The Red Bulletin INNOVATOR CF 22/01

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INNOVATOR BY THE RED BULLETIN 01/2022

Idées pour un avenir meilleur

01 2022

Révolution dans le monde du travail et pouvoir salutaire du minimalisme. Les modes de vie innovants et les idées audacieuses de nos 26 invités, dont Alan Frei, la tête pensante d’Amorana.

Life

3,80 CHF

IDÉES POUR UN AVENIR MEILLEUR

ÉDITION SUISSE

Smart


Le futur naît de bonnes idées. L’Audi RS e-tron GT entièrement électrique.

Future is an attitude

Audi RS e-tron GT, 598 ch, 24,2 kWh/100 km, 0 g CO₂/km, Cat. A


ÉDITORIAL

I N N O V AT O R

UNE VIE SMART CONTRIBUTEURS

Mario Fuchs Le journaliste suisse Mario Fuchs, 33 ans, a rencontré les ­visionnaires de l’agence créative Büro a+o, à Aarau. Les employés y travaillent quatre jours par ­semaine au lieu de cinq, et ce avec un salaire complet. Pour en savoir plus sur l’intérêt de prendre des décisions à chaud et comment accéder à une meilleure qualité de vie, rendez-vous PAGE 4 0.

ALEKSANDAR SAVIĆ (COUVERTURE)

Gian Paul Lozza Le photographe suisse a immortalisé Alan Frei, le cofondateur d’Amorana, pour The Red Bulletin INNOVATOR. L’entrepreneur zurichois a réduit ses possessions au nombre de 80, qu’il a toutes emportées avec lui pour la séance photo. Un portrait à découvrir en PAGE 2 2 .

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L’entrepreneur zurichois Alan Frei, 40 ans, a ­décidé d’optimiser sa vie. Le cofondateur d’Amorana s’est débarrassé de toutes les choses dont il n’avait pas besoin. Résultat : son mode de vie minimaliste lui a permis d’atteindre le succès en affaires. Cet homme pragmatique ­raconte, page 22, pourquoi il s’est installé à ­l’hôtel de manière définitive et ne répond plus au téléphone. Les collaboratrices et collaborateurs de l’agence créative suisse Büro a+o ont, eux aussi, l’esprit très pragmatique : ils nous expliquent, page 40, comment fonctionne la semaine de travail de quatre jours (sans réduction de salaire, et sans faire d’heure sup). Notre rubrique Home Smart Home, page 46, vous montre comment optimiser le quotidien, chez soi : installations lumineuses intuitives, douches économes en eau ou serrures intelligentes… Les amateurs d’habitat smart y trouveront leur compte. Bonne lecture ! La Rédaction

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CONTENUS BULLEVARD

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Walk the Wine Laure Babin fabrique des ­baskets tendance à base de ­résidus viticoles.

On éteint tout ! Le camping-car électrique ­Stella Vita est entièrement ­autonome. À vous les beaux jours !

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Pas de gâchis

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Décollage vertical

Lasso, le broyeur d’ordures ­intelligent, fait du tri dans vos déchets pour les transformer en matériau recyclable.

Votre prochain VTC sera aérien et électrique.

Géant vert L’Autrichien Daniel Kallinger a mis au point une potion ­magique pour les plantes.

Le vent en poupe Trois Norvégiens ont inventé la roue (du vent). Une révolu­ tion énergétique !

Raffiné Le fabricant de bijoux suisse mood transforme nos vieux masques en diamants.

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DOSSIER SMART LIFE

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SE FACILITER L A VIE

Le converti

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Le cofondateur d’Amorana Alan Frei sur l’art de vivre en mode minimaliste.

La fin des habitudes Adieu, horaires de travail fixes ! Pourquoi de plus en plus d’entreprises rompent avec les ­traditions.

4 jours par semaine C’est le rythme de travail des employés (heureux) de l’agence d’Andreas Ott.

Home Smart Home Des objets intelligents qui ­apporteront une touche d’innovation à votre maison.

Notes pour plus tard Six start-ups suisses ambitionnent de rendre notre quotidien plus agréable à vivre.

Si t’as la technique… Tina Seelig, professeure à ­Stanford, éduque votre cerveau à plus de créativité.

88 92 93 94 96 98

É VÉNEMENTIEL

Save the Date ! Discussion avec Patricia ­Zupan-Eugster, PDG de W3. COMMENTAIRES COMMENTÉS

Vive les réactions ! Le PDG Martin Henne répond aux critiques sur son XBUS. LES FAVORIS

Ses toys numériques Les joujoux quotidiens de Nina Julie Lepique, PDG de femtasy. BIOHACKIN G

Un bon son de cloche Echobell fait des merveilles ! Andreas Breitfeld le dit. CHRONIQ U E

Imagine… Le motivateur Ali Mahlodji sur l’art de rester zen. CARTO ON

Le trait de la fin Nicolas Mahler nous livre sa version du télétravail.

Design Thinking IDEO est l’une des entreprises les plus originales au monde. Comment fait-elle ?

La licorne Une visite chez les fondateurs de Bitpanda, la start-up la plus prospère d’Autriche.

GIAN PAUL LOZZA

Alan Frei, cofondateur d’Amorana, possède en tout et pour tout 80 objets. Il nous ­explique ici pourquoi.

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Il est libre Alan

PERSPECTIVES

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neon metal : Le compte pour un style de vie unique.

Fe

22g

Un design minimaliste rencontre 22 grammes de métal : La première carte entièrement métallique de Suisse.

neon-free.ch/metal


BULLEVARD

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GETTY IMAGES

pour un monde meilleur

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B U L L E VA R D

Laure, qui a étudié le management à l’IAE Bordeaux et qui a toujours eu un faible pour la mode, a eu l’idée de Zèta pendant son mémoire de Master. « J’ai réalisé que je voulais lancer un projet qui me représenterait. J’ai en même temps pris conscience de nombreux problèmes du monde de la mode, au niveau environnemental et social. Je me suis donc demandé comment faire face à ces défis et les démonter pour mieux les réassembler ? » D É M A R C H E C O U R AG E U S E

Laure Babin, 24 ans, est à la page : sous son label Zèta, la jeune Française produit et commercialise des sneakers véganes dont le matériau de base provient de résidus recyclés de la production viticole.

La designeuse française Laure Babin ne nous en tiendrait probablement pas rigueur si l’on qualifiait ses sneakers de « trashy ». Et pour cause : la jeune femme de 24 ans transforme les déchets en articles de mode. Plus précisément, elle combine des déchets issus de la production viticole, du plastique recyclé et du liège pour créer des chaussures en cuir végétaliennes. Elle donne ainsi une seconde vie à des tonnes de marcs de vin (c’est ainsi que l’on appelle, dans le jargon, les résidus résultant du pressurage du raisin) et à d’autres matériaux déjà arrivés à la fin de leur cycle d’utilisation traditionnel. 8

JAKOB HÜBNER

WALK THE WINE

son. Il s’agit donc d’un produit avec lequel on peut vraiment avoir un impact global. » En septembre 2020, Laure a lancé une campagne de crowdfunding : la barre des 100 chaussures a été franchie en quelques heures. Peu après, 500 paires étaient en prévente. Aujourd’hui, il faut s’armer de patience pour mettre la main sur ces sneakers tendance fabriquées à la main. Avec un prix de vente de 129 €, ces chaussures ne sont pas bon marché, mais vu l’engouement du public pour les sneakers, elles se situent « dans le vert ». La recette exacte de recyclage du cuir végétalien des sneakers Zèta est bien sûr top secrète. Mais le simple fait de savoir qu’il s’agit de résidus de la fabrication de vin – environ trois kilos de déchets sont recyclés par paire – rend ces chaussures non s­ eulement très sympathiques, mais aussi, d’une certaine m ­ anière, raffinées. zeta-shoes.com

Manufacture : les sneakers Zèta sont fabriquées par une entreprise familiale située au Portugal.

ZÈTA

MODE DURABLE

Laure a répondu à cette question de manière aussi créative que pragmatique. D’autant plus qu’ayant effectué des recherches approfondies sur les mécanismes du management, elle a compris que le meilleur allié de l’idéalisme était le réalisme. Si l’on veut influencer positivement et durablement le monde marchand, il ne faut pas miser sur un rabot à truffes pour gauchers certifié bio, mais s’adresser au plus grand nombre. Car c’est en empruntant les sentiers battus que l’empreinte écologique laissera sa marque. De cette prise de conscience aux baskets, il n’y avait qu’un pas. « Les sneakers sont les chaussures les plus vendues au monde. Tout le monde, quel que soit son âge, en a une paire à la mai-

J’AI COMPRIS QUE JE VOULAIS CRÉER UN PROJET QUI ME REPRÉSENTERAIT.

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Rira bien qui rira la dernière : Laure Babin a du pain sur la planche pour satisfaire la demande.

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B U L L E VA R D

STELLA VITA PERMET DE FAIRE LE PLEIN D’ÉNERGIE PENDANT LES VACANCES. Pour recharger complètement sa batterie vide, ce camping-car innovant a besoin de deux à trois jours de soleil.

MOBILITÉ

MOUVEMENT PERPÉTUEL À la rencontre du soleil : une équipe d’étudiants néerlandais a développé un camping-car qui fonctionne sans la moindre alimentation externe.

Les principaux problèmes techniques que les voitures électriques semblent enfin avoir maîtrisés pèsent doublement sur les camping-cars électriques : une consommation d’électricité élevée en raison de leur poids très important et donc, une autonomie plutôt faible. Un argument fort pour les vacanciers, d’autant plus que dans les régions reculées, les bornes de recharge se font rares. Bref, jusqu’à présent, il n’était pas vraiment possible de concilier longues vacances en van et bonne conscience en matière de CO².

auto-alimenté. En effet, des panneaux solaires installés sur le toit fournissent de l’énergie au moteur ainsi qu’à tous les appareils électriques de l’habitat. La nouveauté, c’est ce toit qui peut être déployé grâce à un mécanisme ingénieux, permettant, à l’arrêt, d’agrandir l’espace intérieur et de doubler la surface des panneaux solaires pour atteindre 17,5 m² grâce à un auvent équipé de capteurs spécifiques. Il est ainsi possible de produire une quantité considérable d’énergie une fois stationné. Grâce à sa construction légère, à sa forme aérodynamique et à des systèmes de gestion de l’énergie efficaces, le campiong-car Stella

Là où il y a du soleil, il y a aussi de l’ombre : à l’arrêt, les ailes latérales se déploient lorsque le toit est relevé. La surface des panneaux solaires est ainsi doublée, elle passe à 17,5 m² et sert également d’auvent.

­ Grâce à sa construction ­extrêmement légère et à son aérodynamisme, la voiture a une autonomie, par beau temps, de 700 km avec une vitesse de pointe de 120 km/h.

GRANDE VOILE SOLAIRE

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BART VAN OVERBEEKE

ALEX LISETZ

Étonnamment, cela pourrait bientôt changer. Stella Vita est le nom d’un camping-car révolutionnaire conçu par une équipe de 22 étudiants et étudiantes de l’Université de technologie d’Eindhoven (Pays-Bas), développé entre août 2020 et septembre 2021. Cette « étoile de vie » est le premier camping-car au monde à être entièrement INNOVATOR


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Vita est en outre extrêmement économe en énergie. UN VOYAGE INAUGURAL PROMETTEUR

Tout inclus : malgré ses dimensions compactes, Stella Vita offre une cuisine, un lit, un canapé, une douche et des WC.

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Selon les conditions météorologiques et le style de conduite, le véhicule a un rayon d’action en autonomie de 700 km avec une charge complète, et si l’on refait le plein dans des endroits ensoleillés, il est toujours possible d’améliorer le niveau de charge de la batterie entre-temps. Ainsi, lors du premier voyage de Stella Vita des Pays-Bas jusqu’au sud de l’Espagne, il a tout de même été possible de parcourir près de 2 000 km sans nécessiter un rechargement complet. Pour recharger en intégralité les batteries, comptez deux à trois jours de beau temps. En ­vacances, vous pouvez vous le permettre… Instagram : @solarehv 11


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R ECYC L AG E

PIÈCE DE COLLECTION

Le robot ne se contente pas de trier les déchets, il s’occupe aussi de nettoyer et de broyer toutes les pièces introduites. Même les emballages souillés ne posent pas de problème, et des capteurs intelligents détectent immédiatement les objets non recyclables insérés par erreur : un message d’avertissement est alors émis. Au final, on obtient des déchets propres qui sont compressés dans la partie inférieure de l’appareil jusqu’à l’arrivée du service de collecte. ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Dans une version ultérieure, il sera possible de recycler les vieux papiers ou les

déchets biologiques. Et dans un avenir pas si lointain, si tout se passe comme prévu, les clients de Lasso pourront même revendre eux-mêmes leurs déchets – ce qui est déjà très proche de l’objectif d’une véritable économie circulaire. Ce projet ambitieux devrait être lancé au tournant des années 2022 et 2023, tout d’abord dans la Bay Area autour de San Francisco (USA), notamment parce que la conscience environnementale et les r­ evenus y sont supérieurs à la moyenne. En effet, les premiers modèles de Lasso coûteront entre 3 500 et 4 500 dollars. lassoloop.com

Un robot ménager révolutionnaire produit des ­déchets triés à partir de plastique, de verre et de m ­ étal qui peuvent être ­entièrement recyclés.

Les chiffres sont désastreux : 91 % du plastique consommé dans le monde n’est pas recyclé. On estime qu’en 2050, il y aura davantage de résidus de plastique que de poissons dans les océans. Des solutions propres doivent être trouvées, et rapidement. Une start-up américaine montre actuellement comment le taux de recyclage global des déchets ménagers pourrait être augmenté. L’équipe de Lasso est sur le point de finaliser un robot recycleur qui devrait bientôt trouver sa place dans chaque cuisine.

À l’instar d’un lave-vaisselle, les récipients en plastique, les canettes en aluminium ou les bouteilles en verre utilisés sont simplement insérés dans le tiroir supérieur de l’appareil. Le reste se fait tout seul, comme par magie. 12

GÜNTHER KRALICEK

SÉLECTIVITÉ

Un pour tout : le robot Lasso ­transforme les ordures ­ménagères en matériaux recyclés compressés et triés. INNOVATOR



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Selon les p ­ ronostics, les taxis ­volants électriques seront bientôt aussi c ­ ourants que les ­Mercedes d’autrefois. L’Apeleon X est développé à Mödling, près de Vienne, et le premier prototype du plane­ copter devrait prendre les airs en 2023.

MOBILITÉ

START-UP À LA VERTICALE

FONDATEUR ET PDG DE VOLARE

Avec sa petite équipe, ce ­pilote passionné travaille sur des concepts de mobilité pour l’avenir.

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trique, l’Apeleon X. Il s’agit d’un plane­copter, c’est-à-dire un hybride entre l’avion et l’hélicoptère. Deux ailes assurent la stabilité pendant le vol, seize rotors permettent à l’Apeleon de s’élever et de se poser à la verticale sur pratiquement n’importe quel dégagement, avec l’auto-

risation requise. L’objectif est d’atteindre une portée de 100 à 150 kilomètres, ce qui indique déjà clairement le champ d’application que Fürlinger a en tête pour son engin volant : en tant que taxi volant, il doit relier les régions à l’infrastructure ­déficiente aux aggloméraINNOVATOR

APELEON, VOLARE GMBH

Andreas Fürlinger

Quel que soit le dénouement, l’Autrichien Andreas Fürlinger vit son rêve. Enfant, il était passionné par les modèles réduits d’avion. Rien d’étonnant donc à ce qu’il ait étudié le génie mécanique à l’Université technique de Vienne, et travaillé chez Airbus sur l’A380. Fürlinger est titulaire d’une licence de pilote et a fait partie de l’équipe qui a écrit l’histoire avec S ­ olar Impulse. Pour mémoire, ­Solar Impulse a été le premier avion a réaliser un tour du monde grâce à l’énergie solaire. C’était en 2015/16. En 2017, Fürlinger a fondé la société VOLARE GmbH et a lancé son ambitieux projet : le développement d’un taxi volant élec-

ALEX LISETZ

Les taxis peuvent-ils voler ? Si l’on en croit une jeune entreprise de la région viennoise, oui. Et l’exploit ne devrait pas tarder.


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tions ou aux nœuds de raccordement. ­Rapide, maniable et abordable. Fürlinger travaille en effet à ce que les tarifs des courses correspondent à ceux des taxis conventionnels. Sur les trajets fréquemment utilisés, il est également possible d’envisager des liaisons de navette, l’espace disponible dans l’habitacle de l’Apeleon X étant le même que celui d’une voiture traditionnelle. VERS LE HAUT

« NOUS CONCEVONS UNE NOUVELLE GÉNÉRATION DE NAVETTES. » L’Apeleon X devrait principalement être utilisé près des zones urbaines.

Avec son équipe de quinze personnes basée à Mödling, une petite ville de 20 500 habitants, Fürlinger n’est peut-être pas l’un des grands acteurs parmi les producteurs de petits appareils volants, mais vu l’incroyable dynamisme de ce marché en plein essor, des niches vont aussi s’ouvrir. Deux fournisseurs, Lilium (Allemagne) et EHang (Chine), sont déjà cotés en bourse tandis que Volo­ copter et Vertical Aerospace caressent eux aussi l’idée d’y entrer. Si les prévisions actuelles se réalisent, ne serait-ce qu’à moitié, le secteur devrait décoller puissamment : le marché des taxis volants devrait commencer à se ­développer à partir de 2025 – après la mise en place de la réglementation correspondante – et une partie de nos transports quotidiens pourrait se dérouler dans la troisième dimension entre 2030 et 2035. L’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) est en tout cas déjà en train d’élaborer les conditions-cadres correspondantes. Le calendrier d’Apeleon X promet un atterrissage précis : un premier prototype devrait être visible dès l’année prochaine au-dessus de Mödling et Andreas Fürlinger souhaite être prêt pour les premiers vols commerciaux à partir de 2026. apeleon.com

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B U L L E VA R D

R É V O L U T I O N B O TA N I Q U E

LE MONDE APPARTIENT AUX COURAGEUX

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POUR LES BOBOS ET L E S A G R I C U LT E U R S

Qu’il s’agisse d’un potager ou d’une vigne, d’un pâturage ou d’une plantation de chanvre,

Nourriture en bouteille : pour les jardiniers amateurs, l’engrais Global Green est disponible en vaporisateur pratique d’un litre. Mais pour une utilisation professionnelle, de plus grandes quantités sont également disponibles.

Ce qui s’agite dans la boîte de Petri est bien sûr strictement confidentiel, et ne contient pas de poison.

GÜNTHER KRALICEK

Les signes annonciateurs d’une résistance étaient nombreux lorsque Daniel ­Kallinger, 35 ans, a commencé à concocter un engrais pour ses plantes de jardin, il y a cinq ans. Cet Autrichien avait en tête un mélange biologique durable de minéraux et de micro-organismes. Les spécialistes qu’il avait consultés se moquaient de cet autodidacte qui, selon eux, s’y prenait mal. Un jour, Kallinger est sur le point de jeter le baquet rempli de bouillon nauséabond devant lequel il se trouve. Il prend une profonde inspiration et continue pourtant. Et l’affaire finit par fonctionner.

Global Green, le produit nutritif miraculeux que Kallinger a développé, promet jusqu’à 30 % de croissance et de rendement en plus. Le secret ne réside pas seulement dans la combinaison de minéraux et de micro-organismes, mais aussi dans leur interaction innovante. Le facteur décisif est un procédé de broyage spécial qui réduit les minéraux en une poussière extrêmement fine. Plus les minéraux sont petits, plus la surface de chaque grain est grande. Ces microparticules peuvent mieux fixer les produits métaboliques nutritifs et pénétrer plus facilement à l’intérieur de la plante. En passant par la surface de la feuille, elles traversent les parois cellulaires pour atteindre le cytoplasme.

FLORIAN VOGGENEDER

Un autodidacte autrichien ne s’est pas laissé décontenancer par le sourire ironique des experts, et a mis au point un engrais qui laisse aujourd’hui ses anciens détracteurs bouche bée.

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LA POTION MAGIQUE DE MONDSEE ­PROMET JUSQU’À 30 % DE CROISSANCE EN PLUS. Cela est rendu possible grâce à une interaction innovante entre minéraux et micro-organismes.

d’une pelouse de football ou d’une culture florale, il existe un mélange adapté à chaque application. La potion magique botanique est disponible en bouteille d’un litre pour les jardiniers amateurs, ainsi que dans des contenants nettement plus grands pour l’agriculture. Et le meilleur : ces engrais sont totalement exempts de toxines et de substances nocives. Le sol est préservé, les insectes utiles et autres bestioles peuvent se multiplier et r­ espirer. BON POUR LES ­S E M E N C E S

Daniel Kallinger, 35 ans, autodidacte : l’idée de Global Green a germé de son fumier.

