Bruits de Palais N°86

Page 1

LA REVUE DE PALAIS DES THÉS

Numéro 86 Été 2022

Dans les champs de thé de Darjeeling, lors d’une belle embellie. Les champs de thé, situés en altitude, sont très souvent « dans les nuages ».

Quand l’été rime avec thé glacé

Ce kyusu, manufacturé par un artisan de Tokoname, est un objet traditionnellement utilisé pour préparer les thés verts japonais.

Ici, le thé est infusé dans des glaçons, selon la méthode du koridashi.

Cet été, grâce au thé, savourez les bienfaits de plaisirs sains et rafraîchissants. Préparés nature ou en y ajoutant quelques ingrédients simples, les thés et infusions glacés sont d’excellentes alternatives aux boissons sucrées et alcoolisées. Cette façon de déguster offre de nombreuses possibilités, promesses d’expériences gustatives inédites pour accompagner les longues journées d’été. Pour le goûter, proposez une infusion glacée pour régaler petits et grands. Dépourvue de théine, désaltérante et sans sucres ajoutés, elle accompagnera parfaitement ce moment de détente. En tout début de soirée, un thé d’origine infusé à température ambiante est une agréable manière de profiter des derniers rayons de soleil. Cette technique révèle toute la complexité aromatique du thé, en préservant la texture de la moindre astringence. À l’heure de l’apéritif, le thé peut se déguster glacé pour partager, en famille ou entre amis, un instant de bien-être délicieux où le thé saura ravir les papilles des connaisseurs. Et rien ne vous empêche de poursuivre l’expérience à table, en associant chaque mets servi à un thé infusé à froid. Vous pouvez être créatif et vous amuser en composant des accords originaux à votre goût : un thé vert japonais aux notes iodées se mariera harmonieusement à un poisson cru, un thé noir du Yunnan sublimera une viande rouge grillée. Plus tard, pour surprendre vos invités, faites fondre des glaçons sur un thé vert japonais, une méthode que l’on nomme koridashi et qui permet de faire ressortir toute la puissance umami du thé. Un shot qui viendra combler l’attente entre deux plats. Enfin, lorsque la nuit est tombée, le repas terminé, une infusion glacée conclura avec gourmandise ce moment de convivialité. Essayez, dégustez, savourez et n’oubliez pas que tous les thés peuvent se déguster glacés !

ÉDITORIAL
ci-contr E
Chloé Douzal Passionnée de thé et membre de l’équipe Palais des Thés

CARNET DE VOYAGE

Par François-Xavier Delmas

Malawi, pionnier

thé d’Afrique

THÉ

glacés, l’atout santé de l’été

THÉ

Laetitia Portois

thés de printemps,

de l’instant

GRAND CRU,

TEA SOMMELIER

Romain Hoarau

dégustation

Ye Dan Cong

THÉ EN CUISINE

du Hammam

Bénédicte Bortoli

THÉ D’EXCEPTION

Le kukicha, un étonnant thé de tiges japonais

l’actualité du Palais

CONTRIBUTEURS

François-Xavier Delmas Fondateur de Palais des Thés, François-Xavier compte parmi les experts les plus reconnus dans l’univers du thé. Depuis plus de trente ans, il parcourt les plantations du monde.

Romain Hoarau

Tea sommelier passionné par les thés de Chine et du Japon, Romain prend plaisir à conseiller quotidiennement les clients de la boutique de Toulouse.

Laetitia Portois

Laetitia aime particulièrement les thés verts japonais. Elle a plaisir à raconter des histoires et fait chaque jour de son métier une passion.

Au
du
6 PLANÈTE
Thés
14 CULTURE
Par
Les
des thés
20 UN
UN
Par
La
du Bai
26 DU
Champagne au Thé
28
32 ÉBRUITÉ Toute
34 RACONTEZ-MOI Par
Les Infusions du Louvre 30 Numéro 86 • Été 2022
SOMMAIRE

Au Malawi, pionnier du thé d’Afrique

Pendant longtemps, le thé est resté l’apanage de l’Asie. Aujourd’hui, sur le continent africain, on trouve non seulement le plus gros pays exportateur de thé au monde, mais en cherchant bien, on peut aussi tomber sur de petites productions de thé de qualité, on peut croiser la route de passionnés qui cherchent à créer des thés remarquables, à l’écart d’une pratique industrielle trop répandue. Une chance. Et aussi une opportunité pour Palais des Thés de faire connaître au monde des thés rares. Par François-Xavier Delmas

Récolte des feuilles de thé dans la plantation de Satemwa, appartenant à Alex Kay.

Longtemps j’ai cru que le thé ne poussait qu’en Asie. Le thé dans toute la noblesse du terme, je veux dire, en excluant donc tout ce qui se brise, tout ce qui tombe en poussière, qui finit en sachets. Longtemps j’y ai cru et cela m’arrangeait bien, car une vie ne suffit sûrement pas à par courir les différentes régions de culture de cet immense continent. J’allais d’une île japonaise aux rives du Mékong, des contreforts himalayens aux terres volcaniques de l’océan Indien en passant par le pays des Shans, des Nagas, des Lizus. Et l’année d’après, d’autres montagnes, d’autres vallées, d’autres peuples, tout un monde que je n’aurai jamais fini d’explorer.

Et puis l’Afrique. Elle m’est tombée dessus par hasard. Une rencontre, une autre. Bien sûr, je savais que le Kenya était devenu le premier exporta teur de thé au monde. Bien sûr, je savais que partout où était passé l’Anglais, le thé avait poussé. Bien sûr je savais que nombre de pays d’Afrique orien tale, à commencer par la région des Grands Lacs dans la vallée du Rift, cultivaient du thé depuis le début du xxe siècle. Seulement je n’avais rien dégusté de sensationnel. Ainsi ne m’avait jamais effleuré l’idée de me rendre sur le continent noir.

De curieuses bestioles

Le hasard donc. Un producteur de thé qui me parle d’Alex, et puis un autre, et me voilà en route pour Blantyre, après une escale à Addis-Abeba. Le pays du négus attendra et je rejoins bientôt la capitale économique du Malawi, située à l’extrémité méridionale de cette immense faille qui parcourt l’Afrique telle une longue cicatrice, depuis les côtes érythréennes jusqu’aux rives du Shire, sans doute dans la gueule même de l’un des crocodiles qui infestent ce fleuve.

D’ailleurs, une manière amusante d’aborder ce voyage serait de le conter par les bestioles sur lesquelles on tombe en le poursuivant. Il serait question de mille-pattes si gros, d’une taille si invraisemblable, que sur les tommettes de la maison d’Alex, la nuit, je les entendrais marcher le long des couloirs, tic-toc tic-toc, le bruit de leurs innombrables pattes. Le bruit du mille-pattes et la morsure des fourmis, des fourmis gigantesques qui ne

8 CARNET DE VOYAGE

vous piquent pas mais vous mordent et ne vous lâchent pas. Il faut les arracher une à une, les obliger à lâcher votre chair comme on tente de retirer l’os de la gueule d’un chien affamé qui le rongeait. Il faut être resté sur une fourmilière par mégarde pour comprendre, les cen taines de bestioles qui se faufilent sous vos vêtements, remontent haut et mordent d’un coup. Les saisir une à une entre deux doigts, tirer un coup sec et se dépêcher d’en venir aux mains avec la suivante. En Chine, les bestioles curieuses, on les trouve dans son assiette ; en Afrique, ce sont elles qui vous bouffent.

