’autres domaines. Mais les médecins devraient enseigner la bonne façon de vivre, la prévention avant toute chose.
JE ME SUIS RETROUVÉ DEVANT CE TROU BÉANT, JE NE POUVAIS PLUS DORMIR, NI MANGER, NI PENSER, JE NE POUVAIS PLUS VIVRE. 8
Sur ce sujet-là, je suis certain que le monde va changer. On ne peut plus continuer comme ça. Sur ce sujet-là comme sur les autres sujets que nous avons abordés, je le sens venir ce changement. Pour l’heure, ce n’est qu’un minuscule petit mouvement mais il arrive. Il faudra du temps, c’est sûr, mais il arrive… O.N. : Je dois vous avouer que je suis stupéfait de vous sentir si déterminé et encore si incroyablement combatif…
M.G : Mais ce sont les gens que je rencontre et ceux qui m’écrivent encore si nombreux aujourd’hui qui me donnent ces forces-là. Laissez-moi vous raconter une anecdote qui m’est arrivée il n’y a pas si longtemps. Je vous la raconte sans prétention aucune, elle s’est vraiment déroulée comme ça. Elle se passe dans un avion où je m’étais installé pour un long vol de plus de huit heures. Quelques minutes après le décollage, ma voisine de siège entame la lecture d’un de mes livres. A la première pause qu’elle a faite, j’ai essayé d’entamer la conversation avec elle mais elle m’a dit qu’elle ne voulait pas que je la dérange. Plus tard, elle a rangé ce livre dans son sac pour en entamer un autre. Toujours un livre de moi ! Puis, d’elle-même et bien plus tard, elle a entamé la conversation avec moi. Juste pour me résumer ce qu’elle lisait de mes écrits. Elle ne m’avait toujours pas reconnu et ce qu’elle disait était finalement ce que je lis chaque jour parmi toutes les lettres qui me parviennent. Comme elle m’avait confié qu’elle avait quelques soucis cardiaques, je n’ai pas osé lui dire qui j’étais. Mais je me souviens bien de ses derniers mots, peu
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avant l’atterrissage : « Si vous voulez apprendre quelque chose, lisez Martin Gray, vous n’oublierez jamais ! ». Je me bats et j’écris avec mes tripes et avec mon cœur. Je ne raconte que ce que j’ai vécu et c’est le seul combat qui m’intéresse. Quand j’avais trente-huit ans, j’avais des millions de dollars sur mon compte mais aujourd’hui, l’argent, je m’en fous, je reverse tous mes droits d’auteur à la Fondation que j’ai créée. Ma gloire c’est de vivre et témoigner. C’est l’échange qui compte pour moi et rien d’autre. J’ai besoin de m’enrichir avec ce que les gens me donnent en retour, surtout quand ça vient des jeunes. » Le samedi 21 septembre dernier, quelques heures après cet entretien, Martin Gray, dans les coulisses de l’Aubette, écouta les yeux fermés la lecture d’un extrait d’un de ses livres par le comédien Maurice Vaudaux. Quand il monta ensuite sur scène, une longue ovation s’en suivit. Puis, seul et debout devant un pupitre, il parla longuement à une salle bourrée à craquer et devant un public médusé. Plus tard, il échangea aussi lors des dédicaces de ses livres. Souvent, sa main écrivait sur la page de garde : « Avec Paix, Force, Joie, Courage et L’Espoir… »
Martin Gray, lors de son intervention aux Bibliothèques IdÊales de Strasbourg en septembre dernier. 10
STRASBOURG C’EST LE MOMENT
BOUGE TOI ! On a un peu comme la gueule de bois, non ? L’été trop pluvieux, certes… mais aussi, en vrac, le marasme dans lequel s’enfonce notre pays, la tragi-comédie de la réforme territoriale régionale, cette rentrée 2014 si difficile, cette faillite des élites (pas seulement politiques…), signe annonciateur de tant de déclins à venir, sans parler de toutes les paralysies qui peuvent elles aussi nous contaminer, vicieusement… Loin des « y’a qu’à » et des « faut qu’on » et puisque nous sommes viscéralement amoureux de Strasbourg, la rédaction d’Or Norme a ouvert ses colonnes à celles et ceux qui, malgré le pessimisme général ambiant, pensent que c’est le moment de se bouger. Parce que tout n’est pas perdu, loin de là même… Texte LA RÉDACTION DE OR NORME Photos MÉDIAPRESSE
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Il y a juste six ans, le gigantesque domino de la folie financière américaine s’écroulait comme un château de cartes, contaminant la quasi totalité de la planète. Depuis, les épisodes succèdent aux épisodes, tous plus sombres les uns que les autres. Que dire de plus ? Pas grand chose… Nous sommes un peu comme ces habitants du middle-west américain au lendemain d’une gigantesque tornade et qui contemplent les dégâts, stupéfaits et incrédules. Mais eux, au moins, savent qu’ils ne devront compter que sur eux-mêmes pour reconstruire leur vie et celle des êtres qu’ils aiment. Pour eux, le premier geste est de se retrousser les manches et se remettre au travail, sans trop penser beaucoup plus loin. Ils savent faire, ils ont toujours su faire… A l’échelle de la planète, même à celle, plus modeste, de notre pays et des difficultés que nous rencontrons, les choses sont moins simples. Mais le constat de base est le même : à l’évidence, nous ne pouvons que compter sur nous. Nous, les individus, les citoyens de base, quels que soient nos talents, notre âge, notre capacité à réagir et à imaginer demain… Chacun à notre place, nous possédons une capacité bien plus grande que nous le croyons pour faire bouger les lignes. De ces millions et millions d’initiatives que nous pouvons prendre, activer, mettre en route, quelque chose de nouveau peut naître. C’est certain… Commençons par essayer de regarder lucidement tout autour de nous. Voici quelques constats globaux qui, s’ils concernent notre pays, interpellent aussi Strasbourg et l’Alsace, vus de la hauteur des citoyens que nous sommes toutes et tous…
DE FAILLITE EN FAILLITE… Le printemps dernier a été essentiellement dominé par les résultats sans appel des deux vagues électorales des municipales et des européennes et des soubresauts au sein des partis politiques concernés. Les résultats des municipales ont sanctionné durement le Parti Socialiste et les autres formations de gauche. Comment pouvait-il en être autrement deux ans après l’élection de François Hollande et l’accession au pouvoir (Sénat compris, jusqu’à la fin septembre dernier du moins…) de la gauche et cette succession invraisemblable de cacophonies, ce déluge de couacs en tous genres, de scandales d’État (Cahuzac), de bourdes élyséennes (les 5 à 7 présidentiels scootérisés en tête) et une crise économique (qui, elle, date de bien plus que deux ans) contraignant la majorité à une cascade de hausses d’impôts succédant elle-même à une première cascade du même tonneau signée par François Fillon en personne, quelques mois avant son départ de Matignon ainsi que celui du précédent locataire de l’Elysée. Au lendemain des municipales, le paysage du pouvoir communal français avait basculé à droite. On soulignera très objectivement, dans ce contexte national, la véritable performance de Roland Ries et de son équipe, auteurs d’un quasi exploit en étant parvenus à conserver la mairie. A l’évidence, les Strasbourgeois ont reconnu quelques mérites au maire sortant, et… n’ont pas eu la mémoire courte quant à son adversaire. La France ripolinée en bleu ? Pas tout à fait : car à peine les premières coupes de champagne avalées, les révélations des scandales de l’UMP (un très beau florilège là aussi, félicitations…) renvoyaient Copé à ses amours bygmalinennes et la droite dans les cordes d’un ring où les pugilats s’annoncent sans pitié depuis le retour dans le jeu de Nicolas Sarkozy. Après tout ça, ultime épisode, il n’était pas difficile de prévoir le résultat des européennes : les autres pays européens ne sont toujours pas revenus des 26% recueillis par
Marine Le Pen et de sa place de premier parti de France sur ce coup-là. En revanche, peu d’entre nous, citoyens français, en ont été surpris. Le printemps dernier, et les épisodes de l’été dernier (ah ! Thévenoud…) auront donc cruellement mis en lumière un fait catastrophique : le total discrédit du personnel politique français. Plus personne, y compris parmi beaucoup de militants de base encartés, n’accorde plus le moindre crédit à ses paroles (ça ne date pas d’hier) et à ses actes. Le seul niveau qui reste encore à ce jour un tantinet audible est celui qui est au plus proche des citoyens, celui du maire de la commune, principalement. Même le président du Conseil général et celui du Conseil régional peinent à percer… Pour le reste, tout le reste, c’est la bérézina. Et c’est souvent injuste car ce discrédit n’épargne malheureusement pas les élus, qu’on rencontre de tous bords, encore très attachés à cette simple et belle notion : servir avant tout l’intérêt public. Mais il sont minoritaires, si tragiquement minoritaires et, confrontés à la cohorte de leurs collègues qui « font carrière » et paradent sans vergogne, ils sont noyés dans la masse. La réforme des régions françaises en est l’exemple le plus flagrant. Il y a si peu encore, le « mille-feuilles » territorial était vilipendé de toutes parts et de façon pour une fois très consensuelle. 36 000 communes, une flopée d’intercommunalités avec leur kyrielle d’élus, de syndicats mixtes et de services (pas moins de 22 viceprésidents, par exemple, pour la première mouture de la pourtant modeste intercommunalité mulhousienne créée il y a quelques années dans la douleur la plus totale, après des décennies de contorsions pittoresques), plus de 90 conseils généraux, 22 régions métropolitaines… A l’évidence, il fallait faire quelque chose pour mettre de l’ordre dans ce bazar. Personne n’aura été surpris de la levée de boucliers qui a suivi. Hormis en Bourgogne et en Franche-Comté, deux régions qui avaient su intelligemment prendre les devants, les innombrables
À L’ÉVIDENCE, NOUS NE POUVONS QUE COMPTER SUR NOUS. NOUS, LES INDIVIDUS, LES CITOYENS DE BASE, QUELS QUE SOIENT NOS TALENTS, NOTRE ÂGE, NOTRE CAPACITÉ À RÉAGIR ET À IMAGINER DEMAIN... 12
baronnies locales ont fait feu de tout bois. Pays de Loire, Bretagne, Poitou-Charentes, Limousin, Aquitaine, NordPas de Calais, Picardie, Lorraine, Champagne-Ardenne et… Alsace : partout des cris d’orfraie et des élus, la main sur le cœur, jurant leur grand Dieu qu’ils n’étaient là que pour sauvegarder leur seule et précieuse identité régionale et pas seulement leur siège… En Alsace, Philippe Richert, le président du Conseil régional, littéralement roulé dans la farine, lors du référendum, par les « tontons flingueurs » haut-rhinois Charles Buttner, président du Conseil général et l’inénarrable Gilbert Meyer, maire de Colmar, avait su rapidement et intelligemment prendre langue avec son collègue Masseret, président socialiste de la Région Lorraine pour bâtir les fondations d’une région commune qui aurait pu avoir fière allure. Mais patatrac ! François Hollande lui a installé sur le portebagages la région ChampagneArdenne ! Illico, on a ressorti les fourches d’un peu partout. Et la fin de l’été nous a offert un épisode tout à fait baroque, l’ensemble des parlementaires et élus UMP haut-rhinois (Buttner en tête) se mettant à réclamer à corps et à
QUE TOUTES CELLES ET TOUS CEUX, ALSACIENS DE SOUCHE OU D’ADOPTION, QUI ONT CHOISI DE VIVRE EN ALSACE ET À STRASBOURG SAISISSENT À BRAS-LECORPS L’OPPORTUNITÉ DE CETTE ÉPOQUE... cri une région Alsace autonome dont ils avaient pourtant soigneusement savonné la planche lors du référendum du printemps de l’année dernière ! Le ridicule ne tue pas, heureusement. Sinon, c’eût été un génocide dans le Haut-Rhin… Une seule question : que pense le citoyen devant ce spectacle de cirque ? Rien. Il s’en fiche, il a d’autres chats à fouetter le citoyen ! Son opinion est faite, il n’attend plus grand chose de ses élus. Seuls quelques francs-tireurs sporadiques (certains jouant à l’évidence une carte très personnelle, en soif de pouvoir et en mal de notoriété) essaient encore d’entretenir le débat dans l’attente des décisions gouvernementales et parlementaires qui ne tarderont pas cet automne… Même si tout cela vous est ici raconté sur un ton badin (mieux vaut en sourire que de trop en pleurer), le discrédit 13
du personnel politique est une vraie source de grande inquiétude pour l’état de notre démocratie. Là aussi, une très courageuse réforme semble nécessaire. Certains en appellent à la création d’une VIème République, avec des règles de représentation (sur la forme comme sur le fond) drastiquement différentes. Un autre chantier pharaonique, à coup sûr… Les travaux d’Hercule du XXIème siècle. Faillite du personnel politique, mais aussi faillite intellectuelle en général. Où sont les Gide, Malraux, Mauriac, Camus, Sartre ou Aron … d’antan. Qu’est ce qui a bien pu mettre à bas cette belle spécificité française où les choix sociétaux étaient éclairés par ces « monstres » de la pensée que le monde entier nous enviait ? Aujourd’hui, alors que la France aurait bien besoin d’éclaireurs pour se retrouver sur quelques beaux chemins communs à tous, seuls Onfray, Debray et Attali surnagent au-dessus de l’insipide marigot médiatique squatté par la dictature d’un internet prépubère et des réseaux sociaux chantres des « tout-à-l’égo » les plus consternants. Observez-les ces réseaux sociaux. En Alsace et à Strasbourg comme ailleurs, comptez donc les contributions réellement pertinentes à un moment où, pourtant, nous sommes confrontés à une période si difficile. Les doigts des deux mains suffisent largement. Pour le reste, chacun s’y met en valeur, se cosmétise et les grandes envolées cachent quelquefois très mal les ambitions très personnelles (j’existe ! j’existe !!... Le mal des temps d’aujourd’hui). Derrière la popularité sur les réseaux sociaux, le tintamarre verbal des omniprésents connectés cache mal leur vacuité et leur pathétique besoin d’être dans la lumière, envers et contre tout.
OSEZ ! On pourrait poursuivre longtemps sur ces sujets. De faillite en faillite, le pays est de plus en plus mal en point. Que faire ? Pourtant, une voie existe et qui n’est pas encore tout à fait obstruée par la cohorte des pleureurs. A Strasbourg et en Alsace comme ailleurs, c’est le moment pour les citoyens de se bouger. Nous revient en mémoire à cet instant une allégorie que nous avait citée Marek Halter que nous interrogions voilà maintenant plus de deux ans sur une éventuelle solution au problème israélo-palestinien que nous avions évoqué dans le numéro 5 d’Or Norme au printemps 2012, consacré à Israël. Problème qui fut tragiquement à la une de cet été 2014 et sur lequel nous revenons page 73. Le superbe conteur et écrivain faisait part de ses espoirs quant à la paix dans cette région du monde martyrisée et sous-entendait que les peuples savent toujours se redresser quant l’imminence du pire devient la plus aigue. « Le prophète Jérémie avait fini par être jeté au fond d’un puits profond par la police du Roi d’alors » racontait Marek. « Que vois-tu ? lui criaient ses amis après le départ de la soldatesque. « Maintenant, je vois enfin où est la lumière » leur répondit Jérémie. Il faut être au fond du trou pour voir la lumière et savoir vers où progresser » concluait Marek Halter. Au fond du puits, nous y sommes, ou presque. C’est donc maintenant qu’il faut à tout prix se bouger et se remettre en marche. Strasbourg, c’est le moment, bouge-toi ! Dans les pages qui suivent, nous avons voulu questionner nombre de personnes qui
partagent avec nous cette très belle conviction. N’attendons plus sur quiconque, ne comptons que sur nous ! Cette ville est cette région conservent un potentiel que nombre d’autres entités régionales pourraient nous envier. Exprimons-le, ce potentiel-là ! Et, pour commencer, ne commettons plus les mêmes erreurs que par le passé, qui a vu tant de beaux trains s’éloigner sans nous (lire à ce sujet, à titre d’exemple, le témoignage de Josiane Lenormand qui retrace, plus de vingt ans après, le fiasco du Bioscope, lamentablement saboté par l’inertie de l’éternel consensuel mou si souvent constaté par chez nous). Que toutes celles et tous ceux, Alsaciens de souche ou d’adoption, qui ont choisi de vivre en Alsace et à Strasbourg saisissent à bras-le-corps l’opportunité de cette époque si difficile pour développer leur projet, prendre les initiatives qu’il faut sans trop se soucier du parrainage des institutions publiques ou autres. Qu’ils mènent leur barque, mus par la seule force de leur conviction et de leur rêve et qu’ils soient bien conscients qu’est en train de s’achever là, sous leurs yeux, un monde périmé, usé jusqu’à la corde, au bout de son chemin. « N’ayez pas peur ! » : c’était le message adressé par Jean-Paul II à toute la communauté catholique il y a trente ans. Le Pape parlait d’or. Il n’est nul besoin d’être un historien émérite et reconnu pour se rappeler que toute l’histoire de l’Humanité s’est toujours bâtie sur ce principe de base : la créativité et l’incroyable faculté de l’être humain de trouver en lui les forces qui lui ont toujours permis de surmonter les handicaps les plus impressionnants.
Strasbourg et l’Alsace peuvent être des spectateurs résignés et passifs parmi d’autres et qui observent ce monde qui se délite. C’est un choix. Mais les Strasbourgeois et les Alsaciens peuvent aussi, spontanément, choisir de se débrider, enfin. Choisir de briser les conventions, refuser l’attentisme et se lancer pour réaliser leurs projets. Sans passer par les cases institutionnelles ou autres, du moins sans trop en attendre. Car ils sont nombreux celles et ceux qui souhaitent une ville foisonnante, vibrionnante, innovante et qui nous inciterait à penser qu’ici, tout est possible. Lors de son discours d’investiture il y a de cela plus de cinquante ans, John Fitzgerald Kennedy, jeune et nouveau président des États-Unis avait déclaré : « Ne te demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, mais demande toi ce que tu peux faire pour lui ». Sans faire dans la grandiloquence, on peut peut-être se dire que cette parole sied bien à la période que nous vivons. Un autre Kennedy (Douglas, l’écrivain) parle d’or lui aussi : « On finit toujours par tout regretter. C’est l’essence de ce qu’on appelle la condition humaine. « J’aurais pu mais je ne l’ai pas fait », « je voulais mais me le suis interdit »…On en revient toujours à ça. » (Quitter le monde – 2009)… N’ayez pas peur ! Strasbourg, c’est le moment. Bouge-toi !