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Daniel Kallinger et son équipe poursuivent leurs recherches sur le site de Mondsee (Haute-Autriche). Le département R&D, dirigé par Lukas Kramberger-Kaplan, directeur des nouvelles technologies et de l’innovation technique, travaille actuellement sur une méthode permettant de « décaper » préalablement les semences avec une culture spéciale de bactéries azotées. Ces bactéries sont capables de transformer l’azote atmosphérique en ammonium dont la plante a besoin pour se développer. De cette manière, les besoins en azote provenant des engrais conventionnels peuvent être considérablement réduits. Cela entraîne également une réduction significative des émissions de CO², car la production d’engrais artificiels contenant de l’azote est particulièrement gourmande en énergie. 17


B U L L E VA R D ÉNERGIE

ATTRAPEUR DE VENT

On ne peut pas réinventer la roue, mais l’éolienne, oui. Un concept offshore innovant, développé en Norvège, fait entrer la production d’énergie éolienne dans une nouvelle dimension. Le vent est une matière première idéale pour la production d’énergie : il ne coûte rien, est toujours disponible et sa transformation en courant électrique ne pollue pas l’environnement. Tout ceci, en théorie. Dans la réalité, la situation est plus nuancée. En effet, outre la pollution visuelle due aux paysages d’hélices à perte de vue, la pollution acoustique – les infrasons – est également un sujet très sensible. À cela s’ajoute la logique selon laquelle l’énergie éolienne ne peut être produite que s’il y a réellement du vent. Comme l’énergie éolienne n’est pas non plus le moyen le plus économique de produire de l’électricité, elle donne en fin de compte une réponse du genre « oui, mais... » aux grandes questions énergétiques du futur. M E I L L E U R ­R E N D E M E N T

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Les plus grands navires de croisière s’élèvent à 70 mètres au dessus de la surface de l’eau

324 mètres : c’est la hauteur de la tour Eiffel. WINDCATCHING.COM

Pour Asbjørn Nes, Arthur Kordt et Ole Heggheim, cela ne suffisait pas. En 2017, les Norvégiens ont commencé à repenser l’énergie éolienne de manière totalement nouvelle : plus efficace, plus durable et plus rentable que tout ce qui existait jusqu’alors. Le résultat est le Wind Catcher (littéralement : l’attrape-vent). Il s’agit d’une éolienne off­ shore composée d’une centaine de petites éoliennes réparties dans une structure de plus de 300 mètres

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I N N O V AT O R

PLUS EFFICACE, PLUS DURABLE ET MOINS COÛTEUX QUE TOUT CE QUI EXISTAIT JUSQU’À PRÉSENT.

de haut. L’innovation réside dans la compacité des différentes t­ urbines (les pales du rotor ne font que 15 mètres de long) et dans leur disposition. Les éoliennes traditionnelles peuvent convertir en électricité des vents allant jusqu’à 11 m/s, le Wind C ­ atcher tient le coup jusqu’à 17 m/s. Ce qui semble être une augmentation de près de 50 % est en fait une multiplication par mille de la quantité d’électricité produite car le rendement augmente de manière exponentielle. Un autre avantage est la disposition intelligente des rotors : ils font tourbillonner l’air et génèrent ainsi un vent supplémentaire que le rotor voisin peut à son tour utiliser comme source d’énergie.

Au lieu d’un grand rotor, le Wind Catcher mise sur un parc comptant plus de cent petites éoliennes.

DES COÛTS RÉDUITS

ALEX LISETZ

Le modèle standard du Wind Catcher mesure 324 m de haut et devrait être en mesure d’alimenter en électricité une ville de 250 000 habitants. La mise en service du ­premier prototype est ­prévue dès 2022.

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93 mètres : c’est la hauteur de la Statue de la Liberté devant New York.

Les connaisseurs en la matière diront : « Offshore ? D’accord. C’est une bonne idée, parce qu’il y a toujours beaucoup de vent et que les riverains ne sont pas dérangés. » Mais ils secoueront également la tête en disant : « Offshore signifie des coûts de construction et d’entretien énormes. Ce n’est jamais ­rentable. » Un argument valable, sauf ici : grâce à sa construction compacte, le Wind ­Catcher peut être transporté et ancré assez facilement en mer. Et si l’un des rotors vient à se briser, l’installation entière continue de fonctionner sans encombre. Les intervalles de maintenance peuvent être planifiés et, le cas échéant, reportés à la prochaine fenêtre de beau temps, ce qui permet de réaliser des économies considérables. De plus, le Wind C ­ atcher sera en mesure de produire de l’électricité pendant cinquante ans au lieu de vingt comme une éolienne traditionnelle, ce qui réjouit les économistes et les écolos. 19


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B U L L E VA R D

Les diamants sont éternels (mais pas les masques, ­espérons-le) : l’upcycling durable peut être aussi beau que cela.

U P CYC L I N G

Alchimie high-tech : comment le fabricant de bijoux suisse mood transforme les masques bucco-nasaux usagés pour en faire quelque chose de raffiné tout en protégeant la nature.

Depuis deux ans, au cours desquels le corona­virus a restreint nos libertés, ils nous protègent : les masques bucco-nasaux sont devenus des accessoires gênants mais incontournables de notre quotidien. Mais ce qui aide les gens met l’environnement en danger. Une grande partie des dizaines de milliards de masques en polypropylène usagés finissent dans les ordures ménagères. Beaucoup jonchent aussi les trottoirs ou la nature. Une « île » de plusieurs kilomètres carrés 20

de masques en plastique dérive déjà dans l’océan Pacifique. Selon les chercheurs, ils ont une vie de quelques siècles. Heureusement, la nécessité est mère de l’invention. Ne pourrait-on pas faire quelque chose de beau et de précieux avec cette source de matière première ? C’est la question que s’est posée le fabricant de bijoux suisse mood. L’entreprise d’Orbe, dans le canton de Vaud, fabrique depuis 2004 des bagues stylées composées d’une monture en acier ou en titane et d’accessoires (ou « addons ») les plus variés, qui peuvent être échangés au gré de l­ ’humeur. PIERRES PRÉCIEUSES ­I S S U E S D E D É C H E T S

Pour le projet futuriste de recyclage des masques, mood a entamé une collaboration : un diamant de laboratoire peut être fabriqué à partir d’un masque usagé sous haute

Création de bijoux : les ­diamants artificiels sont fabriqués à partir ­d’anciens masques MNS.

pression (150 kilobars) et à haute température (1 300 °C environ). Ceux-ci sont ensuite transformés en addons pour les bagues. Avec plus de 50 000 clients dans le monde, on peut donc s’attendre à ce que de nombreux masques de protection soient bientôt portés au doigt en tant que diamants. Ceux qui souhaitent soutenir le projet peuvent tout simplement envoyer leurs masques usagés au mood-store d’Orbe. Toutes les infos à ce sujet se trouvent sur leur site web. yourmood.net

SIMON SCHREYER

DE MASQUES À DIAMANTS

INNOVATOR


cut ters 20.– Stanley Cutter

Presque tout pour presque tou(te)s


Il va de l’avant L’entrepreneur Alan Frei nous parle de son style de vie minimaliste : « Je ne suis pas distrait et je peux travailler de manière concentrée sur des objectifs. » 22

INNOVATOR


Minimaliste, entrepreneur, maniaque de l’optimisation : le cofondateur d’Amorana, Alan Frei, nous livre ses trucs pour être le plus efficace possible dans la vie. Il nous explique aussi pourquoi il vit à l’hôtel, et pourquoi il se scotche la bouche tous les soirs. TEXTE Michèle Roten PHOTOS Gian Paul Lozza

IL EST LIBRE

A L A N

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P

Par un mardi soir brumeux, Alan Frei nous reçoit dans son salon : lumière tamisée, canapé cosy, coussins moelleux, la télévision allumée en sourdine. Chez lui, tout le monde est le bienvenu. Des gens qu’il ne connaît pas boivent du rosé et ne font pas attention à lui. Nous sommes au Citizen M, un hôtel en plein cœur de Zurich. C’est ici que vit le fondateur d’Amorana depuis la vente de son entreprise en 2020. Une décision drastique pour cet homme de 40 ans, qui avait déjà commencé à réduire ses possessions huit ans auparavant. Victime d’un cambriolage dans son appartement, il en était ressorti tout sauf traumatisé, comme cela devrait pourtant être le cas dans ce genre de situation, déclarant même avoir vécu « la plus belle nuit de sa vie » dans son lit : les voleurs étaient repartis les mains vides, il n’y avait rien à voler chez lui, « j’avais gagné ». La conséquence logique pour lui a été de se défaire également de l’obligation d’avoir son propre logement. Sans même parler de cela, Alan Frei est vraiment du genre à tout optimiser dans sa vie – et avec les millions issus de la vente d’Amorana (les chiffres exacts n’ont jamais été communiqués), il peut le faire de manière encore plus radicale. Amateur de verveine en infusion, il respire la joie de vivre – ou plutôt : le plaisir de vivre – à travers chaque mot, chaque geste, chaque sourire. Alan Frei porte un pantalon confortable, des baskets blanches, une chemise blanche et un gilet bleu – un uniforme à l’image de ce qu’il est : cool mais lucide, street mais business. Ce que sa tenue ne montre pas en revanche, c’est que cet homme est un monstre dans son domaine. Et dans le meilleur sens du terme.

« LA RÉDUCTION REND LA VIE ET LE BUSINESS TRÈS CLAIRS. » 24

the red bulletin inno­vator : C’est sympa chez vous. Depuis quand vivez-vous à l’hôtel ? Et pourquoi ? alan frei : Cela fait quinze mois. Pour fêter ma première année, l’hôtel m’a offert un coussin brodé avec l’inscription « Alan’s Spot ». Sa place maintenant, c’est l’endroit où je m’installe toujours pour boire mon expresso. C’était adorable de leur part. Et ce n’est vraiment pas évident de faire un cadeau à un minimaliste. Si je vis à l’hôtel, c’est parce que j’ai un peu tiré le gros lot avec Amorana et que la vente, en septembre dernier, m’a rapporté une petite somme. Quand j’ai réfléchi à ce que j’allais en faire, j’ai réalisé qu’il y avait deux choses en particulier que j’aimais par-dessus tout : les voyages et les hôtels. J’adore les hôtels. Donc j’ai fait appel à une entreprise pour vider mon appartement, trouver un nouveau locataire et j’ai débarqué ici avec deux sacs. Et depuis, j’ai l’impression d’être un peu tous les jours en vacances. Qu’y avait-il dans ces sacs ? Comment avez-vous choisi vos affaires ? Je n’ai pris que ce dont j’avais vraiment besoin. Cela faisait moins de cent objets, sans compter les consommables comme le dentifrice ou la crème pour le visage. Parmi ces objets, n’y en avait-il pas qui, à défaut d’être utiles, possédaient une forte valeur sentimentale ? Je suis attaché à mes affaires. Mes chaussures par exemple, je les aime beaucoup. Mais quand elles seront abîmées, j’en achèterai d’autres. Mon père m’a légué une montre à sa mort. Elle avait une grande valeur sentimentale pour moi, c’est certain. Mais ça me faisait deux montres. Alors je l’ai donnée à mon frère. Et au final, ce n’est pas parce que je n’ai plus sa montre que je pense moins souvent à mon père. Est-ce vrai que la mort de votre père a été l’élément déclencheur de votre mode de vie minimaliste ? Ça n’a pas été le seul, mais oui. Quand on a vidé la maison, j’ai été choqué de voir tout ce que l’on peut accumuler dans une vie. Des objets qui n’ont pas bougé pendant des dizaines d’années, auxquelles perINNOVATOR


Les applis et outils d’Alan L A S T PA S S Oublier ses mots de passe est très ennuyeux. Le site lastpass.com est un outil super pratique qui me permet également de partager des notes sécurisées avec mes collaborateurs. NOTION Je l’adore pour les dossiers et les listes de choses à faire. A SA N A Cette appli est parfaite pour les tâches et les projets, surtout lorsqu’ils sont traités par plusieurs personnes.

AU D I B E L C’est mon interface préférée pour les livres audio. G E N I U S S CA N Il permet d’exporter les d ­ ocuments au format JPEG ou PDF et élimine automatiquement les erreurs et les distorsions. Il est également possible d’assembler des documents de plusieurs pages.

moi ici, je suis très proche des gens qui travaillent dans cet hôtel. Mais ce r­ essenti, je peux l’avoir partout dans le monde, et c’est justement de cela qu’il s’agit. J’ai toujours mon sac à dos sur moi, avec mon ordinateur, des sous-vêtements, des chaussettes et une chemise, donc quoi qu’il se passe, je suis toujours paré.

sonne n’a prêté attention et qui ont simplement pris la poussière. Alors je me suis dit : « Je ne veux pas de ça. » Je ne veux pas être dépendant des choses matérielles. Qu’est-ce que c’est un « chez-soi » pour vous ? Cela peut paraître un peu terre à terre, mais mon chez-moi, c’est là où j’ouvre mon ordinateur portable. Il y a un dicton qui dit : « Chez soi, c’est l’endroit où on se connecte automatiquement au wifi. » C’est on ne peut plus vrai pour moi. Et en toute sincérité, je me sens parfaitement chez INNOVATOR

Pas de compte à rendre Le minimalisme et sa manière de vivre ne sont pas une critique de la consommation : « Je ne veux inciter personne à vivre de la même manière. Cette liberté me rend simplement très ­heureux », explique le quadragénaire.

Par contre, ce mode de vie n’est possible que quand on n’a pas de famille. Je ne sais pas du tout où j’en serai dans dix ans. Peut-être que d’ici là, je serai devenu l’homme avec la plus grande collection de timbres au monde, qui sait ? Je n’ai de comptes à rendre à personne. Ce que je fais et ma façon de vivre ne sont pas une critique de la société de consommation. Je ne veux inciter personne à vivre de cette manière. Moi, cette liberté me rend tout simplement très, très heureux. La liberté implique-t-elle aussi de ne pas répondre au téléphone ? Il se murmure qu’Alan Frei serait injoignable par téléphone. Non, je suis joignable, seulement pas sans rendez-vous, du moins pour les affaires. Sans rendez-vous, je ne réponds qu’aux appels de mes amis et de ma famille. Parfois. Parfois, je rappelle aussi. Je ne réponds jamais 25


Une vie optimisée Alan s’est débarrassé de tout ce dont il n’avait pas besoin et possède ces 80 choses. Il a des souvenirs dans sa tête et sur son téléphone.

aux numéros inconnus sans rendezvous. Quelles sont les chances pour qu’un numéro inconnu nous apporte quelque chose de bien dans notre vie ? Et pour qu’on se dise : « Bon sang, j’ai bien fait de répondre ? » Aucune ou presque. La plupart de ces appels ne font que nous faire perdre du temps. Ce qui m’énerve vraiment, ce sont les gens qui appellent, déballent tout leur baratin et finissent par dire : « Je vous renvoie tout ça par e-mail. » Mais envoyez donc directement un e-mail !! Surtout qu’il y a aussi les SMS et les messages vocaux. Ah et les messages vocaux du genre « Oups, j’ai failli marcher dans une crotte, mais euh, qu’est-ce que je voulais dire »... Il faudrait vraiment écrire une charte de bon usage des messages vocaux. Venez-en au fait !! D’ailleurs, je les écoute tous en vitesse accélérée. Car, oui, le temps est notre plus grande liberté et notre bien le plus précieux. Quel est le rapport entre le minimalisme et les affaires ? Avant toute chose, j’admets qu’il y a une énorme contradiction là-dedans : moi-même, je ne veux rien posséder, mais je voudrais que tout le monde achète ce que j’ai à vendre. Je pense que les sextoys sont quelque chose de formidable et qu’ils peuvent rendre les gens plus heureux. Et moi bien sûr, j’en ai un seul. Quand on possède moins de choses, tout devient plus clair, dans la vie comme dans les affaires. Ça évite les distractions, ça permet d’identifier ses objectifs et de se focaliser dessus pour les atteindre. Le pragmatisme semble être une de vos grandes qualités : à l’école déjà, vous disiez vouloir devenir riche par-dessus tout. (Rires) Ah bon, j’ai dit ça ? C’est bien possible. Mais en fait, je ne suis pas du genre à suivre une voie toute tracée. 26

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« J’AI TOUJOURS UN LAPTOP, UN CALEÇON ET UNE CHEMISE AVEC MOI. QUOI QU’IL ARRIVE : JE SUIS PRÊT. » INNOVATOR


1 C L AV I E R Il est pliable et permet à Alan de travailler à partir de son téléphone portable.

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2 LUNETTES DE SOLEIL Pliables, et donc discrètes et pratiques.

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3 ST YLO Alan possède un seul stylo à bille. 4 NŒUD PA P I L L O N Malgré son amour du minimalisme, Alan aime s’habiller de manière festive pour les événements spéciaux.

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5 C H AU S S U R E S Cinq paires. Pour chaque occasion. Quand elles sont usées, il en achète de nouvelles. 6 BA N D E D E FITNESS Alan veut participer aux Jeux olympiques. 7 LEDERHOSE Pour les fêtes traditionnelles.

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Avant Amorana, je me suis planté tellement de fois avec mes start-ups que certains de mes amis ont dû lever les yeux au ciel quand je suis arrivé en leur disant que mon nouveau credo, c’était les sextoys. Mon parcours est tout sauf linéaire, et je pense que c’est important de le dire parce que ça donne de l’espoir aux gens. Il y a cinq ans, je n’avais pas un sou en poche et j’étais plutôt le loser de service par rapport à mes amis avec leurs boulots bien payés. Mon objectif a toujours été d’être indépendant, et l’aspect INNOVATOR

financier en fait partie. Et non, je ne suis pas vraiment du genre pragmatique. Je me laisse facilement distraire, mais j’ai appris à dire non et à rester concentré par moments. En ce moment, je suis à nouveau dans une phase de tâtonnement. Quelle est la prochaine étape ? Aucune idée ! Je travaille toujours chez Amorana, et je trouve ça toujours aussi cool. Mais actuellement, je m’intéresse aussi énormément aux NFT, les Non Fungible Tokens. J’ai un

podcast et une chaîne YouTube qui n’intéressent personne, mais je trouve tout cela absolument fascinant. Est-ce qu’Amorana est aussi le fruit d’une phase de tâtonnement ? Oui et non. Mon associé, qui travaillait dans une banque à l’époque, m’a appelé un jour pour me dire qu’il en avait marre de son boulot et pour me demander si je ne voulais pas qu’on monte quelque chose ensemble. Alors on s’est retrouvés tous les vendredis pour faire du brainstorming. 27


Tout y est Toutes les possessions d’Alan Frei tiennent dans ces sacs noirs. Il veut être détaché du matériel.

Et après pas mal de mauvaises idées, on est tombés un jour sur ce chiffre : 80 % des gens aimeraient essayer plus de choses au lit, mais n’osent pas demander. Et c’est comme ça qu’on a eu l’idée d’une box de sextoys. Pas besoin de demander, on reçoit directement les produits chez soi. On a bricolé un site Web en une demi-journée, envoyé des e-mails à 4 000 contacts privés, y compris nos profs et compagnie (rires), et trois personnes ont bel et bien commandé une de ces Lovebox. Donc on a foncé chez Magic X, une boutique érotique, et on a acheté tout ce qui était en promo, on a rempli trois boîtes avec, on a rajouté un peu de papier de soie et on est allés poster tout ça. Les réactions n’ont pas été très positives, du genre : « Qu’est-ce que cette huile de massage périmée que vous m’avez envoyée » etc. (rires), mais on a senti que cette idée avait du potentiel. N’y a-t-il pas une chose pour laquelle on peut dire que plus, c’est mieux ? L’argent peut-être ? (Long moment de réflexion) Non, je ne crois pas. Les personnes qui disent que l’argent ne fait pas le bonheur sont très probablement celles qui ont toujours eu de l’argent. Moi, j’ai déjà été fauché, je ne savais pas comment payer mes factures et je peux le dire maintenant : avoir de l’argent, c’est beaucoup plus sympa. Mais, et toutes les études le montrent, au-delà d’une certaine limite, plus d’argent ne veut pas dire plus de bonheur. Quand le montant de la vente nous a été versé, j’ai dû aller voir mon compte vingt fois par jour pendant les deux semaines qui ont suivi, c’était tellement dingue. Et puis tout à coup, j’ai arrêté. Le chiffre ne me faisait plus rien. Trois choses sont restées. La première : ma mère vit aux Philippines. C’est extrêmement important pour moi de savoir que je peux toujours l’aider. Que ce soit avec des médicaments ou un médecin – aucun problème. 28

« JE NE SUIS PLUS FORCÉ DE FAIRE DES CHOSES DONT JE NE SUIS PAS CONVAINCU. C’EST LA ­LIBERTÉ ­ULTIME. »

Courte bio Alan Frei, né le 27 mars 1982, a étudié la finance à l’université de Zurich et s’est ensuite essayé à une cinquantaine d’idées commerciales et à huit entreprises qui ont toutes échoué : de la plateforme pour numériser la mort ou d’un ­outil de comparaison des tarifs de taxis aux rouleaux de papier WC sans carton, en passant par un

portail de soutien scolaire ou de l’alcool de mangue. En 2014, il a fondé avec son partenaire commercial Lukas Speiser la boutique érotique en ligne Amorana. Il l’a vendue en 2020 au fabricant britannique de sextoys Lovehoney. Frei continue à travailler en tant que CMO d’Amorana et à bloguer et podcaster sur : alanfrei.com

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Astuces de productivité ( i n s p i r é e s p a r M a r t i n C a r te r)

1 . PL ANIFIEZ À L’AVA N C E Cela marche à tous les coups. Prenez 15 min le soir pour réfléchir à ce que vous avez accompli et à ce que vous devez faire le lendemain, ainsi qu’à la manière d’organiser votre journée. 2 . FA I R E U N E TO -DO LIST Divisez une tâche importante en tâches plus petites, qui prennent moins de temps. Le fait de barrer des choses sur votre liste vous donnera la motivation d’accomplir d’autres tâches. 3 . PRIORISER Quel projet est le plus important ? De quoi ai-je besoin pour finir un projet ?

4 .REGROUPEZ L E S TÂC H E S Consultez votre to-do list pour repérer les tâches similaires et effectuez-les dans le même temps. 5. ÉVITEZ L A PERFECTION Si vous vous obstinez à vouloir que tout soit parfait, vous répéterez sans cesse les mêmes tâches et perdrez du temps. 6 . PA S D E M A I L S AU R É V E I L Trop d’infos à la fois tue la productivité. Réservez les premières heures de travail aux problèmes à résoudre et aux tâches importantes ou créatives. Consultez vos e-mails pendant vos heures les moins productives.

