#131 été 2019

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MENSUEL N° 131 Juillet/Août 2019

Hommage à Michel Serres Quand nos cerveaux seront connectés

Comment pensait Léonard de Vinci

PAR SLAVOJ ŽIŽEK

PAR PATRICK BOUCHERON

LA FAVELA DES FEMMES

Une cité écoféministe au Brésil

CA H I E R C E N T R A L QUAND EST-ON VRAIMENT SOI-MÊME ?

CAHIER CENTRAL

JEAN-JACQUES ROUSSEAU

Les Rêveries du promeneur solitaire (extraits)

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17/06/2019 10:21

ROUSSEAU Les Rêveries du promeneur solitaire

L 17891 - 131 - F: 5,90 € - RD

LE DERNIER HUMANISTE

Ne peut être vendu séparément. © Photo Josse/Leemage. Illustration : StudioPhilo/William L.

Mensuel / France : 5,90 € Bel./Lux./Port. cont. : 6,50 € Suisse : 11 CHF Andorre : 6,20 € Allemagne : 6,90 € Canada : 11,50 $CA DOM : 8 € COM :1 000 XPF Maroc : 70 DH Tunisie 11,30 TND

Quand est-on soi-même ?


ÉDITO

L’œil de

Berberian Par Alexandre Lacroix Directeur de la rédaction

L’ouverture vers l’intérieur uand exprime-t-on son être profond, quand se trouve-t-on réellement en adéquation avec soi-même!? Les philosophes du passé ont défendu toutes les réponses envisageables à cette question, toutes à l’exception d’une seule – la principale, peut-être. En effet, il s’est trouvé d’éminents penseurs pour soutenir qu’on est soi-même lorsqu’on fait l’effort de méditer en écartant les opinions reçues (Descartes), quand on s’enferme dans une chambre pour songer aux misères de la condition humaine (Pascal), quand on marche seul dans la campagne (Rousseau), quand on a suffisamment confiance en soi pour dire avec des paroles fortes ce qu’on a sur le cœur (Emerson), quand on désobéit (Thoreau), quand on surmonte ses propres déchirements (Hegel), quand on déploie sa puissance d’agir et sa volonté (Nietzsche), quand on traverse l’épreuve de l’angoisse (Kierkegaard), quand on rêve endormi (Freud), quand on rêve éveillé (Bachelard), quand on regarde la mort en face (Heidegger), quand on s’engage dans une relation éthique avec l’autre (Buber), quand on se donne un projet existentiel (Sartre), quand on pratique des exercices du corps et de l’esprit (Foucault)… Mais personne, à ma connaissance, n’a osé soutenir que l’authenticité s’atteignait par le plaisir. Serait-il si absurde d’affirmer qu’on s’atteint soi-même uniquement dans la jouissance!? Cette hypothèse a été écartée pour des raisons estimables. Longtemps, le plaisir a été regardé comme un détraquement des sens, une éclipse momentanée de la conscience réflexive. L’analogie avec la douleur est, par ailleurs, tentante": lorsque je me tape fort le tibia contre une barre en fer ou que je me coupe la main, je ne suis pas moi-même, puisque les sensations pénibles que j’éprouve, n’importe qui les ressentirait à ma place"; elles sont anonymes, liées à la structure de l’organisme humain. Et certainement, il y a un noyau physiologique du plaisir qui reste impersonnel. Cependant, le domaine du plaisir est loin de se réduire à ce noyau, et c’est ce qui le rend bien plus vaste que celui de la douleur. Car on touche là au plus secret, au plus retranché chez chacun": non seulement il est rarissime que quelqu’un vous avoue ce qui lui procure réellement du plaisir"; mais, de plus, nul n’est capable de s’interdire, par respect des convenances, d’aller vers sa jouissance. Même si je souhaite m’en empêcher, je lui cède": elle est donc une volonté plus impérieuse en moi que ma volonté proclamée, un commandement plus puissant que les règles sociales, une voix plus importante que l’approbation d’autrui. On peut, bien sûr, imaginer des gens indifférents à cette dimension, qui vivent coupés de leur plaisir": c’est qu’ils sont séparés d’eux-mêmes. Ainsi le trouble qui déforme le visage, paupières mi-closes, bouche entrouverte, nuque ployée, à l’instant de la jouissance, est sans doute l’intimité la plus grande qu’un humain soit capable d’exprimer"; la surprendre chez l’autre, c’est un peu comme lire dans son journal ou entrer dans son sommeil pour partager ses songes. Pour quelques secondes, les masques tombent. Cela s’appelle l’authenticité.

© Serge Picard pour PM ; illustration : Charles Berberian pour PM.

