OURS OR NORME STRASBOURG N°7 EST ÉDITÉ PAR L’AGENCE DE PRESSE ASP 25, boulevard Wilson - 67000 Strasbourg Tèl : 03 68 41 80 60 CONTACT : Corinne Geudin - corinne@asp-presse.fr DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Pascal Candiotto DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Jean-Luc Fournier - jlf@asp-presse.fr CHEF D’ÉDITION : Aude Muller - aude@asp-presse.fr RÉDACTION : Alain Ancian - Erika Chelly - Jean-Luc Fournier Véronique Leblanc - Charles Nouar - Benjamin Thomas Hervé Weill SECRÉTARIAT DE RÉDACTION ET ADMINISTRATION : Corinne Geudin - corinne@asp-presse.fr MAQUETTE : ASP MISES EN PAGES : ASP IMPRESSION : IDS IMPRESSION SELESTAT ids@ids-impression.fr DISTRIBUTION : Impact Media Pub info@impactmediapub.com PUBLICITÉ : TemaevenT - welcome@temaevent.com - 07.600.70.200 TIRAGE : 20 000 exemplaires 15 000 exemplaires sont distribués en boîte aux lettres (distribution solo sans autres documents publicitaires) et 5000 exemplaires sont déposés dans les lieux de passage de l’agglomération (liste des points de dépôt sur demande). Dépôt légal : octobre 2012. ISSN : en cours. Retrouvez notre actualité sur Facebook : www.facebook.com/magazine.ornorme.strasbourg
Édito Votre Or Norme automnal est entre vos mains. Nouvelle maquette, nouvelles rubriques..., on n’a vraiment pas chômé cet été. Déjà sept numéros que cette aventure est en route et que nous la vivons avec vous, amis lecteurs, et grâce à nos annonceurs qui, malgré la crise, nous restent fidèles numéro après numéro. Parlons-en de cette crise, justement. Pour radicalement rayer ce mot de notre vocabulaire. Ce que nous vivons n’est pas une crise, c’est un véritable changement de monde, « une mutation gigantesque comme il s’en produit une tous les deux ou trois mille ans », comme le dit JeanClaude Guillebaud qui nous a accordé une interview exclusive où il parle clair, si clair. Son arme à lui, c’est l’espérance et c’est tout sauf une niaiserie. Lisez ces pages passionnantes, elles donnent à comprendre et à réfléchir… Déjà sept numéros que cette aventure est en route et, comme beaucoup d’entre nous tous, dureté des temps oblige, nous n’avons pas une très grande lisibilité sur les mois qui viennent. La rédaction et la fabrication d’Or Norme est une aventure trimestrielle sans cesse renouvelée. Si nous acceptons ce défi – nous, c’est à dire toute l’équipe qui contribue à fabriquer cette revue –, c’est parce que les retours que vous nous livrez, vous, nos lecteurs, sont extrêmement positifs, et ce depuis le tout premier numéro paru il y aura bientôt deux ans. Alors, trimestre après trimestre, nous adorons poursuivre sur ces chemins de traverse que nous avons empruntés alors que tous les clignotants économiques étaient au rouge et que nous n’entretenions aucune illusion sur leur capacité à repasser au vert, ne serait-ce qu’à moyen terme. Numéro après numéro, nous parvenons à persister dans notre démarche initiale. Beaucoup de place laissée au texte – car nous essayons de donner à comprendre et à analyser –, une iconographie la plus originale et soignée possible et un ton général qui s’accorde bien avec notre titre. Nous n’oublions pas non plus notre parti pris initial. Nous aimons Strasbourg et souhaitons, modestement, à notre simple niveau, continuer à attirer votre attention sur les atouts de cette ville passionnante, même si, quelquefois, vous le savez, nous ne la trouvons pas aussi audacieuse qu’elle le devrait, selon nous du moins… Merci d’accueillir notre numéro 7. Dites-nous tout, cash, sur son contenu et sa nouvelle robe. Et, surtout, restez Or Norme ! JEAN-LUC FOURNIER
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Sommaire N°7 - SEPTEMBRE 2012 4
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DOSSIER MÉTIERS D'ART L’EXCELLENCE ALSACIENNE
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STRASBOURG S’INVITE AUX EUROCKS
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SUR LE FRONT D’AVIGNON
BIBLIOTHÈQUES IDÉALES 2012 UN CRU EXCEPTIONNEL
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ACTA : DÉMOCRATIE ANNÉE ZÉRO
FORUM MONDIAL DE LA DÉMOCRATIE L’APPEL AUX ÉCRIVAINS POUR LA PAIX
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RENCONTRE AVEC JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD
MARIE-ANNE MOUTON
JEUNES DE FRANCE, BARREZ-VOUS !
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APRÈS L’HIVER, UN NOUVEAU PRINTEMPS
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JUSTE AVANT LE BOUCLAGE
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LE BLOC-NOTES D’HERVÉ WEILL
PORTFOLIO : ALBAN HEFTI
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Jean-Claude
GUILLEBAUD
« Une autre vie est possible » Il fut le tout dernier invité de la remarquable édition 2012 des Bibliothèques Idéales. Ce soir-là, devant 250 personnes, Jean-Claude Guillebaud, éditorialiste au Nouvel Observateur et essayiste obstiné, nous a convaincus que la désespérance n’est pas de mise face à la folie du monde actuel. Mieux même, en argumentant pied à pied, il a su tracer des perspectives qui, toutes, convergent vers une nouvelle prise de conscience des citoyens. Nous avons voulu en savoir plus en le rencontrant longuement, son livre à la main….
Entretien réalisé par JEAN-LUC FOURNIER
OR NORME : Vous ne faites clairement pas partie de ceux qui colportent sur tous les tons que ce monde court inéluctablement à sa perte. Bien au contraire, vous mettez en avant une espérance bien réelle … JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD : « Oui, c’est une espérance têtue malgré tant de raisons d’être très inquiet. Et ce n’est pas de la niaiserie… Je travaille chaque semaine dans un petit village, Saint-Germain-des-Prés, où il est tellement tendance d’être désespéré… Mon livre « Une autre vie est possible » est un texte de fond suscité par une humeur. Je ne supporte pas le dandysme de la désespérance. C’est bien élevé et très chicos de prétendre à tout vent que tout va mal. Que nous serons bientôt colonisés par les Musulmans, que d’ici dix ans nous serons conquis par les Chinois, qu’il y aura des tragédies… Ce discours m’exaspère ! Quand le vieux journaliste correspondant de guerre que je suis depuis trente ans reçoit des élèves journalistes qui finissent toujours par me demander pourquoi je suis si optimiste malgré toutes les tragédies dont j’ai été le témoin, je leur réponds que je ne suis ni cynique ni désenchanté. Si je suis resté optimiste, ce n’est pas « malgré » mais « grâce » à ce que j’ai vécu. Car ce qui m’a le plus marqué en faisant mon métier, c’est l’espérance quasi indestructible des gens, ils ne capitulent jamais… En les ayant côtoyés si longtemps et de si près, je me suis interdit de pessimisme. O.N : D’où vient ce renoncement au gôut de l’avenir, dans notre pays ? J-C.G : En dissuadant les gens de trop penser au futur, le renoncement au goût de l’avenir les invite à s’accommoder du présent, c’est à dire de s’accommoder de l’ordre établi. Je ne suis pas juif mais je dois beaucoup à la lecture de la Torah et du Talmud. Il y a des phrases magnifiques dans la tradition juive que nous pouvons faire nôtres. Ainsi, à la différence des Grecs ou des Indiens, les Juifs ne pensent pas que nous sommes dans une définition circulaire du temps. Nous ne sommes pas dans l’éternel retour, c’est à dire l’acceptation du monde tel qu’il est. Les prophètes disaient tous que le temps n’est pas circulaire, qu’il est droit, qu’il est enraciné dans une mémoire et une tradition et orienté vers un projet. Un terme hébreu parle de « réparation du monde ». Nous sommes donc responsables du monde qui vient. Les Chrétiens appellent ça l’espérance et les philosophes des Lumières, en le laïcisant, ont appelé ça le progrès, c’est très exactement la même chose. Nous sommes les bâtisseurs du futur et non pas les héritiers du destin, de la technologie, des marchés financiers, etc, etc…
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O.N : La désespérance s’est très souvent incrustée dans le discours politique. Margaret Thatcher disait qu’il n’y avait aucune autre alternative que la politique ultra-libérale qu’elle mettait en œuvre. En France, François Mitterrand avait déclaré : « Face au chômage, on a tout essayé… » J-C.G : À l’époque, on pensait que Thatcher était un cas isolé. À tel point, qu’à force de l’entendre répéter sa phrase « There Is No Alternative », on l’appelait Mme TINA. Depuis le milieu des années 80, qu’ils soient de gauche ou de droite, tous nos hommes politiques sont des Messieurs TINA. À les entendre, on ne peut pas faire autrement : les marchés financiers sont trop puissants, ou bien ils sont trop interconnectés, on ne peut rien faire sur rien… C’est ce que mon ami économiste JeanPaul Fitoussi appelle le « Discours de l’impuissance » qui fait qu’on ne cesse de dire et répéter aux citoyens que la politique ne peut plus rien faire. Mais si on ne peut rien faire, alors on s’en remet au destin. Et, aujourd’hui, le destin, c’est la technologie qui marche toute seule, ce sont les marchés financiers que plus personne ne contrôle, c’est le crétinisme médiatique qui est devenu planétaire et qui nous raconte n’importe quoi. S’en remettre au destin, c’est démissionner ! C’est effrayant, non ? O.N : Vous dites que le siècle dernier a détruit beaucoup de valeurs qui fondaient l’optimisme des pays européens... J-C.G : La guerre de 14-18 a été la matrice dont le XXe siècle est sorti et chacune des péripéties de ce siècle a détruit une valeur fondamentale. 14-18 a profané le sens du sacrifice en faveur de la communauté avec tous ces jeunes gens qui sont partis avec un grand courage et une grande générosité et qui ont été sacrifiés dans la boue des tranchées de manière abjecte. La Révolution d’octobre, qui a suivi, a profané l’aspiration à l’égalité dont on fait l’égalitarisme qui a été l’argument qui a justifié ensuite le goulag. Le nazisme a ensuite profané la valeur du volontarisme historique, qui pensait qu’on pouvait changer le monde. On pouvait tant le changer qu’Hitler a pensé qu’il pouvait supprimer un peuple qu’il estimait en trop… Hiroshima en a rajouté puisque le crime historique a été commis par une grande démocratie. Et ce sont des savants, donc la science, qui ont initié cela… Puis vint le temps des guerres coloniales et là, c’est la démocratie elle-même qui est devenue abjecte. Nous nous souvenons des massacres que nous avons initiés tout comme les Algériens se souviennent des leurs. Toutes ces valeurs ont été démolies. On est tous sortis de ce siècle-là avec la gueule de bois, un peu groggy. Mais aujourd’hui, on s’aperçoit bien que pour qu’une société soit solide, il lui faut des valeurs, ce mot que je n’aime pas trop car il fait un peu trop moraliste mais, disons, des représentations collectives. Il faut que nous soyons d’accord sur un minimum d’entre elles, il faut qu’elles nous réunissent sinon, comme le dit Régis Debray, on ne forme plus un tout mais un tas… O.N : Vous comparez cet ultra-libéralisme débridé que nous vivons au marxisme. C’est osé, non ? J-C.G : Pas tant que ça, en fait. Je raconte ce congrès d’ultra-libéraux qui m’avaient invité à intervenir à Düsseldorf. J’avais en face de moi, dans un salon très cossu, un parterre de chefs d’entreprises allemands et français. Je leur ai dit d’entrée que j’allais leur démontrer qu’ils étaient devenus marxistes sans même le savoir. « Du marxisme blanc », ai-je rajouté pour les provoquer. Je leur ai dit pouvoir leur servir l’un après l’autre quatorze arguments. En leur précisant aussi que j’arrêterais dès qu’ils seraient convaincus. Je ne vais pas tous les citer aux lecteurs d’Or Norme, ce serait trop long. Quelques-uns quand même : quand
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j’étais étudiant, dans le jargon marxisant de l’époque, on disait que les infrastructures commandent aux superstructures. Ça voulait dire que ce qui compte, c’est l’économie et que la politique n’est que le produit de l’économie. Sous une forme un peu moins abrupte, c’est bien ce que l’on colporte aujourd’hui, non ? L’économie est le plus important, la politique suit derrière… Messieurs, vous êtes donc devenus très proches de ce que pensaient les marxistes ! À l’époque du marxisme hégémonique, on parlait du socialisme scientifique. Les marxistes étaient dans la science et ceux qui ne pensaient pas comme eux n’étaient que dans l’idéologie. Comme c’est scientifique, c’est incontestable, voyez-vous… C’est à peu près ce que disent maintenant les ultralibéraux. Alain Minc parle du « cercle de la raison ». Donc, ceux qui ne raisonnent pas comme Minc sont déraisonnables… Un troisième exemple et j’arrête sur ce point. Le communisme inscrivait sur ses banderoles : « Travaillez pour un avenir radieux ! ». Les lendemains qui chantent, quoi… Et au nom des lendemains qui vont chanter, il faut faire de grands sacrifices aujourd’hui. Et bien, le néo-libéralisme travaille pour le jour où le monde entier sera privatisé. En attendant, il nous demande de nous saigner au quatre veines. C’est exactement la même démarche ! Et pour que l’Europe retrouve son aplomb, pour que ses réformes soient encore plus profondes, il faudrait privatiser encore davantage. C’est bien exactement la même démarche, oui ou non ? Je pourrais continuer longtemps ainsi. Depuis la chute du mur de Berlin, le capitalisme n’a plus de concurrent. Il s’est pris pour le centre du monde et il est devenu fou. Depuis dix ans, le néo-libéralisme s’est désintéressé de l’industrie, il est devenu purement financier. Dans les années 80 et encore au début des années 90, c’est le métier d’entrepreneur qui était à la mode. Aujourd’hui, c’est celui de trader, de spéculateur. La virtualité financière l’a emporté sur tout le reste…
O.N :En citant Oscar Wilde : « Il faut que nos rêves soient assez grands pour ne pas les perdre de vue en les poursuivant », vous nous exhortez à ne pas renoncer à cette petite flamme de l’espérance… J-C.G : Je pense que nous sommes en train d’entrer dans un autre monde, et que si tous les partis politiques nous déçoivent, ce n’est pas grave. C’est comme quand le serpent change de peau, quand il mue… Ce nouveau monde est en train de s’inventer ailleurs que dans les partis politiques, alors ils changeront eux aussi. Par la force des choses. Je suis fasciné (et heureux) de voir l’inventivité de mouvements comme les « Indignés », les forums sociaux, certains réseaux comme « Utopia » en France. Certes, tout cela est encore brouillon, bouillonnant, contradictoire mais prodigieusement vivant. Et prometteur. C’est là que tout se joue…
des communautés de substitution comme les « rave-parties » ou les rencontres physiques organisées via les réseaux sociaux. C’est la marque de l’autre, le besoin d’une vraie relation avec l’autre. Le besoin d’être physiquement ensemble reprend le dessus sur les pseudos amis des réseaux sociaux. O.N : Ne pensez-vous pas que nous manquons de gens qui nous donneraient envie de les suivre ? J-C.G : Oui, assurément. Récemment, nous étions en pleine polémique sur le retour de la morale à l’école publique. Cette polémique me fait rire : nos enfants détestent les leçons de morale et ils ont bien raison. Ils détestent les leçons de morale parce qu’en général, ceux qui les donnent ne commencent pas à se les appliquer à eux-mêmes. Quand ils entendent un adulte prêcher les valeurs morales comme la fidélité et qu’ils savent qu’il est un coureur de jupons, quand ils entendent un chef d’entreprise faire l’éloge de la précarité parce qu’elle serait formatrice, alors qu’il bénéficie d’une belle retraite chapeau, quand ils entendent de grands types du CAC 40 se prétendre patriotes alors qu’ils sont gavés d’argent de manière maladive –parce que là, on est quand même à la limite de la maladie
Vous imaginez si on pouvait dire de nos politiques qu’ils croient ce qu’ils nous disent ? Je pense que nous ne sommes pas condamnés à être en permanence dans la compétition, dans cette espèce de course incessante, dans cette espèce de rapidité frénétique, de sous-culture médiatique, dans cette espèce de sottise qui imprègne l’air du temps. Un autre monde va surgir et beaucoup de gens y travaillent, beaucoup plus qu’on ne le croit. Ce sont tous ces militants associatifs qui sont dans l’engagement et la solidarité, ce sont ces réseaux culturels qui sont innombrables dans notre pays. Il y a là deux ou trois millions de personnes qui jouent un rôle déterminant. Et si notre société n’a pas encore éclaté, dans l’état où elle est, nous le leur devons. C’est grâce à eux… Le paradoxe est qu’ils n’ont pas d’existence médiatique, ce sont les gens les plus importants mais les médias n’en parlent jamais. En 1970, Georges Pompidou, le successeur du général de Gaulle avait dit : ‘Si un jour il y a, en France, plus de 500 000 chômeurs, ce sera la révolution ! » Il y en a trois millions aujourd’hui et la France n’a pas explosé. Grâce à qui ? Aux partis politiques ? Non. C’est grâce à ces gens-là qu’on ne remercie jamais – et d’ailleurs, ils ne le demandent pas mais grâce à qui notre société, malgré ses carences, ses incivilités, ses inquiétudes, est à peu près en paix à l’heure qu’il est… Depuis tant d’années, c’était JE, JE, JE… Aujourd’hui le NOUS revient. Le NOUS, c’est la famille, le collectif, le village, le quartier. Cette aspiration au JE avait fait de nous des gens seuls et je sens maintenant une volonté frénétique d’être ensemble et de s’inventer
