Remède à l’accélération

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HARTMUT ROSA

REMÈDE À L’ACCÉLÉRATION IMPRESSIONS D’UN VOYAGE EN CHINE ET AUTRES TEXTES SUR LA RÉSONANCE


Héritier de l’École de Francfort, le sociologue allemand Hartmut Rosa est l’un des observateurs les plus acérés de notre « modernité tardive ». Il est l’auteur de deux sommes sociologiques et philosophiques, Accélération, une critique sociale du temps (La Découverte, 2013) et Résonance. Une sociologie de la relation au monde (La Découverte, 2018), traduites dans le monde entier.


REMÈDE À L’ACCÉLÉRATION Impressions d’un voyage en Chine et autres textes sur la résonance

HARTMUT

ROSA


SOMMAIRE

P. 11

Préface – Un remède puissant à l’aliénation

P. 23

10 thèses pour comprendre la modernité

P. 37

Impressions d’un voyage en Chine

P. 63

Naissance du concept de résonance

P. 71

Les voies de la résonance

P. 83

Être chez soi à l’heure de la mondialisation



PRÉFACE PAR

ALEXANDRE LACROIX


PRÉFACE

H

artmut Rosa est un penseur qui a forgé parmi les meilleurs outils pour saisir l’esprit de notre époque, qu’il appelle la « modernité tardive ». Mieux, ses concepts ne s’adressent pas aux seuls chercheurs ou étudiants, mais visent à provoquer une prise de conscience chez tous les lecteurs, ainsi qu’un débat de plus large ampleur. En faisant la critique systématique du rythme frénétique de nos existences, du sentiment que nous avons désormais presque tous de manquer de temps, d’avoir toujours « la tête dans le guidon », de ne plus nous appartenir, joint à l’obligation harassante de traiter chaque jour des centaines d’informations, d’être réactifs, Hartmut Rosa s’adresse aux dirigeants politiques, aux employés du tertiaire, à ceux qui ont frôlé ou vécu un burn-out, aux artisans de la communication comme à ceux qui entretiennent une relation de dépendance avec les smartphones et les réseaux sociaux. En outre, les mécontents, ceux que la modernité tardive hérisse ou apeure, les décroissants, les néoruraux et les nostalgiques, puiseront chez lui de quoi mettre de l’eau à leur moulin ! C’est en 2005 que ce sociologue allemand a connu un succès critique et public avec Accélération, une critique sociale du temps, rapidement traduit en quinze langues. Or, si ce livre est devenu une référence incontournable, une sorte de classique contemporain des sciences sociales, Hartmut Rosa est resté discret. Il ne s’est pas répandu en confessions dans les médias. À l’heure actuelle, on ne trouve pas grand-chose sur le Web pour se faire une idée de son parcours, de sa formation ou de ses influences. Ce recueil de textes alertes, dans lequel Rosa propose entre autres le récit d’un voyage dans l’empire de la vitesse, la Chine, ainsi que quelques éclairages sur ses deux principaux concepts, l’« accélération » et la « résonance », entend offrir un accès facile et agréable à sa pensée. Avec le même objectif, cette préface fournit quelques éléments de biographie intellectuelle, quelques repères qui aideront à lire Hartmut Rosa et à prendre la mesure de son œuvre.

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Hartmut Rosa est né le 15 août 1965 à Lörrach. Il a grandi dans la Forêt-Noire, dans ce sud-ouest de l’Allemagne doublement réputé pour être catholique et plus lent que le reste du pays. Du point de vue religieux, il faut croire que le déterminisme social n’a pas bien fonctionné dans son cas. Certes, les parents du jeune Hartmut avaient été élevés dans le catholicisme, mais ils se sont détournés de cette religion enracinée, se sont convertis à l’hindouisme et au bouddhisme, et ont rejoint des communautés vivant cette aventure spirituelle dans le Bade-Wurtemberg des années 1970. En 1986, Hartmut Rosa entre à la Albert-Ludwigs-Universität de Fribourg-en-Brisgau pour y entreprendre des études en philosophie, en science politique et en littérature germanique (à cette époque, le système allemand offrait la possibilité d’étudier plusieurs disciplines). Mais Fribourg n’est pas n’importe quel lieu pour faire de la philosophie : ce fut le fief de Martin Heidegger, qui y mourut en 1976, quand Hartmut Rosa avait 11 ans. Les enseignements du « maître » y sont donc encore très prégnants lorsqu’il commence son apprentissage ; et le cursus de philosophie se concentre sur les grands noms de la métaphysique, Platon et Hegel en tête. Très vite, Hartmut sent le besoin d’élargir son horizon, et c’est la raison pour laquelle il s’en va étudier en Angleterre en 1988-1989, dans la prestigieuse London School of Economics. Là, il découvre la philosophie analytique anglo-américaine, un univers qui tranche complètement avec la vieille métaphysique continentale. Mieux, il prend conscience que notre époque autorise des expériences de la temporalité très variées, voire incohérentes : autant la Forêt-Noire est provinciale et calme, fidèle à sa réputation, autant la capitale anglaise est impériale, agressive, avec ses flux humains et financiers disproportionnés, sa continuelle trépidation. Ce contraste entre Fribourg et Londres, cette découverte d’une fracture temporelle traversant les sociétés occidentales a un impact décisif sur la réflexion de l’étudiant Rosa. De retour en Allemagne, il décide de consacrer sa thèse de doctorat au philosophe canadien Charles Taylor (né en 1931), auteur notamment d’une somme : Les Sources du Moi, la formation 14


