The Red Bulletin 04/19 CHCF

Page 1

SUISSE AVRIL 2019, CHF 3,80

HORS DU COMMUN

SARAH MARQUIS UN PAS APRÈS L’AUTRE, COMMENT NE FAIRE QU’UN AVEC LA NATURE NILE RODGERS LE HITMAKER RETRACE UN DEMI-SIÈCLE DE GROOVE

GETREDBULLETIN.COM

Sérgio Cosme, 39 ans, sauveteur en jet ski sur la côte atlantique au Portugal

ABONNEZ-VOUS

Les plus grosses vagues au monde ne lui laissent que 15 secondes pour (ré)agir

DÈS MAINTENANT !

CETTE MAIN SAUVE DES VIES




ÉDITORIAL

L’exploration du monde est infinie. Pour Sarah Marquis, explorer le monde, c’est se défaire d’une partie de soi afin de faire corps avec la nature, puis transmettre cette leçon aux Hommes page 44. Pour Vincent Barro et sa Cage ­Academy, il s’agit d’accueillir et de ­former des hommes et des femmes à combattre pour se construire, pas pour ­détruire page 34. Pour Stefan Glowacz, il s’agit de relever un défi écolo avec une préparation de pointe, en tolérant l’éventualité de l’échec page 62.

Konstantin Reyer, Viennois de 32 ans, a un faible pour les shootings ­d’action. Aux côtés de Sérgio Cosme, il a fait l’expérience d’un sauvetage en jet ski dans les puissantes big waves de Nazaré, au Portugal. Page 22

Pour Sérgio Cosme et tous les surfeurs de big wave qu’il secourt, il s’agit de savoir quand et comment intervenir alors que les éléments se déchaînent page 22. Et pour tous, il s’agit de faire le maximum pour préserver ce monde, notre monde, sans lequel rien de tout cela ne serait possible. Lisez plus ! Votre Rédaction

4

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

CLAIRE SCHIEFFER

Chroniqueuse et randonneuse aguerrie, celle qui a maintes fois foulé les pistes des Balkans et du Moyen-Orient voit en Sarah Marquis un mentor : « Ce sujet m’est apparu comme une évidence, tant l’inspiration que cette marcheuse a su ­insuffler dans ses récits de voyage est grande. Amoureuse de nature, Sarah n’a pourtant rien d’une sauvageonne ! Notre entretien fut entrecoupé d’éclats de rire et d’anecdotes comiques. » Page 44

THOMAS ULRICH

Le grimpeur et photographe ­outdoor suisse Thomas ­Ulrich, familier du continent ­arctique et de ses conditions extrêmes, a accompagné l’aventurier allemand Stefan ­Glowacz au Groenland. C'est grâce à ses sublimes photos que la petite équipe peut revivre l'expédition rétrospectivement, mais aussi et surtout grâce à son ­obsession du détail pendant la phase de préparation. « Sans cela, on y serait r­ estés », concède Glowacz. Page 62

THE RED BULLETIN

KONSTANTIN REYER (COUVERTURE), VISUALIMPACT.CH/JONAS JAEGGY

UNE ÂME D'EXPLORATEUR ?


NEW SUZUKI SWIFT SPORT:

PLUS DE PLAISIR A CHAQUE VIRAGE POUR

Fr. 23 990.– OU DES Fr. 162.–/MOIS

New Suzuki Swift Sport, moteur turbo Boosterjet de 1.4 litre.

Système multimédia à écran tactile, connectivité smartphone, Bluetooth, DAB+, navigation et caméra de recul.

Volant sport et sièges sport avec appuis-tête intégrés.

La double sortie d’échappement souligne l’allure sportive.

Jantes en alliage léger de 17 pouces.

New Suzuki Swift Sport moteur turbo Boosterjet de 1.4 litre, boîte manuelle à 6 rapports, 5 portes, Fr. 23 990.–, consommation de carburant normalisée: 5.6 l / 100 km, catégorie de rendement énergétique: F, émissions de CO₂: 125 g / km; émissions de CO₂ liées à la fourniture de carburant et/ou d’électricité: 30 g / km; moyenne des émissions de CO₂ pour l’ensemble des modèles de voitures neuves immatriculées en Suisse: 137 g / km. Conditions de leasing: durée 24 mois, 10 000 km par an, taux d’intérêt annuel effectif de 0.9 %. Assurance tous risques obligatoire, acompte spécial: 30 % du prix de vente net. Le taux d’intérêt du leasing dépend de la durée. Votre revendeur spécialisé officiel Suzuki se fera un plaisir de vous soumettre une offre de leasing individuelle adaptée à vos besoins pour la Suzuki de votre choix. Notre partenaire de leasing est MultiLease AG. Tous les prix indiqués sont des recommandations sans engagement, TVA comprise.

www.suzuki.ch


SOMMAIRE avril

REPORTAGES

2 2 Q uinze secondes pour...

… sauver la vie d’un surfeur en danger. Dans l’enfer des grosses vagues de Nazaré, c’est le boulot quotidien de Sérgio Cosme.

3 4 T he Light Club

Du MMA de haut niveau mais sans violence gratuite : dans la Cage Academy, on transmet le goût du fair-play.

4 4 L a terre à ses pieds

Un pas après l’autre : ou comment l’exploratrice et auteure ­Sarah Marquis ne fait qu’un avec la nature.

5 2 P aradis acquis

Un Français s’est dit que les fêtes à Ibiza pouvaient aussi s’apprécier de jour. Il s’y consacre 120 jours d’affilée par an...

5 6 L e miraculé du groove

La vie de Nile Rodgers est une légende dans le monde de la musique : par chance, il est encore là pour la raconter. Le grimpeur Stefan Glowacz s’est lancé dans une aventure ­titanesque de cent jours, de la Bavière au Groenland.

34

62 ALLERRETOUR

Deux grimpeurs, un photographe et un skippeur sont dans la même ­galère, de la B ­ avière au Groenland…

BIENVENUE À CAGE ACADEMY

Vincent Barro a monté un club de MMA où les combattants viennent pour se construire, pas pour détruire…

6

THE RED BULLETIN

THOMAS ULRICH, JEREMY BERNARD, KRYSTLE WRIGHT

6 2 I mpossible… et alors ?


BULLEVARD Un mode de vie hors du commun

8 Un lac disparaît et un monde

souterrain s’ouvre à nous

12 Quand l’emballage de ce que

vous mangez se mange aussi 13 Abysses : attrapez-les tous ! 14 Deux cousins en mode réunion de famille auprès d’une momie 16 Ne regardez pas que votre plat 18 Le premier selfie sur Mars 20 Quand Charlotte Gainsbourg fait son cinéma, en chanson 21 Ces robots redonnent de la vie à des Japonais handicapés

GUIDE

Voir. Avoir. Faire. 78 Voyage : casse-pattes chinois 82 Agenda : restez branché 84 Red Bull TV : trop stylé 85 Gaming : l’attrait de la peur 86 Fitness : l’effet Hypervolt 88 Guide : pour s’équiper VTT 96 Ours : ils et elles font le TRB 98 Makes you fly : Nothing 2 Looz

44 CONFIANTE EN L’UNIVERS Vingt-cinq ans de marche extrême et d’exploration : Sarah Marquis aime aller là où personne ne vit…

THE RED BULLETIN

7


BULLEVARD S T Y L E

Tommaso Santagata (à gauche) et ­Farouk Kadded dans l’abysse du Cénote. Ils scannent au laser 3D les 285 mètres de profondeur.

8

D E

V I E

H O R S

D U

C O M M U N

ROBBIE SHONE/NATIONAL GEOGRAPHIC CREATIVE

U N


Abysse du Cénote

285 MÈTRES SOUS TERRE

Le tarissement d’un lac dans les Dolomites nous ouvre un monde préhistorique figé dans le temps.

E

n 1994, une équipe de plongeurs marche dans les Dolomites italiennes vers le lac de montagne du parc naturel de Fanes-­SenesBraies. Mais arrivés à destination, aucune trace du lac. Le bassin autrefois recouvert d’eau est devenu un creux avec une énorme masse de glace, et ici et là d’étranges cratères s’enfonçant dans les entrailles de la terre. La nouvelle de ces mystérieux

c­ ratères se répand et bientôt, spéléologues et scientifiques intrigués affluent de tous horizons dans la région. Ils y découvrent une immense entrée de grotte, obstruée depuis des siècles par un passage rempli de glace, tel un bouchon de bouteille de vin : « Une exploration à l’intérieur de la glace s’avère impraticable au-delà de 70 mètres », explique ­Tommaso Santagata, spéléologue italien. Pendant seize ans, les forces de la


nature entravaient l’accès des spéléologues aux cavités cachées de la grotte. L’automne 2010, particulièrement froid, permet enfin une expédition à sec dans l’énorme puits de 160 mètres de profondeur situé sous la couverture de glace. « En y pénétrant la première fois, je suis fasciné par les contours de la glace sur les premiers mètres au-delà de l’entrée, se souvient Santagata, qui participera à une deuxième exploration en 2015. À l’intérieur, on ressent une tout autre sensation ; les murs de glace sont d’une grande beauté, mais aussi fragiles que du verre et donc potentiellement très dangereux. » Les grottes et les océans souterrains constituent l’ultime frontière de l’exploration de la surface de la Terre. Si escalader des montagnes reste, à n’en pas douter, une aventure, les entrailles de notre planète cachent des continents entiers où nul n’a jamais mis pied. « Au début de la descente du grand puits, la taille démesurée de la grotte empêche de voir quoi que ce soit autour. Vous êtes seul sur la corde, laquelle finit 200 mètres plus bas. Le sol ne devient visible qu’à environ 25 mètres du fond, explique Santagata. 10

« LES MURS DE GLACE SONT AUSSI BEAUX QU’ILS SONT DANGEREUX. »

La puissance de la nature est palpable : imaginez cet immense écosystème taillé par l’action de l’eau issue de la fonte des glaces… » La curieuse forme de la grotte des Dolomites, baptisée aujourd’hui abysse du Cénote, fascine les spéléologues et les scientifiques. Son important dépôt de glace la rend précieuse pour l’étude du changement climatique moderne et paléoclimatique dans cette région des Alpes.

Rares sont les chercheurs à avoir pénétré la grotte.

THE RED BULLETIN

ROBBIE SHONE/NATIONAL GEOGRAPHIC CREATIVE

L’énorme bouchon de glace à l’entrée de la grotte a contribué à garder le Cénote dissimulé sous un lac.

« Le fait que les grottes n’aient pas été affectées par l’activité humaine rend leur étude d’autant plus importante, poursuit Santagata. Elles offrent la possibilité d’observer des formes géologiques qui, dans la plupart des cas, n’existent pas à l’extérieur. » Les dépôts glaciers de la cavité la plus profonde n’ont subi aucune contamination avant d’être découverts en 1994. Le photographe basé au Tyrol, Robbie Shone, accompagne Santagata et son équipe afin d’immortaliser la mission d’étude de la grotte par 285 mètres de fond. À l’intérieur, il prend des photos ­hallucinantes de S ­ antagata et de ses coéquipiers suspendus aux cordes, s’accrochant à la paroi tout en essayant de cartographier sa surface au laser 3D. « L’originalité de cette grotte est sa glace qui abrite une multitude de structures étonnantes, révèle Shone. L’extrême verticalité est aussi un aspect intéressant à fixer sur la pellicule. De plus, réaliser des clichés sans les pieds au sol est un vrai défi. Absolument tout, y compris mon ­trépied, doit être vissé à la paroi. » La découverte de l’abysse du Cénote révèle l’immensité d’un monde souterrain qu’il nous reste encore à découvrir, et ce qu’il peut nous apprendre sur notre planète. « L’exploration des grottes sous nos pieds permet d’éclairer des phénomènes fascinants et importants de la ­biologie, de l’archéologie et de la paléoclimatologie, précise Shone. Des connaissances dont le monde actuel a le plus grand besoin. » shonephotography.com

TOM GUISE

B U L L EVA R D


ALPHATAURI.COM


Conçu à partir de déchets organiques, cet emballage alimentaire comestible contribuera-t-il à sauver la planète ?

Scoby peut servir d’emballage alimentaire, de b ­ ocal biodégradable ou de sac à provisions écolo.

F Roza Janusz a créé ­Scoby dans le cadre de ses études à Poznan (Pologne).

12

aire pousser ses sacs ou manger les emballages, telle est l’idée de la Polonaise Roza Janusz, designer et créatrice d’un packaging alimentaire écologique : Scoby. ­Janusz rêve d’un monde où les produits que nous fabriquons ne finissent plus dans une ­décharge, mais sont cultivés et ­réutilisés. C’est en cherchant une alternative durable au plastique que la jeune diplô-

mée élabore ce conditionnement dont le nom fait référence à la substance utilisée pour le fabriquer : Symbiotic Culture Of Bacteria and Yeast (trad. culture symbiotique de bactéries et de levures). Cultivé à partir de déchets organiques, Scoby valorise la terre. « Les déchets utilisés varient selon le pays, explique Janusz. En Pologne, ils sont issus des cultures de pommes et de pommes de terre ; en Indonésie, les déchets de noix de coco feront aussi bien l’affaire. » Le processus de fabrication de Scoby est peu ragoûtant : ­Janusz utilise un bouillon de culture contenant du sucre et de la levure, elle y ajoute les déchets et laisse le tout fermenter. Deux semaines plus tard, de fines membranes apparaissent, prêtes à emballer les aliments. Souple et translucide, le Scoby gardera son contenu frais jusqu’à six mois. Légèrement vinaigré au goût, ­Scoby peut être cuit avec les aliments qu’il conserve. « Bientôt, nous cultiverons nos emballages comme nos aliments, en nous souciant de leur provenance, affirme Janusz. Imaginez-vous acheter un sandwich dont l’origine des ingrédients, emballage compris, se situe à moins de 10 km. Faire ses courses avec un cabas ne sera plus le signe d’un engagement en faveur de l’environnement et de la réduction des déchets. Il faudra être plus ambitieux et inventif pour espérer un impact conséquent, poursuit-elle. Nous vivons sur une très petite planète, il nous faut optimiser l’espace et les ressources limitées dont nous disposons. Avec l’augmentation des produits cultivés, le shopping chez IKEA risque de changer. Un jour ­prochain, en y achetant une lampe, nous ferons remarquer au vendeur qu’elle n’est pas tout à fait mûre… » makegrowlab.com THE RED BULLETIN

MARIUSZ RUTKOWSKI

UN EMBALLAGE CONSOMMABLE

LOU BOYD

Cercle vertueux


B U L L EVA R D Le RAD a été conçu pour capturer et étudier les habitants des mers sans les blesser.

Recensement

Les espèces sous-marines sont largement méconnues. Ce nouveau Poké Ball des mers les révèle en toute sécurité.

MONTEREY BAY AQUARIUM RESEARCH INSTITUTE (MBARI)

LOU BOYD

CHRISTINA LOCK

LE POKÉMON DES ABYSSES

1 Le RAD en forme de polyèdre s’approche d’un organisme. THE RED BULLETIN

2 Les pétales mobiles du RAD se referment autour du sujet.

L

es océans recouvrent 70 % de la surface de la Terre, mais restent, estimet-on, à 95 % un mystère pour l’Homme, abritant des centaines de milliers, voire un million d’espèces encore inconnues. Les scientifiques du Wyss Institute de l’Université d’Harvard espèrent améliorer cet état de fait grâce à une nouvelle invention baptisée Poké Ball, un engin conçu pour explorer les mers comme jamais auparavant. L’échantillonneur sous-marin RAD (pour Rotary Actuated ­Dodecahedron) associe la technique de l’origami japonais à celles de la robotique sous-marine.

3 Enveloppée, la créature est analysée et photographiée.

Un mécanisme de prélèvement polyédrique permet aux bords souples de l’échantillonneur de se refermer autour d’un animal sans le blesser. « Certaines créatures des grands fonds comme les éponges sont vieilles de 15 000 ans, explique David Gruber, auteur collaboratif. L’idée est de capturer l’animal, de le photographier à 360 ° afin de pouvoir l’imprimer en 3D à la surface. » Le RAD devrait bientôt être muni d’une « brosse à dents » capable, en chatouillant le captif, de prélever son ADN avant de le libérer indemne. « Les méduses croiront-elles être enlevées par des extraterrestres ou subir un examen médical ?, plaisante Gruber. Notre priorité est de respecter l’intégrité de chaque organisme étudié. » Jusqu’à présent, le RAD a capturé des ­calmars, des poulpes et des méduses par 700 mètres de fond. L’objectif est de développer le dispositif afin de capturer des espèces de grande taille et de lever le voile sur les mystères des abysses. wyss.harvard.edu   13


B U L L EVA R D

Ranulph & Joseph Fiennes

À

75 ans, Sir Ranulph Fiennes est l’un des plus grands explorateurs vivants. Sa vie est hors norme : il fut le premier homme à traverser à pied le pôle Nord et le pôle Sud, il a gravi l’Everest à 65 ans et est parti à la découverte d’une ville perdue dans le désert d’Oman. On connaît son cousin, l’acteur Joseph Fiennes, 48 ans, notamment pour ses rôles dans les films de 1998 Elizabeth et Shakespeare In Love et la série The Handmaid’s Tale (2017). Issus de la même famille, les Anglais ne s’étaient guère ­croisés avant de se lancer dans une aventure commune : réitérer l’expédition de 1969 de Ranulph sur le Nil Blanc. L ­ ’explorateur parcourait alors le plus long fleuve du monde sur deux aéroglisseurs. Les deux hommes reviennent sur leur aventure, dont cette impressionnante visite de la tombe d’un grand prêtre mort il y a plus de 2 000 ans.

the red bulletin : Quel est votre lien familial ? ranulph : Je crois, et Joe me corrigera peut-être, que nos grands-pères étaient frères (Ranulph et Joseph sont cousins au troisième degré, ndlr). joseph : C’est correct. La famille est grande et le lien de parenté est relativement éloigné. Ran voyage sans cesse, du coup on se croise rarement. Joseph, aviez-vous des appréhensions ? j : J’avais des inquiétudes. De ne pas être à la hauteur, d’agoniser sous la morsure d’un serpent ou d’un scorpion, de ne pas m’entendre avec Ran que je connaissais peu. Un mois c’est long quand le courant ne passe pas. Ranulph, doutiez-vous de la capacité de Joe, acteur choyé, à être à la hauteur ? r : Ne connaissant pas d’acteur, je n’avais pas de préjugés. Mais la génétique commune nous

Parlez-nous de la récente ­découverte des tombes de Minya, en Égypte, où repose l’un des grands prêtres du dieu Thot… r : Le guide que nous suivions dans les galeries les avait découvertes huit semaines auparavant, en ignorant si une malédiction n’allait pas s’abattre sur lui… À notre arrivée les lieux étaient sécurisés. j : C’était très excitant de savoir que nous étions parmi les tous premiers à entrer dans le tombeau, à filmer aussi. Voir de si près des sarcophages, des momies, le crâne d’un être mort il y a deux mille ans… c’est indescriptible. On a le sentiment d’empiéter sur leur vie privée. r : Les momies avaient encore des dents. Deux mille ans d’âge et une dentition parfaite ! Avez-vous souffert de la ­chaleur  ? r : Contrairement à l’idée reçue, mes expéditions sont plus familières des canicules que du froid extrême. J’ai donc l’habitude de la chaleur. Mais les médias britanniques semblent plus attirés par les virées dans le grand froid. j : J’étais tellement obsédé par les cobras et les scorpions que j’en oubliais de boire de l’eau. Un détail qui peut vite tourner au drame. S’hydrater est vital. Seriez-vous prêts à le refaire ? r : Cette expédition non, mais il y en a une que je ferais volontiers avec Joe. Sauf que je doute qu’il soit tenté par ce type de danger… j : Si c’est pour me retrouver sur la banquise face à un ours polaire, c’est sans moi.

