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OR NORME STRASBOURG / L’INFORMATION AUTREMENT

numéro 22 / septembre 2016

BESOIN DE CULTURE !



e di to PAR Patrick Adler

Directeur de la publication

/// Or Norme…par amour. Norme : n. f. Règle, principe, critère auquel se réfère tout jugement : se fonder sur la norme admise dans une société. - Dictionnaire Larousse. Et si, être Or Norme, ce n’était pas, avant tout, cette volonté farouche de ne pas juger ! Car, ne pas systématiquement accepter la norme n’a finalement de sens que pour ça : se garder de la tentation permanente de vouloir tout juger, pour oser, simplement, accueillir l’innovation, la différence… L’Autre ! Jean-Luc Fournier, lui, a osé. Il a osé lancer un magazine différent, il y a bientôt six ans, pour exprimer et partager son amour d’un Strasbourg qui bouge, d’un Strasbourg audacieux. Or Norme manquait à Strasbourg, et Jean-Luc a su faire de ce manque un magazine authentique, et exigeant, sur le fond comme sur la forme. Il y a quelques mois, lors d’un déjeuner entre les deux amis que nous sommes, Jean-Luc m’a expliqué les difficultés auxquelles il était confronté, lui et sa valeureuse équipe de journalistes et collaborateurs, pour assurer la pérennité et le développement de Or Norme. Alors, par ce que j’aime Jean-Luc, parce que j’aime Strasbourg, et par ce que j’aime créer et entreprendre, j’ai décidé d’investir pour poursuivre et développer l’aventure Or Norme. En m’appuyant bien évidemment sur l’équipe en place, et en premier lieu, sur Jean-Luc, qui va enfin pouvoir se consacrer totalement à la rédaction en chef du titre. En ne reniant pas les valeurs qui font l’ADN du magazine, mais également avec un vrai projet de transformation d’Or Norme en média à part entière, dont la tonalité et l’ambition seront clairement affirmées dès les prochains mois: si c’est pas hors norme, c’est pas dans Or norme ! Ce sera notre vocation de vous faire découvrir, sous des formes qui évolueront très bientôt, tout ce qui est Or Norme à Strasbourg : les personnalités, les lieux, les événements, les institutions, les entreprises, etc…

Notre ambition sera aussi de vous proposer un regard différent, ouvert vers les autres, capable de s’émerveiller et d’admirer ceux qui agissent pour changer Strasbourg…et pour changer le Monde. Car nous croyons fermement que si le fait que les conditions pour un cataclysme existent, cela ne signifie pas que le cataclysme est inévitable ! Le facteur déterminant, c’est la volonté de changer les choses, la capacité à être Or Norme ! « La vie est dérisoire et nous devons la rendre belle » dit l’écrivain Yasmina Khadra. Modestement, mais avec enthousiasme et énergie, nous voulons y contribuer. Nous avons la conviction qu’on ne prévoit pas son futur mais qu’on on le crée, et c’est pourquoi nous voulons faire face à l’avenir, librement et, si possible joyeusement. Voilà une idée bien Or Norme par les temps qui courent : se réjouir et partager ensemble tout ce qui contribue à ce que nous puissions être plus heureux, ici et maintenant, à Strasbourg, où tout est à faire et à aimer. En 1939, dans son journal, André Gide écrivait : « Le monde ne sera sauvé, s’il peut l’être, que par des insoumis. Sans eux, c’en est fait de notre civilisation, de notre culture, de ce que nous aimions et qui donnait à notre présence sur terre une justification secrète. Ils sont, ces insoumis, le « sel de la terre », et les responsables de Dieu. » Alors, pour le salut de notre monde, qui peut être si étonnamment et merveilleusement beau, soyons ces insoumis, osons réapprendre à sortir de l’ordinaire, à penser et à rêver l’impossible. Soyons Or Norme ! ◊


SOMMAIRE

SEPTEMBRE 2016 ORNORME 22

4 - DOSSIER

BIBLIOT H ÈQ UES IDÉALES 2 016 66 - AEDAEN

40 - ENTRETIEN ROBERT HERRMANN 74 - ELCHINGER 76 - INTERNATIONAL SPACE UNIVERSITY 78 - EUROPE, OÙ SONT TES VALEURS ? 80 - NOTEZ DÉJÀ... 84 - PORTFOLIO ARNAUD DELRIEU 46 - LA RENTRÉE CULTURELLE 50 - STANISLAS NORDEY

52 - FESTIVAL AVIGNON


DOSSIER

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DOSSIER

BIBLIOTHÈQUES IDÉALES

2016

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7- 1 8 septembre à l’ Aubette

Durant douze jours, près de quatre-vingt personnalités dont plus de soixante écrivains vont littéralement rythmer la rentrée culturelle strasbourgeoise. Or Norme, partenaire de cette manifestation emblématique, vous dit tout sur les Bibliothèques Idéales 2016. 40 pages pour vous donner envie de vous rendre à l’Aubette ! /// TEXTE Jean-Luc Fournier – Alain Ancian – Erika Chelly – dr PHOTOS MEdiapresse – Ornormédias – Thalita Brauer – Milo McMullen Olivier Roller – Christophe Urbain – Habib Charaf - Astrid di Crollalanza Franck Ferville – F. Mantovani – Philippe Matsas – Paul Slade – C. Hélie

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DOSSIER

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ENTRETIEN

Ser g e

Rezvani « Nous sommes en train d ’ entrer en déci v ilisation.. . » Un des plus prolixes des écrivains français sera parmi nous lors des prochaines Bibliothèques Idéales. Nous l’avons rencontré cet été dans la belle maison qu’il partage avec son épouse, l’actrice Marie-Josée Nat, dans un discret petit vallon à deux pas de Bonifacio, en Corse du sud. Et nous avons parlé. Pendant des heures. Avec en arrière-plan permanent le regret de ne pas avoir assez de place pour tout publier. Voici donc quelques extraits… /// ENTRETIEN RÉALISÉ PAR Jean-Luc Fournier PHOTOS Mediapresse

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ENTRETIEN

Peintre puis écrivain avec plus de quarante romans publiés, une quinzaine de pièces de théâtre, des recueils de poésie, et plus de 150 chansons dont certaines célébrissimes. On lit votre vie à travers votre œuvre exceptionnelle et une traversée littéralement ébouriffante du XXème siècle… « Je suis en effet né en 1928 à Téhéran d’un père iranien natif d’Ispahan et d’une mère russe. Mon père était traducteur dans les camps de réfugiés et était aussi un des plus grands magiciens de son époque. J’ai quasiment été abandonné à ma naissance car mon père était plus que distant et ma mère atteinte par une grave maladie. Je me suis retrouvé en France dans un pensionnat pour émigrés russes. Je passe rapidement sur cette période d’avant guerre mais très vite, le dessin m’a passionné. Ami de Claude Lanzmann, j’ai en effet côtoyé Giacometti, Dmitrienko et d’autres dans le Montparnasse du début de la seconde guerre mondiale, alors que les allemands occupaient Paris. J’ai appris le dessin sur le tas, en quelque sorte, à la grande Chaumière où je croisais tous ces artistes, j’ai dessiné des centaines et des centaines de nus avant de m’essayer à la peinture et, très vite, je me suis aperçu que peindre était avant tout pour moi une façon de vivre. Une vraie communion avec ce que je créais. Je vivais dans une extrême pauvreté. Juste après la guerre, j’ai découvert Saint-Tropez qui n’avait bien sûr rien à voir avec le village d’aujourd’hui. Sur ses plages, il y avait encore les péniches du débarquement des Alliés en Provence, tout était miné. Pour survivre, je suis devenu pêcheur sous-marin et de ce fait, je me suis installé au Cap Lardier… En plein massif des Maures là, où une quinzaine d’années plus tard, vous allez vivre avec votre épouse Danièle que vous surnommiez Lula, une incroyable histoire d’amour… Oui, mais avant que je ne la rencontre, en 1950, je suis rentré à Paris après mon séjour à Saint-Tropez. Maeght, qui avait une galerie incontournable pour le Tout-Paris artistique a exposé certaines de mes œuvres. J’ai eu une relation avec Evelyne, la sœur de Claude Lanzmann, une femme qui s’est malheureusement avérée très vite malade, suicidaire même. Nous nous sommes très vite séparés et, plusieurs années plus tard, elle a en effet mis fin à ses jours, ce qui m’a d’ailleurs valu l’inimitié profonde de son frère alors que, bien évidemment, je n’avais eu aucune espèce de responsabilité dans ce fait. J’ai donc en effet rencontré Lula. Elle était d’une beauté stupéfiante et la beauté de son âme était elle aussi extraordinaire. Elle avait seize ans, elle m’a tendu la main, elle m’a sauvé du désespoir, je dois le dire. Elle était de très bonne famille, son père était le directeur de cabinet d’Antoine Pinay, le président du Conseil. Elle n’a pas hésité à tout quitter pour moi. Lula était très intelligente,

très solaire, très intuitive. Notre amour a duré cinquante ans dans notre maison de La Béate, à la Garde-Freinet, au cœur du massif des Maures. Avec Lula, vous avez vécu là-bas un amour incroyable et inconditionnel. Vous vous êtes mis à écrire, elle écrivait et peignait également. La morte saison, vous la viviez tous deux à Venise. Et jamais, pas même une seule journée, vous ne vous êtes quittés. C’est dans les yeux de l’un et de l’autre, ce fameux effet miroir de l’admiration réciproque, que votre amour n’a cessé de grandir… C’est là que les mythes sont très intelligents, même si on les lit mal et qu’on les déforme. On dit que Narcisse se regarde dans le miroir de l’eau mais sous ce miroir, il y a Ondine qui l’aime si fort ! On ne peut être aimé qu’en aimant et c’est le reflet de soi dans les yeux de l’autre qui nous fait aimer et être aimé. On ne peut pas s’aimer soi-même, ou alors on est un homme politique et on est très infantile : on veut revenir au berceau, de façon à être au centre de l’attention de tous, ce moment où le moindre rot du bébé émerveille tout le monde. C’est ça l’Elysée !.. Cinquante années de bonheur et d’amour. Et la maladie qui survient, cette terrible maladie d’Alzheimer qui va détruire Lula en une dizaine d’années et vous meurtrir à jamais… J’ai raconté tout cela dans l’Eclipse, qui est paru en 2003, quelques mois avant sa disparition. Sa mère et sa grand-mère avaient été atteintes par ce mal, il était donc héréditaire. Une mémoire qui, peu à peu, s’en va... Lula est entrée doucement dans ce tunnel, elle s’est battue pour essayer de surmonter la maladie avec de grands sursauts à force de volonté, mais c’était absolument inguérissable. Je l’ai accompagnée du mieux que j’ai pu mais très vite, je me suis retrouvé seul. Les amis prennent peur, ils vous évitent puis ils vous oublient. Ce fut très dur à vivre pour moi. C’est une maladie presque bicéphale, je veux dire par là que le malade et son compagnon en sont tous deux victimes. Chez l’une, les souvenirs puis l’intelligence s’en vont et chez l’autre, une immense souffrance et un grand désespoir s’installent. Ces instants où l’être que vous aimez le plus au monde ouvre ses yeux, vous regarde et vous dit : Mais qui estu, toi ? Tu sais, j’ai vécu avec un homme merveilleux qui était peintre, écrivain aussi. Tu ne peux même pas imaginer qui il était, tu ne le connais pas... ». Elle parlait de moi en faisant mon

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ENTRETIEN en moi. Nous sommes tombés amoureux comme si c’était une évidence. Elle m’a sauvé. Pour la deuxième fois de ma vie, une femme exceptionnelle m’a sorti du trou… Cette faculté à pouvoir aimer sans limite, pour tout dire cette boule d’amour que vous êtes, aura donc largement influencé le fil de votre existence… L’amour est la seule chance qui est donnée aux êtres humains pour qu’ils ne soient pas des bêtes féroces, ce que nous sommes en réalité, surtout nous les hommes. Les femmes sont des donneuses de vie, nous, nous sommes des tueurs. Nous, on fait un enfant en quelques minutes, une femme il lui faut neuf mois… Je parle dans mes livres de ce que disait Beauvoir : « on ne nait pas femme, on le devient ». Ca vaut pour l’homme : quand on sort du ventre de sa mère, on est un morceau de sa chair féminine, on est un morceau de féminin…

éloge mais en méprisant l’homme avec qui elle parlait, moi. Ces situations t’humilient, elles te rongent, te détruisent, elles pourrissent tout. On ne peut même pas les imaginer si on ne les a pas vécues… Et puis, il y a les étrangers qui, très vite, se transforment en prédateurs. Ils ont un flair infaillible pour sentir ta vulnérabilité, ta faiblesse, pour en profiter. J’en parle longuement dans un de mes derniers livres, Ultime amour. Je tenais à l’écrire pour prévenir : attention aux prétendues belles âmes qui souhaitent vous aider ! A Cannes, actuellement, beaucoup de personnes âgées sont victime d’Alzheimer. Il y a de véritables gangs qui se « refilent les chantiers » comme ils disent, qui dépouillent les malades. La ville en est remplie. Moi aussi, dans mon combat auprès de Lula, j’ai été victime de ces bandits… Nous aurons l’occasion de poursuivre le dialogue sur ce sujet lors de votre venue à Strasbourg pour les Bibliothèques Idéales. Lula disparaît en 2004, vous êtes alors de nouveau au comble de la détresse et là, une autre femme va vous tendre la main et vous faire revenir à la lumière. Celle avec qui vous partagez votre vie aujourd’hui à Bonifacio, en Corse, MarieJosée Nat… Nous nous étions déjà rencontrés très brièvement chez des amis communs il y a quarante ans. Un simple dîner où elle est arrivée avec son mari, le réalisateur Michel Drach. Et bien, quarante ans plus tard, notre rencontre a été comme celle de deux êtres qui ne se seraient jamais perdus de vue. Elle habitait déjà à Bonifacio et je lui ai confié que j’avais l’intention de venir moi aussi vivre en Corse. Elle m’a invité à venir chez elle, comme elle avait l’habitude de le faire avec d’autres écrivains qu’elle hébergeait pour qu’ils puissent travailler confortablement. Marie-Josée est extrêmement généreuse. Elle a compris immédiatement qui j’étais et ce qui se passait

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Vous avez des lignes essentielles dans un de vos derniers livres sur ce sujet… Oui, mais personne ne les a relevées. On parle souvent de consensuel, moi j’ai trouvé un mot : la concensure. Ce genre d’idées ébouriffent tellement les gens… Aujourd’hui les philosophes ne sont plus des philosophes tellement ils sont attirés par l’écran plat, je dis qu’ils s’aplatissent dans l’écran, alors il n’y a plus de pensée philosophique sur la vie, sur les femmes, sur les hommes et plus généralement sur la décivilisation dans laquelle nous sommes en train d’entrer. La science, la technologie prennent le pas sur la pensée et ça va tellement vite que les quelques philosophes que nous avons encore sont en fait des scientifiques… Mais la science va tellement vite aujourd’hui qu’il n’y a plus personne au fond pour penser notre époque, pour penser le gouffre dans laquelle notre civilisation est en train de s’anéantir. Il y a tant de signes qui le prouvent, à commencer par l’immense désaffection qui est le sort des hommes politiques. Je dis toujours qu’ils vont disparaître et que les banquiers vont être alors en première ligne, eux et leur argent, sans filtre. L’humanisme, c’est terminé, c’est une fiction ! L’humanisme, c’était un destin de très haut niveau pour l’être humain, c’est fini tout ça… L’écrivain est le dernier des solitaires, seul face à son lecteur. Ce sont les derniers qui sont dans le silence. Je pense même qu’il ne reste plus beaucoup de gens capables de se plonger dans un livre, de s’y immerger, sans être tôt ou tard de nouveau happés par le grapillage culturel imposé par internet, notamment, cette espèce de pensée sans cesse fragmentée. Pouvoir entrer dans le continu, je dis bien le continu, d’un livre est une chose bien rare aujourd’hui. Beaucoup, malheureusement, se contente de la ponction. On a quelque peu perdu également le sens des hiérarchies, que ce soit dans l’éthique comme dans l’esthétique. On ne peut pas vivre sans hiérarchies. Il faut avoir conscience qu’une chose peut être meilleure qu’une autre, plus noble que l’autre. Il y a des choses qui sont plus importantes pour l’humanité que d’autres. Aujourd’hui, tout vaut tout, et au final il ne reste rien. Je vous demande pardon d’exprimer autant mon pessimisme sur ces sujets-là…» ◊

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JEU. 8 SEPTEMBRE

/// 19H AMOS OZ « Il n’y a vraie vie, qu’au prix du risque » « Quand je serai grand, je voudrais être un livre. C’est moins dangereux que d’être un homme. Avec de la chance, un exemplaire de moi survivrait… » Toute l’œuvre d’Amos Oz est dans ce propos. Considérable, foisonnante, elle va de l’intime au public, de l’autobiographie à la fiction, de la prose romanesque au pamphlet politique. Toujours avec la même humanité, la même générosité et la même détestation des fanatismes. Amos Oz s’est imposé comme le grand écrivain israélien de sa génération. Cofondateur du mouvement La Paix maintenant, il est l’auteur d’une œuvre importante dont Une histoire d’amour et de ténèbres qui lui a valu un succès populaire inédit. Rencontre avec Amos Oz, Judas (Gallimard) traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen. “ J’ignore si ce sera Netanyahu ; mais je dirai que la personne par qui Israël sortira des Territoires, et qui fera ce que chacun sait au fond de lui devoir être fait, est déjà parmi nous. Qui est-ce ? Je ne sais pas. Peut-être même que lui ou elle ne le sait pas encore… ”


Nicolas Comment

Olivier Cadiot

Rodolphe Burger

LITT É R AT U RE ET MU S IQU E UN MARIAGE HEUREUX À l’occasion de la publication du recueil de textes et photographies de Nicolas Comment, Milo, et de son album Rose Planète, un court set live pour découvrir une œuvre sensible proche de l’univers de Serge Gainsbourg et Yves Simon. Les mots, les notes, Rodolphe Burger n’a cessé de les explorer depuis l’aventure Kat Onoma, que ce soit en solo ou accompagné de Olivier Cadiot. Tous deux échangent à propos de leur collaboration, mais aussi de leurs œuvres respectives.

19h30 /// Nicolas Comment en concert Rodolphe Burger et Olivier Cadot Concert de Nicolas Comment suivi d’un entretien entre Rodolphe Burger et Olivier Cadiot, Histoire de la littérature récente (POL) animé par Emmanuel Abela.

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/// 19h

Stanislas Nordey Emmanuelle Béart Simone de Beauvoir Entretiens avec Jean-Paul Sartre

Simone de Beauvoir - “ Pensiez-vous

que du moment que vous faisiez de la littérature engagée, que vous aviez découvert que nommer, dévoiler, c’est changer le monde, pensiez-vous que, finalement, votre action individuelle en tant qu’écrivain avait de l’avenir ? Jean-Paul Sartre - Oui, je le pensais. S.de B. - Je crois que vous aviez

raison d’ailleurs. J.P S - Je le pensais.

Je l’ai toujours pensé. ”

Un des grands événements des Bibliothèques Idéales 2016. Ces entretiens ont été réalisés en août-septembre 1974, à Rome puis à Paris. Simone de Beauvoir les a publiés en 1981, au lendemain de la mort de Sartre avec son ouvrage « La cérémonie des adieux ». Lors de trois soirées, Emmanuelle Béart et Stanislas Nordey vont donner vie à ces entretiens qui abordent les thèmes toujours actuels de la littérature, la politique, l’argent, la liberté, la nourriture… Les mots sont simples, les phrases courtes, Simone de Beauvoir ayant voulu garder la spontanéité originelle. « Les paroles de Sartre n’apportent sur lui aucune révélation inattendue » écrivait-elle en préface à ces entretiens, « mais elles permettent de suivre les méandres de sa pensée et d’entendre sa voix vivante ».



/// 19h30 Leili ANVAR - Frédéric FERNEY Solea et Renaud GARCIA-FONS

Le cantique des cantiques Le plus beau chant d’amour

Leili Anvar est normalienne, agrégée de littérature et spécialiste des mystiques persans. Elle est productrice et animatrice de l’émission Les Racines du ciel, sur France Culture. Frédéric Ferney est journaliste et chroniqueur, (La Dispute, France Culture), spécialiste de littérature, théâtre et philosophie. Concert - Lectures de Leili Anvar et Frédéric Ferney de textes choisis dans Le Cantique des cantiques, Solea Garcia-Fons (chant) et Renaud Garcia-Fons (contrebasse).


/// 20H

VEN. 9 SEPTEMBRE

JACQUES TARDI AVEC DOMINIQUE GRANGE ET LE GROUPE ACCORDZÉAM Putain de guerre ! Tardi replonge dans les tranchées pour une dernière « mise au point » sur l’horreur et l’absurdité de ce conflit. Il dénonce encore et toujours la bêtise et la cruauté des chefs, qui exploitent allégrement des pauvres gars.

/// 17h30 ALAIN BADIOU

Concert illustré de Tardi et de l’interprète Dominique Grange avec les musiciens du groupe Accordzéam.

« Il n’y a vraie vie, qu’au prix du risque » Encore un grand événement aux Bibliothèques Idéales. Prenant pour exemple Socrate, le père de la philosophie, condamné à mort pour avoir semé le désordre dans la cité en ne reconnaissant pas ses dieux et en corrompant la jeunesse, Alain Badiou renoue avec la vocation originelle de la philosophie. Il en appelle à la jeunesse qu’il exhorte à prendre des risques et à se saisir de la liberté dans un monde où la transmission est en panne. Rencontre avec Alain Badiou, La vraie vie (Fayard) animée par Thierry Jobard, Librairie Kléber. “ Kant disait que la philosophie est un champ de bataille. C’est bien
vrai et en réalité je ne déteste pas avoir des ennemis, car dans un certain
sens cela vous fait faire des progrès. ” Jacques Tardi

Dominique Grange

Accordzéam

/// 19H STANISLAS NORDEY EMMANUELLE BÉART Simone de Beauvoir Entretiens avec Jean-Paul Sartre (2) (lire page 12)

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/// 15h À L’AUBETTE ANDRÉ TUBEUF LES VISAGES DES VOIX

déjà. gens c a r

André Tubeuf est la mémoire d’un monde musical qu’il pratique depuis soixante ans Le philosophe se souvient. Le souvenir des choses belles qu’on a vues et entendues, des étonnants qu’on a rencontrés, remonte en bouffées vivantes  : embellies peut être, c’est le passé ; mais fidèles, personnelles, vécues ; et faisant de toute façon revivre l’inoubliable.

