ornorme OR NORME STRASBOURG N°6 JUIN 2012
L’INFORMATION AUTREMENT
ABD AL MALIK et... Hubert Haberbusch • Yan Gilg Alfonso Nsangu • Alexandre Lesmes Le Camionneur • Geneviève Létang Robert Arbogast • Mireille Delunsch Cédric Bonnin • Les Sales Gosses Dan Leclaire • Label Hertzfeld Régis Bello • Albert Dubler Wereystenger • Luna Moka Capucine Vandebrouck
TOUS or norme...
TOUS EXCELLENTS !
• TOUS EXCELLENTS ! DOSSIER SPÉCIAL 22 PAGES ANGÈLE ET RAYMOND LIEBY : LA CONVERSATION AMOUREUSE • LA BIBLIOTHÈQUE IDÉALE • ETRANGERS : CE QU’ILS ATTENDENT DE LA FRANCE DE HOLLANDE • LE PARTI PIRATE TABLE-RONDE SUR L’IMMOBILIER A STRASBOURG • LES OUBLIÉS DE CANNES 2012
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la lettre de l’éditeur
OURS OR NORME STRASBOURG N°6
EST ÉDITÉ PAR L’AGENCE DE PRESSE ASP 25, boulevard Wilson - 67000 Strasbourg Tèl : 03 68 41 80 60 CONTACT : Corinne Geudin - corinne@asp-presse.fr DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Pascal Candiotto DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Jean-Luc Fournier - jlf@asp-presse.fr CHEF D’ÉDITION : Aude Muller - aude@asp-presse.fr RÉDACTION : Alain Ancian - Erika Chelly - Jean-Luc Fournier Véronique Leblanc - Charles Nouar - Benjamin Thomas Hervé Weill SECRÉTARIAT DE RÉDACTION ET ADMINISTRATION : Corinne Geudin - corinne@asp-presse.fr MAQUETTE : vektorielle MISES EN PAGES : ASP IMPRESSION : IDS IMPRESSION SELESTAT ids@ids-impression.fr DISTRIBUTION : Impact Media Pub info@impactmediapub.com PUBLICITÉ : TemaevenT - welcome@temaevent.com - 07.600.70.200 TIRAGE : 20 000 exemplaires 15 000 exemplaires sont distribués en boîte aux lettres (distribution solo sans autres documents publicitaires) et 5000 exemplaires sont déposés dans les lieux de passage de l’agglomération (liste des points de dépôt sur demande). Dépôt légal : juin 2012. ISSN : en cours. Retrouvez notre actualité sur Facebook : www.facebook.com/magazine.ornorme.strasbourg
Tous les ans, il y a au moins un hebdo national qui s’intéresse aux « élites » de Strasbourg. Vous savez, la mosaïque de visages et un titre du genre : les 100 qui comptent à Strasbourg. On en connaît qui vendraient père et mère pour « en être ». Il arrive même que certain(e)s fassent le siège des rédactions concernées pour s’assurer qu’ils seront à la Une. Ils se doivent absolument de compter, voyez-vous… A l’heure de ce « tout à l’égo » un peu partout (Facebook et Tweeter en tête), nous avons voulu nous éloigner de cette pathétique foire aux vanités pour vous présenter, dans Or Norme 6, une galerie de gens qui ont tous au moins un ou deux points en commun : ils excellent dans ce qu’ils réalisent au quotidien et, souvent, ne cherchent pas particulièrement à le faire savoir. Ils sont animés de qualités devenues fort rares de nos jours : l’humilité et la modestie. Mais ils sont excellents, et pas qu’un peu… Or Norme est donc fier de parler d’eux. Et, pour que ce dossier s’ouvre de la meilleure des façons, nous avons rencontré longuement Abd Al Malik. A 37 ans, l’ex-gamin semi-voyou du Neuhof réalise un parcours exceptionnel. Célébrissime en France, mais aussi dans toute l’Europe francophone, Malik ne s’est jamais départi de son naturel, de sa simplicité et de sa profonde humanité. Lisez ses propos, ce sont des paroles d’or, vraiment… Il y a bien d’autres belles personnes à découvrir dans ce numéro 6 d’Or Norme Strasbourg. Comme des coups de cœur que nous lançons à l’orée de l’été. Sous le ciel bleu, à la terrasse d’un café, le long des berges de l’Ill, sous les frondaisons du parc de l’Orangerie voire même les yeux levés vers la flèche de la cathédrale quand le soleil couchant la peint de son incroyable couleur, Strasbourg resplendit comme jamais. On vous souhaite un très bel été, ici ou ailleurs. On vous souhaite également une grande sérénité et un vrai ressourcement tant on sait bien que les temps sont si difficiles et incertains. Avant de nous évader (nous aussi) au détour de quelques jours en août, nous aurons déjà bien avancé sur la préparation de notre numéro de rentrée, fin septembre prochain. Il vous surprendra, une fois de plus, soyez-en certain. En attendant… Restez Or Norme ! JEAN-LUC FOURNIER
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sommaire 6
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RENCONTRE AVEC ABD AL MALIK
DOSSIER EXCELLENCE 11 42
LA CONVERSATION AMOUREUSE
J’AI (PRESQUE…) PILOTÉ UN BOEING 777 36 ETRANGERS : CE QU’ILS ATTENDENT
54 DE LA FRANCE DE HOLLANDE ...
L’IMMOBILIER A STRASBOURG 56 60 LA BIBLIOTHÈQUE IDÉALE 2012
LES OUBLIÉS DE CANNES
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LE BLOC-NOTES D’HERVÉ WEILL
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PORT-FOLIO • EMMANUEL GEORGES
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Rencontre avec Abd Al Malik, en février dernier à la Librairie Kléber. Une interview publique avec une mégatonne d’ondes positives. Puis une promesse : « On parlera de ce que j’étais et de ce que je fais depuis des années dans ton numéro 6 d’Or Norme ». Promesse tenue récemment à Strasbourg. Malik arrive avec ses potes de toujours, fait des bisous, s’asseoit et parle, parle… Les mêmes ondes positives, la douceur de la voix et ces mots choisis, ces mots qui résonnent et qui rallument l’espoir d’un monde meilleur. Les mots d’un poète mais aussi d’un acteur engagé ici et aujourd’hui et, osons le terme, d’un philosophe. Qui de mieux qu’Abd Al Malik, enfant du Neuhof, pour ouvrir notre dossier de ceux qui font l’Excellence à Strasbourg, humblement, talentueusement et surtout si humainement ?..
ABD AL MALIK Je fais tout pour être LE FILS DE L’INSTANT choix, mal apprécier certaines choses mais je le fais toujours avec sincérité. Alors je reconnais mes erreurs, je peux même faire marche arrière quelquefois pendant un instant mais je continue à avancer malgré tout. J’essaie de ne pas m’enfermer dans cet orgueil qui peut rendre les choses irrémédiables. Mais je n’ai pas peur de me tromper, c’est une constante chez moi… O.N : Se souvenir des choses, et particulièrement de ce que l’on était beaucoup plus jeune, c’est important pour grandir ensuite. Comment était ta vie, enfant, adolescent ?...
OR NORME : Depuis le succès de l’album « Gibraltar », ton parcours est incroyable… Est-ce qu’il t’arrive de te poser quelques minutes et réfléchir à toutes ces dernières années ? Quelles pensées te viennent alors à l’esprit ? ABD AL MALIK: « Avant toute autre chose, je me dis qu’un parcours n’est jamais fini, qu’on soit ou pas dans la lumière du succès. Le parcours qu’on réalise a en permanence un impact sur nous et aujourd’hui, je ne confonds pas tout ce qui m’arrive avec la vraie vie. Et je sais que le Malik que j’étais avant «Gibraltar» n’arrête pas de grandir, au sens intime du terme. Succès ou pas, je me laisse toujours la possibilité de rencontrer les autres et de partager avec eux. Il y a tant de choses à recevoir d’eux et je me sens toujours le réceptacle idéal. Je n’ai pas changé. En tout cas, si quelque chose n’a pas bougé depuis le Malik d’avant «Gibraltar», c’est bien la sincérité. Ça, ça ne bougera jamais ! Comme tout le monde, je peux me tromper dans mes
A.A.M : Oh ! tu sais, je ne me projetais pas vraiment… J’avais un besoin très profond de ressentir une grande paix. Avec moi et avec les autres. Ça pouvait être très désordonné dans mon environnement direct, au Neuhof mais ce besoin de paix ne m’a jamais quitté. Heureusement, l’art n’a jamais été loin de moi, pour plein de raisons. Il a toujours été très présent : la musique tout autour de moi, les livres, le rapport à l’école… Le rap aussi : même au tout début, j’ai toujours eu une solution qui passait par la musique des mots. C’était instinctif, pas construit du tout. En fait, je ne savais pas ce qui se jouait là, au tout début… O.N : Souvent, tu rends hommage à celles et ceux qui t’entouraient, alors… A.A.M : Ma famille était nombreuse. Ma famille de sang mais aussi ma famille de la cité. J’ai toujours été au sein de tribus, celles qui réunissent, pas celles qui séparent. On partageait tout, absolument tout : les mauvaises choses comme les très belles. La musique, le rap : mes frères et sœurs et toute la famille m’encourageaient. Ça m’a donné une immense confiance en moi, ça m’a donné comme une colonne vertébrale, un truc solide qui te tient debout. Aujourd’hui, avec mes potes et ma famille, c’est la même tribu, exactement la même depuis que je suis enfant. Ça donne une stabilité fabuleuse, la même que je recevais quand j’étais enfant, même dans l’environnement difficile dans lequel nous vivions tous… Et puis, il y a eu cette révélation : la rencontre avec Mademoiselle Schaeffer, mon institutrice quand j’étais en CM1-CM2. Cette instit avait un petit plus par rapport aux autres enseignants : elle se sentait habitée d’une responsabilité envers ses élèves. Je ne suis pas le seul qu’elle a aidé, plein d’autres l’ont été aussi. Elle a changé la vie de l’enfant que j’étais. Je vais te dire : c’est la première personne que j’aie rencontrée qui magnifiait le 7
savoir. J’en ai été bouleversé : je n’avais pas juste envie de bien faire, non. Soudain, je voulais aussi m’enrichir de tout ce à quoi elle nous donnait accès. Ce fut une véritable révélation, d’une puissance incroyable. J’ai eu une rencontre avec le savoir, qui s’est personnifiée en elle. Melle Schaeffer m’a donné envie, le mot est d’ailleurs très faible. Plus tard, j’ai tout tenté pour la retrouver, mais je n’ai jamais pu. J’ai essayé, mais… O.N : Comment arrive-t-on ensuite à un album aussi abouti que « Gibraltar » ? A.A.M : C’est le fruit d’un cheminement, de rencontres, d’accidents et aussi le fruit de la volonté, la vie quoi… Un soir, un concert et une rencontre littéraire en Hollande avec l’écrivain Fatou Diome… On se dit plein de choses mais je retiens surtout cette phrase : « On ne peut pas nous demander à nous que nos fruits poussent sur nos racines ». C’est Fatou Diome qui me dit ces mots et moi, je croyais entendre Nina Simone ! Une autre fois, une soirée à Bruxelles : je suis entouré par des gens fantastiques qui laissent leur cœur parler et se mettent à dégager une énergie folle, une pureté incroyable. Avec Bilal, mon alter-égo, mon frère, on se pose ensuite les bonnes questions : on se met à discuter de musique mais aussi de nos ambitions dans la vie. On se dit : ça sert à quoi ce qu’on fait ? Quel est notre rapport à l’art ? Est-ce qu’on veut laisser quelque chose ou pas ? Et tout ça, et plein d’autres choses aussi, nous font aboutir à « Gibraltar ». Tout s’imbriquait, quoi… L’album est né de tout ça. J’avais trente ans quand je l’ai écrit. J’avais le sentiment que c’était en même temps le début et la fin de quelque chose, ou vice-versa. C’est fou : je me suis dit que c’était impossible que ça fonctionne, c’était trop… Cet album, je l’ai imposé.