Cousins de loin : Ranulph et Joseph ont appris à se connaître en Égypte au contact des momies.

14

Fiennes: Return to the Nile sur National Geographic

LOU BOYD

Prenez un explorateur de renommée mondiale et son cousin acteur à la vie tranquille, puis jetez-les dans une folle aventure. Rencontre avec les Fiennes…

JACK BARNES/NATIONAL GEOGRAPHIC, RUSS MALKIN/NATIONAL GEOGRAPHIC

« NOTRE ADN FAIT DE NOUS DES DOUBLES »

prémunit contre le désastre. Notre ADN fait de nous, à peu de chose près, des doubles. j : Maintenant, prouve-le en jouant du Shakespeare ! C’est valable dans les deux sens.


« LES MOMIES AVAIENT ENCORE DES DENTS ! » Ranulph Fiennes


B UL L EVA R D

Churchill, Canada

POIVRE ET CIEL

COLE MOSZYNSKI

Au Dan’s Diner, on sert des spécialités régionales, du c­ aribou et de l’élan notamment. Mais le plus surprenant dans le wagon-resto (posé sur essieux de 1,7 m !) du chef Jared Fossen, c’est le spectacle que l’on peut contempler par le toit panoramique : dans la solitude de la province de Manitoba qui borde la baie d’Hudson, on dîne sous la clarté des aurores boréales. dans-diner.com

16

THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN

  17


Rover Curiosity

CHRONIQUES MARTIENNES

18

NASA

LOU BOYD

Entre deux collectes d’échantillons de roches martiennes, l’astromobile ­Curiosity s’autorise un r­ épit pour réaliser ce magnifique selfie à 360 ° sur la planète rouge. Lancé en 2011, l’engin atterrit sur Mars à Aeolis Palus, dans le cratère Gale, le 6 août 2012. Curiosity ­participe à la mission Mars Science Laboratory (MSL), dont le but est de déterminer si un environnement favorable à l’apparition de la vie a existé sur cette planète, d’y établir le rôle de l’eau, d’en étudier le climat et la géologie, et de préparer une éventuelle exploration humaine. mars.nasa.gov

THE RED BULLETIN


B U L L EVA R D

THE RED BULLETIN

  19


B U L L EVA R D

JE T’AIME MOI NON PLUS – SERGE G ­ AINSBOURG (1976) « J’ai vu ce film à 18 ans. J’ai raconté à mon père à quel point j’avais été soufflée par son esthétique. Il fait référence à la relation qu’entretenaient mes parents. À mes yeux, ils sont des êtres parfaits, en raison de leurs défauts et non pas malgré eux. »

Charlotte Gainsbourg

« TOUT EN EXTRÊMES »

À NOS AMOURS – ­MAURICE PIALAT (1983) « J’adore Pialat, surtout son réalisme qui crève l’écran. Il est la raison pour laquelle je préfère travailler avec des réalisateurs comme Lars von Trier plutôt qu’avec le gratin californien. Je veux dépasser mes limites, je suis t­ out en ­extrêmes. »

La comédienne et musicienne partage quatre madeleines cinématographiques.

20

« C’est l’une de mes expériences émotionnelles les plus fortes. C’est l’histoire de deux enfants et leur manière espiègle et innocente de traverser l’exode de 1940. Ce film a quelque chose d’envoûtant, je connais les dialogues par cœur. C’est lui qui m’a ­poussée à devenir actrice. »

LES QUATRE CENTS COUPS – FRANÇOIS ­TRUFFAUT (1959) « On dirait que Truffaut a ­laissé la caméra tourner. En fait, c’est la marque du talent du réalisateur et des acteurs, Léaud, ­Maunier et Rémy. Si vous ne l’avez encore jamais vu, ­arrêtez tout et regardez-le. Vous ne le regretterez pas. » THE RED BULLETIN

COLLIER SHORR

JEUX INTERDITS – RENÉ CLÉMENT (1952)

MARCEL ANDERS

F

ille de deux icônes, il était quasiment inévitable que Charlotte Gainsbourg embrasse une ­carrière artistique, amorcée à 13 ans avec son père, dans le sulfureux Lemon Incest. Ont suivi des rôles primés dans les films de Lars von Trier Antichrist (2009) et ­Melancholia (2011), plusieurs albums ­salués par la critique dont Stage Whisper (2011), et Rest (2017) en collaboration avec Beck et Daft Punk. D ­ epuis, ­Charlotte G ­ ainsbourg, 47 ans, est devenue une icône à son tour. Elle évoque quatre ­pépites de cinéma essentielles à ses yeux… charlottegainsbourg.com


À gauche : OriHime-D sert le café aux clients. Ci-­dessous : l’écran de contrôle à suivi oculaire.

OriHime-D

REDEVENIR UTILE

Grâce à ces petits robots auxiliaires, les personnes à mobilité réduite retrouvent le chemin de l’emploi.

ISSEI KATO/REUTERS, ORYLAB INC

LOU BOYD

L Kentaro Yoshifuji, cofondateur et PDG de Ory Lab Inc., s’est servi de son vécu pour aider les autres.

THE RED BULLETIN

a science-fiction nous renvoie souvent la vision d’un monde dominé par les robots, où les humains sont devenus obsolètes. Pourtant, dans le quartier de Minato-­ku, à Tokyo (Japon), on peut croiser un véritable bataillon de robots bienveillants. Ces androïdes sont ­pilotés par des personnes souffrant d’un handicap ­physique lourd et qui peuvent ainsi travailler sans quitter leur domicile. Mis au point par le laboratoire tokyoïte Ory, OriHime-D et ses 120 centimètres de haut sont pilotés à distance par une

personne atteinte de maladie dégénérative comme la maladie de Charcot (forme la plus commune de maladie liée aux motoneurones) et se trouvant donc dans l’incapacité de travailler en milieu ordinaire. Extérieurement, le robot est de forme classique. La nouveauté se cache dans son « visage » placide. Les caméras et haut-parleurs intégrés permettent à l’opérateur humain d’entendre, de voir et de manipuler le robot. L’opérateur, rémunéré 1 000 yens (l’équivalent de 8 €) de l’heure, est ainsi en mesure d’interagir avec le client et de prendre, entre autres, la

commande grâce à un logiciel à commande o ­ culaire. Marqué par sa propre expérience ­d’isolement social à la suite d’une maladie liée à l’anxiété durant son enfance, K ­ entaro Yoshifuji, PDG de Ory, est le cerveau de cette innovation. « Je veux créer un monde où les personnes p ­ rivées de mobilité peuvent aussi travailler », annonçait Yoshifuji en novembre dernier lors du lancement d’un « café robot » éphémère dans la capitale ­nippone. « Pourquoi se contenter d’un corps quand on peut en avoir deux ? » Créé en collaboration avec la Nippon Foundation et l’ANA, première compagnie aérienne du Japon et entièrement géré par le personnel de OriHime­D, le café du labo Ory s’inspire du film d’animation futuriste Time of Eve, sorti en 2008, et dans lequel machines et humains collaborent sur un pied d’égalité. Ory prévoit d’ailleurs d’ouvrir un lieu permanent à l’occasion des Jeux paralympiques de 2020 au Japon. Alors, les robots, sontils nos alliés ou nos e­ nnemis ? orylab.com

21


Sérgio Cosme (39 ans), sauveteur en jet ski, sur le spot de grosses vagues de Nazaré : la quiétude incarnée malgré le danger extrême.


Quinze secondes pour sauver une vie

SÉRGIO COSME, sauveteur en jet ski, exploite ses talents dans les plus grosses vagues au monde. Un surfeur tombe dans l’Atlantique ? Il le repêche avant que la vague suivante – haute comme un immeuble de dix étages – ne l’emporte. Pour cela, Cosme ne dispose que de quinze secondes. Sa mission : rester zen pour sauver des vies. Texte ANDREAS ROTTENSCHLAGER  Photos KONSTANTIN REYER   23


P Cosme observe l’Atlantique depuis le phare de Nazaré. En cas d’urgence, il n’a que quelques secondes pour évaluer correctement la hauteur des vagues et l’intervalle entre chacune.

Un colosse aquatique abat sa puissance sur le spot de grosses vagues de Nazaré : d’octobre à mars, cette ville côtière du Portugal accueille les plus grosses vagues surfables du monde.

« Quand un surfeur chute dans cet enfer, Cosme n’a que quelques secondes pour agir… et vite ! » 24

ar un matin frisquet de la fin du mois de décembre, Sérgio Cosme se tient à la fenêtre de sa chambre. Perdu dans ses pensées, il sirote une tasse d’expresso corsé en fixant ce point dans l’océan où il a bien failli perdre la vie en 2017. La maison de Cosme est juchée sur une falaise surplombant la plage de sable ocre de Nazaré – une petite station balnéaire à 100 km au nord de Lisbonne, qui est chaque année le théâtre d’un phénomène naturel impressionnant. D’octobre à mars, l’Atlantique produit les plus grosses vagues au monde à Nazaré : des colosses gris foncé pouvant atteindre 30 mètres de haut et pesant plusieurs milliers de tonnes. Cette hauteur exceptionnelle est due à un canyon sous-marin de 200 km de long qui pointe tout droit sur Nazaré, telle une flèche. Les vagues accélèrent dans le canyon, qui remonte juste avant la côte, avant de franchir son extrémité plate qui fait office de tremplin. C’est là que t­ ravaille Cosme, et qu’il a échappé de justesse à la mort.

Sérgio Cosme, 39 ans, les épaules étroites, soixante kilos tout mouillé, est l’un des meilleurs pilotes de jet ski du spot qui offre les plus grosses ­vagues au monde. Il est chargé de veiller sur la poignée de sportifs de haut niveau qui viennent surfer les vagues de Nazaré pendant l’hiver. Avec des vagues d’une telle hauteur, le surf à la rame, à la seule force des bras, ne suffit pas. Les surfeurs de grosses vagues se font tracter jusqu’à elles par des pilotes de jet ski comme Cosme. La première fonction de ces pilotes, c’est donc de faire le taxi. La deuxième est nettement plus risquée : quand un surfeur fait une chute, le pilote de jet ski doit s’élancer dans une mer houleuse et le retrouver sur une zone de plusieurs milliers de mètres carrés, avant de le mettre en sécurité sur la planche de secours accrochée à l’arrière du jet ski et de l’évacuer le plus rapidement possible de la zone dangereuse. S’il n’y ­parvient pas, ils se font happer tous les deux par la vague suivante. À Nazaré, l’intervalle entre deux vagues est d’environ dix à quinze secondes. Si le surfeur ne remonte pas tout de suite à la surface après sa chute, le pilote a encore moins de temps pour le sauver. Il ne lui reste donc plus que quelques fractions de secondes pour prendre une décision vitale : aurai-je le temps d’atteindre le surfeur avant que la prochaine vague ne se brise ? Ou bien dois-je rebrousser chemin et la voir déferler sur lui avant de réessayer à la prochaine ouverture ? C’est tout l’enjeu du boulot de Cosme : ­garder la tête froide pour sauver des vies. THE RED BULLETIN


Sérgio Cosme sur la planche de secours de son jet ski : « Rester cool, ça s’apprend au quotidien. »


« Derrière le surfeur et le jet ski du sauveteur, c’est une avalanche d’eau qui déferle. »

PEDRO CRUZ/WSL BIG WAVE AWARDS

Une sortie record du monde : le 8 novembre 2017, à Nazaré, Cosme (à droite) tracte le brésilien Rodrigo Koxa dans la plus grosse vague jamais surfée (24,38 mètres).

26



L

a journée de travail de Cosme débute dans un garage situé dans l’ancien port de pêche de Nazaré. Un lieu qui oscille entre une boutique de surf d’occasion et une piaule de vieux garçon : combinaisons de plongée humides, paquets de chips entamés, pommeau de douche qui goutte dans un coin en guise de salle d’eau improvisée. Des garages comme celui-là, Cosme en loue trois pour entreposer ses cinq jet skis. À mon ­arrivée, il est penché sur la batterie d’un Yamaha VX vert vif – 100 km/h en pointe, 300 kilos et 110 chevaux. « Pas assez puissant, déclare Cosme. Avec les vagues qu’il y a en ce moment, il faut au moins du 200 chevaux. »

les roues patinent. » À la différence près que, ­derrière sa voiture à lui, c’est une véritable avalanche d’eau qui déferle.

Cosme enfile son gilet de sauvetage, qu’une c­ artouche de gaz peut remplir d’air s’il actionne la manette. Il s’accroche ensuite une ceinture à la taille, à laquelle pendent deux palmes. Les palmes peuvent servir au sauveteur en dernier recours, si le pire des scénarios venait à se produire : le jet ski chavire, surfeur et sauveteur se retrouvent à l’eau et la vague leur envoie l’engin sur la tête. Dans ce cas-là, Sérgio Cosme enfilerait ses palmes. Et il essaierait de regagner la plage à la seule force de ses muscles. Pour quelqu’un qui se retrouve régulièrement dans des situations de danger extrême, le spécialiste semble étonnamment cool. Toujours le sourire aux lèvres, il ponctue toutes ses phrases d’un « Eh ouais, mec ! » complice et les conclut généralement d’un « youhou ! » enthousiaste. Cosme déclare : « Je ne peux pas imaginer de meilleur boulot que celui de sauver des gens. Allez, en route pour le quai ! »

À Nazaré, les vagues peuvent faire s’envoler

des jet skis dans les airs comme des jouets, en arracher les sièges ou en casser le revêtement en plastique. Avant de se risquer à l’eau, il arrime donc fermement tous les clapets et démonte tout ce qui dépasse, comme le rétroviseur. Comme si risquer de se prendre une vague de plusieurs tonnes sur la tête n’était pas suffisant, il faut aussi réussir à contrôler le jet ski dans l’écume pendant les opérations de sauvetage. Quand une vague se brise, le spot de surf se transforme en une gigantesque piscine de mousse. Et comme ladite mousse se compose d’eau et d’air, l’hélice du jet ski a bien du mal à le faire avancer. Cosme doit donner de petits coups d’accélérateur bien dosés pour garder le jet ski en mouvement et éviter qu’il se noie sur place. « C’est comme conduire une voiture en hiver, expliquet-il. Quand on accélère trop sur une route gelée,

Son amour de la vitesse, Sérgio le découvre

avant même d’entrer à l’école. Cosme grandit à Santa Cruz, une ville portugaise sur la côte atlantique. À trois ans, il reçoit sa première mini-moto en cadeau ; à 14 ans, il se tient pour la première fois sur une planche de surf. C’est un enfant plein de vie, qui tombe souvent et qui expose fièrement ses bleus à sa mère. Plus tard, il interrompt ses études d’ingénieur et fait du motocross en compétition. Et c’est aussi à cette époque qu’il commence à tracter ses potes en jet ski dans les vagues. Mais il faudra attendre

Chaque seconde compte

Comment les pilotes de jet ski sauvent les surfeurs après une chute et avant qu’une vague ne les emporte.

vague

5. Le jet ski et le surfeur se sauvent avant la prochaine vague.

vague 2.  Wipe-out 4. Le surfeur se hisse sur la planche de secours. 1. Le jet ski tracte le surfeur dans la vague.

3. Le pilote du jet ski localise le surfeur.

15 se 5 sec

s : ague v x u de Entre 28

0 sec

CHRISTINA LOCK

c 10 se

c


Une main secourable : quand un surfeur qui a chuté ne parvient pas à se hisser sur le jet, Sérgio intervient.


Au quartier général : dans un garage du vieux port, Cosme prépare l’un de ses cinq jet skis avant de pouvoir l’utiliser.


jusqu’en 2013 pour que les deux p ­ assions de Cosme, l’océan et les sports mécaniques, se rejoignent – et cela se fait sans trop de cérémonie, puisque c’est une simple recherche internet sur Google qui va lui changer la vie. Il s’agit d’un appel à candidature pour la formation de ­Rescue Operator in Big Wave Surfing. Cosme saute sur l’occasion : « J’avais des centaines d’heures d’expérience en jet ski dans ­l’Atlantique et les sports mécaniques m’avaient donné une bonne perception du timing et des distances ». Sa formation est un succès. À peine un an plus tard, le voilà qui patrouille dans les gigantesques vagues de Nazaré, où se testent déjà à l’époque les meilleurs pros de grosses vagues au monde. Cosme se taille la réputation d’un des meilleurs pilotes du coin, avec plus d’une douzaine de sauvetages et deux records du monde à son actif : en 2017, à Nazaré, il tracte le Brésilien Rodrigo Koxa vers la plus grosse vague jamais surfée : 24,38 mètres. Un an plus tard, il supervise en tant que deuxième sauveteur le record mondial féminin de Maya Gabeira : 20,7 mètres. Cosme le sait : « J’arrive toujours à garantir la plus grande sécurité à mes surfeurs quel que soit le type de vague, mais à Nazaré, il faut aussi savoir s’adapter, improviser et changer de plan à la dernière seconde. »

Le jour où Cosme frôle la mort commence sous les meilleurs auspices. Le 4 janvier 2017, le Portugais tracte le surfeur brésilien Fabiano ­Tissot dans une vague gris foncé de 7 mètres de haut. Tissot réussit un joli ride. Il redescend en suivant le mur de la vague, puis sort de la zone dangereuse. Il se saisit ensuite de la planche de secours et donne le signal de départ à Cosme.

