The Red Bulletin CF 05/20

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SUISSE MAI 2020, CHF 3,80

HORS DU COMMUN

PROJET ICARUS Deux frères dans l'âme à l'assaut des 7 sommets

PROJET CAPSULE 72 heures à saturation sous l’océan, une première

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JULIEN WANDERS Un Suisse au Kenya

NÉ POUR COURIR

Son objectif : devenir le meilleur marathonien du monde


LE COMPAGNON IDÉAL DES SPORTIFS. SANS COLORANTS SANS CONSERVATEURS

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Éditorial

TENIR LA DISTANCE En Une de ce numéro, le coureur longue distance Julien ­Wanders, a troqué sa Suisse natale pour un village de ­champions, Iten, au Kenya. Là-bas, il a trouvé la plénitude et forge son ambition de devenir le meilleur marathonien du monde. « Je veux dominer la plus grosse vague jamais ­surfée par une fille et être championne du monde de longboard. » C’étaient les propos de Justine Dupont en 2013. Depuis, elle est devenue l’une des surfeuses les plus audacieuses sur les grosses vagues, et une waterwoman accomplie. D’autres ont choisi d’aller loin à deux : ainsi Loury Lag et Matthieu Bélanger, tels deux Icare avisés partis effleurer les sept sommets dans un tour du monde exceptionnel, ou les océanographes Emmanuelle et ­Ghislain ­Bardout qui sondent les fonds marins et les récifs coralliens de manière inédite, à bord de la capsule du projet Under The Pole.

GUILLAUME MEGEVAND (COUVERTURE), RICK GUEST

Bonne lecture ! Votre Rédaction

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

TOM WARD

« Ma rencontre avec le Team Rubicon a mis en perspective ma vie de journaliste. Ces hommes et ces femmes mettent leur vie sur pause pour aider les personnes dans les environnements les plus dangereux et les plus défavorisés, la plupart du temps sur la base du volontariat. » Éditeur et écrivain basé à Brighton, UK, Tom Ward écrit sur l’aventure et ceux qui innovent pour aider les autres. Lisez-le page 72.

RICK GUEST

« Justine est incroyablement courageuse mais en même temps prudente, elle est forte mais vulnérable, belle mais sans prétention. La voir surfer, c’est voir l’esprit humain dans sa forme la plus pure. » Rick Guest est spécialisé dans la photographie de performances d’élite qui constituent un moyen d’expression et d’épanouissement pour les athlètes. Il développe sa vision de Justine Dupont en page 24.

Moment méditatif à Nazaré pour le photographe londonien Rick Guest et Justine Dupont. THE RED BULLETIN

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CONTENUS mai 2020

24 Toujours plus gros

Comment Justine Dupont est parvenue à surfer les plus grosses vagues du monde

34 S a patrie de cœur

Le coureur Julien Wanders a quitté la Suisse pour le Kenya, et a gagné au change

4 4 La renaissance

Gela Allman revient sur une chute traumatisante qui aura pu lui coûter l’usage de ses jambes

50 A lter égaux

Ils oublient leurs heures sombres dans l’immensité de l’extrême

60 R écif en danger

Séjourner trois jours sous l’eau permet un état des lieux accéléré du monde sous-marin

72 E xperts du chaos

Les forces spéciales de l’espoir

6 Galerie : 3 preuves que la nature

reste le plus beau terrain de jeu

12 Un hôtel dans l’espace designé

par Starck ? Va falloir allonger…

14 L’Exolung : pour respirer sous

83 Courir, nager, courir, nager,

courir… bienvenue dans une course hardcore : Ötillö ! 88 Gaming : les bienfaits de votre petit jeu sur mobile ! 89 Une pompe de running conçue d’après vos coups de mou 90 Reste-t-il un événement dans notre calendrier du mois ? 92 Découvrez les parcours de trail running qui font le ­bonheur de Rémi Bonnet 96 Ils et elles font The Red Bulletin 98 Il était une fois dans l’Ouest...

l’eau sans s’encombrer

15 Elly Jackson (La Roux) et sa

musique pour tourner la page

16 Ce qu’apportent à Julia Virat ses

nuits passées à flanc de falaise

18 Une marque de mode écolo qui

recycle des fleurs 20 Dans la bibliothèque du futur, on pourra venir « cueillir » son roman soi-même 22 Cette course auto vers la S ­ ibérie orientale avec des épaves est annoncée comme débile 4

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Un faux pas lors d’une séance photo a changé le destin de Gela Allman. THE RED BULLETIN

RICK GUEST, FELIX KRÜGER, GUILLAUME MEGEVARD

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À 28 ans, la surfeuse Justine ­Dupont pourrait recevoir le titre de « Rider of the year ».


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Un coureur suisse est parti vivre au Kenya pour s’entraîner sur la terre des meilleurs.

THE RED BULLETIN

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YUCATÁN, MEXIQUE

Les rivières du Yucatán sont invisibles de la surface. Elles coulent à travers un réseau de grottes souterraines. Quand le niveau d’eau dans les grottes baisse, des stalactites se forment sur les parois. Et lorsque l’eau inonde les cavités, les plongeurs s’y aventurent pour explorer un univers sous-marin unique. Le photographe tchèque Petr Polách saisit cet instant en compagnie du spéléologue local David Dušek (ici en photo). Cinq flashes lui sont nécessaires pour créer ce couloir de lumière et le subtil jeu d’ombres. polachpetr.cz

PETR POLÁCH/RED BULL ILLUME

Monde parallèle


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JASPER, CANADA

Bonjour Randy ! Les cyclistes ont beau s’acharner à s’entraîner sur toutes les pistes afin d’être encore plus affûtés pour se la donner avec leurs potes, il reste des obstacles du genre infranchissable, même pour les meilleurs. Lors de ce reportage dans le parc national de Jasper où les sentiers abondent, le photographe canadien Bruno Long et ses amis ont croisé sur leur route ce majestueux élan. Ils n’ont eu d’autre choix que d’attendre que ce dernier regagne les bois. « À notre retour, nous avons relaté notre rencontre à un ami qui travaille pour le parc. “Vous avez fait connaissance avec Randy ! s’est-il exclamé en riant. Ici, le roi c’est lui !” » Instagram : @eye_b_long


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BRUNO LONG/RED BULL ILLUME


LE CAP, AFRIQUE DU SUD

Un peu à l’écart L’été, des kitesurfeurs du monde entier affluent au Cap, attirés par le mix idéal de vent et de vagues de la région. Spectateur privilégié pendant de nombreuses années, le photographe néerlandais Ydwer van der Heide cherche une nouvelle perspective avec l’aide de son ­compatriote et kitesurfeur Kevin Langeree. Sa quête aboutit à ce bassin de marée juste à l’extérieur de la ville, à l’abri des vagues qui fouettent sur les rochers environnants : le spot parfait pour échapper à la foule. Instagram : @ydwer


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YDWER VAN DER HEIDE/RED BULL ILLUME


Chambre avec vue Le tour de la Terre, seize fois par jour : bienvenue au sein du premier hôtel de l’espace… Si vous n’aviez pas trouvé quoi faire de vos millions sur terre. Le farfelu designer Philippe Starck est un habitué des projets branchés (intérieur des appartements de Mitterrand à l’Élysée au début des années 80 ou la conception du yacht Venus de Steve Jobs) mais aucun n’est aussi insolite que le dernier en date : un « hôtel » relié à la Station spatiale internationale. Dans le cadre de la privatisation de cette dernière arrivée en fin de vie, la NASA a choisi Axiom Space, une start-up de Houston, pour ­développer trois modules qui s’amarreront à l’ISS. Le 12

L’horizon du segment Axiom, sans limites : vous avez dit vue mer ?

THE RED BULLETIN

AXIOM

AXIOM SPACE

« segment Axiom » comprendra un environnement de recherche et de fabrication en microgravité, un dôme d’observation avec une vue spectaculaire de la Terre à 360 ° et un module d’habitation. C’est dans ce dernier qu’intervient l’esthétisme de Starck. L’intérieur capitonné avec un matériau semblable au daim est décrit comme « un nid en forme d’œuf moelleux et confortable dont les matériaux et les couleurs évoquent un univers fœtal ». Des nano-LEDs aux couleurs évolutives tapissent les murs et s’adaptent aux vues de la Terre tandis que l’ISS voit défiler chaque jour seize levers et couchers de soleil. « Je suis ravi de jouer un rôle dans ce projet : l’espace est l’intelligence du futur », déclare Starck. Le premier module ne sera pas lancé avant 2024 et une fois en place, il n’accueillera que ceux qui auront les moyens de s’offrir les vols commerciaux opérés par Crew ­Dragon de SpaceX (env. 38,5 millions d’euros) ou Starliner CST-100 de Boeing (près de 63,5 millions d’euros). Après la mise hors service de l’ISS en 2028, le segment Axiom deviendra une station spatiale de vol libre. « Notre objectif est le progrès de l’humanité et de ses connaissances, déclare Kam Ghaffarian, co-fondateur et PDG d’Axiom Space. Et d’enclencher un tournant dans la société comparable à celui vécu par les astronautes en voyant la planète depuis l’espace. » axiomspace.com

LOU BOYD

L’intérieur est un cocon aux murs matelassés constellés de LEDs.