Je ne suis pas une star, je suis dans la vie. O.N : Et le succès a été au rendez-vous. Il s’est même confirmé sans cesse depuis. Sera-t-il toujours au rendez-vous ? Comment vois-tu ton avenir ? A.A.M : Je n’imagine pas les choses. Je ne me projette pas du tout. Je fais. Je suis… Je fais tout pour être le fils de l’instant. C’est très important, ça…Echanger, donner, ça implique une attitude tout à fait particulière. Se sentir star, c’est un mauvais trip. Je ne suis pas une star, je suis dans la vie. C’est la vie qui nous enrichit, nous les artistes. Albert Camus parle très bien de ça… Il faut être vraiment soi-même, à fond. Qu’on soit visible ou non. On a tous une responsabilité, chacun de nous a une responsabilité, là où il se trouve et en faisant ce qu’il fait. Parler d’éthique, de morale, de toutes ces choses-là…, on peut tous le faire là où on est. Ça peut avoir un formidable impact sur ceux qui nous entourent. Une seule personne qu’on touche, et tout peut changer. Il faut savoir pourquoi on fait ce que l’on fait : soit on le fait pour soi, soit on le fait pour l’argent. Il faut parfois savoir s’arrêter, savoir quitter le tourbillon sinon ça vire au n’importe quoi. Si on agit par rapport au tourbillon, on est dépossédé de soi. Il faut beaucoup réfléchir à tout ça et ce n’est pas évident. Il faut amener une sorte de complexité, mais toujours hyper-positive. C’est une attitude volontaire. En tous cas, il faut donner de l’amour car l’amour change tout ! Le sens de la tribu, c’est le rapport aux miens. Les miens, j’élargis ça à la communauté nationale, à mon pays. C’est une forme de patriotisme réel, assumé pleinement et très sincère. Un patriotisme à base d’amour… O.N : Il s’est dit et passé beaucoup de choses ces mois derniers dans le pays… A.A.M : Tu veux parler de politique ? On attend de voir, maintenant… Je suis comme Alain, le philosophe. Je ne sympathise avec personne dans ce domaine. Je suis simplement très attentif. Les politiques ont une énorme responsabilité et cette
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responsabilité ne supporte pas le copinage. Le politique doit savoir que, devant lui, il a un citoyen qui ne se vendra jamais. J’essaie d’avoir cette attitudelà pour être exemplaire en tant que citoyen. J’ai des gens sous ma responsabilité. Ça implique une vraie attitude en matière politique comme ailleurs… O.N : Les artistes peuvent-ils contribuer à changer l’ordre des choses ? A.A.M : Oui, comme tout un chacun. Mais là encore, il ne faut pas se tromper d’attitude. Il faut juste être soi-même, à fond, je le répète. Au départ, Bob Dylan, il voulait juste faire sa musique et chanter ses chansons. C’est justement pour ça qu’il a eu un tel impact. Ce mec a quand même écrit et chanté « Hurricane ». Pour le discours de Martin Luther King, « I have a dream », Bod Dylan est là, il joue de la guitare… Il n’avait la prétention de rien du tout. Il était là et il jouait de la guitare, c’est tout ! Moimême, je n’ai la prétention de rien. J’ai juste envie d’exhalter la différence, la diversité. Ce sont des richesses incroyables. J’ai autant envie de parler de l’Alsace que de mes racines africaines. Tout seul, on ne peut rien mais qui sait… En étant pleinement et constamment soi-même, on n’est jamais seul très longtemps… O.N : Tu es à Strasbourg en ce moment. Pourquoi ? A.A.M : Je suis en train d’enregistrer une partie de mon futur album chez Bilal, à Illkirch, dans son studio personnel. Il sortira en décembre ou en janvier prochains. Il est totalement inspiré par Albert Camus, particulièrement par son livre « L’envers et l’endroit ». (« L’envers et l’endroit » est le premier livre publié par Camus. Il est constitué de réflexions sur son quartier d’origine de Belcourt à Alger et sur deux voyages, aux Baléares et à Venise et Prague – ndlr). J’ai comme un rapport fraternel avec Camus, je le sens comme mon grand frère, comme un mec du Neuhof… Cet album, je le dois à moitié à Bilal et à moitié à Gérard Jouannest (Gérard Jouannest est le légendaire pianiste de Jacques Brel et… le mari de Juliette Gréco. Il a quarante de plus que Malik – ndlr). O.N : Et puis, il y a ce film que tu t’apprêtes à tourner à Strasbourg au début de l’automne… A.A.M : Oui. Ce sera la libre adaptation de mon livre « Qu’Allah bénisse la France ! ». On va commencer le tournage au Maroc puis on sera au Neuhof en septembre pour tourner les premiers plans… O.N : C’est une vraie aventure, ce tournage…
A.A.M : Oh oui ! Ce qui m’intéresse, ce sont ces mots posés dans un livre qu’il faut mettre en image. Raconter une histoire française, parler du Neuhof, de Strasbourg, de tout ça… Le film parlera du quartier où j’ai vécu. Il y aura des choses dures mais aussi des pistes pour transcender ces difficultés-là. C’est un film qui parlera d’amour… O.N : Tu m’as dit en février dernier qu’il y aura des plans sur la cathédrale de Strasbourg… A.A.M : Il y en aura. Depuis tout petit, je rêve de la filmer, notre cathédrale. Elle se dresse chez nous, en Alsace. J’en rêve vraiment… O.N : Et côté acteurs ?.. A.A.M : J’ai envie qu’on y découvre de nouveaux acteurs et aussi des gens d’ici. 90% viennent du Neuhof… Les stars du film seront Strasbourg et le Neuhof. O.N : Tu seras aux manettes ?.. A.A.M : Oui. Je l’écris et je vais le réaliser. J’aime le cinéma. C’est l’art de la synthèse. Tout y est : les images, la musique, les mots dans le scénario… Le film sortira en 2013. Je te l’ai dit au début : un parcours n’est jamais fini… » ENTRETIEN RÉALISÉ PAR JEAN-LUC FOURNIER PHOTOS : AUDE MULLER
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INTRO EXCELLENCE
TOUS EXCELLENTS ! Leurs visages ne vous disent peut-être rien et pourtant… Et pourtant, tous sont excellents dans leur domaine. Il y a là un coiffeur, un président de Fondation, une sculptrice, un couple de restaurateurs-programmateurs de spectacles, un architecte, un plâtrier (d’exception), une harpiste, un directeur de chorale, un carrossier, un scénariste-metteur en scène, un autre restaurateur, une directrice de label musical, un prestidigitateur, un producteur de films, un cardiologue, une cantatrice et même… une effeuilleuse ! Toutes et tous ont Strasbourg au cœur et n’envisagent même pas une seconde qu’il en soit autrement. Ils sont tous habités par l’excellence. Nous les avons rencontrés et ils se sont racontés…
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Il a voulu être un artiste Hubert Haberbusch, 59 ans, est un de ces personnages qu’Or Norme adore rencontrer. Carrossier de métier, il restaure avec talent et passion des véhicules prestigieux dans son atelier du Port du Rhin. Si sa réputation n’est plus à faire dans ce milieu où l’exigence est sans cesse de mise, la personnalité de ce véritable esthète mérite d’être misE en lumière… L’endroit est quelconque. Une zone industrielle du Port du Rhin, pour l’heure cernée par les imposants travaux routiers qui empoisonnent quotidiennement la vie des automobilistes dans le secteur frontalier près du pont de l’Europe. Premier signe de vie : l’accueil de Diego, le chien de la maison. Une stature vaguement inquiétante avec son pelage broussailleux mais des yeux pleins d’amour et la truffe amicale. Un coup d’œil sur un jardinet insolite en ces lieux qui voisine avec un… bateau, un vrai, échoué bizarrement là. Et déjà le bruit des machines de l’atelier de carrosserie…
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Carrossier et artiste La poignée de main de Hubert Haberbusch est d’emblée chaleureuse. En à peine quinze minutes, on saura presque tout sur l’activité du lieu : la passion de la carrosserie et du travail bien fait, acquis très vite grâce à un père qui a su très tôt prononcer la phrase magique : « Apprend un métier. Quand on a quelque chose, on peut toujours se débrouiller ! » Dans la bouche d’Hubert, quelques phrases-clés qui situent bien le personnage : « J’adore mon métier et je l’ai toujours pratiqué avec passion. Mais je n’ai jamais voulu évoluer vers le tout business. Car on y perd son âme. C’est pourquoi je travaille beaucoup avec les collectionneurs. Là, on est entre gens qui parlent le même langage. Certes, j’aurais pu gagner beaucoup d’argent avec mon travail. Mais je vis bien quand même. Et peu à peu, j’ai développé la notion d’art, de travail bien fait. Je m’entoure de jeunes à qui j’essaie de transmettre les belles valeurs des métiers manuels. Actuellement, quatre Compagnons du Devoir travaillent ici avec deux apprentis Bac Pro. Je leur transmets également le virus de la restauration haut de gamme de véhicules prestigieux grâce à un partenariat que nous avons avec le Musée national de l’Automobile de Mulhouse. Il nous arrive fréquemment d’usiner des pièces uniques, c’est presque du cousumain. Pour une Bugatti 28 de 1920, nous avons par exemple travaillé près de 400 heures pour parvenir à fabriquer ses deux ailes avant galbées, à partir des plans d’origine. Le temps ne compte pas vraiment chez nous. Chacune de nos interventions est comme une œuvre d’art… »
L’échange et le partage Si, à l’évidence, Hubert Haberbusch excelle dans son métier, il est également un autre domaine où sa belle personnalité rayonne (le mot est d’ailleurs faible…) : échanger et partager avec ceux qui l’entourent, ses employés comme la ribambelle d’artistes (vidéastes, studio d’enregistrement pour rappeurs, graphistes, photographes, peintres, publicitaires,…) qui se sont installés dans les bâtiments cette ancienne filature laissée en friche par ses précédents occupants. « Quelquefois, sur leurs heures de travail à l’atelier, mes gars réalisent des sculptures et, loin de les dissuader, je les encourage !... » rigole Hubert. « Et souvent, on se réunit tous ensemble, entre voisins, pour faire la fête. En fait, les ateliers ouverts, pour nous, c’est toute l’année ». Une belle et sereine atmosphère règne dans cet endroit improbable : on parvient sans difficulté à imaginer que c’était comme ça autrefois, avant que l’être humain ne devienne une simple variable d’ajustement. « Je souhaite préserver le patrimoine vivant » conclut Hubert. Près de lui, un jeune carrossier sourit et le regarde avec respect et complicité. Et Diego réclame une caresse de plus… Jean-Luc Fournier
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Yan Gilg la culture de la république
Posé dans l’un des studios d’enregistrement des Sons de la Rue, une structure qu’il a montée en 1996, Yan Gilg ne cache pas un certain écouerement. En tout, ce sont entre 500 et 1000 jeunes de la région qui passent ici par an. Mais le nombre d’heures d’accompagnement artistique décroît à mesure que l’État se retire. Deux salariés licenciés... Raison : « L’ancien gouvernement pensait que ces financements ne servaient à rien ». Le truc c’est qu’« on nous dit que la République doit réinvestir les zones de non droit, mais la République ce n’est pas que la police. C’est aussi la culture, l’accompagnement de ces jeunes et de leurs projets ». Alors à quoi bon couper les vivres des petites structures... « En réalité, ce sont ces technocrates qui sont en train de faire de ces zones des jungles où tout deviendra possible ». Yan ne l’oublie pas : « L’art et la culture nous ont sauvés de la haine des autres et de nous même. Ils nous ont donné les moyens de nous battre différemment avec l’acte de créer. Grâce à eux, on a compris qu’on pouvait exister, résister à la fatalité ». Un peu comme au sein de cette autre structure, Mémoires Vives, elle-aussi montée par Gilg. Un projet très particulier que la République n’a jamais raconté à ses enfants. Fait de lutte contre les discriminations, contre une société qui se divise. « Très peu de parents immigrés ont parlé de leur dur labeur à leurs enfants ». Parce que « minés », parce qu’ayant la sensation d’avoir « travaillé pour rien », tout ça « pour finir leurs jours dans une petite piaule, mal regardés dans la rue ». « Que veux-tu qu’ils leur racontent à leurs fils, alors que le pays auquel ils se sont donnés corps et âme ne parle même pas d’eux ? Rien à l’école, Pas même une plaque de rue... » « Raconter cette histoire, c’est dire à ces enfants, vous êtes les fils de héros ! Qui, aujourd’hui, descendrait dans les mines du bassin houillé, qui aurait le courage de faire ce taff là ? ». Aujourd’hui, après la production de « À nos Morts », « Folies Colonies » ou encore « Kerakoum » certains de ces enfants disent relever la tête et répondent, quand on les méprise : « Je suis un enfant des faiseurs de France ! ». De ces gens qui ont reconstruit ce pays, qui l’on fait prospérer et continuent à le faire. « La France est endettée, oui, conclut Gilg, mais vis-à-vis d’eux...” Et Gilg, malgré les coupes budgétaires, se fait fort de nous en redonner la mémoire... essentielle. Charles Nouar
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Mémoires Vives: http://cie-memoires-vives.org
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Alfonso Nsangu C’est étrange comme certaines personnes peuvent vous paraître familières dès le premier abord. Comme si la notion de frontière leur était inconnue. C’est sans doute cela que j’ai aimé en premier chez Alfonso Nsangu, chef de chœur et fondateur des « Gospel Kids ». Puis, à mesure que je l’écoutais, cette incroyable énergie. Lui, l’ancien mécano, qui ne connaissait rien au chant, l’ancien élève du Pasteur Frédéric Setodzo, qui se prit de passion pour le Gospel avant de lui ouvrir son propre choeur. Janvier 2004, quelques gamins au départ. Plus de mille aujourd’hui, avec un noyau dur d’une quarantaine d’entre eux. Ce qu’il trouva dans cette musique ? Le partage, l’unité. Celle de faire évoluer ensemble des gamins de cultures, d’éducation, de milieux sociaux différents. Par le bouche à oreille, après quelques représentations dans des écoles de quartiers populaires ou huppés. Lui, passé par plusieurs cités, jusqu’à Hautepierre où le hantait une réalité : celle de gens qui, parce que d’horizons différents, ne se parlaient pas.
Le « Chef de coeur »
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Aujourd’hui treize quartiers rassemblés, 26 nationalités, toutes religions mêlées. La force des Kids ? Avoir su casser ces frontières, ces murs invisibles par trop voyants. Jusqu’à en chanter un hymne, français, marocain ou croate, devant des millions de gens, depuis le stade de France. Car c’est là l’un de ses beaux investissements. Avoir su saisir une autre chance. Celle d’avoir parlé à Domenech alors que tout le monde le boudait, d’avoir su faire le siège de la FFF, d’avoir su convaincre sa direction que les Kids pouvaient porter les couleurs du monde. Ouais, ce mec m’a fait vibrer, limite chialer, comme ce clip des Kids, « Levons-nous, agissons », réalisé par Tim Rigaud et l’équipe de Skweez. Parce qu’à l’écouter, rien n’est impossible. Comme ce premier container qu’il réceptionnera en août au Togo. À destination d’un orphelinat perdu au milieu de nulle part. Au fin fond de cette « vraie » Afrique, celle qu’il a toujours rêvée, imaginée, espérée à nouveau pouvoir aimer. Là aussi, Alfonso a su mobiliser. Convaincre des familles, pourtant ici en galère quotidienne, de partager, de donner le peu d’habits de lumière qui leur restait. Devant moi, Alfonso déballe les sacs de fringues, s’émerveille comme un Christmas Kid : « Ils ne se sont vraiment pas foutus de nous. Tu as vu ces vêtements ? ». Ouais, j’ai vu, j’ai salué et apprécié. Parce que si le monde comptait un peu plus de Kids, sans doute serait-il moins con...
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Charles Nouar
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Alexandre Lesmes DR
l’indépendance créative Après avoir été gérant de plusieurs salons sur Strasbourg, formateur en Colombie, en Equateur ou aux Caraïbes, c’est en 2004 qu’Alexandre Lesmes se lance dans l’aventure Avila. L’idée de départ : être son propre patron mais surtout créer une plateforme d’indépendants qui entre deux shooting, deux défilés, viendraient coiffer les Strasbourgeois. « Je voyais de très bons coiffeurs qui n’étaient pas payés à la hauteur de leur talent, alors que leurs employeurs réalisaient de très bons chiffres d’affaires. Or, pour laisser la créativité s’exprimer, il faut que le salaire suive, sinon un coiffeur, aussi bon soit-il, priviligiera le rendement ». L’objectif : « valoriser mon métier en laissant la créativité s’exprimer, à l’inverse de la franchise. Ici, pour une fois, ce sont les coiffeurs qui font l’identité du salon et non l’inverse ». Résultat des courses, de jeunes talents ayant travaillé pour Alexander McQueen, Vogue, Tony & Guy, Massato, Vidal Sassoon - « un grand Monsieur de la coiffure qui a inspiré Paco Rabane » - ont rejoint le projet. Jusque-là, la coiffure était un métier qui « s’autodigérait », relève Lesmes. « Ce que je veux c’est que l’on arrive à s’inspirer d’urbanisme, de stylisme, de graphisme, de tout ce qui a à voir avec l’expression ». Une mise en image d’un courant culturel un peu à l’image de la Factory warholienne. Une référence qui, dans l’esprit de Lesmes n’a rien d’anecdotique lui, qui il y a un an de cela poursuivait l’aventure en lançant la Avila Factory, au sein des anciennes usines Junkers Flugzeug-und-Motorenwerke A.G, avec l’appui du patron de Schell & Cie qui a rénové ce batîment classé monument historique depuis 1993.
De là, d’autres corps de métiers ont rejoint la petite troupe. Maquilleurs, stylistes, masseurs. Des formations aux différentes techniques de coupes et de colorations y sont également distillées, en partenariat avec des maisons comme TIGI ou Davines. Et parce que la culture, la création sont restées le poumon d’Avila, il n’est parfois pas interdit d’y croiser, le temps d’une soirée, d’une représentation, Obey, l’illustrateur de la campagne d’Obama ou le groupe électro Birdy Nam Nam. Ou encore d’y voir ré-organisée la libération de Strasbourg, tenues d’époques sur le dos, tout droit sorties des loges d’Inglorious Basterds de Tarantino ou d’Il faut sauver le soldat Ryan de Spielberg... Hors les murs, Avila ne manque pas non plus de nourrir de belles collaborations : avec Arte, le cinéma Star, ou, plus discrètement, en coiffant des détenues dans le cadre d’un projet de stylisme interne au monde pénitentiaire. Parce que là où la créativité n’a d’autres frontières que celles qu’elle s’impose, Avila s’est fait un art de les repousser. Charles Nouar
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On a envie que les gens repartent avec la banane !
Coincé entre la sortie du tunnel des Halles et la muraille SNCF, Le Camionneur est devenu depuis quinze ans un restaurant branché « Cuisines du monde » et, le soir, une scène d’une superbe convivialité. Rencontre avec le couple qui est l’âme du lieu, Chantal et Serge Otto, qui, « sans un euro de subvention » contribuent merveilleusement à animer la vie nocturne de Strasbourg…
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« Chantal et moi, nous avons une obsession : être en permanence différents » annonce Serge. « Ça, on peut le dire !… » confirme son épouse Chantal, avec le sourire large comme l’avenue des Vosges qu’elle aborde quasiment toujours en permanence. Et les deux d’éclater de rire, complices comme jamais. « Depuis que nous avons repris, en 1997, cette ancienne brasserie de quartier qui ralliait tous les chauffeurs routiers des entrepôts de la rue de Sarrelouis ou du marché-gare des Halles dans les décennies précédentes, nous en avons connu des changements et même des galères. Au départ, nous voulions en faire un bar à tapas mais des difficultés d’ouverture en horaire tardif nous ont vite fait changer de concept. Nous nous sommes alors concentrés sur la restauration le midi et le spectacle le soir. Et le succès a été au rendez-vous… »
Dans la profession, personne n’y croyait Le Camionneur est, de fait, le lanceur de concept sur Strasbourg. Serge énumère les rendez-vous inaugurés par le « Cam » : « Nous avons été les premiers à présenter des spectacles d’impro professionnelle. Tous les collègues se sont ensuite peu à peu engouffrés dans le créneau. Alors, on est passé à la salsa. Le Cam était vraiment le temple de cette danse, le mercredi soir. Quand tout le monde l’a fait, on est passé au café-théâtre avec des « one man show » réputés. Puis ça a été le jazz, et ensuite le blues où nous avons été très novateurs à Strasbourg. Aujourd’hui, nous avons des soirées karaoké avec orchestre sur scène qui marchent incroyablement. Un chanteur s’était entraîné pendant un mois: il venait d’un petit village assez éloigné de Strasbourg. Et bien, le soir de sa « première », il a amené tout le village avec lui ! Ça a été génial. La salle était en transe quand il a chanté « La Bamba ». Il fallait voir ça… » Pour ses soirées de blues, Serge bénéficie d’un sacré réseau relationnel : « Le blues est très prisé en Allemagne, en Belgique, en Suisse et dans l’est de l’Europe. Et malheureusement beaucoup moins en France. Alors, nous captons les artistes qui sont sur la route. La halte au Camionneur est devenue un « must » dans leurs tournées. Ils sont chez nous lors d’un « day off » comme ils disent et très souvent, en découvrant le Cam et séduits par la gentillesse et l’authenticité de l’accueil, ils donnent le meilleur d’eux-mêmes… » Jamais en retard d’un projet, Serge se fait tirer un peu l’oreille sur l’avenir de la programmation, avant de rendre les armes : « Dans ma tête, il y a un projet de revue permanente. J’y travaille. C’est long mais ça arrivera… ».
