Prisme Magazine - Numéro 5

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©GautierStangret

PRISME NUMÉRO 5, 28 NOVEMBRE 2013

NUMÉRO SPÉCIAL

LES ROUAGES DE L’ESPIONNAGE L’INTERVIEW. JACQUES BAJARD, ANCIEN DES RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX


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ares sont les professions où des obligations morales, strictes, sont requises pour exercer, des responsabilités inhérentes à leurs activités. En France, les experts comptables doivent par exemple : « Jurer d’exercer leurs profession avec conscience et probité, de respecter et faire respecter les lois dans leurs travaux. », les avocats eux, ont la charge de : « Jurer d’exercer leurs fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. » ». Les journalistes sont également soumis à des devoirs. Des impératifs censés être ancrés en eux, tels des organes vitaux. Leurs droits ils les connaissent, par cœur même. Pour ce qui est des articles 4 et 5 de la Charte de Munich qui leurs imposent de « Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents » et de « S’obliger à respecter la vie privée des personnes » en revanche… La mode est à l’enquête, l’investigation. Les émissions pullulent et négligent constamment ces deux points pourtant fondamentaux. Les caméras-cachées sont quotidiennes, même dans nos JT, toutes superflues. Nombre se protègent derrière le bouclier de l’information pour exercer des pratiques intolérables, qu’ils considèrent aussi nécessaires, que celles d’un soldat qui s’en va en guerre. Notre rôle, ou je l’espère futur rôle, n’est néanmoins pas celui d’un fonctionnaire de police, d’un espion au-dessus des lois, à la marge du citoyen lambda ! La carte de presse est trop souvent considérée comme un ascenseur social qui nous ouvre un étage sans contraintes, leurs possesseurs étant intouchables. Depuis quelques années, les « enquêtes d’actions », « enquêtes exclusives » ou autres « au cœur de l’enquête » nous faisaient découvrir à l’aide de ces méthodes les incroyables dessous de la côte d’azur, des quartiers nord de Marseille ou des banlieues parisiennes, surfant sur la vague sécuritaire, devrais-je dire le raz de marée sécuritaire. Topo : embarquer le téléspectateur pendant 1h30 dans un véhicule de la BAC à la recherche de délinquants, issus des minorités de préférence. Des chaines privées qui tirent profit d’une période difficile, en crédibilisant et illustrant pour les ruraux (rarement confrontés à l’immigration), le discours du FN, de bonne guerre pourrions-nous penser. Mais que le service public use de pratiques similaires, c’est inadmissible. Car en plus de payer les acteurs de « plus belle la vie » et les commentateurs sportifs d’FR2, depuis peu, la redevance rémunère les journalistes de « Cash investigation », l’émission d’Elise Lucet. Caméras-cachées encore plus présentes, révèlent « scandales » jamais faux mais souvent pathétiques, sur un ton hautain et moralisateur. Allez nous, on se concentre sur le concret. Pas de fioriture, pas de malhonnêteté, un nouveau Prisme rempli de suprisme et de vérité. ©GautierStangret

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CALLIG O Z N E LOR

ÉDITO

MENTIONS LÉGALES PRISME, 47 RUE SERGENT MICHEL BERTHET CP606 LYON CEDEX 09 SITES WEB : @PRISMEMAGAZINE HTTP://WWW.FACEBOOK.COM/PRISMEMAGAZINE HTTP://WWW.PRISMEMAGAZINE.WORDPRESS.COM RÉDACTEUR-EN-CHEF : LORENZO CALLIGAROT SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : LEA CARDINAL MAQUETTISTES : GAUTIER STANGRET, ROMARIC HADDOU, LÉNA AILLOUD JOURNALISTES : LÉA CARDINAL, ELISA BOUVET, IRCHADE KARI, LÉNA AILLOUD, ROMARIC HADDOU, GAUTIER STANGRET, ALEXANDRE FESTAZ, , KÉVIN CHARNAY, ANTOINE DE LONGEVIALLE, LORENZO CALLIGAROT


SOMMAIRE

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LE TOUR DU MONDE DE L’ESPIONNAGE

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L’espionnage français monte en puissance.

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Interview. Renseignements Généraux : les dessous d’une institution.

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Snowden, le stratège qui dérange.

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La Grande-Bretagne, un pays mis sur écoute

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6 : 8 10 Indonésie/Australie relations tendues sur fond d’espionnage politique.

11 Cryptage : au tour de Twitter. LA SEMAINE PRISME 12 1 Paris : Les limites de la 1 télésurveillance.


FRANCE

Le 3 Janvier 2013, la France assiste au renvoi de trois cadres de Renault. Une procédure de licenciement, basée sur des soupçons d'espionnage industriel, est lancée. Bertrand Rochette, Michel Balthazar et Matthieu Tenenbaum sont directement concernés. D'après une enquête interne, ils auraient perçu des pots de vin en échange d'informations confidentielles sur divers projets de l'entreprise automobile, et plus précisément sur celui concernant les voitures électriques, un projet phare pour Renault. Les informations auraient été transmises à la Chine, contre des virements transitant via Dubaï, le Liechtenstein ou l'Uruguay. Le fiasco commence avec une lettre anonyme reçue en août 2010, dénonçant directement ceux qui seront bientôt renvoyés de la puissante société automobile. Une procédure de licenciement est alors lancée au sein de Renault, et une enquête interne est menée. Mais très vite, on parle de «vraie fausse affaire d'espionnage chez Renault», de fausses barbouzes... Une fausse affaire d'espionnage Rapidement, la France apprend que les trois dirigeants ont été accusés à tort. La Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) prouve d’ailleurs leur innocence. Renault aurait été la cible d'une escroquerie montée de toute pièce. Tous les soupçons sont immédiatement tournés vers Dominique GEVREY, l'un des responsables de la sécurité du groupe. En mars 2011, seul, il est mis en examen pour «escroquerie en bande organisée». Il passera finalement huit mois en détention provisoire. Mais l'affaire ne trouve toujours pas sa fin. En effet, le juge Hervé Robert poursuit son instruction jusqu'à une perquisition en novembre 2012 dans l'entreprise, nommée «Les Rois Mages» à laquelle Renault faisait appel pour améliorer sa communication interne et externe. De son côté, Dominique Gevrey se lance dans une guerre juridique. Il accuse notamment la direction de la société automobile d'avoir demandé à Alexis Kohler, administrateur représentant l’État au conseil d'administration, des factures détaillées de téléphone. Renault dément : «La seule tactique de Gevrey, c'est celle de l'enfumage et de la théorie du complot, pour faire oublier les pièces du dossier qui le mettent en cause.» Ce dernier contreattaque ensuite en accusant la DCRI. Il finit par s'en prendre à Christophe Husson, qui selon lui, aurait fabriqué de faux documents pour alimenter son dossier en justice. L'exdirecteur juridique du groupe est convoqué le 30 octobre devant le juge d'instruction. Il pourrait être mis en examen pour «faux».

