Hors-série La Puissance des femmes

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LA PUISSANCE DES FEMMES Une autre histoire de la pensée

Avec Hypatie d’Alexandrie, Rosa Luxemburg, Lou Andreas-Salomé, Virginia Woolf, Simone de Beauvoir… Et aussi, Élisabeth Badinter, Judith Butler, Chloé Delaume, Marie NDiaye, Elsa Dorlin, Isabelle Sorente, Isabelle Stengers...

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LA DÉCLARATION DES DROITS DE LA FEMME PAR OLYMPE DE GOUGES France : 7,90 € / Andorre : 7,90 € / Belgique-Luxembourg-Portugal : 8,90 € / Allemagne : 9,20 € / Suisse : 14,90 CHF Canada : 13,25 $CAN / COM : 1100 XPF / DOM : 8,90 €

L 17892 - 43 H - F: 7,90 € - RD


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6. Mary Wollstonecraft 7. Olympe de Gouges 8. Emilie du Châtelet 9. Simone Weil 10. Christine de Pizan

1. Judith Butler 2. Hannah Arendt 3. Simone de Beauvoir 4. Harriet Taylor Mill 5. Hypatie 1

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Elles/Ils ont contribué à ce numéro…

JUDITH BUTLER Philosophe américaine, professeure à l’université de Berkeley (Californie). Elle est d’abord connue pour son travail sur le genre, à travers des ouvrages comme Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion (La Découverte, 2005 ; rééd. La Découverte poche, 2006), Ces corps qui comptent. De la matérialité et des limites discursives du sexe (Amsterdam, 2009 ; rééd. 2018) ou Défaire le genre (Amsterdam, 2016). Mais elle a aussi écrit sur d’autre sujets, notamment avec Le Pouvoir des mots. Discours de haine et politique du performatif (Amsterdam, 2017), Qu’est-ce qu’une vie bonne ? (Payot, 2014) ou Vers la cohabitation. Judéité et critique du sionisme (Fayard, 2013). Elle tord ici le cou aux préjugés qui pèsent sur la théorie du genre et expose son rapport au féminisme, pp. 136-139.

ÉLISABETH BADINTER Philosophe et essayiste, elle est opposée à la parité et à l’interdiction de la prostitution, favorable à la PMA et à la GPA. Spécialiste des Lumières, auxquelles elle a consacré une série en trois tomes, Les Passions intellectuelles (Fayard, 1999-2007 ; rééd. Robert Laffont, 2018), c’est aussi une figure engagée de la laïcité et du féminisme qui a marqué le débat public en dénonçant l’idée d’instinct maternel (L’Amour en plus. Histoire de l’amour maternel, xviie-xxe siècle, Flammarion, 1980 ; rééd. 2010) et l’assignation des femmes à la maternité (Le Conflit. La femme et la mère, Flammarion, 2010 ; rééd. Le Livre de poche, 2011). Son dernier livre, Le Pouvoir au féminin. Marie-Thérèse d’Autriche, 17171780. L’Impératrice-reine (Flammarion, 2016, rééd. Le Livre de poche, 2018), questionne l’exercice féminin du pouvoir politique. Elle s’inquiète de la dérive différentialiste d’un certain féminisme contemporain, écologique et identitaire, et défend l’idée de la ressemblance des sexes, pp. 68-73.

FRANÇOISE DASTUR Philosophe et traductrice, elle est professeure honoraire des universités, ayant enseigné à Paris-I, à Paris-XII et à Nice-Sophia-Antipolis. Spécialiste, entre autres, de phénoménologie, elle a écrit des ouvrages parmi les plus éclairants sur des auteurs particulièrement complexes : Husserl. Des mathématiques à l’histoire (PUF, 1995), Heidegger et la question du temps (PUF, 2011), ou encore Chair et langage. Essais sur Merleau-Ponty (Encre marine ; nouv. éd., 2016). Dernier ouvrage paru : Figures du néant et de la négation entre Orient et Occident (Encre Marine, 2018). Elle brosse le portrait de Gargi Vachaknavî et Maitreyî, deux célèbres penseuses indiennes antiques, pp. 26-27.

CLARA DEGIOVANNI Après des études en sciences sociales à L’ENS de Lyon, elle a entamé un master d’histoire de la philosophie à l’université Jean-Moulin-Lyon-III, puis à Paris-I. Stagiaire à Philosophie magazine, elle a participé à l’entretien avec Isabelle Stengers, pp. 122-126, a sélectionné les extraits sur les héroïnes antiques, pp. 28-30, et a rédigé les portraits d’Anna Julia Cooper, p. 92, et de Virginie Despentes, pp. 145-146.