M

ais cette fois-là, problème de timing. « Quand je me suis retourné pour regarder Fabiano, la mousse l’avait déjà emporté », se rappelle Cosme. Cosme met les gaz. Dans sa fuite, le jet ski fait une embardée et se renverse sur le côté. Cosme est catapulté dans l’eau. Entraîné par la vague déchaînée, le jet ski de 300 kilos fonce droit sur lui. Pris dans le rouleau, Cosme tourbillonne comme une balle de pingpong dans une machine à laver. Le jet ski le heurte à la tête et à la poitrine. Juste avant de s’évanouir, il actionne la manette de son gilet de sauvetage et refait miraculeusement surface dans un nuage de mousse. « Je n’avais plus de repères, je ne savais plus où était l’avant, l’arrière, en haut, en bas. » Mais Sérgio n’a pas le temps de s’orienter, il entend déjà la vague suivante s’élever derrière lui dans un grondement furieux.

Les entrailles du jet ski de Sérgio. « Pour que je me sente en sécurité à Nazaré, 200 chevaux sous le capot c’est le minimum. »

Cosme : « La colère te pompe de l’énergie. Mieux vaut la refouler. »   31


Cosme essaie de garder son calme et de se l­ aisser porter par l’océan. À l’encontre de tous les instincts dans une telle situation, il parvient à ouvrir les yeux sous l’eau. Il analyse le fond marin, cherche une issue et se traîne jusqu’à la plage, non sans douleurs à la poitrine et à la tête.

Quand on lui demande comment il a pu survivre

dans une telle situation, il répond : « En g ­ ardant mon calme ». Une réponse laconique qui dissimule toutefois une force mentale essentielle pour les surfeurs de grosses vagues et pilotes de jet ski :

« Je suis heureux quand tout le monde rentre sain et sauf. »

Une dernière sortie en jet ski avant le coucher du soleil. Sérgio ne sera jamais aussi célèbre que ceux pour qui il risque sa vie, mais il s’en moque : « Il n’y a pas de meilleur boulot que celui-là. »

Le soir au port : Cosme charge son jet ski sur la remorque de son pick-up. Quand arriveront les prochaines grosses vagues, il sera prêt.

32

garder son calme quand une vague énorme vous projette et vous maintient sous l’eau pendant de longues minutes. Pour des cas d’urgence de ce genre, les surfeurs se construisent un « lieu sûr » dans leur tête. Ils enregistrent des pensées dans un lieu particulièrement beau ou un événement heureux sous la forme d’un mantra pour le jour où ils auront besoin de faire appel à des sentiments positifs sur commande afin de retrouver leur calme. Et donc de survivre. Cette technique, Cosme la connaît. Ce 4 janvier, cependant, quand il est pris dans le rouleau de la vague, une seule chose lui traverse l’esprit : « C’est la merde ! » Mais c’est là qu’intervient sa formation. Cosme bannit tout sentiment de peur et de panique de son cerveau. Pratiquant le ­sauvetage en mer et le yoga, il développe cette compétence depuis des années. C’est la grande question : comment retrouver son calme dans des situations qui génèrent tout sauf du calme dans le corps et l’esprit ?

Sérgio m’explique que l’idéal est de s’entraîner par petites étapes. Il intègre donc cette pratique dans son quotidien. « Dans une situation désagréable, les pensées qui n’apportent aucun bénéfice immédiat, on oublie tout de suite ! Vous êtes coincé dans un bouchon ? Votre patron vous engueule ? C’est sûr, ça met les nerfs en boule. Mais objectivement, la colère n’arrangera rien. Il faut donc la refouler. Moi, bien sûr, en cas de situation ­dramatique, je peux compter sur ma formation et sur mes années d’expérience en milieu aquatique. Mais quand il s’agit de garder son calme, je p ­ réfère miser sur des exercices souvent très simples que d’attendre la prochaine urgence mentale, c’est bien plus efficace. » C’est donc un entraînement rapide et relativement facile à mettre en place.

C

e soir, Cosme fait encore quelques tours de jet ski autour du promontoire de Nazaré, sur lequel trône le célèbre phare rouge – le point de vue attitré des cameramen, journalistes et autres touristes pour les jours de grosses vagues. Notre héros rentre trempé de la tête aux pieds. Tout sourire, il pousse son jet ski sur la remorque d’un pick-up. Un homme trempé jusqu’aux os, qui ne deviendra jamais aussi célèbre que ceux pour qui il risque sa vie. Qui gagne tout juste assez pour payer le loyer de ses trois garages et de sa maison et qui se fait inviter à dîner de temps à autre par une amie restauratrice parce que le poster de sa mission record du monde est accroché au mur de son établissement. Ce qui le rend heureux dans son travail ? « Quand la journée s’achève dans mon garage, avec tous mes surfeurs sains et saufs assis à mes côtés », déclare Sérgio. Alors la journée a été bonne.

Instagram : @sergiocosmico THE RED BULLETIN


Soleil et sourire à Nazaré pour Justine Dupont, spécialiste des grosses vagues. Quand elles déferleront, ça va se corser sérieusement...

pour la sécurité. Et comme chaque équipage a son team de sécurité, tout le monde se met en place quand il arrive quelque chose. À Nazaré, il y a aussi une personne sur la ­falaise qui communique avec les jets par talkie-walkie.

« Le surf de grosses vagues, c’est un travail d’équipe » La surfeuse JUSTINE DUPONT est une habituée de Nazaré où elle monte en puissance depuis plusieurs années. Elle entretient une relation très particulière avec son pilote de jet, qui est aussi son compagnon. Texte PH Camy

XABI BARRENECHE/RED BULL CONTENT POOL

E

n novembre dernier, Justine Dupont se blessait à l’épaule et au genou lors de l’étape du Big Wave Tour à Jaws (Hawaii). Considérée comme l’une des meilleures surfeuses de gros au monde, la Française nous offre son regard sur la relation entre pilote de jet ski et surfeur depuis le Centre Européen de Rééducation du Sportif où elle se remet en forme. the red bulletin : Tu as participé à des sessions d’anthologie sur le spot de Nazaré. As-tu croisé Sérgio Cosme ? justine dupont : Oui, je le connais, c’est un chouette gars ! Il est venu m’aider plusieurs fois, c’est un très bon pilote et ça se voit qu’il aime THE RED BULLETIN

ça. Il est passionné, à fond, et il est là pour les autres. C’est lui qui a lancé le surfeur sur le record du monde aussi (­Rodrigo Koxa sur la plus grosse vague jamais surfée, ndlr) ! C’est ­Sérgio qui a choisi la vague donc il a participé au record. Le rôle du pilote est hyper ­important. La relation entre surfeur et pilote semble primordiale dans des vagues énormes… C’est un team ! Il y en a un qui choisit la vague et qui te lance au bon endroit et le surfeur qui la surfe, ce qui est presque la phase la plus facile. Si en plus le pilote est très bon, il te lance à l’endroit où ça va être le plus facile et il va choisir la vague parfaite. Le surf de grosses vagues est un travail

d’équipe. Il y a le pilote et le surfeur bien sûr, mais il y a aussi le team de sécurité. Quelle est sa mission ? Comment ses interventions sontelles organisées ? Dès qu’il y a de grosses houles, il y a un deuxième jet ski avec une autre personne dessus

« Je me suis fait écarteler par l’impact de la vague : épaule disloquée et genou abîmé. »

Fred David, ton pilote, est également ton compagnon. Ça apporte quelque chose dans les grosses vagues ? De la confiance bien sûr, même si j’ai tout autant confiance en Pierre Rollet et Julian Reichman, mon team de sécurité. Ce sont aussi de très bons surfeurs. Avec Fred, on se connaît énormément et on a l’habitude de s’entraîner ensemble, donc on a beaucoup d’expérience. Mais avec tout le team, on s’aime profondément, on a un lien très fort et on est là les uns pour les autres. Tu t’es blessée à Hawaii alors que tu étais qualifiée pour la finale du Big Wave Tour. Que s’est-il passé ? J’avais fait mon score mais je voulais surfer une vague magnifique. Malheureusement je n’ai pas eu le temps, je l’ai prise sur la tête. Et ça a été particulièrement violent... Je me suis fait écarteler par l’impact, épaule disloquée et genou bien abîmé, j’ai vu des étoiles, je suis repartie plusieurs fois sous l’eau avec les vagues suivantes. Heureusement, les jet skis ont finalement pu m’aider.

Instagram : @justinedupont33   33


THE

LIGHT CLUB

À Genève, VINCENT BARRO a créé voici vingt ans la Cage Academy, première du genre en Suisse. Où l’on apprend que le MMA (ou free fight), sport médiatisé dans toute sa ­brutalité, peut amener les hommes à se construire… pas se détruire !


Texte PATRICIA OUDIT Photos JÉRÉMY BERNARD

35


Dans la Cage Academy du quartier de Carouge, à Genève, on travaille à améliorer les hommes.

L

a première fois que l’on croise Vincent Barro, on est forcément intrigué. L’homme impressionne, stature massive et regard intense, le genre qu’on n’a pas envie de chercher et encore moins de trouver. D’autant qu’au sous-sol de la menuiserie familiale, le Genevois, bodyguard international, a créé en 1999 la première cage de MMA de Suisse, où ce sport, curieusement et contrairement à la France, est autorisé. « Au début, la salle faisait environ deux fois la taille de la cage actuelle, je devais avoir une quarantaine de personnes, des débutants, des boxeurs, des lutteurs, des pratiquants de ju-jitsu, bref, différentes origines “martiales”. La première cage, faite maison, avec du filet de foot, on l’a tissée nous-mêmes avec deux trois copains et une amie couturière. Aujourd’hui, la salle fait 400 m². » Elle témoigne du succès du lieu. Drôle d’endroit, drôle de bonhomme pense-t-on. Débuts dans le judo à 4 ans, détour par le BMX, lutte avec les copains, puis, entre 14 et 16 ans, retour vers la boxe chinoise, thaï et anglaise. « À 18 ans, j’ai eu un prof qui faisait du jeet kune do, dont le maître était le descendant de Bruce Lee (qui créa cet art martial à mains nues à la fin des années 60, ndlr). On combattait dans sa cave aménagée, ambiance Fight Club, juste quelques tatamis par terre. Quand on se prenait les murs, granuleux, on se faisait mal. Très mal. » Autre 36

spécialité à l’actif de Vincent, le ju-jitsu brésilien qu’il pratique avec Pedro Martos, le grand champion et prof culte qui l’a initié et l’entraîne depuis huit ans. Barro montre ses trophées italiens de MMA conquis à Naples en 2001 et 2002, rassemblés sur une étagère. En 2003, toujours en Italie, il est abîmé lors d’un combat. Nez qui saigne, lèvre ouverte pour l’adversaire. Combat annulé. « C’est là que j’ai pris conscience des magouilles du milieu. En 2004-2005, ça a commencé à devenir n’importe quoi… Les combats à la carte, où l’on peut choisir son adversaire, et si on le démolit en 2 minutes, ça fait de la pub pour le club… Des matches où il y en a un qui se fait coucher, mais comme on ne veut pas qu’il perde, on stoppe le combat avant les 3 minutes réglementaires. » Vincent refuse de rentrer dans ce jeu, lui qui apprend la droiture à ses élèves veut montrer au travers de ce sport, le MMA, qu’il faut être juste dans la vie. Le Mixed Martial Arts, c’est un mélange de toutes les techniques de combat (lutte, judo, karaté, ju-jitsu, boxe anglaise, boxe thaï…). Des milliers de mouvements possibles, tous les coups presque permis : une réputation de violence à l’état pur, images de brutes sans foi ni loi, sanguinaires, qui s’étripent jusqu’à ce que l’un rende gorge… Cliché définitif. Balayé en quelques minutes, dès le seuil de la porte franchie. Certes, la cage, symbole apparent de bestialité, trône au fond à gauche, impressionnante. Mais Vincent, voix suave, n’a qu’à tourner le dos pour montrer le slogan rassurant de son tee-shirt : « Amateur de violence THE RED BULLETIN


Méfiez-vous des apparences : costaud, Vincent Barro est un combattant aguerri, mais ne veut que propager le bien.

Au travers du MMA, Vincent Barro veut montrer qu’il faut être juste dans la vie. THE RED BULLETIN

37


« Ce combat qui n’arrivera pas en dehors du club est un combat de gagné. » VINCENT BARRO

­ ratuite s’abstenir »… On songe d’abord à une plaisang terie, quand, dans ce sport, les blessures sont de plus en plus fréquentes et graves, qu’on n’y compte plus les mâchoires fracturées, quand la super star de l’Ultimate fighting se nomme Conor Mc Gregor, bad boy irlandais connu pour son immodestie et son amour du gros prize money. Quand dérapages et provocations sont devenus des préalables au combat. Vincent Barro sourit. Comprend les a priori. Conscient d’être un peu un ovni dans un milieu où le fair-play semble être parfois un gros mot. Il est 17 heures, et en attendant la séance de 18 h 30 du mardi, il tient à nous faire faire le tour du propriétaire. Ce n’est pas anodin. Là, un bonhomme rouge, un Bob, représentant une silhouette, faite pour tourner autour, travailler la précision. « Le ring, je l’ai fait moi-même, dessous, il y a un matériau d’isolation pour amortir les chocs. » Chez Vincent Barro, les instruments sont hauts de gamme, sur-­ mesure, conçus et réalisés par ce bricoleur amateur de mécanique, pensés pour s’entraîner avec précision et protection. On trouve de la mousse à mémoire de forme sur les sacs muraux, au contraire des matériaux bon marché habituellement utilisés dans les salles de boxe. Ici, un pneu d’une des voitures du boss, fixé sur deux morceaux de bois, pour travailler les crochets et les uppercuts. Fait pour taper vite, pas fort. « C’est ce qu’on explique aux élèves : selon les différents modules, on frappe différemment. En MMA, on utilise beaucoup le bas du dos, j’insiste sur les exercices spécifiques pour ne pas se blesser. » Explosivité et tonicité sont les maîtres-mots du lieu. Encore un pneu neuf avec des profondes rainures, qui, quand on tape, vont tuer les nerfs, en prévision des coups de pied tibias sur tibias. « D’ordinaire, on fait ça avec du rouleau à pâtisserie, c’est comme lisser une pâte à tarte. Avec le pneu, c’est moins douloureux. On se prépare mieux. » La cage de MMA, elle, est fabriquée avec un grillage très robuste, fait pour les avalanches, montée suspendue afin que les athlètes soient protégés par cette élasticité. Quant à la porte-guillotine, elle est fabriquée avec du câble d’ascenseur. « Quand la porte se ferme, les boxeurs changent d’attitude, c’est un peu comme si le piège se refermait, il y a beaucoup de choses qui se passent dans la tête… »

À

l’intérieur pourtant, ne pas se faire mal. Ne pas faire mal. C’est le leitmotiv de Barro. Après avoir fait de la compétition, s’être entraîné extrêmement dur, le combattant est entré dans une autre phase. Désormais, quand il entre dans la cage, il se fait plaisir, prend soin de lui et des autres. « On n’est pas là pour se faire des câlins, mais pas non plus pour abîmer l’autre. On est très à

38

ENTRAÎNEMENT/ ENSEIGNEMENT : LES BASES DE VINCENT BARRO RESPECT On se salue en se regardant dans les yeux, au début et à la fin de la séance. On ne dit pas de grossièretés. L’insulte, tout comme la bagarre, y compris en dehors de la salle, valent le renvoi. PRÉCISION À chaque atelier sa fonction : le MMA est un sport au registre technique riche et compliqué. Selon les différents modules, on frappe différemment, pas forcément fort. La précision et la vitesse d’exécution sont des atouts que Vincent privilégie dans ses cours. PROTECTION Elle passe par des équipements hauts de gamme faits sur-mesure pour amortir les chocs et protéger les boxeurs, comme en témoigne, entre autres, la présence de mousse à mémoire de forme sur les sacs de frappe. ADAPTATION La cage est ouverte à tous, mais il faut être prêt à y entrer. Pour préparer au mieux ses stagiaires, quel que soit leur niveau de départ (handicap ou non), Vincent Barro a développé des techniques particulières en fonction des aptitudes de chacun. THE RED BULLETIN


Adola Fofana est a­ vocat. Il frÊquente la Cage Academy depuis sept ans. Ce redoutable combattant venu du krav maga est aveugle.


