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PRISME NUMÉRO 12, 19JUIN 2014
L’INTERVIEW. Nora Berra livre son point de vue sur la crise de l’UMP.
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ÉDITO Eh bien voilà. On y est. 12ème et dernier numéro de Prisme. L’heure du bilan. Alors que retenir de ce qui deviendra, je l’espère, la première des nombreuses expériences que la vie de journaliste nous offrira ? Que garder de cette année où nous avons partagé maintes réunions, pour élaborer ce magazine mais aussi ces reportages ou autres émissions radios ? Et bien le sentiment d’avoir déjà bien grandi en feuilletant notre tout premier numéro. Car même si Romaric faisait déjà saigner nos cœurs avec sa plume « un peu fleur bleue », même si Léa se mobilisait déjà pour combattre le racisme, même si Antoine se battait déjà contre l’infamie socialiste anti-libérale et même si Kévin se découvrait déjà une passion pour David Cameron, nous avons tous muri, forts d’une année riche en enseignements.
ROT ALLIGA
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Arriver à créer une atmosphère de travail, d’unité, d’entraide mais aussi de rigueur entre des personnes sans affinités apparentes n’est pas mince affaire, nos confrères nous l’ont prouvé tout au long de l’année. Et c’est justement je pense, au risque moi aussi d’obtenir le label « fleur bleue » de la maison Girard, cet aspect qui a fait la force de notre équipe. Les facilités des uns dans certains domaines ont toujours été aux services des lacunes des autres. Chacun a su mettre ses qualités en œuvre pour le collectif tout en progressant sur ses propres difficultés. Sans individualités très fortes, nous avons réussi à trouver cohésion et harmonie. On nous avait promis la guerre, le sang et les larmes, on nous avait prévenus que la rédaction se transformerait en batailles de clans à la Secret Story. Il n’en fut rien. Alors à quoi bon me direz-vous ? Eh bien, au-delà d’avoir évité des règlements de comptes publics et tranchants, au-delà d’avoir échappé à l’outrecuidance, à l’orgueil et à l’arrogance, nous avons passé une année très agréable. Nous espérons que vous aussi. Nous aimerions vous dire à l’année prochaine, de profiter de l’été et qu’on se retrouve à la rentrée, malheureusement cela semble mal embarqué. On ne va toutefois pas se lamenter car cette expérience va à coup sûr tous nous marquer. ©GautierStangret
LORENZ
MENTIONS LÉGALES PRISME, 47 RUE SERGENT MICHEL BERTHET CP606 LYON CEDEX 09 SITES WEB : @PRISMEMAGAZINE HTTP://WWW.FACEBOOK.COM/PRISMEMAGAZINE HTTP://WWW.PRISMEMAGAZINE.WORDPRESS.COM RÉDACTEUR-EN-CHEF : LORENZO CALLIGAROT SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : ROMARIC HADDOU MAQUETTISTE : LÉNA AILLOUD JOURNALISTES : LÉA CARDINAL, ELISA BOUVET, IRCHADE KARI, LÉNA AILLOUD, ROMARIC HADDOU, GAUTIER STANGRET, ALEXANDRE FESTAZ, , KÉVIN CHARNAY, ANTOINE DE LONGEVIALLE, LORENZO CALLIGAROT
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SOMMAIRE
Les cheminots se mobilisent pour préserver leur statut.
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Les sous-doués de la République
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Interview. Nora Berra répond à la crise de son parti, l’UMP.
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Esclavage : des crevettes thaïlandaises au goût amer.
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Football : Faut-il en venir à l’arbitrage vidéo ?
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Vice, les vertus d’un style à part.
LA SEMAINE PRISME 10 8
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FRANCE LES TEMPS SONT DURS À LA SNCF
LES CHEMINOTS REDOUTENT UN CHANGEMENT DE LEUR STATUT
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Le préavis de grève de la SNCF est reconduit ce lundi, au détriment des bacheliers qui passent l’épreuve de philosophie. Une contestation de prévention, en prévision de possibles changement dont on ne connait pas encore la portée. Décidément, la SNCF n’a pas perdu ses bonnes habitudes.
Caricature de Faro quant aux grèves SNCF.