Les théiers d’Alex

De Blantyre à Thyolo, il faut compter une heure de route à peine, le temps pour Alex, que j’ai eu la joie de retrouver à la sortie de l’aérogare de me racon ter l’histoire du thé de l’ancien Nyassaland, l’un des tout premiers pays d’Afrique à s’être initié à cette culture, en 1878. Le premier qui voit apparaître un institut de recherche dédié. Tandis que la jeep hors d’âge d’Alex slalome entre des hommes guidant un troupeau, des chars à bœufs, des vélos et une foule bigarrée − jour de marché oblige −, entre deux embardées, il me parle de son grand-père, un pionnier, débarqué avec l’armée britannique dans le but de mettre fin à la pratique de l’esclavage. Et qui était resté. Deux géné rations plus tard, Alex poursuit la belle aventure et Anette, venue à moto depuis sa Suède natale le temps d’un périple entre copines, a choisi de rester et de faire sa vie avec lui. Leur quotidien ne ressemble à aucun autre. Leur cadre de vie à aucun autre. Ce qui me saisit en arrivant dans la plantation d’Alex, c’est la beauté des paysages. Une beauté rare. Une beauté sauvage. Une beauté à perte de vue où se mêlent le vert des théiers et la couleur de la pierre, des roches, des pics. Et pour couronner le tout, à savoir les camé lias, des acacias d’Abyssinie d’une majesté sans pareil.

Alex produit d’une part pour l’industrie, il en a besoin pour vivre, mais cet amoureux du thé ne s’en contente pas. Il a mis au point divers petits ateliers de façon à manufacturer selon les méthodes orthodoxes des thés de toute couleur. Ainsi s’essaie-t-il au thé vert ou semi-oxydé, au thé blanc, au thé sombre, au thé fumé. Et si les machines qui produisent le thé CTC (voir « La méthode CTC » p. 13) tournent à plein régime, Alex peut être fier que sa pugnacité, sa curiosité et son savoir-faire lui permettent aujourd’hui de réaliser plus de 5 % de sa production avec des thés assez exceptionnels. Un résultat d’autant plus méritoire qu’Alex a peu voyagé. Il s’est en revanche documenté par tous les moyens à sa portée et a fait preuve d’une débrouil lardise incroyable pour trouver les machines, apprendre à réaliser les bons gestes, mettre au point la manufacture idéale, celle qui convient à sa terre, à son climat, à ses théiers. Il lui en aura fallu des tentatives avant de réali ser son premier thé fumé, son premier thé sombre.

Une démarche vertueuse

L’autre mérite d’Alex, c’est cette préoccupation qu’il a des autres et ce sens profond de l’intérêt des villageois, de toutes celles et ceux qui vivent ou tra vaillent à Satemwa, un immense domaine de près de 900 hectares. D’ailleurs,

9CARNET DE VOYAGE
Une beauté où se mêlent le vert des théiers et la couleur de la pierre…

Le sud de l’ancien Nyassaland est dominé par des massifs montagneux d’une grande beauté et par des hauts plateaux recouverts de théiers.

pour manufacturer ces thés de toute couleur, il achète leurs feuilles à près de deux cents petits producteurs qui entourent la plantation et dont il amé liore ainsi de façon significative le niveau de vie. Une façon de faire reconnue et valorisée par différents labels obtenus : Fair Trade, Rain Forest Alliance. Et ces fermiers pour vivre ne dépendent pas que du thé. Ils cultivent aussi le maïs, les épinards, les tomates.

Il est fier, Alex, lorsqu’il me fait faire le tour du propriétaire, le tour de chaque parcelle de la plantation, de chaque bâtiment dans lesquels on manufacture, ou encore le tour de l’école, du dispensaire. Et il y a de quoi être fier, en effet, lui qui est une sorte de pionnier en Afrique, l’un des pre miers à essayer de sortir des thés de masse, à s’être dit, pourquoi pas essayer, pourquoi pas mettre au point des thés plus rares, plus nobles. Et qui a réussi.

Le défi climatique

Le soir tombe tôt sous ces latitudes. Alex me retrouve dans l’ancienne maison du grand-père dans laquelle il a offert de m’installer, un charmant cottage de plain-pied. Alex et Anette ont transformé le bungalow en un magni fique lieu de réception qu’ils ont ouvert aux touristes. Une maison riche d’histoire, celle de trois générations de planteurs. On dirait que depuis un siècle rien n’a bougé, tout est là, comme si l’aïeul veillait. Dans sa chambre, j’épouse la vie des colons.

Je retrouve Alex dehors, sous la véranda. On a beau se trouver à mille et quelques mètres d’altitude, on ne ressent guère de fraîcheur avant une heure plus tardive. Dans le jardin luxuriant mille oiseaux célèbrent le soir

Alex Kay a importé certains outils de Chine et de Taiwan.

Il manufacture ses thés à sa manière, avec son terroir et ses cultivars.

Au Malawi, la majorité des plantations produisent un thé industriel récolté à la cisaille.

LA MÉTHODE CTC

de leur chant mélodieux. Tandis que nous sirotons un délicieux jus de fruits du jardin fraîchement pressés, Alex m’annonce le programme du lende main. Excursion jusqu’au mont Mulanje, à la frontière avec le Mozambique, visite du centre de recherches, des jardins expérimentaux et des différents cultivars. Nous nous entretiendrons avec le directeur du centre, car le réchauffement climatique représente pour Alex ainsi que pour tous les plan teurs de cette région un défi majeur. Les scientifiques travaillent à mettre au point des théiers davantage résistants à la sécheresse qui peut ici repré senter une absence totale de pluie de six mois. Le temps presse. •

Dans les années 1930, les Anglais mirent au point, en Assam, le procédé CTC (de l’anglais Crushing Tearing Curling). Cet acronyme désigne le traitement réservé aux feuilles : au sortir de l’étape de flétrissage, elles sont hachées en tout petits morceaux, puis roulées en petites « boulettes » régulières. Destinés à l’origine à transformer les feuilles de basse qualité ne pouvant être manufacturées selon le mode de fabrication orthodoxe, ces types de thés se retrouvent aujourd’hui dans des sachets, un mode de consommation auquel ils se prêtent particulièrement. Les CTC ont pour caractéristique de teinter presque instantanément la tasse d’une couleur sombre pour un résultat gustatif pas très intéressant…

Pour en apprendre davantage sur les thés du Malawi, partez pour un voyage auditif aux côtés de FrançoisXavier à la découverte de ces crus d’une grande complexité.