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Charles Berberian vient de faire paraître la bande dessinée Quand tu viens me voir!? à L’Association.

N’hésitez pas à nous transmettre vos remarques sur

reaction@philomag.com

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CAMILLE LAURENS

À travers ses romans et ses récits – notamment Philippe et Dans ces bras-là –, elle explore les méandres de l’amour, de la séduction et de la perte. Pour elle, la « vérité est tout ce qui s’écrit ». Celle que vous croyez, qui vient d’être adapté au cinéma, s’inscrit dans cette démarche et efface les frontières entre virtuel et réel. En dialoguant avec Pierre Zaoui, elle propose donc une approche subtile de la recherche de soi.

P. 40

JEANNE BURGART-GOUTAL

P. 66

PIERRE ZAOUI

Inspiré par Spinoza et Gilles Deleuze, ce philosophe défend un « art de disparaître » (dans La Discrétion ) contre les vicissitudes de l’ex position de soi. « La traversée des catastrophes », titre de l’un de ses essais, n’est-elle pas plutôt la condition d’une existence authentique"? C’est cette voie douloureuse et tragique qu’il défend en compagnie de Camille Laurens.

Cette jeune professeure de philosophie au lycée est une spécialiste de l’écoféminisme, qui voit un lien entre domination sur la nature et domination masculine, et qui considère que le féminisme n’est pas qu’une affaire d’émancipation individuelle. Elle commente notre enquête sur la « favela des femmes » au Brésil, où lutte féministe et lutte anticapitaliste ne font qu’un.

P. 34

P. 60

Le penseur slovène, critique de la société capitaliste et inspiré par Hegel, Marx et Lacan, dévoile ce que pourrait bien être notre futur proche": la possibilité, grâce à la connexion du cerveau et de la machine, d’accéder aux pensées des autres, allant jusqu’à diriger leurs moindres mouvements. Une vision des plus saisissantes de notre avenir posthumain, qui s’invente en Californie et n’a rien d’un délire de philosophe.

Professeure associée à l’École des Mines, titulaire de la chaire de Philosophie de l’Hôtel-Dieu, cette philosophe et psychanalyste est membre du Comité national d’éthique. Après La Fin du courage ou Les Irremplaçables, elle vient de publier Le soin est un humanisme. Elle commente les témoignages de personnes qui ont su trouver leur « soi-même » au terme d’un parcours singulier.

SLAVOJ ŽIŽEK

CYNTHIA FLEURY

P. 74

PATRICK BOUCHERON

Professeur au Collège de France, cet historien est spécialiste du Moyen Âge et de la Renaissance. Il a notamment fait paraître Léonard et Machiavel (2008) et plus récemment de La Trace et l’Aura. Vies posthumes d’Ambroise de Milan (IVe-XVIe siècle). Il a également dirigé l’Histoire mondiale de la France. Passionné par Léonard de Vinci, il livre une lecture très personnelle de sa vie et de sa pensée.

SERVICE ABONNÉS abo@philomag.com / 01!43!80!46!11 Philosophie magazine, 4, rue de Mouchy, 60438 Noailles Cedex - France Tarifs d’abonnement!: prix normal pour 1 an (10 nos) France métropolitaine": 57 € TTC (TVA 2,1 %). UE et DOM": 69 €. COM et Reste du monde": 77 €. Formules spéciales pour la Belgique et la Suisse Belgique!: 070/23"33"04 abobelgique@edigroup.org Suisse!: 022/860 84 01 abonne@edigroup.ch Diffusion!: MLP Contact pour les réassorts diffuseurs!: À Juste Titres, 04"88"15"12"42, Julien Tessier, j.tessier@ajustetitres.fr RÉDACTION redaction@philomag.com Directeur de la rédaction!: Alexandre Lacroix Rédacteurs en chef!: Martin Legros, Michel Eltchaninoff Conseillers de la rédaction!: Philippe Nassif, Sven Ortoli Chefs de rubrique!: Victorine de Oliveira, Martin Duru, Catherine Portevin Rédacteurs!: Samuel Lacroix, Octave Larmagnac-Matheron Secrétaires de rédaction!: Noël Foiry, Marie-Gabrielle Houriez Création graphique!: William Londiche / da@philomag.com Graphiste!: Alexandrine Leclère Responsable photo!: Stéphane Ternon Rédactrice photo!: Camille Pillias Rédacteur Internet!: Cédric Enjalbert Webmaster!: Cyril Druesne Ont participé à ce numéro!: Adrien Barton, Charles Berberian, Paul Coulbois, Myriam Dennehy, Franck Ferville, Sylvain Fesson, Philippe Garnier, Bertrand Gaudillère, Gaëtan Goron, Margot Hemmerich, Jules Julien, Frédéric Manzini, Catherine Meurisse, François Morel, Tobie Nathan, Albane Noor, Jérémy Pain, Charles Pépin, Charles Perragin, Serge Picard, Claude Ponti, Antoine Rogé, Liviane Saavedra, Oriane Safré-Proust, Séverine Scaglia, Isabelle Sorente, Nicolas Tenaillon ADMINISTRATION Directeur de la publication!: Fabrice Gerschel Responsable administrative!: Sophie Gamot-Darmon Responsable abonnements!: Léa Cuenin Fabrication!: Rivages Photogravure!: Key Graphic Impression!: Maury imprimeur, Z.I., 45300 Manchecourt Commission paritaire!: 0521 D 88041 ISSN!: 1951-1787 Dépôt légal!: à parution Imprimé en France/Printed in France / Philosophie magazine est édité par Philo Éditions, SAS au capital de 340"200 euros, RCS Paris B 483 580 015 Siège social!: 10, rue Ballu, 75009 Paris Président!: Fabrice Gerschel RELATIONS PRESSE Canetti Conseil, 01"42"04"21"00 Françoise Canetti, francoise.canetti@canetti.com PUBLICITÉ Partenariats/Publicité Audrey Pilaire, 01"71"18"16"08, apilaire@philomag.com MENSUEL NO!131 - JUILLET/AOÛT 2019 Couverture!: © Ibai Acevedo

