PLATON L 17892 - 45 H - F: 7,90 € - RD
Avec Alain Badiou, Monique Canto-Sperber, Laurence Devillairs, Dimitri El Murr, Raphaël Enthoven, Étienne Klein, Manuela Valle, Francis Wolff...
France : 7,90 € / Andorre : 7,90 € / Belgique-Luxembourg-Espagne-Portugal : 8,90 € / Allemagne : 9,20 € / Suisse : 14,90 FS Canada : 13,25 $CAN / TOM : 1100 XPF / DOM : 8,90 € / Maroc : 90 DH / Tunisie : 13,90 DH
• Reprendre sa vie en mains • En finir avec les discours creux • • Retrouver le goût de l’absolu • Se mettre en quête de l’amour et du beau • • Reconstruire le monde •
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NOS LIVRES SONT DISPONIBLES EN FORMAT NUMÉRIQUE
PENSEURS KWAME A. APPIAH LÉONORA MIANO SHOSHANA ZUBOFF TENG BIAO...
Marcher avec les philosophes 2018 Léger Vertige. Des chiffres qui donnent à penser Sven Ortoli 2018
Marc AUGÉ, Éric CHAUVIER, François JULLIEN, Catherine LARRÈRE, Guillaume LE BLANC, Philippe MADEC, Ariella MASBOUNGI, Antoine PICON, Christian de PORTZAMPARC, Bernard STIEGLER…
LA PRATIQUE
ET DES EXTRAITS DE H. Arendt, G. Bachelard, H. D. Thoreau, G. Debord, G. Deleuze, F. Guattari, N. Klein, R. Koolhaas, K. Marx, J.-C. Michéa, J.-L. Nancy, G. Perec, J.-P. Vernant, P. Virilio…
LE PROGRAMME
faire sur le communisme, Les 23 notions en fiches Des copiesleQue de rêve? Dialogue intégralement capitalisme et l’avenir de la démocratie corrigées, de vraies copies d’élèves (avec des citations, des exemples, Dialogue entre Alain Badiou annotées par des professeurs, les auteurs), les distinctions et Marcel Gauchet les conseils des correcteurs… conceptuelles, le bêtisier pour éviter 2014 les contresens et un quiz Albert Camus, la pensée révoltée pour savoir si vous êtes prêts !
Philosophie magazine Éditeur www.philomag.com 978-2-900818-02-2
25 €
PHILOSOPHIE MAGAZINE
2013
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www.philomag.com ISBN : 978-2-9538130-7-4 10,90 € TTC France et Belgique
La ville rêvée des philosophes
L’Art d‘avoir toujours raison (sans peine) Nicolas Tenaillon 2014
E
’écrivain Philippe Forest, dont toute l’œuvre est construite autour de la perte de sa petite fille, et le philosophe Vincent Delecroix, spécialiste de Søren Kierkegaard, remettent le deuil au cœur de l’existence humaine. Leur conversation part d’une colère commune contre MICHEL ELTCHANINOFF l’expression galvaudée « faire son deuil ». Interrogeant la philosophie, la religion, la littérature, ils donnent, non des remèdes, mais des ressources pour penser ce qui est perdu. Il ne s’agit donc pas de faire son deuil mais plutôt de se confronter à l’impossible réel et, tel ce personnage de William Faulkner, entre le chagrin et le néant, de préférer le chagrin.
AVEC
Les Philosophes face au nazisme 2015 Le Deuil. Entre le chagrin et le néant Dialogue entre Vincent Delecroix et Philippe Forest 2015
ation, savoir gérer un sujet ématique, des sujets ques…
La ville rêvée des philosophes L
Pour comprendre la ville d’aujourd’hui, nous avons besoin d’une philosophie qui dialogue avec le réel. C’est ce chantier que nous avons voulu ouvrir dans cet ouvrage.
Guide de survie au bac philo 2016
Vincent Delecroix est philosophe et écrivain,
professeur à l’Ecole pratique des hautes études.
Un dialogue animé par Catherine Portevin, journaliste et chef de rubrique livres à Philosophie magazine.
Philo éditions :10, rue Ballu - 75009 Paris Dépôt légal : octobre 2015 978-2-9538130-6-7 www.philomag.com
12,90 € TTC France
ISBN 978-2-9538130-6-7
31/03/2016 19:46
Tenaillon Dessins de Mahler
Le Corps des femmes Camille Froidevaux-Metterie octobre 2018
Nicolas
DÉJÀ PARUS CHEZ PHILOSOPHIE MAGAZINE ÉDITEUR :
fois guide de survie en milieu hostile (à l’Assemblée ou en , traité de l’art de la guerre (dans les dîners en ville) et pour comprendre les médias, voilà un livre salutaire pour vaise foi (des autres). he Arthur Schopenhauer avait en son temps proposé des r mettre un adversaire K.-O. dans un débat, Nicolas Tenaillon nsée retorse de son illustre prédécesseur, en y adjoignant des. Indispensable aux duellistes… et à ceux qui aiment osophie en s’amusant. issu des chroniques de Nicolas Tenaillon publiées chaque 0 dans Philosophie magazine.
Marcher avec les philosophes 2018
Léger vertige. Des chiffres qui donnent à penser Sven Ortoli 2018 Guide de survie au bac philo 2016 Les Philosophes face au nazisme 2015 Le Deuil. Entre le chagrin et le néant Dialogue entre Vincent Delecroix et Philippe Forest 2015 L’Art d’avoir toujours raison (sans peine) Nicolas Tenaillon 2014
Nicolas Mahler
s Tenaillon
sophie, chargé de cours catholique de Lille ofesseur de philosophie llabore chaque mois phie magazine.
est un auteur de bande dessinée autrichien. Il illustre chaque mois les éditos de l’édition allemande de Philosophie magazine.
