2 feodalites 888 1180

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888-­‐1180 Féodalités


Preface

La religion est coextensive a la nature et a la société et ce8e imprégna;on totale jus;fie que l’Eglise ;enne un rôle déterminant dans l’encadrement et la régula;on de la communauté. On peut dire que l’affirma;on de la seigneurie et les gains de la chris;anisa;on sur la pensée sauvage progressent de pair. Si la monarchie construit et élargit progressivement son domaine, le sen;ment d’une unité française n’existe pas encore. La France demeure une mosaïque de régions, de langues et de coutumes diverses. A la fin du IXème siècle, dans un monde encore presque encore e x c l u s i v e m e n t r u r a l , l e s consciences, du moins celles des élites, restent imprégnées de l’héritage carolingien, habitées par l’idéal de l’Empire franc et son rêve de « république chré;enne » universelle. Pourtant, 888, c’est le moment ou se défait défini;vement l’unité de l’Empire carolingien auquel succède une mul;plicité de royaumes: Germanie, Italie, France, Bourgogne, Provence, Lotharingie.


Preface

1180, c’est le moment de l’avènement de Philippe Auguste (1180-­‐1223), dont le règne marque tradi;onnellement le début de l’essor de la puissance capé;enne, au sein du royaume de France.


L’heure des Princes •

A l’échelle locale, l’exercice du pouvoir reposait sur l’associa;on des évêques et des nobles, imbriquait les pra;ques c i vi l es et rel i g i eu s es et m êl a i t étroitement le public et le prive. L’ordre carolingien n’est plus considéré aujourd’hui comme un édifice éta;que pré-­‐moderne, mais comme une construc;on monarchique précaire reposant sur la collabora;on a une très vaste échelle de puissantes forces sociales, religieuses et familiales. La crise des années 880-­‐940: Le 12 juin 888, l’empereur Charles le Gros mourut sans laisser d’héri;er direct. Celui-­‐ci avait, pour la première fois depuis 843, exerce son autorité sur l’ensemble des royaumes issus des partages successifs de l’Empire de Charlemagne et de Louis le Pieux. Le territoire de la France actuelle apparaît alors partagé entre quatre royaumes gouvernes par quatre « reguli » (pe;ts rois): La Francie occidentale, la Bourgogne transjurane, la Provence et la France orientale, qui s’étend sur l’Alsace et la Lotharingie.

Charles le Gros


L’heure des Princes

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La régionalisa;on des aristocra;es: Si les aristocra;es éprouvent le besoin de choisir un roi « ;re au sein » de chaque royaume, c’est qu’elles entendent disposer d’un roi proche. Les aristocrates des différents royaumes se ressemblent. La domina;on est exercée par des familles d’origine germaniques qui ont su ;sser, par les alliances matrimoniales et les liens d’ami;é et de fidélité, de solides rela;ons avec les aristocra;es autochtones. Les nouveaux rois eux-­‐mêmes , comme leurs compé;teurs, sont tous issus de l’aristocra;e de l’Empire, ce8e élite franque sur laquelle les souverains carolingiens s’appuyaient pour gouverner. Un deuxième phénomène contribua a la régionalisa;on des aristocra;es: l’ins;tu;on par les souverains carolingiens de grands commandements confies a des comtes de rang supérieur, cumulant plusieurs comtes et pourvus du ;tre de marquis ou de duc. La nécessite de la défense aux raids de Normands, des Hongrois et des Sarrasins représentent un troisième facteur de régionalisa;on des aristocra;es. Dans une société ou la victoire sur le champ de bataille était considéré comme le signe de la faveur divine, vaincre avec éclat pouvait légi;mer des préten;ons a exercer les fonc;ons les plus hautes. La crise du modèle carolingien de gouvernement central : Le roi ne parvient plus a imposer sa jus;ce aux magnats lorsque leurs rivalités dégénèrent. Le phénomène le plus important est la réduc;on du contrôle royal sur la circula;on des honneurs du fait de leur capta;on pat les grands. En effet, les comtes se me8ent a transme8re directement leurs charges a leurs fils.


Une vaste révéla,on de la France

Ce8e vaste révéla;on de la France, elle commence au Xème siècle, à l’avènement des Capets. Chaque province a des lors son histoire ; chacune prend une voix, et se raconte elle-­‐ même. Avec l’an 1000, ce monde ne voyait que chaos en soi : il aspirait a l’ordre, et l’espérait dans la mort ! Les Seigneurs se refugiaient parmi les moines et sous leur habit ; ils leur demandaient dans leurs couvents une pe;te place ou se cacher.

Porche de Notre-­‐Dame (Le jugement dernier)


L’heure des Princes

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Le contrôle royal sur les charges épiscopales résista un peu mieux. Mais du cote des comtes, la transmission s’effectue de manière directe, de père en fils, au sein de véritables lignées comtales, sans que le roi ne puisse faire autre chose que de la reconnaître. Etre comte, ce n’est plus être l’agent du roi. Etre comte, c’est appartenir a une maison comtale. Les agressions extérieures: Les Hongrois mènent de grandes chevauchées dans l’Est de la France actuelle et la vallée du Rhône, s’en prenant aux cites et aux monastères. Les pirates m u s u l m a n s r a v a g e n t r é g u l i è r e m e n t l e s c o t e s languedociennes et provençales. Les « Normands », ces hommes venus de Scandinavie ou de leurs colonies britanniques, apparaissent de loin comme les plus redoutables. Les groupes de vikings commencent a s’installer a demeure a l’embouchure de la Seine puis dans le Coten;n. A la tête de l’un d’entre eux figure certainement Rollon =, sous la direc;on duquel, en 911, les vikings de la Seine finissent par intégrer la chré;enté et le système poli;que franc.

A<aque Viking (manuscrit de l’abbaye de saint Aubin-­‐ 1100)


L’heure des Princes

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Très mobiles, les Normands déjouaient facilement les lourdes troupes de cavaliers de l’aristocra;e franque. En 911, Rollon se reconnaît le fidèle du roi Charles le Chauve et reçoit le territoire de Rouen. Rollon reprend lui-­‐même le ;tre de comte, place le siège épiscopal de Rouen sous sa tutelle et laisse son archevêque engager l’accultura;on chré;enne des popula;ons d’origine scandinave. La forma;on des principautés régionales: Des le début du Xème siècle, le paysage poli;que est donc domine par les princes qui, partout ou ils le peuvent, média;sent l’autorité du roi. L’assise spa;ale de la domina;on princière: Toutes les principautés procèdent d’une matrice commune qui combine la déten;on de la ;tulature comtale, l’emprise théorique sur un ou plusieurs « pagi », enfin le contrôle d’honneurs ecclésias;ques, sièges épiscopaux ou sanctuaires monas;ques.


L’heure des Princes

Bénéficiaires de la générosité a r i s t o c r a ; q u e s o u s f o r m e d e dona;ons foncières ou mobilières, les moines mul;plient en retour prières et célébra;ons eucharis;ques pour le salut des vivants et des morts de la parente. De nombreux groupes aristocra;ques disposent pour cela de r e l a ; o n s p r i v i l é g i é e s a v e c u n monastère familial. Le modèle royal: Les princes ne sont pas des usurpateurs, mais des imitateurs du pouvoir royal. Leurs principautés se voulaient des formes réduites de la royauté. Pour autant, aucun prince ne revendique la royauté pour lui-­‐même, ni ne cherche a faire sécession. Tous se sa;sfont de gouverner leur principauté sous l’autorité hiéra;que, mais passive et lointaine, du roi.

Monastère cistercien de FonHroide (XIème siècle)


L’heure des Princes

Maitres des ateliers monétaires dans leur principauté et ba8ant monnaie a leur profit, les princes restent fidèles, pour le type monétaire, au monogramme royal tradi;onnel. Les princes, même les plus lointains, se considèrent sans trop de ré;cences comme les fidèles du roi et chacun conçoit ce8e fidélité comme la condi;on de l’harmonie sociale et poli;que, un élément de l’ordre du monde.

Denier de Provence (XIème siècle)


L’heure des Princes

Les princes et l’aristocra;e: Le prince s’efforce surtout de ;sser avec ses fidèles des rela;ons d’ami;é, le terme renvoyant a un véritable pacte engageant les partenaires au respect d’un code de comportement implicite. Pour cela, il cherche a les associer a ses gestes de piété. Il les entraine aussi dans ses guerres contre les princes voisins ou les seigneurs rebelles: dans une société ou le pouvoir reste avant tout fonde sur la force et repose sur charisme personnel, le compagnonnage guerrier est un facteur de cohésion du groupe aristocra;que. Saint MarMn faisant la charité.

Eglise de Vignory (Haute Marne)


L’heure des Princes

La mul;plica;on des châteaux et des tours: Alors qu’a l’époque carolingienne les forteresses étaient encore rela;vement rares, on assiste des la fin du XIème siècle et de manière exponen;elle a par;r du milieu du Xème siècle a la mul;plica;on des tours et des châteaux dans les campagnes comme dans les cites. L’u;lisa;on de la pierre, l’ampleur des éléva;ons et l’adop;on fréquente de techniques et d’un appareil de qualité manifestent le choix d’une architecture de pres;ge. Tous ces « castra » ont pour point commun l’erec;on d’une tour maitresse. Ce choix en faveur du resserrement, de la monumentalité et de la ver;calité, rompt de manière très ne8e avec les for;fica;ons du haut Moyen Age, caractérisée par de vastes enceintes linéaires, souvent rudimentaires. Alors que les for;fica;ons carolingiennes jouaient pour l’essen;el un rôle de refuge ou d’occupa;on temporaire, ces nouvelles forteresses représentent toujours un lieu de pouvoir. Dans le cadre de la compé;;on a laquelle se livrent les puissants a l’échelle régionale des la fin du IXème siècle, la mul;plica;on des châteaux traduit a l’évidence une volonté nouvelle: celle d’asseoir tout pouvoir sur un marquage monumental et militaire de l’espace.

