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HORS DU COMMUN
PLUS ALEX HONNOLD MARINA CORREIA SKUNK ANANSIE HANNAH ARENDT YELLO
PAT R I C K F I S C H E R
LE CHEF DE FILE DU HOCKEY Ce que l’entraîneur national a appris des Amérindiens sur les victoires, la chance et le travail d’équipe
WILLPOWER BRAVERY WE MEASURE GRAVITY BEAUTY
R E C O R D I N G O LYM P I C D R E A M S SINCE 1932 Le temps n’est qu’une partie de l‘histoire. Lors des Jeux Olympiques d‘hiver de Pékin 2022, OMEGA mesurera chaque fragment de ce qui fait la grandeur d’un athlète. En tant que chronométreur officiel des Jeux depuis 90 ans, nous avons vu des sportives et sportifs d’élite réaliser leurs rêves avec la plus intense détermination. Alors que chaque performance redéfinit le concept d’excellence, nous serons une fois de plus prêts à enregistrer ces instants précis où les rêves deviennent réalité.
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PRECISION
É D I TO R I A L
BIENVENUE
FLIRT AVEC LE SOMMET
SANDRO BAEBLER(COVER), EVERETT COLLECTION/PICTUREDESK.COM, COURTESY OF SKIN
UN AIR D’AMAZONIE
Sandro Baebler a photographié Patrick Fischer chez lui (où il bichonne plus de 80 plantes vertes !) pour notre sujet de couverture. Page 52
Patrick Fischer, 46 ans, est détendu. Et fermement convaincu de pouvoir mener ses joueurs au faîte de leur carrière, et du podium page 52. Un séjour en 2009 au Pérou, chez les autochtones, a changé sa vie de manière durable et exerce aujourd’hui une influence sur la manière dont il entraîne les joueurs de l’équipe nationale de hockey sur glace. La légende du free solo, l’Américain Alex H onnold, 36 ans, se sent bien, très bien, en altitude, même sans sécurité. En page 42, il raconte comment il a appris à escalader des parois rocheuses de mille mètres de haut sans être a ssuré, ou pourquoi et comment l ’alpiniste suisse Nicolas Hojac a dû le sauver avec un piolet. Jérémie Heitz, 32 ans, nous emmène dans son nouveau film sur les plus beaux 6 000 du monde. Il monte à pied et redescend à ski sur des pentes presque verticales… L’entretien est à lire page 36.
DONALD DANS LE TEXTE
Comment Erika Fuchs a-t-elle donné, en le traduisant, une densité au célèbre canardde Disney ? Page 92
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stars hollywoodiennes se sont succédé sous la cape de Batman avant Robert Pattinson. Tous les chiffres page 12.
Bonne lecture ! La Rédaction
WHO’S THAT GIRL?
En 1997, des années après la prise de cette photo fin des années 1980, cette jeune femme a chanté le tube mondial edonism. Son histoire page 38. H
THE RED BULLETIN
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CONTENUS The Red Bulletin mars-avril 2022
SUJET DE COUVERTURE
52 UN COACH EN OR
Patrick Fischer, l’entraîneur de l’équipe nationale de hockey sur glace, raconte comment les Amérindiens ont changé sa vie.
LONGBOARD DANCING
60 RÔLE DE COMPOSITION
Marina Correia, 23 ans, est passée du statut de migrante timide à celui de championne du monde et de modèle.
40 PAS DE JUSTIFICATION Le peintre Leon Löwentraut détruit les images qui le freinent.
NIGHTLIFE
66 LE POUVOIR DE LA NUIT 20 TOUT SCHUSS
Carlos Blanchard, 38 ans, transpose la joie de vivre des snowboardeurs en photos.
FREESKI
36 TOUT OU RIEN
Le freerider Jérémie Heitz au sommet des plus beaux 6 000 dans son nouveau film La Liste.
MUSIQUE
38 L’ÉTERNELLE REBELLE Skin, chanteuse du groupe culte Skunk Anansie, se bat depuis des années pour défendre les minorités.
PEINTURE
40 FILS COURAGE
Comment Leon Löwentraut a conquis le monde de l’art à force d’obstination.
ESCALADE
42 ICÔNES AU TOP
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PERSPECTIVES EXPÉRIENCES POUR UNE VIE AMÉLIORÉE
79 VOYAGE. Exploration au cœur des volcans siciliens. 84 F ITNESS. Le triathlète Max Studer donne ses conseils de course à pied pour débutants. 86 L E COIN LECTURE. La saga de Peter MacLean, ou quand Tolkien rencontre Tarantino.
42 PAS DE SÉCURITÉ Le grimpeur free solo Alex Honnold s’est entraîné à chasser la peur.
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88 T ENDANCE. Les chaudes recommandations de la rédaction. 90 P LAYLIST. Quarante ans de carrière de Yello, ça se fête ! 91 A GENDA. Documentaires et événements hivernaux à ne pas rater.
Visite à Alex Honnold, le roi du free solo, qui a découvert les Alpes grâce à un ami suisse.
6 GALERIE 12 L’ADDITION, S’IL VOUS PLAÎT !
Depuis neuf ans, Andrew Esiebo documente en photos la ville de Lagos, la mégapole de la fête au Nigeria.
92 B OULEVARD DES HÉROS. La femme qui a donné une voix à Donald Duck.
14 OBJET TROUVÉ 16 AUJOURD’HUI DEMAIN 18 LE MOMENT PHILO
96 OURS 98 POUR FINIR EN BEAUTÉ
PAS DE COUVRE-FEU Un reportage dans la capitale mondiale de l’afrobeat : Lagos.
THE RED BULLETIN
SEBASTIAN DRUEEN, JIMMY CHIN, ANDREW ESIEBO/PANOS PICTURES, LITTLE SHAO
PORTFOLIO
60 SOUS LE SOLEIL DE NICE La reine du longboard dancing Marina Correia fait t omber les préjugés.
THE RED BULLETIN
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LE CAP, AFRIQUE DU SUD
À l’envers, à l’endroit B-Boy Meaty, de son vrai nom Dmitri Nell, montre, lors de l’atelier Red Bull BC One, ce que les danseurs comme lui savent faire. Double vainqueur de l’événement BC One en Afrique du Sud, il est une légende sur la scène de son pays. Pas étonnant que les personnes aussi douées que lui donnent l’impression que leurs mouvements échappent aux lois de la gravité… Le secret de l’aisance de B-Boy Meaty réside dans des années d’entraînement discipliné. Instagram : @bboymeaty 6
WAYNE REICHE/RED BULL CONTENT POOL
PRAGUE, RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
Ghost Rider Le photographe Jan Burkert a aussi dû s’adapter. Après avoir shooté le rider Michal Suchopár dans son studio, le Tchèque s’est déchaîné en post-prod. Cette photo, comme les autres de cette galerie, a été demi-finaliste de la catégorie Creative by Skylum de Red Bull Illume. Instagram : @burysss 8
DAHAB, ÉGYPTE
Bascule
JAN BURKERT/RED BULL ILLUME, ENRIC ADRIAN GENER/RED BULL ILLUME
DAVYDD CHONG
La fermeture des frontières due au confinement en mars 2021 a placé le photographe Enric Adrian Gener devant un dilemme : rentrer chez lui en Espagne ou poursuivre son travail en Égypte. Il est resté sur place. « Dahab est l’un des spots d’apnée les plus importants au monde, où champions, étudiants et instructeurs se retrouvent, explique Gener. Cette photo de la plongeuse et photojournaliste Nanna Kreutzmann a été prise lors d’un échauffement matinal. Des plongées peu profondes avant les abysses. » 27mm.net
SINGAPOUR
Dans l’effervescence de la ville-État asiatique de Singapour, il faut avoir l’œil pour trouver des sujets qui valent la peine d’être photographiés. Ebrahim Adam a découvert ici un lieu intéressant dans l’usine de production de modules préfabriqués. Il ne lui manquait plus qu’une idée pour créer une image exceptionnelle. Elle est venue grâce à l’artiste de BMX Tay Seng Tee, qui fait des tours ici dans un micro studio. Instagram : ebrahimadamphoto
EBRAHIM ADAM/RED BULL ILLUME
Entre 4 murs
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L’A D D I T I O N S ’ I L VO U S P L A Î T !
BATMAN
Batman Superstar Robert Pattinson incarnera pour la première fois The Batman : le nouvel opus de la saga sortira au cinéma ce printemps. Tous les chiffres qui peuplent la galaxie de Gotham City et de sa chauve-souris favorite.
Cette année-là, Andy Warhol a tourné Batman Dracula, sans l’accord de DC Comics. Le film est déclaré perdu.
Le nombre d’épisodes de la série TV Batman (1966-1968), dans laquelle Adam West incarne la chauve-souris.
1
6
Oscar du meilleur acteur décerné à Heath Ledger à titre posthume pour son rôle du Joker dans The Dark Knight, en 2009.
10 000 000
km/h : la vitesse de la Batmobile fictive pilotée par Michael Keaton en 1999.
12
habitants dans la ville fictive de Batman, Gotham City.
9 200 000 000
de dollars : la fortune de Bruce Wayne selon une estimation du magazine Forbes, soit la sixième place sur une liste de personnages de fiction.
542
employés d’un groupe énergétique canadien se sont déguisés en Batman pour une action caritative en 2014.
THE RED BULLETIN
HANNES KROPIK
stars hollywoodiennes ont joué le rôle de Batman avant Robert Pattinson : Adam West, Michael Keaton, Val Kilmer, George Clooney, Christian Bale et Ben Affleck.
530
objets dédiés à Batman : la collection de Brad Ladner, un superfan américain, lui a valu une inscription dans le Guinness Book.
Le nombre de fois où son majordome, Alfred Pennyworth, a été enlevé.
1964
120
8 226
27
CLAUDIA MEITERT
films (The Dark Knight, 2008 ; The Dark Knight Rises, 2012 ; J oker, 2019) ont rapporté chacun plus d’un million de dollars.
de dollars : le prix payé en 2010 pour une édition originale de Detective Comics, dans laquelle Batman apparaît pour la 1re fois en 1939.
GETTY IMAGES (4)
3
1 075 000
O B J E T T RO U V É
Patrick Fischer a t rouvé auprès des Amérindiens le courage de devenir coach de l’équipe suisse de hockey sur glace. Son témoignage page 52.
PATRICK FISCHER
Mon gri-gri Chez les tribus autochtones d’Amérique, le tomahawk était à la fois une arme, un outil et parfois une pipe à tabac. Patrick Fischer, 46 ans, a rapporté celui-ci d’un séjour chez les Lakotas dans le Midwest américain. « Nous devons toujours décider quel chemin nous voulons prendre dans la vie, explique-t-il. Parfois, tu dois déterrer ton tomahawk pour défendre tes valeurs et tes rêves. » La culture et le savoir des Lakotas et des Shipibos du Pérou ont donné à Fischer le courage de mettre fin à sa carrière de hockeyeur en 2009, et sont aujourd’hui pour lui d’importants guides dans son activité de coach de l’équipe suisse de hockey sur glace.
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THE RED BULLETIN
SANDRO BAEBLER
Ce tomahawk appartient à Patrick Fischer, entraîneur de l’équipe nationale suisse de hockey sur glace.
Le nouveau Multivan Bienvenue dans un nouvel univers Encore plus flexible et multifonctionnel: le nouveau Multivan, avec sa motorisation Plug-in-Hybrid en option, offre des solutions simples pour relever les défis de votre quotidien complexe. Entièrement électrique sur les courts trajets. Sur les longues distances, toujours aussi efficace.Disponible dès maintenant chez votre partenaire Volkswagen Véhicules Utilitaires.
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AU J O U RD ’ H U I D EM A IN
LAURE BABIN
« Tout le monde a une paire de baskets dans son dressing » La jeune entrepreneure marche du bon pas. Invitée de notre podcast Aujourd’hui Demain, elle a lancé des baskets faites à partir de matières revalorisées, dont des déchets viticoles.
0:00 –11:34
Laure Babin dans Aujourd’hui Demain, le podcast
Combien de temps faut-il pour fabriquer une basket avec des dépôts de raisin ? Plusieurs heures. Il y a différentes étapes, celui de découpe, d’assemblage… On va coudre, coller, on vient solidifier, on rajoute les lacets et on emballe. L’atelier avec lequel on collabore au Portugal est familial et il travaille très peu avec des machines, tout est encore assemblé à la main. Ils ne sont qu’une vingtaine.
Pourquoi des baskets ? Afin d’avoir un impact global car tout le monde a une paire de bas« L’idée de Zèta, c’est kets dans son dressing. Et interroQuelle est la genèse de Zèta ? ger les consommateurs : qu’achePendant un an, j’ai travaillé sur de déclencher une tez-vous quand vous acheter une ce projet pour mon Master, je me prise de conscience. » paire de baskets? Savez-vous dans suis rendue au Portugal, j’ai vu quelles conditions elles sont fabriles usines, rencontré les parteLaure Babin, 24 ans, incite à la consommation durable et raisonnée. naires. On a fait le premier protoquées, et à partir de quels matétype en plein confinement puis, riaux ? Actuellement, la majorité lorsque tout a été validé, après tous les tests possibles, des baskets sont réalisées en Asie à partir de matières on a lancé une campagne de crowdfunding sur Ulule, très polluantes… L’idée de Zèta, c’est de déclencher une en septembre 2020. Ce fut le début officiel de la prise de conscience pour des achats plus durables et marque, puisqu’en quelques heures, on a atteint notre plus raisonnés. objectif de cent paires pour lancer la production avec l’atelier. AUJOURD’HUI DEMAIN, UN PODCAST THE RED BULLETIN, Pourquoi le Portugal et pas la France ? Côté empreinte carbone, ça n’est pas très cohérent… Lorsque j’ai fait mon sourcing de matières premières auprès des fournisseurs, je voulais qu’ils soient le moins éloignés possible de l’atelier. 90 % des matières premières viennent du Portugal. On ne peut pas faire plus court en termes de circuit.
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Une invitation à la réflexion, un espace où coexistent des solutions et des idées propres à notre époque, à travers les expériences personnelles de nos invités. Comment construire un environnement sain pour s’inscrire dans un « bien ensemble » ? Sur les plateformes habituelles et sur redbulletin.com/podcast
THE RED BULLETIN
MARIE-MAXIME DRICOT
the red bulletin : D’étudiante en management à Bordeaux, vous êtes devenue créatrice de chaussures… laure babin : J’ai toujours effectué des stages dans l’industrie de la mode et de la chaussure parce que ces spécialités me passionnaient. Je voyais plein d’incohérences dans l’industrie de la mode, tant au niveau environnemental que social, et je me suis dit : « Comment, en tant qu’étudiante, je peux tout reprendre, tout déconstruire et en faire quelque chose de beaucoup plus logique. »
Comment transforme-t-on du raisin en cuir végétal ? La recette est secrète, mais je peux vous expliquer le procédé : pendant les vendanges, on va récupérer le marc de raisin. Il va être mis de côté, déshydraté dans des fours, broyé en une fine poudre puis réintégré à du PU (polyuréthane, ndlr) pour devenir une matière solidifiable.
ZETA-SHOES.COM
Dans un sens, les baskets de Laure Babin sont « trash ». La créatrice de 24 ans ressuscite les déchets en objet de mode, en utilisant du marc de raisin, du plastique et du liège recyclés pour en faire des baskets en cuir vegan, sous le label Zèta, depuis septembre 2020. Comment ? Pourquoi ?
L E M OM EN T PHILO
HANNAH ARENDT A DIT :
« Retroussez vos manches et mettez vous à aimer »
L’amour n’est-il pas avant tout un sentiment ? Si c’est cela que vous attendez d’une philosophe, je crains fort de vous décevoir malheureusement. Dans ma pensée, l’amour est une force d’action. Celui qui aime une autre personne devient créateur et créatif. Celui qui aime la vie y sera pleinement engagé. Flâner en se satisfaisant de ses émotions n’est pas une preuve d’amour à mes yeux, mais plutôt une marque de complaisance.