LA FRANCE, UN NOUVEAU Anciens dirigeants de RENAULT convoqués par la justice, direction de la grande enseigne IKEA en garde à vue, les affaires d'espionnage s'amplifient ces dernières années. Une autre grande enseigne accusée d’espionnage

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ESPIONNAGE

Plus récemment, le 19 novembre dernier, c'est au tour du géant suédois IKEA d'être dans la tourmente. Trois de ses dirigeants sont mis en examen, à Versailles, suspectés d'être des espions. Effectivement, S t e f a n Vanoverbeke, son PDG français, son prédécesseur Jean-Louis Baillot, et Dariusz Rychert, son directeur financier, ont été placés sous contrôle judiciaire. Ils sont mis en examen pour « complicité de L’Affaire Renault est une des plus grandes affaires d’espionnage français. collecte de données à caractère personnel » et « complicité de L’espionnage, c’est quoi ? La notion même violation du secret professionnel ». Mais d’espionnage trouve deux sens dans le l'affaire ne fait que continuer. En mars 2012, dictionnaire français. Il peut s’agir de l’action Le Canard Enchaîné dénonce l'enseigne. d’espionner ou d’épier quelqu’un, action Celle-ci espionnerait ses employés, et qui nécessite une surveillance totalement même ses clients selon l'hebdomadaire secrète. Le deuxième sens que l’on retrouve, satirique. IKEA aurait conclu un accord avec c’est le fait pour une personne, de porter son responsable, lui permettant d'obtenir atteinte aux intérêts fondamentaux d’une des informations, par les fichiers STIC ou nation au profit d’une autre. Rien de mieux encore les cartes grises. Le 5 Mars 2012, pour illustrer qu’un exemple. Le18 novembre, le Parquet de Versailles ouvre une enquête les autorités du Puntland, une région « semipréliminaire suite à la plainte du syndicat autonome » du nord-est de la Somalie, Force Ouvrière (FO). L'ancien PDG est confirment l’arrestation d’un Français et d’un directement mis en cause. D'après le site Britannique. Ces deux personnes seraient MEDIAPART, Jean-Louis BAILLOT « a bien soupçonnées « d’espionnage ». D’après eu connaissance de certaines méthodes les autorités, ces derniers sont arrivés sur mises en œuvre par le responsable « gestion le territoire en se faisant passer pour deux du risque » dans l'espionnage de salariés du employés d’une ONG. Après plusieurs groupe ». Arrivent ensuite, des destructions recherches, le ministre de la sécurité, Khalif de preuves, des perquisitions, l’ouverture Ise Mudane, affirme que le Britannique d'une information judiciaire, des syndicats et le Français travaillent pour « Oversight qui s'en mêlent, et la création d'un nouveau International », une société spécialisée code de conduite chez IKEA. Désormais, la dans le conseil sécuritaire aux entreprises société d'ameublement connaît un nouveau qui souhaitent investir dans la région du rebondissement : la mise en examen de sa Puntland. D’après le journal Le Monde, direction. Un dernier épisode qui embellit un « l’entreprise pour laquelle le Français et peu plus l'histoire d'espionnage d'IKEA. Et le Britannique travaillaient, partageait ces après ? informations avec des entités étrangères ». Selon le ministre, les deux hommes faisaient La France, un nid d’espions comparable « quelque chose de différent de ce qu’ils aux pays étrangers affirmaient ». A la suite des récentes affaires (cf. Ikea et Renault) on comprend désormais


EN FRANCE

FRANCE

NID D’ESPIONS ?