11,90 € TTC France
ISBN 978-2-9538130-3-6
oujours plus vite. La croissance est la valeur cardinale des économies modernes et nous sommes tous lancés dans une quête effrénée de performance. C’est aux sentiments de verQ U AN D P HI LO SO P HI E MA G A Z I N E tige et d’aliénation liés à l’accélération de nos sociétés que le penseur FRAN C HIT L E S P O RT E S DE L A L IBRAIRIE allemand Hartmut Rosa consacre sa réflexion depuis des années. En téPARAÎTRE moigne son récit d’un voyage en Chine, excursion dans un pays qui Àest La Ville rêvée des philosophes, passé de l’époque féodale au capitalisme le plus débridé en quarante ans. novembre 2018
Cet ouvrage avance, à travers une série de textes courts et marquants, DÉJÀ PARUS CHEZ PHILOSOPHIE MAGAZINE ÉDITEUR une solution à la frénésie ambiante : il s’agit d’entrer en résonance avec Remède à l’accélération. Impressions d’un voyage en Chine et autres textes sur la résonance le monde. Nouveau concept philosophique, la résonance vise à nous Hartmut Rosa faire accéder à une vie meilleure, permettant de trouver un accord entre 2018 le monde tel qu’il est et l’existence telle qu’elle mérite d’être vécue. Marcher avec les philosophes
2018 Entrer en résonance avec le monde et les autres, voilà la proposition qui pourrait tous nous amener à découvrir, enfin, la vie bonne. Léger vertige. Des chiffres qui donnent à penser Sven Ortoli 2018
Que faire ? Dialogue sur le communisme, le capitalisme et l’avenir de la démocratie Dialogue entre Alain Badiou et Marcel Gauchet 2014
Guide de survie au bac philo 2016 Les Philosophes face au nazisme 2015
Albert Camus, la pensée révoltée 2013 La vie a-t-elle un sens ? Spécial bande dessinée et philosophie 2013 Tintin au pays des philosophes 2011
Dessin de couverture : © Nicolas Mahler Philo éditions : 10, rue Ballu - 75009 Paris 978-2-9538130-3-6 www.philomag.com
T
REMÈDE À L’ACCÉLÉRATION
IMPRESSIONS D’UN VOYAGE EN CHINE
À P A RA ÎTRE :
Photo de couverture : © Alessio Lin /Unsplash Philosophie magazine Éditeur www.philomag.com 978-2-900818-00-8
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Entre le chagrin et le néant 30/11/2018 16:24
éditions
IMPRESSIONS tsunami Weinstein qui déferle à l’automne 2017 D’UN eVOYAGE EN CHINE n’est pas né d’un tremblement de terre imprévisible. Héritier de l’École de Francfort, Il s’inscrit dans un mouvement de réappropriation par ET AUTRES TEXTES le sociologue allemand Hartmut Rosa femmes de leur corps dans ses dimensions intimes. Avant SURlesLA RÉSONANCE est l’un des observateurs les plus acérés
L
même les révélations liées au harcèlement et aux violences de notre « modernité tardive ». sexuelles, le féminisme avait amorcé son tournant génital. Il est l’auteur de deux sommes sociologiques et philosophiques, Maternité et non-désir d’enfant, menstruations et ménoAccélération, une critique sociale pause, apparence et normes esthétiques, sexualité et plaisir, du temps (La Découverte, 2013) le temps est venu de réclamer pour tous ces sujets la liberté et Résonance. Une sociologie de la relation au monde (La Découverte, et l’égalité qui forment le cœur du projet féministe. 2018), traduites dans le monde entier. Camille Froidevaux-Metterie propose de penser le corps des femmes au prisme de la double expérience vécue de l’aliénation et de l’émancipation. Il s’agit d’approfondir la dynamique de libération de la parole et d’en terminer avec les diktats sociaux pour faire advenir une conception enfin positive, apaisée, de la corporéité féminine.
Le Deuil. Entre le chagrin et le néant Dialogue entre Vincent Delecroix et Philippe Forest 2015 L’Art d’avoir toujours raison (sans peine) Nicolas Tenaillon 2014 Que faire ? Dialogue sur le communisme, le capitalisme et l’avenir de la démocratie Dialogue entre Alain Badiou et Marcel Gauchet 2014
40 STRATAGÈMES pour clouer le bec à votre interlocuteur
deuil
HARTMUT ROSA
Remède à l’accélération
L’art d’avoir toujours raison (sans peine) Tenaillon / Mahler
QUA ND P HIL O S O P HIE M AGAZINE F RA NCH IT LE S P ORTE S DE LA LIB RA IRIE
Le
DIALOGUE
LA BATAILLE DE L’INTIME
HARTMUT ROSA
9 782953 813067
Philippe
Rédacteur en chef à Philosophie Magazine, agrégé et docteur en philosophie, Michel Eltchaninoff est spécialisé en phénoménologie et en philosophie russe. Il a notamment publié Dostoïevski. Le roman du corps (Jérôme Millon, 2013), Dans la tête de Vladimir Poutine (Solin/Actes Sud, 2015), Les Nouveaux Dissidents (Stock, 2016) ou encore Dans la tête de Marine Le Pen (Solin/Actes Sud, 2017).
Philippe Forest est écrivain et professeur de littérature contemporaine à l’université de Nantes.
Tout sur la méthode, du sujet au plan détaillé • Les corrigés des vrais sujets tombés à l’examen • Tout le programme résumé • Les bons tuyaux des profs • Avec Michel Eltchaninoff, Charles Pépin, Nicolas Tenaillon, Jul…
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Le deuil Vincent Delecroix / Philippe Forest
S
Remède à l’accélération. Impressions d’un voyage en Chine et autres textes sur la résonance Hartmut Rosa 2018
Delecroix Forest Vincent
oumettre la pierre et le marbre, les grues et les marteaux, les besoins et les affects des hommes à la puissance de la pensée humaine est un projet enivrant pour les philosophes. Construire un abri ou une maison est une exigence vitale. Édifier un palais est une manifestation de pouvoir. Concevoir une ville pour les siècles à venir est un acte de la pure raison. C’est pourquoi la ville idéale est devenue le Graal des philosophes et de certains urbanistes. Mais le rêve s’est parfois mué en cauchemar, lorsque des ensembles ont bafoué le passé, ignoré la vie des habitants, la réalité du temps qui passe, la spécificité d’un lieu, d’un climat, d’une culture. La philosophie de la ville a attendu le xxe siècle pour prendre conscience de sa propre démesure.
Le Corps des femmes. La bataille de l’intime Camille Froidevaux-Metterie 2018
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GUIDE DE SURVIE AU BAC PHILO
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Illustration de couverture : William Londiche Philosophie magazine Éditeur www.philomag.com 978-2-900818-01-5
CAMILLE FROIDEVAUX-METTERIE
le corps des femmes LA BATAILLE DE L’INTIME
Professeure de science politique et chargée de mission égalité-diversité à l’université de Reims, Camille Froidevaux-Metterie réfléchit aux mutations de la condition féminine contemporaine. Après un docu-fiction sur les femmes politiques (Dans la jungle), elle a fait paraître en 2015 La Révolution du féminin (Gallimard).
Le corps des femmes
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PHILOSOPHIE MAGAZINE HORS-SÉRIE
Édito
Soit une caverne obscure et des hommes enchaînés par les pieds et la nuque, face à la paroi du fond. Derrière eux, un muret. Derrière ce muret, un brasier flamboyant et entre les deux, des marionnettistes qui agitent des silhouettes d’animaux, de dieux ou d’humains. Leurs ombres apparaissent sur la paroi face aux prisonniers. Elles sont le monde à leurs yeux. L’un des enchaînés est libéré, trouve un chemin vers le dehors, y découvre la douce lueur de la lune et des étoiles, puis celle aveuglante du soleil. Il reviendra, les yeux éblouis par les allers-retours de l’ombre à la lumière puis à l’ombre, pour affronter ses compagnons, les éduquer peut-être, s’ils ne le mettent pas à mort. Le philosophe, dit en somme Platon, c’est le gars qui a le courage de sortir de la caverne, puis d’y revenir. Interprétez. Vous avez l’éternité. C’est beau, intelligent, irritant, déconcertant, proche, étranger, bref, c’est la salle des pas perdus de la philosophie. Chacun y passe, chacun s’y retrouve, chacun la voit à sa façon. En mars 1939, Paul Valéry célèbre ainsi le centenaire de l’invention de la photographie : « Qu’est-ce que la fameuse caverne de Platon, si ce n’est déjà une chambre noire, la plus grande, je pense, que l’on ait jamais réalisée. » Et il file la métaphore jusqu’à imaginer que s’il avait « réduit à un très petit trou l’ouverture de son antre, et revêtu d’une couche sensible la paroi qui lui servait d’écran, Platon, en développant son fond de caverne, eût obtenu un gigantesque film ». Un film ? Pourquoi pas. Il serait monté avec vingt-cinq siècles d’interprétations composées en majorité de celles qui jugent qu’on ne peut pas sortir de la caverne : de Nietzsche, pour qui le passage à la « lumière du jour » traduit une pathologie toute socratique, un « fanatisme » de la raison, à Michael Walzer qui affirme : « Sortir de la grotte, quitter la ville, SVEN ORTOLI grimper au sommet de la montagne, ce n’est pas mon genre. Moi je reste RÉDACTEUR EN CHEF en ville parce qu’il n’y a rien dehors. Le mode socratique est une illusion ». Et autour d’eux la cohorte des immanentistes, spinozistes en tête. Mais on ne se débarrasse pas si facilement de Platon ! D’abord parce qu’un petit village d’irréductibles idéalistes a toujours résisté : de Simone Weil pour qui sortir de la caverne, c’est sortir du temps, passer au-delà de l’humain et, au bout du compte, trouver « un pont vers Dieu », aux mathématiciens comme Kurt Gödel pour qui « la conception platonicienne est la seule tenable ». Ensuite parce que Platon ne se résume pas à cet idéalisme. Il est avant tout le « taon dans la cité », le type qui pose les questions qui fâchent : notre société démocratique où chacun peut avoir son quart d’heure de tyrannie sur les réseaux sociaux est-elle si loin de la société carcérale de la caverne avec ses manipulations par les montreurs de marionnettes ? Et paradoxalement, à la faveur du confinement, n’étions-nous pas confrontés à des questions toutes platoniciennes ? Qui sont les sophistes aujourd’hui ? Dans quelle mesure faut-il faire confiance aux experts ? Comment distinguer le vrai du faux ? Et quel est le meilleur régime politique pour vivre différemment demain ? Et se poser ces questions vitales, n’est-ce pas cela, au fond, sortir de la caverne ? Et, cette fois, sans masque.