2017 Origine du papier": Italie. Taux de fibres recyclées": 0 %. Tous les papiers que nous utilisons dans ce magazine sont issus de forêts gérées durablement et labellisés 100 % PEFC. Le taux majoritaire indiqué Ptot est de 0,009.

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La rédaction n’est pas responsable des textes et documents qui lui sont envoyés. Ils ne seront pas rendus à leurs propriétaires.

© Franck Ferville pour PM ; Basso Cannarsa/Opale/Leemage ; Franck Ferville pour PM ; Patrice NOormand/Leextra via Leeemage ; CP; Julien Faure/Leextra via Leemage.

P. 66

ILS ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO

10, rue Ballu, 75009 Paris Tél.": 01"43"80"46"10 www.philomag.com


Deva nt r n o t re miroi e p hilosop hi qu c e mois-ci

Granules contre la peur de l’avion (sans effet sur la crédulité) p. 80

Résine pour l’appareil dentaire de mes ancêtres p. 28 Rouge à lèvres de la Vénus de Lespugue p. 90 Lotion de jeunesse défroissante Laurens p. 66 Brosse à dents de l’autre à ne pas confondre avec la mienne p. 34

Psychanalyse au peigne fin p. 60

Brosse à soie de porcs fiévreux p. 22

Symbole phallique au Brésil p. 40 Mascara Blues p. 98

Hominescence, eau de parfum p. 8

Baume du Courtisan, nouvelle recette plus fresh by Montaigne p. 54

Serviette oubliée par l’homme de Vitruve p. 74

Vocabulaire cosmétique p. 48


SOMMAIRE P. 3 Édito

HOMMAGE À MICHEL SERRES

P. 8 Longue vie à son œuvre / Florilège

de citations / Lettre à un ami

P. 14 Questions à Charles Pépin

P. 15 Questions d’enfants à Claude Ponti P. 16 Courrier des lecteurs

Déchiffrer l’actualité P. 18 TÉLESCOPAGE P. 20 REPÉRAGES

P. 22 PERSPECTIVES

Spray fixateur de libido p. 14

Le réchauffement climatique à l’épreuve de la froide rationalité économique / Airbnb se lance dans le tourisme génétique / En quoi la nouvelle cryptomonnaie libra est-elle révolutionnaire"? / La peste porcine et la manie française d’ériger des frontières P. 28 AU FIL D’UNE IDÉE La généalogie P. 30 ETHNOMYTHOLOGIES par Tobie Nathan

Crème démaquillante rousseauiste Cahier central

Accessoire interdit par la COP21 p. 22

Prendre la tangente P. 34 ESSAI

Quand nos cerveaux seront connectés par Slavoj Žižek Contrepoint d’Andrea Stocco P. 40 REPORTAGE Brésil!: Ocupação Esperança, la favela qui réinvente le féminisme P. 48 MOTIFS CACHÉS par Isabelle Sorente

Robinet monétaire de marque Zuckerberg p. 22

DOSSIER Quand est-on soi-même!?

P. 52 L’évidence intérieure

P. 54 Comment exister de manière juste"?

avec Claude Romano.

