Les grandes guerres

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1914-­‐1945 Les grandes guerres


Introduc)on

Ce1e période correspond a une série de défis majeurs pour une na:on qui semble perdre peu a peu la capacité a maitriser seule son propre des:n. La démographie stagne – la France reste encore un pays a dominante rurale jusqu’en 1931. Mais le pays connaît aussi une p é r i o d e d ’ i n n o v a : o n s industrielles dans l’automobile ou l’aéronau:que, de progrès scien:fiques qui touchent aussi bien la physique atomique que l’historiographie. Ce1e nouvelle guerre de Trente ans fut la dernière séquence guerrière de l’histoire de France ou les combats se déroulèrent sur le territoire métropolitain. Apres 1 9 4 5 , l e s g u e r r e s s e r o n t d é s o r m a i s c o l o n i a l e s e t lointaines.


La France en 1914: la puissance par la République

En 1918, la paix est certes négociée mais seulement entre les puissances alliées. Sur le plan intérieur, le modèle républicain semble sor:r renforce du conflit: l’armée des citoyens de la République a vaincu l’armée des sujets de l’empereur d’Allemagne. Le prix de la victoire est très élevé et chaque Français a, d’une manière ou d’une autre, du le payer. Alors que la France célèbre sa victoire en 1918 puis en 1919, les Français ressentent que celle-­‐ci est endeuillée et que le pays ne peut plus vivre que dans la han:se du déclin. Une puissance retrouvée et réaffirmée: Pour profond que fut le changement de régime, la République était aussi, nolens volens, une héri:ère. Elle profita ainsi, par exemple, de la dynamique de la modernisa:on urbaine et économique et des conquêtes coloniales entreprises sous le Second Empire. La France de 1914 était présente sur tous les con:nents, comptant plus de 55,5 millions d’habitants hors de la Métropole, et s’étendant sur plus de 10,5 millions kilomètres carres.


La France en 1914: la puissance par la République

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Et la France dirigeait le deuxième empire colonial du monde. L’isolement diploma:que rompu: En rupture avec la « realpoli:k » de Bismarck, inquiétante pour les Russes, les Britanniques, voire les Italiens, l’a`tude de Guillaume II favorisa des rapprochements avec une France républicaine longtemps tenue en suspicion et a l’écart. Boite a musique illustrant l’alliance franco-­‐russe. Bismarck avait soigneusement veille a maintenir l’isolement diplomaNque de la France après sa défaite. Son renvoi en 1890 par le jeune empereur Guillaume II, qui mène alors une poliNque étrangère agressive, permet a la France de mulNplier les iniNaNves diplomaNques brisant son isolement: c’est tout d’abord vers la Russie qu’elle se tourne. L’empire tsariste était également a la recherche d’un allie européen, au moment ou ses rivaux en Europe centrale, l’Allemagne et l’Autriche Hongrie resserraient leurs liens. Une convenNon militaire secrète avec la Russie fut signée des 1892.

Palais de l’électricité de l’exposi4on universelle de 1900. Elle aJra 50 millions de visiteurs. Affiche publicitaire de l'exposi4on coloniale de Marseille en 1906. Elle fut la première a être exclusivement consacrée aux colonies. Chacune des colonies françaises y était représentée par un pavillon qui entendait démontrer les bienfaits et les bénéfices de l’œuvre coloniale française. Les frère Lumière, inventeurs du cinématographe en 1895, avaient déjà eu l’idée d’envoyer leurs operateurs a travers le monde pour en rapporter des images documentaires.


La France en 1914: la puissance par la République

Une armée de citoyens: Apres la conquête défini:ve du pouvoir en 1877-­‐1879, les républicains s’employèrent a républicaniser ce1e armée rénovée. Le :rage au sort fut défini:vement aboli ainsi que les dispenses, la durée du service ramenée a deux ans pour tous. En 1913, suite a d’intenses débats, le service fut a nouveau porte a 3 ans. Une république implantée, prospère: La France était alors la quatrième puissance industrielle et mondiale. En 1914, l’industrie automobile française était la première d’Europe et la deuxième mondiale après celle des Etats-­‐Unis. Les capitaux français représentaient 20% des capitaux inves:s dans le monde a ce1e époque, loin sans doute derrière la Grande Bretagne (44%), mais en deuxième place, devant l’Allemagne et les Etats-­‐Unis.

Panneau mural pour la classe civilisa4on contemporaine. Lavisse: « La France est le condense de l’Europe. »

Revue du 14 juillet 1909. Le défilé militaire du 14 juillet est une invenNon de la IIIème République. Le premier défilé a Longchamp eut lieu le 29 juin 1871, alors que la France venait d’être vaincue. Dans les années 1900-­‐1914, il devint un véritable spectacle, comprenant des scénographies de combat.


Le grand basculement de 1914

Pécher par impuissance: La France joua son rôle dans l’engrenage du conflit, notamment par l’assurance que le président Poincaré donna la la Russie de son sou:en sans faille dans la crise de l’été 1914. En 1911, les jeunes Etats balkaniques, la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et le Monténégro, jeunes états eux-­‐mêmes issus des territoires occidentaux perdus par l’homme malade de l’Europe, profitent de l’occasion (déclara:on de guerre de l’Italie a la Turquie) pour s’agrandir au détriment de leur ancien maitre. Soutenus par la Russie, alliée avec la France, ils se liguèrent et déclarèrent a leur tour la guerre a la Sublime Porte. Malgré ses efforts diploma:ques, la France échoua a maintenir la paix. Le 28 juin 1914, un groupe de jeunes na:onalistes bosniaques emmenés par Gavrilo Princip, échappa au contrôle de la Main Noire, organisa:on secrète na:onaliste serbe, et perpétra l’a1entat de Sarajevo qui causa la mort de l’archiduc François Ferdinand, héri:er du trône impérial… La double monarchie bénéficiait d’un prétexte, du sou:en de son opinion publique et de « l’en:er appui de l’Allemagne » en cas d’escalade – pour infliger une leçon a la Serbie a la faveur d’un conflit rapide et localise. Quand Poincaré arriva en France, de retour de sa visite officielle en Russie, sa marge de manœuvre était étroite en raison du traite qui liait la France a la Russie. De surcroit, pour Poincaré, l’Allemagne était fondamentalement de mauvaise foi et voulait la guerre, de toute façon et quoi qu’on fasse.


Le grand basculement de 1914 •

Résolus: Si l’hos:lité a l’Allemagne pouvait se réveiller lors des crises marocaines de 1905-­‐1906 et de 1911 et si le souvenir de la défaite de 1871 et de l’amputa:on de l’Alsace-­‐Lorraine restait vif, la France confrontée a la crise de 1914 n’était pas un pays revanchard et agressif. La mort de Jean Jaurès, assassine le 31 juillet 1914 par Raoul Villain fut perçue autant comme un évènement de poli:que intérieure que comme découlant de la crise interna:onale en cours… Jaurès et ses amis se trouvaient bloques entre leur hos:lité fondamentale a la Russie tsariste qui représentait tout ce qu’ils abhorraient leur volonté de paix et leur sou:en au gouvernement. Le 1er aout, l’Allemagne déclara la guerre a la Russie, alliée de la France qui, elle, mobilisa. Le lendemain, les troupes allemandes entraient déjà au Luxembourg et le Reich lançait un ul:matum a la Belgique, la sommant de laisser passer ses troupes sans comba1re. On comprend alors que, une fois la guerre déclarée, le sen:ment dominant fut la surprise. Elle fut accentuée, par le fait que, dans un France majoritairement rurale, la préoccupa:on première et fondamentale en ce1e période était l’urgence de la moisson. C’est globalement la résolu:on a défendre le pays qui s’installa et non un enthousiasme délirant. Le célèbre discours du secrétaire général de la CGT, Léon Jouhaux, prononce lors des obsèques de Jaurès le 4 aout 1914, en a1este: « Accules a la lu1e, nous nous levons pour repousser l’envahisseur, pour sauvegarder le patrimoine de civilisa:on et d’idées généreuse que nous a lègue l’histoire. » Ce meme jour, le généreuse Poincaré u:lisait l’expression d’Union Sacrée.

La une de la guerre sociale le 1er aout 1914. Fonde par Gustave Herve, le journal était a l’origine anNpatrioNque, proche du syndicalisme révoluNonnaire et favorable a une insurrecNon en cas de guerre. A l’instar de la plupart des organes socialistes et syndicalistes, il se rallie a la cause patrioNque et a l’Union Sacrée. Marc Bloch sur la mobilisa4on. « Les hommes pour la plupart n’étaient pas gais. Ils étaient résolus, ce qui vaut mieux. »


Le grand basculement de 1914

Le désastre d’aout 1914: Le mois d’aout 1914 fut sans doute l’un des moments les plus désastreux de toute l’histoire militaire de la France, et aussi l’un des plus meurtriers… Pourtant en quelques jours, en bon ordre et dans les délais prévus, plus de de 3,5 millions d’hommes avaient été mobilises. Avec 27.000 morts, le 23 aout est la journée la plus meurtrière de ce1e guerre pour la France. Vae Vic:s: Épuisées, excédées par la résistance des soldats belges ou français, nourries du souvenir de la guerre de 1870-­‐71, du mythe d’une levée en masse des popula:ons et d’une guerre de francs-­‐:reurs tout a fait imaginaire, les troupes allemandes commirent de très nombreuses exac:ons.

