Nature infiltrée

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NATURE INFILTRÉE Redessiner les limites et liens entre le campus et le territoire agricole Grenoblois

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble

Master 2, «Architecture et Cultures Sensibles de l’Environnement»

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Clément Paturel

Lundi 18 et mardi 19 juin 2012



Jury :

Christian Drevet, architecte, enseignant ENSA de Saint Etienne Jacques Schmitt, Direction du Développement et de l’Aménagement Université de Grenoble Nicolas Dubus, architecte, enseignant ENSA de Grenoble Eric Seguin, architecte, enseignant ENSA de Grenoble Catherine Pierre, rédactrice en chef adjointe de la revue AMC Grégoire Chelkoff, architecte, enseignant ENSA de Grenoble (directeur d’études) Yann Blanchi, architecte, enseignante ENSA de Grenoble (représentant de l’UE) Jacques Scrittori, architecte d’intérieur, enseignant associé ENSA de Grenoble Magali Paris, ingénieure paysagiste, enseignante associée ENSA de Grenoble

Encadrement du master ACSE :

Grégoire Chelkoff, responsable du Master ACSE, architecte, professeur Yann Blanchi, architecte, maître-assistante associée Jacques Scrittori, architecte d’intérieur, maître-assistant associé Magali Paris, ingénieure paysage, maître-assistante associée

Avec les participations de :

Nicolas Tixier, architecte, maître-assistant Walter Simone, architecte, vacataire



Remerciements Je tiens à remercier Magali Paris et Grégoire Chelkoff pour leur aide précieuse à l’élaboration de ce mémoire, leurs corrections et leur suivi régulier. Merci à eux et également à Jacques Scrittori et Yann Blanchi d’avoir réfléchi avec moi sur la conception du projet. Enfin, un grand merci à Walter Simone pour ses conseils sur la création des pièces graphiques



SOMMAIRE INTRODUCTION..................................................................8

I. LA VILLE ET SES LIMITES................................................ 11

a. Des limites politiques........................................................................11

b. Forme de la ville................................................................................15

c. Un nouvel usage des vides en ville...................................................20

II. LA VILLE ET L’AGRICULTURE..........................................23

a. Le concept de la cité-jardin de Ebenezer Howard............................23

b. L’agriculture urbaine..........................................................................26

Les objectifs et avantages...............................................................27

Echelles et mises en oeuvre............................................................29

c. Etude de cas.....................................................................................30 Applications à l’échelle territoriale....................................................30 Les «urbans farmers» à Détroit.....................................................30 Le concept «Nature active» de Babylone......................................33

Applications à l’échelle d’un bâtiment..............................................36

La Tour Vivante de SOA................................................................36 La ferme verticale de Chris Jacobs et Dickson Despommier........41

III. UN CAMPUS AGRICOLE..................................................44

a. Un campus lié à la végétation...........................................................44 Un lieu articulant urbain et rural.......................................................44

Un campus parc...............................................................................46

Scénario utopique pour le campus de demain.................................48

b. Le campus installe une nouvelle culture...........................................51

Infiltrer l’agriculture à travers le campus..........................................51

Limites et espaces publics...............................................................56

Le restaurant : un lien entre le campus et l’agriculture....................58

CONCLUSION...................................................................67 ANNEXES..................................................................................................69 BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................75


INTRODUCTION L’agriculture est depuis toujours une activité indispensable à la survie de l’homme. Cultiver fait partie des nécessités que l’on retrouve partout dans le monde pour se nourrir, avec des traditions, des outils et des productions propres aux hommes qui travaillent la terre. Aujourd’hui, l’agriculture occupe 53% de la surface en France métropolitaine*. Cette surface a tendance à diminuer face à une urbanisation progressive du territoire et une population qui ne cesse d’augmenter. Apparaît alors une première problématique, comment la population peut-elle se nourrir convenablement si ce phénomène ne cesse de se développer ? Que se passerait-il si la production continuait de diminuer devant une demande croissante ? Avec l’industrialisation, nos modes de vie se sont mondialisés. Tous les territoires sont connectés les uns aux autres. Ce que nous ne produisons pas, nous l’importons d’un autre continent, au prix de voyages interminables et polluants. Nous avons oublié les saisons, le contact de la nature en ville. Pourtant aujourd’hui, nous sommes de plus en plus soucieux de ce que nous mangeons, de sa provenance, des temps de transports, de l’agriculture biologique... Ainsi, les architectes, les politiques, les urbanistes ou autres, ont une nouvelle contrainte à envisager : imaginer des façons d’habiter le territoire sans nous mettre en échec face à la production agricole dont nous dépendons, de nouvelles relations ville/campagne. Instaurer une nouvelle image de la ville en harmonie avec la nature devient en plus d’une nécessité, ce «désir de campagne» des citadins qui souhaitent échapper à la grisaille et au renfermement de la ville et s’ouvrir sur de nouveaux paysages. «Le paysage est *

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URL : http://agriculture.gouv.fr/quelle-part-du-territoire-francais, consulté le 03-05-2012


un désir sensuel insatiable, une curiosité des sens et une soif de sens de notre milieu de vie dont la nature fait partie»* comme le souligne Pierre Donadieu. Infiltrer la nature en ville, c’est installer une poétique de la ville, capable d’éveiller les sens, de reposer l’esprit, de permettre un échappement aux bruits et aux mouvements incessants de la vie urbaine. Voilà pourquoi ces questions sont pour nous plus que d’actualité, nous architectes qui réfléchissons aux manières et aux formes d’habiter de demain, aux relations possible entre rural et urbain. C’est à cette question que je souhaite répondre à travers le projet d’aménagement du campus de Grenoble, qui semble être un lieu propice à cette notion d’infiltration. En effet, le campus et la ville de Grenoble se sont développés en étroite relation avec leur environnement notamment les trois massifs montagneux et leur vallée agricole. Le campus occupe une position particulièrement avantageuse puisqu’il vient faire le lien entre la partie urbaine (l’agglomération Grenobloise) et la vallée agricole du Grésivaudan. Aujourd’hui, la ville et la campagne, l’urbain et le rural sont séparés l’un de l’autre, par des modes de vie, des milieux, des activités différentes. Pourtant l’un ne va pas sans l’autre. Trop longtemps, la ville a été pensée de façon autonome face aux terres agricoles et naturelles avoisinantes. Du plein au milieu du vide, un espace de consommation au milieu d’espaces de production. Au fil des siècles, l’agriculture a été contrainte de suivre l’évolution des villes : étalement, grands axes de transports, demandes en nourriture, zonages, pression foncière. Un va et vient qui nous questionne sur la limite entre l’un et l’autre, sa nature et sa localisation. *

P. Donadieu, Campagnes Urbaines, Arles : Actes Sud / ENSP, 1998

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Pourquoi ne pas imaginer une ville contrainte de suivre l’évolution de l’agriculture ? Une ville qui assimile les espaces de productions dont elle dépend : horticulture, maraîchage, fermes communales (ex : le Mûrier à Saint-Martin-d’Hères), les jardins familiaux et partagés. Ces espaces ne peuvent-ils pas s’infiltrer dans la ville, en apportant de nouveaux paysages, de nouvelles activités ? Je tâcherai dans un premier temps de questionner cette limite entre la ville et la campagne, son évolution, ses formes. Dans un second temps, il s’agira d’étudier des projets qui traitent de l’agriculture en ville, à différentes échelles, avec leurs enjeux et leurs objectifs. Nous nous interrogerons pour chacun des cas, à ces avantages et ces inconvénients, ce qu’ils traitent ou non. Cette analyse introduira le projet réalisé dans notre thématique de master, qui concernera la troisième partie de ce mémoire.

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LA VILLE ET SES LIMITES Le territoire est caractérisé matériellement par des espaces qui sont construits et d’autres non. Les espaces ou l’espace pourrait-on dire non bâti, concerne les parcs protégés (nationaux, régionaux ...), les espaces agricoles ou d’élevages, les espaces montagneux ou simplement inhabités pour des raisons d’accessibilité ou de risques naturels. Au milieu de celui-ci, se sont construites des villes, nœuds d’échanges, centre de vie, un espace construit dans un espace vide. Déjà, la notion d’espace est floue. Elle désigne «une étendue, abstraite ou non, ou encore la perception de cette étendue. Conceptuellement, il est synonyme de contenant aux bords indéterminés»*. S’il s’agit de traiter cette limite, il faut voir ces deux espaces côte à côte et comparer leurs bords, leurs usages, leurs paysages.

A. DES LIMITES POLITIQUES En ville, le PLU dirige et donne forme à la ville. En effet, c’est un plan d’urbanisme où apparaissent des zones avec des usages spécifiques : zones à construire, zones industrielles, zones naturelles ... Nous pouvons donc penser que la ville s’arrête à la frontière de ces zones : d’un côté l’urbain et de l’autre le rural. Bien entendu, celle limite n’est que virtuelle. La ville est délimitée par ses usages. Parfois cette limite est sensiblement présente, lorsque le paysage change brutalement de nature en passant d’un usage à l’autre, parfois elle est inexistante. *

URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Espace_(notion) consulté le 18-04-2012

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I.


