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La bibliothèque de P.-A. Lesson

252 titres de la bibliothèque ont été publiés après 1849 (année du décès de R.-P. Lesson) : ces ouvrages ont forcément été achetés ou reçus en don par Pierre-Adolphe Lesson. Parmi ces 252 titres, quatre grands ensembles se dégagent nettement et permettent de comprendre clairement quels étaient les centres d’intérêt de P.-A. Lesson durant sa retraite rochefortaise : les ouvrages littéraires, les récits de voyage non scientifiques destinés au grand public, les « manuels » océanistes et enfin les ouvrages d’ethnologie.

Dans la première catégorie, on trouve Stendhal, Eugène Sue, Jules Verne, Zola, ou encore Pierre Loti4, preuve que Lesson lisait ou s’intéressait à la production littéraire sans discriminer les genres

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Maison sacrée du village de Dorey. Lithographies de Lemercier d’après Louis de Sainson. Voyage de la corvette l’Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 1826-1827-1828-1829 sous le commandement de Jules Dumont d’Urville, Paris, J. Tastu, 183, Inv. n°3164.

©Médiathèque de Rochefort

4 Lesson possède Le Roman d’un spahi (1882), Mon frère Yves (1883) et Les trois dames de la Kasbah (1884). Bien qu’il soit hautement probable que les deux Rochefortais se soient rencontrés, nous ne disposons à ce jour d’aucun élément matériel permettant d’affirmer l’existence d’une relation entre les deux hommes.

Frontispice de Polynesian mythology and ancient traditional history of the New Zealand race, as furnished by their priests and chiefs, by Sir George Grey, London, J. Murray, 1855. Inv. n° 18038.

©Médiathèque de Rochefort Page de garde de Polynesian mythology and ancient traditional history of the New Zealand race, as furnished by their priests and chiefs, by Sir George Grey, London, J. Murray, 1855. Inv. n° 18038.

©Médiathèque de Rochefort

nouveaux et les auteurs contemporains. Dans la deuxième catégorie, figurent les récits d’Ida Pfeiffer, ceux de Jules Garnier. Ces livres furent diffusés largement et bénéficièrent de l’engouement du public pour les voyages et l’exotisme. On peut supposer que P.-A. Lesson, qui désirait fortement faire publier ses journaux, suivait ces publications de près, n’hésitant d’ailleurs pas à en critiquer certains aspects trop frivoles à son goût.

Dans la troisième catégorie, on trouve le cœur véritable de la bibliothèque de P.-A. Lesson, ses instruments de travail quotidiens, qui complètent les atlas et les récits de voyage du XVIIIe siècle présents dans la bibliothèque de son frère. La liste des ouvrages scientifiques ou des « manuels » portant sur l’histoire ou la géographie de l’Océanie donne une idée de l’attention portée par Lesson à un champ éditorial pourtant très limité au XIXe siècle. Il acquiert en effet une dizaine de titres en anglais entre

1850 et 1880, principalement des textes traitant de linguistique ou d’ethnologie : ouvrages de George Grey, de Shortland, de Pritchard et de Fornander, dictionnaires… Il se procure également la plupart des récits océaniens en français, comme celui de Max Radiguet aux Marquises dans son édition originale de 1860, ou comme le « roman canaque » d’Henri de Rochefort, L’Evadé. Il achète aussi des synthèses : l’Océanie nouvelle d’Alfred Jacob, publiée par les frères Lévy en 1861, ou Quatre années en Océanie d’Antoine Foleÿ. Cet ensemble montre que P.-A. Lesson se percevait lui-même comme un spécialiste de l’Océanie qui accordait une importance particulière à l’étude des langues, notamment dans le cadre de ses études sur les théories des migrations et du peuplement de la Polynésie.

Parallèlement, il cherche par ses lectures à se tenir au courant des développements contemporains de l’ethnologie et des sciences de l’homme. Il lit –passionnément- Armand de Quatrefages, premier titulaire d’une chaire d’anthropologie au Muséum, comme le montrent les annotations souvent très fournies contenues dans les livres de cet auteur. On peut comparer la liste des titres d’ethnologie possédés par PierreAdolphe Lesson avec celle, citée plus haut, des livres de son frère :

Les races humaines, Louis Figuier, Paris, Hachette, 1872

Hommes fossiles et hommes sauvages, Armand de Quatrefages, Paris, J.-B. Baillière et fils, 1884. Voyage d’un naturaliste autour du monde, Charles Darwin, Paris, C. Reinwald, 1875.

The war dance. Polynesian mythology and ancient traditional history of the New Zealand race, as furnished by their priests and chiefs, by Sir George Grey, London, J. Murray, 1855. Inv. n° 18038.

©Médiathèque de Rochefort Bustes de Dumoutier. Planche extraite de l’Atlas d’anthropologie du Voyage au Pôle Sud et dans l’Océanie sur les corvettes l’Astrolabe et la Zélée, 18421847, Inv. n° 2445.

©Médiathèque de Rochefort

L’anthropologie, Paul Topinard, Paris, C. Reinwald, 1875.

L’homme, Gabriel de Mortillet, Paris, Doin, 1884.

Des races humaines, ou éléments d’ethnographie, Jean-Baptiste Omalius d’Halloy, Paris, P. Bertrand, 1845.

Etudes de linguistique et d’ethnographie, Abel Hovelacque, Paris, C. Reinwald, 1878.

Le darwinisme et les générations spontanées, Darius Rossi, Paris, C. Reinwald, 1870.

On note la présence importante de livres édités par Charles Reinwald dans les années 1870, à un moment où l’anthropologie se détache des sciences naturelles pour chercher à délimiter un domaine de recherche spécifique. Depuis sa retraite rochefortaise, P.-A. Lesson suit à distance les passes d’armes constitutives des débuts de l’anthropologie française : fondation de la revue L’Homme par Gabriel de Mortillet, polémiques avec Paul Topinard autour de la succession de Paul Broca et militantisme des matérialistes pour chasser de l’anthropologie toute forme de « métaphysique » héritée de l’histoire naturelle et du XVIIIe siècle.

Sur le plan philosophique, la bibliothèque, relativement peu étoffée, comprend deux ouvrages du médecin et théoricien Ludwig Büchner, dont Force et matière publié en 1865, toujours par Reinwald. Elle inclut aussi la Science de l’Homme de Gustave Flourens, preuve de l’intérêt de Lesson pour les opinions antireligieuses. La présence de tous ces livres confirme l’orientation intellectuelle de P.-A. Lesson vers le matérialisme, le positivisme et l’idéal laïc de la IIIe République.

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