À vous entendre, l’exigence actuelle selon laquelle il faut d’abord s’aimer soi-même pour pouvoir « L’amour est une ensuite aimer les autres ne semble force d’action. pas être de votre goût… Celui qui aime une Cela n’est pas une question de goût. Je pense tout simplement que c’est autre personne un non-sens. L’amour digne de ce devient créatif. » nom s’adresse toujours aux autres : à mon partenaire, à mes amis, En quoi la vision masculine et la vision féminine peut-être aussi à la nature, peut-être même à la vie. de l’amour sont-elles différentes ? Et il se manifeste toujours par le fait que je fais Dans les discours de Diotime, il est notamment quesquelque chose pour ceux que j’aime, que je retrousse tion de ce qui doit se produire pour que l’amour pasmes manches pour tenter quelque chose de nouveau. sion – ou Éros, comme l’appelaient les Grecs – puisse Les personnes que j’aime sont celles avec lesquelles je naître ; plus précisément, enfanter l’Éros. Il me semble peux faire quelque chose. Aller à la rencontre d’autrui que c’est là une approche plutôt féminine, qui a en avec courage et détermination est à mes yeux ce qui outre l’avantage de mettre en évidence quelque chose exprime le mieux mon amour pour la vie. Et cela, la philosophie grecque l’a très bien décrit à travers d’extrêmement important pour notre vie humaine : des concepts distincts. Par exemple, elle différencie la natalité. l’amour passion, Éros donc, de l’amour familial, Storgê, de l’amour d’autrui, Philia, ou de l’amour Pourriez-vous, s’il vous plaît, expliquer ce terme à nos lecteurs ? au sens spirituel, Agapé. Natalité signifie « être né ». Nous avons tous en comHANNAH ARENDT (1906 – 1975) est considérée comme l’une mun d’être nés d’une mère. Cela signifie que chacun des plus grandes penseuses du XXe siècle. Après avoir émigré de nous est venu au monde à un moment donné en aux États-Unis, l’ancienne élève de Martin Heidegger a enseitant que nouveau venu – en tant que nouvel être, gné dans des universités à New York et Chicago. Son ouvrage imprévisible, aux possibilités multiples et avec un Le système totalitaire. Les origines du totalitarisme l’a élevée potentiel. Ce fait est capital. C’est la raison pour au rang de philosophe politique hautement respectée aux laquelle nous pouvons à tout moment de notre vie États-Unis. repartir à zéro. Par exemple, lorsque nous tombons CHRISTOPH QUARCH, 57 ans, est philosophe allemand, fondaamoureux ou lorsque « Éros nous enflamme », pour teur de la Nouvelle Académie platonicienne (akademie-3.org) et auteur de nombreux ouvrages philosophiques. reprendre les termes de la philosophie grecque.
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BENE ROHLMANN
the red bulletin : La question de l’amour ne semble pas avoir été la préoccupation majeure des philosophes masculins. Qu’en dit la philosophe ? hannah arendt : Personnellement, je ne lie pas cette question au genre. D’ailleurs, certains de mes collègues masculins consacrent des textes remarquables à ce thème. Mais vous avez raison sur un point : l’amour est en effet un aspect de la vie que les hommes et les femmes appréhendent différemment. Ce n’est certainement pas un hasard si Platon, dans son Symposium, le texte philosophique le plus important sur l’amour, a mis les idées-clés dans la bouche de la prêtresse Diotime…
L’amour est toujours lié à un nouveau départ et à un recommencement. L’amour est porteur de changement. L’amour agit.
DR. CHRISTOPH QUARCH
Nous devrions tous investir davantage dans l’amour : l’amour de la vie, de soi… et de nos conjoints aussi. Mais que signifie au juste « aimer vraiment » ? La philosophe germano-américaine Hannah Arendt nous l’explique dans cette interview fictive avec le philosophe Christoph Quarch.
DES AIIILES POUR L’HIVER. AU GOÛT DE GRENADE.
U A E V U O N
STIMULE LE CORPS ET L’ESPRIT.
P O RT FO L IO
TALKIN’ ’BOUT MY GENERATION Saisir le moment, clic clac. C’est ainsi que le photographe CARLOS BLANCHARD, 38 ans, parvient à transposer la joie de vivre des snowboardeurs sur la pellicule. Texte ANDREAS WOLLINGER
« C’est l’une de mes photos préférées du moment, car elle montre tout ce que j’aime dans notre sport : le dynamisme, le feeling et beaucoup de plaisir. » Airolo, Suisse, 2018 Le snowboardeur allemand Elias Elhardt, 34 ans, s’élance sur une bosse de neige. La photo a été prise lors du tournage du premier projet de film d’Elhardt, Contraddiction.
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« Quand tu pars en vadrouille avec des gars comme Elias Elhardt, tu sais que ça va être spontané et amusant. Tout s’agence naturellement. De toute façon, la planification, c’est surfait. » Lofoten, Norvège, 2018 Elias dans les airs, réalisant un frontside 720 qui consiste en une double rotation autour de l’axe vertical.
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« Dans ce centre de villégiature isolé, nous devions marcher un moment pour aller dîner. Alex Tank a pris sa planche pour arriver plus vite. Cette image témoigne de l’impuissance de l’homme face aux forces de la nature. » Brezovica, Kosovo, 2019 Le snowboardeur allemand Alex Tank, 34 ans, sort de l’hôtel dans le blizzard, quelques secondes avant de se lancer sur sa planche.
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« Quand j’ai pris cette photo, il faisait − 25 °C. J’ai eu peur pour mon appareil photo. » Pyhä, Finlande, 2021 La Néerlandaise Lisa Bunschoten, 26 ans, lors d’une course de boardercross. La photo est tirée du livre Dreams de Carlos Blanchard dédié aux snowboardeurs paralympiques.
« La randonnée en splitboard jusqu’à ce point de vue fut exténuante. Mais quel spectacle quand on arrive ! Ça en valait vraiment la peine. » Lofoten, Norvège, 2018 Une crête sur l’archipel des Lofoten. À certains endroits, les géants de pierre s’élèvent jusqu’à 1 200 mètres au-dessus de la mer. Les splitboards peuvent être démontés pour l’ascension, ce qui permet aux snowboardeurs de faire des randonnées à ski.
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« Voici Knut Eliassen, le cerveau créatif de la marque de snowboards Nitro. Ce jour-là, nous avons cherché sous la pluie un endroit intéressant. Knut déborde tellement d’énergie qu’il n’a pas besoin de tee-shirt pour lui tenir chaud. » Lofoten, Norvège, 2018 Le directeur marketing de Nitro, Knut Eliassen, pose pour un portrait. Carlos Blanchard dit de lui que sa vivacité d’esprit est contagieuse.
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« J’ai trouvé les dossards collés aux jambes avec du scotch plus captivants que les visages. » Mount Baker, État de Washington, USA, 2019 Participants au départ du Legendary Banked Slalom. Cette course, organisée depuis 1985, est considérée comme le passage obligé des snowboardeurs.
Titel
Ort, Datum „Faccullentio. Ita pro dolore doloraectur? Bearum et eatiusa antecea arum nullaccus, sus. Rum ducia venis magnihit utemFaccullentio. Ita pro dolore doloraectur? Bearum et eatiusa antecea arum nullaccus, sus. Rum ducia venis magnihit utem vitionsequi doluptas niandel et anda venihil latur, cum que nus vitionsequi doluptas niandel et anda venihil latur, cum que nus“
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« Fais-le pour le show, dit-on. Quand l’un des meilleurs snowboardeurs au monde se lance, il se positionne aussitôt au centre de l’attention. » Brezovica, Kosovo, 2019 Elias Elhardt ravit le public en exécutant un saut depuis le toit de l’auberge (à droite).
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« Si la prothèse que porte Lisa Bunschoten sous le genou gauche a une incidence sur ses mouvements, elle n’entame en rien le rythme ni la soif de réussite de l’athlète néerlandaise. » Flachauwinkl, Autriche, 2020 La snowboardeuse paralympique Lisa Bunschoten lors d’une course d’entraînement.
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P O RT FO L IO
« J’ai pris ce cliché après une longue journée, à la dernière lumière. Que peut-on demander de plus qu’un tel coucher de soleil dans un endroit aussi fantastique ? » Parc national Torres del Paine, Chili, 2017 Les montagnes se découpent en ombre chinoise sur un ciel nuageux. Hasard ou bonne fortune ? Cette photo est la dernière de la pellicule.
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« J’aime surprendre les gens à un m oment où ils ne sont pas préparés. C’est là qu’on décèle le mieux leur personnalité. » Kitzsteinhorn, Autriche, 2018 La snowboardeuse américaine Hailey Langland, l’esprit v agabond, peu après un shooting.
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P O RT FO L IO
« Une image qui explique mon approche de la photographie. La région est m agnifique, cela va sans dire, mais ce qui compte au final, c’est l’action. » Lofoten, Norvège, 2018 Elias Elhardt en vol dans un décor idyllique, devant la chapelle de Sildpollnes.
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LE PHOTOGRAPHE
CARLOS BLANCHARD Le talent de l’Espagnol pour la photographie est une tradition familiale : son grand-père et son père étaient de grands amateurs de photo. Dès son adolescence, Carlos s’est passionné pour cette forme d’expression grâce à l’appareil photo
Carlos Blanchard de profil, ici dans le parc national Torres del Paine, au Chili.
Nikon que lui avait légué son grand-père. Né à Saragosse (Espagne), Carlos n’a pourtant trouvé sa vocation que tardivement, au début de la vingtaine. Il a ensuite reçu une formation solide et s’est établi comme photographe de snowboard. C’est en s’installant à Innsbruck au début des années 2010 que sa carrière décolle véritablement. Aujourd’hui âgé de 38 ans, il s’efforce d’établir son propre style, et de développer un œil aguerri pour les détails souvent négligés qui permettent à une photo de raconter des histoires inspirantes. « Je crois en l’interaction qui émerge entre réalité et imagination, dit Carlos. Je ne veux ni perturber ni influencer le spectateur, je veux juste partager mon plaisir à chercher et à capturer des moments uniques. » carlosblanchard.com
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Freeski
Jérémie Heitz veut donner plus de visibilité à l’univers du freeski. Pour y parvenir, il défie les sommets de 6 000 m les plus beaux de la planète, une première immortalisée par un film. Texte NICLAS SEYDACK
Photo MATTIAS FREDRIKSSON
Depuis que Jérémie Heitz a cessé de participer aux compétitions de freeski professionnel, il suit sa propre voie. Le protagoniste de La Liste établit sa liste très personnelle. Avec son ami Sam Anthamatten, il s’était mis en tête de conquérir les 6 000 mètres les plus beaux du monde, skis sur le dos, avant de rider leurs pentes presque verticales. De l’Artesonraju, au Pérou (6 025 m), au Laila Peak, au Pakistan (6 096m), ce furent huit sommets au total. A ujourd’hui, La Liste – Everything or Nothing est présenté en avant-première : un document spectaculaire sur la volonté, le savoir-faire et la réussite du travail d’équipe. THE RED BULLETIN : Il y a cinq ans, vous avez décidé d’abandonner les compétitions pro en freeride pour vous consacrer à vos films. Pourquoi ? Jérémie Heitz : C’était mon objectif depuis le début : me faire un nom dans le milieu afin de réaliser mes propres projets avec mon ami Sam Anthamatten et mes sponsors. La Liste me motive d’autant plus que je sélectionne moi-même les sommets les plus beaux, les plus raides et les plus difficiles du globe, afin de les gravir et de faire connaître notre style de freeski au monde entier. Comment ce choix s’est-il fait ? Ce n’est pas comme si nous étions les seuls à connaître ces montagnes.
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Nous avons tout simplement sélectionné les plus beaux sommets à l’aide de Google Earth, de livres et de films. Nous ne sommes pas les découvreurs de ces montagnes ni les premiers à y avoir skié. Mais nous sommes les premiers à les avoir incluses dans une tournée mondiale. Quelle place occupe votre amitié avec Sam dans ce projet ? Notre pratique du freeski est une affaire d’équipe. Nous évoluons sur la montagne tous ensemble. Sam est mon alter ego idéal. Nous nous attaquons à des défis extrêmement difficiles, et ce n’est qu’ensemble que nous pouvons les relever. Vous vous êtes imposé des expéditions de plusieurs jours, en escaladant les sommets équipés de piolets et de crampons. Pourquoi ne pas avoir eu recours à un hélicoptère ? Skier sur les montagnes extrêmement exigeantes qui figurent dans La Liste exige une parfaite connaissance du terrain au préalable. Vue d’un hélicoptère, la neige peut paraître bonne alors qu’en réalité, elle n’a que quelques centimètres d’épaisseur et recouvre des pierres ou de la glace. L’ascension à pied permet de repérer l’itinéraire de la descente. Ainsi, au contact de la montagne, nous pouvons identifier les moindres aspérités ou les zones dangereuses. Ce type de terrain ne tolère pas l’erreur, car celle-ci pourrait s’avérer fatale.
Faites-vous allusion à l’accident survenu lors d’une étape de La Liste au Pérou, sur le sommet Artesonjaru, au cours de laquelle l’un de vos amis s’est gravement blessé ? Vous avez interrompu l’expédition pour l’emmener à l’hôpital juste à temps. J’ai failli tout arrêter sur le moment. Durant les mois qui ont suivi, je pensais ne plus jamais rechausser de skis. J’adore ce que je fais, mais pas au point d’y laisser la vie. Nous avons beaucoup échangé avec notre ami blessé. C’est seulement à sa demande que nous avons finalement décidé de poursuivre le projet. Les blessures sont-elles le prix à payer pour repousser les limites ? Dans notre cas, c’est différent. Sam et moi avons en commun d’être animés par une curiosité sans bornes, qui s’appuie sur des années d’expérience et un sens aigu du risque. Les limites que nous franchissons ne sont pas les nôtres, mais celles que d’autres jugent infranchissables. Jusqu’où ira cette curiosité ? Y aura-t-il d’autres sommets après La Liste ? Ma vie entière ne suffirait pas pour skier sur tous les sommets du Pakistan. Ils sont si nombreux que la plupart n’ont pas de nom. Et je ne parle même pas de la chaîne de l’Himalaya et des pics de plus de 8 000 mètres à travers le monde. Du moins pas pour le moment. Après sa sortie en salle à l’hiver 2021/22, La Liste — Everything or Nothing sera disponible sur certaines plateformes (en achat ou location) début février 2022. D’ici là, le film est accessible sur le site officiel ou au cinéma. Plus d’infos en scannant le QR code ci-contre. Bande-annonce sur redbull.com
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« Les limites que nous franchissons ne sont pas les nôtres. » Jérémie Heitz, 32 ans, sur l’art du risque calculé.
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Musique
Deborah Dyer Adoubée par la Queen, conspuée par les réacs : à 54 ans, dont 25 passés à écumer les scènes, la chanteuse de Skunk Anansie est plus d’attaque que jamais. Texte WILL LAVIN
Photo TOM BARNES
Skin est de bonne humeur. Il faut dire que la chanteuse, de son vrai nom Deborah Anne Dyer, a de quoi se réjouir : son groupe Skunk Anansie se réunit pour la première fois après 19 mois de pause, pandémie mondiale oblige. Les Anglais se sont donné rendez-vous au studio de Voltaire Road, au sud-ouest de Londres, pour travailler sur de nouveaux morceaux et préparer leur prochain album. Groupe phare des années 90, Skunk Anansie a marqué l’histoire du rock-pop britannique de l’époque, aux côtés de Blur et d’Oasis, tant par l’éclectisme de ses productions musicales que par la dimension volontairement engagée et politique de ses textes. Comment faire autrement avec une chanteuse aussi charismatique ? Depuis la formation du groupe en 1994, Skin séduit toujours le public avec son look androgyne, sa boule à zéro et sa voix d’écorchée vive.
