MENSUEL N° 134 Novembre 2019
“Merleau-Ponty S’INITIER AU CHAMANISME ? m’a réconciliée CÉCILE DE FRANCE DIALOGUE AVEC
CHARLES STÉPANOFF
avec le corps” SIRI HUSTVEDT
POURQUOI SOMMES-NOUS SI FATIGUÉS ?
CAHIER CENTRAL
JONATHAN CRARY capitalisme 24/7 àLel’assaut du sommeil
CAHIER CENTRAL
JONATHAN
(extraits)
CRARY PHIL0134P001-016_cc.indd 1
07/10/2019 14:38
24/7 Le capitalisme à l’assaut du sommeil
L 17891 - 134 - F: 5,90 € - RD
SI FATIGUÉS ?
Ne peut être vendu séparément. © CP. Illustration : StudioPhilo/William L.
Mensuel / France : 5,90 € Bel./Lux./Port. cont. : 6,50 € Suisse : 11 CHF Andorre : 6,20 € Allemagne : 6,90 € Canada : 11,50 $CA DOM : 8 € COM :1 000 XPF Maroc : 70 DH Tunisie 11,30 TND Espagne/Italie : 6.5 €
POURQUOI SOMMES-NOUS
ÉDITO
L’œil de
Berberian Par Alexandre Lacroix Directeur de la rédaction
La meilleure des drogues es gens ne disent pas la vérité lorsqu’ils parlent de leurs enfants. » J’étais en train de boire une bière avec un ami écrivain, Jean« Pierre, à la terrasse de L’Express de Lyon, à Paris. Nous venions de terminer un rendez-vous de travail et échangions librement à propos de notre expérience de la paternité. Jean-Pierre ayant consacré sa jeunesse au militantisme, à la politique, aux voyages et à la découverte de divers métiers, il a eu ses deux enfants sur le tard, à 50 ans passés. Il ne lui était pas très facile, me racontait-il, d’évoquer son enthousiasme de jeune père, de « néoconverti », devant ses amis, qui ne comprenaient pas vraiment son choix et le prenaient un peu pour un fou. Mais sa paternité lui procurait une joie immense, à laquelle il ne s’attendait même pas. Il poursuivit : « Les gens parlent sans arrêt des couches, des réveils la nuit, des biberons, des soucis de santé, de la nounou malade, des devoirs à faire, des repas à préparer, des corvées, de la fatigue… » Cette fatigue, il n’avait pas besoin de me la décrire par le menu : je la connais intimement. Je suis père de cinq enfants. Le premier est né en l’an 2000 et le dernier, qui a 2 ans, se réveille encore presque toutes les nuits – cela fait donc dix-neuf ans que je ne sais plus ce qu’est une grasse matinée et qu’ouvrir les yeux à 8h30, le dimanche, m’apparaît comme un cadeau inespéré. Pendant ces années, je me suis habitué aux nuits hachées par les pleurs, les rhumes, les fièvres, le murmure d’un petit qui parle tout seul (c’est toujours étonnant d’entendre marmonner un bout de chou du fond d’un rêve), des allers-retours pour des pipis aux toilettes. J’ai appris grâce à eux, et par la force des choses, à m’endormir ou à me rendormir en quelques secondes, à trouver le repos en dépit d’un pleur ou d’une toux persistante. De toutes les fatigues – celles qui sont liées au travail ou au sport –, celles de l’éducation sont certainement parmi les plus rudes ; car les enfants en bas âge vous contraignent à une vigilance permanente, leur présence réduit le courant du sommeil à un simple filet d’eau transparent à travers lequel on perçoit toujours le monde extérieur. « Mais la vérité, poursuivit Jean-Pierre, on ne l’avoue pas. La vérité, c’est que les enfants sont un excitant, une drogue. Au même titre que le café, le tabac, l’alcool. Comme toutes les drogues, ils rendent la vie plus intense. Alors, bien sûr que c’est éprouvant, qu’ils mettent notre organisme à rude épreuve. Cependant, grâce à eux, on vit dans une forme d’illumination et de légèreté, on est transporté, le quotidien a des couleurs plus vives. C’est pour ça qu’on y revient sans cesse, qu’on en veut toujours plus, et moi je comprends très bien qu’après un premier enfant, on ait envie d’un deuxième, puis d’un troisième. On devient accro, parce que c’est la meilleure de toutes les drogues… » Et de toutes les drogues, c’est également la seule, me dis-je, qui ne soit pas tournée vers la mort, mais vers la vie.
© Serge Picard pour PM ; illustration : Charles Berberian pour PM.
L
N’hésitez pas à nous transmettre vos remarques sur
reaction@philomag.com
Philosophie magazine n° 134 NOVEMBRE 2019
3
P. 68 Quel rapport entre le chant d’un merle et la pensée philosophique ? C’est l’une des questions que pose cette spécialiste des sciences dans notre grand entretien. Passionnée d’éthologie, elle vient de publier Habiter en oiseau. Son œuvre noue un dialogue entre des intelligences et des mondes qui se côtoient rarement : éthologues et philosophes, oiseaux et humains. Une façon pour elle de s’interroger sur la construction des savoirs et de célébrer la beauté du vivant, qui surprend ceux qui savent le regarder.