La cage de Vincent Barro : le seul endroit où le combat est autorisé. Qui se comportera violemment dans la rue sera exclu de son Academy.

cheval sur la sécurité, sur l’échauffement. Ici les mineurs sont protégés. Dans ces sports-là, la blessure est particulièrement négative, on perd du temps à revenir, on perd des athlètes… Les règles à respecter sont nombreuses. Hélas, les médias ne montrent que les shows agressifs qui cassent ce sport et les élèves.» En boxe, Vincent proscrit les coups à la tête, même avec un casque, pour les moins de 15 ans. La philosophie positive a porté ses fruits. Si ce n’est pas la cour des Miracles, c’est bien la cage des possibles. Car il s’en passe des métamorphoses au sous-sol de la menuiserie. Vincent égrène ses réussites éducatives. Comme Joshua, 9 ans, qui à cause d’une maladie de naissance, a une jambe de trente centimètres plus courte que l’autre. « Après plusieurs opérations, on lui a réduit l’écart à dix centimètres. Depuis qu’il boxe, il a fait des progrès incroyables, à tel point qu’à côté de lui, des enfants en pleine santé passent pour 40

des ­handicapés. » Avec lui, Vincent se concentre sur les changements de jambe, travaille davantage les déplacements. Joshua s’entraîne désormais deux fois par semaine. « C’est un gamin bourré de volonté, s’il continue sur cette voie-là, dans deux ans, il sera ­rétabli, dans cinq ans, il fera des combats et je lui ­prédis un grand avenir. » Donner un cadre, une structure à des jeunes est devenu un sacerdoce. « S’ils ne sont pas bons à l’école, s’ils ont des problèmes de discipline, ils ne sont pas en ordre dans leur tête et ne peuvent pas boxer ­correctement ! » Avant de les laisser frapper le sac, Vincent leur édicte quelques lois inviolables : interdit de se battre dans la rue. Qui dit coup de poing sans gant dit fracture de la main, dit renvoi immédiat du club. « J’en connais qui, à cause de ce genre d’attitude, ont gâché leur carrière. » Chaque incartade est signalée aux autres clubs susceptibles THE RED BULLETIN


Si ce n’est pas la cour des Miracles, c’est bien la cage des possibles. très simple : quand tu arrives, tu dis bonjour coach, tu serres la main à tous, tu regardes dans les yeux. Peu à peu, on a créé un lien de confiance, il s’est mis avec les plus forts du club, a pris de l’assurance, s’est réveillé physiquement et psychologiquement. Ses parents qui étaient contre la boxe ont vu leur fils changer grâce à nous, il a gagné des combats… Chaque année, il m’envoie des messages pour me remercier. Il a 20 ans aujourd’hui, une copine, une vie normale. »

D

de les accueillir. Le travail d’éducation creuse très profond. « Ici, on réclame un casier vierge pour les jeunes majeurs. Tous les coaches sont des pacifistes et la ­philosophie pourrait être résumée avec cette maxime : ce combat qui n’arrivera pas en dehors du club est un combat de gagné. Grâce à mon métier de garde du corps, je peux cibler les zones d’inconfort, je leur apprends à flairer le danger, à l’esquiver. Bien agir, c’est séparer ceux qui se battent, en utilisant leur maîtrise à bon escient. » Parmi les élèves qui se sont construits ici, il y a aussi Steven, jeune autiste, dont les autres ados se moquaient au début. « J’ai dit : le premier qui l’ennuie sera renvoyé, on va tous au contraire l’aider comme on peut, et dans deux ans, on sera tous fiers d’avoir fait quelque chose pour lui. » Pour aider Steven, Vincent lui a de suite donné les bonnes cartes : « Comme il était très timide, je lui ai dit qu’ici, c’est THE RED BULLETIN

ans ce Light Club où la vaine brutalité n’a pas droit de cité, il y a aussi et surtout une lumière, un phare. Maître Adola Fofana. Aveugle depuis son entrée en fac de droit, sourire calme, lunettes noires. Il vient d’arriver, venu comme tous les soirs d’entraînement directement de son bureau d’avocat de Genève. En pliant sa canne blanche télescopique, le poids lourd plaisante : « Le parcours du combattant, c’est plus pour rentrer de la salle : 1 h 20 de transport ! J’habite à Lausanne. » Vincent désigne un jeune boxeur pour assister Adola dans ses déplacements. Il enfile son bandeau parce que combattre avec des lunettes c’est compliqué, le bandeau, c’est plus confort. Vincent est le seul qui ait jamais vu ses yeux. Au début, le coach les fermait pour ressentir les choses. « Mais comme je les rouvrais instinctivement, on a fini par combattre dans le noir. C’était très dur, j’ai pris pas mal de coups… » Adola vient du krav manga, avec un petit niveau martial. En sept ans, Vincent lui a appris à boxer, admiratif du bonhomme. « Il fait des interclubs et des sparrings (des combats où les coups sont ajustés mais pas portés, ndlr), il n’est vraiment pas fragile, on le fait tourner avec tout le monde… » Adola a la garde fermée, afin de protéger ses points vitaux, mâchoire, plexus, foie. «Mes repères sont essentiellement sonores, explique-t-il. Dans la rue, je suis habitué à filtrer les sons. J’ai aussi une mémoire spatiale assez développée. Tout comme le toucher. » Adola, plein d’humour, évoque ses rencontres avec le mobilier urbain, plus saignantes parfois qu’un uppercut. Se rit de la difficulté. Affiche des raisons d’homme voyant. « Savoir que je vais pouvoir décharger toutes mes tensions accumulées dans la semaine, c’est la raison principale de ma venue ici. Si j’ai progressé rapidement, grâce à Vincent, c’est que c’est très désagréable de se prendre des coups dans la figure ! On a développé un style personnel qui me correspond : je visualise très bien les choses, je mesure la distance entre mes adversaires. À partir du moment où je sais où se trouve la personne, ce n’est plus un désavantage de ne pas voir. Une fois que je l’ai trouvée, je suis un boxeur normal. » Sur son vélo d’échauffement, Adola, parti pour une heure trente   41


À l’intérieur de la cage, ne pas se faire mal. Ne pas faire mal. Des coups ? Voyez plutôt ici du fair-play, des réussites éducatives, une structure, pour hommes et femmes toutes générations confondues.


Adola et Vincent entrent et sortent de la cage en amis.

Dans ce labyrinthe de ­muscles, rien n’échappe à Adola, l’avocat aveugle. d’entraînement, se livre un peu plus, dit pourquoi il apprécie les sports de combat. « C’est la réalité de la vie, une métaphore, on se prend des coups, on peut en distribuer. Il vaut mieux l’avoir appris ici, plutôt que de prendre une droite en pleine rue et d’être saisi par la peur. On doit tous relever des défis, aveugle ou non. » La salle se remplit peu à peu. Sur la douzaine de combattants, deux jeunes filles, qui frappent mollement le sac, mais que Vincent ne veut surtout pas brusquer : « Elles ont franchi la porte, c’est déjà bien… » Moins de mansuétude pour les garçons. L’un est sommé de retirer sa boucle d’oreille, l’autre écope de vingt pompes pour avoir dit une grossièreté à son sparring partner. On ne plaisante pas avec le respect. « Je veux des gens qui sortent d’ici zen, en contrôle. En dix-sept ans, j’ai renvoyé deux élèves qui sont ensuite revenus s’excuser. Alors, on leur explique qu’ils ne sont pas faits pour ce genre de sport, qu’ils doivent trouver une autre façon de se canaliser. » Toutes les trois minutes, entre souffles rauques et coups amortis, le bip aigu d’une sonnerie vient faire cesser les souffrances. Pause. Les muscles et le cœur asphyxiés ont besoin d’air. Vincent distribue des mitaines de free fight, encourage la jeunesse qui dort à se réveiller, entre et sort de la cage au gré des combats d’entraînement avec ses ouailles, à qui il faut apprendre du geste technique. Puis c’est au tour d’Adola de passer la porte-guillotine. Vincent est inquiet, le lendemain, il a un r­ endez-vous important

et ne doit pas se blesser. Il explique : « Si je me bande les yeux pour que le combat soit équitable, il ne le sera pas ! Adola est redoutable, à armes égales, il peut me mettre en pièce ! S’il n’a jamais combattu contre d’autres non-voyants, c’est que ce ne serait pas correct pour eux ! » Le boss enfile son bandeau bleu. Adola sait combien l’affrontement en aveugle décontenance, d’autant que lui ne fait aucun bruit. Le combat debout confirme l’inégalité du match, Vincent ne peut rien anticiper. Adola pousse d’emblée son adversaire au sol, là où il est le meilleur. Le corps-à-corps remettant tout à plat, l’avocat prend souvent le dessus. Clés de jambe, de bras, rien à faire, il sent tout ce qu’il ne voit pas, et dans ce labyrinthe de muscles, rien ne lui échappe, plus aucune possibilité de fuite pour sa proie. En sueur, Vincent ôte son bandeau. « J’avais oublié à quel point c’est dur de combattre Adola ! Il a une vitesse d’exécution incroyable, a ­progressé en force pure et coordination, il casse la distance. » Adola est un chat. Qui ne se blesse pas. En sept ans de MMA, il s’est luxé deux fois un doigt, quand tant d’autres, ailleurs, se brisent les os. Fin de séance. Chacun défile, se serre la main. Vincent ne partira pas avant d’avoir nettoyé les tapis, pour que la sueur n’ait pas le temps de s’y incruster. À la Cage Academy, tout doit être nickel, le respect passe par là aussi. Adola attend son ami qui ne lui a jamais fait payer de cotisation. « Sa présence est une leçon pour tous les autres. » Avant de se quitter, on va se boire une bière. Rien de tel pour éclairer le reste de la soirée. Et en ressortir avec une autre vision du free fight. Ici, à Carouge, les combats ne se terminent jamais dans le sang, mais autour d’une table, à parler de la vie et de comment, dans ce combat, on peut doucement améliorer les hommes. cageacademy.ch   43


LA TERRE À SES PIEDS L’exploratrice et auteure SARAH MARQUIS explore les coins les plus reculés de la planète, seule et à pied. Ses expéditions en conditions extrêmes lui ont appris une chose : c’est en se reconnectant à la vie sauvage que l’on découvre sa nature profonde et celle de l’humanité. Texte CLAIRE SCHIEFFER  Photos KRYSTLE WRIGHT

En solo et en sac à dos : Sarah Marquis aime marcher là où personne ne voudrait vivre (ici, dans la partie ouest de la Tasmanie, janvier 2018).

44



« Face à la nature, il suffit parfois de faire confiance, de tout son être, à l’univers. » En 25 ans d’expéditions, la Suissesse a plusieurs fois frôlé la mort.


L

a première fois que Sarah Marquis ressent le besoin de se connecter à la nature, elle a huit ans : partie explorer avec son chien les recoins de son Jura natal, elle découvre une grotte peuplée de chauves-souris, dans laquelle elle décide de passer la nuit. Entre-­temps, la Suissesse de 46 ans est devenue exploratrice du National Geographic et spécialiste de la marche extrême dans les coins les plus hostiles de la planète. Au cours de ses expéditions solo, elle a appris à faire confiance aux lois de l’univers et à comprendre le lien qui unit, depuis la nuit des temps, les Hommes à la nature. Cette symbiose, Sarah Marquis nous explique comment la vivre au quotidien. Rencontre avec une femme qui a passé la majeure partie de sa vie sur Terre à mettre un pied devant l’autre.… the red bulletin : Sarah Marquis, votre première expédition, à 21 ans, n’a duré que quelques jours mais fut un désastre d’un point de vue technique : vous n’étiez ni préparée ni équipée du bon matériel. Pourtant, ces quatre jours ont changé votre vie à jamais. Pourquoi ? sarah marquis : C’était en Nouvelle-­ Zélande, dans un tout petit village, et je ne savais pas quoi faire dans le coin : la dame du Tourist Information Center m’a conseillé ce tour de quatre jours dans la forêt, et je suis partie, seule avec mon gros sac à dos. J’avais emmené des bouquins, une radio, plein de trucs improbables… bref, tout sauf ce qu’il me fallait ! Mon sac était trop lourd, il a plu sans arrêt, je marchais dans la boue… et puis malgré tout, au bout de ces quatre jours, je suis arrivée dans une clairière bordée d’arbres et de fougères géantes d’un vert éclatant, et j’ai ressenti ce moment de symbiose, de communion avec la nature. J’ai su que j’étais au bon endroit et j’ai ressenti une vague de chaleur qui me traversait. Ce jour-là, j’ai eu un avantgoût de ce que pourraient être d’autres THE RED BULLETIN

expéditions. C’est l’élément déclencheur, étonnamment au bout du monde, en ­Nouvelle-Zélande, qui explique qu’aujourd’hui encore, à 46 ans, je continue à faire des expéditions.

céramique, qui me permet de boire à peu près n’importe quelle eau sur la planète. Je dois être capable de boire de l’eau ­polluée ou douteuse, voire de l’eau avec des animaux morts dedans…

En vingt-cinq ans, le contenu de votre sac à dos a dû changer : quels sont aujourd’hui les objets indispensables à chacune de vos expéditions ? Pour ce qui est du matériel, je dois faire le bon compromis entre un matériel léger et efficace, mais qui soit aussi très robuste et résistant aux conditions de voyage les plus rudes. C’est mon challenge ! Dans mon sac à dos, on trouvera forcément un panneau solaire, qui recharge toutes les batteries de mon matériel électronique, comme mon trackeur, ma balise, mon téléphone satellite, mon GPS, etc. Et bien sûr – c’est sans doute l’élément le plus important – ma pompe à eau MSR, à filtre

Vous ne partez jamais sans votre théière, non plus. Oui ! Je la trimbale aux quatre coins de la planète : c’est mon outil psychologique. Quand tout va mal, je m’arrête, et je me fais un thé. Je me crée cette bulle où j’arrive à m’extraire de la difficulté de mes journées, et cette pause me permet de remettre les compteurs à zéro, de repartir dans un autre état d’esprit. Vous savez, la puissance de l’esprit sur le corps, c’est quelque chose de réel : il faut toujours être positif à 100 % et pas seulement à 99,9 %. C’est ça la difficulté ! Alors, quand je vois que je m’éloigne de ma positivité, je m’arrête. Peu importent l’endroit et

Après des semaines de pluie, une éclaircie, ­instant rêvé pour un thé.

Désormais spécialiste des baies sauvages, ­Sarah Marquis présente ici la D ­ aniella Tasmanica.

47


« Une fois sur le terrain, il faut lâcher prise complètement. » Des mois, voire des années de préparation avant chaque expédition. Pour pouvoir, une fois sur place, ne s’en remettre qu’à son instinct.


l’heure. Ces gestes, qui sont toujours les mêmes, créent comme un rituel, et ce rituel déclenche en moi un espace-temps où j’arrive à me glisser, où il fait chaud, où il n’y a pas de problème. Et je ressors de cette pause-thé avec une nouvelle énergie et toujours très positive. Vous avez parcouru des dizaines de milliers de kilomètres, seule, dans les coins les plus reculés du globe. Qu’avez-vous appris ? Ces vingt-cinq ans d’expérience m’ont aidée à comprendre mon positionnement dans un environnement hostile, où je dois gérer les conditions climatiques, les prédateurs, mon approvisionnement en eau et en nourriture – tout ça ensemble. Et cette capacité à lire la nature, dans ses plus petits détails, m’a aussi aidée à lire les gens, à lire le monde dans lequel on vit. De la même façon qu’on lit le décor naturel, en fait. Et apprendre à lire ce décor, ça prend du temps. Rien ne va vite. Ce sont ces expériences, souvent extrêmes, hors de ma zone de confort, qui m’ont appris, par exemple, qu’au pied de tel arbre, il y a ce type de plantes, et qu’il y a des oiseaux qui mangent ce type de plantes, et puisque je sais que cet oiseau ne s’éloigne pas plus de cinq kilomètre de son nid, je sais qu’autour de cet arbre, dans un périmètre de cinq kilomètres, il y aura un point d’eau. Mais je ne sais pas où. C’est comme une chasse au trésor ! Ces connaissances, vous les avez donc ­acquises en autodidacte ? Oui. Avant de partir, je me renseigne sur la faune et la flore, les conditions climatiques, et je lis beaucoup l’histoire du pays. Tout ça, c’est dans ma tête lorsque je me retrouve sur le terrain : en situation extrême, il y a plein de petites infos sur le passé du pays qui vont remonter. Ce sont comme des couches qui s’accumulent, ça me donne un savoir du pays, qui est important, mais que je n’ai pas expérimenté, ce ne sont que des mots. Ce savoir est donc là pour me rassurer avant de partir, me donner l’impression de maîtriser mon contenu. Il évite que je construise une peur à l’intérieur. Par contre, une fois sur le terrain, c’est l’inverse qui se passe : il faut lâcher prise complètement, mais ­toujours avec ce savoir dans la tête. Les plus grands dangers viennent-ils de la nature ? Non, jamais. La nature se lit. On peut évidemment avoir des surprises, mais en gros, la nature se lit. Les animaux ont un territoire : il faut donc toujours se demander qui est le maître des lieux où l’on passe.

« La difficulté, c’est de rester toujours positive à 100%. » Est-ce un loup, un ours ou des oiseaux ? Avant de m’endormir à même le sol, je dois savoir qui habite là. Ça va déterminer l’endroit où je vais poser ma tente : sur la crête d’une montagne, en bas d’un arbre, ouvert dans la plaine pour voir qui me vient dessus. Autre point important : les conditions météo. En Mongolie par exemple, il y a de violentes tempêtes de plaine, et j’ai dû passer des nuits entières à subir la foudre et ces éclairs de chaleur sans rien pouvoir faire. Mais à un moment donné, il faut avoir confiance en l’univers. Il faut avoir la foi : pas la foi religieuse, mais cette foi en l’univers, de tout son être. Difficile de faire confiance à quelque chose qu'on connaît si peu... Mais cette foi, elle se construit. Il y a un rythme, une dualité dans la nature, qui a un sens. Petit à petit, au fil des jours ou des semaines, une harmonie va se créer entre moi, qui me déplace à pied, et la nature. C'est ce que j'ai compris au cours de mes pérégrinations : que nous faisions partie de la nature, que nous étions la nature. Et je vous parle aujourd’hui, donc c’est que tout va bien (rires). Vous résumez votre mission de vie en ces termes : « Je suis comme un pont entre la nature et les Hommes. » ­Qu’essayez-vous de transmettre, concrètement, à travers vos livres ? Je vis dans la nature, et j’ai réalisé que cette connexion avec elle n’était pas seulement incroyable pour moi, mais aussi pour le reste des Humains sur cette planète. Donc je suis un porte-parole, pour nous, Humains, qui vivons pour la plupart dans des immeubles, entourés de béton et de câbles électriques. C’est beaucoup plus difficile dans ce cas de se connecter à la Terre que pour moi, dans ma petite tente, qui dors directement sur le sol. Mais ce que je veux partager avec les Hommes, quand je retourne à la civilisation, c’est tout ce qui se passe quand on sort de sa zone de confort, c’est cette découverte de qui nous sommes, nous, en tant   49


En 2015, lors de la traversée en solo des Kimberley, en Australie.

La marche en solo est-elle le meilleur moyen d’apprendre à se connaître ? Complètement. Parce que la plus belle des expéditions, c’est celle qui se joue à l’intérieur. Quand je pars, je brave les éléments, les obstacles, mais ce ne sont là qu’un écho sur mon intérieur. Si j’arrive à réaliser tout cela, c’est parce que je sors de ma zone de confort et que j’ai compris qu’en étant positive seulement à 99 %, ça m’affecte. C’est donc à travers ces expéditions que j’ai compris les outils que j’avais pour affronter la vie en général et pour me connaître, surtout. Connaître nos outils intérieurs et réaliser l’ampleur de notre force intérieure.