Nous en sommes là aujourd’hui. 14
LE BIOSCOPE AUTOPSIE D’UN INCROYABLE FIASCO Texte JEAN-LUC FOURNIER Photos MÉDIAPRESSE - DR
Ou comment une idée géniale et surtout incroyablement innovatrice s’est dissoute dans le sempiternel consensus mou alsacien. Or Norme, près de vingt ans après, a retrouvé Josiane Lenormand qui, dès 1994, fut à l’origine du projet. Il n’est pas inutile de se rafraîchir ainsi la mémoire en évoquant ce fiasco alsacien, juste façon de se convaincre que, toujours, à tout moment, de superbes opportunités peuvent se faire jour et qu’il convient, surtout, de ne plus jamais les gâcher… 15
« Aujourd’hui, j’exerce avec passion mon métier de jeune grand-mère ! ». Elle est restée franche et ouverte, Josiane Lenormand, quand elle nous accueille à la terrasse ensoleillée d’un bar-restaurant près de l’Orangerie où elle réside désormais. Il y a vingt ans, elle occupait le poste de directrice de la communication du Conseil régional d’Alsace, alors présidé par Marcel Rudloff. C’est à cette époque qu’elle se vit confier le pilotage d’un ensemble d’ateliers chargés d’élaborer le projet « Prospective 2005 ». En animant ces rencontres avec un panel impressionnant de ce qu’il est convenu d’appeler « les forces vives » régionales, trois constats se firent jour. « L’Alsace était caractérisée par une industrie manufacturière qui était déjà très exposée » résume-t-elle aujourd’hui. « Mais il y avait aussi, déjà bien présentes, les biotechnologies et les sciences de la vie et de la santé, représentées par une convergence de talents et de personnages-clés comme le professeur Marescaux et son Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (Ircad) qui démarrait ou encore Jean-Marie Lehn, prix Nobel de Chimie et Pierre Chambon,
fondateur de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg Je me souviens bien que ce secteur-là était alors à l’évidence un des atouts fondamentaux de notre région. Evidemment, il n’était pas sorcier de préconiser qu’il fallait capitaliser sur ce point fort. C’est en fait une autre observation qui m’a mise sur la piste : l’Alsace était déjà une région très riche mais où l’on ne se portait pas bien. Une région où l’on mangeait et où l’on buvait trop où se manifestait déjà une surreprésentation des maladies graves liées à une alimentation trop riche. Avec, en conséquence, une espérance de vie trop faible. Il fallait donc absolument mettre en place de nombreux efforts pédagogiques et d’information pour, peu à peu, inverser cela. En tout cas, ces indicateurs prouvaient qu’il y avait besoin d’aider les Alsaciens à mieux se comporter vis à vis de l’alimentation et de la santé, mieux s’occuper de soi… » Ce double constat mis à jour, c’est la mission quotidienne de Josiane Lenormand (la communication régionale) qui lui permit le jaillissement de la grande idée. « Notre activité touristique présentait des résultats intéressants » se souvient-elle « mais nous étions déjà très concurrencés par des régions comme la Bretagne ou encore la Bourgogne qui émergeaient clairement en matière de visibilité . Nous avions en fait besoin de frapper encore plus fort… »
NAISSANCE D’UNE IDÉE Il faut à ce stade se replacer dans le contexte de l’époque. En ce début des années 90, la France exploite au maximum son potentiel touristique en favorisant le développement de grands parcs d’attraction. « Disneyland Paris » a déjà vu le jour quelques années auparavant, chipé à la barbe de nombreux pays européens allèchés par l’idée d’accueillir les capitaux et le savoir-faire américain en la matière. Le « Parc Astérix » a été créé et présente déjà tous les symptômes du succès. Poitiers, dans la Vienne, est en train de finir de bâtir son Futuroscope… C’est ce dernier site qui retient l’attention de Josianne Lenormand, à qui il n’a pas échappé que le natif du coin, René Monory alors président du Sénat, y consacre toute son énergie. Le « garagiste de Loudun », c’était son surnom (il débuta en effet comme simple artisan mécanicien), outre le fait d’être un vieux roublard de la politique nationale, se définissait déjà comme « vulgarisateur d’idées nouvelles ». Derrière le projet du Futuroscope, il avait à l’évidence flairé tout le potentiel d’un parc d’attractions susceptible de sortir de l’anonymat la capitale régionale (Poitiers) en somnolence depuis des décennies. D’autant qu’il avait insisté pour que le Futuroscope soit environné de nombreuses entreprises de pointes dédiées à l’image numérique. Ce visionnaire, pourtant totalement autodidacte mais audacieux, lança d’ailleurs dès 1996 le tout premier plan internet français, visant à doter chaque classe de son département, la Vienne, d’un accès internet avec un poste informatique par tranche de dix élèves…
Le Bioscope, tel qu’il se présentait au moment de sa fermeture.
LA GRANDE BATAILLE DU BIOSCOPE Bien imprégnée par le contexte poitevin, passionnée par l’avenir de l’Alsace, sa région d’adoption, Josiane Lenormand observe un jour les trois enfants de son frère qui sont rivés devant une série télévisée, « Il était une fois la vie » qui met en scène de petits bonhommes minuscules qui vivent des tas d’aventures en voyageant à l’intérieur d’un corps humain. C’est le petit « légo » qui manquait à sa construction intellectuelle. « Je me suis alors mise à imaginer ce qui allait devenir le projet Bioscope » raconte-t-elle. « Un parc d’attraction sous la forme d’un corps géant qui aurait aussi été un pont jeté par-dessus le Rhin, un vrai parc d’attraction qui serait devenu une destination internationale et qui aurait également représenté un bel outil pour l’éducation à la santé et aux sciences de la vie. Et, tout autour, en synergie totale, des labos, des centres de recherche, des unités de production en matière de biotechnologies. Le tout situé pas trop loin de Strasbourg, pour bénéficier à fond de l’impact trinational France-Allemagne-Suisse alémanique. Ce n’était pas idiot, non ? » questionne aujourd’hui Josiane Lenormand. Non, ce n’était à l’évidence pas idiot et même très en avance. Trop peut-être… Sans le savoir, la directrice de la communication venait de donner tout son sens à ces « clusters », nom apparu il y a une dizaine d’années seulement et qui illustre l’extrême concentration, sur un même site, d’un nombre conséquent de synergies collaboratives visant à imaginer et fabriquer l’activité économique innovante de demain. Informé, Marcel Rudloff encourage alors sa collaboratrice à revenir le voir « quand ce sera mûr ». « Une façon de me dire : démerdezvous ! » dit-elle aujourd’hui. Contacté, l’ancien maire de Strasbourg, Pierre Pflimlin, pige tout de suite et accepte de parrainer le projet. Un dossier est alors élaboré et distribué au sein des grands pontes politiques alsaciens. Le sénateur du Haut-Rhin, Hubert Haennel, alors vice-président de la région Alsace, se déclare intéressé. « En fait, c’est son épouse qui avait été emballée par le projet et qui l’avait convaincu » raconte Josiane Lenormand. Elle contacte de grands patrons régionaux dont Henri Lachmann, alors président de Strafor, Régis Bellot, président de De Dietrich ou encore Christian Brévard, le boss français de Bruker-Spectrospin, leader de l’instrumentation scientifique. Tous sont bien évidemment partants, pressentant bien tout l’impact positif d’un tel projet pour leur chère Alsace. Encouragée, Josiane Lenormand dépose alors le nom Bioscope auprès de l’Institut Français de la Propriété Industrielle. Et poursuit sa mission : le prestigieux professeur Jean Bernard accepte la présidence du Comité de parrainage national et persuade les grands noms français de la médecine, le célèbre professeur Cabrol en tête, de rejoindre le projet Bioscope. Aucun ne refusa… « C’est juste après
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cette importante étape franchie que tout a commencé à tourner de travers » se souvient Josiane Lenormand. « Sur fond de concurrence entre Adrien Zeller et Hubert Haennel pour devenir président de la région après le décès de Marcel Rudloff, alors que l’Agence Française d’Ingénierie Touristique - AFIT (devenue depuis Atout France – ndlr) avait accepté de financer les études préalables, alors qu’avec l’accord implicite de mon président, j’avais déposé le concept et le nom de Bioscope auprès de l’INPI, alors que la société d’exploitation du Parc Astérix qui venait de prouver son savoir-faire en imposant son concept à quelques kilomètres à peine du site de Disneyland à Paris était partante pour être l’opérateur du site, tout a déraillé… » En fait, tout s’est cristallisé autour du lieu d’implantation du futur Bioscope. Ah ! la localisation, le thème de prédilection des conflits entre les éternelles baronnies alsaciennes. « Evidemment qu’il fallait capitaliser sur la région de Strasbourg » pense encore aujourd’hui Josianne Lenormand. « Pour plein de raisons : la zone de chalandise de base, mais aussi l’université, l’image européenne… Catherine Trautmann et Roland Ries étaient enthousiastes, bien sûr, de même que l’ensemble des partenaires privés. Un appel à propositions de localisation a été lancé… ». Et ça a été la foire d’empoigne, les guerres larvées entre haut-rhinois et bas-rhinois, chacun cherchant à tirer la couverture à lui. La lecture des journaux de l’époque est révélatrice de ce pitoyable petit combat entre micro-régions qui s’est engagé alors. Hallucinant, quand on songe à ce bel enjeu économique, touristique et de communication qu’était le projet initial pour l’Alsace toute entière. « Pas moins de dix sites ont répondu » se souvient l’inspiratrice du projet. « Et de polémiques en polémiques, de batailles inutiles en batailles inutiles, ils ont fini par trancher en faveur d’un onzième, qui n’était même pas candidat au départ ». Ce onzième site n’était vraiment que le fruit d’un très pauvre compromis. Si elles avaient le mérite d’offrir des terrains gigantesques immédiatement disponibles, les friches minières du bassin potassique du Haut-Rhin, à Ungersheim près de l’Ecomusée d’Alsace, ne présentaient vraiment aucun autre atout. Qui plus est pour un projet dénaturé, amputé de toute la splendide ambition de départ, sans aucun relief capable de susciter les investissements attendus des grandes sociétés privées. Ces dernières se découragèrent peu à peu. D’audition en audition, le Symbio (le syndicat mixte entre la Région Alsace et ses deux départements, créé officiellement pour faire aboutir le projet et présidé par… Hubert Haennel) ne parvint pas à convaincre l’ensemble de ses interlocuteurs. Entretemps, sans contrat précis, Josiane Lenormand se vit brutalement débarquée du projet. « Ils m’ont sortie du jeu » se souvient-elle. « En fait, c’était clair. Mon projet était ambitieux, une ambition qui me semblait au départ conforme aux besoins et aux enjeux de notre région. J’y ai cru jusqu’au bout certes, mais voilà, les ambitions du départ étaient en train de se déliter peu à peu… A ce moment, j’ai repensé à une réflexion de Pierre Pflimlin. Quelques années plus tôt, je l’avais rencontré pour lui présenter le projet. Il avait été enthousiaste lui aussi. Il m’avait demandé combien d’années il faudrait pour le faire aboutir. Je lui avais répondu : quatre, peut-être cinq ans. Avec un grand sourire, il m’avait rétorqué : « Il vous faudra au moins dix ans… » Pierre Pflimlin connaissait bien sa région… »
LE FIASCO Cet extravagant feuilleton s’est « soldé » par un bilan accablant. Oh ! certes, il y eut finalement un Bioscope qui fut inauguré à Ungersheim. Même pas une pâle copie du projet initial. Juste de quoi sauver les meubles et tenter de justifier, sans doute, l’argent public jusqu’alors
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Illustration d’un terrible fiasco : vers la fin, le site était devenu un grand étalage du « n’importe quoi »…
dépensé. Les (rares) visiteurs ressortaient la mine déconfite devant une succession « d’attractions » de seconde zone. Un projet mal positionné, sans identité, sans fil conducteur sinon une vague vélléité de tenter de surfer sur l’écologie… Ouvert en 2006, il ferma six ans plus tard. « Rentabilité insuffisante » précisa le communiqué de l’opérateur. Un euphémisme : dès le départ, il était évident que, de tractation en tractation, d’immobilisme en paralysie, le concept était condamné par avance. Ungersheim, morne plaine… Aujourd’hui, Josianne Lenormand a tourné la page mais n’a rien oublié de cette superbe opportunité que l’Alsace n’a pas su saisir. Sans rancune aucune, elle reste une amoureuse inconditionnelle de sa région d’adoption : « L’Alsace est une petite région géographique mais un grand territoire. Souvent, j’entends encore ce discours victimaire qui dit et redit que nous serions des malaimés, notamment à Paris. C’est archi-faux ! L’Alsace donne encore envie en France et elle bénéficie d’un grand capital de crédibilité à Paris, notamment. Ce discours est un mensonge, non, nous ne sommes pas des mal-aimés, je m’insurge contre cette insinuation qui nous est encore servie régulièrement. Vous vous souvenez de la parution du livre « La psychanalyse de l’Alsace » ? (L’ouvrage de Frédéric Hoffet, paru en 1951, mériterait d’être lu par tout Alsacien de souche ou d’adoption – ndlr). Et bien, l’Alsace est encore aujourd’hui comme une vieille Américaine qui continue assidûment à fréquenter son psy au lieu d’agir !.. » « C’est le moment, il faut se bouger ! » proclame à la Une ce numéro de Or Norme. C’est pourquoi il nous a paru plus qu’intéressant de débuter ce dossier par cette rencontre avec Josiane Lenormand. Vingt ans après le Bioscope, le climat économique et sociétal a bien sûr beaucoup évolué. Le monde dans lequel nous vivons est devenu si impitoyable qu’il ne tolère plus aucun faux pas. Le Bioscope fut donc une gigantesque et superbe opportunité que l’Alsace ne sut pas saisir. A méditer encore, et surtout aujourd’hui…
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PATRICK ADLER « C’EST MAINTENANT ET ICI QU’IL FAUT SE BATTRE ! » Texte BENJAMIN THOMAS Photos MÉDIAPRESSE
Il fut le tout premier interviewé du numéro 1 d’Or Norme, il y a presque quatre ans. Nous avons retrouvé Patrick Adler, son sens de l’humain, sa passion pour l’analyse sociétale et ses puissantes et profondes convictions en faveur de Strasbourg. Un discours sans langue de bois et un raisonnement qui portent…
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A l’automne 2010, rencontré pour le grand entretien du tout premier numéro de notre revue, Patrick Adler nous confiait sans retenue l’évolution de son parcours personnel et professionnel et (déjà…) insistait sur le bilan personnel, presque intime, que chacun se doit de faire pour avancer. C’est pourquoi il nous a paru intéressant et utile de le rencontrer de nouveau car « se bouger » n’est pas pour lui un thème « abstrait »… La vie peut être quelquefois insolite… Ex-dirigeant de la société familiale Adler (qui fut le leader français des radiateurs électriques à pierres réfractaires avant d’être férocement impactée par la crise financière de 2008 et finalement placée en liquidation judiciaire début 2009), Patrick Adler est aujourd’hui devenu consultant en accompagnement de dirigeants d’entreprises et, depuis deux ans, assure les fonctions de directeur général de… Rothelec, son ex-grand concurrent ! « J’ai commencé par accompagner l’exdirigeant en lui apportant mon expérience et mon vécu. Je dois dire qu’auparavant, on m’avait beaucoup sollicité pour transmettre mon vécu professionnel, y compris l’échec qui s’en était suivi, lors de conférences. Cela ne m’a jamais posé le moindre problème de parler de cet échec. Je pense que nous vivons dans une société qui stigmatise beaucoup trop ce genre de situation. L’échec fait partie de la nature humaine, non ? Ces moments m’ont bien aidé quand la proposition de Rothelec s’est formalisée. L’accepter fut un moment très particulier pour moi : certes, c’était la possibilité d’un beau rebond mais il m’a aussi fallu affronter une situation qui pouvait aussi s’assimiler comme un certain retour en arrière. J’ai pu mesurer la confiance que les dirigeants et actionnaires de l’entreprise m’ont prodiguée et quand ils m’ont dit que l’expérience que j’avais vécue pouvait bien les aider, j’ai surmonté mes doutes et je me suis lancé pour que Rothelec devienne une entreprise différente. Malgré la conjoncture, je prends du plaisir avec mes équipes. Ce que je vis professionnellement prouve que rien n’est jamais fini, même après les moments les plus difficiles… »
« NOUS VIVONS UNE PÉRIODE EXTRAORDINAIRE… » Cinq ans après la disparition de sa société, Patrick Adler porte sur la période que nous traversons un regard lucide et sans concession : « Malgré ce que l’on nous dit quelquefois, ce n’est pas une crise que nous vivons, mais bel et bien un changement de monde. Depuis 500 ans, on vit dans un système qui est en train de s’effondrer sous nos yeux. On est en plein dedans, au cœur-même de ce maelström, et on ne se rend pas compte complètement de ce grand bouleversement. C’est pourquoi je pense que nous vivons une époque extraordinaire, au sens étymologique du terme. En ce moment donc, ça secoue, on vit des choses terribles et on se sent très désemparés car les « élites » sont de plus en plus aux abonnés absents. Les politiques ont perdu quasiment toute crédibilité et, de quelque côté qu’on se retourne, ils ne font que se raccrocher aux branches et proposer des changements qui ne sont qu’à la marge. Personne ne nous propose une autre façon de voir les choses, un nouveau rêve, une voie praticable, un chemin… Mais cette période est aussi une période pleine d’opportunités grâce, justement, aux immenses difficultés auxquelles nous devons faire face. Et c’est maintenant qu’il nous faut agir ! C’est ce que je fais à mon tout petit niveau au sein de Rothelec. A mes équipes, je propose de partager un rêve, mais de façon très pragmatique. Mon crédo est qu’il faut vraiment
s’intéresser aux gens, les aimer, les aider à concevoir eux-mêmes leur rêve et les inciter à aller jusqu’à l’endroit où ils veulent aller. Dans une entreprise, ce n’est pas le client qui est roi, contrairement à ce qui est communément admis, mais c’est le salarié, l’être humain qui l’est. Le rôle du chef d’entreprise est de déceler le rêve de ses salariés et de fédérer tout ça en élaborant un projet d’entreprise que tous partageront. Et ce même chef d’entreprise doit pouvoir expliquer à tous que le projet d’entreprise sert à réaliser le rêve de chacun. On n’a pas plusieurs vies, on n’en a qu’une seule et s’il faut permettre aux gens de se réaliser, il faut comprendre qu’il leur faut un rêve. Je pense qu’on peut grandir en faisant grandir les autres, c’est ma vision de mon rôle de chef d’entreprise… »
ET STRASBOURG ? Viscéralement attaché à sa ville natale, impliqué notamment comme actionnaire aux côtés de Marc Keller au sein du Racing (« On fait un très bon début de saison, les affres de la saison dernière s’éloignent » confie-t-il avec un œil pétillant), Patrick Adler voit grand concernant Strasbourg. « Oui, mon rêve pour Strasbourg est extrêmement ambitieux. Je pense ni plus ni moins que c’est le moment ou jamais pour que Strasbourg montre l’exemple. Aujourd’hui, on vit tant de séismes successifs mais tout est lié. On a besoin d’un nouveau modèle, extrêmement ambitieux, je le répète, tant au niveau économique et culturel bien sûr, mais au-delà aussi… Strasbourg peut « inventer » un nouveau modèle sociétal basé sur l’entraide, la solidarité et, j’ose dire ce mot, l’amour. Je ne suis pas un bisounours, rassurez-vous, mais je sais qu’il faut que nous nous mettions à oser, à nous battre pour ce rêve, à être capable de suer sang et eau pour le mettre en œuvre. Il faut que nos élites, et en tout premier lieu nos élus, aient le courage 20