SAM.

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SEPTEMBRE /// 14h45 - 17h15 - 19h45 HOMMAGE À ANDRÉ MALRAUX André Malraux s’est éteint il y a quarante ans. Sa vie toute entière fut un roman qui, bien souvent, se confondit avec l’histoire de notre pays. Cet authentique autodidacte fut aventurier, militant antifaciste aux côtés des Républicains espagnols, écrivain (L’espoir – La condition humaine – Prix Goncourt) et ministre de la Culture durant dix ans, de 1969 à 1979, période durant laquelle il façonna avec passion et talent une politique culturelle « à la française » marquée notamment par la création de nombreuses Maisons de la Culture de par le pays. La Ville de Strasbourg rendra hommage à André Malraux durant les quatre mois au sein de la Médiathèque qui porte son nom. La comédienne Anne Suarez assurera trois lectures d’extraits des œuvres de André Malraux durant cet après-midi, à 14h45, 17h15 et 19h45. « Vous connaissez la phrase : « Il faut neuf mois pour faire un homme, et un seul jour pour le tuer ». Nous l’avons su autant qu’on peut le savoir l’un et l’autre... May, écoutez : il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans pour faire un homme, soixante ans de sacrifices, de volonté de... de tant de choses ! Et quand cet homme est fait, quand il n’y a plus en lui rien de l’enfance, ni de l’adolescence, quand, vraiment, il est un homme, il n’est plus bon qu’à mourir. » (La Condition Humaine)

Rencontre en images (avec des visuels rares et uniques) accompagnée de musique avec André Tubeuf. « Ce que je crois entendre encore, ce sont des voix. Les timbres, qui sont le visage vrai des individus. Et les heures à parler, avec chanteurs, pianistes... »



/// 15h DÉDICACES À LA LIBRAIRIE KLÉBER CATEL & BOCQUET avec Jean-Claude ET Joséphine Baker Entre glamour et humanisme la vie tumultueuse de la première star noire mondiale. Originaire du Mississipi, Joséphine Baker a 20 ans quand elle débarque à Paris en 1925. En une nuit la petite danseuse nue afro-américaine devient la coqueluche des Années Folles, fascinant aussi bien Picasso que Cocteau, Le Corbusier ou Simenon. Dans un parfum de scandale, les années 1930 la voient devenir la première star noire mondiale, de Buenos Aires à Vienne, de Londres à Tunis. En 1939, Joséphine prend la nationalité française. Engagée dans la résistance pendant la guerre, la chanteuse est consacrée Compagnon de la Libération par le général de Gaulle. Dédicace de Catel et Bocquet, en présence du fils de Joséphine Baker, Jean-Claude Baker.

/// 16h SERGE REZVANI UNE VIE D’AMOUR Chacun a en mémoire ses chansons, à commencer par ce « Tourbillon de la vie », qui résume à lui seul Jules et Jim, le film de Truffaut. Né en 1928 à Téhéran, Serge Rezvani arrive en France avec sa mère, juive émigrée russe. La maladie puis la disparition de sa mère laisse cet orphelin, déjà rompu aux conditions misérables de la vie en pension, aux mains d’un père, magicien, diseur de bonne aventure et charlatan. Pension. Fuite. A quinze ans, il peint déjà et découvre la liberté et la précarité dans la capitale occupée, avant de se rendre, après-guerre à Saint-Tropez, où il vit de pêche sousmarine. En 1950, il rencontre Danièle, la femme de sa vie, Lula dans ses romans : 40 ans d’amour avant que la vie du couple ne bascule avec la maladie d’Alzheimer de Lula, qui meurt en laissant l’artiste « amputé » selon ses propres mots. Il lui dédiera L’Eclipse. Dans les années 70, il s’engage contre le régime du Shah d’Iran, une prise de position qui le fera figurer sur la liste noire de la police politique iranienne. En 2005, il rencontre l’actrice Marie-José Nat, elle-même veuve de Michel Drach… Rencontre avec Serge Rezvani animée par Jean-Luc Fournier, directeur de la rédaction de Or Norme Strasbourg. « Moi, je m’enorgueillis d’être étranger en tous pays ! Je reste le frère ou le fils de ce juif antique, de ce merveilleux rabbi de Breslau, ancêtre de ma mère, lequel disait : « Surtout, ne demande pas ton chemin à celui qui le connaîtrait, car tu ne pourrais t’égarer ! »


/// 17h30 Andreï MAKINE La fragile éternité de l’amour

« J’ai rêvé trop longtemps de la France pour ne pas en avoir une vision littéraire. Pays rêvé, pays présent ». C’est un amoureux fou de la langue française que nous accueillons. L’exil, les purges, les camps staliniens, l’amour fou et l’attente hantent son œuvre qu’il continue de construire dans un français à la facture résolument classique. C’est un écrivain des grands espaces que nous recevons. Andreï Makine, né en Sibérie, a publié une douzaine de romans traduits en plus de quarante langues, parmi lesquels Le Testament français (prix Goncourt et prix Médicis). Il a été élu à l’Académie française en 2016. Rencontre avec Andreï Makine. L’archipel d’une autre vie (Seuil).

/// 19H STANISLAS NORDEY EMMANUELLE BÉART Simone de Beauvoir Entretiens avec Jean-Paul Sartre (3) Le troisième volet de la lecture des « Entretiens avec Jean-Paul Sartre » (lire page 12)


/// 20H Mona HEFTRE chante Serge REZVANI Si les chansons de Serge Rezvani sont pour beaucoup d’entre elles dans nos mémoires, c’est qu’elles sont belles, simples, douces, tendres et ironiques. Sa poésie immédiate célèbre l’amour éternel. Le tourbillon et J’ai la mémoire qui flanche de Jules et Jim, c’est lui...

Mona Heftre

Jeanne Moreau et Serge Rezvani (Jules et Jim)

Concert de Mona Heftre accompagné par le pianiste Pascal Simoni. « Je suis chaque jour reconnaissant à François Truffaut qui, en plus du plaisir qu’il a eu d’introduire ce « Tourbillon de la vie » divinement chanté par Jeanne Moreau dans Jules et Jim, avait compris mon immense désir de liberté. » Serge Rezvani

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DOSSIER

/// 21H Adèle van Reeth Raphaël Enthoven Michaël Foessel Qu’est-ce qu’être moderne ? En quoi sommes-nous modernes ? Quels sont les attentes, les espoirs et les inquiétudes de la modernité ? Au fil de textes d’écrivains, les philosophes parcourent un certain paysage de la modernité. Rencontre avec les philosophes

Raphaël Enthoven

Michaël Foessel

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Adèle Van Reeth

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DIM.

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/// 11H Adèle van Reeth, Raphaël Enthoven, Michaël Foessel ET Ghislain Benhassa Le philosophe face au

SEPTEMBRE

terrorisme Quelle place est-elle donnée au philosophe depuis le 11 septembre et les attentats ayant touché la France ces derniers temps ? Qu’attend-on de sa parole ? Mais plus encore, quelle place lui est-il laissé dans le dispositif médiatique actuel.

/// 10h30 Raphaël Enthoven présente son ouvrage

Rencontre avec les philosophes animée par Nicolas Léger Ghislain Benhassa

Anagrammes pour lire dans les pensées avec Jacques Perry-Salkow et les dessins de Chen Jiang Hong, Editions Acte Sud

/// 15H Samuel BENCHETRIT - Ivan JABLONKA La défaite des hommes et la disparition des femmes Samuel Benchetrit revient sur le drame de son ex-femme, Marie Trintignant. Comment annoncer un tel drame à son enfant ? L’auteur nous offre un aperçu de l’intimité d’une famille meurtrie face à l’impensable. Leçon d’espoir. Portrait d’êtres secoués qui continuent à vivre malgré tout. Lecture éprouvante et salvatrice. Ivan Jablonka poursuit son exploration des frontières entre littérature, histoire et sciences sociales. Il nous parle de Laëtitia Perrais, maltraitée dès sa plus jeune enfance, accoutumée à vivre dans la peur et assassinée à 18 ans : un fait divers étudié comme un objet d’histoire et une vie comme un fait social. Ce parcours de violences éclaire d’une lumière crue une société où les femmes se font harceler, frapper, violer, tuer. Rencontre avec Samuel Benchetrit, La nuit avec ma femme (Julliard - Plon) et Ivan Jablonka, Laëtitia (Seuil).


DOSSIER

/// 16H André VELTER François MARTHOURET Claudine CHARREYRE Les grands poèmes qui ont fait le siècle

Claudine Charreyre

François Marthouret

A l’occasion des 50 ans de Poésies Gallimard, André Velter, poète et directeur de la collection, le comédien François Marthouret et la chanteuse Claudine Charreyre feront revivre les grands poèmes qui ont fait le siècle. Lecture - concert par André Velter, poète, François Marthouret, comédien, Claudine Charreyre, chanteuse et Louis Abel Rodet, pianiste.

André Velter

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/// 17H30 Yasmina Khadra Avec les Mambo Men L’irréductible joie de vivre du peuple cubain À l’heure ou le régime castriste s’essouffleDon Fuego chante toujours dans les cabarets de La Havane. Jadis, sa voix magnifique électrisait les foules. Aujourd’hui, les temps ont changé et le roi de la rumba doit céder la place. Livré à lui-même, il rencontre Mayensi, une jeune fille « rousse et belle comme une flamme », dont il tombe éperdument amoureux. Mais le mystère qui entoure cette beauté fascinante menace leur improbable idylle… Chant dédié aux fabuleuses destinées contrariées par le sort, Dieu n’habite pas La Havane est aussi un voyage au pays de tous les paradoxes et de tous les rêves. Alliant la maîtrise et le souffle d’un Steinbeck contemporain, Yasmina Khadra, un des écrivains parmi les plus fidèles des Bibliothèques Idéales strasbourgeoises, mène une réflexion nostalgique sur la jeunesse perdue, sans cesse contrebalancée par la jubilation de chanter, de danser et de croire en des lendemains heureux… Rencontre avec Yasmina Khadra animée par JeanLuc Fournier, directeur de la rédaction de Or Norme Strasbourg, et le groupe cubain Les Mambo Men.

« Il faut savoir extraire de l’or à partir de la boue, être un alchimiste génial pour supplanter les mauvais souvenirs et recouvrer une part de ses rêves. J’ai beaucoup souffert, mais les épreuves ont forgé mes convictions. S’il m’arrive encore de tenir debout, c’est parce qu’enfant je n’ai pas appris à me mettre à genoux. » Yasmina Khadra


/// 18h30 Gaël FAYE, le Rwandais et Ali ZAMIR, le Comorien Deux premiers romans qui font surgir un monde oublié... Franco-rwandais, auteur compositeur interprète de rap, Gaël Faye est influencé par les littératures créoles et la culture hip hop et se nourrit d’influences musicales plurielles. Petit pays évoque les tourments et les interrogations d’un enfant d’Afrique pris dans une Histoire qui le fait grandir plus vite que prévu. « J’ai écrit ce roman pour crier à l’univers que nous avons existé, avec nos vies simples, notre train-train, notre ennui, que nous avions des bonheurs qui ne cherchaient qu’à le rester avant d’être expédiés aux quatre coins du monde et de devenir une bande d’exilés, de réfugiés, d’immigrés, de migrants. » Gaël Faye

Ali Zamir a 27 ans. Il vit dans l’archipel des Comores. Petit miracle littéraire, Anguille sous roche conte l’histoire d’une jeune naufragée quelque part dans l’Océan indien, qui dans un ultime sursaut de révolte, nous entraîne dans le récit de sa vie... Roman aussi étourdissant qu’envoûtant, qui n’est pas sans rappeler L’Art de la joie de Goliarda Sapienza par la beauté de son héroïne et la force de sa langue. « J’avais alors insisté pour sentir la fraîcheur de sa peau, je le touchais par la main par contre je sentais sa fraîcheur dans les yeux et sa chaleur dans le coeur, à vrai dire j’ai été paralysée par ce sourire merveilleusement séduisant, j’ai même vu ses dents, elles étaient très fines et brillaient d’un éclat de perle… » Extrait de « Anguille sous roche » Ali Zamir Rencontre avec Gaël Faye et Ali Zamir animée par Bénédicte Junger


LUN.

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SEPTEMBRE /// 18h Trinh Xuan THUAN Jean-Claude CARRIERE Reza MOGHADDASSI Quel est le lien entre astrophysique et bouddhisme ? Que ce soit à l’échelle du cosmos, avec le fameux « vide intersidéral », ou à celui de l’atome, l’existence et même l’omniprésence du vide est pour l’esprit moderne une évidence. Cette « fécondité du vide », que l’on découvre aujourd’hui, rejoint en partie les intuitions des traditions taoïstes et bouddhistes. Astrophysicien américain, professeur d’Astronomie à l’Université de Virginie à Charlottesville, Trinh Xuan Thuan questionne les relations entre les concepts d’astrophysique et les principes du bouddhisme. Conteur, écrivain, scénariste, parolier, Jean-Claude Carrière a travaillé avec Luis Bunuel, Jacques Tati, Pierre Étaix, André Barsacq, Jean-Louis Barrault et Peter Brook. Il est spécialiste de l’Inde et des religions. Formé à la philosophie occidentale et passionné par les philosophies orientales, Reza Moghaddassi est agrégé de philosophie et enseigne à Jean Sturm. Débat entre Trinh Xuan Thuan, La Plénitude du Vide (Albin Michel) Jean-Claude Carrière et Reza Moghaddassi, La soif de l’essentiel (Marabout).


/// 16h Foi et politique ou Le drame de Port-Royal Ce drame est un peu « l’affaire Dreyfus » du XVIIè siècle. Une querelle théologique se transforme en persécution, Louis XIV et le Vatican décidant de faire plier le monastère de Port-Royal, dont le rayonnement spirituel portait ombrage au pouvoir absolu. Henry de Montherlant relate cet épisode dans l’un de ses chefs-d’œuvre, Port-Royal, où grandeur et intériorité fusionnent avec doute et souffrance. Extraits donnés par les « Tréteaux de Port-Royal » (avec Anne-France Delarchand, Maria Buhler et Christian Nardin), suivis d’une rencontre-débat avec Marie Sorel et Christian Nardin (Lycée des Pontonniers).

MAR.

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SEPTEMBRE /// 17h30 Nina BOURAOUI - Karine TUIL Négar DJAVADI - Voix de STRASS Nul n’est à l’abri des ruptures de l’existence Nina Bouraoui écrit sur l’Algérie, l’amour, la nostalgie, l’identité et ses troubles. Beaux rivages est une histoire simple, universelle. C’est la radiographie d’une séparation. Guerre des identités, lutte de classes, terrorisme, amours fatales, violences familiales : comment assumer ces ruptures ? L’insouciance de Karine Tuil a des allures de tragédie grecque. Désorientale est un grand roman familial, politique et rock and roll sur l’Iran d’hier et la France d’aujourd’hui par la fille cachée de Virginie Despentes et de Shéhérazade : Négar Djavadi. Rencontre en partenariat avec la Quinzaine culturelle iranienne avec Nina Bouraoui, Karine Tuil et Négar Djavadi animée par Vanessa Tolub. Ponctuation musicale par la chœur de femmes Voix de Strass.

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/// 19h Régis DEBRAY / Daniel BOUGNOUX Résister à l’époque ! Penseur et écrivain, contemporain exigeant et inquiet, Régis Debray ressemble à son œuvre, entraînante et profonde. Dans Carnet de Route, la seconde moitié du XXe siècle brûle sous chaque page. Aujourd’hui, il n’a qu’une espérance : éviter la totale décomposition de la France. Philosophe, Daniel Bougnoux co-dirige avec Régis Debray Les cahiers de la médiologie. Rencontre avec Régis Debray Carnet de route (Gallimard) et Daniel Bougnoux.

Régis Debray dans sa cellule en Bolivie en 1967

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DOSSIER

MER.

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SEPTEMBRE

/// 17H Pierre ASSOULINE Le monde des écrivains et de la littérature Dans son Dictionnaire amoureux des écrivains et de la littérature, Pierre Assouline nous entraîne dans un formidable itinéraire amoureux au pays des livres et de leurs auteurs : la solitude de l’écrivain, Modiano, la célèbre bibliothèque « Billy », Sartre, Aragon, les photos d’écrivains. Plus de 150 entrées. Part subjective assumée, challenge incroyable et entreprise ambitieuse. Pierre Assouline, est un journaliste, chroniqueur de radio, romancier et biographe, ancien directeur du magazine Lire, membre du comité de rédaction de la revue L’Histoire et membre de l’Académie Goncourt depuis 2012. Il a notamment écrit les biographies de Marcel Dassault, Georges Simenon, Gaston Gallimard, Jean Jardin, Daniel-Henry Kahnweiler, Albert Londres ou encore Hergé. Il est aussi romancier, et l’auteur de plusieurs milliers d’articles et de chroniques radio. Rencontre avec Pierre Assouline, Dictionnaire amoureux des Écrivains et de la Littérature (Plon) animée par Delphine Leonardis (Lycée Jean Sturm). « Rien ne vaut l’écriture d’un Dictionnaire amoureux des écrivains et de la littérature pour se faire de nouveaux ennemis. Il est vrai que tous ne gagnent pas à être connus, et que certains y gagnent surtout en mystère. J’ai toujours aimé aller à la rencontre des écrivains, le plus souvent chez eux, voire à leur bureau, celui-ci étant éventuellement établi dans un bistro ou au restaurant, sauf à les accompagner dans leur promenade. Eprouver ce bonheur discret est aussi une manière de dire qu’on a autant le goût des autres que celui des livres. »

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Pierre Assouline et les Goncourt réunis à Beyrouth : de gauche à droite : Bernard Pivot, Pïerre Assouline, Régis Debray, Edmonde Charles-Roux (malheureusement décédée en janvier dernier), Tahar Ben Jelloun, Didier Decoin.

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DOSSIER

/// 17H Jérôme CLEMENT Stanislas NORDEY Pierre ASSOULINE L’urgence culturelle « Lorsqu’il entend le mot culture, le tyran sort son revolver... Le démocrate sort désormais sa calculette, lorsqu’il ne se détourne pas pour bailler... » La culture est-elle en réel danger, elle qui sait cimenter notre sentiment d’appartenance à une même communauté humaine, elle qui peut déjouer la violence des replis identitaires et donner un sens à notre civilisation et ses valeurs ? Jérôme Clément

Rencontre entre le fondateur de la chaîne ARTE Jérôme Clément, le romancier Pierre Assouline et Stanislas Nordey, directeur du TNS animée par Jean-Luc Fournier, directeur de la rédaction de Or Norme Strasbourg. « C’est sidérant et décevant de constater que la gauche a abandonné l’idée d’un grand projet culturel. Après la Présidence de Nicolas Sarkozy, nous pensions revenir à des fondamentaux défendant la place de la culture dans la société. Mais la situation n’a fait que se dégrader. D’une manière générale, à droite comme à gauche, le choix du ministre de la Culture – sans vouloir mettre en cause la ministre actuelle, qui est compétente – est devenu une variable d’ajustement : respecter la parité, effet médiatique… C’est consternant. »

Stanislas Nordey

Pierre Assouline

Jérôme Clément

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L’hommage rendu par Ernest Pignon-Ernest à Mahmoud Darwich sur les murs de Palestine.


/// 20H Elias Sanbar Farouk Mardam-Bey Ersi Sotiropoulos Vénus Khoury-Ghata Omar Youssef Souleimane

Elias Senbar

L’exil des poètes : Darwich, Cavafy, Mandelstam Elias Sanbar et Farouk Mardam-Bey évoquent l’immense poète Mahmoud Darwich qu’ils ont traduit. En présence de l’absence écrit en prose poétique est probablement l’ouvrage le plus exigeant et le plus troublant écrit par le poète. Il a été unanimement salué comme un chef-d’oeuvre de la littérature contemporaine. Ersi Sotiropoulos, romancière grecque évoque le poète Constantin Cavafy, son homosexualité, la tyrannique affection de sa mère et l’amour fou de la poésie... Vénus Khoury-Ghata redonne vie à Mandelstam et lui permet d’avoir le dernier mot, prouvant que la littérature est l’un des moyens les plus sûrs de lutter contre la barbarie.

Farouk Mardam-Bey

Ersi Sotiropoulos

Omar Youssef Souleimane est un poète syrien. Rencontre et lecture musicale avec Elias Sanbar, Farouk Mardam-Bey, Ersi Sotiropoulos, Vénus Khoury-Ghata et Omar Youssef Souleimane. Soirée construite et orchestrée par Léopoldine Hummel et Maxime Kerzanet, en partenariat avec la Communauté Hellénique d’Alsace. « Je marche comme si j’étais un autre que moi.
 Ma plaie est une rose
blanche, évangélique. Mes mains
sont pareilles à deux colombes
sur la croix qui tournoient dans le ciel
et portent la terre.
Je ne marche pas. Je vole et me transfigure.
Pas de lieu, pas de temps. Qui suis-je donc ?
Je ne suis pas moi en ce lieu de l’Ascension.
Mais je me dis :
Seul le prophète Muhammad
parlait l’arabe littéraire. « Et après ? »
Après ? Une soldate me crie soudain :
Encore toi ? Ne t’ai-je pas tué ?
Je dis : Tu m’as tué … mais, comme toi,
j’ai oublié de mourir. » Mahmoud Darwich À Jérusalem

Vénus Khoury-Ghata

Léopoldine Hummel et Maxime Kerzanet

Omar Youssef Souleimane

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/// 17H30 Denis Salas - Olivier Jouanjouan Antoine Lyon-Caen - Patrick Wachsmann La justice dans les littératures de l’Europe et du Monde Les Bibliothèques idéales accueillent la soirée inaugurale du Festival Justice en Cultures porté par l’Institut d’études judiciaires. Ayant pour thème « Pour une nouvelle géographie de la justice ! », le festival invite à imaginer une justice plus adaptée aux évolutions du monde contemporain et aux nouvelles attentes des justiciables. A travers des textes de Hannah Arendt, Joseph Kessel, Peter Handke, Franz Kafka, André Gide, professeurs et magistrats s’interrogent sur l’intérêt d’une nouvelle géographie de la justice.