de l’âme- et bien les jeunes n’ont pas du tout envie de les suivre. Les parents le savent bien. Quand leur jeune arrive au lycée, il y a toujours un prof dont il se met à parler de manière admirative, un de ces profs comme dans le film « Le cercle des poètes disparus », un prof qui n’est jamais chahuté, qui raconte des choses passionnantes. Pour les enfants, c’est très intrigant parce qu’ils se demandent ce qu’il a de plus que les autres. J’ai vécu ça, avec mes propres filles, jusqu’à ce qu’un de leur copain de lycée me dise presque naïvement : « On a l’impression qu’il croit ce qu’il nous dit ! ». Vous vous rendez compte ? Il habite sa parole et, tout à coup, ça devient passionnant et on l’écoute vraiment. Au niveau de notre société, vous imaginez si on pouvait dire de nos politiques qu’ils croient ce qu’ils nous disent ? O.N : De tout temps, l’être humain a su lutter contre la désespérance. Pour nous en convaincre, vous n’hésitez pas à nous entraîner à faire des petits sauts générationnels en arrière et c’est édifiant… J-C.G : C’est presque un jeu, en effet. Ça démolit ceux qui nous disent que ce que nous avons devant nous est terrifiant, comme la mondialisation, les délocalisations, les problèmes écologiques, l’épuisement de la planète. C’est un pur mensonge car on oublie ce qui s’est passé pour les générations précédentes. Quand je faisais mes études à la fac dans les années 60, vous pensez que nous étions optimistes en pensant au futur ? On était convaincu qu’on connaîtrait la guerre nucléaire car nous étions en pleine guerre froide, en plein équilibre de la terreur à l’époque. C’était « no future » et pourtant, malgré cela, on n’a pas succombé au pessimisme. Un cran en arrière. En 1942, après Pearl Harbour et avant Stalingrad. Nous sommes au pire de la Seconde Guerre mondiale, les moments
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les plus noirs. Les Allemands étaient convaincus –et ils en avaient convaincus d’autres- qu’avec le Reich, ils étaient là pour mille ans. Il n’y avait pas la moindre raison d’être optimiste et bien, il y a eu alors des milliers et des milliers de gens qui se sont engagés dans la Résistance. Encore un cran plus loin ? Allons-y… En 1919-1920, après 1,5 millions de morts en France, autant en Allemagne, des charniers partout au cœur de cet incroyable naufrage de la civilisation européenne dans cette boucherie dont les deux acteurs avaient été les deux pays les plus cultivés de l’Europe, la France et l’Allemagne. La raison humaine vacillait d’elle-même à tel point que c’est tout sauf le hasard qui a donné naissance à ces mouvements comme le surréalisme ou le dadaïsme qui n’étaient au fond qu’une sorte de protestation artistique contre la raison pure. On sortait de ces années de ténèbres et pourtant, les suivantes furent des années de reconquête et de reconstruction. On pourrait remonter comme ça jusqu’à l’homme de Cromagnon. À chaque fois, on trouverait autant de raisons de désespérer que d’espérer. Donc, désespérer, ce n’est que du temps perdu ! O.N : Les échéances approchent. Les difficultés assaillent les individus, plus personne ne se sent inatteignable : si rien ne se passe, si tout se fige dans une austérité démentielle, ne craignez-vous pas une révolte violente et incontrôlable à côté de laquelle mai 68 n’aura été qu’une aimable récréation ? J-C.G : Nous avons devant nous, en effet, l’hypothèse d’une violence soudaine et incontrôlable. La souffrance infligée aux peuples européens, mais aussi l’humiliation qu’on leur impose en les considérant comme des enfants dépensiers, alors même que le système financier porte une énorme part de responsabilité : tout cela
peut faire craindre le pire. Songeons aux années 1930, et à leurs suites. Et d’ailleurs, à bien regarder, cette violence fuse déjà un peu partout : en Espagne, en Grèce, au Portugal, mais aussi dans nos « quartiers ». Nous devons absolument travailler, nous journalistes, à accélérer une prise de conscience et le dire simplement, « On ne peut continuer ainsi ». Je fais toutefois le pari que nos sociétés européennes, gorgées d’histoire et de mémoire, sauront éviter le pire. Mais ce n’est pas certain… Dans mon avant-dernier livre (« La Vie vivante », publié aux Arènes en 2011 -ndlr), j’expliquais mon souhait d’engager une nouvelle série d’ouvrages sur ce que j’appelle les « nouvelles dominations ». Je désigne par là les nouvelles injustices, inégalités, asservissements qui accompagnent les mutations que j’explore depuis plus de quinze ans. Elles ne ressemblent pas aux anciennes, celles que nous avions appris à combattre. Je pense par exemple aux dominations bancaires, aux injonctions médiatiques, aux « chantages » technologiques. Ces dominations-là elles réclament de nous une vigilance de citoyen, et un esprit combatif. En effet. O.N : Et puis, il y aussi le silence assourdissant des intellectuels. Où sont, qui sont les Sartre, Camus, Aron... d’aujourd’hui ? J-C.G : Oui, c’est vrai, on n’entend plus beaucoup de grands intellectuels engagés. L’un des derniers était Pierre Bourdieu, mort en 2002. J’ai toujours regretté que les intellectuels, dès le début des années 1980, aient plutôt déserté le « champ social ». Cela a contribué à éloigner la
Durant l’interview de Jean-Claude Guillebaud dans le cadre des Bibliothèques Idéales. De gauche à droite, David Le Breton ( sociologue ), Alexandra Breukink ( pasteur protestant ) et Jean-Luc Fournier, directeur de la rédaction d’Or Norme Strasbourg. 8
gauche socialiste des classes dites « populaires ». C’est dû à l’effet de souffle de l’effondrement du communisme. Tout ce qui relevait du social devenait suspect. Reconnaissons toutefois qu’on sort peu à peu de cette « absence ». S’il n’y a pas encore de grandes figures, il existe quantité de jeunes sociologues, philosophes ou juristes qui exerce une fonction critique très importante. Il leur manque encore la puissante « notoriété » qui ferait d’eux des acteurs influents. Cela viendra… O.N : Votre livre se termine par des mots impressionnants sur l’époque que nous vivons, ici et maintenant… J-C.G : Commençons par supprimer de nos bouches et de nos écrits le mot « crise ». C’est un mot qui est devenu absurde parce que ça voudrait dire qu’à la fin, on reviendrait à la situation d’avant. Ce que nous vivons, c’est une mutation gigantesque, comme il s’en produit une tous les deux ou trois mille ans. Cette mutation est de portée anthropologique et historique. Elle contient en elle-même d’autres mutations qui s’enchevêtrent. Nous sommes en route vers un monde autre, complètement autre… Quand nos ancêtres sont sortis du Moyen-Âge pour entrer dans la Renaissance, aucun des contemporains de cette période charnière de l’histoire de l’humanité n’avait conscience de ce qui se passait. Personne n’avait le moindre recul pour cela. Ils avaient simplement peur de ces bouleversements qui s’enchaînaient, ils ressentaient un vrai sentiment de catastrophe. Et bien, il faut aujourd’hui réaliser qu’il y a un monde nouveau près de nous et qui respire déjà. En ce moment, je relis Gandhi. Il a prononcé cette phrase que je trouve merveilleuse : « Un arbre qui tombe fait beaucoup de bruit, une forêt qui germe ne s’entend pas ». Et bien, l’espérance, au sens laïque du terme, c’est porter attention à cette forêt qui germe alors que les médias ne parlent que des arbres qui tombent. Ils ont raison d’en parler, c’est grave ces arbres qui tombent en Syrie, à Alep par exemple, il faut en parler. Mais il y a en même temps des forêts qui germent… Il y a aussi cette phrase de cette jeune romancière indienne, Arundhati Roy. Elle est traduite dans le monde entier et elle est une militante altermondialiste. Elle dit : « Un vieux monde est en train de disparaître. Je ne sais pas si je vivrai assez longtemps pour voir la naissance du nouveau mais, à bien y réfléchir, quand tout est calme autour de moi, je l’entends déjà respirer… » O.N : Citation pour citation, il y aussi cette phrase de votre livre : « Ce demi-silence prometteur, j’aimerais le rendre audible… » J-C.G : Oui, mais ne tombons pas dans la niaiserie, je le dis une fois de plus. En revanche, ne nous laissons pas intimider non plus. Nous sommes dans un monde cynique. Et bien, moi je pense que c’est le cynisme qui est devenu ringard. Mais il ne le sait pas encore… Une phrase de Lao Tseu est assez belle dans sa simplicité : « Mieux vaut allumer une bougie que maudire les ténèbres… »
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MÉTIERS
Art
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À l’image de la brodeuse Françoise Wintz et son délicat et aérien chemin tracé avec des fils et des perles de pierre, les artisans d’art alsaciens tiennent salon et vous invitent à les visiter du 9 au 12 novembre prochains à Strasbourg. Or Norme est fier de vous présenter en exclusivité leur extraordinaire savoir-faire…
Françoise Wintz - Le temps suspendu francoise.wintz@wanadoo.fr
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Ninon
de Rienzo Directrice de la FREMAA Texte JEAN-LUC FOURNIER
Une petite maison alsacienne en plein cœur d’Andlau. Un vieil escalier qui grimpe au premier étage. Une sonnette providentielle. Bienvenue au siège de la Fédération Régionale des Métiers d’Art d’Alsace (FREMAA). Avec le sourire de sa jeune directrice en bonus… Oui, Ninon de Rienzo a le sourire. Malgré le stress du sportif, qui n’est plus qu’à quelques mètres de l’arrivée et qui tient presque (presque…) sa médaille d’or. La médaille d’or de Ninon de Rienzo, c’est l’ouverture, le 9 novembre prochain, du Salon résonance[s], le premier salon européen des métiers d’art qui se tiendra au Wacken à Strasbourg durant quatre jours.
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Une performance « Nous en rêvions depuis deux ans et demi » nous confie cette jeune (31 ans) mère de famille qui est entrée au siège de la FREMAA en 2003 avant d’en devenir la directrice l’an passé. « Nous sommes passés par des hauts et des bas, avec une foule d’étapes charnières. Il a fallu dénicher un à un tous les soutiens, nous nous sommes penchés des heures et des heures sur le choix du nom du Salon, et je ne vous parle même pas de celui du visuel. Nous nous sentions déjà prêts il y a un peu plus d’un an, mais juste avant de nous lancer publiquement, patatrac ! Nous avons appris qu’à la date que nous avions prévue, le Wacken était tout entier mobilisé autour du Rallye d’Alsace et de Sébastien Loeb. Énorme marche arrière pour nous, pas possible de faire autrement. Mais ce fut sans doute un mal pour un bien. Nous avons mis un an de plus pour peaufiner nos contacts, mieux installer les choses avec tous nos partenaires. Au final, nous y sommes, résonance[s] va ouvrir ses portes le 9 novembre… »
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Notre petite équipe
atteint son but…
Pleine de modestie, Ninon de Rienzo reconnaît du bout des lèvres « un investissement personnel très important ». Pour avoir passé de nombreux moments avec elle depuis le début de l’été dernier pour préparer ces nombreuses pages sur les métiers et artisans d’art alsaciens, nous témoignons bien volontiers que c’est un euphémisme… Pour mieux mesurer la performance, quelques chiffres en vrac : le budget du salon est de 400 000 € (le double du budget habituel de la FREMAA), 400 000 € qu’il a fallu aller chercher un à un dans le difficile contexte économique actuel. Les institutionnels ont certes répondu présent : la Ville de Strasbourg, la CUS, la Région Alsace, les deux conseils généraux du Bas et du Haut-Rhin, la Chambre des Métiers d’Alsace et même les Fonds Européens sont là. Ateliers d’Art de France, le premier syndicat professionnel des métiers d’art de France (plus de 5000 adhérents) a amplement contribué également. Le reste du budget, ce sont les exposants et les partenaires privés, la Banque Populaire d’Alsace en tête, qui l’ont assuré. Mais le résultat est là : du 9 au 12 novembre prochains, plus de 170 artistes envahiront le hall K du Parc d’Exposition de Strasbourg et, comme le précise Ninon, « ce Salon sera le point d’orgue de l’action de la FREMAA. En quelques années, nous serons passés du stade du confidentiel à l’engouement public. »
Plus de 10 000 visiteurs sont attendus « Durant ces deux années et demi, tous nos efforts ont été soutenus par la volonté de ne pas décevoir nos artisans adhérents. Certes, en organisant une manifestation d’une telle ampleur, nous savons bien qu’il y a un point que nous ne maîtrisons pas : le volume des ventes qu’ils feront. Mais ce que l’on maîtrise, c’est notre travail. Nous avons tout fait pour que tout soit parfait et pour que les métiers d’art aient la reconnaissance qu’ils méritent » souligne Ninon de Rienzo. Outre les plus de 170 artisans qui seront présents, le Salon connaîtra plusieurs points forts : la présence de Lalique, de la Cristallerie de Saint-Louis et du Centre International d’Art Verrier de Meisenthal, regroupés sous le superbe vocable des « Étoiles terrestres », une installation de Franck Bragigand avec le concours des Arts Décos de Strasbourg, une carte blanche à Eric Gjerde, le plus alsacien des origamistes américains (il vit et travaille à Mutzig) qui, outre la présentation de ses œuvres, lèvera certains secrets très personnels (il fabrique lui-même son propre papier). Sont également prévus plusieurs ateliers (feutre, enluminures, teinture végétale, céramique…) et un cycle de conférences qui devrait attirer les connaisseurs et le grand public en général. Plusieurs fois durant nos entretiens, la directrice de la FREMMA nous a répété : « J’ai hâte que les gens découvrent autant de beauté et de maîtrise artistique dans un même lieu. Il faut que nos visiteurs repartent avec des étoiles dans les yeux. » C’est la dernière ligne droite, les derniers mètres. La médaille d’or, c’est certain, est au bout de ce marathon qui a débuté il y a 36 mois…
La FREMAA Une association au service des métiers d’art La FREMAA a vu le jour en 1996 et nul doute que sa naissance doit beaucoup à Adrien Zeller, le président de la Région Alsace disparu il y a un peu plus de deux ans et qui n’a cessé d’exhorter les artisans d’art alsaciens à se réunir pour mieux promouvoir leur talent et leur savoir-faire. À titre personnel, le regretté Adrien Zeller était un vrai passionné de ces métiers et des artisans qui les exerçaient. Depuis sa création, la fédération organise régulièrement des expositions et des salons en Alsace. Les métiers d’art désignent les professionnels dont l’activité témoigne de savoir-faire élaborés et maîtrisés ainsi que d’une production artisanale, « de la main de l’homme », à savoir la création ou la restauration de pièce unique ou en petite série, dotée d’une importante plus-value culturelle. Ils conjuguent les traditions transmises par les générations passées avec les innovations technologiques plus contemporaines. Ils concilient avec succès art et artisanat. 217 métiers sont référencés dans la nomenclature officielle des métiers d’art. Elle regroupe trois grandes familles : les métiers de la tradition, de la restauration et de la création contemporaine. La FREMAA garantit l’authenticité des pièces présentées lors de ses manifestations, ainsi que la qualité des savoir-faire de ses professionnels.
La FREMAA est présidée par Anne Basté-Mantzer qui, depuis plus de 30 ans, est tisserande sur un ancien métier à bras et crée des vêtements, des chapeaux, du feutrage et du patchwork fantaisie avec des tissus d’une grande variété. « Anne est un véritable rayon de soleil » nous ont confié la plupart de nos interlocuteurs… annie.baste-mantzer@orange.fr 15
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Les talents alsaciens seront tous au rendez-vous de résonance[s]
Cette création du joaillier sélestadien Jean-Louis Roelly témoigne du raffinement des artisans d’art alsaciens. Les pages qui suivent présentent le choix de notre rédaction mais à partir du 9 novembre, ils seront plus de 170 réunis au Wacken à Strasbourg, tous au même niveau d’excellence et de passion pour les métiers d’art, leurs métiers…
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Eric Gjerde Né à Minneapolis aux États-Unis, cet origamiste de réputation mondiale vit et travaille à Mutzig. L’origami est le nom japonais de l’art du pliage du papier. Le très facétieux Eric Gjerde ne se contente pas d’être un des plus grands experts de cet art venu de la nuit des temps. Il fabrique lui-même son papier et sera présent sur le Salon résonance[s] pour révéler quelques-uns de ses secrets…
Diamond back – Eric Gjerde.
Julie Gonce Cette artiste sculpte le verre à la flamme. Autant de pièces uniques et magnifiques… « Le verre, c’est ma vie depuis dix ans, je l’aime quand il est en fusion, qu’il est vivant. Il bouge, se transforme, c’est une danse avec la matière. »
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Stéphanie
Pelletrat Cette céramiste plasticienne haut-rhinoise ose et invente en permanence. Elle vit à fond sa passion pour son métier. Ne ratez pas ses pièces qui vous surprendront, à l’image de cette spectaculaire vrille en grès noir et de ces fins nuages en porcelaine et rotin.
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Depuis son premier séjour en Iran en 2009, Mathilde Ehret est tombée amoureuse des artisans de ce pays. Elle s’y rend elle-même pour créer ses motifs et les tissus et les patronages sont réalisés à Ispahan par Kadj, sa marque, en collaboration avec Monsieur Jafari, imprimeur de Ghalamkâr. Le montage des vêtements est confié à Monsieur Amini , artisan couturier à Téhéran. Une vraie démarche de création pour des pièces uniques…
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Bruno
Metzger Bruno Metzger, Maître Bottier Cordonnier crée à Strasbourg des chaussures sur mesure. Son imagination est sans limite et son talent éclate avec ces chaussures pour homme en galuchat, un cuir de poisson cartilagineux à michemin entre le cuir et le minéral. Le galuchat est recouvert de perles de silice donc très difficile à tanner…
Mathilde
Ehret
Claire
Barberot Cette jeune créatrice textile au style très contemporain vit son métier avec une telle passion qu’elle n’hésite pas à travailler dans son atelier avec la présence constante de son jeune bébé près d’elle… Elle s’inspire des motifs et broderies traditionnels slaves, des coupes d’Asie centrale et de l’époque Victorienne, des motifs végétaux de l’Art nouveau. Tous ses vêtements sont réalisés en pièce unique ou petites séries.
