SUISSE MARS 2020, CHF 3,80
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LA CONQUÊTE DE L’OUEST Lisa Brühlmann s’est fait une place parmi les réalisateurs américains
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Le quotidien des secours héliportés sur la face nord de l’Eiger
LE ROI DE L’ÉQUILIBRE DANNY MACASKILL transforme ses idées folles sur le papier en un parcours indoor de folie
Tout nouveau: Forester e-BOXER 4x4 à partir de Fr. 36’040.– Nouvelle plateforme (Subaru Global Platform), nouveau design, niveau de sécurité et de confort encore plus élevé – voici la nouvelle génération Forester. Avec le SUBARU e-BOXER, qui combine le moteur SUBARU BOXER avec un moteur électrique. Cela signifie: une puissance enthousiasmante sur route et une sérénité rassurante sur tous les terrains. subaru.ch SUBARU Suisse SA, 5745 Safenwil, tél. 062 788 89 00. Concessionnaires Subaru: env. 200. multilease.ch. Prix nets conseillés sans engagement, TVA de 7,7% comprise. Sous réserve de modifications de prix. Modèle présenté: Forester 2.0i e-BOXER AWD Luxury, Lineartronic, 150/16,7 ch, catégorie de rendement énergétique E, émissions de CO2 combinées: 185 g/km, consommation de carburant combinée: 8,1 l/100 km, Fr. 46’350.– (peinture métallisée comprise). Forester 2.0i e-BOXER AWD Advantage, Lineartronic, 150/16,7 ch, catégorie de rendement énergétique E, émissions de CO2 combinées: 185 g/km, consommation de carburant combinée: 8,1 l/ 100 km, Fr. 38’150.– (en couleur Crimson Red Pearl).
ÉDITORIAL
VALIDÉ PAR LE RAP
Il y a trente ans, le rap était underground, mais une émission de télé en France, Rapline, lui était dédiée. Le rap est aujourd’hui la musique la plus écoutée en France, mais sur les chaînes de télé francophones, pas l’ombre d’un programme consacré à cette musique ! C’est bien sûr en digital que tout se passe désormais (sur une chaîne YouTube, Red Binks, notamment), mais il manquait comme un truc. Avec sa série diffusée sur Canal+ Séries, Validé, l’acteur, réalisateur et producteur Franck Gastambide innove avec une première : une fiction dans le monde du hip-hop, intégrant les acteurs de cette scène, des artistes de renom qui ont eux-mêmes entériné le projet de Franck. L’inventeur des Kaïras explique pourquoi il devait aborder ce projet avec le respect que mérite sa culture, et sa volonté de « passer le flambeau » à de jeunes talents. À vous de valider Validé.
RACHAEL SIGEE
La journaliste anglaise s’est entretenue avec notre star en couverture, Danny MacAskill au sujet des rouages de l’esprit. « Être mentalement présent et concentré est crucial pour lui,souligne-t-elle. C’est seulement quand il est sur le vélo, dans l’instant, qu’il sait s’il pourra ou non exécuter un trick. Ses vidéos sont bluf fantes de fluidité jusqu’à oublier à quel point il est doué. » Page 36
PATRICIA OUDIT
« Parcourir les berges de la Seine, c’est l’aventure près de chez soi. J’avais vu les belles images de baignades givrées d’Alex Voyer dans le Canal de l’Ourcq et ça m’a donné envie d’approfondir le sujet. Aussitôt dit, aussitôt fait. J’ai pu suivre le plongeur qui a enfilé son maillot, son bonnet de bain et a nagé sous la Tour Eiffel ! Il fait ça avec une telle aisance, que ça donne presque envie d’essayer ! » Page 74
Votre Rédaction
FRED MURRAY (COUVERTURE)
CONTRIBUTRICES DU MOIS
Fred Murray a photographié les prouesses (et les chutes) à la perfection de Danny MacAskill pour notre sujet de Une. THE RED BULLETIN
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CONTENUS mars 2020
Le jeune biathlète Nik Hartweg sur l’art et la manière « de se la cooler douce ».
6 Sur leurs bras, leurs skis ou le fil
d’un torrent, leurs performances dynamitent notre rubrique Galerie 12 Barbie est dépassée : faites place à la cyber-poupée ! 14 Le freeride en toute sécurité avec Victor Daviet 16 Quand les rives seront saturées, la vie sur l’eau sera-t-elle la solution ? 17 Ce protège-dents peut sauver des vies 18 La réalisatrice Lisa Brühlmann s’est fait une place à Hollywood 22 Rockeur psychédélique de Tame Impala, Kevin dresse sa playlist « Augmente ta sérénité » 4
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ALEX VOYER, GIAN PAUL LOZZA, CHRISTIAN PONDELLA/RED BULL CONTENT POOL
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Une Seine insolite ? Rien de plus normal pour Monsieur Voyer.
THE RED BULLETIN
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Quand le grimpeur Will Gadd descend des cathédrales de glace.
24 P rofondeurs glacées Dans ces lieux où vous n’oseriez pas planter vos crampons, Will Gadd se sent encore plus vivant
36 F itness mental
Ce qui définit le mieux MacAskill ? Perfectionisme et ténacité
46 Franck Gastambide
L’acteur, réalisateur et producteur fait le bilan, et parie sur la nouvelle génération
5 6 Anges gardiens
Sur la face nord de l’Eiger, les secours héliportés ne chôment pas
66 N ik Hartweg
Le jeune athlète suisse explique comment trouver le calme sur commande
74 S eine occupation
Se baigner dans la Seine, c’est interdit ! En fait, c’est possible. Alex Voyer vous dit pourquoi
84 L’Albanie en 4×4, ça remue,
mais ce que vous y découvrirez vaut bien quelques secousses 88 Pour être au top durant la Coupe de l’America sur son AC 75, Jimmy Spithill se mange un t raining quotidien qu’il vous révèle en exclu 90 Le festival M4Music, de la glisse, du vélo et Kraftwerk : boostez votre agenda ! 92 Mario Kart n’est pas juste un jeu vidéo délirant, il révèle bien des choses sur ses joueurs acharnés 93 Du snow au Colorado, du WRC au Mexique et de l’Ice Cross à Québec : bienvenue sur Red Bull TV 94 La vérité sur le fameux changement de pneus en apesanteur des mécaniciens de Red Bull Racing 96 Ils et elles font The Red Bulletin 98 Pour finir en beauté : ayez la positive altitude de Matthias Dandois THE RED BULLETIN
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LOS ANGELES, USA
L’intérêt de ce cliché est moins l’emplacement ou le sujet que ce qu’il suscite. Le photographe américain Dan Krauss possède le don de communiquer le mouvement et l’émotion que le public perçoit en direct. Cette photo en est l’illustration p arfaite. « J’avais déjà travaillé avec Joel et connaissais son incroyable aptitude à tenir en équilibre sur les mains ou à réaliser sans trembler des flips arrière à peu près n’importe où, confie Krauss à propos du Mexicain Joel Fridman-Rojas, pro du parkour ici en photo. Joel n’a montré aucun signe de nervosité, et a même posé pour une autre photo le même jour et toujours en équilibre sur les mains, trois étages au-dessus de la rue, sur la bordure du toit du Walt Disney Concert Hall d’où l’on nous pria de partir juste après. » dankraussphoto.com
DAN KRAUSS/DANK HAUS
Question d’équilibre
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DOM DAHER/RED BULL CONTENT POOL
COURCHEVEL
Excès de vitesse
Après les incroyables Tom Pagès (FMX), Camille Chapelière (enduro moto), Jules Charraud (wakeboard), Nouria Newman (kayak), Diablo (danse) ou Kilian Bron (VTT), c’est au tour du champion de ski alpin français Alexis Pinturault d’être pourchassé par un drone dans le cadre de la série vidéo Follow Me. Aux commandes de l’engin volant (et filmant), on retrouve une nouvelle fois le prodige TomZ. On imagine sans peine combien la session a dû être délicate pour parvenir à approcher son drone jusqu’à 20 cm du skieur ultratitré lancé à toute vitesse. « Le défi a été de s’adapter à l’extrême vitesse d’Alexis, tout en gérant l’inclinaison de la pente qui fait pencher le drone en avant », explique l’expert français du pilotage de ces engins, qui a tout de même « planté » quelques drones dans des portes durant le tournage. Instagram : @alexispinturault ; @tomzfpv
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CHUTES HUKA, LAC TAUPO, NOUVELLE-ZÉLANDE
Eau débit Le débit d’eau des chutes Huka du fleuve Waikato en Nouvelle-Zélande avoisine souvent les 220 000 litres par seconde. Suffisant pour remplir une piscine olympique en seulement onze secondes. Le photographe Graeme Murray saisit ici un groupe de kayakistes de haut niveau parmi lesquels Zack Mutton, 14 ans, descendant la puissante rivière. « Le défi était de réaliser la photo en un temps éclair où ils apparaissent soudainement avant de disparaître aussitôt dans les chutes. Zach va si vite, explique Murray, qu’un passage à droite est ici fortement déconseillé. » Instagram : @graememurraynz
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C’est la fin de Barbie Dépassées les poupées à l’ancienne ? Ce robot miniature propose une nouvelle approche pour initier les jeunes filles à la programmation. Les robots humanoïdes nous mettent généralement mal à l’aise et l’arrivée de modèles plus réalistes et sophistiqués fait craindre un monde futur où ils seront nos maîtres. Pour remédier à cet état de fait, la société d’ingénierie basée à Hong Kong Hanson Robotics, connue pour son développement de robots à intelligence humaine, introduit à sa famille 12
de robots un nouveau membre dédié aux enfants. Objectif : prouver que les robots peuvent être des alliés bienveillants et utiles au quotidien. Baptisée Little Sophia, l’humanoïde énergique, intelligente et empathique destinée à travailler avec les enfants vise surtout à susciter l’intérêt des jeunes filles pour le codage et les matières scientifiques. Le robot programmable en Blockly et Python sur une plateforme open source familiarise les enfants à l’électronique et la robotique et est censé devenir plus réaliste, émotionnel et intelligent à mesure que son détenteur en maîtrise le code. « Little Sophia incite de manière ludique les jeunes filles du monde entier à davantage investir les matières
scientifiques, l’informatique et l’intelligence artificielle, affirme Jeanne Lim, PDG de Hanson Robotics Limited. L’expérience riche, divertissante et éducative les motive à apprendre au côté de Little Sophia. » L’entreprise travaille à présent à rendre Little Sophia encore plus empathique et autonome. « Notre vision chez Hanson Robotics est d’insuffler plus de vie aux robots, renchérit David Hanson, fondateur de Hanson Robotics Limited. L’attrait pour Little Sophia tient à l’expressivité et la personnalité avenante dont l’ont dotée développeurs IA, ingénieurs, roboticiens, scientifiques et artistes. C’est une grande avancée pour notre technologie IA axée sur la p ersonnalité. » hansonrobotics.com THE RED BULLETIN
HANSONROBOTICS.COM
HANSON ROBOTICS
LOU BOYD
Little Sophia est la petite sœur de l’humanoïde IA Sophia, « née » en 2015.
Fort de cette devise, le champion de snowboard veut sensibiliser pros et amateurs sur les imprévus de la montagne. Le b.a.-ba, tout bon snowboardeur qui pratique le hors-piste le connaît : rider 20 % en deçà de ses capacités, toujours écouter sa peur et suivre son intuition. Mais sait-il comment bien réagir face à une avalanche ? C’est de ce constat tiré de sa propre expérience qu’est partie l’initiative de Victor Daviet, 29 ans. Avec la création des Safety Shred Days à la station d’Arêches-Beaufort (Savoie) début janvier, il propose une formation à la prévention et au secours en montagne adaptée à une cible jeune de freeriders à un prix abordable (un forfait formation et nourriture pour 35 € par jour). Il veut faire de ce rassemblement un incontournable annuel pour bien commencer la saison et montrer le bon exemple.
24 ans. On était en tournage, je réalisais un rêve… L’Alaska, c’est la Mecque des freeriders. À ma première descente, j’entendais la neige se fissurer. On n’était pas loin de la catastrophe. J’ai passé plusieurs fois la tête sous la neige, par chance, quand l’avalanche s’est arrêtée, je n’avais de la neige « que » jusqu’aux épaules. Je pouvais respirer. Rebelotte en 2016, en Alaska toujours. Elle était moins grosse cette fois, mais aussi traumatisante. Et une troisième fois, c’est un pote qui a été pris dans une avalanche. Quand on l’a retrouvé au bout de cinq minutes, avec hélico et tout, il était violet. C’est là que je me suis dit : « Il y en a assez des avalanches, je veux que tout le monde soit formé. »
the red bulletin : Faire du freeride en soi, c’est déjà courir des risques… victor daviet : Justement, comme on est responsables de ce mouvement hors-piste, on se doit de proposer une formation. Je me disais qu’il allait y avoir des accidents autour de moi. Les athlètes, les médias ou les marques communiquent tellement sur le hors-piste, les belles images, la poudreuse… Depuis quelques années, mon souci c’est donc de dire : « On fait du hors-piste, mais on le fait avec du bon matos, et on est formé pour utiliser ce matériel. »
Tout le monde, aussi bien les équipes de tournage que les riders, pros et amateurs… Exactement. Le caméraman ou le pratiquant urbain qui va faire du snowboard deux semaines par an. J’ai surtout pensé à mes amis qui ne sont pas pros, et qui pratiquent le hors-piste tous les week-ends : soit ils n’ont pas le bon matériel, soit ils ne savent pas s’en servir. La formation aux secours en montagne, ce n’est pas à faire une seule fois dans sa vie, mais une fois par an, pour progresser et se remémorer les bons gestes et acquérir de nouvelles connaissances pour sauver un ami.
Quel a été le déclic de cet événement ? J’ai survécu à deux avalanches. La première, c’etait en Alaska, j’avais
Le bon matériel, c’est quoi ? Un DVA, détecteur de victimes en avalanche, une pelle, une sonde, le tout dans un sac à dos airbag. Quels sont les réflexes à avoir ? C’est ce qu’on apprend pendant la partie théorique. Avant de sortir en hors-piste, il faut : avoir le bon matos, être formé, et se renseigner
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Des exemples d’erreurs à ne pas faire après une avalanche, au moment des recherches ? Quand on a un avalanché sous la neige, il faut veiller à mettre son détecteur en mode « recherche ». Ainsi, seul l’avalanché aura son détecteur en mode « émission ». D’où l’intérêt d’être formé, pour apprendre ça. Car quand tu sais que quelqu’un est sous la neige, potentiellement mort, émotionnellement, c’est dur, tu ne sais pas comment tu peux réagir. Il faut être préparé, avoir des automatismes : « Je prends le lead. Toi, tu vas appeler les secours, le 112 ; tu connais notre position (en hors-piste, il est impératif de connaître sa position exacte, point GPS ou carte) ; on va organiser les secours : on se met en rang, on cherche, on sonde de telle manière… » Lors de vos deux « mauvaises » expériences, qu’est-ce qui aurait pu être évité ? C’était des shootings pro, on devait rapporter des images. On n’a pas fait assez attention aux signaux négatifs. On aurait dû attendre un peu avant de se lancer dans cette pente, car la couche de neige fraîche qui venait de se déposer n’était pas encore consolidée au manteau neigeux de base. Ce qui fait que c’est toute la couche de surface qui est partie. Et qui avait été apportée sur cette face par le vent. Diriez-vous que la montagne est dangereuse ? La montagne est imprévisible. Elle cache des risques. Il faut savoir la décrypter.
victordaviet.com
CHRISTINE VITEL
Un bon rider est un rider vivant
sur les conditions d’enneigement et de vent avec l’appli bulletin risque et avalanche de Météo France ; et aussi connaître son itinéraire et le groupe avec lequel on part. Une sortie en hors-piste, ça se prépare ! On teste son matériel. Et une fois dehors, il faut lire le terrain, détecter les signaux positifs ou négatifs : l’état de la neige, la force du vent, etc.
