CATHERINE
MEURISSE
De Charlie Hebdo à la quête de beauté
Michael Sandel « LA ROCHEFOUCAULD « Le mérite n’a rien à voir avec la réussite sociale »
NOUS LIBÈRE DE L’EGO »
Par Laurence Devillairs
CAHIER CENTRAL
L 17891 - 143 S - F: 5,90 € - RD
MENSUEL N° 143 Octobre 2020
ALEXIS DE
TOCQUEVILLE E X T R A I T S
D E
DE LA DÉMOCRATIE
EN AMÉRIQUE
F o l l l k a s s ! ’ t a h T DE LA FIN DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE
Mensuel / France : 5,90 € Bel./Lux./Port. cont. : 6,50 € Suisse : 11 CHF Andorre : 6,20 € Allemagne : 6,90 € Canada : 11,50 $CA DOM : 8 € COM :1 000 XPF Maroc : 70 DH Tunisie 11,30 TND Espagne/Italie : 6.5 €
ÉDITO
L’œil de
Berberian Par Alexandre Lacroix Directeur de la rédaction
L’angle mort de la puissance e suis allé deux fois aux États-Unis. La première fois, j’avais seulement 12 ans – c’était en 1987. J’avais profité d’un voyage bon marché proposé par les Éclaireurs de France. Notre hôtel, à New York, était situé à deux pas de la station Greyhound sur la 8e avenue. C’était un bâtiment immense et, comme nous avions demandé la chambre la moins chère sans autre précision, nous fûmes très étonnés de nous retrouver dans une pièce sans lits, couverte d’une épaisse moquette marron. Camper faisait partie de notre projet, donc nous nous en sommes accommodés sans problème. Bien plus déstabilisantes étaient ces nombreuses jeunes femmes du quartier qui s’adressaient à moi avec des yeux révulsés par la drogue et qui me proposaient une pipe pour un dollar. Je n’étais même pas encore entré dans la sphère de la sexualité"; ces racolages, relayés par des macs parfois agressifs, m’inspiraient de la terreur. C’était au début du mois de juillet et, sur les trottoirs alentour, vers 10 heures du soir, les habitants déroulaient leur matelas sur le sol – les logements sans climatisation étant surchauffés, ils préféraient dormir dehors. Comme j’avais apporté quelques livres, je sympathisais avec le portier de l’hôtel. C’était un jeune Noir de 25 ou 26 ans, très francophile, qui avait étudié la littérature française à la Sorbonne. Il m’expliquait que, malgré ses diplômes et sa passion pour les mots, il ne trouverait jamais rien d’autre qu’un emploi subalterne dans son pays à cause de sa couleur de peau. Un soir, je fus très surpris de voir ce même portier occupé à repousser, avec un collègue, une foule en colère qui tentait de prendre d’assaut l’hôtel, en faisant tournoyer devant lui un nunchaku qu’il abattait ici et là sur les têtes. L’émeute se détourna bientôt de l’hôtel et s’en prit à une voiture – une énorme Dodge ou une Ford, qui fut retournée sur la chaussée et brûlée là, sous nos yeux. Notre hôtel était situé juste à l’arrière des locaux du New York Times, qui venait d’imprimer un article où le sida était décrit comme une sorte de cancer pour homosexuels, et le mouvement gay exprimait sa légitime colère. Malgré toutes ces aberrations, les gens que je rencontrais dans la rue se sentaient globalement fiers d’être américains. Ils avaient l’impression, si cabossée soit leur existence, d’être les héros d’un film sur lequel le monde entier avait les yeux rivés. Mais qu’en est-il aujourd’hui"? En fait de démocratie, il est possible de faire subir à peu près n’importe quoi au demos – au peuple. Vous pouvez demander à un peuple de conquérir l’Europe, de marcher sur Moscou en hiver, de travailler sans relâche, de construire des gratte-ciel par dizaines de milliers en quelques années. La contrepartie pour ces sacrifices et ces efforts est la promesse de participer à une aventure de la puissance – comme dans la France napoléonienne, aux ÉtatsUnis tout au long du XXe siècle ou en Chine de nos jours. Mais si cet alibi de la puissance tombe, si le mirage de suprématie et de gloire s’évapore, il ne reste plus à un pays que sa réalité nue. Que Donald Trump soit ou non réélu, il a peut-être fracturé le rêve qui portait jusqu’à présent la nation à la bannière étoilée. Si c’est le cas, les Américains regarderont leur société avec mes yeux d’enfant.
© Serge Picard pour PM ; illustration : Charles Berberian pour PM.
