Numéro 9 de Prisme

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PRISME NUMÉRO 9, 15 MAI 2014

MDMA : LYON S’EXTASIE Boko Haram, trop fort pour le Nigéria ?

UK : quand éducation rime avec islamisation

L’INTERVIEW. Bernard Fournier, chercheur et politologue à l’Université de Bruxelles.


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ÉDITO IL FAUT GRACIER LE SOLDAT SNOWDEN

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STANGR R E I T GAU

epuis un peu moins d’un an, le monde découvre quasi-quotidiennement de nouvelles révélations plus ou moins accablantes sur l’espionnage massif orchestré par la NSA, la principale agence de renseignement américaine. Derrière ce grand déballage public, les convictions d’un homme : Edward Snowden. Cet ancien employé de la National Security Agency a voulu se faire le pourfendeur du respect à l’intimité en rendant public des milliers de documents confidentiels découverts sur le tas. Un acte héroïque tant la valeur de ces informations est primordiale pour la survie de la vie privée, dans une société où cette notion tend, néanmoins, à s’effacer. Mais l’informaticien est actuellement en proie à la justice de son pays, qui l’a inculpé de trois chefs d’accusation, lui garantissant au minimum 30 années de prison. C’est pourquoi le lanceur d’alerte a été contraint de s’exiler en Russie, pays dans lequel il est considéré comme « un défenseur des droits de l’homme. » Est-ce un juste retour des choses pour quelqu’un ayant permis de dévoiler publiquement la face cachée d’un iceberg trop indiscret ? Certainement pas. Car même si la trahison du secret professionnel est avérée, Edward Snowden a avant tout rendu un grand service à son pays. En dénonçant les méthodes de surveillance abusives et malhonnêtes de la NSA, il a permis à l’opinion publique d’ouvrir les yeux sur une institution jusque-là intouchable. Cette dernière devrait d’ailleurs prochainement faire l’objet d’une réforme nécessaire, prévoyant notamment que les futures données collectées par la NSA nécessitent l’autorisation d’un juge avant d’être exploitées. Il est donc temps que les Etats-Unis prennent conscience que ce qu’ils jugent d’une gravité extrême n’est peut-être qu’un mal pour un bien, et cessent d’appliquer des peines disproportionnés pour ce type de délit (l’ancien soldat Bradley Manning purge actuellement une peine de 35 ans de prison pour avoir transmis des documents diplomatiques et militaires confidentiels au site WikiLeaks). Car ces lanceurs d’alerte n’hésitent pas à mettre leur vie en jeu pour déjouer les codes, et peuvent à eux seuls déstabiliser la suprématie des plus puissantes institutions au nom d’un droit fondamental : la vérité. Mais comme le disait si bien Guy Béart, de manière ironique, « le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté. » Un esprit borné, qui pourrait toutefois connaître une évolution positive, puisque Richard Ledgett, le chef de la mission qui travaille sur les fuites de Snowden à la NSA, a récemment déclaré à CBS News qu’il envisageait d’amnistier Edward Snowden si celui-ci stoppait toute fuite supplémentaire. Il ne reste plus qu’aux autorités compétentes d’emprunter le même chemin.

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SOMMAIRE

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DOSSIER SPÉCIAL La MDMA réchauffe les nuits lyonnaises.

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Nigéria : Le gouvernement de Goodluck Jonathan sans solution.

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Islamisation : la polémique grandit au Royaume-Uni.

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Interview. Bernard Fournier dresse les enjeux des élections européennes. Les stars : nouvelles banques des musées.

LA SEMAINE PRISME 10 9 Populisme : objectif europe.


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FRANCE

DOSSIER

MDMA : LYON SOUS dès la nuit tombée sur la capitale des Gaules. Autrefois réservées aux « Rave Party », les drogues de synthèses, particulièrement l’ecstasy, s’échangent aux vues et aux sues de tous dans de nombreux établissements nocturnes du centre©DR

C’est un aspect peu connu du grand public, qui semble pourtant s’implanter discrètement et durablement dans les nuits lyonnaises. La consommation de drogues dites « dures » se banalise là où la musique électro résonne,

Chaque année, les Nuits sonores accueillent près de 100 000 personnes.