Et côté resto, ça assure ! Le midi en semaine, le Camionneur est peu à peu devenu un restaurant très convivial, régulièrement fréquenté par les cadres et employés des nombreuses sociétés alentour. Sa formule « Cuisines du monde » et surtout la fraîcheur et la diversité des plats (« c’est le marché tous les jours, tout est frais de chez frais » confie Serge) alliée à cette belle convivialité matérialisée par le sourire et même la gouaille de Chantal font merveille. « Un repas de midi au Cam, c’est l’évasion assurée » confie un habitué. L’épouseserveuse-animatrice du lieu confirme : « On a vraiment envie que les gens repartent de chez nous avec la banane ! ». Et vlan, encore un éclat de rire !.. TEXTE ET PHOTOS : Jean-Luc Fournier
AU CAMIONNEUR 14, RUE GEORGES WODLI 67000 STRASBOURG 03 88 32 12 60 www.au-camionneur.fr 19
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Geneviève Létang La harpe sinon rien Tête à tête ou corps à corps avec sa harpe. Geneviève Létang est seule dans la grande salle réservée à l’ensemble strasbourgeois «Linea» par la «Fabrique de théâtre», tout près de la gare. Beaucoup de lumière dans la pièce et dans les yeux de cette musicienne qui a su «dès l’âge de quatre ans» quel serait son instrument. «Le choc était visuel, se souvient-elle, je me suis dit que grâce à la harpe, j’allais retrouver une espèce de paradis et puis l’harmonie qui en émanait m’a fascinée.» Un coup de foudre qui n’a pas cédé au temps qui passe. Formée au Conservatoire de Strasbourg puis au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, forte d’un premier prix de harpe et de musique de chambre, Geneviève Létang a pris son envol, enseigné à Strasbourg et Saint-Etienne, avant de devenir professeur au Conservatoire National depuis 1995 et collaboré régulièrement avec les Académies de musiques de Belgrade, Fribourg, Genève, Londres, Amsterdam, Sao Paulo, New York, l’orchestre National BordeauxAquitaine, l’orchestre de Chambre de Lausanne, l’Orchestre Philharmonique de Radio France... Une vie pleine d’échappées belles dont elle garde une vibration au monde et des phrases-cadeaux qui fusent au fil de la conversation.
«Quand on est nomade, on est immobile, on en revient toujours au face à face avec soi-même...» Aujourd’hui, la musicienne voyageuse est revenue à Strasbourg «avec beaucoup de bonheur parce qu’elle en était partie longtemps». Elle travaille «tous les jours», «de manière digitale» ou «en regardant passer les nuages, en lisant, en regardant beaucoup d’images, en notant des tas de choses dans des carnets...» «La harpe est un instrument très physique, très ancien. dit-elle, Dans les représentations archaïques, elle ressemble à un soc de charrue.» Pour elle, il s’agit de travailler la musique comme la terre, avec ses mains, son corps et de nourrir ce limon d’un imaginaire qu’il faut muscler sans relâche pour «résoudre les difficultés» et «vivre le rêve». VÉRONIQUE LEBLANC
Geneviève Létang présentera au festival de Phalsbourg, du 20 au 24 juillet, «De la musique avant toute chose», un spectacle créé avec le comédien Alain Moussay où la harpe dialogue avec la poésie. Une autre tournée, voix et harpe en perspective, cet automne, en Picardie et à Paris cette fois. Avec le baryton JeanMarc Salzmann.
www.ensemble-linea.com 20
Robert Arbogast L’évidence hospitalière
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Trois ans au Canada, à l’Institut de Cardiologie de Montréal. 5 ans aux USA à UCDavis et UCSF. Puis back to France. Jusqu’au NHC de Strasbourg. Un poste de responsable d’une unité de cardiologie interventionnelle à la clé. « Côté matériel, vous aurez tout ». La Rolls de la médecine. « Par contre, pour le poste de secrétaire, démerdez-vous, faites ce que vous pouvez ». L’histoire du logiciel Unimed, développé par Robert Arbogast, part de là. De ce « démerdez-vous », faute de crédits en personnel. L’idée d’Arbogast : développer une interface semi-automatique qui permettrait à chaque médecin de rédiger lui-même en à peine quelques minutes le compte rendu à la sortie du bloc. Résultat : plus de perte d’actes, donc autant de gains financiers pour la structure hospitalière. Et un avantage corrolaire de taille : la réactivité. En étant transmis directement depuis le bloc au médecin référent, l’hôpital abaisse ses délais de transfert et encourage le référent à lui envoyer de nouveaux patients plutôt que de les orienter vers des cliniques privées.
Plus qu’un simple logiciel, un véritable outil de gestion hospitalière qui permet en plus d’ouvrir un dialogue entre le médecin et la direction de l’hôpital qui peut adapter sa gestion au regard des statistiques répertoriées. Ou encore à l’Agence régionale de Santé d’ajuster ses financements et ses stratégies sur la base de données fiables. Déjà, une version anglophone est en préparation et l’hôpital le plus actif du MoyenOrient est sur les rangs. Sans doute parce qu’Unimed s’affirme progressivement comme une évidence, mais qu’il fallait encore réaliser... Charles Nouar
Aujourd’hui, plusieurs centres hospitaliers ou encore le CHU de Lyon ont adopté la plateforme, qui reste modulable à souhait et comporte encore bien d’autres fonctionnalités : descriptif complet des actes, leur fréquence, quelle provenance des patients, quelles maladies, total des dépenses engagées, coût par patient, etc.. 21
CAPUCINE VANDEBROUCK
JE DÉTOURNE LES NORMES
Simultanément, au CRAC Alsace : Capucine Vandebrouck, Project Room n°10 Exposition avec Vanessa Safavi et Luca Francesconi 18 rue du château, 68130 Altkirch du 13 juin au 16 septembre Simultanément, au Musée Théodore Deck à Guebwiller : Capucine Vandebrouck Exposition monographique « Contre Emploi » 1 rue du 4 Février, 68500 Guebwiller du 28 juin au 3 septembre
www.capucinevandebrouck.fr 22
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« Sans titre », 2012 - plexiglas irisé et pierre d’amiante inactive Arrivée à Nancy à l’âge de huit ans mais originaire du nord de la France (son nom la trahit, forcément…), Capucine Vandebrouck est strasbourgeoise depuis sept ans. Jeune (26 ans) diplômée de l’Ecole supérieures des Arts Décos, elle s’est résolument orientée vers la sculpture et elle exploite la multitude de possibilités que lui réserve ce médium. « J’en joue en véritable explorateur » avoue-t-elle. « Je compile énormément de matériaux divers, je jongle avec les gestes, l’espace, les processus… J’utilise beaucoup de plâtre, de béton, de résine et de matériaux industriels… Capucine conçoit ses objets comme des multiples, sans limite de quantité. Elle ne crée pas de forme mais utilise celles existantes, les reproduit, les multiplie, les dérange, les ordonne… Souvent, elle parle de « détournement de normes « (c’est sans doute pourquoi Or Norme est arrivée à elle…) : comment les déplacer hors de leur contexte pour leur conférer un autre sens ? Capucine cherche à créer un déplacement d’usage et de situation de l’objet afin de lui attribuer une vocation plus contemplative ou documentaire, comme s’il s’agissait de destituer l’objet de son aspect purement fonctionnel afin de mettre en avant ses qualités formelles. « Je revendique une vraie pratique du geste » finit-elle par nous confier. « Je suis attirée par des gestes simples et élémentaires, des gestes qui viennent naturellement à moi, d’autres que j’engage spontanément. Le moment donné se matérialise très momentanément dans mon travail, son existence est quasiment précaire… »
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« Les mouchoirs », 2012 - résine et mouchoir
c
Le talent de la jeune sculptrice strasbourgeoise n’a pas échappé à l’œil des spécialistes : elle vient à peine de terminer une exposition à SaintRémy dans l’Aveyron qu’elle bénéficie d’une Carte Blanche au musée Théodore Deck à Guebwiller jusqu’au 3 septembre prochain. Elle l’a nommée « Contre emploi ». C’était évident…
Erika Chelly
« Sans titre », 2012
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Tous les reliefs de
LA CATHÉDRALE
Déjà possesseur d’un catalogue de documentaires de premier ordre, la société de production strasbourgeoise Seppia met la dernière main à un film de 90 minutes en 3D sur la cathédrale de Strasbourg. Il sera visible à la fin de l’année… Cédric Bonin
« Ce film en 3D sur la cathédrale est née d’une double idée interne » précise Cédric Bonin, le jeune (35 ans) co-gérant de Seppia. « Un architecte strasbourgeois, Stéphane Pottier, a réalisé une modélisation complète du monument pour le compte de l’Oeuvre Notre-Dame. La précision, pierre par pierre, s’est révélée diabolique. Un travail réellement exceptionnel. De notre côté, nous étions intéressés par une commande d’une œuvre contemporaine sur la cathédrale, dans le cadre de l’Expo Strasbourg 1400. Après avoir grimpé à l’intérieur de la flèche du monument, nous l’avons équipée d’une énorme boule de lumière ciné qui produit un éclairage très puissant. Cette lumière qui montait à l’intérieur de la flèche a révélé tous les détails de l’architecture. Cette vision a fait naître un projet plus ambitieux. Avec Marc 24
Jampolsky, un réalisateur que nous connaissons bien, nous avons décidé de proposer le film en 3D. Et, pour faire bonne mesure, nous n’avons pas hésité à proposer un docu-fiction… On y verra donc les bâtisseurs de la cathédrale, ces hommes qui, sur deux siècles, ont donné le jour à un des phares de la chrétienté. Le titre de notre film était tout trouvé : ce sera « Le Défi des Bâtisseurs ».
… Et le défi des producteurs « Il a fallu un temps fou pour monter le budget » avoue Cédric Bonin. « Il s’agissait quand même de réunir 1 million d’€ et ce n’était pas de trop pour 25 jours de tournage, près de 3 mois de montage et 3 mois de post-production (le budget moyen d’un documentaire en France se situe autour de 150 000 € -ndlr). Les gens qui maîtrisent la technique 3D sont très peu nombreux, vous savez… L’équipe est cependant composée de 80% de gens de la région, c’est une grande fierté pour nous car nous avons failli être victimes de ce que j’appelle le syndrome alsacien. Je veux dire par là que si nous avions été une société parisienne, on nous aurait déroulé beaucoup plus vite le tapis rouge. Il a fallu beaucoup de temps pour convaincre les collectivités locales et régionales de nous aider mais maintenant, elles sont en train de réévaluer leur soutien financier car elles ont enfin compris le rayonnement international de ce film.
Il est déjà vendu en Australie, en Argentine, au Canada, en Thaïlande et en Tchéquie. Il nous reste quelques mois de travail d’ici le 8 décembre, date de sa sortie. Ça sera chaud mais nous serons prêts le jour J » conclut cet Alsacien d’adoption, avec la petite flamme de la passion qui brille au fond de l’œil. TEXTE : JEAN-LUC FOURNIER PHOTOS : SEPPIA
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LES SALES GOSSES Juste exceptionnel !
Si la restauration n’échappe pas aux travers de l’époque actuelle, la fatalité de la standardisation n’est cependant pas inéluctable. La preuve avec « Les Sales Gosses », un des restaurants les plus inventifs de Strasbourg qui, saison après saison, offre une carte de produits frais remarquable, tout en maintenant des prix très raisonnables… C’est l’histoire de deux amis qui ont partagé des tonnes d’heures à travailler pour nombre de restaurants strasbourgeois avant de réaliser leur rêve : posséder leur propre établissement. Et le hisser, quatre ans plus tard, très haut dans la hiérarchie de la qualité strasbourgeoise.
LES SALES GOSSES 56, boulevard Clémenceau 67000 STRASBOURG 03 88 25 55 44 26
Arnaud
Fabrice a 40 ans. « Mon domaine, c’est la cuisine, point. Là, je donne le meilleur de moi-même. Pour le reste, c’est Arnaud qui s’occupe de tout… » Arnaud, donc. 30 ans et un art consommé de l’accueil et de la disponibilité pour les clients. « Les Sales Gosses, c’est notre bébé. De toute façon, après autant de temps passés ensemble dans tant d’établissements, on ne se serait pas lancé dans cette aventure l’un sans l’autre ». Parlons-en, de l’aventure. Outre une déco anis et chocolat, parsemée de dizaines de touches de couleurs chaudes, « Les Salle Gosses » (autobiographie ?) proposent une carte thématique qui change tous les deux mois, immuablement. Un choix entre six entrées, six plats (dont trois viandes et trois poissons) et des desserts maison. Actuellement, et jusqu’à fin juillet, c’est la Méditerranée qui est à l’honneur. Parmi les choix d’entrée, des seiches et supions en escabèche aux aromates et un divin de chez divin toast au lard de Colonnata (une splendeur rare !). Côté plats, un carré d’agneau rôti au jus ou une bourride sètoise avec une lotte rôtie exceptionnelle. Et, fin du fin, en dessert, un incroyable clafoutis aux abricots, réellement (on insiste, réellement) à se damner. Pas de mystère côté secrets de cuisine. Des produits frais, tous cuisinés du jour. Ça devient rare, une démarche pareille. Pour le reste, que dire ? Rien, l’endroit est juste exceptionnel et sa qualité est constante depuis des années. Erik Schelly (Pour couper court à toute ambiguité, ceci n’est pas un publireportage, comme on en voit tant par ailleurs. C’est juste un coup de cœur… Or Norme, que nous souhaitions vous faire partager)
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Dan Leclaire
Tantôt dans la peau d’un serveur impertinent, tantôt dans celle d’un faux conférencier ou de déstabilisateur d’équipe à une heure à peine de la tenue d’un important séminaire, Dan observe, analyse le public choisit par le big boss ou la DRH. Et, l’illusion passée, livre ses conclusions, analyse les comportements, les forces et les faiblesses réactionnelles et organisationnelles de son « auditoire ». Avec, vis-à-vis de ses clients, une seule exigence à la clé : ne jamais stigmatiser mais partir de cette expérience pour, tout comme lui quelques années en arrière, mieux avancer et rappeler que l’illusion managériale n’est pas toujours celle que l’on croit.
