The Red Bulletin 03/19 CHFR

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SUISSE MARS 2019, CHF 3,80

HORS DU COMMUN

METAL PARODIQUE LE GROUPE ULTRA VOMIT FAIT ÇA SÉRIEUSEMENT ÉPAVES EN COURSE UN RALLYE SUR GLACE VERSION LOW-COST

EXCLUSIF Comment fonctionne le meilleur skieur au monde

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ÉDITORIAL

FAIRE PLAISIR OU SE FAIRE PLAISIR ? Le skieur autrichien Marcel Hirscher ne serait pas ­l’athlète qu’il est aujourd'hui s’il ne se contentait de faire que des choses qui ne lui coûtent aucun effort. Une vie de contrainte, pensez-vous ? Un choix de vie plutôt ! « J’ai b ­ esoin d’être sous pression pour accomplir des ­performances. Le plaisir seul ne génère pas assez de ­pression », explique-t-il à notre rédacteur page 34. Tout comme les gars du très acclamé Ultra Vomit, groupe de metal parodique sans complexe page 42,

ROBERT WUNSCH (COUVERTURE), PATRICIA WEISSKIRCHNER

Pendant le shooting, le Salzbourgeois s’est prêté au jeu du photographe ­Felix Krüger qui ne s’est rien ­refusé, pas même un escabeau, pour trouver l’angle parfait. Page 34

le B-Boy Mounir page 48, le nageur Ross Edgley page 50 ou le spéléologue Francesco Sauro page 22 partagent la même aspiration ambitieuse mais pas prétentieuse. ­Chacun dans son domaine, ils flirtent avec l’excellence, portés par la passion de se faire plaisir en faisant quelque chose qui plaise avant tout… à eux-mêmes. Lisez plus ! Votre Rédaction

THE RED BULLETIN

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

ÉLISABETH LAVARENNE

Pour The Red Bulletin, Élisabeth Lavarenne, attachée de presse dans le milieu musical, est passée de l’autre côté : elle a interviewé un groupe de metal, Ultra Vomit. « Une heure de blagues et d’anecdotes avec des artistes dont l’énergie et la générosité débordantes m’ont fascinée », dit-elle. Élisabeth est batteuse dans un groupe de hard rock, Furies, c’est donc en connaisseuse qu’elle a questionné les Nantais. Page 42

JESS HOLLAND

Cette journaliste anglaise a défié une météo hostile pour suivre le nageur d’endurance Ross Edgley sur son bateau de survie. « On m’avait prévenue que je deviendrais sa meilleure pote avant même d’avoir quitté l’embarcation », se remémore-t-elle. En fait, il lui aura fallu cinq minutes à blaguer et à philosopher à ­propos des défis qui poussent l’homme à se dépasser. Tous à l’eau en page 50.

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SOMMAIRE mars

FOCUS

Suivez Francesco Sauro dans des grottes fantastiques.

3 4 D écrypter Marcel Hirscher En (forte) tête-à-tête avec l’un des skieurs majeurs de l’histoire.

4 2 U ltra Vomit : ultra bons

Du metal parodique (mais pro) sur les plus grandes scènes.

4 8 La danse connectée

Des tutos vidéo de danse : B-Boy Mounir est parmi les coaches.

5 0 Galérien sans galère

Ross Edgley : faire le tour de la Grande-Bretagne à la nage et réussir.

5 6 Q uestion d’instinct

En mixant le flamenco à d’autres styles, Rosalía rafraîchit la pop.

6 4 U n artiste toqué

Ce graffeur de Chicago est devenu cuistot d’un resto branché.

6 6 Comme par magie

L’histoire du prestidigitateur Dynamo, c’est celle d’une renaissance.

7 0 Fun and furious

En Finlande, le Rokkiralli est l’exact opposé d’un Grand Prix de F1.

56 BULLEVARD Un mode de vie hors du commun

6 Elle va aussi vite à VTT qu’un

Boeing 747 au décollage...

10 Pour ce type né sans bras droit,

le bras bionique était un droit 11 Des snowfeet sous les pieds, partez léger en station ! 12 Dans ce bouquin sur Rocky, c’est un uppercut à chaque page 14 Hugh Jackman président ? 16 Quand des scientifiques réputés conçoivent une bière de l’espace 18 Ce saut à BMX de Kriss Kyle est tout simplement monstrueux 20 La Franco-Américaine Lolo Zouaï aime les tracks à double sens

GUIDE

Voir. Avoir. Faire. 86 Voyage : surfer en Alaska...

70 4

90 Fitness : le mental de Tom Evans 92 Gaming : que propose Anthem ? 93 Red Bull TV : restez branché 94 Agenda : n’en loupez aucun ! 96 Ours : ils et elles font le TRB 98 Makes you fly : les pieds au mur THE RED BULLETIN

SONY, OSSI PIISPANEN, LA VENTA ESPLORAZIONI GEOGRAFICHE

2 2 U n monde en dessous


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BULLEVARD U N

S T Y L E

D E

V I E

H O R S

D U

C O M M U N

Denise Mueller-­ Korenek

EXCÈS DE VITESSE

La PDG californienne de 45 ans est aussi rapide sur deux roues qu’un ­jumbo-jet au décollage.

a simple perspective d’atteindre à vélo la vitesse d’un Boeing 747 au décollage est pour la plupart d’entre nous non seulement terrifiante, mais aussi totalement inconcevable. Mais suggérée à ­Denise Mueller-­ Korenek, cycliste américaine­ accro à l’adrénaline, l’idée enflamme instantanément son imagination. C’était là un défi qu’elle ne pouvait ­refuser…

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MATT BEN STONE

L


16 septembre 2018, Bonneville Salt Flats, Utah (USA) : Mueller-­ Korenek établit le ­record de vitesse sur vélo à 296 km/h.


En septembre dernier, la chef d’entreprise, née en 1973 et domiciliée à Encinitas en Californie, devient la personne la plus rapide sur un vélo en atteignant l’incroyable vitesse moyenne de 296 km/h. Elle réalise cet exploit sur la plaine salée de l’ancien lac de Bonneville dans le nord-ouest de l’Utah sur un KHS en carbone conçu pour l’occasion. « Le record s’est fait ­attendre, confie Mueller-­ Korenek, patronne d’une ­entreprise familiale de surveillance. Comme souvent, ce type de défi demande une grosse préparation. L’idée a germé en 2012, alors que je découvrais qu’aucune femme n’avait jamais tenté l’expérience dans toute l’histoire des records. » La réalisation d’un tel record exige de rouler dans le sillage d’un véhicule à moteur, lequel minimise la résistance au vent tout en favorisant l’accélération du vélo par aspiration. La première tentative date de 1899 : le cycliste newyorkais Charles Minthorn ­Murphy tracté par une locomotive de Long Island atteint 96 km/h, soit 60 milles américaines par heure en anglais, ce qui lui vaut le surnom de « mille-à-la-­minute ». Une douzaine de coureurs améliorent le record de ­Murphy dans les années qui suivent, et près d’un siècle 8

« CE FUT UNE ÉPREUVE DE SURVIE… J’ÉTAIS ­SECOUÉE DANS TOUS LES SENS. »

plus tard, en 1995, le Hollandais Fred Rompelberg établit le record à 269 km/h. Mais ça, c’était avant que MuellerKorenek ne s’y colle. La performance historique de l’Américaine en 2018 n’est pas son unique fait d’arme : deux ans plus tôt, elle bat le record du monde féminin en franchissant la barre des 237 km/h derrière un Range Rover SVR piloté par la coureuse automobile américaine Shea Holbrook. Mueller-­

La cycliste baptise sa tentative de record Project Speed.

THE RED BULLETIN

MATT BEN STONE

Denise est tractée jusqu’à 160 km/h par le dragster puis s’en détache et pédale dans son aspiration.

Korenek aurait pu se satisfaire d’être la femme la plus rapide à vélo mais l’expérience ne fait qu’accroître sa détermination à décrocher l’ultime record. « Nous étions très frustrées en 2016, parce que nous étions conscientes d’avoir perdu de la vitesse, se souvient-elle. On s’est dit qu’on remettrait ça l’année suivante avec la ferme intention de battre le record toute catégorie. » À l’automne 2018, Denise Mueller-Korenek est de retour avec un vélo modifié et le Range Rover a été remplacé par le dragster de mille chevaux utilisé par Rompelberg pour son record vingt ans plus tôt. Le véhicule permet un pilotage plus épuré, mais aussi plus dangereux. « Établir le record féminin en 2016 fut exaltant et amusant, comparable au m ­ eilleur tour de manège d’un parc d’attractions, explique Mueller-­ Korenek. Mais en 2018, ce fut littéralement une épreuve de survie. Ce surcroît de vitesse impose de modifier l’aérodynamisme du véhicule, ce qui réduit la poche d’air à l’arrière et la rend plus instable. Résultat : j’étais secouée dans tous les sens. » Le risque s’avère payant : en atteignant la vitesse vertigineuse de 296 km/h, la cycliste bat non seulement son propre record en catégorie femmes, mais aussi celui des hommes. Quelle sensation éprouve-t-on sur un vélo lancé à la vitesse d’un Airbus au décollage ? « Se déplacer aussi vite en étant ultra-concentrée finit par donner l’impression étrange que tout bouge lentement autour de soi, explique Denise. J’étais submergée par un s­ entiment de paix et de calme, qui s’est évanoui aussitôt le moment passé. En apprenant que le record était battu et que le but était atteint, j’ai éprouvé une joie immense et un grand soulagement de ne pas devoir y retourner. J’ai vraiment eu l’impression de jouer avec ma vie. » theprojectspeed.com

LOU BOYD

B U L L EVA R D


THE NEW GENERATION HOTEL.

Pour vagabonder, de jour comme de nuit


« CERTAINS VEULENT ME SERRER LA PINCE. » Daniel Melville

UN AVENIR À SAISIR

Le bras bionique n’est plus de la science-fiction. Grâce à une start-up ­britannique, les prothèses robotiques feront bientôt partie du quotidien.

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aniel Melville possède un bras venu tout droit de la science-fiction. Né sans main droite, ce patron d’une entreprise d’impression 3D de 27 ans, originaire du Berkshire (Angleterre), portait il y a encore quatre ans une prothèse médicale avant de rencontrer Joel Gibbard, un ingénieur travaillant sur une main robotique abordable chez Open Bionics, start-up qu’il a cofondée avec la journaliste Samantha Payne. Leur bras à fonctionnalité avancée s’inspire d’Adam Jensen, ­héros de Deus Ex, un

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jeu vidéo mettant en scène des personnages transhumains au corps en partie augmenté. « Avoir la possibilité de m’identifier à un personnage de jeu, c’était génial, confie Melville. J’ai toujours détesté porter les p ­ rothèses médicales, trop glauques à mon goût. Mais mon bras bionique éveille la curiosité des gens, certains me demandent s’ils peuvent me serrer la pince. » La motricité offerte constitue une grande avancée comparée aux prothèses classiques. « La main s’ouvre et se ferme par les impulsions de mon bras. En contractant les muscles, je modifie le mode de prise en main.

C’est simple, et très efficace. » Créé en 2014 pour améliorer la vie des personnes amputées, le Hero Arm est le produit phare d’Open Bionics. Selon les études de l’entreprise basée à Bristol, rendre la prothèse abordable est clé, mais l’objectif principal reste l’esthétique et le confort qu’elle procure. C’est en cherchant des ambassadeurs pour promouvoir le bras que Open Bionics entre en contact avec Melville. « J’ai toujours voulu un bras bionique, expliquet-il, mais ils sont trop chers, 55 000 € au bas mot. » À environ 5 000 €, le Hero Arm ­ramène le prix à une fraction du précédent. S ­ elon Open ­Bionics, son invention ouvre la voie à des avancées encore plus importantes. « Pour l’instant, nous restons sur un modèle s’adressant au plus grand nombre, expliquent les fondateurs. Mais nous pensons déjà à un bras bionique aux fonctionnalités surhumaines. » openbionics.com THE RED BULLETIN

FRIENDS AND FELLOWS/RED BULL CONTENT POOL

Open Bionics

LOU BOYD

Un bras de super-héros : l’innovation d’Open Bionics change la vie des utilisateurs de prothèse comme Melville.


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Snowfeet

EN GLISSE !

Faire du ski sans tout le matos encombrant est désormais possible grâce à ce roller-ski hybride f­ acilement transportable…

Pour ses inventeurs, le snowfeet a tous les atouts pour devenir une discipline olympique.

LOU BOYD

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e monde des sports d’hiver est féru d’innovations, depuis l’adoption du snowboard dans les années 1980 jusqu’aux sports de glisse plus élitistes à l’engouement grandissant comme l­ ’héliski et le splitboard. La dernière nouveauté en la matière tient dans un sac à dos. Mélange de ski et de roller­blade, le snowfeet se fixe à vos chaussures d’hiver, telle une paire de crampons, et vous laisse glisser sur les pentes sans recourir à des skis ni à une planche volumineuse. Cette belle invention des Tchèques Zbynek Šuba et Michael Podešva doit son existence au hasard. « En 2016, nous partons skier dans les Alpes en oubliant d’emporter nos skis. Sur place, nous décidons ­d’essayer de skier avec nos chaussures d’hiver, explique

THE RED BULLETIN

Podešva. C’était très amusant. Ça s’apprend comme le ski ou le snow, donc avec pas mal de chutes, et la pratique s’apparente plus à du patin à glace sur neige. » Le duo affirme que le snowfeet sera bientôt aussi présent sur les pistes que les skis et les planches de snow, et qu’il pourrait même intégrer les Jeux olympiques. L’enthousiasme du public leur donne raison : la campagne de

Le snowfeet se fixe sur des boots ­d’hiver ou de snowboard et existe en taille unique ajustable.

f­ inancement Indiegogo fixée à 9 000 € recueille plus de 256 000 € avant d’entamer la phase de production. Selon ses inventeurs, le snowfeet serait plus adapté à la compétition que certains équipements utilisés à cet effet. « La liberté de mouvement qu’offre le snowfeet permet de réaliser à peu près toutes les figures imaginables, précise Podešva. En plus des acrobaties de ski, les mouvements du patinage, du hockey et des rollers deviennent possibles. Il se prête même au ski de fond. Et si nous ne l’avons pas encore mesuré, je pense qu’on peut atteindre jusqu’à 70 km/h sur une pente raide. » Verra-­ t-on le snowfeet aux JO d’ici quelques années ? Peut-être. À 110 € la paire en précommande, il y a des chances qu’ils envahissent bientôt les stations de sports d’hiver. snowfeetstore.com   11


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Rocky : le livre

IL VA VOUS METTRE K.O.

LOU BOYD

« À Moscou, tous les coups sont permis », s’exclame le commentateur de la célèbre scène de Rocky IV (1985) dans laquelle Ivan Drago martèle le visage de Rocky Balboa. La première apparition au cinéma du héros poids lourd de Stallone remonte à plus de quarante ans. Pour fêter l’événement, l’éditeur Taschen sort un livre collector retraçant la saga depuis sa conception jusqu’à Creed sorti en 2015. Les 1 976 exemplaires de Rocky: The Complete Films sont numérotés et signés par Stallone himself et comportent des photos d’archives rares et inédites, des interviews de l’acteur, le tirage d’une peinture de Sly ainsi qu’un fac­similé des notes prises pour le film original en 1976. Les fans inconditionnels seront tentés par les deux tomes de l’édition d’art, ­tirés en 25 exemplaires chacun et comprenant aussi un film réalisé sur le ­plateau de tournage par le p ­ hotographe Neil Leifer. 750 € ; Art Editions, 5 000 €.

ROCKY © 1976-2018 METRO-GOLDWYN-MAYER STUDIOS INC. ALL RIGHTS RESERVED

taschen.com

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Hugh Jackman

Quels sont les problèmes-­ clés du futur ? L’environnement, l’éducation, la pauvreté. Nous vivons dans un monde interdépendant, économiquement et écologiquement. Ce qui se passe en Éthiopie impacte le climat, cela affecte directement le temps qu’il fait aux États-Unis. On ne peut plus considérer que cela ne nous concerne pas. L’époque du chacun pour soi est révolue.

L’Australien fait partie des boss d’Hollywood, mais grâce à son dernier rôle, il sait aussi ce qui doit animer un politique. Jackman président ?

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ugh Jackman est surtout connu pour sa prestation dans la comédie musicale The Greatest Showman, sortie en 2017, et pour son fameux rôle de Wolverine, dans les franchises Marvel : un homme à griffes luttant pour la justice et pour sauver le monde. Dans son dernier film, l’Australien campe un rôle plus substantiel, un personnage public insaisissable et sulfureux dont les frasques changeront le cours de l’histoire. The Front Runner est un drame politique, l’acteur y incarne le sénateur américain Gary Hart, forcé à quitter la course à la nomination du candidat démocrate à l’élection présidentielle de 1988 suite à la révélation par la presse d’une liaison extra-conjugale. ­Jackman, 50 ans, confie à The Red ­Bulletin ce qu’il a appris du rôle, et quelle est sa vision d’un leader politique accompli et loyal susceptible de répondre aux défis de notre époque.

the red bulletin : Gary Hart a bataillé pour devenir président des États-Unis au milieu des années 80. Que vous a-t-il appris ? hugh jackman : Hart m’a dit un jour : « J’essayais d’anticiper l’avenir. Les grands ­politiciens sont tournés vers l’avenir. Abraham Lincoln, par exemple, envisageait un monde sans l’esclavage, puis il l’a rendu possible. » Mais Hart avait aussi beaucoup d’adversaires… C’est inévitable. Nombreux sont ceux qui pensent qu’un chef d’État est au-dessus du peuple. C’est faux. Il en est le guide. Un vrai leader se ­reconnaît à son impopularité, la ­majorité des gens ne comprennent pas son action. ­Gouverner exige d’avoir une vision du futur. Comment convaincre un peuple d’adopter une vision ? Si vos idées sont solides, vous devez les communiquer de sorte que vos concitoyens se disent : « J’aimerais voir ce monde advenir. » Vous devez les aider à moins se préoccuper du présent en imaginant un monde meilleur pour eux. Ainsi, vous leur redonnez ­espoir.

Gary Hart a dû renoncer, un scandale médiatique sans précédent éclaboussant sa vie privée et sa carrière politique. Comment se prémunir contre une telle déconvenue ? Quelle est votre ­approche  ? Je ramène les choses à l’essentiel. Et pour moi, l’essentiel c’est d’abord ma famille, puis mon travail. De là découle ce à quoi je dois me consacrer pour ne pas m’égarer. Vous avez dit un jour que le métier d’acteur vous aidait à comprendre la raison de notre présence sur terre. Avez-vous trouvé la réponse ? Plus je vieillis, moins je comprends. J’aime mon travail, il me permet de vivre d’autres vies, de voir le monde avec des yeux différents. Mais je reviens toujours à l’amour, à la famille, aux intimes. Compter et dépendre les uns des autres est ce qui crée notre communauté. Si chacun prend soin de cette communauté immédiate, cela peut s’étendre au reste du monde.

The Front Runner est déjà dans les salles ; thefrontrunner.movie

RÜDIGER STURM

« L’ÉPOQUE DU ­CHACUN POUR SOI EST RÉVOLUE »

Un bon politicien doit-il faire preuve de créativité ? Absolument. Il doit être créatif et avoir de vraies idées. 14

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« IMAGINEZ UN MONDE MEILLEUR ET VOUS REDONNEZ DE L’ESPOIR AUX CITOYENS. » THE RED BULLETIN

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Vostok Space Beer

L’APÉRO INTERSTELLAIRE

Une équipe australienne crée la première bière qui r­ épondra à ce défi astronomique : boire un coup dans l’espace.