CHLOÉ DELAUME Écrivaine et essayiste. Elle est l’auteure de plusieurs romans, comme Le Cri du sablier (Léo Scheer, 2001) – qui lui a valu le prix Décembre –, Les Sorcières de la République (Seuil, 2016), Une femme avec personne dedans (Seuil, 2012), et, récemment, de Mes bien chères sœurs (Seuil, 2019). On lui doit aussi des essais comme La Règle du Je. Autofiction : un essai (PUF, 2010). Novatrice, radicale et portée par une écriture très personnelle, son entreprise littéraire vise à « refuser les fables qui saturent le réel, les fictions collectives, familiales, culturelles, religieuses, institutionnelles, sociales, économiques, politiques et médiatiques ». Elle met en lumière la part sombre de la puissance des femmes, pp. 14-15.

© C. Giroux / Gallimard ; University of Bekerley CC.0 ; CC BY-SA 4.0 ; CP ; CP ; Hermance Triay / Seuil.

DORIAN ASTOR Philosophe et germaniste. Il est notamment l’auteur de biographies de Lou Andreas-Salomé et de Nietzsche (Folio biographies, Gallimard, 2008 et 2011) et de Nietzsche. La détresse du présent (Folio essais, Gallimard, 2014). Il a dirigé le Dictionnaire Nietzsche (Bouquins, Laffont, 2017), assuré la traduction de plusieurs textes de Freud publiés au format de poche (GF, Flammarion, 2019) et collaboré à l’édition du deuxième volume des Œuvres de Nietzsche en Pléiade (Gallimard, 2019). Il questionne le rapport ambigu de Lou Andreas-Salomé à la féminité, pp. 88-89.


© Bertrand Gaudillère / item ; Éditions Albin Michel ; Léa Crespi / Pasco ; CP ; CP ; CC BY-SA 3.0 ; Serge Picard pour PM ; Johanna Ruebel ; Delphine Jouandeau / Éditions JC Lattès ; Éric Flogny/Pink/SAIF Images.

VINCIANE DESPRET Philosophe, chercheuse au département de philosophie de l’université de Liège. Elle est l’auteure de plusieurs livres sur la question animale, notamment Bêtes et hommes (Gallimard, 2007) et Penser comme un rat (Quae, 2009). Elle a également signé, avec Isabelle Stengers, Les Faiseuses d’histoires. Que font les femmes à la pensée ? (La Découverte, 2011) et Que diraient les animaux... si on leur posait les bonnes questions ? (Les Empêcheurs de penser en rond/La Découverte, 2012). Elle a récemment publié Au bonheur des morts (La Découverte / Les Empêcheurs de penser en rond, 2015). Elle affirme que, reléguée dans les marges de l’Université, les femmes ont su développer une attention inédite à la diversité du réel, pp. 9-10.

LAURENCE DEVILLAIRS Doyenne de la faculté de philosophie de l’Institut catholique de Paris, maîtresse de conférences, elle a notamment publié Un bonheur sans mesure (Albin Michel, 2017), Guérir la vie par la philosophie (PUF, 2017), René Descartes (Que sais-je ? PUF, 2013 ; rééd. 2018), Fénelon et Port-Royal (Classiques Garnier, 2017) et Les 100 Citations de la philosophie (Que sais-je ? PUF, 2019). Elle a récemment fait paraître Être quelqu’un de bien. Philosophie du bien et du mal (PUF, 2019). Sous l’égide d’Harriet Taylor Mill, elle analyse le mythe d’une nature féminine et l’exclusion des femmes de la philosophie, pp. 74-76.

ELSA DORLIN Philosophe, professeure à l’université Paris-VIIIPanthéon-Sorbonne. Spécialiste du féminisme, elle s’est efforcée de montrer l’articulation entre genre et race dans La Matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française (La Découverte, 2006 ; rééd. 2014). Elle est aussi l’auteure de L’Évidence de l’égalité des sexes. Une philosophie oubliée du xviie siècle (L’Harmattan, 2001), Sexe, genre et sexualités. Introduction à la théorie féministe (PUF, 2008) et Se défendre. Une philosophie de la violence (Zones, 2017 ; rééd. La Découverte, 2019). Elle voit dans la construction de la différence des sexes le modèle à toutes les formes d’oppression d’une partie de l’humanité, pp. 98-102, et revient sur une figure méconnue de l’histoire de la philosophie : Gabrielle Suchon, pp. 58-59.

SONIA FEERTCHAK Écrivaine et enseignante à l’école Les Mots, elle a publié un Manuel d’autodéfense féministe (Plon, 2007), Ma fille. Conseils aux mères d’ados (Plon, 2010), L’Encyclo des filles, un annuel classique destiné aux ados (Gründ 2016), et Les femmes s’emmerdent au lit (Albin Michel, 2015), essai sur le désir et le féminisme. Elle a réalisé l’entretien avec Marie NDiaye, pp. 12-13.

OCTAVE LARMAGNAC-MATHERON Titulaire d’un master de philosophie contemporaine à Paris-I, rédacteur à Philosophie magazine, en formation du CFPJ. Il a rédigé une partie des portraits de femmes philosophes (pp. 22 / 23 / 40-41 / 44-46 / 60 / 62-63 / 86-87 / 90-91 / 92-93 / 110-115 / 127 /128 / 142 / 144) ainsi que les chronologies (18-21 / 32-35 / 48-53 / 78-85 / 104-109 / 132-135), et a réalisé l’entretien avec Judith Butler, pp. 136-139.