« Les syndicalistes ont tellement l’habitude de ne rien faire, que lorsqu’ils font grève ils appellent ça une journée d’action. » Cette citation vient de Jean-d’Ormesson, philosophe et écrivain adepte de la langue Française. Car pour ceux qui ne l’auraient pas encore remarqué, la SNCF est en grève. Cela devient presque une habitude dans notre pays, et pour nos voisins européens qui nous regardent avec un air moqueur. Mais que les mauvaises langues se taisent, car les cheminots ont bel et bien une raison de faire grève. Refonder la SNCF Les syndicats majoritaires de l’entreprise, CGT et Sud Rail en tête, protestent contre le projet du gouvernement, qui vise à rapprocher deux entités : la SNCF et RFF (Réseau Ferré de France). Cette dernière, qui gère le réseau ferroviaire, a été séparée de la SNCF en 1997. A l’époque, notre fleuron national avait accumulé près de 20 milliards d’euros de dette, en grande partie pour la construction des lignes TGV. En séparant les deux groupes, le gouvernement de Lionel Jospin souhaitait redonner de la vigueur à la SNCF, en transférant, tient donc, la dette à RFF. Malheureusement, depuis ce jour, non
seulement RFF a accumulé les déficits, mais la SNCF n’a jamais vraiment retrouvé le chemin de la croissance. En fait, c’est plutôt l’inverse qui s’est produit. Aujourd’hui, la SNCF cumule près de 50 milliards d’euros de dette, qu’elle a transférée en grande partie sur le compte de RFF. La réforme proposée par le gouvernement Valls, honnie par nos camarades cheminots, vise aussi à préparer notre pays à la concurrence ferroviaire, qui devrait voir le jour d’ici 2022 selon une directive de la Commission européenne. Un statut privilégié Thierry Nier, le secrétaire fédéral de la CGTCheminots, a expliqué qu’il souhaitait que les conditions sociales de vie et de travail dans l’entreprise soient d’un « haut niveau ». Car le projet de loi du gouvernement entend mettre en place un « cadre social commun » pour tous les employés du secteur, notamment en matière de temps de travail. Une loi qui concernerait également les futures entreprises privées qui rouleraient sur nos lignes. Elémentaire mon cher Watson, il ne faut pas que les différences de traitement soient trop importantes entre les différents acteurs, sinon la SNCF aurait du souci à se faire. Mais s’en est déjà
trop pour les syndicats. A coups sûr, les cheminots vont devoir travailler plus. Déjà que les temps sont durs… C’est vrai quoi, le statut de cheminot date de 1950, pourquoi le changer alors qu’il a si bien marché toutes ces années ? Pourtant, rien n’est acté dans la proposition de loi. Le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, avait même promis en décembre 2013 de « maintenir le statut de cheminot ». Un statut, à n’en pas douter, adapté à notre monde contemporain. Tout d’abord, l’emploi à vie est de rigueur. Car la SNCF, dans ses documents relatifs aux contrats de travail, « ne prévoit pas de licenciement économique ». Au pire : une mutation. Les agents de conduite nés avant 1950 peuvent partir à la retraite à 50 ans, mais tous bénéficient d’une caisse de retraite spéciale, extrêmement avantageuse par rapport au secteur privé. Malheureusement, elle est largement en déficit, mais ce n’est pas grave. Si la durée moyenne de travail d’un cheminot n’est pas vraiment connue, la Cours de Comptes a révélé, en 2010, qu’il était probable que certains cheminots travaillent moins que la durée légale hebdomadaire, qui est de 35H00. Sans compter les avantages annexes, comme la gratuité totale des transports, dont peuvent bénéficier le cheminot et sa proche famille (conjoint, enfants, et même grandsparents). Mais attention, tout cela dans la limite des places disponibles. En cas de forte influence, la famille devra payer…un billet au tarif préférentiel de -90%. Non franchement, le gouvernement dépasse les bornes. Et d’ailleurs, son intransigeance se répercutera sur les candidats aux bacs, qui devront subir les effets de cette grève. Mais heureusement, Sud Rail a une solution pour pallier à l’inquiétude des bacheliers. Dans un élan de bienveillance, le syndicat a proposé, sur son compte Twitter, de repousser les épreuves du bac pour ne pas perturber la grève. Enfin une solution qui a du sens ! Antoine DE LONGEVIALLE
FRANCE LES CANCRES DE LA RÉPUBLIQUE
LES SOUS-DOUES ONT PASSÉ LEUR BAC L’AUTEUR DE LA FUITE DES SUJETS DU BAC SE DENONCE
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Ils sont puissants, rassemblent des milliers d'électeurs et font voter des lois à tour de bras. Eux, ce sont les cancres qui nous gouvernent malgré des résultats moribonds au baccalauréat. En cette période d'examen, retour sur ces hommes et femmes politiques « sous-doués du bac », qui prouvent que les bonnes notes ne font pas les grandes carrières.
LES PERLES DE L’ÉPREUVE DE FRANÇAIS DU BAC L’édition 2014 du baccalauréat n’échappe pas aux traditionnelles perles. Cette année c’est dans l’épreuve de Français que les candidats se sont illustrés, avec entre autre : « Jean-Jacques Rousseau était-il anticommuniste ou djihadiste anti-américain ? C’est une question qu’il est légitime de se poser » et « Attention, il faut bien noter que les classiques et les néoclassiques ne voient pas le monde de la même façon. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si le héros de Matrix porte le prénom Néo ». Pour savoir si ces perles auront des conséquences sur l’obtention du diplôme, les élèves devront attendre le 4 juillet prochain.