J
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reaction@philomag.com
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CLAUDIA RANKINE
P. 34
RUTGER BREGMAN
Acclamée sur les planches newyorkaises pour sa pièce Help, consacrée au privilège blanc, cette poétesse tente de ramener « le lyrisme dans la réalité ». Enseignant la poésie anglaise à l’université Yale, elle nous livre ses impressions sur le racisme quotidien, ainsi que sur le sentiment d’injustice et l’imaginaire américains.
De livre en livre, cet historien réhabilite les rêveurs et la bienveillance, sans naïveté. Auteur d’un essai à succès sur les Utopies réalistes, dans lequel il défend, par exemple, le revenu de base universel, il nous accorde un entretien à l’occasion de la parution de son nouvel ouvrage": Humanité. Une histoire optimiste.
P. 42
LIONEL SHRIVER
P. 64
MICHAEL J. SANDEL
C’est une véritable star dans son domaine": la philosophie politique. Professeur à l’université Harvard, il remplit des stades et conquiert le public du monde entier avec ses dilemmes éthiques. Auteur notamment de Ce que l’argent ne saurait acheter et de Justice, il nous accorde un grand entretien à la veille des élections américaines.
L’adaptation au cinéma de son roman Il faut qu’on parle de Kevin a fait connaître cette romancière et journaliste américaine. Alors qu’elle publie en français Propriétés privées, où elle montre comment les possessions finissent par nous posséder, celle qu’on surnomme « la Cassandre des lettres » scrute l’avenir des États-Unis.
P. 28
CATHERINE MEURISSE
Chaque mois, notre chroniqueuse met en images les grands noms de la philosophie, en riant. Alors qu’une exposition magnifie son œuvre à la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou, l’illustratrice, récemment élue à l’Académie des beaux-arts, revient sur « une vie en dessin » et sur son goût pour la littérature et la philosophie.
P. 70
LAURENCE DEVILLAIRS
Descartes n’a plus de secret pour cette philosophe, doyen de la faculté de philosophie de l’Institut catholique de Paris, qui a signé récemment Être quelqu’un de bien. Mais c’est à un autre auteur, concurrent du premier, qu’elle nous introduit": le moraliste François de La Rochefoucauld, qu’elle dépeint en rebelle et en frondeur.
SERVICE ABONNÉS abo@philomag.com / 01"43"80"46"11 Philosophie magazine, 45, avenue du Général-Leclerc 60643 Chantilly Cedex - France Tarifs d’abonnement": prix normal pour 1 an (10 nos) France métropolitaine": 57 € TTC (TVA 2,1 %). UE et DOM": 69 €. COM et Reste du monde": 77 €. Formules spéciales pour la Belgique et la Suisse Belgique": 070/23"33"04 abobelgique@edigroup.org Suisse": 022/860 84 01 abonne@edigroup.ch Diffusion": MLP Contact pour les réassorts diffuseurs": À Juste Titres, 04"88"15"12"42, Julien Tessier, j.tessier@ajustetitres.fr RÉDACTION redaction@philomag.com Directeur de la rédaction": Alexandre Lacroix Rédacteurs en chef": Martin Legros, Michel Eltchaninoff Rédacteurs en chef adjoint": Cédric Enjalbert, Catherine Portevin Conseiller de la rédaction": Sven Ortoli Cheffe de rubrique": Victorine de Oliveira Rédacteur": Octave LarmagnacMatheron Secrétaires de rédaction": Noël Foiry, Marie-Gabrielle Houriez Création graphique": William Londiche / da@philomag.com Graphiste": Alexandrine Leclère Responsable photo": Stéphane Ternon Rédactrice photo": Mika Sato Webmaster": Cyril Druesne Ont participé à ce numéro": Adrien Barton, Charles Berberian, Pascal Bruckner, Paul Coulbois, Vincent Dozol, Martin Duru, Dominik Erhard, Jack Fereday, Cynthia Fleury, Philippe Garnier, Gaëtan Goron, Jules Julien, Frédéric Manzini, François Morel, Tobie Nathan, Ariane Nicolas, Charles Pépin, Charles Perragin, Serge Picard, Alain Pilon, Claude Ponti, Jean-Marie Pottier, Oriane Safré-Proust, Séverine Scaglia, Isabelle Sorente, Nicolas Tenaillon ADMINISTRATION Directeur de la publication": Fabrice Gerschel Responsable administrative": Sophie Gamot-Darmon Responsable abonnements": Léa Cuenin Fabrication": Rivages Impression": Maury imprimeur, Z.I., 45300 Manchecourt Commission paritaire": 0521 D 88041 ISSN": 1951-1787 Dépôt légal": à parution Imprimé en France/Printed in France / Philosophie magazine est édité par Philo Éditions, SAS au capital de 340"200 euros, RCS Paris B 483 580 015 Siège social": 10, rue Ballu, 75009 Paris Président": Fabrice Gerschel RELATIONS PRESSE Canetti Conseil, 01"42"04"21"00 Françoise Canetti, francoise.canetti@canetti.com PUBLICITÉ Partenariats/Publicité Audrey Pilaire, 01"71"18"16"08, apilaire@philomag.com MENSUEL NO"143 - OCTOBRE "2020 Couverture": © Ferdinand Stohr/ Unsplash"; montage": Keygraphic et StudioPhilo"; droits d’inspiration": Warner Bros. Animation/ WarnerMedia
Origine du papier": Italie. Taux de fibres recyclées": 0 %. Tous les papiers que nous utilisons dans ce magazine sont issus de forêts gérées durablement et labellisés 100 % PEFC. Le taux majoritaire indiqué Ptot est de 0,009.