MARIE NDIAYE Romancière, nouvelliste et dramaturge. Elle a notamment écrit La Femme changée en bûche (Minuit, 1989), La Sorcière (Minuit, 1996), Rosie Carpe (Minuit, 2001, prix Femina), Trois Femmes puissantes (Gallimard, 2009, prix Goncourt). Sa pièce Papa doit manger (Minuit, 2003) est entrée au répertoire de la Comédie-Française. Elle a récemment fait paraître une nouvelle, Un pas de chat sauvage (Flammarion/Musée d’Orsay, 2019) et Trois Pièces : Délivrance, Berlin mon garçon, Honneur à notre élue (Gallimard, 2019). Elle souligne que les femmes ont appris à tiré de leurs oppressions une force nouvelle, pp. 12-13.

CATHERINE PORTEVIN Journaliste, cofondatrice du site Archives du présent, et cheffe de la rubrique livres à Philosophie Magazine depuis 2011. Elle a notamment publié un livre d'entretien avec Vincent Delecroix et Philippe Forest, Le Deuil. Entre le chagrin et le néant (Philo Editions, 2015, rééd. Folio Gallimard, 2017). Elle a recueilli les propos de Vinciane Despret, pp. 9-10.

CATHERINE NEWMARK Philosophe et journaliste suisse, rédactrice en chef des hors-série de l’édition allemande de Philosophie magazine. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages non traduits, comme Passion, affect, sentiment. Théories philosophiques des émotions entre Aristote et Kant (Felix Meiner Verlag, 2008) et a coécrit, avec Hilge Landweer, À quel point l’autorité est-elle masculine ? Critique et appropriation féministe (Campus, 2018). Elle revient sur la relation philosophique tissée entre Descartes et Élisabeth de Bohême, pp. 54-55.

ISABELLE SORENTE Écrivaine, cofondatrice des revues Ravages et Blast, elle tient une chronique régulière dans Philosophie magazine. Polytechnicienne, pilote, dramaturge, elle s’est ensuite tournée vers l’écriture. Son œuvre littéraire compte plusieurs romans comme 180 Jours (JC Lattès, 2013 ; rééd. Folio, Gallimard, 2019) ou La Faille (JC Lattès, 2015). Également essayiste, on lui doit Addiction générale (JC Lattès, 2011), sur la dépendance au calcul et à la productivité, La Femme qui rit. Le marché noir de la réalité (Descartes & Cie, 2007), réflexion sur le genre, et État sauvage (Indigène éditions, 2012), où le féminin apparaît comme un entraînement radical à la liberté. Son prochain roman, Le Complexe de la sorcière, paraîtra en 2020 chez JC Lattès. Elle met en évidence l’actualité de la figure de la sorcière, pp. 36-38.

ISABELLE STENGERS Philosophe belge, professeure à l’Université libre de Bruxelles, grand prix de philosophie de l’Académie française en 1993, elle est spécialiste des sciences et est l’auteure de Une autre science est possible ! Manifeste pour un ralentissement des sciences (Les Empêcheurs de penser en rond/La Découverte, 2013) et d’une somme en sept volumes, Cosmopolitiques (La Découverte/Les Empêcheurs de penser en rond, 19961997). Son travail porte aussi sur la philosophie de Whitehead (Penser avec Whitehead. Une libre et sauvage création de concepts, Le Seuil, 2002). Avec Vinciane Despret, elle a publié Les Faiseuses d’histoires. Que font les femmes à la pensée ? (Les Empêcheurs de penser en rond, 2011 ; rééd. 2013). Elle vient de faire paraître Vers une écologie des pratiques (Wildproject, 2019). Inspirée par Virginia Woolf, elle expose sa vision d’un féminisme plus pratique que théorique, pp. 122-125.


ANTIQUITÉ

LES OUBLIÉES

La colère en partage Entretien avec Vinciane Despret

CHRONOLOGIE

Philosophie, nom féminin d’origine grecque pp. 18-21

pp. 9-10

— Puissantes malgré tout Entretien avec Marie NDiaye pp. 12-13

— « Changer les règles du jeu » Entretien avec Chloé Delaume pp. 14-16

— Diotime Sage femme p. 22

— Hypatie Victime de l’obscurantisme p. 23

— La pensée indienne au féminin Par Françoise Dastur pp. 26-27

— 3 héroïnes grecques Extraits de Nicole Loraux Rachel Bespaloff et Mary Beard pp. 28-30