A : Terrains à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique AU : Zone d'urbanisation future AUC : Zone non ou insuffisamment équipée, urbanisation future possible AUCb : Secteur faisant l'objet d'orientations d'aménagement et de programmation, et autorisant une hauteur plus importante que la zone AUC As : Zones à vocation agricole soumises à des restrictions liées à un intérêt environnemental particulier Asa : Zones à vocation agricole soumises à des restrictions liées à un intérêt environnemental particulier permettant une extension Ase : Zones à vocation agricole soumises à des restrictions liées à un intérêt environnemental particulier permettant une extension N : Zones naturelles non équipées faisant l'objet d'une protection particulière Nh : Habitations existantes isolées en limite de zone naturelle, pour lesquelles des extensions limitées sont possibles Nj : Zones naturelles permettant l'installation de jardins familiaux Ns : Espaces naturels faisant l'objet d'inventaires scientifiques de l'environnement et/ou de mesures de protection et de gestion patriculières UA : Zones à caractère patrimonial (hameaux) UB : Secteurs d'habitats collectifs anciens : Plaine Fleurie, Aiguinards UBa : Secteurs d'habitats collectifs anciens : Buclos, Grand Pré UBb : Secteurs d'habitats collectifs anciens : Saint Mury, Eyminées, Maupertuis UBc : Secteur d'habitats collectifs anciens : Béalières UBd : Secteurs de densification et de renouvellement urbain avec alignement ouvert : Verdun, coeur de ville UBe : Secteurs de reconversion d'activités en habitat et de renouvellement urbain avec "alignement ouvert" : Granier UBf : Secteurs de renouvellement urbain avec mixité fonctionnelle (50/50) : Inovallée nord UBg : Secteurs de renouvellement urbain prioritaire, avec orientation d'aménagement et de programmation : Inovallée Malacher nord UBg1 : Secteur UBg autorisant une hauteur maximale supérieure au reste de la zone UC : Urbanisation permettant la réalisation de constructions de densité moyenne (résidentiel ou activités non nuisantes) UCa : Zones de pavillons relativement denses permettant des prospects et des hauteurs supérieurs à ceux de la zone UC UCb : Secteurs faisant l'objet d'orientations d'aménagement et de programmation, et autorisant une hauteur plus importante que la zone UC UCc : Zones de pavillons plus dense que la zone UC et de même hauteur UD : Urbanisation, réalisation de constructions sous forme d'habitat diffus, ou équipements publics UE : Zone urbanisée qui a pour vocation le développement des activités économiques UEa : Secteur réservé à des activités de type commercial et artisanal (Boulevard des Alpes) UEb : Secteurs de l'ancienne ZAC Inovallée permettant les activités industrielles mais excluant les activités commerciales (Inovallée) UEb1 : Secteur UEb permettant des hauteurs ponctuelles plus importantes UEc : Secteur de l'ancienne ZAC de Maupertuis, à vocation essentiellement tertiaire, excluant les ICPE soumis à autorisation UEd : Secteur d'activités à vocation industrielle, tertiaire et commerciale, situé entre l'avenue de Verdun et l'avenue du Vercors

1 Plan de zonage de la partie sud de la ville de Meylan disponible dans son PLU


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2 Plan de zonage de la ville de Gières disponible dans son PLU

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Si nous prenons l’exemple des villes de Gières et Meylan, le PLU nous définit des zones (divisées en sous catégories) urbaines, agricoles, naturelles et forestières, et enfin à urbaniser. Avec ce principe, nous nous rendons bien compte qu’un lieu ne peut pas avoir plusieurs usages, les limites sont claires. La ville représentée en nuance de rouge se détache de la campagne en nuance de vert. Nous remarquons donc que la partie sud de la commune de Meylan est très majoritairement agricole alors que le nord est urbain. De même pour la commune de Gières, qui reste agricole aux abords de l’Isère ainsi qu’à l’extrémité sud et urbaine en partie centrale. Une représentation urbaine optimisée pour la gestion La ville se construit comme un puzzle, par morceaux de formes et de tailles variables, peints de diverses couleurs. Cette façon de percevoir la ville n’a rien de sensible mais elle a l’avantage d’être simple à organiser spatialement, temporellement ou encore fonctionnellement. Très pratique pour les politiques pour développer la ville sur le long terme. Cependant cette démarche de remplissage, donne à la ville une forme trop nette. Le dialogue ville/nature n’existe plus, la ville se referme sur elle-même. Or c’est bien cela que je cherche à critiquer dans ce mémoire. Le PLU définit la ville par ses fonctions. Cependant, une ville n’est pas uniquement un ensemble d’usages spécifiques. Si nous voulons infiltrer la nature et l’agriculture, il faut étudier et se représenter le lieu d’une façon sensible, le pratiquer, le ressentir soi-même, et regarder C. Paturel Limite entre les zones urbaines et agricoles de la ville de Gières

quand est-ce que nous nous sentons dans la nature ou dans la ville. A Grenoble, l’Association pour le Développement de l’Agriculture

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dans l’Y Grenoblois (ADAYG) gère, en partenariat avec les collectivités intercommunales, les terres agricoles périurbaines, et la valorisation des produits locaux. Les géographes distinguent quand à eux trois catégories d’espace rural : les espaces dépeuplés, à dominante souvent boisée, les espaces périurbains qui représentent 10% du territoire, et ce que Bernard Kayser appellerai les «campagnes vivantes»*.

3 Vue depuis la rue des Viaires, une zone urbaine à droite et une zone agricole à gauche

B. FORME DE LA VILLE La limite de la ville de Gières Regardons de plus prés la forme de cette limite sur la commune de Gières : rectiligne, sinueuse, oblique, homogène ... Qu’est ce qui régit cette forme ? Le relief, la circulation, les risques naturels, beaucoup de données participent au développement d’une ville,

4 Vue depuis la rue des sports, passage d’une zone agricole à la ville de Muriannette à côté de Gières

cependant ce n’est pas ce qui nous intéresse ici. Les zones naturelles semblent parfois tenter de rentrer dans la ville, parfois c’est la ville qui semble s’étaler dans la nature. Néanmoins dans cet exemple existe t-il une complicité entre les deux, un jeu réciproque ? La ville semble globalement clairement délimitée. En parcourant la ville nous nous rendons bien compte de cette différenciation d’espace. Parfois d’un côté de la route des habitations et des commerces, et de l’autre des champs agricole et des forêts. Les routes, les voies ferrées, les cours d’eau, les montagnes *

B. Kayser, Naissances de nouvelles campagnes, Datar/Aube, La Tour d’Aigues, 1993

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5 Vue depuis la rue de la Libération à la sortie de Gières. Une zone urbaine à gauche et agricole à droite


peuvent créer cette limite. Nous parcourons cette ville patchwork en passant d’une zone à l’autre. Une fois rentré dans la ville, aucun résidu de la campagne, nous sommes soit à l’intérieur du contour soit à l’extérieur. Il n’existe pas d’espace de transition qui fasse la liaison. Limites possibles entre urbain et rural Quelle posture la ville peut-elle donc avoir par rapport à son environnement ? Nous allons étudier trois types de scenarii possibles. C. Paturel Schéma type de l’étalement urbain

- L’étalement de la ville Américaine

C’est le modèle de développement le plus courant des villes aux Etats-Unis. En raison des faibles contraintes du relief, terrain souvent plat, et d’un accroissement constant de la population, les villes doivent continuellement s’agrandir. Ne manquant pas de place, la ville s’étend, se déploie sur un immense terrain vierge. C’est un phénomène visible essentiellement en zone périurbaine, sur le pourtour donc de la ville, à sa limite. La ville tentaculaire déroule de grands axes de circulation où viendront se greffer de nouvelles habitations. La route continue inexorablement tant que de nouvelles populations arrivent. Cette zone péri-urbaine se matérialise surtout par de la maison individuelle, qui par répétition, produit un paysage homogène et ennuyeux. Le besoin de nature se résume à la pelouse devant sa maison, sur une parcelle enfermée 6 Etalement urbain de la ville de Calgary

par une clôture. Pourquoi ce phénomène ? Peut être parce que le paysage environnant est lui même ennuyeux, qu’il n’y a pas besoin de se tourner vers quelque chose où il n’y a rien à voir.

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Les limites de cette ville sont techniques : acheminement de l’eau, électricité, entretien des voies, gaz ... Les distances sont multipliées, les coûts d’entretien et de mise en place également, les rendements minimes. C’est un modèle très critiqué sur un aspect écologique. L’étalement fragmente le paysage, augmente la pollution, empiète sur des territoires naturels bouleversant des écosystèmes déjà présents (faune et flore). Ce n’est donc certainement pas le moyen le plus adapté pour une hybridation entre la ville et son environnement. Ici il n’existe aucune cohabitation. Que

- La ville clôturée ce

soit

pour

se

défendre

ou

à

cause

d’éléments

C. Paturel Schéma type de la ville clôturée

environnementaux trop contraignants, la ville ne peut parfois plus s’agrandir. La limite entre la ville et son environnement est figée. Ni l’un ni l’autre n’empiète sur l’espace d’à côté. Les deux espaces sont dans les extrêmes. Une fois en ville, il n’y a que la ville, et en dehors, il y a la pleine nature. Les deux sont liés mais ne se mélangent pas, aucune cohabitation possible, pas de transition entre les deux. C’est typiquement le modèle qui existait au Moyen-Age, avec la ville fortifiée essentiellement composée des éléments du château seigneurial, les enceintes et le territoire agricole et naturel tout autour. Les villes se repliaient sur elles-mêmes, car l’espace hors des murailles constituait un danger. Aujourd’hui l’homme a réussi à dominer cet espace et le recherche même pour ses qualités diverses. La volonté actuelle est de ne plus se fermer mais au contraire de s’ouvrir sur l’extérieur. C’est pourquoi ce modèle a été

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C. Paturel Schéma type de la ville sans limites


rapidement oublié.