13CARNET DE VOYAGE

THÉS GLACÉS, L’ATOUT SANTÉ DE L’ÉTÉ

Rafraîchissant et désaltérant, le thé glacé, préparé nature avec des feuilles de qualité, est la boisson savoureuse et saine de l’été, à la fois bonne pour votre corps et pour la planète !

Les premières chaleurs estivales s’annoncent et avec elles l’envie d’un rafraîchissement, et mieux encore, d’alternatives aux boissons sucrées prêtes à l’emploi. Et American paradox ou non, ce n’est pas des pays chauds – où l’on a coutume de boire le thé… chaud – que nous vient cet engouement pour le thé glacé mais bien d’outre-Altlantique.

Vous avez dit ice(d) tea ?

Les Britanniques seraient les premiers à avoir ajouté dans leur tasse quelques glaçons. Dès la fin du xviiie siècle, les livres de cuisine anglais et américains attestent d’un usage courant du thé servi froid, parfois marié à des alcools forts. Le thé noir, importé à meil leur coût, a rapidement supplanté le thé vert.

On attribue à Richard Blechynden la popularisation du thé glacé à l’occasion de l’Exposition universelle de 1904, à Saint-Louis, dans le Missouri. Commissaire du thé indien et directeur du pavil lon des Indes orientales, il offrit à ses visiteurs un thé chaud, qui rencontra peu de succès auprès de la foule abattue par une chaleur intense. Il prit alors l’initiative de proposer un thé glacé aux visi teurs assoiffés, vite séduits par cette boisson désaltérante. Le thé glacé connut alors ses heures de gloire, s’affichant sur les cartes des hôtels et commercialisé dans les gares.

Sans parler des thés glacés industriels – ceux à base de poudre de thé très sucrée –, on consomme du thé glacé presque partout dans le monde. Au Japon, les thés, qui se prêtent très bien à une infusion à température ambiante, sont dégustés aussi bien froids que chauds. Dans des pays comme la Thaïlande, le thé glacé, à base de thé noir, est traditionnellement préparé avec des épices

SANS THÉINE ?

Avec 100 g de thé en vrac Palais des Thés, vous obtiendrez

6,25 litres

de thé glacé, soit l’équivalent d’un pack de bouteilles de thé glacé vendu en grande surface.

Les thés glacés comportent de la théine, mais à plus faible dose, car cette molé cule se diffuse plus lentement à température ambiante ou à froid. Vous pourrez l’expérimenter particulière ment avec un Grand Cru, dont les nombreux bourgeons apportent une formidable complexité aromatique mais sont aussi une grande source de théine. En l’infusant à température ambiante ou à froid, vous pourrez déguster votre darjeeling de printemps ou votre ichibancha en fin de journée sans crainte pour votre sommeil. Et de manière générale, si vous êtes très sensible à la théine, privilégiez des thés tels que les hojicha et les kukicha ou les oolongs, naturellement faibles en théine.

1. Lire aussi « Le bilan carbone d’une tasse de thé », Bruits de Palais, no 82.

2. Lire aussi « Quand le thé rime avec santé » et « Les effets du thé sur le corps et l’esprit », Bruits de Palais no 84.

et du lait. En Amérique du Sud, le maté, agrémenté parfois de citron ou de menthe, est bu très froid à la saison chaude. Et en Europe, la Suisse serait la plus grande consommatrice de thés glacés.

Un bon point pour la planète…

Le thé est la boisson présentant le meilleur bilan carbone (avec en moyenne, 19 g de CO2 par tasse ¹). Dans ce contexte écologique très favorable, c’est la préparation du thé, et surtout le chauffage de l’eau dans une bouilloire élec trique, qui est l’étape la plus émettrice de CO2 . En optant pour une infusion à température ambiante de vos feuilles de thé en vrac et en faisant l’impasse sur les bouteilles en plastique, vous faites du thé glacé la boisson cham pionne en termes d’impact environnemental.

… et pour notre corps ?

Globalement, les thés glacés infusés à température ambiante (voir p. 16 et 17) offrent les mêmes bienfaits à notre organisme que les thés chauds ², avec un léger bénéfice en apport vitaminique (la vitamine C, présente dans la plante, étant détruite par l’effet de la chaleur). Une eau trop chaude élimine égale ment certains composés, notamment les acides aminés, que l’on trouve en quantité importante dans le thé vert. En effet, si la chaleur favorise la solu bilisation de la plupart des substances naturelles de la feuille de thé, elle supprime ou transforme certaines d’entre elles (plus l’eau est chaude, plus ces composés migrent dans la phase aqueuse). •

15PLANÈTE THÉ

Petit tour d’horizon des manières de réussir son thé ou son infusion glacé

Quel que soit son mode d’infusion, un thé que l’on souhaite déguster frais ou glacé est toujours l’occasion de redécouvrir ses thés préférés mais aussi de se livrer à d’infinies expériences sensorielles selon vos envies et vos goûts.

La méthode la plus simple

Vous pouvez préparer une infusion à température ambiante relativement rapide qui se prête bien aux thés parfumés. Cette méthode est idéale également pour les infusions. Vous aurez à la fois une explosion aromatique en bouche et une fraîcheur appréciable en période estivale.

La préparation

Infusez votre thé dans une eau fraîche pendant 30 minutes en respectant le même dosage que pour une infusion à chaud.

Vous pouvez aussi laisser infuser votre thé toute la nuit. Dans ce cas, vous pouvez diminuer le dosage des feuilles pour éviter de retrouver trop d’astringence.

Mais n’infusez pas votre thé dans une eau à moins de 10 °C, car l’extraction des parfums serait minime. Un thé trop froid ou trop chaud aura un effet anesthésiant en bouche qui fera disparaître toutes les nuances aromatiques.

La méthode la plus chic

Infuser un thé d’origine ou un Grand Cru à température ambiante et le déguster tempéré ou frais offre une expérience de dégustation inédite qui vous permettra d’appréhender différemment sa complexité. N’hésitez pas à bousculer vos idées reçues sur la préparation de ces thés d’exception pour goûter à des plaisirs différents.

La préparation

Laissez infuser à température ambiante votre thé entre 45 minutes à 1 heure maximum, c’est-àdire suffisamment longtemps pour que le potentiel aromatique des feuilles se diffuse dans l’eau, sans choc thermique… et dégustez ! C’est toujours votre goût qui doit vous guider pour adapter le dosage et le temps d’infusion du thé.

Dans la tasse ou le verre

Le principal effet positif de l’infusion à température ambiante est de magnifier les notes de tête. À cette température, les molécules aromatiques à l’origine des arômes les plus subtils ne « s’évaporent » pas.

L’autre grand atout aromatique du thé glacé, infusé à température ambiante, est également l’absence d’astringence. En effet, par l’infusion à chaud des feuilles de thé, on extrait les catéchines, dont on connaît les propriétés antioxydantes et antiinflammatoires, mais qui donnent aussi cette amertume que l’on peut retrouver dans des Grands Crus ou dans des thés infusés à une température trop élevée ou trop longtemps. Or, ces molécules sont peu solubles dans une eau tempérée et l’absence de choc thermique au moment de l’infusion ne réveille pas les tanins. Vous perdrez certes un peu de longueur en bouche mais gagnerez une explosion d’arômes sans cette astringence qui gêne parfois les palais peu habitués.