La deuxième : je peux investir dans des gens et des idées qui me parlent. Et la troisième : la “fuck you money”. Il y a une connotation négative dans cette expression, mais je l’utilise dans le sens le plus positif du terme : je ne serai plus jamais obligé de faire quelque chose qui ne me plaît pas. C’est la liberté ultime. Et pour le sommeil, est-ce que moins c’est mieux ? Non, j’adore dormir. C’est tellement un truc des années 90 ce « dormir moins pour travailler plus ». Si je ne dors pas assez, je n’arrive à rien. Cela fait deux ans que je n’ai plus de réveil. Mes réunions ne commencent qu’à partir de 10 heures du matin et je n’en ai jamais raté une seule. J’ai aussi une routine bien précise pour le soir. D’abord, je fais ma séance de gua sha, une sorte de pierre de massage pour le visage, puis je me mets du scotch sur la bouche parce que c’est mieux de respirer par le nez, j’enfile une bague qui suit mon sommeil, je plonge ma chambre dans le noir total, INNOVATOR

je prends quelques instants pour constater à quel point je suis heureux et je m’endors comme un bébé. Avez-vous également des routines optimisées pour vos repas ? Toujours les mêmes, toujours à la même heure ? Non. Manger, c’est ma faiblesse. ­L’année dernière, après la vente et les fêtes, j’étais vraiment en surpoids. Ma copine a fini par me dire : « Ce n’est pas bon pour ta santé, il faut que tu perdes du poids. » Mais me contenter de manger moins, ça ne marche pas. Il me faut quelque chose de plus élaboré, toute une histoire, pour que je mange sainement tout en gardant le moral. Et quel est le titre de cette histoire ? (Pause dramatique) De l’obésité aux Jeux olympiques. Je vais participer aux Jeux olympiques de 2026 à Milan. Ça passe ou ça casse. Advienne que pourra. Pardon ? Mon coach de performance en Afrique du Sud est un vrai crack et il dit qu’avec un entraînement et une alimentation adaptés, c’est possible. J’ai fait un test génétique et on m’a établi un programme alimentaire sur mesure, et j’ai aussi un capteur de glycémie comme les diabétiques. Tout cela est très professionnel, je suis accompagné par un médecin, une prof de yoga et une coach. Et dans quelle discipline pensezvous devenir assez bon pour que ça passe ? Je. N’en. Sais. Rien. De toute façon, je ne pourrai pas représenter la Suisse, que ce soit aux Jeux olympiques d’été ou d’hiver. Mais j’ai aussi un passeport philippin ! Et il y a une chance infime pour que je puisse participer aux Jeux olympiques d’hiver pour les Philippines. En effet, dans ce pays aux cent millions d’habitants, un seul athlète s’est qualifié jusqu’à présent. Avec le journaliste sportif de mon équipe, un vrai geek du sport, on a établi une liste purement théorique des sports qui pourraient plus ou moins me convenir. Là, on les passe tous en revue pour voir s’il y en a un qui me correspondrait. En ce moment, on est sur le ski de fond. Alors, tenez-vous prêts : après « Eddie the Eagle », voici « Alan the Albatross ». 29


Texte Nicole Thurn Illustrations Aleksandar Savić

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LA FIN DU TRAVAIL… TEL QU’ON LE CONNAÎT Ni chef, ni pointage, ni bureau. Mais du plaisir, du sens et une productivité élevée. Décryptage de la nouvelle voie empruntée (de gré ou de force) par de plus en plus d’entreprises, et tour d’horizon des ­premiers succès de la tendance New Work.

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EXPRESSION À LA MODE OU VÉRITABLE CHANGEMENT ? Le New Work regroupe les nombreuses initiatives tendant à modifier durablement notre monde du travail. Objectif : augmenter la productivité en laissant plus de place à l’individu.­ Hiérarchies classiques, horaires de bureau fixes et le même emploi pendant trente ans : le monde du travail tel que nous le connaissions touche à sa fin. La pandémie et le télétravail généralisé qui s’en est suivi auront prouvé au moins une chose : il est possible de travailler autrement. Les jeunes, en particulier, veulent sortir des structures professionnelles rigides et mal pensées, tout en s’épargnant les burn-outs de leurs aînés. Ils aspirent à des emplois valorisants avec du sens et à plus de temps libre pour s’épanouir sur le plan personnel. Dans le même temps, les entreprises doivent être plus réactives, plus innovantes et être prêtes à prendre plus de risques si elles veulent être compétitives. De plus en plus d’entreprises et d’experts utilisent l’expression New Work (trad. nouveau travail) pour évoquer les évolutions dans la sphère professionnelle : du baby-foot ou du cours 32

de yoga sur le lieu de travail, en passant par le tout numérique sans bureau, jusqu’à la prise de décision autonome sans chef. En 1982 déjà, le philosophe Frithjof Bergmann décrivait un concept de société reposant sur un travail librement choisi, « que l’on veut vraiment ». LE TRAVAIL AUTREMENT Si certaines expériences de New Work en entreprise sont encore timides, d’autres sont vraiment radicales. Dans le meilleur des cas, le New Work est un véritable bouleversement des mentalités, avec de nouvelles valeurs et une nouvelle vision de l’individu. Le sens, l’épanouissement et le développement du potentiel au travail priment sur le statut et le salaire, les employés deviennent des cocréateurs, leurs besoins individuels comptent autant que les résultats de l’équipe. Le New Work promet de meilleures collaborations, de meilleurs résultats, plus d’innovation et plus de satisfaction pour les employés. Du moins en théorie. Parce que c’est tout le principe d’une expérience : elle peut se solder par un échec.

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1. LA FIN DES TÂCHES INGRATES

Donner du sens à son travail : c’est la clé pour être heureux et productif. Et une manne pour les firmes.

Pionnier : Steven HK Ma Virage à 360 ° à Sydney : PDG de l’agence de conseil No Moss, Steven HK Ma a transformé du jour au lendemain son entreprise en une pépinière de développement de jeux vidéo, à la demande de ses employés.

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GETTY IMAGES

on travail est-il utile ? Cette question, de plus en plus de gens se la posent. Selon l’institut allemand du futur, 87 % des millennials font passer le sens du travail largement avant un bon salaire (55 %) dans leur recherche d’emploi. Selon le psychologue américain Adam Grant, les employés considèrent que leur travail a un sens lorsque leurs tâches professionnelles ont un rapport avec leurs qualités et leurs centres d’intérêt. Malgré la numérisation et l’automatisation, les “Bullshit Jobs” vides de sens sont monnaie courante dans les entreprises, écrit David Graeber. Rien qu’en évitant les réunions inutiles, les grandes entreprises pourraient économiser 59 millions de francs suisses par an, selon une étude de TimeInvest. Quoi de plus logique donc, que de faire du sens un élément central du New Work ? Il nous motive, nous rend plus productifs, plus heureux et nous permet d’être en meilleure santé.

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Quelle a été votre réaction quand vos employés vous ont parlé de cette idée de développer des jeux vidéo ? En fait, ils m’ont déclaré qu’ils voulaient devenir les créateurs de leur propre société de jeux vidéo. Au début, je me suis dit que ces jeunes étaient des passionnés, mais qu’ils n’y connaissaient rien. Alors je me suis demandé comment je pourrais transformer No Moss de fond en comble pour encourager ce genre de passions. Je leur ai répondu : « D’accord, prouvez-le. Vous avez à votre disposition 20 000 dollars, des bureaux gratuits, cinq

experts et des entrées pour le plus grand salon du jeu vidéo du monde – je vous ai déjà réservé un stand. » Pourquoi pensez-vous que le sens est la clé du succès d’une entreprise ? Car un travail qui a du sens est plus humain. Le sens est la clé du succès dans la vie, pas seulement dans le monde de l’entreprise, comme le montrent la logothérapie de Viktor Frankl ou l’ikigai japonais. Les entreprises devraient être fondées sur la quête de sens. Vous avez changé votre titre de PDG en CPO – Chief Purpose Officer – ce qui fait de vous le responsable du sens de l’entreprise. Qu’estce qui vous plaît dans ce travail et qu’est-ce que vous détestez par-­ dessus tout ? J’aime échanger avec les employés sur le sens de leur travail et aussi concevoir et mettre en œuvre des systèmes pour rendre leurs tâches plus humaines. Ce que je déteste le plus, c’est de faire du micromanagement – quand on a l’impression de devoir constamment contrôler ses employés, c’est soit qu’on n’a pas les bons employés, soit pas le bon job.

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2. LA FIN DES BUREAUX

Pionnière : Jessica Reeder 1 500 employés, pas de bureau : la responsable de campagne Jessica Reeder parle de GitLab, la plus grosse remote company au monde.

À l’avenir, les espaces de travail auront de nouvelles fonctions, et certains disparaîtront complètement.

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n ce moment, les bureaux sont à moitié vides – et ce n’est pas près de changer. Car la pandémie a également modifié le rôle du bureau. Autrefois véritable plaque tournante du travail quotidien, il devient de plus en plus un lieu d’échanges sociaux et créatifs, de brainstormings, d’événements et d’ateliers, tandis que les employés travaillent tantôt chez eux, tantôt ailleurs, que ce soit dans des espaces de coworking ou depuis un van. Cette flexibilité est aussi attendue de la part des employeurs : la majorité des employés de bureau en Suisse plébiscitent le travail hybride, avec un à deux jours de télétravail par semaine. Plusieurs start-ups créées pendant la pandémie se passent même totalement de lieu d’attache, ce sont des remote company. Le travail hybride et le travail à distance apportent leur lot de nouveaux défis. Pour éviter les distractions, les malentendus, le manque d’efficacité et la frustration, il faut des règles de communication claires pour tous. La tendance se confirme : dans son analyse, le cabinet de conseil McKinsey prévoit trois fois plus de travailleurs à distance et hybrides après la pandémie qu’avant.

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À quoi ressemblent vos journées de travail pour la société de développement GitLab ? Je me réveille sans réveil et je me mets au travail après ma routine matinale. Chez GitLab, je fais de la recherche sur l’avenir du travail et je gère des campagnes marketing. Et je communique beaucoup par Slack avec mes collègues. Quelles sont les compétences nécessaires pour bien travailler à distance ? L’une de nos devises, c’est que quoi qu’on nous dise, il ne faut pas le prendre personnellement (technique short toes). L’empathie et la bienveillance comptent beaucoup, ainsi que la communication expli-

cite : quand on travaille de manière asynchrone, il faut bien expliquer le contexte pour s’assurer d’être compris. Votre manuel de 3 000 pages est disponible sur Internet. Vos nouveaux employés doivent-ils le lire en entier ? (Rires) Non. Mais il nous aide tous à être plus efficaces dans notre travail. On peut y trouver toutes les informations dont on a besoin. On s’envoie aussi des liens entre nous quand on y trouve des choses utiles. Comment renforcez-­ vous vos relations sociales ? Vous voyez-vous parfois en personne ? Rien ne peut remplacer les rencontres en chair et en os. Avant la pandémie, nous faisions chaque année une grande retraite internationale en équipe appelée Contribute, avec des ateliers et des séances de team building. Quand on se connaît en personne, c’est beaucoup plus facile de collaborer de manière virtuelle ensuite. Mais on organise aussi régulièrement des événements virtuels – et parfois même des soirées avec un DJ.

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3. LA FIN DU STRESS AU TRAVAIL Pour parer au stress numérique : adapter les phases de travail au fonctionnement du cerveau.

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KNUT WÖRNER

a numérisation pourrait simplifier le nouveau monde du travail. Mais en même temps, la charge de travail et l’impression subjective de stress s’amplifient. La faute aux interruptions. Selon une étude de l’Université de Californie, nous sommes interrompus toutes les onze minutes : par des mails, des messages sur WhatsApp ou sur Slack, des ­réunions en ligne ou encore des appels de clients. Le hic, c’est qu’il faut 23 minutes pour se remettre dans le bain. Notre cerveau fonctionne en mode interruption permanente, et on a l’impression de perdre le contrôle.

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« Pour compenser, on mise sur le multitasking », explique la conseillère en organisation Vera Starker, qui propose des solutions pour une meilleure concentration en entreprise avec The Focused Company. Mais il y a des répercussions négatives sur la qualité du travail. La solution pour Vera Starker, c’est le Deep Work, c’est-à-dire des phases de concentration sans interruption, comme présenté dans le livre du même nom de Cal Newport. Les entreprises auraient tout intérêt à adapter les processus de travail au fonctionnement de l’être humain : « Notamment en respectant le rythme biologique ou les variations de la capacité de concentration tout au long de la journée. » Cela permettrait une bien meilleure productivité sur un temps de travail plus court – tout en augmentant la satisfaction. Le New Work doit donc être adapté au fonctionnement de l’être humain – sinon, ce sera un coup d’épée dans l’eau.

Pionnier : Daniel Hanke À 10 heures, le calme et la concentration règnent au bureau.

Dans l’agence allemande Klenk & Hoursch, les employés travaillent dans le respect du fonctionnement de leur cerveau et de leur rythme biologique. Tous les jours, de dix heures à midi, le silence s’installe. Pas de distractions, pas d’appels, pas de réunions – même avec les clients. Ce créneau horaire est calqué sur l’horloge interne de la plupart des employés : c’est à ce moment de la journée que la capacité de concentration est la plus élevée. « Les employés en font plus en moins de temps, ils sont plus efficaces et plus satisfaits », déclare le PDG Daniel Hanke.

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4. LA FIN DES CLASSES SALARIALES

Quelle est la valeur du travail s’il n’y a plus personne pour superviser ? Le New Work impose un nouveau système de quantification des perfs et des salaires.

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epuis l’introduction de la semaine de 40 heures, la journée de 9 à 17 heures est considéré comme un standard pour les emplois salariés : on travaille aux horaires prévus et on est payé selon les termes de son contrat. Ce qui compte, ce sont les performances individuelles et c’est la direction qui décide des augmentations. La question de qui gagne combien est taboue. Il faut gravir les échelons pour obtenir un salaire plus élevé avec plus de responsabilités. Mais si c’est le travail d’équipe qui compte, que les fonctions de direction sont supprimées et les responsabilités réparties entre un grand nombre de ­personnes, les différences de salaire sontelles justifiées ? Si les employés assument des fonctions et des tâches très variées, selon quelles conventions collectives

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faut-il les rémunérer ? Quelle est la valeur de la contribution de chacun ? Qu’est-ce qu’une rémunération équitable ? Et qui en décide ? Dans leur livre New Pay, les auteurs Sven Franke, Nadine Nobile et Stefanie Hornung décrivent les modèles de rémunération alternatifs proposés par des entreprises ayant adopté le New Work : avec des hiérarchies horizontales, des équipes autonomes et une large participation aux décisions. Dans la réalité, il existe de nombreux cas de figure : certains prônent un salaire unique pour tous, d’autres une rémunération à la carte pour chacun. D’autres encore proposent des semaines de trente heures ou de quatre jours, avec un salaire à taux plein. La trajectoire semble être la bonne, car diverses études le montrent : un investissement sur la durée ne s’achète pas avec de l’argent. INNOVATOR


Trente heures, c’est suffisant L’agence eMagnetix attire les candidats avec des semaines de trente heures et de quatre jours payées à taux plein. L’agence de marketing eMagnetix en Autriche avait un problème : « Nous n’avions souvent qu’une dizaine de candidats pour un poste vacant », raconte le PDG Klaus Hochreiter. Afin de rendre son entreprise plus attractive aux yeux des jeunes diplômés, à l’automne 2018, il a introduit la semaine de 30 heures. « Nous avons dû rassurer certains clients, mais la plupart ont bien réagi car la qualité de notre travail s’est améliorée. Nous avons organisé nos activités et nos réunions de manière plus efficace. » Les employés peuvent opter pour la semaine de 4 jours : les heures peuvent être réparties chaque semaine sur quatre ou cinq jours, les employés peuvent ainsi décider de ne pas travailler le lundi ou le vendredi. Un numéro d’urgence est à la disposition des clients. INNOVATOR

Enveloppe ­salariale

Un salaire unique pour tous

Dans l’agence ­Wigwam, les employés émettent des souhaits quant à leur salaire… et sont exaucés !­

La start-up autrichienne ­Advertima a introduit le salaire unique – pour finalement l’abandonner.

Dans la coopérative de conseil en organisation berlinoise Wigwam, les employés peuvent choisir leur salaire. Lors des négociations salariales, ils indiquent le salaire qu’ils souhaitent percevoir. « Il n’est pas nécessaire de justifier le montant », explique Amelie Salameh, responsable de projet. Ceux qui accèdent au conseil d’administration continuent à être payés de la même manière. Pour que cela reste rentable, il y a une enveloppe salariale. Un algorithme permet une répartition proportionnelle : « Actuellement, 94 % de l’enveloppe salariale est utilisée pour les salaires. » La participation à la coopérative entretient un haut niveau de motivation chez les employés. Il n’y a pas d’exigences salariales excessives, car « alors les autres recevraient moins ». Au contraire, les écarts de salaire tendent à diminuer.

Iman Nahvi a expérimenté le salaire unique dès la création de sa start-up Advertima en 2016. Les fondateurs gagnaient tous la même chose. « Nous voulions la même chose pour nos employés ». Une nouvelle bien accueillie par le personnel, jeune à l’époque : « C’était plus équitable, nous avions tous suivi des formations similaires », explique Nahvi. Jusqu’à ce que la croissance les incite à embaucher des seniors expérimentés : « Face à nos concurrents Facebook et Google, nous ne pouvions pas rivaliser avec le salaire unique. ». En 2018, les employés ont été répartis dans des grilles salariales en ligne avec le marché. Il n’y a eu aucune réduction de salaire : « La transition s’est faite sans heurt. »

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5. LA FIN DE LA DOUBLE VIE

D’abord le travail, ensuite le plaisir ? À l’avenir, on cumulera les deux : dans la société de la connaissance, travail et loisirs se confondent.

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l y a quelques années encore, on parlait de “work-life balance”. En journée, on faisait son travail – avec plus ou moins d’entrain – et on attendait le soir ou le week-end pour profiter de la vie. Dans les emplois liés au savoir et à la créativité, la numérisation et surtout le télétravail dû à la pandémie ont changé la donne. Travail et vie privée se confondent désormais dans le work-life blending : on s’occupe des tâches ménagères et de garder les enfants entre deux planifications de projet et deux réunions et on tape ses rapports le soir. Rares sont ceux qui échappent à la tentation du always on en télétravail. Difficile de déconnecter en soirée, à cela s’ajoutent la fatigue des réunions Zoom et les maux de dos, surtout en l’absence d’un espace de travail dédié. Face à cette situation, de plus en plus d’espaces de coworking tout équipés voient le jour en ville et à la campagne.

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Pionnière : Theresa Steininger

Mais il est aussi possible de conjuguer harmonieusement vie et travail, comme le montrent les entreprises scandinaves. Peu adeptes des heures supplémentaires, les gens là-bas ont surtout une autre façon de voir les choses : si la performance au travail est importante, la vie privée l’est tout autant. Récupérer son enfant pendant les heures de travail, aller au yoga pour évacuer le stress ou se rendre à une fête d’anniversaire, tout le monde trouve cela normal. Le travail fait partie de la vie, la vie fait partie du travail. Le travail se confond aussi de plus en plus avec les vacances : on se fait nomade digital et on répond à ses clients depuis les plages du monde entier, ou bien on ­retrouve ses collègues pour travailler lors de courtes workations à la mer. Le logement et le travail prennent une nouvelle dimension commune en dehors du télétravail : les nomades digitaux ou les cadres étrangers expatriés cohabitent dans des appartements de coliving ou de coworking, et les hôtels misent de plus en plus sur les espaces de coworking. ­Certains vont même jusqu’à fonder un ­village avec leurs collègues de travail…

Vivre et travailler ensemble : l’entreprise viennoise Wohnwagon s’est installée à la campagne avec son personnel pour fonder un « village dans le village ».

« Nous prônons l’autosuffisance et la création de valeur à la campagne, et nous avons eu envie de vivre selon ces principes », explique Theresa Steininger. En 2018, la fondatrice de Wohnwagon n’a pas seulement transféré la production de tiny houses de Vienne à Gutenstein, à une heure de route de là, elle y a également déménagé à titre personnel – avec ses quelque 25 employés. C’est dans l’ancien Gutensteinerhof qu’ils ont installé leurs bureaux et pour certains, leurs logements. Theresa et le reste du personnel vivent à proximité. Pour une plus grande cohésion régionale, elle a fondé, avec le maire de Gutenstein, la coopérative Dorfschmiede. Au programme : séances de jardinage, cuisine et événements pour la région.

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6. LA FIN DES CHEFS DE MEUTE

Le manager control freak est une espèce rare au XXIe siècle. Le management garde son importance, mais s’exerce autrement : les leaders encouragent leurs équipes à prendre leurs propres décisions.

WOLFGANG WOLAK, GIAN PAUL LOZZA

A

u XXe siècle, c’était « le chef » qui était aux commandes : il embauchait, contrôlait et décidait – seul. Les employés exécutaient. Pour autant, les « chefs de meute » assoiffés de pouvoir à la carrière fulgurante se font rares au XXIe siècle. Sous l’impulsion de la numérisation, les hiérarchies sont plus horizontales. Désormais, il faut avoir des résultats rapidement et créer des produits innovants – faire approuver chaque décision est inefficace. Les besoins en matière de management évoluent : c’en est fini des managers, on veut des « leaders » qui encouragent leurs équipes à prendre des décisions, leur donnent de la marge de manœuvre et de l’inspiration. Le bouleversement, c’est de renoncer au contrôle et apprendre à faire confiance à ses employés et à leur donner le droit à l’erreur.

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Pionnier : Marc Stoffel Marc Stoffel a été élu PDG de manière démocratique par les employés du prestataire de services informatiques Haufe-umantis. Sept ans plus tard, le poste est supprimé, car il est devenu inutile.