MOYEN ÂGE ET RENAISSANCE

DE L’ÂGE CLASSIQUE À LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

CHRONOLOGIE

CHRONOLOGIE

pp. 32-35

pp. 48-53

LES HÉRÉTIQUES

D’autres voies

— « Tremblez, tremblez ! Les sorcières sont de retour ! » Par Isabelle Sorente

LES UNIVERSALISTES

Les pionnières

— Élisabeth de Bohême La grande âme Par Catherine Newmark pp. 54-55

pp. 36-38

— Marguerite Porete Martyre de la liberté de pensée

— Gabrielle Suchon Philosophe de l’insoumission Par Elsa Dorlin

pp. 40-41

pp. 58-59

— Christine de Pizan Droit de cité pour les femmes pp. 44-45

— Héloïse L’abbesse de l’amour libre

— Juana Inés de la Cruz L’ambition de savoir p. 60

— Mary Wollstonecraft « La première d’un nouveau genre » pp. 62-63

p. 46

Origine du papier : Suède Taux de fibres recyclées : 0 %. Certifié PEFC Eutrophisation : 0,01 kg/t

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DES EMPIRES AUX TEMPS MODERNES

LES RÉVOLUTIONNAIRES

EXTRAIT

« Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » Olympe de Gouges pp. 64-67

— « Les femmes sont en train de se doter d’une double puissance » Entretien avec Élisabeth Badinter pp. 68-73

— Harriet Taylor Mill Contre la loi des hommes Par Laurence Devillairs pp. 74-76

CHRONOLOGIE

DE L’APRÈS-GUERRE AUX ANNÉES POST-68

LES LIBÉRATRICES CHRONOLOGIE

DES ANNÉES 1980 À ME TOO

LES CONTEMPORAINES CARTE

L’âge des exploratrices

« D’où tu parles ? »

Les mouvements féministes

pp. 78-85

pp. 104-109

pp. 130-131

— Rosa Luxemburg « Rosa la Rouge » pp. 86-87

— Lou Andreas-Salomé « Le feu de la vie » Par Dorian Astor pp. 88-89

— Simone de Beauvoir L’audace de choisir son destin Par Octave LarmagnacMatheron

CHRONOLOGIE

Ensemble, autrement pp. 132-135

— Le spectre du genre Entretien avec Judith Butler

EXTRAIT

pp. 136-139

pp. 110-115

— Virginia Woolf « Penser nous devons »

« Renoncer à l’égalité au profit de l’égalité ? » Hannah Arendt

— Carol Gilligan La naissance du care

pp. 90-91

pp. 116-117

p. 142

— Anna Julia Cooper Une voix contre le racisme et la misogynie Par Clara Degiovanni p. 92

— Simone Weil Endurer la souffrance pp. 94-95

— Des rapports de pouvoir Entretien avec Elsa Dorlin pp. 98-102

— La natalité ou savoir compter jusqu’à trois… Par Martin Legros pp. 118-119

— « La force transformatrice du féminisme » Entretien avec Isabelle Stengers

— Donna Haraway Être l’un et l’autre p. 144

— Virginie Despentes Queen Kong pp. 145-146

pp. 122-126

— Antoinette Fouque La gestation d’une autre pensée p. 127

— Monique Wittig « Les lesbiennes ne sont pas des femmes » p. 128

HORS-SÉRIE “LA PUISSANCE DES FEMMES” Automne-hiver 2019 / Rédacteur en chef : Sven Ortoli / Rédacteur : Octave Larmagnac-Matheron / Conseillers de la rédaction : Martin Legros et Catherine Newmark / Secrétariat de rédaction : Vincent Pascal et Danièle Stantcheva / Direction artistique  : Jean-Patrice Wattinne / L’Éclaireur / Iconographie : Mika Sato et Tina Ahrens / Couverture : © Studio Nippoldt / Directeur de la publication : Fabrice Gerschel / Responsable administrative : Sophie Gamot-Darmon / Fabrication : Rivages / Impression : Roto France Impression : 25, rue de la Maison rouge, 77185 Lognes / Commission paritaire : 0521 D 88041 / ISSN : 2104-9246 / Dépôt légal : à parution / Philosophie magazine est édité par Philo Éditions SAS au capital de 340 200 euros, RCS Paris B 483 580 015 / Président : Fabrice Gerschel / Relations presse : Canetti Conseil (01 42 04 21 00), francoise.canetti@canetti.com / Publicité culturelle, commerciale, partenariats : Audrey Pilaire (01 71 18 16 08), apilaire@philomag. com / Imprimé en France, Printed in France / La rédaction n’est pas responsable des textes et documents qui lui sont envoyés. Ils ne seront pas rendus à leurs propriétaires /


LA

PUISSANCE Puissantes, mais comment ? Puissantes malgré « la vexation, la souffrance endurée en silence », dit Marie NDiaye, pour qui « les femmes sont fortes des humiliations qu’elles ont connues ou dont elles ont entendu le récit ». Puissantes, aussi, de leur « attention » au monde, ajoute Vinciane Despret, et puissantes d’une colère qu’elles doivent se réapproprier. Sans oublier la violence et la « véhémence », renchérit Chloé Delaume. Puissantes malgré, puissantes contre, puissantes avec. Trois femmes puissantes.