puis oser devenir une force de proposition, se battre pour son rêve. La vie est un incroyable cadeau, mais qu’en faisons-nous ? A chacun de trouver sa vision de vie, de se battre pour que son rêve soit partagé par d’autres. Les citoyens ne doivent plus attendre et comprendre que s’ils veulent que le monde change, ils doivent changer eux-mêmes et se battre. Chacun a bien compris qu’on ne peut plus fonctionner comme cela s’est toujours fait : les élections ont bien sûr le mérite d’exister, nos ancêtres se sont battus pour ça ; mais elles ne doivent plus consister en ce seul acte de déresponsabilisation qui consiste à mettre un bulletin dans l’urne et attendre ensuite que quelqu’un fasse changer le monde ! C’est fini, ça aussi… »
SE RÉUNIR, AGIR…
de s’intéresser beaucoup plus aux gens, à chaque personne qui vit ici et pas seulement quelques temps avant les élections. Il y a réellement quelque chose de nouveau à inventer, c’est sûr, et pourquoi Strasbourg ne serait-elle pas cette ville qui initie ce changement ? Ça ne se fera pas au niveau national, c’est trop compliqué. A ce niveau-là, qu’on arrête déjà de laisser décider des gens qui ne savent même pas comment fonctionne une entreprise, pour parler des problèmes économiques. Et ça ne viendra pas non plus des institutions. Tout est trop sclérosé et, à ce niveau-là aussi, c’est tout un vieux monde qui s’écroule. En écoutant la radio, les discours des politiques, en lisant les journaux, en observant les réactions institutionnelles, personne ne vibre plus et, en ce qui me concerne, tous sont bien incapables de me faire partager la moindre ambition ! Non, le changement viendra des individus eux-mêmes, j’en suis totalement persuadé et le rôle de nos politiques locaux est de faire émerger cette échelle-là, d’ouvrir les vannes de la créativité et de l’initiative citoyenne… ». Quand on attire son attention sur le repli sur soi, l’individualisme forcené qui est en passe de devenir un véritable marqueur de l’époque, Patrick Adler, sans nier ces réalités, poursuit son propos et redouble de conviction : « L’erreur mortelle pour chacun, pour nous tous, est de continuer à croire qu’un homme providentiel peut changer nos vies. Non, le changement ne viendra pas ainsi, c’est une des leçons qu’on peut tirer de ce vieux système qui est en train d’agoniser. Gandhi disait : « Pour voir le monde changer, il faut changer soi-même ». C’est à chacun d’entre nous d’affronter ses peurs
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Sur sa lancée, Patrick Adler tient manifestement à enfoncer le clou et s’applique à poursuivre son raisonnement en parlant d’avenir : « Je préconise que tous ceux qui pensent, comme moi, que tout est à réinventer puissent se rencontrer. Du moins ceux qui sont prêts à agir vraiment, tous ceux qui ont un rêve pour Strasbourg, la ville où ils vivent. Tous ceux qui souhaitent mettre l’imagination au pouvoir, jeunes ou moins jeunes, ceux que je connais bien comme les artistes et les chefs d’entreprises. Ces deux catégories de gens savent encore rêver, j’en suis convaincu. Pour moi, ce sont des chevaliers de l’époque moderne et comme ceux du passé, ils ont un emblème à trois figures. La rose, qui représente l’amour des autres ; le livre, symbole de la culture, de la connaissance et de la compréhension des leçons du passé et l’épée, parce qu’ils ont envie de se battre pour tout ça. Tout ça, c’est à dire un nouveau modèle ambitieux au moment où justement tous les modèles s’écroulent, et qu’on fabriquerait ensemble à l’échelle de Strasbourg. Tiens, Or Norme pourrait être la revue où tout cela se décrirait et s’élaborerait, ce serait une bonne idée, non ? » (On est d’accord – ndlr). « Je suis prêt à en être de ce groupe-là, à condition d’agir en faveur de choses concrètes car tous les jours, dans mon entreprise, j’expérimente cette façon de se comporter, en aimant les gens, en étant franc, et je constate que ça marche. Les gens sont plus heureux et, du coup, incroyablement inventifs. C’est normal, un des facteurs importants de la vie, c’est le plaisir d’être et d’agir ensemble pour partager des projets communs. Si, dans ce cadre-là, il y a du plaisir partagé, c’est qu’on est sur la bonne voie… » Passionnante entrevue qui, selon nous, pose à merveille les données des problèmes d’aujourd’hui. La balle sera-t-elle prise au bond ? En ce qui nous concerne à la rédaction de Or Norme, nous sommes partants nous aussi…
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L’ŒIL PÉTILLANT DE
Thomas Dubus Texte JEAN-LUC FOURNIER Photos DR
Ce Picard de 40 ans est en train de redynamiser l’aéroport de Strasbourg ! Un pari qui n’était pas gagné d’avance tant, d’occasions manquées en flops de tous genres, la plate-forme aéroportuaire de la capitale européenne semblait quasi moribonde il y a quelques années encore…
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La poignée de mains est franche et énergique, la cordialité non feinte et le punch évident : cela se remarque tout de suite et l’œil pétillant est celui d’un cadre qui se sent tout à fait à l’aise dans sa mission… Les origines professionnelles de Thomas Dubus n’ont rien à voir avec le secteur de l’aéronautique. Paradoxe ? « Non » s’exclame-t-il tout de suite, « bien au contraire. Effectivement, issu de Sciences-Po, j’ai tout d’abord été créateur d’une start’up que j’ai revendue en 2000, trois ans après sa création. Puis, j’ai été directeur opérationnel d’une agence de communication à Paris, avant d’être contacté par Keolis, une société qui se lançait dans la gestion des aéroports. J’ai donc été embauché il y a quatre ans par la CCI de Strasbourg, qui gérait encore seule cet outil. Depuis trois ans, je suis devenu président du Directoire d’une toute nouvelle société de droit privé, dont le tour de table actionnarial réunit l’Etat (60% des parts), les collectivités locales et la CCI. »
UNE NOUVELLE GOUVERNANCE Une nouvelle donne salutaire, surtout quand l’on songe aux affres subis par l’aéroport de la capitale européenne. Entre les (superbes) occasions manquées (souvenons-nous de DHL dans les années 90), le fiasco de Ryanair (dont le contrat co-signé avec la CCI s’est avéré si mal ficelé qu’Air France n’eut alors aucun mal à le faire retoquer par la justice, la compagnie low -cost transférant alors immédiatement toutes ses activités de l’autre côté du Rhin, à Baden-Baden) et l’impact naturel de l’arrivée du TGV sur le nombre de vols d’Air France, ce fut un temps Entzheim morne plaine…
De quoi faire imaginer le pire, surtout dans le contexte très concurrentiel dont Strasbourg est le centre géographique : le hub mondial presque voisin de Francfort, le redoutable dynamisme de Bâle-Mulhouse à nos portes (presque 6 millions de passagers en 2013), l’aéroport de Baden, devenu un véritable « nid » de compagnies low-cost et de charters, entre autres. Une nouvelle gouvernance s’est donc substituée intégralement à la gestion précédente de la CCI de Strasbourg. « Elle est toute entière tournée vers l’objectif économique » précise Thomas Dubus. « C’est ma mission essentielle, assurer l’équilibre financier de la structure et la rendre profitable. Désormais, la stratégie est élaborée avec les collectivités locales et mon rôle est en fait de vendre le territoire, en liaison permanente avec ses acteurs dont les institutions touristique et politique et même les médias. » Et cela fonctionne ! Au plus bas, il y a encore deux ans, l’aéroport de Strasbourg voyait transiter à peine plus d’un million de passagers annuels. En peu de temps, les compteurs ont atteint 1 200 000 voyageurs. « Nous avons intégralement compensé la perte de trafic due à la spectaculaire diminution des rotations d’Air France après l’impact, qui était attendu, de l’arrivée du TGV en gare de Strasbourg. » note Thomas Dubus. « Toutes les compagnies low-cost sont présentes grâce au fort abaissement des taxes que nous avons initié. Ce poste budgétaire est vraiment essentiel si on veut développer du trafic et attirer les compagnies. La baisse des revenus qui s’en suit est compensée par le développement du trafic passagers et aussi l’essor des recettes générées par la zone d’activités autour de l’aéroport ». Dont celles des 50 hectares de l’ex-emprise militaire de l’aéroport, des terrains à l’abandon sur lesquels rien n’avait été fait auparavant (ndlr).
EASYJET, RYANAIR, VOLOTEA, TRANSAVIA, SUNEXPRESS … En bouclant tout récemment l’important dossier de l’installation de la troisième base française de la compagnie low-cost Volotea à Strasbourg, Thomas Dubus a réussi un joli coup : « La mécanique est enclenchée, le système va désormais s’auto-alimenter » sourit-il.
De droite à gauche : Thomas Dubus - Philippe Richert (président de la Région Alsace) - trois personnes du staff Volotea - Eric Elkouby (Ville de Strasbourg) – Robert Hermann (président de la CUS) – Carlos Muños (PDG et fondateur de Volotea) - Jean-Luc Heimburger (président de la CCI de Strasbourg) - Guy-Dominique Kennel (président du Conseil général du Bas-Rhin) - Claude Liebermann, (président du Conseil de surveillance de l’Aéroport de Strasbourg)
Si le grand public ne retiendra naturellement que l’arrivée de nouvelles destinations (Figari, en Corse, en plus de Bastia et Ajaccio l’été, Palerme et -nouveautés dès cette année- Biarritz, Montpellier ainsi que Marseille (à partir de novembre prochain), Olbia et Venise (dès l’été prochain)- Thomas Dubus précise aussi que la présence de la base de Volotea à Strasbourg va permettre automatiquement le doublement des capacités de transport sur l’ensemble des lignes. Côté Ryanair, et contrairement à ce qu’annonçait imprudemment tout récemment un quotidien régional, la ligne sur LondresStansted n’est pas supprimée, elle fera seulement une pause hivernale et reprendra au printemps prochain. EasyJet continue sa desserte londonienne via l’aéroport de Gatwick, la compagnie turque SunExpress dessert Izmir et, à compter de l’été prochain, Antalya. Nouveauté également : la compagnie low-cost Tassili Airlines desservira Alger tandis que Transavia poursuit ses vols vers Marrakech. On le voit, l’aéroport de Strasbourg a su éviter le pire et même se relancer grâce à son audace de provoquer un radical changement de gouvernance. A la tête de cette équipe de choc, Thomas Dubus qui, l’œil toujours aussi pétillant, nous confiera même quelques minutes avant notre départ : « Il y a trois ans, je m’étais dit que si un jour nous parvenions à avoir sur la même photo le boss d’une nouvelle compagnie arrivante et les représentants des collectivités locales alsaciennes, le pari serait alors gagné ! ». Et bien, c’est fait depuis septembre dernier avec l’officialisation de l’installation de la base de Volotea (voir photo ci-contre).. Mais attention, l’artisan de ces succès ne désarme pas : « Nous reste à concrétiser l’aménagement des 50 hectares de notre zone d’activités, c’est notre chantier majeur et il est déjà enclenché. Je veux aussi atteindre un autre objectif. Celui d’enraciner dans la tête de tous les potentiels voyageurs strasbourgeois cette simple évidence : partez d’où vous voulez, certes, mais avant de vous décider, regardez donc ce qui vous est proposé au départ de Strasbourg ! » Un objectif que ce bourreau de travail et ce concentré de punch va atteindre, c’est sûr…
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L’EURODISTRICT STRASBOURG ORTENAU UNE STRUCTURE RÉVOLUTIONNAIRE EN DEVENIR OU UN SIMPLE « MACHIN » INSTITUTIONNEL DE PLUS ? Texte CHARLES NOUAR Photos
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Finalement, les citoyens de Strasbourg ou de Kehl sont presque les seuls à être acteurs au quotidien et à donner un timide début de réalité concrète à l’Eurodistrict. Avec leurs pieds ou leur vélo, en utilisant la toujours splendide et très fréquentée Passerelle Mimram, jetée entre les deux villes frontalières audessus du Rhin. En attendant le tram... Ils ne manquent pas d’idée, les citoyens. Mais encore faut-il qu’elles soient prises en considération. C’est ce qu’exprime sans détour Kaï Littmann, un journaliste allemand, fin connaisseur des dossiers transfrontaliers, dans les pages qui suivent...
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Onze ans déjà que cette belle idée est « née ». C’était du temps de Chirac et Schröder, c’est dire si un peu d’eau du Rhin a coulé depuis sous le Pont de l’Europe, entre Strasbourg et Kehl... Qu’en est-il depuis ? Régulièrement, des informations parviennent mais le tout semble avancer avec une lenteur exaspérante. En plus de dix ans, quel bilan concret ? (Cornula Riedel, la secrétaire générale du Conseil Eurodistrict juge que les choses ont bien avancé... depuis quatre ans – lire son interview ci-après). Pourtant, chacun pressent bien que l’avenir de Strasbourg dépendant en grande partie de ce qui va se passer sur son flanc Est, une structure administrative transfrontalière efficace pourrait apporter de l’huile dans les rouages des projets. Outre le fait que ce secteur de la capitale alsacienne recèle la majorité des réserves foncières disponibles de la ville, une fabuleuse opportunité de mise en valeur de friches urbaines existe avec les immense espaces et bâtiments présents sur l’emprise du Port Autonome de Strasbourg. De quoi construire, aménager et même servir de support pour une image moderne et décomplexée de Strasbourg, à l’instar de ce qui se pratiqua il y a encore si peu de temps dans les zones portuaires urbaines de Hambourg, Lisbonne ou même Londres et ses berges de la Tamise. Et comme, par définition, un fleuve a deux rives, il ne serait pas interdit d’imaginer un véritable effet miroir de part et d’autre. Question d’audace et de créativité... Mais voilà : rien n’avance ou si lentement que c’en est à désespérer. Thierry Danet, le patron d’Ososphère, travaille depuis des années pour que son événement, observé avec attention par nombre de métropoles européennes, soit au cœur de la création d’un nouveau quartier du côté de l’ex-siège déserté de la vieille Coop. Mais, pour l’heure, aucune décision d’envergure n’a été prise et ce passionné de Strasbourg se lasse, bien conscient qu’il ne peut plus faire désormais « avec deux bouts de ficelle ». Côté Port Autonome, un remarquable climat existe entre les entreprises présentes sur le site et la structure gestionnaire. Des projets mûrissent mais rien à en attendre avant deux bonnes années... Bien sûr, c’est à la seule ville de Strasbourg d’initier et faire avancer ses projets de ce côté-ci du Rhin. Mais ce secteur étant destiné, à terme, à représenter une des deux vitrines porteuses de symboles pour l’Eurodistrict, c’est sans doute maintenant et sans trop tergiverser qu’il faut prendre position...
CORDULA RIEDEL SECRÉTAIRE GÉNÉRALE DU CONSEIL EURODISTRICT Où en est réellement l’Eurodistrict Strasbourg-CUSOrtenau ?
Les choses ont bien avancé au cours de ces quatre dernières années, depuis sa constitution en 2010 en Groupement européen de coopération territoriale ou GECT, une structure qui vise à faciliter et promouvoir la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale. Lorsqu’il a été fondé en 2005, l’Eurodistrict ne disposait ni de Secrétariat général, ni de budget propre, ce qui rendait son action moins perceptible du grand public. De combien est justement ce budget, aujourd’hui ?
Il est de 850.000 euros, soit environ un euro par citoyen, ce qui nous permet aujourd’hui d’accompagner plusieurs projets entre nos deux rives, de l’organisation du Marathon Eurodistrict à la création de patrouilles policières mixtes à vélo, en passant par une volonté de développer l’offre de transports publics au sein de l’Eurodistrict. Vous intervenez aussi en matière de santé, je crois...
Oui, nous avons en effet pour objectif de créer une zone organisée d’accès aux soins (ZOAS), au sein de laquelle Français et Allemands auraient la possibilité de choisir indépendamment de leur nationalité leurs prestataires de santé et où nous pourrions également mutualiser des investissements lourds dans le domaine médical. Le systèmes administratifs et autres hospitalières sont-ils prêts à un tel partage ?
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Rendre ce projet effectif n’est bien entendu pas simple, notamment au regard des caisses de remboursement, dans la mesure où, pour y parvenir, nécessite a minima une réciprocité et l’accord des caisses maladies, dont environ 180 côté allemand. Quant à la mutualisation structurelle, elle peut également poser problème en raison de son impact en matière de concurrence hospitalière, les établissements les mieux équipés attirant généralement les meilleurs personnels de santé, pour ne prendre que cet indicateur. Mais j’ai bon espoir que nous y arrivions. Des premières rencontres que nous avons pu avoir avec les professions concernées, j’ai retenue une envie d’aller en ce sens, notamment en cancérologie ou en radiothérapie, un domaine où des structures comme 26
le centre Paul Strauss et l’Ortenau Klinikum ont déjà manifesté leur intérêt à travailler ensemble. Et puis, d’autres projets ont déjà été pris corps, comme l’ouverture d’un cabinet médical transfrontalier de traitement des addictions à Kehl en septembre 2013 qui fait aujourd’hui office d’exemple au-delà de l’Eurodistrict et que nous avons accompagné financièrement.
Oui, même si nous n’en sommes qu’au lancement des premières études, l’idée est ici d’améliorer l’offre en matière de transports publics transfrontaliers, notamment quant aux fréquences des liaisons et à leur intermodalité. Mais il s’agit ici d’investissements lourds qui devront être validés par les différentes collectivités concernées. Malgré ces avancées, nombreux sont ceux qui reprochent à l’Eurodistrict de ne pas être développer une approche plus « citoyenne » dans son action. Ces critiques vous paraissent-elles fondées ?
Les citoyens ne sont pas écartés en tant qu’acteur de l’Eurodistrict si c’est bien à cela que vous faites référence. Des consultations publiques régulières sont organisées sur notre site afin d’ajuster nos actions en fonction des demandes des populations. Des tables rondes élus-citoyens sont également organisées afin de travailler ensemble à la mise en œuvre de propositions concrètes. Enfin, nous accompagnons désormais financièrement plusieurs projets initiés par les résidents de l’Eurodistrict, au travers d’un fonds de micro projets rattaché à Interreg IV. Certes, l’accessibilité à ces fonds exige de remplir certains critères d’éligibilité comme l’apport de 50% du financement que nous pouvons compléter à la même hauteur sous forme de dépenses remboursables ou encore l’aspect novateur du projet présenté, mais cette possibilité existe. Après, bien sûr, sans doute faudrait-il encore aller plus loin mais n’oubliez pas que l’Eurodistrict a à peine dix ans et le Secrétariat moins de cinq. Tout est perfectible, nous en sommes conscients mais cela ne doit pas faire oublier les résultats déjà obtenus.
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Vous disiez que vous interveniez également en matière de transports...
VU D’ALLEMAGNE
KAI LITTMANN « DÉCLARER VOULOIR TRAVAILLER AVEC LES CITOYENS EST UNE CHOSE, LE FAIRE EN EST UNE AUTRE »
Fondateur du Bürger Forum Eurodistrict en 2003, aujourd’hui à la tête du premier magazine online transfrontalier Eurojournalist.eu, Kai Littmann s’interroge sur la marge de manœuvre laissée aux citoyens pour construire « leur » Eurodistrict. Si la volonté de la société civile d’aller de l’avant est selon lui réelle, nombreux sont ceux qui jettent l’éponge faute de soutien du monde politique.