LE SAVIEZ-VOUS ? La MDMA (ou 3,4-méthylène-dioxy-methamphétamine) a été brevetée en 1913 par une société chimique allemande : Merck. L’objectif vaguement affiché était de créer une pilule de régime. Mais l’entreprise a finalement décidé de ne pas commercialiser la drogue. Malgré tout, et même si le laboratoire a toujours démenti ce type d’utilisation, elle aurait été utilisée au front dès la Première Guerre Mondiale où ses propriétés stimulantes devaient diminuer la fatigue des soldats et leur permettre de garder le moral. Il faudra attendre une cinquantaine d’années pour qu’elle réapparaisse. D’abord utilisée en psychiatrie, elle est vite détournée vers des visées plus récréatives. C’est ainsi qu’elle investit les clubs new-yorkais à la fin des années 80 puis, dix ans après, les rave-parties sous le titre plus général d’ecstasy. Pour faire face à une demande en hausse constante, les comprimés sont alors mélangés à la kétamine, à l’aspirine ou encore à la caféine. Des associations qui nuisent à l’image de cette drogue, si bien qu’elle est peu à peu remplacée. Mais au début des années 2000 la MDMA revient en force. Sous forme de cristaux cette fois, qu’il faut réduire en poudre avant de les ingérer ou de les sniffer. La drogue bénéficie d’une meilleure image et récupère sa place dans les milieux festifs. Initialement liée à la guerre, la MDMA aurait même des vertus thérapeutiques sur les anciens militaires. Elle permettrait d’atténuer l’état de stress post-traumatique dont souffrent 25% des soldats. Aux Etats-Unis, la Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies (MAPS) a d’ailleurs prescrit de la MDMA, en plus des traitements habituels à base d’antidépresseurs, à plusieurs militaires qui revenaient d’Irak.

ville. Enquête sur la face cachée des aubes lyonnaises.

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our se rendre compte de l’ampleur du phénomène, il suffit d’observer le nombre d’ « Afters», en constante augmentation, proposés aux noctambules de la région. Ou alors simplement d’arpenter dès potronminet les couloirs du métro. Les soirées tardent à se terminer tant les limites du corps sont repoussées par l’effet de la MDMA. Bouteilles d’eau à la main pour lutter contre la déshydratation, les usagers toujours sourire aux lèvres remplissent le Transbordeur, le Ninkasi, le Dv1 ou le Sucre. La MDMA, appelée aussi « MD », est le nom donné à l’ecstasy, dédiabolisant ainsi l’image néfaste de cette drogue. C’est pourtant cette même amphétamine qui circule aujourd’hui depuis son arrivée au début des années 90 dans les clubs de techno anglais. En France c’est environ 150 000 personnes qui admettent consommer chaque année cette substance. Pourtant le rayonnement de la scène électro Lyonnaise (Nuits Sonores, Reperkusound, Open Air…) tend à faire devenir la ville, à l’instar de Berlin, une capitale européenne de la drogue, intrinsèquement lié au monde de la nuit. Quand, en France, l’expérimentation de l’ecstasy a tendance à baisser depuis 2002, elle stagne, voire remonte, ces dernières années dans la Région Rhône-Alpes, d’après l'observatoire français des drogues et des toxicomanie. Les autorités semblent pourtant ne pas s’inquiéter du « come-back » du stupéfiant, seulement 63 usagersrevendeurs ou trafiquants d’ecstasy/ MDMA ont été interpellés au cours de la dernière année, selon les chiffres officiels. Bothmark, un DJ de la région, estime que la situation s’est aggravée notamment cette dernière année mais ne voit pas de corrélation directe avec l’arrivée des différents festivals : « Cette expansion


Par Romaric Haddou et Lorenzo Calligarot

INFLUENCE n'est pas forcément liée à l'augmentation de festivals mais plutôt à la mentalité des jeunes lyonnais. C’est une pratique qui a toujours été plus ou moins répandue mais elle n’était pas visible car avant, "se droguer" n'était pas "cool". L’état d’esprit des jeunes est désormais à l’affirmation, à repousser les limites comme ils pouvaient le faire avant avec l’alcool. Ils les repoussent aujourd’hui principalement avec la MDMA qui est la plus consommée ». Pour Vincent Carry, directeur des Nuits Sonores et du Sucre, il ne faut pas stigmatiser ce milieu. Il estime que le monde de la nuit doit être un synonyme de liberté. « Je pense qu’il faut aller voir le monde du Business, le monde des PME, en France, à Paris.

