[ EXTRAIT ] Le deuil. Entre le chagrin et le néant.

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Delecroix Forest Vincent

Philippe

Le

deuil Entre le chagrin et le néant DIALOGUE

éditions



Le

deuil ENTRE LE CHAGRIN ET LE NÉANT


Ouvrage édité par Philo Éditions www.philomag.com Président : Fabrice Gerschel Éditrice : Julie Davidoux

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VINCENT

DELECROIX PHILIPPE

FOREST

Le

deuil ENTRE LE CHAGRIN ET LE NÉANT DIALOGUE

Animé par Catherine Portevin

Philo éditions, 10 rue Ballu, 75009 Paris



PREMIÈRE CONVERSATION

La perte : une épreuve du réel


CHAPITRE 1

Une expérience du singulier Le deuil, d’abord, se vit et s’éprouve. Quelle est la nature de l’épreuve à laquelle nous confronte la mort de nos proches ? Quel sens pouvons-nous lui donner ? Ce n’est pas par les concepts que nous pouvons commencer à le penser, mais par l’expérience. Sans faire de vous des « experts » du deuil au seul motif que vous en auriez été particulièrement éprouvés, il me semble nécessaire de partir de là : quelle est la place et le vécu du deuil dans vos vies ? Et, au-delà, que pouvons-nous dire de cette expérience, qui est à la fois commune à tous et toujours personnelle ? Philippe Forest : Je crois que l’expérience du deuil est constitutive de ce que nous sommes en tant qu’individus, mais elle n’acquiert sa véritable signification que dans l’intensité de certaines occasions, heureusement assez rares. Dans le cas qui me concerne, puisqu’il me semble important effectivement de parler de ce sujet à la première personne du singulier, le mot « deuil » n’a pris sa véritable signification que lors de la mort de ma fille en 1996. J’ai raconté cette expérience dans mon premier roman L’Enfant éternel et, depuis, je n’ai cessé de reprendre ce récit sous des formes différentes. Ma fille a disparu à l’âge de 4 ans des suites d’un cancer des os, 11


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un ostéosarcome. À l’époque, j’avais déjà écrit plusieurs ouvrages, relevant principalement de la critique littéraire, mais le surgissement de ce réel-là dans ma vie m’a obligé à trouver un autre langage que celui dont j’avais fait usage jusqu’alors. Et seule la langue du roman me permettait de témoigner pour ce qui avait été, ce qui avait eu lieu, surtout sans essayer de donner un sens à l’événement, mais au contraire en creusant son absurdité. Les langages philosophique, ou scientifique, ou psychologique, ou religieux m’étaient insupportables par leur manière impersonnelle d’évacuer le caractère insupportable de l’expérience. Depuis, j’ai eu l’occasion de connaître d’autres deuils dans mon existence, mais celui-là conserve pour moi, si je peux recourir à un terme un peu pédant pour mettre à distance le pathétique de l’affaire, une dimension « paradigmatique ». C’est à partir de cette perte-là que j’ai pensé toutes les autres et que j’ai pu réfléchir sur ce que le deuil pouvait, sinon signifier du moins dire à chacun d’entre nous. Vincent Delecroix : Mon trajet est l’inverse du vôtre. Bien sûr, j’ai, comme tout le monde, vécu des expériences de deuil, mais elles sont incommensurables à la vôtre, et cela me paraîtrait obscène de comparer d’autres pertes à celle que vous avez vécue. J’ai relu L’Enfant éternel avant notre rencontre, ou plutôt je n’ai pas réussi à le relire tant la vérité que vous y exprimez m’a été presque physiquement intolérable. Mon chemin à moi ne part pas du deuil, il y arrive. Je me suis aperçu qu’en réalité, sans vraiment le vouloir, en tout cas sans aucunement le planifier, mon écriture s’organisait de fait autour du deuil, ou plus largement de ce qui est perdu, du statut de ce qui est perdu, de notre rapport, réel et fantasmé, à ce qui est perdu. Tout mon travail converge vers ce point aveugle : ma lecture de Kierkegaard, l’un des rares philosophes de la perte (nous y reviendrons sûrement puisque 12


