#147 mars 2021

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MENSUEL N° 147 Mars 2021

LIBERTÉ, ÉGALITÉ,

IDENTITÉS

Comment reconnaître nos différences ?

Bruno « GAÏA, DIEU, Latour LE CORPS ET MOI »

LA VIE N’EST PAS UNE SUCCESSION DE TEMPS D’ÉCRANS !

Par Pascal Chabot


ÉDITO

L’œil de

Berberian Par Alexandre Lacroix Directeur de la rédaction

Et si on dégonflait (un peu) l’identité ? a question de l’identité, aujourd’hui si brûlante, m’est toujours apparue en rapport étroit avec cette phrase de Friedrich Nietzsche, dans Le Crépuscule des idoles : « Le besoin d’une foi puissante n’est pas la preuve d’une foi puissante, c’est plutôt le contraire. » Ce que pointe le philosophe avec cette formule, c’est que le fanatique ou le dogmatique ne supporte pas son véritable état, qui est de ne croire en rien, et que, précisément, il cherche dans une affirmation de sa foi outrancière, maximaliste, un remède à ce trouble intime, à ce vertige qui est d’ignorer l’origine de l’Univers comme le sens profond de la condition humaine. Si Nietzsche a raison psychologiquement, le fanatique ne fait qu’avouer, à son insu, qu’il doute et qu’il a ce doute en horreur. Or cette phrase s’applique assez bien à notre époque, si vous vous donnez la peine de remplacer « foi » par « identité ». Cela donne : « Le besoin d’une identité puissante n’est pas la preuve d’une identité puissante, c’est plutôt le contraire. » Ce que ne supporte pas celui qui donne un tour véhément, implacable, à sa revendication identitaire, c’est de ne pas savoir qui il est. Mais c’est là le propre de la condition humaine : nul n’a accès à une connaissance complète de lui-même, nul ne saurait se saisir lui-même comme essence. C’est tellement insupportable, cette incertitude quant à soi-même, cette menace permanente d’un émiettement intérieur, qu’on s’empresse de se saisir d’une identité extérieure (une nationalité, une race, un genre…), comme un paravent ou un masque qu’on voudrait poser sur la béance. Il est vrai que cette manière d’envisager la question de l’identité est largement due au fait que ma propre lignée s’enfonce rapidement dans la nuit. Par mon père, je viens du Poitou ; par ma mère, de Bourgogne. Leurs familles n’étaient ni croyantes ni puissantes. Et très vite, si j’essaie de remonter l’arbre généalogique, on plonge dans l’anonymat, c’est-à-dire dans les « vies minuscules » de ceux qui composèrent, de siècle en siècle, la petite paysannerie du continent européen, corvéable à merci. Bien sûr, je peux présenter cela comme une sorte d’épopée glorieuse – ces gens étaient durs à la tâche, ils étaient humbles, ils ont fait preuve d’abnégation –, mais la réalité est qu’ils n’ont pas joué de rôle significatif dans l’Histoire, qu’il n’y a pas grand-chose à raconter. Ils ont vécu près de la terre, des saisons, des récoltes, comme la plupart des êtres humains avant nous, et cela depuis la sédentarisation, depuis les débuts de l’agriculture au Néolithique. Si je voulais faire de ces origines une identité et la revendiquer, j’aurais l’impression de tomber dans le ridicule. Ils étaient épars. Ils ont fait comme ils pouvaient. Ils ont lutté pour survivre et pour s’arracher à la misère tant bien que mal. Cette perspective explique que j’ai tendance à penser l’identité comme un cadeau empoisonné. Vous voulez qu’un être humain perde le contact avec lui-même ? Rien de plus facile. Offrez-lui une identité. Répétez-lui que ses ancêtres ont été victimes d’oppressions et d’injustices, ou ont été les protagonistes de l’un des drames majeurs de l’Histoire, ou même, dans un autre genre, qu’il a des quartiers de noblesse et que des exploits sont attachés à son nom. Donnez-lui l’assurance d’appartenir à un groupe, à une lignée – et il se précipitera sur cette occasion d’échapper à la moyenne indifférenciée mais aussi au trouble que tout un chacun ressent s’il se coltine un peu sincèrement la question : « Qui suis-je ? » Hélas ! n’est-ce pas du même coup courir le risque de convaincre la grenouille qu’elle est un bœuf ?

© Serge Picard pour PM ; illustration : Charles Berberian pour PM.

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N’hésitez pas à nous transmettre vos remarques sur

reaction@philomag.com

Philosophie magazine n° 147

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P. 52 Qui suis-je ? Voilà la question au cœur des recherches de ce spécialiste en philosophie du langage et directeur d’études à l’EHESS. Lui qui a signé un essai sur Les Embarras de l’identité retrace l’histoire de ce concept et revient sur les différentes façons de revendiquer ce que nous sommes, de la poursuite de l’égalité à l’exaltation de la différence.