© Bertrand Gaudillère/Item ; © Franck Ferville/Agence VU ; © Hermance Triay/Seuil.

TROIS IDÉES DE


© Bertrand Gaudillère/Item.

ENTRETIEN AVEC VINCIANE DESPRET Propos recueillis par Catherine Portevin

La colère en partage Aux joutes théoriques où se complaisent les hommes, Vinciane Despret préfère la puissance d’attention des femmes face au réel qui irrigue leur pensée. Elle appelle les femmes à ne pas refréner leurs émotions et à se réapproprier la colère – manière de « faire des histoires », allègrement.

«

F

emme et philosophe belge m’intéressant aux animaux, j’étais mal partie dans la vie ! Mais, comme pour la plupart des femmes, la question “Qu’est-ce qu’être une femme ?” s’est posée et a joué rétroactivement. Si, par exemple, j’essaye de repérer en quoi mon parcours professionnel est féminin, je remarque que je me suis intéressée à des objets pas très propres, pas convenables, considérés comme sans intérêt par la philosophie parce qu’ils n’aboutissent pas à de grands concepts : les émotions, les cratéropes écaillés 1 qui dansent, des chercheurs qui parlent avec les singes, et les gens qui parlent à leurs morts…

On dira que les femmes n’ont pas de goût pour les batailles théoriques des “vieux garçons ferrailleurs”, comme Frédéric Pagès 2 s’amuse à décrire les philosophes. Je peux me reconnaître dans ce caractère à condition d’admettre que cette inappétence est elle-même construite. [L’éthologiste] Thelma Rowell expliquait que les premières femmes primatologues, dans les années 1960, ont observé plus de choses que leurs confrères masculins parce qu’elles restaient plus longtemps sur leur terrain. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’à l’époque, la plupart des postes universitaires étant réservés aux hommes, elles avaient peu d’ambition académique. Peut-être est-ce une chance

LA PUISSANCE DES

FEMMES PHILOSOPHIE MAGAZINE HORS-SÉRIE

Trois idées de la puissance

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LA PUISSANCE DES

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FEMMES

Les oubliées

PHILOSOPHIE MAGAZINE HORS-SÉRIE

CHRONOLOGIE

Philosophie, nom féminin d’origine grecque Dans l’Antiquité, de la Grèce au Proche-Orient, la philosophie fut aussi portée par la voix de femmes. Mais penseuses à part entière, disciples ou formatrices, leur contribution fut oubliée et leurs œuvres égarées. Dans la pensée antique, cherchez la femme.

iie

millénaire av. J.-C.

Les Rig-Veda mentionnent plusieurs femmes « philosophes » : Lompamudra, Ghosha, Maitreyî…

PYTHAGORICIENNES (VIe-Ve SIÈCLE AV. J.-C.)

506 av. J.-C.

ve

Cléomène Ier, roi de Sparte, attaque Argos et tue tous les hommes en capacité de se battre. Télésille sort alors à la tête d’une cohorte de femmes armées ; les Spartiates se retirent.

Naissance de Gorgô, future reine consort de la cité de Sparte. Plutarque rapporte qu’à une femme qui lui demandait : « Pourquoi êtes-vous les seules, vous autres Laconiennes, qui commandiez aux hommes ? », elle aurait répondu : « C'est parce que nous sommes les seules qui mettions au monde des hommes. »

Artémise Ire devient reine d’Halicarnasse (actuelle Turquie). Conseillère de l’empereur achéménide Xerxès Ier, elle se distingue si bien à la bataille de Salamine que l’empereur se serait écrié : « Mes hommes sont devenus des femmes, et mes femmes des hommes ! »

Entraînée à la natation depuis son enfance, juste avant la bataille d’Artemisium, Hydna de Scione nagea de nuit, avec son père, 16 kilomètres pour rompre les amarres des navires perses, causant des dégâts considérables.

Diogène Laërte raconte que Pythagore « avait reçu la plupart de ses préceptes moraux de Thémistocleia ». Aussi nommée Aristocléia ou Théocléia, celle-ci serait la sœur du philosophe, et l’aurait incité à ouvrir son enseignement aux femmes. La première disciple de Pythagore était Théanô de Crotone,

son épouse. On lui attribue un traité, Sur la piété. Elle affirmait que la femme possède à l’égal de l’homme le courage, l’intelligence et la justice, mais le surpasse en prudence. Leur fille Dâmo fut chargée de la transmission des écrits de son père, puis confia à son tour cette mission à sa

fille, Bitalé. Une autre sœur, Myia, serait l’auteure d’un recueil de « pythagorismes » ; la troisième sœur, Arignote, serait l’auteure d’un Discours sacré. À Deinô, quatre ouvrages sont attribués , dont Conseils aux femmes. Mélissa affirmait que « l’ornement véritable se trouve dans ses

mœurs et non dans ses vêtements ». Timycha, enfin, capturée par le tyran Denys, qui voulait dérober les secrets de l’enseignement de Pythagore, et bien que sa grossesse fût très avancée, se trancha la langue avec les dents pour ne pas parler sous la torture. Y

vie

siècle av. J.-C.