P. 60 Les nouvelles routes du soi.

Témoignages commentés par Cynthia Fleury P. 66 J’y pense et puis je m’oublie, dialogue entre Camille Laurens et Pierre Zaoui Cahier central Agrafé entre les pages 50 et 51, notre supplément": Les Rêveries du promeneur solitaire, de Jean-Jacques Rousseau

Cheminer avec les idées P. 74 LE CLASSIQUE SUBJECTIF

Léonard de Vinci vu par Patrick Boucheron P. 80 BOÎTE À OUTILS Divergences / Sprint / Intraduisible / Strates

Livres

P. 82 NOTRE SÉLECTION D’ÉTÉ P. 90 Notre sélection culturelle P. 92 Agenda

P. 94 LA CITATION CORRIGÉE

par François Morel

P. 95 Jeux

P. 96 Humaine, trop humaine

par Catherine Meurisse

P. 98 QUESTIONNAIRE DE SOCRATE

© Illustration : Paul Coulbois pour PM

Rickie Lee Jones

Ce numéro comprend en cahier central un encart rédactionnel (agrafé entre les pages 50 et 51) de 16 pages complétant notre dossier «Quand est-on vraiment soi-même », constitué d’une présentation et d’extraits des Rêveries du promeneur solitaire, de Jean-Jacques Rousseau.

PHILOSOPHIE MAGAZINE N° 132 PARAÎTRA LE 22 AOÛT 2019

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HOMMAGE À MICHEL SERRES

Longue vie à son œuvre

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orénavant, ce n’est plus moi qui fais vivre mon œuvre, c’est mon œuvre qui me fait vivre. » C’est ainsi que Michel répondait quand on prenait de ses nouvelles ces dernières semaines. Il se savait condamné par le cancer qui rongeait ses poumons depuis plusieurs mois. Il avait renoncé à des traitements qui auraient pu être efficaces mais risquaient de le priver de ses forces vives, car il voulait avoir toute l’énergie nécessaire pour terminer son dernier chantier, ce testament philosophique consacré à une question

qu’il n’avait jamais abordée de front, même s’il n’avait cessé de tourner autour": la religion, la croyance, l’espérance. Et, de fait, ce dernier opus l’aura fait vivre jusqu’au bout. Dans la soirée du jeudi 30 mai, il envoyait à son éditrice Sophie Bancquart le manuscrit sur lequel il travaillait depuis des mois. Le lendemain matin, ayant du mal à respirer, il partait pour l’hôpital. Et vingt-quatre heures plus tard, le samedi 1 er juin, entouré de ses enfants et petitsenfants, il s’en allait. On aurait souhaité qu’il

© Serge Picard/Agence VU

Michel Serres était, depuis de nombreuses années, un compagnon de route de Philosophie magazine. Il s’est éteint le 1er juin. Ses amis, notre rédacteur en chef Martin Legros et le rédacteur en chef des hors-séries Sven Ortoli, rendent hommage à ce passeur généreux toujours en éveil, à l’écoute des voix et des bruits du monde, à contre-courant et visionnaire.


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Tangente

ESSAI

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Quand nos cerveaux seront connectés

© Yifei Fang/Millenium images

La télépathie, un fantasme de science-fiction"? Non, une réalité si l’on en croit les dernières expériences sur la connexion cerveau-machine menées notamment par la société Neuralink d’Elon Musk. Mais au prix de dangereuses confusions et d’une menace sur l’intégrité de nos pensées, s’alarme dans cet essai inédit le philosophe slovène Slavoj Žižek. En contrepoint, le chercheur Andrea Stocco, spécialiste de codage neuronal, tempère ces craintes.

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ace à la perspective d’une « posthumanité » ouverte par la mise en lien direct de notre cerveau et d’une machine numérique – projet connu sous le nom de « Neuralink » –, notre première réaction consiste à l’écarter comme relevant d’une utopie futuriste, d’une improbable anticipation qui, en réalité, ne pourra jamais être actualisée. Cependant, cette réaction est en ellemême une manière de fuir la réalité et de ne pas tenir compte de l’imminence d’un phénomène radicalement novateur et sans précédent. Malgré toutes les simplifications et les exagérations formulées dans les médias, quelque chose est bien en train de se produire dans ce domaine. Nous nous en tiendrons ici à en questionner les implications et les

conséquences philosophiques. L’émergence du « capitalisme de surveillance » – pour reprendre la formule de la philosophe américaine Shoshana Zuboff –, si important soit-il, ne constitue pas le véritable facteur de changement. À mon sens, les nouvelles formes de domination trouvent des potentialités bien plus grandes dans la perspective d’une interface cerveaumachine, d’une voie de communication directe entre un cerveau connecté et un dispositif externe et, à terme, entre les cerveaux euxmêmes. Cette communication directe se développera en deux étapes": dans un premier temps, en branchant notre cerveau sur un ordinateur, nous pourrons intervenir sur la réalité simplement par la pensée ( je dirige ma pensée vers l’écran de télévision et le programme

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Tangente

REPORTAGE

Aujourd’hui, près de cinq cents familles habitent dans la favela Ocupação Esperança située dans la banlieue est de São Paulo.

