#135 extraits

Page 1

MENSUEL N° 135 Décembre 2019 / Janvier 2020

De Nietzsche à Preljocaj

Julia Kristeva “Bergson m’a appris “LE LANGAGE EST CONSTRUIT SUR UN VOLCAN”

à ne pas passer à côté de ma vie” PAR

CLAIRE MARIN

PEUT-ON SE METTRE À LA PLACE DES AUTRES ?

ADAM SMITH

Théorie des sentiments moraux CAHIER CENTRAL

(extraits)

CAHIER CENTRAL

ADAM

SMITH

Théorie des sentiments moraux

L 17891 - 135 - F: 5,90 € - RD

CE QUE LA DANSE RÉVÈLE DU CORPS

L 17891 - 135 - F: 5,90 € - RD

A LA PLACE DES AUTRES ?

Ne peut être vendu séparément. © Costa/Leemage. Illustration : StudioPhilo/William L.

Mensuel / France : 5,90 € Bel./Lux./Port. cont. : 6,50 € Suisse : 11 CHF Andorre : 6,20 € Allemagne : 6,90 € Canada : 11,50 $CA DOM : 8 € COM :1 000 XPF Maroc : 70 DH Tunisie 11,30 TND Espagne/Italie : 6.5 €

PEUT-ON SE METTRE


ÉDITO

L’œil de

Berberian Par Alexandre Lacroix Directeur de la rédaction

Soi-même comme un autre e n’ai jamais vraiment réussi à me mettre d’avance à la place de moi-même. Je m’explique : par le passé, quand j’ai été confronté à un change­ ment de vie décisif, je n’ai pas su anticiper correctement l’état dans lequel je me retrouverais après le changement. Je me suis découvert en proie à des émotions, à des désirs, à des pensées dont rien ne lais­ sait supposer la venue ni l’intensité dans la situation précédente. De tels changements peuvent avoir plusieurs natures, mais, en général, ils touchent aux étais de l’existence : il s’agit par exemple d’une séparation amou­ reuse, d’un nouveau métier, d’un déménagement. Chaque fois que je me suis retrouvé devant des chemins existentiels qui bifurquent, j’ai tenté, afin d’effectuer les bons arbitrages, de comprendre où chaque voie qui s’offrait m’emmenait, à quels paysages elle ouvrait. Mais j’ai fait les plus grossières erreurs. Quand j’imaginais qu’une séparation se révélerait une libéra­ tion, une explosion de vitalité, je me suis retrouvé en proie à l’angoisse et à l’esseulement. Ou bien, au contraire, quand je considérais qu’un déménagement – de la ville pour la campagne – serait un arrachement inconfortable, suivi d’un patient retissage des habitudes, je me suis aperçu qu’il m’apportait immédiatement une sérénité insoupçonnée. Le plus étonnant dans cette affaire, c’est que j’ai l’impression, quand je considère mes amis ou mes proches, de deviner mieux qu’eux-mêmes ce qu’il va advenir d’eux, quand ils prennent des décisions capitales. L’un quitte un métier urbain pour tenter une nouvelle acti­ vité dans un village, et je vois la déception et le naufrage avant lui. L’autre est terriblement abattu parce que sa petite amie vient de le quitter, et je pressens que six mois plus tard, après sa traversée des ombres, il rayonnera, arborera un sourire qu’il avait depuis longtemps perdu, au milieu d’un printemps retrouvé. Comment se fait-il qu’on se mette plus facilement à la place des autres que de soimême, quand il s’agit de l’avenir ? C’est sans doute que l’on est capable d’embrasser, chez les autres, le mouvement général de la vie, avec ses articulations et ses scansions, sa logique d’en­ semble. On voit grosso modo où ils vont, s’ils se précipitent dans un mur ou non. Alors que pour soi-même, une telle vision panoramique n’est pas possible, et nous sommes chaque fois aux prises avec un état inconnu qui est comme un trou, un gouffre qui s’ouvre sous nos pieds, dans lequel nous tombons si profondément que nous ne voyons pas les alentours ni même le ciel. Pour user d’une métaphore musicale, nous entendons la mélodie de l’existence des autres, quand nous percevons pour nous-mêmes chaque note successivement, avec tant de puissance qu’elle nous assourdit et couvre ce qui la suit comme ce qui la précède. Il y a de nombreux inconvénients à cette situation, et notamment celui-ci : que toutes nos décisions rationnelles sont mal avisées. Mais il y a aussi un avantage, sans aucun doute, à notre voile d’ignorance : nous nous réservons davantage de surprises à nous-mêmes que ne le font nos proches. Mon incapacité à me projeter dans mon moi futur me prémunit contre l’ennui. Pour connaître ma vie, la déduction ne m’est d’aucun secours : je n’ai d’autre latitude que de la vivre.

© Serge Picard pour PM ; illustration : Charles Berberian pour PM.