CATHERINE MALABOU

P. 58 Mobilisant les neurosciences et la psychanalyse, cette disciple de Hegel et de Derrida a forgé le concept de « plasticité » pour penser la manière dont nos itinéraires personnels bifur­ quent et se réinventent. La philosophe, autrice de Métamorphoses de l’intelligence, éclaire ici le parcours de cinq témoins qui attestent d’une transformation de leur identité.

SAUL STEINBERG

Couverture Illustrateur virtuose, vedette du New Yorker, il s’est rendu célèbre avec une carte de Manhattan déformée selon sa géographie mentale… celle d’un Roumain né en 1914, contraint d’émigrer aux États-Unis pour fuir l’antisémitisme. Il meurt à New York en 1999. Le détournement des documents d’identité était sa signature, comme sur l’illustration que nous reproduisons en couverture.

SOUMAYA MESTIRI

PASCAL CHABOT

P. 36 Dans son dernier ouvrage Avoir le temps. Essai de chronosophie, le philosophe identifie les grands régimes du temps qui organisent nos sociétés : le Destin, le Progrès, le Délai, l’Hypertemps et l’Occasion. En regard d’une série d’images, il décrypte la façon dont ces conceptions cohabitent et s’incarnent dans notre paysage quotidien.

HÉLÈNE L’HEUILLET

P. 74 En invitant à « nous retirer à l’intérieur de nous-mêmes », la pensée stoïcienne se montre très actuelle… Ainsi, chez Marc Aurèle, apparaît la possibilité de concilier l’expérience de souffrance et un rapport apaisé aux événements, ainsi que l’explique la philosophe et psychanalyste Hélène L’Heuillet, autrice de Du voisinage. Réflexions sur la coexistence humaine.

P. 66 De la philosophie politique libérale américaine aux études décoloniales et féministes, il n’y a qu’un pas, franchi par cette philosophe enseignant à l’université de Tunis. Face aux tenants de l’universalisme, l’autrice de Décoloniser le féminisme. Une approche transculturelle invite au « décentrement » pour mieux accepter l’identité de l’autre.

SERVICE ABONNÉS abo@philomag.com / 01 43 80 46 11 Philosophie magazine, 45, avenue du Général-Leclerc 60643 Chantilly Cedex - France Tarifs d’abonnement : prix normal pour 1 an (10 nos) France métropolitaine : 57 € TTC (TVA 2,1 %). UE et DOM : 69 €. COM et Reste du monde : 77 €. Formules spéciales pour la Belgique et la Suisse Belgique : 070/23 33 04 abobelgique@edigroup.org Suisse : 022/860 84 01 abonne@edigroup.ch Diffusion : MLP Contact pour les réassorts diffuseurs : À Juste Titres, 04 88 15 12 42, Julien Tessier, j.tessier@ajustetitres.fr RÉDACTION redaction@philomag.com Directeur de la rédaction : Alexandre Lacroix Rédacteurs en chef : Martin Legros, Michel Eltchaninoff Rédacteurs en chef adjoints : Cédric Enjalbert, Catherine Portevin Conseiller de la rédaction : Sven Ortoli Cheffe de rubrique : Victorine de Oliveira Rédacteurs : Samuel Lacroix, Octave Larmagnac-Matheron, Ariane Nicolas, Nicolas Gastineau Secrétaires de rédaction : Noël Foiry, Marie-Gabrielle Houriez Création graphique : William Londiche / da@philomag.com Graphiste : Alexandrine Leclère Responsable photo : Stéphane Ternon Rédactrice photo : Camille Pillias Webmaster : Cyril Druesne Ont participé à ce numéro : Adrien Barton, Charles Berberian, Paul Coulbois, Aline Dominka, Sylvain Fesson, Philippe Garnier, Gaëtan Goron, Jules Julien, Stéphanie Lacombe, Frédéric Manzini, Catherine Meurisse, François Morel, Tobie Nathan, Aïda Ndiaye, Charles Pépin, Charles Perragin, Serge Picard, Alain Pilon, Claude Ponti, Jean-Marie Pottier, Oriane Safré-Proust, Séverine Scaglia, Isabelle Sorente, Nicolas Tenaillon ADMINISTRATION Directeur de la publication : Fabrice Gerschel Responsable administrative : Sophie Gamot-Darmon Responsable abonnements : Léa Cuenin Fabrication : Rivages Impression : Maury imprimeur, Z.I., 45300 Manchecourt Commission paritaire : 0521 D 88041 ISSN : 1951-1787 Dépôt légal : à parution Imprimé en France/Printed in France / Philosophie magazine est édité par Philo Éditions, SAS au capital de 340 200 euros, RCS Paris B 483 580 015 Siège social : 10, rue Ballu, 75009 Paris Président, actionnaire majoritaire : Fabrice Gerschel RELATIONS PRESSE Canetti Conseil, 01 42 04 21 00 Françoise Canetti, francoise.canetti@canetti.com PUBLICITÉ/PARTENARIATS Audrey Pilaire, 01 71 18 16 08, apilaire@philomag.com MENSUEL N° 147 - MARS 2021 Couverture : Saul Steinberg, Passport Photo, 1951 © Saul Steinberg/ARS/ADAGP ; Iorgis Matyassy.

