The Red Bulletin CF 01/20

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SUISSE JANV./FÉVR. 2020, CHF 3,80

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Ce que la jeune star de la NHL TIMO MEIER doit à son mentor JOE THORNTON

«Ignorez vos points faibles!» La skieuse acrobatique Fanny Smith quant aux clés de son succès


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ÉDITORIAL

ÉLEVER SON DEGRÉ DE MOTIVATION La jeune étoile suisse de la NHL Timo Meier a trouvé en Joe Thornton un mentor qui l’aide à exploiter son potentiel page 38. Cette union ne serait pas si p ­ orteuse si la motivation faisait défaut, d’un côté comme de l’autre. Ce qui a fait de la championne suisse Fanny Smith une battante, c’est sa motivation à persévérer dans ce qu’elle savait faire de mieux, et en faisant fi de ses points faibles page 64. La motivation qui a poussé le Franco-Américain Ben Lecomte à nager 555 km dans le vortex du Pacifique nord est d’une autre nature: nous faire comprendre, sans jouer les moralisateurs, l’ampleur d’un désastre qui se déroule sous nos yeux: l’omniprésence du plastique dans les océans, et ses répercussions environnementales, probablement irréversibles. Il nous invite à regarder sous le niveau de la mer, avant de p ­ longer dans la réflexion page 24.

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

ROD GLACIAL

Originaire de Bretagne mais Parisien depuis dix ans, Rod Glacial a débuté dans le fanzinat puis a travaillé ­plusieurs années chez Noisey, le site musical de Vice. Freelance, il collabore à divers médias. Pour ce ­numéro, il a rencontré ­Mathieu Rochet, cofondateur du ­magazine Gasface et ­auteur de la série Lost In Traplanta diffusée sur Arte en fin ­d’année. Page 58

Cet Américain, collaborateur d’ESPN et du site CyclingTips, a rencontré l’inspirant pilote de VTT Paul Basagoitia. «Un jeune gars à la croisée des ­chemins: celui d’un athlète de haut niveau dont la carrière est stoppée par une blessure, et celui d’un homme qui devient connu dans la communauté des personnes victimes de lésions de la moelle épinière. Une communauté qu’il n’avait jamais pensé rejoindre un jour.» Page 72

Ben Lecomte, 51 ans, est architecte, féru de natation, marié, père de famille (ici avec ses enfants), expatrié, et fervent défenseur des océans. En bref, un homme ordinaire. P. 24 4

THE RED BULLETIN

MATT EDGE (COUVERETURE)

NEAL ROGERS

Lisez plus! Votre Rédaction



24 L e plastique, ce fléau

Ben Lecomte a nagé dans le vortex pour éveiller les consciences

38 B uddy Check

Joe ­Thornton, légende de la NHL, a pris Timo Meier sous son aile

48 L’heure du Dakar

Nous avons déchiffré pour vous le code du roadbook

56 5 minutes chrono

À l'avant-garde musicale avec Laurence Desarzens

58 Lyon-Atlanta

C’est le chemin parcouru par un fan de hip-hop pour se renouveler Comment faire fi de ses faiblesses pour a­ tteindre des sommets?

72 R ouler à nouveau

Fanny Smith: «On ne peut pas être championne du monde et savoir tout faire!»

Paul Basagoitia ne devait plus ­remonter sur un vélo. Pourtant…

8 Plein les yeux: nos athlètes sont

86 Les Gorges du Verdon, avec le

à l’honneur sur l’eau, dans les cimes ou dans les airs! 14 Un disque vinyle fait de déchets marins, ça sonne comment? 15 Comme Sophie Everard, prenez la vague de l’entrepreneuriat 16 Playlist: ce qui excite Underworld 18 Un Noir dans un gang suprémaciste blanc, c’est l’histoire vraie d’Adewale Akinnuoye-Agbaje 20 À quoi nous servirait une queue? 22 Le plastique, c’était fantastique: le top, désormais, c’est le carton

72 6

Cette photo de Paul ­Basagoitia n’aurait jamais dû exister.

grimpeur Stefan Glowacz, rien que pour vous 90 Comment une montre a résisté aux plus grandes profondeurs jamais atteintes par l’homme 92 Agenda: à la recherche de l’ennemi public n°1 de Malaisie, un championnat de biathlon, du skicross, de la F1 au musée, et des photos du Savoir en images… 94 Au programme sur Red Bull TV: le Dakar comme si vous y étiez, un BMXer de retour à sa source, et les caïds de Street Fighter à nouveau réunis dans une cage... 96 Ils et elles font The Red Bulletin 98 Pour finir en beauté: parkour dans l’Égypte ancienne

THE RED BULLETIN

GIAN PAUL LOZZA, FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL, DEWEY NICKS

64

64 Fanny Smith


CONTENUS

janvier-février 2020

48

Pour participer à un Rallye Dakar, il faut connaître les bases du langage roadbook. Introduction.

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CARBONNE, FRANCE

Pour Jules Charraud, athlète français montant en puissance dans l’univers du wakeboard, tout est question de flow. C’est aussi presque une priorité pour Tomz FPV, le pilote de drone qui s’est évertué à le suivre avec son engin volant, et filmant sur le wake park de la Source, du côté de Carbonne, dans le 31, pour une ­vidéo de la série Follow Me à retrouver sur redbull.com. Instagram: @jules.charraud

DOM DAHER/RED BULL CONTENT POOL

Le flow de Charraud


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MATERA, ITALIE

La tête à l’envers

SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL, AUSTIN JACKSON/RED BULL ILLUME

De son apparition dans le parkour en 2015 à l’âge de onze ans, à sa ­validation pour l’une des huit qualifications en ligne pour le Red Bull Art of Motion 2019, Lilou Ruel est l’une des plus prometteuses athlètes dans son sport. Ici, la freerunneuse française de seize ans montre aux juges de quoi elle est capable, alors qu’elle participe à la finale du Red Bull Art of Motion à Matera, en Italie. «Ce move s’appelle un bub cork, dit Lilou. Je suis la première femme à l’avoir réussi lors d’un Art of Motion, et j’en suis plutôt fière.» Instagram: @lilouruel


SPIRIT FALLS, ­WASHINGTON, USA

C’est la saison

Quand un photographe fait preuve d’une vraie passion pour son sujet, ça se voit. Dans cette image de l’autodidacte et fan d’outdoor Austin James Jackson, la passion de l’aventure est évidente. «L’hiver est une période ­excitante pour explorer les gorges du Columbia, au nord-ouest des ÉtatsUnis, dit Jackson. La neige rencontre les chutes d’eau et les rivières, et la saison du kayak hivernal démarre.» Instagram: @austin.james.jackson

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KLEINER VALKASTIEL, AUTRICHE

Lestes de Zeppelin

Les skieurs Stefan Ager et Andreas Gumpenberger, ainsi que le snow-­ boardeur Fabian Lentsch, sont entrés dans l’histoire en mars de l’année dernière en effectuant la toute première descente de ski en Zeppelin. Descendant en rappel depuis le vaisseau au sommet d’un pic du Kleiner Valkastiel en Autriche, ils ont ensuite dévalé la pente. «Nos cordes faisaient 50 mètres de long et après avoir commencé à faire du rappel, on regarde en arrière et on ne voit que cet énorme dirigeable, dit Ager dans une vidéo de Lensecape Productions. C’était une journée d’un ciel bleu parfait, et j’avais l’impression de sortir d’un nuage en rappel.»


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MIRJAGEH.COM


La mer est sur écoute Le nouveau disque de Nick Mulvey est une première mondiale. Les déchets de la côte de Cornouailles, en Angleterre, l’ont inspiré et il est réalisé entièrement à partir de ceux-ci. Le disque est beau et la musique est bonne mais en réalité, c’est un déchet. Un déchet de plage. Composé et interprété par Nick Mulvey, le nouveau titre, In The Anthropocene, est sorti sur un disque vinyle entièrement réalisé à partir de détritus plastiques recueillis sur les plages de Cornouailles, l’un des volets d’un projet visant à sensibiliser sur la pollution plastique croissante dans les océans. «Nous avons utilisé du plastique trouvé sur le rivage, dit Mulvey, la base est faite de déchets de filets de pêche transformés et constitue 14

la majeure partie du vinyle alors qu’à l’intérieur même du disque, on distingue des morceaux de plastique et des emballages.» Huit millions de tonnes de plastique sont jetés chaque année dans l’océan, ce qui représente environ 75% de tous les déchets marins (voir notre sujet Immersion dans le vortex, page 24). Si la situation ne change pas, les scientifiques prévoient que cette quantité pourrait décupler d’ici 2025. «Je pense Nick Mulvey, un chanteur inspiré par l’océan.

que nous sommes la première génération à vraiment comprendre l’impact que nous avons sur cette Terre et l’urgence de la situation tient à ce que nous sommes aussi la dernière génération à pouvoir faire quelque chose à cet égard, dit Mulvey. Cela ne va pas disparaître tout seul et nous devons agir dès maintenant. Mieux comprendre la nature et réaliser que nous ne sommes pas séparés de notre environnement ni supérieurs à lui sont les sujets qui ont inspirés cette chanson ainsi que toute ma musique.» Le produit de la vente et du streaming de la chanson sera versé à l’association caritative Surfers Against Sewage, afin de l’aider dans ses efforts pour réduire les déchets plastiques sur les côtes britanniques. «Avec ce projet en collaboration avec la brasserie Sharp’s, dit Nick, nous avons la possibilité de faire quelque chose de bien, la possibilité de parvenir à davantage de beauté, d’harmonie et de contacts humains.» driftrecords.com THE RED BULLETIN

SHARP'S BREWERY, NICK MULVEY

LA VOIX DE L’OCÉAN

LOU BOYD

Des déchets dans vos feuilles? Oui, mais en vinyle!


MAD TO LIVE

Le take-off d’une vie?

RACHELLE LINCOLN

LOU BOYD

Difficile de créer sa propre société… Sophie Everard a fait carrière dans l’aventure et vous glisse ses recommandations. Qui n’a jamais rêvé d’être son propre patron? Mais combien s’y sont risqués? L’aventurière et fondatrice de Mad To Live, Sophie Everard a fait le saut, et dans sa cinquième année d’existence, sa société est plus que jamais dédiée aux femmes. Elle emmène des centaines de personnes pour des aventures un peu partout à travers le monde. «Je savais que je n’allais pas poursuivre une ­carrière dans quelque chose qui sauverait des vies, comme celle de médecin, dit la surfeuse, snowboardeuse et aventurière. Mais à ma façon, je voulais faire quelque chose de bénéfique. Le plus gratifiant fut lorsque quelqu’un a fait appel à ma compagnie et que cela a amélioré sa vie.» Le plus important lors de la création d’une boîte est de comprendre tous les aspects de votre entreprise. «Mes clients qualifient mon cheminement de carrière d’inhabituel, explique Everard. J’ai travaillé dans tous les domaines du marketing, de la vente et des relations publiques, m’assurant toujours de glaner de l’expérience dans tous les domaines.» Il n’y a jamais eu autant de ressources dans le monde pour aider les gens à transformer leurs bonnes idées en ­carrières épanouissantes et rentables. «En quittant un job à plein temps bien rémunéré, prévoyez des périodes d’incertitude, dit l’Américaine. À vous de les apprivoiser.» wearemadtolive.com THE RED BULLETIN

Les conseils de ­Sophie Everard pour lancer votre boîte

les contretemps. Vous devez en fait vous en servir pour alimenter le feu en vous. Chaque jour est imprévisible et unique.»

1/ Soyez audacieux

4/ Restez vous-même

«Souvent, les grandes idées sont ensevelies par les peurs des autres. Si vous avez vraiment une bonne idée, assurezvous de toujours y croire.»

2/ Vos outils sont là «Pas besoin d’un matos coûteux pour se lancer. Connectez avec d’autres entrepreneurs, écoutez des podcasts, allez à des meet-up numériques, ça ne vous coûtera rien!»

3/ Ce sera intense «Vous ne pouvez pas vous ­permettre d’être affecté(e) par

«Beaucoup d’entreprises ­étonnantes naissent d’un état ­d’esprit unique, mais les gens essaieront d’étouffer cet aspect-­là de vous s’ils pensent que c’est trop “décalé”. Ignorez-­les et continuez.»

5/ L’instinct «Il y aura des hauts et des bas, cela fait partie de la courbe d’apprentissage lors de la création d’une entreprise. Si vous vous trouvez dans une mauvaise situation, suivez votre ­instinct, c’est souvent le meilleur guide que vous ayez.»

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UNDERWORLD

Un son ­stimulant Karl Hyde, musicien, peintre et ­vidéaste de renom, doit le succès de sa formation à des chansons originales qui ouvrent toutes sur de nouveaux ­horizons. Le duo britannique Underworld est l’un des groupes d’électro à succès des plus innovants. Depuis leur énorme succès Born Slippy en 1996, Karl Hyde et Rick Smith n’ont cessé de se réinventer. Outre leurs dix albums, ils ont composé pour le cinéma, le théâtre et les jeux vidéo sans oublier la musique des JO 2012 de Londres. Ils dirigent aussi leur propre plateforme multimédia, Tomato. Et lorsqu’ils sont à court d’idées, ils trouvent l’inspiration dans la musique, explique Hyde, 62 ans, celle de ses héros précise-t-il. Il nous dévoile ici quatre chansons qui activent ses méninges. Drift Series 1 est leur nouvel album; ­underworldlive.com

Brian Eno

Bob Dylan

Iggy Pop

Kraftwerk

«Brian Eno est un type fascinant avec qui j’ai beaucoup appris, ­surtout en m ­ atière d’inspiration. Lui et moi avons inventé un jeu où l’un suggère à l’autre le nom d’une ville à v­ isiter, choisi au hasard. “Va à ­Birmingham.” “Pour y faire quoi?” “Vas-y, point.” Quitter le studio pour aller à la découverte d’un t­ erritoire vierge débouche ­toujours sur une bonne idée.»

«Bob Dylan est très polyvalent et ne craint pas de prendre des risques. Quand il sentait qu’il n’intéresserait plus personne, il partait en tournée pour reconquérir son ­public. Je l’ai vu à Hyde Park l’été dernier et j’étais agacé d’entendre les gens dire qu’il n’est plus celui qu’il était. Il a évolué, Dieu merci! Cela devrait inspirer chaque ­artiste.»

«La façon dont Iggy Pop improvise est absolument unique. Il débarque en studio et se lance spontanément. Il crée à partir de souvenirs d’articles de journaux, de livres et de conversations, mélange le tout et régurgite sans le filtre. Ce morceau est la parfaite illustration de cette ­approche très stimulante, surtout quand on n’arrive plus à avancer.»

«Kraftwerk, les pionniers de l’électro, ainsi que Neu! et Can ont bercé mon enfance. Je dois mon goût pour les rythmes répétitifs à ces groupes allemands des années 70. La consonance a quelque chose d’hypnotique qui stimule l’esprit. Je suis un fan inconditionnel, au point que l’on peut e­ ntendre cet ­élément répétitif dans à peu près tout ce que je fais.»

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Nightclubbing (1977)

Europe Endless (1977)

THE RED BULLETIN

FLORIAN OBKIRCHER

Lily, Rosemary & the Jack of Hearts (1975)

PEROU

Needles in the Camel’s Eye (1974)


Tout nouveau: Forester e-BOXER 4x4 à partir de Fr. 36’040.– Prix de lancement

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Nouvelle plateforme (Subaru Global Platform), nouveau design, niveau de sécurité et de confort encore plus élevé – voici la nouvelle génération Forester. Avec le SUBARU e-BOXER, qui combine le moteur SUBARU BOXER avec un moteur électrique. Cela signifie: une puissance enthousiasmante sur route et une sérénité rassurante sur tous les terrains.

Prix valables pour les immatriculations jusqu’au 31.12.2019. subaru.ch SUBARU Suisse SA, 5745 Safenwil, tél. 062 788 89 00. Concessionnaires Subaru: env. 200. multilease.ch. Prix nets conseillés sans engagement, TVA de 7,7% comprise. Sous réserve de modifications de prix. Modèle présenté: Forester 2.0i e-BOXER AWD Luxury, Lineartronic, 5 portes, 150/16,7 ch, catégorie de rendement énergétique F, CO2 154 g/km (35 g/km**), consommation mixte 6,7 l/100 km, Fr. 44’240.– (peinture métallisée comprise, e-PRIME de Fr. 2’110.– déjà déduite). Forester 2.0i e-BOXER AWD Advantage, Lineartronic, 5 portes, 150/16,7 ch, catégorie de rendement énergétique F, CO2 154 g/km (35 g/km**), consommation mixte 6,7 l/100 km, Fr. 36’040.– (couleur Crimson Red Pearl, e-PRIME de Fr. 2’110.– déjà déduite). **Émissions de CO2 liées à la fourniture de carburant et/ou d’électricité. Moyenne de toutes les voitures neuves vendues en Suisse (toutes les marques): CO2 137 g/km. Les données sur la consommation de carburant et les émissions de CO2 ont été déterminées sur la base du nouveau cycle d’essai WLTP et calculées à partir des valeurs NEDC à des fins de comparaison.


Dévoré par la haine de soi, ce réalisateur et acteur noir britannique a intégré un gang blanc suprémaciste à l’adolescence. Puis il est parvenu à réécrire son histoire.

Comment un enfant noir qui a grandi dans l’Essex (Angleterre) des années 1980 devient-il membre d’un gang de ­skinheads suprémacistes blancs? Adewale Akinnuoye-Agbaje répond à cette question dans Farming, le premier film qu’il réalise pour le grand écran. Celui-ci raconte l’histoire de cet acteur et réalisateur lorsqu’il était enfant. Né de parents nigériens, il a été confié très tôt à une famille blanche dans une ville portuaire dure où sévissait la violence raciste d’où le titre (to farm: élever, cultiver). Ignoré et mal-aimé chez lui et pris pour cible dans la rue, Adewale a été contraint par son père adoptif à se battre contre ses agresseurs. Le fait qu’il ne reculait jamais devant une baston lui a valu une certaine considération de la part de ses assaillants. Au point de passer chez l’ennemi en joignant un gang raciste. Avec de la chance, du travail acharné et l’intervention d’éducateurs, Akinnuoye-Agbaje a échappé à l’avenir sans issu auquel il se destinait et a décroché un diplôme en droit. Il a ensuite poursuivi sa transformation, a déménagé à Los Angeles pour y devenir acteur et est apparu dans des séries télé comme Oz, Lost et Game of Thrones, tout en apprenant à raconter sa propre histoire. Peu de gens ont la chance de réaliser un long métrage basé sur leur propre vie mais, il y a peu de gens comme Akinnuoye-Agbaje.

the red bulletin: Farming montre à quel point le sentiment d’appartenance peut être puissant, même lorsqu’on se trouve dans un environnement dangereux et dégradant... adewale akinnuoye-agbaje: Dans cette histoire, de jeunes enfants noirs sont placés dans un environnement qui leur est étranger et où ils sont les seuls enfants noirs. Leur exposition à la culture africaine vient exclusivement des médias, que ce soit avec Tarzan, Alf Garnett ou Jim Davidson, des gens qui crachaient régulièrement des injures racistes. Quand on est constamment exposé à ce genre de langage et qu’on est ensuite victime de violence physique dans la rue, quand on n’a pas de références culturelles positives ou de modèles de comportement, on commence à s’identifier aux images méprisantes. Quand mon propre père m’a envoyé me battre contre des brutes, quand j’ai suivi ce conseil et que j’ai commencé à me défendre, j’ai soudainement commencé à me faire remarquer pour autre chose que la couleur de ma peau. Et c’est devenu une bouée de sauvetage, car dès lors, les gens m’appelaient par mon nom. Cela m’a donné un sentiment de validation. Mais ne vous méprenez pas, je n’ai jamais été accepté par le gang. Dans ce genre de groupe, on est ­toujours considéré comme un outil, un atout utile dans la lutte contre d’autres gangs, et on prend rapidement conscience de qui on est et de qui on était. Mais bon, cela permet au moins de marcher un peu plus librement dans la rue.