Le Dieu Thor, la plus barbare des divinités de la Vieille Germanie. La « barbarie allemande » découlerait du fait qu’Outre-­‐Rhin le chrisNanisme ne serait qu’un vernis que la guerre fit craquer.

La guerre du 2 aout au 5 septembre 1914

Monument pour les martyrs civils de Nomeny.


Le grand basculement de 1914

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Dans l’ensemble, le récit d’atrocités furent l’un des plus puissants ressorts de la construc:on de l’image de l’ennemi très rapidement bap:se « Boche » en France. Devant l’avance allemande, les troupes françaises ba1ent presque partout en retraite sous un soleil de plomb. Vers le « miracle de la Marne »: Apres 6 semaines de conflits, les Français déploraient déjà environ 100.000 morts, les Allemands sans doute presque autant. Et c’est surtout le hiatus entre la guerre représentée dans les états-­‐majors sur le plan stratégique et les effets, sur le champ de bataille, au niveau tac:que, des armes modernes, qui fut a l’origine des pertes énormes des premières semaines. Le plan Schlieffen s’avère inadéquate comme le plan français. Datant de 1905, il reposait, comme le plan français, sur le postulat d’une guerre courte et rapide, rapidité d’autant plus nécessaire que l’Allemagne allait devoir se ba1re sur deux fronts. Son second postulat est aussi remis en cause: transposer sur un champ de bataille de plusieurs centaines de kilomètres des schémas opéra:onnels qui avaient été mis en œuvre dans les guerres napoléoniennes – sur des champs de bataille de quelques kilomètres de front. Ce plan se fondait également en grande par:e sur un troisième postulat: l’absence supposée de résistance des Belges. Or, ces derniers résistèrent farouchement, arrêtant une par:e des troupes allemandes. Les Allemands remportèrent des victoires éclatantes qui ouvraient les portes de la France aux armées allemandes. Ces dernières s’enfoncent alors dans le pays, a marche forcée, a plus de 40 kilomètres par jour. Cependant, si l’avance allemande paraissait remarquable et irrésis:ble, elle avait été aussi couteuse en hommes et en énergie et de nombreux facteurs se conjuguent pour l’affaiblir. De plus, l’état-­‐ major allemand avait du dégarnir une par:e du front Ouest car l’avancée des Russes a l’Est avait été plus rapide que prévue.

Le Dieu Thor, la plus barbare des divinités de la Le Plan Schlieffen

Bataille de Charleroi


Le grand basculement de 1914

Le choc de la bataille de la Marne opposa des forces gigantesques: 750.000 hommes du cote allemand et un million environ pour les troupes franco-­‐ britanniques. La bataille a sauve Paris, mais elle ne suffisait pas, loin s’en faut, a me1re les allemands en déroute. Chacun des belligérants faisant le siège de l’autre, ils se retrouvaient dans une situa:on de pat stratégique. A la différence qu’aux échecs, lorsque les joueurs reconnaissent la situa:on de pat, la par:e s’arrête. En novembre 1914, la guerre, elle, ne faisait encore, malheureusement que commencer. Trois France: A par:r de la mi-­‐ automne, la guerre traversa li1éralement le pays telle une cicatrice rouge. Au centre de la guerre, se dessina une mince bande de 5 a 10 kilométrés de large, de la Somme aux Vosges, c’est la France de l’avant qui s’ajoute aux deux autres France, la France de l’arrière et la France envahie – une tripar::on que le pays subit pendant trois ans. A La montée au front avec les bus et les taxi de Paris. terme, ce1e tripar::on engendra des iden:tés sociales nouvelles, fondées sur les expériences vécues de 1914 a 1918. Le vengeur de 1870, poignard des tranchées. Sans devenir une arme règlementaire, il fut pourtant distribue en masse par par l’armée aux combaaants de 1916. Il était desNne principalement aux coups de mains et au neaoyage des tranchées.

Notre Joffre. Notre père patrioNque illustre bien la glorificaNon des chefs militaires.


La France de l’avant •  •

Entre 1914 et 1918, ils sont près de 7,9 millions de Français appelés sous les drapeaux. Parmi eux, plus de 4,2 millions sont blesses, plus de 500.000 sont faits prisonniers, environ 1.375.000 sont tues. La guerre quo:dienne: La vie du comba1ant était avant tout celle d’une existence au jour le jour, harassante, faite de marches très longues, de durs labeurs. Ce1e vie était aussi faite de longues périodes d’inac:on, de cafard et d’ennui, comblée en par:e par la lecture, l’écriture du courrier, la fabrica:on d’objets d’ar:sanat de tranchée. Comba1re: Environ 21 millions de soldats, tous belligérants confondus, furent blesses, pendant la guerre. La violence infligée au corps par l’armement moderne est extrême. Les projec:les dilacèrent les corps, broient les membres, détruisent les visages. Ils provoquent aussi la rupture des barrières anatomiques protectrices. Prisonniers: La guerre de masse provoqua des foules de prisonniers, alors qu’aucune structure adaptée n’avait été prévue pour les accueillir en si grand nombre. Les hommes de troupes et sous-­‐officiers furent souvent mis au travail dans le pays qui les détenait – les officiers échappèrent Evolu4on du front français. cependant a ce sort.

Le fort de la Malmaison dans le secteur du Chemin des Dames. Apres l’échec de l’offensive Nivelle au printemps, Pétain engagea les troupes contre le fort. L’objecNf n’était plus comme auparavant de percer le front mais seulement de remporter un succès tacNque, géographiquement limite, pour se rendre maitre du Chemin des Dames et assurer ensuite aux Français des meilleurs posiNons défensives.

« Et ce sont les cadavres raidis, les cadavres aux mains crispées, aux yeux vitreux, aux joues blêmes mangées par des barbes sales, couverts de linges sanglants, des torchons infects, empesés par un caillis de sang noirâtre, les cadavres a moiNe ensevelis couverts d’insectes voraces, assiégés par un remous de vers et de mouches. » « La bas, le ciel n’est plus qu’une trame de sillages, un Nssu de trajectoires, une espèce de voie gigantesque ou s’acheminent, circulent, roulent et glissent les milliers de projecNles sorNs de l’immense et fébrile usine de la mort. »


La France de l’avant

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En Allemagne, des dizaines de milliers de « Kommandos » de travail furent ainsi mis en place. Déviances, refus de guerre et mu:neries: On assiste d’abord a des fraternisa:ons des Noel 1914. En fait, le calendrier religieux joua un rôle important – les trêves s’inscrivaient dans des pra:ques chré:ennes et militaires anciennes qui firent leur appari:on dans la Grande Guerre. Les mu:neries éclatèrent au printemps 1917, après l’échec de l’offensive du Chemin des Dames, ou était concentrée près de la moi:e des effec:fs de l’armée française, dans le but de percer le front par une offensive a outrance. Les comba1ants qui espéraient que ce1e offensive était la dernière se retrouvèrent confrontes a un échec qui tourna au carnage. Le bilan fut sans doute de près de 40.000 morts, 14.000 disparus, 125.000 blesses. Ce fut le signe de départ des mu:neries et certaines unîtes de mu:ns souhaitaient même marcher sur Paris. Mais la plus caractéris:que des formes de mu:neries fut finalement le refus de monter en ligne. Les es:ma:ons du nombre de mu:ns sont donc très difficiles a réaliser et varient de 25.000 a 90.000 soldats. Même si Pétain n’abandonna pas l’idée de mener des offensives, il avait tout de même fondamentalement abandonne la stratégie de son prédécesseur, qui était celle d’une offensive a outrance devant a tout prix percer le font, très couteuse en hommes et très hasardeuse. Il lui préférait une alternance de défense des posi:ons acquises et d’offensives localisées aux objec:fs limites, tout en s’appuyant sur son aura, acquise l’année précédente a Verdun, pour reconquérir avec succès, la confiance des hommes. Un train sanitaire allemand a Cambrai.

« Le maNn vint. Ceux qui auront vu les aubes de la guerre, après des nuits employées a combaare ou consumées dans la sanglante besogne des ambulances, ceux-­‐là connaitront une des plus grandes tristesses du monde. Pour ma part, je n'oublierai jamais ceae lumière avare et verte, cet aspect découragé des lampes et des visages, ceae odeur suffocante des hommes envahis par la pourriture, ce frisson du froid maNnal, pareil au dernier souffle glace de la nuit dans les frondaisons engourdies des grands arbres.»


