Schiller cherche ses chaussettes chaudes
’avez-vous jamais remarqué que souvent, les gens très ordonnés, voire maniaques, abritent en eux-mêmes de véritables tempêtes de passions et d’idées contradictoires ? Et qu’inversement, ceux qui s’accommodent volontiers d’une dose de désordre, qui laissent leur bureau ou leur chambre en foutoir, sont nombreux à avoir une vraie autodiscipline, un fonctionnement psychique structuré, bien régulé ? Une explication de ce chassé-croisé se trouve peut-être dans une œuvre du romantique allemand Friedrich von Schiller, les Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (1795). Schiller part d’une observation générale sur la nature humaine : il y a en chaque être humain « quelque chose qui persiste et quelque chose qui change continuellement ». Ce qui change, ce sont nos états – nous passons ainsi de l’abattement à l’enthousiasme, de la spéculation abstraite à l’ivresse abrutissante. Ce qui se présente comme une unité stable, c’est notre personne, puisque, depuis l’enfance, quelque chose de nous-mêmes se maintient à travers le temps. De là, Schiller déduit que nous avons deux instincts contradictoires. L’instinct sensible « réclame du changement », il nous pousse à vouloir élargir notre intériorité, à enrichir notre connaissance du monde en traversant le plus d’états possible. Il s’agit donc d’une soif d’expériences et de voyages, d’une curiosité qui ne nous laisse aucun répit et permet de cultiver en nous la variété. Mais nous avons aussi un instinct formel, qui fait que nous avons tendance à prendre appui sur l’unité et la stabilité de notre personne pour tenter de gouverner le monde, le ranger, lui donner forme. Or ces deux instincts ne sont pas seulement en tension : selon Schiller, il existe un point de jonction entre eux, puisque l’instinct formel ne sera puissant, ne sera vraiment ordonnateur que si nous avons acquis une personnalité forte. Et cela s’obtient à condition de lâcher la bride à l’instinct sensible. « L’homme impose sa compréhension et sa forme à des portions d’autant plus considérables de monde et il crée d’autant plus de formes en dehors de lui que sa personnalité acquiert plus de force et de profondeur et sa raison plus de liberté. »
Appliqué au problème de l’ordre, et même à la thématique beaucoup plus terre à terre du rangement domestique, on voit qu’il y a une négociation subtile entre les deux instincts et que, peut-être, ceux qui seront les plus attentifs à la place des objets et à leur bonne répartition dans l’espace sont également ceux qui ont le plus cultivé leur tumulte intérieur ; tandis qu’au contraire, celui qui a complètement mis au pas sa vie psychique atteint la sérénité, n’éprouve plus vraiment le besoin de donner forme à ce qui l’entoure, puisqu’il a fini par s’appliquer à lui-même l’instinct formel.
J’ajoute une suggestion, qui n’est pas chez Schiller : il me semble qu’avec l’âge, on bascule assez naturellement de l’aspiration sensible à l’aspiration formelle. Les enfants, les adolescents sont pour la plupart indifférents à l’ordre. « Range ta chambre ! » sonne pour eux comme une injonction et une corvée. C’est que, quand on est jeune, il importe davantage de se découvrir et d’enrichir la gamme de ce qu’on ressent que d’attribuer une place fixe aux choses. Mais le temps passe, et il y a un point de bascule – vers trente-cinq ans ? – au-delà duquel on devient plus soigneux, plus casanier, précisément parce qu’on a cette assise en soi-même qui stimule nos pulsions organisatrices. Si tel est bien le processus, alors c’est l’instinct formel qui gagne à la fin : mais attention à ne pas trop l’assister dans cette victoire annoncée, car une fois que notre raison aura étendu son pouvoir législateur à notre environnement comme à nous-mêmes, il nous restera autant de vie qu’à un galet posé sur une plage !
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© Serge Picard pour PM illustration Charles Berberian pour PM.ILS ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO
P. 66
TIM INGOLD
Cet anthropologue enseigne à l’université d’Aberdeen en Écosse. Après des études universitaires à Cambridge, il consacre sa thèse à l’organisation sociale du peuple des Skolt-Sámi, en Finlande. Partisan d’une « philosophie vivante », il conçoit le monde comme un ensemble de relations, de lignes, et invite à repenser notre rapport à l’environnement. C’est l’objet de son ouvrage Une brève histoire des lignes, publié en 2011. Nous lui consacrons notre grand entretien.