- La ville sans limites

La troisième typologie possible et d’imaginer une ville dans la continuité de son environnement, de son espace naturel. Le plein n’est pas regroupé pour former un espace dense de bâti. La ville devient une succession d’espaces vides naturels et d’espaces pleins. Nous pourrions également imaginer pouvoir traverser la ville uniquement par de l’espace naturel, et inversement. Cette façon d’imaginer la ville est d’autant plus délicate à percevoir car elle remet en cause l’image même que nous avons d’elle. En effet, dans cette espace à la fois vide et plein, comment reconnaître sa limite et donc sa forme ? S’il n’y a pas de limite, comment imaginer un intérieur et un extérieur ? Frédéric Pousin, traite de cette ville sans limites dans Pour une poétique du détour* en expliquant que cette «typologie permettrait d’éviter la traditionnelle rupture entre les villes et la campagne». Il l’argumente en citant le projet d’aménagement de la côte Aquitaine de Joseph Belmont avec son principe de ville éclatée qui «incarne tout particulièrement la perspective de lier, en les faisant s’interpénétrer étroitement urbanisation et espaces naturels». C’est aussi un modèle que l’architecte urbaniste Rudolf Schwartz expérimente autour de la notion de ville paysage, avec l’idée d’une fusion entre la ville et le paysage dans son ouvrage Von der Bebauug der Erde**. La ville paysage qu’il imagine est «constituée de pôles * C. Maumi, Pour une poétique du détour, Paris, Éditions La Villette, 2010 ** R. Schwartz, Von der Behauug der Erde, Heidelberg, Lambert Schneider, 1949

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et, en même temps, elle est élastique, avec des centres qui varient et une structure en rhizome». L’environnement urbain se fond dans l’environnement naturel. Pierre Donadieu évoque cette typologie à travers la ville émergente, qui «s’oppose à l’ancienne ville qui se réclame d’un ordre préétabli, d’une construction géométrique, d’un désir d’harmonie et d’unité», et «déborde les limites que les élus et les techniciens de l’aménagement lui assignent», pour «organiser le territoire à l’échelle du temps»*. Représentations équivalentes Nous pouvons nous aider d’exemples mathématiques qui poussent ce paradoxe intérieur/extérieur à l’extrême. Cette idée d’espace continu, évoque la bouteille de Klein. Cette surface mathématique, fermée et cependant sans bords et nonorientable. Ainsi, il est impossible de distinguer un espace intérieur d’un espace extérieur. D’un point de vue sensible, c’est le type de pensée qui permet un maximum d’interactions entre la ville et la nature, une osmose entre deux paysages, deux modes de vie, possédant des qualités propres. Le citadin vit en harmonie avec l’un et l’autre, puisant ce dont il a besoin pour son confort, ses envies. Conclusion La ville pourrait-elle devenir cette surface, à la fois intérieure et extérieure, pleine et vide ? Une hybridation complète des deux espaces. C’est cette pensée que je souhaite développer. C’est le *

P. Donadieu, Campagnes Urbaines, Arles : Actes Sud / ENSP, 1998

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7 Maquette de la bouteille de Klein, sans dehors ni dedans


concept de nature infiltrée, où la limite se déforme, se scande, devient floue voire disparaît. Nous ne passons pas de la campagne à la ville directement, mais en suivant un parcours régulier, qui nous introduit à la ville. Ce concept sera traité en dernière partie, avec le projet d’aménagement du campus de Grenoble/Saint‑Martin‑d’Hères.

C. UN NOUVEL USAGE DES VIDES EN VILLE Questionner la limite de la ville, c’est s’interroger sur ce qui matérialise ou non cette limite. De façon simple et pour plus de clarté, nous allons voir la ville comme du plein au milieu de vide. «La ville émergente fait du vide comme la musique contemporaine par exemple a fait du silence, ou la peinture de l’absence de matière»* écrit Yves Chalas. Le vide urbain comme les espaces et les silences entre les mots donne à lire et à comprendre le tissu urbain. La ville espace bâti, se différencie de l’espace non‑bâti tout autour. Cependant une ville constituée uniquement de pleins ne fonctionne pas. Le citadin doit pouvoir se déplacer, s’échapper visuellement, s’ouvrir sur de grands espaces pour répondre à des questions de confort. «Le vide répugne à l’urbanisme tant qu’il n’est pas inscrit dans un projet où il donne forme au bâti; tant qu’il est un reliquat, un oubli ou une erreur; tant qu’il est appelé friches ou terrain vagues»** comme le souligne Pierre Donadieu. Vouloir faire rentrer la nature - et plus particulièrement l’agriculture C. Paturel Schéma plein/vide du campus de Grenoble. Le site imaginé comme un parc est majoritairement occupé par du vide

dans le cas présent - en ville signifie créer du vide agricole et pas simplement planter plus d’arbres ou agrandir les espaces * Y. Chalas, L’invention de la ville, Anthropos, 2000 ** P. Donadieu, Campagnes Urbaines, Arles : Actes Sud / ENSP, 1998

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engazonnés pour amener de la verdure, symbole de l’espace naturel. C’est insinuer le vide de l’extérieur, avec ses usages et son paysage, de l’autre côté de la limite. Le sociologue Pierre Sansot parle du paysage comme un échangeur entre le monde sensible et celui des significations. Cette insinuation c’est investir par exemple une friche industrielle en maraîchage pour un agriculteur indépendant, transformer des espaces inutilisés en marais pour les grenouilles (cf. projet «Frog’s dream» de Calvin Chiu qui parvient à la première place pour le concours reburbia). Il s’agit d’imaginer pouvoir faire une activité propre à la campagne sur un autre lieu en ville. L’agriculture urbaine est une solution qui permet d’apporter de nouveaux usages aux vides (se reporter à la partie sur l’agriculture urbaine) et ainsi enrichir la vie citadine. Elle crée de nouvelles activités, interactions sociales, expériences sensibles (odeurs, couleurs et goûts), et transforme le paysage. «Autant de lieux, d’ambiances subtiles, fragiles et éphémères, dont l’agriculteur moderne a perdu le secret de fabrication en sacrifiant aux logiques de rentabilités» explique Pierre Donadieu. De plus elle permet de requalifier des lieux sans usages spécifiques, terrains vagues, lieux abandonnés, que ce dernier appelle désespaces, souvent le résultat d’un dysfonctionnement urbain. L’agriculture a besoin de la terre avant tout, avec des contraintes d’irrigation et de pollution. C’est une solution intelligente pour réactiver des lieux délaissés, en apportant une amélioration à la ville et aux habitants. Dès lors, le vide agricole peut devenir un véritable

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8 Le projet «Frogg’s dream» de Calvin Chiu transforme une friche urbaine en terrain marécageux pour grenouille


outil d’aménagement, comme nous l’indique Bertrand Folléa «le vide vert que représente l’espace cultivé mériterait de devenir un espace structurant majeur de l’organisation du territoire»*. A Saint Martin d’Hères, nous avons déjà l’exemple de réinvestigation de lieu par de l’activité rurale, notamment par la mise en place d’une politique adaptée. Elle a permis la construction d’une ferme communale sur le site du Mûrier, a favorisé les circuits courts pour la restauration en privilégiant les produits locaux et a installé des ruchers à disposition des habitats pour développer l’apiculture avec 9 Les ruchers de la ville sensibilisent et offrent une nouvelle activité aux habitants dans un cadre accueillant une grande diversité de plantes et de fleurs

l’aide du syndicat apicole. La ferme fournit des denrées locales grâce à une démarche solidaire alors que les ruchers proposent de nouvelles activités et produits aux habitants. La ville souhaite ainsi gérer son développement de façon durable et responsable. Elle tente d’équilibrer son terrain urbain et son terrain rural et de les fusionner.

*

22

B. Folléa, La ville régénérée à la source de ses vides, Paysage et Aménagement, n°30, 1995


LA VILLE ET L’AGRICULTURE

II.

Face à cette nouvelle interprétation d’une limite rural-urbain floue et presque inexistante, ainsi que des nouvelles qualités que nous trouvons à l’agriculture urbaine, nous voyons apparaître des architectures et des aménagements innovateurs. Mais qu’est ce que l’agriculture urbaine exactement ? Quelle forme prend-elle ? Que ce soit à l’échelle du territoire, d’un bâtiment ou de l’individu, l’agriculture urbaine s’infiltre partout. Quels sont les premiers travaux qui traitent d’une relation ville/campagne par l’intermédiaire de l’agriculture ? Aujourd’hui, vouloir créer des villes vertes, diffuses, éparpillées ou encore dispersées comme l’annoncent les médias, est un phénomène que nous retrouvons dans tous les discours politiques. Elle constitue aujourd’hui une toute nouvelle façon de concevoir. C’est un outil qui vient faire le lien entre la ville et la campagne, ouvrir le citadin sur le paysage. Quels sont donc les projets qui mettent en oeuvre le concept d’hybridation ville/campagne .