EDGAR MORIN
P. 62 Cela fait presque un siècle qu’il arpente les territoires de la « pensée complexe ». À 98 ans, il se définit encore comme « un éternel étudiant » et vient de publier ses mémoires, Les souvenirs viennent à ma rencontre. Quel est son secret de Jouvence ? Peut-être le fait d’avoir dû lutter très tôt : après une complication qui a failli l’emporter à la naissance, il a perdu jeune sa mère puis est entré dans la Résistance. Et si l’énergie la plus flamboyante était un pied de nez à la mort ?
ANNA KATHARINA SCHAFFNER
P. 58 Romancière, docteure en philosophie, professeure de littérature comparée et spécialiste des humanités médicales, elle propose une approche historique et littéraire de thèmes scientifiques. Elle a signé une histoire de la fatigue, Exhaustion: A History (non traduit). Dans notre dossier, elle soutient que si chaque époque croit détenir la palme de l’épuisement, la fatigue « traverse les temps et les frontières » et a toujours hanté les hommes.
4
Philosophie magazine n° 134 NOVEMBRE 2019
SIRI HUSTVEDT
P. 74 Romancière, essayiste et professeure en psychiatrie à l’Université Cornell, l’Américaine explore dans le recueil Vivre, Penser, Regarder les lignes de contact entre la philosophie de la conscience et les sciences. Lectrice passionnée de Maurice MerleauPonty, elle souligne l’importance du phénoménologue pour qui veut saisir les interactions corps-esprit – et s’en sert pour questionner les neuro sciences. Elle vient de faire paraître un roman autobiographique, Souvenirs de l’avenir.
SACHA GOLDBERGER
CÉCILE DE FRANCE
P. 28 Depuis qu’elle a reçu en 2003 le césar du Meilleur Espoir féminin pour son rôle dans L’Auberge espagnole, elle n’a cessé de briller en France comme à l’étranger. L’actrice belge a tourné avec les frères Dardenne, Wes Anderson, Clint Eastwood. Elle est actuellement l’héroïne d’Un monde plus grand, réalisé par Fabienne Berthaud. Ce monde, c’est celui de la Mongolie et du chamanisme. Elle s’y replonge avec l’ethnologue Charles Stépanoff, entre expérience du deuil et immersion au cœur de la nature.
Couverture Avez-vous déjà vu un superhéros… s’asseoir ? Ultime aveu de faiblesse de celui qui doit toujours être infatigable. Le photographe, dont nous avons choisi une œuvre pour notre couverture, adore capturer ce genre de paradoxes. Son portfolio est riche en oxymores : une pin-up se retrouve dans un décor des frères Grimm, des femmes de Cro-Magnon atterrissent dans un environnement technologique, une mamie devient une sorte de Superman… Cet ancien directeur artistique dans la publicité est aussi écrivain. Et cultive avec talent la beauté de l’hybride.
SERVICE ABONNÉS abo@philomag.com / 01 43 80 46 11 Philosophie magazine, 4, rue de Mouchy, 60438 Noailles Cedex - France Tarifs d’abonnement : prix normal pour 1 an (10 nos) France métropolitaine : 57 € TTC (TVA 2,1 %). UE et DOM : 69 €. COM et Reste du monde : 77 €. Formules spéciales pour la Belgique et la Suisse Belgique : 070/23 33 04 abobelgique@edigroup.org Suisse : 022/860 84 01 abonne@edigroup.ch Diffusion : MLP Contact pour les réassorts diffuseurs : À Juste Titres, 04 88 15 12 42, Julien Tessier, j.tessier@ajustetitres.fr RÉDACTION redaction@philomag.com Directeur de la rédaction : Alexandre Lacroix Rédacteurs en chef : Martin Legros, Michel Eltchaninoff Conseillers de la rédaction : Sven Ortoli Chefs de rubrique : Victorine de Oliveira, Martin Duru, Catherine Portevin Rédacteurs : Samuel Lacroix, Octave Larmagnac-Matheron Secrétaires de rédaction : Noël Foiry, Marie-Gabrielle Houriez Création graphique : William Londiche / da@philomag.com Graphiste : Alexandrine Leclère Responsable photo : Stéphane Ternon Rédactrice photo : Marie Fantozzi Rédacteur Internet : Cédric Enjalbert Webmaster : Cyril Druesne Ont participé à ce numéro : Julie Balagué, Adrien Barton, Charles Berberian, Jean-Luc Bertini, Édouard Caupeil, Paul Coulbois, Philippe Garnier, Bertrand Gaudillère, Gaëtan Goron, Philippe Huneman, Frédéric Manzini, Catherine Meurisse, François Morel, Tobie Nathan, Ariane Nicolas, Charles Pépin, Serge Picard, Emmanuel Polanco, Claude Ponti, Quentin Regnier, Oriane Safré-Proust, Séverine Scaglia, Isabelle Sorente, Nicolas Tenaillon ADMINISTRATION Directeur de la publication : Fabrice Gerschel Responsable administrative : Sophie Gamot-Darmon Responsable abonnements : Léa Cuenin Fabrication : Rivages Photogravure : Key Graphic Impression : Maury imprimeur, Z.I., 45300 Manchecourt Commission paritaire : 0521 D 88041 ISSN : 1951-1787 Dépôt légal : à parution Imprimé en France/Printed in France / Philosophie magazine est édité par Philo Éditions, SAS au capital de 340 200 euros, RCS Paris B 483 580 015 Siège social : 10, rue Ballu, 75009 Paris Président : Fabrice Gerschel RELATIONS PRESSE Canetti Conseil, 01 42 04 21 00 Françoise Canetti, francoise.canetti@canetti.com PUBLICITÉ Partenariats/Publicité Audrey Pilaire, 01 71 18 16 08, apilaire@philomag.com MENSUEL NO 134 - NOVEMBRE 2019 Couverture : © Sacha Goldberger
2017 Origine du papier : Italie. Taux de fibres recyclées : 0 %. Tous les papiers que nous utilisons dans ce magazine sont issus de forêts gérées durablement et labellisés 100 % PEFC. Le taux majoritaire indiqué Ptot est de 0,009.