JULIEN PERLY
VICTOR DAVIET
THE RED BULLETIN
« Tout le monde doit être responsable de sa p ratique, avoir le bon matériel, et être formé. » THE RED BULLETIN
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Vue sur mer Littoral saturé ? Montée des eaux ? À Miami, une maison flottante ouvre des perspectives. Miami est une place du luxe et du (bon ?) goût cosmopolite. La ville abrite des individus parmi les plus riches des ÉtatsUnis et attire des citoyens avec la promesse d’une vie huppée sur la côte. Hélas, avec le réchauffement climatique qui se fait de plus en plus ressentir dans la vie quotidienne, Miami est aussi l’un des endroits les plus exposés à la montée du niveau de la mer. Basée en Floride et lancée par deux Français, la société 16
THE RED BULLETIN
ARKUP.COM
ARKUP
Arkup confronte ce défi avec une idée novatrice : construire pour les résidents des maisons de verre modernes et élégantes, qui flottent près du rivage, évitant du coup de surcharger un littoral déjà saturé. Avec une population urbaine en constante augmentation, beaucoup se tournent vers la mer pour leur future habitation. Le concept de maison flottante d’Arkup reproduit sur l’eau la villa rêvée de Miami, en l’agrémentant de dispositifs de survie. Son principal atout tient dans sa capacité à résister aux tempêtes et à une mer agitée. Élégante et raffinée, la maison n’en est pas moins capable de braver des ouragans avec des vents de 250 km/h grâce à son système de levage. Deux moteurs propulsent la maison vers des eaux peu profondes où ses piliers hydrauliques de 12 mètres de haut élèvent la bâtisse au-dessus du niveau de la mer, protégeant ainsi ses occupants des tornades et des inondations. « Concept avant-gardiste unique de vie sur l’eau en autonomie » selon l’entreprise, la maison flottante de 400 m² plus spacieuse que bien des propriétés sur le rivage constitue une alternative écologique crédible. Entièrement alimentées à l’énergie solaire avec zéro émission, les maisons d’Arkup assurent leur autonomie grâce à un système de purification des eaux de pluie et de gestion interne des déchets. Si cette maison de luxe flottante s’adresse avant tout aux plus fortunés de Miami, Arkup espère développer des variantes plus modestes et plus abordables afin d’étendre sa mission écologique. Avec la montée des niveaux d’eau et le besoin urgent d’alternatives énergétiques, ces constructions flottantes vertes pourraient bien être la solution pour le logement durable dont le monde a besoin.
LOU BOYD
Une maison en vogue, qui vogue sur les flots…
PREVENT BIOMETRICS
La vie à pleines dents Ce protège-dents high-tech préserve le sourire des athlètes, mais pourrait aussi sauver la vie.
PREVENT BIOMETRICS
La NFL (National Football League) a un problème de commotion cérébrale. Une étude datant de 2018 révèle que chaque match de la saison compte, en moyenne, 0,41 commotion cérébrale. Toujours selon cette enquête, plus de cent anciens joueurs souffrent actuellement d’encéphalopathie traumatique THE RED BULLETIN
En plus de parer aux traumatismes dentaires et maxillaires, le premier protège-dents connecté alerte sur de potentiels dommages cérébraux.
chronique (ETC), une maladie dégénérative du cerveau due aux coups répétés à la tête. En clair, les joueurs de football américain professionnels pratiquent un sport nuisant gravement à leur santé et les instances restent impuissantes face au problème. Prevent Biometrics, une start-up basée à Minneapolis, pense avoir la solution contre les blessures graves à la tête. Elle affirme avoir développé la première technologie capable de mesurer avec précision et en temps réel les impacts crâniens, en utilisant non pas les casques des joueurs, mais leurs protège-dents. « Les solutions disponibles à ce jour utilisent des capteurs placés dans les casques ou dans tout autre couvre-chef, a récemment déclaré à Forbes David Sigel, directeur général de Prevent Biometrics. Ces produits se sont avérés imprécis du fait que le casque bouge indépendamment de la tête. » Le protège-dents Prevent Biometrics enregistre la puissance, l’emplacement, la direction et le nombre d’impacts subis par le joueur puis transmet instantanément ces données à l’entraîneur au bord du terrain. « La communauté scientifique a par ailleurs établi que l’arcade dentaire supérieure constituait le point de mesure le plus précis, poursuit Sigel. Le crâne y est solidement fixé. Si le protège-dents Prevent Biometrics ne permet pas de diagnostiquer une commotion cérébrale, il aide les entraîneurs à mieux évaluer les blessures durant le match et à agir plus rapidement pour éviter des dommages irréversibles. » Ce dispositif minuscule pourrait résoudre l’un des plus gros problèmes du sport américain et rendre le football plus sûr. Il faut en tout cas l’espérer. 17
« L’univers essayait de me dire quelque chose. » Lisa Brühlmann a finalement dû bosser sur un scénario plutôt que de vendre des cornets de glace.
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THE RED BULLETIN
LISA BRÜHLMANN
« La plupart des hommes m’ont suivie »
Lisa Brühlmann a fait de l’inattendu sa spécialité. La Zurichoise venait à peine de percer comme actrice lorsqu’elle endosse la casquette de réalisatrice. Elle a créé la surprise avec son drame adolescent Blue My Mind : son utilisation audacieuse d’éléments qui s’apparentent au cinéma d’horreur a même suscité l’intérêt de l’autre côté de l’Atlantique. Elle a ainsi été engagée pour des séries télévisées américaines, comme le psycho-thriller Killing Eve dont un épisode a même été nominé aux Emmy, la récompense la plus importante de la télévision aux États-Unis. Mais curieusement, Lisa Brühlmann, 38 ans, n’a pas émigré à Hollywood. Dans une interview, la mère de deux enfants explique comment son échec en tant que vendeuse de glaces a joué un rôle dans ce développement, et pourquoi il peut être raisonnable de laisser de jeunes enfants prendre seuls le tram.
the red bulletin : La mise en scène est une profession où les femmes sont encore minoritaires. Comment avez-vous su qu’il s’agissait de votre voie ? lisa brühlmann : Je ne m’en suis rendue compte que tardivement, même si j’avais commencé à le ressentir bien auparavant. Dès l’âge de huit ans, j’avais des idées pour des pièces de théâtre que je mettais moimême en scène avec mes amis. Mais cela ne me semblait mener à rien de concret. Ce n’est que plus tard, alors que j’étais déjà actrice, que j’ai eu une conversation avec une amie artiste à propos de mes projets. Et j’ai enfin compris que c’était cela que je voulais faire. Mais pour réaliser des films, l’intention seule ne suffit pas. C’est vrai. C’est la forme d’expression artistique la plus coûteuse. Il faut beaucoup de volonté et des gens qui croient en vous, qui vous motivent. Vous avez fait votre percée en 2017 avec le drame Blue My Mind qui raconte l’histoire d’une ado qui transgresse les limites de la société. Avez-vous quelque chose en commun avec elle ?
MAURICE HAAS
RÜDIGER STURM
Si Lisa Brühlmann a échoué en tant que vendeuse de glaces, elle a en revanche réussi dans sa carrière d’actrice. Et maintenant, elle conquiert même les États-Unis comme que réalisatrice. Elle explique ici le secret de sa réussite.
THE RED BULLETIN
On pourrait la considérer comme mon alter ego. Adolescente, je pensais que j’étais totalement différente des autres et que je n’avais rien à voir avec ce monde. Le personnage est juste plus destructeur que je ne l’étais. J’ai des idées pour des histoires que je veux partager avec le monde, que je veux réaliser. Je ne peux rien faire d’autre. En quoi vous sentiez-vous différente des autres ? Je vais vous raconter une anecdote, même si j’étais un peu plus âgée à l’époque. Durant mes études à l’école de cinéma, je me suis retrouvée sans argent. J’ai donc cherché un emploi à temps partiel, et comme j’avais déjà vendu de la crème glacée, j’ai postulé pour un poste semblable. Le propriétaire du magasin m’a proposé une journée d’essai qui s’est soldée par : « Écoute, tes boules ne sont pas assez rondes. Je ne peux pas t’engager. » Comment avez-vous réagi ? Je me suis dit : « Génial, l’univers essaie de me dire quelque chose. » C’est-à-dire ? C’est maintenant que je dois écrire mon scénario. Parce que c’est ce que je peux faire. Je dois y mettre toute mon énergie. Je ne peux pas perdre mon temps à vendre des cornets de glace. Je dois me concentrer sur mon scénario. Et c’est ce que j’ai fait. Mais vous aviez besoin d’argent. Il est venu de lui-même. J’ai obtenu une subvention pour mon scénario – précisément parce que je me suis concentrée sur la bonne chose. C’est ce que vous devez faire quand vous
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vous dites : « C’est ça ! » C’est pour cela que l’on vit. Vous aviez pourtant choisi un projet qui s’éloignait du mainstream. Y avait-il des sceptiques ? Il y avait beaucoup de gens qui me regardaient un peu de travers : « Ah, tu fais un film avec une sirène. Bonne chance. » Mais les personnes qui comptent ont cru au projet. Comment cela s’est-il passé avec vos parents ? Ont-il fait preuve de réserve quant à votre choix d’une carrière non conventionnelle ? Ma mère m’a élevée seule et elle m’a toujours soutenue émotionnellement. Elle disait : « Jusqu’à 30 ans, tu peux faire ce que tu veux. » Mais comme je n’avais presque rien gagné
à la fin de la vingtaine, elle est devenue un peu nerveuse. Je l’étais moi aussi. Mais j’ai senti que je devais continuer. Depuis, il ne vous est plus si difficile de continuer. Vous avez même été nominée aux Emmy pour la série Killing Eve. Les choses vontelles maintenant d’elles-mêmes ? Tout s’est enchaîné à partir de mon premier film. Mais il faut continuer à avoir des idées pour de nouveaux projets et les proposer. Et la concurrence est rude. Vous n’avez pas émigré à Hollywood. Vous vouliez aller à contre-courant ? J’ai des agents à Los Angeles qui m’ont expliqué que je n’étais pas
obligée d’aller habiter là-bas. Les Américains aiment l’Europe et les films européens. Et l’Europe, c’est chez moi en plus d’être un terreau formidable pour l’inspiration. Même si j’aime LA, je ne pourrais pas y vivre. Les Américains flippent quand ils apprennent que je laisse ma fille de 6 ans aller seule à l’école maternelle. Votre fille va seule à l’école maternelle ? C’est peu courant. Ce n’est qu’à trois minutes d’ici. Je pense qu’il est bon d’élever les enfants pour qu’ils soient indépendants. Quand ils réalisent qu’ils peuvent faire quelque chose par euxmêmes, ils prennent confiance en eux. Quand j’avais six ans, je prenais seule le tramway pour aller à mon cours de théâtre pour enfants. La mise en scène est un métier qui vous consomme totalement. Comment concilier cela avec vos obligations familiales ? C’est très difficile à organiser. Avec le père de mes enfants, qui est aussi réalisateur, nous devons nous réorganiser à chaque nouveau projet. Mais en fin de compte, ce sont les enfants qui doivent s’adapter. Je suis une femme moderne. Ma mère a toujours travaillé à temps plein. C’est pourquoi j’allais souvent à la garderie après l’école ou chez quelqu’un d’autre pendant les vacances. Cela a également bien fonctionné. Notre attitude envers les enfants est la suivante : nous sommes une famille qui voyage beaucoup et cette situation présente aussi d’autres avantages.
Deux scènes de Blue My Mind, un film primé de Lisa Brühlmann. Avec ses copines déchaînées (en haut), Mia (Luna Wedler, ci-dessus à gauche avec Zoë Pastelle Holthuizen), 15 ans, organise des parties d’enfer… jusqu’à ce qu’elle se transforme en sirène.
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Et les machos de l’industrie : ont-ils déjà essayé de vous mettre des bâtons dans les roues ? C’est arrivé à deux reprises mais je n’ai pas laissé les émotions prendre le dessus et me suis concentrée sur mon travail. J’ai dit à l’un d’eux : « Maintenant, tu me fais confiance. » Il a dit : « Pourquoi ? » J’ai répondu : « Parce que la réalisatrice, c’est moi. » Puis il a accepté. Il faut constater que la plupart des hommes m’ont suivie. Je sais que les conflits sont inévitables mais je ne m’en fais pas. Ils drainent notre énergie.
lisabruehlmann.net THE RED BULLETIN
TAME IMPALA
« Air sont très efficaces au réveil » Les quatre titres fétiches du rockeur psychédélique Kevin Parker pour déconnecter et trouver la paix. Depuis la sortie de son 3e album Currents en 2015, Kevin Parker tête pensante de Tame Impala, est salué comme le nouveau messie du rock par les médias et des fans aussi prestigieux que Kanye West, Lady Gaga ou Rihanna. C’est d’autant plus surprenant que ce hippie de la génération Y, élevé à Perth (Australie) pouvant se targuer de centaines de millions de streamings et une tête d’affiche à Coachella, est l’auteur de mélodies étranges et psychédéliques loin des hymnes grand public. Son nouvel album The Slow Rush a demandé cinq ans de travail, le menant au bord de l’épuisement. Pour retrouver la sérénité et rêver la nuit, Parker s’en remet à ces quatre titres. tameimpala.com
« Commençons par les Bee Gees à leurs débuts. Cette chanson est un bijou, les sixties en mieux, des sixties psychédéliques. C’était avant leur période disco. J’ai découvert cette chanson grâce à Mark Ronson. Elle est groovy et planante. Idéale pour s’évader, ce que j’essaie de faire dans toute ma musique. » 22
Supertramp
Air
Neu!
« Ce morceau me fait un effet incroyable, il me met dans un état d’euphorie et de transe en même temps. Je vois une pluie de confettis sous des lasers lumineux, c’est une sensation unique. Comme un spectacle son et lumière… C’est ce que je ressens avec cette chanson qui se trouve être aussi ma berceuse préférée. »
« Une mélopée incroyablement belle et sereine, et idéale pour satisfaire mon fantasme d’être sur un nuage. Air sont aussi très efficaces le matin au réveil. C’est une source d’inspiration pour la journée. Un jour, j’ai écouté Run en boucle avant de m’endormir et à mon réveil, elle tournait encore. Je ne m’étais jamais senti aussi bien. »
« Un de nos morceaux favoris de l’époque. On l’écoutait souvent lors de nos premières tournées à travers l’Australie. On se passait tout le premier album de Neu!, mais ce morceau reste mon préféré. Son côté répétitif, hypnotique, a le don de m’empêcher de cogiter. Un morceau à découvrir pour ceux qui ne le connaissent pas. »
Goodbye Stranger (1979) (Breakfast In America)
Run (2004) (Talkie Walkie)
Hallogallo (1972)
THE RED BULLETIN
MARCEL ANDERS
Every Christian Lion-Hearted Man (1967) (Bee Gees’ 1st)
NEIL KRUG
Bee Gees
POUR TENIR LE CAP À CARNAVAL.
LE NOMBRIL DU MONDE... DE GLACE Le grimpeur canadien WILL GADD s’est aventuré au Groenland dans un endroit où nul n’oserait aller : au fond d’un « moulin », un puits creusé par l’eau dans un glacier. Texte ANDREAS WOLLINGER Photos CHRISTIAN PONDELLA
Cathédrale de glace Ce cliché est le préféré du photo graphe Christian Pondella : il r ésume à lui tout seul et de manière magis trale le c aractère irréel et extra ordinaire de cette expédition au cœur de la calotte glaciaire du Groenland.
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« L’hélicoptère nous dépose au bout de trente m inutes de vol. À perte de vue, un horizon de glace. »
Paradis blanc Un moulin se forme lorsque les eaux de fonte ruissellent depuis la surface vers l’intérieur du glacier. Les étudier permet d’évaluer les effets du changement climatique sur la fonte de la calotte glaciaire.
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Pointure mondiale de la grimpe sur glace, Will Gadd n’en est pas à son premier exploit : le Canadien de 52 ans est connu pour avoir été en 2015 le premier à escalader les chutes du Niagara gelées. Pourquoi avoir choisi le Groenland cette fois ? Car personne ne l’avait fait avant lui.
Ilulissat, Groenland Située dans la célèbre baie de Disko, c’est de cette ville sur la côte ouest du pays qu’est partie l’expédition Beneath The Ice.
Départ vers l’inconnu Les moulins explorés par l’équipe se révèlent plus importants et plus dangereux que prévu, en raison des blocs de glace qui s’en détachent et s’effondrent au fond. Si l’un de ces blocs leur tombe dessus, c’est la fin.
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Une patinoire à la verticale Les parois descendent à pic sur 90 mètres : tout au fond se trouvent les lacs souterrains dans lesquels Will Gadd avait prévu de plonger. Avant de devoir y renoncer, car trop risqué.
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« Je célèbre chaque instant que je peux vivre intensément. Grimper ici me fait me sentir sacrément vivant. »
Dans son élément Will Gadd en action sur son terrain favori : un jeu d’enfant pour ce pro des parois gelées. Autour de lui, la glace craque, siffle et gémit dans un concert de bruits aussi fascinants qu’angoissants.