Origine du papier : Italie. Taux de fibres recyclées : 0 %. Tous les papiers que nous utilisons dans ce magazine sont issus de forêts gérées durablement et labellisés 100 % PEFC. Le taux majoritaire indiqué Ptot est de 0,009.

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La rédaction n’est pas responsable des textes et documents qui lui sont envoyés. Ils ne seront pas rendus à leurs propriétaires.

© Philippe MATSAS/Opale/Leemage ; Estate of Evelyn Hofer/Wikimedia Commons ; Vinci ; Richard Dumas/Agence VU ; CP ; CP.

VINCENT DESCOMBES

ILS ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO

10, rue Ballu, 75009 Paris Tél. : 01 43 80 46 10 www.philomag.com


Plantation municipale de cannabis p. 25

SUR NOTRE MARCHÉ COSMOPHILOSOPHIQUE CE MOIS-CI

Hume prenant un selfie à la recherche de son Moi Cahier central

Épices décoloniales à placer sous le nez des philosophes mâles blancs p. 66

Réincarnation d’Anubis p. 46

Rouleaux impériaux de Marc Aurèle p. 74 Stand des rebeu-lochons p. 63 Aux Quatre-Saisons de Miss Gaïa p. 8

Socrate in love en promenade avec son fils adoptif p. 88

Symbole du Progrès au XXIe siècle p. 36


École d’harmonisation du réel p. 98

SOMMAIRE P. 3 Édito

Pain en solde pour les révolutionnaires p. 64

Entretien exclusif P. 8 Bruno Latour

DOSSIER Liberté, égalité, identités

P. 16 Questions à Charles Pépin

P. 52 Toi, toi, mon moi.

P. 18 Question d’enfant à Claude Ponti P. 20 Courrier des lecteurs

Déchiffrer l’actualité P. 22 TÉLESCOPAGE P. 24 REPÉRAGES

P. 26 PERSPECTIVES

L’acceptabilité sociale face à un nouveau confinement / Raoni et la nature des droits humains / Le macaque est-il un voleur libéral ? / Crimes sexuels : pour une présomption de véracité ? Réponses avec Irène Théry P. 30 AU FIL D’UNE IDÉE Les mousses P. 32 ETHNOMYTHOLOGIES par Tobie Nathan

Commerce dont la fermeture serait inacceptable en France p. 26

Prendre la tangente P. 36 PORTFOLIO

Pascal Chabot, à la recherche du temps perdu P. 42 LE MÉTIER DE VIVRE Gloria Steinem P. 46 MOTIFS CACHÉS par Isabelle Sorente

Sabre grillé et merlu-Ponty p. 50

P. 50 Comment se (re)définir ?

Entretien avec Vincent Descombes

P. 58 Je de construction.

Témoignages commentés par Catherine Malabou P. 64 Révolution française : rien qui dépasse ? Entretien avec Guillaume Mazeau P. 66 La guerre des identités aura-t-elle lieu ? Enquête Cahier central Agrafé entre les pages 50 et 51, notre supplément : extraits du Traité de la nature humaine de David Hume

Cheminer avec les idées P. 74 LE CLASSIQUE SUBJECTIF

Marc Aurèle vu par Hélène L’Heuillet P. 80 BOÎTE À OUTILS Divergences / Sprint / Intraduisible / Strates P. 82 BACK PHILO

Livres

P. 84 ESSAI DU MOIS

Ceci tuera cela / Annie Le Brun et Juri Armanda P. 85 ROMAN DU MOIS La vengeance m’appartient / Marie NDiaye P. 86 LE TOUR D’UNE ŒUVRE Maurizio Ferraris P. 88 Nos choix

Illustration : © Paul Coulbois

P. 92 Notre sélection culturelle Ce numéro comprend en cahier central un encart rédactionnel (agrafé entre les pages 50 et 51) de 16 pages complétant notre dossier « Liberté, égalité, identités », constitué d’une présentation et d’extraits du livre L’Entendement. Traité de la nature humaine, de David Hume.