Pour des accords thés et mets Infusé et dégusté à température ambiante ou très légèrement rafraîchi, un Grand Cru ou un thé d’origine s’accorde à merveille avec les mets les plus subtils et peut accompagner tout un repas. L’idée est alors de trouver une harmonie entre un mets et un thé à la fois d’une grande richesse aromatique et moins structuré par la perte de tanins. On pourra essayer un accord avec la chair d’un poisson ou une viande à la texture bien présente ou avec un fromage de chèvre frais très crémeux dont le gras sera un bon exhausteur de goûts.

17 18PLANÈTE THÉ

La méthode la plus experte

Vous pouvez tout simplement remplacer l’eau d’infusion de votre thé par des glaçons (issus d’une eau faiblement minéralisée). Vous recueillez ainsi une liqueur concentrée et intense, rare et élégante comme des perles de rosée et dégustez une boisson particulièrement rafraîchissante et simple à préparer.

Si vous souhaitez aller un peu plus loin : choisissez des thés japonais (par exemple, un ichibancha ou un gyokuro) et renouez avec des rituels ancestraux en utilisant des ustensiles traditionnels dans une approche à la fois ludique, hédoniste et contemplative du thé.

Au shiboridashi

Dosez votre thé comme pour une infusion à chaud (soit environ 10 g pour 10 cl). Soit vous infusez à chaud (avec une eau à 50 °C et des infusions courtes) et vous refroidissez la liqueur avec des glaçons. Soit vous remplacez l’eau par des glaçons et attendez que les glaçons soient fondus. Les feuilles de thé diffuseront au fur et à mesure de la dégustation leurs parfums. Gorgée après gorgée, vous découvrirez des nuances marines ou végétales d’une grande subtilité. C’est aussi une bonne manière de comprendre ce qu’est la saveur umami !

Nous vous proposons une expérience complète de dégustation avec notre tea sommelier p. 26 et 27.

Au kyusu

Le principe est le même mais avec un volume d’eau plus important (15 à 20 cl).

La fonte des glaçons sera donc plus longue.

La méthode gourmande

Alliance de fraîcheur et de gourmandise, le matcha latte version frappée est la plus savoureuse des boissons estivales.

Le matcha latte frappé

Dans une grande tasse ou un verre à long drink, ajoutez 2 et 3 g de matcha, puis versez 10 cl de lait ou de boisson végétale (avoine, riz, coco…).

Faites mousser la préparation à l’aide d’un fouet électrique. Ajoutez des glaçons. Vous pouvez aussi passer l’ensemble au blender pour une boisson entre latte et granité. Une robe jade, des arômes végétaux et une texture onctueuse qui raviront vos pupilles et vos papilles.

19PLANÈTE THÉ
Shiborida S hi 16 cl → Réf. N357 – 25  €
Kyu S u Marui 0,2 l → Réf. M178 – 98  €

Pour conserver la fraîcheur des feuilles, ces dernières sont immédiatement transportées sur leur lieu de manufacture une fois la cueillette effectuée.

Les thés de printemps, des thés de l’instant

À chaque saison correspond la manufacture de thés bien particuliers. Et il en est une attendue par les amateurs de thés du monde entier : le printemps. Période symbolique dans de nombreux pays de thé, où l’on célèbre l’éveil de la nature, c’est aussi à cette occasion que sont élaborés les thés « primeurs », issus de la première récolte de l’année, dont les feuilles leur donnent des caractéristiques souvent exceptionnelles.

Avec la symbolique qui les entoure, dans certains pays, les thés de prin temps célèbrent des moments particuliers. En Chine, les premiers thés sont récoltés au moment de Qingming, ou fête de la « pure lumière », un évé nement qui célèbre la vie, en honorant les ancêtres décédés. C’est aussi l’occasion de louer l’arrivée du printemps et le renouveau de la nature. Qingming se déroule le 5 avril et marque le début de la cueillette des feuilles de thé. Les premiers crus qui en résultent sont très attendus, on les appelle « thés de pure lumière », une appellation gage de qualité. Certaines plan tations débutent la cueillette de façon précoce, juste avant cet événement. Les thés qui en résultent sont encore plus rares et plus attendus. On les retrouve sous le nom de Pre-Qingming

Au Japon, la première cueillette de l’année porte le nom d’ichiban cha. Elle est très prisée, notamment pour la qualité de ses thés, d’une grande pureté. Sa valeur se double d’une portée symbolique puisqu’elle a lieu au moment du renouveau des saisons, lorsque la nature s’éveille. Cette époque de l’année est un véritable phénomène culturel au Japon : les Japonais se réunissent, pour célébrer dans un moment de paix, le côté éphémère de l’existence.

La valse des récoltes

Ces célébrations du printemps marquent le début d’une valse des récoltes dans le monde du thé, et annoncent l’arrivée des thés primeurs. Le thé est une culture pérenne. Le Camelia sinensis étant un arbre à feuilles persistantes, il est possible de récolter ses feuilles à différentes périodes de l’année, par cycles de quatre à quinze jours. Cependant, les condi tions climatiques exercent une influence sur le théier et sur la qualité de ses arômes. L’arbre croît rapidement sous un climat chaud et humide, et plus lentement lorsque les températures sont basses (en dessous de 15 °C).

Ainsi, pendant l’hiver, la croissance du théier est interrompue. Au cours de cette période de dormance, les jeunes pousses ont le temps de se charger en huiles essentielles, bien plus que pendant le reste de l’année. La première récolte du printemps est très riche en arômes, offrant une typicité gusta tive exceptionnelle.

En Inde, la plus emblématique des récoltes de printemps est celle de Darjeeling. La qualité des premières feuilles de l’année dépend des condi tions climatiques de l’hiver, particulièrement aléatoires dans cette région du monde. Selon les années, le travail débute entre les derniers jours de février et la troisième semaine de mars, pour se poursuivre jusqu’à la mi-mai.

C’est un événement attendu par les amateurs du monde entier : produits en

40 fois

À Darjeeling, un théier est récolté en moyenne une quarantaine de fois par an, mais le laps de temps écoulé entre deux récoltes n’est pas le même au printemps qu’en période de mousson, où la croissance s’accélère de façon spectaculaire.

DES NOMS ÉVOCATEURS

Quel que soit le pays de récolte, la période de cueillette est souvent exprimée dans le nom du thé lorsqu’elle influe sur la qualité de celui-ci.

En Inde, la récolte de printemps est appelée First Flush (Second Flush et Third Flush désignant respectivement les récoltes d’été et d’automne).

En Chine, on parle de Qingming ou Pre-Qingming. Au Japon, la première récolte est nommée ichibancha (littéralement « première récolte »).

Pour produire un thé de qualité, il faut récolter de façon « fine », en prélevant à la main le bourgeon et les deux feuilles suivantes.