Sappho compose les Odes à Aphrodite.

510 av. J.-C.

siècle av. J.-C.

480 av. J.-C.


ARÈTÈ DE CYRÈNE (V e SIÈCLE AV. J.-C.)

PLATONICIENNES (V e SIÈCLE AV. J.-C.) Axiothéa de Phlionte assura la formation du successeur de Platon, Speusippe, à la tête de l’Académie d’Athènes. Elle se rendait à l’Académie vêtue en homme, comme sa condisciple, Lasthénéia de Mantinée. Par ailleurs, Aspasie de Milet, une hétaïre

(courtisane cultivée), amante de Périclès, passe pour le « maître » de Socrate en matière de rhétorique (Platon, Ménexène). Sa demeure était l’un des centres de la société intellectuelle athénienne de l’époque. Y

Fille d’Aristippe l’Ancien (435-356 av. J.-C.), et mère d’Aristippe le Jeune. Elle assura la continuité de l’école cyrénaïque fondée par son père, au point que son fils, qui en prit ensuite la tête, fut surnommé Métrodidaktos, « élève de sa mère ». Elle serait l’auteure d’une

quarantaine d’ouvrages perdus, dont De l’éducation des enfants, Des peines de l’âge, Vie de Socrate, Le Malheur des femmes, De la vanité de la jeunesse, etc. Le courant cyrénaïque est hédoniste : il fait du plaisir la fin de la vie humaine. Y

BÊTISIER

« PARMI CEUX QUI SONT NÉS MÂLES, TOUS CEUX QUI ONT ÉTÉ LÂCHES ET ONT MENÉ UNE VIE INJUSTE ONT […] ÉTÉ TRANSFORMÉS EN FEMELLES À LA SECONDE NAISSANCE » Platon, Timée.

411 av. J.-C.

392 av. J.-C.

350 av. J.-C.

348 av. J.-C.

Aristophane rédige Lysistrata, une comédie satirique dans laquelle les femmes entament une grève du sexe pour mettre fin à la guerre entre Athènes et Sparte. La même année, il compose Les Thesmophories, pièce dans laquelle des femmes s’organisent en assemblée et d’exercer le pouvoir politique.

Aristophane écrit L’Assemblée des femmes, comédie satirique : menées par Praxagora, les Athéniennes se rassemblent sur l’agora et décident des mesures à prendre pour sauver leur cité.

À Athènes, Agnodice obtient son diplôme de médecin et devient gynécologue en se faisant passer pour un homme.

Dans Les Lois, Platon évoque les Amazones qui « s'exercent non seulement à l'équitation, mais encore au maniement de l'arc et des autres armes, tout comme le font les hommes ».

NICARÈTÈ DE MÉGARE (IV e SIÈCLE AV. J.-C.)

© CC BY 2.0 ; © DR ; © DR

Philosophe et disciple de Stilpon de Mégare, qui devint chef de l’école mégarique vers 330 av. J.-C. Cette doctrine reprenait en grande partie

les enseignements de Socrate et de Parménide, et s’opposait souvent aux philosophes péripatéticiens. Les cinq filles de Diodore Cronos, Ménexènè,

Argéia, Théognis, Artémisia et Pantacléia, seraient toutes devenues des philosophes de l’école mécanique vers 300 av. J.-C. Y

HIPPARCHIE (IV e SIÈCLE AV. J.-C.) Épouse de Cratès de Thèbes, disciple de Diogène le cynique. Après leur mariage, tous deux partagèrent une vie errante, faite de pauvreté. Diogène

Laërte rapporte qu’ils faisaient l’amour en public. Hipparchie serait l’auteure de Sujets philosophiques et Arguments et propositions (Souda). Y

LA PUISSANCE DES

FEMMES PHILOSOPHIE MAGAZINE HORS-SÉRIE

Les oubliées

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Mathilde d’après Picasso, série « Femmes d’intérieur » © Elene Usdin

« Je n’ai pas choisi, moi, Hipparchie, les travaux des femmes à l’ample robe, mais la vie forte des cyniques » HIPPARCHIE citée dans l’Anthologie palatine



LA PUISSANCE DES

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Les hérétiques

FEMMES PHILOSOPHIE MAGAZINE HORS-SÉRIE

« Tremblez, tremblez,

les sorcières

Série « Totems », © Flore-Aël Surun / Tendance Floue

sont de retour ! »


Aussi fascinante qu’inquiétante, la sorcière hante nos imaginaires. L’écrivaine Isabelle Sorente explore au fil du temps les visages de cette figure protéiforme. Bouc émissaire diabolisé d’un xve siècle troublé qui a fait sienne l’injonction de l’Ancien Testament, « tu ne laisseras pas vivre la magicienne », elle se réincarne aujourd’hui en figure emblématique réappropriée par les mouvements féministes. Les sorcières n’ont pas pris une ride.