Vous avez depuis fait d’autres transformations: d’avocat à acteur, auteur et réalisateur... Et de la haine de soi à l’amour de soi. Il s’agit de vous donner les moyens de vous prendre en main par vos propres réalisations, non pas en ­cherchant à obtenir une validation de l’extérieur, mais en vous validant vous-même. Votre histoire montre une extraordinaire capacité d’adaptation et de survie… Mon apprentissage à Tilbury m’a donné une intrépidité face à la vie et le sentiment que rien n’est impossible. Je n’avais jamais écrit de scénario auparavant, mais il a été primé. Je n’avais jamais réalisé de film auparavant et il a été primé. La clé, c’est d’être intrépide et de se lancer. Parce que si l’on n’essaie pas, on ne peut pas savoir.

hanwayfilms.com

Comment avez-vous dévié de cette voie? Le tournant a été la réussite de mon premier examen. Ce n’était pas une 18

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JESS HOLLAND

Seconde peau

bonne note, à peine la moyenne, mais c’était prouver à moi-même que lorsque je m’appliquais, je pouvais accomplir quelque chose; on m’avait toujours dit que je n’y arriverais pas. Ça a été une révélation pour moi. Mais il m’a fallu du temps pour sortir de cet e­ nvironnement et me retrouver dans un milieu davantage multiculturel; avoir ma première petite amie de couleur a aussi été un gros truc. Ça a été un parcours tortueux et difficile parce que j’avais une telle haine de moi-même et une telle sous-estime de moi. Un soir que je galérais sur un devoir de droit, au point de fracasser un meuble dans ma chambre, un ami m’a donné une pilule qu’il avait l’habitude de prendre pour rester debout tard. Je l’ai prise et nous sommes restés d’attaque toute la nuit pour résoudre le problème. À la fin, je lui ai demandé ce que c’était, et il m’a répondu que ce n’était qu’un comprimé de vitamines et que le remède se trouvait dans ma tête. Des leçons comme ça ont commencé à m’aider à percevoir mes propres capacités.

AUSTIN HARGRAVE/AUGUST

ADEWALE AKINNUOYE-AGBAJE


«N’attendez pas que l’on vous valide. Faites-le vous-même.»


Le corps augmenté En matière de conception de robot, le Japon a une longueur d’avance sur le reste du monde. À la croisée de la technologie, de la prévention médicale et du loisir, voici Arque, la première queue humaine robotisée.

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La nature s’essaye à des expériences parfois surprenantes, mais pas dénuées de sens. Ainsi, on a récemment découvert que les personnes possédant un sixième doigt (1 naissance sur 500 dans le monde) s’accommodaient très bien de ce dernier en l’utilisant comme un pouce. À l’inverse, certains chercheurs se sont interrogés sur l’utilité de réhabiliter un

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JUNICHI NABESHIMA, KOUTA MINAMIZAWA, MHD YAMEN SARAIJI KEIO UNIVERSITY GRADUATE SCHOOL OF MEDIA DESIGN

ARQUE

appendice squelettique dont l’homme moderne n’a conservé qu’un reliquat. Nous ne parlons pas ici d’un substitut de virilité, mais bien d’une prouesse technologique réalisée par l’équipe de l’université de Keio (Tokyo), constituée de Yamen Saraiji, Junichi Nabeshima et Kouta Minamizawa. Cet appendice robotisé d’un mètre de long s’inspire de la queue des vertébrés dont le rôle est de protéger leur colonne vertébrale et de favoriser le développement de leur mobilité. Il reflète la plasticité, l’élasticité et la compression du squelette de la queue d’un hippocampe à l’aide de quatre muscles artificiels qui lui donnent la possibilité de bouger comme un pendule dans huit directions. Ces «muscles» reproduisent des contractions selon qu’ils sont remplis ou vidés d’air. Arque s’ajuste sur le dos en ajoutant ou en enlevant des poids dans les modules (ou «vertèbres») en métal et permet ainsi de corriger une posture en déplaçant le centre de gravité de son porteur pour renforcer le corps et les muscles. À terme, l’objectif des chercheurs est d’inclure cette prothèse dans la vie quotidienne des personnes âgées ou souffrant de maux de dos en leur apportant un renfort au niveau de l’équilibre, ou tout simplement en prévention. Le deuxième aspect insoupçonné de cette queue robotisée est ludique et récréatif : utilisée en association avec un jeu de RV, elle devient un accessoire venant perturber le joueur, elle le déséquilibre, ce qui confère encore plus de réalisme aux sensations du jeu en expérience immersive. Mais une chose est sûre, avant de devenir commercialisable, Arque devra se faire socialement et publiquement accepter IRL.

CHRISTINE VITEL

Un délire fashion? Queue dalle! D’après ses créateurs japonais, les bénéfices d’un tel appendice pour les humains sont concrets.


RADO.COM

MASTER OF MATERIALS

RADO CAPTAIN COOK INSPIRED BY OUR VINTAGE ORIGINAL. SERIOUSLY IRRESISTIBLE.


Ça va faire un carton! Une équipe d’artistes construit de petites maisons recyclables qui sont fabriquées en enrubannant des rames de carton.

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Vivre dans un habitat en carton, cela semble peu probable, mais cette boîte en carton est bien réelle. C’est une maison 100% recyclable, confortable et à la pointe de la technologie, qui peut être construite en une seule journée. Fruit de la création de Fiction Factory, un groupe de concepteurs de décors de théâtre devenu une entreprise de design créatif, la Wikkelhouse (wikkel en néerlandais signifie «emballer») est une construction de petite dimension en carton de fibres vierges. Conçue en enrubannant des rames de carton ondulé autour d’un moule, la maison est collée avec une colle écologique pour créer une structure incroyablement solide et robuste. «Wikkelhouse est synonyme d’innovation et de durabilité ainsi que de design, explique le fondateur Oep ­Schilling. Lorsque nous nous sommes lancés dans ce projet en 2012, nous nous sommes dit que le carton était

un bon matériau écologique. En n’utilisant que du carton, nous créons ainsi beaucoup de matériau à partir d’un seul arbre. C’est donc une façon efficace d’utiliser les arbres en tant que matériau de construction.» De telles maisons ont été récemment installées dans des milieux urbains et ruraux, de la campagne néerlandaise à la skyline d’Hoxton, dans l’est de Londres. D’autres devraient suivre au cours de la prochaine année. «La plupart des gens ­utilisent nos maisons pour leurs loisirs mais certains aimeraient sûrement résider dans de petites habitations comme celle-ci», détaille Schilling. Il poursuit en expliquant que l’on peut vivre longtemps dans une Wikkelhouse, à condition de la préserver et de s'en occuper. «Les maisons sont faites pour durer sinon elles ne seraient pas écologiques. Vous n’avez qu’à bien les entretenir et elles tiendront jusqu’à cent ans.» wikkelhouse.com THE RED BULLETIN

YVONNE WITTE/WIKKELHOUSE

WIKKELHOUSE

LOU BOYD

Chaque Wikkelhouse peut être personnalisée avec des ajouts intérieurs et des fenêtres.


ALPHATAURI.COM


IMMERSION DANS LE VORTEX Le plastique, ce fléau BEN LECOMTE est le premier homme à avoir traversé «la décharge des mers» à la nage. Si ses exploits sportifs ne sont pas à la portée de tout le monde, il est un autre défi que chacun est en mesure de relever, dit-il.


Ben Lecomte a avalé 300 miles nautiques à la nage pour sensibiliser au désastre écologique des océans.

Texte CHRISTINE VITEL Photos @THEVORTEXSWIM et @ICEBREAKERNZ

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Huit heures par jour, quatrevingt jours durant, il a nagé les yeux ­rivés dans la colonne d’eau du Pacifique.

H

uit heures par jour, sur 300  miles nautiques (555 km),  il a évolué au milieu d’une  catastrophe écologique sans précédent. «Ma génération est responsable de ce désastre, alors je me dois de faire quelque chose pour les suivantes», déclare Ben Lecomte, un architecte français naturalisé américain, établi à Austin (Texas) depuis 1993, marié et père de deux enfants. Sa vie pourrait ressembler à celle de n’importe qui ayant l’ambition d’apporter sa pierre à l’édifice – l’édifice étant l’état de santé actuel de la planète. En 1998, à 31 ans, il devient le premier homme à avoir traversé l’Atlantique à la nage et sans planche, soit 5 980 km en 73 jours, de Cape Cod (USA) à Quiberon (France). En 2018, avec The Longest Swim, il tente de réitérer la performance dans le Pacifique cette fois, soit 9 000 km. À propos de la quantité de plastique dans les océans, Ben Lecomte témoigne: «Il y a vingt ans, dans l’Atlantique, c’est quelque chose que je voyais très rarement.» Sept ans durant, il prépare ce dernier projet, recherche des fonds, puis part «en collaboration avec 27 institutions scientifiques, dont la Nasa et le CNRS, qui mènent des recherches sur la pollution, les migrations des mammifères ou l’endurance extrême. In extremis, un groupe de médias a pris en charge l’énorme budget de télécommunications et la production de vidéos». Sauf que la tentative échoue en novembre 2018, à cause des typhons qui abîment le bateau suiveur. Il se voit obligé

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«Il y a vingt ans, dans l’Atlantique, c’est quelque chose que je voyais très rarement.» Ben Lecomte à propos des débris de plastique flottants dans l’océan. En 1998, il est le premier homme à traverser l’Atlantique à la nage.


Il fut une époque où il était fantastique. Le plastique aujourd’hui, c’est dramatique. Ben Lecomte et son équipe ont trouvé au milieu de l’océan les objets les plus improbables.

«Pour l’instant, c’est mon approche: faire quelque chose d’un peu marginal pour attirer l’attention.»


«C’est un problème global très complexe auquel il faut répondre par une action locale.» d’abandonner au bout de 2 700 km. Mais l’ambition du nageur activiste demeure intacte. Début juin 2019, il plonge avec The Vortex Swim tête la première dans la mer de déchets du Pacifique nord, entre Hawaï et San Francisco. Il n’est plus question de défi sportif ni de record personnel: Ben Lecomte veut alerter sur la pollution des océans et donner l’occasion de récolter des informations scientifiques pour documenter un fléau moderne aux multiples facettes: «La question du plastique dans l’océan, ce n’est pas un problème, ce sont des problèmes.» I Am Ocean, le voilier de 20 mètres à coque d’acier qui vogue à ses côtés, héberge une équipe de dix volontaires, dont Ben, motivés par l’aspect environnemental et la contribution scientifique de la mission, dont l’objectif principal est d’inspirer les citoyens d’ici et d’ailleurs à instaurer le changement qui s’impose. Les données collectées THE RED BULLETIN

Des échantillons de microplastique (particules de moins de 5 millimètres) et de fibres synthétiques ramassées par Ben Lecomte et son équipe.

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OCÉAN ARCTIQUE

AMÉRIQUE DU NORD

EUROPE OCÉAN AT L A N T I Q U E AFRIQUE OCÉAN INDIEN ASIE

AMÉRIQUE DU SUD A N TA R C T I Q U E

OCÉAN PAC I F I Q U E

Changer de carte pour changer de point de vue Afin de souligner l’importance des océans, Ben Lecomte a nagé 555 km dans le vortex, de Hawaï à San Francisco. Et afin de souligner leur unité à la surface de la planète, le géographe sud-africain Athelstan Spilhaus réalisait, en 1942, cette Projection qui place les océans au centre de la carte. Résultat : elle fait apparaître une immense mer intérieure là où, habituellement, les continents se profilent.

Départ Hawaï

OCÉAN PAC I F I Q U E Arrivée San Francisco

AMÉRIQUE DU NORD

s­ auront-elles convaincre les mentalités, les lobbyistes, les politiques, les décideurs, etc. de la brutale réalité et de l’urgence d’agir? Aujourd’hui, aucun gouvernement n’endosse la responsabilité du désastre écologique marin. C’est pourquoi Ben Lecomte nous invite à prendre nos responsabilités en matière d’impact écologique, telles que ne pas consommer de plastique à usage unique, opter pour des matériaux alternatifs et des fibres naturelles. Sans avoir à être irréprochable, le devoir de chacun d’entre nous est de contribuer à la préservation des océans.

Comment avoir un impact et sensibiliser le public? En choisissant l’humour décalé, tremplin radical pour aborder les problèmes de fond, car même si la situation est catastrophique, il est encore possible d’agir, et de faire réagir.

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the red bulletin: Au cours du projet, vous avez décidé de transformer The Longest Swim en The Vortex Swim, parce que vous avez réalisé qu’il y avait beaucoup de débris flottants dans l’océan. Ces débris, ce sont majoritairement du plastique et d’autres formes de déchets, ou seulement du plastique? ben lecomte: The Longest Swim était pensé comme une vue d’ensemble sur les THE RED BULLETIN


«Quand on ramasse un gros morceau de plastique, celui-ci se casse et devient du microplastique.» Les organismes se développent sur (algues, coquillages) et sous (crabes, poissons) les débris flottants, ce qui crée un nouvel écosystème.


«Au milieu de l’océan, dans un écosystème différent du leur, ces organismes deviennent une “population envahissante”.» différentes problématiques liées à l’océan: le plastique, la radioactivité, le déversement de polluants. En atteignant la partie nord du vortex, à Hawaï, j’ai été contraint d’arrêter à cause d’une avarie du bateau. Alors pour The Vortex Swim, nous sommes revenus là où nous nous étions arrêtés l’année précédente en vue de poursuivre notre précieuse collecte, puisque nous sommes la première expédition à réunir des échantillons sur toute la longueur du Pacifique. Tous les débris que nous avons ramassés sont faits de plastique; ce qui est organique comme le bois ne pose pas de problème puisque c’est biodégradable. On voit des objets absolument incongrus sur vos photos, on a peine à croire que vous les avez trouvés dans l’océan. Vous communiquez en jouant sur l’absurdité de la situation. Est-ce que c’est 32

THE RED BULLETIN


«Ma génération est responsable de ce désastre, alors je me dois de faire quelque chose pour les suivantes.»

La solution au problème du plastique dans les océans est très complexe, et doit être adaptée localement. Le ramassage de débris peut se ­révéler plus préjudiciable qu’appréciable. Ici, Ben L ­ ecomte et ses coéquipiers font des prélèvements d’échantillons de ­déchets plastiques pour les envoyer à analyser en laboratoire. THE RED BULLETIN

en impactant ainsi les esprits que le changement s’amorce? Vous parlez de la photo où je suis assis tout nu sur une lunette de WC? J’ai posé avec des débris que j’ai trouvés, pour choquer. Car les gens vont s’offusquer de me voir – et c’est exactement cela qui m’intéresse –, ils vont plus s’offusquer de me voir nu que de voir un tel morceau de plastique dans l’océan. Pour l’instant, c’est mon approche: faire quelque chose d’un peu marginal pour attirer l’attention. Et ensuite pouvoir aborder les sujets de fond. Existe-t-il une solution globale au problème du plastique dans les océans? Certes, le problème est global, mais il est surtout complexe, d’où la nécessité d’y répondre avec des actions locales, adaptées aux pays. Aux États-Unis par exemple, les lobbyistes ont beaucoup de pouvoir et   33


«Il faut être sur le bateau, avancer doucement pour voir ce qu’il y a à la surface, qui ne reflète qu’une partie de la réalité. La majeure partie, celle que l’on ne voit pas, se trouve dans la colonne d’eau.» 34

THE RED BULLETIN


font pression sur les hommes politiques; c’est moins le cas en Allemagne, c’est pour ça qu’ils ont pu faire passer des lois et des décrets pour limiter l’utilisation du plastique. On ne peut décemment pas apporter une solution miracle adaptée pour tous, car les modèles économiques et les ressources sont différents. Contrairement à l’idée qu’on s’en fait, le vortex de déchets n’a ni la densité ni la visibilité d’un continent. Cela est dû au fait que les débris flottent sous et non à la surface de l’eau. Voilà pourquoi on ne peut pas le voir depuis l’espace sur les images satellite. Combien dénombre-t-on de vortex? Cinq. Deux dans le Pacifique, deux dans l’Atlantique, et un dans l’océan Indien. Le vortex du Pacifique nord étant le plus gros. Pour nous, l’important était d’avoir des images pour communiquer sur cette monstrueuse réalité et sensibiliser le public. Cela n’est effectivement pas visible sur les images satellite. Il faut vraiment être sur le bateau, avancer doucement pour voir ce qu’il y a à la surface, qui ne reflète qu’une partie de la réalité car la majeure partie, celle que l’on ne voit pas, se trouve dans la colonne d’eau. C’est la raison pour laquelle je nageais: en étant dans l’eau 7 à 8 heures par jour, je voyais les endroits où la concentration de microplastiques était la plus forte et cela me permettait de guider les recherches. Le vortex du Pacifique nord serait grand comme six fois la France?