Forteresse de Langeais (Indre et Loire)

Donjon résidenMel de Nogent-­‐le-­‐Rotrou


L’heure des Princes

Des Carolingiens aux premiers Capé;ens: De 936 a 987, les derniers rois carolingiens, Louis IV (936-­‐954), Lothaire (954-­‐986) et Louis V (986-­‐987), restent prisonniers d’une rela;on complexe et difficile avec le duc de Francs Rober;en auquel ils doivent leur retour sur le trône. C’est lui qui va perme8re également l’avènement d’Hugues Capet a la royauté en 987. Contrairement a ce que l’on a longtemps affirme, la royauté sort renforcée de ce8e subs;tu;on dynas;que.


L’heure des Princes

Le surcout de puissance royale est surtout visible dans le contrôle de l’Eglise: sous Robert le Pieux (997-­‐1031) et Henri Ier (1031-­‐1060), les rois exercent leur tutelle sur 16 sièges épiscopaux. Epée du sacre, dite épée de Charlemagne, « La Joyeuse ».

Henri Ier.

Robert Ier le roi moine.


L’heure des Princes

Lors du sacre, l’archevêque de Reims, qui s’est impose comme consécrateur depuis 936 et qui est entoure d’évêques, ;ent le premier rôle, l’onc;on du roi précédant l’assen;ment des grands et l’acclama;on par les chevaliers et le peuple. Le rite de l’onc;on est hérité des Carolingiens. Le « regnum » n’est plus une capacité personnelle a régner que peuvent exercer tous les fils du roi, mais une en;té poli;que dotée d’une existence propre, indépendante de ses détenteurs successifs, et dont le ministère revient au fils aine. Une telle évolu;on pose le problème du sort des cadets. Ceux-­‐ci sont indispensables a la prolonga;on de la dynas;e en cas de décès de l’aine. Il convient en même temps de limiter leurs revendica;ons, en les dotant, comme le font aussi les princes. A par;r de 987, le centre de gravite du pouvoir royal glisse au sud, délaissant le triangle carolingien Laon-­‐Reims-­‐ Compiègne au profit de l’axe Senlis-­‐Orléans, que vient renforcer la récupéra;on du comte de Paris par le roi.

La sainte Ampoule.

Sceau d’Hugues Capet


L’heure des Princes

Royaumes et principautés forment-­‐il des communautés poli;ques? Entre la Francie occidentale et la Francie orientale – que l’on appelle de plus en plus Germanie – la fron;ère occidentale de la Lotharingie représente désormais la limite des préten;ons respec;ves des deux rois. S’il n’y a pas d’iden;té du royaume autre que dynas;que, si le royaume en somme n’est qu’une royauté, peut-­‐on déceler dans les principautés, tout au moins dans certaines d’elles, un sen;ment d’appartenance a une communauté poli;que territoriale? Il semble bien que oui, mais seulement au Xème siècle.

Othon II.


Un ordre chré3en

Dans les sociétés des Xème et XIème siècles, l’ensemble des représenta;ons et des pra;ques sociales prennent sens au regard de la quête du salut. Le temps est tout en;er tendu par l’a8ente du retour glorieux du Christ. A par;r du début du XIème siècle, les modes de vie promus pour les grandes abbayes réformatrices tendirent cependant a se doter d’une iden;té propre plus affirmée. Certains mirent alors par écrit leurs coutumes dans des pe;ts ouvrages appelés coutumiers qui servirent désormais de support a la diffusion de la reforme. Parmi ces communautés d’observance, Cluny fut assurément la plus puissante et la plus originale.

Eglise saint Pierre de Jumièges


Un ordre chré3en

En suivant rigoureusement la règle de saint Benoit et les coutumes les plus réputées, les moines se donnaient les moyens d’exercer un rayonnement croissant sur les laïcs, a commencer par les plus puissants. L’ami;é entre moines et laïcs: Pour le bonheur de la marche du monde et le salut de tous, moines et puissants laïcs doivent entretenir une rela;on posi;ve harmonieuse. La dona;on est la pra;que la plus répandue entre laïcs et moines. L’amplifica;on des services liturgiques pour les âmes des vivants et des morts s’accompagne de leur diffusion a l’ensemble du groupe aristocra;que et même au-­‐delà. CommémoraMons & prières Moines Donateurs

Aumônes

Charité encadrée Pauvres réels

Intercessions Cartulaire de l’abbaye du Mont Saint Michel


Un ordre chré3en

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L’échange mis en œuvre par le don s’élargit de la sorte a un troisième partenaire, les pauvres, tout en renforçant le rôle médiateur des moines, principaux agents de la circula;on des suffrages et des biens. Pour les parents, offrir un jeune enfant fonde une rela;on très forte avec la communauté monas;que qui les reçoit. Certes, le futur moine est appelé a qui8er sa famille charnelle pour rejoindre sa nouvelle famille spirituelle, mais a travers sa personne les deux se trouvent de fait associes dans une ami;é faite pour durer. L’obla;on de l’enfant répond surtout a l’idéal des réformateurs. Cet idéal envisage l’état monas;que comme un renoncement total au monde et en par;culier de la sexualité et considéré les communautés monas;ques comme une préfigura;on des chœurs angéliques. Ce modèle angélique, fonde sur la virginité plus que sur la seule chasteté. Il renvoie a la pureté sexuelle des moines oblats et l’essor de la liturgie des prières chantées. La conversion « au secours » (ad succurendum) ou « in extremis » est elle-­‐aussi accompagnée d’une dota;on. Le rituel s’accompagne souvent de la déposi;on solennelle des armes sur l’autel.


Un ordre chré3en •

La valorisa;on des puissants: Dans le cadre d’une société dure et brutale, les moines et les guerriers sont animes par la même concep;on militante, comba8ante, de l’ac;on dans le monde, ce que révèle d e g o u t d e s m o i n e s p o u r l a représenta;on, dans les enluminures et les sculptures, des scènes de combat entre anges et démons. Evêques et chanoines face aux défis monas;ques: A par;r de la fin du Xème siècle, l’essor du monachisme et les rela;ons privilégiées des moines avec les grands laïcs suscitent a leur tour les réserves voire les hos;lités d’une par;e des évêques et des clercs. Dans ce contexte, la rivalité entre évêques et moines se cristallise autour de plusieurs problèmes. Le premier est l’exemp;on de l’autorité épiscopale obtenue par certaines communautés monas;ques.

Les trois ordres de la société selon Adalbéron de Laon


Un ordre chré3en

Le pouvoir des reliques: Le désarroi provoque par les agressions extérieures et par la crise de l’ordre carolingien dynamisa le phénomène. C’est que les reliques sont absolument nécessaires pour la consécra;on des autels et le rayonnement de tout nouvel établissement. Dans une société ou les condi;ons de vie sont dures, les reliques représentent la possibilité d’un accès direct au sacre qui est promesse de protec;on et de guérison, aussi bien corporelle que spirituelle. Le développement des pèlerinages et les enrichissement des sanctuaires par l’afflux des dona;ons aristocra;ques et des offrandes entrainent, a par;r du milieu du Xème siècle, la transforma;on monumentale d’un grand nombre d’édifices culturels. Deux espaces font l’objet d’un inves;ssement par;culier, en étroite rela;on avec les exigences symboliques et liturgiques: les massifs d’entrée et les chevets.

Statue reliquaire de sainte Foye


Un ordre chré3en

Deux espaces font l’objet d’un inves;ssement par;culier, en étroite rela;on avec les exigences symboliques et liturgiques: les massifs d’entrée et les chevets.

Rotonde de sainte Marie de l'abbaye sainte Bénigne de Dijon

Tour-­‐porche de l’abbaye de Fleury: l’entrée de la Jérusalem céleste. A parMr du début du XIème siècle, les imposants massifs occidentaux qui caractérisaient les églises depuis l’époque carolingienne furent parfois remplacées par une simple tour surmontant l’espace d’accueil, comme pour l’abbaye de Saint Germain des Près.


Un ordre chré3en

La guerre et la paix: pra;ques sociales et émergences de nouvelles formes: Dans la société des Xème et XIème siècles, la guerre est fréquente. Elle représente même une composante essen;elle de la vie aristocra;que. Les formes de la guerre sont alors partout les mêmes: la chevauchée, l’incendie ou la prise de forteresse, le pillage. La guerre se nourrit elle-­‐même, chaque vengeance en appelant une nouvelle, jusqu’à ce que des ;ers, a commencer par des parents ou des amis des protagonistes, le prince ou l’Eglise, en la personne d’un évêque ou d’un abbé influents, parviennent a imposer une média;on et un arbitrage. La paix est un moment de négocia;on et d’arbitrage, et n’est que la con;nua;on de la guerre par d’autres moyens. A par;r de la fin du Xème siècle, certains milieux ecclésias;ques envisagent cependant d’aller au-­‐delà d’une jus;ce ordalique ponctuelle et d’encadrer plus s y s t é m a ; q u e m e n t l a v i o l e n c e aristocra;que. Ce<e procédure représente à la fois la preuve, le jugement, l’exécuMon et l’épreuve. Elle s’oppose à la preuve objecMve et se subsMtue à toute raMonalité quand aucune preuve ne peut être établie. On peut définir l’ordalie comme un arbitrage divin. Elle se fonde sur une idée très simple, voire simpliste : la divinité s’exprime à travers les éléments et elle ne peut favoriser un coupable. Dieu étant supérieur aux hommes, il ne peut se tromper.

L’ordalie désigne, principalement au Moyen Age, une procédure judiciaire plutôt étrange. L’autorité judiciaire ne faisait pas appel à des preuves établies mais à des forces supérieures pour conclure à la culpabilité ou l’innocence d’un suspect.


Un ordre chré3en

Le mariage: une affaire profane: Le mariage demeure une affaire profane. Pour les familles de l’aristocra;e, un mariage est toujours une opéra;on savamment réfléchie, car une union fonde l’alliance de deux parentes et appelle toutes sortes de solidarités futures. Toute union s’accompagne de transferts patrimoniaux: le père remet a sa fille une dot; le mari remet a sa femme un douaire, ainsi que le don du ma;n (Morgengabe), offert au lendemain des noces pour prix de se virginité, selon la tradi;on germanique. Le douaire représente le transfert le plus important sur le plan matériel, comme souvent sur le plan symbolique. Affaire profane, les mariages peuvent être facilement rompus et le sont de fait assez fréquemment. L’absence d’héri;er male, une mésentente conjugale, le désir de ;sser une nouvelle alliance peuvent conduire a la répudia;on de l’épouse.