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Platon Comment sortir de la caverne ?
© Coll. part.
Faut-il sortir de la caverne ?
Platon
Comment sortir de la caverne ?
Après des études de philosophie, il s’adonne au dessin et à la bande dessinée. Également auteur de reportages et de récits dessinés pour la presse écrite, il a notamment publié chez Actes Sud En même temps que la jeunesse (2011) et Ulysse. Les chants du retour (2014), et chez Dargaud Opération Copperhead (2017), prix René-Goscinny 2018, et Le Detection Club (2019). Il illustre l’allégorie de la caverne, pp. 24-27, et nous offre, en exclusivité, le premier volume de La République en BD, pp. 130-146.
Ils ont contribué à ce numéro…
Contributeurs
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JEAN HARAMBAT
PHILOSOPHIE MAGAZINE HORS-SÉRIE
ALAIN BADIOU Philosophe, dramaturge et romancier, professeur émérite de l’ENS. Il est l’auteur d’une nouvelle traduction de La République (Fayard, 2012 ; rééd. Pluriel, 2014). L’édition de son séminaire fait l’objet de 14 volumes à ce jour chez Fayard, dont Pour aujourd’hui : Platon ! 2007-2010 (2019) et S’orienter dans la pensée, s’orienter dans l’existence : 2004-2007 (2020). Auteur d’ouvrages innombrables traduits dans le monde entier, il a publié récemment : Tombeau d’Olivier (Fayard, 2020), ouvrage personnel autour la mort de son fils, et Trump (PUF, 2020), analyse philosophique de la présidence de Donald Trump. Il expose comment la philosophie n’a pour lui de sens que vouée à une idée universelle, pp. 76-81.
MONIQUE CANTO-SPERBER Précédemment directrice de l’ENS et professeure à Polytechnique, elle est directrice de recherches au CNRS, spécialiste de philosophie antique mais aussi de philosophie morale et politique contemporaine. Elle a publié récemment La Philosophie morale (PUF, 2004 ; rééd. 2017) et La Fin des libertés. Ou comment refonder le libéralisme (R. Laffont, 2019) et a traduit plusieurs textes de Platon, dont le Gorgias (GF-Flammarion, 1987 ; rééd. 2018). Elle expose en quoi consiste une vie réussie selon Platon, pp. 38-41.
LAURENCE DEVILLAIRS Maîtresse de conférences, elle est doyenne de la faculté de philosophie de l’Institut catholique de Paris. Ses travaux portent sur l’Âge classique et le cartésianisme. Elle a notamment publié Un bonheur sans mesure (Albin Michel, 2017), et aux PUF René Descartes (2013 ; rééd. 2018) et Être quelqu’un de bien. Philosophie du bien et du mal (2019). Dans un texte paradoxal et personnel, elle nous invite à ne pas déserter la caverne, pp. 123-125.
PHILOSOPHIE MAGAZINE HORS-SÉRIE
OLLIVIER POURRIOL Philosophe, romancier, scénariste, créateur des conférences Cinéphilo chez MK2. Dernier livre paru : Facile. L’Art français de réussir sans forcer (Michel Lafon 2018). Conférences en ligne : www.cinephilo.fr. Il dresse un parallèle entre Platon et, d’une part, la série The Good Place, pp. 48-49, puis les films Matrix et The Truman Show, pp. 92-93.
MANUELA VALLE DIMITRI EL MURR Professeur de philosophie ancienne à l’ENS dont il dirige le département de philosophie. Il a notamment publié chez Vrin : La Mesure du savoir. Études sur le Théétète de Platon (2013) et Savoir et gouverner. Essai sur la science politique platonicienne (2014) et a participé à l’édition d’une nouvelle traduction du Politique de Platon (2018). Il évoque le statut de l’amour et de l’amitié chez Platon et Aristote, pp. 98-101.
OCTAVE LARMAGNAC-MATHERON Titulaire d’un master de philosophie contemporaine à Paris-I, en formation au CFPJ, il est rédacteur des hors-série de Philosophie magazine. Il a contribué à l’élaboration de l’ensemble de ce numéro, a réalisé les entretiens avec Alain Badiou et avec Dimitri El Murr, a rédigé les pages 12-17, 18-23, et écrit trois textes mettant en parallèle Platon avec Kant, pp. 50-51, avec Simone Weil, pp. 112-113 et avec Popper, pp. 128-129.
Philosophe italienne, professeure à l’université de Trento, elle a travaillé sur les rapports entre Platon et l’art et publié Un’antica discordia. Platone e la poesia (« Une vieille querelle. Platon et la poésie », 2016, non traduit). Elle nous entretient de l’esthétique platonicienne et dessine une figure inattendue de l’auteur du Banquet, pp. 106-109.
FRANCIS WOLFF NAOMI HYTTE Titulaire d’un master d’histoire de la philosophie à Paris-IV et d’un Capes. Stagiaire à Philosophie magazine, elle a mené les entretiens avec Létitia Mouze et avec Monique Canto-Sperber, a participé aux pages sur les dialogues socratiques, pp. 12-17, et propose un texte sur Nietzsche et Platon, pp. 72-73.
LÉTITIA MOUZE Maîtresse de conférences à l’université de Toulouse 2-Jean Jaurès. Elle a publié Platon, une philosophie de l’éducation (Ellipses, 2016), et traduit et dirigé l’édition du Sophiste de Platon au Livre de Poche, en 2019. Elle éclaire comment le recours aux mythes et à la poésie s’inscrit dans le discours rationaliste de Platon, pp. 62-63.
Professeur émérite à l’ENS, spécialiste de philosophie antique. Auteur notamment de Trois Utopies contemporaines (Fayard, 2017), de Plaidoyer pour l’universel (Fayard, 2019), et de Dire le monde (Pluriel, 2020). Il présente l’œuvre capitale, inaugurale, de Platon comme une apologie de la libération par la connaissance, pp. 28-35.