P. 58
CATHERINE MALABOU
Cette spécialiste de philosophie contemporaine et allemande enseigne à l’Université Kingston, à Londres, et à l’Université de Californie, à Irvine. Élève de Jacques Derrida, elle développe, dans la perspective de la déconstruction chère à son maître, le concept d’ontologie « plastique », notamment dans Plasticité (2000). En 2022, elle publie Au voleur ! Anarchisme et philosophie, dans lequel elle s’intéresse à la critique de la domination et de la logique de gouvernement. Elle débat de la question du désordre politique avec le philosophe JeanClaude Monod.
P. 46
ASTRID CHEVANCE
Normalienne, agrégée d’histoire, cette médecin-psychiatre est spécialiste de la dépression et chercheuse en épidémiologie clinique. Elle a dirigé En finir avec les idées fausses sur la psychiatrie et la santé mentale (2022), livre qui mêle approches des sciences biomédicales, humaines et sociales. Pour elle, les troubles mentaux n’impliquent pas des comportements aussi désordonnés que nous pourrions le penser. Une réflexion qu’elle a accepté de partager avec nous.
P. 58
JEAN-CLAUDE MONOD
Ce philosophe, spécialiste de la pensée allemande post-hégélienne, est chargé de recherches au CNRS et enseigne à l’École normale supérieure. Il s’est intéressé aux rapports entre politique et religion, ainsi qu’à l’articulation du pouvoir avec la démocratie. Il est l’auteur de Qu’estce qu’un chef en démocratie ? (2012) et de L’Art de ne pas trop être gouverné (2019), où il se penche sur l’aspiration à une nouvelle forme d’ordre, moins coercitive. Il défend son point de vue face à Catherine Malabou.
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P. 52
SYLVIE CATELLIN
Cahier central STÉPHANE MADELRIEUX
Philosophe, professeur de philosophie à l’université Jean-MoulinLyon-3, il est spécialiste de la pensée pragmatiste américaine. Il a publié William James. L’attitude empiriste (2008) et La Philosophie de John Dewey (2016), et a participé à l’édition critique des œuvres d’Henri Bergson. Son dernier livre, Philosophie des expériences radicales (2022), s’intéresse à ces moments rares et supérieurs, qui rompent avec l’habitude et nous font toucher à l’absolu. Il a préfacé notre cahier central.
Maîtresse de conférences à l’université de Versailles-SaintQuentin-en-Yvelines, elle enseigne les sciences de l’information et de la communication. Ses recherches portent sur les liens entre sciences et culture, ainsi que sur les modalités de la construction des savoirs et de leur diffusion. En 2014, elle fait paraître Sérendipité. Du conte au concept, plaçant l’aléatoire et la surprise au cœur de la découverte scientifique. Elle décrit ce processus dans notre enquête sur le désordre au sein du monde du travail.
Ont participé à ce numéro : Hannah Attar, Adrien Barton, Charles Berberian, Manuel Braun, Paul Coulbois, Sylvain Fesson, Sophie Gherardi, Gaëtan Goron, Jules Julien, Frédéric Manzini, Catherine Meurisse, François Morel, Tobie Nathan, Serge Picard, Charles Pépin, Alain Pilon, Claude Ponti, Maxime Rovere, Oriane Safré-Proust, Séverine Scaglia, Isabelle Sorente, Nicolas Tenaillon, Pierre Terraz
ADMINISTRATION
Directeur de la publication : Fabrice Gerschel Éditeur délégué : Laurent Laborie Responsable administrative : Sophie Gamot-Darmon
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MENSUEL N° 166 - FÉVRIER 2023
Couverture : © Emil Schwärzler Origine du papier: Allemagne. Taux de fibres recyclées: 100 %. Le taux majoritaire indiqué Ptot est de 0,008. Tous les papiers que nous utilisons dans ce magazine sont recyclés ou issus de forêts gérées durablement et labellisés 100 % PEFC.
La rédaction n’est pas responsable des textes et documents qui lui sont envoyés. Ils ne seront pas rendus à leurs propriétaires.