Le récipient est conçu d’après un modèle de réservoir de carburant afin de supporter ­l’absence de gravité.

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THE RED BULLETIN

LOU BOYD VOSTOK

Les bouteilles sont dotées d’un bouchon à ressort et d’une tasse amovible pour boire comme sur Terre.

e début du tourisme spatial est imminent. Les prétendants au voyage orbital dépassent déjà ceux qui en ont déjà fait l’expérience. Alors que les vacances stellaires se concrétisent, la brasserie australienne 4 Pines et les ingénieurs aéronautiques de Saber Astronautics se sont associés pour une grande cause : créer la bière de l’espace. Ces derniers ne sont cependant pas les premiers à vouloir trinquer dans le cosmos. Le 20 juillet 1969, quand Buzz Aldrin marche sur la Lune, il a avec lui du vin et une hostie pour célébrer la première eucharistie céleste. De plus, durant les années 70, la NASA autorise un temps la consommation de sherry lors des ­missions Skylab.

CHRISTINA LOCK

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Sans excès Que se passe-t-il quand on se boit une mousse en apesanteur ?  1 Les effets de l’alcool C’est une inconnue, le taux d’absorption par le corps humain dans l’espace n’ayant pas encore fait l’objet d’études.  2

Le goût

La langue enfle dans l’espace, ce qui modifie notre goût. Pour y remédier, la bière Vostok Space Beer adopte une riche saveur de chocolat et de caramel.

Toutefois, la mise au point de la Vostok Space Beer exige de résoudre plusieurs problèmes, dont celui des rots. « Quand vous rotez sur Terre, le gaz sort et le liquide reste, explique le Dr Jason Held, PDG de Saber Astronautics. Mais dans l’espace, le liquide aussi reflue. De plus, la quantité de bulles dans la bière doit être suffisante pour être appréciée, mais pas excessive pour ne pas gâcher le plaisir. » Autre difficulté, boire au goulot d’une bouteille en apesanteur est très compliqué. « L’idée est de pouvoir la déguster comme sur Terre, explique le Dr Held. Pour ce faire, nous avons adapté la technologie du réservoir d’essence, afin d’aspirer la bière vers le haut de la bouteille. » Restait ensuite à tester le dispositif en vol. Un test en condition d’apesanteur a déjà eu lieu au cours duquel une bouteille est lâchée de 23 mètres pour simuler les effets de l’apesanteur. Mais pour garantir une expérience authentique, au moment de produire la version finale de la bouteille, Vostok est en train de lever des fonds pour l’envoi des premières bières dans THE RED BULLETIN

« IL NOUS RESTE ENCORE CERTAINS PROBLÈMES À RÉSOUDRE… »

l­ ’espace. Alors, à quand un apéro dans les étoiles ? Il faudra sans doute encore patienter un peu, mais selon les têtes pensantes de Vostok Space Beer, le bar de l’hôtel des ­premiers touristes de l’espace aura, à n’en pas douter, de la bière sur sa carte. vostokspacebeer.com

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Les rots

Ils sont causés par la non-séparation du liquide et du gaz une fois la bière bue. Une sensation désagréable comparable à une remontée acide.

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Les bulles

L’élaboration de la bière Vostok Space Beer prévoit un niveau de carbonatation faible mais très précis afin d’éviter tout effet déplaisant.

La boire

Là-haut, le liquide ne coule pas comme ici. Vostok a donc conçu pour sa bouteille un système d’alimentation passive utilisant la tension superficielle.

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Kriss Kyle

CHUTE DE TENSION

FRED MURRAY/RED BULL CONTENT POOL

LOU BOYD

Ici, Kriss Kyle, rider BMX anglais de 26 ans, surgit d’un hélicoptère à près de 220 mètres au-dessus de Dubaï et finit sur une rampe posée sept mètres plus bas sur l’héliport de l’hôtel Burj Al Arab... où il enchaîne un second saut par-dessus un escalier. « L’idée de sauter de ­l’hélico était une boutade à l’origine, se souvient Kyle. Nous faisions un repérage sur l’héliport et discutions des possibilités offertes par le lieu. Je lance l’idée en plaisantant, mais très vite la plaisanterie vire au défi. » La performance est osée, même pour un rider aguerri comme lui. « Le vent soufflait si fort qu’il m’a presque a­ rraché le vélo des mains, confie Kyle. J’ai pris une grande respiration avant de sauter et me suis agrippé à la vie. Quand j’ai atterri, j’ai roulé plus vite que prévu, du coup j’ai survolé la s­ econde rampe. J’ai tenu bon mais je ne suis pas prêt d’oublier l’expérience. » redbull.com

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« C’ÉTAIT COMME SE JETER DANS UNE TORNADE ! » Le tourbillon d’air de l’hélico était l’un des défis auxquels Kriss Kyle a dû faire face en sautant sur l’héliport. « Le jeu en valait la chandelle ! »

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DOLLY PARTON I WILL ALWAYS LOVE YOU (1974)

BRIGITTE BARDOT HARLEY DAVIDSON (1968) « Brigitte Bardot est une vraie dure à cuire. J’adore cette chanson où elle raconte qu’elle n’a besoin de personne pour conduire sa moto. Je n’en ai jamais conduit mais je ressens très bien ce qu’elle veut dire. »

« La chanteuse country américaine Dolly Parton est ­terriblement douée pour ­raconter des histoires. Son morceau I will always love you est l’un des meilleurs jamais enregistrés selon moi. J’ai lu que Dolly l’avait écrit pour son manager… Ce n’était pas un titre vraiment romantique avant que ­Whitney Houston ne le reprenne à son tour. J’aime qu’une chanson puisse avoir plusieurs sens. »

RIHANNA CALIFORNIA KING BED (2011)

Lolo Zouaï

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Nouvelle révélation de la scène R&B, l’artiste franco-américaine évoque les chanteuses qui ont influencé son parcours d’autodidacte.

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évélée avec High Highs to Low Lows, une chanson devenue virale où elle raconte ses frustrations de jeune artiste aux prises avec une industrie musicale lui ­faisant enchaîner les sessions studio sans lendemain, Lolo Zouaï s’est imposée en quelques mois comme une figure montante de la scène R&B. Dans la lignée de ce premier succès aussi fulgurant qu’inattendu, la chanteuse a

creusé son sillon avec des titres distillés sur les réseaux sociaux, faisant le récit de son quotidien, désormais partagé entre New York où elle vit, et des tournées entre les ÉtatsUnis et l’Europe. Alors qu’elle s’apprête à révéler ce mois-ci au public deux titres inédits, dont un featuring avec le rappeur britannique Blood Orange, Lolo Zouaï rend hommage à ses aînées qui l’ont inspirée et motivée à poursuivre ses rêves de chanteuse. lolozouai.com

JAZMINE SULLIVAN FOREVER DON’T LAST (2015) « Jazmine est une vocaliste hors pair. C’est une de mes chanteuses préférées, elle est toujours restée fidèle à elle-même. Je trouve cette chanson tellement passionnée, il y a tant de douleur dans sa voix. Rien ne dure éternellement… mais cela vaut la peine d’être vécu. » THE RED BULLETIN

ANTOINE CARBONNAUX

« JoJo a bercé mon enfance. Elle avait une voix incroyable et malgré son jeune âge, elle était capable de passer des aiguës aux graves en une fraction de seconde. Comme JoJo avait été révélée par l’émission de télé-réalité America’s Most Talented Kids, j’ai moimême passé les auditions pour l’émission American Idol avec cette chanson quand j’avais 15 ans… Je n’ai évidemment pas été ­retenue (rires). »

« J’AIME QU’UNE CHANSON PUISSE AVOIR PLUSIEURS SENS »

SARAH KHALID

JOJO HOW TO TOUCH A GIRL (2006)

« Quand j’étais au lycée, j’avais pris l’habitude d’apprendre à jouer des chansons au piano avec YouTube. Cette chanson de Rihanna m’a touchée et j’ai fini par la jouer systématiquement. Aussi sauvage soit-elle, Rihanna sait aussi montrer son côté vulnérable. C’est ce qui fait toute sa force. »


#REDBULLPLAYSTREETS

15/02/2019 LIVE AT 8.00 P.M. WWW.REDBULL.TV


Un continent sous nos pieds FRANCESCO SAURO a deux jobs, dignes d’un film : d’une part, le spéléologue et géologue italien explore des grottes vierges avec son équipe de recherche, La Venta ; d’autre part, il forme des astronautes sous la surface de la Terre. Sauro explique comment faire de la peur son alliée, et anticiper les obstacles dans le monde souterrain. Texte FLORIAN OBKIRCHER  Photos LA VENTA ESPLORAZIONI GEOGRAFICHE


GLACIER DU GORNER, SUISSE

La grotte aux éboulis « À l’intérieur de cette cavité, le moindre changement de température pourrait entraîner son effondrement, explique Francesco Sauro. Passer plus de deux ou trois heures ici, c’est prendre le risque de ne plus pouvoir en ressortir. L’eau est à 0,1 °C. »

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MINE DE NAÏCA, MEXIQUE

La grotte brûlante « Des mineurs ont découvert cette grotte, laquelle renferme des cristaux de gypse de douze mètres de long. Il est impossible de l’exploiter à cause des conditions extrêmes : 50 °C et 100 % d’humidité. Vous vous brûleriez les poumons ici si vous vous y aventuriez sans un équipement constitué d’une combinaison avec système de refroidissement et aide respiratoire. »

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RIVIÈRE SOUTERRAINE DE PUERTO PRINCESA, PALAWAN, PHILIPPINES

La grotte de la mort « Des tarentules venimeuses et des serpents y vivent. Le soir, des centaines de milliers d’apodidés (famille d’oiseaux, ndlr) s’y engouffrent alors que les chauves-­souris la fuient. Les bruissements d’ailes ­atteignent une intensité acoustique équivalente à celle d’un TGV. »


GLACIER TYNDALL, CHILI

La grotte inondée « En l’espace de quelques heures, cette grotte de 100 mètres de ­profondeur peut se remplir d’eau de fonte. C’est pourquoi nous observons l’état d’un glacier p ­ endant plusieurs jours avant de nous ­engager dans une ascension. »

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UN TEPUY, VENEZUELA

La grotte cachée « Nous avons cherché pendant deux ans par image satellite l’entrée de la grotte qui mène à ce tepuy (haut plateau aux flancs abrupts, ndlr). Comme elle se situe dans le paysage rocheux de la jungle, nous avons dû nous y faire déposer en hélico. »

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L’ÉTOILE NOIRE, OUZBÉKISTAN

La grotte obscure « L’air sec et les températures ­glaciales de la grotte transforment les cadavres d’animaux en momie, comme vous pouvez le voir avec cette tête de bouquetin. L’expédition s’est déroulée dans des conditions extrêmement éprouvantes : mille mètres de descente et un vent glacé non-stop des jours durant, dans l’obscurité totale. »

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Ce qu’enseigne un regard dans l’abîme La peur tient en alerte, la curiosité stimule. L’équilibre entre ces deux émotions motrices fascinait déjà Leonard de Vinci.

F

rancesco Sauro, 34 ans, est l’une des rares personnes à se servir à la fois d’un microscope et d’un marteau-pioche dans son ­métier. Le premier, il l’utilise dans son activité d’enseignant-­ chercheur en géologie à l’université de Bologne (Italie), et le deuxième est son outil de terrain qu’il emmène dans ses expéditions avec la communauté d’experts en spéléologie, La Venta, avec laquelle il explore des ravins rocheux dans les coins les plus reculés. En 2013, notamment, ­Sauro est le premier homme à pénétrer la plus longue enfilade de grottes quartzites au monde. Ces cavernes sont s­ ituées à l’intérieur de l’Auyan Tepuy, l’un des plus grands ­tepuys de la jungle vénézuélienne ; à ce jour, Sauro en a cartographié 22,5 kilomètres. « Avant nous, il n’y a pas eu de lumière pendant des millions d’années ici – et probablement pas le moindre son non plus. » Si les grottes fascinent tant notre Italien, c’est parce qu’elles sont pour lui comme des gigantesques bibliothèques.

« Si vous vous cassez une jambe sous terre, vous avez un sérieux problème. »

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Il peut déceler des détails très précis sur l’historique du climat de la Terre en observant des formations stalactites, acquérant ­ainsi de précieuses nouvelles connaissances sur le réchauffement climatique. Et aussi parce qu’on en apprend toujours un rayon sur soimême au bout de six jours enfermé sous terre dans une obscurité totale. Sauro explique à The Red Bulletin pourquoi le plus grand danger en situation ­extrême n’est autre que soimême, et pourquoi les grottes sont des endroits propices pour préparer les astronautes avant une sortie spatiale. the red bulletin : À quand remonte la dernière fois que vous avez eu peur ? f. sauro : J’éprouve de la peur à chaque expédition, et il est important que je l’éprouve. Pourquoi ? Léonard de Vinci a écrit qu’en regardant dans une caverne sombre, il était submergé par deux émotions : la peur et la curiosité. Aussi différentes que soient les deux, elles sont ­interdépendantes. La peur vous tient en alerte et vous empêche de faire un pas irréfléchi ; elle joue le rôle d’un garde-fou. Et la curiosité, c’est votre moteur. Comment trouve-t-on le bon dosage entre les deux ? Lors de ma première expédition dans les Dolomites avec mon père, j’étais gamin, j’ai vraiment eu la frousse. Mais

plus j’osais avancer, plus ma peur diminuait. La clé pour trouver le bon équilibre, c’est l’expérience. L’expérience n’est-elle pas relative pour préparer une expédition dans un endroit encore jamais exploré ? C’est possible en partie. Quand je suis parti pour le Venezuela, j’avais déjà accumulé pas mal d’expérience dans les grottes arctiques et alpines et dans des cratères de volcans. Arrivé là-bas, bam ! C’était un univers complètement inconnu. Mon s­ avoir empirique ne pouvait m’apporter qu’une aide très ­limitée. Quand l’expérience n’est plus d’aucun secours, quelles sont les facultés qui permettent d’assurer la survie ? La concentration. Il y a évidemment toujours un risque d’éboulement ou le risque de respirer les spores d’un champignon mortel, comme ça

L’explorateur Francesco Sauro a remporté le Rolex Award 2014 pour ses recherches.

m’est arrivé au Mexique. Mais le plus grand danger vient de soi-même : la fatigue. Si vous ne faites pas attention où vous posez le pied et que vous vous cassez une jambe, vous vous retrouvez avec de sérieux ennuis. Vous êtes dans l’obscurité, des centaines de mètres sous terre. L’hélico de secours ne viendra pas vous chercher là-bas. Il peut se passer des jours, voire des semaines avant que quelqu’un vous rejoigne. Avez-vous déjà regardé la mort en face ? Naturellement. C’était dans une des grottes les plus profondes du Mexique, nous étions les premiers à nous

« Nous étions coincés dans une cascade glacée de 170 mètres de profondeur. »


aventurer si loin sous terre. Alors que nous étions en train de descendre une cascade, la perceuse dont nous avions ­besoin pour fixer les crochets de fixation dans la roche a glissé des mains de mon collègue. Impossible de monter ni de descendre, nous étions prisonniers de la cascade glacée, par 170 mètres de fond. Et alors ? J’ai débusqué un buisson dans la paroi auquel j’ai fixé ma corde. Je l’ai testé pour voir s’il supporterait mon poids. Je n’y croyais pas réellement, mais c’était notre unique chance. Nous sommes descendus en rappel en nous alternant tous les 100 mètres, avec précaution. Et on s’en est sortis. La qualité primordiale d’un explorateur, c’est sa capacité d’improvisation. Vous formez des astronautes de l’Agence spatiale européenne (ESA). À quoi ressemble cette formation ? Nous mettons les astronautes dans des cavernes, comme celles de Lanzarote, car les conditions climatiques et le paysage désertique et couvert de cratères volcaniques y sont similaires à celles de Mars. On leur donne des tâches scientifiques à réaliser en équipe de six, dans un environnement qui leur est étranger.

ROLEX AWARDS/STEFAN WALTER

« L’Homme explore l’espace alors qu’on a un continent vierge sous nos pieds. » En quoi les grottes et les cavernes permettent-elles de préparer les astronautes ? Sous terre, il n’y a pas de différence entre le jour et la nuit. Les astronautes doivent apprendre à vivre et à travailler ensemble dans un espace confiné. Ils doivent planifier THE RED BULLETIN

très précisément leurs rations de nourriture, leur matériel. Si vous n’avez plus de batterie pour votre torche, vous passerez un mauvais moment. En d’autres termes, les grottes ne pardonnent aucune erreur. Elles sont réelles, ce ne sont pas des simulations. Les astronautes les adorent. Ils vivent là leur première mise en situation, avant de décoller pour la station spatiale, où la moindre erreur peut avoir des conséquences terribles et où ils doivent coopérer. Qu’est-ce qu’un astronaute peut apprendre de vous ? Je suis sûr qu’à l’avenir, les ­astronautes devront avoir des compétences similaires à celles des spéléologues. Prenez Mars : la vie n’est pas possible à sa surface à cause des radiations. Mais les grottes étant hors de portée, elles sont protégées, donc si nous devions un jour nous y établir, elles seraient les refuges idéaux. Est-ce que les grottes renferment encore des secrets ? Comme Mars, la Terre fut un jour inhospitalière pour l’Homme. Je suis persuadé que la vie sur notre planète a commencé et s’est développée dans les grottes. Cette hypothèse n’a pas encore été vérifiée. Nous en sommes au début de la recherche sur la vie souterraine. Ces dernières cinquante années, nous avons exploré 30 000 km de souterrains. Dix millions restent inexplorés. L’Homme explore l’espace alors qu’on a un continent entièrement vierge sous nos pieds…

Le livre Into the Heart of the World: La Venta, 25 Years of ­Exploration documente les ­expéditions les plus ­importantes de Francesco ­Sauro et de son équipe ; ­laventa.it

RECORDS CAVERNEUX

Une concrétion haute comme une tour et une colonie de chauves-souris : six données souterraines.

627

km de galeries relevés dans Mammoth Cave (Kentucky, USA) : le réseau souterrain le plus étendu au monde.

26 100

km² : la taille du plus grand lac souterrain au monde : situé à 66 m sous terre, dans le Gouffre du Souffle du Dragon (Namibie), il est profond de 84 m.

2 191 20 000 000

mètres : distance sur laquelle les chercheurs se sont relayés pour descendre en rappel la grotte Krubera (Géorgie), la plus profonde au monde.

70

mètres de haut : taille de la plus grande concrétion au monde, dans la grotte Hang Soon Dong, jungle du Vietnam.

de chauves-souris dans la grotte de Bracken (Texas, USA). Aucun autre endroit ne regroupe tant de chiroptères.

1888

Date à laquelle Édouard-Alfred Martel, le père de la spéléologie, cartographia une caverne pour la première fois. Il s’agissait de l’abîme de Bramabiau (30), en France.

EN CAS D’URGENCE

Quatre phénomènes extrêmes qui peuvent survenir sous terre, et comment y remédier.

CLAUSTROPHOBIE

Quelle que soit son étroitesse, un passage s’aborde toujours les pieds devant ! ­Ainsi vous éviterez de rester coincé… Si le casque passe, le reste passera aussi. En cas de crise : respirer profondément, rester calme, et se déplacer lentement.

ÉPUISEMENT

Dans un environnement inconnu, on a tendance à marcher plus vite qu’à son habitude. Dans une grotte, la fatigue ­extrême et le manque de ­vigilance peuvent avoir des conséquences fatales. Il est important de se forcer à ne pas accélérer le pas.