« La plus belle des e­ xpéditions, c’est celle qui se passe en notre for intérieur. »

Sarah Marquis : quelques chiffres C’est le premier pas qui compte.

70

C’est l’amplitude des températures (de − 35 °C à + 35 °C) que Sarah a dû affronter lors de son expédition de 3 ans entre la Sibérie et l’Australie, en passant par le ­désert de Gobi et la jungle du Laos.

40 000

C’est le nombre de kilomètres qu’elle a ­parcourus à pied, soit la ­circonférence de notre planète. À partir de ce chiffre, Sarah a ­cessé de compter les ­bornes qu’elle accumulait.

50

2 000

Le nombre de km que supportent ses paires de chaussures en moyenne.

510

jours en situation de survie dans l’Outback australien (20022003), à chercher elle-même sa nourriture et son eau.

9

heures de marche par jour en moyenne, avec un sac de 30 kg sur le dos (et selon les expéditions, une charrette de 17 kilos).

autour de moi, je sens le vent, les arbres, j’ai une sensibilité extrême qui fait que je peux m’identifier à toute cellule vivante. Donc il y a comme une prise de conscience complète qui se passe au fond de moi. À chaque retour d’expédition, j’ai grandi. Et j’ai appris quelque chose de plus, à chaque fois. Il y a une évolution, et c’est pour cela qu’en partant ainsi toute seule, au bout d’un moment, je remarque que je ne suis pas seule. Mon être a fondu pour fusionner avec tout ce qui m’entoure, donc il n’y a jamais un sentiment de solitude. Et quand, par ce petit pont, je reviens dans la société, j’ai beaucoup plus d’empathie pour les gens. Beaucoup plus de compréhension. Et de détachement. Cette connexion subtile que j’ai avec l’univers m’aide à comprendre aussi beaucoup mieux les Humains.

qu’êtres humains. C’est quelque chose de ­supérieur et donc automatiquement, il y a un respect de la vie qui s’installe, de la vie dans la nature, de la vie entre les êtres humains, de la vie dans ce que nous consommons – c’est pour cela d’ailleurs que je suis devenue végane. Et j’ai ce devoir, cette mission de vie, de parler de ce respect, de planter des graines, à travers mes livres, mes conférences. En quoi la connexion avec l’univers peut-elle être un remède contre la ­solitude  ? C’est intéressant comme question, parce qu’avec le fait d’être seule dans la nature aussi longtemps et de passer plusieurs mois sans voir personne, il m’arrive parfois, lorsque je reviens à la civilisation, d’avoir mal à la gorge parce que je n’ai pas utilisé mes cordes vocales pendant deux ou trois mois. Comme je suis longtemps dans la nature, je dois souvent lâcher prise. Je me compare à un petit glaçon qui fond au soleil : je perds mon identité et je deviens nature. Je sens tout ce qui se passe

Tout le monde en est capable, alors ? Nous sommes tous des chercheurs, des explorateurs ! Mais nous, là, tous seuls dans nos cocons, nous n’allons nulle part parce que, justement, on se rend malades, stressés. Parce qu’au fond de nous, on a tous un animal sauvage qui demande à courir tout nu dans une plaine, à sentir le vent, à respirer l’air pur. On a cette part animale en nous. On a cet instinct, qui a été au fil des siècles, avec la société, les religions, la rigueur sociale, complètement étouffé. Pour résumer : comprendre sa vie intérieure et sa relation avec la nature est essentiel à l’espèce humaine. Parce que cela va déterminer sa survie, sa prise de conscience, et entraîner un respect plus grand pour la vie et pour l’Autre, pour l’univers et pour tout ce qui nous entoure. Et ça, c’est la seule façon de s’en sortir.

J’ai réveillé le tigre, de Sarah Marquis. Un récit initiatique sur son expédition dans la région la plus sauvage de l’île de Tasmanie. Parution : avril 2019 chez Michel Lafon. sarahmarquis.ch THE RED BULLETIN


« Dans ces expéditions, j’ai réalisé l’ampleur de notre force intérieure. » Durant son dernier périple, Sarah Marquis a dû marcher trois jours dans la jungle la plus dense avec 35 kg sur le dos… et une épaule fracturée.


PARADIS CONQUIS

Avec ses fêtes diurnes, YANN PISSENEM a transfiguré Ibiza et son milieu des boîtes de nuit. Le fondateur du Ushuaïa Ibiza Beach Hotel révèle comment le fait de dormir pendant des mois par terre dans son bar et aller à l’opéra dans sa jeunesse en ont fait un magnat de la nightlife de La Isla Blanca.  Texte PIERS MARTIN

S 52

ROBERTO CASTANO

i vous faites partie des trois millions de ­touristes ayant passé leurs vacances à Ibiza l’été dernier, il y a de fortes chances pour que vous ayez rendu visite à l’un des clubs tenus par Yann Pissenem. En dix ans, le quadragénaire français, entrepreneur de la vie nocturne, a revitalisé le théâtre festif de l’île, initiant des événements diurnes de plein air qui ont lancé une nouvelle tendance g ­ lobale dans les métropoles européennes, de Londres à Berlin. THE RED BULLETIN


“I try to be myself… I don‘t want to hide what I think and feel“ «  Nous avons réuni deux générations de fêtards à Ibiza. » Yann Pissenem (à gauche) et la scène du Ushuaïa Ibiza Beach Hotel (droite) – l’ultime fête de jour et de nuit sur l’île.

THE RED BULLETIN

53


the red bulletin : Qu’est-ce qui vous a conduit à la Playa d’en Bossa à Ibiza? yann pissenem : Quand je suis venu pour la première fois à Ibiza, c’était en 1994. Je venais pour faire la fête, pour voir l’île. Je suis allé au Space où j’ai vu des fêtes géniales. Quand je suis revenu avec mon frère en 2008, nous avons découvert que tout avait changé. Plus d’after-party, personne qui dansait sous le soleil ou la lune. Il y avait quatre boîtes qui ressemblaient plutôt à des entrepôts, juste de grandes boîtes de nuit sombres. J’ai vu qu’il y avait un créneau sur le marché. 54

En 2017, Pissenem fait émerger son superclub Hï Ibiza des cendres du Space.

Quelle conclusion avez-vous tiré de cette observation ? Je voulais créer quelque chose de festif en journée, j’ai donc décidé de mettre l’après-midi à profit. C’est ainsi que nous avons transformé Ibiza en réunissant deux générations de fêtards. Les plus jeunes ont la possibilité de faire la fête au soleil, les plus âgés n’ont pas ­besoin d’attendre cinq heures du matin pour que la tête d’affiche commence à jouer.

ROBERTO CASTANO

En 2008, il a lancé le Ushuaïa Ibiza Beach Club sur la Playa d’en Bossa, avec en tête son nouveau concept de fête d’après-midi. Deux ans plus tard, la teuf de clôture attirait 14 000 personnes. En 2011, Pissenem a inauguré le Ushuaïa Ibiza Beach Hotel pouvant accueillir 7 000 personnes, qu’il décrit comme « un parc d’attractions pour adultes » et qui, pendant la journée, baigne dans la fête, des piscines aux restaurants et au club, tandis que le soir les parties privées peuvent aussi investir les chambres. En 2017, la même équipe a lancé Hï Ibiza, modernisation somptueuse du mythique Space, une des boîtes les plus appréciées de l’île. Pissenem en a parcouru du chemin depuis son premier boulot d’ado chez McDonald’s, dans le Nord-Est de la France. « J’ai fait plein de burgers et me suis souvent brûlé les mains », rembobine-t-il installé dans son bureau à Ibiza, occupé à mettre la dernière main au planning de cette saison. L’an dernier, parmi les DJ’s résidents on comptait les plus grands noms au monde, de David Guetta à Martin Garrix et Kygo. D’après Pissenem, l’élément déterminant de son succès est un sens poussé du contrôle. Il supervise tous les détails des plus de 250 shows que sa compagnie, The Night League, produira dans différents lieux, et qui verront passer quelque 1,5 million de personnes au cours des cinq mois que dure la saison. « Si je ne maîtrise pas tous les détails, ça me rend ­nerveux », dit Pissenem, qui exerçait en tant que juriste avant de faire ses premières armes dans ­l’hôtellerie à Barcelone au cours du boom des années 1990 qui a suivi les Jeux olympiques. Pissenem est un fan de techno dans l’âme. « Nous allions en Belgique à des raves en forêt, se souvient-il de ses aventures de jeunesse. J’écoutais Nirvana et U2, mais c’est la musique électronique qui a toujours été ma vie. » Cette passion a mené Pissenem au sommet de son art, et il a la ferme intention de ne pas se reposer sur ses lauriers.

THE RED BULLETIN


Mais vous ne pouvez évidemment pas contrôler chaque détail des 250 shows et plus que vous montez chaque année ? J’ai la chance d’avoir une équipe formidable pour m’épauler. Mon frère en fait partie, c’est un génie de la production. C’est la personne qui m’est la plus proche et c’est peut-être pour cela qu’il est capable de transformer mes idées en projets concrets. Nous discutons des concepts et il arrive avec des plans en 3D et des scénographies pour nos shows.

Une des leçons les plus importantes ayant favorisé votre succès ? Ma mère est professeure d’anglais et est très calée en arts. Mes parents m’emmenaient au théâtre une fois par semaine et à l’opéra une fois par mois. Ils m’ont élevé en m’inculquant la conviction que la compréhension de la culture et l’apprentissage permanent sont les choses les plus importantes de la vie.

La rumeur dit qu’après la première saison du Ushuaïa Beach Club en 2008, vous avez continué à dormir dans le bar avec votre chien... Oui, j’étais venu dans l’île pour l’été, je n’avais donc pas de maison pour l’hiver, et comme j’avais tout mon équipement dans le club sur la plage, j’ai décidé d’y rester avec mon chien, sans lumière ni électricité. J’ai dormi par terre pendant quatre mois. De nombreux entrepreneurs du monde de la nuit tentent leur chance à Ibiza. La plupart échouent. Quel est votre secret? Tu dois contrôler toutes les étapes de la mise en place et tout superviser depuis l’ébauche d’une idée jusqu’à ce que les clients quittent ta boîte et montent dans un taxi. Un minuscule détail peut tout mettre par terre. Nous discutons de chaque détail en matière de création, marketing, développement, commercialisation, mais aussi réalisation. THE RED BULLETIN

À votre avis, que vous reste-t-il à apprendre ? Dans mon domaine tout particulièrement, je dois ­rester en contact avec les goûts de la jeune génération. Je suis les jeunes talents et tente de pressentir qui ­repoussera les limites de la dance music. Quelle est votre journée-type pendant la saison des fêtes? Je me réveille à midi, lis et réponds à tous les messages depuis mon portable. Après, je vais courir, puis je reviens prendre une douche avant d’aller au Ushuaïa. Là, je réunis l’équipe, on fait le point et on lance la fête de cinq heures du soir à minuit. Ensuite, je traverse la rue et continue ma soirée au Hï Ibiza ; et enfin vers huit heures du matin, je rentre chez moi. Je m’occupe de mes chiens, je m’accorde un break pendant une vingtaine de minutes car je ne peux pas m’endormir tout de suite, et je passe du temps avec ma femme et notre bébé. Cela, je le répète 120 jours d’affilé.

Les fêtes d’inauguration du Ushuaïa et du Hï Ibiza auront lieu le 18 mai. Pour en savoir plus : theushuaiaexperience.com   55


Le travail de Rodgers en tant qu’auteur, producteur et interprète a contribué à la vente de 500 millions d’albums.


LE MIRACULÉ DU GROOVE Le légendaire musicien et producteur NILE RODGERS vous raconte la naissance du disco et comment certains ont voulu y mettre fin, l’improbable renaissance de son groupe Chic, ses années de défonce en compagnie des dieux du rock et sa passion inépuisable pour la création et l’évolution. Texte MARCEL ANDERS  Photos HÉLÈNE PAMBRUN/PARIS MATCH/CONTOUR

57


« Il y a un nouveau besoin pour une musique qui fait chanter, danser et oublier la triste réalité pendant quelques minutes. »

L

a première fois que j’ai mis les pieds dans une ­discothèque, c’était en 1974. J’étais avec une fille et on s’est retrouvés dans ce club où jouait une première version de Love to Love You Baby. C’était avant que ça ne devienne un succès pour Donna Summer. Le son était complètement différent. Et le DJ passait d’un morceau à l’autre sans coupure ; je n’avais jamais entendu cela auparavant. Jusque-là, une chanson allait toujours jusqu’au bout – il y avait un petit silence, puis la chanson suivante commençait. Mais ici, pas de silence, juste un beat sans fin et soutenu. À l’époque, je jouais dans un groupe rock qui marchait relativement bien mais ne proposait rien de nouveau. Cette expérience m’a vraiment époustouflé et m’a donné envie de réaliser quelque chose de semblable. Je voulais faire partie de ce monde excitant où la musique semblait ne jamais s’arrêter. J’ai fondé Chic en 1976 avec mon partenaire musical, Bernard Edwards, aujourd’hui disparu. La première fois que Bernard et moi sommes allés au Studio 54, Grace Jones nous avait invités, mais on ne voulait pas nous laisser entrer. C’est ce qui nous a fait écrire la chanson Le Freak qui s’est vendue à 13 millions d’exemplaires à travers le monde. C’était notre façon de nous venger d’eux. Au début, le chœur ne disait pas freak out mais fuck off. Mais heureusement, nous l’avons changé. La chanson la plus importante que Bernard et moi avons écrite – Good Times – est aussi la dernière que nous avons sortie en tant que membres de Chic. Ce fut très important parce qu’elle a été numéro un au hit-parade après la campagne « Disco Sucks » (trad. le disco, c’est nul). La façon dont les gens ont brûlé leurs disques de musique disco n’était rien de moins qu’un geste raciste. Ce sont les blancs de la Bible Belt américaine qui ont mené ce mouvement et cette musique ne s’adressait pas à eux – nous l’avons créée pour des gens comme nous, pour danser et pour s’amuser. Pas pour les ploucs du Wisconsin qui se baladent avec leurs tee-shirts aux couleurs du groupe Journey. Le succès de Good Times m’a fait réaliser la force d’une bonne chanson. Le fait qu’elle puisse surmonter une telle hystérie collective. Je suis sûr que beaucoup d’idiots qui ont participé à la campagne « Disco Sucks » l’ont aussi acheté. Finalement, Good Times a été le comble de l’ironie, tout comme ce qui l’a suivi, comme My Sharona de The Knack. L’influence de Chic sur cette chanson était si manifeste que c’en était presque risible. Et exactement un an après Good Times, le single n° 1 en Amérique était Another One Bites the Dust de Queen. Hey ! Si cela n’a pas été ­influencé par Good Times, alors rien ne l’a été. J’ai écrit toutes mes grandes chansons sur une guitare Fender Stratocaster. Je l’appelle « The Hitmaker ». Je ne toucherai plus ­jamais une autre guitare ! J’ai maintenant quelques répliques de 58

ce modèle que j’emporte lors de mes tournées pour que rien ­n’arrive à l’original, mais lorsque je compose ou enregistre en ­studio, j­’utilise cette guitare de 1960. Je l’ai achetée dans un ­magasin à Miami au début des années 70 quand Bernard et moi faisions la première partie des Jackson Five. On nous appelait ­encore le Big Apple Band et nous ne remportions qu’un succès modeste, ce qui n’est pas étonnant avec un tel nom. En fait, nous étions plutôt bons malgré la sonorité de ma guitare qui n’était pas vraiment funky. Ça sonnait bien, mais ça ressemblait à du George Benson ou du Wes Montgomery. Un jour, Bernard m’a dit : « Écoute, pose ta guitare jazz et ­essaie une Strat, comme Hendrix et Clapton. » Je n’étais pas très enthousiaste à l’idée au départ mais je suis entré dans ce magasin avec mon ampli acoustique et ma vieille guitare. Le vendeur a pris la Strat, l’a branchée à mon ampli et ça sonnait sacrément funky. C’était mon nouveau son. Je l’entretiens depuis. Et je ­serais stupide de le changer. L’une des raisons pour lesquelles je viens de signer un nouveau contrat de disque sous le nom de Chic, c’est que, pour ­l’instant, il y a très peu de groupes noirs aux États-Unis qui ont un contrat avec une major. Pour être honnête, je n’en vois que deux : The Roots et des gars réunis sous le nom d’Unlocking the Truth. Ils sont vraiment jeunes mais ils font du très bon heavy metal. Et c’est tout.

J’

ai l’impression qu’il y a un nouveau besoin pour une ­musique qui fait du bien à l’auditeur, qui fait chanter et danser les gens et qui fait oublier la triste réalité pendant quelques minutes, un peu comme une évasion dans un monde artificiel. Pas tant une réalité différente qu’un monde plus optimiste, où les choses sont comme nous voudrions qu’elles soient, plutôt que comme elles sont réellement. Je sais très bien qu’il y a de l’injustice dans le monde et que les gens ont des problèmes. Nos chansons reflètent cela, mais elles ont tendance à être positives, et il y a une philosophie simple derrière cela. Quand l’ère du disco a commencé, il était synonyme d’amour, de confiance et de plaisir – c’était un merveilleux refuge. Et Daft Punk prouve que le disco est toujours populaire. Ces robots sont géniaux. J’ai rencontré le duo il y a plus de vingt ans lors de la sortie de leur premier album. J’étais vraiment intéressé d’entendre un groupe sampler mes morceaux d’une manière créative, unique et originale. Ces gars étaient une bouffée d’air frais à une époque où les gens abusaient du produit du travail des autres pour en faire la base de leur propre matériel. Daft Punk faisait – et fait encore – vraiment quelque chose d’unique. J’ai tout de suite senti un lien profond avec les membres du groupe. Nous sommes devenus de bons amis et puis nous avons commencé à faire de la musique ensemble. THE RED BULLETIN


Rodgers, 66 ans, a été ­intronisé au Rock and Roll Hall of Fame en 2017.


Keith Richards, Madonna, Donna Summer, Bowie, Lady Gaga, ce type les connaît tous.