Kai Littmann, vous avez régulièrement soulevé au cours de ces dernières années la difficulté qu’a eu la « société civile » à s’engager dans la construction de l’Eurodistrict. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Certaines choses se sont améliorées avec la mise en place du Secrétariat général de l’Eurodistrict, même si ses moyens humains et financiers pour accompagner des projets binationaux restent très restreints. Des projets ont ainsi pu voir le jour, ou se développer, comme la création d’un centre d’échange de bonnes pratiques dans l’accompagnement des toxicomanes ou le soutien au théâtre transfrontalier BAAL Novo. Mais cela reste très modeste et un projet « dit » citoyen n’aura que très peu de chances d’être soutenu s’il n’est pas parallèlement accompagné par une personne juridique morale, administrative ou académique.
Comment expliquez-vous cela ?
C’est aux élus de tous bords politiques qu’il faudrait le demander. Tous nous parlent d’implication des citoyens dans la construction de l’Eurodistrict, ce fameux laboratoire appelé de leurs vœux en 2003 par Schröder et Chirac. Mais aucun n’a jusque-là accepté que des représentants de la société civile siègent au sein du Conseil Eurodistrict ou, a minima, se voient attribuer un statut d’observateur. Alors oui, bien sûr, des enquêtes d’opinion sont désormais réalisées via le site du Secrétariat général qui fait ce qu’il peut avec les moyens qui lui sont donnés mais reconnaissez que la portée symbolique ou politique est toute autre... On vous sens dépité... .
Pas tout à fait. Il est vrai que déclarer vouloir construire avec les citoyens est une chose, le faire en est une autre, avec pour conséquence directe de décourager nombre de porteurs de projets. Mais il faut rester optimiste et continuer à faire des propositions, à s’impliquer le plus possible dans cet Eurodistrict. Que sont justement devenus les projets soutenus par le Bürger Forum Eurodistrict de radio bilingue, d’école franco-allemande et de structure artistique transrhénane ?
décourageant ces gens, ce sont des forces vives précieuses que nous perdons dans la réalisation de cet Eurodistrict que nombreux ne voient déjà plus que comme une simple structure de liaison entre les administrations allemandes et françaises... Et cela a en plus ceci de tragique que tout le monde ou presque s’accorde à dire que l’avenir de Strasbourg s’écrira à 360° ou ne s’écrira pas. L’Eurodistrict est-il selon-vous condamné à rester figé ?
Cela me paraît impensable mais il est de la responsabilité de nos élus de se bouger. La volonté citoyenne d’aller de l’avant existe. Déjà, en 2006, une étude FEFA-SOFRES avait indiqué que 96% de la population du Rhin Supérieur souhaitait une évolution transfrontalière plus rapide. 96% !! Les associations n’ont cessé d’essayer de développer des projets en ce sens. Mais qu’ont fait nos élus pour les soutenir ? Se bouger est une chose mais reconnaissez que cela est un peu plus facile quand on ne cherche pas constamment à vous briser les jambes...
Tous les porteurs de projets ou presque ont jeté l’éponge. Si Radio Eurodistrict existe aujourd’hui, il ne s’agit pour l’heure que d’une station en ligne qui cherche encore à obtenir une fréquence FM. Reste que les porteurs de ces projets ont un métier à côté et n’ont pas forcément le luxe de s’époumoner dans un cadre qui ne leur laisse pas d’air. Cela a quelque chose d’usant que je comprends. Mais le plus grave est qu’en
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UNIVERSITÉ DE STRASBOURG « L’ALSACE EST UN TERRAIN DE JEU TROP PETIT » Texte JEAN-LUC FOURNIER Photo MÉDIAPRESSE
Si on regarde dans le rétro des dernières années en quête d’une exemplaire réussite alsacienne, c’est la calandre de l’Université de Strasbourg qui apparaît et scintille… A l’origine de cette incontestable réussite : une affaire d’hommes, convaincus, enthousiastes. Et pugnaces… Rencontre décapante avec Alain Beretz, son président.
« On va se voir au calme, vers la fin juillet » avait souhaité Alain Beretz. Et, de fait, le Nouveau Patio, l’immeuble de la présidence, est ce jourlà beaucoup moins « busy » que d’habitude et son président aussi, dans la dernière ligne droite avant le départ en vacances.
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Mais quand on attaque direct sur le thème de la belle réussite de l’Université de Strasbourg, Alain Beretz tient d’entrer à remettre les pendules à l’heure. « Mon équipe et moi-même n’avons que suivi la voie de nos prédécesseurs, les Merindol, Maistre, Payot, Carrière, Cuche, Michon, Benoît-Rohmer… qui avaient déjà bien défriché le terrain. En fait, nous n’avons fait que tout boucler… » confie-t-il sans fausse modestie.
UNE UNIVERSITÉ AU TOP Il y a encore quelques années, trois universités distinctes faisaient déjà de Strasbourg un des piliers du monde universitaire national, surtout depuis la création du Pôle universitaire européen de Strasbourg au début des années 90. Ce Groupement d’intérêt public préfigurait déjà cette réelle volonté de s’unir qui allait aboutir à la renaissance de l’Université de Strasbourg moins de vingt ans plus tard. « L’Université de Strasbourg est née comme une évidence » précise Alain Beretz. « Nous n’avons pas attendu une injonction ministérielle ou quoique ce soit d’autre. Nous nous sommes basés sur un constat évident lui aussi : unis, on est plus forts. Et comme nous mesurions bien notre volonté à tous, comme nous constations une belle ambition commune, alors les véritables acteurs de terrain que nous étions ont foncé. Et tout cela s’est élaboré ici, entre les scientifiques que nous étions. Comment dire ? C’est tout simple, en fait. nous nous sommes dits : on a tous
envie de le faire et on sait tous que l’objectif est formidable. Alors, pas besoin d’attendre sur qui ou quoi que ce soit, allons-y, faisonsle… » Et ils l’ont fait. Aujourd’hui, l’Université de Strasbourg surfe sur une belle vague et apparaît même dans les radars des classements internationaux, fussent-ils quelquefois controversés. Avec plus de 40 000 étudiants, elle est sur le podium des universités françaises… Et son président persiste dans l’audace. Lors de la table-ronde avec le président de la République et les étudiants de l’Université de Strasbourg en janvier dernier, Alain Beretz a réussi à glisser son idée de la création d’un Campus européen. Illico-presto reprise par François Hollande et même actée lors du conseil des ministres franco-allemand trois semaines plus tard à Paris. Il y aura donc bien un rapprochement entre l’Université de Strasbourg et l’Université de Fribourg. L’Europe continue donc à se fabriquer ici et c’est une bonne nouvelle…
HALTE AU DÉFAITISME Alain Beretz ne nie pas l’ambiance de sinistrose qui sévit un peu partout, à Strasbourg et en Alsace aussi : « Attention ! Je refuse pour autant de donner dans le pessimisme à outrance et de verser dans un discours poujadiste, bien pensant, que je considère au final comme dangereux. Mais oui, nous sommes au cœur d’une crise incontestable et les gens ne se rendent pas toujours compte où nous mènent les égoïsmes personnels et institutionnels qui se font jour à tous les niveaux. » Et le président de l’Université de Strasbourg de prendre en exemple l’actuel débat sur la réforme des régions : « Une région plus vaste ? J’y suis très favorable. Une Alsace qui doit préserver son identité ? Bien sûr que cela doit être le cas. Mais rester au cœur du village gaulois est d’un ridicule total. Je n’entends pas dire grand chose sur ce qui est pour moi l’essentiel : une intense réflexion sur ce que sont et doivent devenir les régions. La France reste très jacobine et on ne s’interroge pas beaucoup là-dessus. Le débat reste très institutionnel et on entend beaucoup la voix de ceux qui risquent de perdre un siège d’élu. Ce n’est pas ça que les citoyens veulent entendre : ils ont besoin qu’on revienne à des éléments de débat authentiquement politiques, dans le vrai sens du terme. Ils ont besoin qu’on réaffirme ou qu’on recrée des valeurs, une ambition, une vision. Ça, c’est la politique, la vraie ! Toutes les institutions, quelles qu’elles soient, doivent se remettre en cause. On a besoin de souffle, voilà ! »
L’EUROPE COMME ÉCHELLE STRATÉGIQUE Sur Strasbourg et ses enjeux, Alain Beretz revendique de voir grand : « L’Alsace est un terrain de jeu beaucoup trop petit. Il faut avoir le courage de soutenir que l’Europe est la réponse à certaines questions. C’est ce qui m’a incité à avancer cette idée de Campus européen à Strasbourg car je pense que notre ville doit tout faire pour que s’installent ici des institutions internationales. Cette carte de l’international, Strasbourg doit désormais et urgemment la jouer sans complexe. Tous les gens qui ont des projets doivent maintenant les pousser très fort, tout comme nous l’avons fait avec l’université. Je repense à ce moment à ce qu’a toujours dit ce grand patron et alsacien de cœur qu’est Henri Lachmann (ex-président de Strafor ,aujourd’hui président du conseil de surveillance de Schneider Electric –ndlr) : « Le véritable atout de Strasbourg et de l’Alsace, ce n’est pas le parlement européen, c’est le transfrontalier ». Devant ces pays comme la Chine, la Corée, l’Inde, le Brésil qui explosent, il faut un vrai courage européen car la véritable échelle stratégique n’est pas le Bas-Rhin et le Haut-Rhin
La table-ronde lors de la visite présidentielle de l’hiver dernier
mais l’Europe, à commencer donc par le transfrontalier. Aujourd’hui encore, quand je passe le Rhin, je ne cesse de m’émerveiller qu’il n’y ait plus cette frontière qui était si omniprésente quand j’étais môme, avec ses perversions administratives, cette barrière qui se levait et s’abaissait et jusqu’au vieux bunker qui n’était pas si loin ! Si tout ça a disparu, c’est parce que les politiques qui l’ont permis ont eu du courage. Et bien c’est ce courage-là qu’il faut que les politiques d’aujourd’hui manifestent. Et les citoyens aussi, qui doivent désormais exiger qu’on reparle des valeurs qui ont permis, il y a quelques décennies, l’émergence d’une société qui n’était pas si mal que ça : la solidarité, l’entraide, l’empathie, l’ambition, la volonté !… Si tout ça n’est pas de retour, tu peux monter toutes les agences de développement que tu veux, si l’humain n’est pas très vite remis au centre de tout, ça ne marchera pas ! Je ne suis ni un rêveur ni un boy-scout, je sais bien qu’il ne faut pas tomber dans le panneau de l’idéalisme béat ou, au contraire, du conservatisme renfermé mais il faut que se mette en place à Strasbourg et en Alsace un vrai fonctionnement pragmatique, à l’échelle transfrontalière, sur quelques schémas précis comme les transports doux, la proximité ou encore la silver économie, par exemple. Il faut passer à la vitesse supérieure, éviter les gadgets, s’appuyer sur des gens motivés! Ils existent, la nouvelle donne est là… » Là-dessus, on pense que le moment et venu de refermer le bloc-notes et de se souhaiter de bonnes vacances. Mais Alain Beretz n’en a pas tout à fait fini : « Et tu veux que je te dise ! En plus de tout ça, on a besoin d’un Racing en Ligue 1 ! ». Et d’ajouter, devant notre surprise : « Oui, Strasbourg et l’Alsace ont besoin de locomotives. Regarde Bilbao et son Guggenheim ! Ils ont eu cette audace d’implanter là-bas cette structure énorme et innovante qui est devenu un succès mondial et cette ville est désormais parfaitement identifiée sur la planète entière. Oui, Strasbourg a besoin d’une vitrine dans ce sens-là. Il faut des exemples. Donc des locomotives… Et donc un Racing en Ligue 1 !.. » Et Alain Beretz d’éclater de rire. Décidément, ce gars-là est incroyable…
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Alain Grumbach L’AUDACIEUX Texte ERIKA CHELLY Photos MÉDIAPRESSE AGENCE D’ARCHITECTURE MOLHO LCR
« On est ce que l’on fait. » Alain Grumbach se définit ainsi, en toute sérénité. Ce professionnel de l’immobilier, à 56 ans, est un vrai amoureux de Strasbourg à qui il apporte son savoir-faire. Avec toujours un projet d’avance dans ses cartons.
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Alain Grumbach revendique tranquillement un parcours un rien atypique : études de sciences-éco mais un premier job d’antiquaire, puis une association à la tête d’une société de négoce de métaux précieux avant d’œuvrer finalement dans l’immobilier d’entreprises depuis 1993. Avec un axe tout à fait particulier : restructurer et mettre aux normes des friches industrielles afin d’accueillir les PME-PMI en mal d’espaces pour s’installer. Simple, pensez-vous… Non, en amont et en aval, il existe une activité complexe et qui demande un savoir-faire quasi méticuleux.
UNE OBSESSION : LA CRÉATION D’EMPLOIS « Nous sommes des aménageurs d’espaces » précise Alain Grumbach. « Mais, au final, notre métier débouche sur la création d’emplois et c’est de cela dont nous sommes assurément le plus fier. Au départ, il y a une friche industrielle ou autre et, après avoir pris un maximum de renseignements sur le site, nous décidons d’en faire l’acquisition. Nous le restructurons. Cette mise aux normes a pour objectif de pouvoir ensuite y accueillir des entreprises ou des commerces. » Un réel travail de fond est à accomplir, à l’image d’un des projets en voie de finalisation par les équipes de Grumbach Immobilier, la pointe de Souffelweyersheim, ce triangle de 20 000m2 constructibles mais inexploités, alors que pourtant idéalement situés en bordure de l’autoroute A4. Pas moins de 36 particuliers étaient co-propriétaires du terrain. Il a fallu bien sûr les contacter un à un et leur demander leur accord de vendre les parcelles dont ils étaient propriétaires, puis assurer la viabilité de l’ensemble. Cette collaboration entre Hermann Immeubles et Grumbach Immobilier (bien renforcée par la présence
Vue d’artiste de la Pointe de Souffelweyersheim
au sein de la société des enfants, Anne, 31 ans et Guy, 29 ans) ainsi qu’une équipe dynamique et motivée, a porté ses fruits avec la création de 5 000m2 de locaux commerciaux (tout en préservant les espaces verts). Avec de l’emploi à la clé. « Notre expertise en réhabilitation est reconnue et il est notamment réjouissant de constater que la collectivité publique n’hésite pas à s’impliquer avec les professionnels et s’appuie sur leur expérience. » souligne Alain Grumbach.
STRASBOURG AU CŒUR Cet audacieux-né devient vite intarissable dès qu’on avance le nom de Strasbourg et qu’on parle de l’avenir de notre ville. « Chaque Strasbourgeois a une vraie plus-value à apporter à sa ville et c’est effectivement le moment ou jamais. Et avec audace ! A ce sujet, il suffit de se rappeler comment le Tram a métamorphosé notre ville. C’était le bon choix. C’est ainsi qu’il nous paraît naturel de soutenir le très gros projet de quartier d’affaires au Wacken, par exemple. Il s’agit d’un très beau projet qui peut puissamment contribuer à l’image de marque internationale de Strasbourg et bien sûr créer des emplois. Il montre que cette ville a beaucoup et positivement évolué et, je le répète, l’administration en place permet tout à fait aux initiatives privées de s’exprimer et se développer, ce qui est un facteur d’immobilisme en moins. Strasbourg me semble en évolution constante, c’est ce que pense la génération que je côtoie quotidiennement mais aussi que nos enfants côtoient : ce sont des gens qui entreprennent, qui innovent et sont très dynamiques. »
Et Alain Grumbach de nous faire découvrir l’impressionnant chantier de l’immeuble du quai Sturm où se sont déjà installés les bureaux de sa société. Bien connu pour avoir été anciennement le siège du Medef Alsace, le site bénéficie d’atouts incontestables comme par exemple un immense et superbe espace de réception qui fut, au début du siècle dernier, la grande salle du Casino qui occupait les lieux à l’origine. « Cet espace que nous rénovons servira à accueillir de grandes réceptions, tant pour les entreprises ou institutions que pour les particuliers mais aussi des expositions ou manifestations culturelles. Je pense que Strasbourg avait besoin d’un tel lieu, à deux pas de l’hyper-centre. Cependant, nous avons aussi prévu du tertiaire… ». Une visite complète du chantier aura suffi pour nous convaincre que l’outil final sera un « plus » incontestable pour Strasbourg. La livraison est prévue pour la fin du premier trimestre 2015, dans à peine quelques mois donc, et nous sommes dans l’impatience de découvrir ce joyau. En tout cas, la pertinence de la démarche et la force de l’engagement sont bien présentes. « On est ce que l’on fait. Ainsi, c’est de par nos actes et en agissant de façon positive que nous contribuons au développement de notre ville où il fait si bon vivre » conclut Alain Grumbach.
Vue d’artiste des espaces tertiaires de l’immeuble du quai Sturm
L’immeuble du quai Sturm et son schéma d’aménagement
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NOUVELLES TECHNOLOGIES STRASBOURG SURFE-T-ELLE SUR LA BONNE VAGUE ? Texte
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ALAIN ANCIAN
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C’était en novembre dernier et Fleur Pellerin était encore ministre chargée de l’innovation et de l’économie numérique. Avec un allant formidable (et une compétence certaine), elle lançait l’Initiative French Tech, label beaucoup plus ambitieux que l’Initiative Quartiers numériques à qui il succèdait. Le but : « mobiliser collectivement pour la croissance et le rayonnement des startups numériques françaises ». Contrairement à l’immense majorité des régions, l’Alsace s’est inscrite à ce label sous une démarche pragmatique et cohérente puisque Strasbourg et Mulhouse, les deux villes les 33
plus dynamiques en la matière, décidaient de candidater en commun sous la dénomination « French Tech Alsace ». La soirée de lancement de la candidature le 12 juin dernier a réuni la fine fleur des entrepreneurs du numérique et des institutions régionales soutenant la candidature. Coup de chapeau au passage pour les entrepreneurs moteurs de cette candidature aussi bien strasbourgeois que mulhousiens qui ont su faire preuve d’une belle réactivité et d’un réel pragmatisme : si l’Alsace unie a bien du mal à se matérialiser au niveau politique, il n’en va heureusement pas de même quand les véritables créateurs de développement que sont les entrepreneurs sont aux manettes... Il est encore trop tôt pour savoir si la French Tech Alsace bénéficiera du label et de ses avantages. Mais déjà, on peut observer en filigrane deux états d’esprit bien différents aux deux pôles du territoire. A Mulhouse, une centaine de sociétés, toutes impliquées depuis quelquefois longtemps dans le numérique, ont profité de l’oreille attentive (et très proche) de Jean Rottner, le maire de la ville. Ce dernier fait feu de tous bois, avec une débauche d’énergie certaine, pour sortir sa ville d’une longue période de quasi inertie en matière de développement économique (voire de déclin). Le projet mulhousien repose entièrement sur la création d’un véritable quartier numérique, situé sur des friches industrielles à une portée d’arbalette du centreville. Baptisé KM0 (tout un symbole), ce quartier abritera
incubateur, fablabs, structures de formation, entre autres... dans le but de « fédérer les compétences et les marchés », pour reprendre l’objectif ouvertement déclaré. C’est donc une véritable montée en puissance de l’entrepreneuriat numérique (et des emplois ultra-qualifiés qui vont avec) qui est dans la ligne de mire des promoteurs du pan mulhousien de French Tech Alsace. A Strasbourg, on semble plutôt plus axé sur le monde de la Culture puisque c’est sur le rapprochement entre la Plage Digitale (un large espage de coworking largement dominé par les webdesigners et autres graphistes ou webartistes) et le Shadok, un lieu ouvertement destiné à l’ensemble des « cultures numériques » qui ouvrira ses portes dans quelques mois sur le site Malraux, que s’est fondé le pôle strasbourgeois de la candidature. L’innovation numérique aux couleurs du pragmatisme (sur fond de plus grande audace) des entrepreneurs mulhousien ou plus institutionnelle côté strasbourgeois : la tentation est grande de souligner les deux « mentalités » très différentes qui auraient présidé à ce projet de candidature commune. Est-ce si manifeste que cela ? La réponse d’un des piliers de l’économie numérique à Strasbourg.