«Nous sommes en guerre contre la drogue mais c’est un phénomène européen, occidental.» A la Défense par exemple je ne pense pas qu’il n’y a rien à redire au niveau des comportements. La nuit doit rester un espace de liberté. Est-ce qu’on veut une société qui soit totalement débarrassée du monde de la nuit ? Moi je ne pense pas. Néanmoins nous sommes en guerre contre la drogue, mais c’est un phénomène européen, occidental, qu’il ne faut pas cantonner au monde de la Nuit. Nous ne sommes pas dépositaires des politiques, des lois, ni des outils de répression. Donc nous faisons ce que nous pouvons en relation avec les autorités publiques, préfectorales et sanitaires pour prévenir tout débordement. Pour moi, dans le cadre des Nuits Sonores, le constat en termes d’évolution n’est pas très inquiétant. En douze ans de Nuits Sonores nous n’avons jamais eu un blessé grave. »

TROIS QUESTIONS À…

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SPÉCIAL

FRANCE

STÉPHANE THOMAS, ADDICTOLOGUE

Dans les milieux festifs, les drogues de synthèse semblent gagner du terrain auprès des jeunes, qu’en est-il réellement ? Globalement et notamment depuis 4 ou 5 ans, on constate que les jeunes se tournent vers un nombre croissant de produits et ce, de plus en plus tôt. Toutes proportions gardées, le phénomène est le même que pour l’alcool ou le cannabis. On voit des consommateurs de plus en plus jeunes, qui diversifient leurs expériences et leurs excès. Et quelles en sont les raisons ? Qu’est-ce qui poussent les jeunes vers ces nouveaux produits ? C’est en partie lié à l’évolution des mentalités et de la société en général. Mais probablement que la combinaison de facteurs génétiques et environnementaux favorisent aussi les comportements à risque. On a coutume de dire que la génération Y repousse les limites en termes d’excès, que l’objectif est d’aller toujours plus loin. C’est quelque chose qui est apparu dans le débat quand on a commencé à parler du phénomène de « binge drinking » (ndlr, les « bitures express »). A peu de choses près, c’est le même objectif. Les jeunes recherchent une forme de liberté, de désinhibition totale. Il faut faire sauter toutes les barrières et dans ce cas, on s’aide de n’importe quel outil. Les utilisateurs le disent régulièrement, sous MDMA les sensations sont décuplées, c’est une drogue de rencontre, de contact. Y’a-t-il une corrélation forte entre ces nouvelles drogues et certains univers musicaux, certains rassemblements ? L’ecstasy est souvent associée au milieu des festivals, de la techno et de la musique électronique. C’est à la fois un héritage et une réalité. La relation était très forte dans les années 90 et elle perdure puisque les statistiques de l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) confirment sa forte implantation dans ces espaces-là. C’est une drogue qui permettrait de mieux ressentir la musique, électronique notamment. Certains usagers évoquent des comportements qui se rapprochent de la transe avec des rythmes presque hypnotiques. Mais ce que l’on constate de plus en plus, c’est son arrivée dans des contextes moins spécifiques, dans les bars notamment. Le monde de la nuit en général est, de toute façon, perçu comme un terrain de jeu, donc il est plus susceptible d’attirer les comportements à risques et les excès de ce type, quel que soit l’événement et quel que soit le public.


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INTERNATIONAL

PLUS DE 200 LYCÉENNES ENLEVÉES

LE GOUVERNEMENT NIGÉRIAN IMPUISSANT FACE À BOKO HARAM

Le 5 mai, Boko Haram a revendiqué l’enlèvement de 276 lycéennes à Chibok, au Nigéria, commis trois semaines auparavant. 57 seraient parvenues à s’échapper. Le gouvernement de Goodluck Jonathan se révèle incapable de contrer les agissements du groupe islamiste. sont suivis des combats avec les forces de l’ordre nigérianes et une grave répression, renforçant les velléités du groupe armé. Les objectifs de Boko Haram ont évolué ces dernières années. Comme l’explique Gilles Yabi, chercheur indépendant spécialiste de l’Afrique de l’Ouest, à La Croix, le groupe armé entendait instaurer un Etat islamique dans le nord du pays. Aujourd’hui, il cherche

l’instauration de l’état d’urgence il y a un an, l’armée a bombardé des villages entiers, sans distinction, se mettant à dos une partie de la population. « De nombreux habitants refusent de dénoncer les membres de Boko Haram, certains ont même rejoint ses rangs », explique au Monde MarcAntoine Pérouse de Montclos, professeur à l'Institut français de géopolitique, spécialiste du Nigeria. La création de milices locales a également entraîné des réactions ultra-violentes de la part de Boko Haram qui s'est mis à éliminer des villages entiers suspectés d'avoir collaboré avec les forces de sécurité, comme ces 100 personnes massacrées mi-février à Izghe dans l’Etat de Borno.