Des réactions violentes
Rebelle dans l’âme, celle qui a grandi dans un quartier pauvre de Londres a toujours assumé son engagement pour les minorités opprimées : « Quand on est leader d’un groupe de rock, ça peut déplaire à beaucoup de monde », résume-t-elle aujourd’hui. « Déplaire » est ici employé comme un euphémisme poli, quand on sait toutes les critiques, les insultes, voire carrément les réactions de haine que la chanteuse a dû endurer depuis le début de sa carrière. Car le
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simple fait d’être noire, ouvertement bisexuelle, et de chanter du rock a été perçu comme une provocation par certains. Loin de se laisser intimider, Skin a sauté dans l’arène, ne cessant de dénoncer dès qu’elle en avait l’occasion – souvent dans ses chansons et en public – le racisme, le sexisme ou les injustices de toutes sortes. Les réactions furent parfois violentes : dans son autobiographie It Takes Blood and Guts (trad. « Il faut du sang et du courage ») parue en 2020, Skin raconte notamment un épisode effroyable survenu pendant la tournée australienne en 1996 avec les Sex Pistols : dans le public, des skinheads les avaient « accueillis » par un salut hitlérien en hurlant « Dégage de la scène, salope noire ! ».
Toujours au front
Au-delà de ce déversement de haine, ce qui l’a le plus marquée ce jour-là fut le silence coupable du leader des Sex Pistols, Johnny Rotten. « Je crois qu’il peut y avoir une forme de violence dans le silence » poursuit-elle, avant de s’exclamer, comme frappée par la muse : « Oh mais c’est bon, ça ! Vas-y, note-le ! » lance-t-elle à son batteur, Mark Richardson, les yeux brillants d’inspiration. Son caractère volontiers frondeur et anti-conformiste a, certes, fait d’elle une icône de la lutte pour les droits des minorités, mais n’est-ce pas épuisant, à long terme, d’être toujours au front ? Non, répond-elle, car elle n’a fait que rester fidèle à ellemême : « Je ne me suis jamais posée en victime. C’est important de rester
positif, parce qu’au bout du compte, toute l’opposition que nous avons rencontrée est devenue l’une des raisons de notre succès. »
Pourquoi s’arrêter ?
Mieux encore : c’est justement sur cette authenticité, cette intégrité incorruptible qu’elle a bâti sa carrière. « Cela ne sert à rien de s’écraser devant un public ou des critiques juste pour avoir du succès. D’ailleurs, c’est quoi le succès ? Faire de la musique et la faire écouter, voilà ce que ça signifie, pour moi, réussir. » Et pour venir consacrer de la manière la plus officielle possible ce succès tant mérité, l’ancienne gamine de Brixon a reçu le titre d’« Officer of the British Empire », un ordre du mérite, décerné par la Reine en juin 2020. Elle-même se considèret-elle comme une figure de la lutte féministe et LGBT+ ? « Rétrospectivement, c’est vrai qu’on a eu une certaine influence. Mais à l’époque, on n’en avait pas conscience, c’était juste complètement fou, une femme noire et lesbienne qui chante dans un groupe de rock, qui n’est sexy ni dans son attitude ni dans ses tenues. Alors qu’aujourd’hui, c’est cool d’être woke et de montrer du soutien aux LGBT+. Ce qui est évidemment génial ! Donc oui, je comprends maintenant que nous avons été des pionniers, dans cette histoire. » La voilà qui se lève déjà pour retourner en studio : manifestement, elle n’a pas envie de laisser traîner le projet. Quand on lui demande si elle a déjà pensé à arrêter un jour, Skin nous corrige, avec un large sourire : « La question est plutôt : quand faut-il arrêter, et comment ? Et puis franchement, pourquoi est-ce que je devrais m’arrêter un jour ? » Toute les dates de la tournée de Skunk Anansie sur skunkanansie.com
THE RED BULLETIN
« Ne vous écrasez devant personne. » Icône, égérie, pionnière : à 54 ans, Skin cultive sa singularité avec bonheur.
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Peinture
Il a 12 ans lorsqu’il décide de devenir artiste. Onze ans plus tard, il expose aux quatre coins du monde. Rencontre avec un peintre qui n’a jamais écouté les critiques. Texte ANDREAS ROTTENSCHLAGER
Photo SEBASTIAN DRÜEN
Londres, Saint-Pétersbourg ou Venise : les vernissages de Leon Löwentraut ressemblent à des soirées huppées de la high society. Quand la star de 23 ans pointe le bout de ses mèches blondes, les smartphones s’agitent : en bon rejeton de la génération Instagram, il se livre à une séance de selfies avec ses fans avant de répondre aux questions des journalistes. Le jeune Allemand a été en 2019 le plus jeune artiste exposé au Palazzo Medici Riccardi à Florence (fondé en 1444) et son carnet de commandes regorge de clients prestigieux : parmi eux, l’UNESCO, qui lui a commandé, en 2018, un cycle de 17 toiles. Enfant prodige de l’art, Löwentraut est aussi un autodidacte complet : lors d’une rencontre à Vienne (Autriche) au f estival Organics Talentville, il nous a parlé de sa façon de voir la vie.
1. La passion avant tout
« J’ai commencé à peindre à 7 ans. À 12 ans, je savais déjà ce que je voulais devenir : artiste. Ce qui m’a plu d’emblée avec la peinture, c’est que je n’avais pas besoin de m’expliquer ; parce qu’avec un pinceau dans la main, je ne devais rendre de compte à personne. Le plus gros problème, au début, fut que ma famille n’avait aucun contact dans le monde de l’art. Alors je suis allé frapper aux portes des galeries d’art. Je leur ai dit :
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“Voilà, je m’appelle Leon L öwentraut et ça, c’est mes toiles.” J’avais un portfolio avec des copies de mes œuvres, même pas de bonnes copies parce que je n’avais pas d’argent pour racheter des cartouches d’encre. Mais je m’en fichais. Parce que je me disais : “Si je suis sûr à 100 % de ce que je fais, ça finira toujours par payer.” » « On m’a souvent fermé la porte, mais j’ai continué à peindre toujours plus de toiles, et à aller frapper aux portes. Jusqu’à ce qu’une galerie me dise un jour : “On pense que tu as du potentiel.” Ma première expo, c’était près de Munich, dans une grange. Mais pour moi, c’était énorme. Et puis les médias ont commencé à s’intéresser à moi, puis la télé. À 17 ans, j’avais mon premier show solo à Nothing Hill, à Londres. Plus tard, mes toiles ont été exposées au musée Pouchkine de Saint-Pétersbourg ou encore au siège de l’Unesco à Paris. »
2. S’envoyer des fleurs
« Quel que soit le talent que tu veux développer : n’ai pas peur de te faire confiance. Il y a des gens qui disent que c’est nul de s’envoyer des fleurs, mais c’est faux ! Tous les matins, quand tu te lèves, tu dois te répéter : “Ce que je fais est bon !” Pour moi, ce message est très important, parce qu’il y a tellement de gens bourrés de talent dont personne n’entendra jamais parler. Peut-être parce qu’ils n’osent pas sortir, parce qu’ils ont peur de se montrer, ou peur d’être critiqués. Il y en aura toujours pour
3. Ne garde que le meilleur
« Les jeunes talents se battent souvent avec leur obsession de la perfection. Personnellement, je m’interroge : quand est-ce qu’une toile est bonne ? Certaines naissent relativement facilement, et d’autres sont plus laborieuses. En général, je travaille sur plusieurs toiles à la fois, pendant des mois. Il y a des toiles que je n’arrive pas à finir, qui m’empêchent de me consacrer à d’autres. Je les mets dans un coin, et si elles continuent à m’agacer, je les retourne. Si elles ne me fichent pas la paix, je les piétine. Vous avez bien entendu : je les détruis parce qu’elles n’ont pour moi plus le droit d’exister. Ça peut paraître extrême mais je veux que les gens qui viennent à mes expos ne voient que les meilleures œuvres, celles dont je suis 100 % satisfait. Car pour développer un talent, il faut trois ingrédients indispensables : de la discipline, de l’amour et de l’authenticité. » Expo actuelle : Unstoppable, à la Gerhardt Braun Gallery (Palma de Majorque). Toutes les infos sur leonloewentraut.de
Leon Löwentraut lors de son intervention au festival ORGANICS TALENTVILLE à Vienne (Autriche). organicsbyredbull.com/talentville
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MATTHIAS HESCHL/RED BULL
Leon Löwentraut
dire qu’ils n’aiment pas ce que tu fais, mais ce serait ennuyant de plaire à tout le monde. Quand je reçois des critiques, je remarque souvent que je suis dans le vrai : tout ce qui est nouveau suscite la polémique – parce que les gens ne savent pas encore ce qu’ils doivent en faire. Inciter au débat, à la discussion, c’est pour moi l’un des rôles les plus importants de l’art. »
« Je détruis les toiles qui m’empêchent de travailler. » Garder le contrôle : Leon Löwentraut, 23 ans, lors d’une de ses expos à Majorque.
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Escalade
BONNE PRISE
Alex Honnold sur un surplomb dans le parc national de Yosemite, en Californie : même les plus petites erreurs sont interdites dans son monde.
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Même pas peur L’Américain ALEX HONNOLD, 36 ans, escalade des falaises de mille mètres de haut sans aucune sécurité. Comment fait-il ? Et à quoi pense-t-il ? Visite à domicile chez un homme hors du commun. Texte HEATHER BALOGH-ROCHFORT
Photos JIMMY CHIN
Escalade
U Famille
« Je suis sans doute bien mieux préparé aux escalades les plus périlleuses qu’à la vie de parent, plaisante Alex Honnold. Je lis énormément de choses sur l’escalade. J’étudie et je m’entraîne. Mais je n’ai pas encore ouvert un seul livre sur la parentalité. Il suffit de se laisser porter, non ? » À l’occasion de leur premier 44
La star de l’escalade Honnold en 2003, à l’âge de 17 ans, avec sa cousine dans le jardin de son oncle en Californie.
anniversaire de mariage en septembre 2021, Alex Honnold et son épouse, Sanni McCandless Honnold, ont annoncé qu’ils attendaient une petite fille pour le mois de février 2022. Ravis, les fans d’escalade du monde entier ont chaleureusement félicité les futurs parents sur Instagram. Pour beaucoup, Alex Honnold est le grimpeur le plus reconnaissable au monde, et certainement, celui que l’on associe le plus souvent à d’impressionnantes ascensions en solo intégral. Figure de proue d’un sport intrinsèquement lié au danger, il a surpris bon nombre de supporteurs par ses choix de vie. Mais Alex Honnold sait ce qu’il fait. Il a toujours voulu fonder une famille, quelles qu’en soient les conséquences sur sa carrière sportive. « Je me suis préparé à toutes les éventualités, assure-t-il après s’être assis dans l’un des deux fauteuils ronds du séjour. J’ai parfaitement conscience que la paternité pourrait totalement changer ma manière de grimper, même si je prends déjà toutes les précautions pour grimper de la manière la plus sécurisée possible. Difficile d’imaginer l’impact de mon nouveau statut de père… »
Alex Honnold se sent à l’aise avec le concept de la famille. Né à Sacramento (États-Unis) en 1985, il a grandi dans une famille de la classe moyenne. Il est le cadet des deux enfants de Charles Honnold et Dierdre Wolownick. Ses parents travaillaient au collège communautaire local : Charles enseignait l’anglais langue étrangère et Dierdre a longtemps été professeure de français. Certes, la famille n’était pas parfaite, mais elle fonctionnait plutôt bien. Les parents d’Alex ont finalement divorcé pendant la première année universitaire de ce dernier (avant qu’il n’abandonne les cours). Charles est décédé d’une crise cardiaque peu de temps après.
« Je suis bien mieux préparé aux escalades les plus périlleuses qu’à la vie de parent. » THE RED BULLETIN
COURTESY OF ALEX HONNOLD
n week-end comme les autres chez les Honnold. Le panorama donnant sur les falaises de grès rouge de Las Vegas depuis le salon est époustouflant. La scène en intérieur est assez surréaliste : Jonathan Griffith, ami d’Alex et réalisateur de documentaires tels que The Alpinist et le très attendu Alex Honnold: The Soloist VR, et moi-même observons la star de Free Solo s’adonner à diverses tâches domestiques, ramassant ici et là des objets qui traînent. Pourtant, cette scène caractérise bien Alex Honnold. Le champion d’escalade ne laisse jamais rien au hasard. Il s’affaire et se montre aussi méticuleux pour le ménage que pour escalader une paroi rocheuse de 900 mètres sans assurance. Il fait les choses bien, point final. Le spectacle qu’il offre reflète une incroyable efficacité. À mille lieues de l’image que l’on pourrait se faire de l’homme qui a réalisé la première ascension en solo intégral d’El Capitan dans le parc national de Yosemite en 2017, ou encore de la star internationale qu’il est depuis l’oscarisation du documentaire relatant le projet. Alex Honnold a passé près de 25 ans de sa vie à escalader des parois, petites ou grandes, avec ou sans corde. Sa réputation le précède dans le monde entier. Aujourd’hui, il est à l’aube d’un nouveau chapitre de sa vie personnelle. Le mariage. Les enfants. La paternité. L’escalade. Le solo intégral. Y a-t-il assez de place dans une vie pour tout cela ?
LA BANANE
En 2022, Honnold s’apprête à vivre une nouvelle étape de sa vie. Il va être père pour la première fois et son premier documentaire sur l’escalade en réalité virtuelle va paraître.
IL SAIT CE QU’IL FAIT
Alex Honnold en juin 2017 lors de son ascension en solo libre d’El Capitan dans le parc national de Yosemite. Lorsqu’il grimpe sans assurance, il connaît chaque prise par cœur.