PHILOSOPHIE MAGAZINE N° 148 PARAÎTRA LE 25 MARS 2021

P. 94 OH ! LA BELLE VIE

par François Morel

P. 95 Jeux

P. 96 Humaine, trop humaine

par Catherine Meurisse

P. 98 QUESTIONNAIRE DE SOCRATE

Chassol

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Exclusif

ENTRETIEN

« Nous sommes en situation de guerre BRUNO planétaire ! » Il est l’un des philosophes les plus influents au monde. L’auteur du récent Où suis-je ? Leçons du confinement à l’usage des terrestres se livre ici sur sa méthode de travail, sa vision de l’écologie, mais aussi sur son rapport très personnel à la religion, à la maladie et à la mort. Bruno Latour comme vous ne l’avez jamais lu ! Propos recueillis par Alexandre Lacroix

e 28 mars 2020, deux semaines après le début du confinement, le public français découvrait qu’un philosophe, Bruno Latour, mettait à disposition une « boussole » ou encore un « outil de discernement en six questions ». Ce questionnaire, publié sur AOC et disponible sur le site bruno-latour.fr en dix langues, n’était pas un sondage, précisait le texte de présentation, mais une « aide à l’auto-description ». « Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles ne reprennent pas ? » ; « Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles se développent/reprennent ou celles qui devraient être inventées en remplacement ? » Si l’initiative a suscité l’engouement, il n’était pas évident de saisir sur le moment que cette démarche, en apparence très simple, était adossée à une solide construction philosophique.

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Bruno Latour est aujourd’hui l’un des penseurs les plus commentés, les plus cités dans les articles académiques à travers le monde. Il inspire des générations de chercheurs en philosophie et en sciences sociales. Il a été directeur scientifique de Sciences-Po Paris, a enseigné à Harvard, à la London School of Economics ou encore à l’École des Mines. Or, avec ce questionnaire, il déployait de manière très concrète le fruit de ses réflexions. D’abord, en philosophie, il propose de procéder par enquêtes. La vérité ne peut jamais être décrétée par une seule personne isolée ; elle doit être instituée, c’est-à-dire élaborée et discutée collectivement. L’enjeu de notre temps, c’est ce que Latour appelle le « Nouveau Régime Climatique », la fragilisation des écosystèmes terrestres. Le changement climatique impose de se « déconfiner » de certaines des idées phares de la Modernité, comme celles de « croissance économique », de « progrès » ou encore de « domination de la nature ». Et pour y parvenir, il faut « atterrir », relocaliser la pensée, s’orienter ici et maintenant. Cet entretien, qui s’est déroulé dans l’appartement parisien de Bruno Latour, présente sa méthode mais aussi les principaux concepts qu’il a forgés au cours des dix dernières années, notamment dans son Enquête sur les modes d’existence (2012) et Face à Gaïa (2015). Alors qu’il publie un court essai en forme de conte, Où suis-je ? Leçons du confinement à l’usage des terrestres, et qu’un livre d’hommages, Le Cri de Gaïa, paraît (tous deux chez La Découverte), il nous a consacré le temps nécessaire à l’exposition de ses idées mais a aussi évoqué sur un ton plus personnel son rapport à la religion, à la maladie et à la mort.

© Rafael Yaghobzadeh/Hans Lucas

LATOUR



Tangente

PORTFOLIO

Pourquoi nous laissons-nous si facilement voler notre temps par le travail mais aussi par les écrans ? Sommes-nous capables de nous le réapproprier dans toutes ses dimensions ? Nous avons invité Pascal Chabot, qui vient de publier Avoir le temps (PUF), à explorer nos expériences temporelles contemporaines en méditant sur six photographies. Propos recueillis par Alexandre Lacroix

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© Eduardo Munoz/Reuters ; Vinci.

À la recherche du temps perdu


PASCAL CHABOT Philosophe, professeur à l’Institut des hautes études en communication sociale (IHECS) à Bruxelles, il s'est fait connaître du grand public par Global Burn-Out (PUF, 2013), où il compare le burn-out des travailleurs contemporains à l’acédie des moines du Moyen Âge, et le Traité des libres qualités (PUF, 2019), où il soutient que la qualité – plutôt que la quantité – sera l’enjeu du XXIe siècle. Avec Avoir le temps. Essai de chronosophie (PUF), paru début février, il propose une méditation sur les différents rapports au temps entretenus par notre civilisation.

LES LOIS DE LA NATURE Manhattanhenge. Sur la 42e rue à New York, lors des solstices d’été et d’hiver, le soleil descend entre les façades (ici le 29 mai 2019). e que j’appelle le temps du Destin nous vient des civi« lisations anciennes. C’est le temps du cosmos, le rythme de la nature sur lequel nous n’avons aucune influence. La course du Soleil, dans le ciel, suit au fil de l’année une évolution qui lui est propre et que nous ne saurions modifier. De la même manière, la période de la gestation du petit humain – neuf mois – ou le nombre d’années que nous avons à vivre nous sont imposés. Dans cette temporalité du Destin, le passé règne en maître, dans la mesure où ce qui a été sera – à l’instar du solstice d’été qui revient périodiquement, des marées océaniques ou des phases de la Lune. Et, en même temps, tout a un terme, puisque la nature est régie par des processus de destruction et de recréation. De toutes les pages Wikipédia, celle consacrée à “l’avenir de la Terre” est l’une des plus belles. Elle raconte comment, dans 1,1 milliard d’années, la luminosité du Soleil augmentera, les océans s’évaporeront lentement, le scénario le plus probable étant que notre planète se retrouve absorbée par le