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Et la lumière fut Will Gadd et Jason Gulley, enseignant- chercheur en géologie à l’USF (USA), au fond du puits. Leur expédition a permis de récolter et de transmettre de précieuses informations aux climatologues.
Séance d’échauffement Avant de s’aventurer dans les profondeurs du Groenland, Will Gadd s’échauffe sur les icebergs qui flottent devant la côte. L’occasion pour Christian Pondella de réaliser quelques somptueux clichés.
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FITNESS MENTAL
Les salles de sport, il déteste. Pourtant, pour sa nouvelle vidéo, DANNY MACASKILL s’est livré à une séance de workout sur roues aussi jouissive que physique.
Texte RACHAEL SIGEE Photos FRED MURRAY 36
Action… Ça tourne ! Un clip spécialement conçu pour la salle de sport. « C’est rare de trouver des tremplins dans la rue, alors forcément j’ai voulu en intégrer un dans ma vidéo. »
« TU AS CE PETIT MOMENT EURÊKA DANS TA TÊTE LORSQUE TU SAIS QUE TU VAS RÉUSSIR UN TRICK… MÊME SI TU VAS DEVOIR ESSAYER UNE BONNE CENTAINE DE FOIS. »
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remier jour de tournage pour Danny MacAskill, par une froide matinée de novembre. Assis dans sa camionnette, le rider écossais n’a aucune idée du déroulement précis de sa journée. « À ce stade, j’ignore comment ça va se passer. Tant que tu n’as pas de matériel vidéo à visionner, tu n’es pas sûr de pouvoir faire quoi que ce soit. J’ai des idées assez v agues de ce à quoi ça doit ressembler, mais je sais aussi qu’il va y avoir beaucoup, beaucoup d’essais ratés. » Un aveu sans fausse modestie pour celui qui est considéré, depuis dix ans, comme le maître incontesté du vélo trial, et dont les vidéos ont été visionnées des dizaines de millions de fois sur YouTube. MacAskill sait de quoi il parle : même à ce très haut niveau et avec son expérience, quelque chose peut foirer. Pour le reste, c’est une question de contrôle de soi : bien dans sa tête et en phase avec ce qui l’entoure, voilà comment il aborde chaque session. « C’est quelque chose que l’on sent, explique-t-il. Tout se passe dans la tête. Après, tu peux faire faire à ton corps ce que tu veux. » Si MacAskill connaît parfaitement ses limites et ses capacités, il ne maîtrise pas 38
vraiment l’environnement dans lequel il va devoir évoluer aujourd’hui : une salle de sport. Le Zébulon sur roues, pourtant habitué aux décors urbains, l’avoue : il n’aime pas les salles de fitness et n’y met les pieds que lorsqu’on l’y oblige. « Pour de la rééducation après de grosses blessures, des fractures en général. » Heureusement pour nous, MacAskill nous réserve une vidéo de fitness un peu particulière : « On trouve ici tout l’équipement classique d’une salle de sport, de la zone CrossFit aux balles d’exercice en passant par les steps et les poids. Avec tous les agrès propres à la gymnastique : les barres parallèles, le tremplin, la poutre, le cheval d’arçon. » En bref : un «grand terrain de jeu », auquel il a fallu se familiariser, toute la semaine précédant le tournage. Une préparation qui n’enlève rien au caractère aléatoire du film, qui sera l’aboutissement de nombreux essais ratés et d’erreurs : « L’idée, c’est de faire tomber les objets un à un avec mon vélo, même s’il est impossible de savoir si ça va vraiment marcher. Cela dit, c’était cool de passer d’une idée à l’autre, d’essayer plein de trucs, et puis tout à coup, il y ce petit moment eurêka dans ta tête quand tu te dis : “Je vais
« J’ai voulu réaliser un fakir nose manual sur une poutre. Ce n’était pas évident de rouler dessus en arrière et sur la roue avant. » Pour découvrir les petits croquis préparatifs du roi du trial : tournez la page. THE RED BULLETIN
MacAskill a trouvé l’inspiration. Ci-dessous : décomposition du saut slackline-to-slackline, un jump trick des plus ardus : « Un millimètre d’écart et le pneu dérape. Ici, c’est le résultat de centaines de tentatives ratées. »
peut-être devoir essayer une centaine de fois, mais je peux y arriver !” » Si MacAskill envisage l’échec comme faisant intégralement partie du processus, il n’a rien d’un casse-cou irréfléchi – l’équipe de tournage qui le suit et qui dépend de son succès le confirme. Avant de se lancer, l’Écossais aura donc passé un paquet d’heures à se préparer mentalement. « Je visualise le monde qui m’entoure comme une infinité de possibles. Et je dessine mes tricks. Ce n’est pas très élaboré, je suis sûr que beaucoup d’autres athlètes font des trucs plus c ompliqués : je fonctionne avec des petits bonshommes qui me prennent dix secondes à dessiner. » Des idées de nouveaux tricks couchées dans un carnet qui l’accompagne partout attendent d’être ressorties pour des projets futurs. Ces croquis schématisés ne traduisent rien de la force, du courage et de la foi aveugle qui seront nécessaires à leur auteur pour les concrétiser. Et pourtant, il le sait : cette méthode a fait ses preuves. « Le fait de décomposer une figure sur papier m’aide à différents niveaux. Je suis quelqu’un de visuel, et à l’exception des bangers, les plus gros tricks, beaucoup de ces dessins sont basés sur des questions de difficulté technique. Quand je les regarde, ça déclenche différentes
« PARFOIS, LE FAIT DE DÉCOMPOSER UN TRICK SUR PAPIER M’AIDE À DIFFÉRENTS NIVEAUX. » 40
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Dessinez, c’est gagné : 1. Hook to front flip ; 2. Box hop pliométrique ; 3. Un taper de roue et tremplin 360 ; 4. Hops sur poids ; 5. Nose manual sur poutre ; 6. Jump slacklineto-slackline ; 7. Hippy hops ; 8. Ghosty bump front flips
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STORY BOARD
Extrait du carnet qui a servi au vététiste écossais pour son projet en salle de sport. Des croquis rudimentaires qui ne traduisent pas forcément toutes les difficultés des tricks imaginés. Un exemple ? « Pour le trick n°4, les hops sur poids, les poids vacillent au fur et à mesure que je saute dessus, mais je voudrais qu’ils tombent les uns après les autres… Ça va me demander des centaines d’essais ! » Idem pour le trick n°8, le ghosty bump front flip : « C’est l’un des trucs les plus durs que j’aie fait. Tu ne contrôles pas ton vélo en plein flip. Si ça fonctionne, ça sera un miracle. »
« LES SALLES DE SPORT, JE LES FRÉQUENTE POUR LA RÉÉDUCATION APRÈS DE GROSSES BLESSURES, GENRE FRACTURES. »
Du papier à la réalité, il y a un bond de géant que n’hésite pas à faire MacAskill – comme ici avec ses box hops pliométriques – pour notre plus grand plaisir.
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« SUR MON VÉLO, JE SUIS UN PERFECTIONNISTE. »
MacAskill nous offre un wheelie sur un tapis de course. Ci-contre : il prend la pose avant le prochain trick. « J’ai voulu m’inspirer de tout ce qu’on pouvait trouver dans une salle. Je vois partout des rampes où poser mon vélo. »
émotions en moi. J’y vois les 400 essais ratés que tel trick va me coûter avant de le maîtriser. » Mais il arrive, par moment, que certains croquis soient trop ambitieux. « On a l’idée, mais impossible de la concrétiser – le vélo ne fait pas ce qu’on lui dit. » Il avoue alors que certaines figures lui échappent encore, même après des années d’essais : « Un front flip 180, c’est assez simple à réaliser avec un tremplin ou un trampoline, mais avec un vélo coincé entre les jambes, vous ne pouvez pas faire ce que vous voulez de votre corps. Je ne dis pas que c’est impossible – j’ai déjà vu des gars le réaliser – mais pas de la manière que j’ai en tête. À l’écouter, on se rend compte que les choses se passent comme il l’entend – sur le tournage, c’est lui le boss. Il a du mal à déléguer et se révèle impitoyable dès qu’il s’agit de poser un trick. « Si mon objectif, c’est d’exécuter une figure de telle manière, selon tel angle, je m’y tiens. Même si ça va me prendre 200 essais supplémentaires. Mais c’est le seul domaine de ma vie où je ne lâche rien. Regardez ma camionnette : c’est le bordel. Il n’y a que sur mon vélo que je suis perfectionniste. » C’est pour cette raison que MacAskill ne s’entoure, pour ses vidéos, que de gens de confiance : des amis, pour la plupart, avec qui il travaille depuis des années, comme Stu Thomson, le réalisaTHE RED BULLETIN
« JE VISUALISE LE MONDE QUI M’ENTOURE COMME UNE INFINITÉ DE POSSIBLES. » teur et producteur du projet, qui a aussi dirigé Imaginate (2013) et The Ridge (2014). « Je peux me concentrer sur mon vélo, tout en sachant qu’ils sauront trouver le bon angle pour raconter parfaitement l’histoire. Comme on fonctionne de façon identique, je sais qu’ils vont monter la v idéo comme je l’aurais fait moimême. » Pour ce qui est du son, par contre, impossible de déléguer : la musique occupe une place trop importante dans le processus créatif pour laisser ça à un pote. « De l’instant où je me réveille jusqu’au moment d’aller au lit, j’ai toujours une musique dans la tête. Quand j’écoute un truc, j’ai plein d’idées qui jaillissent. » Rien d’étonnant, donc, à ce qu’il s’occupe seul de la bande-son de ses vidéos : son côté perfectionniste pourrait même le pousser, à l’avenir, à se lancer dans la
production. « J’ai passé beaucoup de temps à parcourir les playlists sur mon téléphone en m’imaginant rouler dans les montagnes chinoises ou dans une petite ville au bord de la Méditerranée. C’est une inspiration musicale qui me fait penser à mes croquis. » Dans un monde idéal, il commencerait par la musique et construirait son projet autour d’un morceau – ce qui, dans la réalité, n’arrive presque jamais : « Ce serait pourtant tellement plus facile ». Alors qu’il s’apprête à entendre le « clap » inaugurant le début du tournage, Mac Askill n’a toujours pas choisi la bandeson… « Ces derniers jours, je n’ai pas arrêté de chercher la chanson qui collerait parfaitement au projet. » Mais une chose est sûre : il ne sera pas satisfait à 100 % du résultat. « D’une certaine façon, pour moi, rien n’est assez bon, dit-il, tout en donnant l’impression qu’il a accepté cette lubie d’éternel insatisfait. Je veux me retrouver dans cinq ans, regarder en arrière et pouvoir dire de cette vidéo qu’on n’a peut-être pas tous les tricks que je voulais, mais que j’en ai réussi 95 %.’’ » Cinq pour cent d’échec ! Quand on vous disait que Danny MacAskill mettait la barre très haut... La nouvelle vidéo de Danny MacAskill, Gymnasium, est à voir sur redbull.com 45
« Trahir la réalité du rap serait me trahir moi-même » Réputé pour ses comédies urbaines, FRANCK GASTAMBIDE avance rarement seul, et le confirme avec une série pionnière sur le rap français, visitée par des patrons du genre : Validé. Pour ce projet diffusé sur Canal+ Séries, il a cette fois misé sur des inconnus complets. Et ne le regrette pas. Texte PIERRE-HENRI CAMY Photos JÉRÔME BONNET 46
Franck Gastambide et son sweat-shirt hommage au film sociÊtal et urbain des frères Hughes.
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rois lascars (dont une personne de petite taille), un pitbull et une caméra fixée à un trépied. Un banc au bas d’un grand ensemble de banlieue. Des sketches de deux minutes diffusés sur le site de Canal+. C’est ainsi que s’est lancée officiellement la carrière de Franck Gastambide, il y a dix ans. Sa nouvelle carrière, du moins. Jusqu’alors, le Français né à Melun (double 7) est spécialisé dans le dressage de molosses, ce qui le mènera à collaborer avec Mathieu Kassovitz sur le film Les Rivières pourpres. Il connecte dans la foulée avec le collectif Kourtrajmé (très proche du réalisateur de La Haine), qui, au tournant des années 2000, se pointe en mode WTF avec une nouvelle approche de l’humour en vidéo, du clip, et la volonté de montrer ceux qui s’agitent culturellement et socialement dans l’univers urbain du (déjà) grand Paris. Parmi cette clique, Mouloud Achour, qui fera ses débuts télévisuels sur MTV. Devenu cadreur de l’émission de Mouloud Achour, MTV Select, Franck Gastambide imagine un « télé achat » de banlieue (incluant les fameux lascars, la personne de petite taille, le pit, le banc...) : Kaïra Shopping. Une web-série qui sera ensuite déclinée au cinéma, avec Les Kaïra, un long-métrage sorti en 2012, que Franck réalise et dans lequel il joue, accompagné des mêmes potes présents dans les pastilles de Canal+. Le succès des Kaïra donne des envies à Franck. En 48
2016, il réalise Pattaya, une comédie qui parodie sans les moquer les banlieusards qui s’offrent des vacances exotiques et no limit en Thaïlande. En 2018, avec Taxi 5, il s’attaque à une saga motorisée aussi appréciée pour sa Peugeot blanche de compète que ses BO lestées de hip-hop. Indissociable de Franck Gastambide, le rap est son background culturel et une passion à laquelle il dédie un nouveau projet à paraître sur Canal+ Séries en mars, une série qu’il produit, dirige et dans laquelle il tient le rôle d’un producteur de musique : Validé. Une fiction dans la réalité du rap français, et une première par chez nous. Il était temps ! Alors que le rap est la musique numéro un en France mais ne dispose d’aucune émission dédiée à la télévision. Côté cinéma, jamais un film français n’a été directement consacré au rap, même si La Haine ou Ma 6-T va crack-er ont été associés à des films hiphop grâce à leurs BO (ou musiques inspirées du film, dans le cas du Kassovitz) et l’univers bétonné de leur dramaturgie. En 2020, en France, une fiction sur écran exclusivement consacrée au rap est donc une innovation. Et sa responsabilité incombe à Franck Gastambide. Si jusqu’alors, des Kaïra à Taxi 5, Gastambide a toujours avancé avec ses potes et des acteurs sûrs (Medi Sadoun, Ramzy Bedia ou Sabrina Ouazani), avec Validé, il s’autorise à miser sur des inconnus complets, dont le trio Hatik, Saïdou THE RED BULLETIN
« Je n’ai jamais été un individualiste, et je ne le suis toujours pas. » THE RED BULLETIN
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« L’idée était de créer des personnages de fiction qui évoluent dans le vrai monde du rap. » Camara et Brahim Bouhlel. Un pari que ce frais quadragénaire aborde avec le respect des siens, et dont il apprécie les challenges et vertus avant même la diffusion du moindre épisode de Validé. Profitant d’un jour de grève des transports à Paris, nous proposons à Franck une interview et une séance photo dans un studio du XIe arrondissement. Surprise, notre homme se pointe seul. the red bulletin : Vous êtes venu seul aujourd’hui, mais vous pouvez certainement nous expliquer pourquoi votre carrière s’est jusqu’alors construite en équipe ? franck gastambide : J’ai toujours eu du courage pour avancer dans mes projets, à condition d’être bien entouré. Il y a dix ans, quand j’ai créé le program- me Kaïra Shopping avec une petite caméra DV, mes potes et mon pitbull, et qui est devenu la première web-série de Canal+, faisant un peu de moi l’ancêtre des YouTubers, j’avais le sentiment d’être un leader d’idées… mais j’avais besoin d’être entouré de gens dont j’admirais le talent, ce qui était le cas de Medi Sadoun. On s’est rencontré au sein du collectif Kourtrajmé, et on est très vite devenus potes. Je voyais alors en Medi Sadoun beaucoup de talent et je me demandais comment on pouvait faire des choses ensemble… Je dis toujours « on »… Je n’ai jamais été individualiste, et je ne le suis toujours pas. L’idée a toujours été de faire des choses en groupe et c’était le modèle de ce que j’aimais : Les Inconnus, Les Nuls, le collectif Kourtrajmé. Cet esprit « équipe » que j’ai toujours à présent. L’union fait la force, je le pense vraiment. 50
Bosser avec les autres veut aussi dire s’impliquer soi-même, dans le même bain que les autres, comme vous l’avez fait dans Les Kaïra, Pattaya ou Taxi 5 ? À l’époque de Kaïra Shopping, j’essayais d’identifier mes capacités, et très vite je me suis rendu compte que j’étais inspiré pour écrire, créer, trouver des idées. J’étais attiré par la caméra, par la technique, le cadre, la mise en scène. J’ai parlé à Medi d’un programme court où l’on pourrait caricaturer nos influences
urbaines, banlieusardes, etc. Mais à part lui, personne ne voulait jouer dans nos vidéos, parce qu’on n’était personne. Quand on a présenté le pilote à Canal+, ils ont trouvé ça super et décidé de le produire, alors je leur ai expliqué qu’il allait falloir embaucher de vrais acteurs, mais ils m’ont dit : « Non, vous êtes super, c’est ce que vous avez créé, ça marche parce que c’est vous, c’est vous qui devez interpréter les rôles. » Et voilà comment je me suis retrouvé à faire l’acteur, complèteTHE RED BULLETIN
PRESQUE CÉLÈBRES... Gastambide à propos du trio de nouveaux talents sur lequel il a parié pour Validé. Hatik « Pour le rôle tenu par Hatik, il fallait trouver quelqu’un capable de porter une série sur ses épaules, potentiellement sur plusieurs saisons, et qui soit un rappeur extrêmement crédible, dont on ne pouvait pas remettre en cause les qualités et les compétences. Hatik avait un physique, un charisme, des capacités de rappeur incontestables. On a beaucoup travaillé ensemble pour qu’il devienne un acteur. Je cherchais quelqu’un qui avait un truc en plus, et ce mec a un truc en plus, c’est une évidence. Comme les deux autres acteurs principaux de la série, au moment où je le prends pour Validé, il n’a encore absolument rien fait devant une caméra, c’est son premier casting. Choisir Hatik, qui a sorti une mixtape entre-temps, c’est un pari. »
ment par hasard. Ensuite, le film Les Kaïra s’est précisé, et comme c’était inspiré de la série, je devais jouer dedans, mais comme ce qui m’inspirait le plus, c’était la mise en scène, je me suis collé à tous les postes : écrire, jouer et réaliser. Le film fut un succès, et ça a lancé mes trois carrières de réalisateur, d’acteur et de scénariste. Dans votre série dédiée à l’univers du rap français, Validé, vous n’êtes plus le personnage central. Pourquoi ? THE RED BULLETIN
Pour Validé, il a fallu que j’assume un poste de grand frère et que je m’implique pour les autres, que je passe le flambeau. Je me suis dit qu’il était temps non seulement de produire, mais d’aller chercher de nouveaux talents, pour créer une petite bande comme celle qui était la mienne il y a dix ans finalement. J’ai pris conscience de ce parallèle une fois après avoir choisi les trois héros de la série, trois débutants qui n’avaient jamais tourné auparavant.