La plus grand tour de Dan Leclaire n’est peut-être pas celui que l’on croit : celui d’avoir su conquérir les plateaux télévisés de France, les salles de Vegas ou d’Asie à coup d’illusionnisme. Ni d’avoir réussi à croiser deux bretzels, tels des anneaux de magicien, suite à un défi lancé il y a quelques années de cela par Gérard Majax himself. Non, le plus grand tour de Dan Leclaire est sans doute d’avoir su mettre l’illusionnisme au service de l’entreprise. Allié à la psychologie comportementale, son art est aujourd’hui recherché de nombreux DRH ou grands étoilés. Majax, lui avait dit : « Démarque toi, ne fais pas comme tout le monde », lui, que son père imaginait boucher-charcutier -un métier d’avenir, jugeait-il. Restauration, boucherie, grande distribution, magicien amateur à l’occasion de fêtes de familles, Dan Leclaire mit un certain temps à se sortir d’une illusion sociale qui ne lui correspondait pas. La rencontre avec Majax fut certes un déclic sur le plan de la magie. Mais elle le fut aussi bien au-delà : « Cela m’a permis de comprendre que j’avais un instinct créatif, que je pouvais également mettre au service de l’entreprise », analyse Leclaire. « J’ai dû penser à l’envers pour le tour du Bretzel. J’ai dû observer, démontrer, agir sur notre moyen de construire et réagir ». Tout ou presque ce qu’une entreprise doit faire pour rester compétitive, au moins en terme de management d’équipes.
Charles Nouar
En savoir plus :
mindevent.fr
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L’illusionNiste B2B
Sarah Dinckel et le son Herzfeld Herzfeld, «le champ du coeur», un nom «qui sonne alsacien» et rend hommage à John Heartfield, né Helmut Herzfeld, peintre allemand connu pour ses collages antifascistes. Un label folk, pop, électronique qui tient le haut du pavé strasbourgeois. Sarah nous en parle. DR
Plus de place à terrasse du «Troc Café», Sarah Dinckel se résout à l’intérieur mais «près de la fenêtre pour avoir au moins la lumière». 24 ans, de longs cheveux bruns et la voix douce, cette jeune personne assure désormais la coordination du label Herzfeld devenu mythique sur la scène musicale émergente strasbourgeoise. «Tout a commencé vers 2004-2005 - sans moi -» raconte-telle, « de la fusion de «Vergo» et «Antimatière». Les fondateurs d’Herzfeld étaient des musiciens pour la plupart amateurs qui étaient «à côté, profs, architectes, bilbiothécaires...» Sarah y est entrée en 2006 comme musicienne et a ensuite repris le rôle de l’un des fondateurs, Renaud Sachet, parti fonder un nouveau groupe «Luneville» mais toujours membre de l’association. De folk au départ, l’éventail sonore de l’écurie s’est élargi à des musiques plus contemporaines avec des groupes comme « Crocodiles Inc », «Electric Electric» ou bien encore «Roméo et Sarah» dont fait partie notre interlocutrice. «Avec un filtre commun », précise-t-elle, « notre ingénieur du son Vincent Robert et son studio du passage de la Pomme de Pin, sur les toits du Monoprix.» Les musiciens «Herzfeld» ont entre 24 et 40 ans mais Philippe Poirier, fringant sexagénaire, reste de l’aventure en solo après avoir eu «toute une carrière derrière lui dans le groupe Kat Onoma de Rodolphe Burger, et une carrière solo». «Le but du label est de sortir de beaux disques » explique simplement Sarah.
« Quatre albums sont à venir d’ici 2013 : Electric Electric, Thomas Joseph, Original Folks et A Second Of June. Paris, chacun de nous y joue régulièrement. Electric Electric tourne beaucoup, «Original Folks» a été élu album du mois d’avril 2009 et le Herzfeld Orchestra 2e album de l’année 2010 par le magazine «Magic RPM » autre «voix de presse» nationale que les «Inrocks». «On est une trentaine de musiciens qui font leur chemin, pour la plupart avec une sensibilité d’autodidacte». C’est peut-être ce qui donne au label Herzfeld ce son anglophone assez unique, bien à lui, et qui pourrait faire beaucoup de bruit dans les années à venir. Pour découvrir et écouter :
www.hrzfld.com
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RÉGIS
BELLO
JULIE FOURNIER
Notre Fondation universItaire est la première de France
L’Université de Strasbourg, c’est l’excellence à tous les niveaux. La preuve avec sa Fondation qui affiche un superbe bilan à mi-parcours de sa première campagne de levée de fonds. Son Président, Régis Bello, est un homme heureux… La retraite ? « N’y comptez pas… » réplique ce franc-comtois d’origine, manager né (il a terminé sa prolixe carrière professionnelle à la présidence de De Dietrich) qui a répondu à l’appel d’Alain Beretz, le dynamique Président de l’Université de Strasbourg qui était alors en plein processus de fusion des trois exuniversités strasbourgeoises. Bon an mal an, Régis Bello ne compte donc pas son temps pour assurer la réussite de la première campagne majeure de recueil de dons de la Fondation qu’il préside. « À miparcours de cette campagne, en cette fin juin, nous en sommes à 11 M€ de collectés.
C’est un vaste et copieux travail qui est assuré par une petite équipe, autour de Patrick Llerena, le directeur général, Jean Gagneux, le directeur financier et trois chargés de missions, Alice Couegnas, Stéphane Heitz et Christophe Larroque qui rencontrent les donateurs sur le terrain. » Derrière les deux donateurs principaux (AXA : 2,25 M€ pour le Chaire de Chimie et les laboratoires Pierre Fabre : 1,5 M€ pour les travaux doctorants en pharmacie), ils sont plus de 500 donateurs (dont 85% de particuliers) à s’être laissés convaincre de doter l’UDS de fonds capables de financer son développement et son audience. « Notre boulot est justement de faire toujours mieux connaître l’UDS, ses enjeux et ses succès, nos deux Prix Nobel, par exemple ou encore le fait que nous sommes en pole position pour bénéficier des effets du Grand Emprunt national. » Le prochain objectif visé par Régis Bello et ses équipes : « Le développement de relations très étroites avec les anciens de l’Université de Strasbourg. Si on veut que la Fondation atteigne ses objectifs à long terme, les anciens doivent prendre le relais. ». Jean-Luc Fournier
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Albert
Dubler pour une architecture responsable Albert Dubler court le monde de l’Afrique à l’Asie en passant par le Sommet de la terre Rio + 20. Il préside l’Union Internationale des architectes depuis Strasbourg. Et c’est un bonheur de le rencontrer.
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Disert, accueillant, atypique. Albert Dubler est «Or Norme». Depuis son bureau niché quartier gare dans une ancienne usine de chocolat réaménagée, cet Alsacien préside l’Union Internationale des Architectes depuis décembre dernier. Une fonction mondiale pour ce fils d’un maître bûcheron né à Oberhaslach. «Cela m’a sans doute placé dans un certain déterminisme», dit-il, mes racines forestières ne m’ont jamais lâchées». Architecte «pour de vrai», il ne l’est devenu qu’en 1986, à 38 ans, après avoir travaillé comme «nègre» dans un cabinet qui lui convenait. Il a commencé par réhabiliter un bar, une pâtisserie, fort de ses premières expériences et habité de la certitude que l’architecture doit créer des «lieux à vivre». L’écologie, il s’y est «officiellement» intéressé depuis 1996 en créant «Alsace Qualité Environnement» et en publiant, dans ce cadre, un «Guide d’aide à la décision publique sur la qualité environnementale». S’il reste convaincu de la centralité du rôle de l’architecte dans
le développement durable, il voit dans les écoquartiers des «ghettos» et serait d’accord si «une ville disait : je deviens une écoville». «Strasbourg, avec son échelle, est intéressante à cet égard», précise cet architecte toujours amoureux du bois, de la couleur des pierres d’origine de ses bureaux, heureux de construire pour «un ami de trente ans» une «maison dans les Vosges qui regarde la nature» mais ravi de sa nouvelle fonction. Des matinées à répondre à des mails venus de 130 pays, des voyages au long cours en Afrique du Sud notamment, «où les architectes répondent de manière étonnante au passé particulier de ce pays». Il faut l’entendre parler de Karen Smuts, la «Rosa Luxembourg» de l’architecture. Il faut l’entendre parler de tout. C’est foisonnant, décalé, pertinent et impertinent. Son esprit est en escalier... De bois, peut-être capoté d’alu que l’on peut refondre. Un escalier que l’on peut monter et descendre dans le plaisir d’habiter la vie. Son mot d’ordre : l’architecture responsable qu’il préfère au mot « durable », « devenu bateau »… Véronique Leblanc
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WEREYSTENGER l’excellence du plâtre et du staff
WereyStenger, plâtre, staff, gypse... Une des toutes belles entreprises alsaciennes et des chantiers «Or Norme» menés depuis le siège du Neuhof. Paris, Lisbonne, Cologne etc. En champ de mire le Grand International sans oublier une clientèle locale à laquelle la société reste très attachée. «L’amour de la belle ouvrage, une sensibilité certaine à «ce qui est beau» et la certitude que rien n’est impossible». C’est peut-être la recette du succès de l’entreprise WereyStenger installée dans la zone franche du Neuhof d’où elle rayonne en France et dans le monde entier. «Tous les savoir-faire du plâtre et du staff» annonce la plaquette qui déroule les photos de l’Aubette ou la boutique Gucci à Strasbourg mais cite aussi le théâtre municipal de Colmar, l’église des Dominicains de Guebwiller, la synagogue de Mulhouse, les sièges de Areva et de la Holding Bouygues à Paris et, plus loin encore, les boutiques Cartier de Cologne et Lisbonne, l’ambassade de France à Vienne, le Club Med de Kos etc. Des chantiers «Or Norme» auxquels on peut ajouter la Galerie d’exposition du Grand Palais, le décor du restaurant de l’Opéra Garnier à Paris sous la direction de la très contemporaine architecte Odile Deck et la correction de l’acoustique de la rotonde de ce lieu prestigieux. «Tout cela sans jamais perdre de vue notre coeur de métier, la plâtrerie-isolation pour les particuliers», précise Christian Werey, patron de l’entreprise. Il parle en
poète de ce métier. «Avec nos spécialités, on fréquente les plus beaux endroits, non pas en touristes mais de manière intime, on imagine les entrailles de ces monuments exceptionnels, on fait le lien entre passé, présent et futur». Formé par son père dans les années 1970, l’homme avoue une prédilection pour les fastes du XIXe siècle qu’il restaure en collaboration avec les Monuments Historiques et un coup de coeur pour l’Art Nouveau. Mais le contemporain le passionne par l’exigence des normes à respecter, l’ampleur, l’inscription de courbes et de volumes dans l’espace géométrique. «On ne peut se permettre la moindre erreur sur des décors épurés», la restauration est une émotion, la création en est une autre pimentée de défis techniques toujours renouvelés. «Dès que c’est compliqué, on est sollicités !» ajoute Christian Werey. D’immenses chantiers sont en perspective dans des contrées aussi lointaines que prestigieuses mais... top secrets jusqu’à la signature des contrats. Le savoir faire WereyStenger a le monde pour horizon… Véronique Leblanc
www.werey-stenger.com
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Luna moka ambassadrice de charme Pourquoi Luna Moka ? « Luna, parce que petite on m’appelait clair de Lune, et Moka, parce que je bois beaucoup de café », sourit Claire Olry. Sa vocation ? Née à Londres où, suite à une annonce, elle intègre la Polestars, une école de formation aux arts de la dance et de l’effeuillage burlesque. Une discipline perdue de vue en France depuis les années 30 mais particulièrement vivace dans la capitale britannique où, chaque soir, de nombreux bars et cabarets accueillent de jeunes effeuilleuses en herbe. Deux ans durant, Claire les sillonnera, s’y produira. En amatrice, sans grande notoriété locale mais avec une certitude grandissante : le burlesque, la scène feraient progressivement partie de sa vie. À ceci près qu’à son arrivée à Strasbourg, rien : la discipline n’y est pas pratiquée. Nouvelles recherches alors et découverte de l’Ecole des Filles de Joie, basée
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à Paris. Trois mois de cours et d’aller retours les samedis et décision d’ouvrir une franchise dans l’Est, basée dans les locaux d’Extatic, au coin de la rue du Dôme. Aujourd’hui, Luna enseigne entre les deux capitales, française et européenne. A formé une centaine de filles, de celles qui cherchent à dévoiler leurs charmes à celles qui s’inscrivent davantage dans une démarche artistique. Les shows de Luna, aussi s’enchaînent. Croissent au rythme du bouche à oreille et dépassent les frontières. Après Paris et Strasbourg, la Suisse et le Cabaret Bizarre lui proposent, en octobre, une coproduction entre Bâle et Strasbourg. Un mélange de burlesque, certes, mais aussi de Freaks, cracheurs de feu, marcheurs sur verre, acrobates que l’on imagine tout droit sortis d’une œuvre de Dante. Le tout sur fond musical, un piano, un youkoulélé ou une simple voix pour (r)accords. Jamais loin d’elle, sa grand-mère se dit fière et lui confectionne ses habits de scène. Pour un jour, peut-être, la revoir dans un autre lieu, où Luna nourrit déjà d’autres projets. Cette fameuse scène londonienne, mais cette fois en pleine lumière. Charles Nouar
En savoir plus : lunamoka.com 33
Clara Georgel
Mireille Delunsch La «voie» humaine Mireille Delunsch dit être devenue chanteuse d’opéra « parce qu’elle aime les mots autant que la musique » et l’on mesure à l’écouter combien elle en est à la fois avare et prodigue. Comme une peur de les voir s’envoler sans être reçus à leur juste mesure. Née à Mulhouse, formée à Strasbourg, cette blonde soprano, vit désormais dans l’Ouest de la France, en pleine campagne, pour pouvoir chanter « sans gêner le voisinage » mais de sa terre natale, lui manque « surtout » la mélodie de l’alsacien, l’humour un peu frondeur attaché à la langue et la « liberté de parole » d’un Tomi Ungerer « qu’elle adorerait rencontrer ». Mireille Delunsch est une vivante et une vibrante, un de ces êtres qui ne se nourrissent que de beauté. « Je jardine, je tricote, je brode », dit-elle, « pour moi, une journée sans création est une journée perdue ». Elle écrit aussi, des poèmes déjà publiés. Et elle rêve de « parler de son métier de manière romanesque ». Cantatrice internationalement reconnue, elle a présenté en mai dernier, au musée Wurth d’Erstein, le monologue de « La Voix humaine » dont Francis Poulenc écrivit la partition.