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OCUPAÇÃO ESPERANÇA

La favela féministe

Depuis six ans, dans cette favela brésilienne en banlieue de São Paulo, les femmes ont pris le pouvoir. Espaces de délibération non mixtes, exclusions des hommes les plus violents, autogestion… Avec des outils inspirés par l’anticapitalisme et la théologie de la libération, elles forgent un îlot de résistance au pouvoir autoritaire et misogyne du président Bolsonaro… tout en bousculant les repères du féminisme occidental. Par Margot Hemmerich et Charles Perragin/Collectif Singulier / Photos Jérémy Pain/Collectif Singulier

I l est 17 heures, le soleil d’hiver décline sur la colline d’Osasco, grande ville de la banlieue sud-est de São Paulo. Irene Maestro, short en jeans et tee-shirt kaki, claque dans ses mains et se fraie un chemin au milieu de la foule. Comme chaque semaine, ceux qui vivent là se rassemblent au milieu du sentier menant en haut de la favela Ocupação Esperança. Entre les poteaux ficelés de câbles électriques, les piles de briques adossées aux baraquements en bois et en tôle ondulée, le public, ce soir, est essentiellement composé de femmes. Debout, elles font progressivement cercle autour de l’oratrice venue décliner l’ordre du jour de l’assemblée générale": organisation du quotidien, derniers échanges avec la mairie,

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Dossier

QUAND

SOI-MÊME ?

© Ibai Acevedo

EST-ON


PARCOURS DE CE DOSSIER

P. 52

Par moments, nous sentons que c’est là, que nous sommes vraiment nous-mêmes. Et pourtant, ces moments ne se ressemblent pas, cela survient parfois dans l’isolement ou en compagnie, dans l’activité ou l’inaction… Avoir le sentiment d’être soi-même, n’est-ce pas aussi impondérable qu’une expérience esthétique, comme quand un paysage vient soudain nous couper le souffle par son harmonie"?

P. 66

P. 54

Le philosophe Claude Romano, qui vient de publier une histoire inédite de la manière dont l’Occident envisage l’expérience d’être soi depuis Homère, nous montre qu’il y a trois voies principales pour atteindre cette étonnante adéquation intérieure.

P. 60

Une transgenre, une méditante bouddhiste, un Nigérian installé en France depuis quinze ans, un comédien et une championne de plongée en apnée": nos cinq témoins racontent leur quête d’identité, sur laquelle se penche la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury – autrice des Irremplaçables.

Bizarrement, c’est peut-être lorsqu’on ne cherche pas à être soi-même, ni à se conformer à un modèle, qu’on parvient à se trouver – par hasard ou dans des circonstances tragiques"! Telle est la conclusion sur laquelle s’entendent la romancière Camille Laurens, qui a signé le roman Celle que vous croyez récemment adapté au cinéma, et le philosophe Pierre Zaoui, auteur de La Traversée des catastrophes, lors d’un dialogue à bâtons rompus.

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Dossier

QUAND EST-ON SOI-MÊME ?

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« JE ME DEMANDE COMMENT EXISTER DE MANIÈRE JUSTE » © Juan Manuel Castro Prieto/Agence VU ; Catherine Helie/Gallimard via Opale/Leemage

CLAUDE ROMANO

Il enseigne la philosophie à Sorbonne-Universités et à l’Australian Catholic University de Melbourne. Il croise phénoménologie, littérature et histoire de la philosophie, notamment dans deux études originales, Le Chant de la vie. Phénoménologie de Faulkner (Gallimard, 2010) et Le Néant. Contribution à une histoire du non-être dans la philosophie occidentale (avec Jérôme Laurent, PUF, 2010). Dans Être soi-même. Une autre histoire de la philosophie (Folio Essais, Gallimard, 2019), il montre que le rapport à soi-même est un thème philosophique à part entière qui remonte à Homère.

Auteur d’un essai d’une ambition impressionnante qui vient de paraître, Être soi-même. Une autre histoire de la philosophie, Claude Romano nous expose ici les trois grandes voies qui permettent d’atteindre l’authenticité et fait l’éloge de la nonchalance.