SOMMAIRE
Ce petit vélo n’existe que dans ta tête p. 46
P. 3 Édito P. 8 Questions à Charles Pépin P. 10 Question d’enfant à Claude Ponti P. 12 Courrier des lecteurs
Déchiffrer l’actualité
P. 14 TÉLESCOPAGE
P. 16 REPÉRAGES P. 18 PERSPECTIVES
DOSSIER
Modeste dossier de demande d’emprunt auprès du roi de Babylone p. 22
Réforme des retraites, ou une seconde vie repoussée / Euthanasie, suicide assisté : comment légiférer ? / Les Ukrainiens, leur combat au nom de la vérité / Une intelligence artificielle capable de raconter des histoires P. 22 AU FIL D’UNE IDÉE Les taux d’intérêt P. 24 ETHNOMYTHOLOGIES par Tobie Nathan
Préférons-nous l’ordre ou le désordre ? P. 42 Petits arrangements avec le chaos P. 46 Le trouble mental. Interview de la psychiatre Astrid Chevance P. 50 L’ordre domestique selon Thomas Clerc P. 52 Le désordre au travail. Défaut ou qualité ? Enquête P. 56 L’art du jardin avec Jean-Pierre Le Dantec P. 58 Être ou ne pas être gouverné, avec Catherine Malabou et Jean-Claude Monod
Cheminer avec les idées P. 66 L’ENTRETIEN Tim Ingold P. 72 L’AVENTURE D’UN CLASSIQUE
Prendre la
tangente P. 30 REPORTAGE Birmanie : les nouveaux visages de la résistance P. 38 L’ŒIL DE LA SORCIÈRE par Isabelle Sorente
La grande histoire du Pragmatisme de William James accompagnée du Cahier central (agrafé entre les pages 50 et 51), comprenant des extraits de l’œuvre et une préface de Stéphane Madelrieux P. 78 BOÎTE À OUTILS
Divergences / Sprint Intraduisible / Strates P. 80 BACK PHILO
Livres
NOTRE
SÉLECTION AVEC…
P. 83 Pourquoi la guerre ?/ Frédéric Gros P. 85 L’Inconscient des animaux / Florence Burgat P. 86 Cours de poétique au Collège de France / Paul Valéry P. 89 Les Origines / Gérald Bronner
Un encart L’Éléphant (3 volets, 150 x 210 mm, 15 g) est jeté sur la une sur 7 000 exemplaires France Métropolitaine.
Ce numéro comprend en cahier central un encart rédactionnel (agrafé entre les pages 50 et 51) de 16 pages complétant notre rubrique « L’aventure d’un classique » et constitué d’une préface et d’extraits du Pragmatisme, de William James.
P. 90 Notre sélection culturelle P. 92 Agenda P. 94 OH ! LA BELLE VIE par François Morel P. 95 Jeux P. 96 Humaine, trop humaine par Catherine Meurisse P. 98 QUESTIONNAIRE DE SOCRATE Oxmo Puccino
PROVINCE DE PYONGAN DU SUD, CORÉE DU NORD
Le 15 décembre 2022 Cette photo, prise sur un site de lancement de satellites au nord-ouest du pays, a été publiée par l’agence de presse officielle de la Corée du Nord (KCNA) après un test de « moteur à combustible solide de forte poussée », prélude, selon le média d’État, au développement d’un nouveau type de missiles intercontinentaux.
Quel feu pourrait égaler le soleil d’un jour d’hiver où les campagnols sortent au pied des murs et la mésange à tête noire fait entendre sa mélopée au fond des bois ?
Déchiffrer l’actualité
« Nous vivons dans nos mythes autant que nos mythes vivent en nous »
Prendre la tangente
BIRMANIE LES NOUVEAUX
Un rebelle des Forces de défense du peuple (PDF), l’organisation mère de la rébellion birmane, patrouille autour de l’un des camps secrets de la résistance.
Depuis le coup d’État du 1er février 2021, la Birmanie est sous le joug d’une dictature sans équivalent. Alors qu’un gouvernement de l’ombre s’est formé en exil, la lutte armée s’organise sur place. Dans un pays en pleine guerre civile, notre reporter a rejoint clandestinement l’un des camps de la rébellion populaire afin de comprendre comment unir une nation aux 135 ethnies historiquement multiforme et divisée.
Texte et photos Pierre TerrazVISAGES DE LA RÉSISTANCE
PRÉFÉRONS-NOUS L’ORDRE OU LE DÉSORDRE ?
PARCOURS DE CE DOSSIER
Nul ne souhaiterait vivre dans un monde où régnerait un ordre irréprochable. Au niveau politique, ce serait la dictature. Au niveau privé, l’austérité. Et cependant, nous ne désirons pas non plus le chaos. Alors, quel est le bon dosage ?
P. 42
Cette question nous entraîne d’abord en métaphysique : si certains philosophes considèrent que le cosmos est un vaste bazar et l’ordre une fragile victoire des humains, d’autres insistent au contraire sur le fait que toutes les formes de création, qu’il s’agisse du vivant ou de l’art, ont besoin de l’étincelle de l’imprévu.