Un ordre chré3en

Le verbe et l’écrit: Dans la société des Xème et XIème siècles, l’écrit reste rare. Sa maitrise et son usage sont le monopole de l'élite ecclésias;que, ce que renforce l’u;lisa;on exclusive du la;n, langue des écritures saintes et de la liturgie. Dans une société chré;enne, la première parole est celle de la prière. Tout le système de salut élaboré a l’époque carolingienne et amplifie au Xème et XIème siècles par les moines bénédic;ns, repose sur l’efficacité de la prière, une prière orale, collec;ve et le plus souvent chantée ou psalmodiée. Le chœur des moines doit préfigurer celui des anges. Dans les plaids, l’essen;el de la procédure repose sur la palabre entre les par;es et leurs intercesseurs et lorsque l’on recourt a l’enquête ou que l’on part en quête de preuves, ce sont d’abord les paroles de témoins qui sont recherches. Abbaye de Tournus

Enluminure clunisienne


Un ordre chré3en

Une vision de la terre autour de l’an mil: la mappemonde de Fleury

Mappemonde de Fleury


Une société seigneuriale

Dans un monde profondément rural, ou les villes n’exercent plus, bien souvent, que des fonc;ons ecclésias;ques et militaires, la puissance et la richesse reposent sur le contrôle et l’exploita;on de la terre. On assiste a un véritable enchâssement de l’économique dans le poli;que. C’est la seigneurie qui est la matrice de la croissance par les prélèvements qu’elle opère, les dépenses qu’elle impose, les flux qu’elle suscite, les marches qu’elle protège. C’est de ce8e croissance que la renaissance urbaine. Seigneurs et paysans: L’exercice de la domina;on combine toujours la possession de la terre, l’autorité sur les hommes, la pra;que de la guerre et un mode de vie caractérisé par l’ostenta;on et la dépense. Une terre, qu’elle que soit son origine, n’est jamais possédée de manière pleine, en;ère et individuelle. Elle relève toujours d’un enchâssement de droits au bénéfice d’une pluralité de possesseurs dont la légi;mité relève, en dernière instance, du consensus social.

Aliénor d’Aquitaine


Une société seigneuriale

C’est avant tout a travers la possession de la terre que les seigneurs, aussi bien laïques qu’ecclésias;ques, contrôlent et dominent les paysans. Ce8e domina;on s’exerce de manière directe lorsque les paysans sont des tenanciers chasés. La tenure est en général transmissible de manière héréditaire, même si cela doit faire l’objet d’un consentement seigneurial qui implique la percep;on de droits de muta;on plus ou moins élevés. Les maitres de la guerre: Ce8e aristocra;e foncière est aussi une aristocra;e guerrière. De nombreux évêques sont eux-­‐ mêmes comba8ants, n’hésitant pas a aller au combat pour défendre leur cite ou a conduire des chevauchées, en s’adonnant aux plaisirs de la chasse. L’aristocra;e dé;ent le monopole presque complet de l’usage des armes, notamment avec la place prépondérante acquise par la cavalerie.


Une société seigneuriale

Les paysans: statuts personnels et accès a la terre: La situa;on des paysans libres était loin de leur être aussi favorable. La pression foncière, militaire et judiciaire con;nue exercée par les puissants encourageait les entrées en dépendance, parfois sous la forme de servage, plus souvent comme simples tenanciers. Finalement, trois éléments dis;nguent les paysans libres des serfs: une plus grande marge de manœuvre en ma;ère judiciaire, une plus grande mobilité poten;elle et un moindre niveau de prélèvement. La vraie liberté est avant tout la caractéris;que de ceux qui en disposent de manière pleine et en;ère et peuvent la défendre a la pointe de l’épée, c’est-­‐a-­‐dire les puissants.


Une société seigneuriale

Une intensifica;on brutale du prélèvement seigneurial?: La manse est a la fois une u n i t é d ’ h a b i t a t , u n e u n e u n i t é d’exploita;on et une unité seigneuriale. Les redevances foncières sont pour l’essen;el des cens fixes, verses en nature ou en argent, auxquels s’ajoutent a des corvées de travail. Même s’il est probable qu’entre le IXème et XIème siècles le prélèvement seigneurial sur le travail se soit accru, cela ne résulte pas de l’instaura;on brutale de prélèvements inédits autour de l’an mil, mais de la combinaison, dans la longue durée, de plusieurs facteurs: une diversifica;on de la nature des prélèvements dans le contexte de la croissance rurale, une dissémina;on des droits militaires et judiciaires dans le cadre du processus de localisa;on des pouvoirs, le resserrement de l’encadrement seigneurial induit par la diversifica;on du maillage castral et prieural.

Le travail des champs : le hersage, miniature d'un livre d'heures, XIIIème siècle. Observons l'usage du cheval, plus puissant que le boeuf, a<elé à l'aide d'un collier d'épaule qui limite l'étranglement de l'animal. L'usage de la herse, qui permet de briser les mo<es de terre soulevées par la charrue, afin d'alléger les sols, est également une innovaMon des temps féodaux.


Une société seigneuriale

Une première croissance: Des le début du Xème siècle, les indices de l’essor démographique et économique sont nombreux en Catalogne et en Flandre. Ce8e précocité montre que les agressions normandes, hongroises, et sarrasines n’eurent qu’un faible impact sur le peuplement et ne compromirent pas une croissance rurale. Jusque la construites en bois ou sur solins de pierre, les églises sont souvent en;èrement reconstruites en pierre. Parmi ces aménagements, il faut souligner la diffusion des clochers. La fréquenta;on croissante des églises pour assister aux offices dominicaux, recevoir les sacrements et inhumer les défunts, conformément au programme pastoral hérite de l’époque carolingienne, tend a transformer les églises paroissiales en véritables centres a l’échelle locale. L’économie paysanne: Sans surprise, l’économie paysanne se caractérise par une polyac;vite agricole et ar;sanale dont le fondement demeure la culture des céréales et notamment des Clocher de l’église de Chapaize (Saône et Loire) céréales panifiables. Précocité de la croissance rurale: Un autre signe de croissance est représente par la diversifica;on des cultures et des ac;vités. Partout des le Xème siècle, les blés vêtus, notamment l’épeautre, reculent au profit du froment dans les plaines septentrionales et du seigle dans les régions méridionales ou montagneuses.


Une société seigneuriale

Le froment est de culture plus fragile, mais il procure une meilleure alimenta;on et la vente des surplus sur les marches et se révèle plus rentable. L’avoine commence aussi sa progression, tant au nord qu’au sud, comme dans la plaine nîmoise. L’usage de la charrue, qui permet un meilleur labour des terres lourdes et humides, et a8este pour la première fois au Xème siècle dans les plaines septentrionales, mais sa diffusion est un phénomène de longue durée dont les effets ne se font guère sen;r avant les XIIème et XIIIème siècles. La diffusion du moulin a haut, qui cons;tue la seule véritable machine médiévale jusqu’à l’inven;on du mé;er a ;sser, est massive. D’un technologie simple, mais couteuse, ils demeurent souvent le contrôle des seigneurs. La mul;plica;on des moulins permet des économies de main d’œuvre et favorise une meilleure mouture, gage d’une meilleure alimenta;on.

Roue a Aube.


Une société seigneuriale

Les cites épiscopales: forteresses et villes saintes: A par;r de la fin du IXème siècle, dans le contexte agite des agressions extérieures et des déchirements de l’aristocra;e d’Empire, les cites connaissent une transforma;on majeure en devenant de véritables forteresses. A la même époque , les comtes et vicomtes, qui jusque la ne résidaient qu’épisodiquement dans les cites, se replient dans leurs enceintes pour bénéficier de la protec;on des murailles et de l’appui des suites guerrières a8achées aux évêques. A par;r du Xème siècle, les palais comtaux s’adjoignent des tours et se transforment peu a peu en véritables châteaux urbains.

enceinte anMque entretenue au Mans


Une société seigneuriale

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L’église cathédrale tend a se resserrer en un seul édifice. Tout autour s’agrègent le palais de l’évêque , divers sanctuaires épiscopaux (pe;ts monastères, collégiales, simples églises) et les bâ;ments canoniaux. Les prémices de l’essor urbain: bourgs, ports et marches: La présence d’un pèlerinage et d’une popula;on ecclésias;que nombreuse favorise a l’évidence le dynamisme démographique et l’ac;vité économique. La mul;plica;on des bourgs accentue le caractère polynucléaire des cites. La transforma;on des cites en forteresses favorise l’essor en ville d’une aristocra;e chevaleresque liée a la clientèle des évêques, des comtes ou des vicomtes.

Gravure du quarMer de la cathédrale de Cambrai

ForMficaMons de Saint Malo


Une société seigneuriale

Aux origines de la renaissance urbaine: Le principal facteur de renouveau urbain est bien la croissance rurale, par l’intermédiaire des mécanismes de concentra;on et de redistribu;on des produits de l’économie seigneuriale. Pour les seigneurs, a commencer par ceux qui y résident régulièrement comme les évêques, la ville est le lieu privilégie de l’accumula;on et de la commercialisa;on des produits agricoles.

Arles

Pont-­‐Audemer


Les communes

Le grand mouvement de la croisade avait un instant ;re les hommes de la servitude locale. Ils cherchèrent Jérusalem, et rencontrèrent la liberté. Plus d’un serf put dire au baron : « Monseigneur, je vous ai trouve un verre d’eau dans le désert; je vous ai couvert de mon corps au siège d’An;oche ou Jérusalem. ». Les premières révolu;ons communales précédent où suivent de près l’an 1100. Ils s’avisèrent que chacun devait disposer du fruit de son travail, et marier lui-­‐même ses enfants ; ils s’enhardirent a croire qu’ils avaient droit d’aller et de venir, de vendre et d’acheter, et soupçonnèrent, dans leur outrecuidance, qu’ils pouvaient bien se faire que les hommes fussent égaux. Mais c’était surtout dans les bourgs populeux, qui s’étaient formes au pied des châteaux, que fermentent les idées d’affranchissement.