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Propos recueillis par Alexandre Lacroix

e souci de coïncider avec soi-même, d’atteindre une certaine authenticité, est-il propre aux sociétés occidentales, ou en trouve-t-on des équivalents dans d’autres cultures!? CLAUDE ROMANO!: Depuis qu’Alexis de Tocqueville en a fait le diagnostic au début du XIXe siècle, les sociétés occidentales et démocratiques mettent l’individu au centre. Nous vivons dans une civilisation très individualiste, et cette tendance s’est accrue depuis la Seconde Guerre mondiale. L’idée que l’individu doit s’affirmer, épanouir ses potentialités, s’est installée dans les esprits, notamment au moment de la vague libertaire de 1968. Cette question intéresse-t-elle d’autres cultures"? Difficile de répondre tout uniment, mais j’ai trouvé dans la pensée chinoise des affinités avec certains pans de la pensée occidentale. Si quelqu’un s’apprête à passer un entretien d’embauche, on lui

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Dossier

QUAND EST-ON SOI-MÊME ?

LES NOUVELLES

ROUTES DU SOI Transition de genre, jeu d’acteur, immersion dans les profondeurs, exil forcé ou méditation en pleine conscience, nos cinq témoins dévoilent le chemin qui les a menés à eux-mêmes. Des quêtes existentielles que commente Cynthia Fleury. Propos recueillis par Charles Perragin/Collectif Singulier / Photos Livia Saavedra, Albane Noor et Bertrand Gaudillère/Collectif Item

es feuilles de notes sont éclaboussées de café. Machinalement, la philosophe Cynthia Fleury marque délicatement au stylo noir les contours des taches brunes sur le papier blanc. Les frontières ne l’intéressent pas. Qui suis-je!? Qu’est-ce que le sujet!? « Une fiction », lâche celle qui est aussi psychanalyste depuis dix ans. Selon elle, le moi est inassignable, impossible à circonscrire dans des limites claires, définitives. Au début de son récent opuscule, Le soin est un humanisme (Tracts, Gallimard, 2019), elle cite des passages de la célèbre conférence de Jean-Paul Sartre sur l’existentialisme!: « L’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde et […] se définit après. L’homme, tel que le conçoit l’existentialiste, s’il n’est pas définissable, c’est qu’il n’est d’abord rien. » À l’image des taches qu’elle cercle, le sujet apparaît toujours après coup. Mieux!: il est un surgissement. « C’est dans l’ouverture que l’on devient sujet, dans la rencontre avec l’inconnu, que ce soit autrui ou la terra incognita de son propre psychisme », explique-t-elle.

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Philosophe et psychanalyste, elle est professeure au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et dirige la chaire de philosophie de l’hôpital SaintAnne (GHU Paris psychiatrie et neurosciences). Elle s’intéresse aux liens entre la construction de l’identité personnelle et la nécessité d’évoluer avec autrui. Elle vient de publier dans la collection Tracts Le soin est un humanisme (Gallimard, 2019).

Devenir soi pourrait s’envisager comme l’expérience de l’araignée qui tisse sa toile. Suspendus au-dessus des profondeurs, il nous faut produire des liens, ou en saisir, pour exister": s’entrelacer avec ses comparses d’une façon ou d’une autre, par sollicitude, par responsabilité ou spiritualité, par l’acte de création artistique ou intellectuelle. Sécréter des territoires communs, s’y intégrer, c’est cette tâche dont personne ne peut s’acquitter à notre place qui requiert aussi un certain courage. Nous saisissons peu à peu les motifs qui animent la philosophie et la grammaire de Cynthia Fleury, de La Fin du courage (Fayard, 2010) aux Irremplaçables (Gallimard, 2015). Vivre, c’est se (re)lier, de notre plein gré ou par la force des vicissitudes de l’existence, au « prix de la douleur », comme le laisse entendre l’un de ses premiers essais, Pretium doloris (Pauvert, 2002). De l’exil forcé à la transition de genre, du jeu du comédien à la méditation en pleine conscience en passant par l’immersion dans les profondeurs marines, nous avons demandé à Cynthia Fleury de considérer cinq témoins en quête du « devenir-soi ».