La rédaction n’est pas responsable des textes et documents qui lui sont envoyés. Ils ne seront pas rendus à leurs propriétaires.
© Édouard Caupeil pour PM ; CP ; Catherine Gugelmann/Opale/Leemage ; Jean-Luc Bertini pour PM ; Arnaud Meyer/Leextra via Leemage ; CP.
VINCIANE DESPRET
ILS ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO
10, rue Ballu, 75009 Paris Tél. : 01 43 80 46 10 www.philomag.com
Applique Lilti p. 86
DANS NOTRE CHAMBRE À PENSER CE MOIS-CI
Acid House Radio p. 56
Attrape-rêves des chasseurs de rennes p. 28 Enceinte connectée au Royaume des invisibles p. 68 Oreiller pour super-héros fatigués p. 95
Outil de l’exploitation capitaliste p. 46
Somnifères antiproductivistes Crary® Cahier central
Couette phénoménale pour femme qui tremble p. 74
Tranquillisants de la préfecture de Seine-Maritime p. 18
SOMMAIRE P. 3 Édito
P. 8 Questions à Charles Pépin
Œuvres complètes de Jean-Baptiste Botul p. 98
P. 10 Questions d’enfants à Claude Ponti P. 12 Courrier des lecteurs
DOSSIER Pourquoi sommes-nous si fatigués ? P. 46 Fatigo, ergo sum
P. 49 Le syndrome de fatigue chronique
par Jean-Dominique de Korwin
P. 50 Penseurs fourbus vs. penseurs pêchus P. 52 Intensément vulnérables.
Déchiffrer l’actualité P. 14 TÉLESCOPAGE P. 16 REPÉRAGES
P. 18 PERSPECTIVES
Arme de distraction massive p. 8
Témoignages commentés par Éric Fiat P. 58 Qu’est-ce qui nous empêche de dormir ? Enquête P. 62 « Lorsque les idées viennent, je suis en état de transe », avec Egdard Morin
L’incendie de Rouen et le principe de précaution / Greta Thunberg, radicale puritaine ? / L’attaque à la préfecture de police de Paris analysée par Souleymane Bachir Diagne / Joker du cinéaste Todd Phillips, ou l’ambivalence du rire P. 22 AU FIL D’UNE IDÉE Le vent P. 24 ETHNOMYTHOLOGIES par Tobie Nathan
Cahier central Agrafé entre les pages 50 et 51, notre supplément : 24/7. Le capitalisme à l’assaut du sommeil, de Jonathan Crary
Prendre la tangente
P. 74 LE CLASSIQUE SUBJECTIF
P. 28 DIALOGUE
Cécile de France et Charles Stépanoff : chamanes, les chasseurs de l’invisible P. 34 ESSAI Mon ADN, mes ancêtres et moi par Philippe Huneman P. 42 MOTIFS CACHÉS par Isabelle Sorente
Cheminer avec les idées P. 68 L’ENTRETIEN
Vinciane Despret
Maurice Merleau-Ponty vu par Siri Hustvedt P. 80 BOÎTE À OUTILS Divergences / Sprint / Intraduisible / Strates
Livres
P. 82 ESSAI DU MOIS
La Panthère des neiges / Sylvain Tesson
P. 83 ROMAN DU MOIS Un encart Arte (1 page, poids 6,7 g, format : 148 x 210 mm) est jeté sur la une de ce numéro 134 de Philosophie magazine et est adressé à l’ensemble des abonnés France métropolitaine. Un encart La Croix (4 pages, poids : 9 g, format : 148 x 150 mm) est jeté sur la une de ce numéro 134 de Philosophie magazine et est adressé à l’ensemble des abonnés France métropolitaine.
Pantoufles datant du Néolithique moyen p. 34
© Illustration : Paul Coulbois pour PM
Cachette favorite du rat humanoïde p. 42
Ce numéro comprend en cahier central un encart rédactionnel (agrafé entre les pages 50 et 51) de 16 pages complétant notre dossier « Pourquoi sommes-nous si fatigués ? », constitué d’une présentation et d’extraits de 24/7. Le capitalisme à l'assaut du sommeil,de Jonathan Crary.