J

N’hésitez pas à nous transmettre vos remarques sur

reaction@philomag.com

Philosophie magazine n° 135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020

3


P. 74 Philosophe, elle explore nos fra­ gilités intimes : elle a pensé sa maladie dans Hors de moi et les séparations dont notre histoire est jalonnée avec Ruptures(s). Elle s’appuie de façon originale sur la pensée d’Henri Berg­ son pour se demander comment accepter et accueillir avec joie l’im­ perfection et le changement dans nos existences.

BARBET SCHROEDER

P. 58 Ce réalisateur d’origine suisse, figure de la Nouvelle Vague, a explo­ ré tous les genres, du thriller malé­ fique, avec Le Mystère von Bülow ou JF partagerait appartement, au documen­ taire choc. Ses portraits du dicta­ teur Idi Amin Dada, du mystérieux Jacques Vergès (L’Avocat de la terreur) ou du moine bouddhiste extrémiste Ashin Wirathu (Le Vénérable W) abordent sans fard la question du mal. Comment le cinéaste parvient-il à éprouver de l’empathie pour ces êtres ambigus ou franchement terrifiants ? Réponse dans notre dossier.

4

Philosophie magazine n° 135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020

FRANS DE WAAL

P. 50 Ce célèbre éthologue néerlan­ dais, spécialiste des primates, en­ seigne aux États-Unis. Avec L’Âge de l’Empathie, publié en 2009, il révolu­ tionne nos connaissances en insis­ tant sur le rôle de l’empathie chez les animaux. Contre la prétention hu­ maine à posséder exclusivement le sens de la morale ou de la justice, il décrit dans La Dernière Étreinte (2018) la richesse des émotions ani­ males. Il expose dans notre dossier les rouages de l’empathie animale.

PATRICIA CHURCHLAND

P. 50 Cette philosophe canadienne, professeure émérite à l’Université de Californie, est spécialisée dans l’étude de l’esprit et du cerveau. Dans des ouvrages comme Braintrust : What neurosciences tells us about morality (« La Confiance du cerveau : ce que les neurosciences nous disent à propos de la moralité, 2011 ; non traduit), elle fait de l’empathie une « infrastructure de la morale ». Nous lui avons demandé si la morale dé­ pendait vraiment de la chimie de notre cerveau.

JULIA KRISTEVA

MARIE-GABRIELLE HOURIEZ

P. 32 Ancienne danseuse profession­ nelle, elle travaille dans l’édition et exerce la fonction de secrétaire de rédaction à Philosophie magazine. Pas­ sionnée par les rapports entre philo­ sophie et danse contemporaine, elle montre tout ce que la réinvention du langage chorégraphique depuis une centaine d’années – d’Isidora Duncan à Anne Teresa De Keers­maeker, en passant par Angelin Preljocaj –, doit à la révolution que Nietzsche a fait subir à la pensée classique. Une en­ quête fiévreuse.

P. 68 Comment une étudiante débar­ quée de la Bulgarie communiste estelle devenue une figure majeure de la vie intellectuelle mondiale ? Entre théorie du langage, psychanalyse et philosophie – sans oublier le roman –, elle explore la dépression (Soleil noir), la pensée au féminin (Le Génie féminin), la croyance (Cet incroyable besoin de croire) ou l’expérience du temps (Pulsions du temps). Elle se livre avec sincérité dans un grand entretien.

SERVICE ABONNÉS abo@philomag.com / 01 43 80 46 11 Philosophie magazine, 4, rue de Mouchy, 60438 Noailles Cedex - France Tarifs d’abonnement : prix normal pour 1 an (10 nos) France métropolitaine : 57 € TTC (TVA 2,1 %). UE et DOM : 69 €. COM et Reste du monde : 77 €. Formules spéciales pour la Belgique et la Suisse Belgique : 070/23 33 04 abobelgique@edigroup.org Suisse : 022/860 84 01 abonne@edigroup.ch Diffusion : MLP Contact pour les réassorts diffuseurs : À Juste Titres, 04 88 15 12 42, Julien Tessier, j.tessier@ajustetitres.fr RÉDACTION redaction@philomag.com Directeur de la rédaction : Alexandre Lacroix Rédacteurs en chef : Martin Legros, Michel Eltchaninoff Conseillers de la rédaction : Sven Ortoli Chefs de rubrique : Victorine de Oliveira, Martin Duru, Catherine Portevin Rédacteurs : Samuel Lacroix, Octave Larmagnac-Matheron Secrétaires de rédaction : Noël Foiry, Marie-Gabrielle Houriez Création graphique : William Londiche / da@philomag.com Graphiste : Alexandrine Leclère Responsable photo : Stéphane Ternon Rédactrice photo : Camille Pillias Rédacteur Internet : Cédric Enjalbert Webmaster : Cyril Druesne Ont participé à ce numéro : Adrien Barton, Charles Berberian, Paul Coulbois, Philippe Garnier, Sophie Gherardi, Gaëtan Goron, Jules Julien, Frédéric Manzini, Catherine Meurisse, François Morel, Tobie Nathan, Charles Pépin, Charles Perragin, Serge Picard, Claude Ponti, Oriane Safré-Proust, Séverine Scaglia, Isabelle Sorente. ADMINISTRATION Directeur de la publication : Fabrice Gerschel Responsable administrative : Sophie Gamot-Darmon Responsable abonnements : Léa Cuenin Fabrication : Rivages Photogravure : Key Graphic Impression : Maury imprimeur, Z.I., 45300 Manchecourt Commission paritaire : 0521 D 88041 ISSN : 1951-1787 Dépôt légal : à parution Imprimé en France/Printed in France / Philosophie magazine est édité par Philo Éditions, SAS au capital de 340 200 euros, RCS Paris B 483 580 015 Siège social : 10, rue Ballu, 75009 Paris Président : Fabrice Gerschel RELATIONS PRESSE Canetti Conseil, 01 42 04 21 00 Françoise Canetti, francoise.canetti@canetti.com PUBLICITÉ Partenariats/Publicité Audrey Pilaire, 01 71 18 16 08, apilaire@philomag.com MENSUEL NO 135 - DÉCEMBRE 2019/ JANVIER 2020 Couverture : © Anna Xenz