A. LE CONCEPT DE LA CITE-JARDIN DE EBENEZER HOWARD Le concept de «cité-jardin» à été inventé au XIXème siècle en Angleterre par un urbaniste Ebenezer Howard. C’est un des premiers a avoir réfléchi à une nouvelle relation rural/urbain. Il vécût cinq ans aux Etats-Unis de 1871 à 1876 où il s’est intéressé à la pénurie de logements pour les ouvriers britanniques. Face aux problèmes de surpopulation dans les villes et la décroissance démographique dans les campagnes, ce théoricien, utopiste et visionnaire conceptualise les «gardens cities», qu’il décrit notamment dans un ouvrage sorti 9 Le diagramme des trois aimants

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en 1902 : « Garden City of To-morrow »*. Il élabore un projet concret de ville rationnelle et hygiéniste, située à la campagne, offrant un équilibre entre emplois et habitations, agriculture et industrie. Ainsi il espère redéfinir un lien entre les deux espaces, pour ne plus les séparer. Les villes sont imaginées suivant le diagramme des trois aimants. Les cités-jardins sont des villes, aménagées pour une vie saine, largement pourvues d’espaces verts, ce sont également des villes autonomes qui ont leurs propres activités économiques. Les cités-jardins doivent être entourées de terrains agricoles atteignant 10 Les cités ouvrières de Lens, 1933

le triple de la surface urbanisée, mais elles peuvent aussi, être des ensembles de petits habitats annexes d’une ville, lorsqu’il y a beaucoup de terres. Avec ce concept, Howard représente la cité-jardin comme une parfaite symbiose entre la ville et la nature. Il crée ses propres limites, en imaginant ses schémas de développement. - L’agriculture à proximité immédiate de la ville permet l’alimentation en denrées locales en limitant les transports. - Des équipements publics sont à disposition des habitants. - La ville est propriétaires des terrains ce qui empêche la spéculation foncière. Sur les 30.000 habitants de chaque cité, 2.000 seraient uniquement agricul­teurs, l’idée dominante de Howard, comme pour la plupart des utopistes du XIXème siècle, étant de «ramener le peuple à la terre». Sur 2.400 hectares réservés à la cité, Howard n’en destine

11 Schéma de principe de la cité-jardin

que 400 à la construction. Tout le reste sera ceinture verte. Au centre se situe le quartier commercial et administratif. *

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Ebenezer Howard, Garden Cities of To-Morrow, London, 1902


Comment est donc traitée cette limite entre espace rural et espace urbain ? Howard redéfinit grâce à l’échelle de la ville, les termes même d’espace urbain et d’espace public. Pour lui les deux sont liés sans être séparés. Le mélange subtil de l’un et l’autre créé la cité-jardin qui n’est alors ni urbaine ni rurale. Cette symbiose se caractérise par une limite indéterminée, les bords ne sont pas différenciables. Les habitants vivent à la fois à la campagne et à la ville. C’est l’un des aspects révolutionnaires de la cité de Howard, elle allait à contre-courant du système de séparation des fonctions de la ville, ramenant dans un même organisme, l’habitat, le travail, la production agricole, les études et les loisirs. Cependant, cette cité a néanmoins des inconvénients. En effet, elle ne fonctionne que pour des surfaces limitées, comme le montre le schéma de principe. Pour accueillir une plus grande population, des cités-jardins doivent se développer indépendamment, et se relier entre elles par des moyens de communications rapides. La cité-jardin de Howard n’est donc que l’unité première d’un vaste ensemble. Une pièce d’un immense puzzle qui se construit avec le temps. Les prototypes réalisés à Letchworth, par les architectes Barry Parker et Raymond Unwin, à partir de 1903 et en Angleterre après 1914 montrèrent que ce concept ne fonctionnait pas aussi bien. Les villes ne se désengorgeaient pas et les cités-jardins restaient isolées. Howard traite dans ce modèle la place de l’agriculture dans la périphérie urbaine. Les constructions en cercles concentriques

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12 Schéma de principe de développement des cités‑jardin


donnent lieu à une sorte d’harmonie qui aurait pour objet de réduire les trop fortes inégalités spatiales et sociales. Les habitants vivent au contact de la nature et grâce à elle, ils prennent donc conscience de son importance. C’est au travers de cette pensée que furent imaginés et réalisés les jardins ouvriers qui existent encore dans de nombreuses villes. La cité Viscose à Echirolles est un exemple de cité-jardin, où l’on voit les habitations qui côtoient des jardins potagers. Dans la même pensée, nous pouvons également évoquer la création en 1896 de la Ligue Française du Coin de Terre et du Foyer (LFCTF) par l’abbé Lemire. Cette association a permis la réhabilitation, l’animation et la création de nombreux jardins familiaux, en France et travaille en liaison avec le ministère de l’agriculture et de la pêche. Aujourd’hui elle représente 6 000 jardiniers et gère directement 3000 parcelles reparties sur 70 groupes de jardins*.

B. L’AGRICULTURE URBAINE Aujourd’hui, les villes sont séparées des campagnes, l’hybridation que l’on vient de voir avec le modèle de Howard n’existe pas, hormis dans certaines villes qui ont servies de terrain d’expérience. Le citadin n’a pas un besoin alimentaire existentiel de cette proximité, les agriculteurs produisent pour eux et les centres de distributions leur apportent les denrées dont ils ont besoin, qu’elles soient locales ou non. Cependant quand le système s’effondre, que l’agriculteur part, que le citadin est dans l’incapacité de se procurer de quoi 13 Marque développée par les agriculteurs de l’Y Grenoblois qui marque et identifie les produits du terroir et les fermes d’accueil qui respectent un cahier des charges rédigé par eux-même

*

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Selon les chiffres du ministère de l’agriculture et de l’agroalimentaire URL : http://agriculture.gouv.fr/fnjfc-federation-nationale-des consulté le 14.05.2012


se nourrir, les populations doivent trouver de nouvelles solutions. Pierre Donadieu précise qu’elle «les nourrit, certes, mais en même temps produit des espaces de nature en général fort appréciés du voisinage», et que «l’agriculture a vocation à produire également des espaces de nature et des paysages agréables»*. Quelles sont les qualités que produit l’agriculture urbaine ? En quoi cette pratique peut devenir une nouvelle façon intelligente de développer une ville et d’aménager le territoire ?

Les objectifs et avantages

La ville tout comme la campagne évolue. Les deux étant liées, ce qui affecte l’un a des répercussions sur l’autre. Les citadins cultivent dans divers objectifs :

14 Exemple d’agriculture urbaine à Montréal, des bidons montés sur tréteaux remplis de terre

- se nourrir : lorsque les populations ne peuvent plus se procurer cette nourriture pour des raisons financières ou encore par manque de production. Aujourd’hui, dans le monde entier et plus encore dans notre société occidentale, chacun de nous est largement dépendant, pour s’alimenter, de l’industrie agro-alimentaire et du commerce mondial. Cultiver ses aliments, au moins en partie, cela signifie s’affranchir d’un système qui repose sur l’injustice et la dégradation accélérée des ressources naturelles (ex: la ferme communale du Mûrier de Saint‑Martin-d’Hères). 15 Sensibilisation à l’agriculture aux plus jeunes à Détroit

*

P. Donadieu, Campagnes Urbaines, Arles : Actes Sud / ENSP, 1998

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- le plaisir du jardinage : en tant que loisirs ou par attrait du travail de la terre, c’est une activité pratiquée par de nombreuses familles qui ont accès à une parcelle cultivable. Comme l’évoque l’historien Lewis Mumford, reprendre

possession

du

paysage,

c’est

reprendre

possession de nous-mêmes. - le gage de qualité : en cultivant ses propres ressources, le cultivateur contrôle la qualité de ce qu’il mange, en suivant tout le processus de croissance. (ex: la marque 16 Les nouvelles potentialités sociales des jardins urbains

Terres d’ici pour les aliments de Grenoble) - la sensibilisation : en cultivant ses propres légumes, la population prend conscience de l’importance de ceux-ci. Ainsi le cultivateur peut sensibiliser d’autre personnes à la valeur de son activité et transmettre son savoir à d’autres par des stages, des formations ou des dialogues (ex: promenades éducatives de l’ADAYG) - créer et entretenir des liens sociaux : tout comme les parcs ou les places, les jardins sont des lieux privilégiés de

17 Mark Covington relativise son action, il n’a ni la prétention de nourrir tout le monde dans le coin, ni de servir de modèle pour d’autres endroits [...] Il veut juste travailler à rendre son quartier plus convivial [...] Le potager qui permet d’embellir le carrefour avec Vinton street, le jardin est le lieu de rencontre des habitants [...] Le jardin a transformé la vie du quartier.

socialisation. Retrouver le calme, l’air frais, la verdure pour échapper à la grisaille citadine. Partager un coin de terrain et le travailler à plusieurs, avec des voisins, et créer ainsi de nouvelles dynamiques dans un quartier. - diminuer les déchets : le compost permet de recycler certains déchets ménagers pour les convertir en engrais

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pour enrichir la terre et favoriser la croissance des plantes (ex: la ville de Saint-Martin-d’Hères et ses ateliers de compostage). - tirer des revenus : en vendant ses propres légumes le cultivateur s’assure un revenu (ex: système des AMAP).

Les échelles et mises en oeuvre

Les personnes pratiquants l’agriculture urbaine mettent en oeuvre diverses méthodes. Elles cultivent seul ou en groupe (jardins partagés), en quantité plus ou moins importante. Ainsi on peut parler d’échelle d’agriculture urbaine. Un terrain divisé en parcelles pour une vingtaine de personnes, un potager, un toit, une friche, un échangeur, un balcon, un pneu, une brouette ... Voilà quelques-unes des nombreuses techniques inventives que développe et applique une nouvelle génération d’agriculteurs urbains afin d’exploiter l’espace disponible limité pour cultiver des denrées alimentaires. Une des grandes spécificités de l’agriculture urbaine est de cultiver avec le minimum de moyens. Chacun fait avec ce qu’il a. Devant cette envie de la part des individus ou bien pour des questions de développement durable, l’agriculture urbaine devient un nouveau critère de conception. Tout comme les bâtiments BBC, passifs ou encore écologiques, la prise en compte de l’agriculture dans l’élaboration d’un projet peut devenir une nouvelle marque de qualité.

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C’est ainsi que les agences d’architecture SOA ou Babylone, se sont particulièrement intéressées à la question en proposant des projets innovants à l’échelle du bâtiment ou des aménagements urbains nouveaux. Finalement, l’agriculture urbaine peut s’installer par nécessité comme pour la ville de Détroit.

C. ETUDE DE CAS Pour chaque échelle, pour chaque méthode ou situation géographique, les objectifs et les résultats d’une agriculture urbaine sont différents : rentabilité, moyens utilisés, usages... Nous pouvons donc regarder en quoi chacune d’entre elles sont inédites afin de mieux comprendre la pratique.

Applications à l’échelle territoriale

A l’échelle territoriale, la pratique de l’agriculture urbaine peut être anticipée ou non. Un des exemples concret de cette activité qui s’est installée avec le temps sans avoir été réfléchie à la base de l’aménagement du territoire, est la ville de Détroit. Les «urbans famers» de Détroit Causes : 18 La ville de Détroit transforme son paysage par la 19 pratique de l’agriculture urbaine

Détroit est une ville qui a subi une très forte transformation à grande échelle en l’espace de quelques dizaines d’années.