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Retour sur deux dossiers qui ont provoquées un fiasco dans l’histoire de l’espionnage en France. fins économiques. La CNIL s’interroge sur les pratiques de la NSA Juin dernier, une importante affaire d’espionnage défraye la chronique : le scandale PRISM. La NSA (National Security Agency), agence de renseignement américaine, cherche à obtenir des informations privées sur les internautes, par le biais des grands acteurs d’Internet. Les autres pays, notamment la France, se sont posés la question de leur propre système de données. Une affaire suite à laquelle la Commission nationale Stefan Vanoverbeke, PDG d’IKEA a été mis en examen pour espionnage. de l’informatique et des libertés (CNIL), que la France n’est pas épargnée en termes a rapidement réagi. Doutant de l’efficacité d’espionnage économique. Pierre Marion, ancien de la protection de données des Français, la responsable de la DGSE (Direction Générale de Commission fait appel au gouvernement. Le la Sécurité Extérieure), expliquait « en matière système PRISM a surpris de nombreux pays d’économie, nous sommes des concurrents, pas et inquiète surtout les internautes, ainsi que les des alliés. L’Amérique dispose des informations autorités qui ont pour mission de protéger ces techniques plus avancées, elles sont facilement données. « Sommes-nous tous espionnés ? accessibles. Il est donc logique que la France Notre vie privée est-elle sécurisée entre les mains soit l’objet de l’attention toute particulière de nos des géants du Net ? », La question fait le tour de services de renseignement ». Les multiples fuites la planète. La CNIL va de nouveau intervenir en liées à la masse d’informations économiques exprimant clairement ses inquiétudes quant à « récoltées par la NSA et la difficulté à expliquer la une mécanisation de la surveillance » proposée différence de traitement de ces informations d’une par PRISM. Celle-ci déclare : « le traitement part et d’autre de l’Atlantique jette un soupçon sur PRISM constitue une violation de la vie privée la « cyberdiplomatie » américaine. Quoi qu’il en des citoyens européens d’une ampleur inédite et soit, l’espionnage industriel en France est bien illustre concrètement la menace que représente présent, comme nous le prouve récemment la la mise en place d’une société de surveillance mise en examen des trois dirigeants d’Ikea. ». La CNIL exige une réglementation « claire et L’espionnage français prend racine à la fin précise », « afin de protéger les données privées des années 80, période où les services de des citoyens européens ». Pour que la NSA ne renseignements espionnaient des compagnies puisse obtenir les données d’un citoyen lambda, telles que Texas Instrument ou IBM, « afin de venir celle qui est chargée de l’informatique et des en aide à sa propre industrie informatique ». La libertés, demande également la mise en place polémique des micros dissimulés dans les sièges d’un accord intergouvernemental, qui vise à d’avions d’Air France, qui visaient à écouter les protéger doublement ces données. En saisissant conversations des différents responsables de le gouvernement, la Commission française grandes firmes américaines, est toujours ancrée cherche à savoir si un tel projet pourrait exister en dans l’esprit des dirigeants du renseignement France. Elle rappelle que « si tel était le cas, cela mondial. Une forme d’espionnage économique sortirait du cadre législatif français, qui interdit de qui perdure aujourd’hui. Un rapport réalisé par telles pratiques ». le renseignement américain place la France aux côtés de la Russie ou d’Israël, derrière la Chine, dans le domaine du « cyber espionnage » à des Léa CARDINAL et Léna AILLOUD

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LE GOUVERNEMENT POURRA BIENTÔT TOUT ESPIONNER

Le gouvernement prévoit de voter une loi de programmation militaire. Ce système permettrait de capter les données numériques de milliers de personnes par an. Le but ? Savoir qui se cache derrière ces « ennemis d’Etat », et les localiser en temps réel grâce à leurs téléphones et leurs ordinateurs. Une mission dont se chargera désormais la « communauté du renseignement », du Ministère de l’Intérieur jusqu’à celui de la défense, en passant par Bercy. Le texte, déjà examiné par le Sénat le mois dernier, était à l’ordre du jour mardi 26 novembre.

QUICK SOUPÇONNÉ D’ESPIONNAGE ILLÉGAL Selon Mediapart, Quick aurait fait appel au même détective privé que le géant du meuble, Jean-François Fourès. Cet ancien policier aurait perçu plus de 165 000 euros de la part de Quick entre Janvier 2009 et juin 2011. Le groupe de restauration rapide confirme avoir eu recours à des « vérifications sur certains antécédents bancaires et judiciaires ». Les informations restent strictement confidentielles et ne sont que disponibles sur les relevés bancaires et certains fichiers de police.

LAURENT FABIUS RÉAGIT À L’ESPIONNAGE SUR FRANCE CULTURE Mardi 26 novembre, le ministre des affaires étrangères a répondu aux questions du Monde sur France Culture. Laurent Fabius avoue être au courant des négociations secrètes des Américains avec les Iraniens. « John Kerry m’avait informé qu’il y avait des discussions entre les Iraniens et les Américains. Compte tenu du fait que les Américains étaient en première ligne, il y avait aussi une discussion qui était secrète » affirme t’il. Selon lui, il n’y aurait pas eu de négociations secrètes avec la France...


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INTERVIEW JACQUES BAJARD

DIRECTEUR RÉGIONAL DES RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX, À LYON, DE 1987À 1995.

« La technologie évolue mais les bonnes vieilles méthodes fonctionnent toujours »

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Dans un premier fonctionnent les Généraux (RG)?

La surveillance et l’espionnage sont, depuis quelques mois, au coeur de l’actualité française et internationale. Jacques Bajard, lui, y a consacré plusieurs années de sa carrière professionnelle. Pour Prisme, il se confie.

temps, comment Renseignements

Les RG à proprement parlé étaient chargés de la sécurité intérieure pendant que la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) traitait l’espionnage. Depuis Sarkozy, il y a eu des changements. Actuellement la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) est en charge de l’antiterrorisme venant de l’intérieur et possède une division espionnage. A mon époque, il y avait une division de contre-espionnage chargée de repérer les espions venant d’autres pays notamment du bloc de l’est, mais également de traiter l’espionnage industriel. On pouvait penser qu’avec la chute de l’URSS, l’espionnage proprement dit allait cesser mais ça n’a pas été le cas. Chacun cherche à évaluer les divergences et à savoir comment va se positionner l’autre. Concernant l’espionnage industriel c’est un très gros souci. Les Etats qui soutiennent leur industrie favorisent l’apparition de personnes, sous couvert de coopération ou de stages, qui sont chargées de sortir des informations pour que leur pays prenne un temps d’avance. Personnellement, je m’occupais des réseaux qui n’était pas pris en main par un Etat mais qui menaçaient l’intégrité de la République. Les principaux étaient le Groupe Islamique Armé (GIA) et le Front Islamique du Salut (FIS). Quelles sont les missions principales en termes de sécurité intérieure ? Il y a deux grands axes. Il s’agit tout d’abord de repérer les personnes ou les groupes clandestins sur le territoire. Ensuite, il faut pénétrer ces milieux. Soit par infiltration, soit par contact avec un informateur déjà implanté. Avec quelles méthodes ? Les moyens sont assez classiques : filatures, écoutes téléphoniques et, donc, les

infiltrations et les informateurs. Justement, pour débuter un suivi, étiezvous obligé de passer par votre ministère de tutelle, en l’occurrence le Ministère de l’intérieur ? En fait, il y a deux types d’écoutes. Dans le cadre d’une affaire judiciaire, elles sont déclenchées par le procureur, directement à la demande du juge d’instruction. Mais il existe aussi des écoutes contingentées par le Ministère de l’intérieur. C’est-à-dire qu’il faut l’approbation du directeur de cabinet du Ministre. Puisqu’elles sont strictement contingentées, il faut qu’une écoute cesse pour en démarrer une autre. Elles ne sont pas arbitraires.