DES AIIILES POUR VOTRE ÉTÉ. AU GOÛT DE PASTÈQUE.

U A E V U NO

STIMULE LE CORPS ET L’ESPRIT.


EXOLUNG

Réflexion profonde Respirer sous l’eau avec un minimum d’encombrement, c’est pour bientôt. George W. Bush a déclaré qu’un jour, humains et poissons pourraient coexister pacifiquement. L’ingénieur autrichien Jörg Tragatschnig a fait de cette vision une réalité. Comparable à des poumons artificiels externes, Exolung est un dispositif de plongée qui permet de respirer sous l’eau sans limite de temps et sans recours aux bouteilles de plongée lourdes à la capacité limitée. « L’Exolung est un rêve d’enfant, confie Tragatschnig. Lors de mes études de design, 14

j’ai commencé à réfléchir sérieusement au concept : un appareil respiratoire sousmarin simple d’usage et technologiquement rudimentaire. » Ici, point de bouteille d’air comprimé, Exolung utilise le mouvement du corps pour aspirer l’air en surface, le long d’un tuyau de 5 m jusqu’à une cloche à air fixée sur le torse du plongeur. À l’intérieur de la cloche, un diaphragme compressible permet de respirer en toute sécurité. Compact et léger, l’Exolung est relié à une bouée de surface pour plus de sécurité, et la formation à son utilisation est bien plus simple que celle exigée par la plongée à air comprimé. « L’Exolung vise trois types d’utilisateurs, explique Jörg Tragatschnig, dont l’invention est actuellement en phase finale de prototypage. Les plongeurs en masque et tuba qui veulent aller plus loin sans s’encombrer d’un matériel lourd ; les adeptes d’exercices en milieu aquatique ; et ceux qui l’utilisent pour des tâches ­précises comme les techniciens de bateaux ou de piscines, les biologistes marins ou les chasseurs de trésors équipés de détecteurs de métaux. » La longueur du tuyau d’air limite la profondeur de plongée, reflétant la philosophie du produit et la volonté de Jörg Tragatschnig d’adopter une approche plus sereine de la plongée. « Avec Exolung, la plongée est plus accessible, plus mobile et sans contrainte. Un high-tech minimaliste. » exolung.com THE RED BULLETIN

LOU BOYD

Une bouffée d’air frais : avec seulement 3,5 kg et des dimensions de 40×30×20 cm, l’Exolung nécessite peu d’entretien contrairement aux encombrantes bouteilles d’air ­comprimé.


LA ROUX

Passez à autre chose Après avoir surmonté ­difficultés personnelles et professionnelles, la chanteuse Elly Jackson opère un retour flamboyant. Il y a onze ans, La Roux cartonnait sur les ondes avec des tubes électro-­pop comme Bulletproof ou In For The Kill. Puis Elly ­Jackson, vocaliste du duo londonien, connaît une série de revers. En situation de quasi-faillite, elle rompt avec son coauteur Ben Langmaid et sa maison de disques. Une succession de déceptions amoureuses finit par créer un état d’angoisse tel qu’elle n’arrive plus à exercer son métier. Aujourd’hui, le nouvel et troisième album de La Roux, Supervision — « BO d’un avenir optimiste » — sonne comme une renaissance, une thérapie créative pour oublier les jours sombres. Elle nous présente ici sa playlist « bonjour tristesse »… laroux.co.uk

Ken Boothe

Carly Simon

Depeche Mode

Gerry Rafferty

« J’aime toutes les versions de cette chanson (plus connue sous le titre de You Keep Me Hangin’ On). Elle a été beaucoup reprise, par Kim Wilde ­notamment en 1986. Mais j’adore le reggae et cette ­version est excellente. Le titre Set Me Free (trad. libère-moi) est tout indiqué quand vous ­essayez d’oublier quelqu’un. Je sais de quoi je parle. »

« Ce titre est bien meilleur que You’re So Vain (tube de Simon de 1972). Je n’arrive pas à haïr les gens que je veux oublier, à rompre violemment. Je suis plus du genre “Je t’aime, mais j’aimerais ne plus penser à toi” ou “Je ne cesse de penser à toi, et certaines chansons me ­ramènent encore plus à toi”. Ce dernier état marque en général la dernière étape. »

« Un morceau idéal pour tourner la page. J’aurais aimé l’avoir dans mon album tellement je le trouve incroyable. Depeche Mode a été une grande source d’inspiration pour mon premier opus en 2009. Sans leur album Speak & Spell, en 1981, La Roux serait devenu un autre groupe. C’est un excellent ­remontant.  »

« C’est ma chanson préférée de tous les temps. Mais les gens ne connaissent que Baker Street, le tube de Rafferty de 1978. Ils s’agacent de ses fréquents passages r­ adio et de son solo de saxophone à ­répétition. Mais ­Rafferty, c’est tellement plus que ça. J’adore ce type de chansons. Elles sont mes compagnes des mauvais jours. »

ANDREW WHITTON

MARCEL ANDERS

Set Me Free (1983)

THE RED BULLETIN

Why (1982)

New Life (1981)

Right Down The Line (1978)

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Guide de haute-montagne à Chamonix, Julia Virat, 37 ans, ­passionnée de snow à l’adolescence, a réalisé sur le tard que la montagne était l’endroit où elle était heureuse. Ce qu’elle partage avec enthousiasme avec ses clients.

the red bulletin : Emmener vos clients vivre ce que vous vivez, c’est quelque chose d’un peu ­périlleux : escalader des sommets, ­traverser des cascades de glace, passer une nuit en hauteur sur une micro-plateforme… julia virat : Ça peut sembler surprenant mais moi-même j’ai peur et ‘je n’aime pas le danger ! Au début, à cinq mètres du sol, je pleurais de vertige. Je n’étais pas destinée à ça ! Ce que j’aime, c’est accompagner des gens motivés dans les émotions qu’ils vont vivre en dehors de leur zone de confort. Peu importe leur niveau de départ, je les prends là où ils sont, et je les emmène un peu plus loin, là où ils ont envie d’aller. Vous les guidez à la fois dans la pratique, et dans la dimension émotionnelle ? Effectivement, je suis guide, et ce n’est pas un métier anodin. La montagne te met à nu, elle épure les couches sociales, financières, etc. Elle enlève les artifices pour te ramener à quelque chose d’assez brut et universel qui est la gestion de tes émotions, et ta survie dans un milieu rude qui ne pardonne pas. On est tous égaux face à ça. Quand mes clients ressentent des émotions fortes, ils ont besoin que je les aide à les traverser. En allant ensemble vers l’objectif fixé, ils vont dépasser la peur, la fatigue, les barrières psychologiques, le manque de con­ fiance. Je leur montre l’exemple : je vis ça tout le temps. C’est mon défi personnel. Ce n’est pas parce que je suis plus forte qu’eux que je ne comprends pas ce qu’ils traversent. J’adore ­partager cela avec les gens.