Qu’est-ce qu’être chef pour vous ? Aujourd’hui, les chefs sont souvent assimilés à des couteaux suisses. Il faut être empathique, avoir du punch, atteindre des objectifs, être super bon en communication et en organisation, être proche des clients, mais aussi des employés… On prend vraiment les responsables pour des MacGyver. Selon moi, quand le management ne fonctionne pas, et

cela arrive très souvent, c’est parce que le rôle de chef n’a pas clairement été défini. Chez Haufe-umantis, nous avons décidé de repenser sans cesse ce rôle. De 2013 à 2020, chaque année, vous avez organisé l’élection du PDG. Pourquoi cela ? À ce moment-là, umantis connaissait une forte croissance et l’objectif était de passer de start-up à scale-up, c’est-à-dire de la phase innovante à la phase opérationnelle. C’est le PDG de l’époque qui a eu cette idée et il s’est dit que je serais le meilleur choix. Avec un management temporaire, il y a moins d’ego et moins de pouvoir qui entrent en jeu, et le management devient une prestation de service. Mais d’un point de vue culturel, cela a été un énorme bouleversement. Pour nous, discuter du rôle du chef était plus tabou que de parler de sexe ou de politique. Et je présume que c’est tout aussi difficile au-

jourd’hui que cela l’était il y a dix ans. Je pense que le ­management temporaire est la voie à suivre, mais c’est un terrain miné. Les chefs de meute ontils fait leur temps ? On n’a plus besoin de managers tout-­ puissants. Mais les structures qui optent pour le New Work ­nécessitent malgré tout un management de haut niveau, taillé sur mesure. C’est à partir de ce constat que nous avons développé notre modèle de flotte : un équipage composé de capitaines de croisière expérimentés pour le cœur du métier, de marins d’eau vive un peu fous pour les projets de type start-up et de navigateurs de compétition stratégiques qui maîtrisent parfaitement les phases de transition.

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TEXTE Mario Fuchs

RACHEL BÜHLMANN

LA RÈGLE DE QUATRE

Les quatre collaborateurs de l’agence de création suisse Büro a+o ne travaillent que du lundi au jeudi, sans baisse de salaire. Cela mènet-il à davantage de satisfaction et de créativité au sein de l’équipe ? Vérification sur place.

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Andreas Ott, propriétaire Avant de fonder l’agence créative Büro a+o il y a treize ans, le Suisse avait étudié les arts de la communication et le design graphique. Après être devenu père en 2016, il a ­introduit la semaine de quatre jours dans son agence. INNOVATOR

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L

Le bureau où l’on ne travaille que quatre jours par semaine se dissimule derrière une discrète porte de jardin, dans la petite ville d’Aarau (canton d’Argovie). C’est dans un ancien atelier d’artistes à l’abri des grands axes que Büro a+o a élu domicile. À première vue, il s’agit d’une agence de graphisme comme les autres : des iMacs installés sur les tables de travail, des recueils de typographie sur les étagères, des croquis savamment agencés aux murs. Une particularité qui distingue cette agence des autres et, en fait, de presque toutes les entreprises du continent européen, se trouve dans la dernière ligne de la signature du courriel : « Heures d’ouverture : lundi à jeudi ». Pas des robots Andreas Ott, le propriétaire et directeur créatif de l’agence, et Aurelia Zihlmann, la directrice artistique, sont assis côte à côte. « Ça a été une décision impulsive », se souvient Andreas en racontant l’histoire qui a changé à jamais son éthique de travail. En 2016, après être devenu père, il a constaté qu’il « était agréable de passer plus de temps avec son enfant et de ne pas aller travailler tous les jours ». Le déclic s’est fait un v­ endredi, alors qu’Andreas s’occupait de son enfant, et qu’Aurelia était seule au bureau. À ce moment-là, elle était encore l’unique collaboratrice. Un client avait une question urgente, et

pour être sûre de sa réponse, Aurelia a appelé son chef sur son portable. Tous deux se sont alors dit que cette situation n’était vraiment pas idéale. Peu de temps après, à l’issue de l’entretien annuel, Andreas décide d’augmenter le salaire de sa collaboratrice qui vient de terminer ses études. L’exercice financier le lui permet. Quelques jours plus tard, ils profitent de leur pause de midi pour se rendre dans un restaurant perché dans les collines avoisinantes, et la vue dégagée sur la vallée leur ouvre de nouvelles perspectives. Il lui demande si elle serait prête à continuer à travailler au bureau pour le même salaire, mais un jour de moins chaque semaine. Andreas Ott n’avait pourtant jamais entendu le terme de semaine de quatre jours. « Je ne savais pas que c’était un concept. Je voulais juste avoir plus de temps pour vivre. » Cela fait six ans ­qu’Aurelia travaille dans l’agence. « Pour moi, le changement fut opportun. Je n’ai jamais su gérer mes phases créatives. Être assise à mon bureau et avoir des idées en appuyant sur un bouton, ce n’est pas comme ça que je fonctionne, je ne suis pas un robot », déclare-t-elle. Elle préfère aller au musée le vendredi, laisser mijoter le projet pour lequel elle est en train de concevoir une identité v­ isuelle et noter ses idées préliminaires à la maison. « Pas parce que j’ai l’impression que je dois le faire. Mais parce que je suis dans le flow. »

Le cœur de l’agence : « Dans le studio de design, nous travaillons chacun pour soi, en toute tranquillité, ou alors ensemble lors des ateliers », explique le directeur Andreas Ott.

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CE QU’EN DIT L’EXPERT

Trois questions au ­docteur Thomas Rigotti, psychologue du travail, sur la semaine de 4 jours. Les personnes qui travaillent moins sont davantage motivées. Est-ce vrai ? Des études sur la réduction du temps de travail montrent des effets positifs sur la satisfaction et la disponibilité. D’autres facteurs sont aussi importants : les tâches et les relations avec les collègues.

Janiva ­Wittmer, stratégie & conseil Elle peut utiliser son vendredi de congé pour étudier : âgée de 25 ans, elle suit en parallèle une formation en communication visuelle.

LUIS HARTL, ANDREAS OTT

« À L’ÉPOQUE, JE NE SAVAIS PAS ENCORE QUE CE CONCEPT E XISTAIT. JE VOUL AIS JUSTE AVOIR PLUS DE TEMPS POUR VIVRE. » Andreas Ott, 36 ans, directeur de l’agence

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La semaine de quatre jours a-t-elle aussi des inconvénients ? Il peut y avoir des inégalités sociales sur le marché du travail si cette option n’est offerte qu’à des sousgroupes d’un domaine professionnel. On trouve aussi des indices isolés selon lesquels, après un certain temps, il y a des effets d’accoutumance et la motivation diminue quelque peu. Dans quels secteurs est-elle judicieuse, et où est-elle plus difficile à mettre en œuvre ? Il est peu probable que la semaine de quatre jours soit appliquée à grande échelle dans un avenir proche. Dans le secteur des services en particulier, où l’interaction avec le client est primordiale, cela peut devenir rentable pour les employeurs.

THOMAS RIGOTTI (47 ANS) Professeur de psychologie du travail, de l’organisation et de l’économie à l’Université Johannes Gutenberg de Mayence (Allemagne).

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« DES HEURES SUP ? TROIS FOIS EN SIX ANS. » Aurelia Zihlmann, directrice artistique

Mélanger au lieu d’équilibrer L’idée derrière la semaine de quatre jours est simple. En travaillant un jour de moins, on a plus de temps pour autre chose. Se reposer ou trouver l’inspiration, réseauter ou se perfectionner, se libérer l’esprit pour laisser la place à la créativité. Résultat : une intégration de la vie pro et privée plutôt qu’un exercice d’équilibre entre les deux. Dans la théorie de la sociologie, la frontière entre le travail d’un côté et le plaisir de l’autre s’estompe. Les champs s’imbriquent l’un dans l’autre et il en résulte une plus grande satisfaction personnelle, une meilleure santé et une créativité accrue. Dans la pratique, chez Büro a+o, cela signifie que le jeudi, à partir de 16 heures, le travail s’arrête, et le week-end commence. Roberta Nembrini, la graphiste de 26 ans, va à la fac le vendredi pour étudier le design d’interaction. Parallèlement, elle s’occupe de la communication visuelle pour une association locale et fait partie du comité directeur d’un magasin de produits sans emballage. « Tout cela serait bien moins gérable si je n’avais pas cette journée. Bien sûr, c’est aussi du travail, mais j’y puise énormément d’énergie. » L’ancienne stagiaire Janiva Wittmer, 25 ans, est la seule employée à temps partiel avec un taux de présence de 20 %. Elle est encore inscrite à l’uni et est donc, comme Roberta, très heureuse de pouvoir compter sur une journée fixe, le vendredi, où personne n’a besoin d’elle pour des raisons professionnelles. Toutes deux ont fait des envieux autour d’elles. Andreas Ott considère le passage à la semaine de quatre jours comme un succès. L’équipe est plus dynamique, les idées sont meilleures. Et il existe 44

L’équipe se retrouve sur la terrasse pour déjeuner par beau temps, et le jeudi, après le travail, on y sert la « bière de quatre heures ». INNOVATOR


RACHEL BÜHLMANN, LUIS HARTL

un ­attachement plus profond à l’entreprise. La seule collaboratrice qui a quitté l’équipe au cours de ces six années l’a fait parce qu’elle a rejoint l’entreprise de ses parents afin de s’occuper du plan de relève.

Aurelia Zihlmann, directrice artistique Cette jeune femme de 31 ans travaille depuis six ans pour Büro a+o et est responsable des illustrations et des ­animations.

Optimisation et rapidité d’exécution Mais moins d’heures de travail signifie aussi moins de temps de présence. Est-ce que cela entraîne plus d’heures supplémentaires ? Aurelia : « J’en ai fait très exactement trois fois en six ans. » Des problèmes pour la clientèle qui s’attend à une disponibilité totale ? « Au contraire. Tout le monde a tout de suite accepté. Et certains ont même commencé à l’introduire chez eux aussi », poursuit Andreas en souriant, mi-fier, mi-incrédule, comme si cela lui semblait trop facile. Trop peu de temps pour réfléchir à fond aux décisions importantes en matière de design ? Oui, il y a eu des doutes et des ratés au début. Mais il s’est vite avéré que la restriction, loin de paralyser, provoquait les résultats : « Dorénavant, nous nous faisons confiance et prenons les décisions plus rapidement. » Chaque semaine, des objectifs concrets sont fixés le lundi matin. Le lundi et le mardi constituent le bloc 1, le mercredi et le jeudi le bloc 2. Entre les deux, une

mise à jour de l’état d’avancement avec toute l’équipe et les freelances impliqués. À la fin du bloc 2, les objectifs doivent être atteints. Ensuite, c’est le week-end. Andreas Ott émet tout de même une réserve : « La question de savoir si ce modèle pourrait fonctionner dans la grande imprimerie où je travaillais auparavant est légitime. » Pour les employés de bureau, peut-être. Pour ceux qui travaillent en équipe sur la presse d’imprimerie, difficilement. Son but n’est donc pas de faire du prosélytisme. Sa recommandation est de s’interroger : « Dans quel but ? » Concrètement : ne pas reproduire bêtement ce qui se fait chez le voisin, mais se poser les bonnes questions. Pourquoi le travail signifie-t-il quelque chose pour moi, pourquoi l’argent, pourquoi du temps libre. Et d’en tirer ensuite des conclusions. « Il faut vivre ce que l’on veut réaliser. » Pour lui, la meilleure confirmation est donc que, dans le sillage du modèle des quatre jours, la clientèle évolue lentement comme, récemment, une entreprise qui veut verdir les lieux de travail de manière écologique et une autre qui construit des pistes cyclables respectueuses de l’environnement. Ensuite, il faut se remettre au travail. Car dans trois jours et demi, c’est déjà le week-end.

Roberta Nembrini, graphiste Aujourd’hui âgée de 26 ans, Roberta a rejoint l’équipe il y a deux ans en tant que graphiste ­numérique. INNOVATOR

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HOME, SMART HOME

SALON

TÉLÉVISION ­ ARTISTIQUE « Nous n’avons pas la télé » est une phrase que l’on entend souvent dans les milieux bourgeois cultivés. Sous-entendu : nous n’allons tout de même pas défigurer nos murs vintage avec d’horribles téléviseurs à écran plat ; nous préférons les orner de tableaux. Mais achetez The Frame de Samsung et accroche-le au mur, et les collectionneurs d’art et les fans de design vous applaudiront. L’appareil est à la fois un téléviseur 4K QLED et un cadre photo numérique haut de gamme. Ainsi, lorsque l’on ne regarde pas de films, de séries ou les actualités, The Frame entre en mode veille appelé

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TEXTE Marc Baumann

« Art Mode » et se transforme en cadre photo. On peut alors choisir parmi 1 400 tableaux (qui ont vraiment l’air de peintures encadrées) ou alors présenter ses propres photos. Grâce à des capteurs intelligents de luminosité et de mouvement, The Frame transforme votre salon en l’un de vos musées favoris. La couleur du cadre peut également être modifiée en un clin d’œil grâce à des supports magnétiques. The Frame, Samsung, à partir de 1 299 CHF

Les demeures sont aussi uniques que ceux qui y habitent. Voici des gadgets intelligents qui vous permettront d’apporter une touche innovante à votre logis, que ce soit en termes de design, de durabilité ou de confort.

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BUREAU

SAMSUNG, OASE.COM

TERRARIUM ­I NTELLIGENT

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Il est bien connu qu’une excursion dans la nature améliore notre santé, mais des études récentes ont démontré que des photos ou des images d’arbres améliorent aussi notre bien-être. Quel bienfait pourrait donc nous apporter un terrarium biOrb AIR aussi élégant ? Celui de cultiver de petites plantes tropicales chez soi ou dans son bureau. Le terrarium

de 60 centimètres de haut permet aux plantes de s’épanouir même dans des pièces faiblement éclairées ou au cœur de l’hiver. Le biOrb doit son pouce vert à un ensemble technique intelligent : un évaporateur avec réservoir intégré régule l’humidité de l’air, un système d’aération filtre l’air et un éclairage LED simule la progression naturelle du soleil. D’ailleurs, les

bonsaïs poussent très bien dans le biOrb et on connaît leurs effets positifs, même sans science, grâce à la série de films Karaté Kid. biOrb AIR, Oase, env. 430 CHF

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AU TRAVAIL

COMPTEUR DE CO 2 MALIN Nous n’avions pas besoin d’une pandémie mondiale pour que les bienfaits de l’aération soient démontrés. Ces statistiques auraient suffi : un air ambiant de mauvaise qualité réduit la capacité de concentration jusqu’à 70 % et augmente les absences pour raisons de santé de plus de 50 %. Le risque

d’une contamination Covid par des aérosols peut être sensiblement réduit en ouvrant les fenêtres. C’est pourquoi il ne faut pas laisser son instinct décider de la bonne aération ou attendre que quelqu’un entre dans la pièce pour lâcher : « Ouf, ouvre donc la fenêtre ! » L’Airica, fabriqué en Suisse, mesure facilement et sans entretien le taux de CO2 , la température, l’humidité, la pression atmosphérique, les substances organiques volatiles, les particules

fines et peut même indiquer, dans les immeubles à bureaux, les pièces les plus utilisées et à quelle fréquence. Il n’est pas nécessaire de disposer d’un raccordement électrique ni d’une connexion Wifi, les données peuvent être envoyées numériquement vers un calendrier Slack par exemple. Ou alors l’Airica lui-même donne l’alerte en cas de mauvaise qualité de l’air. Indoor Air Quality ­Solution, Airica, à partir de 269 CHF

CUISINE

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Il faut être un très, très grand ami de la nature pour aimer les mouches à fruits. Et même si c’est le cas, on préfère ne pas les voir s’introduire en masse dans sa cuisine. C’est pourtant ce qui peut arriver lorsque les déchets biologiques atterrissent dans les poubelles classiques en été. Et on ne parle pas de

l’odeur dans l’appartement. C’est pourquoi des développeurs suisses ont eu l’idée du Freezyboy. Leur astuce : si l’on ne veut pas de mouches à fruits, il faut un hiver perpétuel. Tous les déchets alimentaires sont refroidis dans le récipient à − 5 °C. Le processus de putréfaction ou de décomposition, y compris pour les restes de poisson et de viande, est ainsi stoppé, au besoin pendant des semaines.

Le Freezyboy s’intègre dans les systèmes de tri des déchets courants ou peut être installé individuellement, ce qui lui donne davantage l’aspect d’un gadget technique que d’une poubelle traditionnelle.

AIRICA.COM, FREEZYBOY.COM, NANOLEAF.ME

POUBELLE ­G LACÉE

Freezyboy, à partir de 1 090 CHF

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CHAMBRE À COUCHER

ÉCLAIRAGE STYLÉ

Il y a des designeurs que l’on aimerait célébrer, par gratitude. Parce qu’ils ont créé quelque chose d’aussi beau que les Nanoleaf Elements. Sept petits panneaux lumineux hexagonaux

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à l’aspect bois que l’on peut déjà apprécier éteints mais qui révèlent toute leur élégance une fois allumés. Les Nanoleafs sont collés au mur et l’on décide soi-même si l’on veut un grand nid d’abeilles rond ou une ligne en zigzag. Les Nanoleafs sont avant tout des lampes, donc des diffuseurs de lumière, mais elles contribuent en même temps à l’atmosphère des pièces,

des tons d’éclairage chauds aux tons froids, que l’on peut commander par une application ou par simple contact. Il est même possible de personnaliser des séquences lumineuses. Kit de démarrage Hexagon, Nanoleaf Elements, env. 240 CHF

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SALLE DE BAIN

SE DOUCHER MALIN C’est dans les détails que l’on reconnaît l’intelligence d’un appareil : le pommeau de douche numérique d’Amphiro fonctionne sans alimentation électrique externe, car il tire l’énergie nécessaire du flux de l’eau à l’aide d’une minuscule turbine. Économiser les ressources et ainsi préserver l’environnement est une priorité pour Amphiro : sa douche numérique affiche non seulement la température exacte de l’eau mais aussi votre consommation en eau chaude,

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les deux en temps réel, grâce à une LED colorée. Et comme les données peuvent être envoyées sur votre smartphone via une appli, ce pommeau de douche intelligent permet de réduire de manière ciblée votre consommation d’eau et d’énergie. Des études ont démontré que le retour d’informations en temps réel sur sa propre consommation aide à être plus économe. Et grâce à l’écran LC avec des petites animations d’ours polaires, l’économie d’énergie prend même un caractère ludique pour les plus jeunes usagers. Pommeau de douche ­numérique, Amphiro, 129 CHF INNOVATOR


ENTRÉE

LA SERRURE ­S ILENCIEUSE Êtes-vous déjà arrivé chez vous, les bras chargés de sacs, pour ensuite essayer de sortir la clé de la poche arrière de votre pantalon afin d’ouvrir la porte ? Cela se termine le plus souvent par des œufs cassés ou des oranges qui roulent au sol. Ou alors on se procure un Smart Lock 3.0 Pro de Nuki. La serrure de porte électronique ne nous sauve pas seulement des maladresses, elle nous aide aussi à remédier aux oublis et nous permet

d’économiser beaucoup d’argent car il n’est plus nécessaire d’appeler un serrurier. La famille ou les colocs peuvent ouvrir la porte numériquement à distance. La dernière version de Nuki 3.0 Pro peut ouvrir ou fermer la porte sans contact par localisation du téléphone portable et est encore plus silencieuse. On peut aussi attribuer des autorisations d’accès limitées dans le temps aux visiteurs. Autre détail intelligent : le montage sur la serrure de porte existante ne prend que trois minutes, sans perçage. Smart Lock 3.0 Pro, Nuki, env. 200 CHF

intègre tout cela, et bien plus encore. Le réfrigérateur peut commander toute la maison sur un affichage de grande dimension : ouvrir les portes d’entrée, allumer les lumières, diffuser de la musique. Mais il est aussi fort dans ses domaines de prédilection : des caméras filment l’intérieur et montrent ce qu’il reste ou ce qu’il manque comme aliments. Et le fait qu’il puisse afficher des recettes sur vidéo n’étonnera personne. Il ne vous reste plus guère qu’à mastiquer. Pour l’instant. XX AMPHIRO.COM, EDITOR NUKI.IO, ILLUSTRATOR SAMSUNG.COM

CUISINE

L’ASSITANT COOL INNOVATOR

Autrefois, le fait de parler à son réfrigérateur était un symptôme de quelque chose qui ne tournait pas rond. Il y a quelques années encore, des commentaires du style : « mon frigo m’a appris à cuisiner », « je vais voir dans le frigo quel temps

il fera demain » ou même « on sonne à la porte d’entrée… va donc ouvrir le frigo » se seraient soldés par une visite chez le psy. Mais nous vivons à l’ère de la maison intelligente et des assistants vocaux. Le réfrigérateur Family Hub de Samsung

Réfrigérateur Family Hub, Samsung, à partir de 2 897 CHF

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CHAMBRE

UNE LUMIÈRE QUI VOUS AIDE Si vous avez déjà marché pieds nus dans l’obscurité sur une brique Lego de vos enfants, si vous avez trébuché sur votre chien endormi ou grossièrement sous-estimé la distance entre votre tête et le cadre de la porte, vous avez tout ce qu’il faut pour devenir un grand fan du YourLED Night Comfort Set de Paulmann, avec détecteur de mouvement. Car on peut le fixer discrètement sous le lit. Et lorsqu’on se réveille au milieu de la nuit, il n’est plus né-

cessaire d’appuyer sur l’interrupteur, de vous éblouir et de déranger votre compagnon de lit. On retrouve le droit chemin grâce à un éclairage au sol délicatement dosé et on conserve en outre sa fatigue pour se rendormir rapidement. C’est vous qui décidez : la version la plus avantageuse, à moins de trente

francs, ou alors la combinaison détecteur de mouvement et bandes YourLED un peu plus colorées, sachant qu’en cas d’effets lumineux disco trop créatifs, il vous faudra avertir au préalable vos compagnons de chambrée. YourLED, Paulmann, 28,95 CHF

SALON

MÉDIATEUR INTELLIGENT Il faut être prudent avec les évaluations sur Internet, on y lit beaucoup de bêtises. Mais dans certains cas, des acheteurs parviennent à mieux décrire un produit en deux phrases que les services marketing dans des brochures entières. Un certain Carsten Z. a écrit à propos du Chromecast de Google : « J’ai un téléviseur de sept ans qui se trouve dans la chambre à coucher et qui est très loin d’être une Smart TV. La solution, c’est Chromecast et voilà que la vieille télé devient une

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Smart TV, tout est très simple. » C’est vrai ! Le Chromecast transmet en effet sur le grand écran de la télévision les films, les séries ou tout ce qui est affiché sur le petit écran du smartphone, de l’ordinateur portable, de la tablette. Ainsi, si vous en avez assez de voir des chefs-d’œuvre cinématographiques ­oscarisés pour la meilleure photo sur un écran de téléphone portable de la taille d’un paquet de cigarettes, vous obtiendrez ici beaucoup de surface pour peu d’argent. Chromecast, Google, 39 CHF

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CUISINE

PAULMANN.COM, GOOGLE.COM/CHROMECAST

MINI-POTAGER AUTONOME

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Que le basilic doit donc nous détester ! Tous ces pots desséchés, ces pousses rabougries au point d’en être méconnaissables, végétant tristement dans nos cuisines. Parce qu’il n’a pas été assez arrosé, ou trop, ou qu’on l’a complètement oublié. De toute façon, il y a toujours quelque chose qui cloche entre les herbes

aromatiques et nous. Mais le salut est proche : le Smart Garden 3 fait pousser les herbes, les fruits et les légumes presque tout seul, toute l’année. Le mini-jardin rappelle une machine à café bien connue : des capsules végétales dégradables contenant des graines et des nutriments sont utilisées. Le Smart Garden se charge

ensuite de l’arrosage et de la lumière parfaitement calibrés et automatisés. Le kit de démarrage est livré avec trois capsules de basilic ; il y a en outre plus de 75 variétés de plantes au choix, et on peut aussi essayer ses propres variétés. Smart Garden 3, Click & Grow, env. 145 CHF

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DAN CERMAK

SIX RAISONS DE CROIRE EN L’AVENIR

SIMON SCHREYER

Des idées de génie pour simplifier la vie : ces startups suisses nous redonnent foi en ce qui nous attend.