Contributeurs
ÉTIENNE KLEIN Physicien et philosophe des sciences. Il a notamment publié En cherchant Majorana. Le physicien absolu (Éd. des Équateurs, 2013 ; rééd. Folio, Gallimard, 2015) et préfacé la nouvelle édition de L’Évolution des idées en physique d’Albert Einstein et Léopold Infeld (Champs Sciences, Flammarion, 2015). Il expose l’interrogation fondamentale que suscite la pensée de Platon appliquée à la physique, pp. 90-91.
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Platon Comment sortir de la caverne ?
© Daniel Caccin pour Delémont’bd 2018 © Vincent Muller / Opale / Leemage © François Bouchon / Figarophoto © Patrice Normand / Leextra via Leemage © Franck Ferville pour Philosophie magazine / Agence VU © Dyod photography / Opale / Leemage © Julien Falsimagne / Leextra / Leemage © Collection personnelle © Collection personnelle © Collection personnelle © Collection personnelle © Collection personnelle ©Julien Faure / Leextra via Leemage
RAPHAËL ENTHOVEN Philosophe, il anime l’émission Philosophie sur Arte. Auteur notamment de Morales provisoires et Nouvelles Morales provisoires (Éditions de L’Observatoire, 2018 et 2019 ; rééd. Livre de Poche, 2020), il vient de publier une adaptation en BD du Banquet de Platon avec la dessinatrice Coco (Les Échappés). Il aborde la philosophie politique de l’auteur de La République, contempteur de la démocratie, pp. 116-119.
Sven Ortoli pp. 08-11
— Les dialogues socratiques Octave Larmagnac-Matheron et Naomi Hytte pp. 12-17
— Vie d’un homme illustre Octave Larmagnac-Matheron
6
— L’allégorie de la caverne Jean Harambat
Sommaire
pp. 18-23
pp. 24-27
— Une apologie de la libération par la connaissance Entretien avec Francis Wolff pp. 28-35
EN FINIR AVEC LES DISCOURS CREUX
pp. 36-51
pp. 52-73
Soumettre sa vie à l’examen Entretien avec Monique Canto-Sperber
Socrate et les sophistes, un match interminable Martin Legros
pp. 38-41
pp. 54-58
EXTRAITS
EXTRAIT
—
—
Faut-il suivre ses désirs ?
L'héritage de l'Europe (Patočka)
pp. 42-43
p. 59
EXTRAITS
EXTRAITS
—
—
La justice fait-elle le bonheur ?
Qu'est-ce que l’âme ?
pp. 44-45
pp. 60-61
— Sur la bonne voie (le mythe d’Er et The Good Place) Samuel Lacroix pp. 48-49
— Kant et Platon Octave Larmagnac-Matheron pp. 50-51
— La raison, les poètes et les mythes Entretien avec Létitia Mouze pp. 62-63
—
EXTRAITS
Comment puis-je me connaître ? pp. 66-67
—
EXTRAITS
Comment prendre soin de l’âme ? pp. 68-69
— Sophistes contre lanceurs d’alerte (Thank You for Smoking et Revelations) Ollivier Pourriol pp. 70-71
— Nietzsche et Platon Naomi Hytte
PHILOSOPHIE MAGAZINE HORS-SÉRIE
En couverture : Raphaël, L’École d’Athènes (1512), détail. Musées du Vatican.
pp. 72-73
MENSUEL, 10 NUMÉROS PAR AN / Rédaction : 10, rue Ballu 75009 Paris / E-mail : redaction@philomag.com / Information lecteurs : 01 43 80 46 10 / www.philomag.com / Directeur de la rédaction : Alexandre Lacroix / Service abonnés : Philosophie magazine, 4, rue de Mouchy, 60438 Noailles Cedex – France (01 43 80 46 11), abo@ philomag.com / Offres d’abonnement : abo.philomag.com / Diffusion : MLP / Contact pour les réassorts diffuseurs : À Juste Titres (04 88 15 12 42 – Julien Tessier, j.tessier@ajustetitres.fr) Origine du papier : Suède • Taux de fibres recyclées : 0 %. • Certifié PEFC • Eutrophisation : 0,01 kg/t
Toutes photos issues de la série Inscapes © Astrid Verhoef. Successivement : Triangle. Window. Chair. Rope. Et Sun.
Platon
Comment sortir de la caverne ?
CHRONOLOGIE
REPRENDRE SA VIE EN MAINS
SE METTRE EN QUÊTE DE L’AMOUR ET DU BEAU
RECONSTRUIRE LE MONDE
pp. 74-95
ppp. 96-113
pp. 114-129
Vivre sous l’emblème des idées Entretien avec Alain Badiou
Éros et Philia, passions rationnelles Entretien avec Dimitri El Murr
pp. 76-81
pp. 98-101
Une « sublime mise en garde » politique Raphaël Enthoven
EXTRAITS
EXTRAITS
—
Qu’est-ce qu’une idée ?
À quoi sert la beauté ?
pp. 82-83
pp. 104-105
pp. 116-119
EXTRAITS
Comment connaître les idées ?
— Quand Platon fait le Beau Entretien avec Manuela Valle
pp. 84-85
pp. 106-109
—
—
EXTRAITS
Les idées sont-elles réelles ? pp. 88-89
— Les lois physiques dans le ciel des Idées Étienne Klein pp. 90-91
— Le lieu de la révélation (Matrix et The Truman Show) Ollivier Pourriol
— Les âmes prédestinées (Aristophane et Game of Thrones) Octave Larmagnac-Matheron pp. 110-111
— Simone Weil et Platon Octave Larmagnac-Matheron pp. 112-113
— Le savoir peut-il guérir la politique ? Martin Legros pp. 120-122
pp. 123-125
Sommaire
—
PHILOSOPHIE MAGAZINE HORS-SÉRIE
RETROUVER LE GOÛT DE L’ABSOLU
pp. 126-127
7
— Pour vivre heureux, vivons cachés ! Laurence Devillairs — Les mythes de l’Atlantide Octave Larmagnac-Matheron — Popper et Platon Octave Larmagnac-Matheron pp. 128-129
pp. 92-93
— Aristote et Platon Sven Ortoli
+
La République Livre I
Une BD à suivre par Jean Harambat pp. 130-146
HORS-SÉRIE “PLATON” Été 2020 / Rédacteur en chef : Sven Ortoli / Rédacteur : Octave Larmagnac-Matheron / Secrétaire de rédaction : Vincent Pascal / Rédactrice stagiaire : Naomi Hytte / Direction artistique : Jean-Patrice Wattinne / L’Éclaireur / Iconographie : Stéphane Ternon / Couverture : © Eric Vandeville / akg-images / Directeur de la publication : Fabrice Gerschel / Responsable administrative : Sophie Gamot-Darmon / Fabrication : Rivages / Impression : Mordacq, rue de Constantinople, ZI du Petit-Neufpré, 62120 Aire-sur-la-Lys / Commission paritaire : 0521 D 88041 / ISSN : 2104-9246 / Dépôt légal : à parution / Philosophie magazine est édité par Philo Éditions SAS au capital de 340 200 euros, RCS Paris B 483 580 015 / Président : Fabrice Gerschel / Relations presse : Canetti Conseil (01 42 04 21 00), francoise.canetti@canetti.com / Publicité culturelle, commerciale, partenariats : Audrey Pilaire (01 71 18 16 08), apilaire@philomag.com / Imprimé en France, Printed in France / La rédaction n’est pas responsable des textes et documents qui lui sont envoyés. Ils ne seront pas rendus à leurs propriétaires /
Platon Comment sortir de la caverne ?
pp. 94-95
Platon
Comment sortir de la caverne ?