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Comment vous êtes-vous retrouvée à ­passer vos nuits accrochée à une paroi ? Le portaledge, c’est cette petite plateforme sur laquelle les grimpeurs ­dorment. J’ai commencé à me familiariser avec pendant des vacances aux États-Unis pour le plaisir, il y a douze ans. J’ai découvert le parc du Yosemite, La Mecque du big wall, des voies ­d’escalade vraiment grandes qu’on ne peut pas gravir à la journée parce qu’elles sont trop dures et trop longues. On est donc obligé de ­dormir à mi-­chemin pour pouvoir arriver au sommet. Cela ne vous a donc pas effrayée ? Maintenant, j’aime vraiment ça, ­dormir suspendue. Je suis attachée au rocher avec des cordes et du matériel vraiment fiable. La nuit, même si je tombe, je suis retenue par une corde, car je dors avec un harnais, encordée. L’enjeu sur le portaledge, ce n’est pas le danger, mais vraiment les émotions et la logistique qui va autour. Mais ça reste une pratique assez marginale. Combien de temps dure une ­journée d’escalade de ce type ? Contrairement à l’idée qu’on s’en fait, ce n’est pas de l’escalade pure. Il y a une grosse partie de logistique, de manœuvres de cordes, de hissages de sac. Mes journées font entre 15 et 18 heures. Je mets le réveil à 5 ou 6 heures du matin et je termine vers 22 heures. Le niveau d’exigence extrême est-il le même, tant du point de vue physique que mental ? Le défi est plus facile à aborder si tu le fais sur un, deux ou trois jours, car malgré la fatigue, tu sais que tu touches bientôt au but, donc ça te donne un peu d’élan. Mon ascension

S’autorise-t-on, dans certains cas, à effleurer l’idée de reculer ? Il faut se connaître suffisamment bien pour savoir si on va pouvoir gérer la fatigue qui s’accumule pendant une dizaine de jours, ou abandonner. Tous les alpinistes passent par ces moments d’échec ou de frustration, on appelle ça prendre un but. Quand on prend un but, on fait demi-tour, on va digérer ça tranquillement chez soi. Et on grandit. On vous imagine contre la paroi, dans le Yosemite, sous la voûte étoilée… Cette sensation-là efface-t-elle les difficultés techniques et les souffrances ? Les journées sont très très très longues, très fatigantes. C’est vraiment éprouvant. Bien que j’aie un gros entraînement, je ne pourrais pas faire ça toute l’année. Ça demande énormément d’énergie, de concentration, de fatigue. C’est dur. Ça ne se fait pas avec le sourire aux lèvres du matin au soir. C’est vraiment un sport exigeant. Alors le soir, quand j’ai enfin fini le boulot de la journée, que tout est réglé, rangé, organisé pour dormir et pour le lendemain, le temps s’arrête. Assise sur le portal­edge, je contemple la nuit, les étoiles ; je sens la chaleur de la journée restituée par la roche ; la vallée est silencieuse ; mon rythme se calme, je peux enfin apprécier tout ce qu’il s’est passé dans la ­journée. Et rien que pour ça, je recommencerai toujours cette expérience-là, pour ce moment où le temps s’arrête. Le ­portaledge, c’est vraiment un endroit hors du temps.

julia-guide.com

CHRISTINE VITEL

Ses nuits en l’air

d’El Capitan en solo, à l’automne 2018, a duré onze jours. Le problème, c’est que le premier jour, j’étais déjà épuisée. Au pied du mur, j’avais 120 kilos de chargement à hisser. J’ai beau être solide, je ne peux pas bouger 120 kilos à la force de mes bras, je suis forcée d’avoir un système de cordes et de poulies. Cela permet de soulager le poids, et de déplacer mon chargement à l’aide de systèmes complexes.

JULIA VIRAT

JULIA VIRAT

THE RED BULLETIN


«  Le ­portaledge, c’est vraiment un endroit hors du temps. »

THE RED BULLETIN

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Le génie en fleur Une marque remédie au manque d’éthique dans la mode, et le fait avec des fleurs. La fin de l’hiver n’est pas l’unique raison de ranger sa doudoune au placard. Surtout si celle-ci est en duvet d’oie ou de canard. Depuis des siècles, l’homme utilise ces plumes légères pour se prémunir du froid, imitant ainsi les oiseaux, et certains dinosaures d’il y a environ 150 millions d’années. Cependant, une grande quantité de duvet est prélevée sur des animaux vivants qui souffrent, de ce fait, de blessures ouvertes. Sensibilisées au problème, les marques cherchent des solutions moins brutales pour nous tenir au chaud. Pangaia est à la pointe de ce mouvement. Se qualifiant elle-même 18

de société de « recherche en matériaux », sa plus grande innovation voit le jour dans son propre laboratoire de Recherche et développement, en partenariat avec des designeurs éthiques. La marque fabrique des vêtements 100 % végétaliens, coutures et fermetures éclair incluses. « Tous nos ­tissus sont d’origine végétale ou cultivés en laboratoire : peaux, cheveux, plumes, fourrure, cuir, laine et autre soie sont bannis », peut-on lire sur la déclaration de mission. Pangaia privilégie les teintures naturelles, les fibres ­d’algues et, pour le garnissage des doudounes, des fleurs sauvages. Cette forme unique de

« duvet » se compose de pétales de fleurs déchiquetées mélangés à un biopolymère d’aérogel écologique de faible densité, fruit de dix ans de recherches avec les partenaires scientifiques de ­Pangaia. Un matériau respirant et hypo­allergénique avec des propriétés thermiques et une sensation au toucher qui, selon l’entreprise, sont comparables ou supérieurs à celle d’un duvet de haute qualité. Pangaia estime qu’un soutien à ces procédés radicaux pourrait amorcer un changement dans l’ensemble de l’industrie de la mode. La marque suscite déjà l’intérêt de ­personnalités comme Carmen ­Busquets, co-fondatrice du détaillant de mode en ligne ­Net-A-Porter, et l’acteur Jaden Smith, tous deux actionnaires de l’entreprise. Pour le consommateur, ce choix éthique a un prix : la veste FLWRDWN démarre à 490 €. Mais ignorer cette initiative progressiste risque, à long terme, de s’avérer plus coûteux. thepangaia.com THE RED BULLETIN

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La doudoune FLWRDWN protège le corps et la conscience sans être arrosé. Une veste éthique.


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LA BIBLIOTHÈQUE DE DEMAIN

À lire dans 94 ans De cette forêt norvégienne encore jeune, on pourra, un jour lointain, venir « cueillir » les œuvres inédites d’auteurs reconnus à l’heure où ils ne seront plus. Située à seulement dix kilomètres au nord d’Oslo, la forêt norvégienne de Nordmarka abrite un millier de jeunes arbres. Des épicéas plantés dans un but précis : fournir le bois pour produire en 2114, soit un siècle après leur plantation, cent livres inédits. La Future Library ou Bibliothèque du futur est l’idée de la plasticienne écossaise Katie Paterson. « Cette association visuelle m’est apparue en assimilant les cernes d’un arbre au chapitre d’un livre, confie-t-elle. 20

Margaret Atwood et Katie Paterson

La chambre du silence

THE RED BULLETIN

BJØRVIKA UTVIKLING BY KRISTIN VON HIRSCH, GIORGIA POLIZZI, ATELIER OSLO, LUND HAGEM, KATIE PATERSON, 2017. FUTURE LIBRARY

Repassez en 2114 car pour l’instant, il n’y a pas grand-chose à lire par ici.

Des chapitres qui s’ajoutent les uns aux autres à mesure que les troncs s’élargissent pour former une forêt de mots. » Chaque année, Paterson et son équipe recueillent une œuvre littéraire exclusive d’un auteur emblématique. Les ouvrages sont conservés dans une salle spécialement conçue, The Silent Room (trad. la chambre du silence), à la bibliothèque municipale d’Oslo jusqu’à leur publication d’ici 2114, grâce aux arbres qui auront donné vie à leurs pages. En 2014, l’écrivaine canadienne Margaret Atwood est la première à contribuer à la Future Library, avec le manuscrit Scribbler Moon. « Avec ­Margaret Atwood, on ne pouvait rêver meilleur début, une auteure formidable connue pour son rapport au temps, à la nature, à la technologie et au climat, et son activisme dans le travail, se réjouit ­Paterson. Nous l’avons sollicitée par ­courrier, et elle a tout de suite accepté, c’était un honneur. » Depuis, cinq autres auteurs ont fait don d’une de leurs œuvres : ­l’Anglais David ­Mitchell ; l’écrivain, poète et parolier islandais Sjón ; la romancière turque, universitaire et défenseur des droits des femmes Elif S ­ hafak ; l’auteure et poète sud-coréenne Han Kang et l’écrivain norvégien Karl Ove Knausgård. « Nous ne lisons pas les manuscrits, précise Paterson. Ceux de Margaret Atwood et de David Mitchell sont épais, celui de Han Kang s’apparente plus à une nouvelle. Mais ce ne sont là que des spéculations. » La contribution pour l’année en cours n’est pas encore connue au moment où nous publions cet article. Cependant, la plupart d’entre nous ne liront jamais les livres de la bibliothèque du futur. « Ceux à qui ils sont destinés ne sont pas encore nés ; pour l’heure, c’est dans l’esprit des seuls auteurs qu’ils demeurent. » futurelibrary.no



Les 5 conseils de l’équipe Little Missadventurists pour finir le ­Mongol Rally… 1. Familiarisez-­ vous autant que possible avec la mécanique Comprendre pourquoi la voiture fait un bruit bizarre ou ne démarre pas vous sera utile.