LA FATALITÉ DU CYCLE 3
P. 58
P. 46
Qu’est-ce que l’expérience du désordre intérieur, c’est-à-dire du délire ? A-t-il sa propre logique ? Le diagnostic de la psychiatre Astrid Chevance.
P. 50
L’écrivain Thomas Clerc nous a reçu chez lui. Il est maniaque, peut-être, n’empêche qu’il a tiré de son intérieur un infini.
LA FÉCONDITÉ DU DÉSORDRE 2
P. 52
Dans le monde du travail, un bureau bien rangé est-il source d’efficacité ? Faut-il avancer droit vers l’objectif ou s’ouvrir aux questions qui surgissent en chemin ? Réponses avec les chercheurs Sylvie Catellin, Vincent Calvez et le philosophe Alexis Lavis P. 56 Géométrique, le jardin à la française ? Pas si sûr, l’architecte urbaniste Jean-Pierre Le Dantec nous emmène y faire un tour.
Avec la pandémie et la guerre en Ukraine, notre époque est tiraillée entre la demande de sécurité des citoyens – d’ordre donc ! – et l’individualisme libéral, rétif à toute hiérarchie ou pensée collective. Une tension dont débattent les philosophes Catherine Malabou et Jean-Claude Monod.
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PETITS ARRANGEMENTS AVEC LE CHAOS
Si personne ne veut d’une vie ni d’une société intégralement rangées, synonymes d’ennui et de privation de liberté, il n’est pas évident de bien doser le désordre. Peut-on vraiment lui entrouvrir la porte sans qu’il ne dévaste tout ?
Dans son livre Le Sentiment de la beauté (1893), le philosophe George Santayana propose cette expérience de pensée : imaginez que les étoiles dans le ciel soient toujours aussi nombreuses qu’à présent mais qu’elles soient rangées. Mettons qu’elles dessinent des lignes parallèles. Ou encore un triangle. Ou même une croix. Est-ce que le ciel nocturne vous paraîtrait plus beau ?
Pour la plupart, nous aurions tendance à répondre par la négative. Dans le domaine esthétique, nous sommes nombreux à préférer un franc désordre, une abondance de formes surprenantes. Nous apprécions les forêts sauvages avec leurs troncs renversés, leurs plantes de tailles et d’espèces variées, plus que la sylviculture industrielle avec ses arbres alignés. Dans un film ou un roman, nous aimons de même découvrir des vies tourmentées, riches en imprévus et en passions inexorables – c’est ainsi que nous avons davantage envie de suivre l’histoire d’une policière nymphomane enquêtant sur les casinos de Macao que, mettons, celle d’un ingénieur, bon père de famille et pianiste amateur.
Cependant, ce n’est pas parce que nous aimons le désordre dans les paysages ou les fictions que nous sommes prêts à l’accueillir dans nos vies ! Nous avons tendance à surestimer notre goût pour le désordre, parce que nous le trouvons beau quand il nous est présenté comme un spectacle. Lorsque nous en faisons l’expérience directe, nos réactions sont bien plus mitigées. Nous avons beau clamer notre goût pour la fantaisie et la liberté, nous détestons qu’on nous passe devant dans une file d’attente, nous nous méfions des personnes qui titubent ou qui hurlent dans la rue, nous sommes hérissés quand quelqu’un sort son portable et parle à tue-tête dans un wagon, nous aimons que les trains arrivent à l’heure, que les automobilistes respectent les feux rouges et les priorités à droite, qu’il y ait
de la moutarde au supermarché et de l’essence à la station-service… Bref, que chacun fasse ce qu’il doive faire et que la vie sociale s’apparente à une mécanique bien huilée. Telle ou tel professe sa sympathie pour l’anarchie mais déteste les grèves paralysant le service public ou les manifestations qui s’enflamment. Dans un registre plus dramatique, on pourrait dire la même chose de la guerre, comme le montre aujourd’hui le destin de l’Ukraine : l’image d’une invasion nous terrifie, car c’est une irruption du chaos ; les bombardements paraissent plus terribles encore que les affrontements armés, parce qu’avec eux, la mort ne reste pas sur la ligne de front mais s’abat au hasard.
En réalité, il est possible que nous n’aimions ni le désordre total ni l’ordre total, les deux nous paraissant contraires à la vie – le premier la détruit, le second la fige. Nous recherchons plutôt une combinaison des deux. Mais quelles sont les proportions à respecter ? Pour la préparation de ce cocktail, l’histoire de la philosophie propose trois recettes.