Jeune athlète, poète et dramaturge, Platon croise, à vingt ans, le chemin de Socrate. Il va dès lors s’attacher à en répandre l’enseignement. Après la mort de son maître, sa pensée évolue à mesure qu’il entreprend une suite de voyages, découvre d’autres philosophies, se fait pédagogue auprès de tyrans qui toujours l’éconduisent. De retour à Athènes, il fonde l’Académie, qu’il dirigera quarante années durant.
Vie d’un homme illustre
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Vie d’un homme illustre
Buste de Platon (428-348 avant J.-C.) Sculpture de marbre. Rome, Musei Capitolini.
© DeAgostini / Leemage
PHILOSOPHIE MAGAZINE HORS-SÉRIE
PAR OCTAVE LARMAGNAC-MATHERON
Platon
Comment sortir de la caverne ?
L’allégorie de la Caverne, dans La République. Un prisonnier libéré de ses chaînes s’extirpe pour la première fois de la Caverne des ombres et se confronte par degrés à la lumière – à la réalité intelligible des Idées, au firmament desquelles brille le Bien. Redescendu dans le monde des opinions et des simulacres, il s’exposera à l’hostilité générale. Socrate ajoute qu’il lui incombera néanmoins, « par persuasion et par contrainte », de gouverner la Cité, riche de son nouveau savoir, pour le bien de tous.
L’allégorie de la caverne : vers le soleil des Idées ILLUSTRATION JEAN HARAMBAT
PHILOSOPHIE MAGAZINE HORS-SÉRIE
L’allégorie de la caverne : vers le soleil des Idées
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–1– « Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière ; ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu’ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête.
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–2– La lumière leur vient d’un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux ; entre le feu et les prisonniers passe une route élevée : imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles.
Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d’hommes et d’animaux, en pierre, en bois, et en toute espèce de matière ; naturellement, parmi ces porteurs, les uns parlent et les autres se taisent. […]
L’allégorie de la caverne : vers le soleil des Idées
–3–
–4– Penses-tu que dans une telle situation ils aient jamais vu autre chose d’eux-mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face ? […] — Assurément, de tels hommes n’attribueront de réalité qu’aux ombres des objets fabriqués. »
Platon Comment sortir de la caverne ?
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Une apologie de la libération par la connaissance
28 Platon
Comment sortir de la caverne ?
ENTRETIEN AVEC
FRANCIS WOLFF Propos recueillis par Sven Ortoli
La philosophie occidentale, notait le philosophe Whitehead, n’est qu’une « série de notes au bas des pages de Platon ». Francis Wolff expose la portée de cette œuvre encyclopédique touchant à la métaphysique, aux mathématiques, à la politique, à la morale – dans laquelle il salue une « critique extraordinaire de l'obscurantisme », où « tout se tient ».
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Quelle lecture faites-vous de la fameuse caverne de Platon ? FRANCIS WOLFF — Avec cette allégorie, Platon veut
illustrer la condition humaine, prisonnière de ses sens et séparée de la lumière de la connaissance intellectuelle. Les prisonniers se demandent : « qu’estce que c’est ? » à propos des ombres qu’ils voient en face d’eux, mais ils ne peuvent donner que des réponses confuses et inexactes parce qu’ils prennent ces images pour la réalité véritable. Les libérer, ce sera les arracher à leur condition pour leur faire enfin apercevoir les vraies réalités et la lumière du soleil.
© Audoin Desforges / Pasco&co
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C’est une critique extraordinaire de l’obscurantisme et une apologie admirable de la libération par la connaissance. Les sciences, notamment, possèdent le pouvoir de rectifier les illusions auxquelles nous sommes attachés – c’est le cas de le dire – et qui satisfont des impératifs pratiques immédiats (on le voit tous les jours avec les théories complotistes) : la croyance que la terre est
Platon Comment sortir de la caverne ?
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Une apologie de la libération par la connaissance
Une apologie de la libération par la connaissance
Inscapes – Triangle © Astrid Verhoef
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Qu'est-ce qu'une vie réussie ? Dans le Gorgias, Calliclès affirme qu'une vie sans désirs est celle « des pierres et des morts » et que « la vie facile, l'intempérance et une liberté sans limites » caractérisent le bien suprême. Socrate
Reprendre sa vie en mains
Reprendre sa vie en mains
lui réplique que la vie dont il parle est analogue
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à celle du pluvier, cet échassier qui défèque en même temps qu'il mange. La vie bonne, et, au bout du compte, le bien. Et pour ceux qui s'y essaieront, l'âme sera récompensée comme dans le mythe d'Er.
Platon Comment sortir de la caverne ?
dit-il, est celle qui recherche la justice, la vérité
Platon
Comment sortir de la caverne ?
ENTRETIEN AVEC
MONIQUE CANTO-SPERBER Propos recueillis par Naomi Hytte
Soumettre sa vie à l’examen
Reprendre sa vie en mains
38 Une vie réussie, déclare Platon, est une vie « constamment soumise à l’examen » qui doit reposer sur un ordre intérieur. Une conception du bonheur et du désir quelque peu différente de celle des Modernes, qu’explicite ici Monique Canto-Sperber.
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Qu’est-ce qu’une vie réussie pour Platon ? MONIQUE CANTO-SPERBER — L’Apologie de Socrate
nous apprend qu’une vie réussie est une vie « constamment soumise à l’examen », et qu’une vie sans examen n’est pas digne d’être vécue. Mais encore faut-il comprendre ce qu’est cet examen ! Il s’agit d’abord d’être en capacité de justifier nos actions et décisions, de dire quelles sont nos raisons d’agir. C’est déjà une exigence de rationalité, qui peut sembler démesurée lorsqu’elle concerne la vie humaine. Mais plus radicalement, il faut entendre, derrière cette notion d’examen, la volonté de soumettre l’existence de chacun à une cohérence, à un ordre intérieur, qui relève d’une forme de perfection. Cette conception d’un
ordre intérieur est, d’ailleurs, au cœur de toute la pensée grecque, dans laquelle la vie est pensée comme pouvant être façonnée à partir d’un ordre, d’une harmonie propre.
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Pour Socrate, seule la vie juste peut nous rendre heureux. Doit-on donc sacrifier nos intérêts individuels à un idéal de justice ? M. C.-S. — Platon dit en effet : « mieux vaut subir
l’injustice que de la commettre ». Pourtant, cette thèse défie le bon sens : comment un homme juste emprisonné et torturé pourrait-il être heureux ? Platon en est parfaitement conscient : c’est justement parce
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Reprendre sa vie en mains
« Le philosophe est celui qui se montre capable de se transformer, après une longue éducation, d’imprimer un ordre en lui-même »
Platon Comment sortir de la caverne ?
© François Bouchon / Figarophoto
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Inscapes – Window © Astrid Verhoef
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Aux yeux de Platon, il y a deux façons de se rapporter au langage : celle qui s'adresse aux émotions et celle qui s'adresse à la Raison. Les tenants de la première sont les sophistes, qui forment la cohorte des magiciens, illusionnistes,
En finir avec les discours creux
En finir avec les discours creux
sorciers, prestidigitateurs et autres séducteurs.
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Leur rhétorique, affirme-t-il, n'est pas un art mais une technique de communication relevant profondément démagogique. Émotion contre raison ? Le débat lancé il y a 2 500 ans n'a jamais cessé.