J’ai récemment sorti ce nouvel album, intitulé It’s About Time, sous le nom de Chic. C’est un mélange de vieux trucs de la formation classique de Chic et de nouveaux trucs avec le groupe ­actuel. Le catalyseur de cet album a été une boîte de démos et de prises de sons qui a été découverte en 2011. Après avoir tout écouté, ce qui m’a pris des mois, j’ai réalisé que ç’aurait été ­dommage de ne pas l’utiliser sous une forme ou une autre. 60

C’était le coup d’envoi d’un travail plus intense sur l’idée de ­l’album. C ­ omment la boîte est arrivée jusqu’à moi ? Le studio où nous avons enregistré à l’époque a changé plusieurs fois de proprio, et beaucoup de matériel s’est retrouvé dispersé dans les sous-sols, les garages, les greniers ou ailleurs. Et puis un jour, les proprios ­actuels du studio, une entreprise japonaise, tombent sur cette boîte et la rend à Warner Bros., parce qu’ils ne voulaient THE RED BULLETIN


pas en être responsables. Une fois là-bas, quelqu’un l’a d’abord classée dans la section Chic sans en vérifier le contenu. Cela ne s’est produit que lorsqu’ils ont pris le temps de numériser toutes les bandes analogiques des archives. Il y a assez de matériel inédit là-­dedans pour me suivre jusqu’à la fin de mes jours. Nous étions incroyablement créatifs et productifs à l’époque. Nous étions vraiment déchaînés… et pas que musicalement. J’ai fait ma première expérience avec les drogues à l’âge de 13 ans. J’étais avec mes parents à l’un des événements que ­Timothy Leary organisait à travers les États-Unis à la fin des ­années 60 et qui avaient pour but d’accroître la conscience avec le LSD, ce qui était merveilleux. Bien sûr, à l’époque, je n’avais ­aucune idée de ce qu’était le LSD, mais comme tout le monde en prenait, j’ai essayé aussi. Que dire ? Ce fut un changement ­radical dans ma vie. Comme un portail vers un autre monde. Pour être honnête, j’ai été donné pour mort très souvent mais je suis toujours là. Un soir, alors que j’étais avec Mickey Rourke, j’ai été emmené aux urgences et déclaré mort. Mon certificat de décès avait été établi parce qu’on avait essayé de me réanimer huit fois et que ça n’avait pas marché. Au neuvième et dernier ­essai, je suis revenu à la vie. C’est ce que le docteur m’a dit. J’ai des regrets, bien sûr. J’ai eu des conflits avec Eric Clapton dans le studio après qu’il avait juré de ne plus consommer de drogues ni d’alcool. Et j’étais probablement le plus grand consommateur de drogue au monde, et de loin. Et pour empirer les choses, son fils venait de mourir. Alors il était dévasté que je fasse la fête tous les jours en studio. Ce n’était pas par manque de respect envers lui mais c’est probablement comme ça que cela a été perçu. Bien sûr, je l’ai sincèrement regretté plus tard. Et on ne s’est pas parlé pendant des années. Je l’ai rencontré à un événement récemment, et il était complètement détendu et cool. Il a même demandé à son manager pourquoi je n’avais ­jamais participé à Crossroads, son festival de guitare. Mais je suis sûr à 100 % que ce qu’Eric a vraiment dit c’est : « Nile est un putain d’enfoiré. Quoi que tu fasses, ne l’invite pas. »

P

lus tard, au milieu des années 90, j’ai été invité à une party chez Madonna. J’étais sorti pendant trois jours et j’avais sniffé tout ce que j’avais pu. J’ai commencé à entendre des voix dans ma tête, ce qui était effrayant, surtout quand elles me disaient que la mafia avait mis ma tête à prix. J’avais passé une folle nuit de sexe débridé avec deux femmes, dont l’une d’elles était la petite amie d’un tueur à gages bien connu. Et je savais qu’on ne rigole pas avec des gars comme ça. J’ai donc appelé un magasin qui vendait des armes d’Extrême-Orient et j’ai commandé une épée de samouraï qui m’a été rapidement livrée. Après ça, j’ai contacté deux gros durs que je connaissais. Ils ont apporté un revolver calibre .45. J’avais tout cela avec moi à cette party. Et je me suis caché dans un placard parmi les robes de Madonna. Et les voix ne s’arrêtaient pas. C’était complètement dément. J’ai abandonné la drogue peu de temps après, du moins les trucs durs. J’avais lu dans un magazine que Keith Richards avait arrêté et je m’étais dit : « S’il peut le faire, alors je peux aussi. » Puis je suis allé dans un centre de désintoxication. Le l­ endemain

« J’adore travailler avec des gens qui ont de bonnes idées. Et je me fiche de leur âge. » THE RED BULLETIN

de ma sortie, Keith m’appelait pour me demander si je pouvais lui acheter de la coke. Ce qui prouve qu’il ne faut jamais croire ce qu’on lit dans les magazines.

E

n tant que producteur, j’ai eu l’occasion de travailler avec des artistes et des personnages étonnants. Il n’y a qu’une seule fois dans ma vie où j’ai sciemment menti à quelqu’un, c’est quand j’ai fait chanter I’m Coming Out à Diana Ross. J’étais allé dans un club de drag queens à New York et j’avais vu à quel point ils adoraient Diana et combien de gens l’imitaient. C’était de la folie : même si elle était ultra conservatrice, elle était une icône drag sans même s’en rendre compte. Quelle ironie ! Alors Bernard et moi avons écrit une chanson intitulée I’m Coming Out, ce qui serait super pour les drags Diana, et pour Diana ellemême, bien sûr. Et comme elle n’avait aucune idée que c’était une expression du monde LGBT, elle était partante. Mais quand elle est allée en tournée promotionnelle, tous les intervieweurs lui ont demandé si elle était lesbienne. Elle était folle de rage, mais elle ne pouvait pas critiquer le succès. Alors j’ai fait comme si j’ignorais la cause de cette agitation. C’était trop drôle. J’ai traité avec Madonna en faisant preuve d’assurance. Je l’ai d’abord convaincue d’enregistrer les chansons de l’album Like a Virgin avec Chic – le groupe au complet – au lieu de simplement utiliser ses démos électroniques. J’y suis arrivé en disant : « Si nous utilisons ces déchets électroniques, tu sonneras comme tous les autres artistes, parce que qu’ils n’ont rien de spécial. Mais si mon groupe les joue, ça sonnera différent, original. » Elle avait des doutes au départ et aurait été totalement satisfaite du son de la démo. Mais j’ai fait preuve de fermeté. Je ne m’en suis probablement tiré que parce qu’elle était au tout début de sa carrière. Madonna a tellement maltraité le groupe, elle a été tellement insupportable qu’à un moment, je suis parti. Elle m’a couru après, m’a rattrapé sur le parking, a fait la moue et a dit : « Ça veut dire que tu ne m’aimes plus ? » Je n’ai pu qu’éclater de rire. Ma tentative de grève n’aura donc duré que 10 minutes. Et nous sommes restés les meilleurs amis jusqu’à aujourd’hui. J’adore travailler avec des gens qui ont de nouvelles idées cool. Et je me fiche de leur âge. Je veux toujours aller de l’avant. Je veux constamment faire face à de nouveaux défis. C’est ce qui me fait continuer. J’aime l’EDM (electronic dance music). Pour les jeunes d’aujourd’hui, c’est exactement ce que le disco a été pour moi, un son avec lequel on peut vraiment beaucoup s’amuser. On m’a diagnostiqué un cancer en 2011. Je pense que cela m’a poussé à travailler encore plus. Être aussi actif fait partie de ma routine maintenant. Je me suis lancé dans le travail pour ne pas avoir à penser à la maladie. C’était en fait une véritable tactique de diversion. Et je me suis délibérément imposé un rythme insensé pour tirer le meilleur parti du temps qu’il me restait. Mais cela a fini par développer une dynamique autonome et on a commencé à faire appel à mes services. J’ai passé une soirée à enregistrer avec Lady Gaga. Nous nous sommes rencontrés à New York par hasard et avons eu un de ces moments magiques. Ce fut une sorte de coup de foudre musical. On s’est donc arrangés pour se retrouver, puis on a traîné ensemble et on s’est incroyablement bien amusés. Et elle a dit : « Tu veux venir au studio avec moi ? » C’était complètement inattendu, ce que j’ai trouvé génial. Elle travaillait à l’époque sur la musique d’un film avec Diane Warren. Et quand je suis allé au studio, j’ai rencontré Diane pour la toute première fois. Et, comme avec Gaga, on s’est tout de suite bien entendus. Puis j’ai fait mon truc habituel, du Nile Rodgers, et c’est tout.

nilerodgers.com   61


IMPOSSIBLE… ET ALORS ? De la Bavière au Groenland, un aller-retour, par la seule force de la nature. Le grimpeur de l'extrême allemand STEFAN GLOWACZ a vécu cent jours d’aventures à l’état pur ‒ et a appris en route quelques leçons de vie importantes. Texte NINA HIMMER  Photos THOMAS ULRICH


Mille kilomètres d’ouest en est. Entre les deux, rien que de la glace, de la neige et des dénivelés invisibles qui gênent la glisse.

63



GROENLAND ALLER-RETOUR Voiture électrique Voilier Marche, snowkite ou escalade

Groenland

Islande

Îles Féroé

Leçon n° 1 :

Gardez votre sang-froid Les premiers jours sur la glace, Stefan Glowacz et ses compagnons ne progressent guère. Le soir, l’appareil GPS affiche rarement plus de dix kilomètres accomplis. La raison : d’innombrables chenaux d’eau de fonte qui creusent la glace et contraignent à de longs détours. « La patience n’est pas mon fort, je me rebelle intérieurement. » Mais il doit s’y résoudre : la colère ne change rien. « Vous devez accepter la r­ éalité, même si cela signifie marcher pendant des heures dans la direction opposée. »

Écosse

Angleterre Allemagne Munich Berne France

65


Leçon n° 2 :

La nature donne le rythme

Au Groenland, les blocs de glace contraignent la « Santa Maria » à une vitesse de tortue ; le vent souffle dans la mauvaise direction. Stefan Glowacz, Philipp Hans et le photographe Thomas Ulrich doivent se résoudre à traîner, à geler et à jurer plutôt que filer avec leurs snowkites.


« On peut aussi beaucoup transpirer par ‒ 40 °C. Mais gare à celui qui s’arrêtera. » Chaque jour, le groupe s’active neuf heures durant, sans une seule véritable pause. Il fait trop froid pour cela.

67



« Nous tenions absolument à gravir cette montagne, mais elle n’a pas voulu se laisser faire. »

Leçon n° 3 :

Continuer, même si ça ne sert plus à rien « Parfois, il faut aller au bout des choses même si on sait déjà qu’elles s’avéreront inutiles. » Glowacz évoque ici l’ascension du Grundtvigskirken. Lui et son partenaire de cordée Philipp Hans découvrent l’imposant sommet depuis leur bateau. C’est leur dernière chance pour une première ascension. Mais arrivés au pied de la montagne en compagnie du photographe Thomas Ulrich, leurs craintes se confirment : tout est gelé, l’escalade est impossible. Si une partie de ­l’expédition a échoué, elle n’a pas été complètement annulée.   69


Leçon n° 4 :

Ne laisser absolument rien au hasard À la maison, dans le garage, Stefan Glowacz et Philipp Hans trient leur matériel avant l’expédition. « Pour une telle aventure, la préparation est essentielle », souligne Glowacz. Elle détermine le succès ou l’échec et, dans les cas extrêmes, la vie ou la mort. Crochets, mousquetons, cordes d’escalade, cordelettes, cordes statiques, gilets de sauvetage, snowkites… « Nous avons pris chaque objet tour à tour dans nos mains et l’avons vérifié avec une extrême minutie. » 70




« Après tant d'heures passées sur des parois infinies, elles deviennent comme des corps étrangers. »

Leçon n° 5 :

« I’ll be back » Cette photo ne montre pas une première ­ascension. Néanmoins, pour Glowacz, elle saisit l’un des plus grands moments de bonheur de l’expédition : pour la première fois depuis des mois, sentir à nouveau le roc sous ses doigts. Ici, lors d’une escale sur les îles Féroé pendant le voyage de retour. L’euphorie conforte une prise de conscience : « L’escalade est et restera ma plus grande passion ». Malgré des avant-bras endoloris, le sentiment d’échec diminue à chaque ­ascension et cède la place à autre chose : le désir de retourner au Groenland pour ­atteindre le sommet, encore une fois.   73


Après de rudes journées de marche sur la glace, le ciel s’éclaircit pour la première fois et le vent souffle dans la bonne direction. Les kilomètres fondent enfin grâce au snowkite.

Tout aussi aventureux fut le voyage de Munich à Mallaig en Écosse. Le problème n’était pas tant l’autonomie des voitures électriques que le nombre de points de recharge sur le trajet.

Pour se mettre dans l’ambiance de la grande expédition dans la nature, du camping sauvage à la belle étoile, adossés aux roues de la BMW i3.

L

aventure, ça veut dire quoi de nos jours ? Où la trouver dans un monde où chaque montagne a déjà été escaladée et chaque désert traversé ? « En toi », réplique le grimpeur allemand Stefan Glowacz. Combinez des défis personnels avec une idée originale et vous voilà prêt à partir. Avec Coast to Coast, l’intérêt était de combiner des objectifs indépendants en un seul grand projet : ralier l’Écosse au Groenland en voilier, traverser la glace intérieure à pied, à ski et en snowkite, grimper un big wall à l’autre bout, puis revenir en voilier. Plus de 5 000 kilomètres à terre, plus de 3 000 milles sur l’eau… en totale neutralité carbone. Dans une telle entreprise, 74

il faut d’abord trouver des potes. Le jeune grimpeur Philipp Hans, le photographe Thomas Ulrich et le skippeur Wolf Kloss viennent grossir l’équipe de Glowacz. Pour toutes les personnes impliquées, ce défi était assez fou pour les convaincre de le relever. the red bulletin : Que sent-on quand on a des engelures ? stefan glowacz : On ne les sent pas. C’est ce qui est dangereux car ces troubles circulatoires peuvent se propager de la surface vers les couches plus profondes de la peau et endommager les nerfs. Heureusement, j’ai été épargné, même si je ressemblais parfois à un chou-fleur.

Qu’est-ce qui pousse un grimpeur à ­traverser une étendue gelée par − 40 °C ? Il y a trois ans, j’ai vu du haut des airs les énormes masses de glace du Groenland. Depuis, cette vision ne m’a pas quitté. Je voulais savoir ce que cela faisait d’être là. Et alors, ça fait quoi ? C’est dur. Le temps sur la glace a coûté des efforts insensés. Cet environnement est physiquement et émotionnellement une expérience limite absolue. Pas seulement à cause du froid extrême. Également à cause de l’uniformité, de l’immensité et de l’absence de cible visible devant les yeux. Nous avons souvent eu des voiles blancs, une situation météorologique dans laquelle la neige et le ciel ne font qu’un. Tu marches dans un grand rien blanc. Mais cela n’a rien de mystique, c’est juste éreintant. En outre, il y a la pression de ne pas faire d’erreurs. Parce que cet environnement ne laisse pas de place à l’erreur ? Exactement. La moindre négligence peut avoir des conséquences fatales : un gant perdu, un trou dans une tente, une cheville foulée, trop peu d’eau fondue. Chaque geste doit être précis, la discipline est vitale pour la survie. J’ai appris cela de Thomas Ulrich, qui avait déjà de ­l’expérience avec les expéditions dans l’Arctique. J’ai d’abord pensé que la méticulosité de sa préparation était exagérée, mais je me suis rapidement rendu compte que sans une attention aux moindres détails, on est foutu. En fait, vous vouliez faire du snowkite sur de longues distances… C’était le plan. Mais au début, ça a été difficile. Soit il n’y avait pas de vent, soit les rafales venaient de la mauvaise direction, alors nous avons d’abord marché avec des crampons puis nous sommes passés aux skis. Tu t’échines toute la journée mais la distance parcourue est modeste. Quand tu as encore mille kilomètres devant toi, de la nourriture rationnée pour quarante jours et 130 kilos de bagages attachés dans ton dos, cela peut affecter ton humeur. Comment êtes-vous parvenus à arriver sur la côte est dans les délais ? On n’a pris qu’un jour de repos. À un moment donné, le vent s’est mis à souffler. Nous nous sommes soudainement mis à filer au soleil sur la neige poudreuse, au milieu de ce paysage abstrait. Une folle sensation de bonheur. THE RED BULLETIN


Stefan Glowacz, 53 ans, grimpeur de l’extrême : dans ce défi, il a cherché les grands espaces plus que les hauteurs.

Nous avons ainsi pu franchir jusqu’à 120 kilomètres par jour. Froid, vent, vagues : l’expédition fut un réel combat avec les forces de la nature. Un jeu à sens unique dans lequel la nature a toujours eu le dessus. Elle dicte le chemin, l’humeur et le rythme. Nous devions parfois faire des pauses à cause des tempêtes et des vagues, puis la glace était trop épaisse, le vent trop fort ou trop faible… Par-dessus tout, j’ai dû composer avec le fait que je ne pouvais pas évaluer beaucoup de situations. En tant qu’alpiniste, lorsque vous vous retrouvez sur la mer ou sur la glace, vous ne pouvez pas vous fier à vos expériences et à votre instinct. Vous devez compter sur les autres. Les dangers d’une tempête ne se révèlent que sur le visage du skippeur. On dit que vous avez eu le mal de mer.… Cela semble incongru ! Nous avions à peine quitté la rive quand cela a commencé. C’est une sensation terrible. Vous êtes toujours fatigué, rien dans votre tête et votre corps n’est à sa place et vous vomissez constamment par-dessus THE RED BULLETIN

bord. Je ne deviendrai jamais marin dans cette vie. Pour moi, ce n’est qu’un moyen pour arriver à un but. Vous avez choisi des modes de transport sans émissions. Pourquoi ? J’ai un credo : je circule par des moyens équitables depuis longtemps. Cela signifie passer, par ses propres moyens, du dernier point possible de la civilisation jusqu'à sa destination. Cette fois-ci, nous avons poussé cette idée à l’extrême en la rendant climatiquement neutre. Nous avons commencé chez moi en Bavière avec des voitures électriques BMW i3, puis avec un voilier, des skis et des snowkites.