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Philosophie magazine n°!143 OCTOBRE 2020
La rédaction n’est pas responsable des textes et documents qui lui sont envoyés. Ils ne seront pas rendus à leurs propriétaires.
© Elizabeth Weinberg/The New York Times/Redux/Réa ; Leonardo Cendamo/Leemage ; Judith Jockel/Laif/Réa ; Édouard Caupeil/Pasco&Co ; Hannah Assouline/Opale/Leemage ; Witi De Tera/Opale via Leemage.
P. 52
ILS ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO
10, rue Ballu, 75009 Paris Tél.": 01"43"80"46"10 www.philomag.com
Citerne d’essence religieuse très inflammable p. 18
Réserve d’utopies bientôt à sec p. 93
Oasis de la légèreté p. 28
Chambre de Vladimir, serial poisoner p. 18
Chambre du bon sauvage p. 34
Chambre du baiser de Rodin p. 92
Distributeur automatique de vaccins p. 18 Métaphore mécanique de l’amour-propre humain p. 70
Établissement surveillé par Shoshana Zuboff p. 80 Wi-Fi impériale p. 98
Chasseur courant après une remise sur son permis p. 22 Linge sale républicain, linge sale démocrate p. 56
Tacot républicain se rechargeant à l’énergie du complotisme p. 50
Pick-up des pensées d’autrui p. 78
Ici l’ondine p. 88
Rebuts de ressentiment non recyclables p. 82
SOMMAIRE P. 3 Édito
P. 8 Questions à Charles Pépin
P. 10 Question d’enfant à Claude Ponti P. 12 Courrier des lecteurs
Déchiffrer l’actualité
P. 40 Les États désunis
P. 42 Il faut parler de l’oncle Sam
Avec Lionel Shriver
P. 14 TÉLESCOPAGE
P. 44 Les voix de l’Amérique. Témoignages
P. 18 PERSPECTIVES
P. 50 La crise profonde de l’information
P. 16 REPÉRAGES
commentés par Romain Huret
Avec Nolan Higdon
Entreprises pharmaceutiques et États au coude à coude dans la recherche d’un vaccin contre le Covid / Affaire Alexeï Navalny": l’empoisonnement est plus qu’une simple tentative d’assassinat / La laïcité peut-elle sortir le Liban de la crise"? / Neuralink, le dispositif d’interface cerveau-machine d’Elon Musk en question P. 22 AU FIL D’UNE IDÉE La chasse P. 24 ETHNOMYTHOLOGIES par Tobie Nathan
Cahier central Agrafé entre les pages 50 et 51, notre supplément": De la démocratie en Amérique d’Alexis de Tocqueville
Prendre la tangente
Cheminer avec les idées
P. 28 REGARD
L’insoutenable légèreté du trait Avec Catherine Meurisse P. 34 RENCONTRE Et si nous étions fondamentalement bons"? Avec Rutger Bregman P. 36 MOTIFS CACHÉS par Isabelle Sorente © Illustration : Paul Coulbois pour PM
DOSSIER De la fin de la démocratie en Amérique
Ce numéro comprend en cahier central un encart rédactionnel (agrafé entre les pages 50 et 51) de 16 pages complétant notre dossier « De la fin de la démocratie en Amérique », constitué d’une présentation et d’extraits du livre De la démocratie en Amérique, d’Alexis de Tocqueville.