Platon Comment sortir de la caverne ?
d'une parole commerciale, manipulatrice et
« C’est la vraie marque d'un philosophe que le sentiment d'étonnement que tu éprouves. La philosophie, en effet, n‘a pas d'autre origine »
© Peter van Agtmael / Magnum Photos
Platon, Théétète, trad. Émile Chambry, GF-Flammarion, 1967.
Inscape - Chair © Astrid Verhoef
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À l'heure du virtuel et de l'hyperréalité, Platon offre la vision d'un monde à trois niveaux, celui des prisonniers de la caverne qui ne connaissent que les ombres projetées
Retrouver le goût de l’absolu
Retrouver le goût de l'absolu
devant eux, celui des marionnettistes
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et des objets qu'ils manipulent et celui du dehors où un homme assez courageux Alors seulement pourra-t-il revenir dans la caverne. En philosophe-roi.
Platon Comment sortir de la caverne ?
découvrira l'ultime réalité, celle des Idées.
Platon
Comment sortir de la caverne ?
ENTRETIEN AVEC
ALAIN BADIOU Propos recueillis par Octave Larmagnac-Matheron
Vivre sous l’emblème des idées Retrouver le goût de l’absolu
76 Contre le relativisme ambiant et les nouveaux sophistes, Platon est, plus que jamais, le philosophe qu’il nous faut : c’est la conviction d’Alain Badiou, « hégélo-platonicien » et l’un des rares penseurs contemporains à oser parler d’universalité. Pour lui comme pour le père de la philosophie, la seule vie digne d’être vécue est la vie placée sous le signe d’une vérité.
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Vous avez intitulé un volume de votre séminaire Pour aujourd’hui : Platon ! Qu’est-ce qui rend Platon si actuel à vos yeux, 2 500 ans après sa mort ? ALAIN BADIOU — Il y a une raison négative assez
claire : comme à Athènes du temps de Platon, ce qui domine la scène intellectuelle est une conception « molle », descriptive, au jour le jour, des responsabilités de la pensée, pour ne rien dire de la philosophie. On a appelé « nouveaux philosophes » des gens dont l’identité était en fait strictement idéologique : farouche hostilité au communisme, ralliement inconditionnel à l’Occident capitaliste et impérial, et valeur absolue de la « liberté d’opinion ». Une conception journalistique – pardonnez-moi cette comparaison ! – de la philosophie. Eh bien,
tout cela évoque irrésistiblement ceux qu’on appelait à Athènes les « sophistes », qui sont les ennemis privilégiés de la philosophie au sens de Platon. Pour lutter contre cet opportunisme libéral, revenir à Platon me semble donc une démarche évidente.
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Pour lutter contre le relativisme ambiant, également ? Platon nous invite à retrouver l’universel ? A. B. — Exactement. Je crois d’ailleurs que s’il
n’existe nulle vérité universelle, ce n’est pas la peine de parler de philosophie, le mot « idéologie » suffit. Il est d’ailleurs presque amusant que, croyant justifier leur anticommunisme, nos nouveaux
Platon Comment sortir de la caverne ?
© Vincent Muller / Opale / Leemage
Retrouver le goût de l’absolu
PHILOSOPHIE MAGAZINE HORS-SÉRIE
« S’il n’existe nulle vérité universelle, ce n’est pas la peine de parler de philosophie, le mot “idéologie” suffit »
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« Le Temps est l'image mobile de l‘éternité immobile. »
© Christopher Anderson / Magnum Photos
Platon, Timée, trad. Albert Rivaud, Les Belles Lettres, 1925.
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Comment sortir de la caverne ?
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Retrouver le goût de l’absolu
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PAR
ÉTIENNE KLEIN
Les lois physiques dans le ciel des Idées Les lois physiques sont-elles hors de la réalité ? Lui préexistent-elles ? Qu’est-ce qui était là au début : l’Univers sans lois ou les lois physiques qui le régissent ? Étienne Klein aborde la question vertigineuse de la poule et l’œuf primordial.
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uand nous songeons aux vérités mathématiques, nous sommes (presque) tous platoniciens. Nous considérons en effet qu’elles ont un mode d’existence particulier, qu’elles ne sont ni tout à fait naturelles ni tout à fait artificielles : elles sont, elles sont réelles en un sens, mais elles n’« existent » pas, si « exister » signifie « devenir dans le temps et dans l’espace ». Leur essence est censée planer en quelque ailleurs et hors du temps. Ainsi sommes-nous prompts à considérer que si la démonstration du théorème de Pythagore a bien une histoire, la vérité de ce théorème, elle, n’en a pas. Mais qu’en est-il des lois physiques ? Depuis que la physique est « moderne », c’est-à-dire depuis le xviie siècle, celles-ci s’expriment sous forme de formules ou d’équations mathématiques. Ce constat invite à interroger la relation entre les objets physiques et les lois qui déterminent leur comportement : par quoi le monde empirique est-il connecté à son arsenal législatif ? Les lois physiques sont-elles hors de la réalité, confinées dans un monde séparé ? Ou bien faut-il les inclure dans une sorte d’extension intégrale du réel ?
Prenons le cas de deux électrons. D’où provient qu’ils subissent une force électrique qui a tendance à les éloigner l’un de l’autre, d’autant plus fortement qu’ils sont plus proches ? On répondra que c’est l’une des lois de l’électromagnétisme qui le leur impose. Oui, mais par quel truchement ?
Des équations transcendantes ? En guise de réponse, on peut concevoir, derrière Platon, l’existence de deux mondes distincts : d’une part, celui des formes intelligibles, constitué de réalités immuables faisant l’objet d’une connaissance et d’un discours vrais ;
ÉTIENNE KLEIN Physicien et philosophe des sciences, il dirige le Laboratoire des recherches sur les sciences de la matière (Larsim) du Commissariat à l’énergie atomique
(CEA). Il a notamment publié Il était sept fois la révolution. Einstein et les autres... (Champs, Flammarion, 2005) et En cherchant Majorana. Le physicien absolu (Éd. des Équateurs,
2013 ; rééd. Folio, Gallimard, 2015). Il a préfacé la nouvelle édition de L’Évolution des idées en physique d’Albert Einstein et Léopold Infeld (Champs Sciences, Flammarion, 2015).
Question de préséance
Retrouver le goût de l’absolu
intelligibles parviennent-elles à participer à l’évolution des formes sensibles ? En guise de réponse à cette question, Platon avait énoncé dans le Timée deux hypothèses donnant naissance à deux fictions : d’une part celle d’un Démiurge, qui met en ordre l’univers ; d’autre part celle de la khora, le matériau sur lequel intervient le démiurge en s’inspirant du mieux qu’il peut, de manière toujours infidèle, des formes intelligibles.
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« Si l’univers est bel et bien apparu, ses lois physiques étaient-elles déterminées à l’avance, au sein de quelque empyrée préalable de type platonicien ? »
Mais comment cette conception pourrait-elle s’adapter à la physique contemporaine, peu friande de démiurges en tous genres ?