23CULTURE THÉ

2 heures

Les feuilles de la première récolte, une fois cueillies, s’abîment vite. En Chine, un producteur comme Monsieur Li doit impérativement trouver acquéreurs pour ses feuilles dans les deux heures qui suivent la cueillette.

quantités très limitées, les darjeelings de printemps sont des thés rares, d’une grande richesse aromatique. Depuis quelques années, le changement climatique impacte néanmoins ce calendrier : les hivers sont moins longs et moins froids. Dans les années à venir, les darjeelings de printemps seront probablement manufacturés dès le mois de février. Aujourd’hui, Palais des Thés effectue sa sélection au début du mois de mars. Des centaines d’échan tillons sont réceptionnées par nos chercheurs de thé à Paris. Chaque jour, ils dégustent le fruit de ces récoltes lointaines, pour choisir les meilleurs crus. À l’heure où la sélection des darjeelings de printemps s’achève, la sai son des thés du Népal bat son plein, puis c’est au tour des primeurs de Chine de s’annoncer début avril. On les trouve sous les noms de Tai Ping Hou Kui, Huang Shan Mao Feng, Huang Hua Yun Jian, Long Jing, Bi Luo Chun ou Bai Mao Hou pour les plus connus.

Au Japon, le printemps débute plus tardivement que sur les pentes de l’Himalaya, et s’étire paresseusement du mois de mars à début mai. Au cours de cette période, on récolte les feuilles qui permettront de manufacturer les senchas et les gyokuros. C’est aussi à ce moment que l’on récolte les feuilles de tencha, utilisées pour produire le matcha.

Déguster le printemps

Dégustation d’échantillons de darjeelings de printemps. La décision d’achat doit se faire immédiatement, car les lots sont vendus au plus offrant et ne dépassent pas quelques dizaines de kilos.

Les thés de printemps sont des « thés de l’instant ». L’ultra fraîcheur qui les caractérise appelle une dégustation immédiate pour pouvoir en apprécier toutes les qualités. Ce sont des thés qui se consomment « primeur », c’est-àdire dans les huit à dix mois qui suivent la cueillette. Au-delà, la souplesse de la feuille de thé ne sera pas optimale, l’infusion perdra alors de sa fraîcheur, et donc de sa saveur (à l’inverse d’un thé d’origine classique que l’on peut garder une année). Cette fragilité donne à chacun de ces thés leurs caracté ristiques uniques. À Darjeeling, les premiers crus offrent des thés aux notes florales soutenues, évoquant ces premières fleurs que l’on vient de cueillir. En Chine, les primeurs s’appuient sur une note végétale puissante, comme si l’on dégustait la feuille de thé tout juste récoltée. Les ichibancha japonais sont quant à eux d’une grande délicatesse, soufflant avec finesse un vent de fraîcheur printanière. Ces crus de saisons ne se ressemblent pas, mais présentent tous cette « verdeur », comme un écho à l’éveil de la nature. •

ACHETER LES THÉS PRIMEURS, UNE COURSE DE VITESSE !

Les thés primeurs sont très attendus dans le monde du thé, et la demande excède souvent l’offre. Au Japon, la quasi-totalité de la production de thé est consommée localement. Pour les ichibanchas, il n’est pas rare que certains fermiers voient leur production réservée avant même qu’elle ne soit manufacturée. En Chine, de plus en plus de Chinois sont friands de ces thés rares, et la demande intérieure est passée de quasi inexistante à très forte.

Pour Palais des Thés, l’enjeu d’une sélection de thés primeurs réside dans la réactivité. Pendant près de six semaines, nos chercheurs de thé goûtent des dizaines d’échantillons, envoyés par les producteurs avec qui nous travaillons. Souvent, sur une centaine de thés dégustés, seul un sera retenu. La décision d’acquérir le thé doit alors être prise immédiatement, au risque de voir le lot convoité acheté par d’autres.

Pour en apprendre davantage sur les thés de printemps, écoutez le podcast qui leur est consacré. Renouveau, fraîcheur, poésie et « verdeur » au programme !

26 CULTURE THÉ

La dégustation du Bai Ye Dan Cong

Aujourd’hui, je vous emmène dans la province du Guangdong en Chine, à seulement deux heures de route de la ville potière de Chaozhou. Ici, sur les monts Phoenix (Feng Huang Shan), les fermiers fabriquent un oolong atypique qu’ils appellent Dan Cong. Par Romain Hoarau

Le nom « Dan Cong » renvoie à une époque lointaine, loin des cultures en terrasses et des tables de cueillette rigoureuse ment ordonnées, à une époque où le théier, sans contrainte, se développait en arbre.

L’arbre unique aux feuilles blanches

Bien avant la naissance des cultivars, le thé était reproduit par graines, et de génération en génération, chaque théier déve loppait sa fragrance singulière, affirmant un peu plus sa typi cité. Ainsi, dans cette région du Guangdong, il est d’usage de nommer les thés par leurs

spécificités, comme ici avec notre Bai Ye Dan Cong : l’arbre unique aux feuilles blanches. En vous aventurant sur ces mon tagnes, vous croiserez aussi l’arbre unique aux parfums d’orchidées (Mi Lan Xiang Dan Cong), de tubéreuses (Ye Lai Xiang Dan Cong) ou encore d’amandes (Xingren Xiang Dancong)…

Dragon noir

À mon sens, rares sont les thés qui reflètent aussi bien l’imagi naire associé au mot « oolong », que l’on pourrait traduire par « dragon noir ». En effet, les feuilles revêtent une robe sombre, striée ici et là de cou leurs ambrées, parfois cuivrées, où quelques reflets verts per sistent. Intensément marquées par le feu, ces feuilles longues et torsadées se dévoilent au mieux à l’aide de la méthode Gong Fu Cha. Pour cela, munissez-vous d’un gaiwan, d’un pot de réserve et d’un verre  [1] , et découvrons ensemble ce thé à la liqueur vive, mordante, aux parfums puis sants et entêtants.

Romain Hoarau a rejoint Palais des Thés en 2018 et il est devenu tea sommelier en 2019.

Passionné par les thés de Chine et du Japon, il conseille et guide quotidiennement les clients de la boutique de Toulouse.

Entre tradition et modernité

À l’approche de l’été, j’aimerais vous présenter une alterna tive à la dégustation chaude de ce grand cru : la dégustation à température ambiante ou gla cée, selon votre envie. Pour cela, j’utilise un gaiwan de 10 cl que je remplis généreuse ment de feuilles de thé (environ 10 g)  [2]. Avec une eau chauffée à 95 °C, je l’infuse seulement une quinzaine de secondes afin de faire ressortir le caractère et la singularité de ce thé, tout en maîtrisant l’astringence et l’amertume. Une fois l’infusion prête, je la verse dans mon pot de réserve préalablement rem pli de glace [3].

En quelques secondes seule ment, l’infusion refroidit. En manipulant l’extérieur du pot de réserve, je peux détermi ner la température idéale pour cette première infusion. Libre à vous d’aller jusqu’au thé glacé, mais pour une dégustation opti male, je vous recommande de déguster le thé à température ambiante, afin de ne pas trop diluer la liqueur. Une fois la tem pérature souhaitée atteinte, je

filtre l’infusion dans un verre de dégustation en prenant soin de ne pas y ajouter les glaçons [4].

