LA REVUE DE PA L A I S DE S T H É S
Numéro 90
Automne 2023
ÉDITORIAL
S’engager Se préparer et boire une tasse de thé au quotidien peut sembler anodin. Un rituel qui rythme les journées ou qui suspend le temps, qui accompagne un repas ou qui se déguste comme un bon vin. Ce moment de plaisir partagé par des millions d’amateurs en fait la deuxième boisson la plus bue au monde après l’eau. Clément Régis Responsable Développement Durable & RSE
Chez Palais des Thés, depuis trente-six ans, nous nous consacrons avec joie à vous faire découvrir et déguster des thés exceptionnels du monde entier, aussi bons que beaux. Cette passion pour le thé nous engage. À préserver les terres sur lesquelles il est cultivé. À réduire au maximum l’impact environnemental que peuvent avoir nos activités. À s’assurer que tous ceux qui le produisent en vivent, et en vivent bien. À permettre à tous nos collaborateurs de développer leur expertise et de s’épanouir au sein de notre maison. À l’offrir à ceux à qui il pourra apporter du réconfort.
En couverture
Cette cueillette de thé a lieu au Kenya. Le théier étant un arbre à feuilles persistantes, la récolte peut être réalisée tout au long de l’année, par période de quatre à quinze jours. Ci-contre
Dans presque tous les pays de thé, la cueillette a lieu à la main, les plantations étant souvent situées sur des terrains escarpés où toute mécanisation est inconcevable.
Pour renouveler nos engagements et continuellement améliorer l’impact de nos actions, nous avons pris soin de tirer un premier bilan, avec un désir de transparence : évaluation des émissions carbone que nous produisons, défis posés par la conversion de nos thés et infusions au bio tout en soutenant nos producteurs de longue date, travail méticuleux pour traquer et éliminer à grande échelle les plastiques de nos emballages… Tous ces enjeux ont été scrutés avec l’aide des équipes mobilisées chaque jour par ces projets. Ces engagements, nous les prenons au sein de l’entreprise mais surtout envers vous, chers lecteurs et amateurs de thé de qualité. Vous pouvez donc dès à présent découvrir ce bilan sur notre site Internet, et si vous le souhaitez, nous adresser vos commentaires et suggestions à ce sujet.
Retrouvez notre rapport RSE sur notre site Internet www.palaisdesthes.com
Numéro 90 • Automne 2023
SOMMAIRE C A R N E T D E VOYAG E
PLANÈTE THÉ
PLANÈTE THÉ
Par Manuél a L er iche
Objectif zéro plastique ?
Mieux emballer, moins emballer
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UN GR AND CRU, UN TE A SOMMELIER
DU THÉ EN CUISINE
Goûter la Corée 6
C U LT U R E T H É Par L aetitia Por toi s
Le gong fu cha, le temps du thé 20
Par C amille Bour r ie z
La dégustation du Batabatacha de Itoigawa
Riz au lait au Chaï Impérial 28
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R AC O N T E Z- M O I
T H É D ’ E XC E P T I O N
ÉBRUITÉ
Par Elena Di Benedetto
Le Bai Mu Dan, un thé blanc subtil et brut
Toute l’actualité du Palais
Les cocktails au thé 30
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CONTRIBUTEURS
Camille Bourriez
Elena Di Benedetto
Manuéla Leriche
Master Tea Sommelier, Camille adore cuisiner et trouve dans le thé un véritable plaisir gastronomique. Elle est également touchée par le savoir-faire exprimé par les producteurs dans la fabrication du thé.
Elena aime écrire et boire du thé toute la journée. Adepte des oolongs de Taïwan, elle voit dans chaque tasse une occasion de dépaysement et de découvertes qui nourrissent sa passion du thé au quotidien.
Master Tea Sommelier, Manuéla apporte son expertise et sa connaissance des thés en développant une approche pédagogique et décomplexée.
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CARNET DE VOYAGE
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Goûter la Corée Connue aujourd’hui davantage pour sa culture pop que pour celle du thé, la Corée du Sud produit pourtant depuis des siècles des infusions d’un grand raffinement. Accompagnée de Léo, Chercheur de thé de Palais des Thés, je me réjouis à l’idée de rencontrer nos producteurs, de transmettre à mon retour mes découvertes aux amateurs, et surtout de me laisser surprendre par le mystère du « pays au matin calme ». Par Manuéla Leriche, Responsable des thés d’origine et Grands Crus
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e la Corée je connaissais la poignée de thés d’exception que nous avions sélectionnés pour la maison et quelques clichés et préjugés. En résumé : la K-Pop, le cinéma ultraviolent et le bibimbap ! Il me restait donc à peu près tout à découvrir. À quelques heures du départ, Léo apprend que se trouvent à Séoul, où se tient le festival mondial du thé, trois de nos producteurs : un Taïwanais et deux Coréens. Nous décidons donc dans l’avion que la capitale sera notre première étape. Initiation à la Corée en quelques heures
Culture du thé et bouddhisme sont étroitement liés en Corée du Sud. La légende raconte que ce sont des moines bouddhistes qui auraient introduit les graines de théiers dans le pays.
Au cœur du quartier de Gangnam (littéralement « au sud de la rivière »), dans cet immense hall d’exposition où se côtoient stands de producteurs de thés et échoppes de potiers, nous dégustons ce que la Corée du Sud offre de meilleur : des thés verts et noirs qui méritent leur prestigieuse réputation et de délicates infusions de tout ce que la terre peut donner (betteraves, potimarrons, choux, carottes, fleurs fraîches de lotus, pin, gui…). Nous pensions que notre mission serait de détecter quelques pépites coréennes qui nous ouvriraient des pistes pour la suite de notre voyage. Notre défi ? Sélectionner des merveilles parmi les merveilles Ces dégustations répétées sont une bonne introduction aux spécificités des trois régions de production du pays, toutes situées dans le Sud : la zone de Hadong, le district de Boseong et l’île de Jeju. En une après-midi, je mesure combien la Corée du Sud est un pays qui vit le thé, un pays de culture – dans ses plantations mais aussi dans ses traditions – du thé. J’oublie alors mes références au Japon ou à la Chine auxquels on compare si souvent – à tort, par facilité et en quête de repères – les thés coréens. Les thés coréens, dans leur diversité, ne ressemblent à nuls autres. Dans ce pays cohabitent tradition et innovation, dans la manière de produire le thé, mais aussi de le préparer et de le déguster. À la fin de cette première journée, il est une coutume à laquelle, malgré les litres de thé qui font trembler nos corps fatigués par le voyage, nous ne pouvons échapper : le barbecue qui clôt la journée et réunit les exposants, suivi de l’incontournable karaoké. L’occasion pour nous de continuer nos échanges avec les producteurs et de partager un moment festif, désinhibés par un joyeux cocktail de décalage horaire, théine et soju. Le thé éveille les sens, je vous assure que ce n’est pas une légende.