LE BAC « PEU PERTURBÉ PAR LA GRÈVE SNCF » SELON BENOIT HAMON Le ministre de l’éducation nationale, Benoît Hamon s’est exprimé, au sujet des répercussions de la grève des cheminots sur les candidats du baccalauréat, mardi sur RTL. Le ministre socialiste a déclaré à l’antenne : « La grève SNCF à peu perturbé les examens. Nous avons enregistré un peu moins de 300 retards, dont quelques-uns sont probablement imputable à la grève, mais cela correspond au nombre de retards d’une année ordinaire ». La SNCF avait mis à disposition des candidats un numéro vert, des badges et 10.000 agents dans les gares, pour les aider à rejoindre leur centre d’examen.
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Mardi, une jeune fille s’est présentée à la gendarmerie pour avouer être l’auteur de la fuite des sujets du Bac de philosophie. L’affaire a débuté lundi. Lors du premier jour du bac, les sujets de philosophie avaient fuité sur Twitter avant 9 heures, début officiel de l’épreuve. Suite à cela le ministre de l’éducation Benoît Hamon avait tenté de minimiser l’affaire en déclarant : « Je veux rassurer tout le monde, il n’y a pas eu de fuites ». Pour l’instant, les gendarmes n’ont pas confirmé que la fille était bel et bien responsable de la fuite des sujets sur le réseau social.
Marine Le Pen
François Hollande
Lundi, comme chaque année depuis la création du bac, épreuve plus redoutée qu'un interrogatoire de la BAC marseillaise (Brigade Anticriminelle), 686 907 lycéens ont débuté les sessions d’examens. Comme chaque année il y aura des heureux et des déçus. Et comme chaque année les politiques en profiteront pour distiller des petites phrases dans la presse. Mais certains d’entreeux ont plus de points communs avec le film de Claude Zidi « Les sous-doués passent le bac » qu'avec les 86,8% des candidats admis à l'examen en 2013.
qui l'envoyaient au rattrapage : 7/20 en Français, 8/20 en maths, 9/20 en Philosophie et 10/20 en anglais. Mais cela ne l'a pas empêché d'obtenir son bac ES et d'être le candidat favori des sympathisants de droite pour 2017 (il récolte 32% loin devant ses concurrents Fillon, Wauquiez, Lemaire et Kosciusko-Morizet selon un sondage Harris Interactive réalisé en juin 2014). Quand à la fille du père, Marine, elle a également connu la désillusion devant ses résultats du bac en 1986. Mais ce n'est pas un 4/20 en philosophie qui a désarmé la chef de file de l'extrême droite. Et ça ne l'a pas empêché d'avoir son bac ES au rattrapage comme son confrère UMP et d'être considérée, 28 ans plus tard, comme la favorite des sondages pour l'élection présidentielle de 2017. Est-ce grâce aux tricheries utilisées par Daniel Auteuil -alias Bébél- dans la comédie des années 1980 « Les sousdoués passent le bac » ou à force de travail que Marine et Nicolas sont devenus de futurs présidentiables ? Ces exemples ont en tout cas de quoi rassurer tous les cancres candidats du baccalauréat : même si vous êtes aux rattrapages, un avenir rempli de débats politiques, de calomnies médiatiques, d'affaires judiciaires, de concerts de Carla Bruni et de spectacles
Les sous-doués : du rattrapage au top des sondages L'un est le 23ème Président de la République Française et avocat. L'autre est Présidente du Front National et avocate. Tous deux squattent aujourd'hui, le haut des sondages, mais avant de se retrouver sur la liste des potentiels présidentiables de 2017, ils se sont retrouvés sur la liste des candidats forcés de passer par les rattrapages pour obtenir leur diplôme. Lui c'est Nicolas Sarkozy et elle c'est Marine Le Pen. En effet, en 1973 pendant que ces copains du Cours Saint Louis de Monceau célébraient leur joie d'être reçu à l'examen, le petit Nicolas regardait les notes
Nicolas Sarkozy