PHILOSOPHIE MAGAZINE N° 135 PARAÎTRA LE 28 NOVEMBRE 2019
La Terre invisible / Hubert Mingarelli
P. 84 CARREFOUR
Notre commune urbanité
P. 86 Nos choix
P. 90 Notre sélection culturelle P. 92 Agenda
P. 94 LA CITATION CORRIGÉE
par François Morel
P. 95 Jeux
P. 96 Humaine, trop humaine
par Catherine Meurisse
P. 98 QUESTIONNAIRE DE SOCRATE
Frédéric Pagès
Philosophie magazine n° 134 NOVEMBRE 2019
7
Tangente
DIALOGUE
CÉCILE DE FRANCE
Actrice belge, formée à l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre de Lyon, elle s’est fait connaître avec L’Auberge espagnole (2002), de Cédric Klapisch, pour lequel elle reçoit le césar du Meilleur Espoir féminin, et avec sa suite Les Poupées russes, césar de la Meilleure Actrice dans un second rôle. Depuis, elle tourne avec les plus grands cinéastes, de Clint Eastwood aux frères Dardenne en passant par Wes Anderson. Dans Un monde plus grand (en salles le 30 octobre), de Fabienne Berthaud – adapté de l’expérience et du livre de Corine Sombrun, Mon initiation chez les chamanes (Albin Michel, 2004) –, elle incarne avec beaucoup de finesse une Occidentale qui découvre le chamanisme mongol.
CHA
MA
CHARLES STÉPANOFF
Ethnologue, il est maître de conférences à l’École pratique des hautes études et membre du Laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France. Après être passé par la philosophie à l’École normale supérieure, il a mené de nombreuses enquêtes sur le chamanisme en Sibérie. Son dernier livre, Voyager dans l’invisible (La Découverte), salué par Philippe Descola comme « une somme qui fera date », explore les différentes cultures et techniques chamaniques avec une question centrale : pourquoi avons-nous renoncé à cultiver cette compétence de circuler dans l’invisible pour confier à des « experts », artistes, écrivains, vidéastes, le soin de diriger du dehors notre imagination ?
NES
Tiré d’une histoire vraie, le film Un monde plus grand (en salles le 30 octobre) voit Cécile de France interpréter une jeune Française qui s’est initiée au chamanisme en Mongolie. C’est aussi le sujet de l’essai que Charles Stépanoff vient de faire paraître, Voyage dans l’invisible. Techniques chamaniques de l’imagination. Avec une thèse forte : c’est grâce au chamanisme qu’Homo Sapiens, ce « prédateur empathique », a appris à se projeter dans le monde des animaux, des forêts et des montagnes. Nous avons réuni l’actrice qui se sent désormais un peu chamane et l’anthropologue qui invite à retrouver le contact perdu avec les esprits de la nature. Propos recueillis par Martin Legros / Photos : Jean-Luc Bertini
Les chasseurs
d’invisible
28
Philosophie magazine n° 134 NOVEMBRE 2019
Tangente
ESSAI
34
Philosophie magazine n° 134 NOVEMBRE 2019
Mon
ADN,
mes ancêtres
et moi
Que révèlent mes gènes sur mes origines ? Philippe Huneman, philosophe spécialiste des questions de biologie, a fait un test génétique pour découvrir qui étaient ses ancêtres. Il nous en livre les résultats et s’interroge sur la manière dont son itinéraire personnel se nourrit de l’histoire de l’humanité. Illustrations : Emmanuel Polanco
PHILIPPE HUNEMAN
D «
© CP
Directeur de recherche à l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques (CNRS/ Paris-1-Sorbonne), il est spécialiste de la philosophie de la biologie et de l’écologie. Il a aussi fait paraître des articles sur les théories du complot. En janvier 2020, il publie un ambitieux essai qui est une initiation au questionnement et à la philosophie des sciences : Pourquoi ? Une question pour découvrir le monde (Autrement).
’où je viens ? » Face à cette énigme qui touche au cœur de mon identité, la biotechnologie la plus récente propose une réponse accessible à tous avec les tests génétiques dits d’ancestralité. Que nous apprennent-ils sur des aspects intimes de nous-mêmes ? Et que doit-on véritablement en attendre ? Pour répondre à ces questions, je m’y suis collé moi-même. Ce type de tests étant interdits en France, on doit s’adresser à des compagnies américaines qui le vendent sur Internet ; deux sociétés dominent ce marché, 23andMe et Ancestry. J’ai choisi la première qui dispose d’une plus grosse base de données, même si, au fond, les deux se valent. La vogue de ces tests s’explique par la mystique de l’ADN – l’idée que l’acide déso xyribonucléique, support d’une information héréditaire situé dans le noyau des cellules, contient le secret de la vie en général et d’un
Philosophie magazine n° 134 NOVEMBRE 2019
35
Dossier
POURQUOI SOMMES-NOUS
SI FATIGUÉS ? PARCOURS DE CE DOSSIER
P. 46
Le temps de sommeil moyen des Français se réduit depuis plusieurs décennies. Quelles sont les causes de ce phénomène ? La technologie, le travail sur écrans ou encore le culte de la performance ? La fatigue ne devrait-elle pas nous rappeler que nous ne sommes pas des ordinateurs et que nous avons un corps ?