ISABELLE SORENTE

L

a sorcière nous fascine tous. À cause de ses pouvoirs, de son apparence changeante, de sa façon d’ondoyer dans notre imaginaire, tantôt vieille femme, évoquant les Parques ou les sorcières de Macbeth, tantôt beauté fatale, proche des vamps de films noirs, mais toujours radicale, marginale, qu’elle soit mystique, sage-femme ou herboriste, pratiquant son art en dehors du couvent, de l’université, de la famille. Pas étonnant que cette marginale soit devenue un symbole du féminisme : « Tremate, tremate, le streghe son tornate », scandaient les Italiennes de la génération de ma mère, « tremblez, tremblez, les sorcières sont de retour », avant de devenir, cinquante ans plus tard, le mot d’ordre du mouvement écoféministe. Pour les écoféministes, dont l’une des plus célèbres théoriciennes, Starhawk, n’hésite pas à se revendiquer sorcière, l’exploitation des femmes et celle de la nature sont également désastreuses pour tous – hommes ou femmes – et participent d’un même système de pensée, fondé sur ce que Starhawk qualifie de « pouvoir-sur », pouvoir sur le plus faible, sur le plus âgé, sur le plus silencieux. Au « pouvoir-sur », Starhawk oppose le « pouvoir-du-dedans », aussi appelé dans ses textes l’« immanence » ou la « Déesse », qui n’est pas sans rappeler le principe directeur de Marc Aurèle ou le Tao des anciens maîtres, ce pouvoir de l’esprit qui transforme le monde. Tel est sans aucun doute le premier et le plus ancien visage de la sorcière, celui d’une

sagesse non académique, non conformiste, une sagesse écosystémique, pourrait-on dire, à la fois concrète et mystique. En 2019, ce visage n’a pas pris une ride. Le deuxième visage de la sorcière est celui d’un personnage de fiction, et d’une victime de la propagande. Car la sorcière est d’abord un personnage, un portrait-robot, une caricature haineuse de femme démoniaque. C’est au xve siècle que le terme « sorcière » a changé de signification, cessant de désigner une simple magicienne pour signifier désormais un phénomène monstrueux, une criminelle aidée par des forces surnaturelles : une femme qui avait passé un pacte avec le diable. Ce pacte lui donnait des pouvoirs considérables, comme celui de rendre les hommes impuissants, de tuer les gens à distance, de commander au climat en faisant tomber la grêle. Comment est né ce personnage féminin maléfique, digne des plus sombres épisodes des X-Men ? Deux livres ont joué un rôle considérable dans la fabrication de la sorcière. Le premier, Formicarius, la « fourmilière », volumineux traité de morale, a été écrit dans les années 1430 par Jean Nider, un prêtre dominicain. Pour rédiger le livre V, consacré aux sorcières, Nider s’est basé sur une série de témoignages, notamment ceux des juges, euxmêmes basés sur des on-dit, des légendes et des aveux faits sous la torture. Mais Nider n’est pas qu’un moraliste : c’est un conteur hors pair. À partir de cette collection de fantasmes, de rumeurs et de cauchemars, il écrit une grande saga terrifiante, où des femmes criminelles se réunissent la nuit pour manger des enfants, les faire cuire dans un chaudron « jusqu’à ce que, les os enlevés, la chair soit presque entièrement absorbable et buvable ». Considéré par les historiens comme l’inventeur du sabbat, Jean Nider est un maître du fantastique qui, malheureusement, n’a pas conscience d’en être un. Mais c’est un second livre qui va transformer le portrait, encore trop romanesque, de la femme diabolique en portrait-robot. Le Malleus Maleficarum [le Marteau des Sorcières], écrit en 1486 par deux inquisiteurs, Heinrich Kramer et Jakob Sprenger, se base sur ce qu’on

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OLYMPE DE GOUGES

Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne « Tant que les femmes ne s’en mêlent pas, il n’y a pas de véritable révolution », disait Mirabeau. Les Françaises furent d'ailleurs les premières à marcher sur Versailles pour ramener Louis XVI et Marie-Antoinette à Paris, le 5 octobre 1789. Pourtant, elles restent des citoyennes de seconde zone, inéligibles et privées du droit de vote, durant toute la période révolutionnaire. Scandale, pour Olympe de Gouges, qui réclame, en 1791, la stricte égalité des droits. Sa Déclaration, tirée à cinq exemplaires, n’aura de retentissement que dans la deuxième moitié du xxe siècle. TEXTE INTÉGRAL

PRÉAMBULE Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en assemblée nationale. Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer dans une déclaration solennelle les droits naturels, inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant

comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous. En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne.