La France de l’avant

La plupart des mu:neries ne durèrent tout au plus que quelques jours et souvent la fin en est négociée par les officiers de troupe restées au contact avec les hommes. Endurance et ténacité: Comprendre pourquoi et comment les soldats ont tenu pendant la grande guerre reste aujourd’hui l’une des ques:ons les plus complexes et les plus disputées. Les comba1ants sont par:culièrement sensibles a toute forme d’injus:ce dont l’embusquage cons:tue le climax. Les mu:ns eux-­‐mêmes dénoncent les embusques. Le deuxième facteur expliquant ce1e ténacité est l’inscrip:on du comba1ant dans un « groupe primaire ». Les moments de repos perme1ent de cul:ver les liens entre les hommes. Les moments de combat les me1ent a l’épreuve. On voit émerger l’autonomie de groupes de neuf comba1ants qui deviennent a par:r de 1917 l’unité élémentaire a la place de la sec:on. Le troisième facteur explica:f est la percep:on défensive de la guerre. Pe:t a pe:t, défense de la patrie et libéra:on des territoires envahis tendent a se confondre dans un meme objec:f, celui de la nécessaire victoire. Si les soldats français font les frais d’illusion de leurs propres généraux, a leur manière, les soldats partagent les illusions des généraux. Ils sont pris, eux aussi, dans l’engrenage d’un avenir qui semble passer implacablement par la grande offensive libératrice. Le journal des tranchées, l’Argonaute d’avril 1918, écrit: « nous serons vainqueurs car nous aurons la force de souffrir le fameux quart d’heure de plus… Et meme davantage. »

Destruc4on de Craonnelle de 1917. Les montées en ligne étaient parNculièrement anxiogènes pour les combaaants. Le paysage détruit renforçait encore la sourde angoisse qui s’emparait d’eux.

Abus de confiance – caricature d’un embusque.


La France de l’avant

Soldats français dans un abri. Les cagnas, abris creuses sous les tranchées, étaient les principaux lieux de repos des soldats de première et de seconde ligne.

Art des tranchées. Douilles d’obus sculptées.


Deux autres fronts

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Le front occupe: En France, ce1e occupa:on concerne peu ou prou une dizaine de départements et environ 2,5 millions de personnes. Les territoires occupes sont places sous le régime d’une occupa:on strictement militaire. C’est donc l’armée qui administre et exploite économiquement ces territoires. Ce1e situa:on est vécue comme scandaleuse. Et meme doublement scandaleuse – d’abord du fait des mesures spectaculaires prises par l’occupant: prises d’otages, déporta:ons, exécu:ons, mise au travail force – mais aussi scandaleuse du fait de l’invasion du quo:dien par les conséquences de l’occupa:on: passage des montres a l’heure allemande, restric:on de circula:on, réquisi:ons, logement de l’occupant chez l’habitant, hausse des prix, dégrada:on des condi:ons d’existence. La résistance civile s’ar:culait autour de trois axes: la publica:on des journaux clandes:ns, l’hébergement et le transfert vers des zones non occupées de soldats allies et de civils et le renseignement. Le front de l’arrière: Croyant a la guerre courte, rassures par l’Union Sacrée et surtout « ayant intériorisé l’an:parlementarisme qui avait fortement progresse avant la guerre », les p a r l e m e n t a i r e s v o t è r e n t l e u r p r o p r e « ajournement » et abandonnèrent toute préten:on a contrôler les dépenses de guerre, mais n’accordèrent pas de pouvoirs spéciaux au gouvernement. Le pouvoir passa néanmoins entre les mains de l’exécu:f et de l’armée qui allaient chacun lu1er pour la prééminence et les préroga:ves.

Prise d'armes allemande a la grande place de Lille. Parfois les occupants faisaient meme défiler les prisonniers français dans les villes et les villages afin de démoraliser la populaNon.


Deux autres fronts •  •  •

Les étrangers ennemis furent effec:vement très rapidement rassembles, tries puis internes – 60.000 a 70.000 personnes furent concernées. Dans le domaine économique et financier, on prit également très vite des mesures excep:onnelles. Les premières concernèrent la monnaie dont la conver:bilité en or fut suspendue et les cours bloques. Des le 7 aout 1914, le président du Conseil René Viviani lançait a l’arrière, et en par:culier aux femmes, l’appel suivant: « Debout femmes française, jeunes enfants, filles et fils de la Patrie. Remplacez sur le champ du travail, ceux qui sont par:s sur le champ de bataille. » Inventer une normalité de la guerre: Informes et légi:més par la présence au front d’une frac:on non négligeable des leurs, les parlementaires tentèrent de retrouver une par:e de leurs préroga:ves, tout en par:cipant pleinement a l’effort de guerre. Malgré la reprise économique des débuts de l’année 1915, les temps étaient durs. Priva:ons et infla:on dominèrent rapidement le quo:dien des civils. L’essence et le pétrole étaient inaccessibles, les économies d’énergie étaient a l’ordre du jour. L’inégalité de l’accès a certains produits de base comme la viande, le lait ou le sucre s’accrut très fortement. Et la charge de travail était écrasante: 60 a 70 heures de travail hebdomadaire dans des condi:ons souvent exécrables. A la dureté du travail, s’ajoutait le sen:ment de travailler pour des entreprises et des patrons qui « profitaient » de la guerre. Cependant, la priorité donnée au ravitaillement de l’armée ne se traduisit pas, comme en Allemagne, par la négligence des popula:ons civiles. En France et en Grande Bretagne, les doits lies a la citoyenneté ont contribue a préserver les communautés en guerre grâce a la mise en place d’une répar::on équilibrée entre demandeurs civils et militaires de vivres.

Nous saurons nous en priver. En 1918, le ministère de l’InstrucNon publique organise un concours dans les écoles pour la réalisaNon d’une série des affiches relaNves au raNonnement et aux privaNons dues a la guerre.


Deux autres fronts

L’avant et l’arrière: répulsion, fascina:ons et liens: Les comba1ants ne se reconnaissaient pas dans les portraits que la presse faisait d’eux et du front et englobaient bien souvent dans leur détesta:on de « ce bourrage de crane » ceux qui, a l’arrière y succombaient, car ils renvoyaient aux soldats du front l’image déformée qu’ils en avaient. La permission – fort rare: 7 jours tous les quatre mois en théorie a par:r de 1916 – illustre bien toute l’ambivalence de liens qui ne sont pas rompus. Le retour au front après une permission était le plus souvent domine par le cafard, non seulement de devoir retourner au front mais aussi de ne pas avoir refuse a pleinement rétablir le contact.

La permission. Suspendue au début de la guerre, car on pensait la guerre courte, les permissions furent progressivement rétablies a parNr de décembre 1914. Robert Mahias – le permissionnaire.


Le processus de totalisa)on •

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Qualifiée souvent de guerre totale, la Grande Guerre est traversée par une dynamique de totalisa:on débouchant elle-­‐même sur une « dynamique de destruc:on » allant jusqu’à la guerre d’anéan:ssement mécanique ou industrielle sur un front largement sta:que en Europe de l’Ouest, qui trouva son plein accomplissement sous la forme de « la bataille du matériel ». La dynamique de destruc:on prit d’autres formes sur le front de l’Europe de l’Est et notamment celle d’une guerre de dévasta:on et de dépeuplement. Vers les batailles de matériel: La TSF fut de plus en plus u:lisée. En France, le canon de 75mm était un canon léger, maniable, a :r rapide, tout par:culièrement adapte a la guerre de mouvement. Un véritable culte autour de ce1e arme se développa. Cependant, il ‘s'avéra peu efficace pour me1re a mal les réseaux de tranchées allemandes. Son calibre était trop pe:t et son :r trop tendu. Dans ce but, sur la ligne de front proprement dite, on u:lisa de plus en plus les mor:ers légers ou lourds au :r courbe. Le « crapouillot », un mor:er de tranchée, prit alors le relai du 75 parmi les armes fé:ches de la Grande Guerre. La second arme la plus létale de la Grande Guerre, c’est la mitrailleuse. L’alliance du barbelé et des nids de mitrailleuses crachant des rafales de 600 coups a la minute rendait en effet infranchissable le no man’s land qui séparait les deux premières lignes de tranchées. Toujours pour briser la résistance ennemie avant l’assaut et réduire au silence les nids de mitrailleuses, la Grande Guerre pose pour la première fois l’u:lisa:on massive des gaz de combat. C'est a Ypres, le 22 avril 1915, que le palier décisif fut franchi avec la première u:lisa:on massive des gaz de combat. L’escalade culmina en juillet 1917 avec l’u:lisa:on par les Allemands d’un gaz vésicant, le gaz L’ar4llerie. Plus de 80% des soldats de toute moutarde. Il avait la par:cularité d’agir non seulement par les voies respiratoires naNonalité tues durant la Grande Guerre sont mais par la peau. Les gazes furent, tous belligérants confondus, sans doute au morts du fait de l’arNllerie. nombre de 500.000.