/// 16H - Dounia BOUZAR La radicalisation djihadiste : comprendre pour mieux lutter. Comment peut-on passer d’une vie de jeune « normal » à celle de prétendant au Djihad ? Comment la radicalisation arrive-t-elle ? Par quelles étapes ? Quel processus ? Pourquoi l’entourage ne voit-il rien ? Très médiatisée, souvent décriée, Dounia Bouzar est une femme engagée qui se bat pour réconcilier islam et république.

Rencontre avec Denis Salas, Antoine Lyon-Caen, Olivier Jouanjan, Patrick Wachsmann animée par Quentin Urban. Lectures sous la direction de Pierre Diependaële.

Denis Salas

Olivier Jouanjan

Patrick Wachsmann

Antoine Lyon-Caen

/// 17H30 Marc-Alain OUAKNIN L’état de notre monde Passionné par le langage, l’histoire des mots et leur pouvoir poétique, le rabbin et philosophe Marc-Alain Ouaknin (Talmudiques, France Culture) cherche toutes les interprétations possibles des lettres, des mots, des chiffres. Il recommande la lecture comme activité thérapeutique et admire les écrits de Jabès, Celan, Kafka ou Bobin. Marc Alain Ouaknin fait réfléchir et casse les « schémas de pensée figés ». Il préfère les interrogations aux réponses dogmatiques, sans oublier pour autant les vertus de l’humour.

Rencontre avec Dounia Bouzar et Janine Elkouby, organisée en partenariat avec l’AJCF (Amitié Judéo-chrétienne de France).

JEU.

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SEPTEMBRE

« Mon cheval de bataille, c’est l’éthique, c’est ce qui fait qu’un homme trouve un juste équilibre avec lui-même, avec les autres, avec le monde et avec Dieu. Aujourd’hui, le monde est en déséquilibre. Il va nous falloir repenser le temps, car c’est parce qu’on ne prend plus le temps d’avoir le temps que c’est la crise… » Conférence de Marc-Alain Ouaknin sur l’état de notre monde, à partir du Cantique des Cantiques.

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/// 17H30 Magyd Cherfi (Zebda) - Velibor Colic Nahal Tajadod/ La Blessure Lorsque l’identité est une blessure qui se referme comme un piège. Sous l’influence combinée et revendiquée des Clash, de Madame Bovary et de Jean-Paul Sartre, Magyd Cherfi a été le parolier du groupe toulousain Zebda avant de se lancer dans la chanson en solo. Il raconte une adolescence entre chausse-trape et croc en jambes, dans une autofiction pleine d’énergie et de gravité, d’amertume et de colère, de jubilation et d’autodérision.

VEN.

16

SEPTEMBRE

Dans une langue poétique, pleine de fantaisie et d’humour, Velibor Colic, écrivain bosniaque vivant en France, aborde un sujet d’une grande actualité et décrit sans apitoiement la condition des réfugiés, avec une ironie féroce et tendre.

/// 16H Jean-Louis POIRIER Malheureux qui comme Ulysse A quoi servent les mythes ?

Nahal Tajadod est née à Téhéran. Elle nous offre un roman-monde qui, par le prisme de la rencontre entre deux cultures, nous plonge dans un univers burlesque, drôle, oriental, où l’imagination est le bien le plus précieux et où l’Iran s’avère être le pays de la guérison. La Blessure rassemble dix nouvelles écrites par des étudiants de l’Université de Strasbourg et récompensées par le Prix Louise Weiss. Ce thème est décliné sous des formes variées, qui témoignent de la créativité des jeunes auteurs, et le recueil montre surtout comment la blessure est sublimée par l’écriture.

Jean-Louis Poirier, philosophe, ex-doyen de l’inspection de sa discipline et italophile résolu, nous transporte de Platon à Melville et à Primo Levi pour parvenir à une réflexion dégrisée sur notre condition. Le destin d’Ulysse incarnerait, selon lui, notre « déchéance » programmée, un désastre inéluctable face auquel notre seule dignité consisterait à demeurer lucide et vaillant. Une fascinante réflexion sur le message d’Ulysse délivré à Dante. Un propos qui dépasse les frontières, entre philosophie, littérature et poésie.

Nahal Tajadod

Rencontre avec Magyd Cherfi, Ma part de Gaulois (Actes Sud), Velibor Colic, Manuel d’exil. Comment réussir son exil en trente-cinq leçons (Gallimard), Nahal Tajadod , Les simples prétextes du bonheur (JC Lattès) et les étudiants lauréats du Prix Louise Weiss, La Blessure (Pus). Rencontre sur La Blessure animée par Lilia Salmi

Rencontre avec JeanLouis Poirier, Ne plus ultra, Dante et Le dernier voyage d’Ulysse, (Les Belles Lettres) animée par Daniela Battiston et Sylvie Lemler (Lycée International). Velibor Colic

Magyd Cherfi

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/// 20h30 Unsereiner, nous autres... Les Alsaciens, qui sont-ils ? Ils s’appellent Roland Engel, JeanLuc Lamps, Daniel Muringer, Patrick Osowiecki, Roger Siffer. Ils sont réunis autour d’Aytekin Bababyagit dans le groupe Anatolia, ils font une musique endiablée avec les Wäldteifel. Ils sont au pays depuis cent ans, depuis hier, ils y viendront demain. Roland Engel

/// 19h Trio rouge

Alain MABANCKOU Kaoutar HARCHI Nahal La littérature est-elle une question politique ? Pour Alain Mabanckou, la langue n’est pas enfermée dans le carré français. Le monde est mon langage est le tour du monde de la pensée et des émotions telles que la langue française les véhicule. Kaoutar Harchi est native de Strasbourg d’une famille originaire du Maroc. Sociologie, lettres modernes puis sociologie de l’art ont nourri cette très jeune femme, d’une étonnante maturité, à l’écriture. Mais suffit-il d’écrire dans la langue de Molière pour être reconnu comme un « écrivain français » ?

Roger Siffer

Unsereiner n’est-il pas lui aussi venu de partout en Europe et d’ailleurs  ? Nous autres n’avonsnous pas dansé sur toutes les musiques du monde ? Et bien chantons, maintenant… Anatolia

Concert organisé par A livre ouvert…wie ein offenes Buch en partenariat avec l’OLCA, présenté par Aline Martin et Jean Lorrain

Rencontre avec Alain Mabanckou, Le monde est mon langage (Grasset) et Kaoutar Harchi, Je n’ai qu’une langue, ce n’est pas la mienne (Pauvert) animée par Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel. « J’aime toutes les villes que je traverse, je suis émerveillé par tous les lieux qui ne ressemblent pas à ceux de mon enfance. J’y arrive le cœur léger, la tête vide de toutes pensées. On n’est pas émigré lorsqu’on exporte son être, ses manières, ses coutumes, ses goûts en vue de les imposer dans le pays qui nous reçoit. C’est parce que l’endroit dans lequel nous vivons est tellement opposé à notre « milieu naturel » que ressurgissent soudain les images de notre propre enfance, la clameur des nos rues, les souffrances et les joies de notre peuple. C’est pendant les périodes de tornades qu’on reconnaît les vertus d’un ciel bleu, l’envol d’un oiseau libre et le fleurissement d’une essence dont on cherche en vain le nom jusqu’au jour où on se rappelle qu’elle pousse également derrière la case de son père ou dans un jardin public du quartier de Moungali, à Brazzaville. »

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Alain Mabanckou


/// 16H - Charles Pépin Les vertus de l’échec « Et si nous changions de regard sur l’échec ? » Derrière les grandes réussites se cachent souvent des débuts laborieux, des essais infructueux et autres fiascos. Charles Pépin nous apprend à réussir nos échecs. Loin d’être une faute irrémédiable, l’échec est un moment privilégié où l’individu, confronté au réel, prend conscience de ses limites, apprend à se connaître et à mieux cerner son désir profond. Le philosophe invoque Héraclite, Marc-Aurèle, Sartre ou Freud, mais aussi Rudyard Kipling ou Ray Charles. Rencontre avec Charles Pépin, Les vertus de l’échec (Allary) animée par Nadia Aubin.

/// 16H Patrick CHAMOISEAU La matière de l’absence - Ecrire en pays dominé

SAM.

« Ce que les poètes écrivent ne constitue que les décombres de ce qu’ils ont su vivre. Et ce qu’ils ont su vivre n’est que l’écume de ce qu’ils ont pu deviner et dont le manque leur reste à vie, comme le sillage d’une lumière.» L’événement de la mort de sa mère emporte Patrick Chamoiseau dans une vaste réflexion poétique sur la Martinique, les origines de l’homme et l’évolution contemporaine du monde. Il mène de front un récit très intimiste, souvent bouleversant, sur sa famille, dominée par la mère, et une analyse qui remonte au temps préhistorique de l’Homo sapiens, jusqu’à une géopolitique de l’urbanisme, du paysage, du rapport entre les cultures. Tendresse, humour et légèreté.

17

SEPTEMBRE

/// 17H30 Christine OCKRENT L’Amérique en colère

Rencontre avec Patrick Chamoiseau, La matière de l’absence (Seuil), en partenariat avec l’Alliance Française Strasbourg Europe et animée par Daniela Battiston (Lycée des Pontonniers).

L’enquête au long cours de Christine Ockrent met au jour les lignes de forces et de fractures d’un pays qui a perdu de sa superbe. La campagne électorale, qui fut rarement aussi passionnante, promet de réserver jusqu’au bout de belles surprises. Par la spécialiste incontestée et l’observatrice la plus pointue de la politique américaine, animatrice de l’émission Affaires Etrangères, (France Culture).

Rencontre avec Christine Ockrent, L’Amérique en colère (Robert Laffont) animée par les étudiants de Sciences Po Forum.

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/// 19h Eugénie BASTIE Denise BOMBARDIER Bénédicte MARTIN charlène CALDERO La défaite du féminisme ? Quatre femmes croisent leur regard sur le féminisme. Eugénie Bastier

Dans Adieu mademoiselle, Eugénie Bastié s’en prend au «  néoféminisme contemporain ». Cette jeune femme, avec son perfecto, ses citations de Booba, Pasolini et Simone de Beauvoir, incarne-t-elle une pensée un peu plus complexe que la caricature de la « catho tradi » ? Denise Bombardier est journaliste, romancière, animatrice de télévision canadienne et surtout féministe convaincue. Bénédicte Martin déplore qu’il soit si mal vu d’être féministe et affriolante au pays des droits de l’homme. Etudiante à l’IEP de Strasbourg, Charlène Calderaro est une militante féministe.

Denise Bombardier

Bénédicte Martin

/// 20h30

Rencontre avec Eugénie Bastié, Adieu mademoiselle (Cerf), Denise Bombardier, Bénédicte Martin , La femme (Equateurs) et Charlène Caldero animée par Nadia Aubin.

Liselotte HAMM Jean-Marie HUMMEL 1916 -1936 … De Dada au Front Populaire Liselotte et Jean-Marie explorent depuis belle lurette les pépites musicales et littéraires partant de l’Alsace vers les répertoires francophones et germanophones : du Cabaret Voltaire né à Zurich en 1916 au milieu de la Première Guerre mondiale (Hans Arp, Hugo Ball, Tristan Tzara …) aux « lendemains qui chantent », les congés payés, les chansons des loisirs, les chants de lutte… du Front populaire juste avant la Deuxième Guerre mondiale (Charles Trenet, Josef Kosma, Jacques Prévert, Bert Brecht, Hanns Eisler, Georges-Henri Clouzot, Jean Villard dit Gilles…). Une soirée folle et grave avec ces deux trublions de la scène musicale et littéraire. Concert littéraire.



DIM.

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SEPTEMBRE /// 14h Jean-Baptiste Del AMO Aymeric CARON Franz-Olivier GIESBERT Règne animal, règne humain Le livre de Jean-Baptiste Del Amo Règne animal retrace l’histoire d’une exploitation familiale vouée à devenir un élevage porcin. Dans cet environnement dominé par l’omniprésence des animaux, cinq générations traversent le cataclysme d’une guerre, les désastres économiques et le surgissement de la violence industrielle, reflet d’une violence ancestrale. Un jour, les animaux auront tous des droits. Certains en possèdent déjà, comme les animaux de compagnie. Pourquoi traitons-nous le chien différemment d’un cochon, qui pourtant possède une sensibilité et une intelligence similaire ? C’est que nous sommes spécistes. Aymeric Caron plaide pour un destin commun entre hommes et bêtes et appelle à un nouvel humanisme. « L’antispécisme est le mouvement révolutionnaire le plus important des décennies à venir, la révolution copernicienne ou le marxisme du XXIe siècle. Parce que comme l’antiracisme ou l’antisexisme, il conditionnera notre nouveau rapport au monde. Je suis très heureux que mon livre porte en étendard ce terme encore peu connu, parce qu’on le sait, une réalité n’existe que quand un mot la désigne. Toute la population européenne était raciste sans le savoir quand le mot « racisme » n’existait pas. Le fait de mettre à distance ce qui nous semble « normal » est le premier pas pour changer les comportements. » Rencontre avec Jean-Baptiste Del Amo, Règne animal (Gallimard) Aymeric Caron, Antispéciste (Don Quichotte) et Franz-Olivier Giesbert, L’arracheuse de dents, L’abbateur (Gallimard) animée par Jean-Luc Fournier, directeur de la rédaction de Or Norme Strasbourg.

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/// 15h30 Eric-Emmanuel SCHMITT Sonder les mystère des âmes Avec L’homme qui voyait à travers les visages, Eric Emmanuel Schmitt va toujours plus loin dans le roman philosophique en évoquant un être qui possède un don unique. Il voit à travers les visages, percevant autour de chaque personne les êtres minuscules - souvenirs, anges ou démons - qui la motivent ou la hantent. Est-il un fou ? Ou le sage qui déchiffre la folie des autres  ? Eric-Emmanuel Schmitt poursuit de manière originale son exploration des mystères spirituels. Rencontre avec Eric-Emmanuel Schmitt, L’homme qui voyait à travers les visages (Albin Michel) animée par Vanessa Tolub.

/// 17h Michel SERRES Darwin, Bonaparte et le Samaritain Une philosophie de l’histoire Michel Serres se saisit enfin de l’histoire pour dessiner un avenir plus enthousiasmant ! Darwin raconta l’aventure de flore et de faune. Devenu empereur, Bonaparte, parmi les cadavres sur le champ de bataille, prononça, dit-on, ces mots : « Une nuit de Paris réparera cela ». Quant au Samaritain, il ne cesse, depuis deux mille ans, de se pencher sur la détresse du blessé. Voilà trois personnages qui scandent sous nos yeux trois âges de l’histoire. « Histoire ou Utopie ? Il n’y a pas de philosophie de l’histoire sans un projet, réaliste et utopique. Réaliste : contre toute attente, les statistiques montrent que la majorité des humains pratiquent l’entraide plutôt que la concurrence. Utopique : puisque la paix devient notre souci, ainsi que la vie, tentons de les partager avec le plus grand nombre ; voilà un projet aussi réaliste et difficile qu’utopique, possible et enthousiasmant. » Rencontre avec Michel Serres, Darwin, Bonaparte et le Samaritain. Une philosophie de l’histoire (Le Pommier) animée par Claire Lutz.

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DOSSIER

/// 18h Matthieu RICARD Comment devenir plus libre tout en vivant avec les autres ? Quelles sont nos aspirations les plus profondes ? Comment diminuer le mal-être ? Comment développer notre capacité au bonheur et à l’altruisme ? Matthieu Ricard est moine bouddhiste depuis quarante ans. Il vit au Népal où il se consacre aux projets humanitaires de l’association Karuna-Schechen. Il est notamment l’auteur de Le moine et le philosophe, L’art de la méditation, Plaidoyer pour le bonheur, Plaidoyer pour l’altruisme et Plaidoyer pour les animaux. Il nous fait l’amitié d’être présent aux Bibliothèques Idéales alors qu’il accompagne le Dalaï-Lama en visite à Strasbourg… « Les économistes n’ont plus le droit de fermer les yeux sur l’environnement ou la pauvreté tant ces sujets sont devenus des priorités pour l’opinion publique. Dans le règne du chacun pour soi et de la complète dérégulation économique, les loups de Wall Street mènent la danse et la coopération tombe alors au plus bas. Le gouvernement devrait donc mettre en place des garde-fous pour réguler un système favorisant la coopération. Que l’on arrête de nous tanner en disant que les gens sont naturellement méfiants ! A priori, ils se font confiance et ont besoin d’un système où ils peuvent faire confiance. » Rencontre avec Matthieu Ricard , Trois amis en quête de sagesse de Matthieu Ricard, Christophe André et Alexandre Jollien (Allary Editions).

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BIBLIOTHÈQUES IDÉALES 2016

/// 20h Boris CYRULNIK Avons-nous besoin de héros ? « Pas d’existence sans épreuves, pas d’affection sans abandon, pas de lien sans déchirure, pas de société sans solitude. La vie est un champ de bataille où naissent les héros qui meurent pour que l’on vive. » Chacun de nous a besoin de héros pour vivre, l’enfant pour se construire, l’adulte pour se réparer. Les héros nous apportent l’espoir, le rêve, la force. Quand ils parlent des merveilleux malheurs dont ils ont triomphé, nos héros nous montrent le chemin.

« J’ai été contacté par des associations de blessés après les attentats. Et ce qu’ils veulent entendre, c’est un discours sur la résilience. Je suis blessé, j’ai été blessé, il n’y a pas de doute; je suis mutilé, j’ai perdu des gens de ma famille, on ne me les rendra jamais. Le coup dans le réel, je l’ai reçu. Mais dans la résilience, on va me dire comment je peux me remettre à vivre après ça, malgré ça et avec ça dans le corps ou dans la mémoire. Il y a deux mauvaises solutions. La première mauvaise solution, c’est de les empêcher de parler. Et la deuxième mauvaise solution, c’est de les obliger à parler. » Rencontre avec Boris Cyrulnik, Ivres paradis, bonheurs héroïques (Odile Jacob) animée par Vanessa Tolub.

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DOSSIER

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CULTURE

LA RENTRÉE CULTURELLE

R endez- vous en bord de scène

On y est. C’est la rentrée. Mais a-t-on vraiment envie de laisser l’été derrière soi pour prendre septembre à bras le corps ? L’actu est lourde, tout sauf galvanisante. Le quotidien est en embuscade… Pourtant il va falloir plonger, remettre la machine en marche, prendre le pouls du monde qui va comme il va mais qui est le nôtre. Et pour parler de ce monde, pour l’éprouver, le ressentir, l’interroger, l’ébranler et pourquoi pas l’engueuler, il y a la scène. A Strasbourg, on est privilégié. Riche et variée, la vie culturelle existe au beau sens du terme. Laissez-vous tenter. .. /// TEXTE Véronique Leblanc PHOTOS Mediapresse – Elisabeth Carecchio – Maria Laura Antonelli Jean-Louis Fernandez – Lucile Perron - dr

Manière de mises en bouche à l’orée du cru 2016-2017, une balade au gré des dernières présentations de saison. Certaines ont eu lieu avant l’été. D’autres sont à venir, telle celle du Centre socioculturel Django Reinhardt prévue le 15 septembre avec un show- case des Weepers Circus qui présenteront un extrait du spectacle « N’importe Nawak ». Le premier octobre, les performances de la « Pépinière musicale Django » ouvriront la saison de la salle du Neuhof, la toute première de la nouvelle équipe installée depuis le début de l’année. (voir encadré)

PÔLE SUD /// Rendez-vous à la Meinau le 16 pour le lancement « Pôle Sud ». Soirée kaléidoscope pour le « Centre de développement chorégraphique » de Strasbourg. On y verra Voluminosité  du chorégraphe Fabrice Guillot (Compagnie Retouramont ), trio pour deux danseuses circassiennes et… étrange sculpture, on y prendra l’apéro mais revisité sous la forme du design culinaire conçu par le chef Olivier Meyer, on se prendra au piège d’une troublante fiction conçue par Olga Mesa et Francisco Ruiz de Infante : Faire le noir (pour mieux entendre), tout un programme… Et l’on découvrira toute la saison à venir avant de terminer la

soirée en compagnie de Compact, duo poétique interprété par Jann Gallois et Rafaël Smadja de la compagnie BurnOut. C’est à partir de 19h. Entrée libre mais sur réservation.

LE MAILLON - WACKEN ///

Entre-cabanes

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Cette scène est en constante recherche de modernité. C’est le 13 octobre que commencera une saison 2016-2017 qui sera la première à être signée de bout en bout par le nouveau directeur Frédéric Simon. Du 13 Pinocchio au 16 Pinocchio posera de troublantes questions dans une mise en scène de Joël Pommerat. « L’existence que l’on a reçue est-elle une dette qu’on doit régler ? » « Comment devient-on grand tout en restant libre ? »… Molière 2016 du Jeune Public, ce spectacle créé en 2008 touche à l’essence même du théâtre : s’interroger sur l’humanité. Tout comme le fera l’exposition Entre-cabanes qui se tiendra dans ce lieu du 13 octobre au 3 décembre. Inspirée de la pensée du poète et philosophe américain Henry David Thoreau et montée par la compagnie des « châteaux l’air », celle-ci relève du spectacle interdisciplinaire et participatif, pile dans l’esprit du Maillon.

MUSICA /// Grâce au festival Musica, septembre est aussi à Strasbourg le mois de la musique dans son expression la plus contemporaine. Les manifestations se dérouleront quinze jours durant et débuteront au Point d’eau d’Ostwald avec un concert de Pierre Henry, père de la musique concrète. Cet octogénaire incroyablement inspiré y présentera en création mondiale ses Chroniques terriennes, œuvre qu’il a voulue « indicible et secrète, purement auditive, sans préface ni commentaire » et y reprendra son déjà classique Dracula sur des thèmes de Richard Wagner.