Cette autodidacte travaille le feutre avec une dextérité, une délicatesse et un savoir-faire impressionnants. Vêtements, accessoires, mobilier, paravents… tout est empreint de finesse. Les détails de cette veste Pagode font rêver…
Nathalie
Banos
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CÉcile Mairet et Nathalie
Rolland Huckel Installée à Tieffenbach près de Strasbourg avec son compagnon Gilles Ansel, lui-même ébéniste et restaurateur de meubles, Cécile Mairet conçoit des lignes de meubles où apparaissent les influences de Hans Arp, Mondrian, ou encore Théo Van Doesburg. Cécile Mairet aime travailler en binôme avec Nathalie Rolland-Huckel, laqueur, qui a entamé une solide collaboration avec Hermès.
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Jean-Louis
Roelly
Bientôt trente ans que son atelier de joaillerie est installé rue des Chevaliers à Sélestat. Jean-Louis Roelly, 52 ans, est littéralement animé par une passion sans concession pour son métier. Sa boutique est un véritable musée où nombre d’artisans d’art régionaux ont apporté leur touche. Si certaines grandes maisons misent sur son talent et sa sensibilité de créateur, il entretient avec ses clients une relation très particulière : « J’aime me mettre à la place de la personne qui portera le bijou, j’aime avoir le même ressenti, être en osmose avec elle. ». Des métiers d’art, il dit joliment : « Là, on est dans les vrais métiers, loin de ce monde de consommation standardisé… » 23
Installé à Colmar, Josaphat Saussaye est un mosaïste inventif et globe-trotter puisqu’il trouve très souvent son inspiration au bout du monde, en Australie ou en Afrique du Sud par exemple. Son fauteuil Osselet que nous présentons ici est significatif de son talent, de même que ce totem d’1,65m, inspiré par ses voyages.
Josaphat
Saussaye
Suzanne
Capdevielle Les panneaux muraux de Suzanne Capdevielle posent le décor, ses sculptures sont des sortes de gardiens des masses granitiques de la lande où elle aime travailler… Mais ce sont sans doute ses luminaires de porcelaines végétales qui accrocheront le plus votre regard. Magie de la lumière, blancheur et translucidité… Superbe !
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Damien
Lacourt
Avec une exubérance totalement décomplexée, Damien Lacourt revisite de fond en comble l’art de la marqueterie. « La création doit rester libre de toutes les contraintes techniques et l’inattendu est aussi important que la connaissance absolue de la matière. Je suis ébéniste, alors je navigue avec les techniques liées au bois : on appelle cela sculpture, tournage, marqueterie, ébénisterie… : qu’importe le moyen, pourvu qu’il y ait le rêve… »
Nico
Chardel Encouragé et soutenu par Pierre Gaucher, un célèbre maître ferronnier d’art, Nico Chardel, exélève des Arts Décos de Strasbourg décide de faire revivre une vieille forge du XVIIe siècle située en plein cœur de Marmoutier. « Après des années de silence, les riverains ont été heureux d’entendre vivre de nouveau au son de l’enclume renaissante. L’amour du bel objet face au ravage du tout industriel doit l’emporter afin que le beau métier de forgeron perdure » confie-t-il.
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sonia
rinaldi Le métier de graveur sur pierre est aussi ancien que le début de l’humanité. Il consiste à inciser la pierre en creux ou en relief afin d’y laisser des motifs ou des lettrages qui perdureront dans le temps. « Comme d’autres par le passé, ces traces que je fais aujourd’hui préservent ce savoirfaire et forment en même temps une image de moi » dit Sonia Rinaldi. Qui ajoute aussitôt : « J’espère laisser ainsi une trace dans le temps qui suscitera, je l’espère, d’autres passionnés qui transmettront à leur tour ce patrimoine ».
Alain Soulier Ex-danseur étoile, Alain Soulier s’est spécialisé dans la création et la fabrication d’abat-jour haute couture sur-mesure. « Je me sens bien loin des pagodes à franges et des jupons poussiéreux. C’est souvent la nature même du pied de la lampe qui détermine la matière de l’abat-jour. Chaque structure d’abat-jour est unique, faite en acier, sur-mesure à la main puis laquée. Je ne m’interdis rien… » dit Alain Soulier. De fait, cet abat-jour résolument contemporain affiche la transparence d’une véritable radio pulmonaire… Audacieux !
Gabriel
Goerger Une des spécialités de ce ferronnier d’art est l’acier damassé. Le principe consiste à souder au feu entre 1200 et 1400° un empilement de nuances d’acier avec différentes teneurs en carbone. « J’affectionne cette technique » nous dit Gabriel Goerger, « elle me permet de créer une texture dans laquelle j’injecte des rêves et des idées comme un photographe dans la matière sensible de sa pellicule. Mon champ de recherche est très large ». La « lame inuit » que nous vous présentons est une pièce magnifique…
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L’excellence
alsacienne Commentaire JEAN-LUC FOURNIER
Depuis des mois, nous avons suivi pas à pas la naissance de cet exceptionnel événement que sera le salon résonance[s] du 9 au 12 novembre prochains au Parc d’Exposition Strasbourg-Wacken. Nous avons pu ainsi mesurer de nos yeux le travail considérable effectué par la toute petite équipe de la FREMAA, coordonnée par Marion de Rienzo à partir d’Andlau et animée par Anne Basté-Mantzer, la présidente de l’association. La réussite de ce salon sera au rendez-vous, nous en sommes absolument certains. Elle prouvera que dès que l’Alsace se veut déterminée et inventive, elle sait réaliser des choses exceptionnelles en matière de promotion de ses traditions, certes, (les métiers d’art font partie depuis toujours de son ADN) mais aussi du modernisme qu’elle se doit de mettre en avant.
PASCALe
FREY
Une de ses œuvres les plus spectaculaires a été choisie pour figurer à la Une de ce numéro d’Or Norme largement consacré aux métiers d’art en Alsace. Et c’est aussi avec Pascale Frey que nous refermons ce dossier. Cette créatrice de bijoux contemporains est une vraie amoureuse de la nature qui lui fournit l’essentiel de ses idées : « Ma création est intimement liée à la façon dont j’appréhende la vie : la nature m’est essentielle. J’aime me promener, regarder, récolter et inventer de multiples moyens d’utiliser ce qu’elle nous offre. Ces éléments issus du vivant deviendront le cœur de mes pièces. J’envisage mon travail entre le répertoire et l’évocation, le partage de la découverte et la mise en lumière : un hommage à la vie… »
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Avec plus de 170 exposants, tous artistes reconnus et talentueux passionnés, et une foule d’animations durant quatre jours, le salon résonance[s] bénéficiera d’une organisation méticuleuse, très professionnelle et pour laquelle tout a été pensé jusqu’au moindre détail. Car tout a été mis en œuvre pour que les plus de 10 000 visiteurs attendus repartent en ayant admiré le meilleur de ces artisans d’art qui ne sont pas tout à fait des professionnels comme les autres. Tous sont indépendants et pas mal d’entre eux ont connu la galère des débuts hésitants, l’angoisse de ne pas parvenir à gagner leur vie et la kyrielle des angoisses créatives, quand rien ne vient ni n’aboutit, quand sa propre insatisfaction va de pair avec cette exigence parfois folle qui est commune à tous les vrais créateurs. Leur moteur, c’est la passion et l’audace. Cette audace de résolument suivre son chemin, quoiqu’il en coûte et quelle que soit l’opinion des autres. Il y a très souvent une grande solitude liée à l’acte de créer… Mais pendant quatre jours, et parce qu’ils ont décidé de vous rencontrer, les artisans des métiers d’art alsaciens seront sous les feux de la rampe. Avec leur générosité et leur talent. Toutes choses que le public saura leur rendre, tout en ayant « des étoiles au fond des yeux », comme le dit si bien Ninon de Rienzo, directrice de la FREMAA. On a hâte que les portes s’ouvrent…
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Strasbourg s'invite sur le tremplin des
Eurocks
Texte CHARLES NOUAR
Eurockéennes, juillet dernier. Lancement de saison de la saison festivalière du Grand Est, à quelques encablures de Strasbourg. Avec un trophée à la clé pour le rap transatlantique d’Art District.
Depuis les plateaux radio du Mouv’ ou d’Inter, des tentes estampilées Le Pays ou l’Est Républicain chacun semble s’être pluggé en mode promo. Le côté Strasbourgeois n’est pas en reste. Moins visible, mais bien présent. Des DNA à à la petite troupe de Radio Flux 4 et dépendences... Sous la tente presse, Hubert Félix Thiéfaine tel un bon petit soldat d’Hadopi s’attaque à Internet, prend la défense de ces « 75% » d’artistes qui vivent moins bien qu’avant. Un chiffre sorti de nulle part mais que le chanteur se plaît à marteler. Mais très bien, parlons chiffres. Des marges des maisons de disque à l’heure où le numérique réduit leurs coûts de fabrication, de marketing, de distribution. Comment se fait-il alors que l’artiste n’en profite pas davantage :13% au mieux sur les ventes pour qui est à la fois auteur, compositeur, interprète. Un peu gêné, Thiéfaine hésite, concède que pousser à 16%, ce pourrait être bien. Puis de nuancer, sous le regard d’une accréditée qui semble veiller aux intérêts de la maison de disques. « Ce qui coûte cher dans un disque c’est le salaires des musiciens, les frais de studios. Pas les coûts de pressage ou de distribution ». Reste que l’on peut quand même s’intérroger : 84% restant quand même... Mais la femme coupe. Thiéfaine est attendu... ailleurs. Sur d’autres questions, surtout...
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Les eurocks strasbourgeois L’occasion de prendre l’air sur les hauteurs de la grande scène, où un restaurateur libanais sert ses premiers tajines et poulets citron. Originaire de Strasbourg, c’est sa deuxième année ici. Si le billet d’entrée se chiffre à quelques milliers d’euros, l’homme dit espérer rentrer dans ses frais dès le premier jour, si la météo le permet. Un quitte ou double en partie contrarié cette année par deux jours de pluies excessives. Cent mètres plus bas, résonnent pendant ce temps les premières notes. Casquette vissée sur la tête, Gentleman donne le la. Quarante minutes de show incroyable, mêlant plus pur style jamaïcain, messages politiques, Facebook qui en prend pour son grade, et clin d’oeil improbable aux légendes du twist entre deux bains de foules. De quoi donner envie à Art District qui se prépare sur une autre scène. Puis distille avec brio son rap transtlantique. Succès pour ces autres Strasbourgeois qui n’auront pas manqué de prendre le tremplin du festival et de repartir avec le prix prix Fabrice Ragris en poche. Viendront ensuite, les heures, les jours suivants, The Kooks, C2C, The Cure, Luke Pritchard et ses Kooks, Kavinski, Lana Del Rey, Alabama Shakes, Wizz Khalifa ou encore Jake White. De quoi, malgré une pluie d’orages, enregistrer l’une des plus belles audiences des Eurocks : 100.000 festivaliers payants. Dont un grand nombre sans doute continueront à pirater pour mieux découvrir et s’offrir de nouvelles scènes, de nouvelles Nuits. A commencer par celles, « Européennes », orchestrées cette fois sur fond de voyage en terre métissée.
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Sur le front
d’Avignon Texte VÉRONIQUE LEBLANC
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« Une épreuve mais au bout du compte une expérience positive ». Pour les trois compagnies alsaciennes qui ont brûlé les planches d’Avignon cet été, l’aventure a été éprouvante mais elles la referaient. Parce qu’Avignon reste Avignon et qu’il faut se battre pour que vive un spectacle ici et ailleurs, aujourd’hui et demain.
Ils se sont embarqués avec armes et bagages pour Avignon début juillet, ont tracté dans les rues bariolées aux couleurs des 1200 spectacles présentés cette année (pour 800 il y a dix ans), joué, rejoué, re-rejoué un mois durant, composé avec les salles à moitié vides, respiré lorsqu’elles se sont remplies et frémi dans l’attente des diffuseurs. «Ils», ce sont les directeurs, acteurs, techniciens etc... des trois compagnies strasbourgeoises qui ont fait le pari de participer à l’édition 2012 du mythique festival de théâtre avec, pour chacun, l’estampille et les subsides de la Ville et de la Région Alsace. «Sans cette aide, rien ne serait possible confirment Josiane Fritz, Cécile Gheerbrant et Olivier Chapelet, l’aventure serait un gouffre financier auquel nos compagnies ne résisteraient pas». Trois directeurs, trois compagnies - «Les Acteurs de Bonne Foi», «Les Oreilles et la Queue», «OC&CO» et très logiquement trois spectacles aux tonalités différentes avec, respectivement, «Mes poupées ont beaucoup maigri et elles ne connaissent pas les langues étrangères», «Mademoiselle Maria K dans Médée de Sénèque en solo, en intégrale (ou presque)» - deux titres longs, longs, longs comme des rames de station aurait chanté Montand - et «Le Gardien des âmes» de l’écrivain strasbourgeois Pierre Kretz.
Dans l’espoir de retombées L’exil, une Maria K tragédienne et clown ainsi que le destin alsacien au choc de l’Histoire... Des thématiques pas simples à défendre et c’est plus par le dialogue avec les festivaliers que par le tractage pur et simple que les Alsaciens s’y sont pris. Tous confirment l’importance du bouche-à-oreille qui a rempli les salles, le côté fondamental d’avoir une équipe soudée, une location agréable où se refaire des forces après les représentations et «le» bon théâtre. Dernier point en bémol pour Josiane Fritz accueillie au «Rempart»... «le lieu spécialisé dans l’écriture contemporaine change d’orientation, dit-elle, ça nous a desservis». Si elle se réjouit «de contacts très intéressants avec la Roumanie, pays d’origine de l’auteur de la pièce», elle attend de voir quelles seront les retombées concrètes de la venue des diffuseurs.
ILS ONT JOUÉ, REJOUÉ, RE-REJOUÉ UN MOIS DURANT ...
Cécile Gheerbrant a quant à elle pu se réjouir d’un article enthousiaste consacré «aux compagnies audacieuses» dans «La Provence» et ainsi pu profiter «d’un petit buzz». Comme Josiane et Olivier, elle confirme la difficulté «d’accrocher» un public très très sollicité par la pléthore de spectacles «alors que l’on sent que les gens ont moins d’argent.» Une vingtaine de diffuseurs sont venus voir Maria K, ce qui est peu, mais il faut encore voir ce que donnera son travail de relance. Olivier Chapelet qui est passé par une association - La Strada - a compté 75 de ces éminences de la vie culturelle au fil des représentations du «Gardien des âmes» et il espère «une grosse quinzaine» d’enthousiastes parmi eux. Il entame aussi le redémarchage sur les bases du festival, ce qui est encore «faire du Avignon» même loin d’Avignon. Au bout du compte, Josiane, Olivier et Cécile confient des moments de «presque désespoir» mais la satisfaction «d’avoir pu montrer le travail de leur compagnie en étant accompagné par les collectivités dans la difficulté». Malgré les affres de ce qu’il faut bien comparer à un univers impitoyable, Avignon reste encore un moment symbolique pour les gens de théâtre.