« Les pratiques de la NSA ? On essaie d’en faire autant sans en avoir les moyens.»

Est-ce que le métier évolue en termes de cibles (terrorisme, extrémisme…) ? Disons qu’avant il y avait deux groupes : les flics et les voyous. Maintenant, nous sommes dans une société individualiste, donc les comportements changent. On voit presque

chaque jour des personnes non manipulées, des fous qui tentent de monter un attentat. C’est leur faiblesse car ils n’ont pas la logistique et souvent peuvent être repérés assez facilement mais c’est aussi leur force car ils ne sont pas connus à l’avance. Ce sont des profils qui témoignent de l’évolution de nos sociétés. Les profils changent mais est-ce le cas des méthodes ? Le gros du travail est le même mais il est peutêtre plus important car de nouveaux acteurs technologiques sont apparus et qu’il y a donc énormément de choses qui se passent. Il faut être capable de filtrer et d’isoler le site qui va apporter une information. Il y a des codes à décrypter et c’est vraiment le nouveau défi aujourd’hui. Concrètement, la technologie à certes évolué mais, au final, les bonnes vieilles méthodes fonctionnent toujours. Le travail change donc aussi bien en qualité qu’en quantité ? Oui, il ne s’agit pas de lire tous les mails et tous les blogs. Le décryptage, les écoutes, les filatures… toutes les sources se recoupent. Les informateurs sont très importants. Justement, comment sont-ils recrutés ? Et rétribués ? Ils sont approchés après une étude minutieuse de leur dossier. On recrute des profils susceptibles de coopérer. En général la rétribution se fait sous forme de services rendus, l’Etat n’a pas les moyens d’aligner des milliers d’euros, il n’y a qu’un peu d’argent pour les défrayer. Vous ne pouvez pas fonctionnariser un informateur. Le risque c’est qu’il vous intoxique, c’est le problème avec les agents doubles. Il peut travailler pour son ancien employeur et inventer de fausses histoires pour toucher sa rétribution. Souvent, le contact psychologique, l’attachement humain est donc plus important que l’argent qui pourrait altérer les motivations.


INTERVIEW

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Après les révélations sur les pratiques de la NSA, on peut s’interroger sur l’avenir de la surveillance informatique. Est-ce qu’on se dirige vers des collectes massives d’informations simplement parce qu’elles sont simples à obtenir ?

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Selon moi, ça ne serait pas très utile. Les Etats-Unis le font systématiquement car leur puissance technologique est énorme. Ils utilisent des mots clés, relèvent des communications qu’ils passent dans des ordinateurs et, au final, obtiennent des données. Le problème c’est que les moyens ne sont pas infinis et ça revient souvent à chercher une aiguille dans une botte de foin. A l’époque de la bande à Baader, les Allemands surveillaient tous les contacts, voire même certains voisins des membres de la bande. Si l’un d’eux prenait le train, ils étaient capables de ficher tous les passagers. Pour moi la technologie a ses limites, je crois beaucoup plus à l’intervention humaine. Il faut un cerveau humain, du discernement et des compétences acquises au préalable pour décrypter les informations. Les pratiques de la NSA sont-elles une exception américaine ? Ce n’est pas un scoop, ca existe depuis très longtemps… C’est difficile d’accuser alors qu’on essaie d’en faire autant sans en avoir les moyens. Sortir une affaire comme ça c’est

Manuel Valls, ministre de l’Intérieur et Patrick Calvar, patron de la DGSI.

une donnée politique. Les dirigeants ne sont pas naïfs et avaient surement intérêt à mettre les Etats-Unis dans l’embarras pour une question de diplomatie internationale. C’est aussi l’objectif de l’espionnage. Avoir des

dossiers, des moyens de faire pression, ça se passe tous les jours en politique. Propos recueillis par Romaric HADDOU

Ces affaires qui ont marqué les esprits Les affaires qui ont marqué Jacques Bajard «L’affaire Kelkal, où il y a eu un énorme travail en amont. Des filatures, des écoutes, et de la manipulation d’informateurs... C’est un travail de fourmi qui peut durer des années. Il faut accumuler des réseaux, des noms, des communications qui permettront, le jour J, de remonter aux auteurs. L’affaire Farewell également. Je ne couvrais pas le contre-espionnage à l’époque mais j’en avais eu de nombreux échos au sein de la police». L’affaire qui a marqué la rédaction : le Watergate ! C’est probablement la plus grande affaire d’espionnage du XXe siècle. Non pas qu’elle ait concerné le monde entier, mais parce qu’elle a provoqué la démission du Président républicain Nixon, ce qui n’était jamais arrivé dans l’histoire des Etats-Unis. L’intrigue, digne d’un polar, se déroule en juin 1972, en pleine campagne électorale. Cinq cambrioleurs sont arrêtés dans l’immeuble du Watergate, dans les locaux du parti démocrate. Sur l’un des protagonistes, on retrouve des numéros de téléphone de la Maison-Blanche. Un autre s’avère être un membre du Comité pour la Réélection du Président (C.R.P). Entre obstructions à l’enquête et manipulations grossières, le Président Nixon se révèle être un parfait menteur. Le Washington Post est le seul journal à l’époque qui prend l’affaire au sérieux. Deux de ses journalistes enquêtent à plein temps sur cette histoire. Ils sont aidés par une taupe du FBI, surnommée « Deep Throat » (gorge profonde), qui leur fournit des informations précieuses. Tout va de mal en pis pour le Président, qui campe sur ses positions et refuse de fournir aux enquêteurs des bandes sons qui contiennent les enregistrements de ses conversations à la Maison-Blanche. Peu après la réélection triomphale de Nixon en 1972, avec 48 états sur 50, un jeune avocat avoue être à l’origine de la fausse lettre qui a discrédité le principal opposant de Nixon pendant la campagne. Il avoue avoir agi pour le compte du Président et avoir mené plusieurs actions d’espionnage à l’encontre du camp démocrate. Le rapport de 2000 pages remis par le Congrès en juillet 1974 est sans appel, et discrédite Richard Nixon. Celui-ci annonce sa démission dans un discours télévisé le 8 août au soir. Bob Woodward et Carl Bernstein, deux journalistes du Washington Post, recevront le prix Pulitzer pour leur enquête, qui reste gravée comme le lancement du journalisme d’investigation. Antoine DE LONGEVIALLE