La crainte de l’an mil

Avec l’an 1000, ce monde ne voyait que chaos en soi : il aspirait a l’ordre, et l’espérait dans la mort ! Les Seigneurs se refugiaient parmi les moines et sous leur habit ; ils leur demandaient dans leurs couvents une pe;te place ou se cacher. : La douceur et l’innocence du premier des Capé;ens, Robert le pieux : c’est sous ce bon Robert que se passa ce8e terrible époque de l’an 1000. Il sembla que la colère divine fut désarmée par cet homme simple, en qui s’était comme incarnée la paix de Dieu.

Gisant de Robert le Pieux et de Constance d’Arles a la Basilique saint Denis


La rupture « grégorienne »: une révolu3on culturelle

La reforme grégorienne porte le nom du pape Grégoire VII (1073-­‐1085). Et c’est la ques;on des inves;tures épiscopales qui devient le premier objet de discorde entre la papauté et les souverains, dans l’Empire surtout.

Fresque de la salle capitulaire de l’abbaye trinitaire de Vendôme


La rupture « grégorienne »: une révolu3on culturelle

Un nouvel ordre du monde: La décision de confier aux cardinaux l’élec;on du pape en 1059, enlevé a l’empereur le choix du Souverain Pon;fe; elle marque un tournant majeur. Le pape impose peu a peu sa primauté au sein de l’ins;tu;on ecclésiale et commence a se doter d’un gouvernement central. Au fondement des principes grégoriens figure la sépara;on entre clercs et laïcs, considérée comme la condi;on nécessaire au salut de la chré;enté. Les clercs doivent demeurer chastes, les laïcs sont des;nes au mariage. La reforme « grégorienne » tend a imposer la vie monas;que comme modèle de l’ensemble du clergé.

La sirène: figure de la luxure a la basilique Saint-­‐Julien de Brioude (Haute-­‐Loire).


La rupture « grégorienne »: une révolu3on culturelle •

L’engagement dans un ordre est défini;f et irréversible. Une fois reçus les ordres majeurs ou prononcée la profession monas;que, un clerc ou un moine ne peut revenir a la vie séculière. De même, le mariage est considéré comme un sacrement unique et indissoluble , que seul peut défaire le décès de l’un des conjoints. Tous les « abandons » sont regardes comme de légi;mes res;tu;ons: les dona;ons en faveur des communautés religieuses sont considérées comme uniques et défini;ves; les laïcs ne doivent plus opérer de prélèvements indus sur les patrimoines ecclésias;ques. La reforme en ac;on: Le concile de Reims marque un point de départ: dans les décennies qui suivent, toute une série de conciles et de synodes reprennent de manière de plus en plus précise la lute contre la simonie (achat et vente de biens spirituels), le nicolaïsme (incon;nence des prêtres) et l’inceste, promulguant les nouvelles normes, déposant les évêques récalcitrants, inves;ssant des par;sans de la reforme. A bien des égards, le voyage d’Urbain II en 1095-­‐1096 peut apparaître comme une forme d’apogée de l’ac;on réformatrice. Pour la première Venu d’As;, le pape traverse les Alpes puis parcourt l’ensemble fois depuis le IXème siècle, un pape séjourne longuement des régions méridionales, remontant au nord jusqu’en Bourgogne et dans le Maine. Sur son passage, le pape rencontre évêques et en France. abbés, consacre des églises et quelques cime;ères, favorise la dona;on d’églises et de dimes par des laïcs pénitents. Le sommet du voyage est le concile de Clermont en novembre 1095.


Guillaume et la conquête de l’Angleterre

Avant de prendre les armes, Guillaume déclara qu’il s’en rapportait au jugement du pape. L’invasion de l’Angleterre prit le caractère d’une croisade, une foule d’hommes d’armes affluèrent de toute l’Europe près de Guillaume. Les Saxons comba8aient a pied avec de courtes haches, les Normands a cheval avec de longues lances. Les Saxons ne construisaient pas de châteaux, ainsi une bataille perdue, tout était perdue.

Tapisserie de Bayeux (qui est en fait une broderie)


Le Doomsday Book

L’Angleterre tout en;ère fut mesurée, décrite ; soixante mille fiefs de chevaliers y furent créés aux dépens des Saxons, et le résultât consigne dans le livre noir de la conquête, le Doomsday book, le livre du jour du Jugement. Le roi d’Angleterre ;ra de la noblesse même un impôt, sous l’honorable nom d’escuage. C’était une dispense d’aller à la guerre. Les barons, fa;gues d’appels con;nuels, aimaient mieux donner quelque argent que de suivre leur aventureux souverain dans les entreprises où il s’embarquait ; et lui, il s’arrangeait fort de cet échange. Au lieu du service capricieux et incertain des barons, il achetait celui des soldats mercenaires, Gascons, Brabançons, Gallois et autres.


La rupture « grégorienne »: une révolu3on culturelle

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L’appel a la croisade est une mis en pra;que de l’autorité acquise par le pape sur l’ins;tu;on ecclésiale et la chré;enté. La reforme grégorienne confère aux revendica;ons et aux droits des évêques une légi;mité nouvelle. Les évêques ob;ennent d’abord l’abandon des diverses formes de prélèvement que les pouvoirs laïques exerçaient sur leur siège, a commencer par le droit de dépouille.

Abbe Durand de Moissac évêque de Toulouse


La rupture « grégorienne »: une révolu3on culturelle •

Dis;nc;on et sépara;on des seigneuries: A l’échelle locale, les réformateurs revendiquent, aux dépens des laïcs, toute une série de droits, qu’il s’agisse de biens et de droits désormais considérés comme ecclésias;ques (par exemple la dime) ou de droits levés sur les hommes et les terres d’Eglise (par exemple la commendise). La reforme se fait ainsi sen;r jusqu’au cœur de la seigneurie. Eglise de pierres, église de Pierre: L’évolu;on du culte des reliques et l’importance accordée a la célébra;on de l’eucharis;e expliquent tout d’abord le développement considérable des sanctuaires. Les reliques conservées dans les cryptes sont plus fréquemment remontées dans les chœurs liturgiques, parfois de manière temporaire a l’occasion de cérémonies par;culières, plus souvent de manière défini;ve. Des nouveaux modèles de comportement: Dans les campagnes ou le concubinage des prêtres était largement pra;que et tolère. Il était fréquent que les prêtres aient des enfants et il arrivait même que la cure d’une paroisse se transme8e de père en fils. Mais le transfert des églises rurales aux moines et aux chanoines et le renforcement du contrôle épiscopal sur les desservants donnent aux réformateurs les moyens de peser plus fermement sur le comportement des prêtres.

Pres;ge du modèle an;que: la façade de la cathédrale Saint-­‐Trophime d’Arles

Eglise de Saint-­‐Nectaire (Puy de Dôme).


La rupture « grégorienne »: une révolu3on culturelle

Bien des princes se heurtent aux foudres des réformateurs. Des 1049, le concile de Reims interdit, en vain, l’union projetée entre Guillaume de Normandie et Mathilde de Flandre. Les moines réformateurs valorisent les conversions d’adultes car elles manifestent une rupture radicale, l’adhésion a une éthique absolue qui reconnaît la supériorité de la vie monas;que sur tout autre état de vie, a commencer par la vie chevaleresque. C’est la voie suivie par Bernard de Fontaine et ses parents lorsqu’ils se présentent a la porte de l’abbaye de Cîteaux un jour de l’an 1112. Saint Georges et le dragon: la mosaïque de Ganobie (Vaucluse). Le culte de saint Georges est d’origine orientale. Celui-­‐ci se diffuse en Occident dans le contexte des croisades. Mais en célébrant ainsi un saint guerrier, c’est l’ensemble des chevaliers qui se voient associes par les moines a la lu8e contre le mal, qu’il s’agisse du diable ou de ses allies ici-­‐bas, les Sarrasins.

Saint Pierre et les moines de Cluny: les fresques de la chapelle de Berze (Saône et Loire). La fresque couvre en;èrement l’abside cul-­‐de-­‐four de l’église et développe le thème de la « tradi;o legis ». Le Christ tend un phylactère a saint Pierre qui le saisit de sa main droite, sa main gauche tenant une lourde clef. Il s’agit donc d’une scène d’inves;ture en faveur de Pierre, a charge pour lui et ses successeurs, les papes, de gouverner l’église jusqu’à la fin des temps.


La fille ainée de l’Eglise

Ce ne fut pas sans raison que les papes ont appelé la France la fille ainée de l’Eglise. C’est par elle qu’ils ont partout comba8u l’opposi;on poli;que et religieuse du Moyen-­‐Age. Des le XIème siècle, a l’époque ou la royauté capé;enne, faible et inerte, ne peut les seconder encore, l’épée des Français de Normandie repousse l’empereur des murs de Rome, chasse les Grecs et les Sarrasins de l’Italie et de la Sicile, assuje{ les Saxons dissidents de l’Angleterre. Et principale dans cet évènement.


Innova3ons, polémiques et retour a l’ordre •

Les propos fameux place par Jean de Salisbury dans la bouche du maitre Bernard de Chartres – « nous sommes des nains, mais, juches sur les épaules de géants, nous voyons plus loin qu’eux » -­‐ tout en préservant la révérence due aux anciens, manifeste clairement la convic;on qu’ils était désormais possible et légi;me de les surpasser. La légi;mité du neuf: Chez les ermites, dans la plupart des nouveaux ordres, des chartreux aux cisterciens, mais aussi chez certains bénédic;ns, l’accent est mis désormais sur la prière intérieure, la pénitence et la conversion personnelles, aux dépens de la prière d’intercession. Un foisonnement d’expériences: Le succès de la vie monas;que et canoniale se mesure d’abord a la mul;plica;on des communautés religieuses. La seule abbaye de Clairvaux put fonder deux nouvelles abbayes, de douze moines chacune, chaque année, ce qui suppose l’arrivée d’un minimum de deux nouvelles recrues par mois. Re;res a l’écart du monde, près d’une chapelle ou d’un oratoire, dans les forets ou les landes qui leur ;ennent lieu de désert, les ermites sont a la fois des pénitents a8aches a leurs ermitage sur le modèle des Peres du désert et des prédicateurs i;nérants sur le modèle apostolique.

Abbaye de Cîteaux.