STÉPHANE BECKER L’INNOVATION A BESOIN DE TRANSVERSALITÉ
Certains soulignent déjà les différences fondamentales entre le projet mulhousien et le projet strasbourgeois, tous deux piliers de la candidature French Tech Alsace au label national. Quel est votre sentiment ?
« Mon premier sentiment est qu’il est un peu simpliste d’opposer les deux projets, d’autant plus que leur construction et le contexte dans lequel tous deux évoluent est très différent. Nous ne sommes pas dans une logique d’opposition. Le fait est que dès lors qu’il existe une masse critique, il y a de l’innovation. La Plage Digitale peut fonctionner à Strasbourg parce que Strasbourg dispose d’une densité de gens, de compétences, d’une université de dimension internationale et pas uniquement d’entrepreneurs, dont je fais moi-même partie, et qui ne suffisent pas à eux seuls à créer cette masse critique. Et cette masse critique, si je vous comprends bien, ne peut se construire sans transversalité... ?
Oui, la transversalité est à la base de la création d’un écosystème lié à l’innovation. Pour vous donner une évolution concrète, à Strasbourg nous sommes partis en 2006 des BarCamps. En avril 2012 nous avons créé
la Plage Digitale avec ses espaces de coworking, un peu moins d’un an après le lancement des Start-Up Weekends où, durant 54 heures, nous permettons à des lanceurs de projets de bénéficier de compétences multiples (développeurs, avocats, expertise d’entrepreneurs, etc..) pour les accompagner dans la création d’entreprises dont deux ont d’ailleurs été lauréates cette année du Prix national PEPITE - Tremplin pour l’Entrepreneuriat Etudiant. Pour vous donner une idée de l’importance que prend Strasbourg dans ce domaine, seules cinq start ups ont été primées cette année et deux d’entre elles sont issues de l’écosystème que nous avons progressivement commencé à créer. La première, Contaact, a développé un carnet de liaison orthophoniste à destination des enfants autistes qui leur permet de mieux communiquer avec leur entourage. La seconde, Synovo, est une start up spécialisée en algorithmie génétique et évolutionnaire et qui a notamment créé un logiciel de gestion de parc d’ambulances à même d’optimiser le transport des patients. Ces deux projets, nés à Strasbourg, n’auraient pu voir le jour sans cette transversalité entre développeurs, patients, professionnels de la santé. Dans le domaine de la santé, justement, vous êtes également à l’origine de la première édition européenne du Hacking Health, un événement de renommée mondiale en matière de santé...
Le principe du Hacking Health consiste là encore à associer des innovateurs technologiques et des professionnels du secteur de la santé pour solutionner des problèmes que ces derniers n’ont pas les moyens techniques de résoudre. De ces trois jours de travail sont nées des solutions concrètes dont dix projets primés parmi lesquels l’iJama, un pyjama connecté pour analyser les troubles du sommeil, DoseWatch App / MyDose, un outil d’analyse et de suivi des exposition aux rayons X d’imagerie médicale, le logiciel eConsult, dédié à la pré-consultation médicale. Le truc, parfois insupportable ici, est que nous nous enfermons dans une logique de French ou de Strasbourg bashing alors que nous sommes en capacité de faire de grandes choses en associant des développeurs, des consultants en divers domaines et des entreprises de renommé mondiale comme l’IRCAD ou GE Healthcare. Le tout, avec pour résultat, de l’innovation et des projets concrets, un intérêt du Collège de France pour nos travaux et un Sébastien Letélié, le développeur à l’origine du Hacking Health Strasbourg, récemment invité à Montréal pour un sommet sur le numérique et la santé ! L’on peut tourner la chose dans le sens que l’on veut mais ce n’est pas simplement avec 5000 mètres carrés et uniquement des professionnels de l’informatique que l’on peut avancer de la sorte mais bien en mettant en place un véritable écosystème transversal dédié à l’innovation. Certes, cela prend du temps – notamment pour l’ensemble des bénévoles qui accompagnent et coachent ces projets ; c’est peut-être également moins voyant au départ, mais cela abouti à des résultats de dimension internationale avec autant d’emplois pour demain à la clé. Pour le Shadok, le principe est le même : proposer un savoir faire technologique aux artistes, le développer avec eux et, aux travers de ces échanges développer de nouveaux projets, de nouvelles applications qui pour certaines trouveront, pourquoi pas, des débouchés dans d’autres secteurs. C’est par cette approche transversale que l’on innove, que l’on créé un écosystème durable. Et je ne doute pas que cet éco-système, nous allons finir par réussir à le créer. » ENTRETIEN : CHARLES NOUAR
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MARC TUBIANA COMME NOUS CHEZ NOVEMBRE, STRASBOURG DOIT SE METTRE EN MODE « START-UP » ! » Texte JEAN-LUC FOURNIER Photos MÉDIAPRESSE - DR
Début juillet dernier, pour le cinquantième anniversaire du Sofitel strasbourgeois. Tout le monde de la communication locale se presse dans le patio lors de cette douce soirée. Rencontre avec Marc Tubiana, co-fondateur avec Emmanuel Knafou, de l’agence de publicité Novembre autour d’un projet astucieux et innovant pour permettre aux sociétés alsaciennes de l’agro-alimentaire de gagner et fidéliser de nouveaux clients. Rencontre avec un battant…
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La pub, Marc Tubiana est littéralement « tombé dedans » tout petit. Même avec la cinquantaine au compteur, ses yeux pétillent encore comme ceux d’un tout jeune dès qu’il s’agit d’expliquer l’actualité d’un métier qui a bien changé depuis l’époque des Séguéla triomphants dans les années 70. Aujourd’hui, la communication, frappée la toute première par l’ouragan financier de 2008, n’est plus cet eldorado créatif, déjanté et décomplexé qu’elle fut. Les cimetières de la com se sont remplis depuis : on ne compte plus les disparus, encore moins les estropiés. Et même pour Novembre, le souffle du boulet est passé tout près : « C’est sûr » concède Marc Tubiana. « En 2009, on a cumulé les pépins. D’abord, en ce qui me concerne, un sérieux problème cardiaque que j’ai surmonté mais il m’a fallu neuf mois pour m’en remettre. En même temps, l’agence a dû faire face à une chute vertigineuse du chiffre d’affaires. La seule solution fut de nous mettre sous la protection d’un plan de sauvegarde l’année suivante. Une procédure particulièrement complexe car notre modèle économique était en fait en fin de cycle et là était le vrai problème. Mais
au final, ce fut une réelle opportunité pour nous remettre en question. On s’est alors dit qu’il nous fallait inventer le modèle des vingt prochaines années et vraiment basculer dans le monde du digital que nous pensions pourtant avoir préempter puisque nous avions créé, dès 1995, la première web agency de la région. Aujourd’hui, on a tous basculé à fond dedans. Et notre nouveau modèle économique s’est basé sur la création d’unités indépendantes qui sont autant de start-up. Black Angus, créée il y a un an par exemple : les quatre personnes qui y travaillent sont spécialisées dans le média digital, elles pilotent des campagnes dans le monde entier en achetant des espaces publicitaires aux enchères. On a compris que nos métiers évoluent tous très vite, on réinvente sans cesse. Ainsi, on a changé complètement notre modèle salarial. Tous les salariés sont aussi des actionnaires des structures dans lesquelles ils travaillent. Ils sont une soixantaine aujourd’hui, et Novembre, qui capitalise sur son cœur de métier, la communication publicitaire et la promotion, est repartie de l’avant… »
UNE PLATE-FORME NATIONALE POUR LES 900 SOCIÉTÉS ALSACIENNES DE L’AGRO-ALIMENTAIRE L’ouragan du numérique est venu soudainement bouleverser la communication promotionnelle, la faisant totalement changer de nature. Marc Tubiana résume tout cela en une seule formule : « Le smartphone est devenu notre meilleur ami ». Et il poursuit : « Des tas d’applis sont là pour faciliter notre vie au quotidien et pour offrir de bons plans aux clients des grandes marques. Il y a un an est née cette idée de donner un accès aux programmes dématérialisés pour les 900 sociétés alsaciennes du secteur de l’agro-alimentaire. Ensemble, elles représentent cinq milliards d’euros de chiffre d’affaires, c’est énorme. On est donc en train de mettre la dernière main à l’appli « Savourez l’Alsace » qui leur sera dédiée. Grâce à elle, les marques alsaciennes pourront proposer une foule de bons plans promotionnels à leurs clients. Notre idée consiste donc à mutualiser les annonceurs et à créer une communauté de consommateurs autour de leurs produits. Avec un process tout simple : le client achète un produit, photographie son code-barres avec son smartphone et voit automatiquement sa cagnotte grossir. Une vraie cagnotte, en cash : quand il veut, il peut la verser sur son compte bancaire. Nos premiers calculs font apparaître que la,somme pourrait s’élever à 250 € annuels. Pas mal, non ? On a présenté ce projet à l’Association régionale des Industries de l’Alimentaire (ARIA) et ils ont foncé à nos côtés. En fait, on décline la « Marque Alsace » : on passe du concept à l’activation. Et on offre des solutions très concrètes pour permettre aux marques de fidéliser leur clientèle. L’Alsace sera prochainement la première région à développer son appli mais on travaille déjà pour la déployer au niveau national. J’y ai passé, avec d’autres, un temps dingue durant cette dernière année en prenant mon bâton de pèlerin pour tout expliquer personnellement et convaincre mes interlocuteurs que chacun pouvait ainsi avoir un coup d’avance… »
« LE VIEUX MODÈLE EST MORT ! » Le futur de Strasbourg n’est pas loin d’obséder Marc Tubiana. Lui d’habitude si discret, si peu amateur du show et des paillettes qui longtemps caractérisèrent le secteur de la pub, devient encore plus volubile à l’évocation de l’avenir de sa ville : « Les villes n’échappent pas à tout ce qui se passe aujourd’hui. Le vieux modèle est mort, j’en suis convaincu. Est venu le temps des individus qui font avancer les grandes idées. A Strasbourg, il y a plein de gens talentueux, beaucoup de jeunes, une ville encore florissante qui peut être le théâtre de grandes choses. Mais voilà : il faut oser ! Chacun doit se persuader qu’il y a quelque chose de génial à faire émerger d’ici. C’est tout simple : il faut passer du « je voudrais faire… » au « je me lance et je fais ! ». En tout premier lieu, il faut briser l’isolement, se convaincre qu’à plusieurs, on fusionne au sein d’une synergie collaborative inouïe. C’est bien simple : il faut absolument que Strasbourg se mette en mode « Start-up », que les individus porteurs de projets se réunissent, discutent un peu et se disent très vite « Allez, on y va ! ». Et les institutions et les politiques suivront, c’est sûr. Mais d’abord, il faut faire. Aujourd’hui, le mouvement part des individus, c’est une évidence, les relais arrivent ensuite. Même si je trouve qu’on manque un peu d’agilité par ici, j’y crois. Il suffirait qu’on soit quelques-uns… »
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MICHEL BEDEZ
« BOUGEONS-NOUS ! » Texte ALAIN ANCIAN Photos MÉDIAPRESSE - DR
Sa société strasbourgeoise, Passe-Muraille (4,2 M€ de CA, 10 salariés), est la première société de l’Est de la France en matière d’événementiel et bénéficie d’une flatteuse réputation. Mais Michel Bedez, son dirigeant, est aussi un fervent partisan de l’audace et de l’innovation. Un obstiné, aussi et qui ne renonce jamais… « Je ne suis pas sûr d’avoir très envie de reparler de Carawane ». Voilà ce que nous avait dit Michel Bedez cet été lors de notre tout premier contact téléphonique. Puis, on a insisté. Et il a cédé… Parmi tous les projets récents (et sérieux…) qui n’ont pu voir le jour, Carawane est sans doute l’un des plus innovants et surprenants qui aient jamais été élaboré. Né du fruit de l’imagination de quelques pointures reconnues des arts numériques (outre Michel Bedez, Alain Tubiana d’Iconoval, structure aujourd’hui disparue et Thierry Danet, le boss d’Ososphère, entre autres…), Carawane avait été concu il y a cinq ans pour donner de la chair à cette colonne vertébrale Bâle -Strasbourg Karlsruhe, ce Rhin supérieur tant vanté par une véritable cohorte de « décideurs » mais qui pour l’heure ne correspond à aucune réalité tangible pour les citoyens.
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CARAWANE AURAIT EU UN FORMIDABLE IMPACT « Nous avions imaginé que pendant une semaine, à la fin mai, une caravane flottante, composée de créations numériques, de faiseurs d’images et de spectateurs, descende le Rhin de Bâle à Karlsruhe et crée un lien fort entre les habitants des trois pays » se souvient Michel Bedez. « Au fil de ce voyage sur le fleuve, des villages éphémères accueillaient cette caravane. Chaque village se transformait ainsi en un caravansérail époustouflant et inédit, dédié à la création et à la diffusion d’images numériques… » Pendant deux jours, au centre du village, un laboratoire transfrontalier de la création numérique s’installait sous un grand chapiteau avec des postes de montage virtuel, de retouche d’images, de modélisation, des plateaux de tournage, d’enregistrement, d’animation et des postes d’encodage et de diffusion. Aux manettes, des étudiants allemands, français et suisses des écoles d’art graphique, de vidéo, de journalisme, d’architecture, des acteurs des institutions militantes de l’image, des télévisions de la Regio composaient une multitude d’images, certaines d’entre elles étant même imaginées par le public présent. Tard dans la nuit, la caravane des bateaux écrans, toujours illuminée, appareillaient et se glissait dans le lit du fleuve pour rejoindre, deux jours plus tard, le prochain village éphémère. Cette navigation de nuit offraient aux passagers du Rhin et de ses berges un spectacle continu et mobile. L’ensemble des productions numériques étaient ensuite réunies dans un seul film qui était prévu pour être projeté dans les cinémas de la région, de façon à diffuser l’évènement sur l’ensemble du territoire… « Peut-être avions-nous vu trop grand… » analyse aujourd’hui Michel Bedez. « Nous avions pourtant invité beaucoup de décideurs à la présentation officielle, une soirée pour laquelle nous avions obtenu le partenariat d’Europa park, la Fondation Burda à Baden et celui de Vitra, à Weil-amRhein. Mais aucun politique n’a voulu s’emparer du projet et ça n’a pas pu marcher. Iconoval a ensuite disparu et ça a été le coup de grâce car on était alors au milieu du gué. Pourtant, ce projet aurait été le premier grand événement transfrontalier entre la France, la Suisse et l’Allemagne. Il aurait eu un immense impact auprès des jeunes et en matière d’innovation, Strasbourg, parle biais de nos structures, aurait pu bénéficier d’un sacré coup de projecteur en France et en Europe… »
IL FAUT SE MOBILISER Près de cinq ans plus tard, Michel Bedez reste malgré tout persuadé qu’il est encore possible de mobiliser toutes les énergies strasbourgeoises autour de projets qui dynamisent la ville : « Strasbourg mon Amour est un bon exemple » souligne-t-il. « J’ai été étonné de l’intérêt montré par tous les acteurs, notamment lors de la dernière édition en février dernier. On a souhaité ouvrir la piscine du Wacken en pleine nuit : la Ville a été immédiatement d’accord. Pareil côté privé : on a imaginé organiser un bal musette au Café Brant alors fermé. Franck Meunier, qui avait racheté le mobilier à l’ancien exploitant, l’a remis immédiatement en service pour l’occasion. Jean-Noël Dron, le nouveau propriétaire, nous a donné tout de suite son autorisation et les clés du lieu. Tous nous ont fait confiance et cette synergie a permis le succès de l’opération. « Strasbourg mon Amour » prouve que du fonctionnaire à l’artiste en passant par le chef d’entreprise et les grandes institutions comme l’Opéra ou la SNCF par exemple, la mobilisation de tous autour d’une belle idée profite à la Strasbourg. C’est extrêmement encourageant… »
Et Michel Bedez de revenir sur ce grand événement d’été qui, pour beaucoup, manque tant à l’image de la ville. « Ça fait bien trente ans que j’entends parler de ce serpent de mer et rien ne vient. Les budgets se diluent dans nombre d’événements, certains mineurs, mais en même temps on dilue aussi les capacités d’audace et d’imagination. Il faut voir plus grand : la Fête des Lumières, à Lyon, est soutenue à plus de 50% par des budgets venant des entreprises. Elles sont fédérées au sein de la structure OnlyLyon, une référence en terme de marketing territorial. Pourquoi n’entame-t-on pas une démarche similaire ici ? Le jeu en vaut bien la chandelle, non ? Aujourd’hui, avec l’argent public qui va devenir de plus en plus contraint, l’avenir est dans un vrai partenariat entre les entreprises locales et régionales et les collectivités publiques. Pour ça, il faut qu’elles se rencontrent sur de nouvelles bases. Ce qui est possible ailleurs doit le devenir ici, à Strasbourg. Bougeons-nous ! »
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ANNE GERBER « ON SE LÈVE ET LA VIE EST BELLE ! » Texte JEAN-LUC FOURNIER Photos MÉDIAPRESSE - DR
C’est un petit coin de paradis, comme une délicieuse bonbonnière nichée en lisière de la Robertsau. « Du côté de chez Anne » est une maison d’hôtes où tout est raffiné et pensé pour le confort douillet de ses occupants, du sol au plafond, restaurant compris. Ces derniers viennent d’un peu partout, couples de retraités en visite chez leurs enfants strasbourgeois, touristes de passage, couples d’amoureux romantiques, jusqu’aux parlementaires européens et les personnes de leur staff durant les sessions du Parlement. Tous sont accueillis par la gentillesse et le sourire d’Anne Gerber qui règne sur le lieu. Son lieu… 39
A L’ÉPREUVE DE LA VIE « Je suis devenue apprentie dès l’âge de treize ans et demi » se souvientelle. « Puis j’ai été embauchée comme vendeuse à la pâtisserie de Jean Gerber allée de la Robertsau. Jean et moi, nous nous sommes mariés en 1991 et nous avons bien développé cette pâtisserie ensemble. Et puis, il y a huit ans, j’ai revendu l’établissement après la mort accidentelle de mon mari. Au printemps suivant, j’ai découvert ce lieu, propriété de la Ville de Strasbourg et qu’avait longtemps occupé une comtesse d’origine milanaise, la comtesse Sforza. Jusqu’au décès de son mari, d’étonnantes fêtes et des soirées très mondaines ont été organisées ici… J’ai été séduite par le lieu, immédiatement, et pourtant, il était dans un triste état. Comme la Belle au Bois dormant... Un voisin m’a dit qu’il était la propriété de la Ville de Strasbourg. J’ai foncé là-bas, on m’a confié les clés pour une visite et je me suis dit que c’était là que j’allais pouvoir installer mon projet. Bien des épisodes se sont déroulés ensuite, ce fut très long pour avoir le feu vert mais il a été obtenu. Après avoir surmonté ce traumatisme très brutal, mariée à l’âge de 20 ans, veuve à 31 ans, après avoir retrouvé mes marques et décidé d’exprimer mes goûts et envies les plus intimes dans ce projet, j’étais fin prête … »
Et c’est vrai qu’elle a fière allure, cette remarquable maison d’hôtes. Nul besoin d’être un spécialiste pour s’apercevoir de ce supplément d’âme que sa créatrice a su apporter, tant au niveau des cinq chambres que du restaurant baigné par la verdure alentour. Aujourd’hui, Anne Gerber, au cœur de son savoir-faire, joue à merveille son rôle d’hôtesse. Elle accueille ellemême ses visiteurs chaque jour, les salue chaleureusement et déploie tout son sens du détail. Animé par une équipe attentive (« je ne serais rien sans eux » avoue Anne), l’établissement respire l’excellence…
STRASBOURG DOIT PASSER LA VITESSE SUPÉRIEURE « Je sais bien que nous sommes aujourd’hui dans une période d’une profonde morosité » poursuit Anne. « Mais bon sang, il faut rester positif, sinon quel exemple allons-nous montrer à nos jeunes ? Alors, on se lève et la vie est belle ! Il faut sans cesse oser et se battre avec, en pensée, cette vieille maxime de nos parents : « Aide-toi, le ciel t’aidera ! » A Strasbourg, notre potentiel est énorme mais nous ne l’exploitons pas assez. Nous avons un Zénith somptueux mais les grandes stars n’y viennent pas ! Notre musée d’art moderne est formidable mais Strasbourg n’a pas connu depuis longtemps l’avènement d’une très grande expo capable de faire courir l’Europe. Quel potentiel inexploité ! La Ville manque de moyens, dit-on… Si c’est le cas, il faut faire appel au privé, nouer des relations sans équivoque avec les entreprises, proposer, avancer, foncer ! Strasbourg doit passer la vitesse supérieure et c’est justement parce que l’époque est incertaine qu’il faut le faire maintenant. En commençant par nous débarrasser de nos mauvaises habitudes : si Strasbourg est une capitale européenne, alors il ne faut pas fermer à 18 heures car on manque alors un sacré potentiel. Il faut nous adapter, et très vite, aux nouveaux modes de vie. Les boulangeries qui sont fermées le dimanche : mais quelle ineptie ! Nous sommes au XXIème siècle, il faudrait quand même le réaliser ! »
Tout cela est très porteur, assurément, mais il faut que nous fassions feu de tout bois pour que les lignes bougent. Moi, je suis prête à faire partie d’un groupe d’entrepreneurs privés qui essaieraient d’apporter cette dynamique qui nous manque, prêts à réveiller la belle endormie. Mais sans bla-bla, avec du pragmatisme, du concret. On peut y arriver avec certains d’entre nous capables d’aligner de gros chèques pour amorcer les projets, en collaboration avec la Ville. Après tout, moi, je me suis bien battue pendant des années contre l’immobilisme, contre les fonctionnaires toujours trop lents, contre les banques et leur frilosité. Au final, je l’ai ouvert mon établissement, c’est comme ça que cela fonctionne aujourd’hui, avec la passion, la hargne aussi. L’Alsace et Strasbourg ont longtemps bénéficié d’une prospérité qui arrivait sans peine. Heureusement, ses effets durent encore mais il faut maintenant se rendre compte qu’aujourd’hui, rien n’est plus donné, il faut tout aller chercher… » Derrière la belle hôtesse dans son petit coin de paradis se cache en fait, dès qu’on parle de l’avenir de Strasbourg, une vraie lionne. Anne Gerber parle d’or. Et son punch est convaincant…
Intarissable sur ce sujet, Anne Gerber suit de près les évolutions possibles : « Le quartier d’affaires au Wacken est un beau projet mais quelle envergure finale aura-t-il ? Il permettra, je l’espère, de booster notre ville avec l’arrivée des gros sièges de sociétés qui sont prévus. Je crois aussi beaucoup à l’ouverture du Marriott, en plein centre-ville. Strasbourg a besoin d’un tel palace. Pour son aura internationale…
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TNS IL VA ENFIN SE PASSER QUELQUE CHOSE ! Texte
Photos
CHARLES NOUAR
DR
« Le théâtre public doit chercher d’autres gens. Reconstituer un public évaporé et le renouveler socialement ». Ma première rencontre avec Stanislas Nordey date de juillet dernier. Autour d’un verre au café du TNS. Les semaines précédentes, j’avais entendu beaucoup de choses à son propos : de l’improbable « waouh !! Nan mais Staaaanislas Nordey ! T’imagines ?? C’était mon fantasme de jeunesse » à l’ « immense artiste », en passant par le type qui avait ruiné le TGP de Saint-Denis. J’avais aussi eu droit au « M... ! Ce mec est une vraie chance pour Strasbourg ! Il va enfin se passer quelque chose ! ». Autant de légendes, urbaines ou non, vite oubliées après quelques minutes de discussion.