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L’industrie automobile qui a été le moteur de la croissance urbaine de Détroit est en déclin depuis les années 90. La crise de 2008 vient marquer la fin d’un système économique. La ville qui a compté 2 millions d’habitants en 1950, en abrite désormais 900 000. Le temps où Détroit était moteur économique du pays n’est plus qu’un souvenir. Les industries sont mortes, la plupart des usines ont fermé. Le chômage et la criminalité sont les plus élevés du pays. Les experts estiment qu’il y a plus de 100 km 2 d’édifices abandonnés dans les limites de la ville, soit quasiment la taille de la ville de San Francisco. Près de 33 000 maisons construites sur des parcelles de 400 à 500 m 2 sont à l’abandon ou ont été saisies par la ville pour défaut de paiement. Les produits alimentaires sont devenus plus rares, aucune des grandes chaînes de supermarchés n’est présente sur la ville. Solutions apportées : Depuis 2003, plus de 1 200 exploitations agricoles sont en activité; du simple potager hors sol, conquis sur les gravats, au jardin communautaire ou à la ferme coopérative de plusieurs hectares. Ce ne sont pas moins de 150 tonnes d’aliments made in Détroit - un quart de la consommation locale - maïs, tomates, salades, concombres ou épinards, qui remplissent chaque année les assiettes citadines. L’agriculture embellirait les lieux, garantirait des emplois peu qualifiés et des revenus à la municipalité, qui, de facto, dépense 300 millions de dollars, l’équivalent de son déficit budgétaire annuel, pour assurer des services minimaux dans une cité fantôme. L’idée n’est

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Applications et ambiances du concept de Nature active de Babylone à Saclay La ville et la nature fusionnent pour offrir le meilleur de l’un et l’autre

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pas si neuve. En 2008, un projet avait déjà suggéré de regrouper les habitants dans des quartiers ultramodernes, et de raser le reste du bâti - 60% de l’espace urbain - pour y installer des fermes et des parcs. Aujourd’hui l’agriculture urbaine est la seule source de nutrition des habitants de Détroit. Chacun d’eux a dû se former parfois de façon rudimentaire et précipitée au travail de la terre pour survivre. Les lieux de cultures ont été choisis par les cultivateurs et il n’existe pas de cadre, de pensée globale à cela pour la simple raison qu’elle s’est faite brusquement. Cependant avec le temps, le système s’améliore et se complexifie. Les agriculteurs se sont regroupés en associations, travaillant et s’entraidant ensemble, chacun faisant part de ses connaissances à la collectivité. En plus d’une question de survie, la culture est devenue un mode de vie pour les habitants de la ville. Le concept «Nature active» de l’agence Babylone Le projet Nature active est une réponse à un concours d’idées international lancé en 2007, sur la réflexion de développement du territoire péri-urbain de la ville de Saclay (Ile de France). L’agence de paysage d’urbanisme et d’environnement Babylone a fait de la relation ville/nature une véritable spécialité. Cette relation constitue la ligne directrice de leur travail. L’équipe imagine de véritables villes utopiques, qui allient les qualités réciproques de la ville et de la nature, pour créer de nouveaux paysages, mode de vie, interactions sociales, circulations... «Nature active» est devenue

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leur concept, que nous retrouvons aux travers de tous leurs projets d’aménagement. Il symbolise la nature en tant que moteur pour la ville. Leurs recherches portent sur la grande échelle, l’aménagement de ville ou de grands territoires et une étude très approfondie sur le cycle de l’eau, l’énergie, l’air et la biodiversité. Objectifs : 22 La pratique agricole devient centrale dans le concept de l’agence pour l’aménagement urbain

Ce projet de développement de la ville de Saclay a pour ambition d’offrir de nouvelles possibilités face à l’extension de l’urbanisation qui empiète sur les territoires agricoles et menace de surcroît la survie de l’homme. L’activité agricole devient omniprésente et s’insère complètement dans la ville. Elle crée de nouveaux paysages, redonne une nouvelle image à la ville. Ce concept permet de relancer le développement économique, résidentiel, de service dans une stratégie de durable. Plus globalement, il s’agit d’atteindre un ‘‘équilibre’’ entre les besoins et les ressources d’un territoire, tout en créant un cadre de vie urbain, stimulant et accueillant pour l’Homme. «Il s’agit d’exploiter la capacité productive de la nature pour satisfaire les besoins de la ville (énergies, eaux, alimentation, recyclage ...). La nature est une machine qui produit de l’énergie et transforme la matière. Nous utilisons cette machine pour fabriquer et gérer la ville»*.

23 Analyse sur le cycle de l’eau

Réfléchir sur un aménagement agricole signifie également penser à l’eau pour l’irrigation, la circulation agricole ou encore les lieux de *

34

Extrait du site officiel de l’agence URL : http://www.agencebabylone.fr/ consulté le 05.05.2012


stockage. Un des grands atouts de la pensée de l’agence est de concevoir ses projets sur le long terme. Ce ne sont pas des travaux qui commencent et qui prennent fin à une date précise. Les projets sont imaginés sur plusieurs décennies, reprenant les temporalités naturelles de décomposition des déchets, transformation du paysage, installation progressive d’une faune et d’une flore...

Phase de l’aménagement sur 30 ans du concept 24


Applications à l’échelle d’un bâtiment

L’agriculture peut aussi servir uniquement à produire des aliments pour nourrir une population. Les objectifs ne sont plus de créer de nouveaux paysages mais d’imaginer de nouveaux bâtiments qui permettent de produire un maximum de denrées, de la manière la plus écologique possible. Ces bâtiments doivent pouvoir s’installer ou s’insinuer en milieu urbain pour desservir la population locale. Ces bâtiments deviennent de véritables fermes verticales. Nous allons en voir deux exemples. La Tour Vivante de SOA «La séparation entre ville et campagne, urbanisme et espaces naturels, lieux de consommation, de vie et lieu de production est de plus en plus problématique pour l’aménagement séduisante

du

d’une

territoire. ville

hyper

L’idée dense

opposée à un paysage -naturel- ne va pas

aujourd’hui

gigantesques

sans

espaces

la de

création

de

productions

indispensables à l’homme. Pourquoi dès lors, la production agricole ne trouverait pas sa place au cœur de l’urbain ?

25 Principe de pente cultivée de la Tour Vivante

36


La Tour Vivante est conçue comme une machine fait

écologique.

partie

du

La

processus

végétation de

gestion

énergétique du bâtiment. La

superposition

habités

et

de

verticale serres

d’espaces

hydroponiques

automatisées permet de produire des fruits et légumes en plein centre ville. Les serres agricoles favorisent le contrôle des

apports

solaires,

la

régulation

thermique et hygrométrique du bâtiment. En hiver, la chaleur est stockée dans les éléments massifs en béton ; en été, les espaces intérieurs sont rafraîchis par l’évaporation de l’eau contenue dans les végétaux. La continuité de cet espace déployé sur les 30 étages génère un “effet cheminée” qui entraîne naturellement le système de ventilation de la tour.» * L’agence a réfléchi sur de nombreuse fermes verticales (cf annexe entretien avec Augustin Rosenstiehl architecte *

Extrait du site officiel de l’agence URL : http://www.soa-architectes.fr/fr/#/fr/projects/show/27 consulté le 28.04.2012

37

26 La coupe sur la tour révèle les différents espaces et leurs usages ainsi que la plantation linéaire de 680m en pente douce qui descend sur les 30 étages.


La Tour Vivante dans son environnement urbain devient une tour d’exposition agricole. De nuit elle se dématérialise pour montrer des strates cultivées.

38

27


Ambiances générées à l’intérieur de la tour et les plans de fonctionnement

39

28

30

29

31


associé de l’agence). La Tour vivante est un exemple de l’imbrication entre usages de la ville (bureaux, logements, galerie commerciale et parking) et de la campagne (agriculture intérieure produisant plusieurs variétés de légumes). Ce que je trouve particulièrement intéressant à travers ce projet, c’est de voir qu’il est possible de pousser le concept d’infiltration à l’intérieur même d’un bâtiment. La limite entre usage urbain et usage rural ne s’arrête plus à une question de plein et vide, elle se traite à l’intérieur même du plein. Une tour de bureaux qui devient un champ agricole. Non seulement cette tour sert à produire de la nourriture, mais elle crée des espaces et des ambiances qui lui sont propres. Les bandes de légumes bordent les bureaux, offrant aux travailleurs une vue agréable ainsi que des odeurs et des couleurs. Les plantes potagères sont de formidables stimulateurs sensibles, et donnent à la tour un caractère particulier de l’extérieur comme de l’intérieur. Une des limites de ce type de projet réside dans ses caractéristiques physiques : hauteur, largeur, apport naturel 32 Coupe axonométrique

de lumière. De plus c’est une méthode qui consiste à tout créer tout depuis un terrain vierge. Pourrait-on imaginer ce concept dans une tour déjà existante ? Difficile à imaginer à cause de la complexité technique d’une telle installation.

40


La ferme verticale de Chris Jacobs et Dickson Despommier La ferme verticale de Chris Jacobs et Dickson Despommier (écologue et microbiologiste) est une des fermes verticales les

plus

poussées

sur

le

plan

technique,

productif,

énergétique ou encore écologique. Ils ont imaginé une tour capable de produire des fruits et de la volaille pour 50 000 personnes. Répéter un certain nombre de fois, elle pourrait en plus de produire de la nourriture, résoudre des problèmes de déforestation, de pollution des sols, de réchauffement climatique ... En superposant des couches les unes sur les autres, il est possible de produire la même quantité de nourriture avec des surfaces au sol 30 fois plus faibles, qu’une culture traditionnelle. Les fermes verticales visent beaucoup sur les avantages qu’elles possèdent à comparer d’une agriculture au sol : - diminution des surfaces au sol - pas

de

mauvaises

récoltes

liées

aux

conditions

météorologiques - pas d’herbicides, pesticides ou engrais - élimine le ruissellement agricole par le recyclage de l’eau noire - réduit l’incidence de nombreuse maladies infectieuses produites par l’agriculture - amène de l’énergie par la production de méthane à partir du compostage des éléments non-comestibles.