TAPS

OPÉRA NATIONAL DU RHIN

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Octobre sera également le mois de rentrée du TAPS – Théâtre actuel et public de Strasbourg- qui accueillera une nouvelle fois la compagnie Catherine Delattres de Rouen avec un classique revisité : Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Tradition grecque et légendes de la forêt s’entremêlent dans une mise en scène enjouée, l’amour comme fil rouge de trois intrigues où le théâtre met en abyme le théâtre. Ce sera du 4 au 8 octobre. La compagnie strasbourgeoise Les Oreilles et la queue prendra la relève du 11 au 16 avec Dernière Bande de Samuel Beckett mis en scène par Cécile Gheerbrant. Un homme-clown réécoute d’anciens enregistrements et interroge son existence. Passé et présent se répondent entre tendresse et sarcasmes, rires et larmes pour donner – ou pas – du sens à l’ultime bande. The Turn of the Screw

TNS /// Interroger l’humanité, encore et toujours. Tout comme le fera Jean-Pierre Vincent dans sa mise en scène d’ Iphigénie en Tauride sur la scène du Théâtre national de Strasbourg du 13 au 25 septembre. S’y raconte magnifiquement la positivité des êtres - mais oui, elle existe - dans une pièce qui milite pour une humanité délivrée de sa violence. On en rêve… Lire aussi l’entretien avec Stanislas Nordey, page 50.

A l’Opéra national du Rhin, les 24 et 25 septembre, sera donnée Mririda d’Ahmed Essyad dans une direction musicale de Léo Warynski. Hommage à une poétesse berbère, cette œuvre contemporaine plonge dans les horreurs de la guerre et se demande si la beauté du langage peut faire plier les hommes dans leur folie destructrice. Avec The Turn of the Screw de Benjamin Britten produit par le Theater an den Wien et dirigé par Patrick Davin, les démons de l’enfance auront hanter la scène de l’ONR une semaine auparavant, du 21 au 25.

Espace Culturel de Vendenheim /// De la musique il y en aura aussi à l’Espace culturel de Vendenheim. Du jazz avec Rag’n Boogie de et par Sébastien Troendlé, un habitué des scènes alsaciennes, les 14 et 15 septembre (voir aussi page 63 de notre reportage à Avignon). Du chant a cappela – et avec le sourire – grâce aux Banquettes arrières, groupe de trois filles, comédiennes, clowns… et du chant encore au fil de l’hommage à Georges Brassens rendu par Alexis HK dans son concert intitulé tout simplement, Georges et moi. Les 1er et 2 octobre pour la première soirée, Photo de répétition de Iphigénie en Tauride

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Marco Polo et l’hirondelle du Khan

le 20 pour la seconde. A noter précisément sur votre agenda, la date du 10 février prochain. Eric Bouvron, dont le spectacle « Les Cavaliers » avait été présenté à Vendenheim au début de l’an passé – spectacle récompensé depuis par un « Molière » tout à fait mérité- a semble-t-il juré fidélité à l’Espace Culturel de Vendenheim. Il y reviendra donc pour présenter « Marco Polo et l’hirondelle du Khan », que nous avons vu à Avignon en juillet dernier et qui est une vraie pépite.

de la mer de Steven Spielberg prévue le 18 à 19h, puis à 22h. Atmosphère réaliste et frissons garantis pour cette séance à nulle autre pareille, que les plus téméraires pourront suivre directement dans le bassin grâce à l’installation de bouées. Les requins viennent d’être capturés en Floride, ils seront arrivés d’ici là… Le 20 septembre à 20h, les dinosaures envahiront la Place de la cathédrale pour une projection en plein air de Jurassic Park toujours de Steven Spielberg. De quoi faire frémir le grès ancestral sous le choc de ce blockbuster des années 1990, resté culte depuis… Plus lointaines sont les peurs qui hanteront le Musée alsacien où sera réanimé l’imaginaire macabre et l’occulte d’antan. Un parcours inédit sera mis en place à l’occasion du festival avec, en point d’orgue, une Grüselnàch (Nuit effrayante) prévue le 17 septembre de 20h à minuit. Un parcours horrifique est prévu dans les salles, une pièce de théâtre et des surprises vous attendent à condition que vous ne soyez pas… nyctophobes. Quant à la phobie de la rentrée, nul doute qu’elle vous soit passée pour faire place à l’impatience de la découverte. Strasbourg en automne est fourmillante et passionnante. Preuve en est faite. ◊

Le Festival européen du film fantastique ///

Coup de projecteur sur l ’Espac e Culturel

Et parce qu’il n’est rien de mieux pour juguler ses peurs que de… se faire peur, un clin d’œil final au Festival européen du film fantastique qui tiendra sa neuvième édition strasbourgeoise du 16 au 25 septembre et la lancera comme de coutume avec sa Zombie Walk la plus grande de France et une des plus importantes d’Europe. Rendez-vous le 17, Place Kléber d’où la horde des morts vivants s’ébranlera vers la Place de l’Université pour un concert rock psychédélique donné par le groupe alsacien The one Armed man. Maquillage gratuit Place Kléber à 14 h ! Et comme ce deuxième week end de septembre sera aussi celui des Journées du patrimoine dédiées à la Neustadt, le festival du film fantastique se mettra au diapason en s’installant non seulement Place de l’Université pour le concert mais aussi dans les Bains municipaux pour une projection des Dents

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C’est l’épreuve du feu pour Pierre Chaput, le directeur du site, et ses collaborateurs en ce début septembre qui marque le début de leur première saison culturelle depuis que la Ville de Strasbourg a choisi l’association BeCoze, qui gérait notamment le petit (par le format) et excellent magazine Coze ainsi que l’agenda culturel du site strasbourg.eu, pour porter jusqu’à la mi-2019 le projet Django Reinhardt. Cette bande de passionnés des cultures urbaines et émergentes se concentre résolument sur le développement tous azimuts de la scène locale et s’est engagée à programmer tout au long de la saison concerts, rendez-vous cinéma, expos, conférences… ainsi que des résidences de pré-productions scénique et de création et une pépinière musicale destinée à valoriser le potentiel de talents à venir.

Parmi la programmation de ce début de saison >>>

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DOSSIER

DJ FLY & DJ NETIK

WEEPER CIRCUS N’IMPORTE NAWAK

Ces deux virtuoses de la platine forment simplement à eux deux le duo de Djs les plus titrés au monde ! DJ Fly et Netik vous proposent un show à 4 platines mélangeant Hip Hop, Electro, Trap, Dubstep, DnB…, tout y passe saupoudré de scratchs, pass pass, routines… C’est technique, musical et dancefloor. Ils seront rejoints par une autre paire, DJ Skillz et DJ Topic /// le 8 octobre à 20h

SOIRÉE TATTOO WORLD « LIVE » AVEC SPIDER CREW A l’occasion de Tattoo World « L’Expo » qui se tiendra du 12 au 23 octobre au Shadok, une soirée Underground haute en tatouages et en couleurs. /// le 14 octobre à 19h30

Après une résidence en septembre au sein de l’Espace Culturel Django Reinhardt, le Weepers Circus revient pour présenter l’histoire de cinq personnages mystérieux, un tantinet absurdes et suréalistes et qui ont fait le tour du monde avec leur musique. On l’a compris, N’importe nawak ! est un spectacle s’adressant aux petits, mais aussi aux grands enfants qui est bourré de bonne humeur, d’humour et de magie… /// le 8 NOVEMBRE à 19h Les seize autres rendez-vous programmés d’ici la mi-décembre prochain sont en ligne sur www.espacedjango.eu

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Stanislas Nordey « L A MISÈRE DU MANQUE DE RÊVES...»

Stanislas Nordey lors des répétitions, avec Falk Richter, l’auteur de Je suis Fassbinder.

Le directeur du TNS tire le bilan de sa première saison à Strasbourg et présente la seconde qui s’ouvrira dès le 13 septembre prochain. Et il commente sans langue de bois les temps difficiles que nous vivons… /// ENTRETIEN RÉALISÉ PAR Jean-Luc Fournier PHOTO Jean-Louis Fernandez

Si on ne s’en tient qu’aux chiffres, votre première saison au TNS aura été marquée par un nombre d’entrées égalant le plus haut niveau jamais atteint jusque là, à l’époque où Stéphane Braunchweig était le directeur de cette maison… « Bon, ça, ce sont les chiffres, mais ils ne disent pas tout. Nous n’avons aucune obligation en la matière mais le fait que ces chiffres disent la très bonne fréquentation de la saison dernière est réjouissant. On fait ce métier-là pour que les gens viennent le plus nombreux possible au théâtre et le fait que ces chiffres tombent ainsi dès la fin de la première année, qu’ils concernent ce projet-là, cette modernité puisque on n’a quasiment présenté que des textes contemporains, est important à mes yeux. Si on y rajoute les 10 000 spectateurs des rendez-vous gratuits de « L’autre saison », et bien on peut parler d’un engouement assez formidable et ça fait du bien de le constater. J’ai toujours pensé, et c’est même pour ça que je fais du théâtre, que Antoine Vitez avait raison quand il parlait d’un théâtre

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« élitaire pour tous ». Alors, bien sûr, le mot « élitaire » était peut-être mal choisi mais cette idée d’un théâtre de qualité, généreux et exigeant qui rencontre toutes sortes de publics, n’est pas une vieille lune : c’est possible, ça existe, ça marche… Et, plus généralement, si on se rappelle l’histoire-même de la création du TNS, avec la décentralisation au centre du projet, je pense qu’il ne faut rien lâcher sur la question de l’élargissement et du renouvellement des publics. Elle reste très actuelle… Les chiffres sont visibles, ils sont dans la lumière. Ce qui l’est moins, c’est tout le boulot que les équipes de cette maison ont réalisé sur cette question-là. Je leur ai dit : « Mon rôle à moi est de remplir les salles et le vôtre est de vous mettre à labourer tous les terrains, en ville, dans les quartiers, en périphérie. » Tout ça ne va pas porter entièrement ses fruits dès la première année mais c’est un travail qu’il faut réaliser. On a déjà vu quelques prémisses : des gens qui avaient un petit peu détourné la tête duTNS, ces dernières

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années, sont revenus. L’enjeu des années à venir est de renouveler en profondeur le public dans sa diversité sociale et pour ça, la gratuité et la visibilité données à L’autre saison sont primordiales. Cette diversité-là, on veut aussi la travailler sur les plateaux-mêmes de nos salles de théâtre : la société française est en train de changer et il y a plein de gens d’origines très différentes qui vivent en France. Cette diversité, il faut qu’on la retrouve parmi les acteurs. Elle va apparaître déjà dans la nouvelle promo de notre école de théâtre. Cette saison, les jeunes acteurs du TNS seront au trois-quarts issus de cette diversité. C’est un signe fort qui montre que c’est à plusieurs endroits qu’il faut faire bouger les choses… Toute notre société ne va pas au théâtre : il y a une part plus privilégiée de spectateurs qui savent ce que c’est et qui y vont mais il y a toute une part qui n’y va pas : quand je quitterai Strasbourg, je voudrais être jugé sur ce que j’aurai produit à cet endroit-là. Le théâtre populaire, le théâtre pour tous, n’est pas une utopie, pour moi.


ENTRETIEN Enfin, dans le bilan que vous me demandez de tirer, il y a une satisfaction plus personnelle : des deux créations que j’ai présentées, en tant que metteur en scène et même acteur, Je suis Fassbinder et Incendies ont bien été très bien accueillies. Elles étaient pourtant de deux genres bien différents : Je suis Fassbinder est un espèce de collage très contemporain, politique, bordéliquegénéreux comme je dis, au contraire d’Incendies, qui est une narration un peu plus classique. Le public strasbourgeois ne me connaissait pourtant pas tant que ça, au fond… Je suis Fassbinder  a été selon moi le plus bluffant des rendez-vous de la saison passée. La forme-même de cette création a manifestement représenté une prise de risque maximale… J’ai toujours pensé qu’en prenant des risques, on ne se trompait jamais. En matière d’art, dès qu’on reste dans ses chaussons, ce n’est pas bien. Prendre le maximum de risque, c’est créer les conditions pour que de très belles et grandes choses surviennent. Je fais entièrement confiance au public, sur ce point-là. Il est beaucoup plus prêt qu’on ne le croit pour aller avec nous sur des terrains aventureux car il les voit très bien, les risques que l’on prend et il nous en est reconnaissant, j’en suis certain. Un théâtre comme celui-là est un peu sur le fil du rasoir : il doit perpétuer d’une certaine manière une tradition théâtrale, c’est à dire continuer à explorer des chemins sur lesquels nous sommes depuis très longtemps et, en même temps, permettre d’ouvrir de nouvelles voies. On est en plein à cheval sur tradition et modernité… Et d’ailleurs, l’ouverture de la nouvelle saison le montre bien. On a à la fois Jean-Pierre Vincent, de retour à Strasbourg, qui monte Iphigénie en Tauride, une forme de classicisme qui raconte bien une certaine histoire du théâtre et, en même temps, on aura toute l’équipe de Sylvain Creusevault sur Angelus Novus AntiFaust, ce jeune mec qui brise les codes théâtraux et qui ne cesse d’inventer des choses. Cette programmation correspond aussi à ce que je veux faire ici : parvenir à satisfaire les gens qui souhaitent se rassurer au théâtre et aussi pouvoir bousculer les choses… Cette prise de risques sera encore d’actualité lors de la saison qui débute ? Pour moi, ce qui est important, c’est de continuer à montrer le travail de la nouvelle génération, toutes ces jeunes équipes qui apparaissent spectaculairement : Creusevault, dont je viens de parler, qui fabrique un théâtre plus politique, extrêmement

contemporain, très influencé par ce qui s’est passé avec Nuit Debout, par exemple, tout en revisitant le mythe de Faust. Il y aura aussi ce spectacle magnifique que j’ai vu à Avignon cet été et qui a été le choc du festival : 2666, de Julien Gosselin. On s’était engagé bien avant cette création et là encore, la prise de risques était réelle : 12h de spectacle sur ce roman extraordinaire de Bollaño qui parle tant d’aujourd’hui : à Avignon, l’adhésion du public a été vraiment dingue… Je suis très heureux que 2666 soit au programme en mars prochain. Il y aura aussi Le radeau de la Méduse, de Thomas Jolly, qui clôturera la saison, avec toute la promo sortante du TNS, un spectacle qui a été formidablement bien accueilli à Avignon également. C’est très important pour moi de présenter ces jeunes aux Strasbourgeois. A côté de ça, on a les grands anciens, Jean-Pierre Vincent dont j’ai déjà parlé, Françon en novembre avec une magnifique équipe d’acteurs sur Le temps et la Chambre et, plus tard dans la saison, Anatoli Vassiliev, le grand metteur en scène russe, pour Médée. Pour ma part, je mettrai en scène Erich von Stroheim de Christophe Pelley avec Emmanuelle Béart et je serai acteur dans Baal, de Brecht, mis en scène par Christine Letailleur. Voilà pour ce que j’appelle la colonne vertébrale de la nouvelle saison, sachant qu’il y aura, c’est essentiel à mes yeux, un maximum de spectacles, neuf au total, qui seront répétés et créés à Strasbourg. Le TNS et notre ville seront donc aux premières loges de l’attention portée par toute la presse nationale. Pour mille raisons, c’est formidable, pour la vie de ce théâtre et pour qu’on réalise bien que nous sommes ici un vrai centre de création… Un dernier mot sur ce monde de tragédies dans lequel nous sommes plongés. Quelle est la part de réponses que la culture peut apporter ? Elle a tout à faire, et les responsables politiques devraient s’en persuader. Bien sûr, ici à Strasbourg, c’est le cas puisque la Ville soutient fortement la culture via les budgets qu’elle lui alloue mais c’est loin d’être le cas partout, croyez-moi. Dans la région Rhônes-Alpes que je connais très bien par exemple, les coupes sont considérables et c’est terrible. (la Région Rhône-Alpes est présidée depuis décembre dernier par Laurent Wauquiez -LR - ndlr). Oui, il y a le terrorisme, les tragédies mais il ne faut pas perdre de vue que le tout sécuritaire et le sentiment anxiogène ne sont pas la seule réponse à apporter. Avec un certain nombre d’artistes, j’ai diné le soir du 14 juillet dernier avec le président de la République

à Avignon et juste avant son départ (le président a quitté Avignon dès qu’on lui a appris l’attentat de Nice -ndlr) nous avons été un certain nombre à lui répéter que ce n’est pas le nombre de gendarmes dans les rues qu’il faut multiplier par dix, c’est le nombre de gens qui vont aller soulager non pas la misère sociale, mais la misère intellectuelle, la misère culturelle, la misère du manque de rêves, finalement, parce que c’est là qu’est le problème. Quand on se met une ceinture d’explosifs autour de soi, c’est bien parce qu’on ne croit plus en la beauté. Tous les gens qui travaillent dans les quartiers savent que dès qu’on est en contact avec des mômes un peu perdus, dès qu’on leur amène de la littérature, de la peinture, du théâtre, de l’art…, tout de suite, immédiatement, ça change leur vie ! Ouvrir les esprits, ça chasse la possibilité de la barbarie à la vitesse de l’éclair. Le jour où les hommes politiques comprendront ça… Bon, c’est clair que les prochaines élections présidentielles vont les amener, à une ou deux exceptions près, à se jeter sur ces questions de la sécurité en nous faisant croire que, derrière chaque poteau de nos villes, il y a un musulman caché qui est prêt à nous égorger. Alors que la vraie réflexion est de se dire que si nous en sommes là, c’est parce que notre société a accepté qu’une part sensible d’entre elle vive dans le désarroi au sein de ghettos alors qu’il est possible d’inverser le cours des choses. On attend encore les effets du plan Marshall pour la banlieue mais ce qu’il faut, c’est un plan Marshall pour la pensée, pour les cerveaux, pour la beauté. Ça, ça ferait vraiment bouger les choses ! En tant qu’artiste, on a notre part de responsabilité là-dedans. Nous sommes responsables de ne pas assez faire bouger les mentalités pour réduire les écarts gigantesques, je ne sais pas dire autrement, qui fracturent notre société. C’est la raison principale qui m’a fait revenir à la direction d’un théâtre, je me suis dit que c’était un endroit où on peut faire avancer les choses. A la fin de mon ou de mes mandats à Strasbourg, je serais ravi si j’étais parvenu à faire bouger les lignes dans ce sens… ◊

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FESTIVAL

D’AVIGNON

La ville-théâtre depuis soixante-dix ans De la célébrissime cour d’honneur du Palais des Papes jusqu’au moindre local pompeusement rebaptisé « théâtre » en passant par le Cloître des Carmes ou le Théâtre municipal, c’est toute une ville qui chaque mois de juillet voit son cœur battre autour de l’art dramatique et s’offre une véritable orgie artistique au pays des cigales… /// TEXTE JEAN-LUC FOURNIER PHOTOS Mediapresse Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Se balader jusqu’à se perdre dans les venelles, certaines tellement étroites que la lumière du soleil s’en vient les caresser une poignée de minutes à peine avant de disparaître pour les prochaines vingt-quatre heures. S’enhardir place de l’Horloge où la foule des curieux cohabite avec les jeunes comédiens les plus motivés pour « vendre » leur spectacle aux badauds saturés de flyers et qui croulent sous les sollicitations. Déguster un thé glacé place des Carmes, se renseigner sur la programmation du Cloître des Célestins et ne jamais se départir de l’impressionnante bible des spectacles du « Off » où sont déjà notées précieusement les quelques perles à ne rater sous aucun prétexte… Début juillet de chaque année, Avignon abandonne ses tristes vêtements élimés de ville quasi sinistrée par la rudesse des temps économiques, se maquille, enfile ses somptueux costumes de scènes et, sous la lumière des projecteurs enfin réactivés, redevient la scène du plus célèbre des festivals de théâtre. Soixante-dix ans que ce miracle se reproduit à date fixe… Passions françaises Les murs de la cité papale ne sont pas en reste : ils parlent. Ils disent qu’ils entendent encore des voix disparues à jamais ou qu’on n’entend plus guère aujourd’hui : celle de Jean Vilar, grâce à qui tout débuta, et qui, dès 1951, eut le génie d’intégrer au Théâtre National Populaire (à l’époque, les bobos n’existaient pas et ce dernier adjectif n’avait rien d’infâmant) qu’il venait de relancer les Jean Négroni, Alain Cuny, Michel Bouquet, Silvia Montfort, Jeanne Moreau, Maria Casarès, Philippe Noiret, Monique Chaumette, Jean Le Poulain, Charles Denner, Georges Wilson, entre autres et le jeune premier cinématographique


intermittents du spectacle provoqua l’annulation du Festival (aucune œuvre ne fut jouée mais le spectacle de la rue y fut permanent). Les années suivantes virent s’opposer les personnalités les plus variées dans un gigantesque remake des anciens et des modernes, le texte contre la performance : « un catastrophique désastre artistique et moral » pour le Figaro. Toujours de l’audace… Depuis trois ans, et pour la première fois depuis Jean Vilar, c’est un artiste, le talentueux Olivier Py, qui dirige le festival. Courageux, le nouveau directeur appelle publiquement les électeurs avignonnais à faire barrage au Front national, arrivé en tête du premier tour des élections municipales de 2014, indiquant sans ambage qu’en cas d’élection des lepénistes, le Festival se déroulerait dans une autre ville dès l’année suivante. Levée de boucliers d’une certaine partie de la presse… Controverse. Le FN est battu…