Escalade
MEDICAL UNIVERSITY OF SOUTH CAROLINA
De son côté, Alex Honnold n’a pas attendu pour se montrer sous son véritable jour. Très jeune, il adorait déjà résoudre des problèmes, par exemple avec des Lego, et il a commencé à grimper dès l’école maternelle. À l’âge de 10 ans, il s’investissait pleinement dans le sport, même s’il est le premier à admettre qu’il n’était pas le meilleur. « Mais j’aimais tellement ça, ajoute-t-il, songeur. Aujourd’hui encore, j’adore être dehors. C’est vital pour moi. » En prononçant ces mots, il esquisse un geste vers la fenêtre et les falaises rouge sombre qui se profilent au loin. « As-tu déjà fait de l’escalade ici ? », me demande-t-il en inclinant la tête. Je lui réponds que c’est le seul sport extrême en plein air qui ne m’a jamais vraiment séduite. « Tu loupes quelque chose », dit-il avec un sourire jusqu’aux oreilles. Lors de ces apartés, la passion d’Alex Honnold prend le pas sur le pragmatisme du grimpeur. On dit parfois de lui qu’il est un ermite doublé d’un sceptique. Plus le temps passe, plus il se détend et me fait voir les choses différemment. De bien des façons, il me rappelle mon époux : pragmatique et logique, souvent jusqu’à l’excès. Alex Honnold n’a pas passé dix ans de sa vie en van simplement parce qu’il voulait être seul. Il l’a fait parce que cela avait du sens pour lui et que c’était la solution la plus logique pour consacrer le maximum de temps à sa principale
Reconnaissance ultime, le nom « Honnold » est carrément devenu un verbe dans la langue anglaise. préoccupation : l’escalade. Maintenant que Sanni fait partie de sa vie et que sa fille va bientôt pointer le bout de son nez, il a revu ses priorités. Logique. « Je pense que mon évolution en tant que grimpeur est entièrement naturelle et telle que je l’avais toujours imaginée. Je n’avais pas prévu de vivre dans un van pendant des années. D’autres grimpeurs célèbres le faisaient, mais je n’y avais jamais prêté attention. Je me suis toujours intéressé aux grimpeurs qui dédiaient une grande partie de leur vie à l’escalade, mais avaient aussi une famille et une vie stable, ce qui leur permettait d’avoir un réel impact sur le monde. On ne peut pas vivre dans un van jusqu’à la fin de sa vie. »
Peur
Reconnaissance ultime, le nom de famille d’Alex Honnold est carrément devenu un verbe dans la langue anglaise. Après le record obtenu par le grimpeur en 2008 pour son solo intégral sur les vingt-deux longueurs de la Regular Northwest Face
Voilà à quoi ressemble l’absence de peur : les scanners cérébraux montrent l’activité de l’amygdale, le centre de la peur chez l’homme, lors du visionnage d’images effrayantes. Alors que le cerveau d’Alex Honnold (à gauche) reste presque imperturbable, l’amygdale de la personne de contrôle, également grimpeuse, s’enflamme déjà. THE RED BULLETIN
du Half Dome au Yosemite, une photo désormais célèbre s’est propagée à vitesse grand V sur Internet : elle montre Alex Honnold, vêtu d’un sweat rouge et d’un pantalon noir, debout sur une minuscule corniche, le dos et les talons contre la paroi, et les orteils dans le vide. À près de 550 mètres de la terre ferme, il n’a, comme l’exige le solo intégral, aucun système de sécurité pour le relier à la paroi. Une chute, et c’est la mort assurée. En anglais, le verbe honnold signifie désormais se tenir debout à un endroit dangereux, le dos contre une paroi et le visage tourné vers le vide… et sa propre peur. Au fil des ans, la peur d’Alex Honnold (ou son absence) est devenue un sujet de recherche. La plupart d’entre nous n’imaginent pas accomplir les mêmes exploits sans être paralysés par la peur. La théorie selon laquelle Alex Honnold n’aurait peur de rien s’est répandue comme une traînée de poudre, à tel point qu’Alex Honnold a finalement autorisé Jane Joseph, une neuroscientifique spécialisée dans les sciences cognitives, à étudier son cerveau en 2016. Elle s’est notamment intéressée à son amygdale, aussi connue comme le centre de la peur dans le cerveau. Les résultats étaient sans équivoque, mais pas si étonnants. En résumé, il était pratiquement impossible de stimuler l’amygdale d’Alex Honnold. Aucun sollicitation ne fonctionnait. Ce sont des données scientifiques. Le reste n’est que pure spéculation. Le fait qu’Alex Honnold veuille grimper près de 900 mètres en solo intégral nous indique que son amygdale pourrait être plus « calme » en règle générale. Après tout, le monde entier a regardé Free Solo, sorti en 2018, l’incroyable documentaire qui retrace la première ascension en solo d’Alex Honnold sur El Capitan par la voie Freerider. La majorité des gens n’envisagerait jamais un tel exploit, même avec des capacités similaires. Cependant, Alex Honnold a toujours insisté sur le fait qu’il n’était pas si intrépide qu’on pourrait le penser. Il sait ce qu’est la peur. Mais il est convaincu d’avoir beaucoup travaillé pour ne plus la ressentir. Cela signifie-t-il qu’il a aussi 47
C’est dans les Alpes que le roi de l’escalade a atteint ses limites. Scannez le code QR pour écouter Alex Honnold évoquer ses plus grands défis à ce jour, devant la caméra de The Red Bulletin.
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entraîné son amygdale ? Difficile à dire… Il n’existe aucune donnée permettant d’effectuer une comparaison avec la période précédant ses premières ascensions en solo intégral. « Je ressens vraiment la peur comme tout le monde et la mort m’effraie toujours, affirme-t-il. Mais je me suis désensibilisé et je suis mieux équipé pour gérer cette peur. » Nous disposons tous de plusieurs mécanismes pour gérer la peur, mais beaucoup d’entre nous n’en utilisent
qu’un ou deux : éviter les situations angoissantes ou surmonter la peur en l’ignorant temporairement. À l’évidence, Alex a dépassé la première méthode depuis longtemps et il est convaincu que la seconde n’est pas durable. « Bien sûr, vous pouvez vous contenter d’écouter du rock à fond, manger un cookie, vous encorder et espérer finir l’ascension avant d’avoir trop peur, mais ce n’est pas viable sur le long terme, explique-t-il. Qu’allez-vous faire la prochaine fois ? Manger trois cookies ? » THE RED BULLETIN
Escalade
Nouvelle mission : peut-on combiner famille et free solo ? équipé de crampons et de chaussures de haute montagne. Alex Honnold s’était frayé un chemin sur une crête alpine afin de suivre l’alpiniste suisse Nicolas Hojac. Mais un défaut d’équipement a sapé toute sa confiance : la nervosité le gagnait. Finalement, Nicolas Hojac est venu à sa rescousse. « Nico a laissé tomber son sac à dos. Il est redescendu sur la crête pour me donner son piolet, puis il est tranquillement reparti en trottinant, lâche Alex Honnold dans un éclat de rire. Pendant ce temps, j’étais en train d’agripper deux piolets, et d’appuyer fermement sur mes pieds pour tenter de survivre. » Pour Alex Honnold, la haute montagne représente probablement une autre facette de la peur.
Avenir
AU TOP
Alex Honnold en 2017 au bout de ses rêves, au point le plus haut de la légendaire paroi rocheuse El Capitan.
Il préfère envisager la peur avec une confiance sereine et, une fois encore, une logique implacable. Nous sommes tous témoins d’exploits de solo intégral qui semblent défier la mort, mais nous oublions qu’ils cachent des centaines d’heures d’entraînement sur ces mêmes voies, avec une corde cette fois. Lorsque Alex Honnold décide de se détacher et de grimper en solo intégral, il sait qu’il va réussir. Un point c’est tout. « J’ai juste appris à mieux comprendre les différentes facettes de la peur », conclut-il. THE RED BULLETIN
Pendant le tournage du film Alex onnold: The Soloist VR l’été dernier, H le grimpeur a découvert l’autre versant de la peur dans les Alpes françaises. Alex Honnold sera le premier à le dire : il est un grimpeur, pas un alpiniste. « J’ai l’impression de faire du tourisme, confesse-t-il. Certaines personnes font des croisières pour découvrir des paysages somptueux à travers le monde. Moi, je fais de l’alpinisme de temps en temps pour voir de magnifiques montagnes. » Et le voilà, un piolet à la main,
Alex Honnold passe sa vie à analyser. Décoder des Lego. Évaluer des voies d’escalade. Calculer les risques. Il est donc logique que son futur proche repose sur une autre équation. Lorsqu’il additionne son métier ô combien dangereux de meilleur grimpeur en solo intégral au monde et son amour de la famille, quel avenir se dessine-t-il ? Après plusieurs heures de discussion, il apparaît de plus en plus clairement qu’Alex Honnold n’a aucune idée de ce qu’il fera dans un an. Mais il est aussi évident qu’il est tout à fait préparé aux changements à venir. « Je n’ai plus besoin de passer mon temps à voyager et à grimper. J’en arrive à un stade où j’ai réalisé la plupart de mes objectifs, se réjouit-il. À présent, je suis marié et je vais bientôt être papa. Certaines choses méritent qu’on leur consacre un peu plus de temps. » Alors que je m’apprête à partir, Alex Honnold sollicite mon aide et celle de Jonathan Griffith. Nous avions bougé quelques meubles du séjour ce matin et il veut les remettre en place. « Vous pouvez m’aider avec ce canapé ? Il faut que tout soit exactement comme avant. Ou bien Sanni va me tuer. » Différentes facettes de la peur, disions-nous ? Instagram : @alexhonnold
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Escalade
Rencontre au top
Nicolas Hojac (à gauche) et Alex Honnold font une pause sur le versant sud de la Petite Crête.
Au bout d’un moment, il finit par détourner le regard. Assis sur un promontoire rocheux de la Cima Piccola dans les Dolomites, Nicolas Hojac observe l’immense paroi rocheuse qui se dresse à côté de lui. C’est là, à environ 200 mètres de Nicolas, qu’Alex Honnold grimpe le Gelbe Mauer (trad. mur jaune). Sans corde, sans assurage, en free solo. La voie fait 290 mètres de long. « Déjà pour un non-grimpeur, c’est impressionnant. Mais quand on sait tout ce qu’il y a derrière, c’est encore plus dingue. » L’été dernier, Nicolas a passé un mois dans les Alpes avec Alex Honnold pour tourner des séquences en vue du documentaire The Soloist VR. Regarder Alex 50
en pleine ascension, c’est parfois compliqué pour lui. Rien d’étonnant : ils n’ont pas du tout la même approche du risque. Mais si le réalisateur John Griffith l’a choisi comme partenaire d’escalade d’Alex, c’est que Nicolas s’est forgé un sacré statut depuis quelque temps. Le Suisse de 29 ans est considéré comme l’un des meilleurs alpinistes d’Europe et est en passe de devenir l’un des grands noms de la discipline. À 18 ans, il gravit la face nord de l’Eiger, et à 22 ans, il y établit le record de vitesse par équipe aux côtés du légendaire Ueli Steck. S’ensuivent des expéditions en Chine, au Pakistan et en Patagonie. En 2017, il gravit la Jungfrau, le Mönch et l’Eiger en une
journée. En 2020, il escalade 18 sommets de plus de 4 000 mètres en quatorze heures. Il connaît les Alpes à peu près aussi bien qu’Alex Honnold connaît son van. Nicolas nous explique son travail pendant le tournage : « Je devais réaliser la première ascension avec Alex sur les voies qu’il allait ensuite grimper en free solo et lui apporter mon aide en milieu alpin. » Honnold n’est pas exactement un habitué des crampons et du piolet. Cela s’est particulièrement ressenti sur l’itinéraire enneigé de l’arête Kuffner, près du Mont-Blanc. « Alex m’a dit : “C’est l’escalade alpine la plus difficile que j’aie jamais faite.” Ça m’a surpris : pour moi, c’était une course plutôt simple. » Comment c’était, d’être en voyage avec le meilleur grimpeur au monde ? « Nous avions confiance l’un en l’autre. Le courant est bien passé. » Le plus impressionnant pour Nicolas : Alex en free solo. « Il est à la fois super détendu, et hyper concentré. Son style de grimpe est très sûr et quand on le voit faire du free solo, on comprend mieux pourquoi il ose le faire – mais ça reste flippant. » Pour Nicolas, ce n’est pas une option. « En escalade de vitesse, il arrive qu’on ne soit pas assuré et dans ce cas-là, pas question de faire le moindre faux pas. Mais ce n’est pas la même chose. » Ce n’est pas seulement depuis l’accident mortel de son ami et mentor Ueli Steck sur le Nuptse dans l’Himalaya, au Népal, en 2017 que Nicolas Hojac pense beaucoup aux risques. Sa v ision des choses est claire : pour être un bon alpiniste, il faut être un alpiniste chevronné. Plus que l’adrénaline, c’est le côté aventure qui le fascine dans l’escalade : « C’est ce que je recherche avant tout. » THE RED BULLETIN
NICOLAS HOJAC, RENAN OZTURK
Le Suisse NICOLAS HOJAC, 29 ans, se rapproche de plus en plus de l’Olympe des grimpeurs. Il a montré un nouveau monde à la légende américaine du free solo Alex Honnold. Texte ALEXANDER NEUMANN-DELBARRE
Grimper comme Honnold Le film The Soloist VR montre Alex Honnold au plus près du mur grâce à la réalité virtuelle. Alex Honnold a déjà réalisé de nombreux films documentaires sur l’escalade, mais il a maintenant abordé le sujet sous un tout nouvel angle. Alex Honnold: The Soloist VR est une idée du cinéaste alpin Jonathan Griffith. Il plonge dans le monde de l’escalade libre de Honnold, filmé de manière spectaculaire avec une caméra de réalité virtuelle. Une équipe de six grimpeurs (dont l’athlète suisse Nicolas Hojac) a accompagné Alex Honnold sur des voies en Europe et aux États-Unis. Travailler avec la réalité virtuelle a été une toute nouvelle expérience pour Alex Honnold. « Je n’avais jamais tourné en RV auparavant. Ce projet était exactement ce qu’il me fallait, car c’est une excellente façon de montrer l’escalade d’une manière nouvelle. »
Les Alpes, Hojac les connaît aussi bien que Honnold connaît son van. Le grimpeur Nicolas Hojac (devant) sur la face ouest de l’Aiguille du Midi à Chamonix.
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Le tournage a eu lieu dans les Dolomites italiennes, les Alpes françaises et en Californie. Le spectateur peut soit se concentrer sur Honnold, soit se tourner pour observer un oiseau qui passe, par exemple, ou regarder au pied de la f alaise où un caillou tombe sur plusieurs centaines de mètres. Alex Honnold: The Soloist VR pourra être expérimenté dès le 3 mars avec un casque Oculus via l’Oculus VR Network. Making The Soloist VR montre l’aventure des grimpeurs Nicolas Hojac et Alex Honnold : redbull.com
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Hockey sur glace
UN COACH EN OR Entraîneur de l’équipe suisse de hockey sur glace, PATRICK FISCHER, 46 ans, est un homme apaisé. Au terme d’une glorieuse carrière qui l’aura mené aux sommets de son sport, l’ancien joueur a réussi à trouver la paix intérieure parmi les autochtones d’Amazonie. Devenu fervent défenseur de leur cause et de la planète, il reste obsédé par un seul métal précieux : l’or – celui qu’il faudra décrocher avec l’équipe nationale de hockey. Texte MARIO FUCHS Photos SANDRO BAEBLER
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LE RÊVE EN LIGNE DE MIRE
Patrick Fischer chez lui, lors de la séance photo pour The Red Bulletin.
Hockey sur glace
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es rafales de vent chargées d’eau de pluie viennent s’écraser contre les vitres. Dehors, les pluies hivernales font courber les arbres du jardin et le tipi installé devant la maison. Nous sommes à Sulz, un petit village de 180 âmes niché dans le canton de Lucerne, et l’homme assis face à moi est le personnage le plus important du hockey sur glace en Suisse. Depuis son fauteuil beige, ce jeune papa de 46 ans garde un œil sur le babyphone à côté de lui – sa fille, Oceania, dort dans une pièce voisine. Il regarde par la fenêtre puis se tourne vers moi : « Tu sais ce que disent les Lakotas ? Que le vent n’a jamais pour but de te tuer, mais de te rendre plus fort. » Et je devine que Patrick Fischer a dû, dans sa vie, essuyer de nombreuses tempêtes.
Le coup fatal
Cela s’est passé le 10 février 2007, à Sunrise en Floride. Pas moins de 15 300 fans sont venus assister au match des Florida Panthers, contre les Coyotes de Phoenix (Arizona). C’est aux États-Unis que se trouve la meilleure ligue de hockey sur glace au monde, et Patrick Fischer en fait partie. Lui, le gamin de Zoug, qui a grandi dans le quartier de Herti à deux pas du stade où s’entraîne l’équipe de sa ville natale, l’EV Zoug. Et c’est Wayne Gretzky, considéré comme le plus grand joueur de hockey de tous les temps, qui l’a découvert lors des JO de Turin pour l’emmener de l’autre côté de l’Atlantique. Les glaces de la National Hockey League (NHL) américaine sont plus petites qu’en Europe et le jeu plus rapide. 54
Un grand vide
Ce jour-là, à 31 ans, Patrick Fischer fait le premier bilan de sa vie. Et se pose la question fatidique : « Qu’est-ce que je fais maintenant ? Je me sentais vide à l’intérieur. » Pas question, pour autant, de mettre un terme à sa carrière. Il ne s’en sent ni la force ni le courage. Lui qui a passé sa vie à taper dans des palets ne sait pas quoi faire d’autre. Après des mois de convalescence en Suisse, il retourne à Phoenix – mais on lui fait comprendre qu’il n’a plus sa place parmi les meilleurs. Coup de chance : il reçoit une offre d’un million de francs : le SKA de Saint-Pétersbourg le réclame. Fischer rejoint l’équipe russe… avant de repartir deux mois plus tard, déçu de passer plus de temps dans les tribunes que sur le terrain. Retour à la case départ. Retour à Zoug, où il joue pour l’EV pendant toute une saison. Mais il n’est plus le même : « Je sentais que quelque chose me manquait, mais je ne savais pas quoi. » C’est alors, au printemps 2009, que son frère Marco lui propose de l’accompagner deux semaines au Pérou, à la découverte des Shipibos, une tribu qui vit au cœur de la forêt amazonienne : à peine quelques huttes blotties dans une clairière, un endroit coupé du monde, hors de toute modernité. Fischer est pris de panique par la simplicité de ce qu’il découvre. Lui, l’athlète de haut niveau, le « sunny boy » habitué à vivre à cent à l’heure, à penser plus vite que son ombre, à gérer le stress et la pression au quotidien depuis des années, se sent, face à un tel dépouillement, complètement désemparé. Perdu au milieu du silence, il se retrouve confronté à lui-même. Et ne pense qu’à quitter cet endroit maudit. En plein désarroi, il se confie à Horacio, un vieux THE RED BULLETIN
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Patrick Fischer des Coyotes de Phoenix lors d’un match contre les Ducks d’Anaheim, 2006.
