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Comprendre l’utilisation des arômes dans les créations parfumées

Le thé nous ouvre une palette aromatique, et donc un imaginaire, stimulants et passionnants. Pour accéder à cette dimension olfactive et gustative qui suscite cet attachement unique à nos thés préférés, les créateurs de thés parfumés doivent composer avec des arômes. Quels sont-ils et qu’est-il possible aujourd’hui d’utiliser dans une recette que l’on souhaite biologique ?

Petit lexique aromatique

Les arômes jouent un rôle organoleptique et contribuent à la création d’une alchimie qui sera la signature ou la partition d’un thé ou d’une infusion parfumée. On distingue différents types d’arômes.

Les arômes naturels, divisés eux-mêmes en trois catégories : Les arômes de synthèse, fabriqués selon des procédés chimiques, donc non naturels, divisés eux-mêmes en deux catégories :

• les huiles essentielles, extraits, concentrés, directement obtenus par différents modes d’extraction des substances odorantes présentes dans une fleur, un zeste d’agrume, une épice, etc. Ces arômes naturels sont souvent constitués d’un très grand nombre de molécules différentes, qui en font la richesse ;

• les arômes naturels de x (la fleur, le fruit, l’épice…), qui doivent être composés au moins à 95 % de ce x. Les 5 % restants peuvent être un tout autre produit sélectionné pour son apport ou son soutien aromatique. Par exemple, les 5 % de pêche ajoutés aux 95 % de fraise pourront contribuer à donner des notes très fruitées à un arôme de fraise ;

• les arômes naturels, toujours exclusivement issus d’ingrédients naturels, mais pouvant s’affranchir de la règle des 95 % ou être des mélanges de plusieurs arômes naturels.

• les arômes dits « identiques nature », qui sont des reproductions, par synthèse, d’arômes existant à l’état naturel. Ces arômes sont d’un point de vue moléculaire identiques à ceux qui sont présents dans la nature, mais se limitent souvent à la substance odorante dominante de l’arôme naturel. Par exemple, la vanilline peut être obtenue par une fermentation à partir de pulpe de betterave ;

• les arômes artificiels, contrairement à une idée très répandue et aux craintes qu’ils véhiculent, sont rares. Ils sont obtenus par synthèse et n’existent pas dans la nature.

Il s’agit souvent d’arômes ressemblant à une molécule naturelle mais modifiée pour développer sa puissance aromatisante.

L’éthylvanilline, l’un des plus connus, est ainsi une forme moléculaire trois fois plus parfumante que la vanilline, mais n’étant pas présent dans la nature, on le qualifie d’« artificiel ».

Cette nouvelle réglementation a été pour Palais des Thés une opportunité d’associer transition biologique et élaboration de nouvelles recettes, toujours plus transparentes et savoureuses. Ce travail a nécessité beaucoup d’expérimentations, de recherches et de dégustations ! Plusieurs cas de figure se sont présentés.

Une création parfumée bio

explorant d’autres saveurs

Dans ce cas, la création parfumée bio doit évoluer vers une ou plusieurs créations à part entière, s’affranchissant plus ou moins de sa version conventionnelle, pour un résultat gustatif à la hauteur des espérances communes. C’est le cas de Fleur de Geisha pour laquelle il a été impossible de reproduire les notes uniques, un peu fantaisistes, de fleurs de cerisier, mais qui a donné, au final, deux créations très différentes : une première, davantage sur le kirsch et l’amande, et une seconde, mettant en avant la pulpe du fruit. Enthousiasmée par ces deux versions, l’équipe de Palais des Thés a décidé de les proposer toutes deux dans une boutique et de recueillir l’avis des amateurs à la suite de leur achat. Un échange toujours teinté de découvertes et d’émotions.

Une création parfumée bio

fidèle aux parfums et aux goûts de la recette d’origine

Soit les sensations olfactives et gustatives, avant et après passage au bio, sont totalement identiques avec une recette pourtant différente et répondant aux nouvelles règles. C’est le cas du Thé des Moines biologique, d’une grande fidélité aromatique à sa version conventionnelle, dont l’accord floralzesté-vanillé unique a pu être recomposé avec des ingrédients bio.