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d’autre part, celui des choses sensibles, qui ne sont que des copies approximatives des formes pures. En langage moderne, cela reviendrait à dire que les équations mathématiques exprimant les lois physiques sont « transcendantes » et non pas immanentes, c’est-à-dire indépendantes de l’univers tel qu’il se donne empiriquement. Ce dernier ne serait qu’une sorte d’écho physique dégradé de la pureté mathématique qui le tient sous sa coupe. Mais si tel est le cas, comment le monde des équations parvient-il à structurer « à distance » le monde des phénomènes ? Ou, redit en langage platonicien : comment les formes
D’où cette terrible question : si l’univers est bel et bien apparu, ses lois physiques étaient-elles déterminées à l’avance, au sein de quelque empyrée préalable de type platonicien ? Si nous répondons oui à cette question, devrions-nous considérer que les lois physiques ont constitué le berceau ou la matrice de l’univers ? Et si nous répondons non, alors une autre terrible question se pose : comment l’univers est-il parvenu à « fabriquer » les lois physiques qui déterminent sa propre évolution et celle de la matière qu’il contient ? En somme, être platonicien ne suffit pas pour siffler la fin de l’histoire, et ne pas l’être non plus.
Platon Comment sortir de la caverne ?
© Dyod photography / Opale via Leemage
Cette question a beau relever de la métaphysique la plus éthérée, il est bien difficile de la laisser de côté, notamment lorsque l’on s’intéresse à la cosmologie. En effet, avec quelles armes parvenons-nous à affronter le problème de l’origine de l’univers ? Réponse : par le seul biais des lois physiques que nous connaissons et des théories qui les englobent. Ce sont elles que nous utilisons, d’abord pour décrire l’univers actuel, puis que nous projetons aussi loin que possible dans le passé pour tenter de décrire l’univers primo-primordial.
Inscapes – Rope © Astrid Verhoef
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Qui aimons-nous quand nous aimons ? L'amour du beau conduit-il au bien ? Diotime décrit l’élan du désir qui transporte vers un beau corps, puis vers les qualités de l’âme et la beauté des pensées que cette âme contient.
Se mettre en quête de l’amour et du beau
Se mettre en quête de l'amour et du beau
Est-il toujours bon d'aimer ? Dans Le Banquet,
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Faisons-nous autrement en accordant plus de confiance et parfois de mérite à un joli visage ? l’indice du bon, le symbole du bien, dirait Kant ? Et qu'est-ce qui se cache derrière cette trace, sinon la Raison ?
Platon Comment sortir de la caverne ?
Le beau ne continue-t-il pas d’être pour nous
Comment sortir de la caverne ?
Platon
ENTRETIEN AVEC
DIMITRI EL MURR Propos recueillis par Octave Larmagnac-Matheron
Éros et philia, passions rationnelles
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Se mettre en quête de l'amour et du beau
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De l’amour et de l’amitié, qu’est-ce qui compte le plus pour Platon ? DIMITRI EL MURR — Cette opposition, moderne, ne
recoupe pas celle que l’on trouve chez Platon entre l’éros et la philia. La philia, notamment, possède un sens beaucoup plus large que celui d’amitié. Il comprend un sens politique – l’amitié civique qui unit les cités –, et même cosmologique, entre les différentes parties du corps du monde. Il me semble, d’ailleurs, que Platon n’oppose pas les deux termes. La frontière entre eux est parfois floue : une philia vertueuse peut naître à la suite de l’éros, lorsque celui-ci se détache du corps.
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Mais ils ne se confondent pas ? D. EL M. — Les différences sont parfois très ténues.
Les deux concepts se superposent et parfois s’altèrent réciproquement. L’idée de Platon est que la dynamique du désir, de l’attraction, de l’attirance est la même. Le grand clarificateur sera Aristote. L’éros ne l’intéresse pas vraiment ; il s’agit, pour lui, de quelque chose de profondément distinct de la philia. Mais que ces deux notions soient parfois très proches ne signifie pas qu’elles soient indistinctes chez Platon. C’est notamment vrai de l’amitié civique, au sens politique : c’est la philia qui unit les cités, non l’éros. Le tyran peut être tyrannisé par son propre éros, par ses désirs effrénés. Et c’est notamment pour cela qu’il est sans ami, aphilon, et qu’il détruit tout
lien social. Cela étant, il y a en effet, entre l’éros et la philia, une logique commune d’attraction – qui implique, intrinsèquement, la possibilité d’une non-réciprocité.
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On peut être l’ami de quelqu’un qui n’est pas notre ami ? C’est très déconcertant ! D. EL M. — C’est vrai. La philia, pour Platon, n’est
pas, ou pas uniquement, une question de relation personnelle réciproque, élective, choisie, libre – autant de traits de l’amitié au sens contemporain. Cette dimension affective, intime, interpersonnelle de la relation amicale n'est pas systématiquement absente ! Mais dans certains contextes, la philia évoque plutôt une attirance à sens unique. On peut aimer sans être aimé en retour : nous connaissons cette vérité en matière d’éros, de désir, d’amour ; sa transposition dans la sphère de « l’amitié » peut être déconcertante. Socrate prend pour exemple provocateur l’ami du vin que le vin n’aime évidemment pas en retour, et le philosophos, ami du savoir, que le savoir n’aime pas non plus en retour. Au fond, pour Platon, l’homme est ami de tout ce qui est bon pour lui, et, ultimement, du Bien. Mais de la même manière, l’éros, dans Le Banquet, exprime une attirance pour la beauté d’un corps qui se mue, peu à peu, en amour de la beauté elle-même – qui est au fond la même chose que le Bien pour Platon. Mais le Bien ne nous aime pas en retour !
© Benedetto Demaio
Le philosophe Dimitri El Murr convoque éros et philia, sentiments parfois très voisins chez Platon, que l’on traduit, faute de mieux, par amour et amitié. Quelle est cette philia qui, comme l’amour, peut ne pas être payée de retour ? qui unit les humains, mais aussi les cités ? Qu’est-ce qu’une relation érotique dans laquelle le savoir vient en tiers, et qui culmine dans l’amour du Beau ? Les points de vue de Platon et d'Aristote.
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tion avant lui, des présocratiques à Platon, considère la philia comme une relation d’attirance quasi physique, quasi cosmologique. Le grand geste de l’Éthique à Nicomaque (livre II, chapitre viii) consiste justement à dire : laissons là les problèmes physiques, et interrogeons-nous sur l’amitié au sens éthique. Or, ce qui caractérise pour Aristote l’amitié éthique, c’est précisément qu’elle implique une réciprocité, une antéphilesis. C’est pourquoi il trouve le modèle de l’amitié dans la relation égalitaire de deux sages qui cherchent la connaissance ensemble, dans la relation entre pairs, deux hommes pleinement vertueux engagés dans une activité commune, et exerçant ainsi une amitié consciente, réciproque et active...
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Se mettre en quête de l'amour et du beau
D. EL M. — Aristote sait très bien que toute la tradi-
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Au contraire de Platon, qui prend pour modèle la relation pédagogique entre le maître et son disciple ? D. EL M. — En effet. Aristote réfléchit sur un fond
d’égalité, alors que Platon pense sur un fond d’inégalité des amis, ou plutôt, de ressemblance entre le « maître » et son « disciple », tous deux en quête du bien à des niveaux différents d’achèvement. Ressemblance et égalité ne sont pas la même chose ; la ressemblance, en effet, s’accommode facilement d’une dissymétrie relative : le maître est plus sage que son disciple, dont le Lysis dit qu’il n’est « ni bon ni mauvais », mais en quête du Bien. Ce qui compte, avant tout, c’est l’égalité de désir semblable – laquelle n’exclut aucunement une inégalité.
