Dossier Pour la Science n°77 - Les végétaux insolites (extrait)

Page 1

pourlascience.fr/dossiers

Le magazine thématique de l'actualité scientifique

N° 77 Octobre-Décembre 2012

les végétaux insolites L’inventivité sans limite des plantes

POUR LA SCIENCE • DOSSIER N° 77 • OCTOBRE-DÉCEMBRE 2012

LES VÉGÉTAUX INSOLITES

DOSSIER

Les plantes à sang chaud Le feu bienfaiteur Les plantes presque carnivores Le secret des truffes

e x t Les p ra t l a n e r r te es s tre s

M 01930 - 77 - F: 6,95 E - RD

3:HIKLTD=UU[^ZZ:?a@k@r@h@a;

Belgique : 8,20 € - Canada /S : 11,50 CAD - Guadeloupe/St Martin /S : 8,25 € - Guyane /S : 8,25 € - Luxembourg : 7,80 € - Maroc : 90,00 DH - Martinique /S : 8,25 € - Nlle Calédonie Wallis /A : 2120 F.CFP Nlle Calédonie Wallis /S : 1170 F.CFP - Polynésie Française /A : 2120 F.CFP - Polynésie Française /S : 1170 F.CFP - Portugal : 7,90 € - Réunion /S : 8,25 € - Suisse : 15 CHF.


Complétez

5,90   e dè s l

votre collection !

e 2e n ache uméro té !

No 76 – juill.-sept. 2012 q réf. 077676

No 75 – avr.-juin 2012 q réf. 077675

No 74 – janv.-mars 2012 q réf. 077674

No 73 – oct.-déc. 2011 q réf. 077673

No 72 – juill.-sept. 2011 q réf. 077672

No 71 – avr.-juin 2011 q réf. 077671

No 70 – janv.-mars 2011 q réf. 077670

No 69 – oct.-déc. 2010 q réf. 077669

No 68 – juill.-sept. 2010 q réf. 077668

No 67 – avr.-juin 2010 q réf. 077667

No 66 – janv.-mars 2010 q réf. 077666

No 64 – juill.-sept. 2009 q réf. 077664

No 63 – avr.-juin 2009 q réf. 077663

No 62 – janv.-mars 2009 q réf. 077662

No 61 – oct.-déc. 2008 q réf. 077661

No 60 – juill.-sept. 2008 q réf. 077660

No 59 – avr.-juin 2008 q réf. 077659

No 56 – juill.-sept. 2007 q réf. 077656

Plus d’archives sur www.pourlascience.fr

Bon de commande

à retourner accompagné de votre règlement à : Groupe Pour la Science • 628 avenue du Grain d’Or • 41350 Vineuil

q Oui, je commande des numéros de Dossier Pour la Science au tarif unitaire de 5,90 e dès le 2e acheté. Je reporte ci-dessous les références

J’indique mes coordonnées : Nom : Prénom :

0 1 x 6,95 e =

6, 9 5 e

2e réf.

x 5,90 e =

e

3e réf.

x 5,90 e =

e

4e réf.

x 5,90 e =

e

5e réf.

x 5,90 e =

e

6e réf.

x 5,90 e =

e

Je choisis mon mode de règlement :

e

q par chèque à l’ordre de Pour la Science q par carte bancaire

(4,90 e France – 12 e étranger) +

q Je commande également la reliure

(capacité 12 nos) au prix de 14 e Total à régler

+

e e

CP :

Ville :

Pays :

Tél.*: *Pour le bon suivi de votre commande

Je souhaite recevoir la newsletter de Pour la Science à l’adresse e-mail suivante (à remplir en majuscule) :

@

Signature obligatoire

No Date d’expiration

Clé

(les 3 chiffres au dos de votre CB)

En application de l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978, les informations ci-dessus sont indispensables au traitement de votre commande. Elles peuvent donner lieu à l’exercice du droit d’accès et de rectification auprès du groupe Pour la Science. Par notre intermédiaire, vous pouvez être amené à recevoir des propositions d’organismes partenaires. En cas de refus de votre part, merci de cocher la case ci-contre q.

Offre valable jusqu’au 31.12.2012.

Frais port 802980

Adresse :

1re réf.