de Dieudonné, vous attends peut-être. Les surdoués, toujours les plus détestés Avant, on considérait les personnes estampillées « têtes d'ampoules » comme des êtres dotés d'une intelligence supérieure à la normale. Mais ça, c'était avant que la série télévisée Malcolm ne passe par là et réduisent les têtes d'ampoules au rang d’intellos qu'on adore détester. La série américaine nous a exposé la « théorie des surdoués détestés », à coups de scènes dans lesquelles Malcolm et ses amis se font blâmer par le reste de l'école. François Hollande a fini par confirmer la théorie exposée par une série télé américaine au raffinement concurrençant les spectacles de Jean-Marie Bigard. Le Président de la République a beau avoir fait un sans-faute dans son parcours scolaire : bac du premier coup, droit, HEC, Science Po Paris, l'ENA, il reste le Président le plus impopulaire de la V ème République avec 15% d'opinion favorable, selon un sondage YouGov réalisé en juin 2014. Même si Hollande a un zéro pointé en popularité, il peut toujours se consoler en regardant ses diplômes. Irchade KARI
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INTERVIEW
NORA BERRA DÉPUTÉE EUROPÉENNE ET CONSEILLÈRE MUNICIPALE À LYON
« J’ai toute confiance dans le triumvirat. » ©DR
En pleine affaire Bygmalion, l’UMP tente de se tourner vers l’avenir. Nora Berra, députée européenne proche de Nicolas Sarkozy, et ancienne secrétaire d’Etat chargée de la Santé, livre à Prisme son regard sur l’affaire, le futur du parti, et l’éventuel retour de l’exprésident de la République. Quel regard vous portez sur l’affaire Bygmalion et l’héritage que Copé a laissé à l’UMP ? C’est difficile à dire. Le bilan de sa présidence est très bon, notamment la manière dont il a mis le parti en mouvement. Il faut reconnaître son succès majeur avec les municipales. Après, il faut séparer son bilan et l’affaire Bygmalion. Ça a surpris tout le monde, personne ne s’y attendait. Mais pour l’instant on ne connaît pas tous les tenants et aboutissants. Jean-François Copé a répété encore une fois au bureau politique, dont je fais partie, qu’il n’était pas au courant de toute cette histoire. Et je veux le croire. D’une manière générale, sa façon de gérer le parti était bonne. Mais les conditions de son accès à la présidence du parti ont accéléré la dégradation de l’image de l’UMP, qui est contesté par le FN comme premier parti d’opposition. Jean- François Copé est-il responsable, en partie, de l’émergence du FN en tant que premier parti d’opposition justement ? Mais pas du tout. Ce sont des raccourcis. Le FN n’est jamais aussi haut que quand la gauche est au pouvoir. C’est la défaillance du pouvoir en place, son autisme, le matraquage fiscal, le chômage en hausse, les réformes non prioritaires qui divisent les français et qui font que le citoyen se tourne vers le discours de Marine Le Pen. C’est un vote de contestation, de défiance. La corrélation avec Jean-François Copé est totalement
inopportune. Et puis, il faut relativiser le score de Marine Le Pen aux européennes, le prendre avec des réserves. A peine 40% se sont déplacés aux urnes. Il est vrai que l’UMP a pâti de l’élection de 2012. Mais François Fillon et Jean-François Copé ont ensuite tout fait pour trouver un point de consensus et une manière de fonctionner. Et ça a marché. Le sarkothon, par exemple, a mobilisé de façon inédite les français pour trouver les 11 millions manquants des comptes de campagne. Donc Jean-François Copé a réussi à mobiliser. En parlant du sarkothon, vous soutenez un éventuel retour de Nicolas Sarkozy, que vous trouvez « naturel » comme vous l’avez dit dans L’Express. Vous ne trouvez pas que ce serait un retour en arrière, car il n’y a pas de nouvelles têtes émergentes à l’UMP ? Peut être, mais ce n’est pas un choix par défaut. Je soutiens son retour, j’appelle à son retour. Depuis 2012, notre famille politique a beaucoup souffert. Beaucoup de candidats ont l’objectif de la présidentielle 2017. Je considère que moins il y a d’autorité naturelle, plus il y a de candidats qui veulent jouer un rôle important, et ce n’est pas une bonne chose. Il est donc bien que quelqu’un s’impose comme un leader naturel. Et Nicolas Sarkozy, qui est encore jeune, dynamique, qui a pris du recul, est le candidat idéal. Sur l’échiquier international, nous ne pesons plus et n’avons plus de crédibilité. En atteste la défaillance de François Hollande sur le problème ukrainien en comparaison de Nicolas Sarkozy et la crise géorgienne par exemple.