PHILOSOPHIE MAGAZINE N° 144 PARAÎTRA LE 29 OCTOBRE 2020
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Chaque jour notre rédaction commente l’actualité. Et aussi : les archives, les fiches sur les grands philosophes, le lexique, les citations…
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P. 52 La violence analysée
par Claudia Rankine
P. 54 La classe ou la race"?
Avec Michael Lind et Kevin Baker
P. 56 La démocratie sur le ring
Avec Patrick J. Deneen et Yascha Mounk
P. 64 L’ENTRETIEN
Michael J. Sandel
P. 70 LE CLASSIQUE SUBJECTIF
François de La Rochefoucauld vu par Laurence Devillairs P. 76 BOÎTE À OUTILS Divergences / Sprint / Intraduisible / Strates P. 78 BACK PHILO
Livres
P. 80 ESSAI DU MOIS
L’Âge du capitalisme de surveillance / Soshana Zuboff P. 81 ROMAN DU MOIS Yoga / Emmanuel Carrère P. 82 EXCLUSIF Cynthia Fleury et Pascal Bruckner ont lu leurs livres respectifs P. 84 Nos choix P. 88 Notre sélection culturelle P. 90 Agenda
P. 92 OH"! LA BELLE VIE
par François Morel
P. 93 Jeux
P. 94 Humaine, trop humaine
par Catherine Meurisse
P. 98 QUESTIONNAIRE DE SOCRATE
Alice Zeniter
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© Catherine Meurisse, Dargaud, 2016
Tangente
REGARD
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L’insoutenable légèreté du trait
La dessinatrice Catherine Meurisse a participé à l’aventure de Charlie Hebdo et publie chaque mois dans notre magazine la bande dessinée « Humaine, trop humaine ». Alors qu’une exposition lui est consacrée au Centre Georges-Pompidou, à Paris, elle revient sur sa trajectoire et ses sources d’inspiration en quelques dessins. Propos recueillis par Alexandre Lacroix
Je suis une sentimentale, pas un soldat près les attentats contre Charlie Hebdo, après cette catastrophe, j’ai senti que je « devais quitter le journal. J’avais perdu la mémoire, les mots, jusqu’à la possibilité de dessiner. Pendant deux ans, je n’ai pas réussi à lire ni à me concentrer sur aucune tâche. Dans cet état de choc, je ne me voyais pas endosser pour toujours le rôle de soldat du dessin de presse, de militante de la liberté d’expression. Bien évidemment, lors de mes dix années de travail à Charlie Hebdo, au contact de personnalités comme Cabu ou Charb, j’ai développé une forme de conscience politique. Cabu ou
© Witi De Tera/Opale via Leemage
A
Wolinski étaient des mines de culture historique et militante, ils m’ont tous beaucoup appris. Mais je ne me voyais pas m’engager à vie pour une cause. C’est la voie qu’a choisie Riss, il ne cédera jamais et il est d’un courage exemplaire. Mais moi, comme Luz, j’ai pris la tangente et suis revenue à mes premières amours, c’est-à-dire au goût pour la nature, la marche, l’art – la recherche de l’apesanteur et de la beauté. Cette planche issue de La Légèreté me représente en train d’escalader la dune du Pilat, où m’avaient emmenée des amis qui s’inquiétaient de ma prostration post-traumatique et voulaient me faire voir l’océan pour me changer les idées. Je monte seule sur la dune. C’est un moment presque transcendant. Les couleurs rayonnaient autour de moi. Pendant les mois qui ont suivi les attentats, je n’ai jamais cessé de marcher. Non seulement parce que j’étais terrifiée, mais parce que je recherchais le mouvement et le chemin qui me ramèneraient vers la vie.
À cette époque aussi, je suis tombée sur une phrase de Nietzsche, que j’ai placée en exergue de La Légèreté": “Nous avons l’art pour ne pas mourir de la vérité.” Je n’y ai pas perçu une thèse philosophique complète mais des mots qui m’ont plu": “nous”, “ne pas mourir”. Pour moi, à l’époque, la ‘‘vérité” se confondait avec la “réalité”, et le seul réel que j’étais capable de considérer, c’étaient les tueurs et la mort de mes camarades de Charlie. Alors, j’ai suivi cette intuition": quand le réel nous blesse, l’art peut nous sauver. Je comprends que certains puissent trouver cette attitude trop détachée, comme s’il y avait une sorte de philistinisme à aller chercher du réconfort sur les bords de mer, devant des Caravage ou au forum de Rome, comme je l’ai fait, alors que le monde va si mal, qu’il est à feu et à sang. Et cependant, je vois la circulation des œuvres d’art entre les êtres humains comme un moyen de créer une chaîne de solidarité, un esprit partagé qui ne soit pas belliqueux. »
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Dossier
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PARCOURS DE CE DOSSIER
P. 40
Le mardi 3 novembre 2020 aura lieu la 59e élection présidentielle des États-Unis. Le slogan de Donald Trump, qui joue sur la peur d’un effondrement économique et de la généralisation des émeutes, est Keep America Great. Celui du candidat démocrate, Joe Biden": Build Back Better, « Reconstruire en mieux ». En effet, une partie de l’opinion publique du pays espère rebâtir le rêve américain, celui d’une démocratie qui intègre des migrants venus du monde entier, portée par la foi en son propre destin… Mais l’Amérique est-elle encore à la hauteur de cet idéal"? C’est la question que nous posons dans ce dossier, où des citations tirées de l’essai visionnaire de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, nous servent de fil rouge…
!