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Des formations gratuites et de qualité en machine learning ? Le projet 10million.AI de Global AI Hub vise à démocratiser l’accès au monde fascinant de l’intelligence artificielle, comme le dit Elena Kessler, sa responsable commerciale en Suisse.

« Nous voulons former les gens en intelligence artificielle, partout dans le monde. » Elena Kessler, Global AI Hub


« Le projet 10million. AI de Global AI Hub est une communauté ouverte à toutes celles et ceux qui s’intéressent à la technologie et à l’IA. » Elena Kessler, de Global AI Hub, lors d’une rencontre à Zurich.

Transfert de connaissances Global AI Hub permet une diffusion des connaissances partout, même dans les régions les plus pauvres.


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GLOBAL AI HUB DÉMOCRATISER LE SAVOIR

DAN CERMAK

La start-up Global AI Hub a fondé le projet 10million. AI en 2020 afin de créer une plateforme d’avenir pour l’enseignement de l’IA et ainsi proposer une plateforme gratuite d’enseignement en ligne, accessible partout dans le monde et exclusivement consacrée aux domaines de l’intelligence artificielle (IA), du machine learning (ML) et du deep learning (DL). Elena Kessler, directrice commerciale pour la Suisse : « Nous sommes une communauté ouverte à toutes celles et ceux qui s’intéressent à la technologie et à l’IA. Aujourd’hui, 100 000 étudiants et étudiantes ont accès, via notre plateforme mondiale, à des conférences et des cours en ligne ainsi qu’à des manuels et divers documents. On y trouve aussi de nombreuses offres d’emploi et des infos sur les projets ou les entreprises qui nous soutiennent. Quand on encourage l’émergence des talents, tout le monde y gagne. » Concrètement, ça marche comment ? Imaginons que vous soyez fan de films comme Blade Runner, Her

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et Ex Machina, que vous vous intéressiez à la robotique et à l’IA sans trop savoir où aller pour en apprendre plus ou y faire carrière. L’initiative 10million.AI sert justement à vous aider à définir un plan de carrière ou à vous informer sur les matières optionnelles proposées dans ce domaine. Elena Kessler : « Dans ces cas-là, nous conseillons généralement de suivre d’abord notre premier cours de 3 heures Introduction to AI, Robotics & Data. On peut le regarder quand on veut, en plusieurs fois. Nos vidéos d’apprentissage sont très divertissantes et présentent de nombreux exemples pratiques. »

Nous pro­ posons un enseigne­ ment à ­distance sur l’intelligence artificielle. Gratuite­ ment.

Les cours, qui sont actuellement proposés en anglais et en allemand, peuvent faire l’objet d’un examen et d’une certification reconnue au niveau international. Parmi les cours proposés par Global AI Hub : l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé, l’hyperautomatisation, les réseaux neuronaux et leur influence sur le DL, les technologies des réseaux sociaux – et bien d’autres. Co-initiatrice du projet, la AI Business School soutient cette initiative 10million.AI financièrement et en mettant le contenu de ses cours à disposition. Le siège est en Suisse, à Freienbach dans le canton de Schwytz, avec une succursale à Istanbul, en Turquie – où le projet 10million.AI a été lancé pour la première fois grâce au réseau de Global AI Hub. Global AI Hub met aussi un point d’honneur à favoriser le transfert de connaissances en direction des pays en voie de développement et des femmes. Pour illustrer la portée du projet, Elena Kessler aime citer un exemple particulièrement touchant : « La plupart de nos participants ont entre 20 et 30 ans, mais pour notre cours d’introduction au langage de programmation Python, l’an dernier, nous avons eu droit à trois générations d’une même famille, qui nous suivait depuis l’Inde : la grandmère, le père et la fille. » Un exemple appelé, on l’espère, à se ­reproduire. globalaihub.com

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Obit aut inctibus, veligniet et pratatia volorio dolecto repraes aut lis is explabo. Et acipite cturept atumenest, volorepudic

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CHIMPY POWERBANK À LOUER Cela nous est tous arrivé : se retrouver en rade avec un portable qui affiche 2 % de batterie. Une situation un peu frustrante quand on a envie de photographier un coucher de soleil, pénible si l’on doit montrer son pass sanitaire, voire franchement problématique si l’on est paumé au milieu de nulle part et que l’on doit passer un appel d’urgence. Pour parer à ce genre de situations, Chimpy propose des batteries externes à louer pour quelques francs et disponibles dans plus de 1 500 endroits en Europe. Contre une caution de 15 CHF et un prix de lo58

Andreas Braendle, PDG de la start-up et cofondateur.

Mirko Hofmann est l’un des fondateurs de cette start-up en pleine expansion.

Clement Obiegbu, responsable créatif de la marque.

cation de 4 CHF, on repart avec sa powerbank solaire et les câbles de recharge pour chaque type de portable. Les batteries de cette start-up ­zurichoise, qui veut promouvoir l’économie verte et circulaire, sont rechargeables à l’énergie solaire – autrement dit : un million de batteries louées, c’est quatre tonnes de CO² économisées. Malin, propre et pratique !

Les batteries qu’on peut louer partout en Suisse de la startup zurichoise Chimpy se rechargent entièrement à l’énergie solaire.

heychimpy.com

INNOVATOR


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Savourer une boisson chaude et faire une bonne action : Torge Barkholtz est cofondateur de Kooky, le premier système numérique de réutilisation avec borne de consigne.

PASCALE WEBER PHOTOGRAPHY

KOOKY CUPS JETER, SCANNER, RÉUTILISER Chaque jour, près de 1,6 milliard de gobelets jetables finissent à la poubelle : un gaspillage qui correspond, en volume, à la taille moyenne d’une des îles qui forment la lagune de Venise, et en énergie, à la consommation électrique de Las Vegas pendant 75 jours. Flippant, non ? Et tout ça parce que nous ne pouvons pas renoncer au luxe d’un coffee-to-go ! Torge Barkholtz et Max Zott, cofondateurs de Kooky, ont voulu trouver une alternative durable à cette mauvaise habitude : « Nos gobelets peuvent être lavés et réutilisés 500 fois. Nous projetons d’introduire des matériaux sans pétrole pour élargir notre portfolio, au-delà du cadre du coffee-to-go. Après consommation, on scanne le code QR et la valeur du gobelet(1 CHF) est reversée sur le compte de l’appli. » La start-up suisse s’est donc assurée que les consommateurs puissent rendre leurs gobelets assez facilement : on trouve des Kooky-Box dans de nombreux cafés et bars du pays, pour qui le concept devient rentable dès le 15e gobelet vendu – faisant baisser, du même coup, le coût et le v­ olume des déchets. kooky2go.com

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« Nos gobelets sont très résistants et peuvent être lavés et réutilisés 500 fois. » Torge Barkholtz, cofondateur de Kooky.

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SEDIMENTUM UN ANGE GARDIEN SI DISCRET

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LIIVA LA PROPTECH AU SERVICE DE L’IMMOBILIER Les propriétaires de biens immobiliers sont confrontés à toutes sortes de problèmes quand il s’agit de vendre, de financer, de rénover ou d’acheter un logement, mais aussi d’y vivre au quotidien. Une plateforme, née d’un partenariat entre la société d’assurance La Mobilière et la banque Raiffeisen, propose une multitude de services 60

pour répondre aux questions les plus diverses : dans quel état se trouve ma maison ? Où se situe son taux d’émissions et comment le réduire ? Où améliorer l’isolation thermique et quels artisans puisje contacter pour le faire ? ­Autant de paramètres calculés, captés et conservés dans des dossiers numériques, le tout gratuitement. Mieux encore : Liiva propose des services pour rendre son habitat plus écolo et pour trouver la maison de ses rêves. Les données restent confidentielles et sont stockées en Suisse.

Chaque année, on enregistre 16,4 millions de chutes plus ou moins graves dans le monde, survenues à domicile, ou en maison de retraite ou de soin. Bien qu’une partie des personnes âgées disposent d’un système d’appel d’urgence, souvent, elles ne peuvent pas l’activer suite à une perte de connaissance ou une immobilisation accidentelle. La situation peut tourner au drame. Comment faire, alors, pour veiller sur ces personnes vulnérables sans les surveiller constamment, et sans qu’elles aient besoin d’activer un système ni de porter un appareil sur elles ? Sedimentum apporte une solution aussi discrète qu’efficace, grâce à un d ­ étecteur de mouvements fixé au plafond, qui peut, grâce à des capteurs intelligents, différencier une séance de gym d’une chute. En cas de problème suspecté, un système d’alarme s’enclenche automatiquement via une appli pour alerter une aide extérieure. Sans micro ni caméra ni contact, Sedimentum veille discrètement sur l’activité de la personne. La start-up suisse à l’origine du produit a été récompensée par de nombreux prix, dont ceux de la Tech Data Suisse et de la Haute École de Lucerne !

liiva.ch

sedimentum.com

Ils sont jeunes, dynamiques et représentent le secteur immobilier du futur : (de gauche à droite) Phil Lojacono, PDG de Liiva ; le directeur technique Benedikt Unold ; le directeur commercial Matthias Kern ; la vice présidente senior du marketing et de la communication Nathalie Saidj.

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L’appareil se monte au plafond, comme un détecteur de ­fumée : il fait la différence entre une séance de gym, des petits-enfants en train de jouer, les agiles déplacements d’un chat et une véritable chute.

Un détecteur de chutes qui ­analyse les mouvements grâce à l’intelligence artificielle et alerte en cas de problème.

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L’équipe autour de ­Sedimentum, invention suisse : (de gauche à droite) Arthur H ­ abicht, directeur technique ; Sandro Cilurzo, cofondateur et PDG ; Eugénie Nicoud, cofondatrice et directrice des opérations.

« Que l’on soit jeune, vieux, malade, en bonne santé, autonome ou ­dépendant, tout le monde devrait ­pouvoir se sentir protégé et en sécurité dans son lieu de vie. » Eugenie Nicoud, cofondatrice de Sedimentum

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KITRO UNE IA CONTRE LE GASPILLAGE Pendant leurs études à l’École hôtelière de Lausanne, Naomi MacKenzie et Anastasia Hofmann ont été choquées par la quantité de nourriture qui finissait chaque jour à la poubelle. C’est pour apporter leur solution au gaspillage alimentaire dans l’industrie hôtelière et gastronomique que les deux jeunes femmes créent, en 2017, Kitro, une technologie d’imagerie de pointe basée sur l’intelligence artificielle. Kitro s’installe sur n’importe quelle poubelle pour peser, photographier, mesurer et analyser la quantité et le contenu détaillé des déchets alimentaires. Avec les données collectées, il ­indique à son client ce qui est gaspillé et comment optimiser ses achats de nourriture. Pratique et très résistant, il supporte les environnements mouvementés des grandes cuisines de restaurants et a déjà convaincu de nombreux professionnels du secteur, comme Dörte Bachmann, responsable du développement durable pour le groupe d’hôtellerie-restauration SV Group : « Kitro est simple à utiliser et nous a permis, en trois mois, de réduire de 34 % le gaspillage alimentaire dans nos restaurants. » kitro.ch

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Grâce à une balance et à l’intelligence artificielle, Kitro met en évidence les possibilités d’économies. Les données peuvent être consultées en temps réel.

Les chantres suisses de la lutte anti-gaspi dans la restauration : Anastasia Hofmann et Naomi MacKenzie, cofondatrices de Kitro.

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DES AIIILES POUR L’ÉTÉ.

AU GOÛT D’ABRICOT-FRAISE.

U A E V U O N

STIMULE LE CORPS ET L‘ESPRIT.


Créativité

BIENHEUREUX LES VIFS D’ESPRIT La créativité n’est pas un talent, mais une faculté qui s’entraîne. Voici dix ­exercices pour décupler son plaisir de penser.

TINA SEELIG (64 ANS) L’auteure américaine est aussi directrice du département ­d’ingénierie de l’université de Stanford, en Californie.

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Vous fixez votre feuille blanche, perplexe, alors que dans la pièce, les idées fusent entre vos collègues. Classique. Mais pas de quoi perdre pied. Rassurez-vous : la créativité n’est pas un talent détenu par certains élus depuis la naissance, mais une aptitude qui s’apprend. Au même titre que les maths ou la pratique d’un instrument. Chacun d’entre nous peut s’entraîner et s’améliorer à être créatif. C’est du moins le postulat de Tina Seelig. Cette professeure de l’université d’élite américaine de Stanford a enseigné l’art de la créativité à de nombreux cerveaux de la Silicon Valley, et les a aidés à avoir des éclairs de génie. Son TED Talk a été visionné plus de trois millions de fois sur Internet. Elle nous révèle ici comment trouver des solutions originales.

KATHERINE EMERY

TEXTE Maximilian Reich


EXERCICE

EXERCICE

EXERCICE

Dans un corps sain, l’esprit s’active

Sur les murs, écrire

Collection d’idées stupides

Le corps et l’esprit sont indissociables. Si, par exemple, le cœur bat plus vite que d’habitude, le cerveau l’enregistre. On est stressé, et donc bloqué dans sa créativité. En classe, je prends donc le petit-déjeuner avec mes étudiants ou nous partageons des collations, en foncion de l’horaire. Car il est difficile de se concentrer et de trouver des idées créatives quand on a faim. Une fois, j’ai même invité un professeur d’expression corporelle à faire quelques exercices de danse avec mes étudiants avant le début du cours. L’effort physique délie le corps, et donc l’esprit, et favorise ainsi la créativité.

Avant de commencer le brainstorming, il est conseillé de retirer toutes les chaises de la pièce. Les participants sont plus dynamiques et engagés lorsqu’ils se déplacent. Le nombre idéal est de six à huit personnes, mais il est important de ne pas inviter uniquement des collègues avec lesquels on s’entend bien. Dans la mesure du possible, les membres doivent avoir des points de vue différents sur le sujet. La plupart du temps, on utilise un flipchart pour noter les idées. Mais attention : dès que l’espace pour écrire se réduit, le flux d’idées s’étiole généralement aussi. Il est donc préférable de coller des affiches vierges sur tous les murs de la pièce.

Une des règles du brainstorming est qu’aucune proposition n’est condamnée. Il n’y a pas d’idées stupides. Dans cette technique, elles sont même expressément souhaitées. Lorsque l’on rassemble les bonnes idées, le résultat est souvent prévisible. Par exemple, si l’on réfléchit à l’endroit où l’on pourrait passer ses vacances, on obtient des propositions comme Hawaï, Disneyland ou une croisière. Mais si l’on rassemble des idées folles, on obtient des propositions tout à fait inhabituelles, des propositions assez absurdes. Quelle serait la pire solution possible ? Elle porte souvent en elle le germe de quelque chose qui vaut la peine d’approfondir. On aboutit alors à des idées assez originales. Autre point positif : les participants s’amusent davantage et sont plus engagés.

EXERCICE

L’art plaisant de l’inutile Encore un exercice que j’aime bien faire avec mes étudiants pour les mettre dans le bain. Il s’agit d’une notion japonaise : le chindōgu, ou « l’art d’inventer des gadgets utiles mais inutilisables » selon Wikipédia. On réfléchit à un objet, un outil (dōgu) qui pourrait être pratique s’il n’était pas complétement absurde, ridicule ou étrange (chin). Par exemple, des chaussures auxquelles sont attachés des petits parapluies pour éviter de se mouiller les pieds sous la pluie. Ces inventions ont toujours quelque chose d’amusant, de surprenant, et font rire. Le but de l’exercice est d’échauffer l’imagination au début du cours afin de créer l’effervescence.

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EXERCICE

Jouer sur les mots

DES ESCARPINS MUNIS DE MICROPARAPLUIES ? ABSURDE… MAIS PAS TANT QUE ÇA .

Cette méthode consiste à déplacer le cadre du problème afin d’obtenir un nouvel angle de vue. Pour cela, il suffit de changer un seul mot dans la question posée, et on libère ainsi des idées totalement nouvelles. Prenons un exemple. Le problème est le suivant : « Je dois préparer un repas de Noël pour mes invités. » Et si nous disions à la place : « Je dois préparer un buffet de Noël pour mes invités. » Ou un pique-nique de Noël. Automatiquement, l’esprit déploie de nouvelles perspectives. Autre idée : imaginer que les invités ont tous cinq ans, ou nonante, et réfléchir à un menu adapté.

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Créativité

LE MULTITASKING ? ON OUBLIE. UNE BONNE DOUCHE AURA DE MEILLEURS EFFE TS.

EXERCICE

EXERCICE

Un dico à la rescousse

Donner sans compter

Pendant un certain temps, je découpais les couvertures du magazine The New Yorker et en faisais des collages. C’était un projet artistique mais aussi un excellent moyen de générer de nouvelles idées en associant des choses apparemment sans rapport les unes avec les autres. En fait, toutes les grandes idées commerciales reposent sur cette méthode. Nous avons des hôtels, et nous avons des appartements. Regardez Airbnb. De quoi s’agit-il ? De l’association d’un lieu de vie familier et d’un hôtel. Au lieu de bricoler des collages, on peut aussi utiliser un dictionnaire, cela fonctionne de la même manière. Je propose l’exercice suivant à mes étudiants : choisissez un problème dans votre vie. Maintenant, cherchez à l’aveugle n’importe quel mot du dictionnaire et réfléchissez à la manière dont ce mot pourrait vous aide à résoudre votre problème. Ce mot est comme une porte qui vous conduit vers de nouvelles solutions.

J’ai fait cet exercice une fois avec des étudiants dans le cadre d’un atelier : ils devaient imaginer cent solutions à un problème, tel que « mon ou ma partenaire ronfle la nuit et m’empêche de dormir ». Chaque solution devait avoir un rapport avec la musique d’une manière ou d’une autre. Certains étudiants ont pensé que je m’étais trompée et que je voulais dire dix idées. Mais ce n’était pas le cas. L’innovation est un travail difficile. Il faut de la persévérance pour développer des idées originales. Au final, les étudiants ont réalisé que les idées les plus intéressantes et les plus originales n’apparaissaient que lorsqu’ils pensaient avoir épuisé toutes les possibilités. Par exemple, après s’être débattue dans le champs des solutions évidentes, une équipe a finalement eu l’idée d’un masque facial qui transforme les ronflements bruyants de son porteur en musique calme.

MALINES

Cartes intelligentes et dossiers colorés : ces applis aident à trouver des solutions ra∞nées.

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Brain­sparker Creativity Cards

SimpleMind Pro – Mind­ mapping

Vous êtes bloqué dans votre recherche d’idées ? Ces fiches virtuelles vous guident sur de nouveaux chemins grâce à des questions et des mots-clés surprenants. Essayez-les !

Les cartes heuristiques permettent de trier les pensées et de relier les idées entre elles. Et grâce à cette application, on n’a pas besoin de tableau blanc pour cela.

Sketchbook Si l’on a soudain une idée en cours de route, il est préférable de la noter immédiatement. Par exemple dans cette application de design. Des centaines d’outils d’esquisse sont à la disposition de l’utilisateur.

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À LIRE

Nourritures cérébrales pour esprits vifs, et en devenir.

Le baiser de la muse

Libérez-vous la tête !

Mode d’emploi

Frida Kahlo peignait-elle tous les jours ? Ce livre donne un aperçu des rituels des artistes à succès. N’hésitez pas à les imiter.

L’auteur, neuroscientifique, explique comment nous pouvons améliorer notre concentration, notre créativité et notre attention. En allemand.

Développer des idées créatives, et en faire un modèle commercial viable ? Ce livre fournit la réponse. En anglais.

EXERCICE

EXERCICE

EXERCICE

Paris en bouteille

La gymnastique des neurones

Le sésame

C’est l’un de mes exercices préférés, que je fais régulièrement avec les étudiants. Une fois, je leur ai demandé de dresser la liste de toutes les affirmations s’appliquant au cirque : le grand chapiteau, les animaux, les artistes, le pop-corn, etc. Ensuite, les étudiants devaient retourner ces déclarations et imaginer le contraire. Que se passerait-il s’il n’y avait pas d’animaux au cirque ? Si le chapiteau était petit ? Pour finir, ils devaient décider quelles caractéristiques du cirque traditionnel ils souhaitaient conserver. Au final, nous avons obtenu un tout nouveau concept de cirque à la manière du Cirque du Soleil. En remettant en question de manière approfondie les postulats relatifs à notre problème, nous obtenons de toutes nouvelles idées.