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La secte islamiste Boko Haram a frappé fort, trop fort pour le gouvernement nigérian. En effet, face à l’incapacité du gouvernement devant le groupe armé, le président Goodluck Jonathan avait demandé le 3 mai l’aide de son homologue américain Barack Obama pour « résoudre les graves problèmes de sécurité » au Nigéria et la coopération des pays voisins. Le lendemain, il réunissait les chefs de l’armée, les responsables

La pression des familles

gouvernementaux, les représentants de l’Etat de Borno et le directeur de l’école de Chibok, où l’enlèvement a eu lieu trois semaines auparavant. Résultat, comme pour narguer le gouvernement, le chef de Boko Haram a revendiqué le lendemain par vidéo le rapt des 276 lycéennes. Pourquoi une telle impuissance ? Boko Haram de plus en plus violent Le nom « Boko Haram » signifie « L’éducation occidentale est un péché », d’où sa stratégie de viser les lycées, jugés trop influencés par les valeurs occidentales. La secte est née en 2002 dans le nordest du Nigéria, devenue particulièrement violente en 2009 après l’élimination de son chef Mohamed Yusuf. S’en

la confrontation directe avec les autorités centrales pour déstabiliser le pays. L’Etat nigérian maladroit Boko Haram profite également de la fragilité de l’Etat nigérian. Pays le plus peuplé d’Afrique, le Nigéria aurait tout pour s’en sortir, notamment grâce à sa production de pétrole, la plus grande du continent africain. Pourtant, la moitié de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Des inégalités, poussées à l’extrême par la corruption, et l’absence totale de politiques publiques. Voilà un facteur qui permet à Boko Haram de recruter parmi la population. De plus, la répression aveugle des militaires nigérians se révèle inefficace, amenant une spirale de violence. Depuis

Cette inactivité, ou tout du moins cette inefficacité dans l’action, commence à exaspérer les familles des victimes et les parents de lycéennes enlevées. Plusieurs manifestants se sont réunis le 11 mai à Abuja, la capitale, pour presser le gouvernement et dénoncer « l’inactivité » des forces de sécurité depuis l’enlèvement des jeunes filles. Les parents avaient sommé une semaine plus tôt la communauté internationale de se mobiliser. Réussi, puisque si le Nigéria est en difficulté, l’histoire de ces 200 jeunes filles a su susciter l’émoi international. En atteste ce hashtag lancé sur les réseaux sociaux #BringBackOurGirls, ou la proposition de François Hollande d’organiser un sommet africain à Paris samedi 17 mai pour évoquer les questions de sécurité en lien avec Boko Haram. Des équipes françaises, américaines et britanniques sont d’ailleurs déjà sur place pour tenter de retrouver les lycéennes. Kévin CHARNAY

DEUX RASSEMBLEMENTS EN UNE JOURNÉE POUR LES LYCÉENNES DU NIGÉRIA Des personnalités françaises et plusieurs associations féministes ont manifesté mardi à Paris, séparément, en soutien aux lycéennes nigérianes enlevées par le groupe terroriste Boko Haram. La mobilisation des célébrités a été organisée par la réalisatrice Lisa Azuelos, l’actrice Karine Silla et la socialiste Yamina Benguigui. Les ex-premières dames Carla Bruni-Sarkozy et Valérie Trierweiler ont également participé à la manifestation. Le second rassemblement, organisé par les associations féministes, a mobilisé près d’un millier de manifestants.

LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR DU NIGÉRIA REFUSE D’ÉCHANGER LES LYCÉENNES. Lundi, une vidéo montrant les lycéennes nigérianes enlevées mi-mars par Boko Haram a été diffusée par son leader, Aboubakar Shekau, dans le but de les échanger avec des prisonniers du groupe armé. Dans la même journée, le ministre de l’Intérieur nigérian, Abba Moro, a refusé l’échange, soutenant que « ce n’est pas à Boko Haram et aux insurgés de poser leurs conditions », et « qu’il n’est pas question d’échanger une personne contre une autre ». BRUNEI : INSTAURATION DE LA CHARIA Depuis le 1er mai, la loi islamique de la charia est instaurée au Brunei. Cela a provoqué dans le monde entier l’appel au boycott des hôtels appartenant au pays. Plusieurs personnalités, dont François Pinault appellent à ne plus fréquenter les palaces du pays au nom des droits de l’homme. Au Brunei, ceux qui ne pratiqueront pas le ramadan seront condamnés à des peines d’amputation, dès 2015.