VPDOS77

à 6 chiffres correspondantes aux numéros commandés :


ÉDITORIAL 8, rue Férou 75278 PARIS CEDEX 06 • Tél : 01-55-42-84-00 • www.pourlascience.fr Commande de dossiers ou de magazines : 0-805-655-255 (numéro vert gratuit) POUR LA SCIENCE Directrice de la rédaction : Françoise Pétry Pour la Science Rédacteur en chef : Maurice Mashaal Rédacteurs : François Savatier, Marie-Neige Cordonnier, Philippe Ribeau-Gésippe, Guillaume Jacquemont et Sean Bailly Dossiers Pour la Science Rédacteur en chef adjoint : Loïc Mangin Cerveau & Psycho/L’Essentiel Cerveau & Psycho Rédactrice en chef : Françoise Pétry Rédacteurs : Sébastien Bohler et Bénédicte Salthun-Lassalle Directrice artistique : Céline Lapert Secrétariat de rédaction/Maquette : Annie Tacquenet, Sylvie Sobelman, Pauline Bilbault, Raphaël Queruel, Ingrid Leroy Site Internet : Philippe Ribeau-Gesippe assisté de Yoan Bassinet Marketing : Élise Abib Direction financière : Anne Gusdorf Direction du personnel : Marc Laumet Fabrication : Jérôme Jalabert, assisté de Marianne Sigogne Presse et communication : Susan Mackie Directrice de la publication et Gérante : Sylvie Marcé Conseillers scientifiques : Philippe Boulanger et Hervé This Ont également participé à ce numéro : Emmanuel Gaquerel PUBLICITÉ FRANCE Directeur de la publicité : Jean-François Guillotin (jf.guillotin@pourlascience.fr), assisté de Nada Mellouk-Raja Tél. : 01 55 42 84 28 ou 01 55 42 84 97• Fax : 01 43 25 18 29 SERVICE ABONNEMENTS Ginette Bouffaré. Tél. : 01 55 42 84 04 Espace abonnements : http://tinyurl.com/abonnements-pourlascience Adresse e-mail : abonnements@pourlascience.fr Adresse postale : Service des abonnements 8, rue Férou - 75278 Paris cedex 06 Commande de dossiers ou de magazines : 0-805-655-255 (de l’étranger : +33-805-655-255) DIFFUSION POUR LA SCIENCE Contact kiosques : À Juste Titres Benjamin Boutonnet Tél : 04.88.15.12.41 Canada : Edipresse : 945, avenue Beaumont, Montréal, Québec, H3N 1W3 Canada. Suisse : Servidis : Chemin des Châlets, 1979 Chavannes - 2 - Bogis Belgique : La Caravelle : 303, rue du Pré-aux-oies - 1130 Bruxelles. Autres pays : Éditions Belin : 8, rue Férou - 75278 Paris Cedex 06. SCIENTIFIC AMERICAN Editor in chief : Mariette Di-Christina Editors : Ricky Rusting, Philip Yam, Gary Stix, Davide Castelvecchi, Graham Collins, Mark Fischetti, Steve Mirsky, Michael Moyer, George Musser, Christine Soares, Kate Wong

D

u 20 au 24 août 2012, s’est tenu à Clermont-Ferrand le viie colloque international de biomécanique des plantes. Plusieurs interventions étaient dédiées à des nouveaux matériaux et dispositifs inspirés du monde végétal. Par exemple, des élastomères autoréparants reproduisent les mécanismes, dépendant de la pression, mis au jour dans les lianes Aristolochia macrophylla. Le cas n’est pas unique et l’on peut citer les verres non mouillables fondés sur l’effet lotus, des pare-chocs en mousse imitant la peau des pamplemousses... Les propriétés des plantes font le bonheur des ingénieurs.

Les plantes, une source d’inspiration intarissable Ils ne sont pas les seuls à chercher des idées dans le règne végétal. Certains philosophes invitent à s’inspirer des plantes et de leur fonctionnement pour inventer une nouvelle façon de penser le monde. Ils suggèrent de mieux tenir compte de la diversité et de la richesse des relations entre humains et non-humains. L’Union internationale pour la conservation de la nature (uicn) qui s’est réunie lors du Congrès mondial de la nature, du 6 au 15 septembre 2012, sur l’île de Jeju, en Corée du Sud, a peut-être proposé une première application de cette idée. Dans leur déclaration finale, les organisateurs ont affirmé que : « La nature est une grande part de la solution à certains des défis les plus urgents de notre planète, tels le changement climatique, l’énergie durable, la sécurité alimentaire et le développement économique et social. » Là encore, il s’agit de s’inspirer, entre autres, du monde végétal. Kant déplorait l’absence d’un « Newton du brin d’herbe », mais ce serait supposer que des lois simples suffiraient à rendre compte de la fantaisie et de l’ingéniosité du monde végétal. Découvrons donc ces organismes qui ont tant à nous apprendre !