2. Faites vos ­recherches en amont, mais évitez de trop planifier

Comment aller au bout d’une course automobile folle à bord d’une épave. Qualifié de « course la plus ­stupide au monde », le Mongol Rally reste une compétition à part. Ce rallye intercontinental démarre en Europe — cette année dans le Hampshire en Angleterre, mais à l’origine en République tchèque — et s’achève à Oulan-Oudé en pleine Sibérie orientale. L’itinéraire est libre et les participants, dont le seul objectif est d’atteindre l’arrivée en moins de deux mois, ne bénéficient d’aucune assistance. Seuls des véhicules décrits par les organisateurs comme « voitures poubelles » avec une puissance n’excédant pas 1 000 ch peuvent prendre le départ. Une manière de garantir la panne en cours de route. L’an dernier, 22

­ licia Schneider, Racheli Aye et A Adina Korn, de l’équipe Little Missadventurists de Tel-Aviv, effectuent les 16 000 km à bord d’une Fiat Panda cabossée. « Nous l’avons achetée en Israël et expédiée en Europe, explique Schneider. Avant le rallye, elle a passé tous les week-ends chez le mécanicien, l’occasion pour nous d’accumuler des compétences en mécanique. » Les équipes n’ont droit qu’à une seule voiture et voyagent indépendamment, mais faire un bout de chemin avec d’autres participants est une tradition du Mongol Rally. « Les deux ­premières nuits en montagne, nous étions un convoi d’une dizaine de ­voitures, se souvient Schneider. Nous avons cuisiné

autour d’un grand feu et beaucoup bu. Arriver le plus vite possible, ce n’est pas l’esprit du rallye. Vous roulez dans des épaves et traversez de magnifiques chaînes de montagnes dans des régions reculées. Cette expérience unique exige du temps pour être appréciée. »

3. Emportez un max de provisions Nous avons misé sur les boîtes de thon, le riz et les pâtes.

4. Gardez un ­esprit ouvert L’itinéraire est fou, n’ayez donc pas peur d’entreprendre des choses inhabituelles.

5. Prévoyez un gros stock de lingettes Vous les consommerez vite. Plusieurs jours peuvent passer avant de pouvoir se doucher. Mais ne les jetez pas n’importe où !

littlemiss adventurists.com ; theadventurists.com THE RED BULLETIN

LOU BOYD

La route de l’infortune

Dès le début, ça ne se passe pas comme prévu de toute façon.

ALICIA SCHNEIDER

MONGOL RALLY


Organisatrice: BikeDays.ch GmbH, Zurich

LE FESTIVAL NATIONAL DU VÉLO SOLEURE 8-10 MAI 2020 EXPO VÉLOS | TEST VÉLOS | ÖUFI CUP | E-MTB ELIMINATOR PROFFIX SWISS BIKE CUP | MTB DIRTJUMP | BMX FLATLAND Billets: bikedays.ch


TOUJOURS PLUS GROS Le 13 novembre dernier, la waterwoman JUSTINE DUPONT surfait un monstre de plus de 20 mètres à Nazaré (Portugal). Rebelote le 11 février lors du Nazaré Tow Surfing Challenge, où la jeune femme de 28 ans remporte le titre de la meilleure vague. Ces deux méga houles pourraient lui valoir le record du monde de la plus grosse vague surfée, tous sexes confondus lors des prochains Big Wave Awards. Une première dans le club très fermé du surf de gros. Comment en est-elle arrivée à surfer ce que l’océan a de plus puissant, de plus redoutable ? À repousser sans cesse les limites de l’humain ? Justine nous dit tout d’une carrière qui se construit pas à pas, dans les règles de l’art et la plus grande humilité. Texte PATRICIA OUDIT Photos RICK GUEST

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À 28 ans, Justine Dupont est l’une des meilleures surfeuses de gros (et pas que) au monde.


Il y a des 13 novembre qui ne s’oublient pas. Celui de l’année 2019 restera à jamais gravé dans la mémoire de la Canaulaise comme l’un de ces graals enfin conquis, d’un mythe presque atteint, celui de la vague sans fin. Ce jour-là, lorsqu’elle lâche la corde qui la tracte au sommet d’une ogresse de plus de 20 mètres, elle éprouve d’autres vibrations. Ivresse d’un autre monde ressentie par ce point microscopique qu’elle est devenue au centre d’un mur écumant de rage. Un run de 15 à 30 secondes où l’on est dans sa bulle, étanche au fracas, où la moindre vibration est anticipée. « Je sens rapidement qu’il se passe quelque chose. Je prends une vitesse folle dans cette succession de petites vagues sans fin, comme si une ombre me poursuivait. » Sur cette vague portugaise de Nazaré, devenue en quelques années le pays des chargeuses et chargeurs (surfeuses et surfeurs de grosses vagues), Justine gagne encore en vitesse. « C’est inimaginable, dit-elle. Sur la vague, je n’ai aucun repère, hormis mes propres sensations pour évaluer la vitesse… » Trois mois plus tard, le 11 février, la surfeuse est à nouveau pourchassée par un swell en furie. « Cette fois, bien que la vague n’ait pas encore été mesurée, je pense qu’elle est encore plus énorme. Je dirais plus de 20 mètres. Cette fois encore, je sens que Fred, mon compagnon, qui me tracte jusque dans les vagues avec un jet-ski, a choisi la bonne vague. Elle ne cesse de se former sous ma planche en même temps que je la descends. Je sens que dans mon dos elle grossi, elle se lisse et se creuse bien plus que d’habitude. Il y a plus de puissance autour de moi… Après avoir pris une ligne plus proche du creux, je file vers le bas de la vague et je me prépare à l’explosion derrière moi. La mousse m’a dépassée, je me sens faire partie de la vague et heureuse de sortir d’elle toujours debout sur ma planche. » Pour parvenir à dompter ces tonnes de chaos liquide, Justine a œuvré dans la plus grande discrétion, prenant tout son temps pour écumer les hotspots du Big Wave Riding, de Belharra (Pays Basque) à Mavericks (Californie) en passant par Mullaghmore (Irlande), Jaws (Hawaï) et bien sûr Nazaré (Portugal) où elle a fini par s’installer. Depuis sept ans, époque où elle reven-

diquait déjà son envie de se frotter aux éléments dans ce qu’ils ont de plus puissant, elle apprend, réapprend, chute parfois, recommence. Affronte ses peurs, ou renonce, se lance des défis très hauts, et bien réfléchis. Mais ne s’arrêtera pas là, à ce fabuleux record peut être récompensé prochainement par un Big Wave Award, genre d’Oscar du surf de gros. Il va falloir féminiser le lexique et élargir ses horizons. Car peu importe les codes en vigueur, il ne s’agit ici que d’une chose : la quête de toute une vie. the red bulletin : Sur ces deux vagues monstres de novembre et de février, à aucun moment vous n’avez eu peur de vous faire avaler ? justine dupont : Quand je suis sur la vague, quelle que soit sa puissance, sa taille, je suis tellement dedans, concentrée à 300 % que je ne pense qu’aux 3 ou 4 mètres qui me précèdent. Au sommet, avant la descente, je prends toutes les informations possibles : forme, vitesse, déclivité, et j’en déduis ma future ligne, là où je vais pouvoir prendre de l’énergie pour surfer le plus longtemps possible. Sur la vague de novembre, il y avait pas mal de perturbations, à cause du vent, l’eau devenait dure à cause du clapot, c’était un peu comme un champ de bosses ultra pentu qu’il fallait dévaler avec la plus extrême vigilance. Celle de février en revanche m’a autorisée à plus de liberté, à faire ce que je préfère dans le surf : négocier une belle ligne, planche sur le côté pour prendre de l’angle et de la vitesse, comme dans de la poudreuse. La peur arrive avant, comme un repère. Si elle est trop présente, c’est que je ne suis surement pas encore prête, et ça m’est déjà arrivé de renoncer. Elle est aussi rétrospective. En visionnant mes images de GoPro, sur l’une de ces vagues, je vois deux étapes. Sur la première, mon visage traduit une grande concentration, je vis le moment, je suis en alerte maximum, tous mes sens sont en éveil. Sur la deuxième, j’affiche un sourire qui veut dire : « Ça y est, je viens de passer la phase la plus critique de la vague. » Je suis dans l’émotion, puis je me concentre pour bien terminer la vague, en sécurité. Pendant ces quelques secondes, mon cerveau passe par tous les stades. Quelques secondes… Le surf de gros, c’est une attente énorme pour un plaisir furtif !