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Soleil devenu une géante rouge d’ici quelque 7,5 milliards d’années. Je vois dans cette page la preuve de notre humilité aussi bien que de notre intelligence. Par opposition à ce temps du Destin, cyclique et marqué par l’inéluctable, on a coutume d’affirmer que l’histoire humaine, tant du point de vue collectif qu’individuel, est linéaire. Lorsque nous parlons de la croissance ou du progrès, nous faisons le pari que cette ligne de l’histoire humaine est ascendante. Mais ce que cette photographie du Manhattanhenge saisit avec une sorte d’évidence, c’est que la linéarité n’a pas congédié la cyclicité. En effet, le temps de la ville iconique du Progrès, New York, peut encore être suspendu, arrêté au moment du sol­ stice d’été, pour quelques minutes d’admiration presque archaïque, qui recon­duisent les citadins à la nature. Le Manhattanhenge rappelle non seulement les monolithes de Stonehenge dans le sud de Angleterre, alignés dans l’axe du Soleil lors du solstice, mais aussi les cadrans solaires des Égyptiens. Ainsi, le Progrès n’a pas terrassé le Destin, et nos vies sont prises entre les deux schémas, entre la ligne et le cycle, sachant qu’à la fin, ce qui domine et l’emporte, ce sont les lois de la nature. »

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Tangente

LE MÉTIER DE VIVRE

GLORIA STEINEM

Son parcours a été récemment retracé par une minisérie et un film. Mais cette grande figure du féminisme américain n’est pas qu’une icône. À bientôt 87 ans, elle continue de se battre pour une égalité femme-homme, encore à conquérir. Par Jean-Marie Pottier

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© ZUMA Press/ZUMA/REA ; CAITLIN OCHS/The New York Times-REDUX-REA.

Ms. America En 1970 à SaintLouis (Missouri) avec Dorothy Pitman Hughes. Hughes.


En 1971, Steinem est l’une des cofondatrices du National Women’s Political Caucus.. Caucus

Gloria Steinem en 2015. 2015.

© The New York Times/The New York Times-REDUX-REA

C es derniers temps, Gloria Steinem prend moins souvent la route. Cette route qui, de rencontre imprévue en choc culturel, a profondément façonné la journaliste et militante, lui fournissant même en 2015 le titre de son autobiographie, Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe (trad. fr. HarperCollins, 2019). Mais en cette fin d’année 2020, il n’est plus question de voyages. La pandémie de Covid-19 est passée par là, reléguant des salles obscures à nos petits écrans le film biographique The Glorias, où Alicia Vikander et Julianne Moore incarnent Steinem à différents âges de sa vie, et transférant conférences et débats sur Zoom. C’est par ce biais, une petite semaine avant la présidentielle américaine, que nous l’interrogeons depuis la Californie à l’occasion de la parution française d’un mince recueil d’aphorismes, slogans et autres citations percutantes, La vérité vous libérera, mais d’abord elle vous mettra en rage (HarperCollins). Et à la fin d’une campagne qui, entre la pandémie et le refus de Donald Trump de reconnaître son éventuelle défaite, n’a

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Dossier

LIBERTÉ, ÉGALITÉ,

IDENTITÉS Comment reconnaître nos différences ?


PARCOURS DE CE DOSSIER Nous vivons à l’âge des revendications identitaires. Les communautés, les religions, le sexe et le genre se sont invités dans le débat politique de toutes les démocraties du monde – provoquant un effet de déstabilisation accentué en France, où la République se veut aussi universaliste qu’aveugle aux particularismes. Comment empêcher que ces débats s’enveniment ou tournent au dialogue de sourds ?

P. 50

D’abord, en remarquant que personne n’aime être renvoyé à ses origines, à sa couleur de peau ou à son orientation sexuelle. Comme le montrent les existentialistes, l’identité est d’abord un projet, un devenir.

P. 52

Ensuite, en retraçant, en compagnie de Vincent Descombes, la grande histoire de l’identité depuis que ce concept a surgi dans la Modernité, avec John Locke et Blaise Pascal, jusqu’à nos jours.

Saul Steinberg , Passport Photo, 1951.© Saul Steinberg /ARS/ADAGP

P. 58

En prenant conscience aussi que nous traversons tous des « crises d’identité », comme le racontent nos cinq témoins dont Catherine Malabou commente l’expérience.

P. 64

De façon claire et précise, l’historien Guillaume Mazeau revient sur l’héritage de la Révolution française, acte de naissance de l’universalisme républicain.

P. 66

Au sein de l’Université montent en puissance depuis quelques années les études de genre, décoloniales et la notion d’intersectionnalité. Est-il possible, sans militer pour ou contre ces mouvements, d’entendre la portée de leur message ? Notre enquête auprès des philosophes Jean-François Braunstein, Soumaya Mestiri et Jeanne Burgart Goutal.