President : Steven Inchcoombe/Vice President : Frances Newburg Toutes demandes d’autorisation de reproduire, pour le public français ou francophone, les textes, les photos, les dessins ou les documents contenus dans la revue « Pour la Science », dans la revue « Scientific American », dans les livres édités par « Pour la Science » doivent être adressées par écrit à « Pour la Science S.A.R.L. », 8, rue Férou, 75278 Paris Cedex 06.

Loïc MANGIN

© Pour la Science S.A.R.L. Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et de représentation réservés pour tous les pays. La marque et le nom commercial « Scientific American » sont la propriété de Scientific American, Inc. Licence accordée à « Pour la Science S.A.R.L. ». En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement la présente revue sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins - 75006 Paris). La couverture : ©Viktor Deak/ www.anatomicalorigins.com Ce numéro comporte un encart d’abonnement Pour la Science broché page 96 sur la totalité du tirage.

1


LES VÉGÉTAUX INSOLITES L’inventivité sans limite des plantes Une biologie d’exception

8

Les végétaux existent-ils encore ?

Marc-André SELOSSE

14

La cellulose,un acier végétal

Guislaine Refrégier, Herman Höfte et Samantha Vernhettes

22 ENTRETIEN AVEC Bruno MOULIA

La perception des plantes

24 L’arsenal immunitaire des plantes

Pierre ABAD et Bruno FAVERY

32 Le vent et la dispersion des plantes

Ángel Felicísimo et Jesús Muñoz

38 EN IMAGES

Légendes, idées reçues et croyances

40 Attracteurs étranges

2

en Australie

Aline Raynal-Roques et Albert Roguenant

48 Le parfum des fleurs :

entre séduction et répulsion

Eran Pichersky

54 La floraison élucidée François Parcy

Le bestiaire du monde végétal

62 Les plantes

presque carnivores

Albert Roguenant et Aline Raynal-Roques

66

ENTRETIEN AVEC Jean-Louis Morel

Des plantes pour dépolluer les sols

68  La couleur des plantes

extraterrestres Nancy KIANG

74 Des fleurs à « sang chaud »

Marc Gibernau et Denis Barabé

82

Les plantes-phénix : régénérées par le feu

Aline Raynal-Roques et Albert Roguenant LES VÉGÉTAUX INSOLITES © POUR LA SCIENCE


➜ www.pourlascience.fr/emplois

Shutterstock.com/ Lori Howard

Nouveau service d’offres d’emplois scientifiques sur

en partenariat avec

Avant-propos de Francis HALLÉ N° 77 Octobre-Décembre 2012

Des alliances pour le meilleur

88

Des plantes et des fourmis

Rumsaïs Blatrix et Doyle McKey

94

EN IMAGES L’Horloge de Flore : quand les fleurs donnent l’heure !

96

Ginkgo biloba : le rescapé et son algue

Jocelyne Trémouillaux-Guiller

102 Les plantes qui mangent

les champignons

Marc-André SELOSSE et Mélanie ROY

108 L’arganier et ses champignons

Rachida NOUAÏM et Rémi CHAUSSOD

114 Les truffes :

au cœur des écosystèmes

James Trappe et Andrew CLARIDGE

120  À LIRE EN PLUS DOSSIER N°77 / OCTOBRE-DÉCEMBRE 2012 / © POUR LA SCIENCE

 Chaque semaine, plus de 8000 offres d’emploi dans le secteur des sciences.  En un clic la sélection des postes à pourvoir en France et dans les pays francophones ou voisins.  Une équipe Naturejobs spécialisée, au service des recruteurs francophones. Contact : Muriel Lestringuez E-mail : m.lestringuez@nature.com Tél. : +44 20 7843 4994

fr Le site de référence de l’actualité scientifique


Les plantes, à l’égal de l’homme P

our nos ancêtres, la Terre était immobile au centre de l’Univers, le Soleil et les autres étoiles faisant la ronde autour d’elle. Cette théorie du géocentrisme, défendue par Aristote et Ptolémée, a perduré jusqu’au xvie siècle. À cette époque, Nicolas Copernic, inspiré par l’astronome grec Aristarque de Samos, place le Soleil au centre de l’Univers, et la Terre en orbite autour de l’étoile. Ce nouveau modèle héliocentrique s’impose progressivement, rétablissant une réalité moins flatteuse pour notre planète. Ce n’était qu’un début, car aujourd’hui le Soleil n’est plus qu’une étoile ordinaire, aux confins d’une galaxie elle aussi ordinaire parmi des milliards d’autres.