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Quand on est assis à son bureau, on est distrait par beaucoup de choses. C’est pourquoi certaines personnes trouvent leurs meilleures idées sous la douche. Car là, rien ne vient perturber leur attention. Pour réfléchir, je vais souvent me promener. Il est important de se débarrasser de tout ce qui nous distrait et de libérer son esprit pour qu’il puisse s’épanouir. En outre, il est utile de diviser sa journée en sections de projet et de limiter par exemple les activités sur les médias sociaux à une heure précise. Le fait de se concentrer sur une seule chose pendant une période prolongée plutôt que de faire toujours plusieurs choses à la fois permet d’augmenter considérablement la créativité.

La créativité est un outil qui permet de résoudre des problèmes. Et le moteur qui alimente la créativité est la motivation. Sans motivation, pas de créativité. C’est pourquoi il est important de réfléchir à ce qui nous pousse à vouloir résoudre le problème. Sinon, on n’a pas la motivation nécessaire pour faire les exercices de créativité requis et pour développer une idée jusqu’au bout. Quand votre patron vous confie une tâche, réfléchissez à ce qui vous motive. Cela pourrait être une augmentation de salaire, des vacances, un appartement ou une compétence que vous améliorez grâce au projet. Certains utilisent ce mot-clé comme un mot de passe pour se rappeler chaque jour leur objectif.

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FACILITATEUR Trois décennies de créativité au service des autres : Axel ­Unger, partenaire chez IDEO.

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PLONGÉE DANS LA FABRIQUE DES IDÉES IDEO est l’entreprise la plus innovante au monde. Depuis trois décennies, cette agence de conseil en design et inno­ vation bouscule les habitudes des entre­ prises et des pays grâce à sa créativité légendaire. Son par­ tenaire Axel Unger nous livre la recette de son succès. TEXTE Pauline Krätzig PHOTOS Urban Zintel

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E

En 1980, Steve Jobs fit appel aux services de David Kelley et Dean Hovey, deux diplômés de Stanford qui avaient ouvert leur agence de design deux ans auparavant, dans une petite rue de Palo Alto – le berceau de la Silicon Valley. La commande était simple : « Il faut qu’on fabrique une souris » ; ce à quoi Hovey répondit, sans avoir la moindre idée de ce que Steve Jobs avait dans la tête : « Intéressant. » Il s’agissait en fait de concevoir un outil de navigation externe qui soit moins cher et plus fiable que tout ce qui existait sur le marché. Personne n’a jamais su pourquoi Jobs avait choisi cette petite start-up pour un projet de cette ampleur. « On pensait à l’époque qu’il ne mangeait pas assez, se souviendra plus tard le designer Jim Sachs, mais pour 25 dollars de l’heure, on lui aurait même fabriqué un grillepain à énergie solaire. » La suite de l’histoire fait partie de la légende d’Apple : Hovey-Kelley, qui allait devenir IDEO, a conçu la souris que nous connaissons en utilisant un emballage de beurre et un déo à bille… Ce fut la première success story de l’agence de design IDEO, qui allait succéder en 1991 au duo Hovey-Kelly. Entre-temps, le monde de l’entreprise et du commerce a bien changé : la créativité et l’innovation sont devenues bien plus qu’un simple luxe, une condition essentielle pour survivre sur le marché. Aujourd’hui, des entreprises familiales ou traditionnelles comme Bosch et Ford, qui vendent surtout en Chine et aux États-Unis, sont obligées de rester à la pointe de l’innovation. Même Apple ne peut plus se reposer sur les lauriers de sa souris légendaire. IDEO a dû également adapter son offre à cet environnement de plus en plus complexe : il n’est plus question désormais de concevoir des objets en particulier, mais plutôt de s’intégrer dans ce qu’on appelle « l’économie de l’expérience », qui regroupe tous les secteurs économiques, des transports jusqu’au secteur financier, d’Apple à Zalando. Aujourd’hui, dans un monde obsédé par la nouveauté, où les entreprises

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dépensent des fortunes pour développer de nouveaux produits, de nouveaux services, la pionnière IDEO, avec ses huit agences réparties sur trois continents (dont deux en Europe, à Londres et Munich), se porte Au mieux. Quels sont les secrets de son succès ? D’où lui vient cette créativité légendaire ? Comment rester toujours au top de l’innovation ? Autant de questions que nous avons posées à Axel Unger, partenaire d’IDEO.

Secret de Polichinelle ?

C’est dans une ancienne usine, entièrement restaurée, que se trouvent les bureaux d’IDEO à Munich. Un endroit prédestiné puisque c’est ici même que l’un des anciens propriétaires, Andreas Schärfl, a inventé en 1893 la cisaille à levier pour tôle, que l’on utilise encore de nos jours. Les occupants actuels continuent en quelque sorte à faire vivre la vocation créatrice de ce lieu immense et atypique : un ­labyrinthe de couloirs et de bureaux dans lequel nous guide Elisa Meyer, la responsable marketing. Nous passons une bibliothèque, un coin à percussions, un mur de photos où s’affichent de souriants faciès, avant d’arriver à l’Elephant Room : c’est là que nous ­attend Axel Unger, confortablement assis dans un fauteuil aux accoudoirs en forme d’oreilles d’éléphant. Cet homme de 49 ans est le partenaire ­allemand d’IDEO et l’une de ses têtes pensantes depuis 1995. Autant dire qu’il s’y connaît, question innovation et créativité. Mais d’abord, il tient à s’excuser si, durant l’interview, son ­regard dévie de temps en temps vers son laptop. On l’excuse de bonne grâce : après tout, il a préparé avec soin les 92 questions qu’on lui avait envoyées et s’apprête à y répondre consciencieusement, avec des visuels, des post-it et l’aide occasionnelle de sa collègue Elisa. Toutes celles et ceux qui travaillent pour IDEO connaissent cette question, qui revient inlassablement : quel est leur secret ? Or, ce n’en est pas un, au contraire : les méthodes utilisées par la boîte sont largement communiquées et diffusées en ligne ou par écrit. « Ce qui nous différencie des autres agences de design, c’est le fait que nous ne cherchons pas à vendre le plus de projets possible, mais que nous incarnons l’innovaINNOVATOR


Tempête de post-it ! Pas de brainstorming sans post-it : Axel Unger et ses innombrables pense-bête multicolores.

tion, résume Axel Unger, qui poursuit en citant Confucius : “On ne donne pas un p ­ oisson au client, on lui apprend à pêcher.” » IDEO chercherait-elle à se tirer une balle dans le pied, finalement ? « Oui, on fait en sorte qu’à long terme, on n’ait plus besoin de nous. » Pour l’heure, IDEO n’a aucun souci à se faire : l’évolution des marchés est bien trop rapide, les défis à relever (le changement climatique notamment) bien trop complexes pour que les entreprises puissent se passer un jour de leurs services. Dans un monde de la surenchère et du « toujours plus », IDEO continue donc à aider les municipalités, les entreprises et les organisations à ­garder la tête hors de l’eau et le vent en poupe – grâce à ses fameux Innovation Labs, certes, mais surtout grâce à l’esprit d’innovation et de création qu’elle est capable d’insuffler à ses clients. IDEO a compris que cela ne servait à rien de les écarter du processus de création, qu’il était bien plus judicieux d’apprendre à une entreprise à devenir et à rester innovante.

Immersion dans l’innovation

Nous ne jouons pas en solo mais dans un même orchestre – et nous aimons partager nos partitions et nos instruments avec les autres. AXEL UNGER, PARTENAIRE CHEZ IDEO

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IDEO tient son nom de l’un de ses fondateurs, Bill Moggridge – inventeur, entre autres, du premier PC portable. Pour lui, tout le monde peut avoir des idées, à condition de les laisser émerger et de savoir où les dénicher. C’est pour cela qu’IDEO inclut systématiquement toutes les parties prenantes dans le processus d’innovation, les chefs, les cadres et les employés, pour les immerger dans l’univers de leur clientèle. C’est ainsi que les managers se voient obligés de voyager dans les mêmes conditions que leurs clients, d’aller fouiner dans les rayons lingerie des magasins, comme le feraient leurs clients ou leurs passagers. À force d’enchaîner les meetings et les dîners d’affaires, les cadres dirigeants oublient peu à peu de voir le monde 71


Un cerveau bien reposé, c’est plus de créativité : des instruments de musique sont mis à la disposition des employés pendant leurs pauses.

avec les yeux de leurs clients. Pour reprendre la citation de Confucius : il faut que le ver plaise non pas au pêcheur, mais au poisson. De tels exercices pratiques suffisent souvent à insuffler l’esprit de la réforme dans l’entreprise. Axel Unger : « On a souvent tendance à sous-estimer sa créativité, alors que tout le monde naît avec un talent créatif, il suffit juste de l’entraîner, comme un muscle. » Au lieu de ça, l’ingéniosité innée des enfants, cette joie qui les pousse à « sortir des clous » sont souvent étouffées dans le système scolaire, et plus tard dans le monde professionnel – alors qu’IDEO en fait son cheval de bataille : « Il y a quelques années, L ­ ufthansa souhaitait améliorer sa classe Affaires et obtenir une cinquième étoile de Skytrax, l’agence de notation. Au final, beaucoup de bonnes idées sont directement venues des gens de Lufthansa. » Et ils ont eu leur cinquième étoile. Ce que fait IDEO s’appelle du Human Centered Design, autrement dit de la conception tournée vers l’humain ; une approche holistique et inclusive de l’expérience-produit, qui incite les parties prenantes à se mettre au même niveau que le consommateur, pour évaluer au mieux ses besoins. Axel Unger tient d’ailleurs à démystifier l’idée que le design doit forcément produire du beau, du chic ou du high-tech : « On ne veut pas que le résultat final soit beau, on veut qu’il soit fonctionnel et que les gens aient envie de l’intégrer à leur vie. »

Dans la tête d’un créatif

Plus concrètement : la créativité, c’est quoi et ça marche comment ? Le processus intellectuel de création est en fait difficile à comprendre, a fortiori à mesurer, si ce n’est à l’aune des succès commerciaux que cette créativité engendre. Depuis les années 60, les chercheurs en design scrutent le cerveau des créatifs pour essayer d’en percer les mystères, de savoir com72

ment leur viennent toutes ces idées, comment ils abordent les problèmes pour y trouver des solutions. C’est de ces recherches qu’est né, dans les années 80, le concept de D ­ esign Thinking, qui constitue la base des méthodes utilisées par D ­ avid Kelley avec IDEO et qu’il a intégré dans son propre concept de Human Centered Design. Ce qu’on appelle le Design Thinking n’est pas une marche à suivre au sens strict. C’est davantage une approche organique guidée par des phases de création, sans but défini, puisque « les objectifs trop précis ne mènent à rien », comme le rappelle Unger – même dans une société qui nous exhorte à exaucer le moindre de nos désirs : IDEO consacre à chaque projet le temps qu’il lui faut. Cela demande du courage et de l’énergie pour arriver à convaincre les entreprises frileuses aux principes du ­Design Thinking, mais ça en vaut la peine : leurs réticences finissent toujours par s’estomper, au fur et à mesure qu’elles se rendent compte du gain de productivité, d’efficacité et de rentabilité que cela génère. Les clients sont même souvent surpris de la rapidité avec laquelle IDEO travaille : là encore, il s’agit d’une autre de ses devises – pour réussir vite, il faut savoir échouer encore plus vite.

Derrière chaque innovation, il y a toujours beaucoup d’essais ratés : mieux vaut qu’ils surviennent le plus vite possible.

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La genèse d’IDEO David Kelley (*1951) a étudié l’électronique et se qualifie lui-même d’ingénieur plutôt médiocre. Ce qui ne l’a pas empêché d’être pris chez Boeing dans les années 70 pour bosser

David Kelley

sur le design des signaux lumineux des toilettes. Il se passionne ensuite pour un tout nouveau cursus intitulé « Product Design », proposé à l’université de Stanford. Fraîchement diplômé en 1978, il fonde la même année, avec son camarade de promo Dean Hovey, l’agence de design « Hovey-­ Kelley », en plein cœur de la toute jeune ­Silicon Valley. Après le départ de ­Hovey en 1991, Kelley s’associe avec les stu-

dios créés par Bill Moggridge (designer du premier ordinateur portable) et Mike Nuttal : entre des post-it multicolores, un xylophone et un vieux bus VW, ils fondent l’agence de conseil en innovation et design IDEO, qui compte aujourd’hui 8 filiales, ­notamment à Londres, Shanghai et Tokyo. Celle de Munich est née d’un partenariat entre IDEO et BMW.

L’une des inventions-phare d’IDEO : la souris d’ordinateur, dessinée et conçue pour Apple lors d’une commande passée par Steve Jobs en 1980. Depuis, pratiquement toutes les souris fabriquées dans le monde utilisent le même mécanisme.

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En roue libre

La première phase d’un projet, c’est celle du brainstorming. Enfin, chez IDEO, ça ressemble plutôt à un ouragan, tant les idées fusent dans tous les sens, sans aucune censure ; les moins réalisables sont laissées de côté, les plus intéressantes sont creusées et passent en phase 2, le Rapid Prototyping. À titre d’exemple historique, la souris que nous connaissons aujourd’hui a fait l’objet de telles expérimentations au départ. David Kelley et Dean Hovey ont fouillé leur maison de fond en comble, écumé les pharmacies et les quincailleries à la recherche de pièces pouvant les intéresser : « On voulait juste terminer à temps pour ne pas avoir de problèmes avec Steve [Jobs] », dira Kelley plus tard en plaisantant, alors que tout était parfaitement étudié. Axel Unger nous explique que « les prototypes sont comme des modules d’apprentissage qui servent à guider nos recherches ». Quelques jours après la visite de Steve Jobs, le duo Hovey-Kelley présente son premier prototype : la bille d’un déo remplace la boule de la souris et le couvercle d’un pot de beurre, son boîtier. Une construction improvisée mais très aboutie (tous les composants d’une souris y figurent), même si son destin est de terminer in fine à la poubelle. Un sacrifice nécessaire pour Axel Unger : « La voie du succès est pavée de nombreux échecs. » Mieux vaut alors qu’on se rende compte des erreurs le plus tôt possible, quand il est encore temps de rectifier le cours du projet. Dans l’agence IDEO qu’il dirige à Munich, on trouve deux ateliers : un « classique » avec tour de potier et autres outils, et un numérique, avec logiciels de création et imprimante 3D. C’est là que naissent les modèles réduits ou les croquis qui seront utilisés lors des réunions des équipes. Ces dernières réaliseront ensuite des prototypes grandeur nature, qui seront

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présentés dans des mises en situation réalistes. Et ce pour n’importe quel type de projet, qu’il s’agisse d’un objet palpable (la boule d’une souris), d’un projet numérique (une appli ou le site web de la start-up Wirelane, par exemple) ou d’un service (la Business Class de Lufthansa).

Esprits libres

Actuellement, pas moins de 700 têtes pensantes travaillent pour IDEO, dont une centaine en Europe. Et pour que la fabrique des idées ne tourne jamais à vide, la firme soigne son personnel : ici, tout tourne autour du bien-être mental (et donc, de la créativité) des employés, qui disposent d’assez de temps et d’espace pour laisser leur esprit vagabonder. Hors de question, pour bosser sur un projet, de s’enfermer dans une salle pendant des semaines : si l’on ressent l’envie d’aller flâner dans un musée pour chercher l’inspiration, pas besoin de demander l’autorisation à son boss – on y va ! Pour le projet L ­ ufthansa, les « IDEOs », comme on appelle les cerveaux de la boîte, sont allés jusqu’à Tokyo pour assister à une cérémonie du thé, avant de revenir dans les bureaux de Munich et d’y reproduire l’expérience avec des fauteuils ramenés de la classe Affaires. Quant au vol de dix heures, il a été simulé dans un hangar de Francfort. « On nous a demandé un jour de repenser complètement une salle d’opération avec tous les instruments utilisés, et cela nous a conduit à observer les arrêts au stand en Formule 1, où l’on doit travailler sous pression avec la même précision. » Ici, pas question de ridiculiser une idée : on ne sait jamais ce qui peut marcher tant qu’on n’a pas essayé.

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Mains dans le cambouis

Pour les « IDEO-logues », il n’y a qu’une méthode qui fonctionne réellement : l’observation in situ, l’immersion dans le « milieu naturel » des personnes ciblées par leur client. Comme disait David Kelley à l’époque : « Si tu veux améliorer un logiciel, il te suffit d’observer ses utilisateurs : là où les fronts se plissent, c’est qu’il y a un problème. » C’est aussi lui qui, dès le début, a prôné la diversité en embauchant des équipes inter et pluridisciplinaires : chez IDEO, on trouve des gens qui ont étudié le design industriel, la programmation informatique, la psychologie, l’anthropologie, etc. « On ne veut pas des gens qui nous ressemblent, on veut forger une véritable culture, précise Axel Unger, qui continue avec cet exemple : Nous avons rendu visite à une vieille dame pour voir comment elle s’en sortait au quotidien avec ses traitements (contre l’arthrite, ndlr). Tout se passait bien, selon elle, mais quand nous lui avons demandé de nous montrer, elle a pris sa petite boîte de pilules et a fait sauter la sécurité enfant en l’ouvrant avec une lame de couteau. Rien de plus normal pour elle ! » Les meilleures solutions ne se trouvent pas en faisant remplir aux gens des questionnaires, il faut savoir mettre les mains dans le cambouis. Et savoir comprendre les besoins des gens pour pouvoir leur poser les bonnes questions. Comme le résume le PDG de la boîte, Tim Brown, sur son blog intitulé Design Thinking : « Le succès d’IDEO repose sur des personnes qui, en plus de leur talent et de leur créativité, possèdent une grande intelligence émotionnelle. » Et celle-ci peut servir ailleurs que sur le terrain. Les valeurs d’IDEO sont inscrites dans un petit livre rouge ainsi que sur les murs de la filiale munichoise. La première d’entre elles ? L’esprit d’équipe. Pas

QUE FAIT IDEO ? Projet Lufthansa Pour optimiser sa classe Affaires, la compagnie aérienne s’est demandé quels sens donner aujourd’hui aux mots « luxe » et « service » ? Qu’est-ce qui est important quand on voyage beaucoup ? La réponse est tombée au terme de recherches faites par IDEO, Lufthansa et des échantillons d’utilisateurs : le contrôle du temps et plus de chaleur humaine – cela veut dire par exemple qu’ils veulent pouvoir choisir l’heure des repas et être abordés personnellement au lieu d’être traités comme des numéros. Le personnel de cabine prend désormais les commandes des menus comme des serveurs de restaurant, avec blocnotes et crayon, au lieu d’utiliser des tablettes.

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Projet Zalando Si la croissance de cette plate-forme de vente en ligne a été fulgurante, ­Zalando a longtemps ignoré quels étaient véritablement les profils de ses consommateurs. L'entreprise a donc mis au point, avec IDEO, un « Innovation Lab » pour y développer des produits numériques, des expériences-clients et d’autres services.

Projet Innova Intercorp

IDEO

La multinationale Intercorp Group, qui fait partie des plus grosses ­entreprises du Pérou, a sollicité IDEO pour améliorer le système scolaire local, face à un danger de précarisation des classes moyennes citadines. L’idée de proposer davantage d’écoles gratuites a vite été abandonné : là-bas, le fait de payer

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pour faire des études est une question de prestige, et gratuité rime inconsciemment avec médiocrité. Le projet fut donc de rendre les écoles plus abordables, de mieux les équiper et de former des profs. Depuis, plus 80 de ces écoles « Innova » ont déjà été créées dans trois pays (Pérou, Mexique et Colombie).

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de place ici pour les génies solitaires qui veulent bosser dans leur coin ou pour les ego narcissiques. Le succès est un travail d’équipe et IDEO s’entoure de personnes qui préfèrent l’entraide à la compétition, en leur donnant quelque chose qui fait trop souvent défaut dans le management des grandes entreprises : le respect.

Valeurs humanistes

Respecter ses employés, ça veut dire apprendre à les connaître – et la plupart des entreprises connaissent leurs employés aussi mal que leurs clients. On ne peut pas en dire autant pour David Kelley, cofondateur et patron d’IDEO : avec son regard d’enfant et sa moustache à la Groucho Marx, il incarne parfaitement l’esprit de la maison depuis trente ans : sans les bonnes personnes autour de soi, rien ne marche, même la plus géniale des théories. Ici, on se sent valorisé et soutenu dans son potentiel créatif, on a régulièrement l’occasion de présenter des projets en public. Depuis peu, on teste chez IDEO la « Collective Rest Week », une semaine supplémentaire de congés payés. Bref, cette boîte à idées semble avoir intégré un principe que beaucoup d’entreprises n’ont pas encore compris : c’est en leur donnant estime et confiance qu’on arrive à fidéliser ses employés et à libérer leurs talents.

Une mesure d’avance…

Évidemment, ce côté complètement hors des clous, cette débauche d’originalité et d’harmonie peuvent paraître suspects, voire ridicules : et comment ne pas comprendre la surprise des clients d’IDEO lorsqu’ils débarquent dans cet univers improbable peuplé de grands gamins, avec ses murs constellés de post-it de toutes les couleurs, ses jouets, ses instruments de musique ? Où résonnent des concepts aux noms plus ou moins obscurs comme « Bodystorming » « Unfocus Groups » ou « Quick and Dirty Prototyping » ? Car il faut bien dire une chose : la créativité et la folie marchent souvent de pair – même les Grecs de l’Antiquité avaient compris ça. Pourtant, quand il s’agit de bosser avec une boîte qui assume totalement

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Qui est Axel Unger? Axel Unger (*1972), moitié Suédois, moitié Autrichien, a étudié le design industriel à la Rhode Island School of Design aux États-Unis, a travaillé en Angleterre, en Italie et un peu partout dans le monde, et parle cinq langues avec l’accent suédois. Entré pour la première fois chez IDEO à Boston en 1995, il fait un petit détour dans le monde de l’économie

pendant cinq ans avant de revenir en 2004 travailler pour IDEO, dont il est aujourd’hui le partenaire fixe à Munich. Innovateur et idéaliste dans l’âme, il est particulièrement fier du projet des écoles Innova au Pérou, car il ne visait pas le développement d’une entreprise, mais celui des enfants – et donc de tout un pays. « Nous voulons, par

notre travail, servir la société toute entière, pas simplement une riche minorité. » Axel Unger est aussi un fan de jardinage.