Vous souhaitez réagir à un article ? Faites-nous part de vos impressions et de vos réflexions en nous écrivant à

reaction@philomag.com

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Dossier

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, IDENTITÉS

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TOI, TOI, MON MOI Qu’est-ce qui fait que je suis moi, et pas un autre ? Comme le montre le philosophe Vincent Descombes, auteur des Embarras de l’identité (Gallimard, 2013), cette question a d’abord été longuement discutée en métaphysique, avant de devenir l’un des sujets politiques les plus brûlants de notre époque. Propos recueillis par Alexandre Lacroix

© Felicia Simion/Plainpicture ; CP.

VINCENT DESCOMBES

Directeur d’études à l’EHESS, il a reçu le grand prix de philosophie de l’Académie française en 2005. Lecteur de Ludwig Wittgenstein, spécialiste de la philosophie du langage, il a poursuivi une réflexion sur l’identité dans plusieurs ouvrages : Le Complément du sujet (Gallimard, 2004), Dernières Nouvelles du moi (avec Charles Larmore, PUF, 2009), Le Parler de soi (Folio inédit, Gallimard, 2014) et surtout Les Embarras de l’identité (Gallimard, 2013) qui s’attelle à déminer les polémiques autour des revendications identitaires en clarifiant leurs présupposés.

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ous rappelez qu’au départ, « identité » est surtout un terme de jurisprudence. Dans quels contextes employait-on ce mot ? VINCENT DESCOMBES : C’est exact. Si vous ouvrez votre Littré à l’article « Identité », vous lisez qu’en dehors des usages savants (métaphysique, mathématique…), le mot est employé au sens des questions d’identification : qui est-ce ? est-ce bien lui ? Des questions que l’on pose dans les affaires judiciaires ou dans les enquêtes de police. C’est le sens que l’on retrouve dans le terme « document d’identité ». Sur un passeport sont inscrits des éléments décisifs pour une telle identification – noms, prénoms, date de naissance… – et d’autres plus secondaires – comme la taille ou la couleur des yeux.

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Dossier

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, IDENTITÉS

À CATHERINE MALABOU

Ses recherches lient philosophie hégélienne et réflexion sur la notion de « plasticité », neurosciences et travaux sur les nouvelles technologies, comme dans Métamorphoses de l’intelligence (PUF, 2017). Enseignant à l’Université Kingston à Londres et à l’Université de Californie à Irvine, elle s’intéresse aussi au féminisme et à l’identité de genre, au cœur de son dernier ouvrage Le Plaisir effacé. Clitoris et pensée (Payot & Rivages, 2020).

la demande d’entretien, Catherine Malabou a répondu avec enthousiasme et sans tarder. C’est que la différence et la déconstruction l’ont intéressée dans une première vie philosophique inscrite dans les pas de Derrida, avant qu’elle ne se penche sur les processus de métamorphose à l’œuvre dans nos existences, au croisement de la philosophie, de la psychanalyse et de la neurobiologie. « Quand vous m’avez parlé des transfuges, explique-t-elle, j’ai spontanément pensé à ma situation de philosophe qui, depuis maintenant près de quinze ans, enseigne dans une langue qui n’est pas la sienne. Je fais habituellement la navette toutes les semaines entre Paris et Londres. » Spécialiste de Hegel, elle enseigne en effet au Centre de recherche en philosophie moderne à l’Université Kingston (Londres), ainsi qu’à l’Université de Californie à Irvine. « J’ai le sentiment étrange d’être devenue quelqu’un d’autre, en étant passée par une forte perturbation dans mes rythmes, mon corps et ma langue. Et, en même temps, cette perturbation m’a réconciliée avec moi-même. » En théoricienne de la plasticité, Catherine Malabou a consacré la plupart de ses ouvrages à cette réconciliation douloureuse avec soi. Dans Les Nouveaux Blessés (Bayard 2007 ; réed. PUF, 2017), elle discute ainsi l’héritage freudien à partir des connaissances de la neurologie, afin de faire place à tous les accidents traumatiques qui occasionnent des ruptures imprévisibles et sans rémission dans notre personnalité. Comme elle l’écrit, « la plasticité négative est une tendance à la formation par anéantissement », admettre son existence est « le prélude incontournable à la prise en compte de la souffrance psychique aujourd’hui ». Cette souffrance est également au cœur de son essai sur La Grande Exclusion, coécrit avec Xavier Emmanuelli (Bayard, 2009) et d’une passionnante Ontologie de l’accident (Léo Scheer, 2009). Cependant, vous ne retrouverez pas ici une telle souffrance. Car si nos cinq témoins, transclasse, converti, transgenre, « fluides » ou déracinés, cherchent leur identité dans un entre-deux jamais assuré, ils attestent surtout d’une transformation créatrice. Mais comment intégrer le changement sans s’y abîmer ? Et où situer le point d’équilibre entre la trop grande rigidité, qui hypothèque tout changement, et la trop grande liquidité, qui n’en retire rien ? Ensemble, précisons la nature de cet agencement philosophique et plastique, qui permet à chacun de persévérer dans son être.