PANIQUE

Quand on passe des jours à avancer dans une caverne, on a besoin d’autant de temps pour en sortir. Cela signifie que toute aide extérieure est elle aussi à des jours de marche… Remède ? Seul le prochain pas que vous allez faire compte.

HYPOTHERMIE

Les spéléologues sont habitués à l’humidité, ils sont trempés la majorité du temps à cause des rivières souterraines. Quand le froid se fait sentir, ne restez pas immobile. Marchez lentement jusqu’à ce que le corps se soit réchauffé.   33


« Je donne le meilleur de moi-même lorsque ça devient zach* » MARCEL HIRSCHER – champion de ski, mari et jeune père d’à peine 30 ans – en personne : un entretien sur l’ambition, le mode course au quotidien, les raisons pour lesquelles il lui arrive de jurer comme un charretier sur la piste, et le sens de la vie selon lui. Interview MANUEL FUCHS Photos FELIX KRÜGER

* Austrianisme pour « coriace » ou « laborieux » 34


« Je suis du genre acharné. » On pourrait donc logiquement penser que ce gars est têtu. Et on aurait tout faux.


T

he red bulletin : L’une de vos citations ne ressemble pas à Marcel Hirscher. On peut commencer par là ? marcel hirscher : Volontiers. « La seule chose qui me reste qui ne soit pas encore partagée, c’est ma vie privée. » Traduction : « Maintenant, je suis tellement célèbre que, pauvre de moi, seule ma vie privée m’appartient encore. » Faut-il plaindre l’actuel meilleur skieur au monde ? Bien sûr que non ! Mais rien n’est tout noir ou tout blanc dans la vie. D’un côté, j’ai la chance et le privilège d’être au sommet de mon sport depuis sept ans. Mes talents et mes compétences sont aussi des cadeaux pour lesquels je suis reconnaissant et pour lesquels je suis très estimé, souvent plus que ce que je peux gérer. Et pourtant, il y a le revers de la médaille, qui est difficile à comprendre pour quiconque ne le connaît pas. Très peu de gens le connaissent. À quoi ressemble le revers de la médaille ? Avec le succès, l’intérêt du public grandit. C’est ce que beaucoup de gens recherchent, parce qu’à l’ère des médias, nous polarisons l’attention. Il n’en a pas été autrement pour moi. Au début, je trouvais cet engouement très excitant, très drôle, cela flattait mon ego. C’est gérable jusqu’à un certain point. Jusqu’à ce que vous compreniez que vous perdez votre anonymat et que vous faites partie d’un patrimoine culturel. Une étrange réalité parallèle se profile : vous connaissez personnellement un petit nombre d’individus auxquels vous pouvez clairement vous identifier. Mais de plus en plus de gens vous parlent comme si vous étiez de vieilles connaissances, alors que vous ne les avez jamais vus de votre vie. Vous ne connaissez pas grand monde, mais presque tout le monde vous connaît. Les gens vous voient constamment dans les médias et créent une relation 36

avec vous, mais vous n’en savez rien. Et vous vous retrouvez soudainement à tutoyer une masse anonyme dont vous ne connaissez rien : vous dites bonjour, hochez la tête, souriez, répondez… Partout et tout le temps. Et ces nombreux contacts sociaux vous coûtent plus d’énergie qu’ils ne vous en apportent ? Non, j’aime être au contact des gens. Mais comme tout le monde, j’ai aussi besoin de pouvoir me retirer. Ce qui prend de l’énergie, c’est que vous n’êtes soudain plus jamais seul. Sauf lorsque vous êtes chez vous ou à l’étranger. C’est comme dans un open space : c’est super, parce que cela facilite la communication, mais les gens finissent toujours par en sortir pour avoir un peu d’intimité. L’anonymat en public, c’est aussi la vie privée. Se promener à Vienne (Autriche, ndlr) dans la Mariahilfer Strasse (grande rue commerçante et piétonne du centre-ville, ndlr) incognito, en étant seulement un passant parmi les autres : c’est tout simplement impossible pour moi. Si je veux de l’intimité, je dois m’arranger pour m’isoler. Et cela concerne aussi ma famille. Je ne m’en plains absolument pas, cela fait partie du job. C’est très particulier à la longue, parce que ce qui est évident pour la majorité des gens ne l’est pas pour moi. La plupart de nos lecteurs seraient pourtant prêts à échanger leur vie contre la vôtre. L’argent ne sera plus jamais une source d’inquiétude pour vous, par exemple. C’est vrai, si je ne fais rien de stupide. Qu’est-ce que cela fait d’exercer son métier sans avoir à se soucier du solde sur son compte en banque ? C’est un sentiment que peu de ­personnes connaissent. Eh bien, on peut se passer de la ­motivation dont beaucoup de gens ont besoin pour travailler. Dans mon cas, je dois trouver ma motivation ­ailleurs.

Le deuxième moteur le plus ­puissant pourrait être le plaisir que l’on éprouve en faisant ce que l’on fait. Comme motivation de base ? Je serais tenté de répondre par l’affirmative, mais ce serait mentir. Exercer un métier qui vous plaît et faire partie de la classe mondiale ne vont souvent pas ensemble. Je ne fais que ce qui me plaît ? En vacances, oui ! Mais il faut également trouver le temps et le loisir de faire ce qui nous fait plaisir. Au début de la dernière saison, par exemple, lorsque je me suis cassé la cheville, j’avais beaucoup de plaisir, même si mon pied me faisait mal. Parce que c’était un temps mort ­inattendu… Vous n’avez jamais eu de plaisir avant cette pause forcée ? THE RED BULLETIN


Une fois la saison de course terminée, le temps est à la réflexion. « Les premières semaines du printemps, je me sens toujours extrêmement libéré. Cela me met de très bonne humeur. »

blessure, c’était impossible. Exclu. Et cela m’a libéré d’un poids. Mais vous avez finalement gagné. (rires) … Oui ! Et ma victoire a signé mon retour à la vraie vie. On sait l’énergie que vous consacrez à préparer vos victoires. Après tout ce que vous venez de dire, cela signifie également que vous vous efforcez de toutes vos forces d’accomplir quelque chose qui, finalement, vous pèse. C’est bien cela ? Attention, il ne faut pas tout mélanger ! La victoire en soi ne me pèse pas, bien entendu. Ce sont plutôt les conséquences des victoires répétées. Je ne comprends pas. Je vais reformuler. Vous êtes doué dans votre travail de journaliste. Et alors ? Et comme vous êtes bon, on vous confie de plus en plus d’interviews, n’est-ce pas ?

« Vous ne connaissez personne, mais presque tout le monde vous connaît. Vous perdez votre anonymat. » Bien sûr que si ! J’ai souvent trouvé du plaisir dans ma vie de skieur pro, et dans le succès, bien sûr que c’est cool. Mais de là à dire que c’est le plaisir qui me motive tous les jours à repousser mes limites. Youhou, se torturer est-il tellement amusant ? Non. La saison dernière a été votre saison la plus fructueuse malgré votre fracture de la cheville. Comment avez-vous réussi cet exploit ? Rectification : pas « malgré », mais « grâce à ». La saison dernière, j’ai THE RED BULLETIN

eu le sentiment d’avoir à nouveau 18 ans. Vouloir gagner plutôt que ne pas vouloir perdre, j’étais dans le même état d’esprit que quand j’avais 18 ans, mais avec l’expérience, les compétences et le corps d’un homme de 28 ans. Bien sûr, ma blessure était très douloureuse et le chemin du retour semé d’embûches. C’était une phase brutale. J’ai vu dix médecins qui m’ont tous tenu un discours différent. Et c’est sur cette base que vous prenez des décisions médicales qui déterminent votre santé et votre carrière. C’est plutôt zach*. Malgré tout, durant cette période, j’avais l’impression d’être en vacances dans ma tête. Parce que vous n’aviez pas la ­pression de devoir gagner à cause de votre blessure ? Je ne pouvais pas gagner. Après ma

Je ne m’en lasse pas. Exactement. Chaque bonne interview en appelle d’autres. Mais une journée dure 24 heures, pas plus. Ainsi, votre temps de régénération se raccourcit. Mais il y a toujours la possibilité de refuser… Le faites-vous ? Voilà. Moi non plus. Je fais ce que j’ai à faire, et le ski n’est qu’un aspect de mon job. Il n’y a pas de raison que les choses changent. Pourquoi continuez-vous à skier si cela vous pèse ? Vous pourriez profiter de votre vie de famille… Parce que j’aime vraiment la course et l’entraînement, tout le travail acharné que doit fournir un sportif et un compétiteur. Parce que c’est classe d’être vraiment bon dans une discipline, à un niveau où peu d’autres évoluent. Parce que gagner est vraiment un sentiment génial. Mais pour profiter de tous ces avantages, vous devez   37


« Le fait de râler m’aide. Je crie contre moi-même pour aller plus vite. » Heureusement, personne ne peut l’entendre sur la piste de course. « Souvent, je râle contre moi tout le long du parcours. »


« Si je ne faisais que ce qui ne me coûte aucun effort, le skieur Marcel Hirscher n’existerait pas. »

accepter les inconvénients pendant quelques années. C’est normal. Pourquoi employez-vous le mot « devoir » et pas « vouloir » ? Un Marcel Hirscher ne doit plus rien depuis longtemps. Hmmm. Parce que je dois faire ce que je veux ? Ou l’inverse ? Peut-être parce que j’ai été conditionné et que j’ai ­appris très tôt que le succès ne tombait pas du ciel ? Ce sont là de bonnes questions. Qu’avez-vous à y répondre ? Je ne suis pas sûr. Et cela ne me dérange pas qu’on me dise qu’il faut que je bosse dur pour atteindre un objectif. Vous n’êtes motivé ni par l’argent, ni par le plaisir d’exercer votre métier. La gloire n’est certainement pas ce qui vous motive non plus…  Pas vraiment, c’est plutôt le contraire ! (rires) … et vous semblez déjà avoir laissé un héritage depuis longtemps. Qu’est-ce qui vous pousse à vous lever à 4 heures du matin pour être à l’heure en haut du glacier ? Probablement le devoir. Ce « je dois » me fait avancer. Je lui dois ­beaucoup… J’ai besoin d’être sous pression pour accomplir des performances. Le ­plaisir seul ne génère pas assez de pression. Vous êtes également plus performant lorsque vous savez que vous devez terminer un texte le lendemain matin à 6 heures. Oui, mais uniquement parce que l’organisme libère des hormones de stress. À long terme, ce n’est pas sain. Il y a deux sortes de stress : le positif et le négatif… Je me mets sciemment la pression. J’ai toujours fonctionné de cette façon. Je donne le meilleur de moi-même lorsque les choses deviennent zach*, et je suis au top lorsque tout semble impossible. Cette règle ne s’applique pas uniquement

au ski. J’ai toujours dû me battre pour tout dans la vie. À l’école, déjà, lorsque nous jouions à la balle aux prisonniers. Je n’ai jamais été le plus grand, le plus fort, le plus malin ni le plus sportif. Mais le plus… ? … ambitieux. Et je l’assume. Le mot « ambition » est souvent employé à tort et à travers, et parfois il est mal vu. Sans ambition, on passerait tous nos journées sur un canapé. Je n’ai jamais réussi à faire en sorte que quelque chose ne me touche pas quand je n’y arrivais pas. Et, enfant, je ne comprenais pas pourquoi on disait qu’il ne fallait pas s’en faire… (rires) Et comment vous mettez-vous la pression dont vous avez besoin ? C’est difficile à décrire. C’est comme un interrupteur à l’intérieur de moi que j’actionne : je l’appelle le « mode course ». Vous avez déjà entendu parler de flow ? L’état de concentration ­maximale dans lequel tout semble plus facile ? Arrêtez avec le flow. C’est comme le plaisir et le bonheur : ce ne sont pas des états permanents, mais des moments. Je ne mise pas sur le plaisir pour un entraînement dont je sais qu’il sera douloureux. Ce mode course, il me booste ! Il m’encourage et me pousse, notamment pour franchir le pas et dépasser mes limites. C’est le pas qui fait toute la différence. Car peu de gens en sont capables. Vous dépassez donc vos limites lors de chaque entraînement ? Bien sûr ! Il y a une barrière naturelle, mais vous pouvez la franchir. Soixante secondes de burpees ou de sauts sur caisson à hauteur des genoux : répétez l’exercice 125 fois et vous serez plus prêt de vous effondrer que n’importe qui d’autre. À quoi bon frôler l’effondrement ? Il ne s’agit pas de s’effondrer, mais

de repousser les limites. Tout ce qui est en dessous de la limite de l’effondrement relève de la zone de confort (rires). En été, par exemple, je fais du motocross. Je fais mes tours, je pense être au bout de mes possibilités. Puis, un autre coureur me rattrape. J’ai déjà fait dix tours, objectif accompli, je pourrais laisser tomber. Mais je ne le fais pas ! Je transforme ce tour en une course même si je suis déjà éreinté. Je n’abandonne pas. J’accélère à fond ! À un moment ou un autre, il faudra bien qu’il abandonne. Là alors, je ressens du plaisir un court instant, mais avant, il n’y a ni flow ni joie (rires). Le simple fait qu’un parfait inconnu ambitieux, épuisé au guidon de sa moto, abandonne, vous apporte de la joie ? Non ! Je suis heureux de m’être surpassé. C’est archaïque. Peut-être que seules les personnes ayant une nature de compétiteur peuvent le comprendre, à l’extrême. Peut-être que tout le monde porte cette nature en lui, mais qu’elle est plus marquée chez certains ? L’envie d’être meilleur nous fait progresser, en tant qu’être humain aussi. Mais vous n’avez pas besoin de faire avancer l’évolution en solo ? Cette rigueur envers vous-même déferle-t-elle vraiment sur vous ? Non, absolument pas. Bien sûr, elle laisse des traces avec le temps. Depuis mon titre en Coupe du monde en 2013, je remarque une fatigue perpétuelle qui s’installe et ne disparaît plus jamais vraiment. Vous parlez d’une sorte de burnout ? C’est un terme médical. Ma fatigue est le résultat de la résistance intérieure que je dois surmonter encore et encore. Avec des « je ne skie que pour le plaisir ! », je ne la surmonte pas. Si je ne faisais que ce qui ne me coûte aucun effort, le skieur Marcel Hirscher n’existerait pas. Clairement   39


Qu’y a-t-il après le ski ? Comment définit-on le succès en tant que père ? Peut-on se contenter d’être bon et pas le meilleur ? Réponses à suivre.

La fatigue ne s’amenuise-t-elle pas ? Non. Savez-vous comment je la ­réduis  ? (rires) Au risque de me répéter : en ne faisant plus que ce qui vous fait plaisir, peut-être ? Cela coûte une fraction de votre force et libère de nouvelles énergies. À mon tour de me répéter : si je ne fais plus que ce qui me fait plaisir, autant arrêter ma carrière tout de suite. Je fais partie d’un système contrôlé en grande partie par d’autres personnes, je suis un outil qui doit fonctionner. Mais Marcel Hirscher est le roi du ski… Si j’essaie de changer les choses comme je pense qu’elles devraient être, je consacre mon énergie à cela plutôt qu’au ski. Et adieu le skieur Marcel Hirscher. Si vous dites que vous voulez A, alors A arrive. Le ski est plus dépendant de Marcel Hirscher que Marcel Hirscher ne l’est du ski. Non. Si ! Non ! Vous êtes considéré comme le ­meilleur skieur de tous les temps, vous pouvez faire des choses qu’aucun skieur n’avait jamais faites avant vous. Citons simplement le slalom en combiné alpin àP ­ yeongchang : pendant votre course, une tempête de neige s’est déclenchée. Vous n’aviez aucune visibilité. N’importe qui d’autre aurait enfourché. Vous avez été sacré champion olympique. Comment pouvez-vous faire abstraction de certaines choses comme une tempête de neige ? Je ne peux pas faire abstraction d’une tempête de neige. Là, vous 40

me ­surestimez (rires). C’est ce mode course. Une turbine s’active en moi. « Quoi ? Vous m’envoyez dans cette tornade en pleins Jeux olympiques ?! », ai-je songé pendant la course. Puis je passe en mode automatique. Je râle, je respire, je ­repousse les limites. Au lieu de vous concentrer sur la course et la médaille d’or olympique, vous avez juré comme un charretier sur la piste ? (rires) Oui. Le fait de râler m’aide. Souvent, je crie contre moi pour que l’étincelle d’allumage active les chevaux supplémentaires et que j’aille encore plus vite. Surtout quand je fais de grosses erreurs, comme à ­Madonna di Campiglio cette année, lors de la deuxième manche… … lorsque vous étiez déjà dans la neige. Rien qu’à ce niveau, cela a été une course folle. Normalement, une course est perdue après une telle erreur… Mais vous, vous avez gagné ! J’ai crié contre moi tout le long de l’escarpement. Des choses à ne vraiment pas dire devant des enfants ! Mais quand le mode course est activé, je suis dix pour cent plus rapide que d’habitude. Sinon, je n’aurais pas ­gagné là-bas. Un jour, vous avez raconté qu’après une course, vous grinciez des dents si fort la nuit que vous aviez mal à la mâchoire le lendemain matin. Combien d’énergie coûtent ces 60, 70, 80 secondes d’une course ? Elles sont tellement éprouvantes que vous êtes trempé de sueur à moins 30 degrés et que vous voyez trentesix chandelles. Une fois, nous avons mesuré le taux de lactate. Il était ­supérieur à 20. Seuls les sprinters de 400 mètres atteignent un tel chiffre. C’est exactement ce qui me plaît. Skier, m’entraîner, sonder et repousser les limites physiques et mentales.

C’est génial ! Je pense que j’aurai toujours ce genre d’énergie. Tout ce qu’il y a autour, les rendez-vous, la disponibilité permanente, c’est ce qui me pèse le plus. Et c’est maintenant presque un plus grand succès pour moi lorsque les choses progressent dans ce domaine plutôt qu’au niveau sportif. Par exemple ? Que mon équipe et moi soyons logés au même endroit sur tous les sites de la saison, que les hôtels ne soient plus des auberges de jeunesse. Vous devez réfléchir à votre lieu d’hébergement sur les sites de course ? Bien sûr. Notre quotidien pendant une Coupe du monde est de nous assurer que la chambre est suffisamment propre pour ne pas tomber malade alors que notre système immunitaire est affaibli par le stress lié au voyage et aux courses. Que notre chambre ne donne pas sur une rue animée. Nous disputons des courses là où d’autres passent leurs vacances. À une époque de l’année où les hôtels réalisent le plus gros de leur chiffre d’affaires. Nous profitons de l’accord FIS qui nous permet de payer un forfait d’environ 100 francs par nuit, même si la nuit coûte normalement dix fois plus et en pleine saison, alors que l’hôtelier pourrait louer la chambre à trois clients différents. Pas étonnant que nous ne soyons pas les hôtes les plus intéressants. Mais il faut se mettre à leur place. Tout cela pour dire que vous devez vous battre pour beaucoup de choses également en dehors de la piste, vous assurez de recevoir un repas adapté à un sportif de haut niveau. Ne pas avoir à changer d’hébergement trois fois par semaine. On n’exige pas des robinets en or. Seulement un service et un environnement de qualité à tous les niveaux. On passe rapidement pour une diva lorsqu’on dit : « Je suis sportif de haut niveau, je voudrais manger sainement et bien dormir. »

STYLING: JOHANNA BOUVIER, GROOMING: INA MAURER, LOCATION: PANZERHALLE SALZBURG

pas. Ce qui me motive, c’est ce dépassement quotidien. Et ça marche. Depuis dix ans.