1. L’ORDRE COMME VICTOIRE PRÉCAIRE
Selon une tradition de pensée insistante, l’ordre est conçu comme une victoire sur le désordre. Implicitement, cela signifie que le désordre est considéré comme premier. La réalité nous serait donnée comme une diversité de phénomènes obscurs, insensés, dans laquelle nous cherchons à repérer des régularités et à nous aménager des microcosmes habitables.
La Théogonie d’Hésiode, texte parmi les plus anciens qui nous soient parvenus (VIIIe siècle avant J.-C.), affirme qu’au commencement, il y avait le « Chaos » – du sanskrit kha, « cavité », « ouverture ». Le Chaos n’est pas le vide, puisque sa béance a un pouvoir matriciel : Hésiode raconte qu’en sont sorties les Ténèbres et la Nuit, lesquelles ont à leur tour donné naissance au Jour et à l’Éther… Il est difficile de suivre Hésiode dans son récit de la genèse. Cependant, le point important est que le gouffre est là avant la Terre et l’obscurité avant la lumière. Ce qui va nous permettre, à nous humains, de venir à l’existence n’est donc qu’un état avancé du cosmos, où nous avons à notre tour à mener une tâche ordonnatrice en créant des cités.
Dans un registre moins mythologique, les premiers théoriciens du contrat social conçoivent l’instauration des lois et d’un pouvoir souverain comme une manière de triompher de l’état de nature, perçu comme une absence de règles menaçante. Dans le Léviathan (1651), Thomas Hobbes précise que, dans l’état de nature, « si quelqu’un plante, sème, construit ou possède un endroit commode, on peut s’attendre
ASTRID CHEVANCE
Médecin psychiatre, agrégée d’histoire, elle s’intéresse à l’évaluation de l’efficacité et de la tolérance des traitements et au développement d’outils de mesure de la subjectivité au sein du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Inserm, Université de Paris, AP/HP). Cheffe de clinique en santé publique, elle mêle les approches des sciences biomédicales, humaines et sociales, comme dans le récent En finir avec les idées fausses sur la psychiatrie et la santé mentale, dont elle a coordonné l’écriture (Les Éditions de l’Atelier, 2022).
Pour la psychiatre Astrid Chevance, spécialiste de la dépression et chercheuse en épidémiologie clinique, le désordre apparent du trouble psychique masque un ordre radicalement autre, celui – souvent incompréhensible – de la maladie.
Propos recueillis par Cédric Enjalbert
Les psychiatres parlent plutôt de « trouble » que de « désordre » mental. Pourquoi ?
ASTRID CHEVANCE : La version française du DSM [Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders] , l’ouvrage de référence publié par l’Association américaine de psychiatrie, se présente en effet comme un manuel diagnostique et statistique des « troubles mentaux », là où l’anglais parle de « mental disorders ». C’est un choix de traduction. Le terme de « désordre » est employé sans difficulté par la sociologie normative, qui étudie nos comportements et nos institutions ; en psychiatrie, il l’est moins spontanément, car un jugement de valeur est suspecté d’être attaché aux notions d’ordre et de désordre. Mais le plus remarquable est que l’on parle non pas de maladie mais de « trouble ». Le terme « maladie » est réservé aux troubles recevant une explication physiopathologique, ce qui n’est pour l’instant pas le cas des troubles psychiques, bien qu’il existe des pistes et des hypothèses.
Parler de trouble plutôt que de désordre, est-ce aussi une manière d’éviter de se référer à un ordre normatif ?
On ne peut pas définir une pathologie sans définir le « normal ». Ensuite, est-ce que toute norme obéit à un jugement de valeur ? Je ne le crois pas. Il me semble qu’il y a plusieurs registres de normalité dans la pratique de la psychiatrie. Premièrement, il y a un ordre statistique. Les phénomènes humains suivent des lois, une certaine répartition des événements. Est considéré comme pathologique en médecine ce qui dévie par rapport à cette norme ou à cette répartition statistique. Mais la frontière entre normal et pathologique ne se réduit pas à la déviance statistique, heureusement. Il y a aussi le registre normatif de la personne elle-même, ce qu’elle décrit lorsqu’elle nous dit : « Je ne me
ressemble plus, j’ai changé. » Cet ordre peut être plus ou moins congruent à celui de son entourage qui, lui aussi, peut nous signifier que son parent a changé. La perception des troubles du comportement, des émotions, des pensées, diffère ainsi par rapport à un groupe d’appartenance, à un moment historique ou à une culture donnée. Le philosophe Georges Canguilhem le souligne : « L’état pathologique ne peut être dit anormal absolument, mais anormal dans la relation à une situation déterminée. » Cette dimension est prise en compte dans la nosographie [description et classification méthodique des maladies] contemporaine. Pour qu’il y ait trouble, il faut qu’il y ait souffrance clinique et changement dans le fonctionnement de la personne. Par exemple, dans le cas de la dépression, une tristesse acquiert une dimension pathologique si elle est en lien avec plusieurs autres symptômes et que l’on peut identifier une souffrance et une rupture de fonctionnement. Il existe donc plusieurs repères normatifs pour le psychiatre, qui repère un trouble par rapport à un « état de base » du patient.