« J’y mets toute mon âme et je ne sors indemne d’aucune représentation », ditelle. Un investissement total qui passe par la voix et le jeu du corps en entier, un don de soi dans la fulgurance de l’instant musical. Mireille Delunsch a été Dona Elvira dans « Don Giovanni » de Mozart, en juin, à l’Opéra de Bordeaux et, en février 2013, elle signera la mise en scène du « Dialogue des Carmélites » de Poulenc pour le même lieu. « J’ai un imaginaire très visuel, dit-elle, et l’envie de m’intéresser au mouvement dans l’opéra. » Un défi de plus ? Non, plutôt l’évidence de devoir aller toujours plus avant dans la quête d’une beauté à créer et à recréer dans l’éternité de l’instant.
www.mireilledelunsch.com VÉRONIQUE LEBLANC
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J’ai piloté un Boeing 777
(enfin, presque…)
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Au sein même de l’aéroport d’Entzheim, Flight Adventures propose une expérience rare aux apprentis-pilotes et plus généralement à tous ceux que le pilotage intrigue ou… inquiète : prendre les commandes d’un Boeing 777, décoller, voler et atterrir. Nous avons testé ce simulateur de vol pour vous : les sensations sont réellement bluffantes…
D’abord, il y a un briefing tout ce qu’il y a de plus sérieux : des explications sur les différentes commandes de l’avion star de la gamme du constructeur américain prodiguées par Steve, tout juste diplômé de l’Ecole nationale de l’aviation civile (ENAC) et qui, en attendant de signer son premier contrat de pilote avec une vraie compagnie, a accepté les propositions de Flight Adventures à Strasbourg. Passage en revue complet des procédures, points particuliers à surveiller, et plus généralement checking complet du vol qui nous attend. Il sera sans surprise mais, au passage, on n’oublie pas de nous signaler que ce simulateur est capable de programmer un vol long courrier, pannes éventuelles comprises…
comme dans un véritable cockpit
Les choses deviennent véritablement sérieuses quand on s’asseoit sur le siège de gauche, celui du commandant de bord. Là, on comprend tout de suite qu’on n’a pas affaire à un simple jeu vidéo ou autre. Nous sommes réellement dans le cockpit d’un Boeing 777, reconstitué au millimètre près et, très vite, pendant que les explications de Steve se poursuivent (il sera à nos côtés en permanence sur le siège de droite, celui du co-pilote), on oublie le simulateur. Bref, on est dans un véritable avion, prêt à s’envoler. Le programme du jour : décoller de l’aéroport de Nice pour un vol d’une demi-heure et atterrir sur ce même aéroport. L’avion est déjà dans l’axe de la piste et, à travers le hublot mais, en réalité sur l’écran panoramique, on reconnaît sans problème (pour peu qu’on ait déjà réellement atterri ou décollé de l’aéroport Nice-Côte d’Azur) tout l’environnement, … mer Méditerranée comprise. Une fois solidement sanglé, check-list complète avant le décollage : tout comme un commandant de bord chevronné, j’énonce les divers items. Mon co-pilote confirme à chaque fois avec, en fond sonore, le bruit des moteurs qui tournent au ralenti. Puis la tour nous autorise à décoller. Sincèrement, à ce moment précis, on est dans un vrai avion et on sent la pression qui monte : c’est du sérieux, on va devoir réellement arracher les 300 tonnes de l’appareil. Pas la moindre envie de déconner…
n’en tiens pas compte : là, j’ai l’œil rivé sur les instruments et, en même temps, sur la piste qui défile devant moi. J’attends maintenant l’ordre de Steve pour faire s’envoler le joujou. La vitesse de décollage est atteinte, on y est : je tire doucement d’abord, puis fermement ensuite, sur le manche et… l’avion s’envole. Ca grimpe à bonne allure, avec une impression de poussée assez phénoménale. À travers les vitres du cockpit, l’illusion est parfaite : nuages qui s’effilochent devant nous, ciel bleu au-dessus, ça grimpe, ça n’arrête pas de grimper… On rentre le train et on perçoit le bruit caractéristique que les utilisateurs fréquents connaissent bien. Sauf que là, c’est moi qui l’ai rentré, ce train… Virage manuel à gauche : les commandes ont une inertie formidable. On comprend très vite qu’elles sont réellement programmées comme dans le véritable Boeing 777. Il faut exercer une pression lente et mesurée, constante, appliquée. L’engin réagit au doigt et à l’œil. Magique ! Le virage terminé, on enclenche le pilote automatique après avoir fixé le cap. D’un coup, le corps se détend et c’est là qu’on comprend que les quelques minutes qui viennent de se dérouler n’ont pas été anodines : la tension nerveuse, la concentration, la rigueur et l’application ont été bien réelles. C’est incroyable, cette sensation là…
JE PILOTE ! C’est le moment. La double poignée de gaz est poussée en position médiane et, tout de suite, on reconnaît le bruit caractéristique de la poussée des moteurs. Et l’avion se met à rouler. Vite, de plus en plus vite… À ce stade, les deux pieds sur les palonniers ne servent qu’à maintenir l’avion dans l’axe de la piste. Le paysage défile mais je 37
J’ATTERRIS On vole maintenant au-dessus des montagnes de l’arrière-pays niçois. On est à peu près à 3000 pieds (1000 mètres). Toujours sous pilotage automatique, je regarde en bas : le ruban d’une rivière (le Var, sans doute) scintille sous le soleil. La précision des détails est superbe. Mais mon co-pilote ne me laisse pas le temps de rêvasser. Il faut se préparer à l’atterrissage. Il se fera en mode ILS, c’est à dire aux instruments. Large et long virage sur l’aile en même temps que l’avion perd peu à peu de l’altitude. C’est dingue cette impression d’être réellement aux commandes ! Au passage, je reconnais le Cap d’Antibes sur ma gauche. Je souris intérieurement en pensant à un ami qui habite un appartement là-bas et que j’ai déjà entendu des centaines de fois pester contre ces damnés avions qui passent si près…
C’est dingue cette impression d’être réellement aux commandes ! Mon co-pilote me prévient : il va falloir que je déconnecte bientôt le pilotage automatique pour atterrir en manuel. Je ne distingue pas encore la piste mais je sais, grâce aux instruments, que l’avion s’aligne. Ça descend toujours, régulièrement, majestueusement même. L’œil rivé sur les repères électroniques qui confirment mon bon positionnement et ma bonne assiette, je sors le train quand j’arrive en vue de la piste. Et je parviens, tant bien que mal, à conserver à peu près l’alignement. Sauf que, si attentionné sur la piste qui se rapproche très vite, j’ai alors négligé un tantinet l’assiette de l’avion. Il me faut redresser un poil brusquement. Enfin, un poil, c’est moi qui pense ça car, plus tard, on me dira qu’une telle manœuvre aurait semé « un peu » la panique parmi les passagers. Humilité, humilité… Je finis par poser le 777, à peu près droit mais trop violemment. ça freine, ça freine, le cockpit pique définitivement du nez et l’avion s’arrête de rouler. Mais dans l’axe de la piste, j’insiste ! Bon, c’est mon premier vol, vous n’allez quand même pas m’engueuler, les gars. L’essentiel est qu’on soit arrivé à bon port, non ?
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Puis, soudain, on revient à la réalité. Derrière nous, la porte s’ouvre. Et on se retrouve… le centre de Flight Adventures ! Fin du vol, fin de l’illusion mais quelle illusion ! J’ai réellement piloté un Boeing 777. Enfin, presque… Mais c’était grisant et parfaitement réaliste. Une sacrée expérience ! TEXTE : JEAN-LUC FOURNIER PHOTOS: AUDE MULLER
FLIGHT ADVENTURES 400 000 € ont été investis par la société familiale gérée par Gilles Grégoire (42 ans). Après quinze années passées à très haut niveau dans l’industrie (« je passais mon temps dans les avions » préciset-il malicieusement), le fondateur de Flight Adventures a choisi de concilier sa passion de l’aéronautique (il est lui-même pilote) avec son activité professionnelle. Le concept Flyght Adventures a été importé de Vancouver et le simulateur a été fabriqué à Toronto. Il s’adresse au grand public (pour le fun) et sera ouvert dès l’automne prochain aux entreprises désireuses de gérer la motivation et le sens de la responsabilité de leurs personnels, notamment « la prise de décision sous stress ou environnement dégradé ». Autre innovation très intéressante : les voyageurs aériens qui souffrent de la peur de l’avion pourront aussi trouver dans le cockpit du B777 la maîtrise d’euxmêmes qui leur manque quand l’avion (le vrai) quitte le sol… Gilles Grégoire
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LA CONVERSATION
AMOUREUSE
À quoi tient notre propre vie? À quoi tiennent d’autres vies, celles de ceux qu’on aime ? À presque rien. Quelquefois, on parle de miracle quand les portes de la mort sont presque franchies mais que la vie ne cède rien et finit par s’imposer. Ce miracle n’en est pas un, pas tout à fait. Quelque chose, comme un souffle léger, a éloigné le néant. Ce quelque chose, quelquefois, c’est l’amour...
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« Une larme m’a sauvée » est le titre du livre d’Angèle Lieby. La Schillickoise, avec l’aide d’Hervé de Chalendar, journaliste au journal « L’Alsace » le quotidien haut-rhinois, y raconte son calvaire quand, victime d’une maladie très rare, elle s’est retrouvée comme enfermée dans son propre corps, vivante, éveillée (très éveillée…), percluse de douleur, entendant tout mais dans l’impossibilité de communiquer quoique ce soit à son entourage familial et médical. À un moment, persuadé de l’irréversibilité du coma, les médecins ont même suggéré à son entourage l’idée de hâter sa fin en débranchant les appareils…
Mais Raymond, le mari était là. Et il n’a pas accepté. Avec sa fille, il a veillé son épouse et tous deux ont diffusé opiniâtrement le seul remède qu’ils possédaient : l’amour. Et un jour, une larme a coulé au coin de l’œil d’Angèle Lieby. Elle est sortie de ce coma improbable, elle a survécu, et, trois ans plus tard, elle ne cesse de témoigner…En retrouvant Angèle et Raymond Lieby dans leur appartement de Schiltigheim, nous découvrons un couple lumineux qui diffuse autour de lui une belle atmosphère. Presque trois ans ont passé depuis le drame qui a bouleversé leur vie et qu’Angèle raconte dans son livre. À écouter cette femme martyrisée qui a connu un véritable enfer (tout à fait consciente, ressentant les douleurs dues à la brutale maladie qui l’a frappée, elle entendait le moindre mot, ressentait les présences autour d’elle mais, pendant de longues journées, ne pouvait faire le moindre geste ni exprimer la moindre émotion, comme verrouillée à double tour dans son propre corps), on se pince pour croire à ce voyage au fond de l’horreur et du désespoir. Car Angèle explose aujourd’hui de vie, sourit, plaisante, se met en quatre pour nous servir la bonne tasse de café qui va bien. Elle n’est pas encore tout à fait remise de son calvaire mais celui qui ignore ce qui s’est passé ne peut rien deviner. À ses côtés, Raymond, « Ray », son mari, devenu aujourd’hui quasiment son propre attaché de presse tant les sollicitations viennent de toutes parts, veille sur elle…
100 000 exemplaires ! Depuis la sortie du livre il y a deux mois, l’éditeur « Les Arènes » n’en revient pas. On peut parler sans risque d’être contredit d’un véritable phénomène d’édition. Un premier tirage prudent (18 000 exemplaires, la norme pour ce type de document) a été épuisé en un clin d’œil. Aujourd’hui, ce sont 100 000 exemplaires qui ont été imprimés et il est fort probable qu’ils seront tous vendus dans très peu de temps. Angèle Lieby analyse sereinement ce phénomène : « Je crois que mon témoignage touche beaucoup toutes sortes de gens. C’est parce qu’ils s’y retrouvent, parce qu’ils comprennent instinctivement que n’importe qui, donc eux-mêmes, peut être du jour au lendemain concerné par ce qui m’est arrivé. Beaucoup de lecteurs m’écrivent, sur Facebook ou ailleurs, surtout des femmes d’ailleurs. Tout ce qu’ils disent est extrêmement touchant et sincère. Au final, je crois que le livre génère de l’espoir et délivre un message essentiel : quand on est très mal, même aux portes de la mort, tout reste possible. Je suis revenue de ce néant, c’est un fort message d’espoir pour tous. » Ray écoute Angèle, assis près d’elle. Pour les avoir côtoyés à plusieurs reprises ces derniers mois lors de quelques interviews publiques, nous pouvons témoigner de l’extraordinaire relation qui unit depuis longtemps ce couple. Dans les yeux de Ray, dans son attitude aussi, il y a un immense amour pour son épouse qui transpire à chaque seconde. Ray protège Angèle de la plus belle façon qui soit : discret mais attentif, toujours présent mais à la juste distance. Il y a un fil invisible d’une robustesse totale qui les relie. Ray sans Angèle est un homme seul et qui manque d’oxygène. Angèle sans Ray : le concept ne peut même pas exister…
Ray reste lucide sur le succès incroyable du livre : « Le malheur attire toujours une certaine curiosité, c’est comme ça. Mais avec une fin tragique, il ne se serait pas vendu autant. Le bouche-à-oreille a été l’élément majeur de la diffusion du livre. C’est incroyable, les gens l’achètent par trois pour en faire cadeau à ceux qu’ils aiment. Je crois aussi qu’ils sont très impressionnés par le caractère et la force dont Angèle a fait preuve… »
Cet amour-là Nous passons ensuite quelques minutes à les écouter nous parler du flot de sollicitations médiatiques qu’ils doivent tous deux gérer depuis la sortie de l’ouvrage. Deux voyages hebdomadaires à Paris, en moyenne. Les télés, les radios, les journaux, les magazines…La pluie de questions, les journalistes « people » qu’il faut maintenir à bonne distance, certains autres confrères qui ont plus ou moins manqué de tact… La mise en lumière médiatique n’est pas un long fleuve tranquille. Puis, soudain, parce qu’ils sont en confiance, c’est une véritable conversation amoureuse qui s’engage. Ils sont là, à quelques centimètres l’un de l’autre, et ils se parlent plus qu’ils ne nous parlent. Nous reproduisons cette conversation telle quelle, car c’est un moment de vie exceptionnel qui ne supporterait pas le moindre commentaire…
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Angèle : « Ce qui m’est arrivé est très méconnu. Je devais être à peine la quinzième personne au monde à revenir de ce cauchemar. Mais cette statistique ne veut rien dire. Des milliers et des milliers de personnes ont disparu définitivement, mais combien étaient dans mon cas ? Aujourd’hui, je ne supporte plus d’être endormie. Je suis heureuse d’être en vie mais je repense à tous ces moments de douleur atroce où je me disais en moi-même : mais pourquoi ils n’arrêtent pas ? Je n’ai pas d’avis sur l’euthanasie mais je comprends bien les deux options… Ray : Si tu avais pu le faire toi-même, tu l’aurais fait ? - Oui - C’est égoïste, non ? - Je ne sais pas comment j’ai fait pour surmonter ça. Si ça devait arriver à quelqu’un de proche, je saurais ce qu’il doit endurer pour tenir le choc. C’était une souffrance inaudible, même pour toi… Je suis là aujourd’hui et c’est si merveilleux mais c’est impossible de tirer un trait là-dessus. Il fallait que je revienne. Peut-être pour pouvoir te le dire haut et fort !.. - Tu as dû prier, intérieurement… - J’ai prié tous les Dieux possibles car je n’étais pas sûre qu’il n’y en ait qu’un seul… Au cas où… En fait, je suis revenue à la vie grâce à beaucoup de choses. Tout aurait pu s’arrêter après 57 années de vie. J’en ai 60 maintenant, et je suis toujours là… - Tu es une jeunette… - Tu me dis toujours : tu verras quand tu auras mon âge, toi qui a à peine quelques mois de plus que moi… - Moi, je me rappelle que même avant la maladie, tu as toujours eu une forme physique et une force de caractère au-dessus de la moyenne… - On a toujours été très amoureux l’un de l’autre. Je suis contente d’avoir pu te le dire, te l’exprimer autant. Je préfère le dire toujours et encore avant que tu ne disparaisses. C’est vrai, rappelle-toi, on s’est toujours dit « je t’aime » toutes les cinq minutes…Ça veut dire que c’est rassurant de savoir que l’autre fera tout ce qu’il lui est possible de faire, quelles que soient les circonstances… - Quand les médecins m’ont suggéré qu’il fallait songer à débrancher les appareils, ça a été un choc indescriptible. Le monde autour de moi s’est écroulé. 44