L’inexorable descente du piedestal Autre déconvenue pour l’homme, sa place dans la nature. Conçu comme une créature divine, l’homme ne pouvait être le produit d’une évolution biologique et n’était donc pas de nature animale : il était à part ! Là aussi, les évolutionnistes, notamment Jean-Baptiste de Lamarck et Charles Darwin, et les anthropologues se sont chargés de rétablir la vérité, nous contraignant à évacuer la position quasi divine que nous nous étions octroyée ! Notre nature animale ayant finalement été admise, au moins étions-nous la seule espèce animale à faire preuve de jugement, de sensibilité, de parole, de conscience, d’intelligence, de créativité, la seule à savoir rire, la seule à prendre soin de ses morts... Ces points de vue ont été relativisés par les résultats des éthologues et semblent de plus en plus battus en brèche. Ainsi, par exemple chez les singes, on peut observer l’élaboration d’outils, la transmission de comportements culturels, les ébauches d’un langage structuré, les prémices d’un sens moral... 4

Notre place dans l’évolution biologique admise, un consensus s’est dégagé : l’homme est le sommet de cette évolution, seule la première place étant digne de nous ! Allons-nous devoir évacuer le sommet de l’évolution, ou au moins le partager ? Ce Dossier consacré aux plantes insolites pose la question. Doyle McKey y répond dans son article (voir Des plantes et des fourmis, par R. Blatrix page 88) : « L’homme a toujours considéré les plantes moins élaborées que les animaux. Pourtant, les résultats des travaux récents prouvent qu’elles le sont tout autant. » L’homme descend, marche après marche, de son piédestal et retrouve une place plus modeste parmi les autres êtres vivants. Il me semble que les problèmes écologiques auxquels nous faisons face ne trouveront pas de solution tant que nous nous considérerons comme supérieurs à la nature. Dans une certaine mesure, le recul de l’anthropocentrisme se confond avec l’histoire des progrès de la science. Malheureusement, l’obscurantisme relève la tête en ce début de xxie siècle. OutreAtlantique, il manifeste même une vigueur digne des pires pestes végétales ! Les articles de ce Dossier fournissent des arguments qui vont dans le bon sens. Ils font espérer que les plantes nous permettront d’atteindre la prochaine étape de la très longue histoire du recul de l’anthropocentrisme ! Toutefois, à leur lecture, on remarque que notre langage est mieux adapté à la description des animaux qu’à celle des plantes. Pour attirer et retenir l’attention, une métaphore animale ou humaine est peut-être préférable. On doit donc lire entre les lignes une série d’expressions : le Ginkgo est « l’arbre qui pond des œufs » (voir Ginkgo biloba : le rescapé et son algue, par J. Trémouillaux-Guiller, page 96) ; le Sucepin et la Pyrole « aiment les champignons » (voir Les plantes

Shutterstock/Shee See Kiong

Les plantes seraient inférieures aux autres organismes vivants ? Pourtant, à observer leurs adaptations et le niveau de complexité qu’elles ont atteints, on doit se rendre à l’évidence : elles sont au moins aussi évoluées que les animaux, l’homme y compris !


AVANT-PROPOS

Francis HALLÉ est professeur émérite à l’Université de Montpellier. Il est spécialiste de l’écologie et des forêts primaires.

Certains arbres sont timides : ils maintiennent une distance minimale entre les branches de leurs cimes.


Attracteurs étranges Les orchidées australiennes, isolées sur le continent, ont recours à diverses stratégies originales de pollinisation, chaque espèce, ou presque, étant spécifiquement liée à un insecte. Elles ont développé des leurres, ainsi que des pièges à bascule ou à ressort !

Aline Raynal-Roques

est professeur honoraire au Muséum national d’histoire naturelle, à Paris.

Albert Roguenant est naturaliste, spécialiste des broméliacées.