Gérard Philippe et Jean Vilar

Gérard Philipe qui devint vite une extraordinaire icône avant sa disparition trop prématurée une poignée d’années et quelques triomphes plus tard. Avignon, ce Festival si synchrone avec les passions françaises : tour à tour traité de fasciste, stalinien, populiste et même cosmopolite, l’orgueilleux et formidable Jean Vilar y fit littéralement naître et se développer l’idée d’éducation populaire en imposant de fait la première décentralisation théâtrale. Pour la première fois depuis toujours, les créations les plus audacieuses ne naissaient pas à Paris. Ce fut le véritable coup d’envoi d’une des plus audacieuses mises en œuvre d’une politique culturelle publique en France, dont l’apogée survint durant la décennie d’après, avec André Malraux à la baguette. Ses successeurs (Jean Vilar dirigea le Festival jusqu’à sa mort, en 1971) surent tous avoir l’intelligence de surfer sur cette splendide nouvelle vague théâtrale. Avignon ne fut jamais un festival anodin : Jean-Louis Barrault et sa bande de l’Odéon le bouscula en 1965, le forçant ainsi à s’ouvrir béant sur une durée portée à un mois en 1966, Roger Planchon venant jouer les trublions et le chorégraphe Maurice Béjart y créant un Ballet du XXème siècle que d’aucuns jugent encore aujourd’hui inégalé. Evénement considérable : en 1966 naît un Festival Off, inspiré par le généreux André Benedetto à partir de son Théâtre des Carmes. Vilar, dès l’année suivante, fit sortir le In du seul Palais des Papes où il se produisait encore pour envahir quatre autres lieux devenus depuis emblématiques. Passions françaises, disions-nous : en 1968, le préfet local eut l’idée saugrenue de censurer La Paillasse aux seins nus, de Gérard Nevas, qui devait se jouer à Villeneuve-lès-Avignon, juste de l’autre côté du Rhône. Le coincé fonctionnaire y avait décelé « une potentielle présence de terroristes anarchistes » quelques semaines après les événements de mai qui avaient paralysé le pays. Ce fut le coup d’envoi de manifestations toutes plus spontanées les unes que les autres qui perturbèrent complètement le programme du Festival, l’ « agit-prop » prenant le pas à la moindre occasion. On a oublié le nom du préfet, mais pas ces événements... Depuis, Avignon ne se départit jamais de sa réputation de chambre d’écho de l’air du temps. En 2003, la grève des

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Olivier Py

En juillet dernier, le In d’Avignon fut surtout marqué par le retour de la Comédie Française, ses comédiens produisant une superbe adaptation théâtrale du scénario du film Les Damnés que Visconti réalisa en 1969, le hollandais Ivo van Hove signant une mise en scène très inspirée. Le 10 juillet dernier au soir, tandis que la France noyait son chagrin après l’échec de sa sélection nationale en finale de l’Euro de football, France 2 diffusait l’intégrale de la captation de la première des Damnés. Nul doute que Jean Vilar aurait applaudi des deux mains à une telle initiative, redonnant tout son sens au théâtre populaire dont Avignon s’est toujours voulu le vecteur depuis les origines. Soixante-dix ans que ça dure… ◊

« Les Damnés »

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FESTIVAL D’AVIGNON

1400 spectacles

pour le cinquantenaire dU OFF Plus que jamais, Avignon est envahi par les troupes françaises qui rivalisent de créativité pour exister et se produire chaque année lors de ce mois de juillet capital pour l’immense majorité d’entre elles. Plongée dans la bouilloire du Off qui, cette année, proposait plus de 1400 spectacles ! L’immortel Knock, Marco Polo, Juliette et Roméo (version « petite tragédie portative » - sic), J’vous ai apporté des bonbons, Le Soliloque de Grimm, Le Journal d’un fou de Gogol, Montand, Edith, Marylin et Simone, ArtaudPassion, le Rag’n Boogie de l’alsacien Sébastien Troendle, Le Petit Prince, Dieu est mort, Eric-Emmanuel Schmitt qui joue M. Ibrahim et les fleurs du Coran, La philosophie enseignée à ma chouette, Un fou noir au pays des blancs, Alice pour le moment de la troupe strasbourgeoise Actemobazar, Les Siestes acoustiques, Les trois Brigands de Tomi Ungerer, Nougaro l’homme aux semelles de swing, etc, etc… : ce véritable inventaire à la Prévert pourrait se dérouler encore longtemps et il faudrait plusieurs dizaines de pages pour en venir à bout.

La foire d’empoigne

Marco Polo et l’hirondelle du Khan : la nouvelle mise en scène de Eric Bouvron, Molière 2016 du théâtre privé a fait le plein tous les jours en Avignon.

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Ce sont quelques-uns des plus de 1400 spectacles que proposait le festival Off d’Avignon en juillet dernier. Soigneusement répertoriés en autant d’étroites colonnes sur les près de 400 pages du programme officiel du festival (il pèse plus de 2 kg !), tous attendent le succès, la notoriété et la visite des incontournables programmateurs de toute la France avec l’espoir de leur taper dans l’œil de façon décisive. Dans les rues de la cité papale, c’est une incroyable foire d’empoigne qui se déroule quinze heures par jour durant près de quatre semaines, sans un seul jour de trêve. Les afficheurs sont les premiers en action. Chaque matin, il s’agit pour eux d’occuper le moindre espace disponible et tout, vraiment tout y passe : la boutique désaffectée verra ce qui fut sa vitrine entièrement recouverte de placards bariolés (au mépris des consignes des organisateurs qui prohibent le collage),

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le même sort sera réservé aux murs aveugles et ce n’est pas leur hauteur qui arrêtera les intrépides. Plus loin, entre deux platanes, ils tendront une ficelle sur laquelle une foultitude d’affiches sera accrochée. A peine le mistral en aura-t-il arraché quelques-unes qu’elles seront instantanément remplacées. A croire que les afficheurs guettent le moindre espace en permanence. Résultat : la ville croule littéralement sous une profusion de visuels qui colorent ses murs souvent lépreux. Au bout de deux jours, les piétons ne regardent plus rien… Dès huit heures le matin, les tracteurs commencent leur ronde. Elle ne cessera que passé minuit, quand le dernier spectateur aura quitté la dernière scène encore éclairée et que les terrasses seront clairsemées. Ils ont bien du mérite, ceuxlà. Munis de leur stocks de flyers, ils interpellent tout ce qui bouge (et même ce qui ne bouge pas, aux terrasses des cafés par exemple). Au pire, ils distribuent leur tract sans le moindre mot mais beaucoup récitent sempiternellement un court pitch pour retenir désespérément l’attention de leur cible. La plupart des piétons acceptent les flyers. Un geste qui trahit leur ancienneté sur les lieux : le premier jour, on collectionne précieusement les tracts, on dialogue volontiers avec leurs porteurs. Le second, on le prend un peu machinalement, on marmonne un petit merci, on jette un coup d’œil dessus juste avant d’en jeter neuf sur dix dans la première poubelle venue. Au troisième jour, on feint d’ignorer le tracteur et son grand sourire qui se dirige vers vous, on


FESTIVAL D’AVIGNON

espère ne plus être la cible, certains râlent ostensiblement, d’autres avouent qu’ils n’en peuvent plus. Dans certaines rues-cultes comme la rue des Teinturiers par exemple, beaucoup de théâtres sont à la queue-leu-leu, l’étroitesse de la voie favorise toutes les promiscuités, les sollicitations tournent au harcèlement, boire un verre tranquillement en terrasse est un exploit, déjeuner ou diner sur le pouce une véritable épreuve… « Je vous dérange mais je voudrais vous parler d’un spectacle qui… » Au secours !

La Place des Carmes, haut-lieu stratégique pour l’affichage des spectacles.

Une atmosphère orgiaque Quand la parade des troupes et des comédiens s’en mêle, on n’est pas loin de la Cour des miracles. Le très beau, le surprenant, le poétique (heureusement ils existent) côtoient le pire et souvent c’est du niveau de l’enterrement d’une vie de jeune fille tel qu’on peut le croiser chaque samedi dans les rues de Strasbourg… Dans ce domaine, les musicos sont quelquefois des cacophonistes brevetés. Et c’est sans compter sur les orchestres de rues qui ne produisent évidemment pas le moindre spectacle dans le Off : El Condor Pasa joué par de faux péruviens et faisant la manche reste un must indéboulonnable, même quarante ans après ! Cette atmosphère orgiaque ne cesse jamais et elle ne compte pas pour rien dans l’ADN du Off d’Avignon. Ses organisateurs ne peuvent qu’agir à la marge et essaient tant bien que mal de contenir ce qui peut l’être. Depuis des années, ils souhaiteraient pouvoir différencier les « vraies » compagnies professionnelles (encore heureusement très majoritaires) venues là pour promouvoir et « vendre » leurs productions dans des lieux de qualité parfaitement identifiés de leurs homologues beaucoup moins sérieuses, quand ce n’est pas une aimable bande de potes venant juste de s’être auto-intronisée « troupe théâtrale » au sortir de l’hiver précédent. Mais la menace de la création d’une sorte de Off du Off est prise très au sérieux : n’est-ce pas en réaction contre l’unique programmation d’alors, très « officielle », que le Off fut créé il y a juste cinquante ans ? ◊

Originalité maximale. Quelquefois, le badaud qui « mord à l’hameçon » a même droit à une invitation gratuite pour le spectacle.

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60 La « Cour des miracles » du Off

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Ces compagnies alsaciennes qui ont misé sur le Off

La Caserne des pompiers, un des hauts lieux du Off d’Avignon et quartier général des troupes du Grand Est à Avignon.

Loin des clichés des structures culturelles en attente permanente de subventions publiques pour commencer à produire, certaines structures alsaciennes retroussent leurs manches et prennent tous les risques. Nous avons suivi la compagnie Actemobazar et le pianiste Sébastien Troendlé. Tous deux ont misé sur une présence active en Avignon pour assurer leurs futures dates de représentation… Les troupes ou structures théâtrales strasbourgeois, les comédiens, les metteurs en scène, les invisibles de la technique ou de la régie, nous les croisons toute l’année dans les salles de Strasbourg ou de l’Eurométropole. Il savent nous émouvoir, ils nous bousculent, ils nous font rire, ils nous étonnent. Malgré la réputation culturelle de Strasbourg qui, plus que tout autre capitale régionale mise depuis longtemps sur la culture avec une constance remarquable, nous savons bien qu’il est plus que jamais difficile pour eux de vivre de leur talent et de leur art.

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C’est encore plus vrai aujourd’hui  : l’argent public, indispensable pour que la culture puisse vivre et se développer, se rétracte sous les effets des contraintes d’un budget global toujours plus difficile à boucler d’année en année. Alors, ces passionnés se démènent, font feu de tout bois et, en prenant tous les risques pour se faire connaître eux et leur travail, espèrent passer le cap le plus difficile… ◊

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FESTIVAL D’AVIGNON

L’audacieux pari

d’Actémobazar

La troupe Actemobazar : de gauche à droite : Catherine Leromain (Diffusion) - Violaine-Marine Helmbold (comédienne) - Delphine Crubézy (metteur en scène) - Stéphane Wolfler (comédien et régisseur).

Delphine Crubézy (cicontre) , la créatrice de la compagnie Actémobazar, avait déjà insisté sur sa détermination quand elle nous avait reçu fin mai dernier dans le petit local que sa compagnie occupe au sein de la Fabrique de théâtre, ce grand étage entièrement dédié à la création culturelle que la Ville de Strasbourg met à la disposition des structures et des artistes dans un des immeubles face à La Laiterie et près de l’Espace K, rue du Hohwald. Cette languedocienne d’origine a toujours ressenti une forte appétence pour la culture (une maman qui a été libraire, un père cadre commercial mais écrivain et peintre à ses heures ont sans doute fortement contribué à ce trait de caractère). Un oncle, élève au Conservatoire national supérieur d’art dramatique a sans doute aussi provoqué l’impulsion initiale : « Les élèves avaient besoin d’une enfant pour une pièce d’un auteur allemand, donc je me suis retrouvé sur les planches pour la première fois à l’âge de onze ans » se souvient-elle. « Dans ce même conservatoire, j’ai pu, enfant, assister à un des cours d’Antoine Vitez. Je ne savais pas vraiment qui il était mais il m’a impressionnée…. ». Un Bac d’arts plastiques et dessin plus

tard, Delphine a « travaillé très vite tout en suivant des études théâtrales à l’université de Paris III ». C’est le monde de la marionnette qui l’attire alors et qui contribuera à son arrivée à Strasbourg, en tant qu’artiste associée au TJP. « Au bout de quelques années, je me sentais si bien ici que j’ai créé Actémobazar pour assouvir mes velléités de mise en scène. Le partenariat avec le TJP a été essentiel et m’a permis de pas mal produire pour le secteur Jeune Public. Puis, peu à peu, j’ai eu envie d’aborder d’autres thématiques. Alice pour le moment, que nous avons présentée en Alsace en 2013, a marqué ce tournant important pour ma compagnie qui a pu se positionner sur les questions d’aujourd’hui et donc, atteindre d’autres publics. L’accueil du public alsacien et de la presse régionale a été excellent mais le spectacle tournait en rond finalement en Alsace. Alors, quand j’ai appris que la Caserne des pompiers, avec l’avènement de la Région Est, pouvait m’accueillir, la question de produire Alice en Avignon est vite devenue obsédante. Je connais bien le festival, la première fois que j’y suis allée, j’avais quatorze ans, je sais qu’il y a du bon et du moins bon mais, conventionnés par la Ville de Strasbourg et avec l’aide pluriannuelle de l’ex-Région Alsace, la perspective de relever ce défi avec des moyens corrects et, surtout, en cas de succès, de pouvoir rayonner un

peu plus sur la France nous a fait nous décider rapidement…. » Un vrai et passionnant défi Et c’est ainsi qu’Alice pour le moment a tenu l’affiche de la Caserne des Pompiers durant toute la durée du Festival 2016. Rien n’était gagné d’avance. La présence de quatre personnes (outre Delphine, la comédienne Violaine-Marine Helmbold (lire ci-dessous), le comédien et régisseur Stéphane Wolffler et la précieuse Catherine Leromain, chargée de la diffusion) durant tout le mois de juillet, l’adaptation du décor (une centaine d’heures de travail et pas mal d’astuces techniques ont été nécessaires pour créer un décor capable d’être monté et démonté chaque jour en à peine plus de trente minutes, montre en main), la location d’une petite maison pour toute la communauté, la location du camion pour l’aller et le retour à partir d’Alsace et les faux frais, tout cela a représenté un investissement de 30 000 euros, entièrement supporté par la compagnie. A la veille de rejoindre Avignon début juillet dernier, Delphine Crubézy avait dépassé le stade du trac jugeant alors que « désormais, les dés étaient jetés » et que plus rien ne dépendait d’elle. Rencontrée sur place à la mijuillet, après plus d’une semaine de

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représentations, elle était satisfaite des débuts de son spectacle à la Caserne des Pompiers, confiante « d’avoir sensibilisé l’œil, l’oreille et la mémoire des potentiels programmateurs qui ont déjà été nombreux à avoir vu le spectacle. Je suis heureuse » ajoutait-elle alors « car Alice est assez proche, dans l’esprit, de notre prochain projet et je pense qu’ainsi, nous aurons marqué des points importants grâce à notre présence en Avignon » Satisfaction partagée par Violaine-Marine Helmbold, la Ultimes réglages avant la première de Alice pour le moment comédienne du rôle-titre qui est quasiment seule sur Sur scène, Violaine est donc Alice mais le texte lui permet de scène durant les soixante minutes du spectacle. A 35 ans, cette comédienne confirmée a elle aussi débuté sur les jouer tour à tour plusieurs rôles (désolé de ne pas vous en dire planches très jeune (à 16 ans) après sa rencontre au TJP avec plus, mais on ne voudrait pas gâcher le plaisir de la découverte Eve Ledig. « Je n’ai pas fait le Conservatoire, ni aucune autre à certains de nos lecteurs). Elle-même reconnaît que cette pièce école de théâtre » dit-elle tranquillement « juste une formation lui a permis une belle évolution : « Le plus j’aborde ce texte de haut niveau en chant. Ado, j’ai vécu quelques semaines un de façon technique, le mieux c’est » dit-elle avec spontanéité. peu perturbées où je me réveillais chaque matin à cinq heures. « J’écoute le rythme de chaque phrase, sa résonnance, j’essaye Alors, j’en ai profité pour lire tout Molière et tout Racine, l’amour d’entendre ce que j’appelle la musique du spectacle. J’ai du théâtre est né ainsi, comme une évidence incontestable. Au compris tout ça il n’y a pas si longtemps, en tout cas, quand début du travail sur Alice, j’ai vraiment flippé à cause du fait de on a créé Alice il y a trois ans, je n’avais pas intégré tout ça, loin me retrouver seule sur un plateau ce qui est quand même une s’en faut. En fait, je vais vous faire un aveu : je ne réfléchis pas seulement en tant que comédienne, mais aussi beaucoup en situation très particulière pour un artiste. Enfin, presque seule car il y a Stéphane, qui est un garçon très important dans la tant que musicienne. Je mets les émotions de côté car je sais que, de toute façon, elles seront présentes et je rééquilibre tout troupe que nous formons ici ». Violaine fait allusion là à une des particularités des troupes pour faire passer le message… » présentes sur le festival. Tout le monde met la main à la pâte, En tout cas, Alice pour le moment aura marqué les spectateurs chaque jour, à chaque montage et démontage. Et ça fonctionne ! présents à la Caserne des pompiers. L’histoire imaginée par le talentueux auteur Sylvain Levey nous fait épouser la vie d’une A trente minutes de la première, chacun s’activait selon un cahier des charges parfaitement défini et huilé pour qu’à l’heure jeune fille de treize ans, perpétuellement déracinée par des déménagements familiaux qu’elle ne comprend pas toujours et H, le plateau et son décor soient prêts au moment de l’entrée des spectateurs : « Oui, on fait tout » confirme Violaine. « Au départ, qui nous raconte sa vie avec humour mais avec également une Delphine voulait m’éviter tout ça mais moi, j’ai besoin de ce gravité toujours sous-jacente. C’est poétique, quelquefois, plein sentiment d’appartenance totale à un groupe. Sincèrement, je d’onirisme, c’est une mémoire quasi enfantine qui s’exprime et me sentirais handicapée si je devais juste entrer en scène et jour ce n’est que tout à la fin qu’on comprend qui est vraiment Alice et dans quel contexte sa vie qu’elle raconte a pu se dérouler. Un mon rôle. En même temps, je peux être très émotive par rapport au texte que je joue, donc ce travail concret sur l’installation vrai bon et grand moment de théâtre dont on ressort forcément du décor me permet de mettre cette émotion à distance pour ému… qu’elle ne s’empare pas de moi trop tôt. » Un premier bilan à chaud Interrogée à une semaine de la fin du festival, Violaine MarineHelmbold était très enthousiaste : « Au 20 juillet, c’est quatrevingt dix diffuseurs qui étaient venus voir le spectacle et on a même enregistré le passage de quelques membres du comité du Off. C’est génial ! Je pense qu’Alice va avoir une seconde vie. A partir de maintenant, c’est au public de prendre le relais… » De son côté, au lendemain de la clôture du Off, Delphine Crubézy soulignait elle aussi le très bon bilan quant aux retours des professionnels qui ont vu le spectacle : « L’impact auprès des programmateurs a été plus que satisfaisant, ils auront été une centaine à avoir vu la pièce, au point que plusieurs pistes sérieuses existent déjà sur la programmation de la future saison 2017-2018. Il va bien sûr falloir que tout ça soit confirmé d’ici là. En tout cas, tout le monde est ravi et l’équipe que nous avons composée avec Violaine, Stéphane et Catherine revient d’Avignon heureuse d’avoir œuvré ensemble et d’avoir partagé ces moments-là. Ce fut vraiment une très belle aventure humaine et artistique, d’autant qu’en bonus non prévu, de très belles rencontres ont eu lieu avec les autres troupes régionales qui étaient programmées à la Caserne des pompiers. Des affinités se sont révélées et ça, c’était inattendu et plutôt génial aussi… » ◊

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FESTIVAL D’AVIGNON

Sébastien Troendlé

se raconte en musique...