Pendant quelques heures, j’ai vécu dans une sorte de bulle. Le monde réel, je ne le voyais plus. J’étais complètement perdu… Heureusement, notre fille était là car je me demandais un peu égoïstement ce que j’allais devenir, comment j’allais faire. Toi et moi, on ne fait qu’un depuis toujours. Je ne peux pas être heureux si tu n’es pas heureuse. Si j’ai une demi-heure de retard, il faut que je te téléphone. Je le faisais déjà quand j’avais 18 ans. C’est peut-être un peu vieux jeu tout ça, mais c’est comme ça entre toi et moi et ça dure… - Tu as refusé qu’on me débranche. Tu t’es battu pour ça avec notre fille. Tu n’as rien lâché, rien ! Tu n’as pas accepté. Je t’imagine bien en train de dire ça au professeur du service et aux infirmières, j’imagine bien le ton que tu as employé, ta détermination. C’est grâce à toi que je suis encore en vie aujourd’hui… - Tous les jours, je me heurtais à un mur. Tous les jours, pendant douze jours de suite, je demandais quand tu te réveillerais. J’ai entendu des centaines de fois la réponse : on ne sait pas… Pendant douze jours, j’ai parlé à une personne inerte… - Mais tu aurais dû me dire, reviens, reviens ! Je sentais que tu étais là. J’entendais tes pleurs, tes mots, mais rien ne pouvait sortir de ma bouche et de mon corps… - Ma seule obsession a été de te donner de l’amour, tout l’amour que je pouvais, sans compter mais chaque soir, de retour chez nous, je plongeais. Je me rappelle : c’était l’été. Je rentrais à pied pour
décompresser un peu. Il y avait tous ces gens sur les terrasses des bars ou des restaurants, ces gens heureux… C’était terrible. - Et moi, pendant que tu étais avec moi dans la chambre d’hôpital, j’avais envie de te crier : je suis vivante, je suis vivante, je suis là, je n’ai rien ! Et je me disais : il va bien le voir, ce n’est quand même pas possible qu’il ne le voit pas ! J’ai même entamé un dialogue intérieur avec toi et aussi quelques autres personnes qui sont venues me voir. C’était le seul moyen que j’avais pour exister quand même là où j’étais. Heureusement, à un certain moment, il y a enfin cette larme qui a coulé… - Là, ça a été un moment inoubliable, inespéré ! J’ai été tellement surpris. Et dire qu’une infirmière m’a dit que c’était l’effet du gel qu’on mettait sur tes yeux. Je n’y ai pas cru une seconde… Je me suis dit : ça y est, elle se révolte, elle nous fait un signe, elle revient ! - J’ai entendu tout ça. Cette larme a tout chamboulé. Je me disais : ça y est ! Ils ont vu ! Ils ont vu !! - L’espoir est revenu très vite. Dès le lendemain, tu bougeais un doigt. Puis tu as ouvert un petit quart de ton œil… Je me souviens de ce que j’ai pensé en rentrant
ce soir-là. Je me disais : attention, pas de faux espoirs. Mais je savais que tu venais de franchir une étape importante. Il y en a eu bien d’autres, depuis…Notre relation s’est encore renforcée ensuite. J’étais le seul à pouvoir communiquer avec toi… Au début, tu te rappelles, tu m’épelais l’alphabet en appuyant sur ma main, tu me dictais tes mots !... - Et chaque fois que je sortais un mot, c’était un vrai bonheur pour moi que tu le comprennes. On communiquait de nouveau, c’étais fantastique… - Je savais que le chemin serait très long. Tu repartais de zéro. Même si on m’avait dit que la myéline qui gainait tes nerfs mettrait un, deux, cinq ou dix ans pour se reconstituer parfaitement, je n’ai jamais eu le moindre doute. Je savais que tu reviendrais et que tu te battrais formidablement. Que c’était juste une question de temps… - Tu étais là tous les jours et tous les jours, j’avais un peu plus le sourire. Alors que je pouvais même pas encore me lever. Tu as été formidable… - Quand on arrive à l’hosto, il faut laisser tous ses problèmes dehors. Il fallait que je te donne toutes les ondes positives possibles alors c’était impossible que j’arrive près de toi avec mes soucis…Mais je me rappelle bien avoir pensé plusieurs fois : mais au fait, qui prend des nouvelles de moi, qui me demande comment je vais ? Personne… Alors, je m’acharnais à ce que tout se passe bien, que tu n’aies aucune inquiétude pour moi… Jusqu’à ton retour chez nous. - Quand je suis rentrée, je me suis mise immédiatement à pleurer. Je ne me rappelais plus de rien, même pas de ce qu’il y avait dans mes armoires. Je revenais d’un ailleurs mystérieux, je m’effrayais au moindre coup de klaxon en bas dans la rue, je revenais d’un KO complet… - Quand ta rééducation a commencé, tu m’as encore étonné. Tu t’es acharnée à en faire toujours plus qu’on te demandait. On te disait de faire une demi-heure de vélo en salle et tu allais jusqu’à trois quarts d’heure, une heure… - Je savais que ça ne reviendrait pas comme ça, tout seul. Il fallait que je me batte. Ça ne repose que sur soi à ce moment-là. Chaque geste, chaque muscle qui se renforce te ramène vers une vie normale. Personne d’autre ne pouvait m’aider. - Après avoir lu toutes ces étapes dans ton livre, les gens aujourd’hui t’encouragent, te souhaitent une longue vie. Des médecins t’écrivent, des infirmières aussi, ils témoignent tous de la même chose : ils ne regarderont plus jamais
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une personne dans le coma de la même façon. Cette prise de conscience qu’on remarque dans le milieu médical, c’est peut-être ta plus grande victoire… - Pour moi, la vie est belle, merveilleuse. J’en savoure chaque moment, les petites comme les grandes choses. Me lever, respirer, marcher, boire un verre d’eau.. - Et t’occuper de ton mari… (rires) - Mais oui, bien sûr que oui ! - Et courir les magasins…Et remonter sur un vélo comme tu l’as fait au lendemain de tes soixante ans, le 26 mai dernier. Tu as pédalé pendant cinq minutes. C’était déjà super. Mais dès le lendemain, c’était trois quarts d’heure ! C’est tout toi, ça…
- Il faut garder l’espoir, quoi qu’il arrive et toujours se remettre en question. Ça, c’est la seule leçon qui compte…Enfin, pas la seule, non : il y en a une autre. Rien ne se réalise sans amour. C’est l’amour qui a fait qu’on n’a rien lâché, rien ! D’ailleurs, ne rien lâcher, c’est notre devise. La vie vaut le coup. Elle est belle la vie ! »
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- Et j’en ai même pleuré tellement c’était fabuleux ! Je me disais que c’était déjà pas mal de marcher, alors faire du vélo…
La prochaine ballade en montagne est programmée pour le mois de juillet. Ce sera autour d’un 3000 m, du côté de BARcelonnette. Ce sera avec nos amis marcheurs. Comme avant…
Propos recueillis par Jean-Luc Fournier PHOTOS : AUDE MULLER
LEçONS À aucun moment (et c’est tout à son honneur) Angèle Lieby n’exprime le moindre ressentiment à l’endroit du chef du service de réanimation dans lequel elle a été admise dès qu’elle a été plongée dans le coma profond. Tout juste relate-t-elle les paroles des infirmières qu’elle entendait de là où elle se trouvait, sans pouvoir réagir d’aucune façon… Mais jamais elle n’est dans le jugement et encore moins dans la condamnation ou l’aigreur. Reste que des leçons se doivent d’être tirées de cette aventure hors du commun. Par la médecine et par nous, pour notre propre compte. Le silence officiel des médecins est assourdissant. Nous avons tenté de joindre à plusieurs reprises le chef de service concerné. Mais peine perdue, aucune interview n’a pu être possible. Nous ne désirions pourtant en aucune façon accabler quiconque mais juste comprendre et tenter d’analyser. 46
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La tragédie vécue par Angèle Lieby est relatée en détail dans son livre « Une larme m’a sauvée ».
Faute de cette conversation, nous ne pouvons ici que dire haut et fort à quel point les événements vécus par Angèle Lieby imposent d’urgence une attitude nouvelle des équipes médicales envers les personnes plongées dans le coma ou… semblant l’être. Nous savons bien que la médecine ne peut être fiable à 100%, nous savons également que les équipes d’infirmières, notamment, se dévouent sans compter pour les malades dont elles ont la charge. Nous savons enfin qu’à l’heure où la santé publique est gérée à grands coups de tableurs Excel, de grands pans d’humanité disparaissent parce que la case ad hoc n’existe pas dans la programmation du logiciel…Nous savons tout cela. N’empêche : aujourd’hui, la médecine ne peut ignorer ce phénomène qui, pour être extrêmement rare, existe bel et bien. Grâce au retour à la vie d’Angèle et son témoignage si fort et si bouleversant, nul ne peut plus ignorer que, potentiellement, le coma n’est peut-être qu’apparent et qu’à l’intérieur de ce corps cadenassé par la maladie, un être humain bien vivant et très lucide attend qu’on vienne à son secours. Quelles sont les réponses que la médecine peut désormais apporter, quels pourraient être les nouveaux protocoles à mettre en place pour que plus jamais on ne considère comme irréversible un coma quel qu’il soit ? Nos colonnes restent ouvertes aux réponses des médecins… Une autre leçon est à tirer et elle nous concerne tous intimement. Si une personne que nous aimons tombe un jour dans le coma, veillons-là avec autant de constance et d’abnégation que Raymond l’a fait pour Angèle. Parlons-lui sans cesse et sans cesse, ne doutons jamais qu’elle nous entend et que notre présence et nos mots l’aident infiniment. Entourons-la sans une once de défaillance de tout l’amour tendre et aidant dont elle a besoin. Ne cédons jamais à l’accablement, jusqu’au bout acharnonsnous à l’aimer et à le lui dire, même si nous ignorons vers où vont nos gestes et nos paroles. Cet amour-là n’est inscrit dans aucun manuel ni aucun logiciel. Il est en nous parce que nous sommes des humains et nous n’avons nul besoin de l’apprendre. Nous savons tous faire… JEAN-LUC FOURNIER
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DEMAIN, tous pirates ? « Alsacienne piratée » sur t-shirt noir, « parce qu’Alsace d’Abord n’a pas le monopole de la culture locale ». Matthieu Wiedenhoff peut être fier du parcours réalisé en quelques mois par le Parti Pirate alsacien. Sans moyens, juste par le bouche à oreille, le jeune homme a, tout comme la moitié des candidats pirates alsaciens, dépassé la barre des 1% aux dernières législatives. Le Parti Pirate veut rappeler aux partis traditionnels que le monde a profondément changé avec Internet et qu’il serait peut-être bon d’en tenir compte. Que du libre accès aux savoirs, du partage de la culture, du développement du logiciel libre naissaient l’innovation, les emplois de demain. Alors oui, c’est vrai, le discours est encore un peu obscur pour qui ne baigne pas dans le domaine des nouvelles technologies, mais, en y réfléchissant bien, chacun peut aisément comprendre la partie qui se joue autour des lois Hadopi,
Loppsi, ou du traité anticontrefaçon ACTA sur lequel devrait se prononcer le Parlement européen début juillet. Apple et Amazon ont déjà renversé les grandes majors du disque dans le secteur de la distribution audiovisuelle, faute qu’elles aient su ou voulu prendre le virage Internet. Aujourd’hui, l’industrie culturelle crie au loup – Internautes, fossoyeurs d’artistes ! - et cherche à imposer des mesures de plus en plus répressives pour conserver ses marges sans, bien sûr, rémunérer davantage les auteurs à l’heure du digital et de la baisse de coûts de production. Et ce quand bien même ces mesures entraineraient le filtrage, le blocage et la surveillance généralisée d’Internet, au mépris des libertés fondamentales des citoyens. 49
La démocratie “liquide” C’est pour ces combats que Wiedenhoff a rejoint le parti pirate, dont l’antenne locale s’est créée en octobre dernier. « Une évidence » même si tout reste encore à construire : trouver des financements sur le plan national, se structurer au niveau continental en vue des prochaines européennes, s’accorder sur un programme, au-delà du seul tronc commun, tourné vers la défense des libertés publiques, la neutralité du Net ou la « démocratie liquide ». Un dernier point auquel Wiedenhoff semble particulièrement attaché, et qui permet d’associer directement, via le numérique, les citoyens aux décisions politiques, des propositions d’aménagements urbains au vote sur la répartition du budget des collectivités. Et que le Parti espère là aussi pouvoir défendre lors des prochaines élections locales.
La question très sérieuse des brevets À ceci pourrait s’ajouter la question du renforcement du droit des brevets, freinant toute possibilité d’innovation au sein des TPE et PME, liées par le versement de royalties croissantes à de grands groupes détenteurs de ces droits, quand bien même n’en feraient-ils aucun usage. La propriété intellectuelle, l’accès au savoir sont, dit-on, l’or noir du XXIème siècle. Jusqu’à l’enseignement où toute étude de texte de Martin Luther King à l’école nécessite déjà le versement de royalties aux ayants-droits... Une aberration culturelle, académique mais de plus en plus répandue... Y compris dans le secteur paysan aussi, où, au nom de la propriété intellectuelle, les agriculteurs se voient progressivement interdire de réensemencer d’une année sur l’autre...
Et, qui sait, chemin faisant, bousculer l’ordre établi et suivre la même ascension que ses homologues allemand et suédois... TEXTE ET PHOTOS : Charles Nouar
Tous les moyens ont été bons pour faire connaître l’existence du Parti Pirate alsacien. Jusqu’à un poisson d’avril avec cette photo de la cathédrale de Strasbourg qui a beaucoup circulé sur le net...
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ÉTRANGERS Ce qu’ils attendent de lA France de Hollande DR
Ils sont ingénieur, restaurateur, femme de ménage, de couleurs et de confessions différentes. Un peu à l’image de cette France Black Blanc Beur, fêtée sur les Champs, un soir de 98. Loin de ces coups politico-médiatiques qui n’ont eu, au cours de ces cinq à dix dernières années, pour triste effet que de repeindre un peu plus l’horizon en bleu Marine. Malmenée, karchérisée, louvoyée, la France diversifiée l’a maintes fois été, à coups d’immigration choisie, de circulaire sur les Roms, d’« Auvergnats » stigmatisés, ou d’étudiants étrangers refoulés. Surtout quand deux à trois générations après, on vous demande encore vos papiers... 52
Pourtant, tout n’a pas été mauvais. « En tant que commerçant, mon intérêt penchait pour le président sortant, confesse Mohamed, restaurateur d’origine marocaine. Sur la sécurité, parfois aussi, je comprends la peur. De ceux qui croisent ces gosses, bagues et chaines en or, qui sortent d’une grosse cylindrée, qui ne t’adressent même pas la parole... Vas voir aussi dans les cités... Moi aussi j’ai parfois peur, moi aussi je suis inquiet. Mais au cours de ces dernières années, trop de mal, trop d’amalgames ont été faits ». Parce qu’au-delà de cette triste minorité, « il y a tous ceux dont on ne parlent jamais ». « Tous ces jeunes qui s’en sortent, que tu vois sur les bancs de la fac, au travail. Je n’aime pas les mots assimilation ou intégration. Mais leur exemple est notre plus belle preuve d’intégration ». (Suite page 54)
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ubuesque... Alors oui, côté économique, Mohamed se sentait peutêtre un peu mois hollandais mais parce que de par ses origines il dit être le premier à souffrir de voir ces fossés s’élargir, le changement est loin de lui déplaire. De Hollande, il ne veut aucun angélisme, parce que ce serait nier une part de réalité. Mais peut-être un peu plus de justice et d’équilibre. Un peu comme Mihaela, femme de ménage pour hauts fonctionnaires de 48 ans. Son délit sarkozyste ? De faciès et de nationalité. Roumaine et donc soumise à une liste autorisée de quarante métiers. Exception française au sein de l’Union européenne pour lutter, l’Elargissement passé, contre l’afflux potentiel d’immigrés... Une situation ubuesque pour qui souhaite s’intégrer, et dont le fils de 12 est scolarisé. Alors, en attendant le changement, Mihaela travaille, autant qu’elle peut et que la Préfecture l’y autorise, entre deux allers retours entre les beaux quartiers et un campement sédentarisé.
Charles Nouar
Dimitrios, lui, n’a pas ce souci. Issu justement de ces beaux quartiers, l’ingénieur grec qu’il est ne cesse de voyager avec, pour moteur, sa femme, haut-fonctionnaire auprès des institutions européennes. Passé par Londres, Abu Dhabi, l’homme regarde le monde d’un peu plus près. Regarde du haut de la crise qui traverse son pays une Europe de plus en plus fragile. L’austérité, les plans 54
CHARLES NOUAR
Une Europe de plus en plus fragile
Dimitrios
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Merkel-Sarkozy n’y ont rien changé. Pas plus que le FMI. La Grèce s’enlise et se raidit. Ce qu’il espère de la France de Hollande ? Un peu plus de lucidé et de bon sens. « La Grèce a besoin d’aide, pas de pitié ». Non, « ce qu’il faut, ce sont des réformes profondes, prioritairement dans la gestion du secteur public et la relance de l’outil productif ». Car à défaut de rééquilibrer sa balance commerciale, c’est sa tombe que pourrait creuser Athènes. La croissance prônée par Hollande ? Oui, « mais par la relance de la production, pas de la consommation », parce que sinon on ne fait que reproduire le cycle de la décroissance. « Ce que font les Allemands chez eux est un bon exemple de direction ». Un objectif qui passe aussi par la relance de l’innovation. « N’oublions pas que nous avons pour concurrents l’Inde et la Chine. Le but n’est pas de s’aligner, de baisser les salaires mais de produire mieux, plus efficacement. D’innover et de regagner de l’avance. Mais cela doit se faire dès maintenant, et à l’échelle de l’Union, si nous ne voulons pas, comme la Grèce, commencer à perdre ce modèle social que nous avons mis tant d’années à construire».