Le processus de totalisa)on

« Les batailles totales »: C’est lors des offensives de Champagne au début de l’année 1915, puis en Artois, que le feu domina tout pour la première fois. C’est notamment lors de ces batailles que se généralisa la « prépara:on d’ar:llerie » puis le « feu roulant » qui devait perme1re d’avancer sous la protec:on de l’ar:llerie en empêchant les Allemands de prendre leurs positons défensives. Erich von Falkenhayn, qui avait remplace Moltke a la tête des armées allemandes, encourage par ses succès offensifs sur le front oriental en 1915 et par la solidité des troupes allemandes lors des offensives françaises, souhaitait reme1re en mouvement le front occidental. C’est Verdun. Apres la prise du fort de Douaumont le 25 février, la défense de Verdun fut confiée a Pétain qui décida de défendre la ville a tout prix. A Verdun, les Français comprirent a juste :tre qu’il s’agissait de les obliger a qui1er le terrain de façon humiliante a moins de prolonger le combat par une terrible boucherie. Les Français optèrent pour la boucherie. 6000 a 8000 véhicules empruntèrent chaque jour la voie sacrée, 70 des 95 divisions de l’armée française par:cipèrent de ce1e façon a la bataille de Verdun. Verdun ne tomba pas, le front ne fut pas perce et si Falkenhayn avait bel et bien saigne l’armée française, il avait pareillement saigne sa propre armée. Les pertes furent en effet comparables, avec 160.000 tues et disparus du cote français et plus de 140.000 du cote allemand. S’y ajoutaient plus de 200.000 blesses de part et d’autre. La voie sacrée de Verdun (mars 1916). 90.000 hommes et 50.000 tonnes de matériel par semaine au plus fort de la bataille empruntèrent ceae route.

Camouflage cubiste. Les peintres mirent a profit les techniques cubistes pour dissimuler les pièces d’arNllerie et les postes d’observaNon.

Masque a gaz, modèle ARS de 1917.

Guynemer. Dans une guerre sale, les duels entre aviateurs s’apparentaient a des joutes au caractère chevaleresque.


Le processus de totalisa)on

Pendant la bataille de la Somme – en une seule journée, près de 20.000 soldats des armées de l’Empire britannique trouvèrent la mort et un peu moins de 40.000 furent blesses. Le bilan fut finalement encore plus lourd qu’a Verdun puisqu’en moins de 6 mois les pertes furent sans doute de près de 1,2 million de tues, blesses et disparus. La totalisa:on de l’arrière: Meme si le cout de la guerre est très difficile, on l’es:me généralement pour la France a 140 milliards, ce qui représente 3,8 fois son produit intérieur brut de 1913. Pour faire face a ces dépenses énormes, la plupart des gouvernements eurent recours a des stratégies similaires – la créa:on monétaire – notamment par l’émission des bons du Trésor a court terme transformes en « bons de la Défense na:onale » et l’ende1ement… Les Etats en guerre, et notamment la France, empruntent aussi bien auprès de leurs popula:ons qu’auprès de créditeurs étrangers, notamment les Etats-­‐Unis. Les Etats – dont la France – recoururent également pendant la guerre a des hausses d’impôts voire au développement de nouveaux impôts, comme l’impôt sur le revenu. Le principal ar:san de la mise en place d’un système d’imposi:on sur le revenu fut Jean Caillaux, sur le modèle de l’income tax britannique. Il y a eu également la mise en place, le 1er juillet 1916, d’un impôt de 50% sur les bénéfices de guerre. Mais par choix autant que par nécessité, la guerre totale fut totalement – ou presque – faite a crédit, ce qui sera lourd dans l’après guerre. Une révolu:on industrielle pilotée par l’Etat: La nomina:on d’Albert Thomas, ministre de l’armement en décembre 1916, cons:tue une vraie rupture. Il dota son ministère d’une équipe d’inspecteurs et de contrôleurs toujours plus nombreuse qui lui perme1ait d’avoir une idée juste de la réalité. Son ministère planifiait les produc:ons, se chargeait de repar:r les ma:ères premières et s’assurât que l’Etat avance les fonds nécessaires aux industriels. Paris et sa banlieue accrurent considérablement leur capacité industrielle pendant la Grande Guerre. Le symbole de cet accroissement industriel, c’est l’usine Citroën du quai de Javel a Paris. Alors qu’avant la guerre, environ 50.000 ouvriers travaillaient dans le secteur de l’armement, ils étaient 1,7 million en 1918. Parmi ceux-­‐ci, il y avait 420.000 ouvrières.

Atelier d'usinage et de montage a l'usine Citroën du quai de Javel, 1915. La photo illustre la pénétraNon du fordisme et des techniques de producNon moderne en France. Ceae usine compta jusqu’à 13.000 ouvrières.

Les muni4onnedes.


Le processus de totalisa)on

Marie Curie par:cipa a la créa:on de 18 unités de radiologie mobiles surnommées les « Pe:tes Curies » et par:t avec sa fille Irène a proximité du front. Les tensions de la totalisa:on: L’année 1915 fut marquée par l’entrée en guerre de l’Italie du cote de l’Entente en mai 1915. Les détroits turcs étaient restes sous le contrôle des O1omans qui interdisait de ce1e manière tout contact mari:me par la Méditerranée et la Mer Noire entre les Russes et leurs allies occidentaux. Le principal par:san d’une opéra:on pour prendre le contrôle de ces détroits était le Premier Lord de l’Amirauté, Winston Churchill. L’offensive navale conjointe britannique et française se solda par un échec. Les Allies se résolurent alors a organiser un débarquement terrestre. L’opéra:on fut un échec, le front s’enlisa rapidement. Le relief par:culièrement escarpe de certaines plages, le climat très dur, mais également la résistance tenace de l’armée o1omane et sa bonne organisa:on défensive, notamment sous les ordres du colonel Mustapha Kemal, eurent finalement raison de ce1e tenta:ve de percer le front en Orient – elle se solda par au moins 220.000 morts et blesses du cote des allies, dont 30.000 soldats de l’armée française. La date du 24 avril 1915 est habituellement retenue comme marquant le début du génocide arménien. Sur 1,2 a 1,5 millions d’Arméniens massacres, environ 100.000 a 150.000 furent tues sur place, au moins 700.000 périrent en déporta:on ensuite. Mondialisa:on du conflit: La France fut le pays en guerre ou comba`rent des hommes d’origines les plus diverses. C’est en France meme que la guerre fut effec:vement mondiale.


Le processus de totalisa)on •

La guerre sous-­‐marine a outrance poussa les sous-­‐marins allemands a a1aquer tout ce qui flo1ait, y compris les navires civils des neutres. Les pertes infligées dépassèrent les prévisions les plus op:mistes de l’état-­‐major de la la marine allemande. Le régime tsariste avait cesse d’être, laissant la place a deux pouvoirs provisoires qui n’allaient pas tarder a être concurrents, le gouvernement et le soviet de Petrograd. Afin de stopper l’hémorragie intérieure et de s’assurer le sou:en des allies comme de l’état-­‐major, le ministre de la guerre, Alexandre Kerenski, décida de la reprise des opéra:ons et procéda a une reforme de l’armée, reposant sur une déclara:on des droits du soldat et sur le limogeage des généraux les plus réac:onnaires. L’offensive, longuement expliquée préalablement aux soldats, fut lancée le 18 juin. Mais la contre-­‐offensive allemande balaya l’armée russe. Celle-­‐ci donnait raison aux Bolcheviques qui étaient pacifistes. Sous la menace du putsch Greve des midinedes, place Vendôme, mai 1917.. militaire de Kornilov, Kerenski fit appel aux bolcheviques et les réarma. Dépression et dissensions en France: Si l’opinion ne devenait pas pacifiste, elle était entrée dans une sorte de « morosité patrio:que ». L’impasse sur le front mais plus encore l’infla:on, la dégrada:on des condi:ons de vie et l’hiver rigoureux, nourrissent en fait un fort mécontentement. La pénurie se traduisit par une forte hausse des prix au début de l’année 1917. en hiver, le mouvement commença dans les ateliers de couture. En mai, les midine1es se déclarent en grève. Elles réclamaient une indemnité de vie chère et le paiement du repos le samedi après-­‐midi (la semaine anglaise). Les grèves s’étendirent d’abord aux autres professions féminines puis aux ouvrières et ouvriers de la métallurgie et des usines de guerre. L’immense majorité des ouvriers, comme l’ensemble de la na:on, con:nuait de croire qu’il n’était pas de son intérêt de perdre ce1e guerre. C’est sur ce sen:ment qu’a pu s’appuyer Clemenceau lorsqu’il s’avéra nécessaire produire l’ul:me effort.