Pour parvenir à dompter ces tonnes de chaos liquide, Justine Dupont a œuvré dans la plus grande discrétion. 26

THE RED BULLETIN


L’ADN de Nazaré : un phare rouge, du swell, des vagues monstrueuses et Justine Dupont.


C’est une à une et humblement que Justine a gravi les marches de l’élite aquatique.

« Il faut aussi être capable de renoncer. La nature est toujours la plus forte, elle gagnera peu importe vos efforts. »


Temps calme pour une surfeuse française heureuse sur le sable de Nazaré. Dans les vagues de ce spot portugais, c’est le chaos qu’elle affronte.

La vague la plus longue dure peut-être 20 ou 30 secondes. Un jour, il faudrait que je me mette des capteurs pour mesurer l’intensité de ces moments en termes de battements cardiaques. Le moment est bref, mais tellement dingue et magique qu’il doit sacrément faire monter le cœur. Ces moments se vivent avec toute une équipe… J’ai la chance fabuleuse de vivre cela avec mon compagnon Fred David, qui a été champion du monde de bodysurf et dont la présence indispensable me rassure totalement dans ma prise de décisions. On a un tel niveau de complicité que dans l’eau, on n’a plus besoin de se parler… Fred est sur le jet-ski. En THE RED BULLETIN

cas de gros swell, Clément Nantes, qui est sauveteur en mer vient prêter main forte en pilotant un deuxième jet-ski, au cas où Fred qui m’a larguée sur la vague en tow-in (surf tracté, ndlr) me perdrait de vue. Il y a également quelqu’un qui surveille mon évolution dans l’eau depuis la falaise. À terme, on aimerait avoir notre propre « veilleur » afin de renforcer la sécurité. À Nazaré où vous surfez depuis quatre saisons, comment la pratique a-t-elle évolué ? C’est un endroit d’une intensité sans égal. Avec des saisons qui se suivent sans jamais se ressembler. Cette vague, on croit la connaître, mais elle finit tou  29


jours par vous surprendre. Deux à trois fois par mois, surtout d’octobre à mars, il y a des grosses houles, il arrive qu’il y ait des conditions énormes dix jours d’affilée, où l’on reste jusqu’à six heures dans l’eau. Les grands jours il y a les meilleurs du monde au pic. C’est un moment de partage assez fou. Il y a de la solidarité entre nous. En ce moment, un de nos jet-ski est hors service. Fred s’est crashé en portant secours à un autre surfeur. Vous évoquiez plus haut la sécurité… Les deux jet-skis et le veilleur depuis la falaise constituent la base du dispositif. Quand c’est gros, il y a un médecin urgentiste qui vient sur la plage en complément des lifeguards qui sont parfois présents. On aimerait que le médecin soit là tout le temps pour améliorer encore la sécurité. On travaille dans ce sens avec la mairie qui prend les choses très à cœur mais qui n’envoie les renforts qu’à plus de 15 mètres. À ces hauteurs, c’est déjà très tendu en termes de risques… Quand vous-êtes vous dit : « Je vais être la première à surfer la plus grosse vague du monde ? » Depuis que je surfe à Nazaré. Avant moi, une femme surfait déjà ici, c’est la brésilienne Maya Gabeira. Quand je suis arrivée, j’ai eu de la chance : les vagues étaient parfaites pour débuter, j’ai pu enchaîner les petites sessions afin de m’approprier le spot. Le swell a grossi avec mon expérience comme par magie. Et puis Nazaré, contrairement à d’autres lieux comme Belharra qui ne casse pas à moins de 8 mètres, fonctionne aussi quand c’est petit. Y a-t-il eu une chronologie du swell pour procéder par étapes, en fonction des vagues ? Avec Fred on est arrivés à Nazaré de manière discrète. Humblement, on n’a jamais hésité à demander des conseils. Ne pas se focaliser que sur la grosseur des vagues. Ce n’est pas le critère le plus important pour moi. Plus que la taille, c’est la façon de la prendre, l’engagement, l’esthétique. Avoir l’impression de v­ éritablement surfer plus que de descendre. Avant Nazaré, j’ai pris de l’expérience partout où

je pouvais. D’abord à B ­ elharra, où je suis allée à petit pas, où il y a du fond des deux côtés et des possibilités d’échappatoire. Là-bas, le risque est de se noyer, j’ai donc renforcé ma résistance sous l’eau en m’entraînant régulièrement à l’apnée. Puis il y a eu Jaws… Où vous vous êtes blessée. En novembre 2018, je suis arrivée à Jaws après un super début d’hiver à Nazaré. J’étais en confiance et j’ai pris une très bonne vague. En retournant au large une série m’a cassé sur la tête. J’étais au mauvais endroit au mauvais moment. Je m’y suis fracturé l’épaule et abîmé le genou. Ça a mis fin à mon hiver, c’était frustrant mais ça fait aussi ­partie du jeu. Ça ne vous a pas refroidie ? Au contraire. J’ai bien fait ma rééducation au CERS de Capbreton. Dans un sport comme le mien, la patience est essentielle. Il faut aussi être capable de renoncer. La nature est toujours la plus forte, elle gagnera peu importe vos efforts. Il faut savoir rester à sa place. Ne pas y aller quand le doute est trop fort. Vous doutez souvent ? Ça m’arrive ! Je me pose souvent des questions. « Est-ce que ce que je fais a un sens, est-ce trop dangereux ? » Sur le moment, je ne doute pas, jamais j e ne suis allée à l’eau avec la peur au ventre. Quand je repense à la compétition de février et à cette vague record, c’était un jour magique. On était tous à l’eau au petit matin, avant le coup d’envoi, à enchaîner des vagues de rêve. C’est en renvoyant les images ensuite que j’ai eu peur, que je me suis questionnée. Ces images, c’était bizarre de les regarder. C’était presque trop. Je me suis demandé où est la limite de l’humain. Est-on vraiment en train de surfer les plus grosses vagues de la ­planète  ? Où se situe la notion d’ego dans ces murs d’eau ? De l’ego, sûrement, il doit y en avoir. Plus jeune, avec mon grand-frère, je voulais toujours rivaliser

Tout ce qu’il faut pour envoyer du gros Un gilet de flottaison en mousse placé sous la combinaison néoprène. Un gilet gonflable avec les cartouches de CO2 à déclencher en cas de wipe-out. Des chaussons pour tenir chaud et avoir une meilleure accroche sur la planche.

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Une cagoule en néoprène à quoi Justine préfère le casque (pas toujours agréable pour la nuque en cas de choc violent). La jeune femme réfléchit à un type de casque plus adapté à la pratique. Des bouchons d’oreille depuis que la surfeuse a eu ses tympans percés à Hawaï.

Une planche de tow-in de 6 pieds (1,80 m) lestée d’un poids de 10 kilos et garnie de footstraps pour fixer les pieds. Elle est constituée de carbone à l’arrière pour que la rigidité la rende plus rapide et de PVC à l’avant pour amortir les perturbations de la vague.

Une planche de rame fait quant à elle 3 à 4 m de long. Les deux jet-skis font respectivement 240 et 260 ch. Les pilotes ont une radio. Le sled (traineau) qui sert à récupérer la surfeuse est muni de cordes afin qu’elle puisse l’attraper plus facilement.


« La vague de Nazaré, on croit la connaître, mais elle finit toujours par vous surprendre. »


Sa bio express Justine Dupont, 28 ans, surfe du gros, mais pas que. Comme son palmarès éclectique en témoigne, elle est une waterwoman polyvalente. Vice-championne du monde de surf de grosses vagues. Championne du monde de Stand up paddle. Vice-championne du monde de longboard. 4 fois championne du monde par équipe de Stand up paddle, de longboard (2 fois) et de surf.

« Est-on vraiment en train de surfer les plus grosses vagues de la planète ? »


« Dans ce sport, on a fini par transcender les questions de genre. Fille ou garçon, qu’importe, on surfe des grosses vagues, c’est tout. »

d’apnée pour apprendre et m’entraîner, et je suis aussi allée plusieurs fois à la fosse à La Teste-deBuch, en Gironde. Puis j’ai fait des exercices très ciblés pour apprendre à économiser l’oxygène. Désormais, je continue, mais c’est plus de l’entretien. J’ai pas mal progressé en bodysurf avec palmes grâce à Fred, ça permet d’assurer quand je me prends des grosses vagues dans la tête. Je pratique aussi la course à pied sur des distances courtes ainsi que les montées d’escaliers. L’idée est de travailler le cardio via du fractionné. Sans oublier le crossfit pour le gainage et la musculation en salle pour ­bosser les appuis à coups de squats. Le soir, séances de yoga et étirements !