© Julien Faure/Leextra via Leemage

S

CYNTHIA FLEURY


« En tant qu’homme, je vivais à côté de moi-même » CLAIRE LAMBERTI

TRANSGENRE, ADMINISTRATRICE DE L’ASSOCIATION JARDIN DES « T » LYO N

© Bertrand Gaudillère/Collectif Item

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J

e ne me suis jamais identifiée à un mec. Dès l’école primaire, les garçons étaient des extraterrestres pour moi. Pourtant, j’ai grandi avec une enveloppe masculine. Adolescente, j’avais des poussées de féminité. J’essayais les vêtements de ma mère en cachette": c’est là que je me sentais le mieux, je planais. Mais, malgré tout, dès que je les enlevais, j’avais honte. Je me disais que c’étaient des jeux, une façon de s’échapper, mais, au fond, j’avais l’impression que je devenais complètement folle, schizophrène. Un jour j’ai voulu en finir. Puis, au moment de passer à l’acte, j’ai pu prendre du recul. Je me suis dit": “Tu as un corps de mec, t’es un mec, et tu vas vivre en mec. Tu auras sûrement des moments de bonheur. Et tu t’en contenteras.” Je suis alors devenue une sorte de parodie de l’homme idéal": grand, musclé, viril, la coupe en brosse, à la militaire. Et je me suis lentement desséchée intérieurement. Adulte, je ressentais peu de sentiments. Je n’arrivais plus à pleurer. J’étais bloquée. J’évitais de parler de sujets qui pouvaient me rapprocher de la féminité. J’ai été heureuse, par moments. J’ai eu une femme, que j’ai aimée, et deux filles, qui sont grandes maintenant. J’ai eu l’amour de mes parents, de mes amis, j’avais une vie normale, mais ce n’était pas la mienne. Après une période de saturation, c’est une consultation chez une psychologue qui a tout déclenché, en 2013. Elle a vite cerné que je refoulais tout ce qui était féminin. Elle me disait que je pouvais vivre ma féminité en tant qu’homme. Mais je n’y arrivais pas. Il fallait que je vive totalement dans le modèle féminin. J’ai donc entamé une transition de genre. Ma compagne m’a quittée, peut-être au fond pour me permettre d’aller jusqu’au bout. Les cheveux longs, l’opération du visage, la prise d’hormone, la peau qui s’affine, tout cela, c’était du bonus. Bien plus que le changement de corps, je suis devenue moi-même quand j’ai abandonné mon rôle d’homme, cette composition forcée que je ne supportais plus. Je ne suis plus à côté de moi-même. Je suis toujours en contact avec mon ex-femme, et mes filles m’ont acceptée telle que suis. Et même si, comme transgenre, je suis souvent la cible du regard d’autrui, je veux montrer à ceux que j’aime mon vrai visage. »

TROUVER UNE HARMONIE ENTRE LE “MOI” ET LA RECONNAISSANCE SOCIALE » LE COMMENTAIRE DE CYNTHIA

FLEURY

L

e témoignage de Claire Lamberti montre un tournant dans nos façons de concevoir l’identité. Pendant longtemps, l’identité n’était qu’une construction sociale, nullement liée à l’authenticité d’un “moi” profond. Si la question de l’intériorité, de l’intime, a toujours existé, elle était inséparable d’un rapport à Dieu, à la tradition, ou encore à la famille, à une classe. Prenons le soi antique, grec, il se relie au cosmos et à la Cité. Cette question était toujours “médiée” par un point extérieur. La modernité a amené cette découverte d’un centre possible, irréductible à un “dehors”, sans parler des apports de la psychanalyse avec la découverte de l’inconscient, du conflit psychique inhérent au moi, de possibles clivages. Nous vivons tous des dissonances dans la construction de notre identité. Les rapports entre l’identité sexuelle et l’expression de genre sont générateurs de conflits pour tout le monde. Quand vous naissez avec un corps de fille et que vous devez devenir femme, il vous faut travailler à produire un rapport de cohérence entre votre existence sociale et l’idée que vous vous faites de l’identité féminine. C’est une première étape pour le sujet, qu’il soit homme ou femme : dépasser l’étrangeté qu’il ou elle ressent avec ce “moi” profond, trouver une harmonie. Ensuite, cela ne suffit pas. Il faut que cet accès intime à l’authenticité du moi soit reconnu socialement, qu’identité sociale et authenticité s’articulent avec harmonie. C’est ce qu’Axel Honneth nomme l’“éthique de la reconnaissance”. Tant que vous n’avez pas dépassé le sentiment d’étrangeté de votre identité, et ensuite tant que vous n’avez pas obtenu une reconnaissance sociale de cette identité, vous souffrez. »

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Dossier

QUAND EST-ON SOI-MÊME ?

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PIERRE ZAOUI

CAMILLE LAURENS

Elle a raconté la perte de son enfant dans Philippe (P.O.L, 1995), ses expériences amoureuses avec Dans ces bras-là (P.O.L, 2000) ou l’histoire, adaptée au cinéma en 2019 avec Juliette Binoche, d’une femme de 48 ans qui se fait passer pour une jeune fille sur les réseaux sociaux (Celle que vous croyez, Gallimard, 2016). Plus récemment, elle a publié une histoire du modèle d’Édouard Degas, La Petite Danseuse de quatorze ans (Stock, 2017).