PROCOMM
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L’IMMOBILIER À STRASBOURG
De la stabilité, s’il vous plait… Passionnante table ronde que celle que nous publions dans ce numéro 6 de Or Norme Strasbourg. Quatre promoteurs privés s’expriment librement sur la problématique du logement qui est au cœur des préoccupations des Français et des Alsaciens, quel que soiT leur niveau de vie…
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Francis Meppiel est le Président de Édifipierre SAS, société maître d’ouvrage d’opérations immobilières, même complexes, qui vont du résidentiel privé à l’intergénérationnel, en passant par la résidence gérée (Tourisme et Seniors) jusqu’à la production d’immeubles livrées clés en mains à des investisseurs institutionnels. Edifipierre, partenaire des collectivités locales, rayonne depuis Strasbourg sur l’Alsace, la Lorraine, la Franche Comté et la Bourgogne.
Catherine Anstett dirige la société Catherine Anstett Immobilier (Immobilière Rhin-Vosges) depuis sa création, en 1988. Elle exerce aussi une activité d’ingénierie pour assurer la maîtrise d’œuvre des opérations, essentiellement le montage et le développement de petits immeubles collectifs. Elle assure également un mandat au sein de l’Union des Constructeurs Immobiliers de la Fédération française du Bâtiment.
Gérard Bodet, architecte de formation, est le Président d’Alcys Résidences, société qu’il a fondée il y a dix ans. Alcys Résidences produit de 100 à 150 logements chaque année (pour l’accession à la propriété ou pour l’investissement locatif) et privilégie son activité autant dans le Centre-Alsace que dans la Communauté Urbaine de Strasbourg.
Hervé Meyer dirige l’agence BOUWFONDS MARIGNAN IMMOBILIER de Strasbourg. Cette filiale de RABO REAL ESTATE GROUP, groupe RABO BANK est présente en Alsace depuis 8 ans et réalise 150 logements par an à destination des investisseurs patrimoniaux et des acquéreurs de résidence principale.
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Une bulle immobilière ? Francis Meppiel se lance le premier et semble craindre une bulle immobilière qui serait en train de se former sur Strasbourg : « Il faut être extrêmement attentif à ce phénomène car on n’a pas su mettre des opérations sur le marché de façon linéaire, sans à-coup. Il y a un manque de logements évident sur la CUS, alors on a mis en chantier beaucoup d’opérations, notamment sur l’axe Strasbourg-Kehl. Mais quel sera le comportement des locataires ? Les appartements seront-ils loués aussi vite que nous le souhaitent les propriétaires, c’est un véritable point d’interrogation... ». Catherine Anstett confirme cette situation d’un laudatif : « C’est du stop-and-go en permanence ». Hervé Meyer nuance : « Je partage globalement l’avis de Francis, il y a une mise en production évidemment plus conséquente qu’auparavant. Cependant, je ne pense pas que le risque locatif soit à ce point important . On ne fait que rattraper la pénurie, partiellement. Selon moi, le risque de surchauffe n’existe pas. Si le marché se tend du fait de la conjoncture économique globale, les professionnels réagiront en reportant les mises en chantier. Il y a quelque chose de rassurant dans tout ça : en France, on ne suivra pas le mauvais exemple de l’Espagne, on est beaucoup plus prudent et quelque part plus sain : on n’attaque la mise en chantier que lorsque la pré-commercialisation est bien avancée. Pour toutes ces raisons, le risque d’une bulle immobilière ne me paraît pas vraiment d’actualité… »
L’impératif besoin de stabilité fiscale et normative « L’instabilité fiscale permanente que nous avons connue ces dernières années a brouillé les pistes : les investisseurs et les promoteurs n’ont pas pu mettre en place une vraie stratégie d’investissement et donc, de mise en chantier » reprend Francis Meppiel, soutenu là encore par Catherine Anstett : « On change la règle du jeu tous les ans, c’est intenable » et, selon Gérard Bodet « c’est même encore plus rapide aujourd’hui… ». « Cette succession de lois est invraisemblable » confirme Hervé Meyer. « Nous avons besoin d’un véritable soutien à la politique du logement, avec des solutions simples et stables, facilement compréhensibles par l’accédant à la propriété ou le locataire. Il y a des incohérences qui se manifestent par la mise sur pied de véritables « usines à gaz » sur le plan fiscal, comme le prêt à taux zéro par exemple. Les banques saucissonnent l’attribution de crédit en conséquence, alors ça devient vite ingérable. La loi Scellier est la loi la plus simple qu’on ait jamais eue. Elle porte uniquement sur des réductions d’impôt. Pour l’investisseur, c’est facile à comprendre, c’est tangible, immédiatement estimable. Une mesure visant par exemple à réduire la TVA sur la primo-accession, quel que soit le lieu de situation du logement, aurait sans aucun doute des effets bénéfiques sur les achats de résidence principale. Quand on comprend facilement les dispositifs proposés, on se lance plus vite, c’est simple… »
Si les règles du jeu changent en permanence, c’est mission impossible… Les enjeux du secteur du logement Lancés par nos soins sur la politique du logement et ses enjeux, nos quatre interlocuteurs sont là encore unanimes, comme le résume Gérard Bodet : « Il y a évidemment l’enjeu le plus important, qui tient au facteur humain : c’est ce cruel besoin de logements, afin que chacun puisse se loger décemment et plus facilement qu’aujourd’hui, quel que soit le revenu. Mais il y a aussi un autre enjeu et il n’est pas mineur, croyez-moi : c’est le poids économique de l’activité du secteur du bâtiment dans notre région. Des milliers et des milliers d’emplois directs et indirects sont concernés. Et, rien qu’en Alsace, notre activité pèse pour plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires. Ce n’est pas rien… »
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Catherine Anstett évoque le problème du zonage sur la loi Scellier (les avantages fiscaux de ce dispositif, qui prendra fin en 2013, ne sont accordés que si la zone où le bien est érigé est éligible – ndlr). « Nous avons passé beaucoup de temps à alerter les maires à ce sujet pour que leur commune soit dans le zonage. Mais tous ne se sont pas mis en mouvement, certains mêmes ont parié sur l’aspect provisoire de ce zonage… Du provisoire qui dure, on connaît ça en France » note-t-elle un peu malicieusement mais elle ajoute aussitôt, avec regret : « Ne pas être éligible à la loi Scellier est un grave handicap pour une commune aujourd’hui... » Très lucides, les quatre promoteurs privés participant à notre échange de vue reconnaissent d’eux-mêmes « certains aspects pervers » des incitations fiscales à la propriété à but locatif : « On connaît au moins tous
un promoteur qui a profité des aspects très incitatifs de la défiscalisation pour vendre 20% plus cher le m2 à leurs clients investisseurs. Mais Catherine Anstett pointe également du doigt « une certaine perversité des acquéreurs qui ne raisonnent que par les bénéfices fiscaux des opérations, sans trop se préoccuper de la valeur patrimoniale future de leur bien. Le bilan de la loi Méhaignerie (une des ancêtres de l’actuel dispositif Scellier –ndlr) est éloquent : à la revente, la décote par rapport au prix d’achat pouvait atteindre 30% ! Cette façon de fonctionner est une hérésie » finit-elle par lâcher.
Et demain ? Concernant l’avenir à court terme, tous s’accordent enfin pour réclamer que le gouvernement actuel mette enfin en place une « vraie politique du logement » même si Gérard Bodet fait judicieusement remarquer « qu’on va manifestement vers la suppression de nombreuses niches fiscales et avec de toute façon une limitation annuelle de 10 000€ ». De concert, Hervé Meyer et Francis Meppiel défendent trois principes clairs qu’ils souhaiteraient voir devenir les piliers de l’action gouvernementale en faveur du logement : « Un soutien fort et résolu au secteur du bâtiment, des solutions simples à appréhender pour l’accédant à la propriété ou le locataire à revenu modeste et surtout, des dispositifs stables ». Gérard Bodet enfonce le clou : « Notre rôle à nous, promoteurs, est d’acheter des terrains puis de monter des opérations. Si les règles du jeu changent en permanence, c’est mission impossible… » Les relations avec les élus sont « beaucoup plus saines qu’auparavant, la crise a eu cet effet positif de nous mettre plus souvent autour d’une même table » note Gérard Bodet. « Mais le pouvoir local ne fait pas tout » lui rétorque Catherine Anstett. « En matière de réglementation, c’est à Paris que cela se passe » rajoute-t-elle tout en adressant un clin d’œil à l’élection de Philippe Bies à l’Assemblée nationale. « On espère beaucoup de lui » sourit-elle (Philippe Bies, nouveau député du Bas-Rhin est aussi à ce jour Adjoint au maire de Strasbourg en charge du logement et préside le conseil d’administration de CUS Habitat et Habitation Moderne, les deux principaux bailleurs sociaux du département –ndlr). Nous reviendrons régulièrement dans Or Norme Strasbourg sur cette problématique du logement, sous tous ses aspects car elle conditionne, au quotidien, la vie de tous les citoyens. Notre rédaction remercie l’ensemble des participants de cette rencontre et donne rendez-vous à ses lecteurs dans le prochain numéro de Or Norme, fin septembre pour un autre volet sur l’immobilier local et régional. TEXTE ET PHOTOS : Jean-Luc Fournier
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BIBLIOTHÈQUE IDÉALE
JEAN-MARIE STEINLEIN
2012
En septembre, des soirées « Carte blanche » à foison… Or Norme lève le voile sur la pré-programmation de la Bibliothèque Idéale 2012 à l’Aubette. Du 13 au 24 septembre prochains, la Librairie Kléber et la Ville de Strasbourg inviteront une kyrielle d’écrivains qui nous murmureront à l’oreille : « Une autre vie est possible »… Une nouvelle fois, la Bibliothèque Idéale 2012 s’annonce comme le grand événement de la rentrée de septembre. Organisée par la Librairie Kléber et la Ville de Strasbourg, cette manifestation est réellement une des plus originales de France, loin des salons ou foires aux livres qui alignent les auteurs à la queue-leu-leu derrière des piles de bouquins devant lesquelles défile un public qui n’est avide que de dédicaces. Lors des grands entretiens de la Bibliothèque idéale 2012, les écrivains présents auront à cœur de dialoguer avec le public et même de communiquer au-delà même de la simple présentation de leur ouvrage. 60
En cela, la formule « Carte Blanche » est idéale : quand les artistes se réunissent, les idées fusent et le public trouve là autant d’occasions d’interpeller. Et les écrivains en redemandent, ils sont très friands de ces dialogues impromptus qui fusent durant la Bibliothèque Idéale.
Un véritable concept Cette année encore, des soirées « Carte blanche » vont constituer le plus gros de la programmation. Autour d’un auteur se réunissent les amis artistes qu’il a souhaité associer à son déplacement à Strasbourg. On se souvient de quelques soirées marquantes de la précédente édition, celle par exemple où Bernard Pivot (qui pourtant refuse toujours ce genre de situation) avait revu avec une énorme émotion des extraits de quelques-unes de ses premières émissions (Duras, Simenon, Dolto…) et nous avait alors livré moult anecdotes sur ses rencontres avec les très grands des années 70/80. Ou encore Delphine de Vigan qui était venue avec ses amis Nathalie Kutermann et le chanteur Kent nous offrir un florilège de moments de poésie et d’humanité…
Ce concept de «carte blanche» sera repris et encore renforcé fin septembre prochain dans la grande salle de l’Aubette qui accueillera des centaines d’amoureux de littérature chaque fin d’après-midi et en soirée.
Mais, par instants, ce sont aussi d’exceptionnelles fulgurances qui parviennent ensuite aux lecteurs que nous sommes et qui sont de profonds terreaux de réflexion puis d’action, loin des réactions primaires devant cette actualité oppressante.
« Une autre vie est possible… »
Lors des grands entretiens de la Bibliothèque idéale 2012, les écrivains présents auront à cœur de dialoguer avec le public et même de communiquer au-delà même de la simple présentation de leur ouvrage. En cela, la formule « Carte Blanche » est idéale : quand les artistes se réunissent, les idées fusent et le public trouve là autant d’occasions d’interpeller. Et les écrivains en redemandent, ils sont très friands de ces dialogues impromptus qui fusent durant la Bibliothèque Idéale.
C’est le thème général de la Bibliothèque Idéale 2012. Inutile d’insister plus sur son actualité, à l’heure où notre monde est traversé par tant d’événements tous plus inquiétants les uns que les autres. Comme toujours, la littérature est aux avant-postes sur ces questions. Les solitudes des écrivains, devant leur ordinateur ou leurs pages blanches, sont autant de moments habités par les doutes, les angoisses, les hésitations.
Pré-programmation En septembre, un programme de haute tenue sera proposé par la Librairie Kléber et la Ville de Strasbourg. En ouverture, le jeudi 13 septembre, Pascal Quignard (prix Goncourt 2002) a invité la grande danseuse japonaise Carlotta Ikeda autour du thème de Médée d’Euripide. L’écrivain a écrit un texte sur auquel la danseuse se mesure pour concevoir un solo, augmenté de leurs affinités communes : poésie, méditation, fragments, la parole et le silence, l’origine, la naissance, le sexe et la mort. Déjà présenté au théâtre de la Villette, ce passionnant dialogue entre les mots et la danse en fascinera plus d’un…
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Pascal Quignard sera également l’invité d’une des grandes soirées « Entretien » de la Bibliothèque Idéale 2012 autour de son livre « Les désarçonnés » dans lequel il évoque « ceux qui se relèvent. Si on veut changer de vie, si on veut changer de famille, si on veut changer de couple, si on veut changer de maison, si on veut changer de pays, il faut repasser par la case départ. Pour toute renaissance, il faut repasser par la naissance »…
Durant les onze jours de programmation, d’autres moments forts seront au rendez-vous. En voici quelques-uns, juste façon de vous mettre l’eau à la bouche mais la liste est loin d’être exhaustive : Abd Al Malik. Le thème général de la manifestation lui va comme un gant, lui qui a vécu une grande partie de son enfance au Neuhof. Sans la belle sensibilité d’une institutrice, il aurait peut-être basculé définitivement
dans la délinquance qui avait commencé à le happer. Les études, l’étude des mots dans un double cursus Philosophie et Lettres classiques l’ont entraîné sur d’autres chemins. Et depuis, Abd Al Malik trône au firmament de la chanson française contemporaine. Il passera une partie de son été au tournage d’un film, la libre adpatation de son livre « Qu’Allah bénisse la France ».Quand il parle de Strasbourg, Malik dit : « Chez nous, en Alsace… ». Une grande soirée spéciale lui sera dédiée. Elle sera un des grands moments de La Bibliothèque idéale 2012. 61
Amin Maalouf Le grand écrivain d’origine libanaise, élu à l’Académie française l’an passé, présentera son dernier ouvrage «Les Désorientés» (Grasset). Lui-même pose la question : que fautil préférer, la pureté de l’exil ou l’engagement qui corrompt ?