A

nimaux et plantes n’ont qu’un seul objectif pour auquel l’ensemble de leurs fonctions (nutrition, alimentation, perception…) est dédié : assurer leur descendance. C’est sur cette « obsession » que se fonde la sélection naturelle. Chaque organisme est ainsi adapté et a acquis des mécanismes fonctionnels pour remplir cette mission. Pour les plantes, le problème est particulier, en raison de leur immobilité. La plupart des espèces de plantes à fleurs le résolvent en portant les organes des deux sexes : certaines plantes peuvent s’autoféconder. Toutefois, cette autogamie, ou autoreproduction, autorise peu de variations parmi les descendants et entraîne l’appauvrissement de la diversité génétique. La reproduction croisée, ou allogamie, n’a pas ces inconvénients : fondée sur une sexualité semblable à celle des animaux, elle enrichit la diversité biologique. Cependant, elle oblige à recourir à un tiers, qu’il convient d’attirer… Chez les plantes allogames, des grains de pollen sont prélevés sur l’organe mâle d’une plante, l’étamine, puis transportés et déposés sur l’organe femelle, le stigmate, d’une autre plante ;

Labelle

Gynostème

le grain de pollen émet des spermatozoïdes qui atteindront l’ovule pour le féconder. Chez les orchidées, les grains de pollen sont généralement assemblés en pollinies transportées le plus souvent par des insectes. Lors d’une visite, les pollinies se collent sur la tête, le thorax ou l’abdomen du collecteur involontaire et seront déposées sur le stigmate d’autres fleurs. Les fleurs doivent donc attirer les pollinisateurs. Pour ce faire, les plantes ont développé des stratégies complexes, qui répondent aux besoins de nourriture et aux instincts de reproduction des pollinisateurs. Nous détaillerons plusieurs exemples de ces techniques d’attraction chez les orchidées australiennes après avoir rappelé leur anatomie et décrit les caractéristiques de la perception de leurs principaux pollinisateurs. Pourquoi l’Australie ? Sur ce continent, la faune et la flore montrent à la fois d’anciennes adaptations et une riche diversification moderne d’organisations morphologiques, de fonctionnements biologiques et de stratégies reproductives. Le déplacement en latitude du continent (du Sud vers le Nord) entraîna des bouleversements climatiques et donc des migrations animales et végétales. Ces


BIOLOGIE

en Australie déplacements, associés à un long isolement de l’Australie, ont favorisé des adaptations, inconnues ou presque, sur les autres continents. C’est ainsi que sont apparus, se sont maintenus et se sont diversifiés les marsupiaux, les monotrèmes et autres animaux, insectes compris, ainsi que la plupart des plantes australiennes indigènes.

Toutes les images ont pour copyright Aline Raynal-Roques et Albert Roguenant.

Une organisation florale typique Les fleurs de toutes les orchidées, y compris celles d’Australie, ont une organisation morphologique identique (voir la figure page suivante). Le gynostème porte le stigmate (l’organe femelle) et, à son sommet, les pollinies (les organes mâles). Les orchidées épiphytes, c’est-à-dire qui croissent sur d’autres plantes, ressemblent à celles d’autres continents. En revanche, les orchidées terrestres australiennes ont des structures originales, souvent complexes. Malgré l’unité d’organisation, les organes ont parfois des aspects, des ports et des fonctions très différents. Leurs fleurs se sont dotées d’attracteurs visuels ou olfactifs, parfois hautement spécialisés. Ceux de certaines orchidées terrestres australiennes sont uniques. Comment les pollinisateurs les détectent-elles ? Les insectes visitent les fleurs pour se nourrir. Ils les repèrent de loin à leur odeur, et de près à leur forme et à leur couleur. Ce sont souvent des individus femelles ou asexués, telles les abeilles domestiques, à la recherche de nourriture, de cires ou d’huiles pour la colonie, qui butinent de nombreuses espèces d’orchidées, pour peu