Fischer a désormais l’habitude et le match s’annonce bien pour lui. Jusqu’à cet écart involontaire d’une de ses jambes, faux mouvement fatal, qui le terrasse. Il sort péniblement de la glace, soutenu par deux membres de l’équipe médicale. Deux heures et demie de vol plus tard, il est pris en charge dans une clinique de Philadelphie, et le verdict tombe : déchirure musculaire des adducteurs. Le Coyote de Phoenix est obligé de passer sur le billard. Alors qu’il se repose après l’opération, Patrick Fischer se met à réfléchir. Il faut se rendre à l’évidence : la saison, pour lui, est terminée. C’est un coup dur, la fin d’un rêve pour lequel il avait tant lutté afin de s’imposer face à des centaines d’autres joueurs. Il sort de l’hôpital, et part se réfugier dans un grand hôtel de Philadelphie. Là-bas, étendu dans un lit king size, au milieu de dixsept oreillers (il les a comptés) et des petites bouteilles qu’il sort du minibar, il fixe le plafond, hagard, épuisé de fatigue et de douleur. C’est à ce moment que lui vient cette pensée, comme une révélation : « J’ai atteint tous mes objectifs. J’ai fait partie de la NHL. À partir de maintenant, je ne me mets plus la pression. »
« Le vent n’a pas pour but de te tuer. Il veut te rendre plus fort.» Patrick Fischer joue sur un tambour chamanique des Lakotas.
Hockey sur glace
hipibo. La réaction du vieillard est encore gravée dans S sa mémoire : après l’avoir écouté parler, Horacio n’a rien dit. Un long silence. Puis un rire. Rien de plus. C’est là que Fischer comprend qu’il doit rester avec eux. « Cette insouciance, cette sérénité qui se dégageait de lui, c’est ce qui m’a redonné confiance. J’ai compris que je ne devais plus avoir peur. » Il apprend lentement à lâcher prise, commence à prendre conscience de lui-même mais aussi de la nature qui l’entoure, de ses bruits, ses couleurs, des créatures qui l’habitent. Il y trouve une nouvelle vérité : si son monde à lui tourne autour du hockey sur glace, la Terre, dans son ensemble, a tellement plus de choses à offrir. De retour à Zoug, il annonce son départ à la retraite : il ne jouera plus que pour les seniors. Et c’est ainsi qu’en septembre 2010, il enfile une dernière fois son maillot – le numéro 21 – dans les vestiaires du stade Herti de Zoug. Pour lui rendre hommage, l’EVZ décide de ne plus jamais donner son numéro à un autre joueur.
Retrouver l’harmonie
Patrick Fischer est alors convaincu d’avoir pris la bonne décision en réussissant à quitter la scène au bon moment – chose que beaucoup d’athlètes ne parviennent pas forcément à faire. Petit bémol : personne autour de lui ne comprend sa décision. Son directeur, son coach, les médias encore moins : qu’un athlète au top de sa forme et de sa carrière puisse renoncer à son contrat et à un salaire très confortable était incompréhensible. Un journaliste suisse écrit même que Fischer « aurait très bien pu rester encore trois ou quatre ans en LNA », estimant au passage le « manque à gagner » de l’athlète suisse à « une somme à sept chiffres ». L’ancien hockeyeur part se ressourcer au Tessin, auprès de son fils adulte, né d’un premier mariage. Il retrouve enfin du temps pour lui, se plonge dans la lecture, se met au yoga et commence à s’intéresser à la spiritualité. Petit à petit, il se rend compte qu’il n’est pas obligé de tirer un trait définitif sur le hockey. « Je savais que j’avais envie de contacts humains, de travailler avec les énergies. » Ce fut selon lui « une longue quête », dont le voyage au Pérou fut l’étincelle salutaire. « Contrairement à nous, les Shipibos n’ont pas oublié que les réponses à tous nos questionnements se trouvent en nous. » Ce sont eux qui lui auraient redonné l’envie de se faire confiance. « Tant que je suis en harmonie avec la nature et avec moi-même, tout va bien. » Une paix intérieure retrouvée, qui demande aussi de laisser la place à d’autres sentiments plus douloureux, comme la déception ou le deuil. Pour Fischer, c’est la clé du « principe de résonance » : « Si tu passes ton temps à te plaindre, tu vas rester dans une situation qui t’amènera à te plaindre. » Bref, il s’agit de remplacer le cercle vicieux par un cercle plus vertueux. 56
SAGESSES ANCESTRALES Cinq principes amérindiens et leur application dans la vie de Patrick Fischer. « CONSIDÈRE LA TERRE ET TOUT CE QUI Y VIT AVEC RESPECT. » Cela veut dire qu’il faut non seulement respecter les animaux et nous-mêmes, mais aussi les arbres, les plantes, toute la nature. Quand on pénètre dans une forêt, on devrait d’abord saluer les arbres, qui sont chez eux. Je leur demande si je peux y entrer, moi aussi. C’est comme ça qu’on crée un lien et une relation avec la nature.
« SOIS HONNÊTE ET RECHERCHE LA VÉRITÉ À CHAQUE INSTANT DE TA VIE. » La vérité est parfois difficile à dire ou à entendre. Mais je souhaite qu’on puisse un jour dire de moi, lorsque j’aurai disparu : « Quand je posais une question à Patrick, je recevais une réponse franche. » C’est en étant honnête avec soi-même et avec les autres que l’on évolue. Évidemment, il faut faire attention à la façon dont on parle, mais si on me demande comment c’était, et que je réponds « bien » alors que je n’en pense pas un mot, ce n’est bon ni pour moi, ni pour l’autre, qui ne peut rien faire de ma réponse. Donc : ayons le courage d’être honnêtes.
Patrick à cheval dans les Blackhills dans le Dakota du Sud, 2018.
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Patrick Fischer revisite régulièrement les lieux qui lui donnent de la force, ici dans la Vallée sacrée des Incas au Pérou, 2017.
« AGIS POUR LE BIEN DE L’HUMANITÉ TOUTE ENTIÈRE. » Nous n’avons qu’une seule planète et nous sommes tous dans le même bateau, nous devons donc arrêter de penser comme des égoïstes. Il faut penser au bien de tous et des générations suivantes – afin que celles et ceux qui viendront après nous puissent profiter d’une Terre viable. C’est pour cela que j’essaie de faire comprendre aux gens comment vivre en harmonie avec soi-même, avec la nature. Un des objectifs à se fixer pour l’avenir serait par exemple de vivre dans une sorte de « biocratie », une forme de société antispéciste où toutes les formes de vie sont à égalité. C’est la nature qui doit dicter sa loi, pas l’Homme : j’essaie de partager cette idée autour de moi, pour que chacun d’entre nous puisse agir en conscience.
PATRICK FISCHER
« PRODIGUE ASSISTANCE ET BONTÉ PARTOUT OÙ CELA EST NÉCESSAIRE. » C’est un principe que j’essaie d’intégrer le plus possible à ma vie : donner davantage et apporter mon aide, chaque fois que cela m’est possible. Que ce soit dans la rue ou à la caisse du supermarché. Quand on se rend compte que quelqu’un a besoin d’aide, il ne faut pas hésiter. C’est un beau principe car on finit toujours par recevoir en retour ce que l’on a donné. Et ça fait du bien dans les deux sens : quand on apporte son aide et quand on en reçoit en retour.
THE RED BULLETIN
Avec sa partenaire Mädy à Pucallpa, au Pérou.
« CONSACRE UNE PARTIE DE TES EFFORTS AU PLUS GRAND BIEN. » Il est important d’utiliser ce que l’on a pour servir des causes plus nobles. Nous avons ainsi différents projets dont une partie des revenus est versée à une fondation qui veut aider à préserver l’avenir des générations futures. Ce qui me tient à cœur, c’est de toujours penser un peu plus loin que le bout de mon nez.
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« “Les solutions se trouvent en nous”, disent les Shipibos. » Concentré et décontracté à la fois : Patrick Fischer lance un puck en l’air
Hockey sur glace
Cette force de caractère a manifestement plu à la Swiss Eis Hockey Federation en 2015, puisqu’elle l’a choisi, en dépit des critiques, pour devenir l’entraîneur officiel de l’équipe nationale. Une fois en poste, le nouveau coach Fischer met en pratique les enseignements qu’il a tirés de ses séjours en Amazonie, notamment celui-ci : dans notre société, notre obsession de la performance est trop souvent liée à une pression négative. Voilà pourquoi la première chose qu’il enseigne désormais à ses joueurs, c’est de croire en soi. De se faire confiance. Il n’y a que comme ça que l’on peut réellement évoluer. Pour y arriver, il fait réaliser un profil de personnalité à chacun des membres de l’équipe : quels sont leurs atouts, leurs faiblesses, qu’est-ce qui les motive ? Dans le même esprit, il préfère consacrer plus de temps à analyser une victoire plutôt que de ressasser une défaite. « Reconnaître ses points forts est beaucoup plus efficace que de se prendre la tête pendant des jours sur ce qui n’a pas marché. » Une telle posture, venant d’un entraîneur national, pourrait être taxée d’arrogante : un reproche qui aurait certainement dérangé l’ancien Patrick Fischer. Mais aujourd’hui, il a appris à accepter les critiques… sans se laisser dévier de sa ligne de pensée. Il lit très peu les journaux, n’allume la télé que pour les matchs de hockey et n’achète des livres que sur les conseils d’amis proches. « J’ai un système qui ne supporte pas cette overdose d’infos à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui. Je n’en ai pas besoin. »
Chercheur d’or
La nature est devenue « son église », comme il le dit luimême – et l’une de ses plus grandes préoccupations. « Nous poussons la planète dans ses dernières limites. On ne pourra pas survivre avec des forêts décimées et des océans vidés de leurs poissons. Il faut tout arrêter ! » Voiture électrique, panneaux solaires sur le toit et chauffage écolo en sous-sol : si Fischer a adopté un mode de vie plus durable, il a aussi voulu aller plus loin. Il cherche en effet à créer une prise de conscience autour de lui, à inciter celles et ceux qu’il croise à penser de manière plus large : « Quand des gens se mettent en relation pour parvenir à quelque chose, ils essaient toujours de faire en sorte que les deux partis y gagnent, qu’il n’y ait pas de perdant. Ce qu’il faudrait, c’est que l’on perçoive de la même manière notre relation à la nature. Et que l’on prête enfin attention aux peuples indigènes, parce qu’ils ont tant à nous apprendre. » Patrick Fischer continue de traverser régulièrement l’Atlantique, que ce soit pour entretenir les amitiés qu’il a liées avec les Lakotas (dans le Dakota du sud) ou pour visiter les terres qu’il a achetées avec son frère Marco au Costa Rica et au Pérou. Il s’agit de projets visant à préserver la nature du lieu et les gens qui y vivent : THE RED BULLETIN
ÉCO-LOGIQUE
Dans son garage, Patrick Fischer recharge sa Ford Mustang entièrement électrique. Une conduite manière à la fois durable et sportive est très importante pour lui.
au Costa Rica, il a ainsi fait l’acquisition, en partenariat avec son frère et d’autres amis, du Saladero Ecolodge – un lieu de retraite idyllique, caché dans un écrin de verdure accessible uniquement en bateau. Cet endroit est un modèle de tourisme durable : l’énergie est solaire, la nourriture locale, et les employés peuvent profiter de la culture des noix de coco pour fabriquer de l’huile et la revendre. Pour Patrick Fischer, c’est une quête de sens qui ne fait que commencer : « J’ai envie d’apporter ma contribution au monde, et d’aider autant que je peux. » Mais sa mission prioritaire, pour l’instant, c’est de ramener l’or. Ce qui serait une première historique pour l’équipe suisse, chez les adultes du moins. Et un objectif plus que réalisable, car selon Fischer, la Suisse a le potentiel de gagner l’or un jour : « J’ai le meilleur staff dont on puisse rêver, sans oublier tous les fans qui nous soutiennent à fond, avec une force incroyable. » Le babyphone posé à côté de lui se met soudain à grésiller – signe que la petite Oceania vient de se réveiller. Le père se lève et revient s’asseoir quelques instants plus tard, avec dans les bras un bébé au visage encore ensommeillé. En regardant par la fenêtre les lourdes gouttes de pluie s’écraser sur les vitres, il m’explique pourquoi il a une telle confiance en son équipe : lorsqu’il jouait au hockey, il a été capable de réaliser chacun de ses rêves. Et c’est pour cela que la Suisse peut espérer en faire autant cette année. « Nous travaillons dur et sommes convaincus de pouvoir atteindre ce but. Il suffit juste que nous ayons le courage d’y croire. »
Game Time: Zwei Welten. Ein Weg. Propos recueillis par Doris Büchel. L’autobiographie de Patrick Fischer, est parue en allemand aux éditions Wörterseh.
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Longboard dancing
LES ROUES DE LA LIBERTÉ Championne du monde de longboard dancing freestyle en 2020, MARINA CORREIA, 23 ans, originaire du Cap-Vert, veut sensibiliser ses contemporains et faire rayonner ce sport qui lui a permis de s’émanciper et de trouver son équilibre. Texte MARIE-MAXIME DRICOT
Photos LITTLE SHAO
GLISSE DE NICE
Marina a obtenu son titre mondial grâce à une participation vidéo en ligne.
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Longboard dancing
M
arina Correia avait 17 ans lorsqu’elle a vu un longboard pour la première fois. Elle se souvient très bien de ce qu’elle a pensé : « C’est super long, beaucoup plus qu’un skateboard. À quoi ça sert ? » On lui a dit que la longueur permettait de rouler plus vite et de manière plus stable. Elle se souvient aussi s’être étonnée qu’on puisse même rouler avec un tel engin. Depuis, la fascination pour le longboard ne l’a plus quittée. Elle a commencé à s’entraîner à Nice, sur la célèbre Promenade des Anglais, le long de l’Opéra Plage, la plus ancienne plage de sa ville d’accueil. Tous les jours, toute l’année depuis 2015, pendant des heures ; la police a gentiment choisi de fermer les yeux. Aujourd’hui, six ans plus tard, Marina est championne du monde, titre qu’elle a remporté en 2020 dans la catégorie Freestyle Longboard Dancing, devenant ainsi la toute première femme noire à accéder au podium de cette discipline. Cette année, la compétition s’est déroulée en ligne, face à des milliers de concurrentes qui ont d’abord postulé via Instagram. Les finalistes sélectionnées par un jury ont ensuite dû fournir une vidéo : une « ligne », un enchaînement de figures, de pas de danse et de tricks pendant une minute. Le jury a demandé trois fois à Correia si elle n’avait pas modifié la vitesse de la vidéo. « J’ai dû leur expliquer à plusieurs reprises que j’allais tout simplement très vite », raconte-t-elle en riant. 62
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« Je skate pour moi-même. Mon style est sauvage, j’aime le risque. » Marina Correia, championne du monde de longboard dancing 2020.
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Attention, risque d’addiction !