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« UNE PÉRIODE COMPLEXE POUR LES SALARIÉS DU TNS » Au-delà du « waouh » devant lequel il faut objectivement bien s’incliner, au-delà de son écoute et de son refus de juger, ce qui marque peutêtre avant tout chez Nordey est son envie. L’envie de transformer, presque, des rêves de gosse en réalité. De ne pas seulement chercher à toucher les étoiles mais d’aller lui-même les chercher. Un peu lorsqu’il alla dénicher un mec a priori socialement barré d’institutions telles que le TGP de Saint-Denis. Lazare, un slameur, qu’il avait repéré, puis accompagné et aidé à évoluer. Lazare, l’une des étoiles de Nordey, aujourd’hui auteur, metteur en scène, comédien, passé depuis par le Théâtre du Fil puis par l’Ecole du Théâtre National de Bretagne alors dirigé par celui qui aura dû attendre l’automne pour définitivement prendre les rênes du TNS. Définitivement parce qu’en
coulisses, longtemps l’incertitude demeura jusqu’à ce que Julie Brochen finisse par jeter l’éponge, le 12 septembre, dans son bras de fer avec le ministère de la Culture. Un bras de fer salarial – Brochen refusait de céder son poste – qui entraina « une période complexe pour les salariés du TNS », confia Nordey au public strasbourgeois lors de la présentation de saison, début septembre. En présentation d’une saison qui ne lui appartenait pas encore - à l’exception d’une case qu’il réussit à prendre en mai, dédiée à l’ami Stéphane Brunschweig pour la mise en scène du Canard Sauvage d’Henrik Ibsen - et que la directrice jusqu’alors en place n’avait pas elle-même souhaité présenter...
« LES JEUNES DOIVENT APPRENDRE À INVENTER LEUR PROPRE THÉÂTRE » L'envie, les freins, Nordey les a donc rapidement cumulés. Pourtant entre juillet et aujourd'hui, son discours n'a pas varié, se refusant à céder sur ses quêtes astrales. « Au printemps prochain, nous inventerons une rencontre où je vous présenterai mon projet », prévenait-il ainsi encore avec malice en septembre, confirmant son ambition formulée autour d'un verre, deux mois avant. Celles de porter et de défendre un véritable projet artistique, humain et ambitieux. « Le TNS est un endroit où l'on peut réveiller les choses, m'expliquait-il en juillet. De par mon histoire, mon enseignement, la transmission est quelque chose de très
important. Les jeunes doivent apprendre à inventer leur propre théâtre. Il est essentiel de leur faire entendre qu'ils auront ici un espace de destruction et de belle destruction. En fait, ce que je veux est un théâtre qui déborde dans la ville. Un théâtre fait avec des gens qui ont l'envie, la volonté et aux esthétismes différents », avec pour navire amiral une école du TNS remise sur le devant de la scène.
OUVRIR LE TNS SUR LES QUARTIERS Passionné, intarissable, Nordey enchaînait alors et précisait qu'un « directeur ne doit pas rester dans sa seule mouvance et doit soutenir des choses – aussi – qui ne lui ressemblent pas. L'enjeu de ces grosses baraques-là est de s'ouvrir », comme le TNS l'a lui-même fait par le passé, sous Jean-Pierre Vincent, auquel Nordey dit devoir beaucoup de cet héritage. S'ouvrir, donc, à de nouveaux auteurs, à de nouvelles formes d'écritures, à de nouveaux jeux scéniques, à de nouveaux profils, à de nouveaux lieux d'exercice théâtral, dont – pourquoi pas, parfois – certains inattendus tels une chambre d'hôtel, ou un appartement. S'ouvrir, aussi, à de nouvelles formations, en allant chercher des jeunes talents dans les cités périphériques, des mailles d'Hautepierre aux maux du Neuhof. Autant de lieux improbables mais forts de leur théâtralité où chaque vie, souvent, pourrait dessiner les contours d'un texte. D'un de ceux que des jeunes s'épuisent trop souvent à écrire sur le mur de l'indifférence et qui, à force de lassitude et de clichés face aux préjugés, finissent par se transformer en autant d'étoiles oubliées.
GOSSELIN, SAVETIER, MAWAD, BÉARD, POUR L’ACCOMPAGNER... Ouvrir l'école aux quartiers où l'y implanter, l'idée fait bien plus que séduire Nordey mais aussi tous ceux qui entendent l'accompagner dans son projet. De Julien Gosselin à Thomas Joli, en passant par le fidèle Lazare, Blandine Savetier, Anne Théron, Christine Letailleur mais également Falk Richter, Françoise Bloch, Emmanuelle Béard ou encore l'ami Wajdi Mawad. Autant de proches, d'artistes de renom qui – tous – partagent la même envie de transmettre et de partager, tant dans l'enseignement que sur les planches strasbourgeoises. Avec cette volonté, aussi, de défendre un théâtre inscrit dans son temps autour de textes nouveaux, témoins de notre réalité. Un open work in progress, en somme, dédié à l'analyse et à la compréhension du monde actuel et non d'hier. Un open work in progress qui bouscule, ouvre, découvre, défriche, interroge. Un théâtre « selon Nordey », mais peut-être surtout, en définitive, un théâtre avant tout originel, trop longtemps oublié, qui pourrait désormais se voir ressuscité au-delà de toute barrière sociale ou culturelle.
Stanislas Nordey
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Eric Senet PARIER SUR LA PROXIMITÉ AVEC L’ALLEMAGNE Texte et photo VÉRONIQUE LEBLANC
Cofondateur et directeur général de « Flam’s », « Nooi » et « 231 East Street », Eric Senet est également conseiller municipal de l’opposition. Deux « statuts » différents qui, soulignet-il d’emblée, le place dans une situation inconfortable. « Je ne suis pas un politicien professionnel, je me suis lancé parce que je pense qu’il faut que le monde de l’entreprise s’implique dans la vie publique mais on me le reproche. Quand je m’exprime sur la fusion des régions, par exemple, certains annulent ma parole en me disant de m’occuper d’abord de faire de bonnes tartes flambées... ». « Cette interview est sur le fil », dit-il, mais il accepte de s’y prêter.
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La réforme territoriale justement, qu’en pensez-vous ?
Le changement c’est compliqué. Lorsqu’on l’annonce dans une entreprise, les salariés - qui ont un solide bon sens - s’inquiètent et le perçoivent comme une menace... Le millefeuilles institutionnel est une réalité mais, en l’occurrence, on a l’impression que quelques énarques ont joué au puzzle sans que personne n’aborde deux questions essentielles, celle des compétences et celle d’’éventuelles économies liées à cette fusion. Dans l’état actuel, impossible d’avancer sans savoir qui fera quoi et sur ce point, je pense pour ma part qu’il restera essentiel de décider au plus près des gens sauf dans les cas où un gestion centralisée s’avèrerait plus adaptée. En l’occurrence, une collectivité unique autour d’une ville comme Strasbourg me paraît une bonne piste. Et puis, reste la question fondamentale de savoir ce qu’une telle réforme engendrerait comme économies à plus ou moins long terme.
Sur quels atouts l’Alsace peut-elle se fonder pour secouer la neurasthénie ambiante et « oser » ?
Quels signaux Strasbourg doit-elle envoyer au monde de l’entreprise ?
Sur le terrain, vous ressentez l’importance de cet atout linguistique pour Strasbourg ?
L’Alsace doit-elle moderniser son image ?
Une de ses forces est d’être adossée à un pays - l’Allemagne - où il se passe plein de choses. Pour Strasbourg, le lien est à établir au delà de Kehl, au moins jusqu’à Karlsruhe. On ne peut pas ignorer la géographie et l’évolution du bilinguisme dans notre région ne va pas dans la bonne direction. Il faut renforcer la pratique de l’allemand, y mettre les moyens. On aurait pu se saisir de l’opportunité de la réforme des rythmes scolaires par exemple... Les langues ne sont pas que les langues, elles permettent de comprendre la culture et leur maîtrise est en corrélation avec le développement économique d’une région, des études le prouvent.
Très concrètement. Quand je dis à un chef d’entreprise américain que Strasbourg est à la frontière allemande, il relie dans son esprit la rigueur germanique à la créativité française. C’est beaucoup plus porteur que de parler de « Strasbourg l’européenne » même s’il faut bien évidemment continuer à se battre pour conserver le siège du Parlement. L’Eurodistrict est donc une structure qui a du sens ?
Certainement, mais il faut le faire vivre de manière concrète, ne pas donner l’impression que cela va créer un nouveau millefeuilles institutionnel à coup de réunions.
Il faut donner aux entrepreneurs l’envie de s’installer ici, les stimuler... et, en la matière, tout n’est pas question que de budget. Des choses avancent... A la CUS, des moyens sont mis sur les infrastructures mais quand on parle de l’installation de sièges sociaux dans le futur quartier du Wacken, il faut bien avouer qu’on rêve un peu... C’est compliqué de développer le « business friendly », il faudrait déjà commencer par ne pas mettre trois mois avant d’accorder un rendez-vous...
Les vendanges n’empêchent pas le développement de la fibre ! L’Alsace est forte de son art de vivre, elle peut en être fière sans être taxée de passéiste. Ici, on a gardé le rapport avec le temps. Les repas continuent à scander la journée alors qu’à Paris ces rythmes disparaissent. On vit les quatre saisons, Noël, Pâques... tout cela a du sens. Flam’s est un concept basé sur la convivialité et la tradition alsaciennes et pourtant il est moderne. La culture n’est pas à négliger. Elle est en lien avec l’économie et le Marché de Noël en est une preuve. »
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de là. Notre région va de l’avant et revendique de plus en plus une dynamique d’excellence et d’innovation qui la rendra repérable dans un environnement mondial devenu extrêmement concurrentiel. La promouvoir est une chance. Sur quoi fonder cette excellence alsacienne ?
PHILIPPE CHOUKROUN
Nous la fondons - et c’est essentiel - sur une stratégie forte qui s’appuie sur les valeurs portées par la «Marque Alsace». Ce sont les Alsaciens qui l’ont définie par le biais d’un audit mené auprès de 24 000 personnes et elle s’articule sur un modèle de vie meilleure. Le slogan «ImaginAlsace» en découle, de même que le symbole coeur désormais bien connu. Il s’agit de donner envie aux gens d’y croire, d’afficher ce logo rouge et blanc dans leur communication, de le revendiquer partout et dès que c’est possible. Comme les Suisses l’ont fait avec leur drapeau en en faisant une image de modernité. Ils ont mis en valeur une identité commune qui les identifie. Une identité galvanisante. Une démarche au long cours...
ENCLENCHER UNE DYNAMIQUE D’EXCELLENCE Texte VÉRONIQUE LEBLANC Photos AAA-MEYER
C’est le moment, oui. Il faut se bouger sans aucun doute. Mais pour Philippe Choukroun, directeur général de l’Agence d’attractivité de l’Alsace créée en mars 2014, il ne s’agit pas de brandir une baguette magique. C’est un processus qu’il faut enclencher. L’Alsace est une marque et elle doit d’abord s’ancrer dans l’esprit des acteurs régionaux. L’Agence d’attractivité de l’Alsace (AAA) a donc été créée cette année. A quoi est-elle destinée ? Cette nouvelle entité couvre deux domaines, l’économie et le tourisme, et vise à renforcer l’attractivité du territoire alsacien en créant de nouvelles synergies. En matière de tourisme, on reproche souvent à l’Alsace et à Strasbourg une image «passéiste», qu’en pensez-vous ?
Du Cap Nord jusqu’à Malte, l’Europe foisonne de régions magnifiques mais l’Alsace se démarque par une «couleur», une «température» bien à elle. On peut y décrocher de son quotidien, passer dans une autre dimension... Il ne faut surtout pas qu’elle se détourne de cette identité qui n’est pas passéiste, loin
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Nous sommes en train de nouer de nombreux partenariats autour de la marque Alsace à la fois dans le monde de l’économie, du tourisme, des sports, de la culture, des sciences... Aujourd’hui, plus de 2 000 entreprises sont déjà partenaires. Parallèlement, le Club des ambassadeurs d’Alsace développe des réseaux au niveau des individus. Il s’agit d’outils de fédération et d’amplification de réseau. Une dynamique d’excellence disiez-vous. A quel(s) niveau(x) la mettre en oeuvre en matière de tourisme ?
L’organisation de l’accueil a encore des marges de progrès en ce qui concerne sa capacité à s’adapter aux différents types de clientèle. En matière de tourisme nous créons d’ailleurs au sein de l’AAA un Pôle « Qualité de l’Accueil » qui est un élément essentiel au travail sur l’image d’une région. Par ailleurs, dans un contexte concurrentiel international, force est de constater que notre belle Alsace a du mal à recruter du personnel polyglotte et c’est particulièrement préoccupant en ce qui concerne l’allemand. La maîtrise des langues serait donc le sésame touristique ?
Ce n’est pas le seul. L’accueil passe aussi par la sensibilité aux cultures qui va plus loin que cet aspect. Nous voyons revenir des Américains, le nombre de touristes asiatiques (Japon, Chine, Inde...) augmente. Ils sont attentifs aux petits gestes tels qu’un choix de petits déjeuners qui leur correspondent ou la sophistication des salles de bains. Et la dimension transfrontalière de l’Alsace ?
Notre ancrage dans le Rhin supérieur est un atout. Il recèle un vrai potentiel de synergie avec un horizon de croissance fabuleux. Nos intérêts sont croisés et nous œuvrons ensemble pour que nos concitoyens alsaciens, suisses et allemands se reconnaissent dans cet espace commun. Nous sommes capables de démarcher ensemble à l’International, nous l’avons déjà fait en conservant chacun notre âme, nos spécificités. Nous sommes cousins, pas identiques ! Strasbourg est d’ailleurs en train de redevenir une ville sur le Rhin et cette mue urbanistique est un geste fort de confiance en l’avenir commun de nos deux régions.