L’état de base, est-ce un synonyme de la santé mentale ?
Et de la santé tout court, pour une personne donnée ! Cet état de base est une sorte de fiction utile, de modèle idéal de la personne qui est négocié entre les différentes parties de la relation clinique – le patient, le médecin, les proches, les soignants mais aussi les travailleurs sociaux, les éducateurs, etc. C’est à la fois le point de départ, avant le trouble, et le point d’arrivée, l’objectif thérapeutique. Ce n’est pas si simple de pouvoir le définir, notamment d’éviter d’alimenter des attentes irréalistes. Si quelqu’un vient nous voir et nous dit : cela fait vingt ans que j’ai mal au ventre et je ne vais pas bien depuis trois mois. Faut-il le ramener trois mois ou vingt ans en arrière ? Quel est son état de base ? Selon Georges Canguilhem, la guérison
BUREAU, FAIS TON OFFICE !
Dans nos entreprises, nous sommes invités à nous montrer « disruptifs » tout en nous pliant à l’extrême planification du travail. Nous avons rencontré une chercheuse en sciences de l’information et de la communication, un professeur en management stratégique et un philosophe, qui s’inquiètent de l’effet de ces injonctions contradictoires : n’ont-elles pas vocation à engendrer une autre forme de bouleversement, celui du sens même du travail ? Enquête.
Par
Samuel Lacroix / Photos Olivier Culmann/Tendance FloueLA FÉCONDITÉ DU DÉSORDRE
«
Le foutoir sur ton bureau, ça me stresse ! » Si vous êtes quelqu’un de bordélique, n’ayant aucune difficulté à laisser votre espace de travail en désordre, vous avez sûrement déjà entendu une telle remontrance de la part de l’un de vos collègues. Le bureau se partage effectivement entre deux catégories d’individus : ceux qui ont besoin de ranger et d’évoluer dans un environnement ordonné, délesté de tout élément parasite ou superflu ; et les autres, que les amas de feuilles volantes, dossiers et autres babioles en tout genre ne dérangent absolument pas. Des différences de caractère et d’appréhension qui pourraient passer pour anecdotiques mais qui semblent avoir des effets importants sur notre manière même de travailler et donc d’interagir avec nos collègues. Une étude réalisée par des chercheurs de l’université du Minnesota, publiée en 2013 dans la revue Psychological Science, a ainsi établi que, si un bureau ordonné aide l’individu à simplement faire ce que l’on attend de lui, à se concentrer sur des consignes à respecter, un environnement désordonné favorise quant à lui l’esprit créatif et l’innovation « Un cadre propre amène les gens à faire de bonnes choses : ne pas commettre de faute, ne pas jeter de déchets et faire preuve de plus de générosité, explique la psychologue Kathleen Vohs, coautrice de l’étude. Cependant, nous avons constaté que vous pouvez obtenir des résultats vraiment incroyables lorsque vous vous trouvez dans un environnement désordonné. »
Parmi les expériences menées par les chercheurs, l’une concerne 34 étudiants néerlandais répartis dans deux pièces. Les participants placés dans des environnements ordonnés ont eu tendance à donner en moyenne deux fois plus à une association caritative, lorsque cela leur a été proposé, que ceux placés dans des pièces en désordre. En revanche, une autre expérience impliquant 48 étudiants américains dans des conditions similaires a mis en évidence que les participants avec des bureaux en désordre ont, par exemple, mieux su imaginer et proposer des usages originaux pour une balle de ping-pong. « Les environnements désordonnés semblent inspirer un esprit révolutionnaire, ce qui peut produire des points de vue inédits, conclut Kathleen Vohs. Les environnements ordonnés, eux, encouragent ce qui est conventionnel, le choix de la sécurité. » Finalement, « être dans une pièce en désordre a conduit à quelque chose que les entreprises, les industries et les sociétés recherchent avidement : la créativité ».