LES DESSOUS D’UNE RÉALITÉ

INTERNATIONAL

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ROYAUME-UNI : L’ISLAMISATION PREND DE L’AMPLEUR À L’ÉCOLE

©Collège Debussy

L’écrivaine palestinienne Ahlam Akram dénonce la montée du radicalisme dans le milieu scolaire. Elle lutte contre les écoles tombées aux mains des intégristes à Birmingham et dans de nombreuses villes du Royaume-Uni. Focus sur ce nouveau phénomène racial. l’islamisme reste encore très tabou au Royaume-Uni, au point qu’il peut aboutir à la perte d’un emploi si l’on se montre trop critique. Les plus radicaux à qui on permet la liberté de culte, restreignent la liberté à l’égard des occidentaux, liberté qu’ils considèrent comme néfaste. Réaction tardive des Occidentaux

Au Royaume-Uni, c’est un sujet qui est au cœur des débats/ des conversations. Depuis quelque temps, les familles musulmanes se plaignent de l’extrémisme qui sévit dans les écoles publiques de leurs enfants, à Birmingham ou dans d’autres grandes villes. Dans ce genre d’écoles que les groupes intégristes « dirigent ». « On apprend aux enfants à rejeter le non-musulman, on sépare les filles des garçons et on interdit également les cours de natation et de musique pour les écoliers » décrit Ahlam Akram dans une tribune publiée sur elaph.com. Ce phénomène racial qui frappe petit à petit la population britannique n’a pas non plus échappé aux médias locaux. La BBC a décidé de mener l’enquête, afin de comprendre ce qui se passe réellement dans les écoles du Royaume-Uni. Après des mois de recherches, la chaîne découvre 25 établissements où des extrémistes remplacent les équipes pédagogiques habituelles par des instituteurs musulmans qui prônent la haine. Dans leur reportage, les journalistes anglais montrent que dans ces écoles amenées par des groupes intégristes, des « gardiens fondamentalistes » prennent le rôle de policiers avec les enfants. Ils sermonnent par exemple les fillettes qui s’habillent de manière « indécente » ou qui ont oublié de jeûner, allant même jusqu’à les agresser physiquement. Ces nouveaux gardiens les obligent à manger des repas hallal, à

se rendre aux salles de prière et dans des endroits spécifiques pour la récitation du Coran. Une fracture avec les populations occidentales Avant même l’attentat du 11 septembre 2001, la présence de musulmans suscitait un danger aux yeux des populations occidentales. Une crainte que l’extrêmedroite européenne a décidé d’exploiter pour gagner du terrain en jouant sur les peurs. Profitant de la liberté de culte chère à l’Occident, les musulmans créent des lieux de prières et des écoles islamiques. En appliquant le prosélytisme, les migrants qui ne pratiquaient pas forcément la religion dans leur pays d’origine se mettent à fréquenter ces lieux où le radicalisme prend racine grâce à des imams charismatiques. Ces islamistes radicaux refusent la liberté de pensée occidentale et l’ouverture au monde pour leurs enfants, prétextant qu’elle est contraire à leur doctrine religieuse. Une doctrine « arrangeante », qui permet aux musulmans de justifier leurs actes, parfois répréhensibles. Un tribunal britannique a par exemple, condamné neuf musulmans pour exploitation sexuelle de mineures blanches à Manchester, considérée par les prévenus comme autorisée du fait de leur religion différente. Au total, plus de 2800 cas ont été enregistrés en un an. Le problème persiste car le sujet de