Fin connaisseur de Spinoza, de Hume ou de Deleuze, il aborde de front ce que notre vie a de déchirant ou d’ordinairement minable. Après Spinoza. La décision de soi (Bayard, 2008), il propose une poignante Traversée des catastrophes (Seuil, 2010), analysant la maladie, la mort, le deuil et l’amour. Mais contre la surexposition de soi, il fait aussi l’éloge de l’effacement dans La Discrétion (Autrement, 2013).

J’Y PENSE

ET PUIS

JE M’OUBLIE Et si c’était à travers la perte, l’échec, la souffrance, que l’on avait une chance de devenir soi-même"? Pour l’écrivaine des amours et le philosophe auteur de La Traversée des catastrophes, c’est surtout le désir, même le plus embarrassant, qui signe notre adéquation à nous-mêmes. Propos recueillis par Michel Eltchaninoff / Photos Franck Ferville

PIERRE ZAOUI!: L’injonction contemporaine et publicitaire à être soi-même tout le temps, sur le mode du « be yourself », est absurde et contradictoire. Rien ne tue davantage mon désir que d’ordonner": « Désire ». De même essayer de correspondre en permanence à l’impératif « Sois toi-même » est le meilleur moyen de ne pas y parvenir. C’est d’ailleurs un motif tout récent dans l’histoire. Pendant très longtemps, la question était de savoir si l’on était adéquat à Dieu, à la Patrie, à sa place dans l’Univers – pas à soi-même. CAMILLE LAURENS!: Je ne crois pas non plus à l’authenticité, ce terme tellement à la mode aujourd’hui. Il n’y a pas de « moi profond » qu’il faudrait retrouver ou exhiber. Il existe un clivage, d’abord entre soi et les autres, mais aussi, de façon plus intime et parfois inconsciente, à l’intérieur même de soi. Dans Celle que vous croyez, je raconte l’histoire d’une femme de 48 ans divorcée avec deux enfants. Elle se fait passer, sur les réseaux sociaux, pour quelqu’un de beaucoup plus jeune et entame une histoire d’amour virtuelle avec un jeune homme. Elle s’identifie à ce double, qui devient son véritable moi. Et ce n’est pas un artifice mensonger, car elle sent en elle cette jeunesse et la possibilité d’aimer quelqu’un d’autre que ce que son âge et son statut social lui imposent. Elle expérimente simplement des virtualités. D’autres possibles font partie d’elle-même. P. Z.!: Pour être soi-même, il faudrait que ce « soi-même » existe vraiment. Or Claude Lévi-Strauss a raison de dire que le moi est « l’insupportable enfant gâté de la philosophie », qu’il faudrait plutôt placer le monde avant la vie, la vie avant l’homme et l’homme avant le soi. Car qu’est-ce que le moi, au fond"? L’archive de nos identifications successives,

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© Illustration : Jules Julien pour PM ; photo-droits d’inspiration : © DeNoyelle/Godong/Leemage ; Patrice Normand/Leextra via Leeemage.


Idées

LE CLASSIQUE SUBJECTIF

LÉONARD DE VINCI VU PAR

PATRICK BOUCHERON

« C’est le Léonard de Vinci retiré du monde qui me touche le plus » PATRICK BOUCHERON

© Patrice Normand/Leextra via Leeemage

Il est historien et professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Histoire des pouvoirs en Europe occidentale aux XIIIeXVIe siècles. Spécialiste du Moyen Âge et de la Renaissance italienne, il est l’auteur, entre autres, de Léonard et Machiavel (Verdier, 2008) et de Conjurer la peur. Sienne 1338. Essai sur la force politique des images (Seuil, 2013). Il vient de signer au Seuil La Trace et l’Aura. Vies posthumes d’Ambroise de Milan (IVe-XVI e siècles).

Derrière ce génie de la Renaissance disparu il y a cinq cents ans, Patrick Boucheron voit l’enfant apeuré, fasciné et terrorisé par l’eau, élément récurrent dans son œuvre. Mais aussi l’homme vieillissant qui a décidé de ne plus rien faire, expression suprême de l’artiste absolu.

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QUAND EST-ON SOI-MÊME ?

Ne peut être vendu séparément. © Photo Josse/Leemage. Illustration : StudioPhilo/William L.

CAHIER CENTRAL

JEAN-JACQUES ROUSSEAU

Les Rêveries du promeneur solitaire

(extraits)


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