VALIDE/MIKA COTELLON
Acteur ? Réalisateur ? Comédien ? Franck Gastambide est tout à la fois et s’attache à œuvrer dans le plus grand respect des univers qu’il transporte à l’écran, comme pour son nouveau projet dédié au rap.
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Saïdou Camara
Comment cela ? Avec les tournages de la série, ils ont commencé à se voir et sont devenus potes, et un soir ils m’ont envoyé une photo d’eux, accompagnée d’une photo de l’époque des Kaïra, où on était aussi nous trois, moi, Medi Sadoun et Jib Pocthier. Ce parallèle m’a beaucoup touché. Ça racontait un truc.
« Saïdou est l’un des premiers mecs qui vient au casting, et c’est mon premier coup de cœur, mais je m’interdis de me décider trop vite, car je sais qu’on doit voir plein d’autres gens. Mais ce petit gars a un truc, il accroche à la caméra mieux que les autres, il est plus juste que les autres, ce qui est troublant pour un mec qui n’a jamais passé un casting ni jamais pris de cours de comédie de sa vie, et qui a une telle aisance. Il n’a pas conscience qu’il est beau, que la caméra l’aime, qu’il est juste. Ça le rend passionnant en termes de direction d’acteur. Lors du casting, on discute avec Saïdou, on parle un petit peu de sa vie, et je me rends très vite compte qu’il habite dans un foyer, qu’ils sont à cinq dans une chambre. Quand je l’ai convoqué pour lui annoncer que c’était lui, j’avais conscience que ça allait bouleverser sa vie. Je n’ai pas souvenir d’avoir eu une telle émotion en annonçant à quelqu’un qu’il était choisi pour un projet. »
C’est compliqué d’imposer des mecs inconnus dans son premier projet de série ? Vos partenaires de production et de diffusion ne vous ont-ils pas demandé d’intégrer au moins un acteur de renom au casting pour porter la notoriété du projet ? Contrairement au cinéma, on n’a pas besoin de vedette pour porter une série. Généralement, les plus grandes séries du monde sont faites avec des gens qu’on ne connaît pas. Tu ne connaissais personne dans Breaking Bad, tu ne connaissais personne dans Game of Thrones, je ne connaissais personne dans Entourage, la série qui m’a inspiré Validé. Validé était l’occasion pour moi d’aller chercher de nouveaux talents.
VALIDE/MIKA COTELLON
Le concept même de la série est nouveau... L’idée était d’introduire des personnages de fiction qui évoluent dans le vrai monde du rap. On va vraiment chez Skyrock, on va vraiment chez Mouv’, on va vraiment chez Universal, ils croisent vraiment Cut Killer dans une soirée, ou Ninho dans les couloirs de la maison de disque. C’était indispensable que ces nouvelles têtes qui sont révélées par la série rencontrent des artistes connus et authentiques comme c’était le cas dans Entourage : dans cette série américaine, on s’identifiait à ces nouvelles têtes qui n’étaient personne parce que tout d’un coup, ils croisaient Kanye West ou Martin Scorsese, et ça en termes d’identification, c’est très fort. Mais amener de nouvelles têtes dans une série, c’est un engagement énorme.
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Pour quelles raisons ? Car les temps de tournage sont trois fois plus longs qu’un long-métrage, et c’est une promesse pour plusieurs saisons. Il ne fallait donc pas se tromper sur le choix de ces petits gars. Je sais maintenant que je ne me suis pas trompé... Il semble que la saison 2 de Validé est déjà en cours d’élaboration... Ce jour, soit le 9 décembre 2019, la
saison 2 est en développement, tu pourras l’écrire dans ton sujet. Alors que le public n’a pas encore vu la série, pas même un teaser ? C’est la preuve que les premiers concernés, en l’occurrence la chaîne qui nous a commandé cette série et qui va la diffuser, Canal+, sont déjà convaincus, c’est donc évidemment une première victoire. La série traite d’un univers où les notions d’adoubement et de validation sont fortes. Est-ce que le soutien des artistes qui ont participé à Validé a été aussi important à vos yeux que celui de Canal+ ? Si un rappeur réputé balance que votre projet est « tout pété », on peut imaginer que c’est mal barré pour en convaincre d’autres... C’est exactement ça. Quel a été le premier « nom » à valider la série, justement ? On ne fait pas une série dans l’univers du rap comme on fait une série classique. C’est un milieu de gens potentiellement susceptibles, un milieu qui, à d’autres époques, a pu être moqué, et c’est ce qui rend les rappeurs, leur entourage et l’industrie du rap méfiants quant à la manière dont on traite leur univers. Je le comprends, et je l’avais totalement intégré pour Validé. Le hip-hop est aussi mon ADN, je fais des films qui sont urbains. Dès mon premier film, Les Kaïra, j’ai reconstitué le groupe Mafia K’1 Fry pour un concert à la fin du film… Ce qui n’était pas une mince affaire d’ailleurs… Je leur
« Le milieu du rap a pu être moqué, c’est ce qui rend les rappeurs, leur entourage et l’industrie du rap méfiants quant à la manière dont on traite leur univers. » THE RED BULLETIN
« C’est normal que des a rtistes comme Ninho, Lacrim ou Kool Shen te disent : “Okay, je viens, mais d’abord, explique-moi ce que tu vas faire.” » 54
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« Avec Taxi 5, j’ai compris que les critiques étaient les impôts du succès : plus tu as de s uccès, plus tu en paies. »
Brahim Bouhlel « Il est un pur produit de la génération Instagram. C’est un mec que je découvre en allant regarder les stories de mon pote Hakim Jemili, qui est aussi acteur dans Validé et qui est présent dans le film Docteur, dans lequel je joue également. En regardant les stories d’Hakim, je vois ce mec qui a une super bouille, qui imite tous les accents, et je me dis qu’il serait mon personnage drôle, plus léger dans la série. J’appelle Hakim et lui demande de m’envoyer Brahim en casting, et ça a été une évidence. On a arrêté le casting sur ce personnage-là très vite, parce qu’on s’est rendu compte qu’il était au-dessus des autres. Si ça n’avait pas été avec moi, j’ai le sentiment qu’il aurait trouvé une autre branche sur laquelle s’accrocher. Il était déjà dans les bons tuyaux. C’est marrant, par la suite, Tarek Boudali a décidé de le prendre dans son propre film en voyant mes stories Instagram. »
VALIDE/MIKA COTELLON
Vous ne pouviez donc pas trahir cette réalité, votre historique ? Je ne peux pas la trahir parce que je la connais et que j’ai l’impression d’en faire partie, donc ce serait me trahir moimême. Il y a des rappeurs dans tous mes films, des BO de rap accompagnent tous mes films, avec des rappeurs qui ont toujours joué le jeu comme pour celle de Taxi 5 avec Ninho, l’Algérino ou Soprano. Juste avant, j’avais fait une autre BO pour Pattaya avec Lacrim, SCH et d’autres grands noms. Les rappeurs savent qui je suis à travers les films que je fais et les BO qui les accompagnent.
avais demandé de venir faire leur morceau Pour ceux, qui est leur titre emblématique et dont le clip est l’un des plus grands clips de l’histoire du rap français. Tout le monde s’accorde à le dire. J’apparais d’ailleurs dans ce clip avec mon propre pitbull que j’avais dressé pour m’attaquer dans une séquence. Déjà à l’époque, j’étais immergé dans cet univers du hip-hop, via Kourtrajmé... THE RED BULLETIN
C’était donc votre garantie pour obtenir le feu vert de la scène rap ? La seule chose sur laquelle il a fallu les rassurer est sur le fait que Validé était un changement de registre pour moi, qu’on ne serait pas dans de la comédie, et que personne ne serait ridicule ou ridiculisé. J’allais traiter le sujet avec beaucoup de passion et de respect. Ils ont été convaincus immédiatement ? Il y a eu ceux qui ont eu confiance tout de suite et ceux qui ont eu besoin qu’on en parle. Je me rappelle d’un long entretien avec Mac Tyer, qui est venu à mon bureau. On a discuté plusieurs heures, et j’ai complètement accepté d’avoir cet échange avec lui, parce que c’est normal que des artistes de ce niveau-là, comme Ninho, Lacrim ou Kool Shen te disent : « Okay, je viens, mais d’abord, expliquemoi ce que tu vas faire. » Pourquoi ? Parce qu’ils ont une image, et qu’ils savent qu’ils vont la mettre au service de ma série. Il était donc normal que je sois
transparent et que j’explique à ces rappeurs ce que l’on allait faire, à quoi ça allait ressembler. Je ne pouvais pas leur garantir d’en faire un chef-d’œuvre, mais je pouvais leur garantir que j’allais traiter leur image et ce milieu avec beaucoup de respect. Très vite pendant le tournage, on a eu des rappeurs, dont certains ont de vraies carrières, qui nous ont spontanément proposé de venir, pour faire une apparition, de petits clins d’œil que les gens qui connaissent le rap français vont pouvoir apprécier. Certaines critiques sur Taxi 5 vous ontelles préparé aux haters qui s’exprimeront probablement sur Validé ? C’est un pari très courageux et audacieux de se lancer dans un tel projet. Si tu te loupes, tu te prends des rafales de critiques, c’est très violent. J’ai abordé Taxi 5 en mec de banlieue qui est allé voir tous les Taxi dans des cinémas de banlieue, avec les dérapages sur le parking après la projection… (rires) Malgré tout, ce film m’a valu des critiques, en effet… Mais j’ai compris que les critiques étaient les impôts du succès : plus tu as de succès, plus tu en paies. C’est une phrase que je me suis inventé avec Taxi 5, et j’y crois vraiment. Ce film était une évolution de Taxi, et quelles que soient les critiques, je sais que j’ai fait ce film dans le plus grand respect de la saga. Ceux qui disent le contraire n’ont pas pu voir le film, ce n’est pas possible. Parmi les nouveaux talents lancés par votre série, Hatik n’avait que six ans quand le premier Taxi est sorti, et c’est désormais sur lui, mais aussi Saïdou Camara et Brahim Bouhlel que le succès de votre saga, les différentes saisons de Validé, va reposer… Je suis très fier d’eux. Je m’autorise aussi à être fier de moi d’avoir trouvé ces trois « petits mecs ». C’est une étape très étonnante dans ma vie. « Ça n’est plus pour toi et tes potes que tu écris, mais pour trois petits mecs que tu as trouvés. Tu vas leur donner tout ce que tu peux, tu vas écrire le mieux que tu peux pour eux, tu vas les filmer du mieux que tu peux. » C’est une énorme fierté. (Il sourit) C’est un peu étonnant parce que tu te rends compte que tu vieillis, mais quel kiff de vieillir en donnant de la force à des petits !
Instagram : @ franckgastambide Validé, le 20 mars sur Canal+ Séries 55
Mission sur le mur de la mort MARC ZIEGLER effectue des sauvetages héliportés pour tirer des alpinistes de la tristement célèbre face nord de l’Eiger. Il nous parle de son activité de haut vol, de son rapport avec la mort et du combat le plus difficile qu’il a eu à mener. Texte DIETER LIECHTI Photos TERO REPO
À la rescousse : Marc Ziegler à son poste dans les airs, suspendu à l’hélicoptère.
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« Peur ? Non, la face nord de l’Eiger ne m’a jamais fait peur. »
Les pales du rotor de l’hélicoptère grondent déjà : Marc Ziegler traîne le sac à dos de sauvetage à bord.
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MARC ZIEGLER Né le 10 septembre 1965, il est marié et est père de deux fils. La devise de cet économiste d’entreprise, guide de montagne et pilote d’hélicoptère : Never ever give up. Objectif personnel déclaré : réussir à faire un wheeling en VTT.