C’est peu dire que de tous les comédiens ayant paradé dans les rues et sur les places d’Avignon, Sébastien Troendlé aura été un des plus visibles et appréciés. Car, dans cette bagarre perpétuelle pour se faire remarquer aux yeux d’un public sollicité de toutes parts, il avait quelques arguments qu’il faut bien qualifier d’uniques. Son attirail, d’abord : un vélo, outil de base incontournable du festivalier qui souhaite se déplacer vite et bien dans la cohue des trois semaines du festival. En prolongement du vélo, une remorque que le propre père de Sébastien a conçue pour qu’elle accueille et supporte un piano droit. Tout le secret est à l’intérieur de l’instrument : il a été évidé (car le poids d’un piano mécanique traditionnel frôle quand même les 200 kg et ne permet pas d’être tracté à la seule force des jambes) et un piano électrique y a trouvé sa place. Le son est bien sûr un peu différent mais là n’est pas le plus important. Un énorme ballon rouge surplombe le tout et fait remarquer l’attelage quand il est en mouvement. Car il en aura fait des kilomètres le piano de Sébastien durant ce Festival 2016. A chaque fois, le même scénario : pas avare de ses efforts, le pianiste-cycliste accède aux endroits les plus fréquentés, même ceux dont le seul accès peut être une venelle étroite et interdite aux véhicules. De la

Difficile de passer inaperçu

majestueuse place du Palais des Papes jusqu’à la minuscule placette coincée entre deux terrasses de restaurants, peu d’endroits stratégiques auront échappé à la farouche volonté de Sébastien et sa compagne-chargée de diffusion Tiffany de faire connaître leur spectacle du soir. A peine arrivé, le piano est calé, le gros ballon rouge, décroché, devient un siège et les premières notes résonnent. Les rythmes du Ragtime et du Boogie où Sébastien excelle font le reste : les

badauds s’agglutinent autour du piano, les pieds battent très vite la mesure, les enfants sont ravis et les parents apprécient la musique. Tiffany, elle, s’applique à distribuer les tracts et à répondre aux questions. Deuxième idée géniale pour renforcer la promotion du spectacle : chaque fin d’après-midi, les deux complices ont parfaitement su utiliser les avantages stratégiques de la localisation géographique du théâtre Arto qui les accueillait. Entre le village du Off et la rue des Teinturiers, un des sites les plus fréquentés d’Avignon, une foule considérable déambule à chaque heure du jour dans une rue qui ne désemplit pas. Alors, chaque soir sur le coup de 18h, Sébastien a installé son piano au coin de la rue de son théâtre. Au programme, cours de Ragtime et de Boogie aux passants. Et ça a marché : les pianistes, jeunes ou moins jeunes, ont appris les rythmes particuliers de ce style de musique unique sous la houlette du pianiste-vedette du spectacle quotidien de 20h35, à deux pas de là ! Après s’être attaqués avec plus ou moins de bonheur à la dissociation totale de la main gauche qui, sans répit, impose la cadence de base et cette fameuse main droite qui, elle, peut s’envoler dans les arabesques les plus vertigineuses, beaucoup sont

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FESTIVAL D’AVIGNON Violaine Arsac. La patte de Jean-Luc Falbriard de l’Espace K a permis d’assurer une mise en scène qui compte pour beaucoup dans le plaisir d’assister à ce spectacle dont l’atout majeur est bien sûr la fabuleuse dextérité de Sébastien dont les mains virevoltent sur les touches noires et blanches de son instrument pour produire une musique aux racines profondes qui, à l’évidence, l’habite entièrement. Sur scène, le musicien blanc de Saint-Louis (France) réalise son rêve et devient instantanément aussi noir que Clarence « Pinetop » Smith qui « inventa » le terme Boogie-Woogie au détour de la fin des années 20. Et c’est merveilleux à voir et à entendre, croyez-nous sur parole… « On a eu raison d’y être… »

Les cours particuliers de boogie-woogie dans la rue

repartis avec, sous le bras, la méthode de Boogie-Woogie écrite par Sébastien et opportunément éditée pour le festival. Un tourbillon musical au service d’une belle histoire Sur scène, le talent incroyable de Sébastien Troendlé donne toute sa mesure. Or Norme vous a déjà raconté le superbe don de ce natif de Saint-Louis, formé à l’Ecole de jazz de Bâle et qui, très tôt, a emprunté la voie des grands artistes noirs américains de la fin du XIXème et du début du XXème siècle, instrumentistes et musiciens hors pair qui ont créé et joué des musiques uniques, reflets de leur difficile condition d’esclaves. L’idée de raconter l’histoire de cette musique traversait déjà son premier spectacle. Un coup d’essai qui rencontra un franc succès (en Alsace, bien sûr, mais aussi à Paris, le réputé « Petit Journal Montparnasse » l’ayant programmé à plusieurs reprises). « Mais je souhaitais aller au bout des choses » raconte Sébastien. « Le piano, c’est ma vie. Très jeune, j’ai su que cette musique noire allait devenir une part de moi, comme si elle était inscrite au plus profond de moi-même. C’est l’histoire de ce gamin de Saint-Louis que j’ai voulu raconter et je n’ai pas hésité à y faire apparaître la difficile condition des génies musicaux qui ont inventé ce style au fil du temps et au-delà, l’histoire même des noirs américains et le racisme dont ils ont été victimes. Car ces styles musicaux ne peuvent pas se comprendre si on ignore les époques qu’ils ont traversées et le contexte humain et social qu’ils ont rencontré… » Un parti pris audacieux, donc, et un pari gagné haut la main. Sur scène, Sébastien raconte en musique l’enfant puis l’adolescent qu’il fut, qui rencontra le piano avec un disque de… Richard Clayderman (un beau gosse qui « enchanta » les années 70 grâce à une scie musicale « Balade pour Adeline » et devint un véritable stakhanoviste des concerts en en assurant 200 par an dans le monde entier, au plus fort de son succès). Heureusement, le jeune Sébastien ne se cantonna pas à cette pauvre musique de variétés malgré un papa musicien des bals du samedi soir qui l’aurait bien vu assurer les claviers dans sa formation. Sa rencontre avec la musique des noirs américains fit le reste et le fait de grandir à une époque où le racisme n’était jamais bien loin renforça encore plus sa passion pour ces rythmes à nuls autres pareils… Sur scène, avec son piano, deux trois tonneaux évoquant les bas-fonds des bouges où cette musique est née, appuyé de temps à autre sur quelques remarquables vidéos noir et blanc qui diffusent les visages et les sons des artistes originaux, Sébastien fait littéralement revivre tous ces musiciens de légende, les Scott Joplin, Jelly Roll Morton, Pete Johnson et tant d’autres grâce à un texte inspiré écrit en collaboration avec

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En amont du festival, déjà bien éprouvés par un aller-retour fin juin au Scott Joplin Festival de Sedalia (Missouri) où le Frenchie a fait sensation (il est d’ores et déjà réinvité pour la session 2017), Tiffany (ci-contre) et Sébastien s’attendaient à l’évidence au rythme infernal qui allait être le leur durant plus de trois semaines. « Nous avons eu très peur le premier soir, raconte Tiffany. Le public n’était pas très nombreux mais nous savions que c’est souvent comme ça lors des premiers jours. Il y avait quand même un programmateur dans la salle, notre premier, mais il a fallu que ces satanés vidéo refusent de démarrer, la faute à un rideau qui pesait sur les connections, en fond de scène. Alors, Sébastien en a rajouté un peu plus côté piano mais on n’était pas très fiers de nous, à l’issue » se souvient Tiffany. Tout est vite rentré dans l’ordre. Peu à peu, le bouche à oreille a fonctionné à plein, et les salles combles se sont enchaînées. Le journal local, La Provence, y est allé de son coup de pub sur ce drôle de type qui trimballe son piano attaché à son vélo et qui enflamme le théâtre Arto, le soir venu. Et le confrère baptisant Sébastien « Le Lucky Luke du piano » (bien vu – ndlr) a fait le reste. Au bilan final (scrupuleusement tenu à jour par Tiffany) : plus de 1000 spectateurs dont cinq soirées complètes où il aura fallu refuser l’entrée aux derniers arrivés (« La Région nous a confié qu’on faisait partie des meilleurs taux de fréquentation des structures qu’elle soutenait » dit Tiffany). Côté présence effective des programmateurs, soixante d’entre eux ont vu le spectacle ce qui dépasse de loin les espérances initiales et devrait, selon Tiffany, toujours « garnir notre carnet d’engagements de 30 dates environ dans toute la France ». Quelques raisons de ce succès, à chaud : « les parades quotidiennes avec le piano mobile nous ont fait faire de très belles rencontres et les gens ont décidé de les poursuivre en venant voir le spectacle. Et puis aussi notre présence à l’Arto, un des théâtres mis à disposition par le Théâtre de la Luna, une des salles les mieux identifiées à Avignon. Ils nous ont merveilleusement accueillis, leur aide nous a été précieuse. C’était notre premier Avignon, on ne savait pas trop où on allait et comment ça allait se passer… mais d’ores et déjà on peut affirmer qu’on sera évidemment là l’an prochain ! » conclut-elle.

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Sébastien souscrit bien sûr entièrement à ce bilan mais retient, quant à lui, un moment particulier, le soir où ses parents étaient dans le public : « A la fin du spectacle, j’ai dit au public : deux personnes sont là qui ont découvert ce soir, tout comme vous, ce spectacle. Ils sont bien vivants, ce sont mes parents, ils m’ont soutenu, ils sont mes premiers fans. Je les ai fait applaudir… C’était très émouvant pour moi, bien sûr. Plus tard, ils m’ont confié qu’ils avaient trouvé le spectacle super et qu’il émettait un message très fort… » ◊

Chaque soir vers 22h30 , les dédicaces du disque et les beaux échanges avec le public

Envie de découvrir SébastienTroendlé et son spectacle « Rag’n Boogie » : il fera l’ouverture de la saison 20162017 du Centre culturel de Vendenheim les 14 et 15 septembre prochains à 19h30.


CRÉATION

AEDAEN une vraie innovation sur le marché de l’art

Le site, première étape d’un projet ambitieux déjà bien avancé, a fait une apparition remarquée en juillet dernier, notamment sur les réseaux sociaux. Derrière ce concept innovant se cachent deux Strasbourgeois bien connus des lecteurs de Or Norme… /// TEXTE Jean-Luc Fournier PHOTOS MEDIAPRESSE - dr

« Achetez des œuvres d’art directement auprès des artistes » annonce clairement la page d’accueil de www.aedaen.com. En même temps que cette promesse, on découvre que AEDAEN est l’acronyme de Art Every Day And Every Night. Le ton est donné : 24h/24, ce site novateur a pour but d’exposer virtuellement les œuvres des artistes et de favoriser la vente de leurs œuvres auprès des amateurs d’art. Quelques clics plus tard, on voyage facilement parmi les artistes figurant sur le site et leurs œuvres réunies en collections (Peintures – Œuvres sur papier – Photographies – Sculptures), le tout superbement mis en valeur sur fond blanc et avec une belle sobriété de bon aloi. Chaque artiste bénéficie d’un « accès » où il peut se présenter et tout savoir sur le fonctionnement de AEDAEN. Et si une œuvre vous intéresse, l’acheter en ligne est aussi simple que n’importe quel autre achat en ligne. Bref, de la belle ouvrage, assurément !

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Derrière ce site, deux strasbourgeois dont les lecteurs de Or Norme ont déjà entendu parler. Patrick Adler, quelques lecteurs s’en souviennent sans doute encore, fut le tout premier interviewé de l’histoire de notre revue. L’entretien avec lui a paru dans notre numéro 1, en décembre 2010. Patrick, désarmant de franchise et d’authenticité, y racontait l’histoire du dirigeant d’entreprise qu’il avait longtemps été avant que le brutal resserrement du crédit dû à la profonde crise financière de l’automne 2008 entraîne la mise en redressement judiciaire de sa société (les Radiateurs Adler, leader national dans le chauffage électrique) puis sa disparition corps et bien à la fin de l’hiver 2009. Si nous avions tant insisté auprès de lui pour recueillir son témoignage, c’est parce que le cheminement de cet homme emprunt de belles valeurs nous paraissait correspondre en tous points à notre ligne éditoriale : nous efforcer de faire connaître des personnages qui ne foulent

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pas les sempiternels sentiers battus où toutes les vanités et les égos se croisent sans cesse et qui osent emprunter les « voies de traverse » où marchent celles et ceux qui sont en quête d’authenticité au quotidien. Dans cet entretien, Patrick évoquait sa prise de conscience profonde qu’une autre vie lui était apparue possible, après « tant d’années de business à outrance » disait-il. Et esquissait son projet : « Je veux inventer un lieu à Strasbourg qui provoque l’envie de voir du beau et qui donne accès à l’art, la culture, la musique, des conférences, mais aussi qui suscite des rencontres avec les artistes, les écrivains, etc… (…) Un lieu de vie, de rencontres transgénérationnelles (…) un lieu où les gens vont pouvoir prendre du temps, un lieu qui va offrir du temps (…) Un peu s’arrêter, faire autre chose, vivre des émotions, ouvrir un livre, accepter d’être surpris par une toile accrochée au mur, un lieu d’accueil pour les musiciens, les artistes, les écrivains, tous ceux qui créent… »


CRÉATION

Presque six ans plus tard, Patrick Adler s’apprête à réaliser la totalité de son projet : « Le site est donc ce lieu virtuel où les artistes peuvent se faire connaître. Il est lancé depuis début juillet et les premiers retours sont excellents. Mais ce n’est que le premier étage de la fusée. Car, très vite, ce sera aussi un lieu matériel, physique, bien réel qui ouvrira en plein centre-ville de Strasbourg avec deux fils rouges : les arts plastiques, tel que le projet Aedaen qui vient de démarrer sur le net les conçoit et un vaste lieu consacré à l’événementiel artistique, littéraire et culturel. On va revisiter le café littéraire de la fin XIXème, début XXème siècle, ce lieu unique où les écrivains, les plasticiens, les créateurs en général se rencontraient autour de cette convivialité inimitable que procurent les joies de la table. Et c’est là que ma rencontre avec Franck a produit tous ses effets… » sourit Patrick. La belle équipe Franck, c’est Franck Meunier, qu’on ne présente plus à Strasbourg et qui lui aussi eut l’occasion d’exprimer son envie de faire bouger Strasbourg dans l’édition de Or Norme n°13 de juin 2014, consacré aux innovateurs de la capitale alsacienne. Quand on lui rappelle ce qu’il disait alors (sous le titre « Faut qu’ça bouge ! »): « Moi mon truc, c’est de créer et de bâtir. J’ai sans cesse de nouveaux projets qui font que, quand je me lève le matin, je ne me sens pas obligé d’aller bosser. Ce n’est que du plaisir puisque je réalise ce qui me passionne : créer, développer… ça, c’est top ! », Franck Meunier sourit : « J’ai eu longtemps la casquette de « l’homme de la nuit à Strasbourg », ce qui, entre parenthèses, n’est plus vrai depuis longtemps. Aujourd’hui, la partie restauration a largement pris le pas sur tout le reste. La rencontre avec Patrick et son projet a fait sens car le suis un amateur d’art plus ou moins éclairé, j’ai toujours aimé cet univers-là mais, jusqu’à présent, de l’extérieur… » « Franck m’a littéralement ouvert les yeux sur la dimension conviviale de mon projet. Il fallait qu’elle soit conséquente » poursuit Patrick Adler. « La dimension restaurant, convivialité, lieux de rencontres et de manifestations culturelles et artistiques, est au cœur de notre stratégie  ». «  Nous investissons dans un nouveau et véritable modèle économique » renchérit Franck Meunier. « Le modèle artistique, jusqu’alors largement financé par les Collectivités au nom de la politique culturelle a fait la spécificité française jusque là mais il va diminuer et finira par disparaître. Nous ne faisons qu’anticiper sur le financement de l’art par les privés. Depuis longtemps, je cherchais à m’investir dans « autre chose ». Je vais apporter au projet de Patrick mon regard extérieur de la même façon que je l’ai apporté quand j’ai débuté dans le monde de la nuit : pas d’à-priori, ne rien s’interdire au nom des pseudo-conventions. Etre rapides et vivaces, aussi.. »

Une rapide montée en puissance Le site Aedaen est donc en ligne. « il est ouvert à tous les artistes mais il est également exigeant » soutient Patrick Adler. « La présence des artistes est gérée de façon tout à fait indépendante par un comité artistique. De plus, on est bien dans un univers artistique, pas dans la déco, avec des artistes qui y présentent leurs œuvres, fixent leurs prix, etc… Une démarche authentique, donc. Le site fera aussi dans la bienveillance : la cote des artistes n’est pas là pour manifester un jugement sur les œuvres des artistes mais elle est faite pour attirer l’attention. Les artistes valent pour ce qu’ils sont et ce qu’ils font et Aedaen leur offre une reconnaissance même s’ils n’ont pas encore de valeur intrinsèque sur le marché de l’art. Le web est le langage de la jeune génération » s’enflamme ce passionné. « Ces jeunes ont du mal à rentrer dans les galeries traditionnelles, dans les musées. Alors, on veut les attirer avec les outils et le langage qui sont les leurs et, de plus, faire en sorte qu’ils se rencontrent dans les endroits de convivialité que nous allons leur offrir. Rencontre avec l’œuvre, l’artiste sur le web mais aussi dans la vraie vie, en compagnie d’autres générations. » « Il y a un côté transmission dans ce projet » conclut Patrick Adler. « Mes enfants ont entre 19 et 26 ans, ce sont de vrais fanas des réseaux sociaux, du web mais je veux aussi les mettre en contact avec la vraie rencontre, le partage, la parole et pas seulement en matière d’art ou de littérature… » Un projet dont la concrétisation complète est déjà très proche, très avant-gardiste donc, va ainsi voir le jour à Strasbourg. Or Norme ne pouvait qu’y être étroitement associé, d’autant que Patrick Adler est devenu récemment notre directeur de la publication (voir son édito en début de revue). A coup sûr, on en reparlera très vite… ◊ /// www.aedaen.com

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THÉÂTRE

Le must

du théâtre alsacien à Sélestat

Initié par la Région Alsace Champagne-Ardenne Lorraine, le festival Langues en scène accueille chaque année ce qui se fait de mieux en matière de théâtre alsacien. Et, croyez-nous, on y rit souvent de bon cœur… /// TEXTE Benjamin Thomas PHOTOS DR

L’édition 2016 de Langues en scène se déroulera entre le 30 septembre et le 13 octobre prochains aux Tanzmatten de Sélestat. Trois pièces y seront données, toutes contribuant au rayonnement de la culture alsacienne et bien sûr de l’alsacien. Le public non-dialectophone n’est bien sûr pas oublié : les trois pièces seront sur-titrés en français. Demandez le programme ! Ouverture en fanfare le vendredi 30 septembre à 20h30 avec D’r Wihnachstmann esch a Dracklappe (Le Père Noël est une ordure) librement adapté par le Théâtre de la Choucrouterie. Quand la troupe du Splendid a créé Le Père Noël est une ordure en 1979, ce fut une immense provocation mais aussi un énorme succès car, derrière l’humour noir, se cachait aussi une vraie satire sociale et même un peu de tendresse. Grâce à la truculence de la langue alsacienne et ses expressions idiomatiques savoureuses, l’adaptation du Père Noël est une ordure en D’r Wihnachstmann esch a Dracklappe devient une véritable bombe humoristique. La distribution confiée

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aux piliers du théâtre de la Chouc’ fera le reste. Préparez vos zygomatiques ! Avec Laurence Bergmiller, Arthur Gander, Guy Riss, Nathalie Sand, Jean-Pierre Schlagg et Dany Sohn. Freigàng (Quartier libre) les vendredi 7 et samedi 8 à 20h30 et le dimanche 9 octobre à 17h. Spectacle en résidence de création donné par la Compagnie les Conspir’acteurs. Margritt, la cinquantaine, célibataire sans enfant se souvient... Recluse dans sa précarité, sa vie défile : une famille dissolue, des « beaux-pères » indignes, des ex plus infréquentables les uns que les autres... Seule chez elle, seule dans sa vie, elle s’adresse aux vivants et aux morts, évoquant une galerie de portraits tour à tour risibles ou choquants, sans pour autant perdre courage, sans pour autant renoncer à son grand projet : sauver le monde... Avec Christine Wolff. Avec le soutien de la Région Alsace ChampagneArdenne Lorraine et des Tanzmatten. Jeudi 13 octobre 20h30 : Ar molt d’àlte Wàrtzlatanta so güet, dàss àlli sie schnall erkànnt hàn

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Il peint si bien la vieille tante à verrues, que chacun l’a vite reconnue par la Compagnie Arsène Reprenant la bonne tradition du « Kunschthafe », un collectif de chercheurs et d’artistes, friand d’histoires et d’expériences, se retrouve sur la scène des Tanzmatten, pour tenter, chacun selon son origine et ses compétences, de définir avec humour, mot après mot, verre après verre, l’art très alsacien de faire rire. Des textes de Hans Jean Arp, Pierre Dac, Raoul Hausmann, Pierre Kretz, Lichtenberg, Groucho, Harpo et Karl Marx, Arthur Rimbaud, Kurt Schwitters, Roger Siffer, Charles Spindler, Gustave Stoskopf, Tomi Ungerer… Avec le soutien de DRAC Alsace, Région Alsace Champagne-Ardenne Lorraine, Ville de Wolxheim, Espace Athic (Obernai) et Théâtre de l’Échangeur (Bagnolet). ◊ /// Les Tanzmatten Quai de l’Ill - 67600 Sélestat Programme complet et réservations : www.tanzmatten.fr / Tél. 03 88 58 45 45 Autres points de vente : réseaux FNAC, TICKETNET et DIGITICK


OPINION

Détours de phrase

Un été si show qu’il chut faux /// TEXTE Jean HansMaennel PHOTOS dr

Jean HansMaennel est compagnon d’entreprise, écrivain et conférencier. Il est l’auteur de plusieurs livres, notamment « Une goutte à la mer » (2011), « Les Prisons Mobiles » (2015), « Les bons mots des buveurs de bière  » (2016). Il vit et travaille à Paris, Lyon et Strasbourg, sa ville natale.

On ne peut pas vraiment dire que sa pente fut douce. L’été qui s’achève l’aura eu plutôt raide : un attentat par semaine, minimum ; un Brexit maximum ; et du sport, du sport et du sport - j’en passe et des meilleures. Des pains et des jeux, en somme. Il faut bien occuper le bon peuple (pour qu’il le reste, bon), c’est vieux comme notre monde. L’Euro de football ouvrit le ban de l’estival show 2016. Des millionnaires en short au service du salut public. Un mois de bonheur populaire. Une communion un peu crispée côté fan zones et sécurité, mais tellement efficace côté divertissement et mobilisation générale. Le président et son aéropage ne se sont donc pas privés d’utiliser le 49.3 de l’opium du peuple. Une sorte d’état de grâce qui a presque failli effacer l’état d’urgence. Faux-semblants. Le 14 juillet, défaite nationale. Le retour du réel est brutal. Aussi puissant que le refoulé. L’horreur se rappelle à nous en feu d’artifice. On n’était pas là pour se

faire renverser, juste pour voir le défilé ! Il y a Urgence(s). A la télé. A nouveau. Commentaires en légion, polémiques débiles. Vrais drames. Fausses joies. Entre-temps, les Anglais fidèles à euxmêmes se sont tirés les premiers. Depuis le temps que ça chauffait, il était temps que l’Europe déguste enfin ! Le Brexit, personne n’y croyait, alors M. Cameron l’a fait. Oups ! Faux-cons - mais vrais enfoirés. Retour au sport. Du coup de pied au coup de pédale, le Tour de France a pris le relais. 21 jours de course, 3535 kilomètres parcourus, 28 cols franchis. Tout ça à la vitesse moyenne d’une mobylette kitée, avec des coureurs sains, élevés au grain et qui carburent exclusivement à l’eau de source et aux fruits de saison. C’est du propre. Désormais, le Tour est blanc comme neige. Faux-culs.

Bon, ça commence mal. Le dopage, toujours le dopage. Mais attention, pas nous, non, pas les Français ; les autres, oui, surtout ceux qui courent, nagent ou rament plus vite. Tous shootés. Tous, sauf nous, car nous les Français, on est comme notre Tour : blancs comme neige. Mais, malgré toute cette triche qui nous entoure, on s’est quand même bien débrouillé, au fil de la compétition. 42 médailles : cocorico ! Un record pour nous. Un détail pour les Américains qui totalisent plus de médailles d’or que nous de médailles tout court, ou les Anglais et les Allemands qui nous devancent au classement. Ah oui, mais nous, les Français du Tour de France, c’est des médailles propres, Monsieur, blanches comme neige ! Fausses pistes. Faux semblants, fausses joies, fausses pistes, faux-culs et faux cons : pas de doute, l’été 2016 fut si show qu’il chut faux ! ◊

Quelques attentats plus tard, direction Rio. Ah ! les J.O. Quoi de plus beau que l’esprit olympique, je vous le demande ?