Antonio Lobo Antunes L’écrivain portugais, expsychiatre entré en littérature, a écrit un livre majeur : « La nébuleuse de l’insomnie ». Dans une atmosphère très « saudade » portugaise, tout se mêle au fil des errements nuit/jour. Plus d’hier, plus de demain ; plus de frontière vivants-morts : « Par moments, je me demande si nous ne sommes pas tous morts »…
Philippe Delerm L’auteur de l’inoubliable « La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules », paru en 1997, nous reviendra avec un nouveau livre qui sortira le 15 septembre : « Je vais passer pour un vieux con ». Autant dire que Strasbourg et sa Bibliothèque Idéale aura le privilège de découvrir son bouquin avant le reste de la France… « Je vais passer pour un vieux con », « Quand on est dedans, elle est bonne », « Je vais relire Proust », « Les mots sont dérisoires »... banalités lancées sans même y penser, petites phrases toutes faites qui viennent combler les trous de nos discours automatiques. Et pourtant, comme elles disent de nous : de nos faiblesses, de nos suffisances, de nos complicités, tous ces révélateurs de notre comédie humaine. Des mots qui aident à vivre, n’est-ce pas ?.. 62
Annie Ernaux Une habituée des déplacements à Strasbourg, viendra une nouvelle fois réaffirmer que « la littérature est une arme : un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en deux ». Elle qui, grâce à la littérature, les études, a su quitter l’épicerie familiale d’Yvetot, en Normandie, et accéder ainsi à un univers auquel rien, dans ses origines, ne la destinait. Mais elle voulait une autre vie et elle a rendu sa volonté possible. Ce sera à coup sûr un très grand entretien…
Bernard Pivot Enchanté l’an passé par l’émotion de se redécouvrir au fil de ses premières « Apostrophes », Bernard Pivot n’a pas hésité à revenir pour l’édition 2012. Et cette fois-ci, c’est lui qui a préparé la soirée à l’intention du public. Impossible de vous en dire plus pour l’heure car le charme serait rompu. Allez, un indice quand même : la surprise en question est connue sous le nom générique de « Souvenirs d’un gratteur de tête ». Vous avez tout l’été pour vous creuser les méninges…
Abdellah Taïa Au Maroc, son pays, l’homosexualité est un crime grave, passible de prison. Il n’en a cure. Abdellah Taïa revendique le fait d’être gay. Il a déjà décroché le Prix de Flore en 2010 pour son roman « Le jour du Roi ». Durant la Bibliothèque Idéale 2012, il sera sur scène avec la comédienne Anne Brochet lors d’une soirée appelée : « Si on marche sur toi, je me battrai pour toi ».
Tahar Ben Jelloun Tahar, lui aussi, adore Strasbourg. Son roman, « Le bonheur conjugal» sortira fin août. Qu’est ce que le bonheur conjugal dans une société où le mariage est une institution ? Souvent rien d’autre qu’une façade, une illusion entretenue par lâcheté ou convenances. C’est ce que raconte ce roman en confrontant deux versants d’une même histoire…
Maryse Condé Elle est sans doute le plus grand écrivain guadeloupéen vivant. Dans « La vie sans fards », son dernier roman, Maryse Condé affirme qu’il s’agit d’abord et avant tout de l’histoire d’une femme cherchant le bonheur, cherchant le compagnon idéal et aux prises avec les difficultés de la vie. Elle est confrontée à ce choix capital et toujours actuel : être mère ou exister pour soi seule. La Vie sans fards est surtout la réflexion d’un être humain cherchant à se réaliser pleinement. Son premier roman s’intitulait En attendant le bonheur : Heremakhonon. « La vie sans fards » l’affirme : il finira par arriver…
Enrique Vila-Matas Prix Médicis Etranger en 2003 pour « Le mal de Montano », Enrique Vila-Matas est un des plus grands écrivains espagnols contemporains. Les textes de l’écrivain barcelonais frappent par leur construction virtuose, comme s’il jonglait avec ses intrigues, bourrées de références littéraires qu’il n’est pas indispensable de décrypter pour les goûter. Avec, en prime, une ironie constante. Que la réalité en soit réduite à devoir être décrite par la littérature semble être pour lui un paradoxe très réjouissant… 63
À noter également Un des grands rendez-vous de la Bibliothèque idéale 2012 sera incontestablement la présence de Denis Westhof, le fils unique de Françoise Sagan. Il a enfin écrit le livre que tous les éditeurs rêvaient de publier : « Sagan et fils ». Non pas une énième biographie de l’écrivain (on en compte déjà neuf) mais le tendre compagnonnage avec une maman « écrivain ». Un livre d’une grande originalité et écrit très librement avec pour seule règle chronologique celle du cœur… Au final, l’émouvante pudeur du regard d’un gamin sur une maman pas tout à fait comme les autres…
Autre soirée notable La Carte Blanche délivrée à Tobie Nathan. Universitaire, ethnologue, diplomate, Tobie Nathan est, d’abord un intellectuel né au sein d’une vieille famille juive égyptienne. Tobie Nathan a publié de nombreux ouvrages, fruit de son expérience au Centre Georges Devereux qu’il a fondé en 1993 - dont La nouvelle interprétation des rêves ou Psychanalyse païenne. Il est également l’auteur de romans policiers (aux éditions Rivages). En 2010, il a publié chez Grasset «Qui a tué Arlozoroff ?» Voilà la pré-programmation connue le 20 juin dernier, à l’heure où nous bouclions Or Norme. D’autres surprises sont possibles, mais avouez que ce programme est déjà des plus séduisants… TEXTE : Alain Ancian - PHOTOS : DR
Commentaire La Bibliothèque Idéale de Strasbourg, chaque fin septembre, est incontestablement l’une des manifestations littéraires les plus séduisantes proposées en France. Elle est le fruit d’une double obstination : celle de la Librairie Kléber, filiale de Gallimard, qui est une des librairies les plus actives de France dès qu’il s’agit de faire se rencontrer écrivains et lecteurs (plus de 300 « Conversations » y sont organisées chaque année au sein de la célèbre « Salle Blanche ») et celle de la Ville de Strasbourg qui contribue considérablement à l’organisation et au succès de cette manifestation d’exception. À l’heure où les budgets publics se contractent quelquefois brusquement sous l’effet de la crise économique et financière qui a éclaté il y aura bientôt quatre ans, la Bibliothèque Idéale représente sans doute le prototype même de ce qu’une intelligente politique culturelle peut produire : l’alliance objective du public et du privé sur une manifestation très ciblée et qui correspond à une véritable appétence locale pour la littérature. Les nombreux écrivains pour qui, chaque année, Strasbourg est devenu une étape incontournable en témoignent tous. Ici, les livres sont lus, les auteurs sont magnifiés et sont volontiers interpellés. Ici, la littérature est vivante… Un autre point, qui contribue lui aussi au succès de la Bibliothèque Idéale. La liberté éditoriale totale laissée aux équipes de la Librairie Kléber pour ciseler chaque année un programme toujours plus 64
impressionnant. Qu’on ne s’y trompe pas : une programmation aussi dense, avec la présence d’une pléiade d’auteurs aussi prestigieux, se bâtit tout au long de l’année, au fil des rencontres avec les auteurs, les éditeurs et les lecteurs. Un soir, généralement au moment où on ne s’y attendait pas, autour d’une table dans une winstub après une rencontre à la Salle Blanche, une discussion avec un auteur génère une idée. Quelquefois, cette idée est reprise au vol, d’autres fois elle mûrit plus lentement. On apprend qu’untel ou unetelle s’apprête à sortir un roman sur tel ou tel thème… Une confidence surgit, elle conforte ou non l’idée de départ. Au final, presqu’au « feeling », c’est un thème et un programme qui peu à peu se bâtissent. Et à l’arrivée, chaque mois de septembre, il y a une manifestation exceptionnelle et unique. Si la Bibliothèque Idéale n’existait pas, il faudrait vraiment l’inventer… Jean-Luc Fournier
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Bien sûr, tous les films primés n’ont pas encore tous été distribués en salle et il faudra encore attendre pour se faire une opinion. N’empêche : l’absence au palmarès de « Sur la route » et « De rouille et d’os » a choqué nombre d’amoureux du cinéma… Deux pieds qui cavalent sur le macadam, deux plans-séquences qui ouvrent deux films oubliés par le jury du dernier festival de Cannes. Comme si le cinéma, art du mouvement par excellence, avait perdu de vue sa fonction première : nous transporter loin de notre quotidien pour mieux nous faire oser le vrai voyage. « Moi, je suis pour foutre le camp, dans la vie » avait gouaillé, il y a longtemps, Arletty devant la vision d’un ouvrier qui, au petit matin, manquait de courage pour rejoindre son usine de la banlieue parisienne. Il manquait des Arletty dans le jury 2012…
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SUR LA ROUTE
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Moi, je suis pour foutre le camp, dans la vie...
Walter Salles
La gageure d’adapter à l’écran l’énormissime chef d’œuvre de Jack Kerouac a enfin été tenue. Cinquante ans après sa première édition, trente ans après l’achat des droits du livre par Zoetrope, le studio de Francis Ford Coppola, c’est le brésilien Walter Salles, déjà auteur du superbe « Carnets de voyage », qui a relevé le défi. Majestueusement, selon nous… Donc, « Sur la route », celle de Kerouac dans les années 50, la « beat generation », la vraie, bien avant qu’elle n’essaime aux USA pour devenir le mouvement hippie dix ans plus tard. Le premier plan du film dit tout, avec les pieds de ce marcheur qui martèlent le macadam noir sous cette belle lumière rasante qu’on ne rencontre que dans l’Ouest américain. Ces moments de liberté absolue que les premiers beatniks ne revendiquaient même pas, bien trop occupés à en vivre la moindre molécule, si loin des conventions étouffantes de l’époque… La route est bien le personnage central du film qui, et c’est magique, a su épouser le rythme du livre déjanté de Kerouac. Il déroutera, c’est certain, nombre de jeunes et de moins jeunes, jusqu’à ce que le temps qui passe leur permette de jeter sur le bas-côté tous les faux-semblants et les supercheries de notre époque d’aujourd’hui. Le voyageur le sait : un des secrets est de marcher le plus léger possible. Nous vous faisons ici le pari que cet hymne à la jeunesse en mouvement, délaissé par le jury cannois, deviendra bien vite un film-culte. En attendant, il est toujours à l’affiche : osez ces 2h20 de pur bonheur… 67
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DE ROUILLE ET D’OS
Jacques Audiard
Le même plan que « Sur la Route » : là, ce sont des pieds d’enfant qui martèlent le ruban noir, de ce pas pressé qu’ont les gens quand ils ne savent pas trop où ils vont… Plus tard, il y aura aussi les baskets d’un jogger colossal, son père, qui ne sait pas encore que les ambulances du Samu qui le dépassent se portent au secours de la première femme à qui il dira « je t’aime ». Elle qui vient de subir un terrible accident qui lui fera perdre ses deux jambes. Et qui, cependant, la fera marcher comme jamais elle n’aura marché… Il y a des films - et des acteurs, Marion Cotillard et Matthias Schœnaerts, sublimes - qui peuvent ainsi tant bouleverser, il y a des réalisateurs comme Jacques Audiard qui réussissent ainsi à nous parler à nous seuls, intimement. Il y a ainsi ces moments qui ne nous veulent que du bien où, quand la lumière de la salle s’éteint et que les premières images apparaissent, on devient comme le seul spectateur de ses propres tourments. Plus tard là encore, on sait avec certitude que ce film-là, à ce moment-là, sussure à l’oreille qu’il suffit d’oser marcher pour trouver sa route. Et que, même sans jambes, la route peut être belle. C’est juste une question d’amour… « Amour », le titre du film de Michael Haneke, Palme d’or du festival cette année que nous découvrirons à l’automne prochain. En attendant, c’est l’été. La meilleure saison pour décider de se lever et marcher, enfin…
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JEAN-LUC FOURNIER
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PortFOLIO EMMANUEL GEORGES
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Emmanuel Georges est graphiste et photographe à Strasbourg. Son travail, inspiré par les codes de la photographie américaine, a donné lieu à plusieurs expositions depuis 1989 (France, Argentine, New York). Les images de ce portfolio, prises à la chambre 4x5” sur film argentique couleur, sont issues de la série “America Rewind” (exposition en avril 2012 au CEAAC) réalisée entre 2010 et 2011, selon un itinéraire choisi aux États-Unis. www.emmanuel-georges.com/
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Gas City, Indiana
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Butte, Montana
Pine Bluff, Arkansas
Sheridan, Wyoming
Louisville, Kentucky
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Mai
LE BLOC-NOTES
• Remaniée régulièrement et diminuant à chaque fois les droits des victimes, la loi sur le harcèlement sexuel a été purement et simplement annulée avec effet immédiat, rendant du coup toutes les procédures en cours caduques. Le fait que le déclenchement de cette action soit demandé par Gérard Ducray, ancien député, lui-même condamné pour harcèlement, n’en n’est que plus pervers. Cachez ce dessein que je ne saurais voir... • Sarkozy est remplacé à la tête de la présidence par Hollande. Autant l’un a l’air soulagé que ça se termine, autant l’autre semble angoissé à l’idée de ce qui l’attend. Un peu comme tous les comiques qui ont fait de Sarkozy leur fond de commerce pendant cinq ans et qui se retrouvent subitement dépourvus quand la gauche fut venue…
• Grosse déception lors de l’introduction en bourse de Facebook, le titre perdant rapidement de la valeur à peine mis sur le marché. Les collectifs d’actionnaires se sont rendus compte qu’ils ont eu tort de faire confiance au leader des réseaux sociaux. Protégez-moi de mes « amis » !
• Cécile Duflot se déclare favorable à la dépénalisation du cannabis. En même temps comme militante « verte » on ne peut pas s’en étonner. Mais en étant au gouvernement il faut faire attention, elle risque de terminer sa formation écologiste en se retrouvant seule à élever des chèvres sur le plateau du Larzac.
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D’HERVÉ WEILL
• La justice estime qu’il n’y a pas de fondement juridique pour condamner Total douze années après le naufrage de l’Erika. C’est vrai quoi, si on doit tout vérifier, y compris l’état des navires qu’on affrète, on ne s’en sort plus. Les victimes doivent par contre trouver que leur fondement a contrario est particulièrement douloureux.
• D’après le dictionnaire, un député est membre d’une assemblée parlementaire élue au suffrage universel. On peut quand même s’étonner du peu de cas que font les responsables politiques du bulletin de vote des Français en donnant des consignes qui n’ont rien de démocratiques, mais tout des petits arrangements entre amis. Ils savent encore qui ils représentent ?
FANA D’ACTUALITÉ, LA PLUME IMPERTINENTE ET ICONOCLASTE, HERVÉ WEILL REVIENT SUR LES ÉVÈNEMENTS DES DERNIERS MOIS.
• Houla, un massacre de trop en Syrie. Tout le monde peut lui tomber dessus, et c’est vrai qu’il est pénible, vaniteux et tout ce qu’on voudra, mais le seul qu’on entend vraiment s’indigner et mouiller sa chemise, c’est quand même Bernard-Henry Lévy.
• Tabernacle ! Les étudiants québécois qui manifestent contre l’augmentation des droits de scolarité n’ont même pas été fichus de bloquer le Grand Prix de Formule 1 ! Qu’ils viennent faire leurs études en France, la formation pour organiser des manifs est nettement meilleure… • Le majordome du Pape a été accusé de vols de documents privés appartenant au souverain pontife. En France, c’est celui d’Ingrid Bettencourt qui a été mis en examen. Il n’y a pas à dire, ça devient franchement difficile de trouver du bon personnel de nos jours.
• Nadine Morano, après avoir appelé les électeurs du FN à voter pour elle, donne une interview au journal Minute. Cette fois, les digues ont lâché, le parti d’extrêmedroite qui se veut un parti comme les autres est en train de réussir son pari, avec un débat politique totalement inexistant et sur fond de crise économique grave. Les férus d’Histoire apprécieront.
Juin
• « Ah, ah ah ah, staying alive, staying alive !” Ce vœux pieux n’aura pas suffit à Robin Gibb pour passer un autre été à nous faire danser. Donna Summer, native de Boston, s’en était allée elle aussi trois jours plus tôt. Il y a vraiment quelque chose de mélancolique dans le Massachussets, où toutes les lumières se seront certainement éteintes un court instant.
• Quand le Québec se contentait de nous envoyer ses chanteuses comme Isabelle Boulay ou Céline Dion, nous n’étions pas enchantés, mais ça allait encore. Mais franchement, les tueurs en série, ils peuvent les garder. Même en morceaux on n’en veut pas…
• Il fallait sauver le soldat Royal tout en se méfiant des snippers. Martine Aubry et Cécile Duflot débarquent à La Rochelle, très remontées contre Olivier Falorni qui n’a même pas la décence d’obéir à un parti politique qui l’a exclu. Valérie Trierweiler affiche sur Twitter son soutien au dissident. Ségolène Royal, en défenseur de la démocratie participative, doit désormais apprécier à sa juste valeur. PHOTOS : DR
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Et si on essayait d’être heureux, ne serait-ce que pour montrer l’exem
Jacques Prévert
or norme strasbourg vous souhaite un bel été et vous donne rendez-vous pour son numéro 7 à paraître fin septembre
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