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je sais que nous avons cette lecture en commun), l’écriture de romans ou d’essais, qui m’a d’ailleurs fait comprendre à quel point cette lecture de Kierkegaard avait été importante pour moi, mon travail sur Freud et le besoin de consolation, sur la philosophie de la religion, sur l’idée de représentation (notamment en travaillant sur le peintre Poussin), sur le fantasme nostalgique de l’origine perdue et le désenchantement, tout ce matériau culturel qui pense l’expérience de la perte et la relation avec ce qui est perdu. Mon roman Ce qui est perdu, qui faisait intervenir la figure de Kierkegaard et s’inscrivait dans un ensemble de publications (avec un essai, une traduction…) sur ce philosophe, a été une première révélation pour moi de ce point de convergence. Son sujet, une rupture amoureuse, est évidemment bien plus léger que le deuil véritable ; néanmoins, son titre, Ce qui est perdu, pourrait être le titre de l’ensemble de mes travaux. Comme le pensait Bergson, on n’écrit ou on ne pense jamais qu’à partir d’une intuition centrale. Celle-ci est à la fois une expérience ou quelque chose comme un « drame de pensée », comme disait Jean Wahl, que peut-être on ignore soi-même et autour duquel tournent, en tâtonnant, la pensée et l’écriture, et à la lumière duquel on comprend tout le reste. Mon « drame de pensée » est la relation à ce qui est perdu, la présence de l’absence. C’est pourquoi ce dialogue avec vous n’est pas du tout accessoire, ou n’est pas simplement un exercice de réflexion : c’est le centre de ce que je fais, de ce que je pense et de ce que je vis. Ph. F. : Vous venez ainsi de poser la base juste de ce que peut être notre conversation. Car, s’il y a une signification à trouver dans le deuil, c’est précisément dans ce mouvement de vases communicants qui s’établit entre l’expérience et sa représentation. La représentation littéraire, philosophique, artistique, mythologique n’a de sens que dans la mesure où 13


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elle nous permet d’accéder indirectement à l’expérience. Inversement, l’expérience telle que moi, je l’ai vécue ne prend son véritable statut qu’à travers la représentation mentale que je m’en construis, d’abord pour moi-même et, ensuite, par l’écriture, également pour autrui. Il n’y a pas lieu en l’occurrence d’opposer l’expérience et sa représentation parce que l’une ne prend sens que par rapport à l’autre. Partant comme nous le faisons de points différents, la rencontre peut avoir lieu. Creusons ce qu’on appelle « l’expérience ». De quelle expérience s’agit-il en l’occurrence ? Est-ce que l’expérience du deuil se réduit à l’événement de la mort de l’autre qui survient ? Ph. F. : Le mot « expérience » doit d’abord être entendu à mon avis au sens le plus simple qui soit : un événement qui a été vécu à titre personnel et qui ne peut donc pas l’être par procuration. À cela j’ai été très attentif dans mes livres. Je voulais ne pas simplement proposer une méditation abstraite sur le deuil et sur la perte, mais raconter ce qu’il en avait été des circonstances concrètes de cette perte-là et de l’enfant qui était en quelque sorte au cœur du récit. D’où une revendication de réalisme très prosaïque, parfois triviale, le souci de dire et de montrer au lecteur : voilà comment les choses se sont passées. C’est ce qui fait en partie la violence, qui vous a touché Vincent et que je reconnais, de l’ouvrage. Mais je garde ce souci de ne pas escamoter ce qu’il en est du réel. Parce que tout deuil est singulier ? Ph. F. : Singulier, en effet, est le mot, et je crois qu’il va revenir souvent dans notre dialogue. Il y a chaque fois, pour 14


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chacun, la singularité de la relation mais surtout la singularité absolue de l’être perdu, qui reste insubstituable. Et, en même temps, il y a un paradoxe, un déchirement dans l’expérience du deuil, comme vous l’évoquiez dans votre première question, qui est d’être à la fois commune et exceptionnelle : commune en ce que la mort, la mienne et celle des autres, est la règle de toute vie humaine ; exceptionnelle en ce qu’elle se vit chaque fois comme imprévisible et scandaleuse. Si bien que le deuil, qui devrait logiquement se penser sur le mode de la règle universelle de la finitude humaine, ne peut en réalité se penser que sur le mode de l’exception. Il faut alors donner au mot « expérience » un sens plus large. Quand j’utilise ce terme, je l’entends spontanément – parce que cette lecture a été pour moi fondatrice – dans le sens que Georges Bataille lui a donné, notamment dans L’Expérience intérieure. L’expérience pour lui, c’est justement ce qui arrache l’individu au domaine du sensé, de l’utile, pour le faire communiquer sur un mode vertigineux, avec ce que Bataille appelle « la part maudite », c’est-à-dire l’envers de la réalité à l’intérieur de laquelle nous vivons. Dans L’Expérience intérieure, Bataille énumère les formes que revêt cette expérience souveraine : l’ivresse, l’effusion poétique, la jouissance érotique, l’extase mystique, et bien sûr la mort n’est pas loin. Tout de suite, l’événement, sans rien nier de son caractère concret, en revendiquant même ce concret, demande à être pensé en ces termes-là qui convoquent paradoxalement l’impensable. V. D. : Je suis frappé par la bipolarité du terme « expérience » à propos du deuil. Il y a ce pôle, dont vous parlez, ponctuel et hyperintense sous la forme d’un instant absolu : on touche le réel ou le réel vous touche dans ce dont nous n’avons pas d’ordinaire l’expérience, on communique avec 15