Le gaiwan encore brûlant exhale des parfums de fleurs, de fruits exotiques, portés par une gourmandise empyreuma tique soulignée par des notes de pain grillé et de bois toasté. Je reconnais bien là l’essence des thés du Phoenix. La dégusta tion prolonge cette expérience olfactive ; elle se révèle douce et

feutrée avec des notes de bois précieux, de géranium, un feu toujours bien présent, sur une texture onctueuse et fraîche.

Je vous invite à infuser autant de fois que possible ces précieuses feuilles selon ce procédé. Au fil des infusions, plus aucun doute ne subsiste : vous dégustez bien un véri table oolong, un Dragon noir qui s’illus tre par ses parfums de feu, de fruits et de fleurs. •

Bai Ye Dan Cong culTiVar Bai Ye origine Guangdong (Chine) rÉcolTe 2020

conSeil S de prÉparaTion

→ Au GonG Fu ChA

Des infusions successives de 15 secondes, jusqu’à six fois.

accord gourMand Un comté jeune → Réf. 2783 – 48  € les 100 g

27 28UN GRAND CRU, UN TEA SOMMELIER
4. Déguster à température, puis infuser autant de fois que possible. 1 et 2. Remplir le gaiwan de 10 g de feuilles de thé et infuser 15 secondes. 3. Faire refroidir l’infusion dans le pot de réserve préalablement rempli de glace.

Champagne au Thé du Hammam

Dans cette recette, les notes fruitées et florales du Thé du Hammam viennent équilibrer le côté sec de l’alcool et la touche sucrée apportée par la liqueur de pêche.

Pour 5 flûtes

6 g de Thé du Hammam 25 ml de liqueur de pêche

1 bouteille de champagne frappée

1. Faites infuser le thé dans 30 cl d’eau à 80 °C pendant 3 minutes. Filtrez.

2. Laissez refroidir au réfrigérateur.

3. Dans un shaker, versez le thé avec la liqueur de pêche et agitez vigoureusement.

4. Versez le thé à mi-hauteur dans les flûtes.

5. Remplissez la flûte à hauteur de champagne frappé.

Connaissez-vous le Thé du Hammam ?

Un thé vert aux parfums de datte verte, de fleur d’oranger, de rose et de fruits rouges qui évoque le rituel du hammam. Pour une parenthèse consacrée à soi, où tout est harmonie, calme et douceur.

Comment accorder ce thé ?

Ce thé aux notes fleuries et fruitées s’associe avec finesse et équilibre à l'onctuosité du chocolat blanc.

29DU THÉ EN CUISINE
T hÉ du ha MM a M → Réf. 861 − 9,90  € les 100 g

Les Infusions du Louvre

Partenaire exclusif du Louvre depuis 2019, Palais des Thés imagine aujourd’hui deux infusions inspirées des collections de l’un des plus grands musées du monde. Un voyage à travers le temps et l’histoire qui scelle les liens intimes entre la maison de thé et l’univers muséal. Par Bénédicte Bortoli

des Thés en 1990, Mathias Minet signe pour la Maison des créations parfumées au succès jamais démenti.

Et si le Louvre et ses trésors se traduisaient en infusions ? Quels parfums, quels goûts, quels rêves convoquer ?

Le mystère, source d’inspiration infinie

Flâner dans les départements du musée, se donner rendez-vous avec une statue, un tableau, un vestige, laisser son imagination vagabonder… « Je travaille avec mon nez et mon palais mais avant tout avec des rêves, des mondes imaginaires, des évocations.

Il faut être sensible et à l’écoute de ses impressions, de ce que vous disent les choses ou ce qu’elles ne vous disent pas », explique Mathias Minet. Si pour la création des Thés du Louvre − une pre mière collaboration couronnée de succès − c’est de la symbolique

même du lieu qu’est venue l’im pulsion, les infusions sont nées d’une volonté d’immersion dans les collections, et plus particu lièrement dans les civilisations antiques auréolées de mystère. Une part de jeu et de secret que l’on pourrait retrouver dans des infusions dont les ingrédients ne se livrent pas à la première gor gée. Une manière de brouiller les cartes olfactives avec des accords à la fois inattendus et de prime abord indéchiffrables, à l’image des hiéroglyphes, dans une quête de plaisir sensoriel. Mais com ment créer une passerelle entre la Vénus de Milo ou un bas-re lief égyptien et une infusion ?

Un Éden baigné d’ombre et de lumière

Avec Jardin de Vénus, c’est la lumière du soleil méditer ranéen qui infuse, évoquant une promenade dans un jardin de fl eurs blanches et d’agru mes. Une invitation à se perdre entre les colonnes de temples oubliés aux bords des rivages, à la recherche d’un peu d’ombre. La douceur chaleureuse de la vanille, la fraîcheur zestée de l’orange et la gourmandise de la caroube caressent les sens pour une expérience à la fois délicate et puissante, tour à tour enveloppante ou bienfaisante, comme une brise attendue.

Voluptueuse et raffinée, cette infusion est née de cette sensa tion de doux contraste entre la chaleur et l’ombre d’un jardin en Méditerranée.

La sensualité opulente d’une nuit orientale

Nuit Égyptienne vous plonge dans une nuit très vivante où la voix d’Oum Kalthoum, « l’astre de l’Orient », côtoie les danses orientales et une cer taine idée de l’opulence et de la fête. Fraîche et suave, cette infusion évoque la fraîcheur d’une soirée sur la rive du Nil, le mystère d’une heure bleue en clair-obscur, au cœur d’une oasis surplombée par les pyra mides. Les notes de menthe poivrée, de baies de sureau et de myrtille apaisent l’intense chaleur du jour et signent avec charme le début de la nuit orien tale, délicatement épicée d’une pointe de fenouil.

Et c’est ainsi que deux civi lisations, qui se font face et occupent chacune une rive de la Méditerranée, ont donné nais sance à deux créations, l’une de jour, l’autre de nuit. Une oppo sition que l’on peut prolonger en infusant et en dégustant ces infusions, issues d’ingrédients bio, aussi bien chaudes que glacées. •

UNE COLLECTION

31RACONTEZ-MOI
100 % BIO nu S (boî T e MÉTal) Réf. 9540 – 18  € les 160 g ienne (boî T e MÉTal) Réf. 9550 – 15  € les 85 g ache TS Mou SS eline les 100 g

Le kukicha , un étonnant thé de tiges japonais

Le kukicha est un thé vert japonais composé uniquement de tiges. Très apprécié pour sa faible teneur en théine, c’est un thé que l’on peut boire au fil de la journée. Frais et original, c’est un excellent choix pour s’initier aux thés japonais !

On raconte qu’après avoir vendu leurs meilleurs thés à l’empereur et aux notables de l’époque, les producteurs japo nais auraient eu l’idée de se servir des tiges restantes (habi tuellement non utilisées) pour confectionner et vendre un thé à moindre coût. Cette démarche serait également en phase avec la philosophie bouddhiste zen : lorsque l’on prend quelque chose à la nature, il est important d’en utiliser toutes les parties.