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arc Ziegler pose son bipeur sur la table. Il s’assied sur une chaise au balcon de sa maison à Grindelwald et profite de la vue sur les majestueux sommets de l’Oberland bernois : le Wetterhorn, le Mettenberg, le Fiescherhorn et, bien entendu, l’Eiger. Une forteresse de pierre de 3 970 mètres de haut, dont la face nord a longtemps repoussé toute tentative d’ascension. Plus de septante personnes ont perdu la vie dans un duel contre la face nord de l’Eiger – le dernier en date étant Julian Zanker, un alpiniste professionnel suisse décédé l’an dernier à l’âge de 28 ans. Il a glissé. Il est tombé, et a été récupéré par Marc Ziegler, sauveteur en chef du Secours Alpin de Grindelwald. « En montagne, la vie et la mort sont étroitement liées », déclare Ziegler. Durant ses vingt ans de carrière en tant que sauveteur en montagne volontaire et spécialiste du sauvetage héliporté, il a récupéré des douzaines d’alpinistes sur la face nord. « Malheureusement, certains étaient déjà morts. » Depuis le 24 juillet 1938 et la première ascension du « mur de la mort », jusqu’alors réputé invincible, par les Autrichiens Fritz Kasparek et Heinrich Harrer ainsi que les deux Allemands Andreas Heckmair et Ludwig Vörg,
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’innombrables nouvelles voies ont été d ouvertes sur la face nord de 1 800 mètres de haut, et les alpinistes atteignent le sommet de plus en plus vite : le record actuel est détenu depuis 2015 par Ueli Steck, un alpiniste de l’extrême suisse, avec une ascension en deux heures et 22 minutes par la voie Heckmair. Un an et demi plus tard, le 30 avril 2017, il perdra la vie lors d’un accident au Nuptse, près de l’Everest. Marc Ziegler aussi aime bien quand ça va vite. Mais pas en escalade, plutôt en moto, à ski ou en VTT. Et quand il reçoit une alerte sur son bipeur. « Dans ce caslà, il ne me reste que six ou sept minutes avant que l’hélicoptère de la Rega ne vienne me récupérer derrière la maison ou à mon travail. » Durant ce court laps de temps, il doit se changer, embarquer le matériel nécessaire et se préparer mentalement à l’intervention. « C’est plus facile à dire qu’à faire, explique le père de deux fils adultes. Dix minutes après l’alerte, on se retrouve à près de 4 000 mètres d’altitude, suspendu à un hélicoptère par un treuil de 90 mètres de long – ou dans les cas extrêmes au câble du système de long-line, qui peut atteindre 225 mètres de long –, pour tenter de sauver des vies. À ce moment-là, il faut être vraiment concentré, parce que la moindre erreur peut avoir de terribles conséquences. » 59
« Nous avons été contraints d’en abandonner quelques-uns pour la nuit, mais aucun n’est mort. » Ses longues années de routine en tant que spécialiste du sauvetage héliporté lui sont-elles d’une aide quelconque dans ce cas-là ? « De routine ? Non, il n’existe rien de tel dans le sauvetage en montagne. Chaque intervention est différente : où va avoir lieu le sauvetage ? Quel est l’état de santé de la victime ? Que dit la météo ? Il y a tellement de facteurs sur lesquels nous n’avons aucune influence, mais qui peuvent être décisifs pour la réussite d’un sauvetage. Et même pour la survie ou la mort des victimes. On ne peut pas compter sur une quelconque routine, il faut fonctionner en équipe dans les conditions extrêmes de la haute montagne et prendre des décisions en une fraction de seconde. »
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oujours avec l’objectif de sauver les personnes à n’importe quel prix ? « Non, pas à n’importe quel prix, corrige le chef du Secours Alpin. Ce qui compte avant tout, c’est notre sécurité et celle de l’équipe de secours. Aucun accident pendant le sauvetage – c’est une priorité absolue. Si notre sécurité est compromise, on laisse tomber. » Et on abandonne les gens en pleine montagne ? « Oui, quand ça devient trop risqué pour l’équipe de secours. En pratique, sur la face nord de l’Eiger, il peut arriver que l’on doive repousser un sauvetage en début de matinée suivante à cause des chutes de pierres. Même s’il faut pour cela en laisser sur la paroi. » C’est déjà arrivé ? « Quelques fois. Et c’est vraiment dur à vivre. » Les alpinistes abandonnés ont-ils survécu ? « Oui ! Nous avons été contraints d’en abandonner quelques-uns pour la nuit sur la face nord ces dernières années, mais aucun d’entre eux n’est mort. Heureusement. » Il n’empêche que la mort occupe une place centrale dans la vie de Marc Ziegler, et il a appris, au fil des années, à composer avec. Et pourtant, il est sorti de l’Eglise depuis longtemps. « Au début de ma carrière, je décrivais mes missions à ma femme dans les moindres détails : je vidais mon sac puis je dormais comme un bébé, mais ma femme, elle, ne pouvait plus fermer l’œil. » Pas question pour lui de s’habituer à la mort, mais il sait comment digérer les situations dramatiques. Et en cas de 60
DES ANGES GARDIENS
La Garde aérienne suisse de sauvetage (Rega) en chiffres
11 000
interventions aérien nes effectuées chaque année. En général, les hélicos sont engagés sur des missions suite à des maladies ou a des accidents de la circu lation, de travail, durant la pratique de sports d’hiver ou en montagne.
1952
Création de la Rega, pour apporter une assistance médicale par les airs. Elle emploie près de 400 personnes. Fidèle aux principes fondamentaux de la Croix-Rouge, elle porte assistance sans appliquer aucune distinction quant à la personne, ses moyens financiers, sa condition sociale, sa nationalité, sa race, sa religion ou son appartenance politique.
1414
le numéro d’appel d’ur gence avec une assistance médicale de jour comme de nuit.
30
francs, le coût de la donation annuelle à la Rega pour une per sonne – 70 francs pour une famille.
25
% des interventions par hélicop tère se déroulent de nuit. La Rega a été la première organisation de sauvetage civile à utiliser des lunettes de vision nocturne dans les années 1980, afin que les pilotes puissent aussi voler dans l’obscurité.
18
hélicoptères de sauvetage et trois avions-ambulances apportent chaque année une assistance médicale à plus de 10 000 personnes.
12
bases en Suisse permettent à ses équipes d’atteindre les lieux d’in tervention en quelques minutes de vol.
3,5
millions de donateurs et de donatrices soutiennent la Rega avec une contribution annuelle.
1
L’appli Rega a déjà aidé des milliers de personnes en détresse. Si une personne déclenche l’alarme, l’appli transmet automatiquement sa position à la centrale d’intervention de la Rega. rega.ch
Une vue réconfortante pour les infortunés coincés sur la paroi : Marc Ziegler à la rescousse.
Esprit d’équipe : l’équipage d’un hélicoptère de sauvetage se compose de quatre personnes.
besoin, les sauveteurs peuvent s’adresser à un care-team professionnel, au curé du village ou au service psychologique de la Rega. « Ce sont de bons outils, a-t-il appris par expérience. Les discussions entre collègues et en équipe aussi, ça aide. Ou alors donner des conférences. Car plus on parle des morts et des interventions, plus on les digère vite et facilement. » Ça semble logique et ça marche presque à tous les coups. « Quand je ne connais pas la victime d’un sauvetage, pour moi, ce n’est rien d’autre que du travail. Une mission que je remplis en faisant de mon mieux. » Quand les victimes à secourir sont des connaissances ou des enfants, la situation est déséquilibrée. « C’est pire que tout. Une horreur ! On ne peut pas se préparer à cela. Et on se demande toujours : pourquoi ? »
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ourquoi ? Une question que cet économiste d’entreprise diplômé et directeur du Centre de formation des remontées mécaniques suisses s’est posée des mois durant il y a quelques années. Et pour cause : l’aîné de ses deux fils, Pascal, s’est battu contre un cancer à l’âge de dix ans. « Ses ganglions lymphatiques étaient touchés, se rappelle Marc Ziegler en évoquant le combat le plus long et le plus difficile de sa vie. On se retrouve au chevet de son enfant et on réalise que tout ce qu’on sait en tant que sauveteur ne peut pas l’aider. » Pascal a vaincu la maladie depuis. Et Marc Ziegler, vivement opposé pendant l’interview à ce qu’on l’érige en héros, a trouvé les siens au chevet de son fils. « C’est incroyable, tout ce qui est accom62
OPÉRATIONNEL EN UN CLIN D’ŒIL 3 000 volontaires au Secours Alpin
Le Secours Alpin Suisse (SAS) déploie des interventions pour les personnes en détresse sur l’arc alpin, préalpin, ainsi que dans les endroits difficiles d’accès en Suisse et dans les pays limitrophes. Le SAS est une fondation autonome d’utilité publique financée par la Rega et le Club Alpin Suisse (CAS). Les 86 stations de secours des sept associations régionales sont réparties sur l’arc alpin, préalpin et le Jura, de manière à ce que les 3 000 volontaires que compte l’organisation puissent gagner très rapidement n’importe quel lieu. Tous les Suisses soutient le Secours Alpin à hauteur de quatre centimes d’impôts par an.
pli par le personnel hospitalier, déclaret-il avec enthousiasme. Nous, on se rend sur le lieu de l’accident, on récupère la victime et on la transmet aux infirmiers ou aux médecins. Et notre travail est fini. Mais dans les hôpitaux, il y a de nombreux patients dont il faut s’occuper pendant des semaines, des mois, voire des années. De jour comme de nuit. C’est un énorme fardeau, et j’admire les médecins et le personnel soignant pour leur travail et leur dévouement. Ce sont eux, les véritables héros. » Il ne gagne pas grand-chose en sauvant des gens. Alors pourquoi Marc Ziegler prend-il tous ces risques pour aider des personnes qu’il ne connaît pas la plupart du temps ? Le syndrome du sauveur ? « Je n’en sais rien. Je n’ai pas vrai-
Marc Ziegler jette prudemment un œil en bas avant de passer aux choses sérieuses.
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REGA
« Plus on parle des morts et des interventions, plus on les digère vite et facilement. »
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Dans les cas extrêmes, Ziegler se balance à 4 000 m d’altitude suspendu à la long-line, un câble de 225 m de long.
« La plupart des gens veulent oublier ce qui leur est arrivé. »
Marc Ziegler, un sauveteur qui joue franc-jeu : « En tant que grimpeur, je n’ai jamais fait l’ascension de la face nord. »
UN SOMMET MYTHIQUE
Qui sont les premiers alpinistes à avoir conquis la face nord de l’Eiger ? « C’est à moitié gelés, fourbus et écorchés que nous avons enfin atteint le sommet. » C’est en ces termes que Fritz Kasparek relate ce moment historique daté du 24 juillet 1938 : lui et son compatriote autrichien Heinrich Harrer, ainsi que les Allemands Andreas Heckmair et Ludwig Vörg, a tteignent enfin le sommet qui hantait leurs rêves d’alpinistes. Au bout de trois jours d’ascension, ils sont les p remiers à vaincre la face nord de l’Eiger, réputée invincible jusque-là. Ils ont été précédés par des douzaines de cordées venues de toute l’Europe, mais qui avaient toutes échoué. De nombreux alpinistes l’ont payé de leur vie. « La face nord de l’Eiger est une obsession pour les fous », avertissait le magazine anglais Alpine Journal. Jusqu’à ce que le quatuor brisent le mythe. THE RED BULLETIN
ment de réponse à vous donner. Mais c’est sûr qu’arriver à sortir quelqu’un d’une situation critique, c’est très gratifiant. Le syndrome du sauveur ? Peut-être. » Est-ce qu’on fête les missions de sauvetage réussies ? « On est dans l’Oberland bernois, ici, pas à Hollywood, répond-il en riant. Mais quand tout se passe bien et que les victimes ont été sauvées, j’aime bien me poser et m’en griller une, bien que je sois non-fumeur. » Reste-t-il en contact avec les personnes sauvées ? « Rarement. La plupart d’entre elles veulent tourner la page et oublier ce qui leur est arrivé. » Y a-t-il une intervention en particulier qu’il n’est pas près d’oublier ? « Une base-jumpeuse américaine s’était retrouvée suspendue à un éperon rocheux de la face nord, se rappelle Ziegler. Elle était là, dans le vide, les deux jambes cassées, totalement impuissante. Quand je l’ai délivrée et mise en sécurité et que j’ai donné à l’hélicoptère le signal de nous remonter, elle m’a demandé, affolée : “Is this safe?” (trad. “Est-ce qu’est c’est
solide ?”)... » Un autre souvenir qui restera gravé dans sa mémoire est celui de ces Coréens qu’il a récupérés sur la paroi avec la long-line : « Ils avaient à peine posé pied à terre qu’ils ont sorti leur carte de donateur Rega, tout contents : “We have insurance” (trad. “Nous sommes assurés !”)... » Le bipeur que Marc Ziegler porte sur lui pendant ses onze semaines de service de piquet par an est resté silencieux aujourd’hui. Son service se termine à la fin de la semaine. Ensuite, c’est plus du travail administratif qui l’attend. La théorie après la pratique. Et le soir, il bricole sa moto. Après deux essais non concluants, il doit le présenter à l’Office de la circulation routière pour un test de bruit. « C’est l’un de mes objectifs du moment. Parce que des objectifs, il m’en faut absolument. » Et pourquoi pas l’ascension de la face nord de l’Eiger ? « Sans façon ! En tant que sauveteur, j’en connais pratiquement tous les recoins. Mais comme grimpeur, je ne suis pas assez bon. » 65
Bâtons calés sous les bras, carabine sur le dos, regard droit devant. Niklas dans la position idéale du biathlon.
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COOL ATTITUDE Rester calme et concentré, quelle que soit la pression : un don pour certains, une nécessité pour d’autres. Voici les conseils de NIKLAS HARTWEG, champion de biathlon, sur l’art et la manière « de se la cooler douce ». Texte WERNER JESSNER Photos GIAN PAUL LOZZA
« MON REGARD SE FIXE SUR L’OBJECTIF À ATTEINDRE, JE L’INTÉRIORISE LITTÉRALEMENT. » Sans l’ombre d’un doute : à 20 ans, le jeune biathlète suisse est un pro du self control.
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est un jeune homme rebelle et d’une détermination presque féroce qui vient de s’élancer sur la piste enneigée de Obertilliach (Tyrol) : à 20 ans, Niklas dit « Nik » Hartweg, qui prendra bientôt – comme il en a de plus en plus souvent l’habitude – la tête du classement de cette compétition, est le plus grand espoir du biathlon suisse. Premier sprint avant l’épreuve de tir : les skis de fond crissent sur le tapis de neige tassée par les compétitions et le froid, et l’on se dit qu’à ce stade de la course, les poumons doivent déjà brûler au moins autant que les muscles. Pourtant, quand vient le moment de se coucher à terre face à la cible, de sortir la carabine qu’il trimballe sur le dos – un petit bijou fait sur mesure dont la crosse coûte à elle seule 2 000 CHF –, nulle trace sur son visage ni dans son souffle de l’effort intense que l’athlète suisse vient de fournir : il vise, appuie sur la gachette. Bang ! Recommence. Bang ! Il ne tremble pas. Trois autres « bang ! » suivent. Cinq au total. Cinq cartons. La classe. Nik jette la carabine sur son dos et repart illico en mode skating, sans même prendre le temps de glisser ses mains dans les dragonnes de ses bâtons. Derrière lui, ses adversaires sont encore couchés devant leurs cibles. Face à une telle maîtrise de soi, une question nous taraude : comment fait-il ? Comment arriver, au comble de l’effort physique, à trouver le calme et se recentrer, pratiquement « sur commande » ? Bonne nouvelle pour nous : ça s’apprend. Et ça peut même nous servir au quotidien. Nik Hartweg nous livre ses sept règles d’or.
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Le guerrier et son arme : la crosse à elle seule 2 000 CHF.
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Bâtons parallèles et pas du patineur : Niklas en mode ski de fond, la base du biathlon.
REDESCENDS… DE MANIÈRE CONSCIENTE ET ANTICIPÉE
Le biathlon conjugue les paradoxes : c’est un sport qui exige agression et endurance lors des courses en ski de fond, et en même temps un sang-froid inébranlable lors des séances de tir. Or, il est impossible de passer de l’un à l’autre en une seconde : je commence donc à ralentir le rythme à environ 400 mètres du stand, histoire de ne pas arriver chargé d’adrénaline et avec un pouls à 185. L’idéal étant un pouls à 150. L’esprit a besoin de quelques secondes pour passer du mode passer du mode « agressif » au mode « concentration ». Un conseil qui vaut aussi lorsqu’on arrive en retard à une réunion : au lieu de se précipiter la tête la première dans la salle, mieux vaut s’accorder quelques secondes de plus (dans l’ascenseur par exemple) pour calmer sa respiration, remettre ses cheveux en place ainsi que ses idées… et réussir son entrée en scène !
« PASSER DU MODE AGRESSIF AU MODE CONCENTRÉ, ÇA PREND UN CERTAIN TEMPS. » 70
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« L’IDÉAL, C’EST D’ÊTRE DANS UN FLOW OÙ TOUT SE PASSE NATURELLEMENT. » TU ES AUSSI CALME (OU AGITÉ) QUE TA RESPIRATION
Voici un exercice simple à la portée de tous : quand on arrive, même dans un état de stress intense, à respirer calmement, on se calme automatiquement. En biathlon, cette capacité à contrôler sa respiration s’avère cruciale, car on calque sa respiration sur les étapes de tir : viser, actionner la g âchette, inspirer, expirer, toutes ces actions fusionnent pour ne former qu’un tout. L’idéal, c’est d’être dans un flow où tout se passe naturellement. Sur la piste : viser – respirer – toucher. Lors d’un examen : écouter la question – respirer – répondre.
CONCENTRE-TOI UNIQUEMENT SUR TON OBJECTIF
En compétition, la dernière chose dont on ait besoin, ce sont les mauvaises surprises : c’est pour cela qu’avant de tirer, je mets à profit les dernières secondes qui me restent pour chec-
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Pose technique : Nik en position accroupie, prêt au départ.
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ker mon environnement. La force et la direction du vent, par exemple. Une fois couché, je fixe mon regard sur la cible, j’intériorise littéralement mon objectif pour que rien ne puisse venir me distraire. Quand mon œil se pose devant le viseur, je sais ce qui m’attend. Il n’y a plus de surprises, je peux avoir confiance en mes capacités et ma maîtrise de ces gestes maintes fois répétés. Dans la vie pratique : si tu sais faire des conférences dans de petites salles, tu sauras le faire d evant des amphis bondés. Ton objectif – faire ton discours, en l’occurrence – reste le même, quelle que soit la taille de ton auditoire.