CARNET DE VOYAGE
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On compte sur la montagne Jirisan pas moins de sept temples bouddhistes parmi lesquels se trouve Ssanggyesa, le temple autour duquel auraient été plantés les premiers théiers coréens.
Hadong, berceau des théiers Dès le lendemain matin, le temps d’un somme, nous avons laissé derrière nous les routes grises de Séoul pour nous engager dans des allées bordées de châtaigniers au cœur d’une nature luxuriante. Nous avons choisi de venir à Hadong à la fin du printemps pour participer au Hwagye Market. Ce marché à ciel ouvert se déroule cette année pendant tout un mois. Décoré pour l’occasion, le village, réputé pour son artisanat, célèbre le Camellia sinensis et vit au rythme du thé. Cet événement qui attire des amateurs de tout le pays est reconnu, à raison, pour la qualité des thés et infusions présentés. Enthousiasmés par ceux que nous avons dégustés, dès qu’un échange en anglais est possible – les outils de traduction nous jouent bien des tours, traduisant systématiquement « thé » par « voiture » ! –, nous interrogeons les producteurs sur leur travail, les volumes de production et la possibilité de visiter leur plantation. Le dimanche, les jardins de thé n’étant pas ouverts aux visiteurs, Léo me propose de marcher jusqu’au temple bouddhiste Ssanggyesa qu’il avait découvert quelques hivers plus tôt, désertique, difficilement accessible sous l’austérité de chemins enneigés jalonnés de statues effrayantes. Situé sur les pentes sud du Jirisan, la « montagne des gens étranges et sages » où l’on produit le jukro, le temple se montre à la saison des cerisiers en fleurs sous un jour plus séduisant et rassurant. C’est ici que les moines auraient planté les premiers théiers au ixe siècle de notre ère. Une pause gourmande dans une maison de thé nichée dans ce parc naturel d’une beauté sauvage est une nouvelle occasion de goûter au raffinement et à la diversité des saveurs coréennes. Lorsque nous voyageons dans des pays théicoles, plus que des thés, ce sont surtout des producteurs que nous cherchons. Des hommes et des femmes qui font aujourd’hui des thés excellents et seront capables demain de nous surprendre encore. SumJin, scientifique de formation, nous accueille avec sa femme dans sa salle de thé pour une dégustation sur sa magistrale table taillée dans un tronc d’arbre. Je retrouve cette manière singulière de
Plus que des thés, ce sont des producteurs que nous cherchons.
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CARNET DE VOYAGE
Manuéla et Léo s’essayant à la cueillette du thé. Celle-ci exige une grande dextérité. La jeune pousse à cueillir est calée entre l’index et le majeur de chaque main, brisée par le pouce et rabattue dans la paume avant d’être glissée dans le panier.
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CARNET DE VOYAGE
CARNET DE VOYAGE
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préparer le thé découverte à Séoul : de grandes quantités de thé servies dans de tout petits contenants. Sum Jim nous propose un thé noir – infusé 6 minutes à 95 °C ! – que l’on déguste dans des tasses de la taille d’un dé à coudre. Ce n’est pas un hasard s’il a demandé à un potier de lui façonner ces microtasses : Sum Jim cherche une concentration aromatique et une expérience gustative unique. Ses thés noirs très cacaotés, très expérimentaux, comme ses thés verts sont sublimes. Au fil des dégustations et de nos rencontres, je suis émerveillée par cette capacité des producteurs de thé coréens à regarder toujours vers le futur, en gardant leur âme et en honorant la tradition sans la figer dans le temps.
Jukro, des thés noirs de haute volée Le jour suivant, je me réjouis de rencontrer Cho Yun-Seok, troisième génération de producteur de thé, dont j’ai souvent dégusté l’exceptionnel jukro. Jukro désigne un mode de production du thé, et non une zone de production ou une appellation protégée. Originellement, ne portait le nom de « jukro » que des thés produits sous la rosée des bambous. Récolté une fois par an et vendu à des prix très élevés, il est l’un des fleurons des thés noirs coréens. Cho Yun-Seok nous emmène là où tout a commencé pour sa famille : une ferme transformée en maison de thé. Cet homme discret me touche par son émotion et sa sincérité quand il nous parle de sa famille et de la place du thé dans sa vie. Il caresse sa théière où infuse le thé qu’il nous a préparé en nous expliquant qu’il lui transmet ainsi son énergie. Un geste singulier à l’image de son pays. Ses théiers plantés dans un milieu sauvage, sous des fougères géantes, poussent dans les plus hauts jardins de la région, à 800 mètres d’altitude. « – As-tu d’autres thés que ton jukro à nous faire goûter ? lui demandons-nous avec insistance. – Peut-être. » Un « peut-être » qui cache un sublime thé de tiges grillées, un oolong exceptionnel et les meilleures infusions de poirier sauvage et de feuilles de kaki que j’aie jamais bues. En Corée du Sud, les infusions sont un art ! Ce sont ces révélations, que seule la rencontre permet et qui donnent du sens à nos
Avide de sortir des sentiers battus de la tradition, Cho Yun Seok est un aventurier du thé, doté d’un savoir-faire transmis par ses parents et grands-parents.
CARNET DE VOYAGE
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voyages à la source du thé. Nous avons beau suivre le travail de Cho YunSeok depuis plusieurs années, ce n’est qu’en partageant du temps et quelques tasses de thé que notre aventure commune peut s’enrichir.
Des surprises à Boseong
Chauffées à la vapeur, les feuilles de thé sont façonnées en petites galettes, percées d’un trou pour les laisser sécher pendues en chapelet. Leur vieillissement bonifie ce thé confidentiel, réservé à la consommation familiale.