UNE SÉRENDIPITÉ BRIDÉE
LA FATALITÉ DU CYCLE 3
CATHERINE
MALABOU
Spécialiste de Hegel, elle est professeure à l’Université Kingston, au Royaume-Uni, et à l’Université de Californie, à Irvine. Son dernier essai, Au voleur. Anarchisme et philosophie (PUF, 2022), revient sur les relations entre anarchie et philosophie dans la pensée politique contemporaine, de Michel Foucault à Jacques Rancière et à Giorgio Agamben.
JEAN-CLAUDE MONOD
Chercheur au CNRS et professeur à l’École normale supérieure, il est spécialiste de la pensée de Hans Blumenberg et de Michel Foucault. Il a notamment publié Qu’est-ce qu’un chef en démocratie ? (Seuil, 2012) et L’Art de ne pas être trop gouverné (Seuil, 2019).
ÊTRE OU NE PAS ÊTRE GOUVERNÉ ?
Face aux bouleversements provoqués par la crise écologique, les plateformes numériques ou le retour de la guerre, faut-il en appeler à l’État et aux institutions publiques pour préserver l’ordre ? Ou faut-il faire davantage confiance à la capacité d’auto-organisation des individus et des sociétés, et à la fécondité du désordre ? Catherine Malabou, théoricienne de l’anarchie, croise le fer avec Jean-Claude Monod, penseur de la gouvernementalité. Propos recueillis par Martin Legros
CATHERINE MALABOU : Dans la vie de tous les jours, je suis moyennement ordonnée, sans être maniaque du rangement. En revanche, il y a un domaine dans lequel je suis intraitable, c’est le domaine intellectuel. Quand j’écris ou quand je pense, j’ai toujours besoin de faire des plans, je ne peux rien faire tant que le déroulé du raisonnement n’est pas clairement établi dans mon esprit. Dans ce registre, Descartes a parfaitement raison : une idée ne prend sens que dans l’ordre et la clarté des raisons. Et chez les autres, c’est pareil, je ne supporte pas les pensées confuses, cela me hérisse.
JEAN-CLAUDE MONOD : Je suis relativement bordélique. J’ai toujours du mal à ranger mon bureau et mon appartement. Cela ne m’empêche pas de redouter le désordre. Je suis fonctionnaire, père de famille… Je préfère qu’il y ait de l’ordre dans les rues, que je ne m’inquiète pas à chaque seconde pour mes enfants, je suis content de ne pas vivre dans le chaos d’une guerre civile. Le goût de l’ordre est naturel, mais si l’ordre se durcit, se fossilise, il empêche la vie et la liberté. C’est là où la tension devient intéressante : les vivants que nous sommes, en quête d’ordre, sont habités par une inquiétude
fondamentale. Ce que John Locke appelait l’« uneasiness », l’incapacité à rester en place. On le ressent tous : une vie « rangée » est synonyme d’ennui. Il y a en nous une poussée vers des aventures en tout genre. Sur le plan politique, personne n’a envie de vivre dans un État qui contrôlerait tout. Et ce qui nous intéresse dans toutes les formes de protestation, c’est qu’elles mettent à mal la prétention de l’ordre à être bien fondé.
C. M. : Le concept d’ordre est double, scindé même peut-être, ce qui introduit déjà en lui un certain désordre. Dans la pensée, l’ordre est une condition de possibilité absolue. J’ai évoqué Descartes. Dans l’ontologie, l’ordre est une nécessité de répartition, de distribution. Je pense aux trois ordres de Pascal (ordres des corps, des esprits, de la charité), qui délimitent ce que l’on peut et ce que l’on ne peut pas comprendre. En politique, le sens de l’ordre est beaucoup plus ambigu, il désigne l’organisation mais aussi la répression, la dictature, la mise au pas, comme on l’entend dans le nom du mouvement néofasciste Ordre nouveau. Il s’agit donc d’un concept très difficile à manier. Le meilleur et le pire sont inscrits en lui.
J.-C. M. : La question de l’ordre et du désordre est au cœur de notre actualité. Pensons au mouvement des « gilets jaunes » ou à celui des zadistes. Ou au mouvement antivax suscité par le Covid. Ils procèdent tous de ce que j’appelle, dans les pas de Michel Foucault, une aspiration à « ne pas être trop gouvernés » ou à « ne pas être gouvernés comme ça ». Mais si Foucault sympathisait avec la plupart des « révoltes de conduite », à la fin des années 1970, il reliait aussi ce refus grandissant des hiérarchies verticales à la montée en puissance de l’idéologie néolibérale qui joue sur le sentiment du trop d’État et invite chacun à maximiser le capital qu’il est pour soi-même.