DÉBARRASSE-TOI DE TOUT CE QUI PEUT TE GÊNER
Dans ma discipline, je fais en sorte que ma position de tir soit la plus confortable possible et qu’aucune sensation désagréable ne vienne me perturber : c’est ce qui va me permettre d’ajuster mon tir le plus vite possible. Dans un moment de tension extrême, il faut savoir faire fi des sensations parasites, comme des problèmes personnels. Tes chaussures te font mal ? Prends-en d’autres ! Ne te rends pas la vie plus compliquée et élimine de tout ce qui serait susceptible de miner ta concentration. Je n’appuie jamais sur la gâchette tant que je n’ai pas trouvé la
« ÉLIMINE TOUT CE QUI SERAIT SUSCEPTIBLE DE MINER TA CONCENTRATION. »
position idéale. D’où l’intérêt de savoir trouver son confort dans n’importe quelle situation, autrement dit : ce qu’on ne peut pas changer, il faut apprendre à faire avec. Le tapis de tir est glacé ? Ton voisin vient de te cogner avec ses skis pour la troisième fois d’affilée ? Il y aura toujours des petites gênes comme ça, le mieux est donc de les ignorer. Les pensées qui ne servent à rien, je ne les laisse pas m’atteindre, au contraire : je garde mon objectif devant les yeux. Quand tu te retrouves bloqué dans un bouchon par exemple, ce n’est pas en t’énervant dans la voiture que le problème va se résorber et que tu avanceras plus vite. Donc quand je rate un tir et que je récolte un tour de pénalité, je ne gaspille pas mon énergie dans des réactions stériles : je préfère aller de l’avant.
DÉCONNECTE !
Plus facile à dire qu’à faire, je l’avoue. Mais c’est pourtant exactement ce qu’il faut se dire, une fois sur sa lancée : l’objectif, rien que l’objectif, voilà ce qui compte. Pas ce que les autres pensent de toi, ni la grimace que tu es en train de faire ou le nœud de ta cravate… Tu t’en fiches quand tu commences ton discours. C’est ce que tu fais qui importe, pas l’impression que tu donnes.
LA ROUTINE EST TA MEILLEURE ALLIÉE
Je tire en moyenne 15 000 cartouches par an, quelles que soient les conditions. Pendant les entraînements, on essaie de me distraire volontairement : des collègues qui racontent des blagues pendant que je suis en train de tirer, le coach qui met brusquement de la musique à fond à côté de moi… Tout cela me prépare à être performant dans n’importe quel contexte, que ce soit devant un public échauffé ou seul dans un bois : je m’appuie sur la confiance que j’ai en mes capacités, et peux ainsi faire face à toute situation nouvelle qui pourrait me déstabiliser.
Rien de plus normal ! Prendre un calmant avant une compète ou un exam, c’est donc complètement stupide. Au contraire : j’adore sentir la rapidité de mon pouls lorsque j’arrive au dernier stand de tir. Je me sens vivant, tous mes sens sont en éveil. Et puis il y a un effet positif : plus le cœur bat vite, plus il bat à fond.Dans cet état,il est plus facile de maîtriser ses gestes. Lutter contre cet état serait donc contre-productif. Nik lors d’une compétition à Lenzerheide : on ne tire que lorsque la position est parfaite.
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niklashartweg.com THE RED BULLETIN
ALAMY
ACCEPTE UN CERTAIN NIVEAU DE NERVOSITÉ
Niklas Hartweg : les yeux toujours rivés sur l’objectif… y compris celui de l’appareil de ce shooting photo.
Seine occupation C’est sale, pollué, on peut y finir malade ou dans le panier à salade. Et oui, en 2020, on n’a toujours pas le droit de se baigner dans la Seine… Pourtant, à la rédaction de The Red Bulletin, on en connaît un qui brave cet interdit et démonte tous les clichés. Depuis neuf ans, il nage dans la Seine et les canaux de Paris, jusque dans les catacombes. Il est en pleine forme. Il s’appelle ALEX VOYER. On l’a suivi dans les eaux de la capitale.
Canal de l’Ourcq, en remontant vers Pantin, au niveau des Magasins Généraux. C’est l’un des spots favoris d’Alex Voyer qui y nage goulûment, hiver comme été.
Texte PATRICIA OUDIT Photos DOM DAHER & ALEX VOYER
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« 15 °C, ça commence à piquer », un pêcheur nous aborde, intrigué. « Vous allez vraiment vous tremper ? » Alex est habitué aux regards éberlués, aux mises en garde de toutes sortes. Bernard, le pêcheur breton exilé à Paname, connaît bien ces eaux lui aussi. Il nous montre un brochet fraîchement pêché. « Un jour, j’en ai sorti un d’1,15 m ! Je les relâche toujours. Mais un ami qui avait pris un sandre à cet endroit me l’a fait goûter, et il était délicieux ! » Plus loin dans Pantin, au niveau des Magasins Généraux, le soleil d’automne dore le futur couloir de nage. Il y a un peu de courant, dans le sens du vent, et le nageur semble s’en délecter. Des gamins en trottinette jouent à la police en imitant des coups de sifflet. Au XXIe siècle, on est loin des promesses de Jacques Chirac, qui, en mai 1990 prétendait qu’il se baignerait trois ans plus tard dans le fleuve parisien, vantant sa propreté à venir et sa biodiversité d’alors. Après quelques allées et venues dans l’or du canal, Alex sort de l’eau. Cette fois, l’after drop (la réaction du corps qui se met à grelotter suite à un séjour prolongé dans l’eau) sera léger. Pas comme ce jour d’hiver que nous vous conterons plus bas.
Q uand on y prête attention, le bassin de la Villette est truffé de panneaux, de marquages au sol, d’interdictions. Un petit nageur barré tous les 15 mètres. « Depuis deux ans, le nombre de signalisations a pas mal augmenté , constate Alex Voyer, nageur lui-même un peu barré. C’est peut-être à cause de gens comme 76
moi : ils en ont marre de nous voir nous baigner dans le canal… » Mais lorsque l’on habite comme lui le long de ses rives et qu’on apprécie autant le contact avec l’eau, difficile d’y résister. Alors, hiver comme été, il n’est pas rare de voir Alex descendre en peignoir, claquettes aux pieds. Un maillot de bain dessous, car l’homme a érigé en loi le fait de ne jamais, quelle que soit la température, enfiler de combinaison. De chez lui, la vue est imprenable sur le canal et sa moire kaki. Quelques coupes témoignent du passé glorieux de nage en eaux libres du garçon photographe, apnéiste, marin, et tant d’autres cordes à son arc qu’on en passe. À pied, il nous emmène découvrir son coin tranquille, à l’angle du canal Saint-Denis et Saint-Martin. Le pont de la mairie de Pantin a de beaux écrous Eiffel, des graffitis parsèment ses flancs. Alors qu’il s’apprête à se mettre à l’eau
Le lendemain, fin d’après-midi, nous voici sur le devant de la Seine et ses 37 ponts qui s’égrènent au fil des 13 km d’une traversée de Paris. Les repérages pour faire des photos ont été plus ou moins fructueux. Le zodiac noir de la Brigade fluviale est passé par là à Mach 2, coups de sifflet, des vrais cette fois, mise à l’eau avortée. Nous voici sous le pont d’Iéna, à la nuit tombée. « Ici, ta durée de vie est de trois minutes de jour, mais monte à quinze minutes de nuit. Il paraît que sous ce pont, il y a des milliers de porte-clés tour Eiffel jetés par les vendeurs à la sauvette à l’approche de la police », raconte Alex. Peu après celui d’Alexandre-III, la berge file vers l’eau, mieux qu’une échelle pour plonger sous la pleine lune. À l’abri des péniches niche une paire de canards. Il y a aussi des cygnes et des cormorans : la Seine, comme le canal, est riche d’une vie devenue invisible aux yeux des Parisiens non riverains. À force de décrier les eaux de Paris, on a fini par les déserter. Alex nous explique pourquoi il y revient tous les jours, dès qu’il peut. Paris a pour devise Fluctuat nec mergitur (« Il est battu par les flots, mais ne sombre pas ») ; celle d’Alex, détournée pour l’occasion, pourrait être : mens Seina in corpore sano. Un esprit Seine dans un corps sain. THE RED BULLETIN
« Depuis neuf ans que je nage dans la Seine, je n’ai jamais eu le moindre problème dermatologique ou gastrique. » À côté du pont Alexandre-III, notre homme de la Seine fait quelques longueurs en crawl, sous les feux de la tour Eiffel. Tout le charme de Paris by night, le risque de se faire attraper par la police en moins !
Entre Bastille et République, une partie du canal est couvert. Et Alex Voyer s’y offre une séance de natation secrète. On a peine à s’imaginer que sous la voûte superbe, on découvre une eau translucide, avec une visibilité à parfois 10 mètres et une multitude de poissons, carpes et anguilles.
the red bulletin : À vous suivre dans les canaux et la Seine, on finit par se demander pourquoi la baignade y est toujours interdite… alex voyer : La qualité des eaux de Paris a très mauvaise réputation. On a tous beaucoup de préjugés, on pense que tous les égouts se déversent dans la Seine, que toutes les industries rejettent leurs saloperies, alors qu’il s’agit d’une eau courante, qui traverse la capitale très rapidement, avec une biodiversité impressionnante, ne serait-ce qu’au niveau des poissons : perches, sandres, brochets, silures… Il y a 25 espèces répertoriées. Et depuis neuf ans que j’y nage, je n’ai jamais eu le moindre problème dermatologique ou gastrique. Pourtant, j’ai bu très souvent la tasse ! 78
Si c’était si risqué, je ne pense pas qu’il y aurait une station nautique à la sortie de Paris (à Sèvres, ndlr), avec beaucoup d’activités dans ce périmètre. Des tests quotidiens sont effectués et on sait que la qualité de l’eau est tout à fait acceptable pour s’y baigner. D’ailleurs, depuis trois ans, chaque été, une piscine est ouverte dans le bassin de la Villette, où tous les Parisiens peuvent se baigner gratuitement, et il existe deux compétitions de natation. Pourquoi ne pas y autoriser totalement la baignade alors ? Pour des raisons de sécurité. Un principe de précaution mis en place par la mairie de Paris qui se trouverait inquiétée en cas d’accidents avec des embarcations,
« En se baignant toute l’année, on s’aperçoit que l’on peut tenir cinq ou dix minutes dans une eau à 5 °C. »
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« Il y a des règles de sécurité à respecter… C’est une baignade non autorisée et non surveillée. » avec une visibilité à trois mètres, je voyais le fond sur toute la traversée et je redécouvrais chaque pont, chaque monument, sous un nouvel angle. Et cette sensation d’être bercé, porté par les courants de la Seine… J’ai voulu reproduire ça, et surtout faire découvrir à mon tour ces visions incroyables à d’autres.
sachant qu’il y a quand même pas mal de péniches... Et aussi quelques trucs qui traînent dans l’eau, à commencer par des Vélib ! Le Canal Saint-Martin a été vidé il y a deux ans, et on y a vu tout et n’importe quoi : des scooters, des machines à laver, des caddies… rouillés pour la plupart ! Comment avez-vous attrapé le virus de la nage à Paris ? En septembre 2011, cela faisait plusieurs années que je nageais en piscine et mon club organisait une traversée de Paris en palmes. On partait de l’Institut du monde arabe, six kilomètres jusqu’au Pont d’Iéna. Moi qui connais Paris depuis vingt ans, j’ai eu une révélation : je flottais dans une eau assez claire, à 20 °C THE RED BULLETIN
Plus précisément, c’est comment de nager dans Paris ? Dans les canaux, il y environ 2,50 mètres de profondeur au milieu. C’est relativement trouble, car les eaux ont beau être courantes, elles drainent des alluvions, de la boue. Mais ce n’est pas de la pollution : cette turbidité est liée à la nature des fonds. Depuis trois ans, dans les canaux, une prolifération d’algues remonte à la surface. Je ne sais pas pourquoi, si c’est bon ou pas… Il y a un spot où l’eau est étonnamment limpide, c’est dans la partie couverte entre Bastille et République. J’y ai nagé deux fois 2,5 kilomètres sous une voûte magnifique. J’y ai vu de grosses carpes, des anguilles, il y a bien dix mètres de visibilité. Vous avez dû en vivre des aventures en bas de chez vous… Une de mes anecdotes préférées se passe en janvier. Il fait super froid, il y a quatre centimètres de glace sur le canal. Avec quelques amis, on est en face des Magasins Généraux à Pantin. J’ai une batte de base-ball pour briser la glace. Mais rien ne bouge. Une copine sort alors une masse et on commence à frapper pour creuser une tranchée de 25 mètres de long environ sur 1,50 mètre de large. Hélas, une péniche arrive et casse tout ce qu’on est en train de faire. On se retrouve avec d’énormes plaques de
glace dérivant dans tous les sens. On tente de les repousser avec tout ce qu’on trouve, mais ces blocs de plusieurs centaines de kilos ont une énorme inertie. À un moment, ces plaques prennent de la vitesse, et tout à coup, la copine se fait emporter dans son élan et tombe toute habillée dans de l’eau à 0 °C. Elle se déshabille, nage cinq minutes dans l’eau glacée, après tout, on est là pour ça, elle remet ensuite ses vêtements mouillés. J’ai mal pour elle, mais je sais qu’elle peut rentrer vite se mettre au chaud. Quelques minutes plus tard, pour les mêmes raisons, je tombe à l’eau à mon tour. Sauf que contrairement à elle, j’habite à 8 km à vélo, soit vingt minutes et que je dois, une fois la session de nage passée, renfiler mon caleçon, mes chaussettes et une serviette, puis rentrer chez moi. J’arrive chez moi complètement frigorifié. Et là, l’after drop est atroce. Qu’est-ce que l’after drop ? Quand on entre dans de l’eau glacée, le corps s’habitue au bout de deux ou trois minutes. Mais au bout de dix minutes, il nous rappelle que nous ne sommes pas dans notre élément. Lorsqu’on sort de l’eau, on est plutôt pas mal pendant cinq ou six minutes. Dans l’eau froide, tout le sang afflue au centre du corps pour alimenter les organes nobles, c’est un réflexe de survie. Après dix minutes, le sang va à nouveau alimenter les organes périphériques, les bras et les jambes, et là, c’est l’horreur, on ne peut plus parler, on grelotte, on tremble de partout. Il n’y a plus qu’à dormir sous la couette pendant une heure. Pourquoi cet appétit pour l’eau froide ? Pour moi, cela fait partie intégrante de la nage en eau libre. On suit le rythme des saisons. J’ai découvert cette pratique en Angleterre. En France, on a beaucoup de piscines, mais là-bas, ils n’ont pas cette chance. Ils ont des lits d’eau où ils se baignent toute l’année, ce sont donc de très bons nageurs et leur résistance à l’eau gelée m’a fasciné. Notre corps s’adapte très bien au froid. En se baignant tout au long de l’année, on s’aperçoit que l’on peut tenir cinq ou dix minutes sans trop de problème dans de l’eau à 5 °C. Mais quel est le plaisir ? C’est un défi personnel, il s’agit de sortir de sa zone de confort. Aujourd’hui, on parle beaucoup de cryothérapie, de 79
« Se baigner à Paris, ça doit rester festif. » Alex se met à l’eau, mais la Brigade fluviale passe à ce moment-là. Ce qui lui vaut des coups de sifflet.
ment irresponsables de faire ça, qu’on allait tomber malades, qu’il fallait aller aux urgences en sortant. C’était surréaliste ! Depuis trois ans, les baignades se sont multipliées, surtout dans les périodes de canicule, grâce un collectif très actif, le Laboratoire des baignades urbaines expérimentales. La police a toujours ordre de nous sortir, mais ils sont un peu blasés maintenant. Ce n’est plus quelque chose d’exceptionnel.