Plusieurs heures de route et nous arrivons, le jour tombé, à Boseong pour quelques nuits dans de ravissantes maisons tricentenaires aménagées pour les visiteurs de passage. Plus discrète qu’Hadong, Boseong présente pourtant une richesse historique et un immense potentiel. Si le thé est pour nous, amoureux de cette boisson, une manière de capter l’esprit d’un pays, sa gastronomie est un bon indice de sa richesse culturelle. Ici, comme dans la région d’Hadong, dans chaque plat ou infusion, je suis sensible à la recherche de goûts. Des goûts parfois déroutants quand il s’agit d’avaler des tentacules de poulpe vivant, de la raie fermentée, de la chèvre noire ou du crabe bambou. La famille Choi à qui nous rendons visite cultive, comme partout en Corée du Sud, aussi bien du thé que des plantes à infuser avec une approche holistique : les mets et les boissons que l’on boit doivent être bons aussi bien pour notre corps que pour notre esprit. C’est June, le fils de la famille Choi, qui nous accueille et nous propose d’emblée d’aller cueillir du thé, puis de manufacturer ensemble notre « cuvée ». Revêtus d’un tablier, de manchons et de gants, nous reproduisons attentivement les gestes de Madame Choi pour torréfier, à très haute température, ce qui sera « notre » thé vert. Une succession de mouvements circulaires et de pression sur les feuilles, interrompus par des temps de pause et d’aération donnent des notes à la fois fraîches et toastées propres aux thés verts coréens. « – Voulez-vous goûter notre thé blanc ? » nous propose timidement June. Quelques mois avant notre voyage, Léo avait suggéré à June d’essayer de produire un thé blanc, qu’il est aujourd’hui à la fois impatient et inquiet de nous faire déguster. La surprise est au-delà de nos attentes. Il est d’une telle élégance qu’il sera, au printemps prochain, le premier thé blanc coréen commercialisé en Occident ! Un souvenir de notre voyage que nous avons hâte de partager avec tous les amateurs.
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PL ANÈTE THÉ
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OBJECTIF ZÉRO PLASTIQUE ? Omniprésentes dans notre vie quotidienne depuis les années cinquante, les matières plastiques, économiques et performantes, ont représenté une révolution dans nos habitudes de consommation. Un symbole de « modernité » dont on mesure aujourd’hui l’impact délétère sur l’environnement. Dans le secteur du thé, comment peut-on s’engager davantage pour réduire la pollution due aux déchets plastiques ?
Un enjeu planétaire À la fin du printemps 2023, se réunissaient au siège de l’Unesco, à Paris, 175 délégations de pays et 3 000 participants du monde entier afin de réfléchir à un projet de traité international pour lutter contre la « pollution plastique ». Si les dégâts de l’explosion du plastique (au début des années 2000, le tonnage de plastique produit doublait tous les cinq ans et il pourrait tripler si aucune mesure n’est prise d’ici 2026) sont incontestables, chaque pays et chaque filière envisagent des solutions différentes. La France est certes le troisième pays le plus consommateur de plastique au sein de l’Union européenne, mais il soutient aussi l’une des politiques les plus ambitieuses avec un objectif de 100 % de plastique à usage unique recyclé d’ici 2025. L’accélération des réglementations sur le sujet est aussi liée à la prise de conscience d’un risque sanitaire pour le consommateur (voir encadré ci-dessous). L’industrie du thé, comme le secteur de l’agroalimentaire en général, est concernée par ces questions environnementales et de santé qui remettent en question non seulement les procédés de fabrication et les équilibres économiques mais aussi les modes de consommation et les usages des consommateurs. Le défi est de se donner les moyens de vivre dans un monde sans plastique nocif pour l’Homme et son environnement.
DU PLASTIQUE DANS LA TASSE ? En 2019, une étude canadienne a mis en évidence la libération de milliards de microparticules de plastique dans le thé lorsque celui-ci est conditionné et infusé dans un sachet en Nylon ou PET (polyéthylène téréphtalate). Depuis le 1er janvier 2022, la mise sur le marché de ce type de sachets est interdite en Union européenne (en application de la loi Agec, voir page 18). Ces matières synthétiques sont remplacées essentiellement par du coton et plus récemment par de l’amidon de maïs (PLA). Palais des Thés a, par exemple, intégré le coton dès 1999 et l’amidon de maïs depuis 2020. Aujourd’hui, aucun sachet de thé proposé n’incorpore de plastique.
Les emballages représentent
46 %
de la consommation du plastique en France *.
*Source : ADEME (juin 2023). **Source : “Plastic Teabags Release Billions of Microparticles and Nanoparticles into Tea”, ACS Environmental Science & Technology, 2019.
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Le vrac, une évidence pour le thé Historiquement, le thé a toujours été vendu ainsi, à la pesée. La commercialisation en vrac de denrées alimentaires, comme le thé, favorise la réduction des déchets d’emballages jetables. Le vrac redevient donc une évidence et s’inscrit dans une tendance de consommation de fond. Solide et sec, le thé peut ainsi se conserver, dans de bonnes conditions, pendant plusieurs mois. Autre avantage : le vrac permet de garder les feuilles de thé entières sans les briser.
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« Chaque année, quelque 10 millions de tonnes de déchets plastique finissent dans les océans, l’équivalent d’un camion toutes les minutes ! »** Réduire, réutiliser, recycler Le plastique ne peut pas être remplacé dans toutes ses fonctions. Toutefois, il existe encore une grande marge de manœuvre pour réduire son usage dans les emballages et les différents packagings. Les emballages réutilisables doivent se substituer aux emballages uniques, présentant une durée d’utilisation très courte et une fin de vie problématique (non recyclés, voire voués à être enfouis ou brûlés). Afin de réaliser des progrès en matière de tri et de recyclage, il est donc recommandé aux entreprises de prendre en compte, dès la conception d’un produit, sa fin de vie. Cela revient, par exemple, à limiter le nombre de matériaux employés. Plus ils seront nombreux, plus il sera impossible de les dissocier au moment du tri. Les matériaux uniques, plus faciles à recycler qu’un composite, sont donc favorisés. En amont de la fabrication des conditionnements, les acteurs de la filière thé testent également des matières de substitution telles que le papier ou le carton en les intégrant dans les proportions les plus importantes possible.
Repenser les emballages Si diminuer, voire éliminer, le plastique dans les produits de consommation les plus courants n’est pas une tâche aisée, c’est bien parce qu’il assure, à moindre coût, de nombreuses fonctions (protection, étanchéité, barrière alimentaire…) qui ont fait son succès mondial. Selon le rôle que le plastique joue dans un produit ou un emballage, l’enlever nécessite une réflexion adaptée, menée avec l’ensemble des acteurs de la chaîne du thé. Est-il possible de supprimer uniquement le composant plastique d’un produit et de le remplacer ? Pourquoi a-t-on intégré du plastique dans l’objet : pour son rôle conservateur ? Protecteur ? Pour des raisons esthétiques, techniques, économiques ? Au-delà de la recherche souvent longue de nouveaux matériaux – les phases de test demandent du temps pour vérifier la faisabilité, la fiabilité et l’efficacité d’une solution –, se passer du plastique revient donc parfois à cesser la commercialisation d’un article ou à le conserver, tout en se donnant le temps de travailler au développement de solutions durables et viables en réduisant le plastique à sa quantité minimale.
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Quels plastiques ? Les plastiques représentent une grande famille de matériaux à la composition très diverse. Ils peuvent être souples, rigides… Pour le conditionnement des produits alimentaires, le plus utilisé est le polyéthylène téréphtalate (PET). Tous ces composants ne peuvent être recyclés. Les plastiques (PET, PP, PE, PS…) doivent leur immense succès à leur polyvalence.