Abbaye de Clairvaux


Innova3ons, polémiques et retour a l’ordre

Aux yeux de tous, le rigorisme cistercien s’incarne dans son austérité ves;mentaire, liturgique et monumentale. Ce dernier aspect est sans doute sans précèdent. Sous l’influence de Bernard de Clairvaux (1115-­‐1153), de nombreuses églises cisterciennes adoptent un par; pris d’uniformité et de sobriété.

La salle capitulaire de l’abbaye de Fontenay

Eglise de Fontenay est dépourvue de clocher, conformément aux statuts de l’ordre. Abbaye cistercienne de Sénanque (Vaucluse)


Innova3ons, polémiques et retour a l’ordre

Chapelle templière de Cressac (Charente)


Innova3ons, polémiques et retour a l’ordre

L’effervescence intellectuelle: nouvelles écoles, nouveaux savoirs, nouvelles méthodes: Le monde des écoles connaît lui-­‐aussi une transforma;on radicale, étroitement liée au développement des villes et des sociétés urbaines. Les écoles monas;ques, encore dominantes en 1050, connaissent un déclin con;nu face a l’essor des nouvelles écoles urbaines. Le phénomène le plus originel est l’appari;on d’écoles libres, fondées a l’ini;a;ve des maitres indépendants (toujours des clercs), qui délivrent leur savoir en dehors de toute ins;tu;on et se font directement rémunérer par leurs élevés. On peut évoquer le cas célèbre de Pierre Abélard, qui bénéficie du gite et du couvert chez le chanoine de Paris, Fulbert, en contrepar;e de la nièce de celui-­‐ci, Héloïse. Le XIIème siècle voit l’avènement de la théologie en tant que science. Le terme de théologie est u;lise pour la première fois pour Abélard pour designer une réflexion sur Dieu menée selon l’usage de la raison et les règles de la logique.

Abélard et Héloïse représentés au XVIIIème siècle.


Portrait d’Abélard

Abélard était un hardi jeune homme qui simplifiait, expliquait, popularisait et humanisait. « Le crime n’est pas dans l’acte mais dans l’inten;on. Ainsi plus de péché d’habitude ni d’ignorance. Ceux-­‐là même n’ont pas péché qui ont crucifie Jésus, sans savoir qu’il fut le Sauveur.


Innova3ons, polémiques et retour a l’ordre

De manière générale, les mul;ples conflits suscites par la reforme provoquèrent une intense fermenta;on intellectuelle au sujet du droit et de la jus;ce. On voit ainsi pour la première fois la dis;nc;on entre droit naturel (d’origine divine – intrinsèque a la nature et a toute l’humanité) et droit posi;f (construit par les hommes au cœur de l’histoire). L’étude des écritures qu’on appelle l’exégèse, se poursuit tout en prenant la forme a par;r de la seconde moi;e du XIème siècle, de la glose. Celle-­‐ci repose sur l’inser;on d’annota;ons et de commentaires ponctuels au texte principal dans les marges du livre (glose marginale) ou entre les lignes du glose (glose interlinéaire).

Les arts libéraux dans l’Hortus deliciarum d’Herrade de Landberg. Sur chaque arcade, un court texte explicite la nature de leur enseignement. La grammaire dit ainsi: « Par moi, tous peuvent apprendre ce que sont les mots, les syllabes et les le<res »; la rhétorique: « grâce a moi, fier orateur, tous les discours pourront prendre de la vigueur »; la dialecMque: « Mes arguments se suivent avec rapidité, comme les aboiements d’un chien »; la musique: « Moi, j’enseigne mon art a l’aide d’une variété d’instruments »; l’arithméMque: « Je me base sur les nombres et je montre les rapports qui existent entre eux »; la géométrie: « C’est avec exacMtude que j’arpente les terres »; l’astronomie: « Moi, je Mens mon nom des corps célestes et prédis l’avenir ». L’ensemble se dessine une rose, a l’image d’un vitrail.


Innova3ons, polémiques et retour a l’ordre

Diffusion et nouvelles pra;ques de l’écrit: Le support exclusif du savoir reste les livres, dont la produc;on connaît au XIIème siècle un saut quan;ta;f considérable. Ce saut est du d’une part a la mul;plica;on des centres de produc;on en lien avec l’essor des écoles urbaines, d’autre part a l’ordre de Cîteaux, qui en obligeant tous ses monastères a disposer d’une bibliothèque importante, dynamisa le travail de copie.

Moine copiste.

Saint Bernard au Monastère de Cîteaux.


Innova3ons, polémiques et retour a l’ordre

Une autre muta;on considérable ;ent a l’accession de la langue romane a la dignité de langue li8éraire. Les premiers poèmes et chansons en langue romane mis par écrit remontent aux alentours de 1050. Ce sont d’abord des textes épiques, les chansons de geste, célébrant les hauts faits des compagnons de Charlemagne dans leurs guerres contre les Sarrasins d’Espagne. La plus célèbre et la plus ancienne de ces chansons est la Chanson de Roland, dont l’on date le plus ancien texte conserve des années 1098-­‐1100. Jusqu’au XIIIème siècle, tous ces textes sont véhiculés et connus par la performance orale des jongleurs, en général accompagnes de musique. La maitrise du la;n par les membres de l’aristocra;e est plus fréquente qu’auparavant, comme l’a8estent le cas des nombreux chevaliers juristes des cites méridionales ou celui des chevaliers le8res de la cour d’Henri II Plantagenet, notamment les barons de l’Echiquier. Plus on avance dans le XIIème siècle, plus il y a de le8res (li8era;) qui ne sont pas clercs. Le témoignage précoce de la diffusion des légendes arthuriennes: l’archivolte du portail de la cathédrale de Modène.

Histoire des rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth.


Innova3ons, polémiques et retour a l’ordre

Le raidissement de l’Eglise: un aspect de l’ins;tu;onnalisa;on de l’Eglise réside dans l’appari;on des premiers ordres religieux. Jusqu’en 1150, aucune communauté monas;que ne forme un ordre organise par une structure assurant de manière pérenne l’unité d’observance entre ses membres, hiérarchisant les rela;ons entre les différents établissements et gouvernant l’ensemble de leur vie religieuse et sociale. L e s p r e m i è r e s r è g l e s d e g o u v e r n e m e n t cisterciennes sont édictées dans la Charte de Charité, rédigées par E;enne Harding et les supérieurs des quatre premières abbayes « filles » en 1119. Orthodoxie, iden;té et exclusion: Tout au long du XIIème siècle, les affaires d’hérésie se mul;plient au point d’apparaître, dans les dernières décennies du siècle, comme la principale préoccupa;on et source d’angoisse des clercs. Les héré;ques sont des loups, « des renards dans les vignes du seigneur » (Can;que des can;ques). Les clercs ont tendance a amplifier de manière démesurée l’extension de l’hérésie pour mieux susciter réac;on et mobilisa;on.


Innova3ons, polémiques et retour a l’ordre

Il y a chez ceux qui sont dénoncés comme héré;ques une forme de radicalisa;on de certaines aspira;ons réformatrices. Plus on avance dans le siècle, plus la répression de l’hérésie prend une place importante dans l’affirma;on de l’unité de l’Eglise. A ce durcissement interne de la chré;enté répond un durcissement externe vis-­‐à-­‐vis des non-­‐ chré;ens, les musulmans, mais aussi les juifs. Les premiers véritables massacres ont lieu lors du déclenchement de la première croisade en 1096. L’affirma;on monumentale: Ce raidissement est contemporain des débuts du déploiement monumental d’une ampleur inédite au cœur des cites, la ou la société se transforme le plus et ou l’ins;tu;on ecclésiale doit affirmer sa puissance et son dynamisme. En Arles, l’archevêque entreprend aussi, a par;r de 1152, la construc;on d’un nouveau palais, dont tout suggère la puissance: son éléva;on sur deux niveaux, ses trente mètres de façade dans le prolongement de la cathédrale.

La manécanterie de Lyon, un ancien bâMment du chapitre cathédral.


Innova3ons, polémiques et retour a l’ordre

Toutes ces cathédrales se caractérisent par leur architecture nouvelle, d’une ampleur inédite, pleine d’élan vers le ciel et de la lumière.

Cathédrale de Soissons

Cathédrale de Noyon.

Cathédrale de Laon Cathédrale de Senlis


Innova3ons, polémiques et retour a l’ordre

L’appari;on de statues-­‐colonnes au portail de la cathédrale de Chartres comme le déploiement des grands tympans sculptes sur les façades, rendent compte d’une nouvelle intégra;on de la sculpture a l’espace architectural. Marie est revivifiée par la reforme « grégorienne ». Une étape fondamentale est alors franchie dans l’exalta;on de la dimension royale de Marie et par contrecoup de l’Eglise elle-­‐même. Au tympan de la cathédrale de Senlis, vers 1185-­‐1190, elle est pour la première fois représentée triomphante, en gloire, déjà couronnée et intronisée par son fils, placée sur le même plan que lui, en véritable dispensatrice de salut. Elle est l’Eglise qui dirige et qui conduit.

Le portail de la Vierge a la cathédrale de Chartres.

Tympan de la cathédrale de Senlis.


Promo,on de Marie

Dieu changea de sexe, pour ainsi dire. La vierge devint le dieu du monde, elle envahit presque tous les temples et tous les autels.


Le décollage urbain •

Comme le reste de l’Europe occidentale, les régions de l’ancienne Gaule connaissent a par;r de la fin du XIème siècle un essor des villes et de la popula;on urbaine sans précèdent depuis l’époque gallo-­‐romaine. Ce8e croissance urbaine est a plusieurs ;tres fille de la croissance rurale. Le développement des campagne alimente tout d’abord la croissance démographique qui déverse son excèdent dans les villes. Par ailleurs, les excédents de la croissance agraire et les prélèvements seigneuriaux s’accumulent dans les centres urbains, ou se trouvent la plupart des granges et des celliers seigneuriaux laïques et ecclésias;ques. L’hôpital du Mans (aujourd'hui Hôtel-­‐Dieu de En effet, en enrichissant les seigneurs, la croissance rurale Coeffort), bon exemple du gothique Plantagenet leur permet d’augmenter leurs dépenses et de soutenir leur gout de l’ostenta;on. Or, l’aristocra;e ne peut se sa;sfaire ses besoins que dans les centres urbains, les seuls a dispenser les produits de luxe qu’elle recherche: épices, vins de qualité, étoffes et armes précieuses, vaisselle et orfèvrerie… L’essor de la consomma;on aristocra;que favorise ainsi a la fois la diversifica;on des ac;vités ar;sanales et le développement des échanges en milieu urbain.