Le kukicha est un thé de manufacture récente. Sa popu larisation est en lien avec la mécanisation de la production de thé. Si le thé de qualité se récolte à la main dans la plupart des pays qui en produisent, il en est tout autrement au Japon. Les outils utilisés par les producteurs nippons permettent de procé der à des récoltes mécaniques d’une grande précision. Le tri effectué en usine grâce à des machines équipées d’« yeux élec troniques » permet, entre autres, de récupérer facilement les tiges des feuilles servant à la fabrica tion des senchas et gyokuros.

Ces tiges sont ensuite utilisées pour réaliser des kukichas aux notes aromatiques proches des thés japonais traditionnels.

C’est un thé gustativement très

intéressant et très accessible, car manufacturé en utilisant des élé ments qui ne sont pas considérés comme nobles.

Un thé vert faible en théine

La tige des senchas et gyokuros est utilisée pour sa belle inten sité aromatique. C’est un thé qui séduit les amateurs de thé sensibles à la théine, car il en est très peu pourvu. En effet, la théine, essentiellement pré sente dans le bourgeon et les premières feuilles, ne se fixe pas dans la tige. Le kukicha offre alors toute la verdeur d’un thé vert japonais, dont on peut aisément profiter à tout moment de la journée. Au Japon, il n’est d’ailleurs pas rare d’en boire à la place de l’eau. On le retrouve également à la table de nom breux restaurants, car son profil aromatique est idéal pour s’ac corder avec tout type de mets.

La fraîcheur et l’élégance de la nature

Déguster un kukicha, c’est prendre le temps de contem pler la sérénité d’un printemps japonais, c’est profiter de sa fraîcheur désaltérante, bercé par la douceur des notes qui

se succèdent. On est d’abord saisi par cette attaque iodée et marine, qui se prolonge pour accompagner des parfums plus végétaux et laisser délicatement place à la menthe, au cassis.

Doux et sucré, le kukicha est facile à apprécier et à accorder : il a suffisamment de caractère pour s’entendre avec des mets très marqués, et reste suffisam ment fin pour s’adapter aux aliments les plus raffinés. Ainsi, il accompagnera avec autant de générosité un poisson frais, qu’un dessert sucré, ou encore un tamagoyaki (une omelette japonaise sucrée-salée). C’est un thé de chaque instant, à dégus ter froid ou chaud en fonction de la saison. •

UN KUKICHA DE FEU

Vous pouvez torréfier vous-même votre kukicha dans un horuku (une grande poêle)¹ pour le faire évoluer vers des notes boisées, de fruits cuits, de céréales grillées, ces parfums réconfortants qui nous emmènent avec sérénité vers une fin d’après-midi ensoleillée. Cette version torréfiée existe sous le nom de Shiraore Kuki Hojicha. La spécificité de la fabrication de ce thé de tige réside dans sa torréfaction, réalisée à la manière d’un bancha hojicha (hojicha signifiant « thé vert torréfié »).

THÉ D’EXCEPTION
Ku K icha → Réf. 290 − 11  € les 100 g Shiraore Ku K i ho J icha bio → Réf. 2910 − 15,50  € les 100 g Au Japon, la maind’œuvre étant onéreuse, la récolte des feuilles de thé est mécanique. La sophistication des outils utilisés par les fermiers leur permet d’obtenir une grande précision dans la cueillette.
1. Lire aussi « Torréfier le thé à la maison en quatre étapes », Bruits de Palais, no 84.

Des ateliers découverte offerts par l’École du thé

Dans le cadre de ses engagements sociétaux, Palais des Thés fait venir son École du Thé dans les hôpitaux, les écoles et les associations pour des ateliers d’initiation.

Après plusieurs ateliers menés en par tenariat avec le programme « Souffle de Violette » et l’hôpital Sainte-Périne 2 , nous avons organisé une session avec l’École des Cuistots Migrateurs, une association à but non lucratif qui prépare des personnes réfugiées à l’obtention du diplôme de com mis de cuisine. L’atelier a eu lieu le 4 mars dernier et a réuni six élèves ayant obtenu leur certification !

D’autres ateliers sont prévus avec des mai sons de retraite et des élèves en situation de handicap dans les mois qui viennent, toujours avec cette volonté de transmettre au plus grand nombre, notre passion pour le thé.

Palais des Thés renouvelle son soutien à l’association Karuna-Shechen

Depuis deux ans, Palais des thés soutient l’association Karuna-Shechen, fondée par Matthieu Ricard. Karuna-Shechen met en œuvre des projets humanitaires pour les populations défavorisées d’Inde, du Népal et du Tibet.

En 2020, nous lancions le Black Friday For Good dans nos boutiques 1 . Le principe : pour 50 € d’achats nous avons remis un bon de 10 € à nos clients. À chaque utilisation de ce bon, nous rever sions 10 € à l’association. Cette somme a permis de financer un projet d’électrification d’habita tions, via l’installation de panneaux solaires. Six cents foyers des districts de Sindhuli et d’Udaypur au Népal en ont bénéficié, et trente femmes ont été formées afin d’en assurer la maintenance. En 2021, nous avons renouvelé cette initiative et rassemblé 44 050 €, reversés à Karuna-Shechen

pour mener à bien un projet d’agriculture respon sable au Népal, dans la vallée de Ruby. Située au pied de l’Himalaya, cette région népalaise iso lée est habitée par différentes communautés vivant essentiellement de l’agriculture et de l’élevage. Afin d’améliorer les conditions de vie de la population qui ne reçoit aucune autre aide, Karuna-Shechen s’est investie sur place dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la sécu rité alimentaire et de l’environnement.

Merci à vous, vous êtes plus de 4 000 à avoir pris part à cette initiative.

L’actualité du Palais

BOUTIQUES Des ouvertures en France et en Belgique

Nous sommes ravis de vous accueillir dans nos nombreuses boutiques Palais des Thés. Retrouvez-nous et laissez-vous guider parmi notre sélection de 250 thés et infusions.

Atmosphère conviviale et chaleureuse après un moment de dégustation riche en découvertes.