2017 Origine du papier : Italie. Taux de fibres recyclées : 0 %. Tous les papiers que nous utilisons dans ce magazine sont issus de forêts gérées durablement et labellisés 100 % PEFC. Le taux majoritaire indiqué Ptot est de 0,009.

La rédaction n’est pas responsable des textes et documents qui lui sont envoyés. Ils ne seront pas rendus à leurs propriétaires.

© Hannah ASSOULINE/Opale via Leemage ; Laurent Koffel/GAMMA-RAPHO ; Basso Cannarsa/Opale/Leemage ; William L. ; Vera de Kok/wikimedia commons ; John Foley/Opale/Leemage.

CLAIRE MARIN

ILS ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO

10, rue Ballu, 75009 Paris Tél. : 01 43 80 46 10 www.philomag.com


Ce mois-ci, je me mets dans la peau… D’un grand singe p. 50

D’un maître des monstres p. 58

D’un sympathique Écossais p. 54

D’un intello seventies en psychanalyse p. 68

D’Homère p. 82

D’un érudit électronique p. 18

D’un livreur de fausses nouvelles p. 20

D’un moine sans habit p. 16

D’un danseur nietzschéen p. 32

D’un promeneur de Kawaii p. 80

D’une chercheuse de cadeau de Noël p. 82

D’un jardinier du jour présent p. 94

D’un personnage de BD old school p. 82

D’une planète qui roule p. 18

D’un chêne centenaire p. 40

D’un surfeur de la durée p. 74


D’un écolo new-yorkais p. 20

SOMMAIRE P. 3 Édito

P. 8 Questions à Charles Pépin

P. 46 Les trois piliers de l’empathie

P. 12 Courrier des lecteurs

nous avons un rapport direct aux autres », avec Vittorio Gallese P. 50 L’altruisme descend-il du singe ? Enquête sur l’empathie dans le monde animal, avec notamment Frans De Waal et Étienne Bimbenet P. 54 Sympathie pour la morale avec les Écossais du XVIIIe siècle David Hume et Adam Smith P. 57 « Les racistes sont en général des gens très empathiques », entretien avec Paul Bloom P. 58 Tête-à-tête avec les monstres, rencontre avec Barbet Schroeder P. 62 Si loin, si proche. Enquête sur ceux dont le métier est d’aider.

P. 10 Questions d’enfants à Claude Ponti

Déchiffrer l’actualité P. 14 TÉLESCOPAGE

P. 16 PERSONNALITÉ

James Alison

P. 18 REPÉRAGES

P. 20 PERSPECTIVES

Mouvements sociaux : les nouveaux visages de la contestation / Le lâchage des Kurdes en Syrie : un pragmatisme amoral / L’écologie appliquée par Jonathan Safran Foer / Pourquoi Mark Zuckerberg refuse-t-il de vérifier la véracité des publicités politiques P. 24 AU FIL D’UNE IDÉE Les oiseaux P. 26 ETHNOMYTHOLOGIES par Tobie Nathan

D’un briseur de consensus p. 57

Prendre la tangente P. 32 ESSAI

Et Nietzsche créa la danse contemporaine suivi d’un entretien avec Angelin Preljocaj P. 40 MOTIFS CACHÉS par Isabelle Sorente

D’un drôle d’oiseau p. 24

DOSSIER Peut-on se mettre à la place des autres ?

P. 48 « Avec les neurones miroir,

Cahier central Agrafé entre les pages 50 et 51, notre supplément : Théorie des sentiments moraux, d’Adam Smith

Cheminer avec les idées P. 68 L’ENTRETIEN

Julia Kristeva

P. 74 LE CLASSIQUE SUBJECTIF

Henri Bergson vu par Claire Marin

P. 80 BOÎTE À OUTILS

Divergences / Sprint / Intraduisible / Strates

Livres

© Illustration : Paul Coulbois pour PM

Un dépliant Philosophie magazine 4 pages (148,5 mm x 210 mm, 8,42 g) est jeté sur 1 000 adresses.