Le longboard dancing consiste à effectuer des pas de danse ludiques sur la planche, et à se déplacer de la manière la plus élégante et la plus fluide possible ; avec quelques figures(wheelies, big spins, hippie jumps, etc.) de temps en temps, mais pas trop. Le longboard dancing s’est développé à l’origine à partir du surf et a tout pour rendre accros ceux qui s’y mettent. Pour Marina Correia, le longboard représentait l’outil idéal pour s’évader et s’intégrer. À 14 ans, elle débarque en France depuis le Cap-Vert, un archipel situé à 570 kilomètres au large du 64
énégal, accompagnée de sa mère et de S sa sœur. À l’époque, elle n’avait pas les meilleures cartes en main : « J’étais un peu perdue à cause des différences culturelles et de la langue », dit-elle aujourd’hui, gommant ainsi poliment la situation telle qu’elle fut réellement. Car la jeune fille aux origines brésiliennes et
« Tu touches à ma planche, t’es dead ! »
capverdiennes avait une couleur de peau différente de celle de la majorité de ses camarades, elle portait une coupe afro et ne parlait que très peu le français, avec un accent très marqué. De plus, l’agitation de la vie urbaine de Nice lui donnait du fil à retordre, à elle, l’insulaire. « Quand je suis arrivée ici, précise-telle, je n’avais aucune confiance en moi. Je sentais qu’on me regardait différemment à cause de ma peau et de mes cheveux. » Au début, elle se montrait très silencieuse à l’école, de peur qu’on se moque d’elle. Elle a cherché le contact avec les autres dans le sport. D’abord via le football (où elle a été recalée en raison THE RED BULLETIN
Longboard dancing
de son manque de connaissances en français), puis grâce au taekwondo. Ce n’est que la planche qui lui a ouvert de nouveaux horizons. « C’était la première chose qui me faisait sourire, qui me donnait de la joie. C’est grâce au longboard que je me suis sentie libre pour le première fois. Tout ce que je veux, c’est continuer à apprendre et devenir encore meilleure que je le suis actuellement. » Et visiblement, le talent s’est ajouté à cette volonté, car un an seulement après être montée pour la première fois sur un longboard, Marina Correia a décroché un contrat de sponsoring de la marque californienne Sector 9, l’un des fabricants de boards les plus connus du milieu. Elle a réussi à développer son propre style qu’elle qualifie, avec un mélange d’assurance et de fierté, d’unique : unisexe, sauvage, rapide et élégant. « Je n’ai besoin de l’approbation de personne et je n’essaie pas non plus d’impressionner qui que ce soit, expliquet-elle pour décrire son approche personnelle du sport. Je skate pour moi-même. Mon style est sauvage, j’aime le risque. Je me fiche de me faire des bleus ou de me casser un doigt, tant que je m’amuse. Pour moi, le plaisir réside dans le défi. »
Le bonheur partagé double
TREMPLIN
Arrivée en France timidement, Marina a libéré toute sa personnalité grâce au longboard.
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La jeune femme d’aujourd’hui, pleine d’humour et de confiance en elle, n’a pratiquement plus rien à voir avec la jeune fille timide qu’elle était il y a neuf ans. Elle veut désormais transmettre le bonheur qu’elle a reçu à d’autres. Depuis quelque temps, l’étudiante en langues (anglais, portugais, espagnol) donne des cours de longboard dancing sur la Promenade des Anglais, ses élèves sont de tous âges et certains ont une vocation tardive. Une chose les unit tous : « Dès qu’ils ont un peu confiance en la planche et en leurs capacités, tout se passe comme sur des roulettes, c’est fascinant. » Elle mentionne spécialement Louise, une fillette de huit ans pleine d’énergie. « Si elle continue comme ça, s’exclame Marina, elle sera meilleure que moi dans quelques années. » La jeune championne projette de se rendre prochainement au Cap-Vert, son pays d’origine, afin de faire découvrir son sport favori à la population locale.
« Championne, noire, lesbienne, forte et vulnérable à la fois. » Elle espère devenir un modèle pour les jeunes qui cherchent encore leur voie dans la vie. Un modèle qu’elle n’a jamais eu elle-même. C’est aussi pour cette raison qu’elle a lancé en 2017 l’initiative Girls Skate Out, parce qu’elle estime que les jeunes filles et femmes sont encore sous-représentées dans le milieu. Et aussi parce que l’image des femmes qui a prévalu jusqu’à présent sur la scène skate lui déplaît. « Pendant bien trop longtemps, elle a été dominée par des beautés blanches très sexualisées, explique-t-elle, et je veux changer cette donne. » Marina Correia a appris à s’assumer, peu importe l’avis des autres. En ce qui la concerne, ce n’est certainement pas un exercice facile. Elle est, comme elle le dit elle-même : noire, lesbienne, forte et vulnérable à la fois. Et elle est l’une des meilleures danseuses de longboard sur tous les continents. Après son titre de championne du monde en 2020, elle est devenue vice-championne du monde en 2021, derrière sa compatriote Antonine Champetier. Elle a désormais une relation très particulière avec son longboard : « J’ai toujours considéré ma planche comme un être humain, confie-t-elle. Cela peut paraître fou, mais j’y suis justement très attachée. » Et donc, quiconque s’en approche de manière inappropriée a des problèmes. « Ce n’est pas juste un objet qui me suit, c’est une extension de moi-même. Si tu l’approches et que tu t’y attaques sans autorisation, c’est comme si tu violais mon intimité. En bref, si tu touches à ma planche, t’es dead ! » Bizarrement, on a envie de la croire… Regardez les prouesses acrobatiques de Marina Correia dans notre vidéo exclusive.
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Nightlife
Le pouvoir de la nuit Fêtes de rue, douches de champagne, quinze millions d’habitants. Le photographe nigérian ANDREW ESIEBO documente l’intense vie nocturne de Lagos, sa ville natale. Un reportage « de l’intérieur » sur la capitale mondiale de l’afrobeat. Texte et photos ANDREW ESIEBO
VOIR ET ÊTRE VUE
« J’ai remarqué cette femme lors d’une fête sur l’île Lagos. Vers la fin de l’année, les habitants y organisent des fêtes de quartier où l’on joue du rock à plein tube. L’ambiance est électrique car chacun veut se faire une place dans la foule. En ce qui me concerne, j’essaie de passer inaperçu mais cette femme voulait être vue même si elle évitait les contacts visuels. »
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Nightlife
« Je veux parler de la culture vivante du Nigeria »
Andrew Esiebo, 43 ans, aujourd’hui photographe de renommée internationale, est originaire de Lagos et a appris son métier en commençant, il y a plus de vingt ans, à photographier les gens de son quartier. « Lagos est tristement célèbre pour sa criminalité, explique Esiebo. Les histoires sur L agos reviennent toujours sur ce sujet. Les médias internationaux parlent rarement de la culture vivante et de la vie nocturne. » Esiebo a commencé à documenter les soirées en 2013. « J’ai pris conscience du pouvoir des DJs et de l’afrobeat, explique-t-il. Avec le passage à la démocratie (en 1999, après des décennies de dictature militaire, ndlr), l’économie a explosé et les gens se sont mis à avoir plus d’argent. L’une des façons d’exprimer cette nouvelle prospérité a été de faire la fête. » Les photos d’Esiebo montrent également l’évolution rapide de la société nigériane. « Il y a une classe moyenne croissante même si la recherche d’une meilleure qualité de vie a entraîné de grandes inégalités. Mais tout le monde veut la même chose. Même les gens désargentés veulent boire du champagne. » La pandémie de Covid-19 a beaucoup moins frappé la scène festive de Lagos qu’on pourrait le croire. « Bien sûr, la vie nocturne n’est plus aussi animée qu’avant 2020, mais elle n’a pas cessé pour autant. »
CHAMPAGNE POUR TOUT LE MONDE !
« On boit pas mal de champagne ici au Nigeria. En 2016, Lagos était au deuxième rang, après Paris, pour la consommation de champagne. Lors des soirées, certains s’accrochent à leur bouteille, même si elle est vide depuis longtemps. J’ai photographié le type sur la photo de droite à Ikeja – ce n’est pas vraiment un quartier pauvre, mais il ne fait pas non plus partie des endroits les plus riches. Plus le champagne que tu achètes est cher, meilleure est la place que tu obtiens dans la zone VIP. J’ai réalisé que les gens ont plutôt tendance à se comporter de la sorte lors des soirées de la classe ouvrière et de la classe moyenne car c’est une manière de se valoriser. Ils veulent être comme les big boys. En revanche, chez les riches, on est loin de boire autant. »
Pour plus de reportages sur l’Afrique : andrewesiebo.com
DEVANT LA PORTE
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BAPTISTE DE VILLE D’AVRAY
« C’est l’entrée du club et restaurant Spice Route dans le quartier aisé de Victoria Island. J’ai pris cette photo parce que j’aimais la porte : son design ethnique illustre l’esthétique répandue à Lagos. Je voulais aussi immortaliser les videurs. Auparavant, ils n’étaient présents que dans les clubs haut de gamme mais aujourd’hui, il y en a presque partout. Ils sont typiques des soirées en ville. » THE RED BULLETIN
LES FEMMES À LA CONQUÊTE D’UN DOMAINE MACHO
« Une fois par an a lieu le Jimmy’s Jump Off, une soirée qui célèbre la scène hip-hop nigériane. Avant l’explosion du genre afrobeat, le reggae et le hip-hop étaient les styles musicaux les plus p opulaires ici. C’est à cette époque que DJ Jimmy Jatt s’est fait un nom. Aujourd’hui, il perpétue l’esprit avec cette soirée. Cette photo montre DJ Nana. Ce cliché est important pour moi parce que la scène DJ au Nigeria est assez macho ; il y a peu de femmes, seulement quatre ou cinq parmi les meilleurs DJs. Elles conquièrent désormais ce milieu. »
Nightlife
LE PIMENT DE LA VIE
« Cette statue de Bouddha est au centre du Spice Route Asian Restaurant and Bar sur Victoria Island, un quartier aisé de Lagos. L’attraction de cette soirée n’était toutefois pas la contemplation, mais DJ Obi, l’un des plus célèbres au Nigeria, en haut à gauche de la photo. Aujourd’hui âgé de 36 ans, Obinna Levi Ajuonuma, de son vrai nom, a fait ses études aux États-Unis et a été élu meilleur DJ au monde lors des Nigeria Entertainment Awards 2011. »
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UN VERSACE PRESQUE AUTHENTIQUE
« Cette photo illustre le rêve d’ascension sociale. Ce tee-shirt ressemble un peu à un Versace, mais on voit au premier coup d’œil qu’il s’agit d’un faux. Malgré tout, cet homme le porte avec fierté. Les gens aiment les produits Versace, mais ils sont trop chers. Ils n’ont donc pas d’autre choix que de se tourner vers les copies. Cela dit, le regard et le langage corporel montrent la fierté avec laquelle il porte son teeshirt, comme s’il s’agissait d’un vrai. »
SIGNAUX DE FUMÉE EN PROVENANCE D’AMÉRIQUE
« Les cigares ne sont pas chose courante dans les rues de Lagos, mais les gens en fument parce qu’ils aspirent à ce qu’ils voient à la télévision et chez leurs idoles hip-hop. Quand des stars comme Jay-Z ou autres fument le cigare, tout le monde à Lagos veut les imiter. Pour moi, cette image ne parle donc pas seulement de la consommation dans les soirées, mais aussi de la manière dont les gens se réinventent socialement. »
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LA FIÈVRE DE LA FÊTE SUR L’ÎLE
« Cette photo a été prise sur l’Île Ilashe, une région célèbre pour ses maisons de plage. Des marques de luxe y sponsorisent des fêtes haut de gamme, ici un fabricant de cognac. L’événement s’appelait All White Privilege Party. Code vestimentaire : tout en blanc. Ce n’était assurément pas un événement pour les moins nantis. Je voulais faire le portrait de ceux qui dansaient et montrer l’énergie qu’ils dégageaient. » 74
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Nightlife
LES FÊTARDES
« Ces deux femmes à la soirée Jimmy’s Jump Off sont jumelles. On dirait qu’elles portent des uniformes pour la fête. La même tenue, les talons hauts… leur style était unique. Les gens à Lagos aiment s’habiller de cette façon, avec des couleurs vives et des accessoires voyants, mais je n’avais jamais vu deux personnes habillées de façon identique côte à côte. »
DES MARIAGES SOUS UNE PLUIE D’ARGENT
« Je n’ai pas l’habitude de prendre des photos de mariage, mais je voulais explorer ce domaine pour mon projet. Les mariages nigérians sont géants et excessifs, comme le montre la photo ci-dessus. On y voit les invités entrer en extase grâce à la musique et à la danse. Ils portent des vêtements traditionnels nigérians, comme c’est le cas lors des mariages et à l’église. Certaines entreprises autorisent les employés à porter l’habit traditionnel au bureau le vendredi afin de leur permettre d’afficher leur identité culturelle. » « Lors de noces au Nigeria, la coutume veut que des liasses de billets soient dispersées sur la piste de danse (photo ci-dessus). Les gens veulent ainsi afficher leur richesse. Toute personne invitée à un mariage peut le faire. Malheureusement, le gouvernement tente actuellement d’interdire cette pratique ; il prétend que cela dévaloriserait la monnaie. Cette photo donne un petit aperçu de cette tradition à travers le pays. Parfois, toute la piste de danse est recouverte d’argent. » THE RED BULLETIN
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PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée
ADOBE STOCK
CHAUD DEVANT !
La globe-trotteuse allemande Ulla Lohmann nous propose un safari photo sur l’Etna et le Stromboli. 79
PERSPECTIVES voyage
« On se sent minuscule dans le ventre de la Terre mère, et conscient d’être là où tout a commencé. » Ulla Lohmann, guide de voyage et photographe, évoque ici la magie des volcans.
L
es volcans m’ont toujours fascinée. À 18 ans, j’ai remporté le concours « Jugend forscht » (trad. Jeunesse et Recherche) en Allemagne et me suis offert un voyage autour du monde avec l’argent du prix. Quelque temps plus tard, me voilà dans le Pacifique Sud, à Vanuatu, avec mon sac à dos, visitant l’intérieur d’un cratère. Le lac de lave était impressionnant, mais petit. L’expérience n’en était pas moins captivante et a marqué la naissance de ma passion pour les volcans, une passion qui ne m’a plus quittée. Chaque volcan a son propre caractère. L’Etna par exemple, me fait penser à une femme agitée, toujours au bord de la rupture : elle explose un instant, puis retrouve son calme, jusqu’à ce que la pression redevienne supportable. Voisin de l’Etna, le Stromboli est à l’antipode. Je vois en lui un vieil homme allant son chemin en toute quiétude, et lorsque l’envie d’éructer le prend, il le fait en toute insouciance. La proximité géographique de ces deux volcans si différents fait tout l’intérêt de ce safari-photo en Sicile et à Stromboli.
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Une coulée de lave sur le Stromboli : le flux s’écoule dans la mer le long de la Sciara del Fuoco (trad. le chemin de feu).
Un bateau assure la liaison entre la Sicile, Stromboli et Vulcano (ici en photo). THE RED BULLETIN
Vulcano au fond : la Sicile et les îles éoliennes portent l’empreinte de l’activité volcanique.
Le voyage En avion, en train ou en voiture ; puis, le ferry ou un bateau. L’Etna et le Stromboli se situent tous deux à l’extrême sud de l’Italie. Stromboli est une petite île située aux abords de la Sicile. Un ferry via Catane et le port de Milazzo vous y emmène. Plusieurs itinéraires conduisent au sommet du volcan. Ulla Lohmann recommande la route pittoresque de Ginostra. L’ascension de l’Etna est relativement facile, un téléphérique dessert la partie inférieure : le Funivia dell’Etna dépose
Italie
Rome
les passagers à 2 504 mètres d’altitude, le sommet se situant à 3 357 mètres. Un bus 4×4 conduit ensuite les adeptes du confort à environ 3 000 mètres.
Stromboli Vulcano Etna SICILE
Catane
ULLA LOHMANN (2), ADOBE STOCK (2) WERNER JESSNER
Bouillon de lave Je pratique la photographie depuis plus de vingt ans. Je suis certes géographe de formation, mais la photographie et les voyages restent mes passions de toujours. J’aime à croire que je suis une conteuse d’histoires, et la photo est mon mode d’expression. Je suis toujours en vadrouille. Pour financer mes voyages, j’ai même été cuisinière sur un bateau. Cela m’a permis de parcourir le monde et je ne compte pas m’arrêter. Mon mari et moi détenons le record du monde de la plus longue descente en rappel dans un volcan actif : 600 mètres ! Ce fut l’une des expériences les plus intenses de ma vie. J’avais l’impression d’être dans le ventre de la Terre. Cela n’a rien d’agréable, mais c’est incroyablement THE RED BULLETIN
Bon à savoir
Une éruption sur l’Etna : selon Ulla Lohmann, le volcan a l’âme d’une femme agitée.