P. 49
Et qu’en pense la médecine ? Le spécialiste du syndrome de fatigue chronique Jean-Dominique de Korwin nous délivre son diagnostic.
© Sacha Goldberger
P. 50
Du côté des philosophes classiques, deux camps s’opposent : certains, à l’instar d’Augustin ou de Simone Weil, considèrent que la fatigue doit être écoutée et accueillie, car elle est liée à la vulnérabilité humaine, quand d’autres veulent s’en débarrasser, comme Plotin ou Jean-Paul Sartre.
P. 52
De quels rythmes fous les humains sont-ils capables ? Un navigateur en solitaire, une infirmière de nuit, un DJ, une patiente atteinte de la maladie de Lyme et un avocat qui ne dort presque pas racontent leurs expériences, commentées par le philosophe Éric Fiat, auteur d’une Ode à la fatigue.
P. 58
Le capitalisme veut-il nous empêcher de dormir afin que nous produisions et consommions sans cesse ? L’essayiste Dalibor Frioux, la chercheuse Anna Katarina Schaffner et la journaliste scientifique Jessa Gamble répondent.
P. 62
Pour finir, nous sommes allés voir un infatigable : comment donc fait Edgar Morin pour écrire et donner des conférences partout à travers le monde, à 98 ans ? Vous souhaitez réagir à cet article ? Faites-nous part de vos impressions et de vos réflexions en nous écrivant à
reaction@philomag.com
Philosophie magazine n° 134 NOVEMBRE 2019
45
Dossier
POURQUOI SOMMES-NOUS SI FATIGUÉS ?
FATIGO, ERGO SUM Par Michel Eltchaninoff
46
Philosophie magazine n°134 NOVEMBRE 2019
© Kyle Thompson/Agence VU
Si nous dormons de moins en moins, c’est parce que nous sommes sollicités en permanence. Si nous sommes las de tout, c’est que nous ne savons plus comment orienter nos vies. Peut-être est-il temps d’apprendre à apprécier cette fatigue, qui est le signe de notre condition humaine ?
C «
revé », « vidé », quand avez-vous prononcé ces mots pour la dernière fois ? Hier soir ? Ou ce matin ? À quoi bon s’en offusquer. Nous sommes des milliards, la quasi-totalité de la population mondiale, à nous épuiser au travail, dans les transports, dans les files d’attente, en pensant aux choses à faire, en clignant des yeux face à l’écran de notre téléphone. Mais restons un instant sur le mot, physique, brutal, presque dégradant. « Fatigue » vient du latin fatis, « fente » ou « crevasse ». Littéralement, fatigare signifie transpercer et vider totalement un animal, le « crever ». La fatigue est une torture. Elle met à mal notre patience, nous rend irritables, nous empêche de penser ou de profiter de la beauté du monde. Tant de méchancetés, de violences, de crimes auraient été évités si leurs auteurs avaient passé une bonne nuit ! Et la situation s’aggrave. D’après une étude
publiée le 12 mars 2019 par Santé Publique France, le temps de sommeil des Français est passé sous la barre des 7 heures : ils dorment en semaine 6 h 42 et cette durée atteint 7 h 26 les jours de repos. Au final, ils dorment en moyenne seulement 6 h 55 par jour, soit une diminution d’environ 20 minutes par rapport à la précédente étude de 2010 – 7 h 13 par jour. Dans l’ensemble du monde développé, le temps de sommeil moyen a chuté d’une heure et demie en cinquante ans. L’insomnie, les troubles du sommeil et le syndrome de fatigue chronique (lire l’interview de Jean-Dominique de Korwin, p. 49) tendent à devenir les nouveaux maux du siècle. Quant à la consommation de vitamines et de compléments alimentaires censés réduire la fatigue, elle augmente. Leur marché a crû de 6 % en 2017. Nous sommes fatigués par la vie. Et nous ne récupérons plus. Comment sommes-nous passés d’une « bonne
Philosophie magazine n°134 NOVEMBRE 2019
47
Dossier
POURQUOI SOMMES-NOUS SI FATIGUÉS ?
Une infirmière de nuit, un hyperéveillé, une malade frappée d’épuisement, un marin en solitaire et un DJ témoignent ici de leurs rapports singuliers au repos. Auteur d’une Ode à la fatigue, le philosophe Éric Fiat commente leurs parcours. Propos recueillis par Alexandre Lacroix et Nicolas Gastineau / Photos : Julie Balagué et Bertrand Gaudillère/item
INTENSÉMENT VULNÉRABLES «
ÉRIC FIAT
© CP
Spécialiste des questions d’éthique médicale, Éric Fiat enseigne la philosophie à l’université Paris-Est de Marne-la-Vallée. Après avoir notamment publié Petit Traité de dignité (Larousse, 2012), il a fait paraître Ode à la fatigue aux Éditions de L’Observatoire en 2018.