RETOUR SUR LES MOTIFS ET LA TACTIQUE DE CELUI QUI VEUT FAIRE TOMBER LA NSA

Snowden, l’anti Big Brother ©Reuters

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INTERNATIONAL

« Big Brother is watching you. » Aussi célèbre soit-elle, cette maxime tirée du roman de fiction 1984 de George Orwell n’a jamais autant pris son sens qu’en ces temps de révélations quasi-quotidiennes de l’espionnage massif américain. Depuis le 5 juin, nombre de médias internationaux dévoilent les dessous du programme PRISM. Ce programme permet à la National Security Agency (NSA), la principale agence fédérale américaine de renseignement, d’accéder aux données privées des utilisateurs de Facebook, Google, Microsoft, ou encore Apple, afin d’en tirer des informations. Derrière ce grand déballage public, les convictions d’un homme : Edward Snowden. Ancien agent de la NSA et de la CIA, l’informaticien de 30 ans a découvert sur le tas les pratiques d’espionnage politique, industriel ou militaire des administrations américaines. Des actes allant à l’encontre de la liberté d’internet. Une liberté violée, qu’il prône pourtant depuis ses études d’informatique en 1999. Snowden ne pouvait travailler dans ces conditions. Et quitte à abandonner sa carrière au service de l’Etat, autant en dénoncer les rouages. «Je ne pouvais pas permettre au gouvernement américain de détruire la vie privée et les libertés fondamentales avec cette machine de surveillance massive qu’il construit secrètement», se justifiait-il lors de son unique intervention audiovisuelle en juin dernier. Greenwald et Poitras, soutiens de choix Bien conscient des risques qu’il encoure, le trentenaire élabore une stratégie complexe mais mûrement réfléchie pour combattre ce système. Snowden ne laisse rien au hasard. Pour parvenir à ses fins, l’ancien membre de la CIA recherche scrupuleusement des alliés susceptibles de soutenir sa démarche. C’est alors que les noms de Glen Greenwald et Laura Poitras apparaissent. Et résonnent comme une évidence. L’un est un ancien avocat devenu journaliste, et surtout grand soutien de Bradley Manning, un soldat américain condamné à 35 ans de prison à l’origine des fuites de près de 250 000 dépêches diplomatiques. Il travaille également au Guardian, quotidien libéral

surtout, tous deux sont membres de la Fondation pour la liberté de la presse. Cette organisation internationale soutient les actions dénonçant les actes illégaux au sein des pouvoirs en place, notamment celle du site lanceur d’alerte WikiLeaks. Dans le même temps, Snowden parvient à se faire engager chez Booz Allen Hamilton, un prestataire de la NSA à Hawaï, où il a accès à la liste des appareils espionnés par l’agence fédérale à travers le monde. Des révélations au compte-goutte

Edward Snowden, l’homme qui a démasqué Big Brother

britannique dont Snowden partage les opinions. L’autre est documentariste et enquête sur les programmes de surveillance de masse aux Etats-Unis. Elle a notamment défendu William Binney, un autre dénonciateur des programmes d’espionnage de la NSA, en 2002. Mais SNOWDEN, LE NOUVEAU ASSANGE ?

Suite à ses révélations, Snowden est poursuivi pour espionnage, vol et utilisation illégale de biens gouvernementaux par les EtatsUnis. Un temps exilé à Hong Kong, l’informaticien a obtenu un asile temporaire en Russie en juillet dernier. Une stratégie proche de celle de Julian Assange. Le fondateur de WikiLeaks, qui a dévoilé des documents confidentiels de l’armée américaine sur la guerre en Afghanistan, est depuis un an en exil à l’ambassade d’Equateur à Londres. Egalement poursuivi pour viol en Suède, il s’y est réfugié car l’Equateur ne possède pas d’accord d’extradition avec les USA et la Suède. Une tactique qui a poussé Snowden à demander l’asile à l’Equateur. Toujours sans réponse.

La stratégie de Snowden relève donc d’une extrême minutie. Sa discrétion en est autant. Dans un article pour le New York Times, Peter Maass explique que l’informaticien est rentré en contact de manière anonyme et cryptée avec ses deux futurs complices entre décembre 2012 et janvier 2013. Toujours selon le journaliste d’investigation, même si les premières discussions furent laborieuses, Greenwald et Poitras « intrigués », mais surtout « conscients de l’importance de l’affaire », acceptent de soutenir l’ex-agent de la CIA après un temps d’hésitation. Le 5 juin, un mois après la première entrevue entre les trois protagonistes à Hong Kong, l’affaire éclate au grand jour. The Guardian diffuse un premier article sur l’espionnage massif des appels téléphoniques du premier opérateur mobile américain Verizon par la NSA. Le lendemain, Poitras et le Washington Post dévoilent les clés du programme de surveillance PRISM. Puis tour à tour, les révélations s’enchaînent. De la GrandeBretagne à l’Indonésie, en passant par l’Arabie Saoudite. Du portable d’Angela Merkel au ministère des mines et de l’énergie brésilien. Si bien qu’une semaine ne se passe pas sans que le mot « NSA » (ou GCHQ, son pendant britannique) ne soit employé par un média international. Les informations sont dévoilées une par une, décortiquées pays par pays, afin d’avoir une portée toujours plus vaste. La machine Snowden est lancée. Elle n’est pas prête de s’arrêter.