ARTICLE PREMIER La Femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. II Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l’Homme : ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l’oppression. III Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n’est que la réunion de la Femme et de l’Homme : nul corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. IV La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose ; ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison. V Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles à la société : tout ce qui n’est pas défendu par ces lois, sages et divines, ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elles n’ordonnent pas. VI La Loi doit être l’expression de la volonté générale ; toutes les Citoyennes et Citoyens doivent concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation ; elle doit être la même pour tous : toutes les Citoyennes et tous les Citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents. VII Nulle femme n’est exceptée ; elle est accusée, arrêtée, et détenue dans les cas déterminés par la Loi. Les femmes obéissent comme les hommes à cette Loi rigoureuse. VIII La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée aux femmes. IX Toute femme étant déclarée coupable, toute rigueur est exercée par la Loi. X Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même fondamentales, la femme a le droit de monter sur l’échafaud ;

elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ; pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la Loi. XI La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants. Toute Citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d’un enfant qui vous appartient, sans qu’un préjugé barbare la force à dissimuler la vérité ; sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. XII La garantie des droits de la femme et de la Citoyenne nécessite une utilité majeure ; cette garantie doit être instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de celles à qui elle est confiée. XIII Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, les contributions de la femme et de l’homme sont égales ; elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles ; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l’industrie. XIV Les Citoyennes et Citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique. Les Citoyennes ne peuvent y adhérer que par l’admission d’un partage égal, non seulement dans la fortune, mais encore dans l’administration publique, et de déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée de l’impôt. XV La masse des femmes, coalisée pour la contribution à celle des hommes, a le droit de demander compte, à tout agent public, de son administration. XVI Toute société, dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ; la constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la Nation n’a pas coopéré à sa rédaction. XVII Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés ; elles ont pour chacun un droit inviolable et sacré ; nul ne peut en être privé comme vrai patrimoine de la nature, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

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© The European Graduate School, Suisse

Le spectre du genre


ENTRETIEN AVEC JUDITH BUTLER

Propos recueillis et traduits par Octave Larmagnac-Matheron

Que signifie être féministe à l’époque du « trouble dans le genre » ? Ne pas faire de la femme un bloc monolithique, mais une catégorie aux significations multiples et changeantes, répond la philosophe américaine non-binaire Judith Butler. L’occasion de tordre le cou aux nombreux préjugés qui pèsent sur les études de genre.

Que signifie pour vous être une femme ? Être féministe ? JUDITH BUTLER Je ne suis pas certaine d’être une femme. Comment le saurais-je ? J’accepte de parler « en tant que femme » dans certaines circonstances, par engagement féministe, mais il ne s’agit pas pour moi d’une forme d’identification « primaire ». Être féministe, c’est autre chose – il n’est pas nécessaire d’être une femme ou même de « savoir » ce que veut dire être une femme pour l’être. Très simplement, être féministe, c’est s’opposer à l’inégalité et à la violence qui pèsent sur les femmes – y compris les femmes trans. C’est se battre pour la liberté des femmes d’agir et de se mouvoir dans les sphères publique comme privée. C’est revendiquer le pouvoir d’établir une société plus juste.

Mais le féminisme, en tant que mouvement, désigne aussi une forme d’alliance. En ce sens, il est en grande partie défini par les combats des femmes de couleur. En effet, celles-ci sont en première ligne, et élaborent une grille d’analyse intersectionnelle [terme proposé par la militante afro-américaine Kimberlé Williams Crenshaw pour décrire

le poids cumulatif des différentes oppressions] qui place la question raciale, les droits humains, la critique des violences policières et des emprisonnements abusifs, mais aussi la justice économique, au cœur des luttes. Le féminisme est aussi intimement lié aux combats anticolonialistes. Comment en serait-il autrement, étant donné le double assujettissement des femmes mais aussi des groupes non conformes à la binarité occidentale du genre 1 dans des régions livrées aux occupations et à la guerre, où les effets de la colonisation se font encore sentir ?

En France, les études de genre sont souvent présentées comme une volonté d’abolir la binarité homme-femme. Est-ce le cas ? Très peu de gens, au sein des études de genre, cherchent à abolir la distinction entre homme et femme. La plupart essaient seulement de comprendre la diversité des 1. Ainsi : les hijras, « eunuques », en Inde ; les rae rae, « hommes douceur » en Polynésie ; les bissu, « transcendants », l’un des cinq genres du peuple bugi en Indonésie, intermédiaires entre hommes et dieux ; les êtres-aux-deux-esprits amérindiens, etc. [NDLR.]

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Les contemporaines

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« Un féminisme de l’intime » Le Monde, Catherine Vincent

« Parce que la femme n’est pas une abstraction, Camille Froidevaux-Metterie veut remettre la corporéité au cœur de la pensée féministe » Libération, Noémie Rousseau

« Le corps féminin au cœur du féminisme » France Inter, Laure Adler

« Une libération qui peut désormais aller jusque dans les sphères les plus intimes de la féminité » France Culture, Olivia Gesbert

« Les thématiques corporelles au cœur des luttes féministes contemporaines »

Le Nouveau Magazine littéraire, Valentine Faure

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