** Source : Zero Waste France
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Mieux emballer, moins emballer En tant qu’entreprise du secteur agroalimentaire et maison de thé engagée, nous avons pris depuis 2020 des initiatives et mis en place des solutions concrètes pour atteindre notre objectif zéro plastique d’ici 2026. C’est ensemble, avec vous et avec nos partenaires, que nous pourrons relever ce défi planétaire !
Nos conditionnements à la loupe Dans les packagings de thé, le plastique a essentiellement un rôle de barrière alimentaire : il protège le thé des contaminants alimentaires et des pollutions extérieures tout en garantissant ses propriétés organoleptiques. Notre maison est reconnue pour sa sélection de thés de grande qualité. Or, préserver la fraîcheur des arômes volatils de ces thés vendus en feuilles impose des contraintes d’emballage supplémentaires à celles, par exemple, d’un thé de basse qualité broyé type CTC (de l’anglais crushing-tearing-curling). Notre premier engagement reste avant tout l’excellence et le goût !
Plastique → 9,27 g
Papier → 0,5 g
origine france
En 2024, les sachets vrac (ci-dessus) devraient être composés de 50 % de plastique en moins tout en conservant un très bon niveau de protection pour le thé, ce qui constituait l’atout majeur de ces emballages.
Carton → 2 g Plastique → 9 g
Coton → 7 g
Plastique et carton → 7 g
Plastique → 2,4 g
origine france et maroc Fer blanc → 83,1 g
Papier → 1 g
Ces trois conditionnements (sachet vrac, boîte métal et étui pour mousselines) entrent dans un processus de tri. Certains d’entre eux sont recyclés. origine france et espagne
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Réduire nos emballages Selon la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie solidaire (Agec) de février 2020, « tout consommateur final peut demander à être servi dans un contenant apporté par ses soins, dans la mesure où ce dernier est visiblement propre et adapté à la nature du produit acheté. » Afin de réduire le plus possible la production d’emballages superflus, Palais des Thés va plus loin en encourageant l’achat de thé en vrac par un programme de fidélité, symbolisé par un système d’acquisition de bourgeons. Si vous venez en boutique avec votre propre boîte ou votre sachet en papier refill (de l’anglais refill, « recharger » ou « remplir de nouveau »), 100 % recyclable, nous vous offrons 1 bourgeon supplémentaire pour chaque boîte que vous faites remplir (par exemple, si vous achetez dans nos boutiques 20 € de thé dans votre contenant ou sachet refill, nous vous offrons 20 bourgeons + 1 pour vous récompenser de votre refill attitude !). C’est l’occasion de donner une seconde vie à vos jolies boîtes de thé mais aussi une solution économique, réduisant le gaspillage alimentaire par un achat de la juste quantité de thé correspondant à vos besoins.
Depuis 2021, le sachet refill nous a permis d’économiser 2,5 tonnes de plastique.
Choisissez des boîtes opaques (à la lumière, les feuilles se dessèchent et perdent ainsi couleur et parfums), hermétiques (pour protéger le thé des odeurs et de l’oxydation), inodores et propres, et placez-les dans un endroit sec.
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Chez Palais des Thés, une équipe travaille à la réduction ou à la suppression du plastique dans nos différents types d’emballages. Certains sont déjà disponibles et d’autres le seront dans les prochaines années à l’issue d’une série de tests. Cale carton
Des changements gagnants !
En 2022, nous avons économisé 22 tonnes de plastique.
En 2021, le remplacement des cales plastiques de nos calendriers de l’Avent par du carton a engendré une économie annuelle de 10 à 15 tonnes de plastique, ce qui correspond à 66 % de nos actions pour la réduction de plastique. Un immense impact pour un changement, en apparence, minime !
Ensemble, nous pouvons choisir le vrac pour plus de plaisir et moins de plastique !
Une boisson zéro plastique Avec 100 g de feuilles de thé, vous pouvez préparer de 6 à 7 litres de thés ou d’infusions glacés. Une alternative saine pour vous et pour la planète aux boissons prêtes à consommer, conditionnées dans des bouteilles en plastique. Le réflexe du thé en vrac, c’est dans ce cas 6 à 20 bouteilles en plastique qui ne seront pas détruites !
Réduisons nos emballages en faisant le choix du vrac !
20 Dans le berceau du thé, la dégustation est appréciée dans un environnement calme, lumineux et aéré : des conditions idéales pour profiter d’un temps pour soi.
Le gong fu cha, le temps du thé La préparation du thé a donné lieu, dans le monde et à travers les époques, à des techniques de dégustation multiples. Parmi elles, le gong fu cha (ou « temps du thé ») trouve ses racines en Chine. Véritable « art de la préparation », c’est un instant qui s’inscrit encore aujourd’hui dans une pratique sociale et conviviale, où déguster un thé représente Par Laetitia Portois un moment privilégié.
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CULTURE THÉ
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L
e gong fu cha désigne la technique traditionnelle chinoise de préparation du thé, idéale pour explorer la richesse aromatique des thés d’origine. Cette méthode repose sur l’infusion de feuilles de thé en grande quantité dans une théière ou un gaiwan de petite contenance, par une série d’infusions courtes (quelques secondes) et successives, jusqu’à épuisement des notes et des parfums.
Le gong fu cha, l’art de la dégustation L’avènement du gong fu cha s’inscrit dans l’évolution des habitudes de consommation du thé en Chine. D’abord râpé et bouilli, puis moulu et dégusté battu, ce n’est que depuis la dynastie des Ming (1368-1644) que le thé est consommé tel que nous le connaissons aujourd’hui : sous forme de feuilles entières que l’on infuse. À l’époque, la vie artistique est foisonnante, et la consommation du thé se développe essentiellement dans les cercles littéraires. Le thé accompagne le quotidien des lettrés, façonné par de longues journées d’étude ininterrompues. La méthode du gong fu cha s’inspire de la pratique de ces intellectuels, pensée pour pouvoir s’exercer en toute simplicité et en continu : une source d’eau chaude est mise à leur disposition, versée dans un contenant où les mêmes feuilles peuvent être infusées à de multiples reprises, jusqu’à ce qu’elles aient libéré tous leurs parfums. Yuan Mei, épicurien et poète de la dynastie Qing (1644-1912), décrivait ainsi la méthode de dégustation : « On verse très peu de thé à la fois. En portant la tasse à la bouche, il ne faut pas avaler à la hâte mais d’abord sentir son parfum, puis le goûter et le contempler […]. Après une tasse, on en boit une deuxième, puis une troisième, les gens se sentent détendus et en paix ». Boire le thé s’apparente, dans ces cercles, à un acte raffiné, et devient un art élaboré entretenu par une littérature foisonnante. Si la technique que nous connaissons aujourd’hui date du début de la dynastie des Ming, on parlait déjà de gong fu pour le thé sous les Song. Avec la création des maisons de thés, la technique de dégustation se diffuse dans les classes populaires. Ces lieux deviennent le centre de la vie sociale et des échanges culturels, on s’y rend pour y retrouver ses amis ou disputer une partie de mahjong. Choisi dès le pas de la porte franchi, le thé n’est en réalité qu’un prétexte à un moment de convivialité et sa préparation s’éloigne du cérémonial. Au fil des heures, un serveur muni d’une bouilloire remplit dès que nécessaire les gaiwan des convives. Lorsque le couvercle est posé sur le côté du bol, cela signifie qu’il faut le remplir. Lorsqu’il est posé sur le bol, celui-ci est plein. Nul besoin de verser davantage d’eau.