L’Etna (3 357 m d’altitude) est le plus haut volcan actif d’Europe, son sommet compte quatre cratères et près de 400 cratères secondaires. Son activité millénaire a entraîné à plusieurs reprises la destruction de la ville de Catane, posée à son pied. Son éruption en 44 av. J.-C. aurait été si violente que le nuage de cendres a obscurci le ciel jusqu’à Rome et aurait été à l’origine des mauvaises récoltes en Égypte et en Chine. La dernière éruption remonte au mois d’octobre 2021, avec des nuages de cendres projetés à 9 000 mètres d’altitude.
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PERSPECTIVES voyage
Expédition avisée Mais nul besoin d’être au cœur d’un volcan pour sentir sa magie, son odeur de soufre, son énergie explosive ! Et l’adrénaline n’est pas à vrai dire ma tasse de thé, bien au contraire. Je planifie soigneusement mes expéditions en calculant chaque risque. Je ne m’aventure sur les volcans que lorsque les conditions sont sûres. Et pour ne laisser rien au hasard, je consulte les scientifiques et les observatoires. J’ai également une formation en gestion de l’environnement et mon conjoint est géologue. Nous agissons de manière avisée. Les amateurs de volcans doivent garder plusieurs 82
« Plus on en sait sur un volcan, plus on est capable de sentir son âme. » La photographe Ulla Lohmann, 44 ans, partage volontiers son savoir avec ses hôtes.
choses à l’esprit : les volcans sont des montagnes qui génèrent leur propre climat. Les gaz qui en émanent favorisent la formation de nuages, ce qui explique les fréquentes précipitations près du sommet. Une veste étanche et un sac à dos résistant protégeant l’appareil photo et les objectifs sont donc recommandés ! Pensez d’ailleurs à emporter des téléobjectifs, car on ne peut pas toujours s’approcher autant qu’on le souhaiterait. J’utilise un 24 à 105 mm standard. Je dispose également d’un 100-500 mm, mais son poids devient problématique en montagne. Par ailleurs, même si un trépied reste nécessaire, celui-ci n’a nul besoin d’être sophistiqué. Il permet surtout de réaliser des photos très différentes de celles prises à main levée. Une photo doit avant tout susciter la curiosité. Et pour ce faire, le photographe doit maîtriser le sujet qu’il photographie. Ce qui, selon moi, est important : la différence entre le magma et la lave, le moment où les coulées de lave se sont formées, le type de gaz dans chaque volcan. Plus on en sait sur un volcan, plus on est capable de sentir son âme. ullalohmann.com THE RED BULLETIN
ADOBE STOCK, SEBASTIAN KAYSER
puissant. Les impressions sensorielles vous submergent : la terre tremble, les gaz piquent le nez et le lac de lave bouillonne dans un vacarme assourdissant. En levant la tête, le ciel n’apparaît plus que derrière une toute petite ouverture qui semble hors de portée. En regardant vers le bas, dans le ventre de la Terre, on se sent tout à coup minuscule. Vous réalisez que vous êtes là où tout a commencé. Les volcans sont à l’origine de la vie sur notre planète. Un sentiment de gratitude vous envahit.
WERNER JESSNER
Le voyage à la découverte des volcans de l’Italie du Sud débute à Catane, la ville située au pied de l’Etna (ici en arrière-plan).
PRESENTED BY
SWITZERLAND
E S S I U S , G U O Z 2 2 0 2 I A M 8 VENT PAS
U E P E L E N I U Q X U E C R U O P R I R U CO INTENANT INSCRIS-TOI MA
I C I E P I C I T R A P
PERSPECTIVES fitness
ENTRAÎNEMENT
Ça roule Sept conseils pour les débutants en course à pied : le triathlète Max Studer révèle comment améliorer vos perfs et le plaisir à l’entraînement en un rien de temps.
1 Ne pas aller trop vite Au début, la vitesse ou les longues distances ne devraient pas être une priorité. Il est particulièrement important de commencer par un jogging lent pour atteindre sa vitesse de croisière. Cela permet de prévenir les blessures et de préparer le corps de manière optimale à de nouveaux efforts.
Max Studer sur le col de la Flüela, GR.
3 Ne pas tout donner trop vite
4 Garder son objectif en tête
6 Faire attention à son environnement
Nombre de coureurs débutants commettent l’erreur de dépasser leurs limites physiques et mentales trop vite, surtout au début. Le plus efficace est de terminer la course lorsqu’il vous reste quelques réserves d’énergie, car il y a alors encore un peu de jus pour le prochain run et l’obstacle est moindre.
Prendre quelques instants pour réfléchir à la raison pour laquelle on enfile ses chaussures de course donne de la force pour les kilomètres à venir. J’ai appris à connaître et à aimer la course à pied dans mon club de sport depuis mon plus jeune âge. Voici le meilleur conseil qu’on m’ait donné : « Sors et amusetoi ! » Depuis, je m’y tiens et cela me motive chaque jour.
La musique peut être un bon moteur, mais il est plus sûr de courir dans la rue sans elle. À la place, on peut écouter sa propre respiration ou son pouls.
2 Trouver le bon équipement Il est essentiel pour apprécier la course. Des chaussures trop petites ou des vêtements mal ajustés tuent la motivation. Plus on se sent à l’aise, plus on a de plaisir à chaque kilomètre. Cela vaut donc la peine d’y consacrer suffisamment de temps et de budget. Personnellement, je mise sur les modèles Cloudflow et Cloudboom Echo de On. 84
5 Travailler son style de course
« On est efficace quand il reste des réserves d’énergie après la course. » Max Studer, triathlète
Courir est facile, bien sûr ! Mais il est très avantageux d’analyser très tôt son propre style de course, notamment chez des spécialistes comme Intersport ou dans des instituts de sciences du sport. C’est la seule façon de travailler sa technique dès le début et d’exploiter pleinement son potentiel en course à pied.
7 C’est la variété qui fait la différence En s’entraînant dans différents endroits et sur différents supports, on fuit l’ennui. C’est important, surtout au début, pour conserver le plaisir. Mais sur un parcours toujours identique, on peut mesurer ses propres progrès. Lors de la Wings for Life World Run, des milliers de personnes courent simultanément dans le monde pour une bonne cause : les recettes sont reversées à des projets de recherche visant à guérir les lésions de la moelle épinière. wingsforlifeworldrun.com THE RED BULLETIN
ON
La Wings for Life World Run aura lieu le 8 mai. Les coureurs débutants ont donc trois mois pour se préparer à la course. Max Studer, 25 ans, champion d’Europe en titre sur la distance sprint du triathlon, donne aux passionnés de course à pied et à ceux qui souhaitent le devenir sept conseils de pro pour bien s’entraîner.
PERSPECTIVES le coin lecture
Tolkien meets Tarantino L’auteur britannique Peter McLean réalise un tour de force en parvenant à créer une épopée de gangsters impitoyables au cœur d’un roman fantastique. Texte JAKOB HÜBNER
P
aperasse ordonnée est synonyme de tranquillité. Les comptables le savent bien, mais ils ne sont pas les seuls, les éditeurs aussi. Ces derniers rangent les sous-genres littéraires avec un zèle et une créativité inégalée pour guider le lecteur dans sa quête du livre idéal. Le « grimdark » (obscurité sinistre, ndt) est l’une de leurs plus récentes innovations. Cette variante du sous-genre
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qui explore le côté obscur du fantastique tient son appellation d’une expression issue du jeu de figurines Warhammer 40K. Les fondamentaux sont préservés, mais les héros sont cyniques, l’atmosphère sombre, la violence inouïe et l’immoralité débridée. L’autre caractéristique du grimdark est qu’il s’émancipe du fantastique classique dès que l’action prend une tournure critique, dès lors il n’est plus question de sorciers,
d’elfes, de gnomes ou de tout autre personnage classique. On parle alors de « nouveau fantastique réaliste ». D’un point de vue sémantique, il s’agit d’un néologisme audacieux, mais il est clair que le grimdark vise un nouveau lectorat, sans doute plus proche du cinéma de Quentin Tarantino que des récits de J. R. R. T olkien. Avec War for the Rose Throne (trad. La bataille pour le trône des Roses), l’auteur britannique Peter McLean, né à Londres en 1972, fournit un parfait exemple de la diversité que recèle le grimdark. Jusqu’à présent, deux des quatre volumes de la série ont été traduits en allemand, THE RED BULLETIN
VINZ SCHWARZBAUER
THRILLER MAGIQUE
L’entame de Priest of Bones La guerre finie, nous sommes rentrés dans nos foyers. Soixante-cinq mille tueurs professionnels marqués par les stigmates de la bataille ont retrouvé leur pays, où il n’y a ni travail ni nourriture et la peste qui fait rage. À quelle autre issue Sa Majesté s’attendait-elle ? « Buvez, les gars !, ai-je crié. À partir de maintenant, c’est la maison qui régale ! » « Voilà qui est bien dit ! », répondit Bloody Anne qui met l’aubergiste à la porte et la referme derrière lui.
Priest of Bones (2020) et Priest of Lies (2021). Il faudra patienter encore quelque temps pour la version française. Ces ouvrages sont considérés comme des pionniers de la littérature fantastique particulièrement sombre et amorale. Il y est question avant tout d’une épopée de gangsters délicieusement cruels et d’un sang-froid rafraîchissant, dans laquelle la magie est synonyme de mort. Mais l’affaire est encore plus complexe : Peter McLean utilise tous les clichés et stéréotypes du crime organisé jusqu’à la parodie qui se manifeste en filigrane, dissimulée par la « brutale épopée », réalisant ainsi une double mise en abîme du genre. Après une longue et sanglante guerre, le prêtre-soldat Tomas Piety, narrateur et principal héros de l’histoire, est de retour dans sa ville natale d’Ellinburg, accompagné d’une poignée de survivants, afin de reprendre ses « activités » en tant que chef de gang des « Pious Men » : extorsions, maisons de jeu et maisons closes. Tomas n’est en rien croyant ou pieux, mais il a ses principes, dont voici le premier : « Si tu convoites quelque chose, fais comme chez toi et sers-toi ». Cette fois, Tomas ne veut pas se contenter de prendre possession de quelques rues, il veut que la ville entière lui appartienne. THE RED BULLETIN
Pour arriver à ses fins, il peut compter sur quelques fidèles parmi lesquels, sa sergente Bloody Anne (un nom inspiré de son goût prononcé pour le combat à mains nues), son jeune frère Jochan (adepte de l’ivresse par la boisson ou le sang, ou les deux à la fois), le gros Luka (bien plus intelligent que Tomas), Billy The Boy (un orphelin de douze ans aux capacités magiques effrayantes) et bien sûr, ses deux « pleureuses » (deux épées courtes que Tomas porte toujours autour du cou lorsqu’il y a une affaire urgente à régler). Alors que les affaires commencent à prendre un essor prometteur, la mystérieuse Ailsa (agent de la reine aussi puissante qu’impitoyable) débarque un jour à Ellinburg. Elle réserve au prêtre-soldat Tomas Piety une mission des plus importantes…
PETER McLEAN Priest of Bones En anglais Ace Books
BON PLAN LECTURE
La variante punk Le cyberpunk est une science-fiction obscure, ce qui explique sans doute qu’il soit devenu le genre littéraire le plus influent de notre époque.
WILLIAM GIBSON L’auteur américain William Gibson, né en 1948, est considéré comme l’inventeur du cyberpunk. Sa trilogie Neuromancien, récompensée par de nombreux prix et dont la première partie est sortie en 1984, a marqué de son empreinte des termes tels que cyberespace ou matrice. Par ailleurs, G ibson et son acolyte en SF Bruce Sterling ont mis le rétrofuturiste steampunk au goût du jour. La Trilogie Neuromancien (J’ai lu)
PHILIP K. DICK L’auteur de bandes dessinées américain Art Spiegelman (Maus, 1980) a déclaré un jour que Philip K. Dick est à la deuxième moitié du XXe siècle ce que Franz Kafka fut à la première moitié. Le roman à l’origine du film culte de Ridley Scott, Blade Runner, a paru dès 1968 – mais sous le titre à rallonge Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Blade Runner (J’ai lu)
NEAL STEPHENSON Les geeks voient en lui un gourou, les critiques littéraires un génie, une admiration que cet homme d’exception, né en 1959 dans le Maryland, a suscitée grâce à son roman cyberpunk Snow Crash (1992), devenu une bible de la Silicon Valley. Actuellement, Stephenson occupe sa communauté avec un pavé de 1 150 pages : Corvus – toujours aussi brillant. Snow Crash (Bragelonne)
MATTHIAS ODEN Inspiré de la légendaire série Punktown de Jeffrey Thomas, le nouveau venu, l’Allemand Matthias Oden, livre en 2017 son Junktown, un premier roman remarquable dans lequel il mêle ingrédients classiques du cyberpunk et biotechnologie. Règle suprême dans ce jeu de société dystopique, l’abstinence est assimilée à une haute trahison ! Junktown (en allemand, Heyne)
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GONFLÉES CES POMPES A.BOVE PAR ABS Imaginez un peu : marcher sur un coussin d’air… C’est désormais chose possible grâce à la technologie ABS. La marque propose des raquettes à neige qui se transforment en bateaux pneumatiques pour les pieds grâce à une mini-pompe. abs-airbag.com
YEAH, YEAH, YOKO!
“W AIT A MINUTE, THIS LOVE STARTED OUT SO TENDER, SO SWEET, BUT NOW SHE GOT ME SMOKIN’ OUT THE WINDOW.”
PERFORMANCES Ses actions des années 60 et 70 sont devenues cultes. Aujourd’hui, certaines d’entre elles sont remises en scène au Kunsthaus de Zurich. Yoko Ono, veuve de John Lennon, est personnellement impliquée dans la conception de l’expo, à partir du 4 mars 2022. kunsthaus.ch
Bruno Mars et Anderson .Paak, alias Silk Sonic, font le deuil de leur dernier amour dans une nouvelle chanson intitulée Smokin Out The Window, à voir en s cannant le QR code ci-dessus.
Que du bon ! Éloge de l’intemporalité via Avril Lavigne, une montre Matrix et des chaussures comme des mini-bateaux.
DANS LA MATRICE ! HAMILTON PSR MTX Après des décennies d’attente, nous avons le plaisir de découvrir ces jours-ci le quatrième volet de la saga Matrix. L’éternelle énigme de la réalité ou de l’illusion nous vaut une montre qui reprend les motifs de la matrice : le vert lumineux de l’affichage numérique, par exemple. Ou le motif de pluie du film, qui constitue le fond du boîtier. hamiltonwatch.com
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PERSPECTIVES tendance ALERTE À LA LUMIÈRE BLEUE ! RED BULL SPECT ELF RX Les vrais gamers s’adonnent à leurs jeux préférés avec tout le dévouement qu’ils méritent. Mais que faire lorsque la vision s’amenuise parce que la forte proportion de lumière bleue des écrans est fatigante ? Porter des lunettes dotées d’un filtre de lumière bleue. Ces verres jaunes s’appellent d’ailleurs « Warrior ». Chez United Optics. specteyewear.com
VOYAGE DANS LE TEMPS Avec cette horloge, on ne perd pas le sens de la mesure en cuisine.