Cela dépend sur quelle étude on se base. Disons que c’est une zone très étendue, où la concentration de microplastiques et de gros déchets est très élevée. On peut comparer cela à une oasis car il y a tout un écosystème qui se développe autour des gros débris: des algues et des mollusques s’accrochent dessus, des crabes et des poissons nagent en dessous… En général, ces débris sont jetés près des côtes. Les courants marins finissent par les pousser au milieu de l’océan, mais les organismes dessus et dessous proviennent des régions côtières. En se retrouvant au milieu de l’océan, dans un écosystème différent du leur, ces organismes deviennent une «population envahissante», on parle aussi d’invasion biologique. Il y a aussi le phénomène de lixiviation des produits chimiques… C’est lorsque certaines substances contenues dans les plastiques se dissolvent dans l’eau. Je vous explique: quand un gros morceau de plastique se casse en petits morceaux, des produits chimiques se déversent dans l’eau car le plastique a la propriété d’absorber les produits chimiques et les polluants. Un poisson ou un mammifère qui avale un morceau de plastique, eh bien, le fait qu’il confonde le plastique avec un aliment comestible est déjà un problème en soi, mais aussi les substances chimiques qu’il renferme sont néfastes car elles vont pénétrer dans la chair de l’animal. On constate donc qu’il y a une concentration de polluants au tout début de la chaîne alimentaire.

Le bateau de vingt mètres de long à coque d’acier est ­équipé pour l’expédition scientifique. Les membres de l’équipage, à bord de I Am Ocean, sont tous volontaires et motivés par la portée environnementale et scientifique du projet. THE RED BULLETIN

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«Faire réfléchir aux habitudes de consommation, inciter à opter pour des alternatives durables.» Voilà l’ambition de Ben Lecomte pour les générations à venir.


Qu’appelle-t-on «microplastique»? Ce sont des particules de plastique qui ne font pas plus de cinq millimètres. Quand on ramasse un gros morceau de plastique, celui-ci se casse et devient du microplastique. L’autre grand danger, car on ne peut pas les voir à l’œil nu, ce sont les microfibres synthétiques. Elles proviennent des vêtements en polyester ou en fibres synthétiques, qui, lorsqu’on les nettoie à la machine, perdent des microfibres, lesquelles restent dans l’eau. Pour vous donner une idée: on a filtré de l’eau du Japon jusqu’à San Francisco. Les échantillons sont en cours d’analyse dans des laboratoires. Les premiers résultats d’échantillons envoyés l’année dernière montrent la présence de microfibres dans tous les relevés effectués. Et à chaque fois qu’on attrapait un poisson, on découpait sa chair pour voir si elle renfermait des microfibres. Là aussi, les analyses sont en cours. Donc pour résumer, il y a deux problèmes majeurs avec le plastique: l’un, c’est le microplastique, et l’autre, ce sont les fibres synthétiques. On ignore encore tout de l’impact qu’ils ont sur la vie marine et sur nous en tant qu’humains. Le problème ne se résoudra alors pas seulement en ramassant les débris et en s’en débarrassant, car ce serait détruire un écosystème déjà très fragilisé…

au fond des mers, ou ont été ingérés par la faune marine. En revanche, ce que l’on sait, c’est que 300 millions de tonnes de plastique à usage unique sont produites chaque année, et que huit millions finissent dans les océans.

Ben Lecomte, 51 ans, ne compte pas s’arrêter de nager ni de s’activer de si tôt.

Exact. Il n’existe pas encore de filtre approprié, ni aucun moyen de stopper la pollution des microfibres et des microplastiques. Nous avons essayé, mais même en utilisant un filet très fin, on ramassait trop de planctons et de micro-organismes. On en est arrivés à la conclusion que si on crée un système pour collecter les microplastiques, on risque de collecter aussi les micro-organismes et de les soustraire à l’océan… Ce qui est impensable. Aussi, il faut savoir qu’on ne connaît que 1% de la masse de plastique en mer. On ne sait pas si les autres 99% flottent dans la colonne d’eau, stagnent

«Nous sommes la première expédition à réunir des échantillons sur toute la longueur du Pacifique.»

Jusqu’ici, il n’est possible de localiser que 1% du plastique dans les océans. On ignore où se trouvent les 99% restants: au fond de l’eau, ingurgités par la faune marine… THE RED BULLETIN

Quelle vision d’avenir souhaitez-vous transmettre aux générations futures? La nage, c’est un moyen de communication pour moi, un moyen d’expression. En faisant prendre conscience aux gens que les mers et les océans constituent plus de 70% de la planète, et en leur faisant comprendre à quel point les océans sont pollués, ils pourront réfléchir à leurs habitudes de consommation, et opter pour des alternatives durables et des matériaux en fibres naturelles. J’ai voulu créer une plateforme avec cet événement, The Vortex Swim, et son interface en ligne, afin de réunir des données pour la science, mais surtout pour agir comme un électrochoc et interagir avec une audience. En montrant exactement ce qu’est le vortex de plastique, en éduquant les gens sur les effets néfastes du plastique, des microfibres, de la difficulté de «nettoyer» les océans sans abîmer l’écosystème, on leur fait prendre la mesure de la réalité. Dans l’échange, sur internet ou lors des conférences, on commence par engager une conversation – c’est un premier pas! – en vue d’initier des changements. Notre but, c’est d’aider les gens à construire leur pensée, avec une motivation et une responsabilité. Comme si on leur proposait de changer de carte pour changer de point de vue? En plaçant les océans au centre et en les faisant apparaître comme une seule unité (voir page 30)? C’est une vision rare qui permet de changer de paradigme, qui force à voir les choses autrement. Un peu comme vos photos… Voilà pourquoi j’insiste sur la partie sensibilisation, éducation, et responsabilisation. C’est en éduquant les générations futures, en allant dans les écoles, en faisant des conférences, en montrant des images frappantes que nous sensibiliserons sur le développement durable et sur le problème du plastique en milieu marin. Nous avons amassé beaucoup de contenus vidéo pour réaliser des documentaires et des clips éducatifs, qui ne seront pas que centrés sur l’expédition. En adoptant une vue plus générale de la problématique du plastique dans l’océan, nous pourrons toucher et impliquer les lobbys, les gens de l’industrie chimique, de l’ONU, etc., et trouver des solutions avec eux. Et du côté civique, il faut soutenir toutes les initiatives… thelongestswim.com   37


BUDDY CHECK

TIMO MEIER et JOE THORNTON font partie de la même équipe NHL: les San Jose Sharks. L’un est un jeune talent suisse, l’autre une légende canadienne. Comment Meier tire profit de l’expérience de son coéquipier presque deux fois plus âgé que lui. Texte PETER FLAX  Photos MATT EDGE 38


Proximité Meier et Thornton sont ­assis l’un à côté de l’autre dans les vestiaires.


Champion Meier est un buteur des San Jose Sharks. Il a inscrit 30 buts et réalisé 36 passes décisives la saison passée.


L

e bruit de palets percutant la bande résonne dans l’aréna Solar4America de la Silicon Valley en Californie, la patinoire officielle des San Jose Sharks. La veille au soir, l’équipe a battu les Carolina Hurricanes, concurrents NHL, et les coaches ont décrété que l’entraînement d’aujourd’hui était facultatif. Pourtant, tous les jeunes joueurs des Sharks sont présents. Ils sprintent plein pot sur la glace, tirent à bout portant et se chargent corps à corps sans aucun ménagement. Un seul joueur sur la glace n’a plus l’air tout jeune – on le reconnaît facilement à son image de marque, une barbe à la ZZ Top, un enchevêtrement de poils roux épais avec quelques mèches grises. C’est la légende de hockey Joe ­Thornton, 40 ans. Il a l’air de s’entraîner plus dur que tous les autres. Mais aussi d’être d’humeur bien plus blagueuse. Celui qui, avec ses 1 069 passes décisives, figure au huitième rang du tableau d’honneur de la NHL et à la première place parmi tous les joueurs actifs, s’approche nonchalamment de la bande lors d’une petite pause et plaisante avec un tout jeune gars qui porte le numéro 28 sur son casque. Il s’agit du Suisse Timo Meier, 23 ans, ailier droit des Sharks, qui a marqué trente buts au cours de la saison ­passée. Meier portait encore des couches

MEIER PORTAIT ENCORE DES COUCHES QUAND THORNTON A REJOINT LA NHL.

quand ­Thornton, né en 1979, a rejoint la NHL en 1997. Aujourd’hui, plus de vingt ans plus tard, ils jouent dans la même équipe et poursuivent le même objectif: remporter la coupe Stanley, le trophée le plus convoité du hockey nord-américain. Une minute plus tard, l’entraînement reprend avec une série d’exercices à trois contre trois. Trois attaquants essayent de marquer un but contre deux défenseurs et un gardien. Ils s’y engagent avec la même ferveur et la même intensité que si nous nous trouvions en plein match. Lors de l’une des reprises, Thornton se rabat dans un coin avec le palet au bout de sa canne, et juste au moment où les défenseurs réagissent, Meier se faufile dans une faille entre les lignes. En l’espace d’une fraction de seconde, Thornton envoie le puck exactement sur la canne de Meier, qui enchaîne admirablement en le projetant entre les jambes du gardien. But! Voilà ce qu’on appelle du travail de précision. Le vétéran et le jeunet se regardent dans les yeux, un petit sourire et une frappe dans la main soulignent l’action réussie. Puis ils se placent tous les deux pour l’exercice suivant. L’entraînement dure encore une heure. Il reste beaucoup à faire.

T

imo Meier est né dans le canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures, à Herisau, où il a également grandi. «Ma famille habitait à seulement cinq minutes de la patinoire, raconte-t-il. Il était donc très facile pour moi d’y aller après l’école.» Mais sa passion pour le hockey a commencé bien avant, à quatre ans. «Je suis monté sur la glace, et depuis j’adore ça.» Même si la passion et le talent étaient au rendez-vous dès le début, Timo Meier n’aurait jamais imaginé évoluer en NHL. «Bien sûr que j’en rêvais, dit-il aujourd’hui, mais franchement, je ne pensais pas que cela arriverait vraiment.» À 12 ans, Timo change d’équipe et doit affronter les meilleurs ados des villes plus peuplées comme Zurich ou Berne. Il devient plus grand, plus fort et plus rapide. D’un seul coup, le rêve d’enfant   41


R

Sans barbe Les Boston Bruins ont repêché Thornton à la première position de sa promotion. Il a débuté en 1997 (photo). Depuis 2005 il joue pour San José.

de devenir joueur pro semble à portée de main. À 15 ans, Timo Meier franchit l’étape suivante en rejoignant l’équipe junior des SC Rapperswil-Jona Lakers, qui joue en ligue Juniors Élites. Les Lakers ont également une équipe pro pour la National League, la première division du championnat de Suisse de hockey sur glace. «Cela m’a permis de découvrir le hockey professionnel de très près», explique Timo Meier. C’est environ à cette époque que le hockey conduit Joe Thornton en Suisse. En raison d’un conflit de travail, toute la saison 2012/2013 de la NHL est annulée. Les meilleurs joueurs au monde se voient donc obligés de rejoindre d’autres équipes internationales s’ils ne veulent pas rester inactifs. Joe Thornton, sélectionné six fois pour l’équipe d’étoiles de la NHL, choisit le HC Davos – un club qu’il connaît déjà, car il a passé la saison 2004/05 en Suisse pour des raisons semblables. Il est d’ailleurs devenu champion de Suisse avec ce club, et a même remporté la fameuse Coupe ­Spengler. Et, plus important encore, c’est à Davos qu’il a rencontré sa future femme Tabea Pfendsack et qu’ils se sont mariés cinq ans plus tard. 42

Sa ­deuxième saison en Suisse est tout autant couronnée de succès: Thornton remporte à nouveau le championnat suisse avec le HC Davos. Depuis, raconte Joe, il passe cinq à six semaines en Suisse tous les étés avec sa femme, leur fille Ayla, 9 ans, et leur fils River, 6 ans, «parce que je trouve cela très important que mes enfants connaissent leurs racines». La famille retourne régulièrement dans la petite ville canadienne de St. ­Thomas, en Ontario, où Joe Thornton a grandi. C’est d’ailleurs de là que vient son surnom: «Jumbo» Joe. Car, anecdote véridique, sa ville natale est célèbre pour l’accident tragique qui coûta la vie au fameux éléphant de cirque, renversé par une locomotive en 1885 – et rendu célèbre par Walt Disney.

THORNTON A RENCONTRÉ SA FEMME EN SUISSE EN 2005.

evenons à l’entraînement des Sharks. Il est public, et une petite trentaine de supporteurs sont présents – proches, amis ou ­mordus de ­hockey, vêtus aux couleurs de l’équipe. Avec sa chemise blanche et sa cravate, Dan Rusanowsky, qui commente en direct les matches de hockey des Sharks depuis 1991, donc depuis le début, est reconnaissable entre tous. Cet homme a toujours été aux premières loges des matches, il a tout vu, il sait tout concernant les Sharks. Lorsqu’on l’interroge à propos de la relation entre Joe Thornton et son ­protégé Timo Meier, il hoche posément la tête. «Ce mentorat est une très belle chose, déclare-t-il. Joe est respecté par tous ses coéquipiers – c’est une légende vivante. Et il a une très grande influence sur les jeunes joueurs comme Timo. On peut dire sans exagérer qu’il éduque les jeunes à devenir des pros.» Rusanowsky, le commentateur, développe en expliquant que l’efficacité d’un instructeur dépend en grande partie de la volonté d’apprentissage et d’amélioration de son élève. «Timo est visiblement très mûr pour son âge. On voit à quel point il est avide d’apprendre, combien il écoute les joueurs expérimentés comme Joe – qu’il s’agisse de l’importance du sommeil ou de l’entraînement en dehors de la patinoire.» Plus tard, après l’entraînement, ­j’interroge Joe Thornton à propos de son influence sur les jeunes joueurs. «Je dis toujours que les jeunes peuvent s’améliorer par osmose», surprend-il avec un terme scientifique issu de la chimie, qui décrit un phénomène de perméabilité et donc d’échange unilatéral entre deux matières. Donc: «Il faut qu’ils choisissent l’un des meilleurs joueurs afin d’observer son comportement dans diverses situations – tout ce qu’il fait pendant les ­entraînements, en voyage…» Ce n’est pas un hasard si Timo Meier est assis à côté de Joe Thornton dans les vestiaires. «Cela m’a profondément marqué d’apprendre à ses côtés, tous les jours. Et lorsque j’ai des questions, Joe me répond toujours sincèrement.» Se ­souvient-il encore de sa première ­rencontre avec lui? «Naturellement», rit Meier. «C’était lors de mon tout preTHE RED BULLETIN


Ange gardien

Sous l’aile protectrice d’une légende: «Son enseignement m’a profondément marqué», dit Timo Meier.


Engagement La passion et l’intensité du jeu sont les mêmes pour un match que pour un entraînement.

Kommunikation Untinven dicienim la nusa cone sum hit disitam aruptatibus mint aliqui blabo rectius Et parumqui .


OREST BLIND HIER VERUMTA

ENDEBIS TAM ZEIQUAM VOLE.

MEIER JOUE PARCE QU’IL AIME ÇA, PAS POUR L’ARGENT.

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Duo infernal Meier et Thornton jouent sur la même ligne d’attaquants pour les Sharks. Ils s’entendent à merveille.


COMPLICES, MEIER ET THORNTON SE COMPRENNENT SANS ÉCHANGER UN MOT.

mier camp d’entraînement. Je croyais rêver, je patinais sur la même glace que l’un des meilleurs joueurs que j’avais suivis durant mon enfance. Il était tellement sympa et chaleureux! Et bien qu’il soit une légende, il ne s’est jamais comporté comme quelqu’un qui s’estime supérieur aux autres.» Puis ils discutent ensemble de l’énorme défi psychique et physique que représente une saison en NHL. Il faut déjà passer par les 82 parties en saison régulière; puis, en cas de victoire, par les séries éliminatoires qui peuvent durer jusqu’à deux mois supplémentaires. Dans ces conditions, difficile d’échapper à des périodes de baisse de régime et de baisse de moral. «Cela fait partie intégrante du processus d’apprentissage, du cheminement pour devenir adulte, explique Thornton. Je pense que Timo est passé par là très tôt et comprend cela mieux que la plupart des jeunes joueurs.» Il y a sept ans déjà, alors qu’il avait 16 ans, Timo Meier a pris la décision de partir au Canada pour jouer dans la ligue de hockey junior du Québec à Halifax – à 5 400 kilomètres de chez lui. «Pour faire ça, dit Thornton, il faut un sacré courage.» «J’ai été obligé de devenir adulte très vite et de prendre des décisions tout seul, raconte Timo Meier. Il y a bien sûr eu des moments où je me s­ entais seul, mais cela m’a renforcé et tout est plus facile aujourd’hui.»

M

algré les difficultés et le sérieux dont il faut faire preuve pour évoluer en NHL, les deux joueurs soulignent l’importance de ne perdre ni son humour ni son amour du sport. «Je n’ai encore jamais vu Joe arriver à la patinoire sans rire ou sans faire une blague», dit Timo Meier. Joe Thornton confirme que le ­plaisir est le meilleur moteur pour rester compétitif à son âge parmi tous les jeunes athlètes. Et puis, il lui reste un grand rêve à réaliser: remporter la coupe Stanley, car il n’y est pas encore arrivé. «J’ai le meilleur job au monde, se réjouit-il. Je suis payé pour m’amuser.» Meier acquiesce. Il vient de prolonger son contrat avec les Sharks de quatre ans,

ce qui lui rapportera 24 millions de dollars au total. «L’argent n’est pas mon moteur. Évidemment, cela me garantit la sécurité matérielle, mais je ne joue pas pour ­devenir riche. Je joue au hockey parce que c’est ce que j’aime. Et logiquement, mes attentes sont plus élevées. C’est super et ultramotivant d’être si bien payé, mais indépendamment de cela, je suis vraiment malheureux quand nous ne gagnons pas.» Meier s’arrête un moment puis poursuit: «Tout le monde ici veut remporter la coupe Stanley, mais personne ne la mérite plus que Jumbo. En tant qu’équipe, nous essayons tous les jours de nous surpasser afin d’atteindre ce but avec lui, de concrétiser ce rêve pour lui.»