THE RED BULLETIN


Un skieur de votre carrure a-t-il peur d’une descente ? Moi, c’est certain. Vous avez déclaré à propos de vos énormes avances : « Si vous gagnez un ou deux centièmes à chaque ­virage, cela correspond à 120 piquets en slalom géant. » Vu comme ça, on comprend qu’avoir 1,2 seconde d’avance revient à essorer la dernière goutte d’un torchon sec. Comment réussit-on une telle prouesse ? Il faut travailler sur le silence de ­fonctionnement. Pardon ? Lorsque les amortisseurs d’une voiture sont correctement réglés, vous pouvez rouler sur un nid-de-poule à 101 km/h. S’ils ne sont pas réglés correctement, vous ne pouvez aller que jusqu’à 100. C’est pareil en ski. Ces amortisseurs, c’est ce qu’on appelle le set-up. Ces millimètres que personne ne comprend… Ces dixièmes de millimètre que peu de gens comprennent.

« Le sens de ma vie ? Je le vois grandir chaque jour depuis le 6 octobre. » Abordons la compétition de vitesse. Parfois, vous caressez l’idée, parfois non. Pourquoi ce tiraillement ? Je serais un parfait débutant, moins dix ans d’expérience. Je devrais remettre les compteurs à zéro. L’effort à fournir pour rattraper ce retard serait insensé. C’est ce que nous sommes en THE RED BULLETIN

train de faire, c’est un petit effort. Et j’ai la chance d’être en bonne santé. Si je veux être encore en forme à 35 ans, et par cela j’entends en forme selon mes exigences et non pas comme un gars normal de 35 ans, je n’ai pas le droit de faire de la descente. Tôt ou tard, quelque chose dans le corps se déchire, s’écrase, se tord dans le mauvais sens et ne retrouve plus ­jamais son état d’origine. Mais cela vous tente malgré tout ? Oui.

Qui les comprend, par exemple ? Mon père. Les gars de mon team, anciennement Edi Unterberger, aujourd’hui Graggi (il s’agit de Thomas Graggaber, actuel responsable de service de l’équipe Hirscher, ndlr). De super gars, les meilleurs. Mais aussi de pauvres bougres, car ils discutent tout le temps de ces dixièmes de millimètre avec mon père et moi. (rires) Question d’ordre général à présent : quel est le sens de la vie pour vous ? (Il ferme les yeux et prend le temps de réfléchir.) Le sens de la vie ? C’est le devenir. À mes yeux, en tout cas. Quel est-il actuellement ? Je le regarde dans les yeux et je le vois grandir chaque jour depuis le 6 octobre.

marcelhirscher.at   41


ULTRA PROS

Ils collectionnent les streams par ­millions et partagent les scènes des dieux du metal. Comment le groupe ­parodique ULTRA VOMIT est devenu une affaire sérieusement efficace.


Le metal parodique d’Ultra Vomit a fédéré des milliers de fans, au point que le groupe (ici en live à l’Olympia) revient au Hellfest cette année.

Texte ÉLISABETH LAVARENNE Photos MATHIEU EZAN   43


Rock’n’roll circus : qui a dit qu’il fallait être sapé en noir pour jouer du metal ?

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ifficile de formuler clairement à quoi ressemble la musique ­d’Ultra Vomit, tant son étiquette de « ­metal parodique » touche à peu près à tous les styles et déclinaisons du metal, le tout mixé ­aisément à une touche de musique populaire. Du grindcore au death metal, en passant par le heavy, le thrash ou le black metal, singeant entre autres Motörhead, Rammstein, ou réunissant Gojira et C ­ alogero sur un même titre, ­Ultra Vomit ne s’arrête devant aucun monument du genre, et ses quatre membres se révèlent être des musiciens de haute ­volée, capables de fournir des riffs et ­compositions à en faire mosher les plus ­timides d’entre nous. En voyant cette bande de joyeux drilles enchaîner sketches et blagues sur scène, difficile d’imaginer le groupe en répète, concentré à travailler sérieusement sans se bidonner, tant leur univers tout entier est axé sur la déconne. Pourtant, on se rend compte que leur spectacle est millimétré et maîtrisé : son, scénographie, jeu de scène, interventions de chaque ­musicien tout en préservant une part d’impro… Ils n’ont rien à envier aux plus grands groupes, même à certains 44

c­ omédiens. Pour arriver à posséder tous les ­codes de ces diverses disciplines, il aura bien fallu que ces gars-là atteignent un ­sérieux niveau de technique digne des meilleures brutes de studio. Sous les nombreuses strates d’inventivité clownesque destinées à vous faire p ­ oiler, quelle est leur façon de travailler ? Pour ­côtoyer Slayer ou Marilyn Manson sur les scènes des plus grands festivals (Download, Hellfest), remplir la mythique salle de l’Olympia, vendre 20 000 unités de leur album Panzer Surprise! (quand seulement 15 % des disques sortis en France passent le stade des 10 000) et a ­ tteindre des millions de vues sur YouTube : quel investissement personnel et professionnel les quatre membres d ­ ’Ultra Vomit ont-ils dû fournir ? Fetus (chant-guitare), Manard (batterie), ­Flockos (guitare) et Matthieu Bosson (basse) nous dévoilent tout.

« Ultra Vomit, ça ressemble à un holdup. À la base, il n’y a aucune prétention. » FETUS – CHANT/GUITARE

the red bulletin : Messieurs, au-delà d’une grosse couche de déconne, on voit bien que vous êtes des musiciens hors pair et que votre show est hyper rodé. Avouez, vous êtes un groupe ­sérieux qui travaille beaucoup ! manard : Ce qu’on aime dire, c’est qu’on fait de l’humour sérieusement. flockos : Ça dépend des périodes. Pour l’album, on a donné un gros coup de bourre sur l’année qui précédait, jusqu’à ce que ça nous casse les couilles, qu’on ait atteint notre limite d’assiduité et de dévotion. La seule ambition qu’on a, c’est de faire les choses bien, avec application. Ce n’est pas parce que c’est marrant qu’on va le bâcler. Ce n’est pas parce que c’est une vanne que ça ne sert à rien de bien sonner. Quand on a la tête dans le guidon, on est le plus consciencieux du monde. fetus : Pour ma part, le déclic a été tout début 2000 en voyant le groupe Gronibard. C’est clair que c’est de la vanne, mais ça joue grave ! Je me suis rendu compte que c’était possible de le faire et qu’on devait le faire. Dès le moment où on a commencé Ultra Vomit, l’ambition était qu’on arrive à ce niveau de maîtrise, de gifle. flockos : Une fois l’album terminé, on a bossé comme des truies pour monter un nouveau show adapté. On s’est entourés de techniciens très dévoués, consciencieux et compétents. À chaque fois qu’on touche à un domaine, on essaie de le faire au top si les moyens sont là. On ne lésine sur rien pour faire une prestation vraiment aboutie. Après, si ça plaît aux gens, c’est la cerise sur le gâteau. Mais au ­départ, on veut quelque chose qui nous plaise à nous. fetus : Même sans parler musique : dans les speechs entre les morceaux, plus c’est travaillé ou écrit, et plus ça va être possible d’improviser, d’être libre. flockos : On a un couloir, vraiment bien défini, scénographié, presque chorégraphié, et dedans on se balade. Sans sortir du sentier qu’on s’est imposé. Comment Ultra Vomit est-il devenu un groupe de plus en plus solide, crédible ? fetus : Ce qu’il est très important de comprendre à notre sujet, c’est que ça ressemble à un hold-up. À la base, il n’y a ­aucune prétention. flockos : Je pense que c’est ça qui fait que tout se déroule bien. On n’a pas produit de T-shirts du groupe avant de faire les compos. C’est ton public qui décide si ça marche, pas toi. fetus : Fais ta part du job et considère que le résultat ne t’appartient pas. manard : Dans les premières années, on était deux dans le groupe : Fetus et moi. THE RED BULLETIN


Quand ils lancent Ultra Vomit en 2000, comme un « hold-up », Matthieu, Manard, Flockos et Fetus sont loin de s’imaginer sur la scène de l’Olympia.


Angus d’AC/DC ? Non, Fetus, le guitariste et la voix d’Ultra Vomit, groupe qui s’applique à vous faire marrer.

« Notre plus grand hoax, c’est cette tournée qu’on avait appelée The Renouvellement of Intermittence. » FLOCKOS – GUITARE


TOP 5 DES GROUPES « SÉRIEUX » devenus des parodies d’eux-mêmes, selon Manard

1. MANOWAR Rois de l’acier en slips peau de bête Je suis un énorme fan de ce groupe ! Mais justement en partie à cause de ce côté too much qui fait qu’ils sont une parodie d’euxmêmes ! Qui ne connaît pas le bingo Manowar ? Les vieilles pochettes en peaux de bêtes ? Malgré tout, ils sont un groupe unique et monstrueux !

2. ANNIHILATOR Guitarminator Là, je tape carrément sur un de mes groupes préférés ! Je dois être maso. Mais en étant objectif il est vrai que le père Waters (Jeff de son prénom, fondateur et guit-artiste culte de ce groupe canadien, ndlr) recycle un peu trop ses propres riffs ou gimmicks. Avec parfois un gros air de déjà entendu ! Et ce malgré la qualité globale des albums du groupe… Allez, il suffirait d’un petit regard extérieur, et hop ! THE RED BULLETIN

3. IRON MAIDEN Grand-Guignol culte Toujours des tueurs en live, mais en studio... On passe d’un groupe réputé pour ses pochettes à un groupe qui nous pond la pire de l’histoire (Dance of Death), qui sort des jeux vidéos moisis (Virus) et environ trois live par an. Un genre de définition de la ­parodie. Même si ça s’arrange ces dernières années… ouf !

4. GRAVE DIGGER : Heavy épique teutonique J’en suis fan, alors qui aime bien châtie bien ! Rien ne ressemble plus à un album de Grave Digger qu’un autre album de Grave Digger ! Alors bon, on n’est jamais vraiment déçu, mais on n’est ­jamais vraiment content non plus.

5.CANNIBAL CORPSE Triperie Death Metal Pour leur longévité et leur immuabilité, je dis respect ! Garantis sur facture : une pochette gore, une prod énorme et des riffs araignées ! D’où un petit côté ­parodie d’eux-mêmes même si le groupe reste bien cool !

On jouait dans le garage des parents de Fetus et ça nous suffisait. On se marrait en enregistrant des petites démos sur ­cassette mais jamais on aurait pensé faire des concerts. Il a fallu qu’un pote, Arnaud Moyon, vienne nous voir en répète et nous propose de nous faire jouer. C’était déjà un hasard, on ne demandait rien. flockos : On a une sorte de passivité, mais on a fait des rencontres cruciales : le tourneur Rage Tour, les labels Listenable, Sacral, et Verycords avec qui on a sorti notre troisième album, Panzer Surprise!. Aussi, des producteurs comme Neb Xort qui a produit le groupe de black metal symphonique français Anorexia Nervosa, ­Francis Castes et aujourd’hui Fred ­Duquesne, sauf que lui on est allés le ­chercher. Pour faire les choses le mieux possible, on ­n’allait pas essuyer les plâtres d’un home studio. On voulait des gens spécialisés, les meilleurs dans leur domaine. fetus : Panzer Surprise! nous a permis de faire plein de choses qu’on n’avait jamais faites auparavant, notamment de jouer devant autant de monde au Hellfest 2017, ou bien les dates à Paris : l’Alhambra, le Trianon et l’Olympia en l’espace d’un an et demi. On ne pensait pas qu’il y aurait plus de gens à chaque fois ! manard : Si tu schématises, la courbe est très régulière. En abscisses, ce sont les sorties d’albums et en ordonnées, la ­popularité. Hé bien c’est f(x) = x. Êtes-vous uniquement concentrés sur le groupe depuis que vous vous êtes professionnalisés et entourés ? manard : Moi c’est l’inverse justement : plus le groupe marche, et plus je travaille à côté. À l’époque de notre premier ­album, M. Patate, j’étais un putain de RMIste chômeur, un gros branleur. Aujourd’hui, je pourrais largement vivre d’Ultra Vomit mais non, je préfère avoir un CDI de 35 heures à côté. flockos : Quand on sait qu’on peut avoir de grosses périodes d’inactivité de quatre ans, il faut toujours avoir un plan B. C’est ça qui fait la force du groupe : on ne dépend pas du fait qu’il puisse nous faire vivre. Si jamais on en a plein le cul et qu’on veut faire une pause, c’est possible. fetus : Ce serait problématique si on devait sortir un album tous les trois ans, on risquerait de faire un album pas marrant et pas inspiré. Avez-vous des rôles prédéfinis dans le groupe selon les talents de chacun? manard : On a un concept : la fleur et le jardinier. La fleur est très belle mais si tu ne l’arroses pas, elle se fane et devient ­dégueulasse. Elle a besoin d’un jardinier.

« Aujourd’hui, je pourrais largement vivre d’Ultra Vomit mais non, je préfère avoir un CDI de 35 heures à côté. » MANARD – BATTERIE manard : Dans le groupe, il y a des fleurs qui sont Fetus et Matthieu et un jardinier qui est Flockos. Moi je suis un hybride. flockos : C’est par rapport à nos traits de personnalité. C’est la continuité de ce qu’on est. Je n’ai confiance en personne, j’ai du mal à déléguer car j’ai peur que les choses soient mal faites, du coup on ­répète chez moi, on y fait les pré-prods et ça m’apaise. manard : Moi je suis le Community ­Manager du groupe car j’ai des facilités à écrire des textes sans me poser de ­questions. Je ne les relis quasiment pas, je les poste, voilà. fetus : Le terme fleur ne m’est parfois pas approprié car quand on est en période de composition, j’atteins mon plus haut niveau d’exigence. Jusqu’au dernier ­moment dans les chiottes du producteur Fred Duquesne, je bossais le schéma final du titre Evier Metal sur le dictaphone et je suis arrivé à 100 % du truc. Vous avez sorti Objectif : Thunes en 2008. Dix ans après, ça, c’est fait. À présent, c’est quoi, le plan d’Ultra Vomit ? flockos : Sérieusement, Objectif : Thunes c’était juste un bon jeu de mots. Si on pouvait glaner quelques deniers, c’était cool. Mais notre plus grand hoax, c’est cette tournée qu’on avait appelée The ­Renouvellement of Intermittence, un nom qui donnait clairement le véritable but de la tournée. On n’avait pas de nouvel ­album et pas envie d’en faire un. On a donc trouvé les bonnes vannes avec Star Wars : le Pôle empire, Le côté obscur de la flemme, les bases rebelles pour renouveler l’intermittence… Car tous les groupes doivent tourner pour la maintenir. fetus : C’est ça qui est bon, on a le droit de dire et faire des trucs comme ça. Contrairement à la plupart des groupes. flockos : Le réel objectif était de faire le meilleur album possible. C’est encore ­valable aujourd’hui : le mieux possible. Tout le temps.

Ultra Vomit à l’Olympia, DVD à paraître au printemps sur le label Verycords. Live au Hellfest le 21 juin ; ultra-vomit.com   47


TAK E F I V E

B-BOY MOUNIR veut…

… VOUS FAIRE (BIEN) DANSER Dans les tutos Red Bull Dance Connect, les meilleurs danseurs expliquent comment effectuer des moves proprement. B-Boy Mounir nous éclaire sur le projet.

1 Red Bull Dance Connect, késako ? 4 Un investissement personnel Une nouvelle plateforme vidéo dédiée à toutes les danses urbaines (hip-hop, house, pop, lock, et break) qui permet aux danseurs du monde entier d’accéder à des tutoriels ­vidéo professionnels contrairement à ceux, surtout amateurs, qui existent sur la toile. Les intervenants sont triés sur le volet. Chacun, selon son niveau, pourra y trouver le vocabulaire et la technique dont il aura ­besoin pour évoluer par rapport à son niveau actuel. L’objectif n’est pas de tout expliquer, mais d’apporter les éléments les plus importants en six minutes.

2 Une culture du partage

Au milieu des années 90, quand j’ai commencé le break, il n’y avait pas de tutoriels, on apprenait entre nous. On regardait des vidéos de compétition. Les Américains avaient déjà le réflexe de compiler les meilleurs moments (BOTY, Freestyle Session). Et on avait cette culture du partage : quand quelqu’un amenait une VHS, il la copiait, la prêtait à un ami, qui la copiait, etc. Cela a permis à toute une génération, la mienne, d’accéder à un max d’infos… qu’il nous fallait décrypter car personne ne prenait le temps d’expliquer ce que faisaient les danseurs. Avec Red Bull Dance Connect, vous allez gagner un max de temps !

Au début, on grillait les étapes. On n’avait pas de préparation physique adaptée. Les meilleurs s’entraînaient très dur, 365 jours par an. Aujourd’hui, avec la pédagogie et un apprentissage par étape, beaucoup sont capables de tout faire, il est donc plus difficile de se démarquer. Alors qu’à mon époque, les B-Boys all-rounder comme moi faisaient vite la différence.

5 Des potentiels à exploiter

J’ai commencé petit avec les grands, et ce sont eux qui ont fait de moi ce que je suis. En tant que capitaine du Vagabond Crew et dans mon programme de coaching en motivation, je transmets cela : Hard Work Easy Everything, travailler dur pour que tout devienne facile. Car seul le travail apporte de réels résultats. J’ai envie que les gens arrêtent de vivre en ­dessous de leur potentiel.

Red Bull Dance Connect sur YouTube ; Instagram : @hwe_mounir

3 Forcer la créativité

Je me souviens d’une fois où j’avais enregistré le crew Aktuel Force sur la chaîne de télé La Cinq (!), j’avais essayé de refaire le move d’un des danseurs. J’étais frustré parce que même si j’avais compris le mouvement et que je savais exactement comment faire, j’en étais incapable. Avec mon groupe, on s’entraînait tous les jours, on évoluait ensemble. Ça forçait la créativité parce qu’on n’avait pas beaucoup d’infos, et que l’objectif n’était pas de refaire le mouvement tel qu’il était mais plutôt de le comprendre pour créer autre chose. 48

Entretien CHRISTINE VITEL Photo LEO ROSAS/RED BULL CONTENT POOL THE RED BULLETIN


J’ai envie que les gens ­arrêtent de vivre en dessous de leur potentiel. » B-BOY MOUNIR

À son palmarès, entre autres, les titres de Champion du monde Red Bull BC One 2012 et vice-champion 2013. THE RED BULLETIN

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UN GALÉRIEN SANS GALÈRE


HARVEY GIBSON/RED BULL CONTENT POOL

Une éternité : Ross Edgley au large de Plymouth pour son Great British Swim, en juin 2018.