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DOSSIER

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ENTRETIEN

Robert

Herrmann /// ENTRETIEN JEAN-LUC FOURNIER PHOTOS MÉDIAPRESSE

“ La nouvelle gouvernance est porteuse de réussites ”

Après Frédéric Bierry, président du Conseil départemental du Bas-Rhin et Philippe Richert, président de la Région Grand-Est (lire nos numéros 20 et 21), Or Norme donne la parole à Robert Herrmann. Un peu plus de deux ans après son élection, le président de l’Eurométropole de Strasbourg tire un bilan plutôt favorable de la nouvelle gouvernance de l’ex-CUS et parle aussi d’avenir…

Il y a deux ans, à la faveur des résultats des élections municipales une alliance s’est mise en place pour gérer l’Eurométropole de Strasbourg et vous en êtes devenu le président. Quel est le bilan de cette nouvelle gouvernance ? « Elle est plutôt positive. Cette alliance de la gauche d’une grande partie de la droite et des verts nous a permis de faire beaucoup plus de choses que si elle n’avait pas existé. Alliance est le maitre mot : au niveau de la gestion de l’Eurométropole, mais aussi en direction des autres institutions : la Région, le pole métropolitain dans lequel Colmar nous a rejoints, le département ou encore le sillon lorrain dans le cadre des nouveaux dispositifs territoriaux. Sans parler de nos relations avec les services de l’Etat. La première vertu de cette stratégie aura été de préserver nos capacités d’investissement et donc de soutenir l’économie locale. Elle nous aura permis d’absorber la première vague de baisse drastique des dotations budgétaires alloués par l’Etat à travers les renégociations de nos emprunts et surtout par la baisse de nos dépenses de fonctionnement et notamment le non remplacement de fonctionnaires partant à la retraite. Cela s’est également traduit par la mise en place d’une commission de la sobriété budgétaire pour rechercher en permanence de nouvelles sources d’économies par nous mêmes. Ainsi nous avons pu assurer nos priorités au rang desquelles la construction de 3000 logements par an mais aussi le soutien aux universités, à la recherche et au développement économique, en intégrant la transition numérique et la transition énergétique. L’originalité et la force de cette forme de gouvernance

sont la forte cohésion d’une équipe, le travail, et la loyauté, loin des clans et des postures. Ce travail est salué aujourd’hui par de bon indices économiques. Depuis cinq trimestres maintenant, l’Eurométrople enregistre un solde positif net en matière de création d’emplois et un accroissement de sa démographie. Ce sont deux éléments importants pour le rayonnement de notre territoire. Par ailleurs dans les semaines et les mois qui viennent un grand nombre de projets vont rentrer dans leur phase concrète de fonctionnement. Ils sont déjà une réalité dans le domaine de la recherche et des universités avec EASE l’école-usine en salle blanche qui sera une référence sur le plan national et européen. Avec l’ IHU (Institut hospitalo-universitaire), avec la confortation à Strasbourg de l’ISU (Université international de l’espace) ou encore la mise en service complète du nouveau PMC, un des plus beaux Palais des Congrès de France, qui sera un atout important pour l’attractivité du territoire. Les investissements en faveur de la transition énergétique dans le domaine de la biomasse, contribuent aussi au dynamisme économique. Les travaux de dépollution de la raffinerie de Reichstett et le projet de création d’écoparc à vocation économique sur le même site, la refonte totale de la 1ère zone commerciale de France à Vendenheim, l’extension du Tram vers Kehl, nourrissent également un superbe plan de charge qui contribue activement à la sauvegarde et à la création d’emplois et au développement économique de la métropole strasbourgeoise qui prend ainsi une longueur d’avance au sein du GrandEst…

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Accéder au statut de métropole, au sens administratif des lois sur la réforme territoriale, était un enjeu importantissime pour Strasbourg… Oui, à l’évidence. Le statut même de métropole a représenté un facteur accélérant remarquable pour Strasbourg et son agglomération, c‘est absolument certain et on l’a bien vu dès qu’on a abordé les conséquences des lois sur la réforme territoriale. On est aujourd’hui clairement entré dans un processus qu’on ne connaissait pas auparavant, celui de la coopétition entre les différentes villes et agglomérations de cette nouvelle région : aujourd’hui, on discute plus avec Nancy, Reims, Metz etc… sur les investissements dans les universités, les hôpitaux et autres. On voit bien là qu’il y a une attention réelle portée à des voisins que, très souvent, on ignorait trop par le passé. J’en veux pour preuve les rencontres, travaux et colloques organisés conjointement à l’automne sur la qualité de l’air, la transition énergétique, l’environnement mais aussi sur le statut et le devenir de notre région transfrontalière commune, le Rhin supérieur, le Luxembourg et la Belgique. De nombreuses personnalités annoncent leur venue à Strasbourg pour ces travaux : les maires des grandes villes et les présidents d’agglomérations de la Région Grand-Est mais aussi des ministres allemands,

C’est une situation susceptible de poser nombre de problèmes, non ? Je crois qu’il faut se baser sur l’esprit de la loi portant réforme des collectivités territoriales. En tout premier lieu, respecter le principe de simplification des compétences qu’elle engendre me paraît être un minimum. La loi affirme que les métropoles, bien que bénéficiant d’une certaine autonomie, se doivent d’être en cohérence avec le schéma régional. Les relations que nous entretenons avec la Région me font dire que nous n’aurons aucune difficulté à garder nos propres priorités et à les voir intégrées dans ce plan général. Nous sommes dans le cas d’une relation de qualité et de confiance. Concernant l’Adira, j’ai fait savoir, lors de sa dernière assemblée, que la logique serait qu’elle rentre dans le giron de la Région. Philippe Richert a même émis le souhait que les départements restent dans le tour de table. Le blocage au niveau des départements me paraît être d’une autre époque. Le changement d’échelle (le passage à la Grande région) aurait pu être l’occasion de l’unité entre le Bas-Rhin et le Haut-Rhin. En effet on voit bien aujourd’hui que pour accompagner une entreprise de niveau international sur notre territoire l’ensemble des instruments consulaires au niveau national sont en relation avec le chef de file prévu par la loi en matière de développement économique, c’est à dire la Région qui, de plus, gère les aides possibles, notamment d’origine européenne. La logique, je le répète, est donc que l’Adira soit intégrée dans la grande Région. On atteindrait ainsi un niveau de cohérence qui serait tout à fait bénéfique pour la Région et pour l’Alsace. C’est une nécessité ! L’Alsace, sur la plan économique, a certes beaucoup de talent. Mais il faut prendre en compte de manière réaliste la dégradation forte des indicateurs économiques que ce soit en termes de capacité d’exportation, d’augmentation du chômage, de production de richesses. Nous sommes dans une situation difficile. Pourquoi ne parvenons-nous plus à être meilleurs que d’autres territoires ? Je pense qu’il y a un phénomène de repli sur soi qui nous empêche d’utiliser au mieux un certain nombre de moyens. L’Adira en est un exemple. Je propose d’exploiter complètement la somme de nos compétences, de nos atouts et de nos talents. Si nous parvenions à bien positionner nos outils, alors nous en tirerons des conséquences positives…

“ LE STATUT MÊME DE MÉTROPOLE

A REPRÉSENTÉ UN FACTEUR ACCÉLÉRANT REMARQUABLE POUR STRASBOURG

Juste avant l’été, la décision de fermer l’usine d’incinération des ordures ménagères a été prise. C’est un dossier qui va s’avérer très coûteux. Nous en sommes où ? La fermeture totale de cette usine d’incinération pour deux ans et demi va nous permettre d’assurer le désamiantage de la quasi totalité du site. Nous avons obtenu de l’Etat une dérogation exceptionnelle pour utiliser des reliquats de budgets annexes relatifs à l’assainissement et aux ordures ménagères. Nous allons les affecter à ce chantier ce qui nous permettra, sans hausse d’impôts et sans impact sur nos capacités d’investissements, de remettre ce site à niveau et de le rouvrir dans trente mois. A la fin du contrat avec l’exploitant, cette usine sera amortie…

ET SON AGGLOMÉRATION, C’EST ABSOLUMENT CERTAIN... ”

suisses, etc. Tout cela me fait dire que cette grande région est aujourd’hui adoptée par de nombreux responsables et que nous sommes nombreux à vouloir contribuer à son développement. En son sein, le rôle de l’Eurométropole de Strasbourg s’est pleinement s’affirmé. Je crois même que beaucoup sont heureux de sa présence dans la nouvelle Région. Nous pouvons faire le constat que l’Alsace gardera son caractère particulier mais que, plongée dans ce changement d’échelle, elle peut à coup sûr se renforcer. La loi sur la réforme territoriale est claire sur le secteur du soutien à l’activité économique. C’est la Région qui hérité de cette prérogative et les métropoles bénéficient d’une autonomie réelle en la matière. Or, il existe une situation inédite en Alsace : l’Adira, devenue l’agence de développement économique des deux départements alsaciens réunis, entend aussi jouer ce rôle au niveau régional.

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Cinq nouvelles communes vont intégrer l’Eurométropole au 1er janvier prochain. L’union fait plus que jamais la force ?.. Effectivement, Osthoffen, Breuschwickersheim, Achenheim, Kolbsheim et Hangenbieten vont nous rejoindre avec leurs presque 6500 habitants. Au passage, je note avec plaisir que tout ce vieux vignoble qui avait jadis été le fer de lance financier pour la construction de notre cathédrale nous rejoint enfin. C’est une vraie chance ! Je suis de ceux qui pensent que nos territoires sont un peu trop petits, ce qui est un handicap, par exemple en terme foncier. Ces six communes vont donc être intégrées à l’Eurométropole au 1er janvier prochain. La loi dit que l’ensemble de l’exécutif doit être réélu à cette occasion. Je serai candidat à la poursuite de mes fonctions et je propose le maintien de l’exécutif actuel. Des questions plus politiques maintenant. D’abord concernant votre position personnelle et votre choix dans la cadre de la Primaire de gauche prévue à la fin de l’année. Les candidats se manifestent. Vers qui ira votre

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choix ? Je ne me positionne pas encore. D’abord, il faudrait savoir si le président de la République se présente. Les jugements le concernant sont très durs et très abrupts. J’admets un certain nombre de faiblesses mais je remarque aussi que jamais, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, un exécutif n’aura eu à affronter des problèmes aussi nombreux et aussi graves. Si le président se présente à cette Primaire, je serai loyal. Pour l’heure, les autres candidats connus à ce jour ne sont pas du niveau attendu. Ma priorité pour l’heure est celle de l’Eurométropole. Je souligne qu’avec cette coalition politique nous réussissons une performance qu’aucune échéance électorale, départementale ou régionale, n’aura réussi à remettre en cause. Je souhaite bien sûr que les prochaines élections présidentielles soient vécues localement de la même manière. Chacun soutiendra bien sûr son propre camp mais, une fois l’élection passée, raisonnera ensuite pour le seul bien commun de l’Eurométropole… Semestre après semestre, les enquêtes le confirment. Jamais l’image de l’élu politique, tous partis confondus, n’aura été aussi négative. Comment analysez-vous cette désaffection spectaculaire ? Elle vient de loin et elle s’inscrit dans le cadre de l’usure de notre démocratie, de nos difficultés à raconter un récit et dire vers quel horizon nous souhaitons emmener les citoyens. Pêle-mêle, les immenses accélérations technologiques, pour le meilleur comme pour le pire, les ruptures économiques et sociales, le renforcement des inégalités et les angoisses des parents pour leurs enfants et pour leur propre devenir, les doutes sur l’Europe et les conflits dans le monde, ont rendu complexe l’élaboration d’un récit porteur d’espoir. Les plus démagogues et les plus réactionnaires racontent toujours une histoire tournée sur le passé. Or, pour la première fois, et on ne le souligne pas assez, on constate que l’amélioration des conditions de vie, du moins dans des pays comme le nôtre, fait que nous sommes quatre générations à vivre simultanément sur la planète. Voici un changement considérable dont on est encore loin de mesurer toutes les conséquences. Par ailleurs, beaucoup de jeunes peuvent aujourd’hui voyager infiniment plus facilement qu’auparavant ; leurs lieux d’études sont variés ; ils créent des startup et pour eux les possibilités et les opportunités sont réellement extraordinaires. C’est bien la transition avec ce monde nouveau, l’articulation avec ce que nous avons connu qui est difficile et reste d’ailleurs encore à inventer. Warren Buffet, le multimilliardaire américain, a déclaré très cyniquement : « Oui, la lutte des classes existent bel et bien. Et c’est la mienne qui est en train de la gagner… » Les curseurs politiques historiques ont explosé en vol, la gauche de l’époque de Mitterrand n’a rien à voir avec celle d’aujourd’hui. Elle a bien dû se l’avouer sous peine d’ignorer le monde réel. Aujourd’hui, il y a plus d’accointances par exemple entre les ouvriers et les patrons des TPE ; entre eux la lutte des classes que vous citiez n’existe plus. Je suis personnellement de plus en plus demandeur de la réécriture d’une nouvelle doctrine social-démocrate qui associerait une forme de souplesse du libéralisme et une nécessaire régulation publique afin de contrer les effets nocifs de l’ultra-libéralisme ambiant. » ◊


TÉMOIGNAGE

Les savoirs

de si x générations...

Il devait être banquier mais la perpétuation d’une lignée d’artisans exceptionnels l’a finalement emporté. Mais dix ans plus tard, Thibaut Elchinger, 32 ans, a fermé pour la dernière fois les portes de la manufacture familiale de céramiques de Soufflenheim, terrassée par le « made in ailleurs »… /// TEXTE Alain Ancian PHOTOS Mediapresse – dr

L’avis de décès a été publié laconiquement par le biais d’un long message sur la page Facebook des Céramiques Elchinger le 25 juin dernier : « C’est avec une grande émotion que je vous informe de la fermeture définitive de notre manufacture dont l’origine remonte à presque 200 ans d’activité… » Thibaut Elchinger racontait ensuite, avec beaucoup de pudeur et de dignité, les dix dernières années de combats perpétuels et sans merci qui se concluaient donc par la liquidation judiciaire et la disparition brutale d’un des plus prestigieux artisans alsaciens. Continuer la lignée familiale C’est un jeune homme certes meurtri mais loin d’être abattu que nous avons retrouvé quelques jours plus tard à Strasbourg et à qui nous avons demandé de nous conter l’histoire de la société familiale qui venait donc de disparaître, sous les coups de boutoir de cette mondialisation ravageuse que les théoriciens de

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l’économie ultra-libérale persistent à trouver globalement positive, eux qui, bien sûr, ne sont concernés en rien par les drames humains considérables qu’elle engendre un peu partout. « Il y a dix ans, je me destinais à entrer dans le secteur de la banque, les diplômes ad’hoc en poche  » raconte ce solide gaillard aux yeux clairs qu’on sent plein de détermination malgré les tristes circonstances du moment. «  Au dernier moment, j’ai renoncé et j’ai décidé de rejoindre mon père à la manufacture. Il ne m’avait pas demandé quoique ce soit en ce sens, ça venait

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simplement du cœur. Le nom Elchinger faisait partie du patrimoine artisanal alsacien depuis 1834… La manufacture, j’y ai grandi, l’usine, les machines, les potiers… c’était mon univers d’enfant. Un ouvrier me donnait un morceau d’argile et je commençais à fabriquer quelque chose. J’étais un enfant de la balle, quoi. Je ressentais ce que tout travailleur de ce secteur connaissait : la céramique, c’est sentimental, c’est un déclencheur d’émotions. Et puis, quand j’ai pris cette décision, je me sentais fait pour l’entrepreneuriat. Je savais que ça pouvait être usant mais j’étais certain que ce serait excitant… » Durant les dix dernières années, Thibaut Elchinger s’est échiné à développer différentes gammes de produits, des designs les plus classiques qui avaient très longtemps assuré la renommée et la prospérité de l’entreprise jusqu’aux innovations très contemporaines imaginées par un pool de jeunes designers qui accompagnaient l’entreprise. «  Mais les fantastiques juxtapositions


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d’émaux chromés ou satinés, si elles renouvelaient l’image de marque de nos produits, avaient un coût bien réel. En même temps que nous innovions sur tous les plans, développant notre réseau commercial en Europe pour compenser notre baisse en France, nous avons créé deux sites de vente en ligne. Nous avons même un temps pénétré le marché asiatique exportant jusqu’à 40% de notre production en Corée du sud, au Japon et en Chine, entre autres… raconte Thibaut. Plusieurs distinctions nationales et internationales ont distingué la créativité et le savoir faire de la manufacture. » Pas de résignation Mais le tic-tac inexorable de la déflagration à venir était déjà en route. Aujourd’hui, Thibaut Elchinger analyse tout cela avec une froide lucidité : « C’est tout un monde qui a brutalement changé. Notre société de consommation nous a elle-même habitués à consommer toujours moins cher, entraînant une forme de discrédit pour nos produits, dont la technicité et la qualité avaient un

prix. Pour preuve, une anecdote : à la mijuin dernier, j’ai eu connaissance d’une publicité pour une enseigne proposant un service de table de 62 pièces pour 34.95 € ! En France, il faudrait compter près de 400 €, sans marge qui plus est, pour le produire ! Le consommer « Made in France » est une douce utopie pour nos produits faïenciers avec des décors par chromolithographie. Nous n’avons pas nagé à contre-courant en travaillant avec des partenaires au sein même de l’Europe pour conserver certains marchés soit 10% du CA. Pour vous donner un exemple concret, nous avons vendu près de 15 000 mugs comportant la mention « importé » contre 2000 mugs griffés « Made in France » sur les trois dernières années. Nous avions volontairement proposé la pièce d’import moins travaillée en termes de détails et finition. Il n’en reste pas moins qu’un mug à 3.95 € importé se vendra toujours mieux qu’un mug à 9 € produit en France ! Ce changement brutal de monde s’est aussi révélé brutal chez nos distributeurs traditionnels qui ont disparu les uns

après les autres pour être remplacés par des franchisés. Et la grande distribution a remplacé ses chefs de rayons qu’on avait toujours connu comme des passionnés des produits qu’ils vendaient par des comptables qui n’ont aujourd’hui qu’un seul objectif : rentabiliser leurs mètres linéaires… C’est le portefeuille qui a le dernier mot et ce n’est pas en subventionnant à hauteur de 100 000 € des certifications régionales qu’on va changer tout ça. C’est inéluctable, tout vise à tirer vers le bas, voilà le constat… » conclut le dernier de la lignée Elchinger. Mais pour autant, l’abattement n’est pas de mise. « J’accepte la situation telle qu’elle est et je n’ai pas envie de plus me lamenter » dit soudain Thibaut avec conviction. « J’ai tout fait depuis dix ans pour qu’on n’en arrive pas à ce que nous vivons aujourd’hui mais, cependant, je ne regrette rien car pas une seule seconde je ne me suis reposé sur mes lauriers. J’ai essayé ces derniers mois de faire atterrir l’entreprise au mieux et j’y ai cru jusqu’au dernier jour. Je prends d’ores et déjà mon échec comme une chance pour rebondir. Je suis fatigué par ces dix dernières années qui m’ont épuisé mais je suis devenu celui qui incarne la sixième génération des céramistes Elchinger. Cette entreprise est ancrée en moi, je suis fier de mon père qui est beaucoup plus impacté que moi car, lui, il a connu la manufacture au top, je suis fier de mes ancêtres. Je vais faire en sorte que ce nom ne s’éteigne pas ; j’ai le projet de rééditer certains articles mythiques en petites séries, dans un premier temps... » Et comme pour bien enfoncer le clou, ce passionné nous propose de nous conduire à l’école des Arts-Déco de la Krutenau, là même où son arrière grand-père a réalisé les fameuses céramiques qui ornent la façade du prestigieux établissement. Il pose fièrement devant pour la photo que nous sollicitons. Juste avant de repartir, il contemple longuement les céramiques familiales qui luisent en beauté sous le soleil. Il ne dit rien mais nous devinons ses pensées : « Je suis devenu la sixième génération… » ◊ Jusqu’au 30 octobre prochain, les plus belles pièces des soixante premières années du XXème siècle de la manufacture Elchinger sont exposées en deux lieux de Sarreguemines : le musée de la Faïence (de l’Art nouveau à l’Art déco) et au Moulin de la Blies (En route vers le design).

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EXCELLENCE

L’International Space University de Strasbourg « Un fourmillement d’ interrogations »

Peu ou prou, la rentrée évoque de nouveaux défis, de nouveaux horizons, un champ des possibles. Quoi de plus exaltant que l’espace pour la célébrer ? Rencontre avec Walter Peeters, président de l’International Space University, installée depuis 1998 sur le campus d’Illkirch. Décollage immédiat. /// TEXTE Véronique Leblanc PHOTOS ISU - NASA - Shee

L’idée de la création d’un établissement de ce type avait germé en 1987 dans l’esprit de trois étudiants du Massachussetts Institut of Technology (MIT), de Boston, il fallait trouver un lieu et un appel d’offres international fut lancé. La France a pensé – très logiquement - à Toulouse mais « Strasbourg s’est battue » précise Walter Peeters en insistant sur le rôle de Catherine Trautmann qui trouvait « le projet très intéressant ». Le socle des trois « I »

« Les Alsaciens ont parlé de vin, de choucroute mais ils ont aussi souligné … la modernité alsacienne », raconte Walter Peeters, Président de l’Université spatiale européenne lorsqu’il évoque l’installation de celle-ci dans le campus d’Illkirch.