S

amedi soir. Les Sharks jouent à domicile contre les Buffalo Sabres. L’aréna bouillonne. Le match se joue à guichet fermé. 17 562 supporteurs, la plupart portant les couleurs bleu et noir de l’équipe, encouragent les Sharks avec une telle ­ferveur que l’on n’entend même plus le palet cogner contre la bande. À moins d’être assis au premier rang, parmi les magnats de l­ a Silicon Valley. Les Sharks jouent en supériorité numérique et essayent de s’établir dans la zone de défense des Sabres. Joe Thornton arrive à mettre la rondelle dans le coin. Puis, comme lors de l’entraînement deux jours auparavant, Timo Meier file à travers les lignes. La passe de Thornton atteint sa canne à la vitesse de l’éclair, avant de finir dans le filet. Cette fois, Meier a tiré le palet par-dessus l’épaule gauche du g ­ ardien de but. Une corne de brume retentit, elle confirme le but marqué par les Sharks. Tandis que les supporteurs renversent leurs bières en jubilant et en s’embrassant, Meier lève les bras en vainqueur. Joe Thornton s’approche de lui, le serre contre lui, et lui tape sur la poitrine avec satisfaction pendant que Timo Meier, d’un geste complice, pose une main ­gantée sur la nuque de son mentor. Ils n’échangent pas un mot, mais leurs regards en disent long. nhl.com/sharks   47


R A L LY E D A K A R

17,78

0,53

18,60

0,82

18,94

0,34

21,10

50m

2,16

21,33

0,23

PARLEZ-VOUS

ROADBOOK? Vous n’y pigez que dalle, à ces mystérieuses inscriptions? Rassurez-vous, nous allons y ­remédier. Et consolez-vous: vous n’avez pas besoin de les déchiffrer à 140 km/h au guidon de votre moto comme les pilotes du Dakar. Texte WERNER JESSNER


PICTUREDESK.COM

SEUL SUR LE SABLE Un pilote du Rallye Dakar au Pérou en 2019. Première erreur potentielle: suivre uniquement les traces des autres concurrents. NB: le roadbook est votre meilleur ami.

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MARCIN KIN, FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL

CHANGEMENT DE PLAN Nouveauté en 2020: le roadbook sera remis aux pilotes comme ­Matthias Walkner (photo) seulement quinze minutes avant le départ. R ­ ésultat: pas moyen de se préparer à l’avance comme les années précédentes.


R A L LY E D A K A R

POSTE DE TRAVAIL En haut: le compteur kilométrique et la boussole. En dessous: le roadbook. Au milieu du guidon: le GPS de l’organisateur qui affiche les points de contrôle.

A 17,78

0,53

«C’est parti!» Au kilomètre 17,78, 530 mètres après le dernier point, il y a un contrôle de passage caché (C) – si un pilote le manque, il écopera de 15 minutes de pénalité. Attention, zone potentiellement dangereuse en partant en hors-piste légèrement à gauche dans les dunes (HP DS DN = hors-piste dans les dunes)! Cap à 268 degrés.

rgentine, dixième jour du Rallye Dakar 2018. Un groupe de six motards fonce à travers le désert. Une étendue de sable, parcourue ça et là de lits de rivières ­asséchés impossibles à voir. L’un des pilotes du groupe n’est pas ­serein. Son nom? Matthias Walkner. Son problème: les autres roulent trop vite. À une telle vitesse, on se demande bien comment ils réussissent à naviguer sans faire d’erreurs, sans la moindre once d’hésitation sur la tonne d’informations à traiter – sachant que certains filent même à plus de 140 km/h. Walkner lève le pied et se laisse distancer. Son leader, Jordi Viladoms, en bon spécialiste de la navigation, lui a enfoncé un principe dans le crâne depuis qu’il a osé passer du motocross au rallye: ne jamais, au grand jamais, se contenter de suivre les traces des autres pilotes, ­toujours naviguer par soi-même! Arrivé au point 349, l’Autrichien de 33 ans commence à douter: «Les kilomètres sur le roadbook ne correspondaient pas exactement à ceux de mon compteur et, dans ce cas-là, il faut se fier à son intuition, à son instinct, enfin vous voyez. Les traces devant moi bifurquaient vers la gauche dans une espèce d’entonnoir sablonneux, alors que d’après le roadbook, je devais rester à droite. Mais est-ce qu’il   51


R A L LY E D A K A R

18,60

0,82

«En piste!» Au kilomètre 18,60, 820 mètres après le dernier point, ­depuis la route L3, on continue légèrement vers la droite à travers les dunes, il n’y a plus de route. Le cap est à 180 degrés plein sud, donc. (On a déjà vu la signification des lettres HP DS DN à la page précédente.)

18,94

0,34

«Attention, fin dangereuse» Attention: au kilomètre 18,94, 340 mètres après le dernier point, je dois tomber exactement sur un point de contrôle de sécurité (S). Trois points d’exclamation = danger! Après la sortie des dunes (END DN), on arrive sur une piste en ­mauvais état (MVS) avec un fossé difficile à repérer. Après l’avoir passé, on continue en virant légèrement vers la droite s­ uivant un cap d’environ 80 degrés.


21,10

50m

2,16

«Trempette des pieds»

EDOARDO BAUER/RED BULL CONTENT POOL

Au kilomètre 21,1, soit 2,16 kilomètres après le dernier point, on descend dans des dunes parsemées d’arbustes avant de traverser une rivière de 300 m de large. Ensuite, je dois continuer en hors-piste légèrement vers la droite dans un oued de 50 mètres de large (lit de rivière asséché), selon un cap moyen (Moy) de cinq degrés.

TRACER SA ROUTE Souvent, la piste présente des irrégularités, donc il est difficile de garder précisément le cap. Et c’est là que cela devient intéressant.

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R A L LY E D A K A R

21,33

0,23

«Trop facile» Au kilomètre 21,33, 230 mètres après le dernier point, je dois bifurquer à droite au sommet de la butte et continuer sur une piste balisée bien visible, en parallèle de laquelle d’autres pistes sont signalées (ET P // = et pistes parallèles).

fallait réellement passer par là? Je me suis dit que les deux ríos se rejoindraient sûrement bientôt de toute façon, donc par précaution, j’ai d ­ écidé de rester quand même sur la droite. Plus aucune trace des autres concurrents sur les kilomètres suivants. Est-ce que je me serais planté? Même le cap ne m’était pas d’une grande aide parce qu’il n’indiquait qu’une valeur moyenne afin de suivre la trajectoire sinueuse des ríos. Du kilomètre 350 au kilomètre 368, où le point suivant était enregistré, j’ai eu tout le temps de me demander si j’avais déconné ou bien si j’étais le seul à avoir vu juste.» Aujourd’hui, on connaît le fin mot de l’histoire: Hiasi (surnom de Matthias) avait raison, il s’est taillé une confortable avance de 50 minutes sur ses concurrents ce jour-là et a remporté le Dakar.

MARCIN KIN

L

LE FACTEUR HUMAIN Le cerveau de Matthias Walkner traite des centaines de lignes de roadbook par jour, sans se tromper et en un temps record.

e Dakar à moto est au moins aussi éprouvant sur le plan mental que sur le plan physique. Tout ce que les pilotes ont à leur disposition, c’est une suite d’instructions sur un écran. Et il n’y a qu’en les suivant à la lettre qu’ils peuvent espérer atteindre l’arrivée. Explication: sur le roadbook, la colonne de gauche indique le kilométrage, ainsi que la distance relative et absolue par rapport au dernier point de référence. Mais il est rare que les pilotes puissent suivre une trajectoire parfaitement droite, ils doivent donc recalibrer leur compteur kilométrique en permanence. Dans la colonne du milieu, des pictogrammes donnent des indications sur le terrain et le parcours, ainsi que le cap à suivre. Et il y a tout un catalogue de plus de cent pictogrammes à apprendre pour les pilotes. Tout à droite, les éventuels commentaires écrits, qui s’affichent sous forme d’abréviations ­basées sur des termes français. Le pilote doit donc non seulement déchiffrer ces infos sans se tromper et les appliquer pendant qu’il roule, mais s’assurer aussi de garder un œil sur le point suivant afin d’avoir une vue d’ensemble. Jordi Viladoms (10 Dakar à son actif): «C’est comme apprendre une nouvelle langue: pour vraiment maîtriser la navigation, il faut pratiquer, pratiquer et encore pratiquer. Rouler vite, c’est à la portée de n’importe quel pilote de haut niveau. Ce qui fait la différence, c’est la capacité mentale restante disponible pour la navigation.» Une affirmation que Matthias Walkner ne peut qu’approuver.   55


5 M IN UT ES CH RONO

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SOYEZ EN AVAN SUR VOT CE RE TEM PS!

Laurence Desarzens, 59 ans, a fait de Lausanne une ville où l’on sort. Elle est l’une des premières à avoir introduit le hip-hop en Suisse, et l’une des pionnières du streaming musical. Rencontre. 00:18

Soyez sensible à l'aura Quand j’étais jeune, il n’y avait pas d’internet ni d’influenceurs en ligne pour s'informer, découvrir des artistes ou les bons concerts à venir. J’ai dû sortir, me mêler à la foule, rencontrer et échanger avec les gens, voyager dans d’autres pays et ­fréquenter des scènes étrangères afin de découvrir ce qui se faisait. Encore aujourd’hui, je pense qu’il est essentiel de sortir de son canapé. Ce qui est dans l’air du temps ne s’exprime pas en mots et en images. Il faut vivre par soi-même la magie du moment. Par exemple, en se laissant toucher par ­l’aura d’un nouveau lieu dans une ville étrangère, en ressentant instinctivement que quelque chose se passe là et que tel concept fonctionnera aussi chez nous!

Tirez profit de votre ennui

Jouez avec la technologie

Lausanne, dans les années 1970, n’avait rien à offrir aux jeunes amateurs de ­musique: il n’y avait pas de clubs, pas de bons bars, pas de concerts, bref, on s’y ennuyait à mourir. Mais c’est exactement ce qui a donné naissance à une culture vivante du do it yourself entendue au sens de: «Quelque chose vous manque? Alors retroussez vos manches!» Lorsque j’allais à des concerts en France et que je découvrais un groupe qui m’intéressait, je leur demandais s’ils accepteraient de se produire en Suisse. C’est ainsi que j’ai commencé à organiser des concerts, ­parfois illégaux, et contribué à créer une vie culturelle et nocturne à Lausanne. Les années 1990 sont le début de l’âge d’or du hip-hop. L’ennui constitue, pour moi, une source inépuisable de motivation. Nous étions deux en charge de la programmation à la Rote Fabrik à ­Zurich et en avions assez d’engager les mêmes groupes rock. Si on présentait un concert de hip-hop pour changer? Il y a eu des froncements de sourcils au ­début, puis cela s’est avéré judicieux: peu après, ce style musical a explosé.

En 1994, le père de mon ami m’a initiée à l’internet naissant. J’ai tout de suite été intéressée. Lire les journaux et les réactions immédiates des Beastie Boys après un concert à Seattle était possible. Cela ouvrait d’innombrables opportunités! Autour de moi, tous ne p ­ artageaient pas mon enthousiasme. Avec quelques programmateurs partants, nous avons 03:07 créé une plateforme d’informations qui connectait les clubs indépendants et les centres culturels suisses. Rapidement, nous avons aussi commencé à ­expérimenter le streaming musical pour permettre aux internautes d’avoir accès L’introspection et la quête de son espace à des concerts auxquels ils ne pouvaient de liberté me semblent au moins aussi pas assister. Nous avons été parmi les importantes que l’inspiration de l’extépremiers au monde dans ce domaine. rieur. Avec toute cette surstimulation Toutefois, pour devenir millionnaires, sensorielle et la pression sociale, on nous aurions dû faire les choses autrement, et un peu plus tard. Car avec cer­oublie qui on est, et ce qui compte taines innovations, vous pouvez être ­vraiment. Surtout, on ne peut développer son intuition que lorsqu’on est trop en avance sur votre temps. Dans les années 1990, la majorité des gens ­vraiment en connexion avec soi-même. ne ­savait même pas épeler le mot «streaEt en fin de compte, la reconnaissance ming». Pour nous, l’important était des tendances est une question d’expérimenter, pas de s’enrichir. d’intuition.

Parfois, retirez-vous

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THE RED BULLETIN

NINA TREML

Avant tout le monde

JAGODA WISNIEWSKA

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Certains partent en voyage autour du monde, d’autres se retirent dans des monastères. Personnellement, depuis ma formation en agriculture dans mes jeunes années, je jardine. Cela sonne comme un retour à la campagne. En fait, depuis quelques années, je vis dans une coopérative progressiste au centreville de Genève, avec une terrasse-­ jardin communautaire de 600 m² sur le toit: un autre projet qui me semble véritablement tourné vers l’avenir.

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Ne tirez pas de conclusions hâtives

«Dans les années 1990, la majorité des gens ne savait même pas épeler le mot ”streaming“.» Laurence Desarzens

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Une icône de la scène musicale

Laurence Desarzens, née en 1960, est active sur la scène musicale suisse depuis près de quarante ans en tant qu’organisatrice de concerts et manager de groupes, programmatrice à la Rote Fabrik et au Moods à Zurich, puis à la Kaserne de Bâle. Elle est surtout connue en tant que fondatrice et opératrice des sites de musique précurseurs hugo.ch et boombox.net dans les années 1990. Depuis 2016, elle dirige le département de musiques actuelles pop et jazz de la Haute École de Musique de Lausanne (HEMU). hemu.ch.

Depuis 2016, je dirige le département pop et jazz de la Haute École de M ­ usique de Lausanne et je dois donc rester à jour. Comment suivre les tendances musicales, à presque 60 ans? Comme lorsque j’avais 20 ans, même si dans certains clubs, on me prend maintenant pour une vieille schnock. Ma capacité à m’enthousiasmer est plus nuancée. Je suis loin d’être aussi blasée que d’autres de mon âge qui pensent tout savoir. Je sais tirer quelque chose de presque tout, même si ce n’est qu’un détail. Je vais donner à un artiste la chance de faire ses preuves en concert. J’aime ressentir un charisme particulier ou découvrir une approche musicale différente qui pourrait permettre à cette personne de marquer son époque.

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Mathieu Rochet en repérage dans le quartier d’East Point à Atlanta, berceau de OutKast.

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Un Français à Atlanta MATHIEU ROCHET fait partie de ceux qui savent emmener le hip-hop «ailleurs». Cofondateur du magazine Gasface, scénariste et réalisateur pour Arte, son dernier projet en date s’appelle Lost in Traplanta, une mini-série à la fois authentique et drôle au cœur de la nouvelle capitale du rap. Texte ROD GLACIAL

Vocation et bobards

JILL SALINGER

Né en 1979, comme le rap, l’environnement de Mathieu ne le prédestinait pas vraiment au hip-hop. Lyonnais, fils de ­parents fans de Jean-Jacques Goldman, il est bluffé à l’âge de onze ans par une K7 de Run-DMC que lui fait découvrir son grand-frère. Cette culture pleine de trous, à mille lieues de New York ou Paris, un cousin à lui la colmate parfois à l’aide de MTV où le kid découvre la magie des clips de rap et l’hégémonie de 2Pac. Quelques tags et scratchs plus tard (la passion du turntablism le contamine au lycée), deux inspirations plus profondes se démarquent chez lui: The Source, la revue de référence américaine, et Get Busy, le magazine créé par Sear, ancien proche de NTM et aujourd’hui animateur sur ­Clique TV. THE RED BULLETIN

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Mathieu, sur son PC, en 2001 à Lyon, en train d’enregistrer ses interviews sur disquette!

«On faisait des interviews en vrai, c’était notre point fort.» 60

Gasface, les Inrocks du hip-hop

En parallèle du fanzine, ils organisent des concerts à Lyon de façon à ne plus ­devoir voler leurs interviews. Surtout, ils mettent de l’argent de côté pour publier un «vrai» magazine. C’est à l’été 2006 que sort la nouvelle formule de Gasface en kiosque, toujours tranchante, touchant à toutes les branches de la galaxie hip-hop – d’Isaac Hayes au producteur Pete Rock en passant par l’auteur George ­Pelecanos. «On faisait toujours des interviews en vrai, c’était notre point fort, pas de téléphone. Plus ça allait, plus on ­racontait, et on était plus intéressés par la rencontre en elle-même que par le fait d’écrire un papier. Et ce n’était pas que du rap, on voulait êtres les Inrocks du hip-hop.» Les beaux jours de la presse rap sont loin derrière et pourtant, le magazine cartonne. Les deux Lyonnais obéissent toujours à la loi de la débrouille; rédaction, graphisme, régie pub, distribution, etc., ils apprennent sur le tas et deviennent des entrepreneurs par défaut. En 2008, leur sixième numéro est boycotté à la suite d’une couverture (affichant «Faut-il avoir peur de ces enculés de blancs?») qui suscite l’incompréhension: «Ça a provoqué beaucoup de buzz, on n’a jamais eu autant de presse. Libé et Les ­Inrocks nous soutenaient. Ce numéro de Gasface a été présenté au Conseil des

L’une des meilleures ventes du magazine: Gasface n°3 avec Booba, Alchemist, Jacques Audiard.

­ inistres pour voir s’ils pouvaient l’interm dire, comme le Charlie Hebdo de 1969. ­Évidemment, ils ont vu que c’était une blague.» Sans garantie que les kiosquiers continuent à distribuer Gasface, le duo prend la décision d’arrêter. Au sommet. Au même moment, Sylvain Gire, ­directeur éditorial d’Arte Radio, les contacte et leur propose de réaliser un documentaire web. «On a connu la phase déclinante de la presse, mais sans le ­savoir, on s’est retrouvés dans la phase ­ascendante des nouveaux médias.» THE RED BULLETIN

JILL SALINGER

C’est avec ces références en tête que ­ athieu rejoint l’équipe de l’émission M ­Fragment of Hip-Hop sur Radio Canut (­radio associative lyonnaise), en 2000. Il y rencontre Nicolas Venancio avec qui il va bientôt fonder le magazine Gasface. L’élément déclencheur? Sa première interview, à Paris, celle du producteur californien Madlib. Il comprend ce jour-là quelle sera sa vocation. Et fin 2001 sort Gasface n°1. À cette période, le hip-hop se prend très au sérieux et le duo veut amener un nouveau souffle impertinent à la discipline. Les deux compères font des heures de route en Europe, vont même passer des virées à New-York pour rencontrer les poids lourds du rap, avant d’inventer des stratagèmes pour leur «voler» des interviews. «Les ­managers nous envoyaient chier donc on avait des bobards pas croyables. On donnait le nom de famille du rappeur à l’accueil de son h ­ ôtel et on regardait le type composer le numéro comme des détectives. Un soir, on s’est retrouvé à huit dans une chambre pour faire une interview!»


«J’ai mis un an à trouver le héros de ma série Lost in Traplanta.»


Mathieu Rochet sur le tournage de Hell Train à New York en 2015 (en haut). Sur le tournage de Lost in Traplanta avec Kody Kim, une Oldsmobile Cutlass, et Masta Ace qui joue le Rap God (en bas à gauche). Avec Dr. Dax, légende américaine du graffiti et membre du crew de OutKast, la Dungeon Family (en bas à droite).