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RUGBY-CLUB STRASBOURGEOIS STRASBOURG VEUT SA PLACE DANS L’ÉLITE DE L’OVALE ! Texte JEAN-LUC FOURNIER Photos MÉDIAPRESSE - DR
Ils sont génialement fous ! Au sens de décomplexés, audacieux, innovants… Ils, ce sont les dirigeants et les joueurs du Rugby-Club de Strasbourg qui se sont mis en tête de faire du club alsacien une des places fortes du rugby national. Pas moins…
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On imagine sans peine la tête d’un amateur de sport alsacien, peu au fait des projets du Rugby-Club de Strasbourg et qui apprendrait en sirotant son café sur le zinc d’un bar que la bande de Hautepierre s’est mise en tête de faire bouger les lignes du sport régional en implantant durablement un club d’élite à Strasbourg. Il rigolerait, le bougre : « Quoi ? Tu veux dire qu’ils veulent concurrencer le sud-ouest, ici, chez nous, en Alsace ? T’as fumé ou quoi, on n’est pourtant pas le 1er avril… » Non, on n’est pas le 1er avril mais bien fin septembre. A l’heure où cet article est bouclé, le RC Strasbourg a réalisé une parfaite entame de son championnat de Fédérale 2, concrétisant ainsi les espoirs des dirigeants et joueurs que nous avions rencontrés fin juillet dernier dans leur antre d’Hautepierre. Deux matches, deux victoires. De quoi faire oublier l’issue malheureuse de la saison passée : « Même si la montée ne faisait aucunement partie de l’objectif de notre saison, la rater d’un seul petit point d’écart lors de notre dernier match à domicile, et devant 2 000 spectateurs, a représenté une sacrée frustration » se souvient le manager général du club, Patrice Perrichon. « S’il le fallait, ce beau parcours nous a prouvé que nous étions sur la bonne voie » rajoute ce grand gaillard de 45 ans qui regorge de passion et qui voit loin concernant le RC Strasbourg.
DE L’AMBITION À REVENDRE Christian Loth, un expertcomptable de 52 ans, préside aux destinées du club. Lui aussi parle d’ambition : « C’est vrai que nous annonçons clairement la couleur cette année. Notre ambition est d’abord la montée en Fédérale 1 (la 3ème division de ce sport –ndlr) mais aussi d’aller vraiment au bout de l’aventure en remportant le « Bouclier » c’est à dire en devenant champion de France. On s’en est donné les moyens en alignant un budget de 1,1 M€ qui ne comprend qu’environ 30% de subventions publiques. Le reste se partage entre l’apport du privé et nos recettes diverses. Le RCS, ce n’est pas que son équipe première, c’est aussi son école de rugby qui fait appel aux gamins du quartier, notamment. Un quartier où nous nous sentons parfaitement bien intégrés. On veut encore aller au-delà et je rêve de parvenir à fédérer les trois clubs de Strasbourg, c’est à dire, outre le RCS, le club du CRIG Illkirch et celui des Cheminots de Cronenbourg. Là, le club atteindrait la taille critique pour s’installer durablement dans l’élite, nous serions carrément dans le top 5 des clubs français en matière de licenciés. C’est pour ça que nous insistons tellement sur nos valeurs, à commencer par notre ambition : le plaisir de s’entraîner, de jouer, de donner du plaisir au public en faisant du spectacle. Notre réputation s’est bâtie là-dessus et c’est pourquoi nous n’avons pas trop de difficultés à attirer de bons joueurs à Strasbourg qui n’est pourtant pas considérée spontanément comme une terre naturelle de rugby… »
L’équipe du RC Strasbourg
Il n’y a pas que sur le terrain que les projets existent. Patrice Perrichon, qui est aussi en charge du partenariat et du sponsoring, voit loin lui aussi : « Réussir avec des gars du cru, c’est bien ce qu’était parvenu à faire Gilbert Gress à la fin des années 70, non ? » dit-il en souriant. « Moi, je pense qu’on peut nous aussi y parvenir et c’est avec cet état d’esprit que nous pouvons générer de l’engouement autour de nous. Du côté de ceux qui nous soutiennent, les partenaires économiques, j’ai décelé cette envie de vivre une belle aventure comme ça. Ils sont demandeurs de tas d’échanges. Je sais bien qu’au vu des difficultés économiques, ce n’est plus aussi facile qu’auparavant pour les entreprises de consacrer un budget au sponsoring sportif. Mais nous leur donnons les moyens de vivre à l’intérieur d’un club et de son ambition. Nous leur offrons des moments de qualité, bien charpentés, autour de soirées mensuelles avec un thème, soirées durant lesquelles elles peuvent toutes échanger et communiquer. Notre offre dynamise leur réseau global. Le RCS est un lieu de rencontres et ce sera encore plus le cas avec cette nouvelle tribune et son espace-parteanaires dont nous allons très bientôt pouvoir disposer… » conclut Patrice Perrichon.
Ça bouge donc bien du côté d’Hautepierre et, dans la morosité ambiante, cet enthousiasme et cette audace font plaisir à voir. On UNE IMPECCABLE APPROCHE SPORTIVE suivra avec attention les rendez-vous du RCS cette saison. Car quelque chose nous dit qu’au printemps prochain, Strasbourg ET PARTENARIALE pourrait bien faire parler d’elle là où on l’attendait sans doute le A l’aube de cette saison déterminante, tout le monde moins : en se comptant parmi les 80 premiers clubs français de est bien sûr sur le pied de guerre. A commencer par rugby. Sur 1500… le staff des quatre entraîneurs dont Benjamin Schaub, le directeur sportif du club qui est en charge des avants Et tout ça en Alsace ! et Marc Gourier qui entraîne les virevoltants trois-quarts. Ces deux-là, à eux seuls, sont la preuve vivante de l’attraction qu’exerce le projet strasbourgeois sur les joueurs français. « Nous sommes arrivés tous les deux à Strasbourg il y a deux ans » précise Benjamin Schaub. Les prochains matches « Personnellement, j’ai été attiré avant tout par le projet ambitieux des dirigeants qui veulent monter un grand à Hautepierre club de l’élite ici. Un projet que nous élaborons aussi avec eux, saison après saison… » (TOUS LES MATCHES À 15H) : Marc Gourier renchérit : « Il arrive encore que lorsqu’on Dimanche 19 octobre : RCS-Gennevilliers appelle un joueur, il ne soit pas chaud pour venir à Dimanche 16 novembre : RCS-Clamart Strasbourg. Mais on leur explique le projet et là, ils Dimanche 30 novembre : Maisons-Laffitte comprennent qu’il vaut mieux venir ici jouer le titre de Dimanche 14 décembre : RCS Fédérale 2 que de s’ennuyer à faire banquette au-dessus. Paris Université-Club Ils savent qu’ils vont vivre de belles choses à Strasbourg, dans une belle ambiance, avec une belle bande de copains à tous les niveaux… »
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LAURENT BÉNICHOU ET MARC PHILIBERT « CONVAINCRE EN FAISANT ET NON PAS EN DISANT » Texte et photos VÉRONIQUE LEBLANC
« Un coeur battant », la formule est de Laurent Bénichou (à gauche sur la photo ci-contre), fondateur de La Maison Théâtre, mais Marc Philibert, directeur du Centre socio-culturel de l’Esplanade (ARES) y souscrit sans réserve. Ces deux-là se sont croisés au bon moment. Le premier cherchait un lieu, le second disposait de nouveaux locaux qui libéraient les anciens, ils se sont entendus et ont créé un nouveau lieu de théâtre dans la salle du Tambourin à l’Esplanade. Bien conscients tous les deux que c’était le moment idéal pour « se bouger » et en ne comptant que sur leurs convictions et leur savoir-faire… 49
« L’ARES a toujours été une structure d’enseignement de la pratique artistique », rappelle Marc Philibert, « nous avions depuis longtemps envie d’une école de théâtre mais aucun espace pour la mettre en oeuvre. Le nouveau bâtiment rendait la chose possible puisqu’il libérait la salle du Tambourin. Restait à trouver un partenaire. Ce fut Laurent Bénichou dont le savoir-faire dans la pratique théâtrale m’a convaincu. » Le mot-clé a été la mutualisation des moyens : une salle pour la Maison Théâtre jusque là nomade, la marque de l’ARES forte de ses 50 ans d’existence, sa logistique et l’apport de la structure portée par Laurent Bénichou, riche de son réseau et d’une déjà longue réflexion sur l’enseignement du théâtre. Aucun moyen financier supplémentaire pour l’ARES, des aides de la Ville, de la DRAC du Conseil général pour la Maison Théâtre mais rien qui garantisse au nouveau projet de tenir le coup sur la distance.
LA CULTURE POUR SORTIR DU MARASME
« PRATIQUER, VOIR, RÉFLÉCHIR »
« Il va nous falloir convaincre en faisant et non pas en disant », commente Marc Philibert. « Fondamentalement, ça ne me dérange pas. Ce qui compte c’est l’envie. » Laurent Bénichou mesure l’ampleur du défi - pas question pour lui de ne pas payer correctement les comédiens, metteurs en scène et autres intervenants par exemple - mais il se refuse à baisser les bras : « A Strasbourg, la culture représente 25% du budget mais elle est très institutionnelle, à charge pour les petites structures de trouver d’autres moyens de fonctionnement, c’est peut-être une chance... » A les écouter, on réalise que c’est une véritable conviction qui les réunit, celle qu’« il n’y a que la culture qui puisse nous sortir du marasme », selon le mot de Marc Philibert. « Permettre aux gens d’accéder au théâtre c’est leur permettre de prendre toute leur place de citoyen. Il FAUT le faire. » Et ce d’autant plus qu’on a un peu baissé la garde depuis l’écho qu’ont rencontré en leur temps un Jean Vilar ou une Ariane Mnouchkine par exemple, l’urgence sociale a balayé bien des choses... Même son de cloche chez Laurent Bénichou. « Il ne s’agit pas de jouer aux pompiers sociaux comme dans les années 80-90 », souligne-t-il « mais de trouver l’équilibre afin de dépasser la consommation de théâtre pour accéder à une réflexion destinée à COMPRENDRE. »
C'est tous le sens des « Ateliers du théâtre ». « Quand on vient voir ou faire du théâtre, on est vivant et cette dimension-là est pleinement politique », poursuit Laurent Bénichou qui ajoute : « Plus ça va, plus je suis persuadé qu'il s'agit d'une question de développement personnel qui contribue au bien-être général. Il ne s'agit pas d'art-thérapie mais de mettre l'art au service de la société ». Sans oublier les artistes à qui il faut donner de vrais espaces d'expression. « Si ceux-ci se sont installés à Strasbourg c'est pour y vivre, y créer et y voir vivre leurs créations. Ils ne sont pas que des producteurs de spectacles présentés quelques jours lors d'une saison. Le problème ici c'est la diffusion et notre but est de créer un répertoire avec des spectacles qui reviendront régulièrement. » Axée à ce stade sur le jeune public, la programmation de La Maison Théâtre à l'ARES s'articule sur trois verbes-piliers : « pratiquer » par des stages, des ateliers hebdomadaires, des rencontres - « voir » des créations ainsi que « réfléchir » sur le répertoire et la pratique artistique. A partir de la salle du Tambourin à l'Esplanade et en rayonnant sur l'ensemble de la CUS. Comme un coeur battant, envers et contre tout.
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BIBLIOTHÈQUES IDÉALES 2014
Strasbourg tient là une pépite ! Texte JEAN-LUC FOURNIER Photos ALBAN HEFTI MÉDIAPRESSE
Le rideau est tombé il y peu sur la manifestation emblématique de la rentrée strasbourgeoise de septembre et, à l’évidence, le bilan est superbe et (presque) tous les feux sont au vert. Pour les deux pré-soirées avec Charlotte Rampling et Ingrid Betancourt, il n’y avait pas le moindre siège de libre dans la grande salle de la Cité de la Musique et de la Danse, un succès qui était en fait annonciateur du reste du programme. Car, du 11 au 21 septembre, l’Aubette a littéralement joué à « guichets fermés » -une simple facilité de langage pour cette manifestation entièrement gratuite- en enregistrant plus de 23 000 spectateurs en dix jours ! Jamais on n’avait assisté à une telle fréquentation qui consacre donc « Les Bibliothèques idéales » comme un événement-phare de Strasbourg, toutes manifestations confondues. Strasbourg tient là une pépite !
LES RAISONS D’UN SUCCÈS Avant tout, Les BI ont su, au fil du temps, trouvé leur rythme de croisière autour d’un marqueur très fort : chaque rencontre avec les écrivains est un voyage dans chacun de leur univers car ils peuvent se faire accompagner d’amis artistiques (ou accepter un lecteur, un musicien proposé par la programmation,…), le tout composant un moment unique et précieux, pas seulement centré sur la promotion de leur dernier ouvrage. Le second marqueur est une époustouflante exigence de qualité : à Strasbourg, on a peu de chance d’entrevoir le dernier écrivain branché (ou alors, c’est qu’il a un sacré talent…) ni les « auteurs » des confessions dont tout le monde parle et qui font vendre. Un merci aux BI de ne pas nous faire vivre ces moments-là… Côté formel, on est également très loin des foires aux livres habituelles. Ici, pas de tables à la queue-leu-leu où chaque auteur devient un stakhanoviste de la dédicace, du selfie avec l’ado ou de la pose avec ses lecteurs penchés au-dessus de son épaule. A Strasbourg, on magnifie la littérature, on sonde l’auteur avec des
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interviews pointues et, surtout, on cherche avant tout à faire vivre au public des moments exceptionnels, un peu hors du temps consumériste. Aux BI de Strasbourg, le contenu l’emporte sur le contenant. Et les auteurs se le répètent à l’oreille. Chacun d’entre eux, et leurs éditeurs aussi, fabriquent pour les BI la meilleure image qui soit. Exigence de la programmation, respect des auteurs, réputation « intellectuelle » du public strasbourgeois : ces éléments composent un cocktail redoutable au moment de convaincre les auteurs de participer à la manifestation. Au centre de ce cercle vertueux, un homme qui, depuis plus de dix ans, programme la venue régulière des écrivains à Strasbourg : François Wolfermann, de la Librairie Kléber. Entre 300 et 400 écrivains rencontrent tout au long de l’année leurs lecteurs dans la fameuse « salle blanche » de la librairie-phare de Strasbourg. Cela en crée des liens, cela en fabrique des instants magiques. Dès le printemps de chaque année, par petites touches (et après avoir pris l’avis de quelques militants du livre de son entourage), François Wolfermann « fabrique » la programmation de septembre suivant à l’Aubette. Le succès de l’édition 2014 lui doit beaucoup, à l’évidence. La Ville de Strasbourg, organisatrice des BI, « met le paquet », elle aussi. La salle de l’Aubette est équipée spécialement d’un dispositif scénique d’envergure, la Ville prend en charge l’ensemble de l’accueil et de l’hébergement des écrivains et artistes ainsi que la communication en amont de l’événement. C’est toute une équipe qui se mobilise elle aussi. Le tandem organisation-programmation fonctionne donc à merveille.
FAIRE MIEUX ENCORE ? Le superbe succès de l’édition 2014 est là pour démontrer que la littérature a un public à Strasbourg et que ce public répond aux rendez-vous et s’en régale. Dans l’idéal, il apprécierait sans doute que chaque session fasse l’objet d’une captation vidéo réalisée en direct et dont certaines images pourraient être diffusées en fond de scène, sur un écran géant. Compte-tenu du format des sessions journalières, trois caméras seraient sans doute suffisantes, l’habileté et la sensibilité du réalisateur faisant la différence. On pourrait également imaginer qu’un site internet dédié propose à la vision des internautes l’intégralité de chaque session, en streaming. Fût-ce le lendemain, s’il le fallait… Cette captation aurait en outre l’immense avantage de permettre la conservation des fabuleux moments d’émotion qui se succèdent durant les dix jours de la programmation de l’Aubette. Vécus avec intensité par le public présent, ils mériteraient à coup sûr d’être partagés. Dans les pages qui suivent, nous revenons en images sur cette mémorable édition 2014 d’une manifestation désormais emblématique de Strasbourg…
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ÉMOTIONS Guidé par sa seule inspiration et la magie du moment, Jean d’Ormesson déclame soudain la poésie d’Aragon qui l’a inspiré pour les titres de ses derniers ouvrages. Sans jamais buter sur aucun mot, sereinement, inspiré, notre vieil ami magnétise l’Aubette qui retient son souffle... Un tonnerre d’applaudissements salue ce moment de grâce. Le public est bouleversé. Aux côtés de Jean d’Ormeson, Anny Duperey ne peut maîtriser les larmes qui coulent sur son visage...
« C’est une chose étrange à la fin que le monde Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit Ces moments de bonheur ces midis d’incendie La nuit immense et noire aux déchirures blondes Rien n’est si précieux peut-être qu’on le croit D’autres viennent Ils ont le cœur que j’ai moi-même Ils savent toucher l’herbe et dire je vous aime Et rêver dans le soir où s’éteignent les voix Il y aura toujours un couple frémissant Pour qui ce matin-là sera l’aube première Il y aura toujours l’eau le vent la lumière Rien ne passe après tout si ce n’est le passant C’est une chose au fond que je ne puis comprendre Cette peur de mourir que les gens ont chez eux Comme si ce n’était pas assez merveilleux Que le ciel un moment nous ait paru si tendre... Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle Qu’à qui voudra m’entendre à qui je parle ici N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci Je dirai malgré tout que cette vie fut belle... »
MERCREDI 17 SEPTEMBRE 53 JEAN D’ORMESSON
VENDREDI 12 SEPTEMBRE SAMI FREY
Sans le moindre artifice, mû par son seul et immense talent, Sami Frey lit « Molloy » de Beckett devant un public record...
SAMEDI 20 SEPTEMBRE - MARTIN GRAY
DIMANCHE 21 SEPTEMBRE - PHILIPPE TORRETON
« Cette course de vitesse qu’est devenue notre vie ne peut pas continuer car nous payons aujourd’hui le prix de notre avidité... »
L’acteur (et écrivain) lit « Mémé » JEUDI 18 SEPTEMBRE - BERNARD KOUCHNER ET ADAM MICHNIK
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Les « Mémoires croisées » de deux esprits libres sur les labyrinthes de l’histoire contemporaine et de leur propre vie.