Le décollage urbain

L e d ével o p p emen t a rt és i en et fl a ma n d rep o s e essen;ellement sur l’ensemble des ac;vités ar;sanales et marchandes. Car la draperie a eu un effet d’entrainement des secteurs voisins: teinturerie, menuiserie. De plus, en gonflant la popula;on urbaine, elle entraine le développement de tous les mé;ers de bouche, du vêtement et du bâ;ment. Le drap représente un nouvel objet a haute valeur ajoutée qui peut toutefois être produit en grande quan;té. Rapidement, une bonne par;e de la produc;on n’est plus écoulée dans les villes de produc;on pour un marche régional, mais des;ne a des acheteurs lointains: le commerce des draps comme celui des épices et des produits rares est un commerce de longue distance. Dans les régions médiévales, l’essor de la produc;on tex;le favorise un élevage de plus en plus intensif et le développement sans précèdent de la transhumance entre les plaines et les arrière-­‐pays montagnards des Alpes, des Causses et des Cévennes ou des Pyrénées.


Le décollage urbain •

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Paris qui s’était rétracté sur l’ile de la Cite depuis la fin du IXème siècle, connaît un essor considérable a par;r de la deuxième moi;e du XIème siècle. La croissance urbaine se manifeste surtout sur la rive nord de la Seine. La croissance de toute la rive droite est directement liée a l’essor des ac;vités commerciales sur la Seine et sur l’axe qui conduit de Paris a Saint Denis. La diversifica;on de la popula;on urbaine: la croissance favorise l’essor de trois nouveaux groupes appelés a bouleverser la société urbaine: les marchands, les ar;sans, les gens des écoles (maitres et étudiants). La principale muta;on ;ent a l’essor de nouveaux groupes socio-­‐ professionnelles: changeurs, marchands, ar;sans et étudiants. A Vendôme, qui est encore une toute pe;te aggloméra;on castrale, les premiers changeurs sont men;onnes dans les années 1040-­‐1050. En regard des marchands, les ar;sans, dont les ac;vités sont les plus spécialisées et les ressources plus modestes, sont bien connus. Leurs ac;vités peuvent servir d’indicateurs du développement urbain. A Vendôme, on rencontre des pelle;ers, des tanneurs et des cordonniers (mé;ers de peau), des bouchers, des boulangers et des meuniers (mé;ers de bouche), des maçons et des charpen;ers (mé;ers du bâ;ment), des forgerons, des le milieu du XIème siècle.

Vendôme, château féodal.


Le décollage urbain

Un nouveau paysage urbain: Le premier trait qui caractérise ce paysage est le foisonnement des construc;ons: la ville est un grand chan;er. Apres les cathédrales, un deuxième type de grands chan;ers est cons;tue des équipements collec;fs. Enfin, les maisons et palais se mul;plient. L’usage de la pierre comme la présence d’un étage restent des marqueurs de puissance et d’aisance. Dans les villes méridionales, ou l’usage de la pierre est a la Le pont d’Avignon. Son existence est pour la fois plus ancien et beaucoup plus fréquent, c’est la tour qui, première fois a<estée par un acte notarié de comme en Italie, désigne la demeure du puissant ou du 1185. Au XIIIème siècle, il est enMèrement chevalier. Les villes se hérissent li8éralement de tours. reconstruit en maçonnerie. Emporte par les crues

répétées du Rhône au XVIIème siècle, il n’en subsiste plus aujourd’hui que quatre arches.

Plan d’une maison a Cluny.


Le décollage urbain

Les bouchers, les ;sserands, les teinturiers, qui exercent des mé;ers impurs ou polluants, sont souvent relégués en périphérie et a proximité des cours d’eau. L’appari;on des communes et des consulat: A la fin du XIIème siècle, de nombreuses villes ont obtenu des franchises, au même ;tre que nombre de communautés villageoises, seules quelques unes sont des communes. Ces communes, qui prennent au sud, dans les pays de droit écrit, la forme de consulats, supposent le regroupement des habitants dans une communio ou une conjura;o, c’est-­‐a-­‐dire une associa;on jurée, dont les membres sont lies par serment . Elles acquièrent, aux dépens des seigneurs tradi;onnels, un certain nombre de préroga;ves de nature et d’ampleur variables.

La forMficaMon des monuments anMques: un tour de l’amphithéâtre d’Arles. Dans les villes méridionales, les monuments anMques, comme les enceintes, ont tôt fait l’objet de récupéraMons et de réaménagements forMfies.


Le décollage urbain

En 1128, le roi finit par accorder une « ins;tu;on de paix » a la cite: le droit d’associa;on est reconnu aux habitants de certaines villes, désormais diriges par un maire et des jures; en contrepar;e d’obliga;ons fiscales en faveur du roi, ils ob;ennent des franchises juridiques, la fixa;on du montant de la taille, la pacifica;on des rela;ons avec l’évêque et les nobles. C’est donc au bout de deux décennies de lu8e que la commune parvient a s’imposer a Laon. Au-­‐delà de la diversité des situa;ons régionales et locales, l’appari;on de ces gouvernements municipaux manifeste l’avènement des villes en tant que nouveaux acteurs poli;ques. Ni les communes du nord, ni les consulats du Midi, n’ont de bâ;ments qui leur soient propres avant le XIIIème siècle: jures ou consuls se réunissent le plus souvent dans une église, voire dans le palais de l’évêque.


Le décollage urbain

Les communes choisissent progressivement leurs sceaux.

Le sceau de Pontoise – Pont avec ses donjons.

Le sceau des consuls d’Avignon – c’est en magistrats romains que les consuls ont voulu être représentes . Le sceau de Cambrai.


L’affirma3on de la seigneurie castrale

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A par;r du milieu du XIème siècle, la seigneurie castrale apparaît comme l’instrument privilégié du pouvoir aristocra;que et de l’encadrement des popula;ons rurales. Il n’est plus possible de considérer le XIIème siècle, a l’image de ce que l’on croyait jadis, comme un temps d’émancipa;on paysanne. La densifica;on du maillage castral: Encore rela;vement limite au milieu du XIème siècle, le nombre des châteaux et des mo8es augmentent partout. Le premier facteur de ce8e densifica;on, le plus important et le plus durable, ;ent a la segmenta;on régulière des lignées en dépit de la diffusion des pra;ques successorales favorisant un seul fils, le plus souvent l’aine. Le deuxième facteur de densifica;on du maillage des châteaux ;ent a la déconcentra;on de la mesnie castrale: les « milites castri », qui résidaient jusque-­‐là aux cotes de la familial seigneuriale, abandonnent le château majeur et son bourg pour s’installer dans un village ou s’installer dans leur propre pe;t domaine, ou ils élèvent tantôt une mo8e, tantôt un manoir ou une maison-­‐forte. Le troisième et dernier facteur de la densifica;on du maillage castral ;ent a la diffusion du modelé culturel du château a l’ensemble de l’aristocra;e.

Château de Pierreclos. Château de Foix.


La terre; c’est l’homme

La terre, c’est l’homme ; a elle appar;ent la véritable personnalité. Le fier baron : sa terre le gouverne, lui impose ses devoirs ; selon la forte expression du Moyen-­‐Age, il faut qu’il serve son fief.

Manoir de Maupertus, XIIème siècle.


L’affirma3on de la seigneurie castrale

Désormais toutes les dimensions du pouvoir seigneurial s’ar;culent sur le château. D’abord parce que les droits seigneuriaux les plus éminents sont lies a la possession d’un château: ceux qui relèvent de la protec;on bien sur (taille et corvées d’entre;en de la forteresse ) mais aussi la haute jus;ce (répression du meurtre, vol, incendie,…)

Tour d’Albon (Isère).

Donjon de Houdan (Yvelines).


L’affirma3on de la seigneurie castrale

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L’affirma;on des lignées castrales: Le rôle croissant des châteaux a d’importantes conséquences sur l’organisa;on de la parente aristocra;que favorisant l’émergence de lignées castrales structurées autour de leur contrôle et de leur dévolu;on. Pour cela, la majeure par;e du patrimoine, c’est-­‐a-­‐dire les principaux châteaux, tend a faire l’objet d’une transmission privilégiée a un seul des fils. Le nombre de noms propres en usage dans l’aristocra;e se réduit de manière dras;que au profit de quelques noms dominants, transmis selon des règles assez strictes au sein de chaque ligne. En deuxième lieu, un surnom, qui reprend le plus souvent le nom du château, vient s’ajouter au nom propre. Le surnom toponymique commence aussi a se diffuser au sein de la pe;te aristocra;e chevaleresque, s’accrochant a un village, un manoir ou une simple mo8e.

Hommage féodal.


L’affirma3on de la seigneurie castrale •

L’ouverture aux horizons lointains: A par;r du milieu du XIème siècle, l’aristocra;e des pays francs fait preuve d’une mobilité et d’un gout de l’aventure méconnus jusqu’alors. L’Italie du Sud byzan;ne et lombarde est la première des;na;on a susciter son intérêt, celui des Normands en par;culier. La conquête se fait plus organisée et s’étend a la Sicile musulmane. Dans les mêmes années 1060 se déroulent l’expédi;on de Barbastro, en Espagne (1064) et la conquête de l’Angleterre (1066). La première croisade (1095-­‐1099) rencontre un succès plus considérable encore, jetant sur la route de Jérusalem des princes, des seigneurs et des chevaliers issus de toute la France. Les fils surnuméraires semblent en effet nombreux dans les rangs des Normands par;s chercher fortune en Italie méridionale et en Sicile; les nobles rebelles bannis par les ducs. Mais il s’agit d’une excep;on. Chevaliers croises, Chapelle Templière de Cressac.