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En mode nouvelle vague

Série la plus vue à l’international dans l’histoire d’Arte, New York Minute transforme l’essai de Gasface du papier à l’écran. Le programme suit des personnalités de chaque borough et transcrit leur rapport à la ville, de l’artiste Futura 2000 au rappeur Joell Ortiz en passant par les enfants-soldats de Sierra Leone recrutés par des gangs. Sans technique mais avec beaucoup d’idées et de contacts, ils réussissent leur pari. «On nous a filé les clés d’un camion à 200 000 balles et on a tourné ça en mode nouvelle vague, sans aucune supervision, à cinq dans un van. Comme c’était le début d’un truc, on avait les mêmes chances que les autres.» Dans la foulée, ils produisent la version 52 minutes pour la télé. Jamais là où on les attend, ils tournent ensuite Lookin4Galt en partenariat avec Dailymotion, un documentaire sur le musicien canadien Galt MacDermot, auteur de la comédie musicale Hair et musicien autant samplé par le rap que James Brown. Le duo, toujours en mode commando, met en scène une fausse quête qui constitue le récit; l’expérience se révèle fructueuse. Sorti en 2013, le film est accompagné de deux séries pour le promouvoir, Think Big et All That Jazz. Toujours plus loin dans la fiction, le duo signe une ultime fois pour Arte un format court nommé Hell Train, et diffusé en 2015. Cette adaptation de ­L’Enfer de Dante dans le gangsta rap new-yorkais malmène encore une fois le genre, pour son bien. On y évolue parmi des figures maléfiques (Azie Faison, roi de la coke dans les 80’s, ou Chaz Williams, ex-braqueur et imprésario de 50 Cent) dans une atmosphère oppressante et irréaliste. B ­ oulot le plus abouti du duo, Mathieu et Nicolas partiront pourtant chacun de leur côté après cette dernière aventure.

Lost in Traplanta

Sur sa dernière prod pour Arte, ­Mathieu s’est à nouveau servi de ses obsessions (la reformation d’OutKast, groupe qui a révélé Atlanta) et a imaginé une chasse au

«La trap, en termes de sonorité tu ne peux pas faire mieux, c’est la fin du chemin.» THE RED BULLETIN

ceux qui se posent la question: oui, la série a été écrite avant que ne sorte la saison 1 d’Atlanta de Donald Glover. Ce qui n’empêche pas les deux de partager la même légèreté et spontanéité rafraîchissantes. Tourné en deux semaines, la mini-série a été une fois de plus l’occasion pour ­Mathieu de partager des moments uniques (l’hospitalité du sud est à mille lieues du stress new-yorkais) et de voir la trap d’un tout autre œil. N’en déplaise aux puristes, sa série en est le meilleur avocat. «En termes de sonorité tu ne peux pas faire mieux, c’est la fin du chemin. C’est marrant, ce qui fait que le rap d’Atlanta marche très bien, c’est ce qui a fait que le rap a très bien marché au début et a plu à beaucoup de gens, avec Planet Rock d’Afrika Bambaataa par exemple. C’est pratiquement la forme la plus pure de rap.» Larry (Kody Kim) vient de se faire larguer et tente d’oublier son chagrin dans les rues d’Atlanta.

duo au sein de la nouvelle capitale du rap. Pour jouer «le Français à Atlanta», il a choisi un Belge, Kody Kim, humoriste déjà réputé dans son pays dont le rôle semblait taillé pour lui. Mais ce n’était pas gagné. «J’ai mis un an à le trouver, au début je ne voulais pas faire de casting, j’allais juste voir des trucs de stand-up. Je cherchais quelqu’un de marrant, physiquement, quelqu’un qui savait bien parler anglais et qui savait écouter les autres aussi. Puis j’ai découvert Kody dans l’émission Le Grand Cactus, il imitait JCVD, Depardieu, Karl Lagerfeld avec un aplomb incroyable. Je suis alors allé à Bruxelles pour le rencontrer. Avant ça, j’ai même casté Monsieur Fraize. On a t­ ellement rigolé que je n’arrivais plus à le filmer. Et puis à un moment, je me suis dit qu’on allait se faire tuer si on continuait avec lui.» Dans ces dix épisodes de huit minutes, vous ne verrez pas les rappeurs Gucci Mane et Future exhiber leurs bijoux, mais vous pénétrerez dans les dessous de leur monde; avec DJ Toomp, producteur du premier album du genre (Trap Muzik de T.I.), Debra Antney (manager et mère de Waka Flocka Flame), les danseuses de Magic City ou encore John Roberts (batteur de Janet Jackson). Kody zone, joue de hasard en hasard, passe de l’armurerie au barbier, du strip club à l’université, et rencontre sur sa route toute une galaxie de personnages qui ont façonné cette ville, musicalement et spirituellement. Pour

Conçu pour durer

Lost in Traplanta, qui devait clore un chapitre pour l’ancien Gasface, se présente comme un nouveau tremplin pour lui – la série (à voir sur arte.tv) a déjà remporté quatre prix dans des festivals (à Munich encore dernièrement). Il pense déjà à des suites, à Los Angeles ou en Jamaïque. Mais surtout, il continue de jongler avec différents supports. En effet, cela ne surprendra personne, Mathieu Rochet vient de finir l’écriture de son premier long-­ métrage de fiction, Jacques Martien, l’homme le plus dangereux du monde. L’histoire? Un prof d’auto-école lyonnais est accusé d’avoir tué un prix Nobel et doit retrouver le vrai assassin pour empêcher la première guerre mondiale d’éclater. L’intention est claire: redonner ses lettres de noblesse à la comédie qui réfléchit. Quoi d’autre? Une sitcom sur un rappeur has-been qui se fait virer de son label alors qu’il est en vacances, et se retrouve placardisé à l’étage des community managers à son retour. Ses influences puisent autant dans l’absurde d’un Boots Riley (Sorry to Bother You), la satire de la série 30 Rock ou les sitcoms des années 80 comme Cheers et Taxi. Et ce n’est pas fini. Pour se remettre d’un documentaire sur David Ginola qui n’a jamais pu voir le jour (dans lequel il analysait le destin du joueur devenu la bête noire du foot français), Mathieu a signé Un Prophète en survet, un portrait de la France des 90’s par le prisme du basket, via la star du streetball Moustapha Sonko. Comme La Cliqua, le fameux groupe de rap parisien de la même époque, ­Mathieu Rochet est conçu pour durer.   63


« Ignorez vos points faibles!» FANNY SMITH, 27 ans, est la superstar de la scène de skicross. La championne du monde et médaillée olympique a remporté le général de la Coupe du monde et parle couramment plusieurs langues. Elle est aussi son propre manager. C'est quand il s'agit de ­répondre aux courriels que le bât blesse. Mais là réside aussi le secret de son succès. Texte WERNER JESSNER  Photos GIAN PAUL LOZZA

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Le regard d’une ­gagnante: lorsque Fanny Smith vous fixe a­ insi, c’est qu’elle s’apprête à vous doubler.


58 kilos de muscles bien rodés répartis sur 1,66 m: voilà la fiche technique de notre athlète.


T

he red bulletin: Steven Spielberg, R ­ obbie ­Williams, Richard ­Branson, Pablo Picasso, John Lennon… fanny smith: … Albert Einstein! Tous dyslexiques. Einstein était l’exemple préféré de mon père lorsque j’étais enfant et que j’avais du mal à lire. «Crois-tu qu’Einstein était bête juste parce qu’il était dyslexique?», me demandait-il régulièrement. J’ai appris très tôt qu’on ne pouvait tirer aucune conclusion relative à l’intelligence de quelqu’un d’après ses résultats scolaires. J’avais simplement du mal à passer de l’oral à l’écrit, c’est tout.

C’est presque à en devenir jaloux. La liste des dyslexiques célèbres se lit comme un bottin mondain de l’excellence. Le fondateur d’Ikea Ingvar ­Kamprad, le dieu du foot Diego ­Maradona, l’ancien président de la République française François ­Mitterrand, des auteurs comme Hans Christian Andersen ou des metteurs en scène comme Luc Bondy, etc. Tous avaient ou ont du mal avec l’écriture mais sont brillants dans d’autres domaines. Vous êtes la skieuse cross la plus célébrée de nos jours. Quels sont vos points communs? Je ne peux parler que pour moi-même, mais je suppose que toutes ces personnes ont dû avoir une scolarité semblable: ça n’a probablement été ni simple, ni drôle. Mais d’un autre côté, cela m’a marquée. Il m’a fallu bosser plus, et plus dur que les autres, pour atteindre des résultats tout du moins médiocres. Lorsque j’ai fini par trouver ma vocation avec le skicross, je m’y suis engagée avec le même entrain. Cela m’a permis de devenir non seulement moyenne, mais bonne. THE RED BULLETIN

D’un seul coup, vous avez donc pu concentrer toutes vos forces sur un but atteignable et défini par vous-même au lieu de devoir fonctionner dans un système? Oui, ça changeait tout. Les efforts que je faisais portaient enfin leurs fruits. Je faisais constamment des progrès, tout me semblait facile dans le domaine que j’avais choisi. J’avais déclenché un cercle vertueux au lieu d’avoir constamment à me protéger d’un potentiel dérapage. Concentrez-vous sur vos forces au lieu d’estomper vos faiblesses ? Exactement. Personne ne sait tout faire. Depuis que je suis petite, on m’a appris à me concentrer sur ce que j’aime et ce que je fais bien. Il se trouve que j’étais une enfant agitée, il est donc plutôt ­logique que je me sois retrouvée à faire du sport relativement tôt. Agitée du genre: «Fanny est incapable de rester en place une seconde»? Plutôt: «Fanny adore la compétition, avec les garçons aussi, et surtout avec son grand frère qui est de trois ans et demi

«Personne ne sait tout faire. Alors concentrezvous sur ce que vous maîtrisez et ­hissez-vous parmi les meilleurs.»

son aîné.» J’ai fait ma première descente de skicross à douze ans et j’ai adoré la combinaison de sauts et de course au coude-à-coude, mais en plus il y avait cette composante stratégique: où puis-je dépasser, où pourrait-on me dépasser? Pour moi, c’était la totale. J’avais trouvé ma passion. D’autres gamines de douze ans se découvrent une passion pour les licornes ou pour Harry Potter. Peu de carrières en découlent. Je sentais simplement que j’excellais et que je continuerais à m’améliorer si je persévérais. En 2010, le skicross est devenu une discipline olympique, et à dix-sept ans, j’étais la plus jeune participante de Suisse aux JO. Que s’est-il passé lors de ces cinq ­années décisives entre votre première course et vos premiers Jeux Olympiques? Je suis devenue adulte. Ma mère a donné naissance à ma petite sœur lorsque j’avais tout juste dix ans, elle n’était donc pas entièrement disponible pour s’occuper de moi. Avec mon père, j’ai réfléchi à ce qu’il me fallait pour devenir une pro. Un entraîneur? D’accord, comment allait-on le financer? C’est ainsi que j’ai appris à considérer l’aspect business comme une compétition, et à ­tirer du plaisir à tout ­organiser. Un camp d’entraînement en Nouvelle-Zélande en été? D’accord. À quinze ans, je suis partie toute seule et comptais sur le fonctionnement, en pratique, de ce que j’avais organisé depuis ma chambre d’enfant. Par exemple, qu’un ami viendrait me chercher à l’aéroport et que j’aurais un lit où dormir. À seize ans, j’ai arrêté l’école et je suis devenue skieuse professionnelle.   67


En forme avec Fanny La championne du monde de skicross partage avec nous cinq exercices pour rester en tête sur les pistes.

LANCER DE MÉDECINE BALL «Toute notre force vient du tronc, il faut donc qu’il soit bien stable.» Les exercices avec des balles de tonification mettent tout le corps en mouvement et renforcent les muscles centraux. Les lancers par-dessus la tête activent les muscles du dos.

SAUTS LATÉRAUX «Dans le feu de l’action, il faut une force explosive.» Les exercices de sauts latéraux exécutés avec précision améliorent la stabilité du tronc. Les changements de côtés s’effectuent le plus vite possible afin d’améliorer l’explosivité musculaire.

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«Je n’ai pas peur du changement.»

PULL-UP «La musculature du haut du corps est décisive lors du départ.» Les exercices de traction sont durs, mais parfaits pour muscler le haut du corps. Les skieurs en ont besoin pour se propulser le plus vite possible ­depuis les deux poignées de la zone de départ. THE RED BULLETIN


ÉQUILIBRE «Lors d’une course, rien ne doit me faire dévier de ma trajectoire.» Les exercices sur une balle gymnique favorisent le sens de l’équilibre et la concentration. Les plus expérimentés peuvent essayer de sauter d’une balle sur l’autre.


FENTES AVANT «Un must pour la position de l’œuf: des cuisses en béton.» Les fentes avant avec des haltères ­renforcent les muscles fessiers et des cuisses. Pour en accentuer l’effet, on peut poser le pied arrière sur un banc et descendre encore plus bas.


D’où venait la confiance que vous ­réussiriez? Depuis le début, je savais que pour une carrière pro, il fallait une mentalité de pro. Comme mes parents m’ont permis de tout miser sur le sport à seize ans, je me sentais obligée de tout donner et de prendre tout ce qui était lié à mon activité, comme l’autopromotion et la négociation de contrats, très au sérieux. Je voulais leur prouver que leur confiance était justifiée. Tout le reste se faisait tout seul grâce à ma passion pour le sport et l’ambition de tenir les rênes. Je ne demandais de l’aide que lorsque je devais écrire des courriels. Ça me prenait énormément de temps. Désormais, je peux utiliser le temps gagné de manière bien plus efficace. Bientôt, lorsque les logiciels de reconnaissance ­vocale fonctionneront vraiment bien, je n’aurai plus à m’en p ­ réoccuper.

GEPA PICTURES

Vous est-il arrivé que l’on vous croie moins intelligente parce que vous aviez du mal à lire et à écrire? Pas vraiment. Cela fait peu de temps que je parle ouvertement de ma dyslexie, mais cela fait dix ans que mes performances sont convaincantes. Si je suis étourdie, c’est parce que je dois penser à mille choses à la fois. Pour moi, l’intelligence, ce n’est pas de ­savoir écrire avec une bonne orthographe, mais de gérer sa vie de telle manière que l’on puisse vivre de ce que l’on aime faire. Comment Fanny Smith est-elle en privé? Je m’entoure de personnes passionnées. Elles doivent vivre pour ce qu’elles aiment, comme moi. Et je n’ai pas peur du changement. Huit mois seulement avant les Jeux Olympiques de 2018, je me suis ­séparée de l’entraîneur grâce auquel j’avais participé à deux JO et remporté plusieurs podiums lors de la Coupe du monde. Cette séparation au bout de huit ans a été difficile, mais je savais que je ne p ­ arviendrais pas à passer à l’étape ­suivante avec lui. Êtes-vous quelqu’un de bien organisé? Absolument. THE RED BULLETIN

Une course selon Fanny: ici, elle double ses adversaires russes et suédoises grâce à un choix de trajectoire judicieux.

«La concentration maximale sur un ­objectif, c’est ­extraordinaire, c’est la meilleure des sensations.» Bonne aux jeux de stratégie? Pas vraiment. Je préfère les jeux de ­société amusants comme Time’s Up!, où chaque équipe doit deviner le nom de personnes célèbres le plus vite possible grâce à des indices. À quoi pensez-vous au départ d’une course ? À ce moment-là, je suis extrêmement concentrée. La course est l’aboutissement de tout ce à quoi je travaille. La focalisa­ tion maximale sur un objectif, c’est la meilleure des sensations.

À votre avis, comment les jeunes ­personnes ayant des particularités ou bien des lacunes dans certains ­domaines de la vie devraient-elles y faire face? En parler ouvertement ou bien les dissimuler? Sans se préoccuper de ce que pourraient penser les autres, et en écoutant sa voix intérieure: quelles sont les choses qui me font du bien? La question déterminante, à mon avis, c’est: que sais-je très bien faire? C’est ça qui compte. Le talent ne tombe pas du ciel, et tout le monde doit travailler pour devenir meilleur. Mais autant travailler à quelque chose qui nous plaît et en quoi nous excellons plutôt que d’être toute sa vie aux prises avec ses f­ aiblesses. fanny-smith.com Coiffure FILIPA FERNANDES / STYLE COUNCIL, Maquillage LILITH AMRAD, Tenues UNDER ARMOUR, Site GREEN CLUB

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ROULER À NOUVEAU Comme le montre le nouveau documentaire Any One of Us, la vie de l’Américain PAUL BASAGOITIA a été bouleversée par un accident survenu au Red Bull Rampage. Le combat de l’ancien ­coureur pro pour retrouver sa place et son ­identité a été dur et est devenu une source d’inspiration que personne n’aurait pu imaginer. Lui le premier. Texte NEAL ROGERS  Photos DEWEY NICKS

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«Je n’ai plus à regarder en arrière – je vais continuer à regarder vers l’avenir», dit Paul Basagoitia, qui pose ici à Minden, N ­ evada (USA), le 2 août.


Sur un sentier près de Truckee, en Californie, Paul Basagoitia dans ce qu’il sait faire de mieux et adore: rouler à vélo.


P

aul Basagoitia chevauche en VTT sur un sentier poussiéreux dans le Mount Rose Wilderness, à mi-chemin entre le lac ­Tahoe et sa maison à Reno dans le Nevada (USA). À un rythme soutenu. Durant les chaudes journées de juin, l’occasion de zigzaguer dans la forêt ombragée est la bienvenue. Un cycliste ordinaire observera que l’homme de 33 ans pédale sur un vélo de montagne électrique. Un observateur attentif remarquera qu’il porte une orthèse personnalisée à la cheville droite. Pratiquement personne ne pourra cependant déceler à quel point il aura du mal à marcher sans aide une fois descendu de vélo. Vu de l’extérieur, Basagoitia semble à l’aise, mais la navigation à travers les arbres n’était pas son point fort durant sa carrière de onze ans en tant que rider professionnel de VTT. Basagoitia a plutôt passé sa vie de cycliste sur le fil du rasoir. Quand il n’était pas en compétition, il essayait de trouver le terrain le plus raide et le plus raboteux que l’on puisse imaginer, pour dévaler sa pente à fond et s’élancer dans les airs. C’est ce genre de cyclisme – d’abord le slopestyle, sur des bosses artificielles et plus tard, les épreuves de VTT extrême –

qui a apporté à Basagoitia une renommée et une fortune relatives. C’était un phénomène sur bicyclette, gagnant sa vie à repousser les limites. Et c’est ce qui lui a causé une blessure à la moelle épinière qui a bouleversé sa vie en octobre 2015 lors du Red Bull Rampage. Aujourd’hui, quatre ans plus tard, le documentaire Any One of Us sur sa réhabilitation lui redonne une certaine notoriété. Une description franche et sans détour de la réalité de la vie après une lésion à la moelle épinière (LM). Après avoir été présenté dans le cadre de festivals de cinéma durant le printemps et l’été, le documentaire a été acquis par la chaîne HBO qui l’a diffusé pour la première fois le 29 octobre, presque quatre ans jour pour jour après son accident. De retour sur son vélo et dépassant les attentes de ses médecins, Basagoitia est devenu une source d’inspiration pour tous ceux qui ont subi ce type de blessure. Une tournure douce-amère pour un homme relativement discret au sujet de sa vie privée qui n’a jamais cherché la gloire et qui a trouvé à la place le réconfort sur un vélo après une enfance mouvementée, vécue dans un motel miteux racheté par des parents en conflit. Basagoitia voulait être connu pour avoir fait évoluer son sport, pas pour une petite erreur lourde de conséquences. «Je suis un peu bouleversé à l’idée de cette diffusion sur HBO, nous disait Paul en août dernier. Il y a beaucoup d’amis et de membres de ma famille qui n’ont pas   75


encore vu le film. J’ai vécu des choses qu’ils ignorent. Disons que je suis à la fois impatient et nerveux.» Sa blessure n’est pourtant pas le point final de son histoire.