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En 2002, le bâtiment était construit et prêt à accueillir ses premiers étudiants, futurs professionnels du monde spatial. Leur sélection se fait en fonction des « trois I » fondateurs de la philosophie de l’école : International – Interdisciplinarité – Interculturalité. Venus du monde entier, ils doivent être dotés d’au moins d’une

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licence ou ‘bachelors degree’ dans des domaines aussi divers que le droit, l’économie, l’ingénierie, le journalisme, etc… La passion de l’espace est en effet à entrées multiples et le champ des questions qu’il ouvre est sans doute presqu’aussi infini que ces espaces dont le silence effrayait Pascal. « A qui appartient l’espace ? », interroge Walter Peeters à titre d’exemple. La question en appelle d’autres, telle celle des matériaux rares contenus dans les astéroïdes. « Platine, palladium, nickel, fer…, ces ressources ont tout pour faire rêver » précise le président de l’ISU. « Un astéroïde de 400 mètres de diamètres contient à lui seul assez de ressources pour couvrir la dette nationale française, un de 2 km rembourserait 5 fois celle des Etats-Unis ». « L’espace recèle des trésors et certains voudraient les exploiter,


souvient Walter Peeters. C’était beaucoup plus compliqué pour les personnes élevées dans un monothéisme où il est établi que la terre a été donnée par Dieu. » Un nouveau bail de quinze ans et un partenariat avec l’Université

s’opposant en cela à ceux qui pensent qu’il appartient à tout le monde ». Un débat qui s’est ouvert avec plus d’acuité encore depuis qu’en décembre 2015, le « Space Act » adopté par le Sénat américain permet aux compagnies de prospecter dans l’espace.

S’entretenir avec Walter Peeters est passionnant. Se succèdent les sujets médicaux, éthiques, économiques, technologiques voire même des questions de Space marketing… Diplômé comme ingénieur et en économie appliquée de l’Université de Louvain en Belgique, il a poursuivi sa formation en administration des affaires et en organisation industrielle à l’Université technique de Delft aux Pays-Bas et a rejoint l’ISU en 2000. Son parcours l’a aussi mené à l’Agence spatiale européenne dans le cadre, notamment, de la gestion du projet HERMES à Toulouse. Il a également été chef du Bureau de coordination des astronautes européens à Cologne. Devenu doyen de l’ISU en 2005, il en est donc aujourd’hui le président et se réjouit des « liens de plus en plus étroits qui lient son établissement à Strasbourg ». « Je ne vous cache pas qu’être une université privée n’est pas commode en France, dit-il, mais la liberté d’esprit dont a fait preuve Alain Beretz lors de son mandat à la tête de l’Université de Strasbourg a changé la donne. Nous avons aujourd’hui des projets de recherche communs. La collaboration avec l’Eurométropole est également fructueuse et l’ISU a renouvelé cet été un nouveau bail de 15 ans pour ses bâtiments d’Illkirch. » Bonne nouvelle. Pour l’ISU et pour l’Alsace. ◊

En matière d’astéroïdes, se pose aussi la question de protéger la terre si l’un d’entre eux la menace dans le futur. « A l’heure actuelle, aucune technologie ne le permet », signale, peu rassurant, Walter Peeters. Mars est un autre horizon spatial au questionnement vertigineux, explique-t-il. « Coloniser la planète rouge ne va pas de soi car son environnement modifiera la physiologie des individus. En deux ou trois générations, l’être humain y deviendra une autre espèce. Il n’y aura pas de retour sur terre possible ». Cette question, comme d’autres, est enseignée à l’ISU par un futurologue. Rendre chacun « plus large » « On essaye de créer un fourmillement d’interrogations », résume Walter Peeters, de faire en sorte que l’ingénieur ne pense plus seulement comme un ingénieur, un économiste comme un économiste, un philosophe comme un philosophe… de rendre chacun « plus large » au contact de l’autre ». De donner sens à l’interdisciplinarité donc. Et à l’interculturalité comme en atteste un projet qui fut mené par l’ISU autour du rapport à l’espace qu’entretenaient les fidèles des différentes religions du monde. « Il s’est avéré que les religions polythéistes se révélaient beaucoup plus flexibles à cette question ainsi qu’à celle de la vie extraterrestre, se

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RENDEZ-VOUS

Europe,

où sont tes valeurs ?

ONG, associations, artistes, journalistes, réfugiés, geeks, hackers, entrepreneurs seront cette année associés à la nouvelle formule des Rendez-vous européens de Strasbourg, aux côtés des mondes universitaire et politique européens. Au programme de cet événement annoncé du 21 au 26 novembre prochains, entre 7h00 et 1h00 du matin, workshops, débats, conférences, ouverts au public mais également projections cinématographiques, concerts et visites de sites sur le thème des valeurs européennes. Et une ambition majeure : relancer le débat public citoyens européen et être force de proposition politique depuis Strasbourg. /// TEXTE Cédric Nolte PHOTOS PEAP

Immigration, question des réfugiés, Brexit, protection des libertés publiques et numériques, politique de défense et de sécurité commune, relations transatlantiques, emploi, finance, démocratisation de l’Union : Europe, où sont tes valeurs  ?, interrogera le Pôle européen d’administration publique (PEAP) du 21 au 26 novembre, à l’occasion de la tenue des 11èmes Rendez-vous européens de Strasbourg. Le PEAP ? Les Rendez-vous européens ? Une structure, un événement phare de ce réseau d’excellence regroupant depuis 2004 l’Université de Strasbourg, l’Ecole nationale d’administration (ENA), l’Institut national d’études territoriales (INET), Sciences Po Strasbourg, l’Euro-Institut, l’Etat, l’Eurométrole de Strasbourg, la Région Grand Est, le Conseil départemental du Bas-Rhin et, désormais, en tant que membre

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pédagogique associé, l’Université allemande de sciences administratives de Speyer. Ouvrir le débat aux citoyens : un devoir moral Un événement, également, longtemps destiné à des spécialistes des questions européennes mais que le nouveau président du Pôle Jean-Paul Jacqué entend davantage ouvrir à la société civile  : lycéens, étudiants, mais aussi citoyens de tous horizons, quelque soit leur héritage culturel ou socioprofessionnel. Cette ouverture, Véronique Robitaillie, directrice de l’INET, coorganisateur pour la première année de ces 11èmes Rendez-vous européens avec la présidence du Pôle, la revendique tout autant. Presque un devoir moral, tant l’Europe ne pourra résister à l’onde

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de choc qui la frappe depuis plusieurs années sans une implication autrement plus grande des citoyens dans sa (re) construction. L’angle de réflexion de cette semaine n’est pas non plus dû au hasard : « Alors même que de nombreux médias et responsables politiques commencent à s’emparer de la thématique des valeurs - jusqu’au président français François Hollande qui en fait aujourd’hui le principal axe des prochaines présidentielles, ndlr – il nous était déjà apparu l’automne dernier que, bien plus que les questions sociales et économiques, le mal européen actuel résidait avant tout dans la difficulté de l’Union à se recentrer sur ses valeurs » note Jean-Paul Jacqué. « Parce que de leur respect dépend tout ou presque notre spécifité et notre socle législatif. Dès lors que nous les oublions ou les contournons, c’est l’Europe et sa raison d’être que nous fragilisons ». Entrepreneurs, Hackers, réfugiés, responsables d’ONG «  Ce que nous essayons de construire au travers de cette nouvelle édition est bien plus qu’une simple semaine de colloque, poursuit Véronique Robitaillie. Il s’agit d’une réflexion de fond sur la direction du voyage européen, sur l’Europe qu’attendent les citoyens et, surtout, comment y parvenir en respectant nos fondements sociaux et démocratiques. Ceci, avec l’ensemble des composantes de nos sociétés qui souhaiteront se joindre aux débats ». Europhiles tout comme eurosceptiques ou eurodécus. Parce qu’« il est impératif de sortir de l’entre-soi », complète Jean-Paul Jacqué : « Expliquer, dialoguer, échanger, proposer, sont à la base des missions du Pôle. Nous avons fait le choix cette année d’inviter des intervenants issus de secteurs d’activités jusque-là trop souvent absents de ces débats : des acteurs du monde de la culture, des nouvelles technologies, de l’entreprise, du secteur financier, mais également des hackers, des réfugiés, des responsables d’ONG, d’associations, des journalistes, des figures intellectuelles internationales, aux côtés des universitaires et des responsables politiques européens déjà habitués de ces rencontres... C’est là un point essentiel pour qu’avance enfin le débat, pour que des propositions d’action concrètes, en phase avec la réalité du terrain, en ressortent aussi, et soient susceptibles de s’inscrire dans le débat public continental ». Le Live Magazine en ouverture ? Annoncée courant septembre, la liste des intervenants reste encore soigneusement confidentielle mais, des premières informations recueillies, il apparaît déjà que ce nouvel élan semble avoir convaincu de nouveaux partenaires de se joindre à l’événement. Outre le Parlement européen, le Labex Régulation financière et l’Eurocorps, déjà présents à ses côtés l’an dernier, le Pôle devrait cette année fédérer de nouvelles structures telles que le Conseil de l’Europe, la Librairie Kléber, le Théâtre national de Strasbourg, de nouveaux centres de recherche, le Club de la Presse de Strasbourg, l’association européenne des journalistes européens ainsi que le Live Magazine, la petite pépite journalistique du moment où, plutôt que de se limiter à la publication de leurs articles, des journalistes de renommée internationale viennent les raconter sur scène, échanger les ON et les OFF de leurs reportages, le temps d’une soirée. Une

première, à Strasbourg, si l’information venait à être confirmée. Autres nouveautés : la participation d’artistes musicaux à l’occasion d’« afters » – « afin que les gens puissent se retrouver en fin de soirée pour échanger dans un cadre plus convivial, mais également de projections et de rencontres autour du Prix Lux, décerné chaque année par le Parlement à une œuvre cinématographique illustrant l’universalité des valeurs européennes, la diversité culturelle et le processus de construction continentale », relève Jean-Paul Jacqué. Le tout, pour ces Rendez-vous, sur une tranche horaire prévisionnelle de 7h00 à 1h00 du matin, localisée entre les institutions européennes et la Presqu’île Malraux. Si le pari est tenu, nul doute que quelque chose pourrait bien naître de ce nouveau format des Rendez-vous européens, et que, bien plus que dans les couloirs feutrés de Bruxelles, c’est à Strasbourg que l’Europe de demain, citoyenne et innovante, pourrait bien se trouver un nouvel élan... ◊ /// 11èmes Rendez-vous européens de Strasbourg Du lundi 21 au samedi 26 novembre 2016 Ateliers et visites de sites : ouvert à tous sur inscription Débats et soirées culturelles : ouvert à tous dans la limite des places disponibles Informations / inscriptions : www.rves.eu (ouverture du site courant septembre)

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Notez déjà… L’automne est encore un peu loin, mais quelques événements méritent d’être notés sur votre agenda en raison de leur qualité et de leur thème. Il ne faudra pas les rater…

/// CAMP DE CONCENTRATION DU STRUTHOF QU’Y A-T-IL DE PLUS TRISTE Q’UN TRAIN ? C’est un extrait d’un ouvrage de Primo Levi qui donne son titre à cette expo. Et Frédérique Neau-Dufour, la dynamique directrice du Centre européen du résistant déporté ajoute en écho « Qu’y a-t-il de plus triste qu’un train dont le terminus est le déversoir final pour des millions de vie ? Qu’y a-t-il de plus triste que de mourir broyé après un long voyage ?.. » Jusqu’au 23 décembre, le Centre européen du résistant déporté a invité quatre artistes à poser leur regard sensible sur la déportation et le façon d’en faire mémoire. Chacun d’eux manie une technique particulière –la gouache, la photo, la vidéoet incarne une histoire, un pays, une Europe au passé déchiré. A l’image des déportés du Struthof-Natzweiler, issus de trente nationalités différentes, cette expo est européenne et multilingue, les quatre artistes font entendre leur langue particulière au travers du point de vue qu’ils utilisent… A visiter cet automne avant les grises journées d’hiver qui s’abattent sur un site qui, sans sa sinistre renommée, serait un des plus beaux des Didier Lemarchand Vosges… ◊

Deborah Elizabeth Edwards, peintre - Angleterre

photographe - France

/// CERD camp de Struthof-Natzweiler route départementale 130 Natzwiller - www.struthof.fr

/// Quand les talents alsaciens revisitent le Fischermännele Pour que Fischer continue à partager son histoire, quoi de mieux que de faire vivre sa tradition en la revisitant ? Bonhomme blond, assis sur son tonneau une choppe de bière à la main, fidèle compagnon des Alsaciens, le Fischermännele a été relooké aux couleurs d’une Alsace créative ! Une belle façon pour Fischer de moderniser son héritage avec un projet de valorisation de la culture alsacienne : Swing le Fischermännele. En faisant appel à neuf artistes fortement liés à la région (Dan 23, Solveen Dromson, Marie-Pascale Engelmann, Toma.H., Horéa, Pisco Logik, Missy, Alain Riff et Anne Wicky), la célèbre marque de bière souhaite mettre en avant une vision diversifiée de l’Alsace d’aujourd’hui et de ses synergies créatives. Le célèbre emblème Fischer a été transformé par le talent des artistes qui ont travaillé sur des Fischermännele d’1,50 m de la sculptrice et peintre de décors alsacienne Marion Herbst ! ◊ /// A la PopArtiserie du 30 septembre au 5 octobre 3, rue de l’Ail – Strasbourg

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/// RÉSONANCES(S) Le Salon européen des métiers d’art Chaque année, Or Norme attire votre attention sur un des plus beaux salons de France consacré à l’extraordinaire richesse des métiers d’art dans notre pays. Il y a quatre ans, Ninon de Rienzo, la directrice de la petite équipe de la Fédération régionale des métiers d’art d’Alsace (Frémaa) décidait de prendre le risque (un peu insensé à l’époque, il faut le dire) de monter la première édition d’un salon ambitieux, d’entrée placé sous le signe du professionalisme et du savoir-faire. Cette année, nous en sommes à la 5ème édition et le succès n’a jamais cessé d’aller croissant ! Sur plus de 6000 m2, plus de 180 créateurs venus de France, mais aussi d’Italie, de Belgique, du Luxembourg, de la Finlande, des Pays-Bas,…) révèlent des métiers leur permettant de transformer les matières brutes en objets d’art aux lignes modernes, réalisée en séries très limitées. Ils ont tous été sélectionnés par un jury de professionnels. En novembre prochain, c’est le métal qui sera l’invité d’honneur du Salon. Evidemment, c’est un événement majeur à ne pas rater… ◊

Pierre Gaucher

/// Résonance(s) Salon européen des métiers d’art Pavillon K du Parc-Expo du Wacken Du 11 au 14 novembre prochains www.salon.resonances.com Roland Daraspe

/// Le laser au cinéma ! Toujours à la pointe de l’innovation technique, le Vox de René Letzgus a présenté en juillet dernier son nouveau projecteur laser phosphore forte puissance (il est le premier cinéma européen à le proposer). De quoi bluffer encore plus un jeune public fort friand de ce genre de performance et déjà bien gâté par les près de 50 enceintes du son Dolby Atmos installées depuis deux ans. On a testé le phénomène pour vous : effectivement, l’image est beaucoup plus lumineuse et définie, plus profonde aussi et, lunettes relief sur le nez, on apprécie le rendu unique qu’on a sous les yeux. Seul bémol, mais ce n’est pas la faute de la salle bien sûr, cette technologie nécessite un tournage adapté. Pour cette première, seul le film « Independance Day – Resurgence » était disponible sous ce nouveau format et disons que la qualité de « l’œuvre » laissait fortement à désirer (on est gentil…). Prochains rendez-vous : le 20 octobre avec « Dr Strange » puis le 14 décembre avec « Rogue One. Pas des chefs d’œuvre non plus, apparemment… ◊

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NOTEZ DÉJÀ...

Str’Off

à bout de sens ?

Avec constance et enthousiasme, Viviane Reziciner et son association Europ Art Vision portent à bout de bras depuis trois ans l’organisation de Str’Off que d’aucuns considèrent depuis l’origine comme le Off de St’Art. Annoncé au départ comme une trilogie, nous en serons en novembre prochain à la 3ème édition. Clap de fin ? /// TEXTE Jean-Luc Fournier PHOTOS dr

En matière d’art, si on se penche un tout petit peu sur les innovations privées apparues sur la planète strasbourgeoise ces dernières années, force est de constater qu’elles ne sont pas légion. Et Str’Off en est, incontestablement. Il y a deux ans, Viviane Reziciner (cidessus), présidente d’EuropartVision, n’hésitait pas à « bousculer les codes artistiques » en organisant le premier volet de Str’Off, présenté alors comme « le premier Off de St’Art, la foire d’art contemporain de Strasbourg ». Pour cette première, mise à disposition gratuite des 800 m2 aux artistes, entrée gratuite pour les visiteurs au mécénat privé, même les ventes des artistes n’avait fait

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l’objet d’aucune commission en faveur des organisateurs. Un positionnement intrépide (s’installer comme le Off de St’Art) et un franc succès public. Pour équilibrer les comptes de deuxième édition de la manifestation, l’an dernier, les artistes avaient été sollicités pour financer les espaces d’exposition (20 € le m2) ainsi que le public (5 € l’entrée). Mais l’exigence artistique était restée la même, quarante artistes dont presque les deux tiers alsaciens s’étant exprimés sur le thème «  Dans tous les sens ». De nouveau, les choix artistiques opérés par Str’Off ont été plébiscités par le public et les spécialistes. A noter que beaucoup de visiteurs étrangers (allemands et suisses pour la plupart) soulignaient alors la pertinence de ce qu’ils pensaient être le salon Off de St’Art, c’est à dire soutenu par les organisateurs de la Foire internationale d’art contemporain de Strasbourg… 2016. Le tout dernier Str’Off ? En novembre prochain, le dernier volet de la trilogie d’origine ouvrira ses

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portes dans le Hall 5 (l’ancien pavillon K) du Parc-Exposition du Wacken. On ne sait pas si le thème retenu, « A bout de sens » est prémonitoire et bien sûr, on ne l’espère pas. Une fois de plus, le sérieux et le réel enthousiasme de Viviane Reziciner prouveront que cette manifestation mérite non seulement d’exister mais devrait également d’être beaucoup plus soutenue, à commencer par St’Art lui-même : « Toutes les grandes foires internationales d’art contemporain ont un Off en parallèle » dit Viviane. « A Strasbourg, depuis deux ans, nous prouvons le sérieux et la pertinence de Str’Off, j’espère que nous pourrons continuer, j’espère pouvoir rassurer et être rassurée sur l’avenir de notre concept » poursuit-elle en détaillant l’édition 2016 : « La 3ème édition de STR’OFF réunira plus de 50 artistes, dont 30 régionaux, en solo ou en duo, et ils se sont tous engagés à partager des émotions. Sept nationalités seront représentées, chaque artiste invitera les visiteurs à une exploration jusqu’au bout des sens… » C’est un jury artistique (où l’on retrouve majoritairement, heureusement, des


artistes et des galeristes - dont Frédéric Croizer qui, à la tête de sa galerie Radial, persiste avec bonheur à faire monter le niveau de Strasbourg tout au long de l’année) qui a sélectionné les artistes participant à l’édition 2016 qui offrira même une galerie spécial destinée au jeune public, un espace galerie dédié aux malvoyants, des performances ainsi que des visites guidées gratuites… Ciandrini Walter

Dans son édito, le dossier de presse 2016 donnait la parole à notre ami Jean HansMaennel (par ailleurs chroniqueur dans Or Norme) qui, dans son style inimitable, concluait : « Garder le cap. 2016 déjà À bout de sens Ça vide Jusqu’à l’aveuglement Ne pas s’épuiser Fondu Au noir De quoi sera fait demain ? Seule Viviane sait. »

On souhaitera évidemment un beau succès à Str’Off 2016. On souhaitera surtout que les organisateurs de St’Art se décident vraiment à soutenir les efforts d’Europ Art Vision pour maintenir et développer un Off digne de ce nom, même si on sait que St’Art doit avant tout penser également à restaurer sa propre crédibilité, un tantinet mise à mal ces dernières années… Avoir un Off quasiment offert clés en main et ayant déjà été éprouvé par trois succès consécutifs, n’est-ce pas là l’idéal ? Même la célébrissime FIAC parisienne a dû attendre beaucoup plus longtemps pour installer un Off sous chapiteau, sur les contre-allées des Champs-Elysées, face au Grand Palais. En tout cas, une chose reste sûre : Viviane Reziciner, une fois de plus, aura (très) bien fait son boulot… ◊ /// Str’Off 2016 les 25,26 et 27 novembre prochains www. europartvision.eu

Reminiscences grimardia


DOSSIER

PORT FOLIO A rnaud Delrieu

Arrivé en Alsace un peu par hasard, ce partisan d’une street photography honnête et précise a découvert Strasbourg en parcourant ses rues en quête d’autant d’instants décisifs que de moments doux... Fidèle à la couleur et attentif aux compositions, son travail se nourrit des images et des idées de photographes très différents comme Raymond Depardon, Martin Parr, Elliott Erwitt ou encore Garry Winogrand dont il partage le credo : « Je photographie pour savoir à quoi ressemblent les choses quand elles sont photographiées. » facebook.com/rnd.dlr

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ours numéro 22 / septembre 2016

ORNORME STRASBOURG 11 Boulevard de l’Europe 67300 Schiltigheim CONTACT josy@mediapresse-strasbourg.fr DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Patrick Adler DIRECTEUR DE LA RÉDACTION Jean-Luc Fournier jlf@mediapresse-strasbourg.fr RÉDACTION Alain Ancian Erika Chelly Jean-Luc Fournier Véronique Leblanc Charles Nouar Benjamin Thomas GRAPHISME Julie juliefournier.designer@gmail.com BULLETIN D’ABONNEMENT À renvoyer soigneusement rempli, accompagné de votre chèque, à : MÉDIAPRESSE STRASBOURG ABONNEMENT OR NORME STRASBOURG 3 rue du Travail 67000 Strasbourg

IMPRESSION AZ IMPRIMERIE - Mulhouse contact@azimprimerie.fr DISTRIBUTION Impact Media Pub info@impactmediapub.com PUBLICITÉ Au support 06 09 126 106 TIRAGE 15 000 exemplaires Tous déposés dans les lieux de passage de l’agglomération (liste des points de dépôt sur demande).

NOM PRÉNOM ADRESSE POSTALE

Dépôt légal : SEPTEMBRE 2016. ISSN 2272-9461 ADRESSE ÉLECTRONIQUE

@ Chèque joint de 20 euros à l’ordre de MÉDIAPRESSE STRASBOURG, correspondant aux frais de conditionnement et d’envoi de 4 numéros d’OR NORME Strasbourg (à compter de la date de réception du bulletin).

magazine.ornorme.strasbourg Crédit photo de Couverture : Alban Hefti




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