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la « part maudite » dans cette stupéfaction, cet incommunicable. C’est le pôle du fracas de la perte, où le sujet est simultanément démoli et hyperconcentré dans son isolement, totalement sujet de l’expérience, purement subjectif, lui-même insubstituable. Mais, à côté de cette fulgurance, il y a un autre pôle, qui est celui de la continuité, du temps, de la durée qu’il faut endurer. L’expérience est aussi un événement qui se dilate dans le temps, ce qui ne la rend pas moins intense ou moins « expérentielle », si j’ose dire. Et le deuil au fond, c’est cela : un événement certes singulier et instantané, mais aussi continu, même s’il est fluctuant et susceptible de variations. De toutes les manières, le deuil est une épreuve du temps… Et il faut l’endurer, le temps ! Le choc de la réalité peut vous détruire, mais la durée de l’expérience aussi. Ce temps autre, celui où l’on vit avec ce qui est perdu, dans sa présence, ce temps, chamboulé, déstructuré, ces variations d’intensité sont épuisants, même physiquement. À propos du premier pôle, on parlera d’immédiateté, de choc, de violence, tandis que sur le second s’agglomèrent des représentations, un vocabulaire, du langage, des instruments conceptuels, des faits extérieurs, des témoignages, bref la participation des autres. Dans le premier on est seul, dans le second on ne l’est plus de la même manière : cette expérience se nomme, se représente, se médiatise à travers les images culturelles, à travers un langage qui peut être religieux, philosophique, médical…, qui sont aussi nos ressources pour penser et vivre ce qui nous arrive. Mais l’expérience de la perte et celle du deuil, ce n’est pas la même chose même si nous aurons du mal à dire : le deuil, c’est ça ; la perte, c’est ça. Peut-être faudra-t-il le préciser, mais dans notre entretien les définitions ne peuvent être que des points d’étape, pour nous interroger sur ce que le deuil signifie. En tout cas, au moment de commencer ces conversations avec vous, je ne sais pas ce que c’est que le deuil… 16


LA PERTE : UNE ÉPREUVE DU RÉEL

Ph. F. : C’est justement parce qu’on ne sait pas qu’on continue à penser ! Toute perte est-elle un deuil Procédons par approches successives : est-ce que toute perte nécessite un deuil ? V. D. : Prenons par exemple un point de vue « freudien », sur lequel nous pourrons revenir plus en détail : toute perte nécessite quelque chose comme un deuil, à défaut de quoi ce qui se trouve oblitéré ou refoulé fait retour sous la forme du passage à l’acte, de la compulsion de répétition. Comme l’existence est une perte continue, la vie psychique réclame que se réalisent des opérations de deuil à chaque perte, car chaque perte, la plus infime soit-elle, est potentiellement destructrice. Ph. F. : Mais, après, la question se pose de savoir quelle forme ce deuil doit prendre et quel sens on doit lui donner. C’est là qu’il devient légitime de se demander si toutes les pertes sont comparables. Je prolonge alors mes questions sur les définitions : si toute perte réclame des opérations de deuil, la perte estelle une expérience, même métaphorique, de la mort ? Vous disiez en commençant, Vincent Delecroix, combien toute comparaison vous semblerait obscène entre la fin d’un amour et la mort d’un enfant. Peut-on néanmoins dire ce que ces deux expériences ont de commun ? V. D. : Même si le terme « perte » est générique, les expériences, elles, sont incommensurables, je le répète. Et la perte d’un enfant est sans doute elle-même incommensurable par 17




BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE PA R M I L E S O U V R AG E S D E V I N C E N T D E L E C R O I X La Preuve de l’existence de Dieu. Monologues, Actes Sud, 2004. Singulière philosophie. Essai sur Kierkegaard,

Le Félin, 2006.

Préface et traduction de S. Kierkegaard, Exercice en christianisme, Le Félin, 2006. Ce qui est perdu, Gallimard, 2006. La Chaussure sur le toit, Gallimard, 2007. Tombeau d’Achille, L’Un et l’Autre, Gallimard, 2008. Préface de S. Freud, Religion, trad. D. Messier, notes liminaires de J.-B. Pontalis, Connaissance de l’inconscient, Gallimard, 2012. Chanter. Reprendre la parole, Flammarion, 2012.