L’accident

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Cette photo capture Basagoitia lors des finales du dixième Red Bull Rampage le 16 octobre 2015, à Virgin, Utah, USA.

grave en regard de qui se produit habituellement au Rampage. Allongé au sol, sa première réaction est la colère. Il croyait être sur le chemin de la victoire et avoir enfin tout mis en place. Sa deuxième chance de gagner Rampage et de prendre sa retraite. «J’ai subi des accidents plus durs dans ma carrière et suis passé à travers, dit Basagoitia. Mais pour une raison quelconque, je suis retombé exactement sur la douzième vertèbre et l’impact a été assez important pour la briser dans ma moelle épinière. Je ne pouvais pas bouger les pieds ou les jambes. C’est là que j’ai su que c’était grave.» Vint ensuite un vol qui sembla ne jamais finir en hélicoptère vers l’hôpital. Après plusieurs scanners, on lui annonce qu’il doit subir une intervention chirurgicale. La procédure qui consiste à retirer des fragments osseux de sa moelle épi-

nière durera plus de dix heures. Il se réveille en vivant dans ce qu’il appelle son «nouveau corps», catégorisé «paraplégique T12». Sa moelle épinière n’a pas été complètement sectionnée; elle est «incomplète», ce qui signifie qu’il y a encore des signaux nerveux en dessous du niveau de sa blessure. Les médecins lui disent néanmoins qu’il va probablement passer le reste de sa vie dans un ­fauteuil roulant. Il y a eu de graves accidents au Rampage par le passé, mais ­personne n’avait subi de blessures qui bouleversent une vie. Désormais, ­Basagoitia est paralysé.

La blessure

Les finales du Rampage avaient lieu un vendredi, le 16 octobre 2015. Les organisateurs avaient décidé de les avancer d’un jour en raison des orages qui menaçaient. THE RED BULLETIN

DEAN TREML/RED BULL CONTENT POOL

Le Red Bull Rampage est un événement cycliste sans pareil. Le surf professionnel a sa grande compétition de grosses vagues à Mavericks. L’escalade, l’ascension en solo d’El Capitan. Le cyclisme de grande montagne a Rampage, au milieu des falaises désertiques près de Virgin dans l’Utah, un événement qui attire les riders de slope­style et de descente et les freeriders sur terrain naturel. La compétition se déroule dans un amphithéâtre naturel accidenté et exposé où les sauts de canyon de vingt mètres doivent être effectués au centimètre près et où l’effet de la brise peut transformer la gloire en échec. Pour Paul Basagoitia, Rampage représentait un défi certain. Il venait du monde du BMX et s’était fait connaître pour ses figures sur un VTT. La première fois qu’il a participé au Rampage en 2008, il a terminé douzième. Alors que le sport progressait, il s’efforçait de progresser avec lui. Lorsqu’une nouvelle génération de riders a commencé à le surclasser, il est devenu le premier coureur à faire un double backflip sur terrain naturel. Mais il s’est aussi lassé: des blessures, de la pression, de la lutte pour trouver des sponsors. Après avoir accompli une course unique, Basagoitia a terminé neuvième au Rampage de 2014, son meilleur résultat en carrière. Il sentait qu’il aurait pu mieux faire et peut-être même finir dans les trois premiers. C’est donc devenu son but pour mettre un point final à sa carrière: être sur le podium, utiliser l’argent du prix pour acheter une bague de fiançailles à sa petite amie de longue date, Nichole, et raccrocher son vélo. C’était le plan à l’approche de l’édition 2015 et pendant la première moitié de sa descente, tout semble sourire à Paul. Il réussit un saut périlleux au-dessus d’un canyon, la partie la plus difficile du parcours, suivi d’un 270 pour le plaisir, puis tape durement sur la réception. Mais il va plus loin que prévu. Pas de beaucoup, mais assez pour bouleverser sa vie. En essayant de rectifier, sa pédale droite a accroché une branche d’armoise sur le bord du sentier. Paul est projeté sur le dos, sur un rebord de 2,50 mètres de haut. Bien qu’il s’agisse d’un accident sérieux, il ne semble pas particulièrement


blessure, il est constamment en manque de sommeil; on le réveille toutes les trois heures pour son cathéter et on lui administre des injections d’anticoagulant toutes les huit heures. Dans les vapes, Basagoitia ne pense plus à gagner Rampage, vraiment plus. Il se demande plutôt s’il va pouvoir simplement enfourcher un vélo à nouveau.

Le documentaire

Basagoitia s’est réveillé ce matin-là confiant, mais aussi tendu. Il n’avait pas encore préparé tout son tracé, mais c’était son cinquième Rampage, et tous les riders étaient dans la même situation. «Les conditions météorologiques allaient bientôt se dégrader, dit Basagoitia. Au lieu d’attendre que cela passe, ils ont avancé les finales d’un jour et personne n’avait fait sa piste. La veille, les sauts n’étaient même pas à moitié terminés et les riders tâtonnaient encore en faisant leurs pistes et tombaient de tous côtés. Et puis voilà, c’est ton tour, un hélicoptère te fait face, les chaînes nationales retransmettent l’événement en direct, et tu te lances pour la toute première fois.» Basagoitia figure parmi les nombreux riders qui ont subi un accident ce jour-là. Les images de la caméra fixée à son casque, montrées dans Any One of Us ont saisi le moment où THE RED BULLETIN

BASAGOITIA INSÈRE UN CATHÉTER DE 36 CENTIMÈTRES DANS SON PÉNIS AFIN DE VIDER SA VESSIE. ET SE FILME, SEUL. Nichole l’a rejoint au sol – au moment où leur vie a changé à jamais. «Je ne peux pas bouger mes pieds», dit-il, la panique pointant dans sa voix. Il est transporté par les airs vers St. George et reçoit le diagnostic qui va bouleverser sa vie à jamais. Il ne pourra plus jamais marcher. Ses fonctions intestinales, vésicales ainsi que sexuelles sont affectées, peut-être pour toujours. En plus du stress émotionnel et physique de la

Allongé sur son lit d’hôpital, Basagoitia a du temps devant lui ainsi qu’une nouvelle caméra vidéo reflex numérique, un appareil photo GoPro et de nombreuses questions sans réponse au sujet de sa blessure. Il se sent perdu, mais il pense qu’il pourrait produire quelque chose qui sera utile aux personnes ayant subi une LM. Il espère également pouvoir documenter sa progression. L’idée d’impliquer Red Bull Media House dans ce projet ne lui vient que près d’un an plus tard. «Me voici dans un lit d’hôpital en train de penser à la façon dont je vais payer mes factures de soins, dit Basagoitia. Je commence à filmer ma progression et je me dis que je vais faire une petite vidéo, la vendre sur iTunes ou ailleurs, et tout ce que je vais récolter d’iTunes servira directement à payer les factures médicales. J’allais tout documenter. Je voulais voir mes progrès au fil du temps. Quand on est dedans, en pleine rééducation, on ne peut pas la voir. C’est paradoxal, car il faut justement pouvoir voir ces progrès pour entretenir la motivation et persévérer.» Une scène au début de Any One of Us ne laisse pas indemne. Seul et nu dans une salle de bain, quelques semaines seulement après sa blessure, Basagoitia insère un cathéter de 36 centimètres dans son pénis afin de vider sa vessie. C’est cru – et d’autant plus impressionnant qu’il a filmé tout seul. «La scène du cathéter, les gens me disent que c’est ce qu’ils ont vu de plus lourd dans tous les documentaires qu’ils n’ont jamais regardés.» Avant ce moment pendant son rétablissement, Basagoitia avait un cathéter inséré en permanence et vidé par les infirmières. Quand elles lui ont enlevé, il croyait qu’il serait capable d’uriner tout seul. Quand on lui a tendu le bâtonnet du cathéter, sa réaction était prévisible. «Je refusais de m’insérer ce truc, hors de question, dit-il. Je me souviens de l’avoir fait une première fois et j’en ai pleuré. Deux semaines plus tôt, j’étais en compétition au plus haut niveau au Rampage à la télévision nationale – une célébrité   77


PAUL COMMENCE À VIVRE AVEC SA BLESSURE TOUT EN VIVANT AVEC UNE ÉQUIPE DE TOURNAGE.

que ce n’était pas son premier choix. «Je ne voyais pas cela comme une occasion de faire un film, dit-elle. Mais Paul a eu une idée dès le début: il voulait se différencier et utiliser sa caméra. Il voulait filmer son rétablissement et son voyage. Je me souviens d’avoir entendu: “Nous pourrions en faire un film”, et je me disais: “Mais de quoi parlent-ils? C’est de la folie, c’est la dernière chose dont on a besoin.”» Le documentaire se concentre sur Basagoitia et met aussi en lumière l’étendue des accidents et des expériences qui font partie de la vie avec une lésion de la moelle ­épinière. Nous apprenons aussi l’histoire de 17 autres personnes qui vivent avec une LM par le biais d’épisodes intercalés. Les membres de l’équipe de production les ont appelés «le chœur dans le film». «À l’origine, le film ne parlait que de l’histoire de Paul, de son rétablissement, de ses expériences, explique Villena à propos du chœur, une idée qui n’a été mise en œuvre que tardivement dans la production. Mais comme vous le voyez dans le documentaire, sa guérison est carrément miraculeuse, c’est ahurissant. L’idée était la suivante: c’est génial que Paul se rétablisse et c’est intéressant pour le film, mais il y a une histoire beaucoup plus importante.

CRANKWORX/YORICK CORROUX, RED BULL MEDIA HOUSE

quoi – et je suis passé de cela à apprendre comment m’insérer un cathéter de 36 centimètres. Ça m’a méchamment pris par surprise.» Avant que Red Bull Media House ne s’implique dans le documentaire, Red Bull accompagne Paul dans son rétablissement. Le pilote a été sponsorisé pendant des années et s’est lié d’amitié avec le manager d’athlètes, Aaron Lutze. Ce dernier était présent lorsque Basagoitia est sorti de la salle d’opération et s’est assuré qu’il puisse intégrer pour douze semaines l’hôpital Craig, près de Denver, un établissement de premier ordre pour le traitement des lésions à la moelle épinière. Quelques mois plus tard, Lutze a rendu visite à Basagoitia chez lui, à Reno. Ensemble, ils ont regardé le docu Crash

Reel consacré au snowboardeur professionnel Kevin Pearce et à son rétablissement après un traumatisme crânien. «Je savais que Paul filmait son rétablissement, mais il ne savait pas vraiment ce qu’il allait en faire, ce n’était pas clair si cela allait devenir un film, dit Lutze. Quand Crash Reel a été terminé, Paul a dit: “Je veux faire quelque chose comme ça mais pour des blessures à la moelle ­épinière.”» Après quelques coups de téléphone, le projet de documentaire de Paul est approuvé. Très tôt, il est convenu que tous les bénéfices du film iraient à Wings For Life, une fondation à but non lucratif qui se consacre à la recherche d’un traitement contre la paralysie. Basagoitia s’est envolé pour Los Angeles et a rencontré Fernando Villena, un monteur de longs métrages et de documentaires qui avait été sollicité pour épauler Paul dans ses débuts à la réalisation. À partir de là, Basagoitia a commencé à jongler avec deux réalités qui ont changé sa vie: vivre avec sa blessure tout en vivant avec une équipe de tournage. Interrogée sur la possibilité d’inviter une équipe de tournage dans un environnement familial qui se remet à peine d’une catastrophe, sa compagne Nichole admet

Après son accident, Basagoitia a été transporté par hélico à St. George, où il a subi dix heures de chirurgie.

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L’utilisation d’un VTT électrique a p ­ ermis à Basagoitia de ­retrouver un certain niveau de riding.


UNE SÉANCE D’ENTRAÎNEMENT DE 90 MINUTES TOUS LES MATINS, AXÉE SUR LA FORCE MUSCULAIRE, LE RENFORCEMENT MUSCULAIRE ET LE CARDIO.

CRANKWORX/YORICK CORROUX, RED BULL MEDIA HOUSE

C’est le quotidien de Paul Basagoitia, l’ex-pilote VTT pro, depuis qu’il vit avec une lésion de la moelle épinière.

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Qu’en est-il des gens qui ne s’en remettent pas, qui ne peuvent rien bouger, et encore moins marcher avec des béquilles? Il y a un récit plus vaste, sur la façon dont les gens gèrent leur blessure.» Parmi les personnes que le docu nous présente, il y a l’Australien Sam ­Willoughby, double champion du monde de BMX, qui s’est brisé des vertèbres en 2016. Il y a aussi Jesse Billauer, un surfeur qui a subi une lésion complète de la moelle épinière à l’âge de 17 ans sur un banc de sable peu profond en 1996. Et il y a Annette Ross, qui a reçu un mauvais analgésique pour une péridurale pendant son accouchement en 2000, qui a brûlé sa moelle épinière, et Steph Aiello, qui a subi un accident de voiture en 2010 qui l’a paralysée de la taille vers le bas. «Tout était au service de l’histoire de Paul, poursuit Villena. Son histoire bénéficie de ces autres récits pour ajouter de l’information, pour dire les choses qu’il ne peut dire à ce moment-là dans le film. Non seulement le chœur élargit la portée, mais il approfondit aussi ce qu’il ressentait et ce qu’il traversait.» L’un des moments les plus marquants du film vient après que Basagoitia soit rentré de l’hôpital Craig, où on le voit ­lutter contre la dépression tout en apprenant à s’adapter à sa nouvelle situation. Il utilise un déambulateur pour atteindre lentement les boîtes aux lettres de son quartier; la scène est juxtaposée à des images de lui dans la fleur de l’âge, volant dans les airs, réalisant l’impossible apparemment sans efforts. La scène se termine alors qu’il met une pile de factures médicales dans son corset lombaire. Any One of Us se termine sur Basagoitia faisant son premier tour à vélo depuis son accident. Il montre aussi plusieurs membres du chœur qui profitent de la vie après avoir subi un traumatisme de la moelle épinière, en train de se joindre à une troupe de danse, de faire du surf, de jouer au basket-ball et de marcher sur une scène pour la remise d’un diplôme d’études secondaires. La fin exaltante d’un film difficile qui procure aux spectateurs une nouvelle appréciation de leur propre mobilité, ainsi que de nouvelles perspectives sur la vie de ceux qui sont paralysés.

La vie avec...

Nous sommes en février, le printemps approche à grands pas et la vie est sur le point de changer radicalement (à nouveau) pour Basagoitia. Il a commencé il y a quelques mois un nouvel emploi dans THE RED BULLETIN

LA CAPACITÉ DE TRAVERSER LES AIRS AVAIT DÉJÀ ÉTÉ RETIRÉE À BASAGOITIA. C’EST À CE MOMENT QU’IL EST LE PLUS HEUREUX, QUAND IL EST EN PAIX.

Le film montre des images de Paul, petit, déjà un as sur deux roues.

une entreprise de chaussures de vélo de montagne de pointe, Ride Concepts, située à Truckee, dans les environs. Il gère les athlètes mondiaux de la marque et contribue également sur le plan créatif. Il a déjà réuni une équipe d’athlètes sponsorisés dont Strait et la fratrie Atherton, Rachel, Gee et Dan. Une semaine après notre interview, il ira au festival South by ­Southwest à Austin pour la première d’Any One of Us. En avril, il se rendra à la Sea Otter C ­ lassic, le plus grand événement cycliste des États-Unis, où il travaillera sur le stand de Ride Concepts. Pour Basagoitia, vivre avec une LM signifie une séance d’entraînement de 90 minutes tous les matins, axée sur la force musculaire, le renforcement musculaire et le cardio. Il a pris conscience du fait qu’il ne retrouvera peut-être jamais de sensation à partir des genoux en descendant et que ses fessiers ne fonctionneront peut-être plus jamais correctement. Il fait donc tout son possible pour renforcer le reste de son corps. Comme il ne peut pas utiliser ses fesses, il porte son poids dans le bas de son dos et il compte

sur les muscles fléchisseurs de ses hanches pour faciliter sa marche. Le résultat final est une douleur fréquente et des spasmes musculaires. Comme le montre l’une des dernières scènes d’Any One of Us, Basagoitia est de retour sur un vélo. Il peut utiliser ses quadriceps et ses ischio-jambiers, les deux groupes musculaires les plus importants pour pédaler, mais il ne sent pas les pédales. Observez-le attentivement quand il roule, vous verrez qu’il vérifie constamment la position de ses pieds sur les pédales. Alors que le film s’achève sur sa première sortie, il est maintenant rendu bien plus loin, avec un vélo électrique à pédalage assisté sur les sentiers, ce qui lui permet parfois de faire un petit saut. Nichole dit que voir Basagoitia pédaler à nouveau sur un vélo a été une transformation pour tous les deux. «Ça lui apporte un tout nouveau bonheur, ditelle. Je pense qu’il a trouvé ce nouvel amour pour le vélo qu’il n’avait probablement jamais ressenti. Je pense que le temps qu’il a passé sur le vélo était extrêmement compétitif. Maintenant, la seule personne avec qui il fait de la compétition sur son vélo, c’est lui-même, et rien que lui-même, et je pense qu’il trouve tellement de joie à savoir qu’il peut repousser les limites. C’est une guérison pour lui. Maintenant, il saute, ce qui me rend un peu nerveuse, mais la joie qu’il en tire, ce qu’il poste, il est high, et je veux le ­garder high.» La capacité de traverser les airs avait déjà été retirée à Basagoitia. C’est à ce moment qu’il est le plus heureux, quand il est en paix.