Dans les plantations en plaine, il est essentiel de creuser des fossés pour éviter que l’eau ne stagne au niveau des théiers.

Le thé et l’eau

L’eau joue un rôle essentiel dans la culture, la manufacture et la dégustation du thé. De la terre à la tasse, l’histoire des feuilles de thé est intimement liée à cette ressource naturelle.

Par Laetitia Portois

Élément naturel à apprivoiser lors de la croissance du théier, à contrôler pour déterminer les différentes couleurs de thé, à maîtriser pour une préparation optimale, « l’eau est la mère du thé � ».

La culture : un équilibre parfait entre humidité et sécheresse

Le lien qui unit l’eau au théier se noue dès les premiers instants de vie de l’arbre. Le théier peut s’accommoder de conditions climatiques variées, mais nécessite des précipitations abondantes − au minimum 1 500 mm d’eau par an répartis tout au long de l’année. Une pluviométrie très importante permet d’obtenir davantage de rendement, et des feuilles de plus grande taille. Ces dernières seront néanmoins moins concentrées en huiles essentielles : une feuille de plus petite taille, qui prend le temps de pousser lentement, sera plus aromatique. Cela explique pourquoi les thés dont les feuilles ont été récoltées en période de mousson sont un peu moins complexes d’un point de vue gustatif.

L’idéal pour permettre au théier de s’exprimer pleinement est le climat des régions équatoriales d’altitude, où saisons des pluies et saisons sèches se succèdent. Les feuilles ont en effet besoin de lumière et de soleil pour développer leurs principes aromatiques et ainsi donner à la liqueur toute sa richesse et sa subtilité. Un endroit comme Darjeeling est un paradis pour la culture du thé. Le taux d’humidité y est constant. Les plantations sont dissimulées au cœur d’une mer de nuages, de paysages énigmatiques, à flanc de montagnes… Le brouillard favorise l’épanouissement de l’arbre, qui se développe pleinement lorsque le taux d’hygrométrie (l’humidité présente dans l’air ambiant) se situe entre 70 et 90 %.

Le thé se cultive de préférence sur un sol en pente, car contrairement au riz par exemple, le Camellia sinensis ne supporte pas la présence d’eau stagnante au niveau de ses racines. L’inclination permet ainsi un drainage naturel du sol. D’ailleurs, dans les plantations situées en plaine, les producteurs creusent des fossés pour former un réseau d’irrigation et ainsi éviter tout risque d’engorgement. L’eau devient par la suite une alliée, presque un outil, lors de la réalisation des différentes couleurs de thé.

La fabrication du thé : l’exemple du thé noir

La feuille de thé est constituée à 70, voire 80 % d’eau. Une fois cueillie, il est indispensable de la « déshydrater » pour permettre sa manipulation, sans la déchirer. Le flétrissage a ensuite pour but de faire perdre à la feuille 50 à 60 % de son humidité. La récolte est épandue en couche mince et régulière sur des claies, dans une salle bien ventilée. À l’issue de cette étape, la feuille a gagné en souplesse et en élasticité : il est possible de la manipuler pour la rouler comme on le souhaite. Puis, débute l’oxydation. À l’inverse du flétrissage, qui a pour but d’assécher la feuille, l’oxydation consiste à maintenir l’humidité pour faciliter le processus oxydatif. Les feuilles sont ensuite étalées sur des tables dans une salle où l’atmosphère offre un taux de 95 % d’humidité.

Une fois le degré d’oxydation souhaité obtenu, il est impératif d’exposer les feuilles à de très hautes températures afin d’interrompre le processus et de réduire considérablement l’humidité contenue dans les feuilles. On parle alors de « dessiccation ». Cette étape demande un grand savoir-faire, car si le taux d’humidité final est trop important, il y a un risque de moisissure.

4 5 Jours

En période de mousson, le théier croît à une vitesse vertigineuse et peut être récolté tous les 4 à 5 jours.

Dans les régions himalayennes, le temps change très vite. En quelques minutes, la brume enveloppe les cueilleurs de son manteau humide.