C. M. : Selon moi, nous vivons un grand retour de l’anarchie. Anarchie de fait d’abord qui voit l’État perdre de plus en plus sa capacité à protéger le social. Mais anarchie d’éveil aussi avec une aspiration multiforme, des zadistes aux « gilets jaunes », à se détacher des modèles d’organisation pyramidaux et à
« Chaque être vivant doit être imaginé comme la ligne de son propre mouvement »
BORIS MIKHAÏLOV DE LA SÉRIE « YESTERDAY’S SANDWICH », 1966-68 © BORIS MIKHAÏLOV VG BILD-KUNST, BONN. COURTESY GALERIE SUZANNE TARASIÈVE, PARIS
EXPOSITION
BORIS MIKHAÏLOV. JOURNAL UKRAINIEN À LA MAISON EUROPÉENNE DE LA PHOTOGRAHIE, À PARIS, JUSQU’AU 15 JANVIER 2023
Cheminer dans les idées
«
Pour apprendre une chose, tu dois commencer par la faire » TIM INGOLD
Rencontrer la pensée de Tim Ingold, c’est passer de l’autre côté du miroir. On ne voyait que des objets, des matériaux statiques, et voilà qu’apparaît, grâce à cet anthropologue britannique passionné par l’artisanat et l’environnement, tout un univers dynamique tramé de lignes. De quoi imaginer de nouvelles manières d’habiter le monde. Propos recueillis par Sven Ortoli / Photos Serge Picard
En quittant l’anthropologue Tim Ingold devant la gare du Nord, où il file attraper la navette pour Londres, j’ai envie de retourner à la fac. La sienne de préférence, à Aberdeen. Ingold, c’est le gars qui entraîne ses étudiants sur une plage écossaise un jour de tempête hivernale pour continuer avec eux la réflexion entamée en salle de cours sur la perception d’un paysage : où commence la plage et où finit la mer ? Et observer du haut d’un brise-lames un monde en mouvement, fait de flux et de reflux, d’océan et de ciel, « un monde météorologique ». Ce jourlà, dit-il, nous avons découvert un monde sans objets.
Voilà la base de sa pensée : percevoir l’environnement non pas comme ce qui entoure la place où je trône, seigneur en mon royaume dans un espace peuplé d’objets statiques, mais comme un monde qui bouge et qui vit, un monde de relations par-delà les binômes commodes mais poussiéreux de nature et culture, contenu et contenant, extérieur et intérieur. Nous faisons partie de ce qui nous environne, nous sommes des relations, des trames tissées de trajectoires. Partout, visibles ou invisibles, nous traçons des lignes analogues à celles que laissent les Inuits dans la neige. Et l’écologie, c’est « l’étude de la vie des lignes ».
Qu’est-ce qu’un anthropologue, selon Ingold ? C’est quelqu’un qui pratique ce qu’il appelle « une philosophie vivante ». Une anthropologie donc, qui ne place pas plus la main en appendice de la pensée qu’elle n’oppose l’esprit, souverain planificateur, à la matière, objet passif de ses observations.
Considérez, par exemple, la cathédrale de Chartres : elle n’est pas « le glorieux achèvement de la vision spéculative d’un architecte inconnu ». Pas de plan précis, ni de division ontologique entre la conception intellectuelle et l’exécution mécanique, mais une accumulation de « pratiques désordonnées et contingentes qui nourrissaient nécessairement une entreprise traversant plusieurs générations ».
Considérez maintenant un tumulus rond qu’il est d’usage en Préhistoire de classer comme un ancien monument. Sans doute a-t-il été jadis un lieu de mémoire, mais il n’a jamais cessé de croître : « Ne le voyez pas comme un objet achevé et cachant ses secrets dans son intérieur sombre et fermé. Il est ouvert au monde. Le tumulus n’est pas construit, il croît. »
Considérez le monde, dit en somme Ingold, en devenir.
LE PRAGMATISME Une pensée à hauteur d’homme
Quelles sont les conséquences pratiques d’une philosophie, d’un concept, d’une idée ? C’est la question qui anime William James. En proposant une nouvelle manière de penser, il évalue ainsi la capacité à intégrer le sujet dans un réel en perpétuel changement.
Par Victorine de Oliveira