P. 52
La poétesse Claudia Rankine, dont le livre Citizen a été un choc outre-Atlantique, évoque, à travers des scènes vécues, le racisme et la violence ordinaires.
P. 54
P. 42
© Ferdinand Stohr/Unsplash ; montage : Keygraphic et StudioPhilo ; droits d’inspiration : Warner Bros. Animation/WarnerMedia.
Romancière à la plume acide, Lionel Shriver nous décrit le climat de l’Amérique actuelle.
P. 44
Trois électeurs de Joe Biden et deux électeurs de Donald Trump témoignent de leurs craintes et de leurs aspirations. Leurs propos sont commentés par l’américaniste Romain Huret.
P. 50
Historien et professeur de media studies, Nolan Higdon démontre que le phénomène des fake news n’est pas limité à la personnalité de Donald Trump et qu’il s’agit d’un mal endémique des démocraties connectées.
Quel est l’enjeu central de cette élection": la crise économique ou Black Lives Matter"? La lutte des classes ou la question de la race"? Un pour ou contre avec le politiste Michael Lind et l’essayiste Kevin Baker.
P. 56
Politologue libéral, Yascha Mounk s’interroge, dans Le Peuple contre la démocratie, sur les moyens de combattre le populisme. Il ferraille avec l’intellectuel conservateur Patrick J. Deneen, qui accuse la gauche américaine d’avoir trahi le peuple. Un débat tendu qui montre que, dans l’Amérique électrisée par le mandat de Donald Trump, le torchon brûle entre démocrates et républicains.
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reaction@philomag.com
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Dossier
DE LA FIN DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE
«
ROMAIN HURET
Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et membre du Centre d’études nordaméricaines, spécialiste des inégalités économiques et sociales, il enseigne l’histoire des États-Unis à l’Institut d’études politiques de Lyon. Il a notamment fait paraître en français La Fin de la pauvreté"? (Éditions de l’EHESS, 2008) et Katrina, 2005. L’ouragan, l’État et les pauvres aux États-Unis (Éditions de l’EHESS, 2015). Il a également fait paraître en anglais American Tax Resisters (« Les réfractaires américains à l’impôt »!, Harvard University Press, 2014). Il achève actuellement un ouvrage sur les célibataires, l’ordre matrimonial et les inégalités aux États-Unis.
L
’Amérique est un pays en guerre. » Voici ce que vous lirez dans ces témoignages, recueillis au cours du mois d’août auprès de cinq électeurs américains des deux bords, démocrates et républicains. Mais seulement en creux, comme une idée qui brille par son absence, commente Romain Huret. Pour cet historien des États-Unis, chercheur à l’EHESS, il existe en effet « une forme de violence réelle et symbolique, évidente pour quiconque va aux États-Unis. Mais tous les Américains ne la reconnaissent pas comme telle ». La persistance du racisme est la face la plus visible de cette violence, mais il faut compter aussi avec l’importance des inégalités. En effet, les « filets de sécurité » sont si distendus qu’ils rendent impossible la résolution des crises sanitaires – pas uniquement celle du Covid-19 mais aussi celle, alarmante, des opioïdes. Pourtant, il existe un autre impensé majeur qui fragilise l’Amérique#: toutes les guerres inachevées, à l’extérieur comme à l’intérieur du pays. « Les ÉtatsUnis sont une puissance militaire et un pays fortement brutalisé, parce qu’il est en guerre depuis longtemps, depuis 2001, sinon avant. La référence militaire est omniprésente. Le nombre d’anciens combattants y est exceptionnel – plus de 18 millions. Ils sont influents, mais aussi vulnérables et mal réinsérés dans une société fragmentée. » Romain Huret met en garde#: selon lui, ce sont ces anciens combattants qui feront l’élection en 2020 comme ils ont fait celle de 2016. S’il n’est pas pessimiste sur la vitalité théorique de la démocratie, sur la vigueur des débats et la richesse des divisions politiques, le chercheur souligne en revanche la détérioration des pratiques du discours. Preuve de cette altération des usages démocratiques#: il a été fort difficile de convaincre ces sympathisants, notamment ceux du candidat républicain, de parler à un média, qui plus est étranger, par défiance ou par peur d’assumer publiquement leur choix. Cette dérégulation de l’espace public favorisée par les réseaux sociaux, Trump l’a accentuée. Il la maîtrise et en tire profit… En novembre, l’histoire bégaiera-t-elle#? La voix aux électeurs.