Cette relation pédagogique recoupe-t-elle, chez Platon, la relation pédérastique entre l’éraste et l’éromène – entre l’amant et l’aimé ? s D. EL M. — L’arrière-fond de la pensée platonicienne de la philia est en effet le cadre assez codifié des relations
Platon Comment sortir de la caverne ?
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Là encore, Aristote s’oppose à Platon en affirmant que la réciprocité est la condition sine qua non de l’amitié…
Inscapes – Sun © Astrid Verhoef
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Adversaire de la démocratie, Platon a pointé du doigt des faiblesses qui n'ont jamais cessé d'exister : « Pour [le gouvernement] de la multitude, tout y est faible » parce que l’autorité y est émiettée entre un grand nombre d’individus. Comment gouverner les hommes alors ? Qu'est-ce
Reconstruire le monde
Reconstruire le monde
qui légitime le pouvoir ? Faut-il le confier à ceux
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qui savent ? Aux experts ? Il en va de la cité comme d'un navire : jamais la foule ne saurait gouverner Platon dans La République. Dans le dialogue qui porte son nom, Protagoras le sophiste répondra à Socrate qu'il faut que « tous participent à la vertu politique, ou il n'y a point de cités ».
Platon Comment sortir de la caverne ?
avec intelligence ni un navire ni une cité, expose
Platon
Comment sortir de la caverne ?
PAR
RAPHAËL ENTHOVEN
Une « sublime mise en garde » politique Raphaël Enthoven aborde Platon en penseur critique de la démocratie. Il retrace la suite de régimes qui mène de l’aristocratie à la tyrannie via la démocratie, qui l'engendre inéluctablement selon l’auteur de La République. Une relecture personnelle, de Platon à Poutine.
Reconstruire le monde
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L
a critique platonicienne de la démocratie est une sublime mise en garde dont il faut, pour en prendre la mesure, détailler rapidement le chemin qui l’y conduit.
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Nous sommes au livre VIII de La République. Après avoir dressé le tableau d’une Cité idéale, simultanément verticale, égalitaire, eugéniste et immuable, où « les femmes, les enfants et toute leur formation sont communs », où nul ne possède quoi que ce soit et dont les rois seront experts en philosophie comme dans l’art de la guerre, Platon s’attaque aux régimes imparfaits, aux « constitutions défectueuses » (Timocratie / Oligarchie / Démocratie / Tyrannie) et montre comment elles se succèdent en se dégradant. L’inévitable survenue de la discorde, du mélange, et l’irruption de la propriété privée au sein du « gouvernement des meilleurs » transforment l’aristocratie en « timocratie » [régime politique fondé sur l’amour des honneurs et des biens] qui est elle-même un régime mixte, un mélange complet de Bien et de Mal, où l’on éduque sous
la contrainte et la vengeance plutôt que par la persuasion, où à la vertu aristocratique se mêle un goût (encore discret) pour les richesses, et où, plus que la compétence ou la capacité de discourir, « les responsabilités militaires et le goût pour la gymnastique et la chasse » légitiment le titre de gouvernant. Songez au soldat milliardaire Vladimir Poutine, qui fait profession d’austérité et répand, pour son bénéfice, les images où il apparaît torse nu, chasseur musculeux… Pour avoir souillé la vertu, substitué l’arrogance à la raison et recouvert la cupidité sous un voile d’honneur, un tel monde, la timocratie (ou « timarchie »), est voué à disparaître, comme l’égoïsme est voué à l’emporter sur le sens de l’intérêt général. Ainsi naît l’oligarchie [du grec oligarkhia « commandement de quelques-uns »], c’est-àdire le régime où la richesse triomphe à jamais de la vertu, et où des hommes, anciennement amoureux de la victoire, uniquement épris d’argent désormais, établissent des lois qui soumettent à la richesse toute participation aux activités publiques, et recourent aux armes et à l’intimidation pour affermir l’ordre établi en faisant
Dans cette constitution, la constitution oligarchique, les gouvernants sont choisis selon ce qu’ils possèdent, et le pauvre, « fût-il expert dans l’art du pilotage, ne pourra jamais être admissible ». Mais à l’image de tout ce qui repose d’abord sur la force, l’oligarchie est fragile, rongée deux fois par la substitution de la richesse à l’expertise
Dans ces conditions, le peuple découvre aisément que « celui qui gouvernait n’était qu’un homme riche qui dilapidait ses biens », et il bannit alors ces « dissipateurs déguisés en serviteurs de la Cité », ou bien il convertit à sa cause ceux d’entre eux qui – lâchement ou sagement – acceptent d’être vaincus s’ils peuvent rester riches. Ainsi
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(comme s’il suffisait d’avoir de l’argent pour « sentir qu’un médicament marche ») et par la possibilité de « vendre ses biens », c’est-à-dire de changer de situation sociale, qui introduit un principe délétère de mobilité dans la Cité. Laquelle, par l’injustice qu’elle instaure, est déjà constamment en guerre contre elle-même. Une société oligarchique, qui établit ses dirigeants en se fondant sur la valeur de leurs biens culmine (ou touche le fond) dans un monde de violence sociale, de prédations et de répressions, où le « principe rationnel de l’âme » n’est employé qu’au calcul de l’intérêt.
Reconstruire le monde
valoir (comme Montaigne et Pascal plus tard) qu’« une injustice vaut mieux qu’un désordre » [Goethe]. Songez à toute tyrannie objective, où une caste corrompue fait régner la terreur sous prétexte d’ordre public. En sommes-nous là en France ? Certains veulent le croire, oubliant un peu vite que, s’ils avaient raison, si notre gouvernement était un club de milliardaires dont l’autoritarisme et les décisions étaient uniquement dictés par le maintien des privilèges, ces derniers ne seraient pas élus et les mécontents n’auraient pas la liberté de dire qu’ils ne sont pas libres, sous peine de finir en prison.
« La timocratie ? Songez au soldat milliardaire Vladimir Poutine, qui fait profession d’austérité... »
Platon Comment sortir de la caverne ?
@ Franck Ferville pour Philosophie magazine / Agence VU
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LIVRE I
Comment sortir de la caverne ?
Platon
La République PAR JEAN HARAMBAT
Une histoire à suivre au fil de nos hors-série.
La République Livre I
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u’est-ce que la justice ? Pour répondre à la question centrale de La République, Platon convie ses lecteurs à réfléchir aux conditions d’apparition d’une cité où s’exercerait une justice sociale, reflet d’une justice dans l’âme. Il place dans la collectivité des biens et l’abolition de la propriété privée le salut des hommes et de leurs cités qui s’abîment dans l’égoïsme. Platon essaiera en vain, auprès de deux tyrans successifs, de bâtir cette cité idéale où la philosophie régnerait en souveraine. Philosophes et politiques font rarement bon ménage mais, remarque Rousseau, La République « n’est point un ouvrage de politique comme le pensent ceux qui ne jugent des livres que par
leurs titres : c’est le plus beau traité d’éducation qu’on ait jamais fait. » Éducation ou Politique, Platon aura bâti une cité de l’esprit plus durable que celle qu’il rêva d’installer à Syracuse ou Athènes. Cette cité vit pour nous ici, désormais, sous le pinceau de Jean Harambat. La République commence, ce n’est pas un hasard, lorsque Socrate se rend au port du Pirée proche d’Athènes, chez les métèques, ces étrangers et citoyens de seconde zone qui vivent du commerce. C’est à eux que Socrate demande si le profit est la finalité des Cités. Bienvenue dans l’un des plus riches dialogues de la philosophie. la rédaction
La République LIVRE I
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