que du nectar ou du pollen soit proposé. Dans certains cas, la pollinisation est accomplie par des insectes mâles qui, dès leur éclosion, se mettent instinctivement à la recherche d’une femelle. Jeunes et sans expérience, ils sont attirés par les odeurs de phéromones sexuelles. Or les fleurs de nombreuses orchidées émettent de telles odeurs, nous y reviendrons. Rappelons que les phéromones sexuelles sont des substances odorantes émises par l’un ou l’autre des sexes d’une espèce animale pour attirer un partenaire du sexe opposé. Souvent une seule espèce d’insecte butine une seule espèce d’orchidée. Ainsi, la pollinisation intervient entre fleurs de la même espèce. Le phénomène inverse est très rare, le croisement conduisant à la production d’un hybride. Les pollinisateurs des orchidées australiennes sont surtout des hyménoptères (abeilles, guêpes…) qui sont sensibles aux deux types d’attracteurs, visuels et olfactifs. L’Australie, outre les abeilles domestiques, est particulièrement riche en hyménoptères sauvages. Nos connaissances sur la perception chez les insectes est fondée pour l’essentiel sur les études expérimentales faites sur les abeilles domestiques et leurs mâles. L’abeille a deux gros yeux à facettes, composés chacun de près de 7 000 yeux élémentaires nommés ommatidies. Chaque ommatidie fonctionne comme un œil indépendant qui capte l’information lumineuse et c’est au niveau du cerveau qu’une image en mosaïque est reconstituée. L’abeille est également pourvue de trois ocelles sur sa face, au-dessus et entre les yeux, qui perçoivent

L’ESSENTIEL ➥➥ Les orchidées d’Australie ont développé des stratégies➥ de pollinisation inédites ailleurs. ➥➥ En association étroite avec les insectes, elles sont passées maîtres dans l’art de les attirer. ➥➥ Certaines offrent de la nourriture, d’autres imitent des fleurs visitées par les pollinisateurs. ➥➥ D’autres encore sont dotées d’ingénieux pièges, par exemple à bascule ou à ressort, qui contraignent les insectes à les polliniser.

La fleur de Paracaleana minor se referme rapidement dès qu’un insecte, attiré par l’odeur, touche le point sensible du labelle. L’animal est alors piégé dans le gynostème où, se débattant, il se couvre de pollen. Il sera libéré peu après, indemne.


Les plantes-phénix : Pour la végétation, le feu est souvent synonyme de destruction. Pourtant, certaines plantes tirent profit des incendies, voire s’y sont adaptées et ne peuvent plus fleurir sans lui !

A Aline Raynal-Roques

est professeur honoraire au Muséum national d’histoire naturelle, à Paris.

Albert Roguenant

est naturaliste, spécialiste des broméliacées.

ux États-Unis, dans les forêts de séquoias (Sequoiadendron giganteum), les plus grands arbres atteignent près de 85 mètres de hauteur et leur tronc 10 mètres de diamètre. En certaines occasions, on peut y voir des militaires allumant des feux au lanceflammes. Entraînement ? Inconscience ? Pas du tout. Dans un souci louable de prévention, les autorités forestières avaient souhaité éviter les incendies et avaient donc, par exemple, fait débroussailler la zone. Mal leur avait pris, car en agissant de la sorte, sans le savoir, elles limitaient notablement le renouvellement de ces grands arbres. En effet, le séquoia produit des petits cônes qui ne s’ouvrent qu’après une forte élévation de la température : un incendie libère donc les graines ! Qui plus est, le feu lève leur dormance et facilite leur germination. En d’autres termes, le feu est indispensable à la régénération


régénérées par le feu

L’ESSENTIEL ➥➥ Les incendies ravagent les forêts pendant l’été et➥ la saison sèche.

Raymond Gehman/Corbis

➥➥ Ce feu, lorsqu’il➥ est modéré, est propice à➥ la régénération des forêts➥ et des savanes. Les forêts de sÉquoias, aux États-Unis, ne se renouvellent qu’après un incendie. Aussi, pour pallier les mesures de protection prises par les autorités, les militaires allument des feux maîtrisés.

➥➥ Qui plus est, certaines espèces➥ de plantes ne peuvent fleurir qu’après➥ le passage d’un feu.


Les plantes qui mangent les champignons L’idée que les plantes vertes sont exclusivement photosynthétiques souffre de notables exceptions : certaines, notamment des orchidées, préfèrent se régaler du carbone que leur offrent des champignons. Quelques-unes sont si indépendantes de la lumière qu’elles sont sans chlorophylle : elles sont albinos !

est professeur à l’Université Montpellier II, chercheur au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive et président de la Société botanique de France.

Mélanie ROY

est maître de conférences au Laboratoire évolution et diversité biologique de l’Université Paul Sabatier à Toulouse.

L’ESSENTIEL ➥➥ Certaines plantes sont indépendantes de la lumière pour se nourrir. ➥➥ Elles vivent aux crochets de champignons associés à leurs racines et à celles d’arbres voisins. ➥➥ Ces plantes dites mycohétérotrophes sont notamment des orchidées. ➥➥ Toutefois, certaines➥ espèces sont encore en➥ partie photosynthétiques :➥ elles sont mixotrophes. ➥➥ La mixotrophie➥ serait apparue avant➥ la mycohétérotrophie.