LES VOIX DE L’AMÉRIQUE Témoignages recueillis et traduits par Vincent Dozol / Commentaires recueillis par Cédric Enjalbert / Illustration Seb Jarnot
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Philosophie magazine n°143 OCTOBRE 2020
© CP
Démocrate ou républicain, Trump ou Biden": cinq électeurs expliquent les raisons existentielles et politiques qui motivent leur vote. Romain Huret, historien des États-Unis spécialiste des inégalités, éclaire ces témoignages.
« Nous ne parlons plus de politique, c’est trop clivant » ADRIENNE CHILDS
HISTORIENNE DE L’ART / FALLS CHURCH (VIRGINIE) / 60 ANS
VOTE DÉMOCRATE
«
V
oter est un plaisir et mon devoir depuis toujours. Quand j’ai atteint la majorité électorale, je vivais avec mes grands-parents, qui étaient eux-mêmes très engagés. J’ai maintenant 60 ans et, en tant que membre du Parti démocrate, je soutiens que le système politique doit assurer la sûreté, la protection sociale et l’éducation pour l’ensemble de la population, et se soucier de l’environnement. Le système politique doit corriger les injustices du passé dont les minorités ont souffert en termes d’accès à l’éducation et à l’emploi. Normalement, j’essaie de comprendre tous les bords politiques, mais aujourd’hui nous ne parlons plus de politique, c’est trop clivant. Les républicains ont décidé de soutenir Donald Trump, bien qu’il soit inepte, répugnant, criminel et raciste. Le choix qu’ils ont fait de chercher leur salut aux dépens de la Nation marquera la fin de ce parti tel que nous l’avons connu. Il est maintenant certain qu’un président sans expérience, sans connaissances de l’histoire et de la culture américaines, n’est pas désirable. Je voterai pour Joe Biden. À ce niveau de responsabilité, je cherche aussi une forte personnalité, de l’empathie, une capacité à se saisir des enjeux de société, une volonté de travailler avec d’autres parties, une aptitude à représenter les intérêts du pays au niveau international. J’observe l’entourage présidentiel, les personnes qu’il choisit pour l’assister. La pandémie est devenue une crise politique, parce que Trump l’a politisée en minimisant le besoin de masques, en critiquant l’action des gouverneurs démocrates. Forcer les États républicains à rouvrir leurs commerces et à relancer leur activité trop tôt se paie au prix fort. Nous comptons trop de morts, et j’attribue clairement cette faute à Trump. Il n’a pas été capable de rassembler la Nation. Cependant, mon vote n’est pas une réponse à la crise. Cette année, l’enjeu le plus déterminant est d’écarter Donald Trump du pouvoir. Il y a plein d’autres défis auxquels nous devons répondre – le Covid-19, l’assurance santé, les infrastructures, la violence par armes à feu, l’éducation –, mais nous en sommes incapables tant que cet incompétent est à la Maison Blanche. »
LE COMMENTAIRE DE ROMAIN
HURET
L
L’AMÉRIQUE N’EST PAS UNE DÉMOCRATIE APAISÉE »
a démocratie américaine est dans une période de reconfiguration. Il y a eu des moments de crise similaires et extrêmement durs par le passé, par exemple durant la guerre de Sécession, dans les années 1930 et 1960… L’unité de la nation semble alors perdue. Mais les clivages idéologiques dont parle Adrienne Childs me semblent plutôt une richesse, à condition qu’ils puissent trouver un espace pour s’exprimer. Car la vie intellectuelle américaine est nourrie, elle met au jour des points de vue très contrastés sur les questions de genre, de race, de domination symbolique, d’inégalités… L’autorité et la hiérarchie imposées par les grandes élites intellectuelles se sont effondrées depuis trente ou quarante ans. En 2011, l’historien Daniel T. Rogers a écrit un beau livre intitulé Age of Fracture [non traduit], qui pointe la désintégration des valeurs communes dans le débat social aux États-Unis. Je ne crois pas qu’il faille y voir une dégénérescence démocratique. En revanche, et c’est peut-être ce que souligne Adrienne, il est vrai que les règles admises de l’État de droit sont en train de bouger. Cette démocratie fondée à l’époque des Lumières, et si bien décrite par Tocqueville, repose sur un ensemble de règles tacites désormais ébranlées. En 2000, dans son essai Bowling Alone [“Jouer au bowling seul” ; non traduit], le politologue Robert Putnam déplorait, lui, la disparition des corps intermédiaires, des associations civiques, des syndicats. Je suis moins pessimiste. Les nouveaux médias et la reconfiguration de l’espace public permettent à chacun de s’exprimer. Le danger serait plutôt leur abondance et le fait qu’ils favorisent l’entre-soi, ce qui rend l’organisation du débat contradictoire vraiment difficile. L’Amérique n’est pas une démocratie apaisée. »
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Dossier
DE LA FIN DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE
LA DÉMOCRATIE SUR LE RING PATRICK J. DENEEN YASCHA MOUNK
Professeur de sciences politiques, titulaire d’une chaire d’études constitutionnelles à l’Université Notre Dame (Indiana), il est l’un des représentants du conservatisme américain. Il a signé Pourquoi le libéralisme a échoué, à paraître chez les Éditions de l’Artisan le 27 octobre 2020.