D’ailleurs Nicolas Sarkozy a rencontré Vladimir Poutine lors des commémorations du débarquement. Est-ce que ses bonnes relations avec le président russe peuvent être un argument de campagne ? Pas du tout, on ne peut pas faire campagne sur les bonnes relations personnelles d’un président. C’est une manière un peu réductrice de voir les choses. Au delà des relations personnelles, ce qui compte c’est la voix de la France et toute son histoire : les droits de l’homme, la diplomatie… C’est ce qui fait la fierté que nous avons à intervenir sur les différents théâtres internationaux. C’est dans notre ADN. Après, sa facilité à engager des relations avec les autres gouvernants, à négocier malgré une divergence de points de vue, est un atout. Vous vous dîtes confiante quant à l’avenir de l’UMP ? Ce qui se passe aujourd’hui est une manière d’apaiser les choses. J’ai toute confiance dans le triumvirat (Jean-Pierre Raffarin, François Fillon et Alain Juppé, ndlr) et l’intervention en tant que secrétaire général de Luc Chatel, que j’ai pu côtoyer au gouvernement. C’est quelqu’un d’extrêmement intègre, qui aura à cœur de rassembler la famille politique autour de nos valeurs. Il a un grand sens de l’intérêt collectif. Cela envoie un signal d’apaisement et de sérénité auprès de nos militants Propos recueillis par Kévin CHARNAY
LA THAÏLANDE DANS LE VISEUR DES USA
INTERNATIONAL
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LA THAÏLANDE, PLAQUE TOURNANTE DE L’ESCLAVAGE
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Les supermarchés Carrefour, Walmart, Tesco et Costco sont alimentés par des crevettes pêchées par des esclavec en Thaïlande, d'après une enquête du Guardian. Un constat qui laisse un goût amer. LA THAÏLANDE RÉTICENTE À LUTTER CONTRE LE TRAVAIL FORCÉ Après deux semaines de débats, la conférence internationale du travail a adopté mercredi 11 juin à Genève des mesures pour lutter contre le travail forcé. Ce nouveau document réclame une meilleure protection des victimes de la part des Etats et du secteur privé ainsi qu’un accès aux dédommagements. Ce protocole a été adopté par 437 voix contre 8 et 27 abstentions. A noter que la Thailande est le seul Etat à s’être opposé au texte.
DES MILLIERS DE CAMBODGIENS QUITTENT LA THAÏLANDE Plus de 200.000 travailleurs cambodgiens continuent de fuir la Thaïlande qui menace de les expulser. Problème, ils sont un rouage clé de l’économie du pays puisque le nombre de travailleurs sans-papiers s’élèverait à 800.000. Cet exode massif menace donc plusieurs secteurs clefs de l’industrie, notamment la pêche. Les industriels craignent également un effet boule de neige sur les travailleurs birmans qui figurent au premier rang des travailleurs peu qualifiés et corvéables.
LE PRINCE JORDANIEN NOMINÉ À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’ONU Le poste de Haut Commissaire aux Droits de l’Homme a été créé en 1993 afin de répondre à une exigence pour les droits de l’Homme. C’est le prince jordanien Zeid al-Hussein, 50 ans, qui remplira le poste pour une durée de 4 ans. Il a été nominé le 16 juin dernier et succèdera donc dès le 1er septembre prochain à la Sud Africaine Navi Pillay. Le prince fréquente depuis longtemps les organisations internationales comme l’ONU. Il a également occupé le poste d’ambassadeur de Jordanie aux USA pendant trois ans. Sa nomination est interprétée comme le moyen de communiquer auprès de souverains du Proche Orient même si certains redoutent son manque d’indépendance vis-à-vis des grandes dynasties dont il partage les origines.
Un travailleur immigré débarque du poisson dans le port de Sattahip, en Thailande.
La production de la crevette est un marché plutôt rentable, lorsqu’on constate que ces dernières représentent 51% des crustacés consommés par les Français. On peut également prendre l’exemple de Forrest Gump, ce visionnaire devenu milliardaire avec son entreprise de crevettes Bubba Gump. Mais si, aux dernières nouvelles, Forrest a géré son entreprise et gagné de l’argent de façon tout à fait respectable, on ne peut pas en dire autant de la Thaïlande, troisième exportateur mondial de poisson. En effet, suite à une enquête approfondie du Guardian, il ressort d’après plusieurs témoignages que les supermarchés européens et américains sont alimentés par des crevettes pêchées par des migrants esclaves. Selon les témoins, qui y travaillent toujours, ils auraient été capturés puis vendus à des capitaines de bateaux de pêcheurs. Drogués et torturés à bord, ils finissent donc par pêcher les fameuses crevettes vendues à des prix très attractifs. Plus de 20 heures de travail par jour dans des conditions exécrables, des menaces de mort à longueur de journée… C’est le quotidien de ces immigrés, principalement cambodgiens et birmans. En situation irrégulière, leurs recéleurs les font chanter, en les menaçant de les remettre aux autorités thaïlandaises s’ils n’obéissent pas. Et tout ça, au XXIème siècle.