Gautier STANGRET


SNOWDEN A SES PARTISANS, MAIS AUSSI DE NOMBREUX DETRACTEURS

INTERNATIONAL

© Reuters

Un cas qui divise

Une manifestation pro-Snowden à Berlin le 4 juillet dernier, preuve du caractère mondial du phénomène

Considéré comme un héros pour ses défenseurs, un traître pour ses détracteurs, Edward Snowden incarne à lui seul les divergences de l’opinion américaine. D’après une étude réalisée par l’Université Quinnipiac en août dernier, 55% des électeurs américains considèrent que l’informaticien est un « dénonciateur », contre 34% qui lui trouvent des motifs de trahison. Des chiffres évocateurs, puisque la majeure partie de la classe politique américaine, qu’elle soit de gauche ou de droite, n’approuve pas l’action qu’a mené l’ancien agent de la NSA. Jean-Marc Manach, spécialiste du renseignement, expliquait notamment sur RMC que les Américains sont

très attachés à leur liberté et qu’une sorte de paranoïa s’est installée suite à cette affaire : « Le problème avec PRISM c’est que tous les non-américains sont des terroristes potentiels et que tous les Américains qui discutent avec des étrangers sont donc eux aussi considérés comme des terroristes potentiels ». 45% des Américains âgés entre 18 et 29 ans déclaraient même dans un sondage USA Today préférer leur propre confidentialité sur internet plutôt que la lutte contre les terroristes. Même si le principal intéressé, Edward Snowden, ne se veut « ni traître ni héros », les Américains ont leur avis sur la question. Aussi partagé soit-il. Gautier STANGRET

Quand la Grande-Bretagne joue à James Bond ... et se fait pincer Selon Edward Snowden, le gouvernement britannique aurait autorisé l’espionnage de ses citoyens. Les services de renseignement anglo-saxons n’ont pas hésité à autoriser les Américains à piocher allégrement dans leurs données. Signée en 1946, la convention des « Fives Eyes » (Cinq yeux, ndlr), souvent appelée le traité UKUSA, établit des mesures pour les pays signataires. La Grande-Bretagne, les Etats-Unis, l’Australie, la Nouvelle Zélande et le Canada s’interdisaient mutuellement d’entreprendre des mesures de surveillance entre eux. Seulement, en 2007, sous le gouvernement Tony Blair, les services de renseignement électronique (GCHQ) et la NSA ont conclu un accord pour « mettre en œuvre une nouvelle politique étendant l’utilisation des informations britanniques interceptées incidemment », selon un mémo révélé par le Guardian et Channel 4. Pas besoin d’être suspecté de terrorisme, il suffit d’avoir une

adresse IP (numéro d’identification utilisant l’Internet) ou un téléphone mobile pour être concerné. Ce n’est pas la première annonce de ce genre. Déjà fin octobre, le quotidien allemand Der Spiegel annonçait que le GCHQ surveillait des diplomates dans plus de trois cents hôtels dans le monde. Depuis plus de trois ans, Edward Snowden travaillait pour eux en association avec la NSA. Le but était de surveiller les conversations téléphoniques et autres échanges de communications qu’avait les occupants de ces chambres. Selon les éléments que le Guardian se serait procuré, la NSA aurait financé le GCHQ à hauteur de 100 millions de livres (120 millions d’euros) au cours des trois dernières années. Cela coïnciderait avec le scénario présenté par le quotidien britannique. Les trois chefs du renseignement britannique ont cependant nié procéder à une surveillance massive de la population. Alexandre FESTAZ

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LA NSA PIRATE LES RÉSEAUX INFORMATIQUES L’agence américaine aurait délibérément infecté plus de 50 000 réseaux informatiques en propageant des malwares (logiciels malveillants). Son nom de code : Computer Network Exploitation (CNE). Il suffit d’un clic pour activer ces virus, qui ensuite livrent les informations privées de l’utilisateur. D’après Edward Snowden, la NSA aurait crée une unité spéciale qui compterait plus de cent hackers, entièrement dédiée à ces activités.

LG IS WATCHING YOU La marque de télé LG a avoué utiliser les données personnelles de ses clients à des fins commerciales. « LG Smart Ad » est le nom du programme qui analyse les recherches, les émissions préférées et les comportements en ligne des utilisateurs. Toutes ces informations sont fournies à des annonceurs qui adaptent leurs pubs à la clientèle. Devant le scandale, LG a annoncé une mise à jour pour permettre à ses clients de désactiver le programme.

BRUXELLES MENACE LES ETATS-UNIS La commission européenne a averti les Etats-Unis de « cesser d’obliger les grandes sociétés américaines à lui fournir les données personnelles des utilisateurs européens ». En cas de refus, l’Union Européenne pourrait revenir sur l’accord du « safe harbour ». Ce traité permet aux entreprises telles que google, facebook ou microsoft d’opérer en Europe sans que l’UE ne supervise leur travail. Un abandon de cet accord serait une grande menace pour les entreprises américaines des nouvelles technologies, qui verraient leur liberté d’action grandement réduites.