Politologue allemand naturalisé américain, il est chargé de cours à l’Université Harvard (Massachusetts). Il anime le podcast The Good Fight et a notamment fait paraître Le Peuple contre la démocratie (Éditions de L’Observatoire, 2018).
© Department of Political Science- University of Notre Dame/DR ; Basso Cannarsa/Opale/Leemage.
Voici une rencontre explosive entre deux penseurs américains aux antipodes": le penseur du conservatisme Patrick J. Deneen affronte le défenseur du libéralisme politique Yascha Mounk sur le sens de la démocratie, ses principes et son avenir. Un choc frontal"! Propos recueillis et traduits par Jean-Marie Pottier
Une supportrice de Donald Trump lors d’un meeting de soutien au président américain, le 15 juin 2020 à Charlotte (Caroline du Nord).
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P © Bruce Gilden/Magnum Photos
ersuasion": c’est le nom de la publication en ligne lancée en juillet par le chercheur en science politique Yascha Mounk, auteur d’un essai très commenté sur la déconsolidation démocratique, Le Peuple contre la démocratie. Peu probable, en revanche, qu’il ait réussi à persuader l’interlocuteur que nous avons choisi pour débattre avec lui de l’état de la démocratie américaine": le philosophe politique Patrick J. Deneen, auteur d’un remarqué Pourquoi le libéralisme a échoué, cité en 2018 par Barack Obama dans sa liste annuelle de lectures. Un livre où celui qui se qualifie aujourd’hui d’« anti-anti-Trump, ce qui n’est pas pareil qu’être proTrump », argue que le libéralisme, au sens économique et culturel, a tellement gagné la partie qu’il a fini par perdre en minant de l’intérieur le libéralisme politique, philosophie au fondement de nos démocraties. Preuve de ce désaccord tranché, ces presque deux heures d’un débat, souvent tendu et parfois houleux, tenu à distance entre Paris, l’État de New York et l’Indiana à deux mois du scrutin présidentiel qui opposera Donald Trump à Joe Biden.
Yascha Mounk": Dire que Donald Trump a une idéologie cohérente est insultant pour l’idée d’idéologie, mais il peut être utile de l’analyser comme un populiste autoritaire. La raison, c’est qu’il croit que lui, et lui seul, représente légitimement le peuple américain et qu’il ne doit donc y avoir aucune limite à l’étendue et à l’exercice de son pouvoir. Cela le place en conflit direct avec l’ordre libéral des États-Unis et le rend incapable d’accepter la critique légitime de la presse ou le fait que les juges ont le droit d’évaluer si ses actions rentrent dans le champ de ses pouvoirs. Patrick J. Deneen": Si l’on s’interroge sur ce qui restera du trumpisme après Donald Trump, on peut dire que ce dernier aura représenté une figure de transition dans la
longue histoire du conservatisme américain. Durant les cinquante dernières années, ce dernier avait été décrit, dans une comparaison célèbre, comme un tabouret à trois pieds": il était libertaire sur le plan économique, extrêmement interventionniste sur le plan international et conservateur sur le plan sociétal, avec un intérêt poussé pour la nomination de juges, pour l’annulation de Roe v. Wade [l’arrêt de la Cour suprême qui a légalisé l’avortement en 1973] et pour la défense de la liberté religieuse. Ce qui a poussé de nombreux Américains à voter pour Trump est qu’il représentait un rejet non seulement de la gauche progressiste mais de ce compromis conservateur. Sans être particulièrement cohérent, Trump a signalé aux électeurs qu’il s’attaquerait à deux des pieds du tabouret en
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Idées
ENTRETIEN
R
Michae J. Sand l el
« LA TYRANNIE DU MÉRITE EST À L’ORIGINE DE LA RÉVOLTE POPULISTE » C’est un diagnostic puissant sur la crise de la démocratie auquel aboutit l’une des grandes figures de la pensée politique américaine, Michael J. Sandel. Il met en effet en cause la méritocratie, qui permet aux gagnants de considérer que leur position est un dû et renvoie aux perdants l’idée qu’ils sont responsables de leur destin. En guise de remède, il invite à une politique du bien commun centrée sur la dignité du travail.