La Thaïlande, cible de l’ONU Depuis quelques jours, les médias ne parlent que des crevettes thaïlandaises et du géant Carrefour. Ce dernier, qui se fournissait par ce biais, a annoncé suspendre ses achats chez la firme Chaoren Pokphand Foods, le principal producteur de crevette en Thaïlande. Mais ce n’est pas la première fois que le pays fait parler de lui à propos de trafic d’esclaves. En effet, l’OIT (Bureau International du Travail), branche de l’ONU, avait déjà dénoncé ce trafic d’être humain en septembre 2013, dans une étude rendue publique à Bangkok. En interrogeant près de 600 pêcheurs, l’ONG avait constaté que des milliers de birmans et de cambodgiens travaillaient sous la contrainte dans différents secteurs industriels de la Thaïlande, et plus particulièrement dans celui de la pêche. 17% avaient avoué être forcés à travailler, sous la menace de dénonciation aux autorités de l’immigration en Thaïlande, de pénalités financières ou encore de contraintes physiques. Si aujourd’hui, l’affaire des crevettes apparaît dans tous les journaux français, en septembre, en revanche, l’actualité était passée entre les mailles du filet des médias tricolores. Et ce, parce qu’il est ressorti que Carrefour était client de la firme, et que les français avaient donc de
la crevette pêchés par des esclaves dans leurs assiettes. Les Etats-Unis montent au créneau Suite à la publication du reportage du Guardian, les Etats-Unis envisagent de mettre la Thaïlande sur la liste noire du trafic d’êtres humains, engendrant des sanctions économiques sur le pays, au plus grand bonheur des ONG : « Les groupes internationaux peuvent faire beaucoup en renforçant leurs standards d'exigence, affirme Lisa Rende Taylor, de Anti-Slavery International, une ONG. Si les entreprises locales se rendent compte que les infractions leur causeront des pertes de bénéfices, cela pourrait provoquer un énorme changement ». Car la Thaïlande n’en est pas à son premier avertissement. Depuis maintenant quatre ans, le département d’Etat américain demande au pays de faire des efforts pour lutter contre ce trafic. Si la Thaïlande affirme en faire sa priorité nationale, elle pourrait aujourd’hui descendre à la dernière place du classement américain, qui évalue 188 pays. Un risque avec, à la clef, des conséquences désastreuses pour le commerce du pays asiatique. Elisa BOUVET
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INTERNATIONAL APRÈS DE GROSSIÈRES ERREURS, LE DÉBAT RELANCÉ L’ARBITRAGE VIDÉO, UNE NÉCESSITÉ POUR LE FOOTBALL MODERNE ?
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Alors que la Coupe du monde s’est ouverte jeudi sur la victoire de la Seleçao contre la Croatie (3-1), ce match inaugural a réservé des surprises que la Ligue 1 a bien connu la saison passée : des erreurs d’arbitrage. Il n’en fallait pas moins pour relancer le débat sur l’arbitrage vidéo.
Le Brésilien Fred (en jaune) s’effondre après un léger contact avec le Croate Lovren (en rouge) lors du premier match de la Coupe du monde. L’arbitre accorde un penalty qui crée la polémique.
Oui, parce qu’il faut rétablir l’équité sportive
Oui, parce qu’il faut s’ouvrir aux nouvelles technologies
L’attentat de Schumacher sur Battiston en 1982, la main de Dieu de Diego Maradona en 1986 ou encore le contrôle manuel de Thierry Henry face à l’Irlande en 2009. Toutes ces erreurs de jugement, aussi célèbres que monumentales soient-elles, auraient sans doute pu être évitées si l’arbitre central avait été assisté par la vidéo. Car en plus de changer radicalement la tournure d’un match, ces fautes d’appréciation peuvent être vues par le monde entier sans qu’une décision juste ne soit prise. Et cela crée forcément des polémiques, encore plus aujourd’hui à l’heure où tout le monde donne son avis sur les réseaux sociaux. Mais au-delà des débats, l’impact des erreurs arbitrales sur un classement peut désormais se mesurer. C’est ce qu’a démontré le site arbitragevideo.fr, qui recense toutes les erreurs majeures d’arbitrage (but injustement refusé, hors-jeu non signalé, penalty oublié) lors des rencontres de Ligue 1. Et le constat sur le classement final est éloquent. « Certaines équipes descendent en L2 ou ratent l’Europe alors qu’elles ne devraient pas » explique sous pseudonyme Stéphane Replay, créateur du site, à 20 Minutes. Ainsi, l’usage de la vidéo aurait, selon ce classement, permis à Sochaux de se maintenir et à Saint-Etienne de disputer la Ligue des champions.