Fred, son compagnon, sécurise sa quête du gros.

RAFAEL G. RIANCHO/ RED BULL CONTENT POOL

avec les ­garçons. Braver les plus grosses vagues, on le fait avant tout pour soi. Pour réussir à maîtriser ses émotions, à dominer sa peur. Dans ce milieu où les prises de décision doivent se faire vite, sans hésiter, on apprend à se connaître mieux et plus rapidement que partout ailleurs, c’est un concentré de vie. Mais ce qui est fou dans ce sport, c’est qu’on a fini par transcender les questions de genre. On n’est que sur l’humain. Fille ou garçon, qu’importe, on surfe des grosses vagues, c’est tout. Il y a encore quelques années, le milieu se montrait moins ouvert aux femmes… Depuis 2016, les compétitions ont une catégorie masculine et une catégorie féminine. En février ­dernier, le Nazaré Tow Surfing Challenge nous a permis avec Maya de participer à la compétition en même temps que les hommes. Ils applaudissent nos exploits, j’ai eu droit aux éloges de Garrett McNamara, une légende du milieu. Tout cela est le fruit d’années de préparation. Vous vous entraînez comment ? Il y a cinq ans, j’ai intégré le BCO à Biarritz, un club THE RED BULLETIN

Le fait que vous veniez du surf classique vous donne-t-il un avantage ? Oui, je suis plus technique que des surfeurs qui ne seraient pas passés par la compétition que ce soit en shortboard ou en longboard. Mes manœuvres sont plus précises, je suis en capacité de bien gérer ma planche. Comme j’ai pratiqué beaucoup le longboard, je n’ai pas été trop gênée quand je suis ­passée sur les longboards de gros pour surfer à la rame. La rame est-elle en train de gagner sur le tow-in ? Il y a deux ou trois ans, tout le monde s’est remis à la rame. La saison 2018, je me suis un peu plus focalisée sur cette approche assez pure. Là, il faut se retourner et partir, sans aucun coup de pouce. C’est votre décision. Et ça change tout. Cela dit, j’ai le sentiment que les mœurs ont évolué. On se rend bien compte que ramer Nazaré a ses limites. Si l’on veut surfer gros, le tow-in est plus adapté, et il revient à fond sur le devant de la scène depuis cette année. En fait, il s’agit juste de ne pas rester bloqué sur une façon ou une autre, mais de s’adapter aux conditions du moment. J’adore les deux, c’est une question ­d’équilibre. Ce sera quoi la prochaine vague ? Mon programme pour 2020 : performer sur Jaws à la rame, et découvrir au printemps le spot de Teahupoo, à Tahiti, pour progresser dans les tubes. Je compte aussi faire une grosse préparation pour faire une super saison à Nazaré l’hiver prochain. Notre équipe devient vraiment professionnelle et on progresse bien sur la sécurité, c’est top.

justinedupont.fr   33


EN TÊTE

Julien à l’entraînement sur piste avec ses collègues kényans.


LA PATRIE DE SON CŒUR JULIEN WANDERS veut devenir le meilleur marathonien du monde. Pour cela, il a quitté Genève la prospère pour s’installer dans un village africain. Il y a découvert sa propre zone de confort. Texte CHRISTOF GERTSCH Photos GUILLAUME MEGEVAND

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CHAUDEMENT HABILLÉ

Bonnet, gants, veste : il ne fait pas toujours chaud au Kenya.


« Il y a tellement de gens qui me disent que je ne peux pas battre les Africains de l’Est. Cela me rend furieux. »

Bienvenue dans la patrie africaine de Julien.

D

epuis que Julien Wanders s’est taillé une place au sommet, sa mère pense souvent au jour où il est rentré de l’école en disant : « Maman, je dois améliorer mon anglais car plus tard, je donnerai des entretiens aux journalistes du monde entier. » Son fils avait 12 ans, et bien que son expression ne laissât aucun doute sur son sérieux, elle ne pouvait qu’en rire. « Mon titi, lui dit-elle, tu rêves. » Aujourd’hui, elle se demande s’il est possible qu’il ait alors vu son avenir. Julien Wanders, 24 ans, est le meilleur coureur blanc de l’histoire du semimarathon, et son histoire est l’une des plus étonnantes de ce sport. Il se classe au 46e rang mondial, derrière les Kényans, les Éthiopiens, les É ­ rythréens

et un Bahreïni d’origine kényane. Mais Wanders vise plus haut. Sa carrière constitue une expérience particulière qui va lui permettre de savoir s’il est ­possible, pour un non-Africain, de devenir le meilleur marathonien du monde. Bien qu’il courra probablement son premier marathon au plus tôt en 2021 afin de préserver sa longue et prudente préparation, il croit fermement connaître la réponse. Il nous dit : « Le fait que je sois le ­meilleur coureur de semi-marathon en dehors de l’Afrique n’a aucune valeur à mes yeux. Il n’y a pas de concurrence entre les blancs. Tant de gens me disent que je ne peux pas battre les Africains de l’Est parce qu’ils sont nés pour courir. Cela me rend furieux. Moi aussi, je suis né pour courir. »   37


« Je n’étais pas heureux à Genève. En revanche, j’aime la vie à Iten. »

bien pour lui à l’école qu’au lycée, il a même sauté une classe. Il aurait pu devenir médecin, comme l’une de ses sœurs, ou ingénieur, mais il n’avait aucune envie d’aller à l’université. En fait, la vie dans l’une des villes les plus prospères du monde ne l’intéressait guère. Aujourd’hui, il déclare : « Mon entraînement à Genève ne m’a pas rendu ­heureux. Mais à Iten, j’aime la vie. » Que veut-il dire par là ?

S Les chaussures de course de Julien rougies par le sable.

Cela peut ressembler à de l’entêtement. Bien que Wanders ait jusqu’à présent refusé chacune des demandes de scientifiques pour l’examiner, on voit au premier coup d’œil que son anatomie ressemble à celle de nombreux Africains de l’Est. Tout d’abord, il est très mince et pas particulièrement grand – ce qui est un avantage, car en course, le poids du corps constitue la principale composante de la résistance. Deuxièmement, ses jambes sont non seulement minces, mais aussi très longues par rapport à sa taille. Elles lui permettent de mieux se thermoréguler grâce à la plus grande surface corporelle par rapport au volume du reste du corps. Mais l’anatomie seule ne suffit pas, même dans la course de fond où certains attributs physiques sont particulièrement importants. Julien Wanders est issu d’une famille genevoise cultivée, sa mère est violoniste, son père professeur de chimie. Les choses allaient tellement 38

ituée dans les hautes terres ­verdoyantes du Kenya, la ville d’Iten est en quelque sorte La Mecque de la course de fond, et de nombreux coureurs parmi les meilleurs de l’histoire en sont originaires. Depuis quatre ans, c’est aussi la nouvelle patrie de Wanders. Initialement, il n’était venu que pour visiter, comme beaucoup d’Européens qui veulent profiter un moment de l’altitude, idéale pour l’entraînement d’endurance, avant de retourner à leur confort. Mais il s’est alors rendu compte que la simplicité qu’il y avait rencontrée ne pourrait développer tout son effet s’il ne s’y exposait que quelques semaines par année. Les habitants d’Iten font partie du peuple kalenjin d’où sont issus environ les trois quarts de tous les coureurs

Un ciel bleu éclatant au-dessus de la piste d’entraînement. Julien vient ici deux fois par jour. THE RED BULLETIN


ENTRAÎNEMENT MUSCLÉ

La course seule ne suffit pas, c’est pourquoi Julien s’entraîne aussi en salle.


kényans de classe mondiale, bien qu’elle ne compte que quatre millions d’habitants. Ils ne représentent qu’un quart de la population totale du pays – soit un peu moins de 0,06 % de la population mondiale. Le succès remporté par les coureurs kalenjins est d’autant plus remarquable que la course à pied est considérée comme l’un des sports les plus répandus et les plus faciles à apprendre. La question de savoir pourquoi les Kalenjins sont si rapides occupe les scientifiques du monde entier. Pendant longtemps, les aspects culturels ont été cités comme la principale explication, avec notamment les trajets scolaires périlleux qui équivalent à une formation précoce, ainsi que le manque de perspectives dans la vie quotidienne : celui qui court peut échapper à la pauvreté. Aujourd’hui, nous savons que les jambes longues et fines qui permettent un style de course plus « économique » sont beaucoup plus courantes chez les Kalenjins que chez les autres populations. Cependant, on ne sait comment cette différence génétique a été créée.