Le processus de totalisa)on •

Produire l’ul:me effort: Pour Clemenceau, il fallait arrêter de subir la guerre totale qu’il appela « la guerre intégrale ». Il reme1ra en cause l’inamovible ministre de l’Intérieur Louis Malvy. Il nomma un gouvernement resserré qui lui était en:èrement dévoué et se réserva, en plus de la présidence du Conseil, le ministère de la Guerre. Il avait propose aux socialistes de par:ciper a son gouvernement mais ces derniers qui venaient de qui1er l’Union Sacrée et détestaient en Clemenceau « le premier flic de France », lui refusèrent la confiance. Président de la République, il se montra sans pi:é a l’égard de Malvy et meme de Caillaux, dont le seul crime avait été d’être par:san d’une paix de compromis. Il les fit arrêter et poursuivre par la Haute Cour de Jus:ce. La remobilisa:on culturelle: La popularité de Clemenceau mit 5 a 6 semaines a s’installer. Ensuite elle ne fit qu’augmenter. La majorité des Français voyaient en lui l’homme de la situa:on. Pourtant, au printemps 1918, les grèves reprirent de l’ampleur avec surtout une extension géographique de plus en plus importante et une tonalite de plus en plus révolu:onnaire et pacifique. Les grandes grèves du printemps 1918 s’arrêtèrent quand le danger allemand se fit sen:r au début de l’été. La remobilisa:on connut une seconde phase après la rupture de l’équilibre en faveur des allies, quand la paix victorieuse tant a1endue devint enfin une horizon accessible. La rupture des équilibres et l’armis:ce: Au début de l’année 1918, la situa:on militaire de l’Allemagne était encore favorable. Ludendorff et Hindenburg, le duumvirat a la tête des armées allemandes depuis aout 1916, avaient pu transférer 43 divisions du front de l’Est vers celui de l’Ouest. En revanche, a l’intérieur, l’usure de la guerre se faisait sen:r encore bien davantage en Allemagne que chez les puissances alliées. La conjugaison du blocus impose par les allies et de la militarisa:on a l’extrême de l’économie allemande, qui négligeait ouvertement les besoins des civils, provoqua en Allemagne sans doute 500.000 a 700.000 morts civils. L’avantage numérique allemand sur le front (199 divisions allemandes contre 171) risquait de disparaître avec l’arrivée des Américains. La fenêtre temporelle était donc étroite pour l’état-­‐major.

Rien que la guerre. « Ces Français que nous fumes contraints de jeter dans la bataille, ils sont des droits sur nous. Ils veulent qu’aucune de nos pensées ne se détourne d’eux, qu’aucun de nos actes ne leur soit étranger. Nous leur devons tout. Tout pour la France saignante dans sa gloire. Plus de campagnes pacifistes, plus de menées allemandes. Ni trahison, ni demi-­‐trahison: la guerre, rien que la guerre. »


Le processus de totalisa)on •

Le 21 mars 1918, Ludendorff lança sa grande offensive en Picardie. Il y appliquait les principes qui avaient été déjà en par:e expérimentés en Italie et en Lituanie. La « tac:que de rupture » visait a exploiter l’effet de surprise. La prépara:on d’ar:llerie fut limitée dans le temps et les groupes d’assaut avaient pour instruc:on d’avancer et de demeurer en mouvement le plus possible en contournant et en enveloppant les nœuds de résistance sans essayer de les réduire a tout prix. En deux jours, les troupes allemandes avaient progresse de 15 kilomètres et balaye les troupes britanniques. Un million de soldats américains étaient arrives en Europe en juillet. Ils étaient presque deux millions en novembre. La supériorité numérique avait donc ne1ement change de camp. Pétain « J’aaends les chars et les américains. »

Tank français (1917). Les tanks ne furent véritablement employés en masse – 500 – que lors de la bataille de Cambrai.

On ne passe pas (1918). Ceae affiche date des semaines qui suivirent la seconde bataille de la Marne, contre offensive qui eut lieu en juillet 1918 et mit un coup d’arrêt a l’offensive allemande.


Le processus de totalisa)on

Les grandes contre offensives alliées de 1918.


Les reconstruc)ons

La recons:tu:on progressive de la France se fait a des rythmes différenciés – « elle est rapide et efficace » -­‐ malgré des heurts et des difficultés -­‐ dans le cas des infrastructures, plus lente, incomplète, et entravée par la crise dans le domaine économique et financier et, enfin très par:elle seulement et a peine entamée dans le domaine démographique. Soudain, du jour au lendemain, ce n'était plus les enfants qui enterraient leurs parents mais les parents qui portaient le deuil de leurs enfants. La majorité des familles devait tout de meme plusieurs centaines de kilomètres pour se rendre sur les champs de bataille pour récupérer le corps ou tout simplement se rendre sur un lieu de sépulture militaire. Veuves de guerre, La Grande Guerre laissa en France derrière elle 600.000 veuves et p r è s d ’ u n m i l l i o n d’orphelins.


Les reconstruc)ons

Les dynas:es familiales étaient brisées laissant place, chez les parents, en plus du chagrin, a l’angoisse quant a l’avenir de la ferme, de l’atelier, de la bou:que ou de l’entreprise, dévolus normalement aux héri:ers males. Hommage aux morts: Le soldat inconnue devait perme1re aux familles qui ne savaient pas ou se trouvait la dépouille de leur proche tue a la guerre d’avoir un lieu pour se recueillir. A lui seul, il assumait a la fois la dimension individuelle et collec:ve de l’hommage aux morts. Apres les manifesta:ons spontanées du 11 novembre 1918 ,la première grande manifesta:on d’hommage na:onal eut lieu le 14 juillet 1919. La veille du grand défilé, le jour meme ou Joffre, Foch et Pétain, étaient faits maréchaux. A par:r du 11 novembre 1923 commence un rituel funèbre. Tous les jours, la flamme sur la tombe du soldat inconnu est ranimée. Au village, le monument signalait pour sa part les absents en meme temps qu’il transférait l’émo:on du deuil du corps vers le nom. Dans la première moiNe des années 1920, l’immense majorité des communes de France se dote d’un monument aux morts desNne a honorer la mémoire des enfants du pays morts a la guerre.

Cérémonie du 17 septembre 1927 a Verdun.

Transforma4on du cime4ère provisoire de Tracy-­‐le-­‐Mont en 1915 en nécropole militaire en 1920, A la fin de la guerre, un vif débat traversa la société française – Fallait-­‐il autoriser les familles a récupérer les dépouilles des combaaants


Les reconstruc)ons

Comme le soldat inconnu qui occupe également une posi:on centrale dans la capitale, ils sont un lien tangible entre les vivants et les morts, entre les soldats et les civils, entre le temps de la guerre et celui de la paix. Retour a la normale et reconstruc:on matérielle: le retour des hommes au foyer et au travail, malgré les conflits sociaux de 1919 et les crise de 1920-­‐1921, se fit en général sans heurts. Avant meme la naissance, en 1920, du Par: communiste qui portait une revendica:on révolu:onnaire plus radicale que les socialistes dont il était issu, ces années furent emmaillées de nombreuses grèves, parfois très longues et dures. Le retour au foyer n’était pas nécessairement synonyme ni de retour au bonheur conjugal, ni de retour au travail. Bien des couples et des familles avaient été détruits par la guerre et la situa:on économique n’était pas toujours florissante. La journée de 8 heures accordée en 1919 et le retour des femmes au foyer devaient, dans l’esprit des gouvernants, servir de variable d’ajustement, facilitant la réinser:on économique tout en calmant les revendica:ons ouvrières qui s’exprimaient avec virulence a la sor:e de guerre. Le sinistre restait maitre de ses choix: il pouvait choisir de relever les ruines détruites ou bien construire des bâ:ments nouveaux.

Marche de Lens au milieu des ravages laisses par la guerre.