L’islamisation continue de prendre de l’ampleur dans les écoles britanniques, si bien que le Ministère de l’éducation a décidé de réagir en lançant des inspections dans les 25 écoles indépendantes susceptibles d’être aux mains des extrémistes islamistes. Tout débute avec la fameuse opération « Cheval de Troie », une lettre anonyme relayée par le Sunday Times, qui laisse à penser à un complot destiné à implanter les groupes islamistes à la tête des écoles de Birmingham, où 22 % de la population est musulmane. Le document conseille aux parents « d’identifier les écoles cibles et de sélectionner un groupe de parents salafistes ». Hormis Birmingham, d’autres villes sont concernées comme Bradford et Manchester. 15 des 25 écoles auraient déjà reçu la visite d’inspecteurs de l’Ofsted (bureau des normes dans les services de l’éducation et les compétences de l’enfant). Depuis le début de l’enquête, des centaines de plaintes de parents et de professeurs ont été prises en compte mais pour l’instant rien n’a été prouvé. La vigilance demeure dans ces écoles alors que les responsables d’organisations musulmanes dénoncent une « Chasse aux sorcières ». Tout cela finit par être le terreau de l’extrême-droite, la société britannique angoisse à l’idée qu’elle soit confrontée au danger du radicalisme, du racisme et de l’insécurité. Face à ce type de dérives, le gouvernement britannique a récemment ouvert une enquête sur les activités des Frères Musulmans, qui s’attachent avec acharnement à modifier la culture occidentale pour imposer la culture islamique. Léa CARDINAL


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INTERVIEW BERNARD FOURNIER CHERCHEUR ET POLITOLOGUE À L’UNIVERSITÉ VRIJE DE BRUXELLES. SES ÉTUDES PORTENT SUR LA SOCIALISATION POLITIQUE, LES COMPORTEMENTS POLITIQUES AU CANADA ET EN EUROPE, LE NATIONALISME ET LES IDENTITÉS, LA JUSTICE DISTRIBUTIVE ET LE RÔLE DE L’ÉTAT.

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« L’Europe n’inspire plus la même admiration qu’elle pouvait provoquer il y a encore quelques années »

Plus qu’une semaine avant les élections européennes. Du 22 au 25 mai, plus de 380 millions d’électeurs sont appelés aux urnes. Répartis dans 28 pays différents, ils éliront les 751 députés européens qui composeront le futur Parlement. La France, elle, votera le 25 mai pour désigner ses 74 représentants. Tous les sondages en France prédisent un taux d’abstention très élevé. Quelles raisons expliquent ce désintérêt des Français? Il faut savoir que ce n’est pas un phénomène franco-français. Dans la plupart des pays européens, l’abstention risque d’être élevée. Elle est due en partie à la montée de l’euroscepticisme. Les gens ont de plus en plus de mal à déceler les points positifs de l’Union européenne. Même en Allemagne, ce qui est paradoxal, où l’on assiste à l’émergence d’un parti alternatif (Alternative pour l’Allemagne) qui propose de sortir de la zone euro. Pourtant, la dynamique européenne est de plus en plus importante dans la vie des individus. Mais les citoyens ne perçoivent pas suffisamment les enjeux qui y sont liés ni la réalité politique de cette union.

perdants, ce qui donne une mauvaise image de ce vote, et fait passer ces élections pour un purgatoire. Mais au-delà du seul exemple des élections, le problème majeur, c’est l’absence de vision politique de l’Europe. Il n’y a plus de fil conducteur. Plusieurs partis europhobes, dont le Front National, comptent s’allier pour former un groupe Parlementaire. Pourraient-ils bloquer le système législatif ? Forcément, tout dépendra du nombre d’élus qu’ils obtiendront. Si l’on en croit les sondages, le futur Parlement devrait contenir de 20 à 30% de députés eurosceptiques. Mais franchement, je ne crois pas qu’ils puissent faire éclater la machine. Du moins, pas sur le court terme.

Beaucoup de reproches font justement état d’une Europe trop bureaucratique et trop éloignée des peuples. Ces critiques sont-elles justifiées ?

D’autant plus que l’idéologie de ces différents partis est très disparate. Mis à part l’Euro-bashing, peu de points communs rassemblent par exemple le FOP autrichien, le Front National ou encore le PVV néerlandais…

Oui, en partie. L’Europe n’inspire plus la même admiration qu’elle pouvait susciter il y a encore quelques années. La manière dont les partis politiques désignent les candidats qui vont se présenter aux élections européennes est symptomatique. Dans beaucoup de pays, dont la France, on recase les candidats