41

33 La ferme verticale pour nourrir 50 000 habitants


Images extérieures de la tour, du système filtration de l’eau, du système de retraitement des déchets pour fournir de l’energie, de la répartition des cultures

42

34 35

36 38

37


- réduit l’utilisation de combustibles fossiles (tracteurs) Les fermes verticales possèdent à l’évidence certaines qualités que les chercheurs tentent de nous démontrer, cependant c’est au détriment d’autres qualités propres à l’agriculture traditionnelle. Ces fermes utilisent des technologies de pointes, qui nécessitent des matériaux énergivores et des modes de fabrications complexes.

C’est pour cela que dans le cas de notre projet, ce n’est pas la solution la plus envisageable. La ferme verticale de Chris Jacobs et Dickson Despommier ne traite pas de la question des ambiances, de la limite rural/urbain. Cependant il nous démontre qu’une autre façon de cultiver à l’intérieur de la ville est possible. Avec notre volonté d’instaurer une poétique de la ville, infiltrer la nature dans la ville, nous ne pouvons pas nous contenter d’imaginer des tours de productions agricoles et d’élevages. Si nous voulons une réelle interaction entre ville et nature il faut revenir à l’échelle du territoire, avoir une stratégie globale. C’est pour cela que la solution envisagée sur le campus de Grenoble part d’un aménagement général. Les constructions futures doivent ensuite se concevoir d’après cette stratégie pour avoir un projet qui fonctionne à toutes les échelles.

43


UN CAMPUS AGRICOLE

III.

La première partie du mémoire traitait de la limite de la ville et la seconde d’une méthode pour la transformer grâce à l’agriculture urbaine. Cette dernière apporte de nouveaux usages et de nouvelles ambiances. Qu’en est-il dans le cas du campus de Grenoble ? Quelles sont ses limites ? Pourquoi et comment l’agriculture peut-elle devenir un nouvel outil d’aménagement durable ? Le projet se décline en deux parties : un aménagement agricole utopique sur le long terme, un nouveau bâtiment de restauration. La première phase consiste à étudier le site tel qu’il est actuellement.

A. UN CAMPUS LIÉ À LA VEGETATION

Un lieu articulant urbain et rural

Grenoble est une ville prise entre trois massifs montagneux des Alpes : Chartreuse au nord, le Vercors au sud-ouest et Belledonne au sud-est. Le campus est en périphérie de la ville, au nord-est, accolé à une rivière, l’Isére, qui serpente dans toute la vallée du Grésivaudan. La partie plate de la vallée est la seule partie habitée et cultivée. Le campus est à la jonction de trois villes : Grenoble, Saint‑Martin‑d’Héres et Meylan. Il marque la limite de la partie urbaine, puisqu’à partir de lui la vallée devient agricole. Il a donc une position très particulière, qui vient faire l’articulation C. Paturel L’Y Grenoblois formé par les trois massifs montagneux.

entre la ville et la campagne (cf. Le campus et la vallée agricole en annexes).

44


Espaces de culture au bords de l’Isère dans la vallée du Grésivaudan. Le campus vient terminer cette continuité agricole et marque le début de la ville. C. Paturel


Ce site a donc la responsabilité de qualifier la nature et la forme de la limite de la ville. Ville fermée sur l’extérieur ou poreuse face à cette coulée agricole ? Si la nature doit s’infiltrer dans la ville c’est par cet endroit qu’elle doit commencer. «En raison de la contiguïté avec 4 030 ha d’espaces périurbains agricoles et forestiers, la nature fait partie intégrante de la ville.(...) De ce fait, l’essor de Grenoble répond à une nouvelle culture périurbaine qui reconnaît à l’agriculture la C. Paturel Les terrains agricoles sont pris dans l’étau urbain et s’arrêtent de façon nette sous l’influence des tracés naturels ou artificiels.

gestion environnementale et paysagère de l’espace. La place de l’agriculture dans le plan urbain est devenue légitime» * explique Anthony

Tchékémian.

«L’imbrication

entre

les

territoires ruraux et urbains se situe aujourd’hui au coeur d’une demande urbaine grandissante en terme de gestion durable des espaces et des ressources naturelles».

Un campus parc

Avec ses 30 000 arbres et 41 œuvres d’art **, le campus de Grenoble est un véritable espace urbain paysager qui s’étend sur plus de 180 hectares. A l’origine, le site était un lieu d’agriculture comme nous pouvons le voir sur des photographies aériennes de 1966. Le campus s’est matérialisé comme un parc dans lequel les universités se sont installées avec le temps. Cependant en le parcourant, nous n’observons pas de structure propre à un campus. Nous circulons librement 39 La vallée est occupée par des espaces de culture ou des espaces construits. Les deux se côtoient mais ne dialoguent pas toujours.

* **

46

A. Tchékémian, Grenoble betwen nature and culture : an example of the value of peri-urban agriculture Grenoble, Projet de Paysage, 2012 Chiffres récupérés sur le site internet du campus URL : http://www.grenoble-univ.fr consulté le 01.05.2012


Photo aérienne du campus en 1966. Le campus était alors un vaste champs agricole, quand l’étalement urbain ne l’avait pas encore atteint.

47

40


dans ce parc, alternant des zones fortement boisées et de grandes prairies. Sensiblement, c’est très agréable de se perdre dans ce lieu verdoyant, mais il devient rapidement difficile de s’orienter de manière claire, pour se rendre d’un point à un autre sans faire de détour inutile. C’est un lieu qui se découvre et s’apprend avec le temps. Cependant, nous nous rendons rapidement compte que ces espaces libres se ressemblent, qu’ils sont très homogènes sur tout le campus et qu’ils manquent de variétés. Je pense qu’il est important qu’un campus garde cette relation subtile avec le végétal. Elle favorise la concentration, l’apaisement, en amenant un cadre de vie favorable pour l’enseignement et la recherche. Le concept d’infiltrer la nature prend ici tout son sens.

Scénario utopique pour le campus de demain

Aujourd’hui le campus accueille 61 000 étudiants dont 9 000 étrangers de 160 nationalités différentes et fait travailler 6 600 personnes. C’est un campus qui s’est développé rapidement au cours de ce dernier siècle et aujourd’hui il est nécessaire de continuer à prévoir ce qu’il va devenir. Va t-il accueillir plus d’étudiants, se densifier, se dépeupler, se déplacer, s’étaler ? Faut-il imaginer ce campus sur les vingt 41 Entre espaces de stationnement et étendues 42 de pelouse, les vides du campus manquent de 43 variétés.

ou cinquante prochaines années, ou sur le millénaire qui vient ? Une multitude de scénarii est possible et nous devons faire des hypothèses.

48


Ech 1/20 000 Schéma d’implantation des nouvelles surfaces cultivées dans le campus en 2050 C. Paturel

49


2030 Phase 3 : la zone industrielle des Glairons est déplacée. Des bâtiments sont gardés comme lieux de stockages. Certaines universités sont déplacées dans ce nouvel espace ainsi que la piscine et des terrains de sport, au plus prés de l’avenue, disponibles pour tous.

Le campus tel qu’il est maintenant, avec l’Isère et les espaces agricoles.

2012 Phase 1 : repérer de grands espaces vides à l’intérieur du campus qui peuvent être réinterprétés.

2020 Phase 2 : commencer a réinvestir les lieux les plus déserts dont l’accès est aisé et créer une nouvelle passerelle de communication.

50

2050 Phase 4 : les universités les plus dégradées sont déplacées en partie sud et de nouvelles surfaces de culture sont installées. Un verger de noyers est planté pour séparer le campus de la bande de commerce. Le RU est construit

tps

C.Paturel


C’est ainsi que j’ai imaginé mon propre scénario. Non, le campus ne va pas changer d’endroit. Il se situe déjà sur un lieu stratégique, entre la ville et la campagne, au bord d’une rivière, avec une vue dégagée sur les montagnes environnantes. Les constructions existantes sont pour certaines très dégradées, coûtent cher à l’entretien. Il est souvent plus économique de reconstruire du neuf que de rénover. Un bâtiment n’est pas éternel. Certains vont disparaître ou s’agrandir, d’autres être réhabilités ou déplacés. Le campus va évoluer. Finalement c’est bien avec le principe d’infiltrer de l’espace végétal et notamment de l’agriculture que le campus va s’aménager, en apportant les qualités que nous avons vues jusqu’à présent.