© Édouard Caupeil//Pasco&co
Propos recueillis et traduits par Martin Legros
emettre la question du bien commun au centre de la discussion. C’est avec ce projet simple, presque naïf, que le philosophe Michael J. Sandel, qui a enflammé les auditoires avec ses cours sur des expériences de pensée autour de la justice, entend répondre à la crise actuelle des démocraties. Cette ambition l’habite depuis longtemps. Dans l’un de ses premiers livres, Le Libéralisme et les limites de la justice, où il discutait les thèses de John Rawls et de Robert Nozick, il s’opposait déjà à l’idée qu’on puisse définir la justice en se plaçant derrière un « voile d’ignorance » sans référence à nos conceptions du bien et de la vie bonne. Plus tard, dans Justice, best-seller mondial, il développait sa critique de l’utilitarisme et du libéralisme, en montrant sur toute une série de questions concrètes concernant l’extension du marché ou la discrimination positive qu’on ne pouvait pas trancher ces questions en se basant sur le seul principe du respect des libertés individuelles. Il faut par conséquent expliciter et confronter publiquement nos convictions morales les plus profondes… ou retrouver celles de Bentham, Hume et Kant. Aujourd’hui, cette réflexion se leste d’un diagnostic très fort sur le retournement démocratique contemporain. Au cœur du ressentiment mondial des peuples"? La « tyrannie du mérite » selon le titre de son dernier ouvrage qui vient de paraître dans le monde anglo-saxon – et qui paraîtra en 2021 chez Albin Michel. Qu’entend-il par là"? Le fait que la possession d’un diplôme supérieur, devenu le grand diviseur social, permet aux « gagnants » de la mondialisation libérale de considérer qu’ils ont mérité leur chance, alors que les « perdants » et tous ceux dont le mode de vie stagne n’auraient qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Cette idée que l’unique voie pour s’élever est d’accéder à une éducation supérieure a renvoyé à tous ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas faire d’études le sentiment qu’ils ne mériteraient pas l’estime et la reconnaissance de la société. Brexit, élection de Trump, vague populiste en Europe, ces événements attestent, d’après Sandel, d’une « révolte contre la tyrannie du mérite ». Et le philosophe de proposer en guise de remède à ce mal un nouveau contrat civique centré sur la « dignité du travail ». C’est précisément la grande leçon qu’il retient du confinement": la découverte de la contribution de toute une série de métiers sous-évalués et pourtant « essentiels » au bien commun. Il nous en a livré l’argument, depuis Boston, au cours d’une discussion dont il a le secret": simple et décontractée, mais profonde et convaincante.
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© Illustration : Jules Julien pour PM ; photo-droits d’inspiration : © Hannah Assouline/Opale via Leemage ; Bridgeman Images/Leemage.
Idées
LE CLASSIQUE SUBJECTIF
FRANÇOIS DE LA ROCHEFOUCAULD VU PAR LAURENCE DEVILLAIRS
« La Rochefoucauld nous débarrasse de l’impératif moderne d’être soi »
© Hannah Assouline/Opale via Leemage
LAURENCE DEVILLAIRS
Spécialiste de philosophie morale du XVIIe siècle, elle est doyen de la Faculté de philosophie de l’Institut catholique de Paris. Elle a notamment publié Guérir la vie par la philosophie (PUF, 2017), Un bonheur sans mesure (Albin Michel, 2017) et, plus récemment, Être quelqu’un de bien (PUF, 2019).
Un inconnu célèbre : voici La Rochefoucauld, un oublié de l’histoire de la philosophie du XVIIe siècle, et pourtant sérieux rival de Descartes. Pour Laurence Devillairs, le moraliste, seul contre tous, pourfend les illusions et les démesures de l’ego. Rien ne résiste à sa plume, et sa lecture permet de devenir plus lucide mais aussi plus léger.
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© Cover Artwork by David Stenbeck, courtesy of Jenn Singer Gallery
LE NOUVEAU HORS-SÉRIE DE PHILOSOPHIE MAGAZINE
PHILOSOPHIE DU
RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE Éthique, politique, métaphysique : tout changer
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DE LA FIN DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE
CAHIER CENTRAL
ALEXIS DE TOCQUEVILLE (extraits)
De la démocratie en Amérique