Les reconstruc)ons

La reconstruc:on et la prospérité des années 1920: Pendant la guerre, par mesure de solidarité, le taux de change entre les monnaies des Allies avaient été maintenues ar:ficiellement a leur niveau de 1913. La Grande-­‐Bretagne et les Etats-­‐Unis décident de me1re fin a la suspension des changes en mars 1919. Ce faisant, ils entendent a terne revenir a un étalon-­‐or. Dans la cas du franc, ce réajustement est d’autant plus brutal qu’il s’agissait d’une monnaie forte en 1914. Du fait du gel des changes de 1914, puis du gonflement de la masse monétaire en circula:on, l’étalonnage sur l’or de la monnaie était devenu une pure fic:on et le retour au statu quo impossible dans l’immédiat. En fait, alors que les Britanniques et les Américains limitèrent le recours a l’émission monétaire et s’efforçaient de contrôler leur de1e flo1ante, la France u:lisa tous les moyens pour financer sa guerre. Le déblocage provoqua un effondrement brutal du franc, évalue a l’aune de la situa:on réelle de l’économie française et de la masse monétaire en circula:on. Il perdit en quelques mois 60% de sa valeur d’avant guerre. Persuades que « l’Allemagne paiera » et contribuera a financer la reconstruc:on, couvrir la de1e et donc rétablir la monnaie, les gouvernements commencèrent a dépenser généreusement les répara:ons de 1919, avant meme d’avoir touche le moindre pfennig. Ces poli:ques contribuent a largement a fragiliser le franc d’autant plus que le mark chute, lui aussi, du fait du chaos poli:que et économique qui règne en Allemagne, faisant s’effondrer la valeur poten:elle des répara:ons. Les habitudes budgétaires héritées des lendemains de la victoire perdurent. L’ex:nc:on progressive, a par:r de 1922-­‐1924, de la relance engendrée par la reconstruc:on, le main:en des de1es de guerre a un niveau élevé et le non-­‐ règlement des répara:ons fragilisent le franc de manière structurelle, le me1ant constamment a la merci des a1aques sur le marche des changes.

Affiche de l’emprunt na4onal de 1920, Ces emprunts étaient desNnes a financer les réparaNons, la poliNque d’indemnisaNon et la mise en place de pensions pour les anciens combaaants et a favoriser également le redémarrage du pays, dans le contexte économique difficile d’après guerre.


Les reconstruc)ons •

Les prix étaient de décembre 1920 étaient quatre fois plus élevés que ceux d’avant guerre. Ces heurts économiques n’empêchent pas cependant le pays de connaître, de manière générale, une croissance, sur la durée, et un développement économique remarquable, notamment au cours des années 1924-­‐1930. La croissance de la produc:on industrielle est alors de 5% par an et la croissance de la produc:vité de 3% avec de surcroit le retour du plein emploi. La mainmise de la France sur les mines de la Sarre permet en outre de profiter de la bonne intégra:on, héritée de l’empire allemand, entre la sidérurgie lorraine et le mines de charbon sarroises. Cependant, la part de la France dans le commerce mondial demeure faible (6% environ a la fin des années 1920), et cela malgré un rééquilibrage de la balance commerciale de la France. Ce1e performance toute modérée est liée a la faiblesse numérique de ces grosses PME qualifiées de « Mi1elstand » en Allemagne. La France est restée malheureusement depuis la Révolu:on sous un règle de pe:tes entreprises disséminées, dont les efforts se neutralisent souvent au lieu de s’addi:onner. De plus, l’idéal d’une démocra:e de pe:ts propriétaires travailleurs, entretenu par l’idéologie officielle favorise les pesanteurs et consolide la France des pe:ts.

Affiche d’un candidat de gauche pour les élec4ons législa4ves de 1928, Arrive au pouvoir en 1924, le Cartel des Gauches se heurte rapidement a des difficultés économies et financières, a la spéculaNon boursière et a la fuite des capitaux.


Les reconstruc)ons

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La double dualité du système économique français: 1. Il existe une opposi:on entre les grandes firmes, poursuivant dans les années 1920 la concentra:on industrielle entamée avant puis poursuivie pendant la guerre, et les pe:tes entreprises. Celles-­‐ci prônent souvent un autre modèle produc:f plus tradi:onnel et moins innovant, tout en recherchant des protec:ons juridiques auprès des pouvoirs publics. 2. D’autre part, il existe un dualisme sectoriel, entre des secteurs dynamiques et innovants et d’autres plus ré:fs a l’innova:on, malthusiens. La France industrielle et la France commerciale restent numériquement dominées par les très pe:tes structures que sont l’atelier et la bou:que. Tendanciellement, la proposi:on des personnes employées dans les pe:tes structures a tendance a diminuer, mais de manière très lente. La sidérurgie voit se con:nuer un processus de concerta:on et de modernisa:on commence avant, puis poursuivi pendant la guerre. Apres s’être mise au service de l’effort de guerre, ‘industrie de l’acier et de la fonte profite également du retour des provinces perdues, des besoins en matériaux de la reconstruc:on. Les banques sur la selle1e: Les banques furent accusées non seulement de ne pas assez inves:r dans l’économie na:onale mais de bien d’autres maux. A travers le contrôle exerce par ses ac:onnaires et les régents sur la Banque de France (les 200 familles), elles auraient dresse un « mur d’argent » face a la poli:que de gauche du gouvernement Herriot. Les banques ont été sans cesse accusées et leur exécu:on est intervenue avec les na:onalisa:ons de 1945, celle de la Banque de France, trop inféodée aux banques, et celle des quatre grandes banques de dépôt parisiennes.

Aménagement des fleuves au début des années 1930, Barrage de Kembs – le barrage est considéré comme l’un des exemples caractérisNques de l’architecture industrielle du début des années 1930.

Souscrip4on a l’emprunt na4onal dans les années 1930..


Les reconstruc)ons

La lente mise en place des poli:ques familiales: La ques:on de la popula:on préoccupe de plus en plus associa:ons et par:s poli:ques. Le projet de vote « familial » donnant autant de voix que d’enfants au père de famille, est examine mais rejeté en 1916. En 1922, le législateur intervient, obligeant « chaque employeur des professions industrielles, commerciales, agricoles ou libérales, a s’affilier a une Caisse de compensa:on en vue d’assurer a son personnel le bénéfice des alloca:ons familiales. » Il faut a1endre 1938 pour que le gouvernement Daladier me1re en place une véritable poli:que familiale. Ses décrets lois créaient notamment des alloca:ons familiales a taux uniforme en fonc:on de la taille de la famille et non plus des revenus et étendaient le système aux travailleurs non salaries, comme les agriculteurs ou les ar:sans. Controverse, fortement poli:se et marque a droite, objet de débat, le natalisme devient de plus en plus consensuel. L’Etat s’empare peu a peu de la ques:on. Les reconstruc:ons cons:tuent dans la toile de fond de l’histoire de France des années 1919-­‐1939 – et meme des années de la seconde guerre mondiale – et pas uniquement des premières années de l’après guerre. Elles forment les linéaments de la longue sor:e de la grande guerre. Plan de la cité-­‐jardin Ungemash de Strasbourg (1923) Aux lendemains de la grande guerre, l’industriel Ungemash, le propriétaire d’une société d’alimentaNon qui avait réalisé des bénéfices de guerre alors que l’Alsace était allemande, décide de créer avec ces profits une cite jardin. Son projet est fortement inspire d’une idéologie fortement nataliste. Les habitaNons sont spécialement conçues pour accueillir des jeunes couples désirant fonder des familles nombreuses.

Affiche pour l’Alliance na4onale pour l’accroissement de la popula4on française de 1925, La France était le premier pays a être e n t r e d a n s l a t r a n s i N o n d é m o g r a p h i q u e . S i l a préoccupaNon nataliste est alors très largement partagée, les p o l i N q u e s p u b l i q u e s e n c e domaine restent toutefois encore limitées – les mesures répressives – notamment contre l’avortement – étant préférées alors aux mesures incitaNves.


Expériences et groupes sociaux •

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Appartenir a la classe moyenne, travailler la terre ou pointer a l’usine demeurent des marqueurs fondamentaux . Ils sont cependant soumis a la fois a des évolu:ons et a des muta:ons lentes enracinées longtemps avant la grande guerre. Le monde rural entre adapta:on et muta:on lente: La France reste encore un pays majoritairement rural, d’une très grande diversité de terroirs, de types de culture et d’exploita:ons. La France des villages se couvre d’un blanc manteau de mairies-­‐écoles et d’un maillage serre de routes et de voies de chemins de fer. La poli:que des républicains a l’égard des campagnes, ce vaste mouvement de désenclavement grâce aux réseaux ferroviaires et rou:ers ne demeura pas sans succès. D’une manière générale, le monde rural sort de la guerre dans une situa:on contrastée. Les milieux paysans ont énormément souffert. Pra:quement la moi:e des comba1ants français étaient des paysans. Les ont donc été lourdes dans les villages. Entre 1911 et 1921, la popula:on rurale de la France a diminue de 8,7%. D’un point de vue économique, en revanche, l’agriculture a moins souffert d’une guerre que d’autres secteurs, hormis dans les zones de front les fermes et les prairies. De plus, les besoins énormes de l’armée en vivre et produits de toutes sortes, notamment le vin, et la hausse des prix ont profite au secteur agricole. La guerre a cependant mis en relief les faiblesses structurelles du secteur agricole. Des 1915, il fallut, en effet, recourir massivement aux importa:ons notamment de blé et de viande. L’exode rural reprend après guerre a un rythme constant. Dans les années 1920, la popula:on rurale diminue en moyenne de plus de 100.000 personnes. Dans la campagne abandonnée, celle de la montagne et des hauts plateaux, a mesure que la montagne était érigée en place forte de la conserva:on des valeurs d’a1achement au sol et a sa mise en valeur tradi:onnelle, ses habitants ne pensaient qu’a la fuir.