LA CULTURE CRAINT 2013 Commentaire JEAN-LUC FOURNIER
Le (vaste) secteur culturel français est lui aussi happé par les affres de la crise financière et de la crise économique tout court. Et il tremble… Il tremble d’autant plus qu’il est bien souvent sous perfusion intensive d’argent public. En Alsace, entre les villes, les communautés de communes, le conseil général du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et le conseil régional, les subventions diverses et variées sont absolument nécessaires pour que la culture essaime un peu partout et soit l’indispensable « marqueur » pour que notre région se fabrique une identité originale. C’est le cas particulièrement à Strasbourg. La Ville consacre près de 25% de son budget à ce secteur qui « fabrique » plus de 9000 événements chaque année (dont 3000 gratuits). Les dix musées subventionnés accueillent, chaque année également, plus de 500 000 visiteurs*. Temps d’austérité budgétaire oblige, l’ensemble du secteur craint beaucoup l’année 2013 qui se profile. L’ensemble des collectivités locales et territoriales sont pour l’heure en train de mettre la touche finale à leur budget de fonctionnement et on sait déjà que des choix vont devoir être faits… En tout cas, on sait aussi que la corne d’abondance de l’argent public va se tarir quelque peu. Et c’est là qu’il faut souligner le bon travail effectué par les trois compagnies alsaciennes dont nous parlons dans l’article qui relate les efforts et l’énergie dépensés à Avignon. Car, demain, c’est peut-être là que se joueront les arbitrages qui, de toute façon, devront être effectués par les collectivités. Entre ceux qui « se bougent », « s’activent » pour se faire connaître et reconnaître et ceux, une minorité certes, qui attendent tranquillement que tombe la manne publique… Ils sont minoritaires, répétons-le, mais ils sont encore trop nombreux par les temps qui courent… Il existe par ailleurs des entreprises privées, malgré les difficultés économiques là aussi, qui ne demanderaient pas mieux que de s’associer, sous forme de partenariat et de mécénat, à des opérations ambitieuses (expos d’envergure, événements…) susceptibles de valoriser, nous allions dire magnifier, l’image de marque de la capitale alsacienne. Certaines seraient même prêtes à constituer comme un « club d’investisseurs » en ce sens. Mais voilà : elles ont besoin d’un minimum de lisibilité sur la politique culturelle de la collectivité. Elles ont besoin de « sentir » l’ambition de Strasbourg pour, ensuite, constituer le cercle vertueux des fonds privés venant s’allier aux budgets publics pour la réalisation concrète d’événements culturels dont Strasbourg serait la première bénéficiaire, en terme d’image de marque. La clé est peut-être de manifester les termes d’une politique culturelle visant à créer des grands événements (au moins un…) chaque année à Strasbourg. Sous la forme d’une exposition qui attirerait des visiteurs de toute l’Europe, au moins des pays limitrophes. Une précision : la dernière expo répondant à ce critère fut l’exceptionnelle expo Kupka, organisée au Musée d’Art Moderne de Strasbourg. C’était en 2003… il y a neuf ans, et elle fut à l’initiative de Fabrice Hergott, alors directeur des Musées de Strasbourg. Depuis, l’homme fait les beaux jours du Musée d’Art Moderne de Paris, au centre Pompidou. Sans accabler ses successeurs (qui font de leur mieux, c’est certain) ce talent exceptionnel n’a malheureusement pas été remplacé… * Source : Assises de la Culture 2009
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Bibliothèques
Idéales 2012 Texte JEAN-LUC FOURNIER
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Ce fut un cru exceptionnel Du monde partout, tous les jours, tout le temps… Qui a dit que la littérature est en voie de désaffection ? Le cru 2012 des Bibliothèques Idéales a été exceptionnel, tant par la fréquentation du public que par la qualité des auteurs présents. Vivement septembre 2013…
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Mardi 18 septembre dernier, grande salle de l’Aubette : Amélie Nothomb a fait un carton durant la session de 17h où elle a dialogué à propos de son dernier ouvrage « Barbe bleue ». Bien avant l’ouverture de la salle, des centaines de lecteurs l’attendaient, massés sur la place Kléber et dans les escaliers de l’Aubette. Interminable séance de dédicaces pour finir, avec ce véritable don que possède Amélie pour mémoriser les plus fidèles de ses lecteurs, même parmi la longue file d’attente : « Oh ! salut Christelle, tu es là ?… ». Christelle n’en est toujours pas revenue… Le même soir, 19h15. On attend pour 20 h Denis Westhoff, le fils de Françoise Sagan et Judith Magre, la comédienne, qui va lire de superbes textes de Françoise. À ce moment, un orage invraisemblable éclate au-dessus de Strasbourg. En à peine dix minutes, la ville est littéralement noyée sous des cataractes d’eau. Place Kléber, deux passants solitaires pataugent dans la flotte, leur parapluie martyrisé par le vent violent. Dans la salle, à peine trente lecteurs qui, par miracle, ont échappé de justesse au déluge. Vers 19h40, ça se calme un petit peu. Mais à 20h, à l’heure dite, 250 lecteurs seront là, trempés mais enfin arrivés à bon port ! Cette simple anecdote météorologique prouve à elle seule que les Bibliothèques Idéales sont devenues une manifestation incontournable et que le rendez-vous est attendu par des milliers de Strasbourgeois et d’Alsaciens dès la publication du programme au tout début septembre. Et ils ont de bonnes raisons pour ça…
La manifestation a trouvé son style Car ce ne sont pas de simples rencontres que proposent les organisateurs, la Ville de Strasbourg et la Librairie Kléber. Tous les auteurs le disent : il y a un monde entre les classiques salons du livre, même les plus courus comme celui de Brive ou, plus proche de nous, celui de Saint-Louis, où de longues files de lecteurs avides de dédicaces se déroulent au cours d’un week-end devant des tables où chaque auteur, du plus anonyme au plus prestigieux, attend « sagement » que la file s’épuise et ces deux ou trois manifestations (à peine) où la littérature est littéralement mise en scène et magnifiée, où l’auteur peut exprimer tout son talent, son sens du verbe et de la réplique, et surtout bénéficier d’un contact charnel et respecteux avec les lecteurs. Les Bibliothèques Idéales de Strasbourg font partie de ce cercle très restreint…
« Una Bella Storia » à l’Aubette
La preuve, par exemple, avec la soirée consacrée à Simonetta Greggio. La plus italienne des écrivains français (elle vit en France depuis plus de trente ans) est venue le 20 septembre pour présenter « l’homme qui aimait ma femme », un véritable « Jules et Jim » façon fin de XXème siècle, un livre délicieux, romanesque en diable qui délivre une belle palette de sentiments humains. Mais, dans la foulée de son célèbre « Dolce Vita » où elle faisait le portrait du double visage de l’Italie, au cœur des années de plomb du terrorisme de l’ultra-gauche, Simonetta, son frère Alessandro et un de ses amis, Anthony (tous deux formés à l’Ecole National du Cirque Annie Fratellini) nous ont présenté en avant-première un long « best of » d’un spectacle absolument magique entièrement consacré à Fellini.
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« Una bella storia » est un spectacle qui mêle la projection des extraits mythiques des films du maître du cinéma italien (ah ! revoir Marcello Mastroianni et Anita Ekberg dans la fontaine romaine de la Dolce Vita…), à des moments de pure poésie et de comédie voire de jongleries joués sur scène par Alessandro et Anthony. En contre-jour, à un certain moment, Fellini était devant nos yeux, regardant lui-même la projection sur l’écran. Dans nos oreilles, la musique de Nino Rotta et la douce voix de Simonetta, lectrice sur scène de son propre texte…
Ce soir-là, toute la magie de l’Italie a envahi l’Aubette. Debout à la fin du spectacle, le public ne s’y est pas trompé, rendant un hommage magistral à ces trois personnes bourrées de talent qui avaient pris tous les risques, profitant de l’audience des Bibliothèques Idéales, pour tester in vivo leur spectacle. On a hâte de le voir en entier (ce sera pour dans deux ans…) mais cette soirée, tant au niveau de la forme comme du contenu, a représenté la soirée-type de la formule Bibliothèques Idéales, une manifestation unique où la littérature nous emporte dans un monde de rêve, de sensibilité et de réflexion. Bravo à la « ragazza » et aux « ragazzi » !
Des moments d’exception Difficile de mettre en exergue l’une ou l’autre des plus de soixante rencontres et des cent soixante intervenants, auteurs, comédiens, musiciens, conteurs, artistes… invités des Bibliothèques Idéales 2012. Mais on n’oubliera pas de sitôt la présence (rare) de Philippe Delerm (« Je vais passer pour un vieux
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Abdellah Taïa
con ») avec son épouse Martine et la chaude voix du comédien Alain Mousset, superbe lecteur d’extraits de texte, les rencontres avec Pascal Quignard, Amine Maalouf (Brigitte Fossey a subjugué le public avec ses lectures), Antonio Lobo Antunes, celle des philosophes autour de Raphaël Enthoven, la soirée Samuel Beckett et l’émotion de retrouver sur scène Dinah Faust aux côtés d’Anne Attik, la précieuse amie du grand écrivain, Abdellah Taïa (une des belles découvertes de cette édition, un jeune écrivain d’origine marocaine au talent fou et à la détermination de granit), l’interview d’Annie Ernaux et les lectures de Catherine Allégret, Vassilis Alexakis autour duquel la communauté hellénique d’Alsace s’est mobilisée. Jean-Claude Guillebaud
Sans oublier la rencontre sous l’égide du Prix Albert Londres avec Annick Cojean, le show sur scène de Bernard Pivot (ce soir-là, c’est un véritable showman qui s’est révélé aux yeux du public…). En clôture le 24 septembre dernier, l’éditorialiste et essayiste Jean-Claude Guillebaud commentait son dernier ouvrage « Une autre vie est possible ». Nous y revenons longuement sous la forme d’un grand entretien dans la présente édition d’Or Norme Strasbourg. Un titre qui pourrait être un vrai slogan pour cette manifestation de rêve à Strasbourg. Quand la littérature montre la voie à suivre dans le monde bouleversé où nous sommes toutes et tous parties prenantes… Philippe Delerm
Bernard Pivot
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ACTA
DÉMOCRATIE ANNÉE ZÉRO Texte CHARLES NOUAR
Jérémie Zimmermann (La Quadrature du Net) pendant sa
Mercredi 4 juillet, 13h. Jérémie Zimmermann, poing rageur, dents serrées, semble encore éprouver quelque peine à le croire : le Parlement européen vient de rejeter le traité anticontrefaçon ACTA sous pression de la société civile par 478 voix contre 39, et 169 abstentions. Plus qu'une victoire politique, un tournant, sans doute, dans l'exercice démocratique.
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Quatre ans de combat acharné contre un texte porté par 39 Etats dont les Etats-Unis et l’Union européenne et qui cherchait à imposer le blocage et le filtrage du Net à l’échelle internationale. Quatre ans d’une bataille sans nom pour l’accès aux documents, pour faire plier près de la moitié des Etats membres de l’Union et la Commission européenne. Quatre ans, enfin, pour renverser une majorité parlementaire, longtemps favorable à un texte taillé sur mesure pour quelques lobbies culturels, agrochimiques et pharmaceutiques, cherchant en plus à imposer une restriction de l’accès aux médicaments génériques et à mettre le monde paysan sous la coupe financière des grandes industries semencières. Oui, Zimmermann a le poing serré. Mais de joie, d’épuisement, tel David face à Goliath. Car sa victoire est celle de la société civile, bien plus que celle du Parlement, poussé jusque dans ses derniers retranchements : à force de campagnes de mailing et de phoning citoyens auprès des eurodéputés, rapidement noyés sous le flot de plusieurs milliers de protestations. De manifestations, aussi, organisées à travers toute l’Europe, de pétitions, dont celle diffusée par le site Avaaz.org : près de trois millions de signataires ! Une première en matière de défense des libertés numériques en Europe.
conférence « Citoyenneté en ligne dans un monde post-ACTA » . Sur l’écran, Richard Stallman, programmateur, militant, fondateur de la licence GNU, président de la Free Software Foundation et autre figure du combat contre ACTA.
« Une ère nouvelle » « La victoire contre ACTA doit marquer le début d’une nouvelle ère dans laquelle les décideurs publics font passer les libertés et l’Internet libre avant les intérêts privés », lâche Jérémie Zimmermann. Cette nouvelle ère, les Etats et la Commission européenne peinent encore à l’accepter. Mais après l’épisode ACTA aurontils seulement encore le choix ? Zimmermann le sait. Ce 4 juillet, quelque chose a changé. A force de travail et de convictions, «cinq gus dans un garage » ont su forcer le cours de l’histoire. Montrer qu’en se mobilisant via Internet, les citoyens pouvaient faire reculer les Etats et contrer les plus grands lobbies industriels, alors que la victoire leur semblait pourtant promise quelques mois plus tôt. Une nouvelle ère, alors ? Les bases en sont du moins jetées, car, indéniablement, la bataille d’ACTA a créé un précédent démocratique. Et prouvé que quelques clics de souris pouvaient suffire à changer le cours de l’histoire politique. En savoir plus : Dossier ACTA sur le site de la Quadrature du Net www.laquadrature.net/fr/ACTA
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L'appel des écrivains
pour la paix Texte ALAIN ANCIAN
Le Forum mondial de la Démocratie a-t-il atteint son but initial : devenir le pendant de Davos (pour le tout business) et Porto Alegre avec son Forum social mondial ? Trop tôt pour le dire, la première édition venant juste de se terminer à Strasbourg. En tout cas, il a abrité un événement de portée mondiale : l’Appel des Écrivains pour la Paix qui, à peine signé, a rencontré un succès étonnant, bien au-delà des frontières européennes… 44
Il y a des sourires qui trahissent de grands bonheurs : Boualem Sansal (l’Algérien) et David Grossman (l’Israélien) ne cachaient pas leur joie le 6 octobre dernier, à l’issue de leur lecture conjointe de l’Appel des Écrivains pour la Paix à l’Hôtel de Ville de Strasbourg. Une joie partagée par Roland Ries, ses adjoints et un parterre d’invités parmi lesquels nombre de lectrices et de lecteurs alsaciens. Caméras, flashes des photographes, interviews : bien qu’en marge du programme officiel du Forum mondial de la Démocratie, l’événement n’est pas passé inaperçu…
L’histoire d’une rencontre Deux auteurs engagés : Boualem Sansal, le Musulman et David Grossman, le Juif. L’un vit à Boumerdès, au cœur de son Algérie natale, censuré, mis sous l’éteignoir par un régime qui ne lui a pas pardonné d’avoir écrit un petit livrebrûlot en 2005 : « Poste restante Alger – Lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes ». Sa notoriété internationale le protège, lui permet d’être libre de ses mouvements, dans son pays comme à l’étranger, mais lui-même le dit : « Je n’existe que dans le monde souterrain… » L’autre vit à Zion, près de Jérusalem. Dès la sortie de son premier ouvrage, « Le vent jaune » dans lequel il décrivait les souffrances du peuple palestinien aux prises avec l’armée israélienne, il a violemment été pris à partie par le premier
ministre d’alors, Yitzhak Shamir. Son fils Uri, militaire, a ensuite été tué au Sud-Liban en 2006. Personne n’a oublié, à Strasbourg, sa venue pour l’ouverture des Bibliothèques Idéales 2011 avec son livre bouleversant : « Une femme fuyant l’annonce », prix Médicis Étranger. Rien, sinon peut-être ce parcours commun fait d’ostracisme, ne les destinait à se rencontrer, encore moins à se retrouver à Strasbourg pour lancer l’Appel des Écrivains pour la Paix. Et pourtant, cette rencontre a eu lieu : à Jérusalem, grâce à la venue de Boualem Sansal.
« Il me fallait faire sa connaissance… » Dans son texte magnifique « Je suis allé à Jérusalem, et j’en suis revenu riche et heureux », Boualem Sansal raconte son voyage en Israël, pour participer, en mai dernier, à la troisième édition du festival international des Écrivains, dont il était l’invité d’honneur. Lui qui venait juste d’apprendre qu’il était le lauréat du prix du roman arabe… « Je me devais de rencontrer David Grossman car il est un monument de la littérature israélienne et mondiale. Nous avons été honorés tous les deux par le même prix, le Friedenpreiss des Deutschen Buchhnadels, le prix de la Paix des libraires allemands, lui en 2010 et moi en 2011 ! Alors, se retrouver ensemble pour parler de la paix à Jérusalem, quelle perspective ! » C’est à son retour que les choses se sont gâtées ( lire l’interview page suivante ). L’auteur algérien a pu alors mesurer la hargne que son voyage avait développé chez tous ceux qui n’avaient pas compris le sens de sa démarche. Ou peut-être avaient-ils très bien compris, au contraire, que ce n’était pas seulement un Musulman qui se rendait ainsi à Jérusalem, mais un homme parmi les autres hommes, sans œillères. Le texte ne débute-til pas par cette adresse explicite : « Chers frères, chers amis, d’Algérie, de Palestine, d’Israël et d’ailleurs… » Circonstance « aggravante » : cet homme était un écrivain d’audience internationale…
difficile qu’ailleurs : un important journal algérien en ligne en a parlé, même en Syrie avec la communauté des blogueurs. Je reçois plein d’appels, des vœux de réussite, des demandes d’adhésion. La liste des 150 premiers signataires a été révélée à la mi-journée du jeudi 11 octobre quand je suis intervenu en séance de clôture du Forum, au Conseil de l’Europe. » Le surlendemain, à Francfort, la veille de la remise du Friedenpreiss 2012 à l’écrivain chinois Liao Yiwu, les résultats des travaux réalisés à Strasbourg ont été présentés à un groupe international d’écrivains, principalement composé d’anciens lauréats du « Friedenpreiss ». À l’heure où nous mettions sous presse, nous ne connaissions pas encore le nom du président et du porte-parole que devaient désigner les premiers membres signataires de l’Appel. Suite logique des choses, le Conseil de l’Europe a décidé de doter le réseau des écrivains d’un secrétariat permanent et des moyens humains et matériels qui lui seront nécessaires. Le siège a été fixé à Strasbourg. Le mouvement est donc bel et bien en marche et chacun sent bien qu’il n’est pas prêt de s’arrêter.
La tempête au retour « J’ai vécu des moments très pénibles, dès mon retour d’Israël. On m’a véhémentement critiqué, de toutes parts. Mais, à la lecture de mon texte, les gens du Conseil de l’Europe de Strasbourg m’ont appelé pour me parler du Forum mondial de la Démocratie. Et ils m’ont dit : on va vous aider. Quand ils m’ont parlé d’octobre, je me suis dit que c’était bien trop tôt, qu’on n’aurait jamais le temps de monter une initiative pareille. Les écrivains sont quelquefois des gens un peu spéciaux, bourrus : leur parler de la paix, ça aurait pu paraître un peu vaseux. J’ai d’abord pensé que ça serait impossible de les mobiliser aussi rapidement. Puis, peu à peu, je me suis dit que finalement, pourquoi pas ? Peut-être que ça pouvait marcher… Et ça a marché ! Les réactions à notre appel commun avec David ont été excellentes, un peu partout, même là où c’est plus
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BOUALEM SANSAL Ce qui s’est passé à Strasbourg est énorme !