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son côté foutraque et puéril, nombreux sont les clients d’IDEO qui adhèrent avec bonheur à leurs méthodes aussi tordues qu’efficaces.

Regard d’enfant sur l’avenir

ARTWORK BY EDUARDO ALVAREZ LUCAS

C’est ce grain de folie et cette curiosité enfantine qui permettent à IDEO de rester innovante et de garder ses antennes à l’écoute des évolutions en cours. Impact Through Design : ici, on cherche à influencer le monde certes, mais de manière positive, d’où les nombreux projets qui n’ont rien à voir avec le monde du business. IDEO a, par exemple, participé à réformer les systèmes de formation et de santé au Pérou. Si elle s’imagine faire la même chose en Allemagne ? « Ce serait génial ! », lance Axel Unger, visiblement enthousiaste. Idem pour la politique, qui aurait bien besoin d’élargir son champ de vision et d’appliquer les principes d’un Citizen Centered Design : ­­­ « Malheureusement, la coopération avec le gouvernement allemand est assez restreinte. » IDEO a cependant des objectifs bien plus ambitieux pour l’avenir, puisqu’il ne s’agit plus désormais de changer le monde, mais de le sauver – tout simplement : « Il ne suffit plus de trouver des solutions qui conviennent aux clients et aux entreprises, il faut aussi qu’elles soient durables, » explique Unger. Tout près de nous se dresse une grande cloison végétale, avec un écran qui présente l’un des projets soutenus par IDEO, une start-up berlinoise baptisée Infarm, qui met en relation fermes citadines et consommateurs pour favoriser les circuits courts et l’agriculture locale. « Nous ne pouvons plus nous concentrer uniquement sur le consommateur final », insiste Unger : le design d’aujourd’hui doit être un Human and Nature Centered Design, en quelque sorte. Parce qu’une chose est sûre : dans un océan vidé de ses poissons, ça ne servira à rien d’apprendre aux autres à pêcher. INNOVATOR

LE DESIGN SELON IDEO Comme l’a expliqué David Kelley : « Nous sommes des experts en conception d’objets : on peut nous solliciter pour concevoir un distributeur automatique, une appli, un matelas ou une navette spatiale, ça ne fait aucune différence. » Si le Design Thinking constitue la base de la méthode, ce n’est qu’un des nombreux outils utilisés par IDEO dans sa recherche d’innovations. Design Thinking Il s’agit d’une méthodologie de travail selon laquelle des gens d’horizons professionnels différents se réunissent dans un environnement propice à la création pour développer puis tester des produits réalisables techniquement et viables économiquement. Terry Winograd, Larry Leifer et David Kelley, professeurs à Stanford, sont à l’origine du concept.

Human Centered Design Cette méthode de design centrée sur l’humain permet de créer des systèmes interactifs entre utilisateurs et producteurs pour faire émerger des solutions adaptées aux besoins des premiers. Ce qui n’implique pas d’investir énormément, puisqu’il suffit de bien connaître son public.

Rapid Prototyping Le « prototypage rapide », qui permet d’accroître le potentiel créatif des designers, a lui aussi été inventé à Stanford et constitue la marque de fabrique d’IDEO. « Pour innover, il faut pouvoir tester rapidement », explique Unger : cela veut dire tester le plus tôt possible ce que l’on vient d’imaginer, pour ensuite le faire tester par les utilisateurs.

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ERIC DEMUTH (35 ANS) a grandi près de Hambourg et travaillé deux ans comme mécanicien naval avant de cofonder Bitpanda. L’une des règles d’or de l’actuel PDG : n’investir que dans ce que l’on comprend vraiment. Demuth est également investisseur providentiel, il participe financièrement à d’autres entreprises et propose son savoir-faire et ses contacts aux nouveaux entrepreneurs.

LA BANDE DE LA STATION-SERVICE

Rencontre avec les fondateurs de Bitpanda, la seule et unique licorne d’Autriche. TEXTE Niko Jilch PHOTOS Konstantin Reyer

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CHRISTIAN TRUMMER (35 ANS) a grandi en Styrie. Il est développeur de logiciels et directeur technique chez Bitpanda et, en tant que CTO, dirige tous les aspects du développement. C’est également un entrepreneur en série : avant Bitpanda, il avait déjà fondé trois entreprises de logiciels.

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PAUL KLANSCHEK (32 ANS) a grandi près de Klagenfurt et financé ses études à la fac d’économie de Vienne en jouant au poker comme semi-pro. En 2010, il découvre la cryptomonnaie. À l’époque, acheter des bitcoins en Europe était tout sauf simple. Aujourd’hui, il est PDG de Bitpanda et membre du conseil consultatif fintech pour le ministère des Finances.

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Où commence le rêve américain ? Dans un garage. Amazon, Apple ou Google, trois des plus grandes entreprises du début de notre siècle ont été fondées dans un garage.

Elles entretiennent ce mythe que l’on peut partir de rien pour conquérir le marché mondial. Si ces histoires de garage ne courent pas les rues en Autriche, on parlera sûrement un jour de cette aire d’autoroute qui a marqué le début du rêve autrichien. Car c’est là qu’est née la start-up la plus performante du pays. Bitpanda est la première et l’unique licorne (start-up évaluée à un milliard de dollars ou plus) d’Autriche. Une ­success-story qui commence comme une blague : en 2014, un Allemand et deux Autrichiens se rencontrent dans un des ces cafés sans âme d’une stationservice sur l’autoroute entre Vienne et Graz. C’est dans ce décor improbable qu’après deux heures de négociations, Eric Demuth, Paul Klanschek et Christian Trummer ont pratiquement créé la société Bitpanda. Quelques semaines plus tard, ils se retrouvaient chez le notaire pour la signature définitive. La petite start-up du début a fait du chemin : elle a désormais des bureaux à Berlin, Barcelone, Dublin, Cracovie, Londres, Madrid, Milan et Amsterdam. Fort de 700 associés, le siège social est toujours à Vienne, plus précisément dans le Prater, à quelques centaines de mètres du lieu où deux des trois fondateurs, Demuth et Klanschek, se sont rencontrés pour la première fois. « C’était fin 2013, raconte Klanschek. Cela faisait six mois que je travaillais sur un projet qui n’aboutissait pas. Et je suis tombé sur Eric à la fac d’économie. »

Depuis leur aire d’autoroute, ces trois-là ont fait du chemin : leur entreprise est la seule licorne d’Autriche, elle est évaluée à plus de quatre milliards de dollars.

de la cryptomonnaie supposait des tractations complexes et risquées, il fallait envoyer de l’argent au Japon sur une bourse rudimentaire appelée Mt. Gox (qui a fini par s’écrouler début 2014). Klanschek et Demuth se sont vite trouvé des points communs. Tous deux faisaient partie de la communauté de poker en ligne. Les transferts d’argent y jouant un rôle important, ils étaient de ce fait familiers du Bitcoin, qu’ils considéraient d’ailleurs comme une vaste fumisterie, avant de changer très rapidement d’avis. Et ils ont tous deux compris, fin 2014, qu’il faisaient face à un enjeu capital, ce qui leur a donné une idée de business rentable : le Bitcoin avait besoin d’une bourse européenne.

Il manquait à Demuth et Klanschek la troisième pièce du puzzle : un programmeur. « Une chose était claire : impossible de créer une start-up high-tech sans fondateur technique. Certes, on connaissait notre sujet sur le bout des doigts, mais aucun de nous ne savait programmer », explique Demuth. Les deux étudiants se tournent alors vers Johannes Grill, président de Bitcoin Austria, qui leur recommande Christian Trummer. Depuis la ferme de ses parents au fin fond de

À l’époque, le Bitcoin était un concept aussi méconnu que marginal. Acheter 80

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Bitpanda a débuté comme service de courtage en cryptomonnaies pour devenir une bourse en ligne qui propose des milliers d’actifs : Bitcoin, Ethereum et autres cryptos, tout comme des actions, des fonds, de l’or et de l’argent.

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l’Autriche, celui-ci consacre tout son temps libre au Bitcoin. Voilà l’explication de leur rencontre sur l’autoroute : c’était à mi-chemin. Trummer avait découvert le Bitcoin en négociant des actions : « C’est une fusion très intéressante entre trading et technologie. À l’époque, on ne pouvait pas vraiment s’introduire dans les bourses pour feuilleter le carnet d’ordres (l’ensemble des ordres d’achat et de vente), alors que le Bitcoin, lui, fonctionnait comme un livre ouvert. » Avant de continuer, précisons que le témoignage de Trummer tient du miracle, lui qui avait posé des règles très claires dès le départ de l’aventure : pas question d’avoir un poste de directeur, pas de contact avec les médias, et, dans la mesure du possible, pas de ­déménagement à Vienne. Bitpanda est né. De simple service de courtage pour les cryptomonnaies, il est rapidement devenu le service le plus vaste et le plus sécurisé d’Eu81


Depuis quelques mois, Bitpanda a élu domicile près de l’hippodrome de Vienne, dans le IIe arrondissement, non loin de la fac d’économie : 700 associés y travaillent sur 8 000 m².

rope, puis s’est encore développé en une bourse en ligne. Outre le fait de permettre la négociation de Bitcoins, Etherum et autres cryptos, Bitpanda propose également des actions, des fonds, de l’or et de l’argent.

L’aventure commence. Deux espaces de coworking dans le VIIe et le IXe arrondissement plus tard, ils engagent leur première collaboratrice. Puis, Bitpanda hérite d’un « vrai » bureau dans le VIIe. Les cofondateurs y aménagent une modeste pièce pour Trummer, leur programmeur, qui s’est décidé à déménager (il n’avait plus trop le choix). « Paul et moi sommes allés chez Ikea pour acheter des meubles pour tout le bureau… et un lit pour Christian. On lui a trouvé une chambre pour qu’il n’ait pas à rentrer chez lui tous les soirs », raconte Demuth. Trummer constate bientôt que la chambre qu’il loue est trop petite et finit par s’installer dans un appartement juste au-dessus de leurs bureaux. Il concède même quelques

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interviews au compte-goutte. Mais il y a un sujet sur lequel il est resté très ferme : si l’empire Bitpanda compte désormais une vingtaine d’entreprises réparties dans plusieurs pays, Trummer n’est à la tête d’aucune d’entre elles. En revanche, il est profondément impliqué dans l’ADN même de l’entreprise, le code. « Christian est le parfait exemple du fondateur CTO, dit Klanschek. Il est irremplaçable. C’est lui qui a écrit le code. Il en connaît chaque ligne. » Trummer n’aime probablement pas s’étaler dans les médias, ou peut-être que le Bitcoin, la crypto et l’ascension fulgurante de Bitpanda font déjà l’objet de tellement de commentaires qu’il n’a pas forcément besoin de parler de toute la partie technique. Ceci dit, cette start-up fintech (abréviation de financial technology) rivalise avec les plus grands acteurs de la Silicon Valley et a levé plusieurs centaines de millions d’euros lors de différents tours d’investissement. Depuis peu, Bitpanda a un nouveau secteur d’activité : grâce à la solution White Label (trad. la page blanche), elle propose directement ses services à d’autres sociétés sous forme de packages. Parmi elles, la banque

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« Quand j’ai commencé à m’y intéresser, le Bitcoin se négociait encore en centimes, raconte Klanschek. À certains moments, on ne savait pas si ça allait continuer ou si tout allait se casser la gueule. » Mais la petite entreprise s’en sort bien. Après leur rencontre sur l’aire d’autoroute, c’est l’appartement de Demuth, dans le XVe arrondissement de Vienne, qui leur sert momentanément de siège social ; puis, un an environ après leur première rencontre, c’est le grand lancement. Le 15 décembre 2014, ils postent un message sur Facebook : « Nous sommes là, achetez du Bitcoin chez nous. »

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En huit ans à peine, Bitpanda est passé du niveau zéro à une évaluation de quatre milliards de dollars, au prix de beaucoup de travail, de courage et d’un zeste de chance.

mobile française Lydia. « Notre technique, vos clients », selon les mots de Demuth, qui explique que cette activité a « très bien commencé », tout en faisant remarquer que « dans le monde de la finance, il n’y pas de situation où le gagnant rafle toute la mise. Ce n’est pas Google ni Facebook, les banques régionales, par exemple, existeront toujours. » Entre-temps, les entreprises de c­ ryptomonnaie et les néobrokers, la ­nouvelle génération de courtiers en ligne, poussent comme des champignons : inscription rapide, design élégant, fonctionnalités pratiques. Ces deux dernières années, l’investissement a contaminé la génération smartphone. Et la suite est claire : que ce soit Bitpanda, Coinbase, Robinhood ou Trade Republic, tous finiront par tout proposer, des actions aux cryptos. On finirait presque par oublier toutes les adversités et toutes les moqueries endurées par les fondateurs de ­Bitpanda (et toutes les autres entreprises de Bitcoin). « On nous a traités comme des débiles pendant des années, et aujourd’hui on s’extasie de notre succès, résume Klanschek. Mais, au moins, c’est une bonne leçon. »

Bitpanda a des sites dans de nombreuses villes européennes : le siège à Vienne (1) ainsi que Berlin (2), Barcelone (3), Dublin (4), Cracovie (5), Londres (6), ­Madrid (7), Milan (8) et ­Amsterdam (9).

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Le baptême du feu a lieu en 2017, année où le monde entier entend parler du Bitcoin et autres cryptomonnaies. Véritable raz-de marée médiatique, le Bitcoin est pris d’assaut par les célébrités, passant de 5 000 à près de 20 000 dollars en l’espace de quelques semaines. Les bourses sont complètement débordées et à la fin de l’année, il faut vraiment être un pro pour réussir à ouvrir un compte chez l’un des principaux prestataires. Submergés par ce pic d’affluence, Coinbase, Kraken, Binance et autre Bittrex doivent fermer leurs portes aux nouvelles inscriptions.

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tionne particulièrement et la culture du feedback direct à l’allemande. Car c’est toujours Demuth qui endosse le rôle de porte-parole de l’entreprise. Médias, partenaires ou concurrents viennent tous le voir, car Klanschek n’est pas fan de relations publiques non plus.

Le 15 décembre 2014, ils postent sur Facebook : « Nous sommes là, achetez du Bitcoin chez nous. » Voilà comment tout a commencé.

Un an après la création de leur entreprise, les trois fondateurs en ont changé le nom. Un choix déterminant. Aujourd’hui, le panda fait quasiment partie de leur ADN, c’est donc en toute logique qu’ils parrainent les pandas géants du zoo de Schönbrunn.

Bitpanda, lui, reste grand ouvert. « Nous étions la seule plateforme européenne capable d’accueillir de nouveaux clients », raconte Eric Demuth, un brin de fierté dans la voix. Bitpanda avait su anticiper, disposait de processus d’inscription et d’identification éprouvés, et ses employés travaillaient jour et nuit. En huit ans à peine, Bitpanda est passé du niveau zéro à une évaluation actuelle de quatre milliards de dollars, au prix de beaucoup de travail, de courage et d’un zeste de chance. Avant de fonder Bitpanda, Demuth, Klanschek et Trum­ mer se plaisent à dire qu’ils n’avaient pas de « vrai » boulot. Jamais employés, travaillant plutôt comme indépendants ou entrepreneurs, ils improvisaient. Demuth est finalement le seul à avoir eu une expérience en entreprise, même si celle-ci était d’un genre un peu spécial : l’Allemand a passé deux ans en mer dans la salle des machines d’un bateau. « Je voulais étudier la nautique mais j’ai vite laissé tomber. Et je ne regrette rien. Au final, j’ai tiré un tas d’enseignements de cette époque », admet-il. Il en a gardé la nostalgie des cols roulés qu’il affec-

Ont-ils des regrets ? « Peut-être de ne pas s’être intéressé assez vite au VC », répond Demuth. VC est l’acronyme de Venture Capital, ou capital-risque. Il s’agit d’investisseurs, souvent américains, qui apportent également leur expérience et leur influence. « C’est une autre dimension, avec des débouchés totalement différents, des partenariats, des collaborateurs ou des banques. » Ça ouvre d’autres portes : « À partir d’une certaine taille, il faut s’entourer de partenaires solides. » D’un autre côté, ils ont toujours le contrôle de leur entreprise : ensemble, ils en possèdent plus de 50 %. Leur meilleure décision ? Ils l’ont prise un an après avoir fondé leur entreprise. Car notre histoire n’est pas complète : non, ce n’est pas Bitpanda qui a été fondée sur l’autoroute, mais une entreprise au nom presque imprononçable : Coinimal. Un nom en pleine contradiction avec ce pour quoi les trois fondateurs s’étaient réunis au départ : simplifier l’accès au Bitcoin pour les utilisateurs. Il leur en fallait un nouveau plus facile à retenir, même si deux arguments plaidaient en faveur de l’ancien : « Nous avions déjà environ 10 000 clients, la reconnaissance de la marque posait déjà problème », racontent-ils aujourd’hui. Quant à Trummer, il résistait pour une raison d’ordre technique : en cas de changement de nom, il devait changer tout le code. Mais Demuth et Klanschek ont eu le dernier mot. Et le panda ? Pas besoin de l’inventer, il faisait déjà partie du logo.

Le dernier secteur d’activité de Bitpanda est le White Label, ils louent leur technologie sous forme de packages à d’autres entreprises. Demuth : « Notre technique, vos clients. » INNOVATOR

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I N N O V AT O R

PERSPECTIVES

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nos conseils avisés

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ÉVÉNEMENTIEL Depuis plus de 12 ans, Patricia Zupan-Eugster dirige avec sa sœur ­Verena Eugster l’agence événementielle W3 ­Marketing en Autriche.

Organisatrice d’événements et ­cofondatrice du Female Future ­Festival, Patricia Zupan-Eugster, 43 ans, sait comment orchestrer un événement pour qu’il fasse un carton, y compris en période d’incertitude. Elle nous révèle ici sa recette.

LA CLÉ POUR UN ÉVÉNEMENT RÉUSSI Patricia Zupan-­Eugster

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pire. La pandémie n’a rien changé à cette règle si ce n’est qu’elle l’a renforcée. Mais il est clair que cela n’a pas freiné notre marche en avant. Néanmoins, votre profession a dû s’adapter ces deux dernières années, non ? Oui, la flexibilité est plus que jamais à l’ordre du jour, nous devons toujours plus agir avec sang-froid et porter une attention accrue aux besoins de toutes

W3/STEFAN MAYR

the red bulletin innovator : En 2019, votre sœur et vous avez organisé pour la première fois le Female Future Festival, dans le cadre idyllique du lac de Constance. L’année 2022 compte déjà cinq rendez-vous, et votre rayon d’action inclut désormais Munich, Vienne, Graz et Zurich. Visiblement le corona, vous ne connaissez pas... patricia zupan-eugster : En tant qu’organisatrice d’événements, je vise toujours le meilleur tout en prévoyant le

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S A V E T H E D AT E les parties concernées. La sécurité a pris une énorme importance. Et pour le bien-être de tous nos participantes et participants, l’hygiène est renforcée et ne souffre d’aucun compromis. Malgré tout, il faut garder en tête que certains éléments échappent toujours à notre contrôle. Aussi, mon premier conseil est de toujours prévoir un plan B. Prenons la technique. Quel Plan B ­préconisez-vous en cas de problème ? Tout d’abord, il va de soi qu’il ne faut pas attendre le jour J pour s’assurer que le vidéoprojecteur fonctionne bien ou que la connexion Internet est fiable. Mieux vaut tout vérifier au plus tard la veille de l’événement. Cela permet, en cas de besoin, de remplacer un appareil ou de faire intervenir un technicien. Ce sera aussi l’occasion de jauger la qualité de l’équipe technique locale. En cas d’urgence, affectez une personne de votre propre équipe pour gérer cet aspect. Si la technique ou le service de restauration ne sont pas à la hauteur, l’événement laissera un goût d’échec, quelle que soit la qualité du contenu. Comment organisez-vous votre équipe pour parer aux défaillances ? L’équipe est composée de douze personnes et est organisée sur le principe « des quatre yeux ». En cas d’empêchement de ma part, mes collègues Verena et Sarah sont prévenues, et inversement. Aucune de nous ne supervise l’ensemble de l’événement, nous nous constituons en petits groupes de travail d’au moins deux personnes. Comment gérez-vous le cas d’une intervenante ayant un empêchement de dernière minute ? Il est essentiel pour nous d’avoir dès le départ un contact direct avec les intervenantes. Leur relation à nous et à l’événement en bénéficie. Notre communication est toujours transparente, que cela concerne le déroulement général du festival ou une intervention virtuelle de dernière minute, due à l’annulation d’un vol par exemple. Mais j’insiste sur le fait que l’organisation doit être la plus flexible possible, avec la capacité de modifier l’ordre des interventions ou d’organiser une master class au pied levé avec une conférencière locale. Dans ce cas, le contact personnel prend tout son sens. Nous adoptons la même approche avec nos partenaires.