La croisade

Dieu est Dieu, voilà l’Islamisme, c’est la religion de l’unité. Ce Dieu serait jaloux de ses propres symboles. Il veut être seul à seul avec l’homme. Ils ont enferme la femme au sérail, mais elle les y enferme avec elle : ils n’ont pas voulu de la vierge, et ils se ba8ent depuis 1.000 ans pour Fa;ma. Les Arabes, peuple commerçant, accueillaient bien d’abord les pèlerins. Tout changea lorsque le calife Hakem, fils d’une chré;enne, se donna lui-­‐même pour une incarna;on. Il maltraita cruellement les chré;ens qui prétendaient que le Messie était déjà venu, et les juifs qui s’obs;naient à l’a8endre encore. Chemin faisant, les croises prenaient, pillaient, se payant d’avance de leur sainte guerre. Tout ce qu’ils pouvaient trouver de Juifs, ils les faisaient périr dans les tortures. Ils croyaient devoir punir les meurtriers du Christ avant de délivrer son tombeau. Le 15 juin 1096, Godefroi par;t avec les Lorrains et les Belges, et prit sa route par l’Allemagne et la Hongrie. Des le commencement, le royaume se trouvait infeste par les Arabes jusqu’aux portes de la capitale : l’on osait a peine cul;ver les campagnes. Tancrède fut le seul des chefs qui voulut bien rester avec Godefroi.

La statue de Godefroy de Bouillon, descendant de Charlemagne, orne la place Royale de Bruxelles.


La croisade

La lourde féodalité s’est mobilisée, déracinée de la terre. Elle allait et venait, elle vivait sur les grandes routes de la croisade, entre la France et Jérusalem. Le roi seul restait fidèle au sol de la France, plus grand chaque jour par l’absence et la préoccupa;on des barons. Telle fut, après la première croisade, la résurrec;on du roi et du peuple. La croisade correspond à l’affranchissement du peuple dans les communes, affranchissement de la femme, affranchissement de la philosophie, de la pensée pure. La France avait, presque seule, accompli la première croisade. L’Allemagne avait puissamment contribue a la seconde. La troisième fut populaire, surtout en Angleterre.


L’affirma3on de la seigneurie castrale •

Il s’agit d’ailleurs jamais de départs individuels, mais d’aventures collec;ves: on part entoure de parents des fidèles et d’amis. Il existe ainsi une filière b o u r g u i g n o n n e entretenue par les réseaux clunisiens et la famille d u c a l e . C e r t a i n s comba8ants finissent par s ’ i n s t a l l e r s u r p l a c e , p r e n a n t é p o u s e e t o b t e n a n t s u r t e r r e , sollicitant des lors l’appui de leurs parents demeures en France. Au-­‐delà des trajectoires individuelles et familiales, cet élargissement des horizons a surtout des conséquences d’ordre culturel en contribuant a l ’ é l a b o r a ; o n d ’ u n e iden;té aristocra;que c o m m u n e a t o u t l’Occident.

Chevaliers croises, Chapelle Templière de Cressac.


L’affirma3on de la seigneurie castrale

Une compé;;on seigneuriale plus vive: Les évêques et les chapitres entrent sévèrement en concurrence pour le contrôle des églises et des dimes. L’essor prodigieux des chanoines réguliers, des ordres réguliers, des ordres militaires et surtout des cisterciens vient par ailleurs reme8re en cause bien des équilibres locaux et soume8re a une rude concurrence les anciennes communautés bénédic;nes. Ce8e compé;;on pousse de nombreux seigneurs a aménager leur seigneurie pour la rendre plus a8rac;ve aux serfs. Le roi garan;t l’affranchissement des serfs au bout d’un an et un jour de résidence, supprime les corvées, le service de guet et les taxes extraordinaires. C’est a par;r des XIème et XIIème siècles que se mul;plient les appropria;ons fores;ères, en étroite rela;on, en général, avec la cons;tu;on de réserves de chasse. Indépendamment de l’appropria;on des forets ou des landes, la pra;que de la chasse favorise le marquage seigneurial de l’espace. La chasse seigneuriale met en œuvre une appropria;on de l’espace ponctuelle, imprévisible et brutal, en discordance avec les usages des paysans, dont elle n’hésite pas a traverser et a en endommager les terres.

Chasse au faucon.


L’affirma3on de la seigneurie castrale

Alourdissement du prélèvement: Nombreux sont les signes qui témoignent d’un alourdissement du prélèvement seigneurial. Partout la manse recule face a l’essor des parcelles, plus pe;tes, plus dispersées au sein des terroirs. De même, il y a une démul;plica;on des sources mêmes du prélèvement. Celui-­‐ci s’immisce en effet peu a peu dans tous les secteurs de la vie économique. Les seigneurs s’arrogent le monopole du fournage et du droit de mouture. Les mo;fs suscep;bles d’expliquer l’alourdissement du prélèvement seigneurial sont nombreux. Mais deux paraissent avoir joue un rôle majeur. Le premier, propre aux seigneurs laïques. Il s’agit du tarissement progressif de leurs revenus « ecclésias;ques » dans le contexte grégorien. Le second facteur, certainement le plus déterminant, réside dans l’essor des dépenses seigneuriales. Les chevaux doivent être plus robustes et plus nombreux, certains ne servant qu’au combat, d’autres au transport et au voyage. La chasse, avec ses chiens, ses oiseaux de proie, ses cors richement sculptes, a aussi son cout. Le renforcement de l’encadrement seigneurial: Le nombre des agents seigneuriaux augmente peu a peu, parallèlement a la parcellisa;on et a la diversifica;on du prélèvement. Ces agents sont souvent rémunères sur le mode de l’intéressement ou de l’affermage. Le prévôt en cons;tue la figure principale.


La transforma3on des campagnes

Au XIIème siècle, la croissance démographique s’accélère et s’étend a l’ensemble des régions. On es;me que dans le territoire de la France actuelle, la popula;on aurait cru d’un ;ers, passant de 6,2 millions d’habitants vers 1100 a 9 millions vers 1200. Des condi;ons favorables: Sans qu’aucune révolu;on technologique ne se produise, plusieurs évolu;ons combinent leurs effets bénéfiques. On relève d’abord une meilleure u;lisa;on de la force animale. La diffusion du joug frontal pour les bœufs et du collier d’épaule pour les chevaux améliore la force de trac;on des animaux aussi bien pour le labour que pour le charroi. L’expansion des moulins se poursuit, au point qu’une certaine satura;on des cours d’eau se fait sen;r en de nombreuses régions des la fin du XIIIème siècle. Un grand mouvement de migra;on touche l’ensemble du sud-­‐ouest et pousse les « Francos » sur les routes d’Espagne, a la suite de la « Reconquista ». Le temps du volontarisme: Le cas le mieux connu et le plus spectaculaire est celui des cisterciens. Les moines blancs organisent autour de leurs abbayes de nouveaux grands domaines exploites en faire-­‐valoir direct, par une catégorie subalterne de frères, les convers recrutes dans la paysannerie et voues au travail agricole sur les terres de l’abbaye et des granges. Fondée en 1120, l’abbaye de Prémontré, fonde en 1120, compte déjà 26 granges en 1138 et 30 en 1188.

Abbaye de Prémontré.


La transforma3on des campagnes

Le rôle des cisterciens dans les défrichements doit être rela;vise. Les cisterciens ne s’implantent guère au cœur des zones sauvages. Les paysans con;nuent d’accroitre leurs exploita;ons dans les marges des anciens terroirs, le plus souvent au travers de phases plus ou moins longues de cultures temporaires. C’est dans les années 1160-­‐1170 que datent les premières levées ou turcies construites a l’ini;a;ve d’Henri II Plantagenet dans la région de Saumur et en Anjou pour endiguer la Loire et ouvrir a la culture les étendues submersibles des rivages. Les abbayes flamandes u;lisent les près sales gagnes sur la mer pour leurs immenses troupeaux de moutons. La mul;plica;on des marches ruraux, liée a l’essor des surplus agricoles et des ac;vités ar;sanales, représente un facteur de dynamisme des campagnes. Le développement de ces marches accélère la monétarisa;on des campagnes. La diversifica;on de la société rurale: La croissance favorise une diversifica;on de la société rurale qui s’accentuera tout au long du XIIIème siècle. Elle suscite d’abord l’émergence d’une élite paysanne. Le moulin mysMque. Ce très célèbre chapiteau de la nef de l’abbaMale de Vézelay (vers 1120-­‐1140). Un thème développé depuis les pères de l’Eglise: la nouvelle loi est incluse dans l’ancienne, comme la farine dans le grain. L’Ancien Testament est interprété par la lecture symbolique de saint Paul.


La transforma3on des campagnes

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Une technique de crédit apparaît dans la deuxième moi;e du XIème siècle. La rente cons;tuée, qui permet d’acquérir une somme d’argent en échange de la cons;tu;on d’une rente annuelle perpétuelle assise sur une terre. L’amor;ssement est réalisé entre 12 et 25 ans pour le préteur et ne représente qu’un léger accroissement des prélèvements dus au seigneur qui, en l’occurrence, est souvent aussi le créancier. Le regroupement de l’habitat: L’habitat groupe paraît ne8ement dominant dans deux vastes espaces: le nord et l’est, mais aussi les pays du li8oral méditerranéen d’autre part. En Ile-­‐de-­‐France, en Picardie et en Lorraine, les villages-­‐rues, ou les parcelles d’habitat s’alignent de part et d’autre d’un axe de circula;on central, sont fréquents. Dans les régions méditerranéennes, le village se présente le plus souvent comme une aggloméra;on for;fiée resserrée autour du château, souvent perche sur un coteau, une « roque » ou un « puech ».

Lacoste, un village castral dans le Vaucluse.


Un nouvel horizon poli3que et idéologique

Au XIIème siècle, deux rois se partagent le territoire de la France actuelle: le roi de France a l’ouest, l’empereur, roi de Germanie et de Bourgogne, a l’est. Deux princes sont toutefois aussi rois a l’extérieur du royaume de France et de l’Empire et agissent souvent en rois lorsqu’ils s’y trouvent: le duc de Normandie, roi d’Angleterre depuis 1066, et le comte de Barcelone et de Provence, roi d’Aragon depuis 1137.

Tombeau de Richard Cœur de Lion a l’abbaye de Fontevraud.