LE GAIWAN
Appelé zhong en cantonais, il se compose d’une soucoupe, d’un bol et d’un couvercle symbolisant la terre, l’homme et le ciel. Ensemble, ces éléments forment l’harmonie. C’est un objet du quotidien que chaque Chinois possède aujourd’hui. Polyvalent, il peut servir de tasse mais aussi de théière ou de set de dégustation. Il en existe de toutes sortes, du plus simple au plus précieux, en terre cuite, en bois, en verre, en grès de Yi Xing, en porcelaine, en jade ou même en ivoire.
Au fil des eaux, les feuilles de thé s’ouvrent dans le gaiwan et libèrent tous leurs parfums.
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À la fois mode de préparation et art de la dégustation, le gong fu cha porte encore aujourd’hui cette dimension sociale et conviviale. On le prépare pour soi ou pour le partager avec ses proches autour d’une longue conversation. C’est une méthode vivante, tant par la gestuelle que par son procédé : un même thé infusé à différents moments selon cette technique pourra évoluer, en fonction de celui qui l’infuse. De plus en plus appréciée en Occident pour sa capacité à révéler tout le potentiel aromatique du thé, la technique a également été adoptée et adaptée partout dans le monde : avec un kyusu au Japon et d’autres objets au Vietnam, en Corée ou à Taiwan.
Une méthode libre aux mille visages Ni pratique rituelle, ni cérémonie, le gong fu cha est une technique libre que chacun peut s’approprier facilement. Cet art de la dégustation se caractérise avant tout par les objets utilisés. Les matières, formes et contenances des bols ainsi que des théières ont été méticuleusement pensées pour sublimer les arômes et optimiser l’infusion. Ainsi, chaque objet est de petite taille, pour favoriser la dégustation de courtes gorgées que l’on apprécie avant que la liqueur ne s’altère. Simples, fonctionnels et élégants, ce sont, pour certains, de véritables objets de collection. Il est donc nécessaire de se munir d’un gaiwan avant de débuter. Dénué de toute prétention, cet objet se compose d’un petit bol évasé, de son couvercle et d’une petite coupelle sur laquelle il repose. Simple et radical, il permet tout simplement de mettre en contact les feuilles de thé avec de l’eau. Il est également possible d’utiliser les théières de Yi Xing, idéales, car elles retiennent la chaleur et accumulent les parfums du thé dans l’argile poreuse qui les compose. Pour commencer, il est essentiel de rincer tous les objets de dégustation (gaiwan ou théière et tasse) avec une eau bien chaude, ainsi que les feuilles pour les ouvrir et les préparer à l’infusion (uniquement pour les oolongs et les thés sombres). L’eau obtenue n’est pas dégustée, on l’offre au tea pet. Puis l’on verse doucement sur les feuilles de l’eau filtrée portée à bonne température. Après quelques secondes d’infusion, le thé est servi dans une ou plusieurs tasses. Les infusions se succèdent et révèlent au fil des eaux des notes diverses, multiples et intenses. En s’ouvrant, les feuilles libèrent leurs arômes et leurs autres composants, permettant au thé d’évoluer à chaque infusion. La liqueur est enfin servie dans de petites tasses pour pouvoir en apprécier toutes les notes. En Asie, on aime déguster ce qui est bon en petite quantité, et le plus souvent possible. Un excellent moyen pour tous les amateurs de thé de découvrir ou redécouvrir leurs thés favoris…
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Les tea pets sont des objets personnels, utiles pour améliorer l’expérience du thé. Ils sont aussi considérés comme des « compagnons » lors de la dégustation du thé.
Qu’est-ce que le tea pet ? En Chine, nombre d’amateurs de thé utilisant la méthode du gong fu cha possèdent un ou plusieurs tea pets. Il s’agit d’une petite figurine en terre cuite posée sur le bateau à thé et sur laquelle on verse un peu de thé (l’eau qui permet de rincer les feuilles ou un thé trop froid, par exemple). Le tea pet peut être un animal ou une figurine (ci-contre). Certains considèrent qu’il est l’endroit où s’incarne le dieu du thé.
UN GR AND CRU, UN TE A SOMMELIER
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La dégustation du Batabatacha de Itoigawa Embarquons pour le pays du Soleil Levant à la découverte d’un thé rare et extraordinaire, qui ne ressemble à aucun autre, tant par sa composition, son apparence que sa multitude de notes. C’est de la ville de Itoigawa, située au centre de l’archipel et bordée par la mer du Japon, qu’est originaire le Batabatacha que j’ai choisi de déguster avec vous. Par Camille Bourriez
Le Batabatacha est à l’origine un thé infusé, puis battu, qui accompagne souvent un repas. S’il peut nous faire penser à la préparation traditionnelle du matcha, la technique et les ustensiles sont différents.
Un thé battu
Camille Bourriez est Master Tea Sommelier depuis 2022. Passionnée de cuisine, elle trouve dans le thé un véritable plaisir gastronomique. Elle est également touchée par le savoir-faire exprimé par les producteurs dans la fabrication du thé.
À l’aide de deux fouets en bambou liés l’un à l’autre, plus étroits que les chasens utilisés pour le cha no yu, l’infusion de thé est battue dans un bol avec une pincée de sel. C’est à cette technique que le Batabatacha doit son nom. L’onomatopée batabata (« agitation » en japonais) évoque le son particulier des fouets. Cha signifiant « thé », le Batabatacha désigne le thé que l’on bat ainsi. De nos jours, en Occident, c’est plus souvent infusé en théière qu’on le savoure. Tout simplement car cette technique du thé battu reste méconnue et demande l’utilisation d’objets particuliers, peu répandus.