Le nageur parisien en maillot de bain ne recule devant rien, surtout pas devant le froid. Jamais il ne porte de combinaison. Et s’il saute, c’est qu’il connaît le fond !
r écupération par le froid. Et je constate que depuis trois ans, à nager régulièrement dans de l’eau froide, je n’ai attrapé aucun rhume. On se sent hyper bien, indestructible. Dans le genre exploration urbaine, vous avez également nagé dans les catacombes… J’y suis allé deux fois. Une fois en compagnie de Francine Kreiss, une apnéiste renommée. On est rentrés place d’Italie, par une plaque d’égout. Au bout de deux ou trois heures de marche, on est arrivés dans des rues de deux mètres de large complètement immergées sous l’eau et on a nagé sur des centaines de mètres, dans la nuit noire, sous le cœur du XIIIe arrondissement. Magique ! À certains endroits, il y a des puits qui font cinq ou six mètres de fond où l’on a fait quelques apnées insolites. Cette eau des catacombes ne provient pas du tout des égouts, mais de l’eau de ruissellement des nappes phréatiques, filtrée par la roche calcaire de Paris. Alors, dès qu’on patauge dedans, cela soulève des sédiments mais sinon il s’agit d’une eau translucide. Je n’ai vu aucun rat, il n’y a pas d’odeur, le silence est incroyable, l’eau y est à quinze degrés. Mais je conseille d’y aller avec des cataphiles ! Encourager les Parisiens à se baigner, c’est prôner une sorte de désobéissance civile… THE RED BULLETIN
Oui, à condition de ne pas faire n’importe quoi, de ne pas se mettre soi et les autres en danger. Ça doit rester festif. Je n’ai jamais pris de plaisir particulier à faire quelque chose d’illégal. D’autant plus que cela m’arrive régulièrement de me faire sortir par la police, en l’occurrence la Brigade fluviale, et je n’en suis pas spécialement fier. Réquisitionner des hommes qui ont autre chose à faire que de récupérer un crétin comme moi, je ne trouve pas ça très malin. Heureusement, cela ne m’est arrivé que deux fois. Comment ça se passe, vous avez déjà terminé au poste ? Sur la Seine, en général, ils tentent de nous dissuader, en nous disant : « Il y a beaucoup de rats, des courants, c’est très dangereux... » Mais à chaque fois, ça s’est bien terminé, ils sont plutôt sympas avec nous… Sur les canaux, ça se passe parfois un peu moins bien. Au début surtout, la police était surprise, un peu agressive, elle flippait, nous demandait de dégager, disait qu’on était complète-
« L’aventure en bas de chez soi, c’est possible. »
Y-a-t-il des choses à ne pas faire ? Il y a quelques règles de sécurité à respecter. C’est une baignade non autorisée et non surveillée. On ne peut pas toujours remonter facilement sur le bord, donc il faut bien repérer les échelles. Toujours avoir quelqu’un qui surveille hors de l’eau, qui puisse alerter les pompiers en cas de problème. Tout bon nageur soit-on, il y a un risque d’avoir une crampe, de faire un malaise… Dans la Seine, se méfier du courant qui peut être très fort. Il y a pas mal de déchets dans le fleuve et les canaux, notamment des Vélib et des trottinettes, des métaux rouillés. L’été, je vois des gamins du coin sauter du pont du parc de la Villette. C’est dangereux, il ne faut jamais se jeter ou plonger. Il y a peu de fond, on peut finir embroché… Il y a aussi une règle assez importante : en plein été, ne jamais se baigner après de fortes pluies. Celles-ci drainent toutes les saletés des rues de Paris. Elles se déversent alors dans ses eaux qui tournent. Pensez-vous qu’on pourra un jour nager légalement dans la Seine, comme cela se fait dans d’autres grands fleuves ailleurs en Europe ? C’est en effet le cas à Munich où la baignade est tolérée en été. C’est drôle de voir toute la ville dans le tramway en slip de bain. À Bâle en Suisse, dans le Rhin, plusieurs milliers de personnes se réunissent l’été sur la rive droite. Sur six kilomètres, les familles s’amusent sur des bouées gonflables. Ça se passe aussi en plein centre, avant et après le boulot, ils trimbalent leurs affaires dans un sac étanche. C’est typiquement quelque chose qu’on pourrait faire dans Paris en se disant qu’il est possible de partir à l’aventure en bas de chez soi ! On a un magnifique terrain de jeu : mon vœu le plus cher est que les gens se le réapproprient. Instagram : @alexvoyer_fisheye 81
COURIR POUR CEUX QUI NE LE PEUVENT PAS.
3 MAI 2020
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ÉPATANT
SURPRENANT
RENVERSANT
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M4Music, du vélo, de la glisse, et Kraftwerk : c’est l’agenda du mois.
Vous ne saviez pas ce que Mario Kart peut révéler sur votre ego.
Changer les pneus d’une F1 en apesanteur, comment ont-ils fait ?
KARO PERNEGGER
L’ALBANIE, AUSSI !
Vous ne connaissiez pas l’Albanie. Un 4×4 au top est l’un des meilleurs outils pour la découvrir. PAGE 84
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L’Albanie (au fond, la capitale Tirana) est à explorer hors des sentiers battus. Seul moyen d’accès pour beaucoup de sites.
PARTEZ À L’AVENTURE
L’ALBANIE, CETTE INCONNUE Notre reporter bouge rarement en voiture. Nous l’avons pourtant envoyé pour un périple 4x4 dans les montagnes sauvages de l’Albanie. Cahoteux, mais de toute beauté.
J
’ai bien essayé de respecter la consigne de garder une distance de deux longueurs de voiture avec celle qui précède. Mais je suis vite relégué, loin derrière le groupe, sur une piste de montagne. Devant, je ne vois qu’un nuage de poussière soulevé
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par les autres. Une voix sortie du talkie-walkie me rappelle à l’ordre : « Veuillez recoller véhicule 9. » « Oui tout de suite », marmonné-je dépassé. L’Albanie est sans doute l’un des pays les plus méconnus en Europe. Durant le long règne
Après la route, le ferry pour l’île de Corfou, en Grèce.
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voyage
CONSEILS VOYAGE
L’OPTION PASTORALE
L’Albanie, c’est à 2 heures de vol de Genève.
Albanie Tirana
Elbasan Berat
Liberté crasse : la conduite hors route est relativement peu encadrée en Albanie.
Gjirokastër Sarandë
AVANT LE DÉPART Prendre la route à l’aveugle n’est pas une bonne idée. Mais en suivant ces cinq conseils des experts en tout-terrain de Škoda, vous serez mieux armés pour affronter les pistes : 1. INSPECTER Avant de partir, ayez une bonne idée de la longueur et de la largeur extérieures de la voiture et repérez les parties les plus proches du sol. Cela sera utile pour choisir les bons passages d’obstacles.
KARO PERNEGGER
FELIX DIEWALD
Découverte à travers le pare-brise : notre reporter, étonnamment détendu.
du dictateur socialiste Enver Hoxha, le pays est resté coupé du monde jusqu’à la chute du communisme. Notre convoi démarre de la capitale Tirana en direction de la côte méditerranéenne au sud. Un itinéraire de trois jours sur des pistes dans le relief de l’arrière-pays. « Rien ne vaut les pistes sauvages pour découvrir l’Albanie, déclare Erald Dervishi de l’agence Off Limits qui propose des circuits dans tout le pays. Pour bien des sites, c’est le seul moyen d ’accès. Quant au bus, n’y pensez pas. Les gens restent curieux des visiteurs. » Par ailleurs, la conduite hors route y est relativement peu réglementée comparée à d’autres
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« Certains passages suggèrent qu’ils n’ont jamais été empruntés tant ils sont difficiles et sauvages. » pays. Si certains des itinéraires sont mentionnés sur des cartes en ligne, Dervishi conseille néanmoins de ne pas s’y aventurer seul, mais en groupe accompagné d’un guide local. La praticabilité des pistes évolue sans cesse dans
2. PLAQUE D’IMMATRICULATION Avant de braver les pistes, sécurisez la plaque d’immatriculation ou retirez-la carrément. C’est souvent la première chose que l’on perd. 3. CONDUITE PERCHÉE Positionnez le siège à la verticale et le plus haut possible afin d’avoir une bonne vision du sol. 4. RÉDUIRE LA PRESSION Sur sol boueux et glissant, une pression pneumatique réduite améliore l’adhérence. 5. L’ŒIL SUR TOUT Gardez les roues arrière dans les rétroviseurs. Vous aurez ainsi un œil sur tous les pneus et les points de passage.
EXCURSION EN 4×4 Off Limits Albania, Bulevardi Bajram Curri Tiranë AL, 1001 Tirana, Tel : + 355/69/204 04 40. Exemple : dès 270 € pour trois jours de Tirana à Durrës sur la côte (itinéraire en montagne par Berat, à travers le canyon de l’Osum à destination de Gjirokastër au sud et retour), incluant le 4×4 et les nuitées avec petit-déjeuner. offlimitsalbania.com
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« Progressivement, le conducteur de tout-terrain en moi se révèle. Malgré les roches que je tape régulièrement. »
Au barrage de Banja : ici, l’énergie est surtout hydraulique.
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rocheuses abruptes, serpentons le long d’étroits chemins d’éboulis à travers un paysage montagneux constituant environ 70 pour cent de la superficie du pays. À droite, un précipice vertigineux longe la piste, mieux vaut ne pas trop y regarder. D’innombrables bunkers perdus dans le paysage et vestiges du passé accompagnent notre progression. Le despote paranoïaque Enver Hoxha en a fait construire plus de 170 000 dans les années 1970 et 1980 pour repousser des ennemis qui ne sont jamais venus. Résultat : le pays s’isole du reste du monde. Aujourd’hui, certains agriculteurs les utilisent comme étables ou entrepôts à grains. Nous faisons une petite pause pour souffler. Les autres journalistes du convoi me font l’effet de pilotes de rallye aguerris – la rudesse du parcours ne semble avoir aucun effet sur eux. Je ne peux pas en dire autant de l’adepte des transports publics et des trottinettes électriques que je suis. Je n’ai jamais possédé de voiture et j’ai décroché mon permis de conduire au bout de la deuxième tentative.
Heureusement, mon copilote est un journaliste automobile expérimenté. Sur les pistes, ses conseils font o ffice de cours intensif sur les bases de la conduite hors route. Ma velléité à adopter une conduite sportive en montagne n’empêche cependant pas la voiture de taper régulièrement sur un rocher. Mais progressivement, le conducteur tout-terrain en moi se révèle. Je parviens de mieux en mieux à anticiper. Les rappels à l’ordre radio sont de moins en moins fréquents. Je tiens mieux la cadence du convoi. Même si tel un apprenti conducteur, je regarde toujours anxieusement par-dessus le capot. Et soudain, la mer Ionienne apparaît au détour d’un sommet avec vue sur l’île grecque de Corfou. En quittant la piste empierrée pour une route de montagne bitumée, j’ai l’impression de rouler sur un tapis de velours. L’asphalte ne m’a jamais semblé aussi appréciable ! Puis c’est la dernière étape vers le ferry, là où la route s’arrête. Réservez votre voyage en Albanie ou dans un autre pays des Balkans sur : offlimitsalbania.com
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Cauchemar pour son personnel de nettoyage, Berat est aussi surnommée la « ville aux mille fenêtres ».
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les montagnes accidentées de l’Albanie. Et la nature des itinéraires est un débat sans fin. Certains passages suggèrent qu’ils n’ont jamais été empruntés tant ils sont difficiles et sauvages. Des voitures, reliques des années 70, avancent miraculeusement dans la direction inverse sur ces prétendues routes et dissipent nos doutes. C’est que les Albanais cultivent un style de conduite plutôt débridé. Cela s’explique peutêtre par le fait que jusqu’aux années 1990, le pays ne comptait que quelques milliers de voitures, réservées à l’élite du parti, les autos privées étant alors interdites. Nous sommes à bord d’une Škoda Karoq Scout, un tout- terrain auquel l’automobiliste ignorant que je suis n’entend rien. Je n’avais jamais imaginé conduire un jour cette chose dans de telles conditions. Mais la voiture semble à l’aise. Nous gravissons des marches
voyage
HORS DU COMMUN theredbulletin.com
LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL
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LE RAMEUR
JE T’AIME… MOI NON PLUS
S’ENTRAÎNER COMME UN PRO
LA BOXE A FAIT DE LUI UN MEILLEUR MARIN Café au beurre, Dog Show et apnée : comment le skipper australien Jimmy Spithill s’entraîne pour dompter le plus rebelle des bateaux depuis que la Coupe de l’America existe.
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e monocoque à foils de type AC 75 de 23 mètres glisse sur les vagues à 100 km/h. Éviter qu’il ne s’écrase, chavire ou échappe à l’équipage n’est pas une mince affaire. « C’est aussi stable qu’un vol d’hélicoptère, plaisante le capitaine Jimmy Spithill, 40 ans. Et plus vous poussez le bateau au-delà de ses limites de stabilité, plus il accélère. » Ce jeu d’équilibre entre vitesse et point de rupture exige tout de l’équipe, mentalement et physiquement. Autrefois, un événement élitiste, la Coupe de
l’America, régate la plus prestigieuse au monde, est aujourd’hui un sport aux performances extrêmes. Jimmy Spithill, le skipper de l’équipe « Luna Rossa Prada Pirelli », nous révèle comment il s’y prépare.
Un réveil à 5 heures du matin
J’aime me lever tôt. Mon petit-déjeuner se limite à du café au beurre et huile de noix de coco, et un shake d’électrolyte. Puis direction la salle de gym. Je débute par un échauffement sur l’ergo-
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SMO V/ 3MPG.CH FOR RED BULL CONTENT POOL, CARLO BORLENGHI/ LUNA ROSSA CHALLANGE ALEXANDER MACHECK
Le défi majeur : les séances sont rudes, mais terriblement efficaces.
fitness L’APNÉE
QUESTION DE SURVIE
Si vous passiez par-dessus bord en étant déjà essouflé. d’essoufflement.
de la disponibilité du bateau. Telle une Formule 1, nos ingénieurs l’optimisent en permanence. Je complète ce programme standard avec une séance de CrossFit de 20 minutes quasi quotidienne. Mon exercice préféré est le saut à la corde enrichi de contraintes empruntées à la boxe, par exemple deux tours de corde par saut. Les Burpees sont l’exercice le plus efficace – enchaînement de pompes et de sauts en extension. Au lycée, je pratiquais la boxe, une discipline précieuse pour les régates. Tout comme la boxe, la navigation s’apparente au jeu d’échecs où gagner exige tactiquement de réagir vite et garder toujours deux coups d’avance.
Thérapie par le chaud et le froid
Je dois cette découverte à mon ami et surfeur de grosses vagues Laird Hamilton. Plusieurs fois par semaine, j’effectue 25 minutes de sauna suivies de trois minutes dans une piscine d’eau glacée. La réaction du corps au choc est
ERGO À MANIVELLE
LE BON DÉPART
Pour l’échauffement et le test de forme du lundi.
mètre à manivelle et l’ergo vélo et des étirements. Le lundi, nous enchaînons avec 45 minutes d’ergo à manivelle avec montée en charge jusqu’à épuisement total. Le mardi est consacré au renforcement, squats et hip thrusts (levée des hanches avec appui sur le dos) par exemple avec usage de poids. Mercredi, c’est jour de piscine. 60 minutes de natation qui ménagent les articulations, mais intensifient le cardio, d’autant plus que des apnées y sont incorporées pour parer à d’éventuelles chutes par-dessus bord à
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l ’entraînement ou en course. Jeudi, séance de yoga, cette discipline que je n’aimais pas jeune est géniale pour la souplesse et la récupération. Le vendredi, nous avons le « Dog Show » : circuits de course à pied comparables à ceux des dressages de chien – slalom entre les plots et passage d’obstacles divers – très efficace. Le tout est agrémenté de jogging, d’alpinisme et de montées d’escaliers. Tout est bon si c’est au grand air. De plus, nous sortons en mer le plus souvent possible. Cela dépend de la météo et
« Le tournant a été le changement d’alimentation. » incroyable. Douleurs et tensions disparaissent instantanément et vous vous sentez revigoré. Mais le tournant de ma vie a été mon changement de régime alimentaire. Je souffrais d’une inflammation aux avant-bras traitée par mon ami Dr Robert Bray Jr pendant des années. Un jour, il me dit : « Jimmy, je vais te soigner le restant de ta vie si nous ne trouvons pas ce qui cloche chez toi. » Une analyse de sang exhaustive révèle des allergies à certains aliments. J’adapte alors mon régime alimentaire d’où le gluten est banni et me nourris uniquement d’aliments bios et pratique régulièrement le jeûne. Depuis, les inflammations ont disparu. J’ai rajeuni de dix ans et la récupération entre les séances d’entraînement est bien plus rapide. lunarossachallenge.com
ENGIN DE COURSE
VOGUE L’AC 75
Les World Series de la Coupe de l’America débutent le 23 avril 2020 à Cagliari, en Sardaigne.