102

E

n 1818, le botaniste britannique Joseph Arnold arpente les forêts d’Indonésie. Probablement attiré par une odeur pestilentielle, il découvre une fleur étrange, qu’il nomme Rafflesia en hommage au chef militaire de l’expédition, sir Thomas Raffles. La plante attire les pollinisateurs, des mouches, en émettant des fragrances de viande en décomposition. Ce n’est pas sa seule particularité. En effet, elle forme les plus grandes fleurs connues : elles atteignent chez Rafflesia arnoldii près d’un mètre de diamètre pour un poids de dix kilogrammes ! Plus surprenant encore, cette fleur n’a ni tige, ni feuille, ni racine. Elle est dépourvue de chlorophylle et donc incapable de photosynthèse. Comment se nourrit-elle ? En parasitant les racines d’autres plantes, dont la sève lui fournit les sucres qu’elle est incapable de synthétiser. Sous nos latitudes, ce mode de vie est aussi celui des orobanches, qui parasitent les plantes sauvages et cultivées, notamment le colza. Toutefois, d’autres plantes non chlorophylliennes, souvent forestières, ne sont pas des parasites. Les ouvrages d’autrefois les qualifiaient de « saprophytes », sous-entendant qu’elles exploitent la matière organique morte du sol. Pourtant, leurs racines, peu développées, ne prélèvent pas directement les molécules du sol. Dès le xixe siècle, des recherches ont révélé un fonctionnement étonnant, dont des travaux récents démontrent qu’il est plus fréquent qu’on ne le croyait : ces plantes se nourrissent des champignons colonisant leurs racines ! Nous verrons comment se nourrissent ces plantes non chlorophylliennes sous différentes latitudes, comment cette façon de se nourrir existe aussi chez certaines plantes forestières vertes, et enfin

comment ces stratégies sont apparues dans l’évolution des plantes.

Les plantes mycohétérotrophes En 1820, la nutrition d’une de ces plantes non chlorophylliennes a suscité de vives controverses. Le monotrope (Hypopitys monotropa) est aussi nommé sucepin, car il pousse sous des résineux tels les pins. Ce nom est trompeur, car, bien que des racines de résineux soient mêlées à celles du monotrope, les premières observations ne révélèrent aucun lien direct. Était-il donc vraiment une plante parasite ? Lors de débats acharnés, au début des années 1840, on remarqua de fins filaments reliant les racines du monotrope à celles des résineux. Ce pouvait être un « appareil parasitaire », mais l’Anglais Thomas Ryland montra qu’il s’agissait de simples filaments de champignons colonisant la racine, « sans rôle essentiel » selon lui. C’est une des premières mentions de la présence de champignons sur les racines des plantes… On sait aujourd’hui que cette interaction, décrite sous le nom de mycorhize par l’Allemand Albert Franck en 1885, est très fréquente. Chez plus de 80 pour cent des plantes, les filaments d’un champignon du sol colonisent les tissus superficiels de la racine, formant l’organe mixte qu’est la mycorhize. Peu avant, en 1881, un autre Allemand, Franz Kamienski, proposa que ces champignons puissent nourrir le monotrope à partir des arbres dont ils colonisent aussi les racines. Enfin, en 1960, le Suédois Erik Björkman démontra cette hypothèse en injectant des sucres marqués à l’aide d’un isotope radioactif dans la sève de résineux voisins : il observa un transfert de radioactivité vers le monotrope, mais non vers les autres plantes voisines. Il montra aussi que le LES VÉGÉTAUX INSOLITES © POUR LA SCIENCE

Jeff Foott/Science Faction/Corbis

Marc-André SELOSSE


ALLIANCES

SARCODES SANGUINEA, une Éricacée d’Amérique du Nord, reçoit des ressources carbonées de ses champignons mycorhiziens (du genre Rhizopogon) qui forment également des mycorhizes avec les conifères voisins.