Entretien JEAN-LUC FOURNIER
Or Norme : Vous avez le sourire depuis quelques jours. Manifestement, les suites de l’Appel des Écrivains pour la Paix ont dépassé vos prévisions les plus optimistes… Boualem Sansal : « Les cinq jours passés ici à Strasbourg ont été comme un rêve, pour moi. Je pensais que créer un rassemblement mondial des écrivains prendrait au moins dix ans. Avec David Grosmann, en mai dernier à Jérusalem, on s’était dit qu’on serait heureux si, dans une décennie, on avait réussi un petit quelque chose. Et on l’a fait en trois mois. C’est extraordinaire. Quasi spontanément, un vaste réseau est en train de se créer de par le monde. Notre site internet se met en route. Je n’en reviens pas… Ce qui s’est passé à Strasbourg est énorme ! O.N : Et pourtant, à votre retour de Jérusalem, il y a à peine plus de trois mois, vous avez vécu une très sale période… B.S. : J’ai vécu un véritable enfer, en effet. Après la parution de mon texte, le gouvernement du Hamas m’a condamné aux pires châtiments. J’ai été accusé de trahison envers les Arabes, les martyrs de la cause palestinienne, l’Islam. Il y a eu des appels au meurtre contre moi. Moins graves mais bien plus nombreuses, il y a eu des critiques d’Arabes qui affirmaient que j’étais injuste dans le regard que j’avais porté sur Israël, que j’avais trop de bienveillance envers les Juifs et pas assez envers les Palestiniens. Mais ces débats-là durent depuis plus de quarante ans, maintenant ! Ma tendance naturelle est d’aller vers l’autre, lui parler, communiquer avec lui. Je savais bien les risques que je courais, avant de me rendre à Jérusalem, je savais l’exploitation qu’on pouvait faire de ma démarche. Après avoir bien réfléchi, j’y suis allé quand même. De nos jours, c’est comme une chape de plomb qui s’est installée sur ces sujets. On en est à l’appel au meurtre au niveau planétaire, on ne peut plus rien faire, même pas parler. Ceux que j’appelle les procureurs de l’intelligence sont très nombreux, ils veillent à tout, ils décortiquent la moindre initiative, ils caricaturent tout… O.N : Et maintenant que l’Appel pour la Paix a été lancé, ça risque de s’aggraver encore, non ? B.S. : Je sais bien que le simple fait de lancer l’Appel des Écrivains pour la Paix avec un Israélien sera considéré par certains comme une provocation. Pourtant, David est très emblématique de son peuple :
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il vit depuis toujours au cœur d’un conflit, il a une constante attitude en faveur de la paix et il se bat pour l’établissement d’une paix raisonnable. On a tant besoin de gens comme lui… Le peuple, par définition, est pour la paix. Il veut pouvoir vivre tranquille et sereinement, en sécurité, élever ses enfants normalement, construire sa maison. Le peuple ne veut pas la guerre. O.N. : Vous avez payé un lourd tribut à votre liberté de parole. Ce que vous vivez en Algérie n’est pas simple… B.S. : Le gouvernement de mon pays fait tout pour m’isoler du reste du monde. Après la publication de mon petit livre « Poste restante Alger », en 2005, le monde pour moi a brutalement changé. Avant, j’étais invité en permanence à des salons, des débats, des lectures, des dédicaces, à Oran, à Constantine… Depuis, le pouvoir fait tout pour m’isoler. Ça fait sept ans que je ne suis pas allé au Salon international du livre d’Alger ! Après une intense campagne de presse, bien sûr pilotée par le pouvoir, ce fut soudain le silence, le glacis, plus rien du tout. Ma force est d’être un têtu, je pense que tant qu’on est vivant, il faut se battre. Sur le ring, pas en dehors. Mon ring, c’est l’Algérie, c’est là-bas. Je parle de glacis mais, en même temps, ma notoriété internationale me protège. Elle s’est encore accrue depuis que j’ai été lauréat du Friedenpreiss. Je sais que je suis devenu intouchable. En Kabylie, on me considère comme Che Guevara (rires). Je ne suis cependant pas dupe : pour le pouvoir algérien, c’est formidable. Cela lui donne une façade de liberté, de démocratie. Mais si je n’ai jamais été arrêté c’est parce que mon succès porte bien plus loin que les frontières algériennes… O.N. : Cet Appel de la Paix signé à Strasbourg va donc grandement contribuer à votre sérénité… B.S. : Oui, c’est d’ailleurs déjà le cas quelques jours après. Je ne me sens plus seul, désormais. Dans trois ou quatre mois, on va être encore plus nombreux, mieux organisés et on va être rejoints, je le sais, par beaucoup d’écrivains arabes. Je le répète, ce qui s’est passé ici est énorme, pour moi, pour nous tous. On en est encore abasourdi, on n’y croyait pas. Ce n’était pas jouable, mais on l’a fait. Nous sommes les Indignados des écrivains. Alors, écrivons peut-être un peu moins mais agissons tous plus forts. Indignons-nous mais battons-nous un peu plus. Il faut aujourd’hui plus de Zola et d’Hemingway. À leur époque, ils étaient les premiers dans l’arène… Le boulot de l’écrivain, c’est de parler avec les gens. Il leur tend un miroir et il leur dit : « Regardez, vous êtes en train de marcher dans la bonne direction… ».
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Marie-Anne
MOUTON Texte JEAN-LUC FOURNIER
Quel est le flux mystérieux qui émane d’un tableau au tout premier regard, bien avant de connaître le peintre et l’ensemble de son œuvre et qui nous magnétise instantanément ? Et pourquoi sommes-nous immédiatement convaincu qu’il devient urgent d’en savoir beaucoup plus ? Expérience vécue au sein même de la rédaction d’Or Norme Strasbourg …
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Retour de vacances d’été vers le 25 août dernier. La boîte mail de la rédaction d’Or Norme déborde de messages de toutes sortes. Et pas moins de 74 d’entre eux émanent de peintres ou de galeristes qui ont tous une expo à venir (et à promouvoir). Et ce, bien au-delà des frontières de notre région… On les ouvre tous mais, quantité oblige, on est bien obligé de n’en sélectionner que quelques-uns. Et c’est là que l’instant magique se produit quelquefois : sans trop qu’on saisisse complètement pourquoi, un tableau nous magnétise, nous attire, nous capture… Dans ce cas, le sujet de reportage s’impose sans discussion.
De Schiele à Marie-Anne
Autant l’avouer tout de suite : à l’ouverture du dossier de presse, une belle évidence. Les visuels des œuvres envoyés par Marie-Anne Mouton font irrésistiblement penser à l’un des tableaux d’Egon Schiele, et de loin pas le plus connu. Le peintre viennois du début du siècle dernier a acquis sa notoriété grâce à ses superbes toiles où les êtres décharnés et torturés nous fixent avec leurs grands yeux. Mais il a également peint la nature, comme presque tous les peintres. Comment ne pas penser à ses « Quatre arbres » à la vue des œuvres de Marie-Anne ? Quelques jours plus tard, en cette fin d’été où le soleil réchauffe la proche région de Strasbourg, Marie-Anne Mouton nous accueille dans la cour intérieure de son havre de paix à l’orée du Kochersberg. Un large sourire barre son visage : « Je ne pensais pas qu’Or Norme s’intéresserait spécialement à moi. Je ne suis pas très douée en matière de communication, dès qu’il s’agit de me vendre. Pourquoi vous intéressez-vous à moi ? »
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Notre réponse concernant « Les quatre arbres » la laisse… sans voix. « Je ne connais pas ce tableau de Schiele, allons sur internet… » Quelques minutes plus tard, elle est la première stupéfaite : « C’est vraiment une découverte pour moi. Évidemment, je comprends votre réaction mais c’est un hasard total, parce que je vous assure que je vois ce tableau pour la toute première fois… »
paniquée à l’idée de ne plus jamais pouvoir peindre. On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait en partant, je crois que c’est Jacques Prévert qui a écrit ça… Trois, quatre mois plus tard, au beau milieu d’une nuit, mon poignet a bougé… Puis, quelques jours plus tard, l’annulaire, puis les autres doigts. C’était comme le réveil de Cendrillon, un vrai conte de fées. C’est revenu petit à petit, il a fallu un an et pendant tout ce temps, les élèves de mes cours de peinture m’étaient restés fidèles. Cette épreuve a été rude mais incroyablement riche en aventures humaines… »
« Les expériences que nous faisons nous mènent vers l’universel »
« Je suis une rebelle de métier… » Soi-disant pas « très douée pour la communication » mais avide de répondre à nos questions, MarieAnne insiste pour raconter son enfance : « Je suis née à Strasbourg mais j’ai grandi à Sarrebourg, près de la Chapelle des Cordeliers et ses célèbres vitraux réalisés par Chagall. Ma mère était vaguement pianiste et elle lisait beaucoup de livres. Mon père était assureur, très cartésien, vous voyez… Mais j’ai eu une enfance heureuse et ouverte, quand même. Je crois bien que c’est en réaction contre son mode de pensée que j’ai construit le début de ma vie. Mon père rêvait de faire de moi une pharmacienne alors, ni une ni deux, je suis entrée aux Art Décos de Strasbourg après avoir séché le bac. J’y ai connu des profs géniaux, de véritables maîtres à penser, je crois bien que c’est là que j’ai entamé cette démarche entre l’art et la spiritualité. C’étaient les années soixante-dix, la campagne, les communautés. On fumait le pétard en regardant pousser les carottes. Chez moi, il y avait toujours beaucoup de musiciens, j’ai même conservé un piano où Cookie Dingler a fait ses débuts !.. Puis ensuite, j’ai eu un bébé et la vie a suivi son cours. Je n’ai jamais plus cessé de peindre depuis, à part peut-être en 1996. J’ai eu un sérieux accident de voiture qui m’a fait perdre l’usage de ma main pendant des mois entiers. Ça, c’est violent dans la vie d’un peintre. Un truc de fou : mon nerf radial avait été traumatisé par le choc, il a mis des mois à se reconstituer. Néanmoins, cela m’a servi, d’une certaine façon : quand on perd le toucher, on gagne en sens de la perception. Durant ces quelques mois, j’étais comme sur un tapis volant, je voyais à travers les choses mais j’étais aussi totalement 50
Et Marie-Anne de nous conduire dans son atelier baigné de soleil en ce bel après-midi. Et de nous expliquer ses techniques et surtout la folle envie de peindre qui ne l’a plus jamais quittée depuis que son destin l’a emmenée loin des études de pharmacie dont rêvait son père. « J’ai toujours eu l’intime conviction que la peinture fait partie d’un tout, au même titre que la musique, la danse, la pensée en général. C’est pourquoi, par exemple, il y a toujours une danseuse avec moi quand j’inaugure une exposition, notamment Caroline Fix, une danseuse de Bharata-Natyan, une danse sacrée de l’Inde du Sud. Je me suis par exemple connectée avec la forêt ces dernières années. Geneviève Boutry, une photographe talentueuse de mes amies, rentrait d’un long séjour en Australie et elle m’a dit : « L’Alsace a les mêmes couleurs qu’Ayers Rock (le célèbre rocher sacré des Aborigènes –ndlr).
Il y a une sorte de relations entre toutes les composantes de la nature et les artistes y sont très sensibles. On sait maintenant qu’à l’époque des Impressionnistes, beaucoup de peintres se sont mis à employer les mêmes techniques. Ils faisaient la même chose, très loin les uns des autres, à travers toute la planète, alors qu’ils n’avaient pas le moindre moyen de communiquer entre eux. Les expériences que nous faisons nous mènent vers l’universel, j’en suis convaincue… » Actuellement, Marie-Anne Mouton travaille sur du papier de riz marouflé sur toile avec des encres de Chine (noir et couleurs), du brou de noix et de la poudre d’or qui souligne discrètement et merveilleusement ses œuvres. « La terre, l’eau, le feu et son noir de fumée, tous les éléments naturels sont là » sourit-elle…
Or Norme Strasbourg sortira à peine quelques jours avant la fin de l’exposition que Marie-Anne Mouton présente au Conseil Régional d’Alsace depuis le 8 octobre dernier. Une sélection d’œuvres qu’elle a personnellement choisies parmi une multitude précieusement stockée dans son atelier de Offenheim. « J’aimerais tant pouvoir les montrer un peu partout. Mais, je vous l’ai dit, je ne sais pas me vendre… » confie-t-elle avec un soupçon de regret dans la voix.
Reste que cette artiste sensible et inspirée mérite, à notre sens, que vous la découvriez. Si vous n’avez pas le temps de visiter son expo à la Région Alsace, Marie-Anne vous accueillera volontiers dans son atelier. Et si ce déplacement vous est également impossible, elle a édité à compte d’auteur un ouvrage, magnifiquement imprimé : « Pinceau en étincelles ». Pascale Wehr, une de ses élèves, possède également une plume talentueuse et ses mots soulignent l’écho subtil des œuvres de sa professeure. Un beau duo s’est formé là et il a réalisé un superbe ouvrage…
Atelier-École Marie-Anne Mouton 6, rue des Vignes 67370 Offenheim Tél : 03 88 69 86 89 marieanne.mouton@free.fr www.marie-anne-mouton.com 51
Jeunes
BARREZVOUS! Texte JEAN-LUC FOURNIER
« Barrez-vous ! Mais revenez !.. » L’appel a créé l’événement début septembre dernier. Dans les colonnes de Libération, un collectif publiait un brûlot à l’attention des jeunes de France. Tout le monde a focalisé sur le « Barrez-vous ! » en oubliant que dans ce même manifeste, les auteurs incitaient les jeunes à mieux revenir pour s’imposer dans notre société. Coup de pub ? Réaction épidermique ? Rien de tout ça. Mais des arguments à prendre en considération…
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L’alliance improbable de Félix Marquardt, le fondateur des Dîners de l’Atlantique, du rappeur Mokless membre du groupe Scred Connexion et de Mouloud Achour, journaliste chez Michel Denisot à Canal+, nous a valu un moment rare le 4 septembre dernier dans les colonnes du quotidien Libération, au lendemain même de l’annonce de la future nationalité belge demandée par Bernard Arnault ( le télescopage des deux événements étant une simple coïncidence mais qui aura fourni au moins la première phrase du manifeste…). Une chronique incendiaire d’une page (pas moins) dans la rubrique « Rebonds » traditionnellement consacrée aux grands débats qui traversent l’opinion. Une adresse à la jeunesse française au titre percutant : « Jeunes de France, votre salut est ailleurs : barrez-vous ! » Nous publions ce manifeste intégralement page 54, accompagné d’un entretien avec Félix Marquardt, l’un de ses auteurs. Pour faire bonne mesure, nous avons demandé leur avis à deux jeunes strasbourgeois, de retour d’un long séjour en Nouvelle-Zélande et à deux expatriés alsaciens qui vivent et travaillent à New-York. « The times, they are changing », chantait Bob Dylan au début des années 70. Oui, les temps changent…
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LE TEXTE COMPLET DU MANIFESTE
votre salut est ailleurs :
barrez-vous ! » « Jeunes de France, ceci n’est pas une incitation à l’évasion fiscale mais à l’évasion tout court. Comme on dit au Maghreb et dans les quartiers les plus défavorisés de France, vos aînés vous prennent pour des ânes sans oreilles (« khmar bla ouidenine »). Leurs beaux discours dissimulent de plus en plus maladroitement une vérité bien embarrassante : vous vivez dans une gérontocratie, ultra-centralisée et sclérosée, qui chaque jour s’affaisse un peu plus. Comment qualifier autrement, en 2012, une société où une élite de quelques milliers de personnes, dont la moyenne d’âge oscille autour de soixante ans, décide d’à peu près tout ? Comment qualifier autrement un système qui, depuis maintenant plus de trente ans, s’accommode du fait qu’un jeune sur quatre, quasiment, se trouve au chômage (dans bon nombre des quartiers évoqués plus avant, c’est même plutôt un sur deux) et dans lequel, de manière générale, on renâcle encore à confier des responsabilités d’encadrement à qui que ce soit de moins de quarante, voire cinquante ans…? Sachez-le. Une société qui traite sa jeunesse de pareille manière est une société en déclin. Droite ou gauche, politique de rigueur ou de relance, le seul enjeu de nos jours est de savoir si l’an prochain nous connaîtrons une croissance du PIB de 0,5% ou de 1% et si le taux de chômage sera en deçà ou bien au-dessus de 10% – et ces chiffres, déjà affligeants, s’aggraveront dans les années qui viennent, soyez-en sûrs. Le roi est nu et la triste réalité est là : pour la première fois depuis bien longtemps dans cette partie du monde, une génération au moins – la vôtre – vivra, vous le pressentez d’ailleurs, moins bien que la précédente. N’en déplaise à certains, cette donnée fondamentale n’est pas le fruit d’un complot ourdi par les riches et les puissants de la planète, en proie qu’ils sont à des luttes de pouvoir et d’ego qui les occupent bien assez entre eux. Par-delà les chocs qui font tanguer le navire planétaire, un grand Rééquilibrage est à l’œuvre : pour la première fois depuis cinq cents ans, des hommes blancs d’un certain âge, issus d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord, ne président plus seuls – ce sera de moins en moins
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Jeunes de France, tirez-en votre parti : votre salut est, littéralement, ailleurs. Non pas dans la fuite, en quittant un pays dont les perspectives économiques sont moroses mais en vue de vous désaltérer et de vous réinventer pour revenir riches d’expériences nouvelles, imprégnés de la créativité et de l’enthousiasme qui fleurissent aujourd’hui aux quatre coins du monde, ayant fait les rencontres qui vous changeront avant que vous n’en fassiez profiter la France. N’hésitez-plus, choisissez une destination où le monde est en train de se faire, là, tout de suite, que ce soit Tbilisi, où la Ministre de l’économie, la patronne de la police nationale et le seul conseiller du Président sont tout juste trentenaires, ou Le Caire, Shanghai, Mexico ou Santiago…
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« Jeunes de France,
le cas – aux destinées du monde. Il suffit de passer quelques jours, voire quelques minutes, à Istanbul, Jakarta, Mumbai ou São Paulo pour en prendre conscience. Et quelques minutes de plus encore, pour réaliser que ce n’est que justice. Et que, trop souvent, ceux qui prétendent défendre les intérêts des classes populaires en France le font sans une pensée pour les trois milliards d’êtres humains qui vivent avec deux dollars par jour ou moins… ce qui, si le progressisme est encore un humanisme, est au mieux illogique et au pire rien de moins qu’immoral. Grandissant dans la France des Trente Glorieuses, vos aînés ont connu un âge d’or. Aujourd’hui c’est au tour des Brésiliens, des Chinois, des Sénégalais et des Colombiens, chacun avec leurs problèmes et défis, bien évidemment, mais unis par cette foi en l’Avenir qui caractérise les puissances en devenir.