44 Apports sensibles du végétal sur le corps. Image tirée du film Gladiator de Ridley Scott, 2000

B. LE CAMPUS INSTALLE UNE NOUVELLE CULTURE

Infiltrer l’agriculture à travers le campus

Le rôle de l’agriculture péri-urbaine Grenobloise a clairement changé depuis les années 1890 comme le précise l’historique de l’ADAYG. Cependant, depuis 1970 l’agriculture joue un nouveau rôle : faire face «à la pression urbaine et à la protection des espaces de nature». «La ville émergente sollicite l’agriculture locale pour la valorisation du paysage. Les citadins apprécient la production, l’éducation et les loisirs apportés par l’agriculture» . *

Infiltrer l’agriculture dans le campus signifie déplacer ses *

A. Tchékémian, Grenoble betwen nature and culture : an example of the value of peri-urban agriculture Grenoble, Projet de Paysage, 2012

51

C. Paturel Paysage entre culture et bâti.


limites, les estomper ou même les enlever. Un des aspects important à intégrer, est d’installer ce processus sur le long terme. C’est une infiltration qui se fait progressivement, au fur et à mesure que les constructions disparaissent et que le campus évolue. Les maraîchers déjà présents aux environs peuvent dés lors venir récupérer des terres agricoles supplémentaires de l’autre côté de l’Isère, sur le campus. De nouveaux agriculteurs ont la possibilité de venir s’installer directement sur le campus, en créant de nouveaux pôles de culture, et réhabilitant les anciens bâtiments en lieu de stockage. Les agriculteurs possède alors un rôle supplémentaire, ils deviennent «créateurs de paysages» (pour reprendre le terme de P. Donadieu) et non plus simples producteurs Cette infiltration, continuité agricole ne va pas sans la création de nouvelles circulations dédiées aux maraîchers. Les surfaces cultivables doivent toutes être accessibles, reliées les unes aux autres et pouvoir communiquer avec les champs de l’autre côté de l’Isère. De nouvelles routes, sentiers, et une passerelle sont donc à prévoir pour optimiser ces déplacements. La première phase consiste à faire un état des lieux pour élaborer une typologie et un repérage des espaces vides susceptibles d’installer des surfaces cultivées.

52


Surfaces de stationnement

Surfaces arborées

Carte repérant les principales typologies d’espaces libres. C. Paturel

53

Surfaces de pelouse


À qui et pour qui ?

Les «déespaces» deviennent alors de nouveaux lieux de cultures, accessibles ou non, de tailles et de natures différentes suivant ce qui est cultivé. L’agriculture doit s’adapter à ce lieu. «L’agriculture Grenobloise s’oriente vers de nouvelles activités, comme la diversification, le développement des circuits courts et de nouvelles fonctions, telles que (...) l’accueil pédagogique, l’entretien des espaces. Ils s’agit donc d’une agriculture en mutation» *. Ainsi, certaines parcelles peuvent devenir des champs de cueillettes. Le producteur ouvre son espace régulièrement, pour que les personnes viennent récolter les légumes eux‑mêmes, en le rémunérant directement (ex: la ferme du grand chemin ** sur la commune de Charnècles, à 25kms de Grenoble a opté pour ce procédé très apprécié du public). Parmi les 850 agriculteurs de l’agglomération Grenobloise, 158 pratiquent la vente directe, sur les marchés ou l’accueil à la ferme ***. D’autres sont organisées en jardins communautaires, à disposition des étudiants ou des habitants voisins, comme il en existe déjà de l’autre côté de l’Isère. De grandes étendues sont réservées aux maraîchers, dédiées à la production à grande échelle. Elles sont délimitées par

45 Fermes verticales de SOA où les habitants 46 viennent cueillir leurs denrées produites sur place. Image de l’agence SOA

* ** ***

54

A. Tchékémian, Grenoble betwen nature and culture : an example of the value of peri-urban agriculture Grenoble, Projet de Paysage, 2012 La ferme du grand chemin URL : http://www.fermedugrandchemin.fr/page.php?al=cueillettes Selon la communauté d’agglomération Grenoble-Alpes métropole URL : http://lametro.fr/397-la-metro-en-chiffres.html


Projet laurĂŠat de Big Box Agriculture pour le concours Reburbia. La friche industrielle est reconvertie en espace de culture oĂš les habitants peuvent manger et venir chercher leur55 produits.

47 48


des haies végétales qui en bloquent l’accès. Ces surfaces n’étant pas cultivées toute l’année, elles ont également la possibilité d’être complétement publiques durant ces périodes, en choisissant des limites évolutives qui bloquent ou non le passage.

Limites et espaces publics

Entre ces parcelles accessibles ou non viennent s’installer des espaces de pelouse, bordés de haies végétales et plantés d’arbres fruitiers, que les étudiants ou autres, peuvent facilement investir pour se reposer ou circuler. Ils constituent de nouveaux espaces, plastiques et sensibles, qui viennent remplacer les étendues de pelouse, parfois sans qualité propre que l’on retrouve actuellement sur ce campus parc. En effet, de tels espaces manquent de variétés en termes de spatialités, de couleurs, d’odeurs. Suivant les essences utilisées pour les haies, les arbres (qu’ils soient fruitiers ou non), nous pouvons créer des senteurs, des couleurs, des hauteurs, des filtrages lumineux, installer une faune, créant ainsi des espaces publics uniques avec des qualités et des usages propres. Ils viennent faire le lien entre les parties agricoles et le campus. Les deux milieux se trouvent en contact et dialoguent plus ou moins en fonction de la limite qui les sépare. En effet, ces limites peuvent avoir plusieurs typologies suivant leur C. Paturel Coupes de principe sur rue

fonction et leur usage : fonction de clôture, d’écran visuel, de protection climatique (vent, soleil essentiellement), d’effets plastiques ou encore une fonction écologique.

56


C. Paturel

C. Paturel

Les haies frontière douce, composées de végétaux de divers hauteurs dégagent des points de vue particuliers et bloquent le passage. Un saut de loup et un talus viennent accentuer cette limite infranchissable.

Les haies basses, de types charmille sur deux ou trois rangs, laissent une vue libre tout en bloquant le passage.

C. Paturel

C. Paturel

Les haies écologiques de types bocagères et champêtres, multispécifiques avec des espèces favorables aux abeilles, aux papillons et aux oiseaux permettent de développer une faune et une flore en s’inscrivant dans des corridors biologiques d’un réseau d’arbres et d’arbustes présents sur le campus.

En automne et en hiver, les arbustes perdent leur feuilles, créant une nouvelle limite poreuse laissant le passage libre entre deux espaces publics.

57


Le restaurant : un lien entre le campus et l’agriculture

«La campagne ne se consomme pas seulement avec les yeux, mais aussi avec une fourchette» *. Cette intervention ne va pas sans penser au devenir de ce qui est cultivé sur le campus. Infiltrer l’agriculture dans le site, c’est aussi infiltrer une philosophie, un comportement, une façon de se nourrir. Il faut favoriser les produits cultivés sur place et penser un système qui suive le processus du début à la «faim». Actuellement plusieurs lieux de restauration existent sur le campus, dont notamment le restaurant Diderot. Celui‑ci étant amené à disparaître, un nouveau est à prévoir. Un C. Paturel Structure poteaux poutres bois

restaurant qui exprime cette poétique et ce processus d’infiltration de l’agriculture. Ce n’est pas à la nourriture de venir vers les étudiants mais l’inverse. Le campus est un lieu d’enseignement, et les personnes peuvent également apprendre à se nourrir autrement. Le principe général est d’avoir des pôles mineurs de restauration éparpillés sur le site utilisant les produits qu’ils ont à côté. Chacun proposant des menus divers : soupes, salades, légumes vapeurs ... Et puis un pôle majeur, un grand restaurant universitaire, pouvant accueillir jusqu’à 1100 personnes, proposant des repas et des activités de formation à la cuisine pour les étudiants.

C. Paturel Les cinq serres

*

58

J.-P Le Dantec, op. cit., p. 543 sq.


59 C. Paturel


Situation :

Ce restaurant est situé entre l’École Nationale

Supérieure d’Ingénieurs Électriciens et l’École Nationale Supérieure d’Informatique et de Mathématiques Appliquées, à la limite entre une étendue cultivée au nord et le coeur du campus au sud. Cette situation lui permet de rester dans le

Sa

lle sd Te rra e re s s Ac ses tau ra cu e ti x e Cu il e téri on isi t d eur ist n rib es Ré e ut se ion Lo rves ca l Sa pou be nit a l Sa ires le lle d Ad e m rep in Lo istr os a ca ux tion te ch niq ue s

centre du campus, à proximité immédiate de la place centrale et d’un arrêt de tramway (Gabriel Fauré). De la même manière que le campus à l’échelle du territoire, le restaurant vient faire le lien entre les deux milieux, l’agriculture vient s’infiltrer dans le bâtiment, repoussant la façade, dessinant des entailles jusqu’à s’installer à l’intérieur C. Paturel Fonctions et disposition

même des salles de restauration dans des serres. C’est un processus d’infiltration et d’hybridation. Les serres cultivées :

Drainage

Gouttière centrale

Les cinq serres mises en place ont alors plusieurs

rôles. Elles permettent de produire des plantes aromatiques, et des légumes (en petite quantité) utilisables par les cuisiniers. Ces cultures sont entretenues par un maraîcher.

Descente

Ce dernier travaille au centre même du restaurant, visible par les personnes en train de manger, côte à côte, l’un se nourrissant de ce que l’autre produit. L’eau de la toiture est canalisée dans une gouttière centrale pour être stockée dans des cuves enterrées. Elle permet l’arrosage et la formation de bassins. Ces serres ont ensuite un atout sensible évident. Elles diffusent les parfums et les couleurs des plantes potagères. Entièrement vitrées, avec la possibilité de dégager

C. Paturel Système de récupération de l’eau de pluie

60


des ouvertures, elles offrent aux personnes de voir et sentir ce mimi-jardin, qui expose ses senteurs épicées, sucrées, amères ... Elles offrent également la possibilité d’utiliser le principe d’effet de serre, à savoir, apporter de la chaleur en hiver et créer une ventilation verticale en été. De plus les bassins occasionnent une humidité permanente qui procure une fraîcheur et un confort supplémentaire en été, ainsi qu’un environnement favorable aux végétaux. Les serres deviennent des espaces de transition. Espaces qui sont à la fois intérieurs et à la fois extérieurs. Elles structurent et organisent le restaurant sur le plan des circulations, des fonctions on encore des espaces. Les personnes se restaurent en regardant cette infiltration de salade à leurs pieds, dans une entaille. Salade qui finira peut être dans leur assiette un jour ou l’autre. Les salles de restauration sont majoritairement ouvertes sur le paysage, les vitrages toute hauteur séparant un minimum l’intérieur de l’extérieur. La limite bâtit-champs a tendance à disparaître, nous offrant l’expérience de manger au milieu des légumes.