D’une artiste enceinte d’une œuvre p. 98

Ce numéro comprend en cahier central un encart rédactionnel (agrafé entre les pages 50 et 51) de 16 pages complétant notre dossier « Peut-on se mettre à la place des autres ? », constitué d’une présentation et d’extraits de Théorie des sentiments moraux, d’Adam Smith.

P. 82 NOTRE SÉLECTION

POUR LES FÊTES

P. 90 Notre sélection culturelle P. 92 Agenda

P. 94 LA CITATION CORRIGÉE

par François Morel

P. 95 Jeux

P. 96 Humaine, trop humaine

PHILOSOPHIE MAGAZINE N° 136 PARAÎTRA LE 16 JANVIER 2020

par Catherine Meurisse

P. 98 QUESTIONNAIRE DE SOCRATE

Alice Winocour

Philosophie magazine n° 135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020

7


Tangente

ESSAI

ET NIETZSCHE A É R C LA DANSE CONTEMPORAINE 32

Philosophie magazine n° 135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020


© Arnold Genthe/World History Archive/ABACA

t e a forgé n a l e app ietzsch la danse n e t eu e iedrich N ance de ations i D e rt d me, Fr la naiss r les cré gelin o m nt la u surhompagnent e nourri aphe An e a t é r c d t d horégr asion d nier, n e En dé ergence qui accom u in ne le c l’occ ar t n m s o é t ’ c l à concep ne. Et émoig ontré à l’Opéra-G des emporai me en tons renc (1994), à Houriez cont elles, comnous av t Le Parc ar Marie-Gabrielle actu jocaj que son balle embre. P Prel prise de au 31 déc la re ris, du 6 à Pa

U

Anna Denzler, membre du groupe les Isadorables, danseuses disciples d’Isadora Duncan.

n café, des chaises et des tables pêle-mêle. Au fond à gauche, une porte à tambour éclairée. Deux danseuses vêtues de robes blanches fluides se déplacent les yeux fermés, somnambules. L’une s’avance, butant contre ces chaises et ces tables, l’autre glisse, s’effondre contre un mur. La première se fraye un chemin grâce à l’aide d’un homme en costume qui déplace le mobilier gênant, elle se heurte à un homme en chemise, ils s’enlacent comme s’ils ne pouvaient plus se séparer. L’homme en costume dépose délica­ tement la femme dans les bras de l’homme en chemise. Faible, elle lui tombe des bras. L’homme en costume la redépose plusieurs fois dans les bras de l’homme en chemise, d’abord avec déli­ catesse, puis de plus en plus violemment. Lassé, l’homme en chemise l’enjambe, l’abandonnant. Soudain, une femme rousse, en manteau, sur­ git de la porte à tambour, elle trottine avec

Philosophie magazine n° 135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020

33


Dossier

PEUT-ON SE METTRE

A LA PLACE DES AUTRES ?


PARCOURS DE CE DOSSIER

P. 46

Peut-on se mettre à la place d’autrui ? Il semble bien que oui et qu’il existe trois genres d’empathie : nous devinons les pensées des autres, ressentons leurs émotions et pouvons partager leurs souffrances. I. POURQUOI C’EST POSSIBLE

II. EST-CE VRAIMENT UNE BONNE NOUVELLE ?

P. 54

Les philosophes écossais, David Hume et Adam Smith en tête, ont tenté de refonder la morale sur notre capacité à nous mettre à la place d’autrui. Ce serait, selon eux, la sympathie et l’antipathie qui nous indiquent le chemin du bien.

P. 48

L’un des découvreurs des « neurones miroir », Vittorio Gallese, nous explique pourquoi ceux-ci pourraient être la clé de l’empathie, en particulier émotionnelle.

P. 50

L’éthologie, ou l’étude du comportement animal, permet de mieux comprendre l’empathie. Les chercheurs Frans De Waal, Sarah Brosnan et Patricia Churchland racontent comment l’émotion permet la coopération chez les grands singes. Tandis que le philosophe Étienne Bimbenet nuance leurs conclusions.

P. 57

Mais cet optimisme est récusé par le psychologue Paul Bloom, qui argue que les tortionnaires, pervers et manipulateurs se servent de l’empathie pour deviner comment infliger de la douleur à autrui.

P. 58

Plus inquiétant encore, le réalisateur Barbet Schroeder s’est évertué dans ses films à entrer en résonance avec des monstres comme le dictateur Idi Amin Dada ou le « Vénérable W », moine bouddhiste ayant initié la persécution des Rohingya. III. OÙ METTRE LA LIMITE POUR SE PROTÉGER SOI-MÊME ?