Poussin. Une journée en Arcadie, Flammarion, 2015. Ce n’est point ici le pays de la vérité. Introduction à la philosophie de la religion, Le Félin, 2015.

PA R M I L E S O U V R AG E S D E P H I L I P P E F O R E S T Histoire de Tel Quel, Seuil, 1995. L’Enfant éternel,

Gallimard, 1997.

Toute la nuit, Gallimard, 1999. Sarinagara, Gallimard, 2004.

Le Nouvel Amour, Gallimard, 2007. Tous les enfants sauf un, Gallimard, 2007. Le Siècle des nuages, Gallimard, 2010. Le Roman infanticide. Essais sur la littérature et le deuil, Cécile Defaut, 2010. Le Chat de Schrödinger, Gallimard, 2013.

Aragon, NRF Biographies, Gallimard, 2015.


TABLE DES MATIÈRES

PROLOGUE Salut aux inconsolés p. 7 P R E M I È R E C O N V E R S A T I O N L A P E R T E : U N E É P R E U V E D U R É E L CHAPITRE 1 UNE EXPÉRIENCE DU SINGULIER Toute perte est-elle un deuil ? p. 7 Irremplaçables p. 7 Désir et deuil p. 7 CHAPITRE 2 FAIRE SON DEUIL : CRITIQUE D’UNE IDÉOLOGIE Quand la société ordonne : va bien ! p. 7 Travail et sacrifice p. 7 CHAPITRE 3 DEUIL COLLECTIF ET DEVOIR DE MÉMOIRE À nos grands hommes p. 7 Témoignage et expérience p. 7 CHAPITRE 4 AUPRÈS DE L’ENDEUILLÉ Impuissance de la consolation p. 7 Compatir p. 7 Hantise et possession p. 7 Le deuil est sans fin p. 7 157


DEUXIÈME CONVERSATION MYTHES ET RELIGIONS : UNE PRATIQUE DE LA FIN CHAPITRE 1 ON N’ÉCHAPPE PAS À LA CROYANCE La religion non consolante p. 7 Le scandale de la foi p. 7 Croire sans croire p. 7 Le danger des réenchantements p. 7 Contre la sagesse p. 7 CHAPITRE 2 MYTHES ANTIQUES : LE DEUIL FONDATEUR Le deuil, protestation féminine p. 7 Rituels : une réconciliation sociale p. 7 Achille, Ulysse, Énée p. 7 T R O I S I È M E C O N V E R S A T I O N PHILOSOPHIE ET LITTÉRATURE : SAUVER CE QUI EST PERDU CHAPITRE 1 KIERKEGAARD, UNE ŒUVRE DU DEUIL Penser la mort et la perte p. 7 Contre Hegel ? p. 7 Quand le « Je » résiste p. 7 Reprise, répétition et sacrifice p. 7 Fidélité au passé, réinvention de l’avenir p. 7 CHAPITRE 2 L’ÉCRIVAIN ET LES SPECTRES La littérature contre la réflexion ? p. 7 L’écriture et le salut p. 7 POUR FINIR « Entre le néant et le chagrin, je choisis le chagrin. » p. 7


’écrivain Philippe Forest, dont toute l’œuvre est construite autour de la perte de sa petite fille, et le philosophe Vincent Delecroix, spécialiste de Søren Kierkegaard, remettent le deuil au cœur de l’existence humaine. Leur conversation part d’une colère commune contre l’expression galvaudée « faire son deuil ». Interrogeant la philosophie, la religion, la littérature, ils donnent, non des remèdes, mais des ressources pour penser ce qui est perdu. Il ne s’agit donc pas de faire son deuil mais plutôt de se confronter à l’impossible réel et, tel ce personnage de William Faulkner, entre le chagrin et le néant, de préférer le chagrin.

L

Vincent Delecroix est philosophe et écrivain,

professeur à l’Ecole pratique des hautes études.

Philippe Forest est écrivain et professeur de littérature contemporaine à l’université de Nantes.

Philo éditions :10, rue Ballu - 75009 Paris Dépôt légal : octobre 2015 978-2-9538130-6-7 www.philomag.com

12,90 € TTC France

ISBN 978-2-9538130-6-7

9 782953 813067

Photo © Cultura Science/BertMyers/Gettyimages

Un dialogue animé par Catherine Portevin, journaliste et chef de rubrique livres à Philosophie magazine.


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