Une communauté

En s’adaptant à sa nouvelle vie, Paul Basagoitia s’est aussi adapté à son rôle permanent au sein de la communauté LM. Il reçoit des courriels «au moins une fois par semaine» d’une nouvelle ­personne qui a subi une blessure qui a bouleversé sa vie. À Reno, un ami qui ­travaille au centre de traumatologie de l’hôpital local le contacte chaque fois qu’il y a un nouveau patient qui a subi une LM. En voyage, dans les festivals de cinéma, il est souvent approché par des personnes qui partagent des détails intimes sur leurs propres défis, qu’il s’agisse d’une blessure à la moelle épinière, de dépression ou de toxicomanie. On vient se confier à lui. «Paul donne à beaucoup de gens l’espoir qu’il y a une lumière au bout du tunnel, qu’il faut continuer, dit Nichole. Quand l’accident s’est produit, je pense que son   81


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Sur un vélo emprunté à Cam Zink, Basagoitia passe du statut d’inconnu à celui d’étoile ­montante en triomphant en slopestyle lors du Crankworx 2004 à Whistler, au Canada.

C’est dans l’air

Paul Basagoitia souffre de vertiges. Cela peut sembler une forme d’humour noir venant d’un homme dont l’ancienne ­carrière comportait des sauts de vingt mètres, mais c’est la vérité – ce qui rend d’autant plus intéressant le fait qu’il cherche maintenant à obtenir une licence de pilote. L’un de ses bons amis est capitaine d’équipage chez SkyWest Airlines. Après l’accident de Basagoitia, il l’a emmené faire un vol sur un Cessna Skywagon. Dans les airs, Basagoitia a pris les commandes. Il a fait quelques virages et a été conquis. Sa blessure ne l’empêche pas d’utiliser les pédales; bien qu’il ne puisse faire de dorsiflexions, il

BASAGOITIA SERA BIENTÔT UN HOMME MARIÉ. IL A FAIT SA DEMANDE À NICHOLE EN OCTOBRE 2017 À MALIBU, DEUX ANS APRÈS L’ACCIDENT.

est capable de manœuvrer et de ralentir l’avion à l’aide de ses talons. Et, autre périple, Basagoitia a repris contact avec sa mère. Ils ne s’étaient pas parlé depuis plusieurs années avant son accident et cela s’est encore prolongé ­pendant une bonne partie de la première année de son rétablissement. «Elle se ­faisait du souci, mais j’étais tellement concentré sur mon rétablissement que je ne voulais pas essayer de régler notre relation en même temps, dit Basagoitia. Mais en ce moment, nous discutons une fois par semaine, ou toutes les deux semaines. C’est beaucoup mieux maintenant que ça ne l’a jamais été depuis de nombreuses années.» Elle assistera peut-être à son mariage. Car Basagoitia sera bientôt un homme marié. Il a fait sa demande à Nichole en octobre 2017 à Malibu, deux ans après son accident. Dans l’une des dernières scènes du film, il met sa canne de côté, se dirige vers elle sans aide, s’agenouille et fait sa demande. Ils ont d’abord envisagé de se marier à Talum, au Mexique, mais ils ont plutôt choisi le lac Tahoe, en partie parce que son père ne prend pas l’avion. La date a été fixée au 20 février THE RED BULLETIN

YORICK CARROUX/CRANKWORX

identité lui a été complètement enlevée. Il a appris à partager le fait que l’on peut retrouver sa vie et son identité. Il a été une telle source d’inspiration pour tant de gens à leur montrer qu’il ne faut pas laisser ces blessures vous définir. C’est ­tellement cool de voir cela. Je ne crois pas que cela faisait partie de ses plans, mais je pense qu’il se réjouit d’apporter autant à tous ces gens, et il ne se rend même pas compte que c’est exactement ce qui est en train de se produire.» Basagoitia reconnaît que c’est un rôle qu’il apprend à assumer bien que cela ne soit pas toujours facile. Répondre à des courriels ou à des questions après une ­projection est une chose. Mais aller aux soins intensifs et rencontrer quelqu’un qui vient d’apprendre qu’il ne marchera peut-être plus jamais en est une autre. «Je leur parle de ma situation et de ce que j’ai fait, et j’essaie de les encourager, explique-t-il. Je trouve cela gratifiant bien que cela soit aussi difficile parce que ça remue des souvenirs. Les deux p ­ remières semaines après une lésion de la moelle épinière sont littéralement les deux pires semaines de votre vie parce que vous souffrez tellement, vous ne ­pouvez pas bouger, vous ne ressentez rien. L’avenir est incertain. Je leur dis: “Ne lâche pas. Garde la tête haute. On ne sait jamais ce qui peut arriver. La route sera longue.”» Il renchérit: «Moi aussi, j’ai parfois du mal avec ça. Je me dis: “Sérieux, c’est vraiment moi, ça, pour le reste de ma vie?” La réalité nous rattrape parfois. Je me retrouve à broyer du noir et à me dire: “Ce n’est pas comme ça que je m’étais imaginé ma vie.” J’ai du mal à penser à cela, et puis l’autre côté de mon cerveau me dit: “Tu es tellement remonté. Tu as fait tellement de chemin. Tu es toujours capable de pédaler à vélo. Tu es totalement indépendant; tu n’as pas à compter sur qui que ce soit pour t’aider. Profites-en.” Je peux dire que j’ai ça.» Avec Any One of Us sur le point d’avoir une importante diffusion, la visibilité de ­Basagoitia et de Nichole à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté LM est sur le point d’exploser. «Idéalement, j’espère que rien ne changera vraiment radicalement, dit-elle. J’aime ma vie et nos vies ensemble. Je sais que c’est plus important que nous, et j’en suis si reconnaissante. Mais il est aussi très important de rester humble, et il y a tant de personnes qui ont subi une lésion de la moelle épinière et on ne leur a pas donné l’occasion de raconter leur histoire.»


­ asagoitia. Pour l’instant, on ne se voit B pas avec des enfants de sitôt. Mais cela ne veut pas dire qu’on n’en aura pas. Après mon accident, la dernière chose que je voulais, c’était d’avoir un enfant et de ne pas pouvoir lui montrer comment faire du vélo ou de marcher dans le parc. Ça m’aurait tué de ne pas pouvoir tenir mon propre enfant dans mes bras, ni de le lancer dans les airs. J’étais terrifié à l’idée que je n’y arriverais peut-être jamais. Je peux cependant lui montrer comment faire du vélo, ça je peux le faire. Peut-être pas le lancer dans les airs, mais je peux certainement lui montrer comment faire du vélo.»

Quel héritage?

AVANT DE SUBIR SA BLESSURE, LE ­PILOTE INSPIRAIT SES FANS. DEPUIS, IL N’A CESSÉ DE LES INSPIRER. 2020, bien que cela puisse ne pas se ­produire comme prévu. «Nous allons ­rester ensemble jusqu’à notre mort, si Dieu le veut, alors il n’y a pas vraiment d’urgence à célébrer notre union, dit Nichole. Nous sommes toujours dans l’après-coup du tournage et des festivals de cinéma. La planification d’un mariage n’est pas une priorité.» Et même s’il utilisera peut-être une canne le jour venu, Basagoitia marchera plutôt qu’il ne ­roulera dans l­ ’allée à son mariage. Et qu’en est-il de l’avenir à long terme? Et des enfants? Pour l’instant, c’est une éventualité – toujours dans le domaine du possible, comme le révèle l’une des scènes plus légères et plus exaltantes de Any One of Us. «Nous parlons constamment de la question des enfants, dit THE RED BULLETIN

De retour à la randonnée sur vélo dans le Mount Rose Wilderness par une chaude journée de juin. Nous avons atteint le sommet de l’ascension. Nous nous sommes arrêtés pour reprendre notre souffle et contempler la vue à partir du Mount Rose. Le plus dur est maintenant derrière nous. C’est comme la vie de Paul Basagoitia en ce moment. Le plus dur est derrière lui. Mais cela ne sera jamais facile. À ce stade-ci, c’est une question de perspective. Concilier ce qu’il avait avant et ce qu’il a maintenant – et ce qu’il aurait pu avoir. D’un côté, c’est un athlète d’élite qui volait dans les airs avec grâce. D’un autre, il peut marcher avec une seule canne. Il peut encore faire du vélo. «Mon père disait souvent pour plaisanter que je faisais du vélo avant de marcher. Ce qui était vrai, et ce qui est toujours vrai.» Une partie de cette perspective consiste à concilier sa nouvelle identité avec ce qu’il était avant son accident. «Cette blessure va me suivre pour le restant de mes jours, dit-il. Même quand je poste une vidéo ou une photo de moi à vélo, les gens disent: “Oh, je suis si content de te revoir à vélo après ta blessure.” Je fais du vélo depuis deux ou trois ans! On croit que je suis de retour sur le vélo seulement maintenant? Ça fait des années que je refais du vélo!» Je dis que cela me semble une remarque naturelle et bien intentionnée. Qu’est-ce qu’on devrait dire alors? «“Beau style”, répond-il. Ou “Quelle allure”. Je ne sais pas, moi. Je ne sais pas quelle est la bonne réponse, mais chaque fois que ­j’affiche une photo de moi sur un vélo, c’est toujours: “Content de te revoir à vélo après ta blessure.” C’est toujours lié à cette blessure. Peu importe ce que je fais.

Je pouvais vivre avec ça la première ou les deux premières années, mais cela va bientôt faire trois ans…» Trois ans, et un film. «Et c’était une chose au sujet de ce film. J’ai réalisé un max de trucs cool en vélo de montagne. J’ai vraiment accompli des choses exceptionnelles dans ce sport. Mais ce qu’on retiendra de moi, ce sera cet accident. Les gens oublient le titre de Crankworx ou que j’ai été la première personne à faire un 720 en VTT. Je vais être connu pour avoir fait une erreur aux conséquences désastreuses. Mon héritage sera de rester dans les mémoires comme le kid qui a subi un accident qui l’a laissé paralysé au Rampage.» Mais tout cela fait partie du même héritage, lui dis-je. Tout est lié. Avant sa blessure, Basagoitia inspirait ses fans. Depuis, il continue de les inspirer. Avant sa blessure, il a lutté, s’est débattu et a surmonté les obstacles. Depuis, il fait la même chose. Il ne s’est pas résigné. Il s’est défendu. Il a surmonté les obstacles. Et ça, je dirais, c’est l’histoire de Paul Basagoitia. «Je pense que c’était l’histoire de toute ma vie, résume-t-il. Grandir, vivre dans une chambre d’hôtel, se ­présenter au plus grand événement, Crankworx, avec un vélo emprunté, sans sponsor… J’ai été un outsider toute ma vie. Avec cette blessure, les chances que je récupère autant que je l’ai fait… J’étais ­vraiment un outsider. Donc si je restais connu pour ça – “Ce mec a reçu des cartes de merde à la naissance mais il a toujours tiré le meilleur parti de la situation, il s’est toujours défendu” – alors je crois que je serais heureux.» Qu’il le veuille ou non, ce sera ça, son héritage. La page s’est tournée quand il a été blessé à la moelle épinière. Mais ce n’était pas le dernier chapitre. «Je n’aurai plus à regarder en arrière, dit-il. Je vais continuer à regarder vers l’avenir. L’un de mes amis m’a donné le meilleur conseil qui soit. Il m’a dit: “Tu ne peux pas ­toujours regarder en arrière dans la vie, Paul, ça ne fait que te donner mal au cou.” Et c’est foutrement vrai.» Et à ces mots, dans un nuage de ­poussière, Paul Basagoitia part, volant gracieusement sur la piste à une vitesse impressionnante. Tout le reste – les festivals de cinéma, le nouveau boulot, la physiothérapie, la planification du mariage – attendra. Pour l’instant, il est en transe, totalement en paix. Pour l’instant, il ne regarde pas en arrière. Il attend, avec impatience.   83


DES AIIILES POUR L’HIVER. AU GOÛT DE CERISE-CANNELLE.

U A E V U O N

STIMULE LE CORPS ET L’ESPRIT.


guide au programme

TEST FATAL

Est-ce que des montres pourront résister à une pression de folie, par 11 km de profondeur? PAGE 90

TRANSVERSAL

L'agenda du mois: du biathlon, du skicross, une expo photo, de la F1 et des baskets au musée… PAGE 92

KONSTANTIN REYER

VIENS DONC...

Dans le Verdon! Pour un séjour de grimpe dans le Grand Canyon européen avec Stefan Glowacz. PAGE 86

THE RED BULLETIN

ÉCRAN TOTAL

Action, dépassement et inspiration: c'est 7/7, 24/24, sur Red Bull TV. Le programme du mois. PAGE 94

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GUI D E

Faire.

En mode Glowacz: le Bavarois (54 ans) légende de l’escalade accompagne le groupe durant une semaine dans le sud de la France.

GORGES DU VERDON

SECRETS (ENCORE) BIEN GARDÉS Destination Red Bull vous propose des voyages hors du commun avec des athlètes d’exception. Découvrez le paradis français de l’escalade avec l’aventurier Stefan Glowacz.

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assionné d’escalade et d’aventure, les gorges du Verdon me fascinent depuis plus de vingt ans. Creusé patiemment depuis des millions d’années par la rivière éponyme, ce gigantesque défilé de 40 kilomètres en Provence, à deux heures de

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v­ oiture à l’ouest de Nice atteint sept cents mètres de profondeur. Cela lui vaut d’être aujourd’hui surnommé le «Grand Canyon de l’Europe». Ses parois rocheuses escarpées sont un éternel enchantement et la qualité du calcaire est exceptionnelle.

Symbole du Verdon: les majestueuses falaises calcaires.

THE RED BULLETIN


voyage

INFOS

LE GRAND CANYON EUROPÉEN

Falaises de calcaire escarpées, BASE jump et rivière des enfers, le Verdon est la promesse d’une pure aventure.

Paris

France Les participants au voyage découvrent le Verdon dans le confort d’un van aménagé. La Palud Nice

Un van vous attendra à votre arrivée à ­l’aéroport de Nice pour un transfert à La Palud, point de départ de votre voyage en compagnie de Stefan Glowacz.

TEMPS FORTS

KONSTANTIN REYER, GETTY IMAGES

Expert de l’outdoor: Glowacz a mené des expéditions au Groenland et en Antarctique.

Je m’y rends q ­ uasiment chaque année pour grimper, mais aussi pour jouir de l’art de vivre local dont l’authenticité a su être préservée. Les dix jours de notre voyage Destination Red Bull suffisent amplement pour explorer la vaste vallée. Ma connaissance intime du Verdon me permet de vous faire découvrir des voies qui ne figurent pas dans les guides d’escalade. Un petit avantage issu de mes liens d’amitié avec la population locale. Le choix des voies d’escalade est fonction du niveau des participants. C’est à dire que je définis l’itinéraire selon les capacités du groupe, en faisant bien attention à ce que chacun se sente à l’aise

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« Ce voyage, c’est l’occasion de transmettre l’expérience acquise au cours de mes q ­ uarante ans de c­ arrière ­d’escalade.  » sur les parois et les chemins ­choisis. Nous procédons de manière progressive en commençant par des voies abordables situées aux abords de la gorge afin de s’habituer dans un premier temps à la qualité de la roche

LE STYX DU VERDON Le Styx est, dans la mythologie grecque, le fleuve des enfers. La référence à ce dernier tient au fait que le Styx du Verdon disparaît sous un énorme chaos ­rocheux dans un passage resserré pour suivre son cours sous terre. VILLAGE SPORTIF «Le village de La Palud n’a guère changé depuis vingt ans, explique Stefan Glowacz, expert du Verdon. ­Alpinistes et BASE jumpers s’y attardent volontiers tant l’ambiance est chaleureuse, d’autant plus qu’à notre arrivée en septembre, la plupart des ­touristes sont déjà repartis.»

BON À SAVOIR QUEL EST LE NIVEAU D’ESCALADE EXIGÉ? «Nous sélectionnons un circuit adapté à tous les ­participants, précise Glowacz. Un niveau de cotation 6 et une bonne maîtrise des techniques de l’assurage ­permettent de profiter pleinement du voyage.» ET LA NOURRITURE  DANS TOUT ÇA? Plats faits maison avec les produits frais du super­ marché de La Palud. Pour l’amateur de fourgon qu’est Glowacz, voyager vrai c’est «cuisiner ensemble et barbecue au feu de camp le soir venu».

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GUI D E

Faire.

voyage

DESTINATION RED BULL

VOS AVENTURES AVEC DES ATHLÈTES

Initiez-vous à la MotoGP sur circuit privé, ­visitez New York dans un mode exclusif ou pratiquez le triathlon avec un crack du Ironman Hawaï, bien d’autres aventures encore sont possibles.

BARCELONE

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AVEC MARK WEBBER Expérimentez le Grand Prix d’Autriche en VIP, p ­ rofitez de l’hospitalité de la Styrie et aventurez-vous sur le circuit dès le lendemain de la course.

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Autour du feu: cuisiner, pour Stefan Glowacz, c’est au grand air et ensemble.

locale. Pour être à l’aise dans cette escapade provençale, je vous conseille d’avoir au moins un niveau 6 en escalade (échelle française) et de maîtriser les techniques d’assurage. À l’intérieur de la gorge, des guides de montagne aguerris nous accompagnent et prennent en charge l’équipement et la sécurité. Ce que j’aime en tant que grimpeur et aventurier, c’est de partager mon style de vie avec les hôtes. Le fait de se d ­ éplacer et de vivre dans des fourgonnettes est pour moi un élément essentiel de cette expérience qui résume à elle seule toute ma vie. J’aime cette liberté de pouvoir changer d’endroit chaque soir et faire halte dans un lieu agréable. Se réveiller au petit matin pour admirer le lever du soleil, préparer du café au grand air et déguster ensemble des grillades le soir venu en échangeant les impressions sur la journée écoulée. La présence d’un supermarché à La Palud facilite l’achat de produits frais. La cuisine est l’affaire de tous et nous saurons vous sustenter avec de bons petits plats. Pendant notre voyage, je m’attacherai également à transmettre

autant que faire se peut, l’expérience acquise au cours de mes quarante années d’escalade et d’expéditions. Cela ne se limite pas à l’escalade en soi, mais couvre aussi la préparation d’une expédition ou d’un campement dans des lieux retirés. Je passe en revue les erreurs à éviter et les stratégies éprouvées sur le terrain. Bref, je mets tout mon savoir à la disposition de mes compagnons d’aventure. Alors que devez-vous attendre de notre voyage? Pour moi, la vie se compose d’une suite de moments. Plus ils sont intenses, plus ils deviennent inoubliables. J’ai vécu beaucoup de moments forts dans les gorges du Verdon: debout face au paysage avec des vautours qui planent juste au-­ dessus de ma tête et que j’accompagne du regard ou encore assis dans la gorge au bord de la rivière contemplant l’eau qui scintille, jouissant de tout mon être de ­l’instant présent. Ces moments occupent une place p ­ articulière dans ma vie. Et il me tient à cœur de les faire vivre à mes invités. Voyage Destination Red Bull avec Stefan Glowacz: du 11 au 20 septembre 2020.

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GUI D E

Avoir.