J

ulien Wanders n’a que faire de toutes ces questions. Il est content d’être ici, à Iten. Pour courir aussi vite que les meilleurs Kényans, il veut vivre comme un Kényan. C’est aussi simple que cela. Avec sa petite amie Joan Jepkorir, ­originaire d’Iten et que tout le monde appelle Kolly, il vit dans un trois pièces donnant sur la route principale pour l’équivalent de 100 francs par mois. Kolly était enseignante dans un lycée quand elle a rencontré Wanders, puis elle a repris de son père un café au centre de la ville. Wanders décrit sa routine quotidienne favorite comme suit : entraînement, petit déjeuner avec Kolly, sieste, déjeuner avec Kolly au café, sieste, entraînement, dîner avec Kolly.

« Pour courir aussi vite que les meilleurs Kényans, il veut vivre comme un Kényan. » 40

« Ensuite, on s’assied devant la télé, et à 20 heures, je vais me coucher. » Il obtient ses programmes d’entraînement de Marco Jäger, son coach à Genève. Chaque matin, il retrouve une vingtaine de coureurs kényans à la station-­service de la banlieue d’Iten pour se rendre au parcours ou à la piste. Ils sont un peu comme ses partenaires d’entraînement et certains l’accompagnent lors de courses à l’étranger. Il prend en charge leurs dépenses : la nourriture, les déplacements, le logement. Il vit luimême de l’argent du sponsoring et des subventions. À Iten où il réside au moins neuf mois par an, Wanders est considéré comme un local. Si vous vous renseignez dans la ville, presque tout le monde sait qui il est. Il semble s’être installé remarquablement facilement, n’attire pas l’attention par la flagornerie comme les autres blancs et personne ne l’accuse d’arrogance. Sa présence, toute en discrétion, revêt un caractère de normalité, voire d’évidence. Il compte parmi ses amis ­certains des coureurs de son groupe qu’il retrouve parfois pour le thé. Quant aux autres, il ne sait guère plus que leurs noms, mais cela ne semble déranger ­personne. Il n’a pas le masochisme d’un athlète d’endurance blanc, il court parce que cela le rend h ­ eureux. Beaucoup en Europe l’admirent parce qu’il a eu le courage de troquer une vie confortable chez lui contre l’incertitude au loin. En réalité, c’est l’inverse. Julien Wanders n’a pas quitté sa zone de confort lors de son premier voyage au Kenya, mais il l’y a trouvée. Qu’est-ce que cela signifie ? C’est tout simple. À Iten, il aime le fait que personne ne remette en question son existence de coureur et qu’au contraire, tout le monde l’admire parce qu’il parvient à gagner sa vie avec la course. À Genève, en revanche, les gens voulaient constamment savoir ce qu’il faisait d’autre pour vivre. Après tout, il mange et s’entraîne au Kenya plus ou moins de la même manière qu’il le fait lors de ses séjours en Suisse. Ce qui est spécial à Iten, c’est que courir n’a rien de spécial. C’est « ­normal ». Alors qu’il récupère sur le sofa après son entraînement, sa petite amie Kolly raconte quand elle l’a accompagné en Suisse pour la première fois. Elle était pleine d’attentes, mais elle a ensuite vu dans ce pays un endroit où les gens ne cessent d’anticiper ce qu’ils vont faire la


PARTENAIRES DE TRAINING

Courir en groupe : le rituel matinal de Julien...


ÉCHAUFFEMENT

Étirements juste devant le magasin de légumes.

« Julien n’a pas quitté sa zone de confort, il l’a trouvée au Kenya. »

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minute suivante. « Ils craignent de perdre leur niveau de vie et travaillent comme des fous. Puis ils sortent pour fumer parce qu’ils ne supportent pas le stress. » Elle réfléchit un moment. « À Iten, nous essayons simplement de survivre. Nous nous en sortons bien ici. » Julien ­Wanders est assis, silencieux, à côté d’elle. Un sourire illumine son visage. Oui, il savait déjà à 12 ans qu’il voulait devenir coureur de fond. Il n’a jamais eu d’autre plan. Ses parents lui ont appris très tôt à se concentrer sur une seule chose dans la vie au lieu de faire plein de choses à moitié. Il est toujours comme ça aujourd’hui. Il est prêt à tout pour la course. Parfois trop. Après s’être mis en tête de devenir aussi rapide que les Kényans, il a diminué petit à petit son apport de nourriture. Il s’est d’abord privé de ­chocolat, puis de chips et, à 15 ans, il n’a même pas touché le gâteau que sa

mère lui avait préparé pour son anniversaire. Ses parents, impuissants, le voyaient s’affamer de plus en plus jusqu’à ce qu’il ne pèse que cinquante kilos pour 1,75 mètre. Il avait cette obsession d’être aussi léger que les Kényans. Pendant deux ans, les maladies se succédaient et son corps s’affaiblissait de plus en plus.

P

uis Marco Jäger est entré dans sa vie. Ce fut son salut. Jäger a reconnu son talent et l’a convaincu d’y faire attention. Sans y parvenir systématiquement : Il est arrivé au jeune ­Wanders de lui cacher une fièvre pour ne pas être privé d’entraînement. Encore aujourd’hui, les deux hommes dépassent parfois leurs buts, comme en février dernier, lorsque W ­ anders a essayé d’améliorer son record européen de ­l’année précédente – son temps incroyable de 59:13 – au semi-­marathon THE RED BULLETIN


KIBUUKA MUKISA

de Ras al-­Khaimah aux ­Émirats arabes unis. Il se sentait bien, mais a fini par voir ses jambes s’alourdir. Son temps final de 01:00:46 fut une grande déception. « Je me suis entraîné trop dur pendant trop longtemps, dit-il rétrospectivement, et je n’ai pas pris suffisamment de repos. » Julien Wanders s’est fixé ­l’objectif le plus difficile et le plus élevé. ­Inévitablement, des ratés peuvent se produire. Et inévitablement aussi, il se trouve des gens pour le critiquer. Comme lorsqu’il était encore mineur et que Jäger lui a dit : « Si tu veux faire partie de la classe mondiale, nous devons nous entourer de gens de classe mondiale dès maintenant. » Dès lors, l’équipe s’est composée d’un médecin sportif, d’un biomécanicien, d’un kinésithérapeute et d’un coach m ­ ental. On peut facilement imaginer les réactions dans le milieu structuré de l’athlétisme suisse : sont-ils devenus fous avec de telles dépenses ? Le fait que Julien Wanders ne se laisse pas décourager par ces propos en coulisse est l’une de ses plus grandes forces. La plupart du temps, il ne les entend même pas, et si cela se produit, alors il les ignore. Ou alors il poste une photo et commente : « Plus on s’améliore, plus on attire les envieux. »

Le sukuma wiki : du chou épicés aux oignons.

THE RED BULLETIN

La pause déjeuner permet de se détendre et de lâcher la pression.

L

a carrière de Julien Wanders, cette expérience, est aussi un exercice d’équilibre. La course de fond réclame un entraînement incroyablement rigoureux et il arrive justement que des coureurs de fond kényans atteignent le sommet alors qu’ils sont encore adolescents, puis ils subissent des blessures et ne reviennent jamais. En particulier dans les marathons, les meilleurs coureurs sont de plus en plus jeunes, ce qui est principalement dû au fait qu’il n’y a pratiquement plus d’argent à y gagner, contrairement à avant. De nos jours, ceux qui courent pour l’argent se limitent aux courses sur route dès le début, mais ils s’épuisent plus vite. Voilà l’avantage que Julien Wanders possède sur de nombreux Kényans : lui n’a pas de pression financière. L’âge idéal pour courir les marathons se situant à la fin de la vingtaine, il se concentre pour l’instant aux courses sur piste, également pour cet été. Ses sources d’inspiration sont – bien évidemment – les plus grands : Kenenisa Bekele, Mo Farah, H ­ aile G ­ ebrselassie. Tous ont d’abord été d ­ ’excellents coureurs sur piste avant de passer au marathon. Instagram : @julien_wanders

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STYLING: SOO-HI SONG, HAIR & MAKE-UP: SARAH RABEL

Une cicatrice à l’épaule comme témoignage de la terrible chute.