a fatigue appartient à la condition humaine. Dans l’essence de l’homme et plus que chez tous les autres vivants, il y a quelque chose qui le voue à la fatigue. La fleur perd ses pétales mais ne se fatigue pas. Parce qu’il a une intériorité, qu’il ressent la douleur, l’animal ne se contente pas de se faner et de s’étioler, il connaît la fatigue – mais ne s’épuise pas. Riche en instincts, il vient au monde avec le mode d’emploi du monde, de sorte qu’il trouve les chemins de sa vie sans guère les chercher. Si bien que j’oserai parler – audacieux concept – d’une peinardité animale. Une fois ses besoins satisfaits, regardez le chat se lover dans l’immanence, se reposer dans l’être, s’endormir alors qu’il n’est peut-être même pas fatigué. Dormir, c’est se délester de soi, entrer dans une étrange sphère d’oubli, et le chat y parvient avec une facilité déconcertante. Pas l’homme, qui est travaillé par une inquiétude, par un questionnement permanents. Pauvre en instincts, il vient au monde sans le mode d’emploi du monde, cherche longtemps les chemins de sa vie sans les trouver. Il fait le dur et fatigant métier d’exister. L’humanité n’est pas dans l’homme comme la circularité dans le cercle ou la roséité dans la rose : c’est une tâche, problématique, toujours différée. C’est pourquoi la fatigue n’est pas qu’un dysfonctionnement, une pathologie, l’affaire des médecins. Il est normal d’être fatigué quand on est homme. Cela ne m’empêche en rien de dénoncer les terribles fatigues (le burn-out) que le néolibéralisme engendre chez tant de nos contemporains. Mais je ne saurais faire l’éloge de la paresse, parce qu’il me semble que vit mal celui qui évite toute fatigue. S’épargner, se réserver, s’économiser ne me paraissent pas des remèdes à la fatigue, mais, au contraire, ses symptômes. Aristote identifiait la vitalité à la générosité, et je crois que qui aime la vie prend le risque de la dépense de soi et de ses forces. Bien sûr, il ne s’agit pas de se mettre en danger : la générosité n’est pas la prodigalité. Cependant n’y a-t-il pas quelque chose de beau dans le fait de se fatiguer pour les autres ? Si, à la fin de ma vie, mes rides, mes poches sous les yeux, la courbure de mon corps étaient indices des efforts que j’aurais faits pour aider mes aimés à faire le dur métier d’exister, pour les alléger, alors je n’aurais pas vécu en vain. »
52
Philosophie magazine n°134 NOVEMBRE 2019
« Dans le monde du soin, être fatigué est inconcevable » MARA WIDCOQ INFIRMIÈRE DE NUIT EN RÉANIMATION NÉONATALE À MONTREUIL (SEINE-SAINT-DENIS)
© Julie Balagué
«
D
ans l’univers hospitalier, la fatigue est un tabou. On doit se mettre en mode warrior, ne jamais se plaindre. Qui dit ‘‘fatigue’’, dit concentration moindre, retard des soins, possibilités d’erreur. Donc, c’est inconcevable. J’ai obtenu mon diplôme en 2003. J’ai tout de suite opté pour la nuit, parce qu’il y a dans les hôpitaux, le jour, une effervescence qui me dérange un peu. La nuit, il n’y a plus quatre ou cinq médecins par service, mais un seul. La présence administrative est suspendue. En réanimation néonatale, on travaille douze heures d’affilée. Comme nos patients sont des bébés qui ne parlent pas, il faut être vigilant. On reste debout pendant douze heures à faire le tour des chambres, pour surveiller leur état sur le scope, leurs fréquences cardiaque, respiratoire. Quand on a fini, on recommence. Il y a parfois des réanimations très lourdes, avec, pour nous, des décharges d’adrénaline massives, et il est impossible de s’endormir après ces nuits-là. La dimension humaine de ce service m’intéresse également, car il faut accompagner les parents. Avoir un enfant, c’est projeter sur lui des espoirs. Mais quand l’accouchement se passe mal, je trouve important d’aider les jeunes parents à traverser cette épreuve. Dans les bonnes semaines, je travaille deux nuits, puis j’ai deux nuits de repos. Mais avec les réductions d’effectifs, il m’arrive souvent d’assurer des semaines de cinq nuits. J’ai eu trois enfants, dont des jumeaux. Au niveau de l’organisation, mon mari et moi nous sommes passé le relais. Le matin, je rentre et m’occupe de mes enfants. Puis je me mets au lit à 10 heures. Même en tirant les rideaux, il m’est devenu difficile de dormir plus de quatre heures. Et encore, pas en continu – je me tourne d’un côté puis de l’autre jusqu’à 14 heures. Mon corps a souffert de ce rythme, j’ai fait un cancer du sein. Des études montrent d’ailleurs que ce cancer est plus fréquent chez les femmes qui travaillent la nuit à cause du dérèglement hormonal. Les médecins m’ont recommandé de changer de rythme. Mais mon service ne permet pas de travailler uniquement le jour, et j’aime tellement ce que j’y fais, je me sens tellement utile, que j’ai du mal à tourner la page. »