« Sur la mer ou sur la glace, vos talents de grimpeur ne vous servent à rien. »

Ce fut votre plus longue expédition. Que ressent-on lorsque l’on rentre chez soi au bout de trois mois et demi ? Épuisement, gratitude, bonheur ? Quoi qu’il en soit, les efforts s’oublient ­rapidement. Il reste des souvenirs intenses, et de petits moments de bonheur : un morceau de chocolat dans la tente le soir, l’émergence de formations rocheuses à l’horizon après des semaines à ne voir que des masses de glace. Les aurores boréales au-dessus du voilier, ou la première escalade après une longue pause. À propos d’escalade : la première ascension prévue est la seule chose qui n’a pas fonctionné. Un souvenir ­douloureux  ? Nous sommes arrivés trop tard, les falaises de la côte est étaient déjà complètement glacées. Ce fut une grande déception. Mais il faut admettre qu’après le temps passé sur la glace, nous n’aurions pas pu quitter le sol. Nous nous sommes assis devant la montagne, cuits. Mais le désir était là. Pour moi, c’est la certitude que je vis ma vie comme il se doit.

Instagram : @glowaczstefan   75


QUELLES AIIILES CHOISIREZ-VOUS?

Vrais talents d e la nature NAT U RE LLE MEN T EN CAN ET T ES

CH-BIO-004 Agriculture UE/non-UE


guide au programme

QUELLE HORREUR EST-IL DOCTEUR ?

LE SEUL PISTOLET QUI RÉGÉNÈRE

SPÉCIAL VTT : FINI D’HIBERNER !

PAGE 85

PAGE 86

PAGE 88

Quand un spécialiste de l’horreur analyse les jeux Resident Evil...

Vos fascias vont adorer l’Hypervolt, outil de massage régénérant.

Du bon matos pour sortir de votre tanière et partir à vélo.

FAITES LE MUR !

ADVENTURE MARATHONS

Boucler un marathon sur la Grande Muraille de Chine avec 5 164 marches sur le parcours, c’est une vraie dinguerie ! PAGE 78

THE RED BULLETIN

77


GUI D E

Faire.

Les nombreuses marches et la surface inégale du marathon de la Grande Muraille en font un défi unique.

MARATHON ÉPIQUE

LE MARATHONIEN PASSE-MURAILLE Être un marathonien aguerri suffit-il pour venir à bout du périlleux tracé et des 5 164 marches de la Grande Muraille de Chine ? La réponse du journaliste américain Brian Metzler.

T

rente minutes de course à ­peine après avoir démarré le marathon de la Grande ­Muraille, et déjà mes forces se font la malle. Malgré des dizaines de marathons au compteur, je suis plus essoufflé que jamais au bout de seulement six kilomètres !

78

Je suis tellement à bout que j’en ai la tête qui tourne et le cœur qui bat à tout rompre. Étourdi et frustré, j’atteins ­enfin le sommet d’une côte ardue et entame la descente sur de vieilles marches taillées dans d’énormes blocs de granit. Mais au bout d’une

Brian Metzler reprend ses esprits avant de repartir.

THE RED BULLETIN


voyage

CONSEILS DE VOYAGE

B.A.-BA CHINOIS

Grignoter du scorpion et être attentif à ­l’utilisation des baguettes avec le bol de riz… Tout ce qu’il faut savoir pour voyager dans l­ ’Empire du milieu.

Passe de Huangya

L’escarpement de certaines sections du parcours oblige à les escalader à la main.

Pékin

Chine

La course se déroule sur la passe de Huangya de la Grande Muraille, 120 km à l’est de Pékin.

UN VOYAGEUR AVISÉ… SIX CONSEILS POUR UN SÉJOUR EN CHINE MALIN 1. Les sites historiques. Visitez la Place Tiananmen en écoutant la Symphonie n° 9 de Beethoven en hommage au soulèvement des étudiants en 1989.

ADVENTURE MARATHONS, GETTY IMAGES

« On a loupé le leader ! » Vous avez du bol : il en reste 2 499 autres.

vingtaine de foulées, je trébuche sur le bord d’une marche et perds subitement le contrôle. Je parviens à rester debout, vire à droite et m’écrase contre le muret d’un mètre de haut bordant la muraille, heurtant de plein fouet la roche froide et rugueuse. Alors que je m’efforce désespérément de m’agripper au rebord pour éviter une chute fatale dans la forêt dix mètres plus bas, je m’écorche méchamment le genou droit, les côtes et l’avant-bras. J’ai couru des marathons dans bien des métropoles du globe, et j’ai un faible pour les parcours insolites : les routes accidentées des Alpes françaises, les sentiers reculés du parc national Torres

THE RED BULLETIN

« Six kilomètres sur la Grande Muraille : je n’ai jamais été aussi essoufflé ! » del Paine au Chili, ou les terrains de haute montagne pauvres en oxygène des ­Rocheuses du Colorado. Cette course-ci se déroule sur la section montagneuse de la Grande Muraille de Chine, la passe de Huangya, à environ 120 kilomètres à l’est de Pékin. J’ai toujours voulu visiter la Grande Muraille, alors courir ce marathon unique et éminemment

2. Mangez local. Savourez le canard rôti, célèbre ­spécialité pékinoise, et faites un détour par les restaurants de la rue Wangfujing pour déguster du scorpion en brochette. 3. Pollution de l’air. Fléau des villes chinoises, ­surtout à Pékin, le smog a ­depuis longtemps poussé les habitants à adopter le masque de respiration.

4. Respectez le riz. Ne j­ amais planter ses baguettes droites dans un bol de riz. Cette pratique honore un défunt récent. 5. La file d’attente : un sport national. Restaurants, trains ou bus, gruger dans la file d’attente est courant (et pas mal vu). Faites-en autant ou ratez le bus ! 6. Souriez, vous êtes ­filmé. Les Chinois adorent photographier les étrangers avec leur smartphone et le font sans d ­ emander − même la ­serveuse au restau.

LES STATS DU MARATHON 2 500 Nombre de participants maximum. 3 heures 9 minutes 18 secondes Meilleur temps réalisé en 2013 par trois coureurs qui ont fini à égalité : Jorge Maravilla (USA), Jonathan Wyatt (Nouvelle-Zélande) et Dimitris Theodorakakos (Grèce). 19 Nombre de participations du Danois Henrik Brandt, le seul à avoir couru toutes les éditions de la course depuis sa création en 1999.

79


GUI D E

Faire.

voyage

SE PRÉPARER

5 164 MARCHES VERS LE SUCCÈS

Le marathon de la Grande Muraille est l’un des plus difficiles au monde. Voici comment l’appréhender pour le terminer.

PRÉPARATION PLAN D’ENTRAÎNEMENT Seize à vingt semaines axées sur une e­ ndurance de ­ lusieurs heures et sur le développement de l’aérobie. p ÇA VA MONTER DUR Musculation et travail en côtes. Vous serez prêt lorsque vous parviendrez à monter un gratte-ciel à pieds.

LA COURSE ÉCHAUFFEMENT Faites des exercices en écoutant Party Till We Die à fond pendant que les MCs de la course dirigent une séance de danse ­énergique. ESCALADER Certaines sections de la Muraille sont si raides qu’elles doivent être ­escaladées une main par-dessus l’autre pour garder l’équilibre. COLLATION Œufs durs et algues rôties sont communément consommés par les locaux avant la course.

DURÉE Ajoutez 30 à 40 pour cent de temps à votre meilleur chrono sur route. SUCRERIE Beaucoup de locaux mangent des bonbons ­laiteux pour se requinquer. Enveloppés dans du papier de riz comestible, ils ­procurent chacun 25 mg de glucides. PARCOURS La course traverse de nombreux villages traditionnels où il n’est pas rare de voir un natif tordre le cou d’un canard pour ­préparer le repas.

Au terme de cette course, les coureurs partagent un sentiment de soulagement et d’allégresse.

80

La merveille : 42,2 km de course sur une fortification de 21 196 km de long.

difficile est devenu le point culminant d’un séjour d’une semaine en Chine. Pendant les premiers kilomètres, je suis ébloui par le paysage, l’esprit du lieu et le poids de l’histoire, mais bien vite la complexité du tracé relègue le tout au second plan. Le parcours de 42,2 kilomètres compte plus de 900 mètres de dénivelé et 5 164 marches posées par les paysans, soldats et forçats mille cinq cents ans plus tôt, sous la dynastie Qi du Nord. À intervalles réguliers, je traverse une tour en brique qui surplombe la Muraille. De là, autrefois, les gardes signalaient l’arrivée d’envahisseurs avec des signaux de fumée. Elle constitue un obstacle redoutable avec son escalier labyrinthique et ses marches abruptes. Heureusement pour moi et pour mon corps malmené, l’une de ces tours fait office de poste de secours, offrant aux coureurs bouteilles d’eau, biscuits, bananes et – chose étrange – des tomates ­cerises. Sur la Grande Muraille, il ne faut pas plus de quinze minutes pour se rendre compte que les sections (ces tronçons recouverts de pavés de tailles ­disparates) se suivent mais ne se ressemblent pas. Il est donc

impossible d’adopter une foulée ou un rythme régulier. Cette prise de conscience a bien failli causer ma perte. Aux portions pavées succèdent des sections imposant une cadence très soutenue, comme si l’on courait sur des charbons ardents. On y rencontre aussi des escaliers de pierre si escarpés qu’il faut pratiquement les escalader à la main pour les franchir. Entre les paysages de montagne à couper le souffle qui défilent devant les yeux et les bribes d’une douzaine de langues différentes qui me ­parviennent aux oreilles, difficile, au milieu de cette ambiance internationale, de rester concentré sur la course. Je passe la ligne d’arrivée une poignée de secondes après un Chinois portant une casquette des New York Yankees. Malgré la barrière de la langue, nous nous donnons l’accolade en signe de reconnaissance de l’effort et de la performance. Nous partageons le sentiment que le marathon de la Grande Muraille est une aventure unique dont l’extrême exigence est largement compensée par la satisfaction qu’il procure. Great Wall Marathon, le 8 mai 2019. albatros-adventure.com

THE RED BULLETIN

ADVENTURE MARATHONS

RENFORCEMENT DE BASE Le renforcement musculaire assure une meilleure ­stabilité sur les marches et les sols accidentés. Les jambes et les poumons ne suffisent pas.


INSCRI STOI

COURIR POUR CEUX QUI NE LE PEUVENT PAS À ZOUG OU AVEC L‘APP

5 MAI 2019 – 13H 100% DES FONDS SONT REVERSÉS À LA RECHERCHE SUR LES LÉSIONS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE

WINGSFORLIFEWORLDRUN.COM


GUI D E

Faire.

24

mars Le Lauberhorn en sens inverse La célèbre descente du Lauber­ horn à Wengen s’étire sur 4,5 km. Cette fois-ci, il s’agit non pas de la descendre, mais de la remonter, soit 1 028 m de dénivelé. La ligne de départ de la descente devient donc la ligne d’arrivée. Le duo gagnant repart avec 1 000 CHF chacun. Lauberhorn, Wengen ; lauberhornrun.ch

28

au 30 mars Courses de drones Nouveau départ, nouveau lieu : la Drone Champions League débute sa saison dans le snowpark de Laax à plus de 2 000 m d’altitude. En course de vitesse, les meilleurs pilotes du monde poussent leurs drones faits maison à une ­vitesse allant jusqu’à 140 km/h. Snowpark, Laax ; dcl.aero

22

19

au 22 avril Fièvre manga à Montreux

Depuis quinze ans, les amateurs de BD japonaise se retrouvent à ­Polymanga, le premier festival suisse dédié aux fans de mangas. Sur 18 000 mètres carrés, 2 019 visiteurs en tenue manga s’activent pour ­participer à l’un des défilés c­ osplay ou à des tournois de jeux v­ idéo et font leurs emplettes manga. L’an d ­ ernier 40 000 fans ont répondu ­présent. 2M2C, Montreux ; polymanga.com

au 23 mars

FIGURES DE HAUT VOL

L’air est soufflé à 280 km/h soit des conditions idéales pour un vol acro­ batique sans avoir recours à un avion. Aux Championnats suisses de parachutisme en salle de Winter­ thour, la crème des athlètes s’op­ pose pour le titre. L’objectif est de réaliser à la perfection un maximum de figures et de transitions. Outre les compétitions de vol en formation sur le ventre et à la verticale, la disci­ pline Freestyle impressionne par la variété des figures exécutées.

6

WINDWERK, DOMINIC ZIMMERMANN/RED BULL CONTENT POOL, BIKE FESTIVAL

Windwerk, Winterthour ; swissskydive.org

avril Red Bull Homerun : Folie garantie ! La folle course de descente de ski et snowboard entre dans sa seconde manche. Après le départ à la Le Mans (un sprint jusqu’à son équipement placé ­devant la cabane), les participants ­s’affrontent sur les 6,8 km séparant la Jatzhütte de la Bolgen Plaza où la légen­ daire fête d’après course tient comme ­toujours toutes ses promesses. Jatzhütte, Davos ; redbull.com

82

THE RED BULLETIN


mars / avril

29

au 31 mars

LES DÉMOS DES AS DU VÉLO

C’est à celui qui gardera l’équilibre sur son vélo le plus longtemps, d’une main, à main levée, ou avec une seule jambe sur la pédale. L’Urban Bike Festival est le ralliement de tous les fans de vélo, ­présents et futurs. Temps forts : concours de « l’Urban Cyclocross » à travers la ville et le show de la superstar YouTube Danny Mac­Askill (photo). Entrée gratuite. Zurich ; urbanbikefestival.ch

ACTION SPORT

WE ARE OPEN

MORE INFO

G R A B YO U R B OA R D AND COME RIDE WITH US!

@ALAIA.CHALET

AT E EES K I OWB OARD A M PO L I NE

FIND US ON

K R N R

WWW.ALAIA.CH

S F S T

7/7


GUI D E

Voir.

mars / avril La B-Girl Sayora en action à Zürich (Suisse), au Red Bull BC One Camp.

Parmi les temps forts du mois, d’historiques moves en breakdance, les stars des sports de neige en Suisse et un guide bien sapé prêt à vous faire voyager.

12

avril   À LA DEMANDE

RED BULL BC ONE DE A À Z

Plongez dans l’histoire de l’événement. ABC of… Red Bull BC One vous dit tout sur le breakdance depuis les origines jusqu’aux battles de B-Boys et B-Girls du présent. Montez le son et entrez dans la légende.

au 31 mars   LIVE

FREERIDE WORLD TOUR VERBIER

Red Bull TV est une chaîne de télévision connectée : où que vous soyez dans le monde, vous pouvez avoir accès aux programmes, en d ­ irect ou en différé. Le plein de contenus originaux, forts et c­ réatifs. Vivez l’expérience sur redbull.tv

84

Admirez l’élite mondiale du ski et du snow freeride dans l’ultime confrontation en ­vitesse et adresse lors de la grande ­finale sur le mythique Bec des Rosses.

23

mars   À

13 mars  ON AIR

23 REGARDEZ RED BULL TV PARTOUT

THE FEDERATION SOUND

Natif de Brooklyn, Max Glazer a été le DJ de Rihanna lors de sa tournée mondiale et a bossé avec tout le ­gotha, de Sean Paul à Vybz Kartel. Tous les mercredi (21 heures GMT) cet expert ­reconnu du reggae et de dancehall régale dans son émission en alternant dubplates, remixes de feu et ­interviews pointues d’artistes iconiques tels que Chronixx et Jillionaire du groupe Major Lazer.

LA DEMANDE

HUBERTUSJAGD

Le prince Hubertus von Hohenlohe, skieur alpin d’origine mexicaine, pop star et célèbre photographe d’art, vous emmène à la découverte d’incroyables destinations à travers le monde.

À ÉCOUTER SUR REDBULLRADIO.COM

THE RED BULLETIN

LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL, NICOLE FARA SILVER/RED BULL CONTENT POOL, SERVUS TV/GEORG KUKUVEC, FWT

TOUR DU MONDE DU STYLE

Musique de très haute qualité et interviews d’artistes influents. Restez à l’écoute…


Faire.

EXCITATION

U

N

LE

P

IO

ZO

VA

T AN

NT

AB

É

S

OU

E R ÊT

GL

R

R

L

S E I B ÉP

R EU R TE

R

OI EFFR

E

C’E ST

H

P

C

O

IP

CO

I UR

E

S E SAL

R

GER

R

L

A

F

B

IZ

C

SO

DAN

EN FUITE

gaming

M

SCIENCE DE LA PEUR

LES BÉNÉFICES DE L’ANGOISSE Resident Evil 2 vous fera trembler, vous rendra heureux. Et vous sauvera la vie.

L

CAPCOM

EDDY LAWRENCE

GETTY IMAGES

es jeux sont conçus pour nous stimuler. La série des Resident Evil a une technique spéciale pour cela : nous effrayer à mort. Lorsque la version ­originale de Resident Evil 2 sort sur PS en 1998, elle ­devient LA référence du survival horror. Vingt ans plus tard, le remake a mis sa terreur au point grâce à des techniques cinématographiques, un son à rendre claustro et une perspective caméra à l’épaule qui immergent les joueurs dans un cauchemar plus réel que nature. Pourquoi une personne saine d’esprit aspirerait-elle à cela ? On peut interroger les 3 millions de joueurs qui ont acheté ce jeu la semaine de sa sortie, ou demander au Danois Mathias Clasen, spécialiste de l’horror ­fiction, en quoi la peur peut avoir des effets positifs. LES JUMP SCARES Vous marchez dans un hall sombre lorsque – VLAN ! – des zombies surgissent. Un choc implacable. « Les réactions d’épouvante sont contrôlées par un circuit de la peur qui fonctionne depuis des millions d’années dans le but de nous maintenir en vie. Il est ancré dans notre cerveau, et c’est pourquoi on a ces jump scares (sursauts, ndlr) devant un film d’horreur. » L’amygdale, centre de la terreur du cerveau, envoie de l’adrénaline dans notre corps, ce qui augmente l’afflux de sang vers les muscles. Bref, c’est une décharge.

THE RED BULLETIN

Jump scares : une claque d’adrénaline !