PRÉFACE

de l’identité moderne (1989). La démarche de Taylor est extrêmement originale. Sa grande idée, du moins celle qui va inspirer Rosa, est qu’il n’existe aucun point de vue neutre ou objectif sur l’expérience humaine, dans ses dimensions tant individuelles que collectives. Il n’y a pas de faits sociaux, qu’on pourrait poser en dehors de tout référentiel culturel. Pour comprendre une seule vie humaine, il faut donc la réinscrire dans une interprétation plus large du contexte historique, sociopolitique et culturel ; philosopher sur le sens de la vie serait vain sans l’apport des sciences sociales. En fait, Taylor décloisonne la philosophie, et c’est ce qui le rend précieux. Néanmoins, au début des années 1990, il est encore un inconnu, ou peu s’en faut ; le seul à l’avoir lu de près, en Allemagne, est Axel Honneth (né en 1949), qui enseigne à l’université de Berlin. C’est pourquoi Rosa déménage dans la capitale allemande et entreprend son travail de thèse sous la direction de Honneth. À ce stade, deux précisions sont importantes pour bien comprendre les implications d’un tel itinéraire. Premièrement, la sociologie occupe une place particulière en Allemagne. En France, les travaux d’un Émile Durkheim (1858-1917) ou d’un Pierre Bourdieu (1930-2002), très riches en données statistiques (même si ces auteurs ont parfois été accusés de faire parler les chiffres), visent à jeter les bases d’une science du social, à découvrir les lois quasi mathématiques régissant les comportements des acteurs sociaux. Mais dans la tradition allemande, représentée notamment par Georg Simmel (1858-1918) ou Max Weber (1864-1920), l’analyse sociologique reste beaucoup plus attachée à la philosophie, si bien qu’on parle couramment en Allemagne de « philosophie sociale », comme d’une discipline à part entière. L’hypothèse de départ est, encore une fois, qu’il n’existe rien de tel que des faits sociaux objectifs et que le social est indissociable d’un certain état des représentations. Pour décrire correctement la société, il faut donc produire une 15


QUAND PHI LOS O P H IE MAGAZ IN E FRANCH IT LES POR TES DE L A L I BR A I R I E À P ARAÎTRE :

Le Corps des femmes Camille Froidevaux-Metterie octobre 2018 DÉJÀ PARUS CHEZ PHILOSOPHIE MAGAZINE ÉDITEUR :

Marcher avec les philosophes 2018

Léger vertige. Des chiffres qui donnent à penser Sven Ortoli 2018 Guide de survie au bac philo 2016 Les Philosophes face au nazisme 2015 Le Deuil. Entre le chagrin et le néant Dialogue entre Vincent Delecroix et Philippe Forest 2015 L’Art d’avoir toujours raison (sans peine) Nicolas Tenaillon 2014 Que faire ? Dialogue sur le communisme, le capitalisme et l’avenir de la démocratie Dialogue entre Alain Badiou et Marcel Gauchet 2014 Albert Camus, la pensée révoltée 2013 La vie a-t-elle un sens ? Spécial bande dessinée et philosophie 2013 Tintin au pays des philosophes 2011



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oujours plus vite. La croissance est la valeur cardinale des économies modernes et nous sommes tous lancés dans une quête effrénée de performance. C’est aux sentiments de vertige et d’aliénation liés à l’accélération de nos sociétés que le penseur allemand Hartmut Rosa consacre sa réflexion depuis des années. En témoigne son récit d’un voyage en Chine, excursion dans un pays qui est passé de l’époque féodale au capitalisme le plus débridé en quarante ans. Cet ouvrage avance, à travers une série de textes courts et marquants, une solution à la frénésie ambiante : il s’agit d’entrer en résonance avec le monde. Nouveau concept philosophique, la résonance vise à nous faire accéder à une vie meilleure, permettant de trouver un accord entre le monde tel qu’il est et l’existence telle qu’elle mérite d’être vécue. Entrer en résonance avec le monde et les autres, voilà la proposition qui pourrait tous nous amener à découvrir, enfin, la vie bonne.

Photo de couverture : © Alessio Lin /Unsplash Philosophie magazine Éditeur www.philomag.com 978-2-900818-00-8

14 €


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