ON VOUDRAIT QUE LES SOIGNANTS SOIENT DES HÉROS OU DES SAINTS » LE COMMENTAIRE D’ ÉRIC
FIAT
J
’ai beaucoup d’admiration pour cette femme qui prend pleinement le risque de se fatiguer pour les autres. Je l’admire d’autant plus que je m’occupe d’un master d’éthique médicale, où j’ai pour étudiants des soignants – médecins ou non. Or ce sont les professionnels les plus exposés à l’épuisement, au burn-out. N’est-ce pas parce qu’au contact des malades, ils ressentent comme une délégitimation de leur propre lassitude, de leur plainte ? Comment oser se plaindre aux côtés d’une jeune femme découronnée par la chimiothérapie, amputée de ses seins et que saisit déjà la mort ? Ou de parents dont l’enfant n’ouvre les yeux à la lumière que pour fermer pour toujours ses paupières ? On voudrait que les soignants soient des héros ou des saints, qu’ils ressemblent au Christ selon Corneille : “Il sait dans la fatigue être sans lassitude. Quelque charge qu’il porte, il n’en sent point le poids. Il sait rendre légers les plus puissants fardeaux.” Les soignants sont des hommes et des femmes qui, comme le dit Mara, ne tiennent que parce qu’ils aiment leur métier. Mais pourquoi diable le nouveau système hospitalier les éloigne-t-il du cœur de leur métier ? Dans son texte sur l’acédie, symptôme d’épuisement mélancolique qui saisissait les moines après quelques années, l’abbé Jean Climaque [v. 579-v. 649] explique que la grande fatigue nous expose à deux risques : l’incurie, la négligence, et l’hypercurie, le remplacement de la ferveur par une obéissance mécanique à la règle : pour ne pas sombrer, ne jamais s’arrêter. Puisse Mara se reposer un peu ! »
Philosophie magazine n°134 NOVEMBRE 2019
53
Dossier © Colin Roberts
POURQUOI SOMMES-NOUS SI FATIGUÉS ?
58
Philosophie magazine n°134 NOVEMBRE 2019
QU’EST-CE QUI NOUS EMPÊCHE DE DORMIR ? Le capitalisme, qui nous incite à produire et à consommer 24 heures/24, est-il le grand ennemi du sommeil ? C’est le réquisitoire inquiet que font les essayistes Dalibor Frioux et Jonathan Crary, et que tempèrent la chercheuse Anna Katharina Schaffner et la journaliste scientifique Jessa Gamble. L’oreiller est-il devenu un terrain de lutte politique ? Par Cédric Enjalbert
e me réveillais froissé, un de ces matins d’automne, cherchant ma tasse avec automatisme, près de la cafetière, à la rédaction. J’avais en tête le sujet à écrire et des questions sur mon sommeil. J’étais fatigué. Comment la nuit s’était-elle donc déroulée ? Avait-elle été agitée ? Un collègue m’a alors tendu son téléphone qui enregistre la nuit son rythme cardiaque, sa respiration et son activité cérébrale. Il enfile chaque soir un bandeau sur son crâne, constitué de capteurs, une sorte d’électroencéphalogramme miniature. Ce bandeau baptisé Dreem n’enregistre pas seulement des données, il « agit » sur son sommeil en envoyant des sons, par conduction osseuse, afin de stimuler le cerveau et d’améliorer la qualité du sommeil. « Nous cherchons à résoudre l’un des plus grands problèmes de santé, en nous appuyant sur une stratégie hybride
grand public et médicale, écrit Hugo Mercier, l’un des créateurs de cet objet connecté, dans À la conquête du sommeil (Stock, 2019). Notre objectif : devenir […] la solution de référence au mauvais sommeil mondial. » Enjeu de santé et de société, les troubles du sommeil sont aussi « un magnifique terrain de jeux pour un projet entrepreneurial ! ». Mesurez un peu l’ampleur du problème, sinon la taille du marché : selon les chiffres publiés dans l’un des derniers bulletins épidémiologiques hebdomadaires (BEH) de Santé Publique France, en mars 2019, les Français adultes dorment en moyenne 6 h 55 – contre 7 h 13 en 2010 –, et 6 h 42 en semaine, passant sous le seuil des 7 heures recommandées. 35,9 % des sujets dorment moins de 6 heures. 13,1 % des 18-75 ans déclarent des symptômes suggérant une insomnie chronique.