LA MENACE POTENTIELLE Ce qui est presque semblable à un humain, comme un zombie, nous met mal à l’aise. « Nous ne savons pas si nous sommes en danger ou non, et donc nous sommes effrayés, dit Clasen. Lors d’une étude, on a montré à des macaques des photos de macaques “zombifiés”. Ils ont réagi de manière très prononcée, ce qui nous suggère que ce phénomène biologique est commun à la psychologie de tous les primates : un mécanisme qui s’est développé pour nous protéger de potentielles infections. Et nous savons tous que les zombies sont i­ nfectieux. » Cela nous aide à reconnaître des menaces potentielles. LA DÉSORIENTATION Le changement fréquent des angles de prise de vue dans RE2 nous trouble de manière subliminale. « Les perspectives en hauteur suggèrent que le joueur est exposé à quelque chose d’horrible et d’imminent », explique Clasen. Cela intensifie l’empathie du joueur envers son personnage, ce qui est gratifiant sur le plan émotionnel lorsqu’il s’en sort. « “Il n’y a pas d’horreur sans amour”, disait S ­ tephen King. Il faut être investi dans un personnage pour que cela marche. » LE SUSPENSE... L’attente d’un événement effroyable est souvent pire que l’événement en soi et nous plonge dans un état d’alerte ou d’hyper-­vigilance. « Lorsqu’un film d’horreur se déroule, vous savez que quelque chose d’horrible va arriver – vous ne savez pas quoi, mais vous savez que c’est là. Nous apprenons ce que c’est d’avoir vraiment peur, et comment réagir face à des émotions négatives. » Notre fréquence cardiaque augmentant de 14 bpm d’un coup, autant dire que RE2, c’est un peu comme un

Ce mec a une sale tronche.

é­ chauffement sportif. Autre effet : la production de globules blancs, nécessaires pour combattre les infections, augmentent, de même que l’hématocrite, signe d’une brève recrudescence de l’endurance et des fonctions cognitives. LE DESIGN SONORE L’université d’Amsterdam a démontré qu’une musique angoissante provoquait une réaction d’alarme, qui nous fait tendre les muscles pour être prêts à combattre, fuir ou faire dans son froc. On utilise également des infrasons qui se situent hors de la plage d’audition humaine. « L’anxiété attire notre attention sur ce qui est nuisible à notre bien-être, conclut Clasen. Certains naissent sans pouvoir ressentir la peur ; ils ne vivent en général pas bien vieux. »

PROFIL ­D ’EXPERT

MATHIAS CLASEN Pro de l’horreur

Non seulement il est professeur de biologie comportementale de l’être humain et de psychologie évolutionniste et cognitive à l’université danoise d’Aarhus, mais il est aussi spécialiste de l’horreur, auteur de la thèse Monstres et ­histoires d’horreur : une approche bioculturelle et de nombreux livres dont Pourquoi l’horreur séduit. Resident Evil 2 est dispo sur PS4, Xbox One et PC.

85


GUI D E

Faire.

training

SAVOIR-FAIRE

ÇA PEUT AUSSI MARCHER

Pas de pistolet masseur à disposition ? Qu’à cela ne tienne. ROULEAU DE ­RÉCUPÉRATION Masser les fascias soulage. Ces tissus conjonctifs assurent la stabilité du système musculosquelettique. Longtemps ignorés, on sait aujourd’hui que le massage des fascias avec un rouleau accélère considérablement la régénération des muscles.

Contre les douleurs musculaires, les athlètes, dont la star du tricking Bailey Payne, ont adopté l’Hypervolt, un outil de massage hyper efficace.

C

ela ressemble à une perceuse et dans une certaine mesure, ça l’est. Un outil de haute technologie qui soulage raideurs et douleurs musculaires en débitant 3 200 percussions par minute. L’Hypervolt ne s’adresse pas vraiment aux âmes sensibles. En revanche, de la reine du ski Lindsey Vonn à l’as du tricking (mix d’arts martiaux, ­d’acrobatie et de gymnastique) Bailey Payne, les athlètes ne jurent que par les pouvoirs ­régénérateurs de ce masseur à percussion. « Je l’utilise aussi souvent que possible : avant l’entraînement et après l’effort pour les courbatures, explique ce dernier. Sa façon de vous secouer est tout simplement géniale ! » Hypervolt est l’invention de l’Américain ­Anthony Katz, un ancien entraîneur de basket-ball. Depuis le lancement de l’Hyperice en

Un kilo pour trois heures d’autonomie, l’Hypervolt ­régénère vos muscles où que vous soyez.

86

Les résultats de l’Hypervolt se font sentir : 3 200 coups par minutes sur les muscles et les fascias.

2012, la première version du pistolet massant haut de gamme par pression à froid, l’appareil est d ­ evenu le chouchou des pros du fitness. ­L’Hypervolt reflète un principe-clé du travail de Katz, à savoir que la récupération est aussi importante que l’entraînement. Sans fil, ­l’instrument de massage par vibration peut s’appliquer avec précision sur les zones musculaires tendues afin de soulager les muscles douloureux et d’augmenter la circulation et les flux sanguins dans les tissus. La vitesse de percussion des quatre têtes interchangeables s’augmente ou se réduit selon la ­partie du corps traitée. « La tête en forme de balle convient au massage des tissus en profondeur, précise Payne. De plus, le pistolet est très silencieux, n’émettant qu’un léger bourdonnement. » De quoi distinguer l’Hypervolt de la perceuse. hyperice.com/hypervolt

HYDROTHÉRAPIE Après l’entraînement, se doucher à l’eau froide puis à l’eau chaude cinq fois en alternance pendant 30 secondes. L’eau glacée évite les douleurs musculaires, l’eau chaude améliore la circulation sanguine. SE RESTAURER Pour stimuler la croissance des muscles après l’entraînement, rien de tel que les p ­ rotéines : viandes maigres, poisson, tofu, lentilles, ­légumes secs, etc.

« J’utilise le ­pistolet aussi ­souvent que possible, avant et après l’entraînement. » Bailey Payne, as du tricking

THE RED BULLETIN

FLORIAN OBKIRCHER

ARME DE ­DÉTENTE MASSIVE

HYPERVOLT

HYPERVOLT



IL EST TEMPS DE SORTIR ! Le matos VTT qu’il vous faut pour vos virées du week-end. À deux, ou pas. Photos DAVID EDWARDS

88


GUI D E

La tenue de Jack : veste LEATT DBX 4.0 All Mountain, short DBX 5.0 et casque en acier DBX 4.0 V19.3, leatt.com ; sac à dos OSPREY Raptor 10, ospreyeurope.com ; haut à manches longues MADISON Alpine, madison.cc ; vélo CANYON Strive CFR 9.0 Team, canyon.com ; et gants personnels. La tenue de Sylvia : casque BELL Sixer MIPS helmet, bellhelmets.com ; sac à dos OSPREY Salida 8, ospreyeurope.com ; sweat à capuche ENDURA Singletrack et gants Hummvee Lite gloves, endurasport.com ; short CUBE Square Baggy Shorts Active, cube.eu ; vélo SPECIALIZED Stumpjumper Comp Alloy, specialized.com


Casque GIRO Montaro MIPS, giro.com ; lunettes ZEAL OPTICS Magnolia, zealoptics. com ; veste SCOTT SPORTS Trail MTN WB 40, scott-sports.com ; sac à dos CUBE Edge Trail X Action Team, cube.eu ; haut ION PRODUCTS Scrub Amp, ion-products.com


GUI D E

Casque CUBE Badger, cube.eu ; lunettes de soleil 100 % Glendale Soft Tact Raw, ride100percent.com ; sac hydratation ZÉFAL Z Hydro XL, zefal.com ; haut ION PRODUCTS Traze Amp CBlock SS, ion-products.com ; coudières BLISS PROTECTION Arg Vertical, blisscamp. com ; gants TSG Mate, ridetsg.com ; ENDURA MT500 Spray Baggy Shorts II et genouillères MT500, endurasport.com ; chaussettes IXS Socks 6.1, ixs.com ; chaussures SHIMANO ME7, shimano.com ; vélo YETI SB150, yeticycles.com

THE RED BULLETIN

91


GUI D E

Casque MET Roam, met-helmets.com ; lunettes de soleil 100 % Speedcraft, ride100percent.com ; veste SPECIALIZED Therminal Alpha et short Andorra Comp, specialized.com ; sac à dos à protection dorsale EVOC Neo 16L, evocsports.com ; tee-shirt ENDURA Singletrack Core Print, gants MT500 et chaussettes Coolmax Stripe, endurasport.com ; chaussures ION PRODUCTS Raid Amp II, ion-products.com ; vélo SPECIALIZED Stumpjumper Comp Alloy, specialized.com

92

THE RED BULLETIN


LE DMR Sect, c’est un peu un BMX auquel on aurait mis des roues de VTT : un vélo suffisamment léger pour les amateurs de tricks et assez costaud pour être mis à l’épreuve.

Vélo DMR Sect, dmrbikes.com


Casque BLUEGRASS EAGLE Legit Carbon, bluegrasseagle.com ; lunettes TSG Presto Chopper, ridetsg.com  ; veste ENDURA SingleTrack Durajak, endurasport.com ; sac à dos à protection dorsale EVOC FR Lite Race 10L, evocsports.com ; haut LEATT DBX 2.0, leatt.com ; short de vélo DAKINE Thrillium, dakine.com ; gants ION PRODUCTS Traze, ion-products.com ; chaussettes cyclistes STANCE Endo Crew, stance.eu.com ; chaussures FIVE TEN Sleuth DLX, adidasoutdoor.com/ fiveten ; vélo INTENSE Tazer eMTB, intensecycles.com

Pour certains, rouler à VTT électrique, c’est tricher, mais une fois testé ce vélo Intense Tazer à assistance, beaucoup pourraient y trouver leur avantage.


GUI D E

Dans le sens des aiguilles d’une montre à partir du haut à gauche : poignets DMR DeathGrip, dmrbikes.com ; multi-outils 20-en-1 CUBE Cubetool, cube.eu ; lampe bleue avant EXPOSURE LIGHTS Diablo MK10 avec fixation casque, exposurelights.com ; potence USE Vyce Stem, ultimatesportsengineering.com ; pédales plates DMR Vault Brendog, dmrbikes.com ; roues HALO Chaos Wide Boy, halowheels.com ; pédales en alliage GUSSET S2, gussetcomponents.com ; roue HALO Chaos Wide Boy, halowheels.com.

THE RED BULLETIN

95


MENTIONS LÉGALES

THE RED BULLETIN WORLDWIDE

The Red ­Bulletin est ­actuellement distribué dans sept pays. L’édition autrichienne actuelle consacre sa couverture au prodige viennois du basket-­ ball : Jakob Pöltl. Depuis 2016, il est le premier de son pays à évoluer en NBA. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

96

Rédacteur en chef Alexander Macheck Rédacteurs en chef adjoints Waltraud Hable, Andreas Rottenschlager Directeur créatif Erik Turek Directeurs artistiques Kasimir Reimann (DC adjoint), Miles English, Tara Thompson Directeur photos Fritz Schuster Directeurs photos adjoints Marion Batty, Rudi Übelhör Responsable de la production Marion Lukas-Wildmann Managing Editor Ulrich Corazza Rédaction Christian Eberle-Abasolo, Jakob Hübner, Arek Piatek, Stefan Wagner Maquette Marion Bernert-Thomann, Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz Booking photos Susie Forman, Ellen Haas, Eva Kerschbaum, Tahira Mirza Directeur global Media Sales Gerhard Riedler Directeur Media Sales International Peter Strutz Directeur commercial & Publishing Management Stefan Ebner Publishing Management Sara Varming (Dir.), Magdalena Bonecker, Manuela Gesslbauer, Melissa Stutz, Mia Wienerberger Communication Christoph Rietner Directeur créatif global Markus Kietreiber Solutions créatives Eva Locker (Dir.), Verena Schörkhuber, Edith Zöchling-Marchart Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer, Martina Maier Emplacements publicitaires Manuela Brandstätter, Monika Spitaler Production Wolfgang Stecher (Dir.), Walter O. Sádaba, Friedrich Indich, Sabine Wessig Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovi c,̀ Maximilian Kment, Josef Mühlbacher Fabrication Veronika Felder Office Management Yvonne Tremmel (Dir.), Alexander Peham Informatique Michael Thaler Abonnements et distribution Peter Schiffer (Dir.), Klaus Pleninger (Distribution), Nicole Glaser (Distribution), Yoldaş Yarar (Abonnements) Siège de la rédaction Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche Téléphone +43 (0)1 90221-28800, Fax +43 (0)1 90221-28809 Web redbulletin.com Direction générale Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, 5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700 Directeur de la publication Andreas Kornhofer Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier, Dietmar Otti, Christopher Reindl

THE RED BULLETIN Suisse, ISSN 2308-5886 Country Editors Pierre-Henri Camy, Arek Piatek Country Coordinator Christine Vitel Country Channel Management Meike Koch Publicité Marcel Bannwart (CHD), marcel.bannwart@redbull.com Christian Bürgi (CHF), christian.buergi@redbull.com Contributions, traductions, révision Étienne Bonamy, Frédéric & Susanne Fortas, Suzanne K ­ říženecký, Claire S ­ chieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries Abonnements Service des lecteurs, 6002 Lucerne Hotline : +41 (041) 329 22 00 getredbulletin.com, abo@ch.redbulletin.com

THE RED BULLETIN Allemagne, ISSN 2079-4258 Country Editor David Mayer Révision Hans Fleißner (Dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Country Project Management Natascha Djodat Publicité Matej Anusic, matej.anusic@redbull.com Thomas Keihl, thomas.keihl@redbull.com

THE RED BULLETIN France, ISSN 2225-4722 Country Editor Pierre-Henri Camy Country Coordinator Christine Vitel Country Project M ­ anagement Alessandra Ballabeni, alessandra.ballabeni@redbull.com Contributions, traductions, révision Étienne Bonamy, Frédéric & Susanne Fortas, Suzanne K ­ říženecký, Claire ­Schieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries

THE RED BULLETIN Royaume-Uni, ISSN 2308-5894 Country Editor Tom Guise Rédacteur associé Lou Boyd Rédacteur musical Florian Obkircher Directeur Secrétariat de rédaction Davydd Chong Secrétaire de rédaction Nick Mee Publishing Manager Ollie Stretton Publicité Mark Bishop, mark.bishop@redbull.com Thomas Ryan, thomas.ryan@redbull.com

THE RED BULLETIN Mexique, ISSN 2308-5924 Country Editor Luis Alejandro Serrano Rédactrice adjointe Inmaculada Sánchez Trejo Secrétaire de rédaction Marco Payán Relecture Alma Rosa Guerrero Country Project Management Giovana Mollona Publicité Humberto Amaya Bernard, humberto.amayabernard@redbull.com

THE RED BULLETIN Autriche, ISSN 1995-8838 Country Editor Christian Eberle-Abasolo Révision Hans Fleißner (Ltg.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Country Project Management Manuela Gesslbauer Directeur Media Sales Alfred Vrej Minassian Sales Promotion & Project Management Stefanie Krallinger

THE RED BULLETIN USA, ISSN 2308-586X Rédacteur en chef Peter Flax Rédactrice adjointe Nora O’Donnell Éditeur en chef David Caplan Directrice de publication Cheryl Angelheart Country Project Management Melissa Thompson Publicité Todd Peters, todd.peters@redbull.com Dave Szych, dave.szych@redbull.com Tanya Foster, tanya.foster@redbull.com

THE RED BULLETIN


P RO M OT I O N

must-haves

1

2

3

4

1 FAITES LA FÊTE !

La JBL PartyBox 300 est une puissante enceinte de soirée dotée d’une qualité de son JBL et d’effets lumineux. Grâce à sa batterie rechargeable et à son entrée 12 V CC, vous pouvez faire la fête n’importe où. Branchez votre micro ou votre guitare, et offrez à vos amis un moment de musique inoubliable : diffusez votre musique via Bluetooth ou à partir d’une clé USB. Connectez deux enceintes PartyBox sans fil grâce à la fonction TWS ou en branchant un câble RCA IN/OUT entre les deux enceintes. jbl.com

THE RED BULLETIN

2 PAYER D’UN SIMPLE GESTE DE LA MAIN

Une carte de paiement à votre poignet. SwatchPAY! débarque en Suisse et fait du paiement sans contact un geste e­ xtrêmement simple et sûr ! Plus ­besoin de sortir son portemonnaie ou son téléphone de sa poche. Le ­coolest way to pay est étanche, ultra-­rapide et fonctionne aussi lorsque la pile est à plat. shop.swatch.ch

3 TOUJOURS À BONNE ­TEMPÉRATURE

Le credo de la maison : promouvoir l’utilisation de produits réutilisables. Pour cela, Moda Sportiva crée des ­produits faits pour un mode de vie ­urbain et dynamique, entre style unique et performances inégalées. Votre boisson reste froide pendant vingt-quatre heures ou chaude ­pendant douze heures. modasportiva.ch

4 MONTÉES MUSCLÉES, ­DESCENTES DÉCHAÎNÉES

On dirait un Sight, il roule comme un Sight, mais.… on y a mis un moteur. Avec le Sight VLT, les coureurs auront exactement ce qu’il leur faut pour s’amuser sur les tracés. Le moteur Shimano E8000 et la batterie rechargeable intégrée de 630 Wh donnent à l’utilisateur la poussée nécessaire pour effectuer même les montées les plus raides et les redescendre ensuite encore et encore. indiansummer.ch/brands/ norco-bicycles

97


Le plein d’action.

makes you fly

Les bons ingrédients

Le prochain THE RED BULLETIN disponible dès le 7 avril 2019 98

THE RED BULLETIN

GHOSTOGRAPHIC

PHC

Prenez une nuit sans étoile, deux troncs d’arbre, des fumigènes, un projecteur et le pilote de motocross chilien Benjamin Herrera (24 ans) au meilleur de sa forme. Ajoutez-y le photographe Jean-Louis De Heeckeren et un timing au poil. Et vous obtenez cette photo prise sur le vif. Plus d’action sur Instagram : @benja_herrera8



L’AMI SPORTIF

New KAROQ SportLine Ce puissant SUV compact est le compagnon idéal pour toutes vos activités. Il séduit grâce à son design sportif, à ses jantes en alliage léger 19", à sa traction intégrale 4x4 intelligente, à son Cockpit Virtuel et à sa connectivité complète. Découvrez sans tarder le KAROQ SportLine lors d’une course d’essai: vous allez adorer le conduire. ŠKODA. Made for Switzerland.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.