C. Paturel Coupe de principe olfactive, thermique et ventilation sur la serre centrale.

61

de


Plan masse C. Paturel

62

Ech 1/2000


Coupe perspective C. Paturel

63


Plan rez-de-chaussĂŠe C. Paturel

64

Ech 1/100


Plan R+1 C. Paturel

65

Ech 1/100


Ech 1/200

Circuit public (bleu), circuit sale (rouge), circuit propre (orange) et circuit administratif (vert) C. Paturel

66


C ON C LU SION Le phénomène d’urbanisation ne cesse de récupérer de nouvelles terres sur la campagne. Les villes croissent en même temps que la population, étendant leurs limites de plus en plus loin. Les besoins en nourriture, en confort visuel, spirituel et olfactif, ainsi qu’une sensibilisation de plus en plus accrue à la qualité de nos aliments nous poussent à envisager de nouvelles limites à la ville. Elles ne doivent plus séparer mais hybrider. Infiltrer l’agriculture au coeur même de la ville devient un concept innovant pour son développement et le bien-être des habitants. Il s’agit d’estomper ses limites trop franches, qui ne permettent pas les bienfaits de cette interaction. L’agriculture est une pratique essentielle à l’homme qui ne doit plus être réservée au milieu rural. Elle apporte de multiples avantages parfaitement compatibles au milieu urbain. Qu’elle soit incitée ou non, l’agriculture urbaine se développe partout. C’est ainsi qu’elle est devenue un nouvel outil de conception, pour aménager le territoire, créer de nouvelles ambiances, innover dans le monde de la restauration ou encore lutter contre la pénurie de nourriture. En 2050 la

population devrait passer de 6 à 9

milliards de personnes. La demande en nourriture ne cesse d’augmenter pendant que les terres agricoles diminuent. Aujourd’hui, comme nous venons de le voir, la prise en compte de l’agriculture urbaine, hybridant l’espace rural et l’espace urbain, donne lieu à de nouveaux aménagements et de nouveaux bâtiments qui installent des paysages et des activités novatrices. Infiltrer le campus de Grenoble, c’est lui apporter de nouvelles potentialités pour le futur, une nouvelle image, un nouvel enseignement.

67


68


A N N EX E S

69


Entretien mené par Emmanuelle Borne le 30-03-2011 pour le site Le courrier de l’archite c te

Le Courrier de l’Architecte : Vous menez, depuis 2005, des recherches sur l’agriculture en milieu urbain. En quoi consistent-elles ? Augustin Rosenstiehl : La question de la ferme urbaine est souvent confondue avec celle du développement durable. Si le développement durable est transversal à notre démarche, nous distinguons néanmoins cet aspect du sujet qui est le nôtre, soit l’agriculture implantée en milieu urbain. Le concept de ferme verticale fut inventé en 2005 par le professeur Dickson Despommier, de l’université Columbia à New-York. Avec notre projet de ‘Tour vivante’, conçu à l’occasion du concours Cimbéton en 2005, nous avons développé l’idée de réinsertion de l’agriculture en milieu

70


urbain. Depuis, nos recherches interrogent la capacité

leur mise en oeuvre dans différents endroits de Paris

d’intégration de telles exploitations au sein de nos villes.

sans aucun cynisme. Même s’il s’agit d’anticiper les dérives, cette étude de cas cherche à garantir la diversité

Le sujet de fermes urbaines est souvent cantonné au

de situations à travers laquelle l’agriculture peut exister.

développement de potagers collectifs ou à la mise en oeuvre de murs végétaux. Les architectes français abordant le sujet de l’agriculture en ville ne sont pas nombreux. L’agence X-TU réalise des recherches en la matière mais en mettant l’accent sur l’agriculture comme source d’énergie ou de matière première. Nous proposons d’aller au-delà des potagers collectifs et d’imaginer différents espaces d’exploitation agricole en ville. L’enjeu est de réintégrer les hommes au coeur d’un système agricole de plus en plus mécanisé afin qu’ils redeviennent auteurs de ce qu’ils produisent. Autrement dit, nous appréhendons les citoyens comme des consommateurs forts d’un choix. (...) Quels sont ces scenarii ? Nous avons choisi différents modes d’implantation Certains scenarii sont raisonnés, d’autres accentuent la

en faisant varier les échelles. Par exemple, l’une de

disparition de l’homme au coeur du système agricole,

ces exploitations agricoles s’implante sur les Champs

d’autres montrent une ville dénaturée au profit de la

Elysées, dans un tissu haussmannien. Une autre est

culture de l’’entertainment’, du marketing.

installée au sein de friches industrielles. En choisissant différents sites, nous mettons ainsi l’accent sur la diversité

Nous avons illustré chacune de ces pistes en imaginant

de l’agriculture et imaginons différents modes de gestion

71


de ces fermes urbaines.

Notre rôle est aussi de mesurer les capacités de ces

L’un des scenarii, les ‘mini fermes’, est composé de

fermes urbaines à s’implanter dans la ville de Paris sans

petites exploitations de deux, trois étages implantées

la dénaturer.

au sein d’îlots ouverts. Elles fonctionnent en réseaux de coopératives. Elles s’avèrent un outil urbain très dynamique

créant

des

alignements

et

des

rues

commerçantes sans remembrer en profondeur le tissu urbain. Un autre scénario, plus industriel, est celui de la ‘super ferme’, installée sur le toit d’un supermarché. L’idée est d’établir une relation inédite entre serre horticole et surface de grande consommation. Mais attention ici à ne pas basculer dans le tout technique et la disparition de l’agriculteur.

Quelles suites comptez-vous donner à cette recherche ?

Une autre ferme, la ferme ‘cactus’, est une tour-module

Réaliser un prototype serait idéal, il en sera très

de grande hauteur pouvant être exploitée par un groupe

prochainement question. Mais si nos travaux ont été

important ou une coopérative de petits agriculteurs. Elle

repérés par des maîtres d’ouvrage potentiels, telle la

vient s’implanter dans des terrains vagues, dans des

ville de Nanterre, les politiques d’aménagement sont

friches industrielles et se déploie au-dessus des toits

encore loin de prendre en compte cette problématique

parisiens.

à cause de la question du foncier. Comment définir un foncier agricole urbain ? Sera-t-il mixte, proportionnel aux objectifs de production ? Faudra-t-il le préempter ?

A chaque fois, nous recherchons une situation socioprofessionnelle différente et une capacité à s’implanter en ville de façon quasi ordinaire. Nous cherchons à tout prix

Nos recherches vont néanmoins plus loin que la simple

à situer l’homme au coeur du système agricole comme

expérimentation : nous essayons de débroussailler le

l’acteur responsable de sa production, si petite soit elle.

terrain en prévision de l’avenir.

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Le campus et la vallée agricole Séquence photographique Cette série de photographie prises par Sébastien Gominet pour l’Institut des Risques Majeurs* illustre le rapport qu’il existe actuellement entre le campus, l’Isère et la vallée agricole du Grésivaudan. Aujourd’hui, l’Isère tient le rôle de frontière, séparant les deux milieux et leur modes de vie. Cette limite, difficilement franchissable, a englobé le campus et arrêté de façon brutale l’agriculture qui se retrouve bloquée aux portes de l’agglomération. Alors que sur le reste de la vallée, les étendues cultivées se déploient de part et d’autre de la rivière, le campus vient mettre fin à cette continuité. Le campus ne s’ouvre pas, il reste replié sur lui-même, dialoguant davantage avec l’agglomération qu’avec la vallée. Infiltrer des surfaces agricoles résout ce déséquilibre. Le campus devient poreux, à la fois à la ville (tramways, routes, activités, habitations ...) et à la campagne (fermes, champs cultivés). Il vient véritablement jouer son rôle d’articulation.

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Institut des Risques Majeurs URL : http://www.irma-grenoble.com/index.php consulté le 24.04.2012

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MEMOIRE DE MASTER MESSIER Emmanuelle, L’agriculture urbaine, quelles sont les formes de cette nouvelle production alimentaire urbaine et à quels nouveaux enjeux tente-t-elle de répondre, ENSAG, mas 202, 2009 BESSON Anthony, Comment l’intégration des activités agricoles dans les villes peut-elle générer des modifications dans la forme urbaine de nos métropoles, ENSAG, mas 186, 2009

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La ville possède ses propres limites, elle se détache du territoire sur lequel elle s’implante. Elle s’est progressivement coupée de son environnement en délimitant clairement des espaces urbains et des espaces ruraux. Avec l’urbanisation toujours croissante, ces limites s’élargissent, se déplacent et se transforment. Aujourd’hui, des villes vertes, émergentes ou

encore

diffuses

respectueuses

de

l’environnement,

massivement végétalisées se développent, tentant d’adoucir cette limite rural/urbain. Une solution, plutôt que de venir créer de nouveaux espaces verts, est d’infiltrer l’espace rural dans l’espace urbain, dans la continuité, avec ses paysages, ses ambiances et ses activités. Une des activités les plus remarquables à la campagne et essentielle à l’homme est l’agriculture. Dés lors, pourrait-on imaginer de véritables villes agricoles, qui perdent leurs limites et s’ouvrent sur l’extérieur ? En quoi l’agriculture urbaine peut-elle enrichir la ville et la transformer ? Le campus de Grenoble ne peut-il pas réinvestir des espaces délaissés en espaces agricoles, pour lui amener une nouvelle dynamique ? Une nouvelle culture peut-elle s’installer sur ce site qui articule l’agglomération Grenobloise et la vallée agricole du Grésivaudan ?


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