monotrope dépérit lorsqu’on coupe les filaments de champignon qui le relient aux arbres. Le monotrope cumule donc deux particularités : c’est l’une des premières plantes où les mycorhizes ont été observées, mais il inverse la relation habituelle avec le champignon. En effet, dans les mycorhizes des plantes vertes, le champignon reçoit des sucres de la plante, tandis que celle-ci reçoit de l’eau et des sels minéraux du champignon. En revanche, le monotrope se nourrit intégralement du champignon. Son cas n’est pas isolé : 400 espèces de plantes issues de 87 genres différents se nourrissent ainsi (voir la figure, page suivante). Parmi ces espèces, 50 pour cent sont des orchidées, mais on trouve aussi des espèces tropicales de la famille des Gentianes et des Polygales. Jonathan Leake, de l’Université de Sheffield, en Grande-Bretagne, a proposé

en 1994 de les nommer « mycohétérotrophes » plutôt que « saprophytes ». L’identification des champignons associés aux plantes mycohétérotrophes a été plus difficile, car ils sont souvent impossibles à cultiver in vitro. Or l’identification a longtemps été fondée sur l’observation des caractéristiques des champignons en culture… Depuis les années 1990, grâce aux outils de la biologie moléculaire, on utilise le séquençage d’une portion de l’adn du champignon pour identifier les espèces formant la mycorhize. On a ainsi confirmé que les champignons des espèces mycohétérotrophes des milieux tempérés sont également associés aux arbres voisins. Les champignons liant le monotrope aux plantes voisines sont des tricholomes, vérifiant ainsi le travail d’un mycologue amateur, Jean-François Martin, qui avait identifié en 1985 ces champignons


abonnez-vous à

et faites fleurir vos idées !

Offre liberté

19 e par trimestre ➜ Pour la Science (12 nos par an) ➜ Dossier Pour la Science (4 nos par an)

+ En cadeau le Guides des plantes médicinales Tout pour identifier facilement des centaines de plantes médicinales et en connaître les vertus, photos à l’appui. Éditions Belin – livre broché – 11x21 cm – 239 pages – valeur : 19,20€

Offre spécialE

Bulletin à découper ou à photocopier et à retourner accompagné de votre règlement dans une enveloppe non affranchie à : Service Abonnements Pour la Science • Libre réponse 90382 • 75281 Paris cedex 06

➊ q Oui, je m’abonne à Pour la Science + Dossier Pour la Science au prix de 19 e/trimestre ou 76 e pour 1 an. En cadeau, je reçois le Guide des plantes médicinales (005578). Je bénéficie également des versions numériques en créant mon compte sur www.pourlascience.fr Nom  : Prénom : Adresse : Code postal : Ville : Pays :

005578

➋ J’indique mes coordonnées : Tél. (facultatif) :

Votre cadeau de bienvenue !

Je souhaite recevoir la newsletter Pour la Science à l’adresse e-mail suivante (à remplir en majuscule) : @

➌ Je choisis mon mode de règlement : Autorisation de prélèvement automatique J’autorise l’établissement teneur de mon compte à prélever le montant des avis de prélèvements trimestriels présentés par Pour la Science. Je vous

demande de faire apparaître mes prélèvements sur mes relevés de compte habituels. Je m’adresserai directement à Pour la Science pour tout ce qui concerne le fonctionnement de mon abonnement. Titulaire du compte à débiter Nom, Prénom : N° : CP :

Établissement teneur du compte à débiter Établissement :

Rue :

N° :

Ville :

Compte à débiter Établissement

CP :

Rue : Ville :

Date et signature (obligatoire) Code guichet

N° de compte

Clé RIB

Organisme créancier Pour la Science 8 rue Férou – 75006 Paris N° national d’émetteur : 426900

q Je préfère régler mon abonnement en une seule fois 76 e ( + frais de port en sus pour l’étranger : Europe 16 e - autres pays 35 e.) q par chèque à l’ordre de Pour la Science q par carte bancaire

N° : Expire fin : Clé (les 3 chiffres au dos de votre CB) :

En application de l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978, les informations ci-contre sont indispensables au traitement de votre commande. Elles peuvent donner lieu à l’exercice du droit d’accès et de rectification auprès du groupe Pour la Science. Par notre intermédiaire, vous pouvez être amené à recevoir des propositions d’organismes partenaires. En cas de refus de votre part, merci de cocher la case ci-contre q.

Signature obligatoire :

DOS77 – Offre reservée aux nouveaux abonnés, valable jusqu’au 31.12.2012

q Je règle en douceur 19 e/trimestre. Je remplis la grille d’autorisation de prélèvement ci-dessous en joignant impérativement 1 RIB (mode de paiement valable en France métropolitaine uniquement).


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.