À 33 ans, ROSS EDGLEY est le premier homme à boucler un tour de Grande-­Bretagne à la nage. Il lui aura fallu 157 jours, plus d’un demi-million de calories et se frapper lui-même au visage. Rien que pour croiser un cétacé, ça valait le coup. Texte JESSICA HOLLAND

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Alors il continue à nager pendant encore deux heures avant de se hisser dans le bateau et de s’effondrer, en mode : « Manger. Dormir. La marée change dans six heures. Réglez tous vos réveils. » Que ce soit ici en Écosse au creux de la vague, quand The Red Bulletin le rejoint pour la première fois sur son bateau, l’Hecate, ou encore au large de la côte du Suffolk en octobre, Edgley a toujours la même chose en tête : Margate. La ville côtière du Kent a été le point de départ de son audacieuse (pour ne pas dire dingue) mission – l’atteindre à nouveau est sa seule chance de salut. Pour y parvenir, notre sportif originaire du Lincolnshire devra accomplir la plus longue distance jamais parcourue à la nage sur un circuit de 2 884 km autour de la Grande-Bretagne, sans jamais poser le pied à terre. On comprend aisément pourquoi personne n’a jamais relevé ce défi jusqu’à présent : il est d’une difficulté impitoyable. Mais pourquoi est-ce qu’un homme équilibré de 33 ans avec une famille proche et une fiancée aimante, un diplôme en sciences du sport et un guide de fitness très fouillé tout juste publié (The World’s Fittest Book) irait passer cinq mois de sa vie à alterner des périodes de six heures de nage entre une mer froide et dangereuse et une cabine humide et exiguë pour être le premier ? En fait, Edgley vient d’une famille de sportifs : son père est entraîneur de tennis, l’un de ses grandspères courait des marathons, l’autre était dans l’armée, et les conversations à la maison tournaient souvent autour des explorateurs britanniques célèbres, tels que George Mallory, Ernest Shackleton ou ­Matthew Webb, qui sont devenus les héros d’Edgley. Passionné de psychologie et de sociologie du sport, il cherche à savoir de quoi le corps humain est capable et quel genre d’entraînement et de nutrition peut aider à repousser ses limites. Les années précédentes, il a fait partie de l’équipe de water-polo de Grande-­ Bretagne, a couru un marathon en tirant une voiture derrière lui, tiré un arbre de 45 kilos pendant un triathlon entier, son tree-athlon comme il l’appelle. « Je l’ai fait pour le jeu de mots », précise-t-il. Ses capacités physiques grandissantes lui ont permis de réaliser des exploits de plus en plus difficiles, ce qui l’a aidé à cultiver un niveau de discipline ­mentale et de force d’âme qui, vu de l’extérieur, ­s’apparente dangereusement à un désir de mort. THE RED BULLETIN

OLAF PIGNATARO/RED BULL CONTENT POOL

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oss Edgley sort la tête des eaux ­glaciales de l’océan Atlantique, au large de la côte est de l’Écosse, et appelle son équipe en hurlant. Il est environ à mi-parcours d’un périple à la nage qui fait grand bruit : le tour de la Grande-Bretagne en cinq mois. C’est à bord d’un catamaran qu’il récupère entre d’âpres sessions de nage de six heures à travers les vagues. Actuellement, il met toute son énergie à poursuivre sa progression sans se faire aspirer par l’un des plus gros tourbillons du monde qu’il croise sur sa route. À ce stade de l’aventure, il a désormais l’habitude des gifles de méduses venimeuses en plein visage, idem pour les déchirures ligamentaires, les ulcères profonds causés par l’eau de mer, la plaie ouverte dans le cou due au frottement de sa combinaison, la fatigue constante et la langue qui part en lambeaux à force d’être exposée au sel. Mais là, la sensation de piqûre qui lui échauffe le visage lui semble plus vive que d’habitude. « Mec, ça me brûle encore », dit-il à Taz, l’un des trois membres de l’équipage qui surveille la progression d’Edgley depuis un bateau pneumatique à moteur. Taz regarde Edgley et lui hurle : « Elle est encore sur ton visage ! ». Un tentacule de méduse à crinière de lion, dont la piqûre s’apparente à un choc électrique durable, s’est enroulé autour des lunettes de natation d’Edgley et s’est emplâtré sur sa joue et son front. Après quelques secondes d’apitoiement, il respire un bon coup et se débarrasse de l’intrus. Il remet ses lunettes mais elles fuient. Il vérifie le joint, puis réalise que son visage a tellement enflé à cause de toutes les piqûres que les lunettes ne lui vont plus – sachant qu’une seule de ces piqûres peut conduire quelqu’un à l’hôpital. Mais au lieu de demander une assistance médicale, Edgley continue : « J’ai remis mes lunettes sur le nez et j’ai tapé dessus pour me les enfoncer dans le visage. » Une décision que personne ne trouverait logique, sauf dans le monde d’Edgley. Alors qu’une partie de son cerveau est en mode survie absolue, l’autre est toujours en plein calcul. Il pourrait retourner au ­catamaran maintenant, mais il lui faudrait retourner dans l’eau exactement au même endroit au milieu de la nuit, quand la marée sera de nouveau à son avantage.


« Pas le temps de douter. C’est une baston dans ta tête. »


C’est un peu difficile à comprendre, surtout au vu du caractère profondément optimiste d’Edgley. Cet homme respire littéralement la joie de vivre et peut combler n’importe quel silence avec des blagues, des histoires et des questions. En général, il est le dindon de la farce de ses propres histoires plutôt que leur héros et il semble plus à l’aise à vanter les mérites de son équipe et d’autres sportifs qu’à analyser ce qui le rend capable d’accomplir des exploits extraordinaires. Mais sa folie ne manque pas de méthode. Au contraire, cette légèreté n’est qu’une preuve de plus de sa détermination. Il veut vivre sa vie à la limite de ce qui est possible et quand on est de mauvaise humeur, ça n’aide pas. « Je pourrais très bien nager en tirant la tronche et en serrant les dents pendant 150 jours, mais bonjour les hormones de stress, et il n’y a rien de pire pour les inflammations et le système immunitaire ! » Parfois, quand il nage dans l’obscurité, le visage tourné vers les profondeurs, il raconte qu’il lui arrive de se « taper de super private jokes et de rigoler tout seul. Je me suis bien marré en traversant la mer d’Irlande ».

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ans les moments de fatigue intense, les idées se décousent : « On n’a pas le temps de douter de soi-même. C’est une vraie bataille dans la tête. » En mer, il peut décider à tout moment de retourner sur la terre ferme pour prendre un bon bain chaud et une petite pause – il est comme un prisonnier avec les clés de sa cellule dans la main. Mais comme il l’explique, « cette porte, il faut l’ignorer. La clé, on l’a balancée ». La fatigue, c’est le corps qui nous dit de tirer le frein à main. Ross a appris à ignorer ces messages à un point tel qu’il a l’impression de ne plus en recevoir. « En persévérant marée après marée, on finit par s’anesthésier ou carrément par éteindre cet instinct d’autopréservation. Il y a un risque de briser quelque chose dans ce lien entre le corps et l’esprit. La frontière est étroite entre la stupidité et l’héroïsme et on joue constamment avec les limites entre le bon sens et l’hypothermie, le bon sens et l’insuffisance surrénale, le bon sens et le corps qui ne répond plus. » Mais au final, c’est en jouant sur cette étroite frontière entre le succès et l’échec qu’Edgley parvient à lâcher prise. Sur le dernier kilomètre de son parcours, le 4 novembre 2018, avant de rallier en titubant la plage où tout a commencé, Edgley est rejoint par 300 nageurs en eau libre qui l’entourent dans une accolade groupée pour rejoindre la côte. « C’était ­indescriptible », se souvient-il quand nous nous revoyons à Londres une semaine plus tard – lui avec 54

de la barbe en moins et un sourire d’homme rassasié en plus. « Je naviguais entre joie, larmes et chair de poule. Tout ce que je m’étais interdit – larmes d’euphorie, soulagement, fierté peut-être, remontait à la surface. Je me disais : “Wow, wow, wow. Il te reste encore quelques mètres à accomplir.” » Ses pieds avaient tellement perdu l’habitude de supporter son poids qu’il a bien failli tomber face contre terre devant la foule rassemblée en son honneur. Mais ce défi que beaucoup pensaient impossible, il l’a relevé, il a battu plusieurs records et a été accueilli en héros à son retour à Margate. Aujourd’hui, il évoque les meilleurs moments de son périple : des communautés de pêcheurs qui l’arrosent de whisky le long de la côte ouest de l’Écosse, une femme voulant lui apporter à manger a nagé jusqu’à son bateau avec un gâteau sortant du four sur la tête, les dauphins, les phoques ou le requin pèlerin de 6 mètres de long avec qui il a nagé. Mais il admet volontiers que le fait d’enfoncer des lunettes dans un visage enflé à proximité d’un tourbillon mortel est plus représentatif de l’expérience dans son ensemble. Edgley, qui décrit son Great British Swim comme étant « de loin la chose la plus difficile que j’aie ­jamais faite », sait comment l’histoire se termine pour presque tous les explorateurs qu’il admire : Shackleton est mort d’une crise cardiaque dans l’Antarctique à 47 ans, Mallory en avait 37 quand il est mort en ­escaladant l’Everest. Captain Matthew Webb, qui a prouvé en 1875 qu’il était possible de traverser la Manche (à la brasse et en petit maillot de laine, s’il vous plaît), mourra peu après à l’âge de 35 ans en tentant de nager dans les Whirlpool Rapids au pied des chutes du Niagara. Sa tombe située non loin de là porte l’épitaphe suivante : « Accomplir quelque chose de grand, ce n’est jamais facile. » Alors quand les gens disent d’Edgley qu’il est le Captain Webb d’aujourd’hui et lui demandent ce qu’il compte faire ensuite, ça l’inquiète un peu. Il sait que ses prochains défis devront être relevés pour de bonnes raisons, avec l’assistance qu’il faut et ­suffisamment d’esprit logique pour compenser

HARVEY GIBSON/RED BULL CONTENT POOL

« Le dernier kilomètre ? Indescriptible. Des larmes d’euphorie, de soulagement et de f­ ierté. Tout ce que je m’étais interdit. »

1er juin, Edgley débute son épopée à la nage en goûtant la Manche au port de Margate. THE RED BULLETIN


Un bateau d’assistance a offert un repos bienvenu à Edgley entre ses sessions de nage de six heures qui lui ont permis de battre tous les records.

Le périple d’Edgley en chiffres 2 884 KM de nage (soit 85 traversées de la Manche et 57 680 longueurs dans une piscine olympique) 157 JOURS (soit près de 23 semaines) en mer 40 000 mouvements dans l’eau par jour 2 300 000 mouvements au total 15 000 CALORIES consommées par jour 314 RED BULL avalés 610 BANANES ingurgitées 35 KM NAUTIQUES plus longue distance nagée en une seule marée THE RED BULLETIN

8,7 NŒUDS vitesse de nage maximale 504 732 CALORIES brûlées (soit 1 964 Big Macs) ANIMAUX CROISÉS SUR LE PARCOURS 1 baleine de Minke 1 requin pèlerin (6 mètres) 1 banc de dauphins 1 colonie de macareux 2 aigles 6 loutres de mer 30 phoques 5 ROULEAUX de gaffer pour réparer les plaies cutanées 3 KILOS de Vaseline pour éviter les frottements 37 PIQÛRES de méduses

son incapacité à abandonner un défi une fois qu’il l’a commencé. Mais il veut aussi continuer à repousser les limites de ce qui est humainement possible. Même maintenant, alors qu’il réapprend à marcher avec des pieds atrophiés d’avoir été si peu utilisés, il pense déjà à sa prochaine aventure. Et même s’il ne peut rien dévoiler publiquement, le périple qu’il vient d’accomplir s’apparente à un petit bain de mer en comparaison de son nouveau projet. Pour beaucoup, les messages qu’Edgley reçoit de gens qui lui disent qu’il les incite à sortir de leur zone de confort n’en vaudraient pas la peine face à ces mois d’isolement, de souffrance et d’effort physique constant. Même ce jour mémorable où une baleine de Minke a nagé à ses côtés dans le canal de Bristol, le prenant pour un phoque blessé et le guidant vers des eaux peu profondes, ce jour non plus n’en vaudrait pas la peine pour eux. Mais pour Edgley, « cette expérience valait toutes les piqûres de méduses du monde, tout ». C’est cette belle image qui lui a permis de « s’échapper » quelques instants de sa grande mission en mer, avant de se reconcentrer sur les fonds marins pour une session de six heures de plus. « Il y aura un moment où mon corps ne me laissera plus faire cela. Mais quand je regarde en arrière, je peux le dire : “Je n’aurais pas pu en faire plus”. »

rossedgley.com   55


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AITOR MATAUCO/RED BULL CONTENT POOL

Depuis ses treize ans, la chanteuse et compositrice Rosalía se prépare à embrasser une carrière internationale.


QUESTION D’INSTINCT ROSALÍA a créé la surprise dans l'industrie musicale grâce à un mélange inédit de flamenco, trap et bien d'autres influences. Avec déjà deux Latin Grammy à son actif, quel est le secret de la jeune catalane ? « J’ai consacré ma vie entière à la musique ; dès le début, je l'ai prise très au sérieux. » Texte MARCO PAYÁN


« JE SUIS FLAMENCA. À MA MANIÈRE, MAIS JE SUIS FLAMENCA »

ifficile de classer le style de Rosalía, tant sa musique est un savant mix de tous ces genres qu'elle aime et que l'on retrouve dans El Mal Querer, album-pépite qui lui a valu deux Grammy latinos et des dizaines de millions de streams. Avec près de dix ans passés à étudier le flamenco, on ne peut pas dire qu’elle ne s’y connaît pas. Les 300 playlists sur son téléphone illustrent son éclectisme en matière d’influences. Rosalía s’est imposée comme une référence de la pop internationale avec des idées claires et les bonnes personnes dans son entourage. Et pour faire les bons choix, Rosalía ne se fit qu'à une chose : son intuition. Qu'elle soit musicale ou professionnelle, cette intuition s'appuie évidemment sur des années d'expérience et une solide formation musicale. À l'écouter parler, on se rend compte que le phénomène Rosalía n'est pas le résultat d'un algorithme ou d'une stratégie marketing, mais bien plutôt celui d'une sacrée personnalité artistique. the red bulletin : Comment parvenez-vous à trouver un équilibre entre le flamenco et d’autres genres plus proches de la pop internationale ? rosalía : Comme ça fait de nombreuses années que j’apprends le flamenco, c’est ma base, mes appuis, je lui ai donné toute l’importance qu’il mérite en tant que genre classique qu’il est. C’est en moi : je suis flamenca. À ma manière, mais je suis flamenca.

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Vous le faites consciemment ou sans réfléchir ? Je suis comme ça, sans préjugés. Depuis toute jeune, j’ai à peu près 300 playlists dans mon téléphone. Je me disais : « Est-ce que c’est bizarre que j’aime autant de musiques différentes ? » Mais je crois que c’est aussi quelque chose qu’on peut cultiver. Écouter d’autres styles et apprendre à partir de ces derniers. Je le vis ainsi mais ça peut aussi s’exercer. C'est en connaissant à fond ses bases et en étant imprégné que l'on peut appréhender d'autres directions. Qu’est-ce qui vous guide pour dire « ça oui, ça non » lorsque vous faites un disque ? Mon titre Pienso en tu mirá a vu le jour à partir d’un rythme traditionnel de flamenco. Avec Malamente, j’avais l’idée de faire une « zambra » et, en fin de compte, ça n’a rien à voir, mais il y avait un modèle rythmique que je voulais explorer avec un tambour et j’ai essayé de composer avec les premières mélodies aux accents de flamenco qui naissaient sous mes doigts. C’est comme ça que Malamente a vu le jour. Il y a toujours un catalyseur, quelque chose de très précis que j’ai envie d’approfondir lorsque je compose. Ces titres ont-ils servi à combler une forme de vide ou se sont-ils agencés naturellement ? Ils sont venus occuper les vides. C’est un processus plutôt conscient pour ce qui est de la structure, mais THE RED BULLETIN

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Ce sera toujours au fond de moi. À partir de là et avec la liberté que donne l’expérimentation, j’embrasse d’autres références et d’autres musiques que j’aime aussi, toujours sans préjugés. Le résultat, c’est que la musique peut avoir un son comme celui de mon disque, El Mal Querer. Même s’il y a une grande part d’inspiration flamenca, la musique urbaine prend de plus en plus de place comme nouvelle référence, au même titre que la musique africaine, la musique classique, le folklore espagnol, la musique électronique, le mainstream américain ou le folk anglais.


La chanteuse espagnole de 25 ans a dĂŠjĂ sorti deux albums. Le premier, sa carte de visite, est un hommage au flamenco.


D’où vous vient cette clairvoyance ? Ça doit être naturel. Ça doit venir d’une pulsion, d’un besoin. Dans mon cas, je le fais en pensant ­toujours librement, sans préjugés. Si un musicien crée ces rythmes et qu’ils coexistent en lui, c’est bien de les adopter. Il ne faut pas que ce soit un exercice conscient, je crois que ce serait trop rationnel. Quelle est l’importance de la technique pour maîtriser quelque chose comme le flamenco ? Énorme. Pour moi, la base que le flamenco m’a donnée est fondamentale. Le flamenco représente mon point d’appui. C’est une musique très complexe. Son apprentissage m’a demandé beaucoup d’humilité ; j’ai tout appris de zéro, avec mon professeur. C’est un processus qui imprègne toute ma vie. Pour apporter quelque chose, il faut maîtriser parfaitement ce qui précède, la base classique. Si on ne connaît pas­ 60

l­ ’histoire de la musique, il est difficile de pouvoir ­apporter quelque chose. À quel moment vous êtes-vous rendue compte que vous alliez faire quelque chose qui n’allait pas faire appel aux éléments classiques du flamenco ? Quand on est conscient de ce qui nous plaît, il est facile de choisir pour chaque projet une palette de couleurs sonores avec lesquelles on va pouvoir s'amuser. J'aime considérer chaque nouveau projet de façon globale et, à chaque fois, m'efforcer de produire quelque chose de différent. Quand on sait clairement le son que l'on veut obtenir, il est facile de choisir ce que l’on veut garder ou non. Le flamenco est très codifié, mais je refuse de croire qu’il n’y a qu’une seule façon concrète de sentir et de comprendre cette musique. Je m’inspire de la source du flamenco mais je réfléchis aussi à l’instrumentation et à la production sous un angle cohérent avec mes références, mon âge et la musique qui me plaît. Comment choisissez-vous vos collaborateurs ? Ma sœur est ma meilleure amie et j’ai la chance de l’avoir à mes côtés. La plupart des membres de mon équipe sont des personnes pour lesquelles j’ai eu ­l’intuition qu’elles allaient m’aider à exprimer ma ­vision artistique. En fait, il s’agit d’avoir une vision très claire des choses. De savoir transmettre de

AITOR MATAUCO/RED BULL CONTENT POOL

moins pour ce qui est de l’« hybridation », pour ainsi dire, d’une musique avec une autre. S’il y a quelque chose qui est clair, c’est ce que je veux faire dans chaque chanson. Dans ce cas, dans le disque, c’est ­hyper évident : d’abord, je voulais avoir le titre de ­l’album. Après, quels titres. Une fois que c’était clair dans ma tête, j’ai commencé à écrire. Ça m’a permis de me concentrer directement sur les détails et les p ­ aroles de chaque chanson ont ainsi trouvé leur place..


Danseuse flamenco de formation, Rosalía a donné un sérieux coup de frais à la pop européenne.


La Catalane remporte les Latin Grammy de la meilleure fusion et de la meilleure chanson alternative.

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« JUSQU’À PRÉSENT, MON INTUITION NE M’A

PAS TRAHIE. MA MUSIQUE VIENT TOUJOURS DES TRIPES. »

­l’enthousiasme aux personnes avec lesquelles je travaille, le même ­enthousiasme avec lequel je fais les choses. Je suis très perfectionniste, méticuleuse, je surveille tout ; pas seulement au niveau de la musique mais aussi au niveau de la chorégraphie, des vidéos… Comme dans Pienso en tu mirá, qui n’avait pas encore de maison de disque ni de budget, et Canadá sur lequel les producteurs ont misé. Il est important de s’entourer d’une équipe qui a confiance en ta vision.