La violence des réactions Barrez-vous parce que rien ne vaut l’ivresse qui vient avec la conscience du monde et de l’Autre du voyageur : partir, c’est découvrir qu’on ne pense pas, ne travaille pas, ne communique pas de la même manière à Paris, à Guang Zhou ou au Cap. Barrez-vous, plus prosaïquement, pour améliorer votre niveau de vie. Car si vous ne gagnerez pas automatiquement plus d’argent en (re)démarrant votre carrière à l’étranger, la probabilité que votre niveau de vie s’accroisse sensiblement au bout de quelques années le cas échéant est statistiquement bien meilleure que si vous restez embourbés en France (ceci vaut d’ailleurs tant pour les apprentis-restaurateurs, coiffeurs, chauffeurs que pour les banquiers). Barrez-vous, enfin, sinon pour vous alors pour vos enfants. Car il ne s’agit pas ici d’encourager votre fuite qui condamnerait la France à terme, mais de vous encourager à partir explorer le monde, à vous imprégner de la créativité et de l’enthousiasme qui fleurissent aujourd’hui un peu partout, de faire des rencontres qui changeront vos vies, avant d’en faire profiter notre pays à votre retour. Partez, revenez, repartez encore, revenez de nouveau. Une vertu centrale de vos pérégrinations sera d’enfin réconcilier la France, forte de vos lumières, avec la réalité du monde qui nous entoure. Trop souvent encore, notre pays fonctionne en effet en vase clos, la topographie du débat public y relevant d’une curieuse forme de schizophrénie où les grands bouleversements planétaires ne donnent lieu qu’à de petits débats gaulois. Le gouffre de plus en plus béant entre la situation réelle de la France et les propositions de ses dirigeants ne sera pas comblé par d’autres que vous, qui, à force de voyages, de rencontres et de découvertes, pourrez sortir ce pays de l’abrutissement engendré par l’autarcie intellectuelle qui est la sienne depuis une trentaine d’années au bas mot. Jeunes de l’Hexagone, ce n’est pas uniquement votre pays de naissance qui est vôtre mais le monde tout entier. Faites-vous violence si nécessaire mais emparez-vous en. Il y va de votre avenir. Et de celui de la France. »
À peine publié, le brûlot a bien sûr engendré moult réactions de par le pays. On passera sur celles dont les auteurs en ont profité pour grapiller quelques espaces médiatiques (c’est le jeu, aujourd’hui…) pour mettre en avant les cocoricos d’usage sur le thème « il ne faut pas insulter la France… », oubliant soigneusement le débat de fond concernant la jeunesse… D’autres ont rétorqué plus sérieusement : par exemple FrançoisXavier Bellamy, un prof de philo de 26 ans, maire-adjoint sans étiquette de Versailles, délégué à la jeunesse et à l’enseignement supérieur, qui a publié quelques jours plus tard dans le même quotidien une tribune titrée « Battez-vous ! » dans laquelle il affirme que « l’évasion qu’on nous propose n’est pas une solution, elle est un aveu d’impuissance. Et le plus triste, dans cette histoire, c’est de voir notre génération appelée à cette résignation calculatrice pourtant si peu de son âge… Où sont la fougue, la volonté - et la jeunesse ? Bref, ce n’est pas le moment de dégager, c’est le moment de s’engager. Formons-nous, et allons à l’étranger si c’est pour mieux nous former. Mais que notre but soit très clair ! Notre pays a besoin de nous pour surmonter les défis qui l’attendent, et nous n’allons pas lui faire défaut maintenant. C’est aussi le meilleur service que nous puissions rendre à l’équilibre du monde. Jeunes de France, notre salut à tous n’est nulle part ailleurs que dans nos mains. Ne vous barrez pas : battons-nous ! ». À bien y regarder, Bellamy ne dit-il pas peu ou prou la même chose que Félix Marquard et ses amis ? Autre réaction de qualité, celle de proches du site youth democraty, un think tank « transpartisan » qui s’adresse aux jeunes. Thomas Friang (son président), épaulé par Nathalie Griesbeck, députée européenne de Lorraine et Jean-Marc Roubaud maire de Villenuve-les-Avignon ont été cités par le site Huffington Post : « Jeunes de France, barrez-vous, indignezvous, armez-vous... Mais battez-vous, avec nous ! Nos voyages d'étude et notre participation à des sommets internationaux sont des expériences uniques pour ouvrir le capot de la mondialisation qu'il est trop facile pour les médias de refermer. Il s'agit plus que de se barrer : on vous forme avant votre départ et vous contribuez aux politiques publiques françaises. Seule condition à cette opportunité, le partage : votre génération a besoin de point de repères, et l'expérience que nous vous offrons doit en être un. Jeunes de France, on vous envoie en Chine, en Grèce, au Brésil, au Mexique, en Russie. Prochaine étape, le Japon, le Qatar et l'Afrique. On va se barrer, on va s'indigner, on va se battre. Et vous, Félix, Mouloud et Mokless, vous nous suivez ? Et François-Xavier ? Faites-vous violence si nécessaire, mais emparez-vous de cette proposition. Il y va de notre avenir. Et de celui de la France. » La rédaction de Or Norme Strasbourg a voulu en savoir plus et alimenter, à sa façon, ce débat qu’elle juge utile et qui ne peut que concerner les jeunes d’aujourd’hui. Rencontre avec Félix Marquardt, un des auteurs du manifeste et Franck et…, deux jeunes strasbourgeois rentrant tout juste de Nouvelle-Zélande, après une expérience unique et qui témoignent de leur vécu… JLF 55
Félix Marquardt Les jeunes Français doivent s’emparer du monde ! Entretien JEAN-LUC FOURNIER
OR NORME : L’impact médiatique des propos que vous avez tenus avec vos deux amis ne s’est pas tari en ce début octobre, alors que nous réalisons cette interview. C’était le but recherché ?
Rencontre avec l’un des trois auteurs du manifeste publié cidessus. 37 ans et une gueule, comme on dit, qui passe bien le filtre des écrans. Un profil inédit et une conviction : il faut que les jeunes de France bousculent l’ordre établi… Difficile, très difficile même, de « coincer » Félix Marquardt pour une heure d’interview. L’homme est manifestement surbooké, entre ses occupations professionnelles et l’impact médiatique de la publication de sa tribune au début du mois de septembre. Mais quand on y parvient, on est réellement impressionné par la pertinence de ses propos. D’autant qu’ils s’appuient sur une réelle expertise au niveau de l’international. Et qu’il n’est pas seul à les tenir…
Félix Marquardt : « Je ne sais pas, mais ça nous réjouit, bien sûr. On me contacte encore beaucoup sur la publication de notre tribune et les visites sur le site internet ne faiblissent que très peu. C’est bien la preuve que nous avons visé juste en écrivant cela avec Mouloud et Mokless. Au passage, je voudrais souligner le fait que rien ne nous prédestinait tous les trois à signer spontanément un texte comme celui-là. Moi, je suis issu d’une famille très bourgeoise et très aisée. Mon père était autrichien et ma mère américaine. Ils se sont rencontrés à New-York grâce à leurs professions respectives et se sont installés en France en 1972. Je suis né à Paris trois ans plus tard… Et j’ai fait l’essentiel de mes études aux États-Unis, grâce à leur soutien financier. Donc, moi je suis un mec qui a grandi dans le VI e arrondissement et qui n’a jamais manqué de rien. Quand je suis rentré des USA, j’avais le sentiment de revenir en Europe, pas seulement en France. Cette Europe, d’ailleurs, dont les valeurs me manquaient beaucoup. Je suis devenu producteur de rap français et d’une start’up de référencement sur internet. C’était avant l’arrivée du buldozzer Google. Cette start’up a ensuite péréclité alors, je me suis lancé dans l’écriture de discours pour des grands patrons dont Lindsay Owen Jones, le PDG de L’Oréal. Cette traversée du désert, pendant presque 18 mois, m’a beaucoup appris. Puis, la lecture assidue du Herald Tribune m’a permis de décrocher un job de responsable communication dans ce média. Ce fut une révélation pour moi, cette découverte que je pouvais faire carrière dans les relations internationales. Tout s’est enchaîné ensuite : aujourd’hui, je suis consultant, j’œuvre dans le conseil pour les sociétés, les ONG ou les gouvernements, les relations médias, la communication de crise et je développe aussi une expertise concernant les réseaux sociaux. Je continue à produire du rap et j’ai fondé aussi « Les dîners de l’Atlantique » à Paris, un rendez-vous régulier qui évoque les grands problèmes du monde contemporain dans une perspective résolument internationale. Nous essayons également de faire émerger les étoiles montantes. Politiquement, je me définirais donc plutôt comme un néo-libéral, ce qui est assez loin du positionnement de Mouloud ou de Mokless. Nous sommes réellement très différents de par nos origines. Mouloud est né en Algérie et il a grandi en banlieue. Quant à Mokless, il est né et a vécu à Barbès. Moi, je suis un gosse de riches et eux sont nés dans des milieux très modestes. Ils ont grandi en France et moi aux États-Unis. Et bien sûr, ils se situent plutôt à la gauche de l’échiquier politique. Et bien, malgré ces différences considérables, nous avons fait tous les trois le même constat : la jeunesse française est maltraitée dans son propre pays et ce, depuis longtemps maintenant. Et le système, pour autant, ne se remet
exclus, et qui, évidemment, adhèrent à nos propos. Et puis, dans l’analyse des réactions, il y a Paris et aussi le « désert français » comme on disait autrefois avec condescendance. À Paris, il y a une toute petite élite de quelques milliers de plus de cinquante ans qui décident de tout mais il faut comprendre que ce n’est pas qu’une question d’aisance ou de sécurité financière. Il y a autre chose : ce pouvoir considérable des grandes administrations et le fait que ceux qui en sont issus appartiennent immuablement à des clubs plus ou moins fermés, plutôt plus que moins d’ailleurs… Et tout ce petit monde cohabite sans problème dans l’endogamie, la gérontocratie et le népotisme. La France est infiniment plus sclérosée que les autres pays, c’est évident. Je veux être clair : toutes les sociétés du monde aiment critiquer leurs élites mais ça n’empêche pas les gens de savoir que les sociétés humaines sont tirées en avant par ces mêmes élites. Ce qui pose un sérieux problème en France, c’est la manière dont ces élites se forment et ce fait indéniable : elles ne veulent pas partager le pouvoir. Ça, ça agace tout le monde aujourd’hui… pas en cause sauf avec de grandes phrases et quelques mesures assez cosmétiques. J’ai eu avec Mouloud et Mokless des discussions passionnantes et malgré nos différences, nous avons bien tous les trois fait le même constat… O.N : Quelles ont été les réactions depuis la publication de cette tribune ? F.M : Très larges et extrêmement variées. Le fait que les médias l’aient relayée très rapidement a provoqué des réactions de tous les bords, que ce soit largement ou brièvement : de NKM à Besancenot, en passant par Sapin, Guaino, Le Guen, Coppé, Le Pen, Goldnish, Le Maire… en fait, pas beaucoup de politiques connus ont manqué à l’appel. Il faut dire qu’on avait bien calculé notre coup : la tribune est apparue le jour de la rentrée des classes et c’est Libé, le journal des progressistes qui l’a éditée. Sans parler des innombrables réactions sur notre site… O.N : Quels sont les clivages qui se dessinent sur un sujet aussi précis ? F.M : Ils n’ont rien à voir avec les traditionnelles opinions politiques. À droite ou à gauche, on aime et on n’aime pas. Rien à voir non plus avec un aspect générationnel : il y a des aînés qui sont d’accord avec nous, d’autres pas et il y a des jeunes qui ne sont pas d’accord du tout et qui disent tout le contraire. Rien à voir non plus avec le social, les élites ou prétendues élites : il y a des jeunes des grandes écoles qui adhèrent complètement à nos arguments, d’autres pas… Et d’autres qui ne croient pas faire partie des élites et qui sont contre ce que nous écrivons. Non, le clivage se dessine entre les jeunes qui ont trouvé leur place dans le système tel qu’il est, ceux qui sont insérés, et qui trouvent nos propos quelquefois scandaleux et ceux qui, souvent, se nourrissent sur la bête, comme moi, mais qui savent bien qu’il y a un gros problème ou ceux qui sont
O.N : Très bien, on a compris votre constat. Mais quelles solutions proposez-vous ? F.M : D’abord, quelque chose d’important. Dans notre texte, nous insistons bien sur un point capital. Si nous incitons les jeunes à parcourir le monde et s’enrichir au contact d’autres sociétés qui leur laisseront plus de chance, c’est pour mieux les inciter également à revenir en France, plus riches d’expériences, d’idées, et décomplexés par rapport à ce système qui les condamne aux galères. Partir, certes, mais pour mieux revenir ! On ne veut pas que notre publication soit un coup d’épée dans l’eau. C’est pourquoi, en même temps que la chronique est parue dans Libé, on a ouvert notre site internet. Avec deux objectifs majeurs : ouvrir un appel à projets qui encourage les jeunes. On a clôturé la réception des dossiers à la mi-octobre dernier. Les lauréats des projets des jeunes à l’étranger obtiendront une aide financière, logistique, managériale et seront coachés pour qu’ils parviennent vraiment à s’épanouir loin de nos frontières et devenir ainsi beaucoup plus fiers d’être français. Comme moi je l’ai fait, c’est en se baladant dans le monde, en réalisant leur projet qu’ils comprendront que certains aspects du système français sont fantastiques, comme le social, l’éducation, la santé, nos valeurs de toujours qu’on ne retrouve pas partout ailleurs… Le deuxième aspect du site est de permettre de recueillir un nombre très important de signataires de notre pétition en ligne afin de la soumettre au gouvernement actuel et de le solliciter pour changer la donne en matière de mesures précises. O.N : Lesquelles, concrètement ? F.M : En tout premier lieu, instaurer des méthodes d’apprentissage de l’Anglais dignes de ce nom, faire des jeunes Français de vrais anglophones. Qu’on le veuille ou non, ne pas maîtriser complètement et couramment cette langue est un énorme handicap car c’est la langue la plus usitée partout. Les jeunes Français sont incontestablement ceux qui utilisent le moins bien l’anglais, ce sont aussi ceux qui utilisent le moins les avantages du programme européen Erasmus. Nous leur disons d’arrêter de croire aux sornettes de ceux qui, comme Zemmour et Naulleau, ont osé me parler d’atteinte à l’intégrité de la francophonie. Quelle stupidité ! Qu’ils ne croient pas non plus à ceux qui évoquent une soumission à l’ordre américain ou une prosternation devant le Dieu Dollar… Nous leur disons simplement que leur salut n’est pas forcément à l’intérieur des frontières de l’hexagone. Nous leur disons que grâce
nouvelles technologies et aux facilités de transports d’aujourd’hui, le monde, parcouru avec un ordinateur dans son sac, est soudain devenu beaucoup plus plat qu’auparavant. Nous les provoquons aussi en leur disant qu’au lieu de s’acheter la dernière paire de baskets à la mode, il leur suffit d’économiser un peu pour faire leurs premiers pas à l’étranger, que notre tendance bien française à l’universalisme nous fait un peu trop oublier le vase clos dans lequel tout fonctionne dans notre pays. Que valent nos petits débats gaulois à l’heure où il y a tant de bouleversements dans le monde ? L’étincelle qui permettra à nos jeunes et à notre pays de se réconcilier avec le monde qui les entoure viendra de l’extérieur, des voyages qu’ils feront, des expériences et de la confiance en eux qui en découleront, faute de l’acquérir ici. Car le monde change et ils le verront en le parcourant. L’homme blanc d’un âge mûr qui gouverne la planète, c’est terminé ! On parle beaucoup en termes de crise, en Occident. Mais c’est oublier que les deux tiers de l’humanité est, soit dans une situation aussi difficile que par le passé, soit au contraire bénéficient d’une amélioration sensible de ses conditions de vie. Arrêtons de nous regarder notre nombril. Emparezvous du monde, vous qui êtes jeunes en France, car les grands combats du progressisme moderne ne vont pas se livrer entre la République et la Bastille. Une conscience mondiale est en train d’émerger, le regard que nous portons sur le progrès devient un peu désuet. Une nouvelle problématique planétaire se met en place, il faut absolument que les jeunes de France y participent… O.N : Récemment, sur la chaîne Public Sénat, vous étiez confronté à Jean-Marie Le Guen, député PS et Pierre Lelouche, député UMP. Vous aviez un discours bien sûr provocateur, mais c’est votre style et celui de votre Appel. Plus d’une fois, en écoutant leurs arguments, vous avez secoué la tête de façon complètement désabusée… F.M : J’avais l’impression qu’il me prenait pour un con. Ils ont même prétendu que mes 37 ans ne me classaient pas forcément parmi les jeunes. Quand je parlais du manque d’ouverture de certains patrons français, ils me sortaient les noms des grands patrons du CAC 40. Oui, j’étais dépité. Mais, en même temps, je suis tombé quelques jours plus tard sur une rediffusion de l’émission et cette deuxième vision m’a requinqué. Car leur attitude et leurs propos étaient les mêmes ; ils montraient ce à quoi nous nous attaquons : le dédain condescendant quand on explique qu’il y a un gros souci avec les jeunes Français… »
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franck et gilles Un petit coucou aux nôtres et on repart !