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Comment vous y prenez-vous ? Notre démarche diffère du sponsoring classique consistant à promouvoir le logo d’un client contre rémunération. Nous privilégions une relation durable et stable. Ainsi, il y a plus de compréhension en cas d’imprévus, de reports ou d’annulations. Mais dans de telles situations, nous devons aussi être en mesure de proposer des solutions. Il nous est arrivé, par exemple, d’envoyer des colis-surprises aux détenteurs de billets d’entrée. Nous avons organisé des ateliers en ligne permettant aux entreprises de se faire connaître. Notre approche s’est avérée gagnante et nous a permis de conserver nos partenariats durant ces deux dernières années. Qu’est-ce qui incite le public à ­participer à nouveau à vos événements, et ce malgré les incertitudes ? Nous veillons à garder contact avec la communauté tout au long de l’année et leur proposons régulièrement des offres et des contenus attrayants par e-mail ou en ligne. De plus, outre les conférencières formidables, les repas délicieux et de beaux sites, le réseautage pendant les événements prend une dimension cruciale. Cela peut prendre la forme d’une table ronde ou de discussions informelles avec nos expertes et experts. Comment voyez-vous l’avenir de votre secteur ? De manière très positive. L’automne 2022 sera particulièrement animé. La plupart des organisateurs devraient maintenir les interventions en ligne. Néanmoins, cela ne remplacera jamais la sensation des rencontres réelles – les rires, les échanges, l’enthousiasme. Car au fond, discuter avec une personne inconnue mais ouverte peut se révéler aussi stimulant que le discours d’une conférencière vedette.

5 x Female Future Festival 2022 Lac de Constance : 4 mai Zurich : 15 septembre Graz : 29 septembre Vienne : 6 octobre Munich : 27 octobre Toutes les infos sur : female-future.com

L’AGENDA DE PATRICIA

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et 18 mai 2022 « Le site web du festival OMR annonce une édition d’une intensité inégalée : intervenants de haut vol comme Scott Galloway, animations originales (Hamburger Fischerchor ou Lars Ulrich) et une soirée de clôture avec musique live. Le réseautage prendra alors une autre tournure. » #OMR22 – Le festival dédié à ­l’univers digital, Hambourg omr.com

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et 2 juin 2022 « La première édition virtuelle de Lead Today Shape Tomorrow, organisée par les Female Founders, fut une réussite l’an dernier. Leur stratégie créative pour inciter les talents féminins à parler de technologie y a grandement contribué. Je suis impatiente de voir ce qu’elles ont imaginé pour cette année. » Lead Today Shape Tomorrow, Vienne, leadtodayshapetmrw.org

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au 26 sept. 2022 « Le festival est sur ma liste depuis longtemps et cette année, je peux enfin y assister. Les événements suisses tendent à mettre davantage l’accent sur le contenu que sur les à-côtés. Il me tarde cependant de découvrir le lieu, le service de restauration et bien sûr les intervenants. » Digital Festival Zurich digitalfestival.ch

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R E C O M M A N D É PA R L A R É D A C T I O N Après une longue période de ­disette, l’envie de faire de vraies rencontres se fait sentir. Voici des dates et des conseils à ne pas manquer.

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au 30 juin 2022

C’est un pot-pourri de nombreuses choses qui semblent opposées, mais qui, au final, se complètent idéalement : des militants de la nouvelle génération rencontrent des politiciens rodés. Des entrepreneurs renommés discutent avec de jeunes start-uppers. Les keynotes sont suivies de concerts. Il est donc logique que l’on puisse assister au festival 4 Gamechangers pendant deux jours en direct par streaming ou dans le studio de télévision, mais que la clôture soit célébrée lors de la grande fête d’été dans la Marx Halle de Vienne. Selon la devise : work hard, play hard.

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juin jusqu’au 25 septembre 2022

Depuis janvier 2022

LivingTown conjugue travail et vie urbaine au cœur du quartier Altstetten de Zurich. Le concept de co-living comprend des lofts d’affaires qui offrent les mêmes services qu’un hôtel, avec un espace commun qui invite à s’attarder ou à cuisiner avec des personnes partageant les mêmes idées. L’adhésion à ­Office LAB permet d’accéder à ces espaces de co-working inspirants, à travers tout le pays. LivingTown livingtown.ch

La Documenta est la plus importante série d’expositions d’art contemporain au monde. Plus de cent artistes internationaux y présentent leurs œuvres. Même Brad Pitt y a déjà été. Malheureusement, l’exposition n’a lieu que tous les cinq ans. Une raison de plus pour ne pas manquer ce rendez-vous. Documenta, Kassel documenta.de

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au 8 mai 2022

Découvrir, s’étonner, savourer : après une interruption d’un an, le Man’s World Zurich en est déjà à sa sixième édition. Le salon des amateurs de bonnes choses se présente pour la première fois dans la nouvelle halle 550 à Zurich-Oerlikon. Il ­accueillera à nouveau plus de cent fabricants sélectionnés, principalement régionaux, des produits ou des services de qualité et toute une série de surprises et d’attractions. Man’s World mansworld.com JEAN-CHRISTOPHE DUPASQUIER/MANSWORLD.COM, NICOLAS WEFERS

SAVE THE DATE

4 Gamechangers 4gamechangers.io

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The Red Bulletin Innovator

Ce bus va révolutionner l’industrie automobile La start-up ElectricBrands a développé le XBUS comme un kit de construction Lego.

COURRIER L’innovation est source d’irritation. Et l’irritation suscite des commentaires amusants sur les réseaux sociaux, que nous partageons ici. Et pour plus de fairness, nous invitons le porteparole de l’objet en question à réagir aux posts.

L’ Herb van Dijk

Un Playmobil grandeur ­nature ???

Hanns-Helmut Köpke

On dirait un vieux camion soviétique pour transporter des prisonniers…

Robert Falkner

Un Combi Volkswagen ­fabriqué en Chine ?!?

entreprise allemande Electric­ Brands a développé un véhicule hors du commun : le XBUS a 20 chevaux, jusqu’à 800 km d’auto­ nomie, un système modulaire intel­ ligent pour une utilisation en tant que transporteur, pick-up ou camping-­car… et le pouvoir d’attirer l’attention sur lui en suscitant des réactions vives, soit très enthou­ siastes, soit très défavorables. Sur la page Facebook The Red Bulletin INNOVATOR (il est permis de li­ ker !), la vidéo liée à l’article de notre dernier numéro a reçu de nombreux posts. En voici ici repro­ duits trois parmi les plus créatifs. Et en bonus, nous avons gratifié Martin Henne, PDG d’Electric­ Brands, d’un droit de réponse. Car une chose est sûre : le XBUS est déjà en route sur le marché, peu importe ce qu’en disent les internautes.

Martin Henne

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Martin Henne

a travaillé dix ans comme ­Managing director chez CT Engineering, sur l’automobile, l’aviation, les véhicules ferroviaires et les énergies renouvelables. Depuis 2021, il est le PDG de la start-up Electric­Brands spécialisée dans la mobilité.

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ELECTRICBRANDS.DE

Merci pour vos réactions ! Notre XBUS a en effet souvent été comparé au Combi Volks­wagen ; ce bus est devenu culte, à raison. C’est de là que nous tenons notre devise Keep it simple. Le design, c’est une question de goût, et les avis divergent. La polarisation peut être très enrichissante car elle crée la discussion et met le changement en branle. En bref, c’est exactement notre but : changer durablement la mobilité.


1.

Le livre qui vous a le plus appris ?

Radical Candor: How to get what you want by saying what you mean, de Kim Scott. Le sous-titre résume bien le propos : comment promouvoir l’honnêteté radicale au travail et dans sa vie privée. Le livre ne se lit pas facilement, mais ses nombreux exemples amusants sont très parlants.

L E S F AV O R I S

SES TOYS NUMÉRIQUES

4.

Quelles sont les sources ­d’inspiration auxquelles se fie au quotidien la jeune Allemande Nina Julie ­Lepique, fondatrice de femtasy, un podcast ­germanophone sur la sexualité ­féminine ?

1 3

5.

La newsletter que vous lisez entièrement ? Celle de Product. Growth, une newsletter sympa faite par des concepteurs de produits qui testent des applis populaires et en font une critique factuelle et instructive qui ne s’adresse pas uniquement aux ­designeurs. Comment améliorer des statistiques commerciales par exemple, repenser des fonctionnalités ou communiquer avec les utilisateurs.

Le compte­ ­Instagram que vous likez le plus souvent ? J’aime beaucoup ­celui de Lea-Sophie Cramer qui allie tutoriels pratiques très accessibles et une bonne chronique du quotidien avec ses hauts et ses bas.

Baby got Business, d’Ann-Kathrin ­Schmitz est mon préféré. Pour les fans du contenu ­intelligent, mais avec une touche d’humour je recommande Weibers, de Toyah Diebel et Leila Lowfire.

L’application que vous avez découverte récemment ?

2.

3.

Le podcast que vous ne ratez jamais ?

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Bunch, une application de coaching en leadership. J’ai rencontré il y a peu l’un des fondateurs. Ils fournissent des conseils à consommer au quotidien et classés de manière thématique. On peut ainsi choisir les aspects que l’on souhaite développer. « Se focaliser sur l’essentiel » est la ­rubrique que j’ai choisie.

6.

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Nina Julie Lepique a fait du désir féminin son métier : en 2017, elle fonde, avec femtasy (mot composé de female et fantasy), une plateforme audio érotique dédiée aux auditrices. Cinq ans plus tard, la jeune femme de 28 ans est à la tête d’une équipe de trente personnes et réalise un chiffre d’affaires de plusieurs millions. Dans le podcast INNOVATOR Sessions (en allemand), elle revient sur son parcours et comment l’honnêteté est devenue sa plus grande force.

Votre péché mignon numérique ? Le « plaisir » numérique avec, bien sûr, les histoires de ­femtasy, mais cela n’a rien d’un péché. J’avoue aussi lire parfois des Promi­ flash (un site allemand ­répertoriant les potins de célébrités, ndlr), même si je n’y trouve pas vraiment d’intérêt.

INNOVATOR Sessions est disponible sur les principales plateformes de podcasts.

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BIOHACKING

« UN BON SON DE CLOCHE » Le biohacker Andreas Breitfeld nous présente des créations qui améliorent notre vie. ­Dernière en date, l’Echobell, la cloche du bien-être. Une forme extérieure ésotérique dotée à l’intérieur d’un moteur high-tech qui fait vibrer le pied (tout en bas) avec précision.

Andreas Breitfeld

prend sa santé en main. Pour ce faire, il teste des ­gadgets santé dans son laboratoire et les évalue dans la série de vidéos que nous leur consacrons. Retrouvez-les en scannant le code ci-dessous.

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fréquence grâce à un moteur high-tech. Les extrémités nerveuses sont reliées à l’amygdale, le centre biologique des émotions dans le cerveau, ce qui déclenche une détente corporelle presque instantanée. Les sonorités accompagnent ce processus tout en isolant de la pollution sonore environnante. L’Echobell fait désormais partie intégrante de mon rituel du soir. echobell.com GADGE TOMÈ TRE Bon plan 0

Pour grand public 0

KLAUS PICHLER, NORMAN KONRAD

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ôt ou tard, nous devrons abandonner notre vision statique du monde au profit d’une vision moléculaire, car tout ce qui nous entoure ou presque, y compris nous-mêmes, se meut en permanence. Cette agitation influence entre autres l’activité de nos mitochondries, c’est-à-dire de nos centrales électriques cellulaires. Et c’est précisément là qu’intervient Echobell. L’appareil combine vibrations oscillantes subtiles et sonorités délicates censées favoriser l’équilibre et réduire le stress. L’objectif est ambitieux, mais visiblement tangible. Le gadget de la taille d’un déodorant s’applique pendant quelques minutes sur différentes extrémités nerveuses, sur la paume de la main par exemple, tandis que le pilon situé à la base de l’appareil vibre à haute

Luxe 10

Pour initiés 10

Scientifique Ésotérique 0

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CHRONIQUE

Ali Mahlodji, communicant hors pair, explique en quoi l’icône du basket-ball est une source d’inspiration et comment chacun peut utiliser son ressort.

QUE FERAIT ­MICHAEL JORDAN ?

perdre son sang-froid dans l’adversité. Beaucoup diront sa sérénité. Jeune, Michael Jordan était mon héros. Pour l’adolescent bègue et timide que j’étais, et dont les vêtements usagés provenaient de dons depuis des années, il représentait quelqu’un de très spécial qui me donnait de la force, et ce pour une raison simple : il parvenait à rester lui-même et à s’appuyer sur ses capacités en toute circonstance, y compris lorsqu’on plaçait d’énormes attentes sur lui.

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ous sommes le 7 mai 1989, à trois secondes de la fin de la finale du premier tour des NBA playoffs opposant les Chicago Bulls aux Cleveland Cavaliers. Devant son public, Cleveland mène d’un point. Le ballon parvient, malgré une défense acharnée, dans les mains de Michael Jordan. Ce dernier fait deux pas et saute… Le temps est soudain comme suspendu. À l’instant où il lance le ballon, tout le monde pressent qu’une fois de plus, Michael Jordan, dos au mur, va in extremis faire basculer le match en faveur des Bulls. L’avantage avait jusque-là changé six fois de camp, mais lorsque le gong retentit, le tableau ­d’affichage indique 101 à 100 pour les Chicago Bulls. Si je raconte cette histoire, ce n’est pas pour évoquer un moment unique, mais plutôt le fait que ce moment n’a rien d’unique. De plus, la performance de Jordan ce soir-là est loin d’être exceptionnelle. En revanche, la chose qui fait de lui un athlète d’exception est patente. Comme souvent, Michael Jordan est la seule personne sur le terrain à ne jamais

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Ali Mahlodji est un as du rebond : malgré un échec scolaire, il fonde sa start-up et conseille les entreprises. L’enfant réfugié qui bégayait est devenu l’un des meilleurs orateurs germanophones. À 41 ans, il est désormais ambassadeur de l’UE pour la jeunesse, podcasteur, auteur et chroniqueur. Ses contributions sur redbull.com/innovator

Depuis qu’il est entré dans ma vie (à travers le magazine de basket-ball d’un camarade) et encore aujourd’hui, lorsque je rencontre une situation insurmontable, je me pose la question suivante : « Que ferait Michael ? » Je réalise instantanément que c’est précisément dans les moments de doute que la sérénité de l’esprit devient garante d’une réaction intelligente. La sérénité est un superpouvoir parce qu’elle est présente à l’esprit. Nous voyons souvent autour de nous des gens paralysés par la peur de l’avenir. Ils occultent alors l’essentiel : agir sur les choses qu’ils peuvent changer. Bien sûr, il existe des éléments sur lesquels nous n’avons aucune prise. Mais ceux-ci ne doivent pas pour autant encombrer notre esprit. L’exemple de Michael Jordan m’a appris que ce que nous faisons ne doit jamais être évalué uniquement à l’aune du résultat, mais plutôt à la manière dont nous considérons ces choses. Notre posture mentale face à une situation ­difficile détermine bien plus notre capacité à trouver des solutions que les moyens que nous employons. Les personnes âgées par exemple, ne perdent jamais leur calme lorsque celles de ma génération joue aux oiseaux de mauvais augure. Contrairement à ma génération, les seniors ont appris que la vie n’est pas un long fleuve tranquille,

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MATO JOHANNIK

Une force tranquille


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mais une alternance de passages calmes et de passages tumultueux et que nous avons la capacité de naviguer sur les deux à condition toutefois de ne pas voir en elles qu’une succession de passages tumultueux.

Les anciens ou les enfants pour modèle

Pour que la sérénité devienne une compagne de tous les instants, il faut avoir foi en soi, et dans l’enfant qui est en nous, celui qui a réussi tout petit à se tenir sur ses deux jambes pour marcher. Et s’il est souvent tombé, il s’est aussi toujours relevé, mû par une insatiable curiosité et la sérénité indéfectible de ses parents lui assurant que tout irait pour le mieux. La sérénité, c’est cette grande force intérieure qui permet d’accepter des situations pour ce qu’elles sont et d’y faire face avec notre savoir et notre expérience. Et la bonne nouvelle est que cela s’apprend sans devoir méditer plusieurs heures par jour. Il vous suffit, lors de votre prochaine situation de blocage, de suivre les pas d’une personne dont vous admirez la sérénité – un Michael Jordan, votre grand-mère ou votre fille de trois ans – en vous demandant ce que cette personne ferait à votre place. Quoi que la vie vous réserve, votre sérénité vous permettra de poursuivre votre chemin, et d’être une lumière qui éclaire celui de votre entourage.

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Direction générale The Red Bulletin Alexander Müller-Macheck (dir.), Sara Car-Varming Rédacteurs en chef The Red Bulletin Andreas Rottenschlager (dir.), Andreas Wollinger Rédacteur en chef Innovator Alexander Müller-Macheck Directeurs créatifs Innovator Kasimir Reimann (dir.), Erik Turek Direction artistique Marion Bernert-Thomann, Miles English, Tara Thompson Maquette Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Faustmann-Goll, Cornelia Gleichweit Rédaction photo Eva Kerschbaum (dir.), Marion Batty (adj.), Susie Forman, Tahira Mirza, Rudi Übelhör Rédaction digitale Christian Eberle-Abasolo (dir.), Marie-Maxime Dricot, Melissa Gordon, Lisa Hechenberger, Elena Rodriguez Angelina Rédaction audio Florian Obkircher Cheffe de service Marion Lukas-Wildmann Gestion de l’édition Ulrich Corazza Publishing management Melissa Stutz (dir.), Ivona Glibusic, Bernhard Schmied Directeur exécutif Stefan Ebner Directeur Ventes médias & Partenariat Lukas Scharmbacher Directrice co-publishing Susanne Degn-Pfleger Management de projet co-publishing, B2B-Marketing & communication Katrin Sigl (dir.), Katrin Dollenz, Thomas Hammerschmied, Teresa Kronreif, Eva Pech, Valentina Pierer, Stefan Portenkirchner, Jennifer Silberschneider, Sophia Wahl Solutions créatives Verena Schörkhuber-Zöhrer (dir.), Sara Wonka , Tanja Zimmermann, Julia Bianca Zmek, Edith Zöchling-Marchart Management commercial co-publishing Alexandra Ita Rédaction co-publishing Raffael Fritz (dir.), Gundi Bittermann, Michael Hufnagl, Irene Olorode, Mariella Reithoffer, Wolfgang Wieser Directeur exécutif de la création Markus Kietreiber Management de projet création Elisabeth Kopanz Direction artistique commerciale et co-publishing Peter Knehtl (dir.), Luana Baumann-Fonseca, Silvia Druml, Erwin Edtmayer, Simone Fischer, Andreea Gschwandtner, Lisa Jeschko, Araksya Manukjan, Carina Schaittenberger, Julia Schinzel, Florian Solly, Dominik Uhl, Sophie Weidinger, Stephan Zenz Business Direct to Consumer Business Peter ­Schiffer (dir.), Marija Althajm, Victoria Schwärzler, Yoldaş Yarar (abonnements) Manager Vente et projets spécifiques Klaus Pleninger Annonceurs Manuela Brandstätter, Monika Spitaler Fabrication & production Veronika Felder (dir.), Martin Brandhofer, Walter O. Sádaba, Sabine Wessig Lithographie Clemens Ragotzky (dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovic, Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher Finances Mariia Gerutska (dir.), Simone Kratochwil MIT Christoph Kocsisek, Michael Thaler IT Service Desk Maximilian Auerbach Opérations Alice Gafitanu, Melanie Grasserbauer, Alexander Peham, Thomas Platzer Project management Dominik Debriacher, Gabriela-Teresa Humer Assistante du directeur général Sandra Artacker Éditeur et directeur général Andreas Kornhofer Adresse Am grünen Prater 3, 1020 Vienne Tél. +43 1 90221-0 Web redbulletin.com Propriétaire, éditeur et rédaction médias Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-­ Straße 11–15, A-5071 Wals bei Salzburg, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700 Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Dietmar Otti, Christopher Reindl, Marcus Weber

INNOVATOR BY THE RED BULLETIN Suisse, ISSN 2308-5886 Country editor Stefania Telesca Country coordinator Christine Vitel Traductions Willy Bottemer, Fred Fortas, Claire Schieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries Relecture Lucie Donzé Country project management Melissa Stutz Ventes médias Christian Bürgi (dir.), christian.buergi@redbull.com Marcel Bannwart, marcel.bannwart@redbull.com Jessica Pünchera, jessica.puenchera@redbull.com Goldbach Publishing, Marco Nicoli, marco.nicoli@goldbach.com Abonnements et courrier des lecteurs abo@ch.redbulletin.com

INNOVATOR BY THE RED BULLETIN Allemagne, ISSN 2079-4258 Country editor Maximilian Reich Country project management Nina Hahn Relecture Hans Fleissner (dir.), Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek, Belinda Mautner, Klaus Peham, Vera Pink Ventes médias & partenariats Thomas Hutterer (dir.), Alfred Vrej Minassian, Franz Fellner, Ines Gruber, Thomas Gubier, Wolfgang Kröll, Gabriele Matijevic-Beisteiner, Nicole Okasek-Lang, Britta Pucher, Jennifer Sabejew, Johannes WahrmannSchär, Ellen Wittmann-Sochor, Ute Wolker, Christian Wörndle, Sabine Zölss

INNOVATOR BY THE RED BULLETIN Autriche, ISSN 1995-8838 Country editor Alexander Müller-Macheck Publishing management Bernhard Schmied Relecture Hans Fleissner (dir.), Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek, Belinda Mautner, Klaus Peham, Vera Pink Ventes médias & partenariats Thomas Hutterer (dir.), Alfred Vrej Minassian, Franz Fellner, Ines Gruber, Michael Baidinger, Wolfgang Kröll, Gabriele Matijevic-Beisteiner, Nicole Okasek-Lang, Britta Pucher, Jennifer Sabejew, Johannes WahrmannSchär, Ellen Wittmann-Sochor, Ute Wolker, Christian Wörndle, Sabine Zölss Ventes & développement Anna Schönauer (dir.), David Mühlbacher

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CARTOON

LE TRAIT DE LA FIN Comment réagit une diva capricieuse lorsqu’elle est confrontée à un bug numérique...

NICOLAS MAHLER

Nicolas Mahler (52 ans)

est l’un des dessinateurs les plus renommés de l’espace germanophone. Ses illustrations ont été publiées entre autres dans la FAZ, Die Zeit ou Der Spiegel. Il vit et travaille (heureusement, la plupart du temps sans problème d’affichage) à Vienne, en Autriche.

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