Je n’ai pas d’idées préconçues et ça se ressent dans le disque. Il y a beaucoup de références différentes. Dans le titre que j’ai fait avec des bruits de motos, par exemple, la mélodie est agressive. Au départ, elle servait à attirer l’attention, c’était vendeur. Et puis j’ai voulu sortir cette mélodie de son contexte. J’ai eu l’idée d’utiliser les moteurs. Je suis très contente de ce qu’a donné cette production si expérimentale et si électronique et la façon dont ce son électronique colle si bien au côté organique de la voix et du chant.

Comment savez-vous si ça va marcher ? C’est une question de feeling, de connexion. Quand je commence à travailler avec quelqu’un, je sens tout de suite si ça fonctionne ou pas. J’ai un bon flair. Un bon producteur exécutif fait ça : mettre les bonnes personnes dans la salle pour pouvoir entreprendre ce qu’il a en tête.

Mais monter une prestation scénique, un concert, demande d’autres aptitudes... Avant de chanter, je dansais. Ma mère m’avait inscrite à des cours de danse. À treize ans, j’ai commencé à faire des études de musique. J’ai décidé de me focaliser sur la musique parce que je ne pouvais pas tout faire. À partir de 16 ans, je me suis consacrée entièrement à la musique. Jusqu’à l’année dernière où j’ai recommencé à faire de la danse et je l’ai appliqué à la scène. Je sens que j’ai énormément à apprendre pour la scène, pour chanter et danser. C’est une discipline hypercomplexe, mais ça me rend heureuse de danser.

Parmi les sons que vous avez adoptés, lequel vous a le plus étonné ?

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Rosalía a donné un concert gratuit à Madrid avant la sortie de son 2e LP.

Maintenant que vous jouissez d’une reconnaissance internationale, comment va évoluer votre musique ? Je vais essayer de préserver le plus possible mes instincts de musicienne, parce que, jusqu’à présent, mon intuition ne m’a pas trahie. Ma musique vient toujours des tripes. Tous les projets que j’ai réalisés m’ont permis de grandir comme interprète, comme productrice, comme musicienne. Je veux que ça continue. Plus je suis en connexion avec moi-même, plus il y a de connexion avec les autres. Mon intention est toujours de faire parvenir ma musique aux autres et de la partager avec un public aussi large que possible. Sans faire de concessions artistiques.

rosalia.com THE RED BULLETIN

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C’est facile d’être banal. Beaucoup s’en contentent. ­J’aspire à autre chose. » WON KIM

Kim, 39 ans, devant le graff de la façade du Kimski à South Chicago.

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TA K E F I V E

Le chef WON KIM est…

… UN ARTISTE ­TOQUÉ Cuistot, graffeur et DJ, cette âme insatiable est en quête permanente d’inspiration. Cinq éléments qui ont fait de cet artiste à la bombe un homme pluriel.

1 Le graffiti pour ADN

La famille de Kim quitte la Corée pour s’installer à Chicago lorsqu’il est enfant. Dans les années 80, les tags le long des voies ferrées le fascinent. « L’usage de l’espace est ce qui m’a le plus séduit je crois ; des espaces délaissés de tous jusqu’à ce qu’ils soient peints », se souvient-il. Ado, il fait des heures de bus pour découvrir le travail d’artistes graffiti locaux célèbres, absorbant leurs techniques pour se forger son style aux lignes nettes et aux finitions soignées. Trajectoire qu’il compare à celle de la cuisine : « Inventer de nouveaux plats en ayant recours à des techniques classiques, en imposant ainsi sa patte. »

2 Créer, tout le temps, partout

Avant de passer aux fourneaux, dans son resto situé dans le South Side de Chicago, Kim gagne sa vie avec les graffitis, signant ses œuvres du pseudo Revise. Et cherche à créer, tout le temps, partout. Il demande un jour à Mike Marszewski, propriétaire du Maria’s, un resto local, de le laisser peindre le mur de l’allée en ­dehors des heures de services. « Je lui ­assure qu’il ne sera pas déçu du résultat, que j’ai grandi en pratiquant cet art avec lequel je gagne ma vie. »

3 La genèse d’un lieu

Deux ans plus tard, ce qui n’était au départ qu’un projet solo s’est transformé en une exposition d’art public dynamique. Kim a invité quelques amis graffeurs à prendre un verre tout en vidant sur les murs les restes de bombes de peinture provenant de projets passés. La nouvelle se répand et bientôt quatre façades de ce qui deviendra le Kimski, le restaurant de THE RED BULLETIN

Kim, plus un recoin de service prennent la forme d’un espace informel pour d’autres artistes. La durée de vie des œuvres ne dépasse jamais trois mois. Pour Kim, cette éphémérité est aussi porteuse de beauté. « Les artistes peignent en sachant qu’un autre graffiti recouvrira le leur, et pourtant ils se donnent à 100 %. C’est cool. »

4 Un concept insensé

Malgré une formation de cuisinier, devenir restaurateur ne lui était jamais venu à l’esprit. Quand il rencontre deux frères coréano-polonais dans le métier, l’idée du Kimski est lancée comme une boutade. « Mixer de la nourriture coréenne et polonaise ? J’ai refusé cinq fois », confie Kim, 39 ans. Il cédera après une cuite… Et l’ampoule sur son index droit liée à l’usage intensif du couteau réapparaît pour la première fois depuis l’école de cuisine.

5 Ne pas être ordinaire

Plusieurs fois par mois, Won Kim est DJ dans des bars, une passion qui s’est ­déclarée à ses 18 ans quand des amis abandonnent leurs platines sur le sol de sa cuisine après une soirée. « Mon frère et moi nous sommes mis en tête de les imiter. Le son était horrible. » Il s’entraîne alors sans relâche en faisant tourner les bons morceaux jusqu’à plus soif. « Ce qui m’a poussé à essayer toutes ces choses c’est la crainte de sombrer dans la banalité, il n’y a rien de plus facile, dit Kim. Se contenter du métro, boulot, dodo ? J’aspire à autre chose. »

kimskichicago.com Entretien MARISSA CONRAD Photo ZOE RAIN   65


DYNAMO rebat les cartes

Réputé pour ses tours bluffants, le plus célèbre magicien du RoyaumeUni a dû faire face à une dure et nouvelle réalité lorsqu’une maladie chronique l’a privé de ses moyens. Voici le tour de réapparition le plus étonnant de sa carrière… Texte TOM GUISE  Photos OSSI PIISPANEN

Illusionniste de réputation mondiale, Dynamo sait comment réaliser d’impressionnants numéros de disparition. Mais celui qu’il nous a livré début 2017 fut le plus surprenant de sa carrière. Après quatre saisons de son émission à succès Dynamo : Magicien de l’impossible et de spectacles à guichet fermé dans le monde entier lors de la tournée Seeing Is Believing, une maladie chronique a forcé le showman originaire du Yorkshire à quitter la scène. Mais disparaître ne constitue que la moitié d’un tour de magie – la réapparition en est la récompense. Pour Dynamo, cela allait s’avérer très difficile à réaliser. « J’ai la maladie de Crohn (une maladie inflammatoire ­incurable de l’intestin, ndlr) depuis l’âge de 14 ans, dit l’illusionniste âgé de 36 ans dont le véritable nom est Steven Frayne. Mon état s’est aggravé après une forme d’intoxication alimentaire (en 2017, ndlr). C’était potentiellement mortel et j’ai été hospitalisé. Mais le médicament a eu des effets secondaires épouvantables. » Son visage a enflé et, pire encore, il s’est mis à souffrir d’arthrite. « Je ne pouvais même pas battre un jeu de cartes. C’était effrayant. » Cela aurait pu mettre fin à sa carrière mais ce gars a capté l’attention du monde en marchant sur la Tamise et en lévitant au-dessus du gratte-ciel londonien The Shard, à 310 mètres de hauteur. Face à l’impossible, il a recouru à son plus grand talent : la magie. Mais pas comme on pourrait s’y attendre. 66

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« Je ne veux pas me laisser définir par ma maladie, mais par mon art. »


La scène clairsemée de La chambre abandonnée procure à Dynamo un cadre intime pour son nouveau spectacle. Loin des décors dramatiques de ses tours les plus spectaculaires comme marcher sur la Tamise et léviter devant le Christ Rédempteur de Rio.

« Puisque je ne pouvais pas utiliser mes mains, je me suis demandé ce qu’il se passerait si je mettais la magie entre celles du public, si je présentais un spectacle dans lequel il ferait luimême le travail. Même en n’étant plus en mesure de pratiquer mon art, je peux créer un espace privilégié où la magie opère. » Cet espace, il le trouve au Mandrake Hotel. « Le sous-sol de cet immeuble londonien est magique, dit Frayne, assis au bar de l’hôtel. Son visage a dégonflé et il a retrouvé son allure juvénile, peut-être plus frêle qu’avant. Il baptise son théâtre sur mesure La chambre abandonnée. « Pourquoi ne pas convier les spectateurs dans cette pièce abandonnée ? Dans mon esprit. » Fin novembre, l’an dernier, Dynamo présentait une courte série de spectacles à guichet fermé dans une salle de quatrevingt-dix spectateurs. « Je peux regarder chaque visiteur dans les yeux et l’emmener dans un voyage personnel à travers l’histoire de ma vie depuis deux ans et incarné par le biais de ma magie. Nous conversons vous et moi, et je vais vous dire comment j’ai surmonté les obstacles sur ma route, comment nous pouvons découvrir une force en nous dont nous ignorons l’existence. C’est ça la magie : donner vie à quelque chose qui n’existait pas un instant plus tôt. » 68

the red bulletin : Comment avez-vous conçu La chambre abandonnée ? dynamo : J’avais en tête de créer un ­spectacle intime depuis des années. Mais durant ma tournée, je faisais des tours de magie devant 10 000 personnes. Ma maladie fut à la fois une malédiction et une bénédiction : elle m’a contraint à faire une pause. J’ai passé ma convalescence à m’exercer pour une nouvelle forme de magie, une manière de trouver la magie chez les autres. J’invite aussi des artistes qui m’ont inspiré. Je veux représenter la magie à son top et baliser mon développement en tant qu’artiste de la scène. THE RED BULLETIN


Quand cet amour a-t-il commencé ? Quand j’avais 11 ans, je voulais faire peur aux autres gamins, parce qu’ils s’en prenaient à moi. Je me faisais tabasser tous les jours à l’école et je voulais qu’ils me laissent tranquille. Mon grand-père m’a montré des trucs bizarres pour les effrayer et ça a marché. Mes intentions de départ n’étaient pas les bonnes, j’utilisais la magie comme moyen de défense et protection. J’étais un enfant incompris et les tours m’ont permis de partager cette singularité de manière acceptable, pour émerveiller mon entourage.

Quelle est votre vision de la magie ? Il me semble que les gens ignorent ce dont il s’agit. Selon moi, c’est ce que l’on ressent quand on est le témoin d’un événement inexplicable : la naissance d’un enfant, voir Cristiano Ronaldo marquer un but incroyable, etc. Mes tours de passe-passe sont au croisement de la performance, de la danse, du mime et de la chorégraphie. Tout cela se mélange pour créer une émotion à partir de ce phénomène magique. Mon spectacle vise à ­éduquer le public sur ce qu’est la magie. D’où tirez-vous votre inspiration ? Essentiellement des films et des contes. Pendant mon enfance, j’allais régulièrement à l’hôpital ; je continue d’y aller plusieurs fois par semaine. Au début, il n’y avait pas de télé, alors je lisais. J’ai combiné les récits avec les compétences que j’avais acquises dans les livres de magie. Ces derniers mois, j’ai étudié l’art de raconter des histoires. Un bon magicien sait créer du drame, de la tension, de la peur, des larmes. Le spectacle a-t-il été une forme de thérapie pour vous ? J’ai dépassé ce stade. J’ai dû regarder ma situation en face et opérer un changement complet de mon mode de vie. C’est facile de considérer les choses comme acquises… jusqu’à ce que les ennuis surgissent. Ceux qui me sont arrivés m’ont fait réaliser que rien n’est garanti. Au fil des ans, j’ai collectionné les crises, mais je refusais de laisser ma maladie me définir ; je veux que ma magie le fasse. Je veux trouver quelque chose qui fasse progresser mon histoire. Est-ce que votre capacité de magicien à résoudre des problèmes vous a aidé à gérer ce qui vous arrive depuis un an ? Je fonctionnais à la manière d’un survivant, car je ne savais pas si ce sur quoi j’avais compté dans le passé allait encore marcher. À force de pratique, je savais que j’avais une affinité pour la psychologie, que j’étais doué pour les tours de passe-passe et pour manipuler des cartes. Sauf que je devais désormais faire sans tout cela : 95 % des tours que j’effectue dans La chambre abandonnée sont des techniques nouvelles que j’ai apprises ces douze derniers mois. Lorsque j’avais l’impression que tout s’écroulait, ce second souffle ravivait mon amour de la magie. THE RED BULLETIN

Où votre histoire vous mène-t-elle ? Je me suis caché derrière la magie parce que j’étais un e­ nfant anxieux. Je suis encore très réservé mais je n’ai pas peur d’être moi-même. Qu’est-ce qu’il pourrait arriver de pire ? Je me trouve dans une situation difficile mais il y a très peu de chances pour que mon problème n’ait pas été vécu ni résolu par quelqu’un d’autre avant moi. Où en êtes-vous côté forme ? À environ 70 % de ce que j’étais. Je n’ai plus la facilité de mouvement ni l’énergie que j’avais et je ne peux plus m’entraîner comme quand je faisais de la muscu. Maintenant, je fais un peu de natation tous les jours. Je regarde les vidéos du nageur Adam Peaty sur YouTube et je reprends ses exercices pour augmenter ma force et mon cardio. Même si mon corps est plus faible qu’avant à bien des égards, il est aussi devenu plus résistant. Vous étiez donc un bon nageur avant ? Pas vraiment, j’étais plus habitué à marcher sur l’eau.

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Fun et furieux Le ROKKIRALLI est une course surréaliste, comme un hymne punk au do-it-yourself, un pied-de-nez aux convenances et aux élites du sport auto. Au programme : courses-poursuites low-cost dans de véritables cercueils roulants, sur la glace finlandaise, avec en guise de victoire, la seule fierté d’appartenir à une communauté à part d’originaux adeptes du système D. Texte ALEX KING  Photos OSSI PIISPANEN

Courser le soleil : l’une des dernières sessions du jour, avant que la nuit tombe sur Saarijärvi.


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Ici, on casse les prix : les caisses sont mises aux enchères à la fin de la journée de course. Au ­premier plan, la VW Coccinelle impliquée dans le carambolage de plusieurs voitures.

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existe une ferme en Finlande où les voitures vont mourir. Esa « Sirppi » Lehtimäki et Mirtsu Heikkilä, un couple fou de course automobile, en ont tellement détruites que leurs écuries sont devenues un cimetière de fortune pour automobiles, avec de vieilles plaques d’immatriculation en guise de pierres tombales – l’unique chose qui subsiste des véhicules défunts. Sous les pins qui entourent leur ferme à Tuusula, à une heure de route d’Helsinki, la capitale, se trouve une rangée de Lada couvertes de neige. Lehtimäki soulève une bâche enneigée pour faire apparaître une voiture noir et jaune. C’est l’engin que Heikkilä pilotera demain. Mais avec sa calandre en tôle défoncée, il ressemble plus à un char de combat artisanal qu’à un véhicule conçu pour la vitesse.

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Mirtsu Heikkilä

La pilote Heikkilä (avec Lehtimäki à sa gauche) est infirmière psychiatrique. D’ordinaire, sa présence est apaisante, mais au volant, c’est tout le contraire. La course « Juste avant le départ, j’ai tendance à paniquer. Une fois casquée, je suis lancée. Et je conduis vite, ce qui me galvanise et me fait oublier que mes compétences ne sont pas toujours à la hauteur de la vitesse. »

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e regard doux de Lehtimäki brille sous son chapeau de trappeur aux couleurs de Lada alors qu’il recule la voiture dans le garage. Il coiffe un masque de protection couvert de flammes et commence à souder une barre de remorquage à l’arrière de la bagnole. Sa femme l’observe, plutôt posée, mais les apparences sont trompeuses : Heikkilä a à son actif quelques récompenses au titre de « conductrice la plus imprudente » et elle est connue pour les tonneaux qu’elle inflige à ses voitures. « La Finlande possède un territoire étendu, où les distances sont longues et les routes en terre battue très nombreuses, dit-elle. Nous sommes une nation de rallye. Le sport auto fait partie de notre histoire. Beaucoup de ­Finlandais apprennent à conduire avant de marcher, paraît-il. » 74

Depuis 2000, le couple coorganise le Rokkiralli, la série de rallyes la moins chère de Finlande. C’est là qu’ils se sont rencontrés. Rassemblant chaque hiver un groupe hétéroclite de coureurs automobiles sur les lacs gelés du pays, Rokkiralli est devenu un incontournable pour Finlandaises et Finlandais en marge qui aiment la vitesse, les collisions et le bricolage avec une flotte bigarrée d’épaves impropres à la route. Cette famille d’accros à la mécanique partage une attitude terre-à-terre typiquement finlandaise et privilégie l’art de la bricole créative plutôt que le culte de la victoire. La Finlande a produit des légendes du Championnat du monde des rallyes comme Marcus Grönholm et Tommi Mäkinen ainsi que des grands de la ­Formule 1 comme Valtteri Bottas, Kimi THE RED BULLETIN


« C’est libérateur de s’asseoir dans sa voiture sur la ligne de ­départ, d’oublier tout le reste et de conduire. »

Ça se rentre dedans dès le premier virage, l’un des plus rapides sur la piste de Saarijärvi.

Räikkönen et Mika Häkkinen. ­Rokkiralli offre cependant une alternative tapageuse aux ligues de rallye plus chères, régies par les règlements et dominées par les sponsors. Le prix de chaque voiture sur le Rokkiralli est limité à 650 €, ce qui assure des conditions équitables et raisonnables qui attirent tout le monde, des jeunes de quinze ans issus de villages ruraux isolés aux mécaniciens et bûcherons déjantés. C’est une course sans aucune limite ; un endroit où votre ­budget, votre âge, votre sexe ou votre ­attitude, même la plus désinvolte, n’ont pas d’importance. Kouvola est à deux heures de route au nord-est d’Helsinki ; continuez encore deux heures et vous serez en Russie. À la périphérie de la ville se trouve un vaste ranch parsemé de véhicules dans divers THE RED BULLETIN

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Lehtimäki (faucille à la main) dans son garage.

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« L’idée de cette course m’est venue dans un sauna. » états de délabrement. Sur cette bagnole, les parties avant de deux voitures, l’une en noir et l’autre en blanc, ont été fusionnées dos à dos, avec deux barres de collision en métal boulonnées de chaque côté, comme une sorte de création tout droit sortie du laboratoire du Dr. Frankenstein. À proximité se trouve un pick-up ­Chevrolet C10 1983 doté d’une lourde cage de sécurité en métal noir et d’une grille de radiateur en fil de fer barbelé rouillé.