Toyama ou Itoigawa ? Au Japon, on produit deux types de Batabatacha. Le Batabatacha de Toyama est un thé sombre, dont les feuilles subissent une fermentation. Son profil
1. Les feuilles composant le Batabatacha avant infusion.
aromatique peut se rapprocher de certains pu erh chinois. Celui de Itoigawa, lui, ne subit aucune fermentation. Il s’agit d’un mélange décliné en différentes recettes ; on ajoute aux feuilles de thé d’autres ingrédients. Celui que Palais des Thés a sélectionné est composé de thé vert, de tiges et de gousses de la plante Chamaecrista ainsi que de graines de soja torréfiées. Il me tarde d’infuser ce mélange atypique.
Une promenade automnale Dès l’ouverture de la boîte de thé, je suis saisie par les parfums torréfiés et chaleureux de ce thé, qui mettent en appétit en évoquant le pain grillé ou les céréales. Le Batabatacha m’évoque un tableau automnal, composé de gousses et de petites tiges de Chamaecrista, de feuilles de thé vert – il s’agit
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d’un bancha – et de quelques graines de soja [1]. La torréfaction donne à l’ensemble des reflets fauves et dorés. Pour préparer 50 cl de thé, je verse 8 à 10 g de ce mélange dans un filtre en papier [2], et je chauffe l’eau dans ma bouilloire à 90 °C. Alors que le thé infuse dans ma théière pour une durée de 5 minutes, les parfums pyrogénés de l’infusion emplissent la pièce. Quand vient le temps de déguster le thé, les promesses perçues se dévoilent et laissent apparaître de belles surprises sensorielles. Le Batabatacha de Itoigawa se révèle aussi complexe que réconfortant. La présence de Chamaecrista et de graines de soja développe l’intensité, la rondeur et la complexité du bancha hojicha. Les notes intensément torréfiées de la liqueur aux tons miel [3] soutiennent une palette de parfums gourmands et automnaux : notes grillées et toastées, boisées, fruits cuits, malt d’orge, café ou encore réglisse… Des arômes enveloppés dans une texture soyeuse et une délicieuse saveur sucrée.
3. La liqueur aux tons miellés dévoile des notes toastées enveloppantes et réconfortantes.
Un compagnon de table Dès le réveil, au petit-déjeuner, j’apprécie les notes de café du Batabatacha de Itoigawa associées une baguette fraîche beurrée, mais il peut m’accom pagner à toute heure de la journée. Préparé à température
ambiante, il peut être dégusté au cou r s d’u n repa s avec un camembert rôti au miel. À l’heure du goûter, son côté torréfié se marie à merveille avec les notes d’amande d’un financier. Sa teneur en théine étant très faible, vous pourrez le boire jusqu’en fin de soirée.
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Batabatacha de Itoigawa Cultivar Yabukita (pour le thé uniquement, soit 40 % du mélange) Origine Itoigawa (préfecture de Niigata, Japon) Conseils de préparation
→ En théière de 30 cl : 90 °C, 5 minutes Accord gourmand
Des tartines beurrées, un camembert rôti au miel, un financier. 2. L’infusion dans un filtre permet de ne pas casser la feuille de thé.
→ Réf. 3096 – 82 € les 100 g
DU THÉ EN CUISINE
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Riz au lait au Chaï Impérial Le Chaï Impérial parfume le riz au lait et rehausse la douceur du lait et du sucre par ses notes de cardamome, de cannelle et de baies roses.
Pour 6 personnes
1.
Mettez le Chaï Impérial dans un filtre XL.
4 à 5 cuil. à soupe (20 à 25 g) de Chaï Impérial
2.
Faites chauffer le lait et le thé dans une casserole.
3.
À ébullition, laissez infuser hors du feu pendant 5 minutes.
4.
Retirez le thé.
5.
Ajoutez le riz et le sucre dans la casserole.
6.
Chauffez à petite ébullition pendant 25 minutes jusqu’à ce que le riz soit cuit, en mélangeant très régulièrement. Le riz doit être fondant et la texture onctueuse.
7.
Dressez le riz au lait au Chaï Impérial dans des petits pots ou des verrines. Servez.
1 l de lait demi-écrémé 200 g de riz rond 100 g de sucre roux
Conseil de dégustation Vous pouvez servir ce riz au lait aromatisé tiède ou froid et l’agrémenter de raisins secs et d’amandes effilées grillées. Cette recette parfume délicieusement le riz au lait classique de notes chaudes et épicées.
CHAÏ IMPÉRIAL → Réf. D771AM − 10,90 € les 100 g
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R ACONTE Z-MOI
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Les cocktails au thé L’histoire des cocktails s’entremêle aisément à celle du thé. Plus ancienne qu’on ne le croit, cette aventure commune a occasionné des mélanges inédits et surprenants. Avec ou sans alcool, la mixologie au thé révèle un immense territoire de saveurs. Une manière de déguster ses thés préférés, autrement. Par Elena Di Benedetto Sav iez-vous que le t hé le plus ancien, celui qui a précédé la révolution de Lu Yu1 en 780, était un thé à manger ? Base de soupe, agrémenté d’oignons, d’oranges, d’épices, de lait, voire de sel, le thé était une des composantes à part entière d’un plat. Thé et cocktail, une histoire entrelacée Le thé est ensuite intégré dans des boissons élaborées. Le punch, connu aujourd’hui comme un mélange de jus de fruits et de rhum, tire par exemple son origine du panch, mot hindi signifiant « cinq » en référence aux cinq ingrédients du cocktail né dans les années 1700. Dans cette boisson destinée aux marins, le thé était mélangé avec de l’arak, des épices, du sucre et du citron. Un cocktail avant l’heure, en quelque sorte, car l’histoire a élevé à un rang aujourd’hui
gastronomique cette boisson singulière consistant à associer un alcool, un pouvoir sucrant, un acide, et éventuellement un diluant ou d’autres composants aromatiques. Depuis le xviie siècle, l’art du cocktail envahit les comptoirs du monde entier, à commencer par ceux d’Angleterre. Quelques siècles plus tard, c’est aux ÉtatsUnis, lors de la Prohibition
(1920-1933), que sa consommation gagne en popularité. Les seuls alcools disponibles étant frelatés ou de piètre facture, il valait mieux les diluer et les aromatiser pour les déguster avec un certain plaisir. Le cocktail se popularise alors, et partout se créent de nouvelles recettes au goût local : margarita au Mexique, daïquiri à Cuba…
Un allié créatif
UN MOT, TROIS ORIGINES
Difficile de retracer l’origine du mot « cocktail ». Le terme pourrait être hérité d’une étonnante habitude de distinguer les verres entre eux dans les bars en y mettant des queues de coq (cock signifiant « coq », et tail, « queue »). Selon une autre hypothèse, au tournant du xviii e siècle, en Aquitaine, était servi un cordial nommé « coquetel » : un vin coupé d’eau avec du sucre. Ce breuvage et ce terme se seraient diffusés aux États-Unis via les marins de navires commerciaux pour finalement être américanisé en cocktail . Troisième possibilité, remontant au siècle suivant : il devrait son nom au coquetier qui servait à M. Peychaud, un pharmacien de la Nouvelle Orléans, à doser son mystérieux élixir qui soignait toutes les maladies.