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Adapta:ons, travailleurs étrangers, machines, engrais et coopéra:ves: La popula:on ac:ve dans l’agriculture perd 1,8 million d’individus entre 1921 et 1936. Ce1e chute n’est que par:ellement compensée par un recours de plus en plus important a l’emploi de main d’œuvre étrangère. Mais le manque de main d’œuvre agricole explique en par:e la diminu:on du total des surfaces. L’autre muta:on importante est le mécanisa:on rela:ve de l’exploita:on agricole. Il s’agit bien davantage d’une mécanisa:on que d’une motorisa:on. A la mécanisa:on, s’ajoute un recours croissant aux engrais chimiques qui augmentent les rendements. Ce1e faible augmenta:on de surface est néanmoins en par:e compensée par le développement du mouvement coopéra:f qui s’accélère a par:r de 1918 et par:cipe de ce1e adapta:on du monde rural. Le Crédit Agricole est inséré dans la disposi:f en alimentant la trésorerie des coopéra:ves et des exploitants par des prêts a court terme qui jouent de fait le rôle d’avances de paiement sur les récoltes a venir. Les effets ne tardent pas a se faire sen:r – on passe de 650 coopéra:ves céréalières en 1935 a 1100 en 1939. Avant la guerre, près de 90% du blé produit l’est dans le cadre des coopéra:ves.

Publicité pour la potasse d’Alsace de Hansi. Ferme dans les années 1930 par Albert Harlingue. Scène des champs dans les années 1930 par François Kollar.


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Une nouvelle culture poli:que rurale? L’implanta:on du communisme dans les campagnes – comme l’avait été aussi celle du socialisme – restent limitées quan:ta:vement et géographiquement. En Bretagne, s’affrontent un courant catholique conservateur, regroupe autour des notables, et un courant démocrate chré:en. La crise provoque la créa:on du Par: Agraire et Paysan Français (PAPF). A la fin janvier 1933, leur manifesta:on parisienne dégénère en pugilat lorsque le cortège veut bifurquer de son trajet vers la Chambre des députés. Les Comites de Défense des paysans d’Henri Dorgeres apparaît alors. Deux ans plus tard, Dorgeres adosse a ses comites, « les jeunesses paysannes », qui servent de groupe de protec:on et défilent en chemises vertes. Parfois assimile rapidement a un « fascisme vert », le posi:onnement poli:que des chemises vertes s’avère plus complexe. La faiblesse rela:ve du fascisme français s’explique en grande par:e par l’absence d’une composante importante dans les mouvements fascistes français et par leur incapacité a récupérer le mouvement protestataire, ambigu sur le plan poli:que, d’un Dorgeres. En Italie ou en Allemagne, au contraire, le fascisme et le nazisme parvinrent a capter une grande par:e du mécontentement paysan a leur profit.

Publicité pour les tracteurs Renault pendant l’entre deux guerres. L’expérience acquise dans la fabricaNon des chars est reconverNe par Renault dans la fabricaNon de tracteurs agricoles des le lendemain de la guerre. Mais malgré une fabricaNon « en grande série », la pénétraNon du tracteur et la motorisaNon des campagnes sont donc indéniablement un processus lent. .


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Le Par: Social Français du colonel de La Rocque cons:tua avant la guerre une ul:me tenta:ve pour séduire les masses paysannes aux cotes des classes moyennes. Le monde ouvrier dans les années 1920 – expansion, muta:on, division: Le % de salaries du secteur secondaire passe d’un :ers environ de la popula:on ac:ve a près de 40%. La grande industrie qui prend son essor pendant le conflit, puis dans la phase de croissance des années 1920, voit émerger un nouveau type d’ouvrier : au manœuvre et a l’ouvrier qualifie s’ajoute désormais l’OS, l’ouvrier spécialisé travaillant a la chaine ou a la machine, produit de la ra:onalisa:on fordiste ou tayloriste. La loi des 8 heures de travail journalier est adoptée a l’unanimité de la Chambre en juin 1919. Les profondes divisions poli:ques du monde ouvrier: Sous l’effet conjugue de dynamiques intérieures et d’impulsions extérieures, l’encadrement poli:que et syndical du monde ouvrier se fracture profondément en 1919-­‐1921. en 1914, la CGT pouvait légi:mement revendiquer un quasi-­‐monopole de la représenta:on. La charte d’Amiens, en 1906, prévoyait, au-­‐delà de la défense des revendica:ons immédiates, une transforma:on sociale a visée révolu:onnaire et an:éta:que. Elle défendait jalousement son pré carre et son indépendance a l’égard de la SFIO. La fin de l’année 1920 est marque par un intense débat quant a l’opportunité d’adhérer a la IIIème Interna:onale, cons:tuée a Moscou sous la férule des bolcheviques. Deux par:s opposes revendiquent désormais de représenter les intérêts de la classe ouvrière: la SFIO et la SFIC (Sec:on française de l’Interna:onale Communiste). Les deux par:s ouvriers se comba1ent – souvent avec férocité – jusqu’au milieu des années 1930 en revendiquant une hégémoniste poli:que sur le monde ouvrier. La SFIC, sor:e majoritaire du Congres de Tours, adopte les statuts voulus par l’Interna:onale communiste et devient alors le PCF.

Les usines Renault sur l’ile Seguin en 1935 par Robert Doisneau. Elle devient rapidement la plus grande usine automobile du monde, employant jusqu’à 30.000 ouvriers. Ceae « usine monde » qu’était Renault Boulogne Billancourt devint également, notamment pendant le Front Populaire, un basNon des luaes ouvrières et du syndicalisme.


Expériences et groupes sociaux

Les trois premières années d’existence du nouveau par: sont rythmées par les lu1es et épura:ons internes. Elles voient fondre ses effec:fs de moi:e. Les élec:ons de 1924, qui se soldent par la victoire du Cartel des gauches, sont un double échec pour le PCF: le par: n’a1eint pas la barre des 10% et son grand rival socialiste appar:ent au camp des vainqueurs. Le par: s’ouvrierise… A la veille de la crise de 1929, 60% des adhérents du PCF sont d’origine ouvrière. Seuls la crise, puis les évènements du 6 février 1934 perme1ent au PCF de sor:r de l’ornière. Le par: profite alors de l’efficacité de son appareil, du dévouement incondi:onnel de ses cadres et militants de son enracinement local pour se relancer. Contrairement a sa rivale, les effec:fs de la SFIO croissent plus ou moins régulièrement au cours des années 1920, pour a1eindre le chiffre de 140.000 adhérents en 1932. Par le jeu des vases communicants, la SFIO profita de facto des crises et épura:ons successives du PCF. Si la SFIO se veut elle aussi un par: marxiste de la classe ouvrière, elle est en fait un par: rassemblant classes populaires et classes moyennes. La division par:sane issue du congres de Tours eut également des conséquences syndicales. Mais, contrairement au cas du congres de Tours, les « révolu:onnaires » restent ce1e fois minoritaires par rapport a une direc:on qu’ils jugent trop réformiste. La réaffirma:on des principes de la charte d’Amiens vise en premier lieu a empêcher toute inféoda:on de la confédéra:on de la SFIC. L’échec des grèves et la division syndicale ont eu raison du mouvement massif d’adhésion des lendemains de guerre, le réduisant a un feu de paille. Ce1e déprise syndicale n’est pas sans effet sur les condi:ons de vie du monde ouvrier et des classes populaires. Une période de prospérité inégalement partagée: Le nombre des grèves et des grévistes reste a un niveau rela:vement bas jusqu'en 1926. Pourtant, les ouvriers profitent moins que les autres classes sociales de la prospérité économique des années 1920. La grande guerre et l’exode d’environ deux millions de refugies favorisent le brassage des popula:ons ouvrières. Les ouvriers qualifies subissent moins la concurrence des travailleurs immigres et sont aussi bien mieux traites par le patronat. Ce sont eux qui bénéficient de la construc:on des cites-­‐jardins, des primes, des mesures paternalistes. Affiche pour le par4 communiste de Jules Grandjouan.