Le tennis, le cricket et le rugby sont les meilleurs exemples de sports qui, afin d’éviter toute erreur de jugement, se sont ouverts aux nouvelles technologies ces dernières années. Le tennis et le cricket utilisent par exemple la technologie HawkEye pour déterminer si une balle est sortie ou non du terrain, alors que le rugby se sert de la vidéo pour vérifier la validité des essais. Au football, la première utilisation à grande échelle de l’arbitrage vidéo a été mise en place lors de ce Mondial pour savoir si le ballon a franchi la ligne de but. Une technologie qui vise à écarter tout but injustement refusé, comme ce fut le cas notamment lors d’Allemagne-Angleterre lors de la Coupe du monde 2010, ou au contraire, d’accorder un but non-valide comme par exemple celui de l’Anglais Geoff Hurst contre la RFA au cours du Mondial 1966. Le second but de l’équipe de France dimanche face au Honduras (30) a justement été le premier à être accordé grâce à la «Goal-Line Technology». Néanmoins, on peut reprocher à ce procédé de ne se concentrer que sur un fait de jeu qui ne concerne qu’une minorité des erreurs d’arbitrage, bien plus présentes sur les hors-jeu non signalés ou les penaltys oubliés/accordés. Cette technologie n’aurait par exemple pas pu déceler le coup de boule de Zidane sur Materazzi en finale de la Coupe du monde 2006. Le comble de cette histoire est
justement qu’un arbitre assistant a vu ce fait … grâce aux écrans géants dans le stade ! Non, parce que le football doit rester universel Le football, et c’est la base de son succès, est un sport universel. Il est accessible à tous et se pratique de la même manière aux quatre coins du monde, que ce soit au fin fond des favelas de Rio ou sur le rectangle vert du mythique Wembley. Mais la mise en place d’un arbitrage vidéo viendrait tout simplement supprimer cette notion. Le football dispose en effet de 17 lois fondamentales qui garantissent une pratique pour tous. Or, instaurer l’arbitrage vidéo nécessiterait de changer les règles 6 (l’arbitre est épaulé de 2 assistants) et 7 (un match dure 2 fois 45 minutes avec une pause de 15 minutes au plus) afin de préciser les changements apportés par cette nouvelle pratique. Mais modifier ces règles reviendrait à accorder un traitement privilégié aux clubs professionnels, ce qui creuserait davantage le fossé entre l’élite et le monde amateur. Ainsi, un match de Division d’Honneur ne sera pas arbitré de la même manière qu’une rencontre de Ligue 1, au prétexte de moyens financiers supérieurs. Des instances comme l’UEFA, Michel Platini en tête, le refusent catégoriquement. Jusqu’à quand ? Gautier STANGRET
CINQ ÉPISODES CONSTITUERONT LA SÉRIE « MEET THE UNEXPECTED »
MÉDIAS
VICE MAGAZINE : PUNK IS NOT DEAD !
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© BJARNE JONASSON
Depuis plus d’une semaine, le site internet du magazine punk Vice met en ligne une série de reportages intitulée « Meet the Unexpected ». Comprendre : rencontrer l’inattendu. Un mot à ne pas prendre à la légère lorsqu’on connaît la ligne éditoriale du média. une profondeur et une connaissance des sujets avérée. Intéressé par les thèmes souvent mis au ban de l’actualité généraliste, Vice approche chaque sujet avec un regard insolite et surtout guidé par l’envie de raconter une histoire. A ses débuts en 1994 à Montréal (Canada), Voice of Montreal, de son nom d’origine, est un magazine de réinsertion pour jeunes toxicomanes. Il est financé par l’Etat dans le cadre de ce programme de réinsertion et vendu dans les rues. En 1996, Suroosh Alvi, Shane Smith et Galvin McInnes, les fondateurs du magazine, rachètent les droits et le renomment Vice. La machine est lancée. Une certaine idée du journalisme punk Une des marques de fabrique du magazine, est en grande partie son caractère Shane Smith, rédacteur en chef de Vice magazine aux Etats-Unis. provocateur. Que ce soit « Meet the Unexpected » : Etienne Menu, de façon gratuite ou tout simplement journaliste à la rédaction parisienne de Vice parce que le sujet est, de par sa nature, propose dans le premier numéro de cette choquant. Que l’on prenne du LSD série un reportage tourné façon gonzo à durant le Jour de colère au milieu des travers Tokyo. Narrant des instants de vie manifestants à Paris ou que l’on s’invite de personnages atypiques, il est tour à à une séance de « massage » chez les tour confronté à des yakuzas, puis escorté mains blanches de Tokyo (des Japonaises par une bikeuse faisant partie d’un gang, payées pour donner des séances de jusqu’à un des plus célèbres tatoueurs de masturbations hebdomadaires à des l’archipel nippon. Dans la description du handicapés incapables d’assouvir leurs reportage, le but de son voyage était de désirs sexuels), les journalistes ne comprendre le fonctionnement d’un