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février Le retour d’une légende À peine sorti en septembre 2019, son second album solo Why Me? Why Not. occupe la tête des charts de Grande- Bretagne avec le single Shockwave. La légende d’Oasis Liam Gallagher revient avec une grande tournée qui fait halte en Suisse. Les fans trépignent d’impatience ! Halle 622, Zurich ; halle622.ch
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mars Pour les mordus de baskets Si votre cœur bat la chamade à la vue de (certains) modèles, alors vous devez vous rendre à la Swisssneaks. Il s’agit d’un lieu de communion de ceux pour qui la basket n’est pas qu’une simple chaussure, mais un objet d’émerveillement, de négociation et de partage où tout se mêle magnifiquement. Casino de Montbenon, Lausanne ; swisssneaks.com
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au 29 mars Ça tourne rond Pédaler en ville en toute quiétude, s’évader sur les collines ou foncer sur des parcours stimulants, le festival du vélo urbain comble tous les amoureux de leur deux-roues. L’un des temps forts de cet événement de trois jours, le Cyclocross, vous entraîne à travers des t errains de volley-ball, des e scaliers, les douves et le viaduc de Zurich-Ouest. Schiffbau, Zurich ; urbanbikefestival.ch
SUISSE SE 19 LATRÉMOUSSE au 21 mars
Lauréate l’an dernier de la Demotape Clinic, l’artiste et productrice électro La Colère (photo), connue pour sa fusion expérimentale de trip hop, d’ambient et d’électro, reviendra sous les feux de la rampe au M4Music Festival. La Suisse sera représentée avec Amami, Blind Butcher et Mimiks. Bombay Bicycle Club sera en tête d’affiche lors de leur unique concert en Suisse.
Lieux : Schiffbau et Exil, Zurich ; RTS, Lausanne ; m4music.ch
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VALENTIN MÜLLER, FREERIDEWORLDTOUR/J. BERNARD
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au 23 février Swiss Freeski Tour Le chemin vers le ski freestyle pro passe par le Swiss Freeski Tour national. Après le coup d’envoi donné en décembre sur le Glacier 3000, une série d’étapes de haut vol trouvera son épilogue lors de la grande finale sur le Corvatsch en Engadine (14 au 19 avril). Amateurs de freestyle, à vos agendas : le Bolgen à Davos accueille la Coupe d’Europe Big Air dans le cadre de l’Open de Davos. Bolgen, Davos ; swiss-ski.com
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mars au 5 avril Les experts de la montagne
L’ultime étape du Freeride World Tour. Un moment très attendu par les passionnés. Sur le légendaire Bec des Rosses, les meilleurs freeriders s’affrontent lors du Verbier Xtreme pour désigner les champions du monde dans quatre catégories. Départ à 3 223 m, arrivée à 2 700 m, et entre les deux, une descente dont l’inclinaison peut atteindre jusqu’à 60 ° ! Bec des Rosses, Verbier ; freerideworldtour.com
En 2019, le Polymanga a attiré plus de 40 000 v isiteurs. Il y est question de manga, de jeux vidéo et de culture pop. Pour sa seizième édition, les aficionados découvriront seize innovations, de nouveaux spectacles, un messager Polymanga et des espaces village d’artistes inédits. 2M2C, Montreux ; polymanga.com
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au 13 avril Mangamania à Montreux
avril Voyage dans l’univers du jeu vidéo Il y a cinquante ans, les premiers jeux sur ordinateur, rudimentaires, captivaient les premiers joueurs. Nul n’imaginait les proportions que cela prendrait. Aujourd’hui, 2,5 milliards d’individus s’y adonnent. L’exposition Games retrace l’évolution des jeux depuis leur naissance aux mondes virtuels s ophistiqués qu’ils proposent aujourd’hui. Musée national suisse, Zurich ; landesmuseum.ch
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mai Kraftwerk vous embarque Incroyable ! Depuis 1970 (!) les pionniers de l’électro Kraftwerk n’ont rien perdu de leur attrait. À l’occasion de son cinquantième anniversaire, le groupe créateur du son de la révolution digitale donnera un concert exceptionnel dans le nouvel « amortisseur de bruit » de l’aéroport de Genève. Aéroport de Genève ; antigel.ch
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Mon perso, c’est moi : votre avatar dans Mario Kart en dit beaucoup sur votre personnalité.
LES POWER-UP SONT DES TOTEMS Les power-up pourraient-ils avoir une signification plus profonde, au-delà du simple artefact lié au jeu ? Banane égal malchance ; carapace rouge, malveillance ; super étoile, confiance ? Voici la philosophie du producteur de Mario Kart 8, Kosuke Yabuki, au sujet de la carapace bleue ailée qui ne s’en prend qu’au pilote en tête : « Parfois, la vie est injuste et c’est frustrant, déclarait-il en 2017. Quand on a essayé le jeu sans la carapace bleue, il manquait quelque chose. »
Jouer à Mario Kart pourrait faire de vous un meilleur conducteur. Ainsi qu’une meilleure personne… C’est Jamie qui le dit.
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ans l’élaboration d’un nouveau jeu, Shigeru Miyamoto de Nintendo, créateur de séries légendaires comme Mario et The Legend of Zelda veille à respecter une philosophie connue dans son Japon natal sous le nom de kyokan, c’est-à-dire une expérience empathique entre le concepteur et le joueur qui pourrait se traduire par « ne faire qu’un ». « Tant que j’apprécie quelque chose, d’autres peuvent aussi l’apprécier », explique-t-il. Lorsque Miyamoto crée Super Mario Kart pour la Super NES en 1992, le kyokan était fort. Souvent copié, mais jamais égalé (voir Crash arfield Kart), Team Racing ou G la série des Mario Kart est restée l’un des jeux les plus populaires au cours des trois décennies qui ont suivi sa conception avec le dernier épisode, Mario Kart Tour, sur mobile. Qu’est-ce qui explique son puissant écho chez les joueurs ? Jamie Madigan, psychologue du jeu v idéo, a sa petite idée sur le sujet...
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FICHE EXPERT
JAMIE MADIGAN
FORGER LE CARACTÈRE Qu’est-ce que votre avatar sur Mario Kart révèle de vous ? Dans un article de 2016 dans l’hebdo de Portland, Willamette Week, la thérapeute et professeure de psychologie Dr Karen Chenier a ffirme que les joueurs choisissent les persos auxquels ils s’identifient : Luigi est timide et névrosé, Bowser un narcissique. Miyamoto a dit qu’il considère Mario comme un « héros ouvrier ». Pour Madigan, c’est simple : « Les gens choisissent probablement le personnage qui offre l’engin qu’ils veulent ou celui dont le design est le plus attrayant. »
HABILETÉS MOTRICES AMÉLIORÉES Peut-être même, carrément, la capacité de conduite. En 2016, des chercheurs universitaires de Shanghai et de Hong Kong ont soumis des joueurs à des séances de Mario Kart et de Roller Coaster Tycoon (un jeu de création de parc d’attractions) et ont constaté que le premier groupe démontrait une « meilleure motricité visuelle ». Madigan est prudent : « Jouer à Mario Kart pourrait vous aider sur un simulateur de conduite, mais il n’est pas établi que le jeu améliore la capacité à conduire une véritable voiture. »
Mario Kart, c’est la vie ! Ce jeu est-il capable d’améliorer votre quotidien ?
AVEC MARIO, TOUT EST GÉNIAL Une étude de l’Université du Queensland a révélé que les participants forcés de passer des tests de maths jusqu’à ce qu’ils échouent, suivis de deux rondes de Mario Kart, ont démontré des niveaux de stress comparativement plus faibles et un bonheur accru après celles-ci, davantage même que s’ils avaient remporté la course. « Toute activité agréable peut réduire le stress et améliorer l’humeur, mais les jeux vidéo ont un avantage car ils procurent une sensation de progression, de maîtrise et de contrôle, dit Madigan. Ils satisfont des besoins psychologiques de base que d’autres aspects de la vie ne satisfont pas. »
PSYCHOLOGUE DE JEU L’auteur de Getting Gamers: The Psychology of Video Games and Their Impact on The People Who Play Them (trad. Comprendre les gamers : la psychologie des jeux vidéo et leur impact sur les joueurs) propose une série de podcasts et un blog qui étudient les motifs déterminant le comportement des joueurs et les raisons pour lesquelles les jeux sont créés.
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TOM GUISE
LE CIRCUIT DE LA VIE
NINTENDO
MARIO KART ZEN
BOOST D’OPTIMISME Les bons jeux encouragent les joueurs à persévérer en donnant l’impression qu’ils ont toujours une chance. Sur ario Kart, ce système d’incitation M s’appelle le rubber-banding. Les power-up sont progressifs : accélérations pour les joueurs à l’arrière, armes pour ceux au milieu, etc. « Un jeu comme Mario Kart encourage le sentiment de compétence et de maîtrise, dit Jamie. Le rubber-banding assure que la victoire, du moins l’amélioration, est à portée de la main. »
Voir.
AARON BLATT/RED BULL CONTENT POOL, JAANUS REE/RED BULL CONTENT POOL, MARK ROE/RED BULL CONTENT POOL
EN PISTE !
Ouvrez la lucarne de votre salon directement sur un snowpark nord-américain, sur les routes du Mexique et sur la chaîne du froid canadienne : les temps forts de Red Bull TV ce mois-ci.
février - mars
Vue aérienne sur Vail : Miyabi Onitsuka, 3e en slopestyle en 2019.
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au 29 février EN DIRECT
BURTON US OPEN
Ce rendez-vous de snowboard à Golden Peak, dans la station de de Vail (Colorado), ouvre la saison du circuit de compétition et sera l’occasion d’assister à de nouvelles prouesses techniques. Des athlètes d’exception viennent faire leurs preuves dans leur discipline de prédilection, halfpipe ou slopestyle. Suivez les demi-finales et les finales Dames et Hommes . avec Red Bull TV.
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au 15 mars EN
DIRECT
RALLYE DU MEXIQUE
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THE RED BULLETIN
Pleins gaz sur le gravier, telle est la devise des meilleurs pilotes de rallye lors de la troisième étape du Championnat du monde des rallyes dans les hauts plateaux mexicains. Autre point fort : les routes sinueuses mènent à une altitude de 2 700 mètres.
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février EN
DIRECT
RED BULL ICE CROSS
Pas de pitié pour es patins à Québec (Canada). Prenet quatre athlètes coriaces, chaussez-les, placezles sur une piste de glace étroite et sifflez le départ. Vous obtiendrez une série de bleus sous les maillots, et des coureurs et des spectateurs en liesse.
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GUI D E
Faire. ZÉRO G POUR...
LE PIT STOP LE PLUS DINGUE Changer une roue dans un environnement sans gravitation. Une idée pas si folle, en vrai...
GRAVITÉ DE LA SITUATION Au Centre de recherche et d’essai des c osmonautes Youri Gagarine, à la Cité des étoiles, située à 25 km au nord-est de Moscou (Russie), on ne vous installera pas au volant d’une F1 mais vous pourrez faire l’expérience de l ’apesanteur. zerogravitytour.com
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Réinventer le changement de roue : l’équipe des stands Red Bull Racing évolue dans un autre monde.
Ascension
Perte d’orientation
Apprendre à voler
« En montant dans l’avion, impossible d’imaginer ressentir une hypergravité avoisinant 2 g — deux fois votre poids normal — et la sensation d’être cloué au sol, explique le mécanicien Paul “Harry” Knight à propos du premier vol. Nos jambes ne nous appartenaient plus, on s’est e ffondré au sol. »
« J’ai eu un malaise qui ne venait pas de l’estomac, mais de l’immense pression à la tête. J’ai bien cru qu’elle allait exploser, confie Mark “Wincey” Willis, coordinateur de l’équipe. Les deux ou trois premiers vols, mon cerveau était à l’arrêt. J’étais incapable de visser un écrou. »
« À bord, on n’entend pas d’annonce pour le passage imminent en 0 g, mais juste la voix du chef de soute, en russe, explique le mécanicien en chef Joe “Robbo” Robinson. On ne se met pas à flotter pas sous l’effet d’une éjection, mais simplement parce que les pieds se soulèvent doucement. »
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DENIS KLERO/RED BULL CONTENT POOL MATT YOUSON HILLIARD DESIGN
À l’occasion du Grand Prix de F1 du Brésil en novembre dernier, Red Bull Racing a établi un nouveau record d’arrêt au stand : 1,82 seconde. La performance de l’équipe est incroyable, mais pas autant que son pit stop en conditions d’apesanteur. Pour ce faire, l’équipe a suivi une formation au centre de cosmonautes russes Youri Gagarine, à bord d’un Ilyushin II-76MDK, surnommé la « Vomit Comet ». La technique de vol appelée arc parabolique est relativement simple (voir ci-contre). L’avion s’élève à 45 °, puis réduit sa vitesse et entre dans une trajectoire balistique au cours de laquelle il est en chute libre, créant l’apesanteur, avant d’entamer sa descente. L’équipage effectue sept vols d’acclimatation afin de réapprendre les gestes du stand en situation de gravité zéro que nul n’avait expérimentée auparavant.
pit stop en apesanteur
ILYUSHIN II-76MDK AVION-ÉCOLE POUR COSMONAUTES
F1 RED BULL
16
PERSONNES DANS LE TEAM PIT STOP RED BULL
10
PERSONNES POUR LA PRISE DE VUE
SCHÉMA D’ÉQUIPE Dès que l’avion entre en apesanteur, l’équipage doit s’attacher avant de passer à l’action.
22 SECONDES À ZÉRO G
9 000 M ASCENSION À 45 ˚
PIQUÉ À 45 ˚
ZERO G
1,8 G
1,8 G
TEMPS DE MANŒUVRE EN SECONDES 0
20
45
65
Le temps est compté
Fais tourner...
Adapter ses gestes
Reprendre pied
« Quand tout commence à flotter, nous libérons la voiture pour la manœuvre, les caméras ont 15 sec pour filmer puis nous stabilisons la F1 et nous a ttachons les roues, détaille M. Knight. Le laps de temps entre deux apesanteurs sert à inspecter les dommages éventuels. » (Chaque vol enchaîne 10 à 15 paraboles.)
« Dès que vous vous mettez à utiliser le pistolet, vous êtes propulsé en arrière. Retirer la roue de la voiture entraîne inévitablement le corps dans un tourbillon », explique M. Willis. Et R obinson d’ajouter : « Les pieds étant fixés au sol, vous n’avez que les chevilles pour vous orienter. »
« À 0 g, vous pensez et agissez différemment, poursuit M. Willis. Nous avons dû faire pivoter la voiture à 360 ° et la retourner manuellement en l’air. Une manœuvre risquée, car nous n’étions pas sûrs d’avoir assez de temps pour y parvenir, et d’éviter que la voiture atterrisse à l’envers. »
« Mieux vaut éviter d’avoir la voiture (ou vous-même) à 50 cm du sol en sortie d’apesanteur, conseille M. Robinson. Un des gars a endommagé l’aileron avant en y atterrissant la tête la première. À l’atelier, ils se sont bien marrés quand on leur a dit que les dégâts venaient du coup de tête d’un cosmonaute. »
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P RO M OT I O N
must-haves
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1 À PRENDRE OU À LAISSER
Pas d’affichage, pas de mode de conduite au choix, pas de batterie visible, pas de changement de vitesse perceptible. Un confort de conduite maximal, un poids de seulement 18,5 kilos, une qualité de fabrication optimale et un design sans faille. L’ASFALT LR prouve que se contenter de moins ne signifie pas se passer de mieux, mais juste réfléchir à l’essentiel. asfalt.ch
2 UN POTE VERDOYANT
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3 RESTER SEC, C’EST CHIC
4 GARDE-TEMPS INTEMPOREL
5 JOUER SANS MODÉRATION
6 TALENTS CACHÉS
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Pour finir en beauté.
Une mer de nuages
Le prochain THE RED BULLETIN disponible le 8 mars 2020
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ANDYPARANT.COM
Avec ses nombreux titres mondiaux, Matthias Dandois trône depuis un moment au sommet du flatland, une discipline du BMX. En revanche, il n’avait jamais pratiqué sa spécialité si haut. Perché sur l’Aiguille Rouge, le point culminant du domaine Paradiski aux Arcs, face à une mer de nuages, Matthias enchaîne les figures qu’il pratique généralement en milieu urbain : un sommet de plaisir (et de froideur) pour le rider français.
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