Philosophie magazine n°134 NOVEMBRE 2019
59
Idées
ENTRETIEN
68
Philosophie magazine n° 134 NOVEMBRE 2019
« La joie est une condition pour aller vers le savoir » VINCIANE DESPRET Singulière, Vinciane Despret l’est assurément ! Peu attirée par les grands concepts, allergique aux généralisations, intarissable « faiseuse d’histoires », elle est aussi l’une des premières à avoir considéré les animaux comme sujet philosophique. Alors qu’elle fait paraître Habiter en oiseau (Actes Sud), nous avons rencontré ce… drôle d’oiseau. Propos recueillis par Catherine Portevin / Photos : Édouard Caupeil
P
leine de vie mais un peu dissipée : elle a dû l’entendre cette appréciation, Vinciane Despret ! Et, de fait, après deux heures de conversation, nous avons la tête pleine d’histoires bizarres, minuscules, désopilantes, intéressantes toujours, et de personnages du même tonneau : des guêpes hospitalières, des oiseaux danseurs, un bio-acousticien qui enregistre les poissons, une ornithologue qui reconnaît à l’oreille chacun des bruants, un babouin qui bluffe, des moutons pas moutonniers, un rat qui rit, une femelle qui fait tourner les mâles en bourrique… Le tout raconté à toute vitesse, avec force détails, gestes et rires. On se voit bien avec elle, pouffant au fond de la classe et fascinée par toute cette vie bigarrée qu’elle est capable de faire surgir d’un rien. Aujourd’hui philosophe des sciences, l’une des premières à s’être intéressée à l’éthologie animale dès le début des années 1990, Vinciane Despret est restée fondamentalement indisciplinée, une « faiseuse d’histoires » traçant son chemin hors des balises académiques en se moquant gentiment de la gravité des « vieux garçons ferrailleurs de concepts » que sont volontiers les philosophes. Indisciplinée, elle transgresse les frontières des disciplines, faisant son miel de toutes – philosophie, psychologie, éthologie –, et s’enthousiasme pour des sujets « pas très propres » : les animaux, les émotions, plus récemment les relations que nous entretenons avec nos morts. La voilà donc philosophe en bottes, arpentant les forêts de Belgique ou le désert du Néguev, pour observer les coqs de bruyère ou les cratéropes écaillés avec les scientifiques. Elle se fichait un peu des animaux à l’époque, mais c’est une multiplicité de mondes qu’elle a vue émerger sous le regard des éthologistes. Elle a trouvé sa voie : comprendre comment on sait ce que l’on sait sur les animaux. Sa rencontre avec la philosophe des sciences Isabelle Stengers, Belge comme elle, et avec l’œuvre de Bruno Latour, qui avait analysé « la vie de laboratoire », lui procure les tuteurs amicaux qu’il lui fallait. C’est ainsi que de livre en livre elle développe sa singularité. Indisciplinée, elle l’est surtout dans son attention aux détails et sa distraction à l’égard des concepts. Et l’on se dit qu’il est temps de prendre au sérieux l’indiscipline de Vinciane Despret. Car comprendre le monde par le détail pourrait bien être une voie féconde pour garder la terre habitable et la pensée féconde. Son dernier ouvrage, Habiter en oiseau, commence par un chant…
Philosophie magazine n° 134 NOVEMBRE 2019
69
© Illustration : StudioPhilo ; photos-droits d’inspiration : © Reporters Associés/Gamma-Rapho ; Arnaud Meye/Leextra via Leemage.
Idées
LE CLASSIQUE SUBJECTIF
MAURICE MERLEAU-PONTY VU PAR
SIRI HUSTVEDT
« Merleau-Ponty a réconcilié mon corps et mon esprit » SIRI HUSTVEDT
© Arnaud Meye/Leextra via Leemage.
Tout en poursuivant une œuvre romanesque publiée chez Actes Sud (Élégie pour un Américain, 2008 ; Un été sans les hommes, 2011 ; Un monde flamboyant, 2014), elle s’est intéressée aux neurosciences et aux sciences cognitives, qu’elle aborde au prisme de sa propre expérience. Elle vient de signer Souvenirs de l’avenir, roman dans lequel elle revient sur une année de sa jeunesse à New York. Elle y explore également l’étrangeté qu’il y a à faire renaître une ancienne version d’elle-même.
Pour Merleau-Ponty, l’esprit et le corps sont inséparables. Le philosophe explore notre expérience charnelle et perceptive du monde. La romancière et essayiste Siri Hustvedt explique comment sa pensée l’a aidée dans des moments difficiles de son existence et influence son écriture.
Philosophie magazine n° 134 NOVEMBRE 2019
75
LA PUISSANCE LA PUISSANCE DES FEMMES DES FEMMES Une autre histoire de la pensée Une autre histoire de la pensée Avec Hypatie d’Alexandrie, Rosa Luxemburg, Lou Andreas-Salomé, Virginia Woolf,
© Studio Nippoldt
Simone de Beauvoir… Et aussi, Élisabeth Badinter, Judith Butler, Chloé Delaume, Avec Hypathie d’Alexandrie, Luxemburg, Lou Andreas-Salomé, Virginia Woolf, Marie NDiaye, ElsaRosa Dorlin, Isabelle Sorente, Isabelle Stengers... Simone de Beauvoir… Et aussi, Élisabeth Badinter, Judith Butler, Chloé Delaume, Elsa Dorlin, Isabelle Sorente, Isabelle Stengers...
++
LA DÉCLARATION DES DROITS DE LA FEMME PAR OLYMPE DE GOUGES LA DÉCLARATION DES DROITS DE LA FEMME PAR OLYMPE DE GOUGES
NOUVEAU HORS-SÉRIE EN KIOSQUE et sur philomag.com
POURQUOI SOMMES-NOUS SI FATIGUÉS ?
Ne peut être vendu séparément. © CP. Illustration : StudioPhilo/William L.
CAHIER CENTRAL
JONATHAN CRARY capitalisme 24/7 Leà l’assaut du sommeil
(extraits)