Un nouvel horizon poli3que et idéologique •

A par;r du milieu du XIIème siècle, les rois reprennent l’ascendant sur les princes. Le fait que la deuxième croisade ait été conduite par des rois et non par des princes, comme la première, en cons;tue un symbole. La dynamique princière: A par;r du XIème siècle, les princes doivent faire face a de sérieux défis. Dépossèdes par la reforme grégorienne de leurs préroga;ves ecclésiales tradi;onnelles et concurrences par l’essor des seigneuries ecclésias;ques et des lignées castrales, ils se trouvent contraints de renouveler en profondeur les formes de leur domina;on. La capta;on des fruits de la croissance: Comme Charles le Bon, le comte de Flandre, la plupart des princes comprend que leur intérêt est de favoriser le renouveau commercial et urbain. Louis VII, par exemple, mul;plie les concessions de privilèges fiscaux. L’ac;on des comtes de Champagne en faveur du développement des foires cons;tue un autre exemple, plus brillant encore, de la capacité des princes a capter une par;e des fruits de la croissance.

Louis VII prend la croix pour la deuxième croisade


Un nouvel horizon poli3que et idéologique

Les formes du pouvoir princier: Au XIème siècle, le prince reste avant un guerrier et un grand seigneur. Il s’appuie d’abord sur ses principaux fidèles et quelques conseillers ecclésias;que. Sa principauté con;nue de présenter l’allure d’un archipel de droits directs ar;culés sur les châteaux, auquel se raccroche une « mouvance » de droits indirects de plus en plus structurée par les rela;ons feodo-­‐vassaliques. Nulle homogénéité territoriale donc, ni de véritable fron;ère au sens contemporain du terme.

Salle dite de l’échiquier de Caen

Château de Gisors

Château des comtes de Flandre a Gand.


Un nouvel horizon poli3que et idéologique

Le moment Plantagenet: Parmi les princes, les Plantagenets sont ceux qui connaissent dans la deuxième moi;e du XIIème siècle la fortune la plus spectaculaire. Ils sont a l’origine comtes d’Anjou, issus de la vieille lignée des Foulques. Le royaume d’Angleterre et toute la moi;e occidentale du royaume de France, de la Normandie a la Gascogne, sont entre les mains de Henri II. Il s’agit d’un territoire immense que le roi et ses deux premiers fils, Henri le Jeune et Richard Cœur de Lion (qui lui succède en 1189) parcourent sans cesse. Trois dimensions de la poli;que d’Henri II illustrent, au-­‐delà de son autoritarisme personnel, la modernité de son gouvernement. La première est la reprise, sous l’influence du modèle anglais, d’une ac;vité législa;ve importante, plus précoce et plus nourrie que celle du roi de France. La deuxième nouveauté ;ent au rôle joue dans l’administra;on et l’entourage du prince par un groupe étoffé de gens de cour (curiales) et de familiers, compose de clercs et surtout de laïcs le8res issus de la pe;te aristocra;e. La troisième nouveauté figure dans le souci qu’eut Henri II d’affirmer la légi;mité de son pouvoir par le déploiement d’une véritable propagande poli;que, a des;na;on des seules élites bien sur.


Un nouvel horizon poli3que et idéologique

L’idéologie capé;enne : Le rayonnement du Capé;en se nourrit de la capta;on de l’héritage carolingien aux dépens des empereurs germaniques et d’une rela;on privilégiée avec l’abbaye de Saint-­‐ Denis, elle-­‐même soucieuse de se présenter comme le dépositaire privilégiée de la tradi;on des anciens rois francs. Louis devient le prénom usuel des rois de France, en mémoire de Clovis (Ludovicus = Clovidicus). La grande poussée capé;enne résulte du mariage de Louis VII avec Aliénor en 1137, qui conduit le roi a prendre possession de la vaste Aquitaine. Pour la première fois, un roi capé;en fait son entrée dans Bordeaux (1137) et reçoit l’hommage d’un comte a Toulouse (1138). La perte de l’Aquitaine, consécu;ve au divorce de Louis et Aliénor (1152) provoque un reflux brutal. Jusqu’au milieu du XIIème siècle, le roi apparaît avant tout comme le protecteur privilégié de l’Eglise et des désarmés, dans la postérité de la paix et de la trêve de Dieu. Aliénor d’Aquitaine.


Un nouvel horizon poli3que et idéologique

L’idéologie capé;enne : Le rayonnement du Capé;en se nourrit de la capta;on de l’héritage carolingien aux dépens des empereurs germaniques et d’une rela;on privilégiée avec l’abbaye de Saint-­‐Denis, elle-­‐même soucieuse de se présenter comme le dépositaire privilégiée de la tradi;on des anciens rois francs. Louis devient le prénom usuel des rois de France, en mémoire de Clovis (Ludovicus = Clovidicus). La grande poussée capé;enne résulte du mariage de Louis VII avec Aliénor en 1137, qui conduit le roi a prendre possession de la vaste Aquitaine. Pour la première fois, un roi capé;en fait son entrée dans Bordeaux (1137) et reçoit l’hommage d’un comte a Toulouse (1138). La perte de l’Aquitaine, consécu;ve au divorce de Louis et Aliénor (1152) provoque un reflux brutal. Jusqu’au milieu du XIIème siècle, le roi apparaît avant tout comme le protecteur privilégié de l’Eglise et des désarmés, dans la postérité de la paix et de la trêve de Dieu. Le retour de l’empereur: L’avènement de Staufen en 1138 et le règne de Fréderic Ier Barberousse marquent le retour de l’influence impériale. Le cœur domanial des Staufen est en Souabe: L’Alsace en cons;tue la par;e occidentale, la plus appréciée des empereurs, qui y résident régulièrement. Fréderic Ier de Hohenstaufen, dit Barberousse .


Un nouvel horizon poli3que et idéologique

Société chevaleresque et culture de cour: A par;r du deuxième ;ers du XIIème siècle, une culture aristocra;que originale s’épanouit avec une vitalité, une diversité, un rayonnement sans précèdent depuis l’An;quité tardive. La guerre chevaleresque définit bien l’essence de l’iden;té aristocra;que. Elle est en outre vécue sur le mode de la joie et de la fête. La même joie caractérise les tournois, ces batailles ludiques entre groupes de chevaliers, dont le but essen;el est la prise, la capture de l’adversaire, de ses armes et de ses chevaux pour le rançonner. C’est ce jeu-­‐la que Guillaume le Marechal , un modeste chevalier au service d’Henri II Plantagenet et de ses fils, gagna, entre 1170 et 1190, sa réputa;on de « meilleur chevalier du monde », et avec elle des fiefs notables et la main d’une riche héri;ère. Celui qui remet les armes est en général celui auprès duquel le futur chevalier avait effectué, a l’extérieur de la maisonnée paternelle, son appren;ssage technique et moral: un oncle, le plus souvent maternel Tombeau de Guillaume de Marechal. dans une société hypergamique, un prince, le parrain, l’adoubement ;ssant ou renforçant une forme de parente spirituelle entre les deux hommes.


Un nouvel horizon poli3que et idéologique

Les premiers traites de civilité évoquant les manières de la cour, les comportements a adopter a table ou avec les dames apparaissent et sont de manière significa;ves composées en langue vulgaire, en l’occurrence la langue d’oc. Si toute résidence aristocra;que demeure structurée par la dis;nc;on entre un espace public domine par les hommes et un espace domes;que réservé aux femmes, une des grandes caractéris;ques de la cour est sa rela;ve mixité, qui fournit de mul;ples occasions aux hommes et aux femmes de partager certains loisirs. Dans le prologue de « Le Chevalier a la Charre8e », la cour y est présentée comme un lieu de paix, domine par les dames, ou l’on peut manifester son dévouement et sa fidélité, un lieu ou règnent beauté, civilité et intelligence, un lieu ou l’on prend plaisir a écouter des chansons ou des romans composes dans la belle langue française. Les fin’amors: défi profane et conscience de soi: Par bien des cotes, les fin’amors apparaissent comme une réponse et un défi a la régula;on sexuelle et matrimoniale promue par la reforme grégorienne. En glorifiant la femme au travers de la dame, en célébrant le corps et l’amour physique, en légi;mant les rela;ons amoureuses hors mariage, fut-­‐ce sous le mode imaginaire, la fin’amors entre en contradic;on avec le discours de l’ins;tu;on ecclésiale.

Louis VII et Aliénor d’Aquitaine.


Un nouvel horizon poli3que et idéologique

Le culte de la dame et le thème de l’amour illicite se retrouvent dans la li8érature romanesque de l a n g u e d ’ o ï l d e s a n n é e s 1170-­‐1180, ou s’épanouissent quelques-­‐uns des mythes appelés a une fortune considérable, comme ceux de Tristan et Iseult ou de Lancelot et Guenièvre. T o u t e l a c u l t u r e c o u r t o i s e e n t r e ; e n t l ’ i l l u s i o n d ’ u n e communauté de statut et de des;n partagée par l’ensemble de l’aristocra;e, du roi au pe;t chevalier, alors même que les évolu;ons poli;ques accroissent la h i é r a r c h i s a ; o n d u g r o u p e aristocra;que et renforcent le pouvoir des princes et des rois sur la noblesse, parfois a ses dépens.


Conclusion

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Si l’on je8e un regard rétrospec;f sur les trois siècles qui séparent la dispari;on de l’Empire carolingien de l’avènement de Philippe Auguste, trois phénomènes re;ennent plus par;culièrement l’a8en;on: la vigueur et la durée de la croissance économique d’abord, l’affirma;on et la royauté capé;enne ensuite, l’ampleur des muta;ons sociales et culturelles enfin. A rebours du mythe d’une croissance émancipatrice, le XIIIème siècle apparaît comme le principal moment de l’alourdissement du prélèvement seigneurial. Le règne de Louis VII (1130-­‐1180) cons;tue un véritable tournant. L’horizon royal s’élargit alors de manière considérable, en dépit du repli auquel le roi est contraint par l’annula;on de son mariage avec Aliénor d’Aquitaine et le remariage de ce8e dernière avec Henri II Plantagenet. Le rôle de Louis VII dans la deuxième croisade et l’établissement des liens privilégiés avec l’abbaye de Saint-­‐Denis et l’épiscopat français assurent au roi l’appui de l’Eglise et un pres;ge dont sa dynas;e était jusque-­‐là dépourvue.


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