P. 62

Pour finir, nous avons enquêté auprès d’une conseillère funéraire, d’un ethnographe, d’un bénévole de la Cimade et d’une psychiatre : comment ne pas se faire dévorer par la compassion ? Et comment garder la bonne distance face au malheur d’autrui ? Vous souhaitez réagir à un article ? Faites-nous part de vos impressions et de vos réflexions en nous écrivant à

© Anna Xenz

reaction@philomag.com

Philosophie magazine n° 135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020

45


Dossier

PEUT-ON SE METTRE À LA PLACE DES AUTRES ?

Une femelle macaque crabier épouille avec soin un mâle, au parc national de Bako, sur l’île de Bornéo en Malaisie.

50

Philosophie magazine n°135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020


L’ALTRUISME DESCEND-IL DU SINGE ? Désormais, nous le savons, les animaux sont capables de ressentir la souffrance des autres mais aussi de se consoler, de s’aider et de se projeter dans l’esprit de leurs congénères. De là à faire de ces compétences partagées avec les humains l’origine du sens moral ? Explications avec la chercheuse Sarah Brosnan, le primatologue Frans De Waal, la spécialiste en neurophilosophie Patricia Churchland et le philosophe Étienne Bimbenet.

© Fiona Rogers/Minden Pictures/Biosphoto

Par Martin Legros et Nicolas Gastineau

’expérience a été filmée et diffusée sur Internet, et elle vaut le détour. Deux singes capucins sont côte à côte dans deux cages en verre. Ils doivent livrer à tour de rôle des jetons à un expérimentateur humain qui leur fait face. Chaque fois qu’ils réussissent, ils reçoivent une récompense. Mais pour la même action, l’un ne reçoit qu’un morceau de concombre, tandis que l’autre reçoit de gros grains de raisin sucré. Se rendant compte de l’« injustice » dont il est victime, le pro­ta­ goniste lésé se fâche : il jette le con­combre, frappe sur les parois de sa cage et refuse de se prêter plus longtemps à cet exercice. Sarah Brosnan, professeure de psycho­ logie, de philosophie et de neurosciences à l’Université d’État de Géorgie (États-Unis), a mené cette expérience avec l’éthologue

Frans De Waal. Leur étude démontre que l’aversion pour l’inéquité n’est pas réservée aux humains. Et qu’elle est fondée sur l’empa­ thie et le sens de la réciprocité, présents chez nombre d’animaux. Soit, mais l’empathie et le sens de la justice ne consistent-ils pas à se sou­ cier de ce que l’autre ressent et reçoit plutôt qu’à se focaliser sur la part qui me revient ? Sarah Brosnan a donc utilisé le même disposi­ tif, avec des chimpanzés cette fois, afin d’éva­ luer ce qui se passe chez le protagoniste qui reçoit davantage. Eh bien, le singe se montre tout aussi rétif quand il reçoit plus. « Certains pourraient objecter, affirme Sarah Brosnan, que cela n’a rien à voir avec l’empathie : si les chimpanzés réagissent négativement quand ils sont privilégiés, c’est qu’ils craignent d’être attaqués en représailles. Or, même si cette explication

Philosophie magazine n°135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020

51


Dossier

PEUT-ON SE METTRE À LA PLACE DES AUTRES ?

SYMPATHIE POUR LA MORALE

Les Lumières, moment de triomphe de la raison ? C’est oublier qu’au XVIIIe siècle, en Écosse, des penseurs comme David Hume ou Adam Smith reconsidèrent les sentiments pour fonder la morale. Au cœur de leurs réflexions, la notion de « sympathie », mécanisme qui consiste à se mettre à la place d’autrui. Par Martin Duru

54

Philosophie magazine n°135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020


© Richard Kalvar/Magnum Photos

C ’est comme frappé du sceau de l’évidence. On le dit et le répète à l’envi : les Lumières marquent le triomphe de la raison qui, dans son avancée irrésistible, abat les préjugés et les su­ perstitions religieuses. Évidemment, ce n’est pas faux, mais… une autre histoire des Lumières serait-elle possible ? Car le XVIIIe siècle a aussi mis en exergue ce qui semble s’opposer à la rai­ son toute-puissante : les sentiments. La destination peut surprendre, mais direction l’Écosse. Rattachée à l’Angleterre en 1707, mais soucieuse de sa spécificité, elle s’impose comme l’un des foyers les plus ardents des Lumières – la nation est qualifiée de « serre chaude de génies », et Édimbourg, la capitale, sera surnommée « l’Athènes du Nord ». C’est sur cette agora qu’émerge un courant au puis­ sant rayonnement : le sentimentalisme mo­ ral. Son patriarche ? Francis Hutcheson (1684-1746). Professeur à Glasgow, il soutient que nous possédons un « sens moral » dans sa