JE DE CONSTRUCTION Témoignages recueillis par Cédric Enjalbert, Nicolas Gastineau et Samuel Lacroix / Commentaires recueillis par Cédric Enjalbert / Photos Stéphanie Lacombe et Aline Dominka

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© Richard Dumas/Agence VU

Qu’il s’agisse de l’héritage familial ou de la norme sociale, de la religion, de la sexualité, du genre ou des origines, nos cinq témoins ont dû rompre avec ce qui était pour faire advenir ce qu’ils sont. La philosophe Catherine Malabou offre un regard philosophique sur ces vies en mutation.


« Je cherche maintenant ma troisième voie » CLARA DEGIOVANNI, 24 ANS

© Stéphaine Lacombe

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’ai grandi à Nîmes. Ma mère est employée de bureau, mon père contrôleur de train, et son propre père l’était avant lui. Dans ma famille, j’étais vue comme une élève brillante, et c’était pour moi une grande source de fierté. Mais quand je suis arrivée en classe prépa, puis à l’École normale supérieure de Lyon, le tiraillement entre mon milieu d’origine et mes ambitions universitaires est devenu douloureux. Le premier signe a été que j’ai commencé à avoir honte de mon accent du Sud et je l’ai abandonné. Et quand je rentrais à Nîmes, ma mère me trouvait un accent parisien prétentieux et le vivait assez mal. De l’autre côté, dans les milieux cultivés, je ne me sentais pas légitime. J’assumais mal mon origine sociale, je souffrais d’un syndrome de l’imposteur que je compensais par l’emploi d’un jargon superflu. À vouloir trop en faire, j’étais en décalage. Mon identité d’origine me revenait surtout comme des petites hontes quotidiennes. C’était aussi très épuisant, parce que je me surveillais constamment, je calculais mes attitudes. L’année dernière, j’ai travaillé deux mois à la SNCF comme contrôleuse avec les collègues de mon père. C’est là où s’est cristallisée ma double identité. Pour l’équipe des contrôleurs, j’étais redevenue l’intello de service, complètement décalée et peu à l’aise. Mais quelque chose avait changé : j’assumais cette identité. Et de retour à Paris, j’ai commencé à revendiquer mon identité de Nîmoise fille de contrôleur. Aujourd’hui, je n’appartiens à aucune classe et, paradoxalement, c’est reposant de le réaliser : je suis celle qui n’est jamais à la bonne place. Je peux maintenant le dire, l’affirmer, me l’approprier. Ça m’a aidée de lire les parcours de transfuges célèbres, comme Annie Ernaux ou Édouard Louis, de m’inspirer de leurs manières de se réapproprier leur récit. Moi qui ai toujours été étrangère dans les deux mondes, je cherche maintenant ma troisième voie. »

LE COMMENTAIRE DE CATHERINE

MALABOU

UNE IDENTITÉ N’EXISTE QUE DANS SA TRANSFORMATION »

M

a première remarque, en lisant ces témoignages, est que les expériences relatées sont bien des métamorphoses mais toutes positives. Même si elles sont déstabilisantes, comme le dit Clara, elles ne viennent pas détruire à proprement parler une identité première. Il est important de signaler qu’une identité peut être brisée, parce qu’à l’origine de la construction et de la destruction se trouve une même disposition. Une identité n’étant jamais constituée, ces deux possibles restent ouverts. Ces témoignages évoquent plutôt des tournants, des événements ou des métamorphoses qui font sens dans un parcours. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe aussi des événements qui nous affectent sans pour autant faire sens, ni trouver leur place dans une histoire personnelle, de purs accidents, des métamorphoses destructrices. Dans son expérience de transfuge, Clara dit qu’elle a eu du mal à trouver sa place comme “intello de service” entre deux mondes. On comprend qu’elle a été métamorphosée par ses études supérieures, par son savoir. Elle y a trouvé un élément dans lequel elle se sent elle-même, un pont qui lui a finalement permis de relier deux mondes opposés et de tracer une troisième voie, la sienne. Clara s’est “altérée” – il existe des altérations qui corrompent et d’autres qui améliorent. Elle a commencé par abandonner son accent, par honte, pour en adopter un autre, jugé “prétentieux”, et elle parvient maintenant à jouer avec les deux. Elle atteste qu’une identité n’existe que dans sa transformation. »

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Dossier

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, IDENTITÉS

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© Loribelle Spirovski

LA GUERRE DES IDENTITÉS AURA-T-ELLE LIEU ? Le monde universitaire et médiatique est secoué par un violent conflit entre tenants des études de genre, féministes et décoloniales, et leurs adversaires. Certains points d’accord peuvent-ils les réconcilier ? Peut-on tirer le meilleur de ces études sur l’identité sans forcément devenir un militant ? Trois chercheurs aux profils très divergents répondent. Par Michel Eltchaninoff