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INTERNATIONAL

LE TORCHON BRÛLE ENTRE LES DEUX PAYS

AUSTRALIE / INDONÉSIE : DIPLOMATIE SOUS HAUTE TENSION

« Des actes préjudiciables »

Depuis, les révélations accablant l’Australie s’enchaînent. Le 1er novembre, l’agence de presse Fairfax a rapporté, l’existence d’un important système d’espionnage électronique dans les locaux de l’ambassade d’Australie en Indonésie, qui servirait de relais asiatique au réseau d’écoute américain. Le cœur du gouvernement indonésien aurait été visé, avec neuf personnalités mises sur écoute, comme le président Susilo Bambang Yudhoyono (SBY). C’est ensuite le quotidien britannique The Guardian et la chaîne ABC Australia, qui révèlent que l’Australie et les États-Unis auraient monté une opération de surveillance des communications indonésiennes, pendant la conférence de l’ONU sur le changement climatique en 2007 à Bali. Les premières écoutes téléphoniques auraient eu lieu en août 2009, après l’attentat d’un groupe islamiste qui a fait deux morts dont les deux kamikazes. Les écoutes n’auraient durée que deux semaines, au cours desquelles une conversation aurait été interceptée.

Suite à ces révélations, la réaction de Jakarta a été sans appel. Le 18 novembre, l’Indonésie a rappelé son ambassadeur en Australie, pour consultation. L’Indonésie a annoncé qu’il « rétrogradait » ses relations avec l’Australie. Devant la polémique qu’a provoqué les divulgations de Snowden, le Premier ministre Australien, Tony Abbott, a réagi au Parlement, déclarant : « Je ne vais rien faire ni dire qui pourrait mettre à mal notre profonde amitié et notre coopération étroite avec l’Indonésie. On ne devrait pas s’attendre à ce que l’Australie demande pardon pour des mesures que nous prenons afin de protéger notre pays ». Face à la déclaration de Tony Abbott, le Président Indonésien SBY via son compte Twitter a déploré : « les déclarations du premier ministre australien Tony Abbott, selon lesquelles espionner l’Indonésie est considéré comme sans grande importance, sans exprimer aucun remord. Les actes commis par les États-Unis et l’Australie

©Reuteurs

Le spectre de l’affaire Snowden vient d’éclabousser l’Australie. A l’origine de la polémique, des documents recueillis par Snowden lui-même, qui attestent que l’ASD, homologue australien de la NSA, a espionné pour les États-Unis plusieurs pays asiatiques dont l’Indonésie. C’est ce qu’a révélé fin octobre le quotidien australien Sydney Mornig Herald et le journal allemand Der Spiegel. Une opération d’espionnage réalisée dans le cadre du dispositif « Stateroom », mis en place par les Five eyes : États-Unis, Canada, Australie, Grande-Bretagne et Nouvelle-Zélande.

Le premier ministre Australien, Tony Abbott et le président Indonésien Susilo Bambang Yudhoyono, à Jakarta le 30 septembre dernier.

sont très préjudiciables à leurs partenariats stratégiques avec l’Indonésie ». Il a ajouté le 20 novembre lors d’une conférence de presse : « Je vais envoyer une lettre ce soir à Tony Abbott. Je veux

demander quelle est la position officielle sur les écoutes téléphoniques ». Une lettre reçue avec animosité par un conseiller du Premier ministre Australien qui a tweeté : « Un type qui ressemble à une star

L’ASIE PAS EPARGNEE PAR L’ESPIONNAGE Edward Snowden a réussi son coup. Les révélations qu’il a faites sur l’espionnage de la NSA ont marqué le monde entier. L’ex-n°2 de la CIA, Michael Morell, évoque même les fuites « les plus graves » de l’histoire. Brésil, Italie, France et Chine font partie d’une longue liste qui regroupe tous les pays qui ont ou sont toujours surveillés par l’agence américaine pour la sécurité (NSA). Fait troublant, les services de renseignement australiens auraient intercepté pour le compte des américains des millions d’appels téléphoniques dans toute la région d’Asie-Pacifique. Un ancien officier de l’Australian Defence Intelligence affirme, dans le « Sydney Morning Herald », que les ambassades en Indonésie, en Thaïlande, en Chine, en Papouasie-NouvelleGuinée ou en Malaisie sont

concernées par ces écoutes. La Thaïlande, la Birmanie et le Cambodge semblent vouloir minimiser l’ampleur de ces révélations. La Chine, premier partenaire économique de l’Australie, a pour sa part exigé des explications, tandis que le chef de la diplomatie malaisienne, Anifah Aman, a affirmé que « les Malaisiens étaient très en colère » et qu’il était « immoral » d’espionner des « alliés proches ». L’Inde, cinquième pays le plus écouté, a fait part de sa volonté de renforcer la sécurité des ses courriers électroniques officiels. Les révélations sur l’espionnage en Asie pourraient mettre en péril la stratégie militaire d’Obama, qui compte redéployer 60% des forces navales américaines dans cette région du monde d’ici 2020.


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INTERNATIONAL Philippine du porno des années 1970 demande des excuses ». (suite page 11) Communisme & islamisme : les ennemis des États-Unis s’emparent de l’Indonésie L’Indonésie est l’allié des États-Unis depuis les années 1960 et son aide à la chute du régime communiste de Soekarno. Jusqu’en 1965, l’Indonésie est le troisième pays communiste du monde derrière, l’URSS et la Chine, mais devient une dictature militaire anticommuniste, après le putsch du général-major Soeharto soutenu par Washington. Mais après la chute de la dictature en 1998, le président (opposant à Soeharto) Abdurrahman Wahid autorise les exilés du PKI (Parti communiste indonésien) à revenir en Indonésie. Une décision qui s’oppose à la volonté des États-Unis. L’Indonésie fait un nouveau pied de nez à Washington en se rapprochant, de l’ennemi américain : la Chine, avec qui Jakarta entretenait des rapports glacials pendant la dictature de