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Esa « Sirppi » Lehtimäki Le pilote Lehtimäki adore travailler sur de vieilles voitures de fabrication communiste qui, autrement, seraient destinées à la casse. Il a même adopté l’emblème du marteau et de la faucille de l’Union ­soviétique pour sa carrière de pilote. C’est de là que lui vient son surnom : sirppi est le terme finnois pour « faucille ». La course « Je tire tout ce que je peux du véhicule que je conduis. J’ai les nerfs pour rester calme et concentré dans n’importe quelle situation ; l’adrénaline me permet de continuer. » THE RED BULLETIN

oilà le terrain de jeu de Kristian « The Sheik » Laakso, l’énigmatique fondateur du Rokkiralli. Un type solide, impressionnant. « Comme la plupart des Finlandais, les meilleures idées me viennent le plus souvent dans un sauna. C’est en 1998 qu’est né le concept du Rokkiralli. Cette course a explosé en popularité parce que vous n’avez pas à investir d’énormes sommes dans votre véhicule. Le but était de ­donner à tout le monde une honnête chance de gagner. » Les voitures du Rokkiralli sont uniques. Les véhicules abîmés sont découpés et recollés avec des pièces mal assorties ; la tôle ou le métal ondulés sont ­soudés et remplacent la carrosserie endommagée. Des extincteurs d’incendie sont intégrés à la carrosserie d’une voiture, des morceaux de ferraille dépareillés deviennent des pare-chocs et aucun jouet n’est à l’abri d’être accroché à un radiateur de fortune. Tout cela fait partie du charme particulier de la course. The Sheik n’est plus impliqué dans Rokkiralli – la faillite l’a contraint à passer au second plan – mais son héritage perdure. « Je suis accro à la mécanique depuis toujours. J’ai été élevé par ma mère et nous n’avons jamais eu d’argent pour une voiture. Mais à l’adolescence, j’avais une passion folle pour la conduite automobile. Quand j’ai lancé le Rokkiralli, c’était un pied dans la porte pour une nouvelle génération de pilotes dont les parents ne sont pas riches. » Le Rokkiralli constitue la seule ­opportunité pour Eetu Tupala de courir. Debout dans son allée de Korpilahti, l’une des municipalités les plus pauvres de ­Finlande, le (très) jeune pilote de seize ans se déplace rapidement autour de sa Mazda mutilée afin que le froid glacial ne le r­ attrape pas. La déco foireuse des voitures de Tupala et de ses compagnons de course fait partie du charme du ­Rokkiralli. Les slogans idiots (Rubber and Condoms) et les s­ ponsors inventés   77


Sanna Sillman La pilote Sillman ­travaille en tant qu’infirmière et a­ uxiliaire de vie. Elle voudrait suivre une formation dans le paramédical. La pilote espère utiliser les compétences qu’elle a accumulées sur la piste pour devenir un jour conductrice d’ambulance. La course « Quand je suis trop nerveuse avant une course, je m’installe dans la voiture. Cette demi-­ heure passée seule assise au volant me détend profondément. »

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L’un des bolides menaçants du circuit. Sa peinture grossière, faite à la main, est typique de l’esthétique destroy adoptée par de nombreux coureurs.

« Rokkiralli est un pied dans la porte pour les pilotes dont les parents ne sont pas riches. » THE RED BULLETIN

(Old Skool Shit Project Racing Team) raillent les ligues de rallye plus corporatives et sont souvent peints à la main ou écrits au marqueur permanent. Pourquoi consacrer du temps et des efforts à l’esthétique quand il y a de bonnes chances pour que votre voiture soit détruite ? De plus, tous les véhicules qui atteignent les demi-finales sont soumis à un tirage au sort pour redistribuer les caisses aux pilotes restants. Vous y pensez donc à deux fois avant de dépenser des milliers d’euros pour créer une machine que vous céderez lors de la t­ ombola. « Les tas de ferrailles qu’on conduit… dit Tupala. L’échange de voitures fait partie du plaisir ; on ne sait jamais si l’on aura quelque chose de génial ou une caisse complètement ­pourrie. Tu ne peux pas tomber amoureux de cette ordure en métal. »

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imanche après-midi, au bord du lac Saarijärvi, à près de cinq heures de route au nord ­d’Helsinki. La température a chuté vers un glacial – 8 °C. Les pins enneigés autour du lac disparaissent dans un épais brouillard onirique. Sous le regard d’une église pittoresque en bois du XIXe siècle, le rugissement des moteurs rompt la quiétude. Le Rokkiralli est « en ville ». Un côté entier du lac est occupé par les stands, avec deux longues rangées de véhicules placés sur des bâches. Les pilotes bricolent leurs machines tandis que les spectateurs parcourent les allées et inspectent ces étranges créatures. Environ cent cinquante personnes ont bravé le froid pour suivre l’action. Dans les petites villes finlandaises au cœur de l’hiver, le Rokkiralli représente une rare   79


« Un pilote de rallye pro aurait du mal à les conduire. » ­ pportunité de divertissement. Avant o chaque course, la résistance de la glace est évaluée en perçant un trou et en mesurant l’épaisseur (50 centimètres est le minimum requis). Le lac Saarijärvi a passé l’épreuve de la glace et aujourd’hui, environ soixante hommes et quatorze femmes en plus de quatorze juniors, filles et garçons, s’affronteront. Au milieu du chaos et des couleurs des stands, Sanna Sillman est facilement repérable grâce aux cheveux roses qui dépassent de son casque. La course ­représente pour elle un rêve d’adolescence et aujourd’hui, elle est la secrétaire de la Rokkileague féminine. Mais contrairement à Tupala et à ses amis, elle n’y a pas eu accès aussi tôt dans sa vie et quand elle y est parvenue, ce fut en secret. « Mon mari Matti connaissait depuis des années ma passion pour la course, explique-t-elle. Mais il ne croyait pas en mes talents de conductrice et me disait que nous n’avions ni le temps ni l’argent. Le mari d’une de mes copines m’a parlé du Rokkiralli et m’a aidé à réparer une voiture en ruine que nous avions achetée à l’insu de Matti. » Aujourd’hui, Sillman conduit une Opel noire avec des garnitures roses et un hérisson jouet attaché – d’une manière un peu sacrificielle – à la calandre avant. « Je n’aime pas qu’on dise que les femmes conduisent plus lentement que les hommes. Ce n’est pas vrai. Mes copines ont peur quand elles sont dans ma voiture, alors elles m’encouragent à me défouler sur la piste. » Il y a peu de règles autour de cette compétition bien que la sécurité soit primordiale. Des ambulanciers sont toujours sur place, tous les concurrents sont soumis à un alcootest, et l’arceau de sécurité et l’intégrité structurale de chaque voiture sont inspectés pour s’assurer que le conducteur puisse s’extraire après un accident. Mais une fois que votre voiture a été approuvée et que vous êtes sur la piste, tout peut se produire ou presque. Les coureurs masculins sont les premiers à surgir, accompagnés par un torrent de finnois – un commentaire enfiévré qui tente de donner un sens à la folie qui règne sur la piste – jaillissant d’une succession de haut-parleurs. Chacun des trois tours de course ne prend qu’une minute environ, mais ce que le Rokkiralli ne peut offrir en longueur est compensé par sa brutalité. Les véhicules se mesurent au parcours technique et sinueux qui s’étend sur le bord du lac en se poussant et se 80

Kristian « The Sheik » Laakso Le pilote Son surnom date de l’époque où il travaillait dans une station-service. Il se veut un hommage aux barons du pétrole du Moyen-Orient. Dans les ­années 90, il l’a fait légaliser sur son passeport. La course « C’est tout ou rien. Tout le monde connaît mon style et sait qu’il va se passer un truc. Je fais de mon mieux, mais je me r­ etrouve ­souvent à l’extérieur de la piste, tout seul, quand je pousse trop fort. » THE RED BULLETIN


« The Sheik » dans son garage à Kouvola avec sa Chevrolet C10 1983 et sa Ford Vanette 1964.

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En haut : l’une des voitures les plus performantes est testée dans les stands. En bas à gauche : des pneus cloutés sont nécessaires pour les courses sur glace. Notez aussi les finitions de grande qualité sur la carrosserie...

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« Au Rokkiralli, gagner n’est pas le plus important. Ce qui compte c’est le plaisir, l’atmosphère, la communauté. » heurtant les uns les autres. À des vitesses allant jusqu’à 95 km/h sur la glace, tout contact peut affecter le déroulement de la course. Personne n’a fait de tonneaux aujourd’hui mais on entend bientôt un bruit dingue de métal malmené : une vieille Coccinelle finit écrasée au milieu d’un empilement de voitures dans le premier virage. Elle doit être remorquée jusqu’aux stands et des traces de fuites sont visibles sur la glace.

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Eetu Tupala Le pilote Tupala a ­appris à parler anglais (impeccablement) en jouant au jeu vidéo Counter-Strike en ligne. La course « J’ai la même mentalité que Colin McRae : j’y vais à fond à chaque fois. Si la vitesse ne me fait pas peur, c’est que je ne vais pas assez vite. » THE RED BULLETIN

nsuite, c’est au tour des femmes. Les pilotes de la première manche ont l’air déterminées et concentrées. Heikkilä fait tourner son moteur avec espoir. Puis elles bondissent dans une cacophonie de moteurs hurlants, les roues mordant la glace et faisant voler des tas de neige sale. La Mazda de Heikkilä peine à s’engager et oscille maladroitement dans chaque virage, glissant sur toute la piste. Incapable de rattraper son retard dans les lignes droites, elle disparaît et se retrouve à l’arrière du peloton. Plus tard, dans les stands, alors que les véhicules abîmés continuent de passer tant bien que mal, Heikkilä revit l’action avec une expression douloureuse sur son visage, agitant les bras avec emphase. « La piste est tellement glissante… J’ai quand même réussi à garder les quatre roues au sol sans faire de tonneau, alors ça va. » Sillman et elle n’auront pas de trophées aujourd’hui, mais ici ce n’est pas une raison pour être déçue. « Gagner n’est pas la chose la plus importante au ­Rokkiralli, dit Heikkilä. Nous ne voyageons pas à travers le pays pour la gagne. C’est pour le plaisir, l’atmosphère, et cette communauté. » La série Juniors Rokkiralli est ouverte aux jeunes de quinze à dix-huit ans, ­principalement des garçons, bien que des filles pilotent également. La Mazda de Tupala n’est pas prête alors un ami lui prête une Toyota Corolla des années 70, affectueusement connue sous le nom de « The Pink Monster ». Avec un cochon duveteux attaché à une calandre improvisée, peu de chance que cette voiture se qualifie dans les ligues de rallye plus sobres et semi-professionnelles. Mais Tupala est certain que les coureurs de Rokkiralli font ce que les pros ne peuvent pas faire. « Bien sûr, il est facile de courir sur la glace si on a une belle voiture, un gros budget et une équipe de mécaniciens. Mais un pilote de rallye professionnel aurait du mal à conduire ces voitures. » C’est la première

fois que Tupala pilote une voiture à traction arrière et la boîte de vitesses fonctionne à peine. Il ne croit donc pas en ses chances. Mais, au début de la course, son agressivité lui donne l’avantage. Il pousse le moteur à la limite dans le troisième et dernier tour mais il survire dans un virage. Il se bat frénétiquement avec le volant afin de reprendre le contrôle avant de s’enfoncer dans une congère. « Vittu, vittu, vittu, vittu », hurle-t-il en finnois (la traduction est surperflue) alors qu’il jaillit hors de sa voiture. Pour autant, comme Heikkilä et ­Sillman, il est néanmoins content d’être venu ici aujourd’hui. « J’aime tout le rituel du ­Rokkiralli, dit Tupala. Le public s’est beaucoup agrandi ces dernières années, on dirait une grande famille. C’est un sentiment libérateur de s’asseoir dans sa voiture sur la ligne de départ et d’oublier tout le reste, qu’il s’agisse de problèmes scolaires ou personnels. Tu n’as pas besoin de réfléchir, juste de conduire. » La nature décalée de la compétition s’étend à la remise des prix qui clôture la journée de course. Alors qu’un petit groupe de coureurs maculés d’huile se rassemble autour des juges – généralement des concurrents à la retraite et qui ne sont pas payés pour leurs efforts – les pilotes victorieux récoltent leurs ­trophées. Là, c’est le fou-rire général car au lieu de se faire offrir le champagne, on réprimande les gagnants pour leur succès. Épuisés après une journée de course intense, personne ne savoure son long voyage de retour. Mais alors que les voitures sont chargées sur leurs remorques, les chauffeurs échangent des adieux chaleureux, heureux de savoir que cette famille hétéroclite et itinérante se retrouvera bientôt sur un autre lac gelé lointain. L’équipe du Rokkiralli parcourra des dizaines de milliers de kilomètres sur des routes balayées par le vent, à travers les immenses étendues gelées de la Finlande, traversant ainsi ce pays sauvage et accidenté. Et les passagers de chaque véhicule qu’ils croiseront seront obligés d’y regarder à deux fois. Ceux qui ne sont pas intimidés par les morceaux de métal mutilés sur les remorques, couverts de menaçantes dents peintes à la bombe ou affichant les traces de collisions douloureuses, verront leur curiosité éveillée. Et l’authentique excentrique qui aura envie de se joindre à eux et de tester son courage sur la glace sera accueilli à bras ouverts.   83



guide au programme

EN FORME COMME UN PRO

L’ÉCRAN DE TOUS LES POSSIBLES

ILS FONT L’ÉVÉNEMENT

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L’ultra-runner Tom Evans vous livre sa méthode fitness.

Du rap au snowboard, Red Bull TV ne connaît pas de frontières.

De Bâle à Champéry… On vous dit tout dans l’agenda.

UN TRIP À VOUS GLACIER LE SANG

SCOTT DICKERSON

Aller surfer en Alaska dans une eau à 1 °C ? ­Pourquoi pas ! Et si des murs de glace s’effondrent autour de vous ? PAGE 86

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GUI D E

Faire.

Observer les glaciers avant de les surfer permet d’évaluer la taille de la débâcle et donc des vagues.

SURFER LES GLACIERS

BRISEZ LA GLACE EN ALASKA Face à l’effondrement d’un glacier, la plupart prendraient la poudre d’escampette. Certains surfeurs s’y jettent. Venu ­explorer l’ultime frontière du surf, Kyle Hofseth est l’un d’eux.

U

n grondement sourd, une explosion d’énergie brute. La vague surgit. Il me faut la prendre coûte que coûte. L’hypothermie me tenaille depuis le ­début de la journée, mais à présent, plus une once de glace sur moi. Je ne me suis jamais déplacé

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aussi vite. Niché au cœur du fjord, le glacier en colère est surmonté de plusieurs mètres de glace fragmentée s’élevant à la verticale au-dessus de la mer. Soudain, un monolithe gros comme une maison cède. Le ­moment tant attendu est enfin là. Je pagaie avec fureur

Kyle Hofseth est un surfeur et chroniqueur de voyage passionné.

THE RED BULLETIN


Alaska

CONSEILS DE VOYAGE

L’ULTIME FRONTIÈRE

Kyle Hofseth révèle pourquoi l’Alaska est LE spot ultime pour les surfeurs en quête de sensations fortes, et pourquoi la destination exige un paquetage légèrement différent. L’Alaska compte près de 55 000 km de littoral. C’est en avril et en ­septembre que les vagues sont les ­meilleures.

La chute de blocs de glace dans l’eau déclenche les vagues au pied de la falaise.

ALASKA

Canada

USA Anchorage Homer Kenai Fjords

EXPLORER BASE D’ATTACHE L’agence de voyages de Scott Dickerson, Ocean Swell Ventures, siège à Homer, petite ville de pêcheurs de 5 700 âmes. Depuis le port, on peut admirer les glaciers des montagnes du Kenai de l’autre côté de la baie.

SCOTT DICKERSON, GETTY IMAGES (MAP)

Pendant l’expédition de 2017, Hofseth et Dickerson ont exploré les fjords de Kenai.

tel un kamikaze fonçant au cœur de l’explosion. Celle-ci provoque la vague parfaite, saturée de glace. En tournant ma planche sur la crête, mes palmes se prennent dans des morceaux de glace, une pluie d’obus de la taille d’une balle de golf s’abat sur moi alors que la vague m’entraîne dans une chevauchée folle. Une vague hors norme, tout comme l’adrénaline qu’elle génère. Une course de 100 mètres qui racle un banc de ­gravier avant de déferler sur le ­rivage. Époustouflant. Le glacier des fjords du Kenai en Alaska recouvrant toute la chaîne de montagnes éponyme est si énorme qu’il jouit d’un ­microclimat. Mais dans ce lieu isolé, le

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« On me conseille de venir avec une planche à laquelle je tiens peu. »

L’EXCURSION Depuis la baie, le M/V Milo accède au golfe de l’Alaska, aux fjords de Kenai et aux îles A ­ léoutiennes en direction de la Russie. Le littoral a­ ccidenté abrite des ours et des élans. Orques, baleines à bosse et loutres sont fréquents autour des îles et dans les canaux.

SURFER LES GLACIERS sentiment qui prévaut est que la majesté muette du glacier semble s’offrir à moi seul. Enfin, presque. En retirant la cagoule de ma combinaison, les cris de Scott ­Dickerson me parviennent depuis son skiff non loin de là. Il tient un bon cliché de ma course, m’informe-t-il. Dickerson est le patron de Surf Alaska et le commandant du M/V Milo, un b ­ ateau de pêche

4 CONSEILS POUR AFFRONTER LES VAGUES DE GLACE 1. Apportez une housse de planche aussi grande que vous. Sur la plage, vous vous y réchaufferez entre deux vagues avec un thermos de café et une bouteille d’eau chaude. 2. Un casque de moto est une bonne idée. Comme tout ce qui peut protéger la tête – l’eau abonde de morceaux de glace.

3. À propos de glace, elle a ruiné toutes mes planches. Donc évitez de prendre une planche à laquelle vous tenez. 4. Optez pour une combinaison d’au moins 5 mm d’épaisseur. Je recommande des chaussons et des gants de 7 mm. L’eau est à 1 °C, et le vent venant du glacier est… glacial !

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Faire.

Alaska

OHÉ DU BATEAU !

CHASSER LES VAGUES SUR LE MILO Le M/V Milo, bateau de pêche commerciale au saumon de 1966 et à moteur diesel, a été converti en 2009 en navire ­d’exploration par un couple de locaux p ­ assionnés de surf. CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES Longueur 17,68 mètres

Cabines 2

Moteur principal 380 chevaux

Équipement bateau gonflable de 4 m, nécessaire de pêche

Équipage 5 ou 6 passagers 1 skippeur

Vitesse de croisière 8 nœuds

LE BATEAU M/V MILO SOUS LE PONT La cale à poisson a été reconvertie en salle de séchage des combinaisons. Les cabines sont dans la coque. Rejoignez le capitaine ou son équipage sur la passerelle et contemplez le soleil de minuit. SUR LE PONT Profitez de la douche chaude en plein air. Placez la pomme de douche dans la combinaison et faites le plein. Parfait pour se remettre de l’eau glacée. Apportez une canne à pêche à lancer lourd. Il n’est pas rare de prendre un flétan de plus de 45 kg par ici.

Pour des excursions d’une semaine, le congélateur du M/V Milo est rempli de gibier et de légumes locaux.