bar à s’imposent aucune limite.Inscrit dans une hôtesses. Il ne lui a pas fallu longtemps idée du journalisme punk, Vice s’intéresse pour sortir de son angle et attraper au vol à l’actualité sans tabou. Les journalistes l’occasion d’aller voir ailleurs. de la rédaction sont régulièrement envoyés à travers le monde. L’Ukraine L’envie de raconter une histoire pour le journaliste Simon Ostrovsky, qui a dernièrement été kidnappé durant Cet exemple représente assez bien l’état quelque jours alors qu’il se trouvait en d’esprit de Vice. Le ton du magazine lui Crimée, ou encore le Soudan du Sud est propre et est régulièrement qualifié pour Robert Young Pelton, le rédacteur d’inimitable. Que ce soit en vidéo ou à d’un récit mêlant articles écrits et vidéos l’écrit, des faits relatés de façon populaire, sur le pays le plus jeune du monde.Pas un brin « je m’en foutiste ». Un style besoin d’aller dans les tranchées pour en apparence pauvre en qualité vistrouver la perle rare. Vice met aussi un à-vis de l’information, mais qui cache
point d’honneur à s’intéresser aux sujets dits « plus tranquilles ». Observateur de la culture urbaine, le magazine s’efforce de capturer et de transmettre le portrait de nos contemporains. Les Hells Angels de Norvège ou encore l’art de la tauromachie d’un professionnel de 16 ans, rien n’est laissé au hasard. Des investisseurs en veux-tu en voilà Une identité qui paye puisque depuis quelques temps, la rumeur court sur le désir pressant de Time Warner (conglomérat actif dans le secteur des médias) d’investir jusqu’à un milliard de dollars dans cet organe de presse. Ce n’est pas le premier coup de force de l’actuel rédacteur en chef et propriétaire de Vice magazine. Shane Smith, père de famille de 44 ans, a su propulser son média sur le devant de la scène grâce à un partenariat avec la chaîne américaine HBO ainsi qu’avec la chaîne Youtube de Vice, qui comptabilise aujourd’hui plus de 4,7 millions d’abonnés. Une présence qui attire les annonceurs puisque la majorité des lecteurs du magazine et du site web est jeune et désintéressée des médias traditionnels. Une proie recherchée donc, et difficile d’accès.Petit hic malgré tout, puisque la présence de 21th Century Fox au sein du conseil d’administration de Time Warner bloque l’investissement. Le fils de Rupert Murdoch, James Murdoch surveille un fond s’élevant à 70 millions de dollars. Investissement exécuté en échange de 5% du capital. Il faudrait donc que Time Warner rachète la participation de l’autre géant de la télévision et du cinéma. Malgré cet obstacle, Vice Media continue à intéresser son potentiel investisseur. Classé parmi les 500 entreprises américaines les plus riches, Vice posséderait une valorisation entre deux et trois milliards de dollars. Une somme à mettre en parallèle avec la volonté de Shane Smith d’atteindre son objectif de doublement du chiffre d'affaires de Vice Media pour arriver à un milliard de dollars d'ici 2016. Dans tous les cas, Vice s’impose comme une des rédactions les plus riches d’Amérique. Ce qui ne l’empêche pas de rester loin du vice de la paresse. Alexandre FESTAZ
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LA PHOTO DE LA SEMAINE ©COMISSÃOGUARANNI
LA SEMAINE PRISME
Le garçon de 13 ans manifeste avant la cérémonie d’ouverture de la Coupe du Monde.
UN INDIEN DANS LE STADE de Léa Cardinal
Pendant la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de Football qui a lieu en ce moment au Brésil, la venue d’un adolescent a tout chambouler. A quelques minutes du coup d’envoi du match opposant le Brésil contre la Croatie, trois enfants arrivent ensemble au milieu des joueurs, comme prêts à évoluer avec eux. Un garçon de type européen, une petite fille métisse et un indien se regroupent au milieu du rond central et lâchent des colombes blanches en signe de paix. Respectueux, les 22 joueurs applaudissent à l’unisson. Si tout le monde pensait qu’ils en avaient terminé, le jeune garçon d’origine indienne, un dénommé Werá Jeguaka Mirim s’écarte un peu du protocole et brandit une banderole rouge sur laquelle est inscrit « demarcação » (démarcation en français). Un message en faveur des indiens du Brésil. Ce n’est hélas pas le premier Indien qui proteste et lutte pour la délimitation des territoires indiens là-bas. Deux jours auparavant, pas moins de 500 chefs indiens étaient mobilisés à Brasilia. Une manifestation qui a très vite été interrompue par les forces de polices, pour finalement se terminer avec un blessé, l’un des 700 policier, touché à la cuisse par un habitant. Cette banderole rouge continue d’accentuer la polémique sur les fractures sociales dont est témoin le pays. Mais les médias, brésiliens comme étrangers, demeurent silencieux et font croire que tout va bien. La réalité elle, en est tout autre.