Franck ( à gauche ) et Gilles sont Alsaciens tous les deux et serveurs dans la restauration. Franck ( 28 ans ) est déjà un pro du baroud à l’étranger. « J’étais déjà parti en Australie en août de l’année dernière. J’avais trouvé ma place en tant que serveur à Sydney. Puis, pendant deux ou trois mois, j’ai voyagé dans ce coin du monde en terminant mon périple en Indonésie, à Bali. J’ai découvert un autre mode de vie, d’autres façons de penser le monde et surtout, une grande ouverture. Loin de Strasbourg où rien ne bouge… Beaucoup de choses sont plus accessibles ailleurs : il n’y a pas autant besoin de paperasse pour dénicher un appart ou un boulot. Tu déposes ton CV dans un resto, on te met à l’essai pendant trois heures et, si ça colle, tu es embauché. Tu ouvres un compte en banque en cinq minutes. Pareil pour ton numéro de Sécu, tu l’as en cinq jours. En même temps, on te respecte infiniment plus, en permanence. Et ça, ça compte beaucoup… » Gilles (25 ans) a vu revenir Franck dans le même restaurant strasbourgeois. Le temps de longues discussions entre eux, ils ont décidé de repartir ensemble, illico presto. Destination : la Nouvelle-Zélande. Toujours dans leur spécialité. Et Gilles a fait la même expérience : « Tout à coup, mon boulot a été bien mieux reconnu, mon savoir-faire aussi. Dans les restos où j’ai travaillé, j’ai fait la connaissance de plein de gens de toutes nationalités : des Anglais, des Mexicains, des Espagnols, des Asiatiques. Chacun d’entre eux était arrivé et s’était démerdé seul et tout le monde était dans le même bateau ! Un point important aussi : quand tu n’as pas d’expérience, on te donne ta chance et quand tu bosses bien, assez vite on te donne plus de responsabilités… »
Franck : Les diplômes, la langue, ils s’en foutent. Quelques semaines après mes débuts, j’ai même formé les nouveaux arrivants. On te fait beaucoup plus confiance qu’en France, c’est certain. Et puis, les rôles sont inversés : là-bas, c’est toi l’émigré ! Quand tu reviens ici, tu portes un autre regard sur les étrangers, crois-moi… À Auckland, j’ai vite compris que les gens sont bien plus cools, plus ouverts et plus accueillants qu’en France. Quelque chose d’important aussi : le Français passe très souvent pour un arrogant. Mais, pour autant, beaucoup de nos amis voudraient bien pouvoir venir travailler en France. Pour beaucoup, la France reste le plus beau pays du monde. Gilles : J’ai fini par rentrer car mon visa de travail n’a pas été renouvelé comme je l’espérais. Mais je vais faire une demande pour repartir bientôt faire un petit tour làbas. J’y ai rencontré quelqu’un et d’ailleurs, elle va me rendre visite à Strasbourg bientôt. Ensuite, j’ai envie d’essayer l’Australie. En tout cas, pour l’instant, mon avenir n’est pas en France. Tout est bien trop difficile et fermé ici. Ta réussite à l’étranger, elle te donne une très grande confiance en toi et bien plus, même : tu en es très fier ! Je sais que si je retourne en Nouvelle-Zélande, je vais encore progresser parce qu’on n’hésitera pas à me faire confiance et à me donner des responsabilités encore plus importantes… Franck : Bien sûr, il y a quelques points moins roses. La culture française finit par te manquer un peu, par exemple. Mais vivre le reste de ma vie à l’étranger ne me fait pas du tout peur. Je donne un conseil, un seul, à tous les jeunes qui veulent essayer : allez-y !!! On y apprend la vie bien plus rapidement et bien plus complètement qu’en France. Et les gens sont moins stressés qu’ici, plus humbles aussi. J’ai même tapé un jour la discute avec le Premier ministre néo-zélandais, comme avec un client lambda. En partant, il m’a dit : « Tu veux rester plus longtemps ? ». Je lui ai répondu : « Faut voir avec le visa… ». Juste avant de partir, il m’a répondu : « Pas de problème, tu l’as ! »
Propos recueillis par BENJAMIN THOMAS
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STRASBOURG
NEW YORK Pourquoi ils ne reviennent pas... Texte CHARLES NOUAR
Tous deux Strasbourgeois, Julien Villa et Lionel Scharly ont franchi le pas et quitté la France pour New York. Un coup du sort pour l'un, un choix professionnel pour l'autre. Sans regrets, au point, pour l'heure, de ne pas imaginer revenir sur le Vieux continent. Rencontre. 60
Lionel Scharly
« New York n’a rien d’impressionnant : c’est Strasbourg en plus grand », s’amusait à dire Roger Sieffer. Lionel Scharly, designer passé par Paris s’en amuse. « En fait c’est très vrai. La vie ici est très proche de celle de Strasbourg. L’aspect économique est le même. À la différence de Paris, ici quand un client s’engage sur un projet, c’est sérieux. Il va jusqu’au bout. À Paris, aussi, tu peux tout faire, mais tu vas te faire planter mille fois. Ici, soit c’est oui, soit c’est non, mais après c’est clair. Et puis, à New York, tout me rappelle l’Alsace : les vendeurs de bretzels, de knacks, la bière ». Même constat pour Julien Villa, consultant en propriété industrielle et photographe à ses heures : « J’ai quitté Strasbourg en 1998 pour Paris, puis New York, en 2009, suite à l’obtention d’une Green Card via la Lottery. « Je n’ai jamais revendiqué mes origines strasbourgeoises mais, ici, je me sens plus Alsacien que Français. Toute la culture germanique sous-jacente de l’Alsacien est là ». De la culture juive à l’influence des migrants allemands en passant par la forte communauté alsacienne présente sur place, et particulièrement bien implantée, de l’avis de Lionel.
Un pays d’actions
Julien Villa
Immigré volontaire Revenir en France, en Alsace ? Aucun d’entre eux n’y songe. Depuis marié à une Américaine rencontré à Paris, Julien se sent davantage dans la peau d’un immigré volontaire que d’un expat. « Ma vie est ici ». À la rigueur, en cherchant bien, la seule chose qui pourrait lui manquer est la confiture d’Églantine made in Alsace. La motivation pour rester ? Une plus grande simplicité des choses, même s’il ne faut pas être naïf non plus, tempère Julien. « Ici, si tu ne relances pas les gens, ils peuvent t’oublier du jour au lendemain s’ils n’ont pas un intérêt direct à travailler avec toi ». Sans compter l’obligation de résultat : « Quand tu dois rendre un dossier, tu le rends en temps et en heure. Pas de délai. La règle du jeu est claire : à défaut, tu perds ton client et son réseau ». Pour le reste, Lionel savoure : « À New York, je peux davantage me consacrer à mon travail de designer qu’en France où je croulais sous la paperasse. Ici, tu bosses mais avec la garantie du chèque à la fin. La paperasse plutôt que la création, « c’est ça, aussi, qui génère la crise ». Autre point fort, la fiscalité. Même si le système de Common Law complexifie parfois les choses, « tu ne paie pas d’impôts sur ton chiffre d’affaires mais sur ton bénéfice, compare Lionel. Cela te pousse à réinvestir dans l’économie ».
La crise ? Un mot que ne connaît pas l’Etat de New York dont la croissance se situe autour de 4,8%, et que Lionel ne serait pas surpris de voir bientôt grimper entre 6% et 8%. Là où celui de l’Europe peine à atteindre les 0,8%... « En à peine deux mois, j’ai récupéré autant de chantiers qu’en un an en France. Tout le monde est prêt à bosser dur pour relever l’économie américaine », sans discrimination : « Ce qui compte ici, ce sont tes références, ta capacité à mener à bien des projets. La taille de ta boîte importe peu », analyse Julien. De quoi permettre à Lionel, avec sa filiale, de décrocher des marchés auxquels il n’aurait pu accéder en France. La seule chose que ne s’explique pas Lionel est l’absence des entreprises françaises sur le sol américain : « Prends Peugeot. Pour les Américains ce sont de très belles voitures. Ils sont demandeurs. Et pourtant, Peugeot n’est pas là ! Historiquement, c’est pourtant nous qui avons apporté le commerce ici et on n’est même plus présent ! Alors quand on me parle de déficit de la balance du commerce extérieur français... ». La vrai différence est d’ailleurs peut-être là, reprend Julien, comme un dernier argument pour ne pas revenir en arrière : « La France est un pays d’idées. Les Etats-Unis, un pays d’action ». La preuve, peut-être, par Obama, qui déclarait le 6 septembre dernier que l’Amérique était passée du « Yes We Can » au « Yes We Did ». Une leçon, sans doute à retenir pour la France qui, à force de cultiver le seul « Yes We Could », voit de plus en plus fréquemment ses diplômés et entrepreneurs regarder ailleurs... Lionel Scharly : www.scharlydesignerstudio.com Julien Villa : www.beaucoupdimages.com
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AprÈs l’hiver… Ce sera un nouveau Texte ERIKA SCHELLY
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En mars prochain, la Place de l’Homme de Fer accueillera une façade réellement exceptionnelle et… hors normes ! Rencontre avec Christian Biecher, l’architecte du nouveau Printemps…
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Printemps
Dès leur parution dans la presse locale, les vues d’architecte de ce qui sera dans quelques mois la nouvelle façade du grand magasin Printemps avaient déchaîné les avis contradictoires. Tous les goûts sont certes dans la nature et, pas plus que les couleurs, ils ne se discutent pas. Alors que l’énorme chantier de la rénovation du magasin se poursuit (lire notre reportage dans Or Norme n°5) et que sa dernière ligne droite se profile, nous avons voulu en savoir plus sur Christian Biecher, son architecte, qui réagit d’entrée à un mot de notre première question : audace : « Audacieux est un compliment, à mon sens. Car cet endroit mérite de l’audace, à l’image de ce grand magasin qui fait partie depuis si longtemps du paysage strasbourgeois. Cet immeuble était laid, comme une souffrance au centre historique de Strasbourg, au pied de la tour et de ce croisement des lignes de tram qui constitue un lieu central important. Cet endroit attire beaucoup de monde, c’est un des points d’effervescence de la ville
Un signal Il ne faut pas beaucoup pousser Christian Biecher pour qu’il dévoile complètement les options qui l’ont guidé : « Je suis né à Strasbourg, ma famille y habite encore et je me suis bien sûr inspiré de l’architecture strasbourgeoise, du moins en résonance. Un volume de verre saillant, en forme de diamant, on retrouve cette inspiration dans l’architecture traditionnelle alsacienne. Bien sûr, j’ai revisité tout ça : ce sera une modernité monochrome avec ce doré un peu froid qui est très actuel. Je pense qu’il ne faut pas que les villes se fossilisent et c’est important pour moi que Strasbourg soit en mouvement, y compris par l’audace architecturale. Strasbourg est devenue une capitale internationale et cette façade sera un signal qui sera très photographié, c’est en tout cas un de mes projets les plus exposés… » Le présumé conservatisme strasbourgeois, pour une fois, ne l’a pas emporté. « Notre projet a été bien accueilli, que ce soit par la Ville de Strasbourg, l’Architecte des bâtiments de France mais aussi par les habitants du quartier. Jusqu’à présent, j’ai eu un bon feed-back et je ne me suis pas senti un seul instant dans la transgression ou dans la provocation. Il faut comprendre que ce grand magasin a été complètement retravaillé dans la profondeur, métamorphosé, avec de grandes ouvertures vers le ciel et sur la place. Ce sera vraiment un immeuble étonnant avec une très belle marquise qui va protéger les utilisateurs du tram et les observateurs des vitrines. Bien sûr, il faudra attendre encore quelques mois pour que tout soit terminé et c’est là que se situera l’instant de vérité. Mais je suis confiant et en tout cas très, très heureux d’avoir contribué à fabriquer cet écrin du nouveau Printemps. »
Christian Biecher, architecte, diplômé en 1989 de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de ParisBelleville, appartient à une génération de créateurs sensibles aux croisements de différentes disciplines. Urbanisme, architecture, design, se fondent dans des approches concertées. Il a dessiné des bâtiments en France, parmi lesquels la Bibliothèque départementale de Carcassonne, le Centre de long séjour de l’hôpital de Hénin-Beaumont, un Centre d’animation et une salle de spectacle Place de Fêtes à Paris 19e (2007), ainsi qu’à l’étranger : Immeubles Tur à Tokyo (2004) et Sora à Shiki (2005), grand magasin Harvey Nichols à Hongkong (2004), immeuble Fauchon à Casablanca (2010) et récemment la rénovation de la Bourse de Budapest (2011). Actuellement, l’agence est en charge de la conception d’un ensemble d’immeubles à usage de bureau à Prague, du nouvel immeuble Printemps à Strasbourg, d’immeubles à usage de logement dans le périmètre à Marseille (Euroméditerranée) et à Strasbourg ( Parc de la Meinau ) ainsi que d’un immeuble à usage d’hôtel**** à Paris 14e ( Place de la Porte de Vanves ). En urbanisme, l’agence a participé au plan de renouvellement urbain du quartier du Bois-Sauvage à Evry et conduit le Schéma directeur de modernisation et d’extension de la ville de La Grande-Motte. Christian Biecher a dessiné des objets et des meubles pour de nombreuses marques dans le monde ainsi que pour les galeries Néotu, puis Mouvements Modernes, et maintenant CatBerro. Il a été lauréat des Albums de la jeune architecture en 1993, élu Créateur de l’année en 2002 (Maison&Objet, Paris). Le Ministre de la culture lui a remis les insignes de Chevalier dans l’Ordre national du Mérite en 2009. Une monographie, Christian Biecher architecte, écrite par Philippe Trétiack, est parue aux éditions AAM en 2009. 63
L'or comme valeur refuge face à la crise :
oui, mais... Texte CHARLES NOUAR
43.000 euros le kilo d’or, aujourd’hui, contre environ 10.000 en 2002. Une bascule fois quatre qui ne laisse plus indifférents certains ménages à l’heure de la crise pour lesquels cette valeur refuge fait désormais office d’assurance vie. Mais reste encore à bien choisir son négociant...
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« Ne nous leurrons pas : la crise n’est pas derrière mais bien devant nous », analyse Denis Schwartz, PDG de la Holding strasbourgeoise Gold S.A (1), spécialisée dans dans l’achat et la vente d’or. Une aventure dans laquelle cet ancien banquier s’est lancé en 1976 et dont la filiale Comptoir de l’Or a vu défiler plus de 100.000 clients en un peu plus de trente-six ans. Un profil de clientèle qui n’a pas évolué avec la crise mais dont les motivations ont changé. Des investisseurs, bien sûrs, des femmes divorcées ou des néo-héritiers qui revendent leurs bijoux, mais, fait nouveau, des personnes aussi, en perte de confiance fiduciaire, qui cassent leur assurance vie ou leur retraite pour les convertir en or. L’euro, le dollar, Denis Schwartz s’attend à ce qu’ils continuent à perdre de leur valeur. D’où l’intérêt de la valeur refuge, aisément convertible en devise selon les besoins.
Un poids, deux mesures Reste les aléas. Car si le Comptoir National de l’Or a pignon sur rue et est présent en France par l’intermédiaire de 58 agences, il n’en va pas de même d’autres enseignes. Abus de confiance, pratiques frauduleuses ne sont pas exclues dans des enseignes peu scrupuleuses, dont certaines encore présentes dans la capitale alsacienne, malgré une première vague de mise en fermeture. Comment les reconnaître ? Quelques « warnings » peuvent alerter les clients. « Si on vous demande une pièce d’identité et que l’on vous paie par chèque, c’est bon signe », souligne Denis Schwartz. A défaut, méfiance. Côté roublardises les plus courantes, un bijou que laisse négligemment tomber un acheteur, et qu’il peut oublier de rendre. La balance aussi, pas toujours tournée vers le client... « Les nôtres sont agréées par les Poids et Mesures et toujours tournées vers le vendeur ».
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L’ombre de Madoff Après, d’autres pratiques sont sont tout autant questionnables comme dans l’exemple de ces sociétés vendeuses d’ « or virtuel, dont l’acheteur ne rentre jamais en possession physiquement après la transaction, simplement prétendument mis à disposition dans un coffre à l’étranger », ajoute l’homme. Une étrangeté pour Denis Schwartz qui soupçonne une possible future « affaire Madoff »... Autre warning, la domiciliation de certaines sociétés de rachat d’or par correspondance : « Il faut ici bien faire attention à distinguer le siège de l’entreprise et la plateforme de réception de l’or ». La domiciliation de la plateforme, même si elle est en France, n’est pas gage de sécurité pour le client et est susceptible de cacher celle, véritable, d’une société douteuse, basée dans un paradis fiscal, sur laquelle un client mécontent n’aurait que peu de prise. Autant de points et de pratiques auxquels les clients doivent faire attention, prévient Denis Schwartz, ajoutant qu’un peu plus de vigilance, aussi, de la part des Douanes et de la DGCCRF(2) serait la bienvenue. Car si des sociétés comme le Comptoir de l’Or assurent le sérieux de leur démarche clientèle, il n’en va parfois pas toujours de même pour d’autres... Comptoir de l’Or : www.gold.fr / 23, avenue de la Paix, Strasbourg Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.
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stephan Un progrès majeur pour le traitement des AVC Dominique Stephan, professeur et chef de service Hypertension et maladies vasculaires au Nouvel Hôpital Civil de Strasbourg, détaille pour Or Norme Strasbourg une avancée majeure dans le traitement des accidents vasculaires cérébraux. Chaque année, entre 80 et 100 000 personnes sont victimes d’un accident vasculaire cérébral. Cette pathologie, une catastrophe particulièrement redoutée, est très souvent provoquée par l’artérosclérose, un rétrécissement des vaisseaux sanguins. Certaines causes sont bien connues : tabac, trop forte consommation de graisses, hypertension, diabète, sédentarité… L’AVC peut être mortel mais, si le malade survit, il peut aussi souffrir d’un handicap à des degrés plus ou moins graves qui est susceptible d’amputer considérablement son autonomie. Si dans un tiers des cas d’AVC, les symptômes peuvent régresser, dans un cas sur deux la maladie laisse cependant un handicap considérable.