L’OMEGA ULTRA DEEP

MONTRE DES PROFONDEURS Les Suisses d’Omega ont fabriqué une montre qui a accompagné Victor Vescovo dans la fosse des Mariannes, fixée sur l’extérieur du sous-marin de l’explorateur.

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En haut à gauche dans le sens des aiguilles d’une montre: le DSV Limiting Factor, lors d’une plongée précédente de la mission Five Deeps dans l’océan Austral; Vescovo; maquette de la montre sur bras robotique.

CHRISTINA LOCK

multimillionnaire, qui a bâti sa fortune à Wall Street. Lors de la première plongée de l’expédition dans la fosse de Porto Rico en Atlantique, l’horloger suisse Omega découvre que Vescovo porte une Omega Seamaster, l’un de ses modèles. Le fabricant helvète propose de réaliser une montre capable de résister aux mêmes pressions externes que le sous-marin. Il recourt donc à des morceaux de la coque du vaisseau en titane de grade 5. Trois exemplaires accompagnent Vescovo lors de sa descente dans le Challenger Deep: deux sont fixés aux bras du robot du Limiting F ­ actor et le troisième à l’un de ses trois trains d’atterrissage. Alors qu’il

TOM GUISE

Résister

Omega Seamaster Planet Ocean Ultra Deep Professional En avril dernier, lorsque l’explorateur Victor Vescovo s’enfonce vers le point le plus profond des océans, il porte à son poignet une montre capable de résister à 11 000 m de profondeur et à une pression plus de 1 000 fois supérieure à celle de la surface de la Terre. Un défi que le fabricant de la première montre à atterrir sur la Lune a accepté de relever.

FIVE DEEPS EXPEDITION, OMEGA SA

V

ictor Vescovo est un ­habitué des exploits audacieux. Ce Texan de 53 ans, ancien officier de marine, aviateur et pilote d’essai de sous-marin, a accompli le Grand Chelem des Explorateurs – ascension des plus hauts sommets sur les sept continents et se rendre en ski au centre des deux pôles. En avril dernier, il plonge à quatre reprises dans la fosse des Mariannes jusqu’au Challenger Deep, point le plus profond jamais mesuré dans l’océan Pacifique. Une profondeur de 10 994 m, soit plus de 2 km de plus que l’Everest, mais avec une pression atmosphérique mille fois supérieure à celle de la surface de la Terre. «Dire que l’environnement est hostile est un euphémisme, explique Vescovo. Le fait qu’aucun sous-marin ne l’a effectué plus d’une fois, me pousse à réfléchir à un submersible capable de répéter l’opération de manière fiable.» La réponse nécessitera plus de 32 millions d’euros, coût du DSV Limiting Factor, un submersible biplace entièrement financé par Vescovo pour l’expédition Five Deeps, avec pour objectif d’atteindre le point le plus profond des cinq océans. «Je ne voulais pas de partenariat afin de garder le contrôle total», précise le

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montres

SAVOIR-FAIRE

LA MONTRE DE PLONGÉE ­ABSOLUE

L’Omega Ultra Deep est une conception innovante ­ alliant la résistance d’une coque d’un sous-marin à la grâce d’une créature de l’océan. L’histoire qu’Omega entretient avec les montres de plongée de précision ne date pas d’hier. En 1932, le fabricant est à l’origine du premier modèle du genre. L’Omega Marine, dont le joint en liège assure l’étanchéité est alors testé dans le lac Léman

Niveau de la mer 0 m

1 000 m

Baleine bleue 500 m

2 000 m

s’approche de la profondeur record de 10 928 m, ­Vescovo contemple un sol vierge de tout regard humain. «On pense que le fond des fosses ressemble à la surface lunaire, mais en dix minutes, j’ai vu un concombre de mer transparent onduler lentement sur le fond marin; il y a de la vie malgré 1 086 bars de pression au cm² et une température à la limite de la congélation.» Vescovo ­refait surface au bout de douze heures sous l’eau, avec le Limiting Factor, la coque intacte, prête pour trois autres plongées. «Je serais mort dans ce submersible si sa construction avait eu le moindre défaut que la pression n’aurait pas manqué d’exploiter, p ­ récise-t-il. Idem pour les montres.» De fait, les trois ont résisté avec succès à la mission et sont intactes. «Omega ­récupère deux des montres, conclut-il en ­souriant. La ­troisième est pour moi.»

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3 000 m

Épave du Titanic 3 800 m

4 000 m

5 000 m

6 000 m

7 000 m

par 73 m de fond. Aujourd’hui, les montres Seamaster Planet Ocean résistent à des profondeurs allant jusqu’à 600 m, soit 100 m de plus qu’une baleine bleue. Seul un plongeur équipé d’une combinaison atmosphérique de l’US Navy peut s’aventurer à une profondeur comparable. Toutefois, Omega a dû faire table rase de tout son savoir-faire pour concevoir une montre étanche à une profondeur abyssale de 11 000 m, et la développer à partir d’un nouveau concept inspiré par nul autre que le submersible de ­Vescovo. L’assemblage du verre saphir sur le boîtier reprend le solide design conique du hublot du Limiting Factor, permettant de mieux répartir les forces sur sa surface. Le boîtier est taillé dans du titane de grade 5 utilisé pour fabriquer la coque du sous-­ marin, enfin, les cornes évoquant les lobes d’une raie Manta ont été fondues pour éviter le risque de rupture en eaux très profondes. L’épaisseur de la montre n’excède cependant pas 28 mm, parfaitement portable donc. Le poignet auquel la montre était destinée est celui

Cadran céra­ mique, échelle 60 minutes

8 000 m

9 000 m

Lunette ­tournante uni­ directionnelle

d’un bras ­robotique, aussi le bracelet en polyamide avec fermeture V ­ elcro rappelle celles des combinaisons spatiales des astronautes d’Apollo. Pour s’assurer de leur résistance et répondre aux standards des montres de plongée, Omega a ajouté une marge de sécurité de 25 % à l­’Ultra Deep, et les a testées avec succès à 15 000 m dans les laboratoires de Triton ­Submarines à Barcelone. En refaisant surface après la première ­plongée dans la fosse des ­Mariannes, Vescovo découvre que la sonde détachable où était attachée l’une des montres est restée au fond de la fosse. Vescovo hésite entre replonger pour la récupérer ou l’y laisser à jamais. Il choisit de la récupérer. Après trois jours d’attente pour retrouver des conditions propices à une deuxième plongée, l’Ultra Deep est finalement repêchée et vérifiée en surface. Elle fonctionne parfaitement et n’a perdu qu’une seconde de précision, ce qui la rend éligible à la certification Master Chronometer, le plus élevé des standards pour une montre mécanique, quelle que soit la pression. omegawatches.com

Verre saphir

Boîtier en ­titane grade 5, et couronne

10 000 m Challenger Deep 10 994 m 11 000 m

Cornes raie ­Manta

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GUI D E

Faire.

27

janvier au 2 février Un titre mondial pour cible Théâtre des rêves pour les uns ou celui des ­désillusions pour les autres, les Championnats du monde juniors de biathlon mettent aux prises des athlètes avec seize épreuves dans lesquelles chaque millimètre est âprement ­disputé. La victoire exige une maîtrise du ski de fond et du tir où viser juste sera décisif (sur la photo: F­ lavia Barmettler). Biathlon Arena, Lenzerheide; biathlon-arena-lenzerheide.ch

1

er

mars

RDV AVEC UN ENNEMI D’ÉTAT

Bruno Manser a milité toute sa vie pour les habitants de la forêt tropicale et contre les manœuvres de l’industrie du bois. Le gouvernement malaisien l’a même déclaré ennemi de l’État. Cela ne l’empêche pas d’y retourner en 2000, année de sa disparition restée à ce jour non élucidée. L’exposition au Musée historique de Bâle rend hommage à un homme de convictions, c­ ourageux et exemplaire. Musée historique de Bâle (Barfüsserkirche); hmb.ch

17

décembre Puissance 4 Rapide, excitant, haletant, le skicross ne convient pas aux âmes sensibles. Quatre concurrents intrépides dévalent un parcours de bosses et de virages serrés en enchaînant les sauts démentiels. Les courses nocturnes sont particulièrement spectaculaires comme à Arosa où le cirque du ski revient pour la ­quatrième fois. Départ près du Bergkirchli ­historique et arrivée à Kulmwiese. Kulmwiese, Arosa; arosalenzerheide.swiss

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BIATHLON ARENA LENZERHEIDE, HISTORISCHES MUSEUM BASEL/NATASCHA JANSEN, AROSA TOURISMUS/NINA MATTLI, PAUL MARIA SCHNEGGENBURGER

jusqu’au


janvier-mars

jusqu’au

8

mars Le doux sommeil des amants Un appareil photo saisit le sommeil d’un homme et d’une femme. L’exposition multiple révèle l’entrelacement émouvant des corps. Une photo de Paul Maria Schneggenburger, à voir dans l’exposition Savoirs en images. Musée du design de Zurich; museum-gestaltung.ch

dès le

12

décembre La F1 au musée des transports Collection unique de voitures issues de la Formule 1, du Paris-Dakar ou du Nascar, le Red Bull World of Racing stationne toute une année au Musée des Transports de Lucerne. Les parcours de quelques pilotes de légende seront également à l’honneur. Et pour ceux qui voudraient tester leur aptitude au volant, un simulateur sera mis à leur disposition. Musée suisse des Transports, Lucerne; redbull.com

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21

au 26 janvier Cœur bleu 35 millions de personnes dans plus de vingt pays ont déjà ovationné l’incroyable spectacle de Blue Man Group. Le groupe débarque à Zurich pour une ­série de concerts où chaque entrée en scène est précédée d’une heure de maquillage pour transformer les comédiens en hommes bleus. Theater 11, Zurich; musical.ch

26

janvier Bien dans ses ­baskets Les baskets ont révolutionné la mode, la musique et même toute notre culture. Le Mudac et Swisssneaks se sont associés pour revenir sur cette ­révolution qui a bouleversé nos vies. L’exposition qualifiée par les organisateurs de véritable «onde de choc» présente des pièces très prisées, à admirer jusqu’au 26 janvier. Mudac, Lausanne; mudac.ch

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GUI D E

Voir.

Rallye dans le désert ­d’Arabie, tricks de BMX dans les rues du Nigeria et combats de rue virtuels au J­ apon sont quelques-uns des temps forts qui vous ­attendent ce mois-ci.

Ne ratez pas le plus emblématique des rallyes.

5

au 17 janvier   DIRECT

RALLYE DAKAR

Après trente ans en Afrique et onze ans en Amérique du Sud, le Rallye Dakar ouvre un nouveau chapitre au Moyen-Orient en 2020. Le passage du Pérou au désert d’Arabie saoudite, trentième pays d’accueil du rallye raid marque une étape ­importante dans la longue et glorieuse histoire du Dakar. ­Pilotes, copilotes et équipes d’assistance devront s’adapter à un tout autre environnement. L’aventure est retransmise et donc à suivre sur Red Bull TV.

17

décembre   À

LA DEMANDE

ENCOURAGED

REGARDEZ RED BULL TV PARTOUT

Red Bull TV est une chaîne de télévision connectée: où que vous soyez dans le monde, vous pouvez avoir accès aux programmes, en d ­ irect ou en différé. Le plein de contenus originaux, forts et c­ réatifs. Vivez l’expérience sur redbull.tv

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Le Nigérian Courage Adams, spécialiste du BMX Street, renoue avec son pays natal et ses racines, en écumant les rues ­imprévisibles de Lagos, la capitale du pays. Une histoire sous le signe du partage…

21

et 22 décembre   DIRECT

RED BULL KUMITE

Né à Paris en 2015, l’excitant tournoi du célèbre jeu vidéo de baston Street Fighter  s’exporte au Japon, son berceau spirituel! Les quinze meilleurs joueurs du monde s’affronteront, auxquels s’ajoutent les gagnants du Last Chance Qualifier.

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MARCIN KIN/RED BULL CONTENT POOL(2), OLAF PIGNATARO/RED BULL CONTENT POOL

SUR DE NOUVEAUX TERRAINS

décembre-janvier


HORS DU COMMUN theredbulletin.com

LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL


MENTIONS LÉGALES

THE RED BULLETIN WORLDWIDE

Rédacteur en chef Alexander Macheck Rédacteurs en chef adjoints Andreas Rottenschlager, Nina Treml Directeur créatif Erik Turek Directeurs artistiques Kasimir Reimann (DC adjoint), Miles English, Tara Thompson Directeur photos Eva Kerschbaum Directeurs photos adjoints Marion Batty, Rudi Übelhör Responsable des infos et du texte Andreas Wollinger Responsable de la production Marion Lukas-Wildmann Managing Editor Ulrich Corazza Maquette Marion Bernert-Thomann, Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz Booking photos Susie Forman, Ellen Haas, Tahira Mirza Directeur commercial & Publishing Management Stefan Ebner Publishing Management Sara Varming (Dir.), Ivona Glibusic, Bernhard Schmied, Melissa Stutz, Mia Wienerberger Marketing B2B & Communication Katrin Sigl (Dir.), Agnes Hager, Teresa Kronreif Directeur créatif global Markus Kietreiber Co- Publishing Susanne Degn-Pfleger & Elisabeth Staber (Dir.), Mathias Blaha, Vanessa Elwitschger, Raffael Fritz, Marlene Hinterleitner, Valentina Pierer, Mariella Reithoffer, Verena Schörkhuber, Julia Zmek, Edith Zöchling-Marchart

The Red ­Bulletin est ­actuellement distribué dans six pays. Vous voyez ici la une de notre édition US dédiée aux meilleurs spots pour des aventures enneigées. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

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Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer, Martina Maier, Florian Solly Emplacements publicitaires Manuela Brandstätter, Monika Spitaler Production Walter O. Sádaba, Friedrich Indich, Sabine Wessig Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovi c,̀ Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher Fabrication Veronika Felder MIT Michael Thaler, Christoph Kocsisek Opérations Yvonne Tremmel, Alexander Peham Abonnements et distribution Peter Schiffer (Dir.), Klaus Pleninger (Distribution), Nicole Glaser (Distribution), Yoldaş Yarar (Abonnements) Siège de la rédaction Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche Téléphone +43 (0)1 90221-28800, Fax +43 (0)1 90221-28809 Web redbulletin.com Direction générale Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, 5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700 Directeur de la publication Andreas Kornhofer Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier, Dietmar Otti, Christopher Reindl

THE RED BULLETIN Suisse, ISSN 2308-5886 Country Editors Pierre-Henri Camy, Nina Treml Country Coordinator Christine Vitel Country Channel Management Meike Koch Publicité Marcel Bannwart (D-CH), marcel.bannwart@redbull.com Christian Bürgi (W-CH), christian.buergi@redbull.com Traductions, révision Lucie Donzé, Susanne & Frédéric­ ­Fortas, Suzanne K ­ říženecký, Audrey Plaza, Claire S ­ chieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries Abonnements Service des lecteurs, 6002 Lucerne getredbulletin.com, abo@ch.redbulletin.com

THE RED BULLETIN Allemagne, ISSN 2079-4258 Country Editor David Mayer Révision Hans Fleißner (Dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Country Project Management Natascha Djodat Publicité Matej Anusic, matej.anusic@redbull.com Thomas Keihl, thomas.keihl@redbull.com

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P RO M OT I O N

must haves

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3

4 1  CHAUD, FAIR ET EN ÉDITION LIMITÉE

Le pullover vedette de la ­saison par nnim clothing est en laine polaire à mailles bouclées toute douce, aux couleurs franches sur les ourlets, et avec des poches zippées. F­ abriqué dans une petite ­entreprise familiale à Bali, le pull à capuche est vendu en édition limitée à 89 exemplaires. La doublure en viscose provient des chutes de ­tissus des ­marchés locaux. nnimshop.com

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5 2  DYC – CRÉE TA ­CASQUETTE

DYC est la première plateforme à te permettre de créer une casquette individuelle en ligne. Il suffit de choisir parmi les dix modèles et styles proposés, auxquels s’ajoutent des milliers de combinaisons de couleurs. Il est même possible de personnaliser l’objet avec un logo surpiqué, en 3D ou sérigraphié. Many Ways SA est le distributeur officiel en Suisse. designyourcaps.com

3  DIRTLEJ – PLUS D’EXCUSES

Plus rien ni personne ne t’empêchera d’enfourcher ton vélo quand tu le voudras, pas même la météo. Alors que d’autres resteront bloqués chez eux, le nez rivé sur I­ nstagram, tu te griseras à rider les pistes de ta région. La combi Dirtsuit t’offrira toutes les raisons de profiter de ton hobby sans restriction, même par temps de chien. trailsupply.ch

4  MIDO OCEAN STAR DIVER 600

Mido frappe un grand coup avec cette Ocean Star étanche jusqu’à 600 m. C’est l’une des montres haute-performance les plus abordables du marché. Bâtie pour les conditions extrêmes, la 600 embarque un mouvement chronomètre certifié COSC avec une autonomie allant jusqu’à 80 heures. midowatches.com

5  HÄ? TEAM BEANIE EN POLYCOLON®

Le Team Beanie de hä? est le choix préféré des adeptes de sport d’hiver. La doublure est en Polycolon® mulitfonctionnel. La fibre textile la plus ­légère qui soit garantit une évacuation optimale de l’humidité. Le bonnet a été conçu avec l’aide de l’équipe de ­riders de hä?. Matériaux: doublure en Polycolon®; ­extérieur: 50% coton, 50% acrylique. ha-wear.com

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Pour finir en beauté

Derrière lui, des pyramides séculaires, sous lui, le vide. À l’occasion de sa nouvelle vidéo de parkour, l’athlète australien Dominic Di Tommaso a choisi l’Égypte, ses tombeaux vénérables, le Nil et la citadelle de Saladin comme terrain de jeu, de saut et d’exploration. Freerunnning in Cairo est à retrouver sur redbull.com

Le prochain THE RED BULLETIN disponible le 9 février 2020

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DAN VOJTECH/RED BULL CONTENT POOL

Parkour dans l’Antiquité



NON PLUS ULTRA 62 km 930 km

New ŠKODA SUPERB, également en hybride plug-in Lorsque vous aurez pris place à bord de la nouvelle ŠKODA SUPERB, vous ne penserez plus avant un bon moment à en descendre. Son intérieur convainc par son espace généreux unique et par des équipements répondant à tous les besoins. 22 systèmes d’assistance et de sécurité, des phares Matrix Full LED, un écran d’info-divertissement de 9.2" et le Cockpit Virtuel assurent une expérience de conduite non plus ultra. La nouvelle SUPERB satisfait facilement aux exigences Premium, et ce, à prix ŠKODA. Découvrez lors d’une course d’essai le goût unique de la perfection jusque dans les moindres détails. ŠKODA. Made for Switzerland.


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