RENCONTRES
SAMEDI 20 SEPTEMBRE SIMONETTA GREGGIO - VANESSA SCHNEIDER - MICHELA MARZANO - ANNE REVAH - CATHERINE ALLÉGRET
VENDREDI 12 SEPTEMBRE NADINE TRINTIGNANT GRÉGOIRE DELACOURT
DIMANCHE 21 SEPTEMBRE ADÈLE VAN REETH RAPHAËL ENTHOVEN
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MARDI 16 SEPTEMBRE - FATOU DIOME ET LAURENT GAUDÉ
COULISSES
ERNEST PIGNON ERNEST - ENDER - ERWANN BRIAND (La PopArtiserie)
MICHAEL LONSDALE
MONIQUE LÉVI-STRAUSS
DENIS LAVANT
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ORANGERIE ALLÉE DE LA ROBERTSAU L’écrin de verdure Texte BENJAMIN THOMAS Photos MÉDIAPRESSE
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Les ferronneries « Art Nouveau » de la villa Roseraie
A deux pas des institutions européennes, l’allée de la Robertsau conduit directement au Parc de l’Orangerie, le poumon vert de Strasbourg et un des lieux de balades favori des habitants de la capitale européenne…
Seule l’intense circulation automobile qui est omniprésente de la Place de l’Université à l’entrée de la tranquille Robertsau fait réaliser que nous sommes encore dans la densité urbaine d’une grande ville. L’allée de Robertsau ne saurait bien sûr se résumer à sa contre-allée envahie par les places de stationnement et ses premières bâtisses. Plus loin, cette voie, parmi les principales de Strasbourg, mérite au contraire d’être arpentée à pied, les yeux levés vers quelques belles façades de bâtisses dont l’architecture est manifestement très influencée par l’Art nouveau du début du XXème siècle. Parmi tant d’autres, l’immeuble du 56 a été édifié par les architectes Heinrich Backes et François Lutke et, pour peu qu’on sache encore lever les yeux, présente une façade remarquable, illuminée par la belle croix de carreaux faïence bleus, verts et rouges qui n’ont rien à envier aux plus célèbres « azulejos » de Lisbonne, la capitale portugaise. De chaque côté, l’ensemble est encadré par deux typiques colonnes, parsemées d’ouvertures et de balcons qui mêlent lignes droites et courbes audacieuses et qui feraient presque croire à un immeuble comme on en découvre tant à Vienne, berceau de ce mouvement artistique qui œuvra dans tant de domaines et dissémina sa magnificence dans toute l’Europe, quelques années à peine avant le début de la première guerre mondiale. Autre réalisation notable dans ce quartier : la Villa Faist, œuvre de ces deux mêmes architectes, dont une des entrées, au 24 rue Twinger, présente une des plus belles portes de rue (particulièrement bien entretenue) présentes dans la capitale européenne. Un peu plus loin, en direction de La Robertsau, la Villa Roseraie (au 63) fait admirer les ferronneries de ses balcons...
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Au bout de cette avenue, le Parc de l’Orangerie et ses 26 hectares de verdure est sans conteste un des lieux favoris des Strasbourgeois. Celles et ceux qui sont nés dans la capitale européenne se souviennent à coup sûr de ces dimanches d’enfance où l’impératif de la digestion après le déjeuner ou un simple besoin plus prosaïque de « se dégourdir les jambes » conduisaient les pas des familles vers ce véritable poumon vert de Strasbourg. Les déjeuners dominicaux d’aujourd’hui ne sont peut-être plus aussi pantagruéliques mais l’habitude est restée, manifestement… Toutes les générations s’y côtoient encore : les jeunes parents dont les enfants prennent d’assaut les parcs de jeux et qui sont curieux d’aller observer les animaux au petit zoo du Parc, les personnes âgées qui se promènent d’un pas tranquille jusqu’aux ados décomplexés, entre deux parties du bowling voisin. En semaine, le soir particulièrement, ou tôt le matin, le Parc est le territoire des joggers urbains, souvent bardés de la technique d’aujourd’hui (la montre qui relève les foulées parcourues et le rythme des pulsations cardiaques fait un tabac…) et les oreilles envahies par les sons diffusés par l’Iphone. Parmi eux, nombre des occupants des consulats qui bordent le Parc, proximité des institutions européennes oblige. Si l’origine du Parc remonte au XVIIIème siècle, sa notoriété s’est considérablement accentuée avec la construction du Pavillon Joséphine en 1804. Cette bâtisse sans grand intérêt architectural a été édifiée pour abriter cent quarante orangers 59
La superbe porte d’entrée de la villa Faist
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confisqués par les républicains au château de Bouxwiller, durant la Révolution française. Savez-vous qu’elle fut en fait détruite par un incendie en 1968 et que le pavillon Joséphine que vous voyez aujourd’hui n’est qu’une simple copie à l’identique de l’original ? La réalisation du lac intérieur date d’un peu plus de dix ans plus tard, lors de l’Exposition industrielle et artisanale de 1895. Il fait aujourd’hui le délice des jeunes enfants, là encore, qui y apprennent souvent la manœuvre des barques. Les aménagements plus actuels du Parc de l’Orangerie interviennent à fréquences régulières. Si quelques-uns parmi les plus beaux spécimen de ses arbres centenaires n’ont pas résisté à la grande tempête de l’hiver 2001(plusieurs durent être abattus dans les mois suivants), un nouvel éclairage du Parc a été réalisé il y a quelques années.
Un grand merci aux commerçants et autres annonceurs de ce secteur Orangerie-Allée de la Robertsau, dont certains nous ont confié quelques anecdotes sur leur quartier : la Boutique Marianne au 5 rue Goethe, un espace de mode qui, depuis 10 ans, propose des collections internationales exclusives sélectionnées à Paris, Düsseldorf, Milan…; le restaurant Au Gourmet de l’Orangerie, cet incontournable bien connu des Strasbourgeois, où Lionel, son Chef, propose des suggestions renouvelées semaine après semaine, élaborées avec des produits frais; à la jeune agence immobilière Fortissimo forte de dix professionnels qui répondent à une clientèle des plus exigeantes; aux quinze professionnels du cabinet d’avocats HSKA, installé depuis deux ans place Brant et au Pâtissier Patrick dont les fameux mille-feuille et éclairs ont fait la joie de nos photographes lors de leur reportage !..
La magnifique façade « Art Nouveau » du 56, allée de la Robertsau
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des espaces « L’eau » et « Les animaux » avec de nouvelles manipulations interactives, la création de l’espace « Log’hic » qui permettra aux enfants, dès l’âge de trois ans, de résoudre toutes sortes d’énigmes et de casse-têtes, seuls ou aidés par leurs parents. A noter qu’une nouvelle boutique figurera aussi au sein de ces nouveaux aménagements, tout comme la création de nouveaux espaces d’accueil pour les groupes scolaires, permettant de leur offrir un moment de transition avant d’entrer dans le Vaisseau et des lieux d’attente et de détente revisités pour un plus grand confort des visiteurs..
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UNE GRANDE EXPO POUR (RE)DÉMARRER
UN NOUVEAU
Dès sa réouverture prévue pour le 5 novembre prochain et jusqu’au 30 août 2015, le Vaisseau présentera une nouvelle exposition transdisciplinaire : Trop fort ton corps ! Ni compétition, ni bilan médical, elle mêle joyeusement biologie, mathématiques, philosophie, sciences humaines pour se mesurer au monde. À travers 23 éléments interactifs conçus comme autant d’expériences individuelles et d’interrogations collectives, le visiteur sera invité à tester ses capacités physiques et sensorielles et à mesurer ses caractéristiques anatomiques. Depuis son ouverture en 2005 par le Conseil Général du Bas-Rhin, le Vaisseau n’a de cesse d’être plébiscité par le public. Cette reconnaissance s’est matérialisée depuis par l’entrée de 160 000 visiteurs par an en moyenne. Un véritable succès de fréquentation qui devrait encore se renforcer avec ces réaménagements et innovations, à découvrir dans moins d’un mois, donc…
VAISSEAU ! Texte ERIKA CHELLY
Ce sont deux mois de chantier qui touchent à leur fin et qui permettront, début novembre prochain, de découvrir un tout nouveau Vaisseau, encore plus attractif pour ses visiteurs. Les travaux de réaménagement qui ont lieu jusqu’au 5 novembre 2014 sont les plus importants depuis l’ouverture du Vaisseau en 2005. Plusieurs chantiers ont ainsi été menés de front par les équipes qui préparent ce renouvellement depuis près de deux ans. A leur issue, le public pourra découvrir une nouvelle salle d’exposition temporaire agrandie à 4000 m2 (pour faire face à un succès croissant de fréquentation), le renouvellement 63
LE VAISSEAU 1 Bis Rue Philippe Dollinger 67100 Strasbourg Tél : 03 88 44 65 65 www.levaisseau.com
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BRASSERIE DE LA BOURSE UNE INSTITUTION GASTRONOMIQUE EN PLEINE ÉVOLUTION Texte
Photos
ERIKA CHELLY
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Inaugurée en 1927, la Brasserie de la Bourse reste un des derniers restaurants de la « Grande époque » à Strasbourg. Une nouvelle fois, la belle prouve qu’elle ne reste pas figée dans le passé et ne s’endort pas…
Hervé Polewiak
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Les Strasbourgeois connaissent tous cet établissement, héritier de l’ambiance inimitable des grandes brasseries du début du siècle dernier. Son décor, parfaitement conservé et entretenu, nous invite immanquablement à nous plonger dans le temps et ses propositions gastronomiques ont toujours parfaitement reflété les grandes valeurs de la cuisine traditionnelle alsacienne et française.
UN « MEILLEUR OUVRIER DE FRANCE » REVISITE LA CARTE Christophe Muller, un des seuls Chef « Meilleur Ouvrier de France » d’origine alsacienne (il est originaire du Sundgau, tout au sud de l’Alsace) dirige les cuisines de Paul Bocuse à Collonges-au Mont D’Or, près de Lyon. C’est lui qui a élaboré la nouvelle carte de la Brasserie de la Bourse, une carte qui évoluera au fil des saisons. On y retrouve le meilleur de la tradition alsacienne, comme le jambonneau braisé au Pinot noir ou les « Mignons de Monsieur Cochon » sauce crème et spaetzele, par exemple. Au quotidien, La Brasserie de la Bourse s’est assuré les services de Hervé Polewiak. Cet ancien du Crocodile et de la Maison Kammerzell possède une solide expérience et jouit d’une solide réputation au sein de la gastronomie strasbourgeoise. Il décidé d’apporter tout son savoir-faire qui offre un nouveau souffle à cette véritable institution strasbourgeoise qu’est la Brasserie de la Bourse.
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Lors de l’Assemblée générale de mai dernier (de droite à gauche, André Reichardt (1er vice président de la région) - Philippe Richert, président de la Région Alsace et Philippe Choukroun, directeur général de l’Agence d’Attractivité de l’Alsace.
AGENCE D’ATTRACTIVITÉ DE L’ALSACE LA MONTÉE EN PUISSANCE Texte BENJAMIN THOMAS Photos STADLER - RÉGION ALSACE
Conçue pour contribuer au rayonnement et à la compétitivité de notre région, l’Agence d’Attractivité de l’Alsace est fortement montée en puissance ces derniers mois… Depuis son lancement officiel au printemps dernier, les Alsaciens ont vite repéré le « A Cœur », ce logo rouge vif qui trône au milieu du nom de notre région et qu’on remarque bien sur l’ensemble des supports de communication jusqu’alors réalisés.
Le siège de l’Agence d’Attractivité de l’Alsace à Colmar
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Derrière la marque Alsace se déploit en effet un ensemble d’opérations qui visent toutes à aider les décideurs économiques, touristiques, culturels, institutionnels à reconnaître et diffuser l’Alsace en tant que terre d’excellence. A terme, bien sûr, on agit ainsi sur le développement d’activités, la création de richesses et d’emplois dans l’ensemble de la région. On compte également sur ces mêmes décideurs pour véhiculer la marque afin d’accroître sa visibilité (cela peut se faire sur les courriers classiques ou électroniques, sur les emballages des produits, sur les véhicules des entreprises et on en passe…), l’essentiel étant que chacun s’approprie cette marque et la diffuse le plus abondamment possible. Ce renforcement de l’image de marque de l’Alsace est prévu pour toucher des cibles nationales mais aussi internationales (accélérer l’internationalisation de l’économie alsacienne est un des objectifs qui ont été proclamés au printemps dernier, lors de la conférence de presse de création de l’Agence d’Attractivité de l’Alsace). A son conseil d’administration siègent le Conseil régional d’Alsace, les deux Conseils généraux alsaciens, la Communauté urbaine de Strasbourg et les deux Communautés d’agglomération de Mulhouse et Colmar, la Chambre régionale de commerce et d’industrie ainsi que le réseau des Offices de tourisme alsaciens. A noter l’existence d’un Comité consultatif d’Alsace constitué exclusivement des acteurs économiques et socio-professionnel et des professionnels du tourisme. La Marque Alsace compte plus de 2 000 partenaires et près de 3000 ambassadeurs qui jouent un rôle essentiel pour rendre l’Alsace visible et la prescrire. Concernant l’international, après Bruxelles en juin, la Semaine Française de Düsseldorf en juillet dernier, la participation à une mission de rayonnement agroalimentaire et tourisme dans quelques jours au Japon et le prochain Marché de Noël de New-York, organisé par l’Office de tourisme de Strasbourg, seront autant d’événements ou d’initiatives qui mettront la Marque Alsace sous les feux des projecteurs…
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UN ÉTÉ 2014 à Strasbourg, en France et dans le monde
Strasbourg, 18 juillet 2014 70
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CETTE DAMNÉE PLUIE… Incessante, omniprésente, orageuse, quelquefois violente et toujours pernicieuse, l’eau s’est déversée en trombes sur quasiment toute la France et a grandement contribué à la morosité ambiante. Pas d’été pour le moral des Français, même pour ceux qui ont eu la chance de pouvoir partir en vacances. Jusqu’aux rives de la Méditerranée qui n’ont pas bénéficié de l’ensoleillement habituel, c’est dire. A Strasbourg, on a enregistré le plus faible ensoleillement depuis des décennies. L’été des grenouilles… A oublier.
Photo : MÉDIAPRESSE
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LA TRAGÉDIE DU MOYEN-ORIENT Une fois de plus, la guerre a embrasé la bande de Gaza et Israël. Et tout l’été, nos différents «amis» des réseaux sociaux nous ont pris à témoins et en quelque sorte sommés de choisir, les uns soutenant la riposte d’Israël contre l’assassinat de ses soldats enlevés et la pluie de rockets tirées par le Hamas depuis la bande de Gaza, les autres dénonçant les atrocités subies par le peuple palestinien sous l’implacable feu de Tsahal, l’armée de l’état hébreu... A la rédaction de Or Norme, nous nous sommes souvenus de notre reportage là-bas, en janvier 2011 (lire Or Norme n°5). Nous nous sommes souvenus de toutes celles et ceux que nous avions rencontrés, juifs, musulmans, israéliens, palestiniens... et qui travaillent, vivent, rient et pleurent ensemble sur une seule terre, celle de leurs ancêtres... Nous savons que les peuples israélien et palestinien ne désirent que la paix. Nous savons aussi que ceux qui les dirigent (tous ceux qui les dirigent) ont besoin de l’affrontement et de la tragédie pour justifier le pouvoir qu’ils exercent. Nous ne confondons pas le peuple avec ses leaders, dans les deux camps légitimement élus cependant... Alors, nous ne nous sommes pas sentis obligés de choisir... Photos : APA/Polaris - Mohamed Salem - DR
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a la une
DEUTSCHLAND ÜBER ALLES « Le football est un sport qui se joue à onze contre onze et à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent... » disait il y a deux décennies, avec dépit, l’attaquant anglais Gary Linecker. En juillet dernier, l’Allemagne a tout à fait logiquement remporté la Coupe du Monde, après avoir notamment atomisé le Brésil lors d’une demifinale d’anthologie et devant tout un peuple au bord de la dépression.
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Pas de chance pour les Français. Auteurs d’un beau parcours, les joueurs de Didier Deschamps se sont cependant réconciliés avec leur public hexagonal, à l’image de Paul Pogba et n’ont cédé que lors de leur quart de finale contre... les Allemands, futurs vainqueurs. De quoi espérer, déjà, un bel Euro 2016, dans deux ans en France... mais pas à Strasbourg.
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LA GÉNÉROSITÉ AUTO-PROCLAMÉE
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Bien sûr, la cause (récolter des fonds pour lutter contre la maladie de Charcot) est noble. Bien sûr, pour cela, tous les moyens sont bons. Bien sûr... Reste que cet été aura été marqué par l’omniprésence du Ice Bucket Challenge, initiative 100% véhiculée sur Facebook. Et c’est là qu’on a vu les sempiternels autocentrés et nombrilistes se prêter en nombre à cette possibilité inespérée de dire une fois de plus : j’existe ! J’existe !! J’ai été nominé tant et tant de fois !!! En observant tout ce cirque, qu’ont pensé celles et ceux qui ont la générosité certes discrète mais cependant fidèle et permanente ? On vit une époque formidable...
L’EX SE VENGE...
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L’éditeur -Les Arènes- fait un joli coup, les libraires encaissent, et les magazines vendent du papier? Et l’auteur ? Il assure ses vieux jours, l’auteur... A part ça ? Rien. Un épisode consternant de plus dans une France consternée...
C'ÉTAIT UN TYPE BIEN...
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Ses amis, celles et ceux qui le côtoyaient dans son sud-est d’adoption, sont tous unanimes : Hervé Gourdel était un type bien, un de ces gars plein de noblesse, de talent et d’empathie pour les êtres humains que la vie lui proposait souvent de rencontrer sur les routes d’aventures qu’il fréquentait. C’est sur une de ces routes, en Kabylie, que le destin l’a mis sur le chemin de ces barbares des temps modernes, affiliés aux terroristes de l’Etat islamique qui se développe en Irak. Le sort réservé à ce mec bien a plongé la France dans l’effroi et la douleur. Il interroge aussi sur les dangers qui nous menacent, dans le monde mais aussi tout près de nous, dans notre pays. Avec, en tout premier lieu, la tentation de tout confondre, tout mélanger dans le même accès de rage et de tristesse. Les Musulmans qui vivent près de nous et avec nous n’ont absolument rien à voir avec ces barbares. C’est une évidence mais il convient de la rappeler sans cesse et sans cesse, comme l’ont fait les musulmans qui vivent en Grande-Bretagne avec leur campagne « Not in my name », « Pas en mon nom ».
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DISPARITION EN PLEIN CIEL A l’aéroport de Pékin, les familles apprennent la disparition du Boeing de la Malaysia Airlines... A cet instant, personne ne peut encore deviner qu’un sombre mystère va se mêler à la tragédie... Trois mois plus tard, l’avion n’a toujours pas été retrouvé et semble s’être évaporé. Les hypothèses les plus farfelues circulent sur le net. Et côté officiel, aucun élément factuel n’a pu être communiqué depuis près de trois mois. L’énigme reste à ce jour entière... Photo : Kim Kyung-Hoon
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Le piĂŠton de Strasbourg
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Strasbourg, 26 septembre 2014 80
PortFOLIO Muriel Cuny Strasbourgeoise depuis 1983, Muriel Cuny a grandi dans une famille de collectionneurs d’art contemporain et sait aujourd’hui que « la visite des expos, la photo, la vidéo, la beauté » ont façonné alors son regard. « Là où d’autres ne voit rien, moi je vois un tableau contemporain, des sujets dans des nuages, l’odeur de fleurs, un message d’infini, un cri du cœur sur un affreux mur, un dessin sublime sur un mur très beau dont on sait que son temps de vie est éphémère… » dit-elle encore. Les portes l’attirent irrésistiblement. « Certaines invitent, d’autres rejettent, certaines s’amusent, d’autres effrayent, certaines marquent une tradition, chacune porte son message, activement ou passivement… Je les regarde toujours en me demandant si j’ai envie d’entrer… » muriel.cuny@free.fr
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