Si le séchage est trop fort, alors le thé perd de ses arômes. Un thé déshydraté à 100 % ne peut plus infuser, car les substances contenues dans les feuilles sont rendues insolubles. Au terme de ces opérations, les feuilles doivent renfermer moins de 5 % d’eau. La fabrication du thé nécessite donc un aller-retour constant entre chaleur et humidité. Il est essentiel de maîtriser l’eau présente dans la feuille pour pouvoir réaliser et déguster un thé de qualité.

Quand l’eau révèle le goût du thé

Une tasse de thé est composée à 99 % d’eau. L’eau doit permettre de « révéler » tous les arômes et la complexité du thé, sans en fausser le goût. Le choix est crucial, et le sujet discuté depuis plusieurs siècles déjà. Ainsi, vers l’an 780, dans Le Classique du thé, Lu Yu, le plus grand Maître de thé de la dynastie Tang, invite à préparer le thé en utilisant l’eau bue par le théier tout au long de sa vie. À la suite de Lu Yu, un tableau d’excellence classait les sources comme suit : l’eau d’une source de montagne qui bouillonne sur des cailloux ou des rochers vierges de toute végétation, l’eau des sources de montagne

La Source Des L Gendes

Nombreux sont les récits légendaires sur ces liens étroits qui unissent l’eau et le thé. L’un d’eux raconte que le Long Jing n’est jamais meilleur que lorsqu’il est infusé dans l’eau limpide de la source des Tigres Bondissants.

2. Écrivain britannique (1913-1983), spécialiste des religions et des philosophies asiatiques, connu pour ses écrits sur le taoïsme et le bouddhisme chinois.

en général, l’eau des sources de plaines exemptes de toute contamination, etc. Selon le sinologue John Blofeld 2 , la rosée recueillie au point du jour sur les feuilles de lotus jouissait également d’une excellente réputation, mais n’était que rarement utilisée.

Aujourd’hui, les amateurs de thé ont facilement accès à une eau de qualité. Néanmoins, qu’elle provienne du robinet ou d’une source, l’eau contient des minéraux, loin d’être neutres pour le thé. Ainsi, certains ont une saveur (salée, par exemple, dans le cas du chlorure de sodium), d’autres, une odeur (les dérivés chlorés, fréquents dans les eaux traitées, peuvent dégager une odeur d’eau de Javel).

Lorsque François-Xavier et Léo partent à la recherche de thés d’exception, ils dégustent auprès des producteurs dans les pays de thés, et de nouveau une fois de retour en France, avant d’acheter un lot. En effet, d’un pays à l’autre, l’eau peut avoir un impact considérable sur le goût du thé : un cru qui semble exceptionnel sur place peut s’avérer décevant une fois infusé avec l’eau métropolitaine.

Les critères d’une eau de qualité

Pour choisir une bonne eau, il faut prendre en compte différents éléments. — Le pH : il détermine le caractère acide ou alcalin d’une solution. L’équilibre est atteint lorsque le pH est à 7. Pour infuser le thé, on préfère un pH neutre ou très légèrement acide, cela permet, dans le cas de certains thés, de révéler des notes en particulier (les arômes floraux d’un darjeeling de printemps par exemple).

— Les minéraux : ces éléments peuvent réagir au contact des composés du thé, notamment des tanins, et « ternir » ce dernier.

— La température de l’eau : la température à laquelle on chauffe l’eau a également son importance. L’infusion à la température idéale, propre à chaque type de thé, permet de maîtriser l’équilibre entre les tanins, les acides aminés et les composés aromatiques. L’eau ne doit jamais bouillir : l’eau qui bout ne contient plus du tout d’oxygène. Or, l’oxygène favorise le passage des composés aromatiques à l’état gazeux, et donc la perception des arômes. L’eau trop chaude détruit par ailleurs les acides aminés et les composés les plus volatils. •

QUELLE EAU UTILISER POUR INFUSER SON THÉ ?

Chez Palais des Thés, nous sommes convaincus qu’un bon thé mérite une bonne eau. Dans certaines régions, l’eau du robinet peut convenir, mais il est important de vérifier qu’elle n’est ni trop calcaire, ni trop chlorée. Il est possible d’utiliser l’eau d’une carafe filtrante ou un charbon actif pour se séparer de ces éléments qui pourraient altérer le goût du thé. On peut également choisir une eau de source faible en minéraux.

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