Aujourd’hui le cocktail se sert sur les tables gastronomiques et en pairing au restaurant. Mais c’est dans les bars que se jouent les partitions les plus innovantes. Concours internationaux de mixologie, premiers lauréats du concours « l’un des Meilleurs Ouvriers de France Barman » en 2011… Le cocktail est devenu un art culinaire à part entière depuis une dizaine
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Margarita au thé Le Yuzu • Infusez à froid 30 g de thé Le Yuzu dans 1 l d’eau pendant 1 h 30. Filtrez. • Dans un shaker rempli de glace pilée aux deux tiers, ajoutez 7 cl de tequila, 3 cl de cointreau et 50 cl d’infusion. • Passez un citron vert sur le bord d’un verre à margarita. • Passez les bords du verre dans le sel. • Shakez et servez frais !
d’années, suscitant un engouement grandissant. Ayant ainsi acquis ses lettres de noblesse, il se joint au thé pour des créations singulières. Le thé se prête effectivement bien à cet exercice, que ce soit en short drink, long drink ou hot drink. Il peut alors compléter la boisson en lui offrant un profil organoleptique plus complexe et original. Mais il permet également de diminuer la dose d’alcool contenue dans le cocktail sans pour autant perdre en saveur ou en profondeur aromatique, voire remplacer l’alcool. Au shaker, le thé peut se mêler à d’autres ingrédients moins faciles à diluer : alcools, sirop, œufs, crème… Ainsi secoué, le thé participe à créer une délicieuse margarita ou un gin fizz original et surprenant. Au verre mélangeur, on privilégiera les cocktails alliant
spiritueux, liqueur ou vermouth au thé. Mélangés à la cuillère, un old fashioned ou un manhattan au thé feront tout leur effet. De très nombreux thés (créations parfumées, thés d’origine…) peuvent se fondre dans ces recettes de long drinks en y apportant des saveurs inédites. Il est également possible de dresser un cocktail directement au verre : préparés avec du thé, le spritz ou le ti punch présentent une amertume plus marquée. Dans le cas du kir, utiliser du thé plutôt qu’une liqueur alcoolisée limite l’alcool tout en en respectant les codes de la boisson et la verrerie habituellement utilisée.
Ton sur ton, contraste, fusion Pour pouvoir apporter saveur et équilibre à la composition
globale face à des ingrédients puissants, le thé doit s’émanciper de ses modes de préparation habituels. Par exemple, infusé très longtemps à froid, il révèle une liqueur concentrée et intense… Il faut exprimer ainsi l’essence du thé pour l’intégrer à la composition selon une logique d’accords : privilégier tantôt le ton sur ton en recherchant les ressemblances entre le thé et les autres ingrédients, tantôt le contraste en visant une complémentarité de chaque parfum, tantôt la fusion, pour une osmose de tous les éléments. La mixologie ouvre d’infinies possibilités, encore peu explorées, à découvrir au fil d’expériences toujours menées par le goût.
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1. Lu Yu est un auteur chinois de la dynastie Tang, essentiellement connu pour son ouvrage de référence Le Classique du thé édité en 780.
THÉ D’ E XCEPTION
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Le Bai Mu Dan, un thé blanc subtil et brut Emblématique thé blanc chinois, le Bai Mu Dan (« pivoine blanche » en mandarin) se caractérise par ses feuilles brutes, juste séchées, et ses notes reconnaissables de fleurs et de noisette. Le Bai Mu Dan est un thé incontournable, désormais bio chez Palais des Thés. Le Bai Mu Dan, parfois aussi appelé Pai Mu Tan, est originaire du Fujian. Cette région du sud-est de la Chine est le bassin originel de tous les modes de fabrication des thés à l’excep tion des thés verts et jaunes. Cette terre de thé emblématique est mère de nombreux crus célèbres comme l’Osmanthus d’Or, les Aiguilles d’Argent, les Perles de Jasmin, et le Bai Mu Dan. La cueillette débute traditionnellement au début du printemps, et se compose du bourgeon et des deux ou trois premières feuilles d’un cultivar1 endémique de cette région, le Da Bai, dont le nom peut être traduit par « grand blanc ». D é c ouver t à l a f i n du xixe siècle aux alentours de la ville de Fuding, ce très grand théier se couvre de bourgeons
BAI MU DAN → Réf. 1940 − 16 € les 100 g
duveteux. Particulièrement adapté à la manufacture des thés blancs, il est aussi prisé pour réaliser de délicieux thés verts parfois parfumés au jasmin.
Un thé de nature Le Bai Mu Dan est de fabrication très récente : ce n’est que depuis 1922 que l’on manufacture également les deux ou trois premières feuilles qui suivent le bourgeon, contrairement au Yin Zhen uniquement composé de bourgeons. De longueur régulière, feuilles et bourgeons re s semblent aux pétales d’une fleur, d’où le nom si poétique de ce thé. Sa grande teneur en feuilles lui con fère une st r uct ure tannique puissante, une remarquable texture poudrée et une belle longueur en bouche. Ses parfums frais, floraux et végétaux sont une invitation au voyage, et une initiation à l’univers aromatique subtil et complexe des thés blancs. La manufacture du Bai Mu Dan est très peu intrusive, ce qui lui confère sa réputation de thé brut. Les feuilles sont d’abord étalées sur des claies, séchées au soleil, puis dans un local aéré pendant 36 heures. Au cours de ces opérations dites de
« flétrissage », le thé amorce une très légère oxydation naturelle, mais la feuille n’étant pas manipulée ni pliée, le processus prend du temps. Enfin, c’est le séchage sur des clayettes en bambou au soleil qui permet de fixer ce thé aux alentours de 6 % d’humidité, une étape clé, car dans cette région subtropicale, la feuille peut rapidement retrouver un taux d’humidité de 15 %.