Recherche sur l’origine de nos idées de la beauté et de la vertu, ouvrage qui, en France, sera étudié de près par Diderot. Par analogie avec les sens physiques (l’ouïe, l’odorat…), le sens moral est cette faculté qui nous fait percevoir la qualité vertueuse ou non d’une action. De façon spon­ tanée, il détermine à approuver, à juger bons les actes et les individus mus par la bienveillance, définie comme « le désir ultime désintéressé du bonheur d’autrui ». Hutcheson s’oppose à des auteurs comme Thomas Hobbes ou Bernard Mandeville, qui voient en l’homme une créa­ ture essentiellement égoïste et calculatrice. Mais il se démarque également d’une autre tradition influente en son temps, pour laquelle la morale est accessible uniquement par la réflexion rationnelle. Parlant du sens moral comme d’une « qualité occulte », Hutcheson lance un appel : « les hommes doivent consulter leur propre cœur ». Celui-ci a ses raisons que la raison ne commande pas. 1739 : Hutcheson noue une correspon­ dance avec un jeune philosophe originaire d’Édimbourg qui publie, sans le succès es­ compté, les deux premiers livres d’un ambi­ tieux Traité de la nature humaine – le troisième paraît l’année suivante. David Hume (17111776) est un empiriste, un sceptique qui pro­ fesse un antirationalisme vigoureux : la raison est « l’esclave des passions », et ce n’est pas elle qui est à l’origine de la morale ; ce sont « nos sentiments ». Pour rendre compte de leur for­ mation, Hume écarte cependant le sens moral naturel de Hutcheson et avance la notion plus sociale de « sympathie » (littéralement « sen­ tir avec »). Dans ce contexte, elle désigne un « principe très puissant » de communication des passions. Bienvenue sur la scène des inte­ ractions humaines : « les esprits des hommes sont des miroirs les uns pour les autres » et lorsque nous voyons telle émotion sur un vi­ sage, celle-ci se propage et nous touche. Hume prend l’exemple d’un homme sur une table d’opération : devant sa peur du scalpel, nous

Philosophie magazine n°135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020

55


Dossier

PEUT-ON SE METTRE À LA PLACE DES AUTRES ?

Dans le film L’Avocat de la terreur (2007), Jacques Vergès (à gauche) trinque avec Nuon Chea, ex-« Frère numéro 2 » du régime khmer rouge au Cambodge.

58

Philosophie magazine n°135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020


Depuis ses débuts il y a cinquante ans avec More, le cinéaste Barbet Schroeder ne cesse de se confronter au mal dans des drames, des thrillers et des documentaires saisissants. Du dictateur ougandais Idi Amin Dada (Général Idi Amin Dada. Autoportrait) au moine bouddhiste extrémiste Ashin Wirathu (Le Vénérable W), en passant par l’avocat Jacques Vergès (L’Avocat de la terreur), il explique comment il est parvenu à entrer en résonance avec ces figures terrifiantes, sans perdre sa distance critique. Propos recueillis par Michel Eltchaninoff

© Canal+/The Kobal Collection/Aurimages ; Laurent Koffel/Gamma-Rapho

TÊTE-À-TÊTE AVEC DES MONSTRES BARBET SCHROEDER Né en 1941, ce grand voyageur d’origine suisse rêvait de faire de la philosophie à la Sorbonne. Mais le compagnonnage de la Nouvelle Vague l’aspire. Il fonde les Films du Losange et produit les films d’Éric Rohmer. Comme réalisateur, il explore les genres : errances hippies avec More en 1969, grosses productions hollywoodiennes (Le Mystère von Bülow, JF partagerait appartement), explorations psychologiques (Maîtresse, Tricheurs), sans oublier un épisode de la série Mad Men et des documentaires choc sur des personnages maléfiques. Un cinéaste culte, inclassable et fascinant.

e thème du mal est présent dans tous vos films. Éprouvez-vous une forme d’empathie pour les personnages mauvais ? BARBET SCHROEDER : Je ne peux avoir d’empathie ni pour le bien ni pour le mal, mais seulement pour autrui. J’essaie d’explorer des personnages. Je déteste ranger mes films sous un seul thème, mais le mal et l’ambiguïté sont effectivement des thèmes qui me sont proches. Dans Le Mystère von Bülow [1991], je m’interroge sur un homme que l’on accuse d’avoir commis un crime épouvantable [le meurtre de son épouse]. L’a-t-il commis ou non ? La réponse n’est ja­ mais donnée. C’est cette ambiguïté qui m’in­ téresse. Cela m’attire, je ne sais pas trop pourquoi. Dans JF partagerait appartement [1992], je raconte l’histoire d’une jeune fille dont la personnalité n’est pas bien définie, qui se prend tellement d’affection pour son

Philosophie magazine n°135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020

59


© Thordis Rüggeberg/Plainpicture

Dossier

PEUT-ON SE METTRE À LA PLACE DES AUTRES ?

62

Philosophie magazine n°135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020


SI LOIN, SI PROCHES Accompagner, comprendre, aider, prendre soin… Nos quatre témoins – conseillère funéraire, ethnographe sur des terrains difficiles, psychiatre auprès de migrants, bénévole pour une association humanitaire – en ont fait une profession. Mais comment garder la bonne distance entre la compassion et l’empathie, et ne pas se laisser happer par l’émotion ?