Soeharto. Un rapprochement symbolisé par la nomination au poste de ministre des finances, Kwik Kian Gie, Indonésien d’origine chinoise, sous la présidence d’Abdurrahman Wahid. De plus l’Indonésie est touchée par plusieurs attentats terroristes dans les années 2000. En octobre 2002, le pays est frappé par un attentat meurtrier à Bali, qui a causé 202 morts dont 88 touristes Australiens. Un attentat revendiqué par la branche indonésienne d’Al Qaïda « la Jemaah Islamiah ». L’apparition du terrorisme islamiste en Indonésie, plus grand pays islamique au monde avec 90 % de sa population qui est musulmane, représente une menace pour les ÉtatsUnis, et l’Australie qui est considéré comme le symbole de l’occident et le cheval de Troie de Washington dans la région du sud-est asiatique.

attendre. Dès le 18 novembre, Jakarta a suspendu la coopération militaire qui le liait à l’Australie, dans la lutte contre les passeurs de bateaux d’immigrants, qui transitent par l’Indonésie pour rejoindre l’Australie. Mais le gouvernement indonésien n’est pas le seul à prendre des mesures contre Canberra. Pour dénoncer l’espionnage de l’Australie, des hackers qui se revendiquent de la branche d’Anonymous Indonesia ont attaqué le 21 novembre, les sites web de la police fédérale et de la banque centrale australienne. La population indonésienne se mobilise également sur le terrain. Des manifestations ont eu lieu le même jour, devant l’ambassade d’Australie à Jakarta. Les manifestants scandaient « Go to hell mister Abbott » (« va en enfer monsieur Abbott ») et demandent à l’Australie de cesser d’espionner l’Indonésie.

Jakarta se venge contre Canberra Les conséquences de ce conflit diplomatique ne se sont pas fait

Irchade KARI et Antoine DE LONGEVIALLE

LES GROUPES INTERNET ONT PEUR DE LA NSA

© Damien Meyer

Twitter renforce son cryptage de données

Le réseau social Twitter a annoncé un renforcement du cryptage des informations sur ses services.

Comme Facebook, Google et Yahoo avant lui, Twitter a annoncé vendredi un renforcement du cryptage de ses informations sur ses services. Le but ? Rendre plus difficiles les tentatives d’espionnage. Ce supplément de sécurité s’appellera Perfect Forward Secrecy. Le site de micro-blogging assure sur son blog officiel que « si un ennemi enregistre toutes les données cryptées des utilisateurs de Twitter, et casse ou vole plus tard les clés de décryptage de Twitter, il ne devrait pas pouvoir utiliser ces clés pour décrypter les données enregistrées ». Un véritable message pour la NSA. Car depuis les révélations d’Edward Snowden, on sait que les services secrets américains n’hésitent pas à enregistrer les échanges chiffrés. En attendant d’avoir accès aux clés de chiffrement stockées sur les serveurs.

Les géants d’Internet ont tous réagi à ces révélations. Et pour cause, leur activité repose sur le maintien de la confiance accordée par leurs utilisateurs. Yahoo, par exemple, s’est également engagé quelques jours avant Twitter à crypter les données échangées. Pour se protéger de l’espionnage certes, mais surtout pour rassurer ses clients. En effet, depuis juin dernier, Yahoo a du démentir à plusieurs reprises avoir donné accès à ses « data centers » à la NSA ou à n’importe quelle autre agence gouvernementale. Mark Zuckerberg, le très médiatique fondateur de Facebook, s’est plaint de la mauvaise image qui entache son entreprise depuis quelques temps. Il se dit même fier d’avoir « toujours été sceptique » à l’égard des requêtes émanant des services secrets. Kévin CHARNAY


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LA PHOTO DE LA SEMAINE ©Gonzalo Fuentes / Reuters

LA SEMAINE PRISME

Le directeur de la police judiciaire, Christian Flaesch, montre une des images du « tireur fou de Libération », provenant d’une vidéosurveillance.

Big Brother, l’inutile ? de Elisa Bouvet

13 500. C’est le nombre de caméras déployées à Paris pour retrouver le « tireur fou » de Libération. L’homme, le 18 novembre, débarque armé dans le bâtiment du quotidien, et tire sur un assistant photographe, le blessant grièvement. Il est finalement retrouvé et interpellé le 20 novembre. Cinq jours que l’homme était recherché : il avait également fait irruption le 15 novembre dans les locaux de BFMTV, armé. S’il n’avait blessé personne, il était tout de même recherché par les autorités depuis cette date. Après son passage à Libé, l’homme s’enfuit grâce aux transports en commun parisiens. Cinq jours pour retrouver cet homme en cavale… Malgré toutes les dispositions mises en place par la police. Pourtant, en 2011, 1 105 nouvelles caméras avaient été installées dans la capitale, dans le cadre du plan de vidéoprotection pour Paris (PVPP). Les images de ces caméras sont stockées 30 jours, et visionnées par 2 500 policiers et pompiers sur trente sites différents. Alors, ce qu’on peut dire, c’est qu’on se sent observé. D’accord Big Brother, mais quels résultats ? Une chose est sûre : le nombre de caméras pose problème. Soit trop nombreuses, soit pas assez. Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate à la mairie de Paris, avait déclaré sur Europe 1 que ces dispositifs étaient encore trop rares. Mais l’opinion publique est divisée : s’il a fallu cinq (longs) jours pour retrouver le tireur fou, c’est peut-être parce que ces caméras sont inutiles. Un rapport confidentiel le stipulait, en 2008, et le Figaro en avait pris connaissance. En effet, l’Inspection générale de l’Administration (IGA), de la police nationale (IGPN) et de la gendarmerie nationale (ITGN) affirmaient que, d’après l’analyse des statistiques de la délinquance sur la période 2000-2008, « l’impact sur le taux d’élucidation est encore peu marqué dans les villes équipées de vidéoprotection », mais que « la densité de caméras a un effet préventif pour les agressions contre les personnes ». Alors, des caméras dedissuasion, et inutile pour la recherche d’individus ? En tout cas, l’affaire du tireur semble aller dans ce sens.


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