SAME SAME BUT DIFFERENT
KATE GARNER ©YOKO ONO, FLO GASSNER/ABS
BITE ME PAR AVRIL LAVIGNE La chanteuse canadienne Avril Lavigne nous surprend avec un nouvel album, Bite Me, près de vingt ans après son tube mondial Sk8er Boi (2002). Mais encore plus surprenant, c’est son look ! Il n’a pratiquement pas changé. Pour ceux qui veulent le vérifier : le 7 mars, elle se produira au Hall de Zurich. avrillavigne.com
PILE À L’HEURE MAX BILL KÜCHENUHR
LE LANGAGE DES FLEURS ROBE PAR ETRO Lorsque la jeune fleur bleue devient femme, elle se glisse dans une robe comme celle-ci, issue de la collection d’été d’Etro, évoquant « la liberté, l’attention et les petites évasions ». Comme un clin d’œil au film musical Hair, la directrice de la création Veronica Etro recommande à celles qui la portent : Let the sunshine in! etro.com
THE RED BULLETIN
Le grand architecte, artiste, professeur d’université et homme politique suisse Max Bill (1908-1994) nous a laissé de nombreuses choses magnifiques, d’une élégance intemporelle. Comme cette horloge de cuisine datant de 1956 et qui nous permet de cuisiner avec précision, et élégance. junghans.de
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PERSPECTIVES playlist YELLO
« Savoir se laisser aller » Le duo suisse d’électro-pop fête son 40e anniversaire. Pour l’occasion, son fondateur Boris Blank présente ses 4 chansons fétiches. Boris Blank préfère l’ombre à la lumière, qu’il laisse volontiers à son volubile partenaire Dieter Meier. Cela n’enlève rien à l’importance de sa créativité pour Yello. Le Zurichois de 70 ans compose la base musicale destinée à la voix baryton-basse de Meier : un mélange excentrique de samples exaltés, de boucles et de gadgets électroniques en tout genre. Quatorze albums plus tard, Yello est le plus célèbre exportateur suisse de musique. Pour marquer les quarante ans de leur duo, le groupe sort Oh Yeah – Yello 40, un album photo r assemblant clichés inédits, affiches et récits autour du groupe. Boris Blank présente à The Red Bulletin les quatre chansons qui ont été et restent pour lui une source d’inspiration.
HERBIE HANCOCK
THE NORMAL
BIGA*RANX & LIL SLOW
DOWN ON THE STREET (1970)
RAIN DANCE (1973)
WARM LEATHERETTE (1978)
OVA (2020)
« Durant les années 70, j’ai découvert Cream, Frank Zappa et surtout The Stooges dont le titre Down On The Street symbolisait le renouveau, l’anarchie. Je dois à ce morceau le fait de n’avoir jamais totalement adhéré à la vague punk dans les années 80 parce que leur musique était du proto punk avant le punk. »
« Ce titre de l’album Sextant d’Herbie Hancock m’a initié à la musique électronique. Sa musique semble venir d’une autre planète. H erbie réalise une telle alchimie entre jazz et sons électros que le morceau en devient intemporel. Cela m’a incité à acheter un synthé Arp Odyssey, et je n’ai jamais cessé d’en jouer depuis. »
« Ce morceau m’a aussi énormément fasciné et est l’une des raisons qui m’ont poussé à composer : Daniel Miller, le cerveau de The Normal, avait, à mon sens, trente ans d’avance sur la musique électro de l’époque. Écouter ce morceau me replonge totalement à la fin des années 70, et pourtant, il n’a rien perdu de sa modernité. »
« Des morceaux récents peuvent aussi m’inspirer et celui-ci en fait partie. Il me colle à la peau. La manière d’interpréter le reggae, la soul, la voix, l’euphorie, la mélancolie, l’énergie… tout est résolument moderne. Il véhicule quelque chose d’authentique. En l’écoutant, il faut se laisser aller. C’est un grand moment musical. »
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BENJAMIN STAFFE
THE STOOGES
MARCEL ANDERS
Oh Yeah : Boris Blank (à dr.) et Dieter Meier, le duo de Yello. yello.com
PERSPECTIVES agenda L’année dernière, les participants ont littéralement volé sur le parcours.
Concert RAP MEETS CLASSIC Lors du Red Bull Symphonic, la rappeuse Loredana s’est produite avec un orchestre symphonique sur la scène du vénérable KKL de Lucerne. Un aperçu intime des coulisses est à découvrir dans le documentaire sur Red Bull TV.
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RED BULL CONTENT POOL(2), GAUDENZ DANUSER/RED BULL CONTENT POOL, GETTY IMAGES/RED BULL RACING
mars LUTTE AU SOMMET Le 26 mars 2022, les meilleurs skieurs et skieuses de skicross du monde se retrouveront sur le Gemsstock à Andermatt pour l’ultime épreuve de force de fin de saison. Comme en 2021, seize hommes et huit femmes s’affronteront sur un parcours unique avec des obstacles spectaculaires. La course au coude à coude s’étendra sur environ mille mètres. L’action peut être s uivie en direct sur place ou sur Red Bull TV.
Jan Scherrer sur le halfpipe à Laax, 2021.
jusqu‘au 27 mars MAXIMUM VERSTAPPEN En 2015, à 17 ans, Max Verstappen devenait le plus jeune pilote de F1 de l’Histoire. En 2021, c’est l’apogée de sa carrière : il devient pour la première fois champion du monde après une finale à couper le souffle. Le documentaire sur ce surdoué est diffusé sur Red Bull TV. THE RED BULLETIN
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mars au 10 avril HAUTE VOLTIGE Les freeskieurs et les snowboardeurs se montrent sous leur meilleur jour lors des Swiss Freestyle Champs et se battent pour le titre de champion et de championne suisse. Que ce soit sur le halfpipe de Laax, où les snowboardeurs s’élanceront à partir du 14 mars, et les freeskieurs à partir du 17 mars, ou sur le big air et le slopestyle de Corvatsch, où les talents s’affronteront à partir du 5 avril, les envolées spectaculaires sont garanties ! 91
B O U L E VARD DES HÉRO S
ERIKA FUCHS
« JE ME SUIS DIT QUE CE SERAIT PLUS AMUSANT » L’auteur autrichien MICHAEL KÖHLMEIER raconte les destins hors du commun de personnages inspirants, dans le respect des faits et de sa liberté d’écrivain. Ce mois-ci, la plume qui a sublimé le Donald Duck allemand.
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BENE ROHLMANN, CLAUDIA MEITERT MICHAEL KÖHLMEIER
T
IMAGO, GETTY IMAGES, PICTUREDESK.COM
S
personnages, dont certains ont été créés cène de rage chez les Rapetou ! par le génial dessinateur Carl Barks : le Voyant que personne n’est venu public germanophone fait ainsi connaisdéfendre leur corps de métier, le matricule 176-716 s’énerve : sance, grâce à elle, des trois neveux de « À quoi bon faire partie du syndiDonald, qu’elle prénomme Tick, Trick cat des braqueurs de coffres-forts ? » Son et Track, quand les francophones les collègue au matricule 176-617 renchérit : rencontrent pour la première fois sous « Oui, sans compter que nous appartenons l’abréviation de leurs prénoms respectifs : MICHAEL KÖHLMEIER L’écrivain autrichien est aussi aux syndicats des faussaires, des Richard (Riri), Firmin (Fifi) et Louis considéré comme l’un braconniers et des cambrioleurs ! » (Loulou). Les Rapetou, dans la version originale, des meilleurs conteurs du Dans la même veine, elle rebaptise le monde germanophone. sont appelés les « Beagle Boys ». En allemultimilliardaire radin inspiré d’un perDernier titre en français : mand, ils ont été baptisés les « Panzer sonnage de Charles Dickens et que nous La petite fille au dé à knacker », que l’on pourrait traduire par connaissons sous le nom de Balthazar coudre, Éd. J acqueline Chambon, 2017 « braqueurs de coffres-forts », et la traducPicsou : Scrooge McDuck devient sous sa trice qui est à l’origine de la « germanisaplume « Dagobert Duck ». Quant à notre tion » des aventures de Donald Duck est restée Géo Trouvetou, qui est en anglais Gyro Gearloose, célèbre dans le monde germanophone pour elle lui donne le nom de « Daniel Düsentrieb », la qualité exemplaire de son œuvre : il s’agit d’Erika à l ’allitération savoureuse. Fuchs. Il est d’ailleurs étonnant que Walt Disney, out ce petit monde habite à Donaldville, dans d’habitude si à cheval sur la protection des droits l’état de Calisota. Erika Fuchs – dont le nom d’auteur de ses personnages, ait laissé autant de de famille signifie d’ailleurs « renard », ennemi liberté à cette historienne de l’art allemande pour la transcréation de l’univers donaldien. juré du canard, quelle ironie ! – a choisi un nom qui Lorsqu’elle s’empare du personnage au costume sonne comme un patelin typiquement allemand : de marin, Erika Fuchs décide en effet d’adapter non « Entenhausen ». Les mêmes sonorités germaniques seulement le texte des bulles – ce qui est déjà un retentissent dans les villages de « Kummersdorf » ou sacré travail – mais elle va beaucoup plus loin, en encore « Quackenbrück an der Schnatter ». s’écartant du style initial, volontairement simpliste Cependant, ce n’est pas dans la traduction des et potache, pour produire ce que beaucoup considénoms des personnages et des lieux que réside l’origireront comme de véritables œuvres littéraires. Évinalité de son œuvre. Si les fans germanophones de demment, elle commence par adapter le nom des Donald Duck la vénèrent à ce point, c’est aussi et
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BO U LEVAR D DES HÉ RO S
surtout pour l’excellence de ses traductions. Dans une interview donnée en Allemagne vers la fin de sa vie, alors que le journaliste faisait l’éloge de son œuvre littéraire, dont beaucoup disaient qu’elle était bien plus drôle que la version américaine, Erika Fuchs modéra humblement les ardeurs de son interlocuteur : l’humour, répondit-elle, est intraduisible. « Nous ne rions pas des mêmes choses que les Américains. » Qui plus est, la culture allemande est beaucoup plus friande d’allusions culturelles ou traditionnelles que ne l’est la culture américaine. Pour combler ce fossé, elle n’aurait donc pas eu d’autre choix que de recréer entièrement certains dialogues. Sa créativité a poussé Erika Fuchs à élargir le vocabulaire de la langue allemande, à l’enrichir de nouvelles onomatopées : c’est ainsi que le néologisme « Spratzel-Spratzel » est apparu sous sa plume pour décrire le bruit que fait Donald en mettant ses doigts dans une prise électrique. Son nom a même donné naissance au cinquième cas de la grammaire allemande : après le nominatif, l’accusatif, le datif et le génitif, laissez-moi vous présenter… l’erikatif, qui consiste à utiliser le radical des verbes en onomatopées : comme si vous lisiez dans une BD en français « froiss-froiss », « gliss-gliss » ou encore « goutt-goutt ».
À
propos des allusions historiques et littéraires dans les traductions d’Erika Fuchs : je ne sais pas combien de thèses de doctorat et autres travaux scientifiques ont été écrits à ce sujet, tant elles sont nombreuses. Qu’elle puise dans le folklore des chansonniers ou chez les grands poètes allemands – comme lorsqu’elle met dans la bouche (ou plutôt dans le bec) des neveux de Donald un passage directement inspiré du Guillaume Tell de Friedrich Schiller –, Erika Fuchs fait surgir, par ses multiples connotations, la « haute » culture là où on ne l’attend pas : dans les bulles d’une BD pour enfants. Mais ses textes se veulent également philosophiques : les questions existentielles que se pose par exemple Géo Trouvetou – lui qui se lamente de n’engendrer que des catastrophes quand il cherche uniquement à faire le bien – rappellent celles qui
Ce petit canard colérique et malchanceux est devenu sous sa plume l’un des personnages les plus complexes de la littérature moderne. 94
tourmentent Mephisto dans le Faust de Goethe ; et n’est-ce pas ce même dilemme intérieur qu’Albert Einstein a dû affronter après la deuxième guerre mondiale, lorsqu’il est devenu l’adversaire le plus farouche de la bombe atomique, après avoir encouragé Roosevelt à la fabriquer le plus vite possible pour contrer Hitler ? Le critique littéraire Denis Scheck a écrit, en parlant des textes d’Erika Fuchs, qu’ « ils ont contribué à enrichir la langue allemande mieux que n’importe quelle autre traduction littéraire depuis la deuxième guerre mondiale. » L’intéressée se montrait beaucoup plus humble : « J’ai juste essayé, en variant les registres de langue, de différencier les personnages selon leur rang et leur génération. C’est pour cela que Picsou parle un langage très châtié avec beaucoup de subjonctif et beaucoup de citations culturelles, en marquant sa supériorité. Alors que Donald, qui n’a jamais connu le succès, s’en sort en utilisant une langue plus fleurie, presque poétique. Je me suis dit, avec le temps, que cela pourrait enrichir le texte des bulles – ce qui n’était pas possible dans la version américaine, car les différences de registres ne sont pas aussi marquées que chez nous. » Considérée de son vivant comme un monument de la littérature, Erika Fuchs figure désormais au firmament des grands traducteurs et traductrices de la littérature, de celles et ceux qui ont réussi le défi rare de sublimer l’œuvre qu’on leur avait confiée – au même titre que l’Américain Gregory Rabassa, dont Gabriel García Márquez dira de sa traduction de Cent ans de solitude qu’elle était meilleure que l’œuvre originale.
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ans les années 1950, la bande-dessinée était encore considérée en Allemagne comme un genre mineur, et il faut bien avouer que l’offre disponible n’était pas de grande qualité. Mais même lorsqu’arrivent, à cette époque, les premières traductions des aventures de Tintin et Milou – Tim und Struppi en allemand –, elles sont accueillies avec mépris par les milieux littéraire et éducatif. On disait que les bandes-dessinées corrompaient la jeunesse en empêchant les enfants de se développer normalement. Devant une telle réticence, l’entreprise Disney décida de choisir, pour le marché européen, des traducteurs à la renommée établie, voire si possible des universitaires. C’est ainsi qu’Erika Fuchs, titulaire d’un doctorat en histoire de l’art, accepta finalement de s’atteler à la traduction en allemand des aventures de Donald Duck, après que tous ses homologues masculins eurent refusé de le faire. Et pour contrer le scepticisme de certains, elle promit de verser une petite somme d’argent chaque fois qu’on trouverait une faute de conjugaison dans le texte. Évidemment, cela n’arriva jamais. La traductrice reçut même un prix littéraire pour son œuvre en 2001.
THE RED BULLETIN
Depuis, la bande-dessinée est enfin reconnue comme un art à part entière – le 9e plus précisément, après le cinéma et les arts médiatiques – et le prestige dont elle jouit aujourd’hui en Allemagne est en grande partie dû au travail colossal d’Erika Fuchs : elle qui a réussi à faire de ce petit canard colérique, vénal et malchanceux l’un des personnages les plus complexes de la littérature du XXe siècle. Personnage préféré des Allemands, Donald a su séduire l’inconscient collectif dans son rôle de petit malchanceux bourré de défauts, traversé par des crises existentielles terriblement humaines – « Je ne suis rien ! Je suis le canard le plus insignifiant de tout Donaldville ! » se lamente-t-il régulièrement – mais qui, au bout du compte, s’en sort toujours par sa ténacité et sa créativité.
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assionnée par l’histoire autant que par les langues, Erika Fuchs s’était mise à la traduction malgré elle, à défaut de pouvoir exercer sa spécialité – l’histoire de l’art – dans la ville où travaillait son mari, Günter Fuchs. Ingénieur, professeur émérite et auteur de nombreuses inventions technologiques, il a été une source d’inspiration pour façonner le personnage de Géo Trouvetou, créé par
Devant le dédain de tous ses collègues, Erika Fuchs accepta de traduire les aventures de Donald Duck. son ami Carl Barks, qu’elle abreuvait – aux dires des Donaldistes allemands, le noyau dur du fan-club donaldien – d’anecdotes savoureuses au sujet de son inventeur de mari. Dotée d’un humour ravageur autant que distingué, Erika Fuchs passa pourtant sa vie à minimiser l’impact de son œuvre. À sa mort en 2005, à l’âge honorable de 98 ans, elle fut enterrée aux côtés de son cher époux : sur leur pierre tombale ne figurent que leurs deux noms, sans aucune autre mention. Pour une raison très simple : toutes celles et ceux qui parlent la langue de Goethe savent qui fut Erika Fuchs.
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