Expériences et groupes sociaux

Les salaires ouvriers tendent a rester bas malgré la pénurie de main d’oeuvre: ils stagnent ou ne progressent que lentement, notamment par comparaison avec les autres pays industrialises. Les corons et courées , les rares habita:ons a bon marche (HBM), les garnis, les hôtels sordides, les taudis insalubres et les bidonvilles représentent souvent les seules possibilités d’habita:on pour les classes populaires et ouvrières. Des classes moyennes de plus en plus frac:onnées: Les classes moyennes représentent un groupe social intermédiaire es:me en 1931 a environ 12 millions de Français sur 42. Les « ren:ers » qui n’étaient pas tous, loin s’en faut, de grands bourgeois , virent leurs revenus et par conséquent leur mode de vie entames par l’infla:on.

Taudis de la zone des For4fs par Albert Harlingue

Publicité pour Renault par Robert Doisneau


A l’ombre du château nobles et manants

Les nobles ont engendre une noblesse: Le roi en Ile-­‐de-­‐France, les princes ou les barons ailleurs, tous les grands entendent faire régner la paix a l’intérieur de leurs Etats – l’Eglise, première vic:me des violences débridées, y incite d’ailleurs depuis longtemps la chevalerie en promouvant la paix puis la trêve de Dieu, en lui interdisant sous peine des plus terribles sanc:ons spirituelles d’opprimer « les pauvres ».

Henri II Plantagenet, devenu duc d’Aquitaine par son mariage avec Aliénor, l’héri:ère du duché, entreprend de me1re a la raison ses vassaux de Bretagne, du Poitou ou des pays de la Charente, au prix d’in:midantes expédi:ons guerrières. Cependant, l’empire Plantagenêt est plus qu’a demi anéan: au nord en 1204 par les offensives du roi capé:en contre Jean sans Terre – mais le souverain d’Angleterre :ent toujours au XIIIème siècle Bordeaux et la Gascogne. Pour parvenir a ses fins, Henri II fut le premier a employer a grande échelle des soldats mercenaires, des rou:ers. Ces terribles professionnels du combat ne reçoivent ni même ne recherchent le qualifica:f de chevaliers. Le vassal doit aide a son seigneur dans quatre cas: -­‐ contribu:on a ses frais pour la croisade, -­‐ paiement de sa rançon. Bertrand de Born. Il a fière allure, le -­‐ contribu:on pour la chevalerie de son fils, troubadour, Bertrand de Born, qui se fit le chantre de l’allégresse ressenNe au combat! -­‐ contribu:on au mariage de sa fille, Bientôt les chevaliers se disent nobles eux-­‐mêmes et forcent ainsi l’entrée dans une nouvelle . classe sociale, la noblesse. Celle-­‐ci se reconnaît a un certain nombre de rituels agréga:fs, le plus significa:f étant celui de l’adoubement – un coup porte du plat de l’épée sur son épaule afin d’a1ester sa résistance physique – c’est la « colée ». Ce1e noblesse partage des valeurs que l’on qualifie désormais de « courtoises », en opposi:on a la grossièreté supposée des rustres paysans. Elle se caractérise par le refus obs:ne du travail manuel et le rejet de toute ac:vité tenue pour vile, le commerce de détail par exemple.

Cérémonie d’adoubement.


Les villes

Les fruits de l’histoire: En dehors de Marseille et de Nice fondées par des colons grecs, les plus anciens centres de popula:on agglomérée apparus dans ce qui était encore la Gaule, sont issus de la volonté des Romains d’appliquer a leur nouvelle province les cadres habituels d’une administra:on organisée autour de. La plupart de ces cites ont du s’entourer de remparts en raison des incursions barbares du IIIème siècle et, par la suite, certaines ont sombre, balayées en même temps que la civilisa:on dont elles étaient la vitrine. La plupart des villes moyennes ou importantes de la France doivent en fait leur main:en a la résidence en leurs murs d’un évêque, :tulaire de l’église cathédrale. La géographie des implanta:ons mendiantes permet de déterminer l’importance rela:ve des villes. En 1330, on abou:t pour la France dans ses limites actuelles a une de 226 villes comportant des couvents de Mendiants. L’enceinte: Capitale du royaume, Paris dispose d’une muraille modèle, celle de Philippe Auguste, précédée d’un fosse de dix mètres de largeur et d’une profondeur presque similaire. Les fonc:ons de la muraille sont autant symboliques que pra:ques en un siècle ou règne, pour l’essen:el, la paix. La ville étend souvent son ban (son pouvoir de commander) sur un rayon d’une lieue (4400 km) et est en droit de mobiliser les habitants de ce « circuit » soumis par ailleurs a sa loi (sa coutume). C’est sa banlieue. Des dizaines de mé:ers sont charges par roulement de la surveillance des portes et de la lu1e contre les incendies. Le château devient le lieu de garnison d’une troupe de soldats professionnels, charges sous les ordres d’un capitaine de surveiller la cite et d’y assurer le respect de l’autorité.

Aigues-­‐Mortes. Le domaine capéNen ne possède qu’une fenêtre étroite sur la Méditerranée. C’est la que saint Louis fonde un port nouveau que les alluvions du Rhône envasent rapidement.


Douce France? •

Un credo simple: Une lente évolu:on a permis de passer au siècle précédent de la croyance en des « feux purgatoires » indécis dans lesquels l’âme pècheresse subissait les tourments quasi éternels appelés par ses fautes, a celle d’un lieu spécifique inscrit dans la géographie de l’au-­‐delà, le Purgatoire qui accueille le plus grand nombre des âmes en peine. L’enfer se trouve réservé aux pécheurs irrécupérables, païens, héré:ques endurcis, et spécialement aux ennemis de la foi qui ont refuse ou rejeté la Révéla:on divine. Et presque personne non plus ne pénètre directement au Paradis des justes, hormis quelques saints et une poignée d’âmes d’élite signalées par leurs vertus et une vie sans tache. Le purgatoire diffuse un message plutôt op:miste, car il représente un sas ouvrant a terme sur le salut, un temps d’expia:on nécessaire. La piété infléchît le courroux du Seigneur (l’Eglise accorde des « indulgences » en retour de certains actes volontaires, de dévo:on, le pèlerinage en par:culier). La dévo:on a Marie, mère du Dieu incarne, a connu une large expansion au cours du XIIème siècle (tous les monastères cisterciens et la plupart des cathédrales gothiques lui sont consacres). Marie intègre de plus en plus la configura:on divine: les Franciscains commencent a développer l’idée de son Immaculée Concep:on, laquelle accorde a la mère du Fruit divin un statut éminent parmi toutes les femmes. Désormais, Dieu est amour. L’humanité glorieuse du Christ se trouve partout exaltée: la période suivante insistera sur les affres de sa Passion plus douloureusement ressen:e au milieu des troubles et des calamites.

La Vierge dorée. Cathédrale d’Amiens. Elle est légèrement hanchée, le poids du corps portant sur une seule jambe. C’est la première des vierges hanchées.


Des temps incertains •

L’essoufflement de l’épopée des cathédrales en premier lieu. Apres 1270, l’innova:on architecturale se tarit. Et, fait symbolique, le chœur de saint Pierre de Beauvais s’effondre en 1284. Non du reste parce que l’art de bâ:r a franchi ses limites, mais parce que la par:e construite avait besoin d’être épaulée par de nouvelles travées, qui ne sont pas venues, faute de financement. Dégrada:on de la conjoncture après 1270: Une famine très brutale frappe l’Europe du Nord-­‐Ouest, de 1315 a 1317. Elle s’accompagne d’une grande mortalité. La répé::on des famines et des mortalités révèle une disjonc:on entre la produc:on des subsistances et la popula:on. Depuis 1250, toutes les terres cul:vables sont occupées. Les défrichements se bloquent en gros vers 1250 – il faut respecter l’équilibre ager-­‐saltus: la nécessite de conserver, a cote de l’espace mis en culture, des friches et des bois, qui sont indispensables pour servir de pâture aux animaux et fournir le bois u:le aux instruments aratoires et autres, au chauffage et au feu de cuisine, aux habita:ons aussi; on reste alors dans une civilisa:on du bois. En conséquence, pour que la produc:on progresse, l’agriculture doit devenir intensive – ainsi chaque exploita:on doit diversifier sa produc:on. Mais, dans le royaume de France, a ce1e époque, domine la micro exploita:on, souvent inférieure a deux hectares. Misère paysanne: Le moindre incident clima:que place les micro exploita:ons paysannes dans une situa:on très difficile. La pe:te paysannerie doit donc souvent s’ende1er pour solder les prélèvements auxquels elle se trouve soumise. L’ende1ement rural se généralise au fil du temps. Les paysans parcellaires et les manouvriers ne doivent leur survie, en période ordinaire, qu’au travail qu’ils effectuent au manoir ou chez leurs voisins aises. Encore sont-­‐ils contraints de vendre leurs bras a bon marche, en raison de la pression démographique et de l’infla:on qui écrête les salaires.

L’ange au sourire. Cathédrale de Reims.


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