Oui, cela va être dur pour eux de travailler ensemble. On le voit en Belgique d’ailleurs, où deux formations de l’opposition actuelle, le Vlaams Belang (nationaliste) et les Verts, ont déjà annoncé qu’elles ne travailleraient pas ensemble au sein du Parlement européen. Après, si un leader émerge parmi toutes ces formations

europhobes, alors tout sera possible. Mais au stade actuel, leurs divergences semblent trop nombreuses pour qu’ils soient capables de parler tous d’une même voie. Ce qu’il faut plutôt se demander, c’est si ces leaders nationalistes ont vraiment la force politique de faire ce qu’ils prédisent. Sortir de l’U.E., c’est plus facile à dire qu’à faire. L’Europe est de plus en plus une fédéralisation, il est très compliqué de s’en extraire. Une évolution profonde des institutions et du fonctionnement européen vous paraît-elle probable à court terme ? Je pense que ce sera long, mais c’est inéluctable. La prochaine étape devrait être la mise en place d’une structure politique. Il y a eu des avancées récentes d’ailleurs sur ce sujet. Maintenant, le Président de la Commission européenne est désigné en fonction du résultat des élections. Autrement dit, le prochain vote aura un impact direct sur l’identité de cette personne. La fédéralisation semble la seule manière pour l’Europe de faire avancer tout ce processus. A moins que d’ici là, des forces politiques souverainistes n’arrivent à faire vaciller l’édifice. Propos recueillis par Antoine DE LONGEVIALLE


JAY Z, LADY GAGA AU SECOURS DE LA CULTURE

La ministre de la culture a promis cette semaine qu’elle allait restituer aux institutions concernées les crédits gelés en début d’année, soit 7% sur leur subvention. Elle a également assuré que le budget de création du ministère sera épargné par les économies imposées à la culture en 2015.

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QUAND LES MUSÉES FONT APPEL AUX CÉLÉBRITÉS

Des célébrités qui défilent sur le tapis rouge, ce n’est pas le festival de Cannes, mais le gala annuel du musée du MET, Metropolitan Museum of Art de New York, qui s’est tenu le 5 mai dernier. Ce gala récolte des fonds pour le « Costume Institute », le département mode du MET. Car même si l’affluence des musées bat des records, les recettes et les subventions d’Etat ne sont plus suffisantes pour pouvoir accueillir de nouvelles expositions et faire de nouvelles acquisitions. ©DR

FILIPPETI PROMET LA LEVÉE DU GEL DE 7% DANS LA CULTURE

INTERNATIONAL

LE FILM «GRACE DE MONACO» BOYCOTTE PAR LA FAMILLE PRINCIÈRE DE MONACO Le film « Grace de Monaco », réalisé par Olivier Dahan, et avec Nicole Kidman dans le rôle de la princesse, fait polémique. La famille princière a déclaré « en aucune manière être associée à ce film qui ne reflète aucune réalité et regrette que son histoire ait fait l’objet d’un détournement à des fins purement commerciales ». Stéphanie de Monaco a d’ailleurs appelé les photographes à boycotter le film. Le réalisateur s’est dit insulté par les propos du Rocher. Le biopique a été projeté en ouverture du 67ème festival de Cannes.

CLINT EASTWOOD CLOTURERA LE FESTIVAL DE CANNES « Pour une poigner de dollars », le western spaghetti de Sergio Leone avec Clint Eastwood, sera le film de clôture de la 67ème édition du festival de Cannes. Le film sorti en 1964, qui est horscompétition, a été choisi par organisateurs, pour fêter ses 50 ans.

Jay Z au MoMA (Musée d’Art Moderne de New York) le 10 juillet 2013.

Les célébrités sont un moyen efficace d’attirer les sponsors. Dans les années 1990, le retrait du principal investisseur du MET, la Reader’s Digest Association, oblige le musée à prendre des mesures. Pour pallier ce manque à gagner, le MET augmente le prix des billets et nomme en 1995, l’influente rédactrice en chef du Vogue Américain, Anna Wintour, à la tête de l’organisation de son gala annuel. La rédactrice en chef va mettre son puissant réseau à contribution, pour que les stars deviennent lucratives pour le musée. En 1996, l’arrivée d’Anna Wintour va permettre au MET de frapper un grand coup, avec la présence au gala de Lady Diana, qui avait fait la couverture du Vogue américain en 1993 et en accueillant la rétrospective de la maison de couture Christian Dior, sponsorisée par LVMH, groupe de luxe propriétaire de Dior et important annonceur de Vogue. Encore aujourd’hui, LVMH est l’un des sponsors du MET. Et la stratégie d’Anna Wintour, pour appâter les annonceurs avec des vedettes est payante. Depuis qu’elle est devenue en 1999 l’une des administratrices du musée, Wintour a récolté 125 millions $ pour le département mode du MET, d’après France télé info.