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de près de 18 mètres de long converti en navire d’exploration. Installé à Homer, ville côtière au centre du golfe d’Alaska, D ­ ickerson a passé plus de temps que quicon­ que à explorer, documenter, guider et photographier le potentiel de surf méconnu sur le plus grand ­littoral d’Amérique du Nord. J’ai vu ses photos d’aventuriers surfant toutes sortes de vagues sur fond de montagnes spectaculaires, de glace azur cristalline et de relief acci­ denté de l’Alaska. Ses excursions comportent un élément d’explora­ tion inédit que n’offrent plus les spots plus fréquentés. Pour preuve, aujourd’hui, c’est la première fois que Dickerson s’essaie au stand-up paddle sur les vagues i­ ssues de ­l’effondrement du glacier. Je comprends que cela n’a rien d’anodin lorsque le soir de mon ­arrivée en Alaska, Dickerson me remet un vieux casque de moto censé me protéger des morceaux de glace volants. Avant ça, il m’avait conseillé d’apporter une planche dont la destruction ne ­serait pas dramatique à mes yeux, car ici les icebergs font partie de l’aventure. S’il y a des vagues, nous les prenons, qu’il y ait ou pas des blocs de glace sifflant au-dessus de nos têtes ou nécessitant un plon­

geon dans l’eau pour les éviter. L’absence de réseau téléphonique dans cette région reculée augmente un peu plus l’aspect hasardeux de l’expédition. Le village le plus proche se trouve en général à plu­ sieurs centaines de kilomètres. Pas très rassurant. Anticiper les chutes et leur importance devient par conséquent crucial : une masse de glace de la taille d’une maison peut créer une vague de 2 mètres. Il faut rester attentif aux signes annoncia­ teurs de chutes plus massives… et être prêts à sortir rapidement. Toute la semaine sur le M/V Milo, nous alternons séances de surf inoubliables et les repas fré­ quents, riches en graisses et en protéines (beurre, bacon, poisson pris sur place) afin de compenser les pertes en calories dues à une eau à 1 °C. Nous dormons peu, la lumière e­ stivale invite à l’action : pagayer dans le fjord et explorer les beautés de l’Alaska. Nous ­chevauchons des vagues grises et glaciales, portés par l’énergie intemporelle de ce géant de glace, sentant grandir en nous une incroyable sensation d’ivresse et de survie. Explorez le littoral sauvage de l’Alaska à bord du M/V Milo ; oceanswellventures.com

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SCOTT DICKERSON

La prise du jour : sur le M/V Milo, on pêche son dîner, ici un flétan d’Alaska.


INSCRI STOI

COURIR POUR CEUX QUI NE LE PEUVENT PAS À ZOUG OU AVEC L‘APP

5 MAI 2019 – 13H 100% DES FONDS SONT REVERSÉS À LA RECHERCHE SUR LES LÉSIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE

WINGSFORLIFEWORLDRUN.COM


GUI D E

Faire. 4. Mesurer sa foulée On pense souvent à tort qu’il suffit d’allonger la foulée pour aller plus vite. En faisant cela, on accroît la pression sur les articulations, ce qui peut endommager les talons et les hanches. Une foulée réduite assure un contact au sol entre le milieu et l’avant du pied.

COMME UN PRO

FITNESS D’ESPRIT

5. Cibler ses séances

Phénomène de l’ultrarunning, l’Anglais Tom Evans, 27 ans, sait qu’un corps d ­ ’athète se sculpte avec un mental aiguisé.

T

om Evans est un parfait inconnu lorsqu’il prend le départ du Marathon des Sables (254 km) au Maroc en 2017 et finit troisième. L’année suivante, il stupéfie le monde de l’endurance en remportant l’épreuve CCC, lors du fameux ­Ultra-trail du Mont-Blanc (101 km). Evans justifie ce succès comme étant le fruit d’un travail physique et mental acharné et livre dix conseils pour améliorer sa foulée et son temps.

EXERCER LE CORPS 1. Augmenter ­progressivement J’allonge la distance de 10 % par semaine en l’agrémentant d’un surcroît de cross-training.

2. Diversifier L’excuse qui revient souvent, c’est le manque de temps pour s’entraîner… alors que ce n’est rien d’autre qu’une question de volonté. Je tâche toujours de placer une séance de vélo ou de piscine entre les courses. Pourquoi se limiter à un seul sport ?

3. Travail ses bases Beaucoup de coureurs font l’impasse sur la salle de muscu car ils redoutent de prendre de la masse. Mais sans base musculaire solide, la fatigue en course oblige à ralentir, on modifie donc sa foulée, ce qui crée une situation propice aux blessures.

Durant les semaines précédant la course, adaptez vos séances au profil du parcours : s’il est vallonné avec une côte de 4 km à 10 %, ­simulez ce passage sur un tapis roulant, vous saurez ainsi à quoi vous attendre.

PRÉPARER LE MENTAL 1. Garder l’objectif en tête Les matins où il fait frisquet ne m’encouragent pas à sortir. Pour me motiver, je pense à ce que la prochaine course me permettra d’accomplir et en quoi cette séance y contribue.

2. Relativiser En course, je repense aux efforts acharnés accomplis et au soutien indéfectible de mes proches pour en être là où j’en suis. Cela me permet de relativiser les difficultés en course et me requinque.

3. Visualiser les problèmes L’exercice de visualisation est utile s’il est bien fait. Avant, je visualisais la course parfaite, sans succès. À présent, j’y intègre tout ce qui pourrait mal se passer, pour parer à toute éventualité.

4. Se trouver un mantra

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L’engagement, les sacrifices et l’assurance d’avoir accompli le plus dur à l’entraînement permettent d’appréhender la course comme un moment de plaisir.

ADIDAS TERREX

5. Valoriser le temps investi Un pari avec trois amis de l’armée pousse Evans à courir le Marathon des Sables. Il jure de battre leur temps.

LOU BOYD

Une petite devise dans la tête est très utile quand les choses se corsent. La mienne est : « Jusqu’où es-tu prêt à aller ? » Cela m’aide à me recentrer sur mes objectifs à court et à long termes.

Instagram : @tomevansultra

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training

« Quand les choses se corsent, je me demande jusqu’où je suis prêt à aller. » L’ultrarunner Tom Evans

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Faire.

gaming

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Combinez ! « Les quatre Javelins disposent d’un arsenal en mode amorce/ détonateur pour figer l’ennemi et l’abattre. Tout le système est conçu sur cette logique. » Ici, le Javelin Commando.

« L’arsenal fonctionne en mode amorce/détonateur. On peut étourdir l’ennemi par un choc électrique avant de lui balancer des projectiles auto-guidés. »

MAÎTRE DU JEU

PILOTEZ UN EXOSQUELETTE L’armure motorisée est tendance. Portez-la et décollez avec Anthem, l’un des jeux vidéo majeurs de 2019.

3

En joue, feu !

A

« Essayez d’assommer ou d’étourdir vos ennemis : c’est une bonne occasion ­d’utiliser tout votre arsenal contre eux et venir à bout des plus coriaces. »

2

PROFIL DE L’EXPERT

JON WARNER

Responsable du jeu Anthem

1

Localisez la cible

LEÇON DE VOL

PARER À TOUS LES COUPS

Apprendre le b.a.-ba avec le Javelin Commando.

« Incitez l’ennemi à tirer pour en faire une cible fixe. Puis utilisez la frappe voltaïque pour envoyer une puissante décharge ­électrique pour l’étourdir. »

BIO Avant d’intégrer BioWare pour développer Mass ­Effect 3, Warner aiguise ses talents chez Disney, Microsoft, et dans l’armée US comme agent du ­renseignement. « Le jeu en est imprégné – ­positions stratégiques, frappes de l’artillerie – tout comme de mes ­expériences chez ­Disney et Pixar aux c­ ôtés d’incroyables conteurs. » JOUER LE JEU Anthem sort le 22 février sur PS4, Xbox One et PC. anthemthegame.com

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CHRISTINA LOCK

« Placez-vous au-dessus de votre ennemi pour garder le contrôle de la situation et lui infliger des dégâts massifs. »

TOM GUISE

Prenez de la hauteur

BIOWARE

nthem est annoncé comme le tueur de Destiny, et pour qui connaît ce jeu FPS multijoueur à succès depuis 2014, le compliment est de taille, d’autant plus que le nouveau venu n’est pas encore dispo. Mais sachant qu’Anthem nous vient de Bioware, créateur de la série Mass Effect, référence du genre, cela dépasse le simple engouement. L’un des aspects-clés du jeu, dont le théâtre est une planète peuplée d’humains et de monstres, est que vous ne tirez pas sur vos amis. « L’aventure est coopérative dans un monde riche et évolutif », selon Jon Warner, directeur du jeu. Il en va surtout d’armures à la Iron Man : « L’exosquelette du javelin est doté de pouvoirs ­fantastiques permettant des ­actions dignes de superhéros. » Warner ­préconise la maîtrise du combat à haute mobilité. « Les joueurs tendent à courir dans tous les sens, à se cacher ou à se battre. Ici, il faut ­privilégier la mobilité, sauter par-dessus l’ennemi et cibler ses faiblesses. » Mode ­d’emploi avec Monsieur BioWare…

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Amorcez, pulvérisez


Voir.

AARON BLATT/RED BULL CONTENT POOL, ALI BHARMAL/RED BULL CONTENT POOL, @WORLD/RED BULL CONTENT POOL

DU SNOW AU RAP, À FOND ! Ce mois-ci, on se régale avec la crème du snowboard, l’étoile montante du rap indien et un rallye sur les routes boueuses des montagnes mexicaines.

février / mars

Musique de très haute qualité et interviews d’artistes influents. Restez à l’écoute…

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Ben Ferguson en mode air-to-fakie sur un monstrueux halfpipe.

février au 2 mars   EN DIRECT

BURTON US OPEN

L’élite du snowboard se retrouve à Vail, au ­Colorado, pour l’évènement le plus important de l’année : les 37e Burton US Open. Au menu des réjouissances, slopestyle et halfpipe bien sûr, mettant aux prises les cracks de la discipline, mais également le populaire Halfpipe Junior Jam, qui honore les meilleurs riders mondiaux âgés de 14 ans et moins.

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mars   À

Red Bull TV est une chaîne de télévision connectée : où que vous soyez dans le monde, vous pouvez avoir accès aux programmes, en d ­ irect ou en différé. Le plein de contenus originaux, forts et c­ réatifs.

LA DEMANDE

Vivez l’expérience sur redbull.tv

THE RED BULLETIN

En plein essor, la scène hip-hop de l’Inde s’apprête à conquérir le monde en 2019. Découvrez l’histoire inédite d’une de ses plus grandes stars : le rappeur de ­Mumbai Vivian Fernandes, alias Divine.

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14 mars

À L’ANTENNE

DIVINE

REGARDEZ RED BULL TV PARTOUT

OMAR S PRÉSENTE WFXHE

au 10 mars   EN

DIRECT

RALLYE DE MEXICO Défi de haute altitude, le Rallye Guanajuato Mexico est la 3e étape du championnat WRC. Les pilotes fonceront à travers les montagnes de la Sierra de Lobos et la Sierra de Guanajuato.

Omar S ! Les DJs se régalent de ses titres house raw-and-dirty sortis en white label chez FXHE Records. Mais le discret natif de Détroit est surtout réputé pour ses mix maison allant de la deep house à la techno minimale, en passant par la house de Chicago et la techno de la fameuse Motor City. Dans son émission mensuelle (23 heures GMT), ce passionné de dragster r­ égale avec les tracks de sa propre collection.

À ÉCOUTER SUR REDBULLRADIO.COM

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Faire.

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janvier au 7 avril

BELLES À ­CROQUER

Pas de raison de s’inquiéter ! La plante carnivore qui semble vouloir engloutir le modèle n’est que l’un des nombreux objets de l’exposition Coups de chapeaux, jusqu’au 7 avril. Elle vous invite à découvrir l'histoire du chapeau et présente des créations extravagantes, qui se portent comme une manière assumée de vouloir s'élever au-dessus de la masse.

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au 17 mars Le salon de tous les superlatifs Pour les amateurs de mobilité raffinée, les portes du paradis s’ouvrent avec le salon de l’automobile le 7 mars. Plus de 900 véhicules sont exposés, dont 150 premières mondiales et ­européennes. Une autre première : les secteurs de la mobilité interconnectée et de l’électronique sont également ­représentés. Palexpo, Genève ; gims.swiss

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mars Sérénade dans la télécabine Un concert hors du commun dans un cadre particulièrement intime vous attend lors du Red Bull Music Gondeli, où six artistes se produiront dans un cercle restreint – une télécabine. Première date parmi les trois prévues : Champéry, dans le splendide Val d’Illiez. Plus de détails sur le site web. Champéry ; redbullmusic.com/gondeli

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au 26 mars Lorsque tout Genève groove Genève vibrera au son du ­festival Groove’n’Move ­pendant plus de dix jours. ­Objectif ­déclaré  : accorder un espace aux différentes ­facettes du hip-hop ­contemporain, avec des ­battles, des cours et des ­conférences. Divers sites, Genève ; ­groove-n-move.ch

au 16 mars Rencontre de talents Avec trois jours sous le signe de la musique flambante neuve lors du festival m4music, creuset effervescent des inspirations, les jeunes talents côtoieront des artistes établis, dont le duo genevois Cyril Cyril et le rappeur de 19 ans de St. Gall, Moet 192 (1,5 millions de vues YouTube pour Tout le jour). Invitée d’honneur : la gagnante de la Demotape Clinic 2018, Jessiquoi (photo) aux tenues vibrantes et à l’électropop puissante. Zurich & Lausanne; m4music.ch

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SPIELZEUG WELTEN MUSEUM BASEL, M4MUSIC, REERIDEWORLDTOUR/JEREMY BERNARD, ALPHAFOTO.COM/FELIX BRUNNER

Spielzeug Welten Museum Basel, Bâle ; spielzeug-welten-museum-basel.ch


mars / avril

23 au 31 mars Compétition de l’extrême

Les meilleurs freeskieurs au monde se retrouvent sur le Bec des Rosses (3 223 m d’altitude) pour décider du champion du monde dans une compétition à couper le souffle. Avec une pente allant jusqu’à 60 %, la montagne de Verbier est considérée comme l’un des défis les plus durs à relever pour les freeskieurs. Bec des Rosses, Verbier ; freerideworldtour.com

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avril Marathon à savourer Même si la plupart des coureurs ont à peine le temps d’en apprécier la beauté : grâce à son parcours le long du lac, le marathon de Zurich passe pour être un vrai régal pour les yeux. Le départ et l’arrivée se trouvent sur le Mythenquai. En plus du marathon, il y aura un Team Run pour quatre coureurs et un City Run de dix kilomètres. Mythenquai, Zurich ; zuerichmarathon.ch

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MENTIONS LÉGALES

THE RED BULLETIN WORLDWIDE

The Red B ­ ulletin est ­actuellement distribué dans sept pays. La sprinteuse d’élite Kaylin Whitney fait la une de l’édition américaine pour un sujet sur les nouvelles découvertes scientifiques dans le sport de haut niveau. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

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Rédacteur en chef Alexander Macheck Rédacteurs en chef adjoints Waltraud Hable, Andreas Rottenschlager Directeur créatif Erik Turek Directeurs artistiques Kasimir Reimann (DC adjoint), Miles English, Tara Thompson Directeur photos Fritz Schuster Directeurs photos adjoints Marion Batty, Rudi Übelhör Responsable de la production Marion Lukas-Wildmann Managing Editor Ulrich Corazza Rédaction Christian Eberle-Abasolo, Jakob Hübner, Arek Piatek, Stefan Wagner Maquette Marion Bernert-Thomann, Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz Booking photos Susie Forman, Ellen Haas, Eva Kerschbaum, Tahira Mirza Directeur global Media Sales Gerhard Riedler Directeur Media Sales International Peter Strutz Directeur commercial & Publishing Management Stefan Ebner Publishing Management Sara Varming (Dir.), Magdalena Bonecker, Manuela Gesslbauer, Melissa Stutz, Mia Wienerberger Communication Christoph Rietner Directeur créatif global Markus Kietreiber Solutions créatives Eva Locker (Dir.), Verena Schörkhuber, Edith Zöchling-Marchart Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer, Martina Maier Emplacements publicitaires Manuela Brandstätter, Monika Spitaler Production Wolfgang Stecher (Dir.), Walter O. Sádaba, Friedrich Indich, Sabine Wessig Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovi c,̀ Maximilian Kment, Josef Mühlbacher Fabrication Veronika Felder Office Management Yvonne Tremmel (Dir.), Alexander Peham Informatique Michael Thaler Abonnements et distribution Peter Schiffer (Dir.), Klaus Pleninger (Distribution), Nicole Glaser (Distribution), Yoldaş Yarar (Abonnements) Siège de la rédaction Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche Téléphone +43 (0)1 90221-28800, Fax +43 (0)1 90221-28809 Web redbulletin.com Direction générale Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, 5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700 Directeur de la publication Andreas Kornhofer Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier, Dietmar Otti, Christopher Reindl

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1 DÉVELOPPÉ POUR ÊTRE PERFOMANT

En tant que partenaire de Red Bull PlayStreets, Jabra soutient l’événement avec ses produits uniques. Le X Mic est un microphone ­bluetooth développé pour garantir la meilleure qualité auditive même dans les pires conditions. Les oreillettes Jabra Elite Active 65t assurent une qualité sonore irréprochable même pendant une session sportive, allant jusqu’à 15 heures ­d’autonomie. jabra.com

THE RED BULLETIN

2 SCRAPPER 115

Plébiscité lors de sa ­première saison, le Scott Scrapper 115 est devenu la nouvelle référence des skis freeride. Grâce à la construction avec noyau en bois et carbone de Scott, le Scrapper 115 présente toutes les qualités pour s’imposer. Puissant et ­ultrastable sur tous les terrains, il n’en demeure pas moins léger et agile quand la situation l’exige. scott-sports.ch

5 3 DILLYSOCKS – WE LOVE COLORS

Constituées de coton bio majoritaire, les chaussettes guillerettes de DillySocks offrent un confort optimal et s’accordent à tous les goûts… Les modèles colorés et les imprimés sont designés en Suisse, puis sont produits par une entreprise familiale au Portugal. dillysocks.com

4 HAPPYPOWDER – TROPICAL TREND

Avec deux lentilles magnétiques qui protègent des UV à 100 %, l’une polarise parfaitement quand le soleil brille, l’autre au rêvetement violet améliore la visibilité quand la lumière faiblit et offre un confort visuel optimal par tous les temps. ­Happypowder est synonyme de design révolutionnaire, mais surtout d’une recherche de perfection jusque dans les détails pour assurer fiabilité et performance. happypowder.com

5 MIDO MULTIFORT CHRONOMETER 1

Lancée en 1934, la collection Multifort allie depuis toujours fonctionnalité et esthétique. Avec un mouvement à la pointe de l’innovation – le Calibre 80 Si – la Multifort Chronometer 1 est la nouvelle venue dans cette famille. Ce garde-temps est le compagnon idéal de tout individu qui ne souhaite faire aucun compromis entre style et technologie. midowatches.com

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makes you fly

PH CAMY

Colléegraphie À Tricklandia, en Slovaquie, un endroit où chacune des pièces révèle des illusions d’optique bluffantes, la danseuse Angyil (Missouri, USA) se joue des proportions et des dimensions pour inventer une chorégraphie exclusive inspirée de Spiderman.

Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 10 mars 2019

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THE RED BULLETIN

VLADIMIR LORINC/RED BULL CONTENT POOL

Le plein d’action.


QUELLES AIIILES CHOISIREZ-VOUS?

Vrais talents d e la nature NATU RE L L E M E NT E N C A NE TTE S

CH-BIO-004 Agriculture UE/non-UE


T E E C R O F E M R O F

S ience R L’expér augmentée. é t en réali ez l’application rg Télécha . is h T Clip

NEW KODIAQ Cet SUV hautes performances de 240 ch avec un couple de 500 newtons-mètres fera palpiter votre cœur. La traction 4x4 intelligente et les systèmes d’assistance les plus modernes veillent à ce que vous gardiez le contrôle de cette puissance à tout moment, en toute sécurité. Quant à l’équipement luxueux, aux systèmes de connectivité ultramodernes et à l’intérieur le plus spacieux de sa catégorie, ils répondront à toutes les attentes. ŠKODA. Made for Switzerland. KODIAQ RS 2.0 l Bi-TDI 4x4, 240 ch, boîte DSG à 7 vitesses, 6.4 l/100 km, (équivalent essence: 7.3 l/100 km), 167 g de CO2/km (Ø véhicules neufs: 137 g), mise à disp. d’énergie: 28 g de CO2/km, cat.: F


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