F

ace aux éplorés, elle ne retient pas toujours ses larmes. Christel Grange est conseillère funéraire en Saône-et-Loire de­ puis cinq ans. Son travail consiste à accueillir les familles pour organiser les obsèques. 450 à 500 décès dans l’année, et autant d’histoires personnelles pour lesquelles elle et ses collè­ gues doivent trouver les mots, les bons. « Quand je reçois les gens, ils ne sont pas encore pleinement conscients de ce qui leur arrive. Le choix du cercueil peut s’avérer tragique. Faut-il parler ? Se taire ? Il m’arrive de prendre quarantecinq minutes ou bien trois heures… Ce qui importe, c’est qu’ils se sentent accompagnés. J’essaie de me mettre à leur place et de tout leur donner. Certains me remercient de leur avoir consacré du temps, de les avoir écoutés, d’autres ne veulent plus me voir, car j’incarne la mort d’un proche. » Autrefois, Christel vendait du tissu pour le prêt-à-porter. Si elle a choisi de changer aussi radicalement de métier, c’est en pensant à sa

Par Cédric Enjalbert

écrit suite à la mort de son fils. Se remettre au travail, penser à sa tâche. Mais peut-on opérer à volonté cette dissociation entre la vie intérieure et la vie professionnelle ? Ap­ prendre l’usage de l’empathie, comme on acquiert une compétence ?

LEVER LES BARRAGES

future « utilité » et en prenant la mesure de sa capacité d’être émue. Comment fait-elle pour ne pas être sub­ mergée ? « Il arrive que je le sois, que je me laisse emporter à pleurer avec les familles, mais je suis préservée parce qu’il s’agit d’une rencontre éphémère. Je n’ai pas à suivre une famille pendant des semaines, comme les infirmiers. Ensuite, je peux m’appuyer sur la série des actes à accomplir, sur une forme de mécanique qui permet de surpasser la difficulté émotionnelle. Quand je rentre chez moi, s’il m’arrive de penser à un enterrement, c’est plutôt en me demandant professionnellement si tout est en ordre. L’empathie d’un côté, la rigueur de l’autre. Enfin, le remerciement des familles est une véritable gratification qui vaut bien des peines. » L’un des points d’arrêt qui tient la relation empathique hors de la détresse serait donc le « retour aux choses moyennes », selon l’expression du philosophe américain Ralph Waldo Emerson (1803-1882), dans un texte

L’ethnographe Jean-François Laé a enquêté dans les marges, dans les cités de transit des années 1980, sur les travailleurs pauvres et payés au noir, sur l’alcoolisme. Ins­ taurer la confiance est pour lui un préalable à toute étude : comment faire pour entrer dans la place et y rester ? Il le fait aujourd’hui dans les hôtels de migrants, en banlieue parisienne. « Souvent, le premier barrage, c’est soi-même. Notre savoir fait écran à la relation. Enquêter consiste d’abord à se dépouiller, à se rendre disponible pour “vraiment voir” et se faire accepter. Le second barrage, c’est le manque de temps. Il en faut pour découvrir ce que j’appelle le noyau d’angoisse d’un lieu. D’un point de vue pratique, je joue souvent l’idiot pour ne pas dévoiler mon rôle ni susciter de réserves. » Jean-François Laé emmène ses étudiants sur des « terrains », au tribunal ou à l’hôpital, pour expérimenter la relation d’enquête et ses difficultés : apprendre à être distancié, sa­ voir objectiver, trouver sa place. « Sauf que pour objectiver, il faut d’abord s’immerger, s’approcher. Il faut se laisser happer par l’empathie, il n’y a pas d’autre solution. Ce que vous avez vu tournera la nuit dans votre tête et vous réveillera. C’est normal. Il faut savoir prendre son temps, et parfois perdre des jours ou des semaines entières.

Philosophie magazine n°135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020

63


© John Foley/Opale/Leemage

Idées

ENTRETIEN

68

Philosophie magazine n° 135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020


« Je suis et resterai une “étrangère” » «

Julia Kristeva a côtoyé toutes les grandes idéologies des cinquante dernières années tout en traçant sa propre voie, singulière et plurielle. Mao, la psychanalyse, Sollers, mais aussi le féminisme, la dépression et notre besoin de croire… Cette philosophe à la renommée mondiale se raconte ici comme elle l’a rarement fait. Propos recueillis par Martin Legros