L e 13 janvier dernier, plus de 70 universitaires ont lancé un « Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires ». Dénonçant « une vague identitaire sans précédent au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche », ils s’alarment du « relativisme extrême » qui, à leurs yeux, soustend ces recherches : « Tout savoir est exclusivement réduit à des enjeux de pouvoir, et les sciences sont systématiquement dénoncées du fait des dominations de race, de culture, de genre, qui seraient à leur fondement. » Ils vont même jusqu’à signaler « des phénomènes de censure, d’intimidation, de discrimination politique [qui] ont instauré des clivages inédits et conduisent de jeunes doctorants à s’aligner sur les nouveaux mandarins, sous peine de ne jamais obtenir de poste ». Ils lancent enfin l’accusation suprême : « C’est précisément parce qu’il est crucial de combattre les discriminations racistes et sexistes dans notre société qu’il est nécessaire de lutter contre ces nouvelles formes de fanatisme. » Ce que dans le langage commun on appelle désormais « le racisme à l’envers » autoriserait à « essentialiser » les personnes et les savoirs. Parmi les premiers signataires, la sociologue Nathalie Heinich, les philosophes Michel Fichant, Pierre-Henri Tavoillot ou Jean-François Braunstein. Cette initiative n’est que l’un des épisodes d’une guerre intellectuelle qui prend une ampleur inédite. D’un côté, les représentants des études décoloniales et de genre ; de l’autre, leurs adversaires, qui se réclament

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© Illustration : Jules Julien pour PM ; photo-droits d’inspiration : Luisa Ricciarini / Leemage ; CP.


Idées

LE CLASSIQUE SUBJECTIF

MARC AURÈLE VU PAR HÉLÈNE L’HEUILLET

« Marc Aurèle nous exerce à ne pas céder à la panique » HÉLÈNE L’HEUILLET

© CP

Maîtresse de conférences à l’université Paris-Sorbonne et psychanalyste, elle décline sa réflexion sur les formes contemporaines de la violence avec des essais aussi variés que Basse Politique, haute police (Fayard, 2001), Aux sources du terrorisme (Fayard, 2009), Du voisinage. Réflexions sur la coexistence humaine (Albin Michel, 2016), Tu haïras ton prochain comme toi-même (Albin Michel, 2017) ou Éloge du retard (Albin Michel, 2020).

La crise sanitaire et les confinements ont de quoi faire perdre leur sang-froid aux plus flegmatiques d’entre nous. Pour retrouver notre liberté intérieure face aux vicissitudes du monde, la philosophe et psychanalyste Hélène L’Heuillet a un remède : la lecture des Pensées pour moimême de l’empereur stoïcien Marc Aurèle.

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De la corruption du langage

Se défier du pouvoir

GEORGE

Qu’est-ce qu’une vie décente ?

PORTRAIT ORWELL © GRANGER NYC/RUE DES ARCHIVES

ORWELL ÇA NOUS REGARDE

Entretiens avec Jean-Claude Michéa, Jean-Jacques Rosat, Raphaël Enthoven, Agnès Vandevelde-Rougale... et des textes d’Orwell, Aldous Huxley, Claude Lefort, Simon Leys, Bertrand Russell

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LES ENJEUX QUI MONTENT, LES PENSEURS QUI COMPTENT Les meilleurs textes de philosophes, écrivains, sociologues et historiens, publiés en 2020 dans la presse internationale, pour comprendre les grands enjeux de l’année à venir.

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PENSEURS JUDITH BUTLER JARED DIAMOND BRUNO LATOUR N. Y. KISUKIDI

POUR

MAURIZIO FERRARIS MARTHA NUSSBAUM PANKAJ MISHRA MARYLIN MAESO

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Avec notamment : Judith Butler La politique du chagrin Jared Diamond Apprendre à lutter en commun Bruno Latour Comment atterrir ? Nadia Yala Kisukidi La joie africaine Marylin Maeso Hommage à Samuel Paty, professeur de doute et maître de vie Pankaj Mishra La faillite du modèle libéral Martha Nussbaum Éthique de la colère Arjun Appadurai Voici venu le temps de la révolte des élites Helen Lewis Harry Potter et la cancel culture Ran Halévi Le trumpisme après Trump

E N L I B R A I R I E E T S U R P H I LO M AG .C O M


Ne peut être vendu séparément. Photo, droits d‘inspiration : © Fine ArtImages/Leemage. Portrait of David Hume (1711-1776) par Allan Ramsay (1713-1784), 1766 (huile sur toile 76,2x63,5 cm), National Gallery of Scotland, Édimburg. Illustration : StudioPhilo/William L.

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, IDENTITÉS

Traité de la nature humaine

CAHIER CENTRAL

DAVID HUME (extraits)


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