Le thé de toutes les douceurs Le Bai Mu Dan est notamment apprécié dans les régions
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Les feuilles de thé juste cueillies sont rapidement transportées jusqu’à la manufacture pour être transformées et conserver toute leur fraîcheur.
de Chine les plus méridionales et chaudes où l’on se désaltère volontiers avec ce thé. Frais et délicat, il peut être dégusté tout au long de la journée, en privilégiant le matin et le début d’après-midi, car sa teneur en bourgeons le rend très riche en théine. Lorsqu’on prépare le thé se dégagent des eff luves de pain tout juste sorti du four. Lorsqu’il est préparé au gaiwan en trois infusions successives, ses feuilles se déploient comme les pétales de la pivoine. La couleur paille de la liqueur est presque dorée, aussi éclatante
que l’attaque florale de rose à la dégustation. Les parfums végétaux et boisés de noisette s’expriment ensuite avec délicatesse. Lorsque l’infusion est prolongée, une fine astringence se développe ; elle est à ajuster selon votre goût. Quoi qu’il en soit, la saveur légèrement sucrée de ce thé se trouve révélée par sa texture très onctueuse. Et s’il partage quelques notes avec le Yin Zhen, le Bai Mu Dan a une personnalité bien distincte avec plus de puissance. Dég usté seul, lors d’un moment consacré au t hé, il révèle tous ses mystères.
Mais il est aussi parfait associé à quelques douceurs. Une meringue, craquante et souple, accompagnera à merveille ce thé délicat, et ses parfums floraux et végétaux s’accorderont également à une salade de fruits frais agrémentée des derniers fruits rouges de la saison, pour se glisser dans l’automne à pas de velours.
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1. « Cultivar » (de l’anglais cultivated variety) désigne une variété d’une espèce végétale obtenue artificiellement pour être cultivée.
ÉBRUITÉ
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Séance de dégustation à l’École du Thé pour apprendre tous les secrets de cette boisson, qui est la deuxième la plus consommée dans le monde après l’eau.
C’est la rentrée à l’École du Thé ! Créée en 1999 par François-Xavier Delmas et Mathias Minet, l’École du Thé est un lieu de référence pour s’initier aux secrets du thé et à l’art de sa dégustation. C’est sur les bancs de l’École du Thé que sont formés tous les collaborateurs de notre maison. Pour transmettre à tous la culture de cette boisson millénaire, les cours sont également ouverts à tous les amateurs de thé. Vivre la cérémonie
du thé traditionnelle japonaise, apprendre à accorder un thé avec un plat, approfondir une technique de dégustation, sont autant de modules proposés pour développer ses connaissances. Nous serons ravis de vous y accueillir.
Découvrez un aperçu du programme de la rentrée sur ecoleduthe.com/paris/
ÉBRUITÉ
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Du thé dans vos cocktails Depuis quelques années, la mixologie est devenue une discipline élevée au rang d’art gastronomique. Initiez-vous aux secrets de préparation des cocktails au thé avec cet atelier inédit proposé par l’École du Thé. Au programme : dégustation, mise en pratique et découvertes de recettes surprenantes pensées par nos Master Tea Sommeliers. Un excellent moyen pour étonner vos invités lors d’un apéritif !
Des ateliers de cuisine et de dégustation autour du thé Animé par la cheffe Nathaly Ianniello, l’atelier dégustation, idéal à l’heure du déjeuner, vous invite à découvrir des plats préparés avec du thé, autour d’une thématique de saison. Créées en exclusivité pour Palais des Thés, ces recettes ont été pensées pour être facilement reproduites chez vous. Si vous aimez passer derrière les fourneaux, le cours de cuisine au thé est fait pour vous ! Vous participerez à la préparation de trois plats au thé, orchestrée par Nathaly et animée par notre Master Tea Sommelier. Un excellent moyen pour découvrir que le thé est un ingrédient exceptionnel, offrant à vos plats une palette gustative riche et surprenante.
L’art de la préparation du thé Saviez-vous qu’il est possible d’infuser son thé plus d’une dizaine de fois ? Avec l’atelier de préparation de thés au gong fu cha vous apprendrez à manipuler un gaiwan pour apprécier toute la richesse et la complexité de vos oolong ou pu erh préférés. Une pratique peu connue en Europe occidentale, qui peut pourtant facilement s’intégrer dans votre quotidien et vous surprendre en révélant de nouvelles notes aromatiques !
GR ANDS CRUS
Un parfum d’Orient Xishuangbanna Yin Zhen → Réf. 2085 – 44 € les 100 g
Ce magnifique thé blanc est produit dans le Yunnan, région connue pour la qualité de ses pu erh. Récolté dans une petite plantation située à 1 600 m d’altitude, il offre de délicates notes abricotées, vanillées et subtilement miellées.
Jingmai Caihong → Réf. 2087 – 32 € les 100 g
La fabrication de ce thé s’inspire à la fois du oolong, du thé vert et du thé blanc. Une méthode à l’origine d’un profil aromatique unique, pour un thé surprenant aux délicats parfums végétaux et floraux.
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NOUVE AUTÉS
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1. Théière en fonte Wabi (60 cl) → Réf. M260 – 195 €
2. Coffret Les infusions → Réf. DCC13 – 38,90 €
3. Infusion Mugicha → Réf. 4120 – 13 € les 100 g
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Votre kit pour la rentrée Pour prolonger l’été et se préparer à reprendre le chemin du travail ou de l’école avec sérénité ! LES SOURCES 1. dans ma bulle bio
5. Le Nomade (35 cl) → Réf. Q130 – 30 €
6. Tasse en verre (45 cl)
→ Réf. DV9330Z – 19,90 € la boîte métal de 140 g
→ Réf. N303 – 13 €
2. à cœur joie bio → Réf. DV9320Z – 18,40 € la boîte métal de 100 g
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3. le bruit des vagues bio → Réf. D9300N – 14 € l’étui de 20 mousselines
4. sur un nuage bio
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→ Réf. D9310N – 14 € l’étui de 20 mousselines
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3. 1.
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Bruits de Palais est une publication de Palais des Thés
Illustrations
Rédaction en chef
Achevé d’imprimer en août 2023 sur les presses du groupe Prenant (France)
Lucile Block de Friberg, Bénédicte Bortoli, Chloé Douzal, Mathias Minet Direction artistique et mise en page
Prototype.paris Stylisme
Sarah Vasseghi
Stéphane Humbert-Basset Impression
Palais des Thés
Photogravure
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction sous quelque forme que ce soit, réservés pour tous pays.
Key Graphic
Crédits photographiques
Fonds photographique Palais des Thés – FrançoisXavier Delmas : couverture, p.2, 4,20-21, 24, 32-33, 39• Manuéla Leriche : p. 6, 8,
10-11, 12, 13 • Guillaume Czerw : p. 15, 23, 26-27, 29, 35 (haut), 36, 37, 38 • Frédéric Lucano : p. 34 • Anaël Rouiller: p. 35. Service clients
01 43 56 90 90 Coût d’un appel local, du lundi au samedi de 9 h à 18 h
Service Cadeaux d’affaires
01 73 72 51 47 Coût d’un appel local, du lundi au vendredi de 9 h à 18 h
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« Un voyage se passe de motif. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage mais bientôt c’est le voyage qui vous fait ou vous défait. »
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Réf. Z064-90
4,90 €
Nicolas Bou vier L’Usage du monde