Du nouveau sur le front des traitements « Environ 25 000 AVC sont provoqués chaque année par l’arythmie cardiaque » précise le Professeur Stephan, « d’où le traitement d’urgence par des médicaments fluidifiant le sang, des anticoagulants. Jusqu’à présent, nous rencontrions un gros problème avec cette contrainte de pratiquer des tests récurrents pour que la posologie soit parfaitement adaptée à chaque patient. Les risques de surdosage ou de sous-dosage étaient bien présents. De nouvelles molécules arrivent et elles représentent un très grand progrès pour le traitement des AVC. Elles peuvent être prescrites pour quasiment tous les patients et c’est un plus extraordinaire car elles limitent considérablement la variabilité et les risques dûs au dosage. Nous rencontrons beaucoup
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moins de complications hémorragiques, il n’y a plus de problème d’interaction alimentaire et médicamenteuse et le traitement est ainsi plus efficace. Pour nous, elles représentent un grand projet dans la prise en charge du malade. »
Plus chères mais génératrices d’économies La mise sur le marché de ces molécules est imminente. « Restent deux problèmes » précise cependant Dominique Stephan. « Leur prix, plus élevé mais qui devrait être largement compensé par le nombre considérablement réduit des examens que nous devions impérativement effectuer auparavant. Reste aussi deux limites à leur utilisation : l’absence d’antidotes pour les hémorragies accidentelles dûes par exemple aux accidents de la route et l’absence de possibilité de mesurer l’effet anticoagulant avec des techniques de routine lors d’interventions chirurgicales urgentes ou semi-urgentes. Mais pour moi qui ai grandi à l’aune des anciennes molécules qui réclamaient une vigilance permanente, ces nouvelles molécules représentent un progrès majeur indiscutable » conclut-il.
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Conseil général du Bas-rhin Une semaine pour
l’insertion La crise économique et sociale impacte durement les BasRhinois. Le taux de chômage et le taux de pauvreté sont en progression, les publics en situation de précarité ressentent un sentiment d’isolement et de nouvelles problématiques émergent : la précarité énergétique, par exemple…
L’assemblée bas-rhinoise consacre pas moins de 14 millions d’euros pour apporter des réponses concrètes face à cette situation. Son soutien à l’innovation sociale se traduit notamment par la mise en œuvre expérimentale de contrat de 7 heures pour les allocataires du RSA les plus éloignés de l’emploi ou un appui massif aux opérateurs de l’insertion…
Des passerelles avec les entreprises privées Depuis plusieurs années, un nombre grandissant d’entreprises font effectivement émerger les questions sociales et environnementales dans le fonctionnement quotidien de leur structure, sous l’intitulé général de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Très généralement, les actions ciblent plutôt le champ caritatif et la lutte contre les exclusions ou encore l’environnement. Au final, l’enjeu s’articule autour de la construction de passerelles entre les entreprises, les acteurs de l’économie sociale et solidaire et le Conseil Général du Bas-Rhin, dans un souci de professionnalisation, d’innovation et de développement économique. C’est à cet enjeu que souhaite répondre le Conseil Général du BasRhin en organisant du 10 au 16 novembre 2012 une semaine de l’insertion afin de valoriser ce qui est fait par les acteurs de terrain dans le champ de la lutte contre la pauvreté, la prise en compte des nouvelles problématiques et la recherche de nouvelles réponses. Une trentaine d’actions concrètes vont être promues durant cette semaine. Parmi elles, l’organisation d’un cycle de conférences à l’Hôtel du Département, à Strasbourg, sur l’engagement des entreprises dans le champ de la responsabilité sociale et plus spécifiquement la lutte contre la pauvreté. Martin Hirsch sera l’un des conférenciers sur ce thème aux côtés du Guy-Dominique Kennel.
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À noter également l’organisation d’un dîner de mécénat à Sélestat, ouvert aux entreprises du bassin d’emploi, pour parrainer l’ouverture d’un restaurant d’insertion destiné aux personnes en situation de précarité, l’invitation à la projection du film « Un vie meilleure » au Mega Rex de Haguenau, suivi d’une table ronde sur la prévention du surendettement avec CRESUS, la Banque de France, l’UDAF, entre autres et des démonstrations de « bons gestes », à Saverne, pour permettre une réduction des factures d’énergie et ainsi lutter contre la précarité énergétique. Afin de valoriser les initiatives qui auraient déjà été prises par des acteurs locaux associatifs ou publics (centres communaux d’action sociale), le Conseil Général du Bas-Rhin organise par ailleurs les 1ers Trophées de la Solidarité (on peut télécharger l’appel à candidature sur le site internet du Conseil Général du Bas-Rhin).
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Juste avant le bouclage • Combattre le cancer du sein grâce à… la lingerie féminine Un de nos fidèles annonceurs, la boutique LE BOUDOIR, invite ses clientes à participer à une campagne de mobilisation de l’association Pink Bra Bazaar qui souhaite contribuer à la lutte contre le cancer du sein. Cette association a été créée par les industriels de la lingerie féminine et les fonds qu’elle récolte sont destinés à mettre sur pied des actions de prévention, de dépistage, de recherche et à accompagner les femmes victimes de cette maladie. Le principe est simple : chaque cliente de la boutique –et même, bien au-delà, chaque femme qui le souhaite- peut soutenir ces objectifs en déposant des soutiens-gorge peu ou pas portés dans une boîte spéciale au Boudoir. Les articles ainsi collectés seront transformés par des créateurs et « revivront » une nouvelle vie lors de défilés, d’expos ou de ventes spéciales. La boutique Le Boudoir offrira à chaque personne qui déposera un soutien-gorge un bon-cadeau de 10 €, à valoir sur l’achat d’un nouveau. L’opération se termine fin octobre.
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• En « off » de St-Art 2012 Une belle initiative que celle prise par la Galerie Bertrand Gillig et l’agence artistique Des Artistes en off de St-Art 2012. Dans un écrin qui est en lui-même une œuvre d’art, chez COR Interlübke Studio, Patrick Cornillet et Michaël Delattre exposeront leurs œuvres du 24 novembre au 19 janvier prochains. Show Room COR Interlübke Studio, 6a quai Kellermann à Strasbourg. Par ailleurs, l’agence Des Artistes présente les monochromes de Natacha Caland au Link Bar du Sofitel Strasbourg. Le vernissage aura lieu en présence de l’artiste le 6 décembre prochain et l’expo sera visible jusqu’au 6 juin 2013. Sofitel-Link Bar, 4 place Saint-Pierre le Jeune à Strasbourg.
• un « meilleur apprenti de France » chez Olivier Nasti...
... ET un « meilleur SOMMELIER de France » chez JEAN-GEORGES KLEIN A L'ARNSBOURG
Au Chambard à Kaysersberg, le Chef Olivier Nasti, Meilleur Ouvrier de France 2007, a déjà conduit quatre apprentis en finale, dont trois d’entre eux, ont décroché le titre de Meilleurs Apprentis de France : et voici qu’arrive le quatrième, Xavier Koenig, à gauche sur cette photo qui deviendra peutêtre légendaire le jour où le jeune Xavier remportera sa première étoile...
Une bonne nouvelle sur le front de la gastronomie alsacienne ne pouvant pas décemment arriver seule, Romain Iltis, le jeune chef sommelier du restaurant triplement étoilé L’Arnsbourg à Baerenthal a complèté son palmarès avec le titre de Meilleur sommelier de France, obtenu le 16 octobre dernier, lors de la finale qui a eu lieu en Provence. Originaire de Colmar, Romain Iltis avait déjà obtenu un BTS hôtellerierestauration puis une mention complémentaire Sommellerie au lycée d’Illkirch-Graffenstaden. C’était sa quatrième participation à la compétition de «Meilleur sommelier de France»...
Écrire pour revivre La couverture, d’abord. Hallucinée et sanguinolente, elle dit tout du livre de Michel Bedez, un ami de notre rédaction mais vous ne trouverez cependant aucune complaisance dans cette chronique. Que de la sincérité… On le croisait souvent, le bon Michel, par ailleurs fondateur d’une société événementielle au talent reconnu à Strasbourg, Passe Muraille. On le croisait souvent lors d’un de ces dimanches pluvieux, au Café Brant, tout près de ses bureaux. Dans ses yeux clairs, s’il y avait toujours ce soupçon de lassitude qu’on lui connaissait bien, il a un jour fini par nous dire : « J’écris. J’écris un livre… » Et « Le boa » est né juste avant l’été dernier. Un choc à sa lecture. Un vrai choc ! Un livre comme celui-là ne se raconte pas. Tout juste peut-on dire que ce premier roman laisse groggy… Il y est certes question d’une mère qui ne coupera pas le cordon ombilical qui la relie à son enfant qui vient de naître. Soudés à jamais, les deux personnages vont entamer la traversée improbable d’un monde qui ressemble fort à une interminable descente aux enfers… C’est un monde qui n’existe pas, paraît-il. Paraît-il… Si on ne veut pas trop vous dire de l’histoire racontée par Michel Bedez, c’est bien dans l’espoir que vous vous plongerez dans son livre. Car il y a bien du courage à signer un tel ouvrage qui, c’est vraisemblable, aura été le point d’orgue d’une longue
LE BOA – MICHEL BEDEZ – EDITIONS CHAPEAU CLAQUE
démarche personnelle. Si Michel a longtemps eu les yeux délavés, c’est peut-être parce qu’il lui fallait l’écrire ce livre, le ciseler même avec des mots dont pas un n’est anodin, le publier en créant sa propre maison d’édition et le revendiquer sans masque ni faux-semblant. En le signant sans pseudonyme… C’est fait. « Le boa » est né. Et Michel en parle comme d’une évidence tranquille…
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PortFOLIO ALBAN HEFTI Ce jeune photographe (23 ans) a été très marqué par son stage à l’Agence Vu en 2008, à la suite de ses études dans sa région natale du Nord et son bac Photo à Paris. Ses rencontres avec Stanley Green (Agence Noor) et Denis Desprez (Agence Vu) lui ont confirmé sa vocation pour le photojournalisme. Venu à Strasbourg par amour, Alban Hefti nous a séduits par son dynamisme et sa foi en la photo. Son reportage sur PK STRAS, une association strasbourgeoise de parcours et d’acrobaties urbaines nous a tapé dans l’œil...
www.albanhefti.com - 06 50 05 87 11
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Bloc-NOTES
HERVÉ WEILL FANA D’ACTUALITÉ, LA PLUME IMPERTINENTE ET ICONOCLASTE, HERVÉ WEILL REVIENT SUR LES ÉVÈNEMENTS DES DERNIERS MOIS.
Juillet • C'est désormais très classique, quand il ne se passe rien en été, on nous parle de la météo. Et pire que tout quand en été il pleut, on ne nous parle plus que de la météo. Il a donc plu en juillet, les vacanciers ne sont pas contents et les commerçants non plus. Le changement de temps c'est forcément bientôt, mais le changement de sujet, c’est pour quand ?
• Alors que l’on commémore la rafle du Vel d’hiv, un nazillon est encore tombé de son nid, responsable de la déportation de plus de 15 000 juifs alors qu’il dirigeait la police du ghetto de Kosice. Pendant qu’une énième polémique pathétique agite la France sur son implication pendant la rafle, Laszlo Csatary coulait des jours heureux dans sa Hongrie natale. • Une tuerie aux États-Unis fait 12 morts et 60 blessés lors de la
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projection du dernier Batman à Denver. Une autre dans le Wisconsin fait quatre morts dans un temple Sikh. En France on n’a pas de flingues (si on excepte les Kalachnikovs à Marseille), mais on a des voitures. On peut se défouler et aller renverser les enfants sur les passages piétons et sur les trottoirs. Alors on pourra toujours débattre sur l’utilité de porter une arme sur soi ailleurs, en attendant ici les chauffards roulent toujours. • Les Jeux Olympiques d’été débutent en Angleterre. C’est vrai, les Anglais ont dépensé beaucoup d’argent pour la cérémonie d’ouverture. Mais pour voir la tête de la reine Mère après qu’elle se soit aperçue sauter en parachute avec James Bond, valait son pesant de joyeux de la Couronne.
Août • Teddy Rinner pourrait encore gagner en popularité s’il allait enjoindre, au nom du peuple français, à Nelson Montfort de la fermer définitivement. « Quand un homme de 130 kg parle, les hommes de 60 kg écoutent », disait Audiard qui s’y connaissait bien en «ceux qui osent tout». • L’Eglise catholique française appelle à une « prière universelle » contre le mariage homosexuel. D’après les sondages, on s’en fout. Une Église gaie, avec des prières « pour », ça ne serait pas plus vendeur ? • Les handballeurs de l’équipe de France ont détruit un studio de télévision de l’Equipe TV. Ils sont presque aussi abrutis que les footballeurs, sauf que quand ils s’excusent on arrive à comprendre ce qu’ils disent. Ça change tout.
• Les Pussy Riot ont été condamnée à 2 ans de prison pour hooliganisme et incitation à la haine religieuse pour avoir chanté une « prière punk » dans une église. Imaginons un instant la même action avec des handballeurs gays ? • Lance Armstrong est privé de ces sept Tours de France. Le problème pour attribuer les titres, est que, certaines années, il faut remonter jusqu’à la 10ème place pour trouver un coureur qui n’a jamais été pris pour dopage. C’est le problème du Texan : il dit de jamais avoir triché mais il se baladait face à ses adversaires chargés comme des mules. Ce n’est pas parce qu’il se nomme Armstrong qu’il doit penser que nous sommes cons comme la lune.
• La « saudade » est un mot Portugais pour exprimer la mélancolie et la nostalgie. On ne peut donc décemment pas en vouloir à Cristiano Ronaldo de se sentir triste et abandonné de tous. Heureusement ça va aller mieux, son club devrait augmenter son salaire annuel de 5 millions d’euros. Le Real, parce qu’il le vaut bien. • Cette fois c’est parti, François Hollande se met au boulot et ça ne rigole plus. Il lui a été reproché d’être étrangement absent pendant cet été, mais il a bien le droit de prendre des vacances, non ? Et puis, puisqu’en deux ans la France va être redressée, ce n’est pas la peine de se presser, on peut bien attendre la rentrée. Putain, deux ans, chouette !
• Jean-Luc Delarue nous a quittés après un cancer et une longue lutte contre la cocaïne. Il a fait un tour de France lui aussi pour faire prendre conscience aux plus jeunes de la réalité de la drogue. Faute avouée à moitié pardonnée, attribuons quatre tours d’Armstrong à Delarue. • Les vrais héros sont ceux qui ne font pas parler d’eux. Ce qu’ont réalisé Neil Armstrong et son équipage est encore aujourd’hui incroyable, mais nulle trace d’arrogance ou d’orgueil chez le pionnier de l’espace. Le mot « Star » prend vraiment tout son sens.
• Bernard Arnault est suspecté de s’essayer à l’évasion fiscale en demandant la nationalité belge. Libération s’essaie à l’humour en donnant dans l’insulte sarkozyste, se rapprochant du coup de ce qu’ils avaient honni. Espérons qu’Edouard de Rothschild, patron du quotidien, ne veuille pas s’expatrier non plus. • Allez expliquer qu’on fait tout pour garder des emplois dans des secteurs qui ne fonctionnent pas qu’on va fermer la centrale de Fessenheim, qui fonctionne et qui est « une filière d’avenir ». On attend la réaction plein gaz (de schiste) du ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg.
Septembre • Baisse effective de l’essence de 6 centimes. Les micros-trottoirs des médias montrent que tout le monde râle car ce n’est pas assez. Question : de combien aurait due être la baisse pour que tous les gens soient contents ? Envoyez vos chiffres et commentaires à la rédaction d’Or Norme si vous pensez qu’il y a une réponse possible. • Grand tapage médiatique pour savoir qui de François Fillon ou JeanFrançois Copé sera le nouveau chef de l’UMP ? Quelqu’un pourrait juste leur expliquer calmement que les élections, avec primaires et tout ça, ça fait deux ans qu’on en bouffe et que leur guéguerre, juste là maintenant, on s’en fiche autant que d’un comité de soutien pour le retour de Sarkozy.
• Un sondage dans un grand quotidien régional alsacien. Etes-vous pour ou contre cette taxe supplémentaire sur la bière ? Publication du résultat ce jour : « une majorité de nos lecteurs est contre »… Ça, c’est un scoop ! Un quotidien alsacien qui publie un sondage exclusivement destiné à des lecteurs alsaciens portant sur une nouvelle taxe sur la bière et qui aurait donné un résultat inverse, ça serait disons… disons… comme si… c’était un poisson d’avril !
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BULLETIN D’ABONNEMENT À LA DISTRIBUTION PERSONNALISÉE DE OR NORME STRASBOURG Pour répondre à de nombreuses demandes, nous mettons en place un abonnement à la distribution personnalisée de notre magazine. Soyez certain de recevoir un exemplaire de chaque numéro de Or Norme Strasbourg par voie postale. Remplissez soigneusement le formulaire ci-dessous, joignez votre chèque et vous serez le premier à prendre connaissance de chaque édition de la revue. Le montant du chèque couvre les frais de conditionnement et d’envoi (tarif normal) des 4 prochains numéros, à compter de la date de réception. BULLETIN D’ABONNEMENT À renvoyer soigneusement rempli, accompagné de votre chèque, à : ASP - ABONNEMENTS OR NORME STRASBOURG - 25 boulevard Wilson - 67000 Strasbourg NOM _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ PRÉNOM _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ADRESSE POSTALE : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _________________________________________________________ _________________________________________________________ ADRESSE ÉLECTRONIQUE : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ @ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Chèque joint de 20 euros à l’ordre de ASP, correspondant aux frais de conditionnement et d’envoi de 4 numéros d’OR NORME Strasbourg (à compter de la date de réception du bulletin). 80