V

ivre, c’est trouver une forme. » Julia Kristeva aime citer cette formule du poète romantique Friedrich Hölderlin. Née et élevée en Bulgarie, elle est devenue, à son arrivée en France, l’égérie de l’avant-garde littéraire et philosophique des années 1960. Polyglotte jonglant avec les formalistes russes aussi bien qu’avec le nouveau roman ou le structura­ lisme, elle côtoie Aragon, Barthes et Derrida, participe à la revue Tel Quel, épouse Sollers et s’initie à la psychanalyse avec Lacan. Jusqu’à ce voyage dans la Chine de Mao entrepris en 1974 avec Sollers et Barthes, au moment où le maoïsme apparaît comme une alternative à l’orthodoxie com­ muniste défendue par Althusser… mais où, sous le masque de la Révolution culturelle, un nouveau totalitarisme se met en place. Peu à peu, elle va mar­ quer sa différence, en trouvant des formes, justement, d’intervention et de réflexion singulières. Forte de son expérience du communisme soviétique, elle comprend que la Chine n’est pas ce modèle que vantent ses camarades – même si dans Des Chinoises, elle fait part de sa fascination pour la place de la femme dans la Chine nouvelle. Dans son travail théorique, si elle cherche, comme tout le monde à l’époque, à combiner les enseignements de la linguis­ tique, de la psychanalyse et de l’anthropologie, c’est pour attirer l’attention, à la différence de ses amis fascinés par les structures (du langage, de la société, de l’inconscient), sur tout ce qui leur échappe : les pulsions, le corps, la violence, le non-dit – ce qu’elle appelle le « sémiotique » et qu’elle met à l’épreuve de l’analyse littéraire. En psychanalyse, enfin, elle cherche, dans les pas de Melanie Klein et de Donald Winnicott, à penser la place de la femme au sein d’un modèle, freudien et lacanien, centré autour du mâle œdipien. Ce qui la conduit à restaurer l’idée de différence sexuelle contre la notion con­ temporaine de genre. Ses engagements se diversifient aussi : mère d’un fils handicapé, elle fonde le Conseil national du handicap ; soucieuse de mettre la psychanalyse au contact des « nouvelles maladies de l’âme », elle tient un sémi­ naire de clinique transculturelle sur la radicalisation des jeunes à la Maison de Solenn ; enfin, athée de culture chrétienne, elle noue un dialogue avec le pape Benoit XVI sur la croyance. Buvard absorbant toutes les modes ou ca­ méléon qui ne se laisse emprisonner par aucune ? « Julia Kristeva change la place des choses », affirmait Roland Barthes. C’est peut-être aussi parce que, en quête de formes nouvelles, elle ne reste elle-même pas en place.

JULIA KRISTEVA

Philosophie magazine n° 135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020

69


© Illustration : Jules Julien pour PM ; photos-droits d’inspiration : © Vera-Archives/Leemage ; Hannah Assouline/Opale via Leemage.


Idées

LE CLASSIQUE SUBJECTIF

HENRI BERGSON VU PAR

CLAIRE MARIN

« Bergson nous apprend à ne pas passer à côté de notre vie » CLAIRE MARIN

Elle est professeure de philosophie en classes préparatoires aux grandes écoles et membre associée de l’École normale supérieure-Ulm. Elle a signé plusieurs ouvrages consacrés aux épreuves existentielles : Hors de moi (Allia, 2008), L’Homme sans fièvre (Armand Colin, 2013), La Maladie, catastrophe intime (PUF, 2014). Son dernier ouvrage, Rupture(s) (Éditions de L’Observatoire, 2019), explore les différentes modalités d’un événement qu’elle envisage sous l’angle de la création.

Nous sommes sommés d’être performants dans tous les domaines. Cette exigence nous épuise et nous fait rêver d’une autre vie. Pour la philosophe Claire Marin, il faut plutôt, comme le propose Bergson, suivre notre élan créateur et ne pas avoir peur de rompre afin de renouer les fils de notre existence.

Philosophie magazine n° 135 DÉCEMBRE 2019/JANVIER 2020

75


LA PUISSANCE LA PUISSANCE DES FEMMES DES FEMMES Une autre histoire de la pensée Une autre histoire de la pensée Avec Hypatie d’Alexandrie, Rosa Luxemburg, Lou Andreas-Salomé, Virginia Woolf,

© Studio Nippoldt

Simone de Beauvoir… Et aussi, Élisabeth Badinter, Judith Butler, Chloé Delaume, Avec Hypathie d’Alexandrie, Luxemburg, Lou Andreas-Salomé, Virginia Woolf, Marie NDiaye, ElsaRosa Dorlin, Isabelle Sorente, Isabelle Stengers... Simone de Beauvoir… Et aussi, Élisabeth Badinter, Judith Butler, Chloé Delaume, Elsa Dorlin, Isabelle Sorente, Isabelle Stengers...

++

LA DÉCLARATION DES DROITS DE LA FEMME PAR OLYMPE DE GOUGES LA DÉCLARATION DES DROITS DE LA FEMME PAR OLYMPE DE GOUGES

NOUVEAU HORS-SÉRIE EN KIOSQUE et sur philomag.com


PEUT-ON SE METTRE À LA PLACE DES AUTRES ?

ADAM SMITH

Théorie des sentiments moraux

Ne peut être vendu séparément. © Costa/Leemage. Illustration : StudioPhilo/William L.

CAHIER CENTRAL

(extraits)


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.