35 36 ÉBRUITÉÉBRUITÉ
Le
programme de promotion d’une agriculture responsable en action au Népal.
À Poitiers 1 bis, rue du Marché-Notre-Dame 86000 Poitiers À Montpellier Centre commercial Odysseum 2, place de Lisbonne 34000 Montpellier À Vichy 1, rue GeorgesClemenceau 03200 Vichy À Bayonne 52, rue Victor-Hugo 64000 Bayonne À Mulhouse Centre commercial Cour des Maréchaux 25, rue Lambert 68100 Mulhouse EN BELGIQUE À Charleroi Boulevard Joseph-Tirou 93 6000 Charleroi À Liège 20 rue du Pot-d’or 4000 Liège 1. Lire aussi « Ébruité », Bruits de Palais no 83. 2. Lire aussi « Ébruité », Bruits de Palais no 85
BERLINGOTS → 6,50 € le berlingot 1. Jardin romantique → Réf. DTG975 2. Détox Balinaise → Réf. DTG4650 3. Pêche Glaciale → Réf. DTG8370 4. Juicy Sunrise → Réf. DTG9530 COFFRET QUATRE MINIATURES – LES THÉS GLACÉS → Réf. DBM16 – 24,90 € PORCELAINE DE HASAMI 12. Tasse Sakura → Réf. N203 – 18 € 13. Tasse Camellia → Réf. N200 – 14 € GRÈS DE HASAMI 11. Tasse Nihonkai → Réf. N202 – 17 € Pêche glaciale → Réf. 8370 –12 € les 100 g BOÎTES WASHI → Boîte de 100 g – 13 € → Boîte de 150 g – 16 € 5. Cueillette printanière → Réf. V2045C 6. Danse des libellules → Réf. V2044C 7. Forêt tropicale → Réf. V2046C 8. Cascade végétale → Réf. V2047B 9. Bouquet de primevères → Réf. V2043B 37 38GRANDS CRUS NOUVEAUTÉS Déguster et s’évader… GRANDS CRUS Batabatacha de Itoigawa → Réf. 3094 – 28  € les 100 g GRANDS CRUS Yin Zhen « Aiguilles d’argent » → Réf. 2077 – 58  € les 100 g Gaiwan → Réf. N079 – 25 € Carafe à thés glacés → Réf. M203 –35 € – 1,15 l 12. 10. 6. 5. 7. 9. 8. 13. PORCELAINE DE MIZUNAMI 10. Tasse Océan → Réf. N201 – 16 € 11. 1. 2. 3. 4.

QUIZ

Testez vos connaissances sur le thé en répondant à ces dix questions !

Quelle est la différence entre un thé vert et un thé noir ?

a. Les feuilles ne proviennent pas du même arbre.

b. Le degré d’oxydation n’est pas le même. c. La couleur change en fonction du temps d’infusion.

Réponse : b.

Un thé vert n’est pas oxydé, quand le thé noir est complètement oxydé.

Le Mao Cha est :

a. une province chinoise qui a donné son nom à un type de thé ?

b. la matière première pour fabriquer un pu erh (thé sombre) ?

c. un théier spécifique de la région du Yunnan en Chine ?

Quelle saveur ne trouve-t-on jamais dans le thé ?

a. La saveur acide. b. La saveur salée. c. La saveur sucrée.

Réponse : b.

En revanche, en fonction du thé, on peut trouver le sucré, l’acide, l’amer et l’umami.

Par quel agrume le Earl Grey est-il parfumé ?

a. Le citron. b. L’orange. c. La bergamote.

Retrouveznous sur palaisdesthes

Réponse : b.

Le Mao Cha est un thé brut à partir duquel on confectionne le thé sombre cru ou cuit.

Une théière à mémoire est fabriquée en :

a. terre cuite brute ?

b. porcelaine ?

c. fonte émaillée ?

Réponse : A

La paroi poreuse des théières en terre non vernies absorbe certaines particules du thé (les tanins) et certains arômes, formant au fur et à mesure un dépôt qui améliore les infusions suivantes.

On dit que les théières « se culottent » et le dépôt formé est leur « mémoire ».

Vrai ou faux ? Certains thés supportent qu’on les fasse infuser plusieurs fois.

a. Vrai. b. Faux.

Réponse : A C’est le cas des thés que l’on prépare selon la technique du Gong Fu Cha.

Vrai ou faux ? Si l’on fait infuser un thé dans l’eau froide, il sera beaucoup moins fort en caféine (ou théine).

a. Vrai. b. Faux.

Réponse : A La caféine est plus facilement soluble dans l’eau chaude. Un thé infusé dans de l’eau à température ambiante pendant 1 heure sera donc très faible en théine.

Réponse : C

La légende raconte qu’au cours d’un voyage diplomatique en Chine, Charles Grey, deuxième comte (earl en anglais) et premier ministre britannique, reçut des mains d’un mandarin une recette très ancienne de thé parfumé avec un agrume. La réalité est tout autre : Charles Grey ne voyagea jamais en Chine et, en versant par pur plaisir quelques gouttes d’essences de bergamote dans sa tasse de thé, il ne se doutait pas qu’il endosserait la paternité de l’un des thés les plus célèbres de l’Histoire.

Qu’est-ce qu’un blend ?

a. Un assemblage de plusieurs thés différents.

b. Un thé dont les feuilles ont été passées au mixeur.

c. Un thé que l’on mélange avec du lait et du sucre.

Bruits de Palais est une publication de Palais des Thés

Ont également collaboré à ce numéro

Paul Roudez (Planète thé), Julie Schwob (stylisme Recette et Nouveautés)

Rédaction en chef

Bénédicte Bortoli, Chloé Douzal, Mathias Minet

Direction artistique et mise en page

Laurent Pinon et Aurore Jannin pour Prototype

Illustrations

Stéphane Humbert-Basset

Impression

Achevé d’imprimer en mai 2022 sur les presses du groupe Prenant (France)

Photogravure

Key Graphic

Palais des Thés

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction sous quelque forme que ce soit, réservés pour tous pays.

Réponse : A

Ce travail est l’œuvre de « blenders » (de l’anglais to blend, mélanger). L’objectif pour un blender est de garantir au cours de l’année une constante organoleptique.

Un Grand Cru peut être produit : a. uniquement au printemps. b. tout au long de l’année. c. seulement par quelques plantations dans les pays d’Asie.

Crédits photographiques

Fonds photographique Palais des Thés – François-Xavier Delmas : couverture, p. 4, 6, 10-11, 12, 13, 20-21, 23, 24, 32-33, 38 • Guillaume Czerw : p. 2, 26, 27, 29, 36, 37 • Adobe

Stock : p. 15 • Stock.adobe. com : p. 31 (photogolfer)

• Kenyon Manchego : p. 28, 31, 33 • Karuna-Shechen –Morgane Effroy : p. 34

Réponse : b.

Dénichés par nos chercheurs de thés dans les pays producteurs (Asie, Afrique, Europe, Amérique du Sud), ce sont des thés rares, artisanaux et éphémères, étroitement liés au savoir-faire de celui qui les produit.

Pour accorder un thé avec un poisson cru, on choisira plutôt : a. un sencha ariake. b. un jukro. c. un Thé du Hammam.

Réponse : A

Les notes iodées de ce thé vert japonais se marient bien avec les saveurs marines du poisson. On le sert tiède.

• Cuistots migrateurs – Fiona Gautillot : p. 35 • Alexandre Denni : p. 35 (boutique)

Service clients 01 43 56 90 90

Coût d’un appel local, du lundi au samedi de 9 h à 18 h

Service Cadeaux d’affaires 01 73 72 51 47

Coût d’un appel local, du lundi au vendredi de 9 h à 18 h

palaisdesthes.com 4,90 €
« Le théisme est l’art de cacher la beauté que l’on est capable de découvrir, et de suggérer celle que l’on n’ose révéler. »
Ka K uzô O K a K ura Le Livre du thé

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.