Les célébrités s’exposent au musée Lorsque les musées ne font pas appel aux vedettes pour attirer les annonceurs, ils utilisent leur célébrité pour battre des records d’affluence et faire des coups de pubs. C’est avec l’exposition « Jacqueline Kennedy : les années Maison-Blanche », que le MET a battu des records d’affluence en mai 2001, rassemblant plus de 100 000 visiteurs. Tout comme le Louvre, qui a réalisé un important coup de pub en accueillant du 13 novembre 2013 au 17 février dernier, l’exposition « Living Room » du metteur en scène Bob Wilson, qui mettait à l’honneur des portraits de Lady Gaga. La chanteuse Américaine s’était rendue dans le célèbre musée parisien, pour promouvoir l’exposition le 19 janvier 2014, créant l’évènement sur les réseaux sociaux. Quand les célébrités font appel à la culture Mais les célébrités, loin d’être les victimes d’un système, profitent également de cette proximité avec l’art. La venue de Lady Gaga au Louvre en janvier, a ainsi permis à la chanteuse pop de créer l’évènement et d’occulter les mauvaises ventes de son dernier album « Artpop

» sorti en novembre 2013. De même, le spectacle qu’a fourni le rappeur Jay Z au MoMA, le musée d’art moderne de New York, le 10 juillet 2013, en interprétant pendant 6 heures d’affilée son single « Picasso Baby », avait pour but de promouvoir son douzième album « Magna Carta Holy Grail ». Devant une foule dont faisait partie la petite-fille de Picasso, Diana Widmaier Picasso, Jay Z a chanté en boucle son tube dans lequel il rend hommage aux œuvres d’arts. Dans ce texte, le rappeur y évoque la maison de vente Christie’s, les peintres Jeff Koons et De Vinci, compare sa maison au Louvre et se définit comme le nouveau Jean-Michel Basquiat. Selon Olivier Cachin, journaliste spécialiste du Rap interrogé par Slate, « l’Américain moyen, qu’il soit du ghetto ou du gotha, vénère l’argent et la réussite. Jay-Z inspire le respect à cette population. Aux EtatsUnis tout le monde est content d’une telle réussite, ça donne une bonne image et ça va peutêtre mener une petite partie de personnes à s’intéresser à l’art et à aller voir des expos dans des musées ». Et l’intérêt de Jay Z pour l’art s’est avéré efficace. La vidéo de sa performance artistique totalise plus de 4 millions de vues sur YouTube. Irchade KARI


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LA PHOTO DE LA SEMAINE

©Andrea Gjestvang

LA SEMAINE PRISME

Torje Hansen, 14 ans, était le plus jeune participant au camp d’été. Son grand frère a été grièvement blessé, mais Torje a survécu parce qu’il s’est enfui en nageant et a été secouru par un bateau.

Le populisme européen selon Andrea Gjestvang d’Alexandre Festaz

Qu’est-ce que l’Europe populiste ? C’est la question que se pose le projet The Rise of Populism in Europe, coordonné par Fotodok, agence néerlandaise dédiée à la photographie documentaire, et initié par les deux photographes néerlandais Jean-Joseph Stok et Dirk-Jan Visser. Neuf photographes y racontent à travers différents récits leur vision de la montée du populisme sur le Vieux continent. Soutenu et diffusé par Arte sous forme de web série, ce projet a déjà lancé sur la toile plusieurs épisodes composés de clichés accompagnés d’explications audio. Les vrais Finlandais de Rami Hanafi sur le parti politique True Finns (troisième force politique finlandaise réputée pour son euroscepticisme et sa fierté pour la « vraie » culture finlandaise) a ouvert le bal le 28 avril. Tous les lundis, un nouveau reportage est mis en ligne et ce jusqu’aux élections européennes du 22 au 25 mai. Cette semaine, c’est le travail de la photographe Andrea Gjestvang qui est mis à l’honneur. La lauréate de nombreux prix comme le prestigieux Iris d’Or, trophée mondial de la photographie de Sony, a choisi d’ouvrir son objectif sur le visage des survivants de la tuerie d’Utoya. Cette petite île de Norvège où, en 2011, Anders Behring Breivik avait ouvert le feu lors du camp d’été de la Ligue des jeunes travaillistes, tuant soixante-neuf personnes et blessant par balle trente-trois autres. La force de ses clichés réside dans la proximité qu’Andrea Gjestvang entretient avec son sujet. Ces derniers dévoilent avec dignité le visage d’une Europe blessée mais fière.


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