La renaissance

Elle était au top de sa carrière : 29 ans, alpiniste et mannequin. Et puis GELA ALLMANN a fait une chute de 800 mètres le long d’une paroi de glace. Six ans plus tard, l’athlète allemande est de retour en tant qu’ambassadrice du WFL World Run. En pleine forme et forte d’une nouvelle expérience : tracer sa route, oui ; le faire seule, non ! Texte DOMINIK SCHÜTTE Photos FELIX KRÜGER

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T

he red bulletin : Voilà presque six ans que votre corps et votre vie étaient en morceaux. En Islande, vous avez fait une chute de 800 mètres en montagne. Vos souvenirs et votre mémoire concernant ce moment ontils changé au fil du temps ? gela allmann : Non, étonnamment. La peur de mourir pendant la chute ; la misère quand j’étais prostrée sur la glace ; les douleurs à l’hôpital : rien ne m’a autant démoli que ces moments. Mais dans ma vie, rien ne m’a autant profité par la suite. J’ai ressenti la finitude de la vie, mais j’ai aussi fait l’expérience de ce dont le corps est capable. Si l’on veut ressentir la vie avec la même intensité et gratitude que moi ces dernières années, peut-être qu’il faut être tombée très bas auparavant. Vous avez fait un faux pas. Lors d’une séance photo, vous avez perdu l’équilibre et avez glissé le long d’une pente glacée. Puis sont arrivés les rochers. Vos bras et épaule ont été fracassés, les genoux brisés, une vertèbre cassée. Dans votre livre, vous racontez cela de manière tellement précise que c’en est presque douloureux. Comment expliquez-­ vous le fait que vous arrivez si bien à vous remémorez l’événement ? J’ai eu l’impression que la chute durait vingt ­minutes. En réalité, elle n’a duré que deux minutes. Je me souviens de tout avec précision. Au début, je me suis dit : « Tout va bien, ça va s’arrêter. » J’ai glissé sur le ventre, pieds en avant. Mais le problème était que je n’avais pas de crampons à mes chaussures. Avec, j’aurais pu m’arrêter. Et tout se serait bien passé.

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Vous êtes-vous surestimée ? Vous aviez 29 ans à l’époque, étiez une alpiniste à succès parfaitement entraînée. J’étais naïve. J’étais en route avec deux hommes assez sûrs d’eux. Moi en revanche j’avais un mauvais pressentiment sur cette pente. Mais c’est probablement classique lorsqu’on est la seule femme, je ne voulais pas passer pour une chochotte. C’était bête de ma part. Cela aurait été une preuve de force mentale de faire demitour. Aujourd’hui, je le sais. Vous avez dévalé une pente de plus de 40 °, en tombant de plus en plus vite… Puis j’ai commencé à rouler et j’ai eu la malchance de passer par dessus une barre rocheuse tête la première, le visage tourné vers le ciel. À ce moment-là, j’ai cru que c’était la fin. Et boum ! Mon genou a méchamment percuté quelque chose. Mes os se sont brisés, mais je ne ressentais pas encore de douleur. Par contre, j’ai réalisé que je ne portais pas de casque.

« Il faut s’occuper au mieux des personnes qui nous entourent et ne rien considérer comme acquis. »


L’appel de détresse s’est transformé en cri de joie : Gela a retrouvé la forme.


Ta tête va y passer. Et je n’avais plus qu’un ­souhait : perdre connaissance ! Mais ce n’est pas arrivé. C’était tellement violent que mon corps a anesthésié toutes les sensations. Pendant un bref instant, j’allais bien. Je n’avais plus peur. Puis je me suis vue dans le jardin de mes parents. Tout était en fleur. En réalité, je continuais à glisser sur la glace à moitié nue, une partie de mes vêtements ayant été arrachée. Puis la pente est devenue moins raide, la neige moins dure, et avec mes dernières forces, j’ai réussi à stopper la chute quelques mètres avant de tomber de la falaise dans le fjord glacial. Vos compagnons vous ont retrouvée presque inconsciente, avec de grandes brûlures. Puis il y a eu une attente terriblement longue. Mes sauveteurs étaient super, mais en Islande, il n’y a pas de secours de montagne comme dans les Alpes. Il a fallu démonter les sièges de l’hélicoptère pour vous transporter en position couchée. Quand l’hélico est enfin arrivé, il a dû repartir illico chercher un médecin. Sans moi ! C’était le pire. J’étais sur le point de lâcher. Mais j’ai tenu bon. Cette sensation est restée gravée en moi : on tient toujours bon quand il faut ! Aujourd’hui, vous êtes à nouveau active sur le plan sportif. En 2018 et 2019, vous étiez debout face aux 10 000 participants du Wings for Life World Run, un événement global et simultané de course à pied qui soutient financièrement la recherche sur la moelle épinière. Vous avez encadré l’échauffement public. Auriez-vous pu imaginer cela après votre chute ? Non, et c’est pour cela que j’étais si enthousiaste. Je me tenais sur une estrade, face aux milliers de participants qui s’échauffaient et s’étiraient dans le couloir de départ. Il y avait une émulation et une énergie incroyables. Mais vous n’avez pas couru ? J’aurais aimé courir l’année dernière, mais je n’ai pas osé. Mon genou n’était pas encore assez robuste. C’est pour cela que c’est tellement important pour moi de participer au moins à l’échauffement, et de m’imprégner de l’esprit très particulier qui entoure cet événement. Que signifie pour vous être ambassadrice du Wings for Life World Run ? 48

C’est un grand honneur. Je sais ce que c’est que de se retrouver catapultée hors de sa vie et de ne plus pouvoir marcher. Cela ne m’est arrivé qu’un bref instant, je n’ai pas été victime de paraplégie. Mais je me suis retrouvée en fauteuil roulant et je sais ce qu’on ressent. Courir avec un message positif et combiner cela en attirant l’attention sur ce sujet, c’est génial !

Lors du Wings for Life World Run à Munich en 2018 et 2019, Gela a animé l’échauffement.

L’idée du Wings for Life World Run est donc celle de courir ensemble pour aider celles et ceux qui ne peuvent pas marcher. Qui vous a aidée après votre terrible chute ? J’ai eu besoin de tous ceux qui m’ont entourée. D’abord mes camarades, qui m’ont retrouvée. L’un d’eux m’a raconté qu’il avait dévalé la pente sans faire un seul virage et qu’il ignorait comment il était arrivé à descendre sans se blesser. THE RED BULLETIN


Puis le photographe, qui a tenu ma tête pour que je ne sois pas seule, le pilote de l’hélico qui a fait jouer tous ses contacts et a organisé le sauvetage. La personne la plus importante a sûrement été mon compagnon de l’époque, Marcel. Nous nous sommes séparés depuis, mais il joue toujours un rôle très important dans ma vie. Pour une femme forte et active comme vous, est-ce que cela a été difficile de dépendre de l’aide des autres ? En partie. Je m’oblige à me débrouiller toute seule, au maximum. Mais à l’hôpital, je ne pouvais rien faire. Il a donc fallu que j’accepte. D’une certaine manière, c’était réconfortant. Mais il y a des situations humiliantes, par exemple si quelqu’un doit t’essuyer le derrière à 29 ans. C’est comme ça. Est-ce que quelqu’un de moins athlétique que vous aurait survécu à cet accident ? Je ne peux que répéter ce que m’ont dit les médecins : ma jambe s’est retrouvée sans approvisionnement en sang pendant plusieurs heures, car l’artère était déchirée. Mes muscles ont tout de même survécu, et c’est probablement dû à ma bonne condition physique. Et puis c’est une question de mentalité qui habite surtout les sportifs de haut niveau : toujours croire que tout est encore possible. Si tu n’intègres pas cela, tu n’as aucune chance lors d’un tel accident. Alors non, la plupart n’aurait probablement pas survécu. Il vous a fallu réapprendre à vous lever et à marcher. Qu’est ce qui vous a aidée et motivée lorsque vous êtes rentrée chez vous ? J’étais entre de très bonnes mains ! Pour des patients comme moi, cela peut être très dur de sortir de l’hôpital. On veut rentrer à la maison, mais il y a tellement de problèmes. À commencer par les histoires d’assurance. Comment vais-je faire pour me déplacer d’un endroit à l’autre ? Je n’y serais jamais arrivée si on ne m’avait pas aidée. De mon orthopédiste du sport à mon rééducateur en passant par mon physiothérapeute. Tous ont compris comment je fonctionnais – et ils se sont adaptés à moi. Aujourd’hui, vous pouvez courir et faire à nouveau de la montagne. Vous êtes coach mental, animatrice et retravaillez en tant que mannequin sportif. Mon réseau professionnel a également été très important pour ne pas sombrer. On peut donc dire que tout le monde m’a soutenue après ma THE RED BULLETIN

« Je pensais que je ne pourrais pas tomber enceinte. Mais là aussi, mon corps a géré tout seul. » chute. Mon ancien employeur m’a demandé si je voulais continuer. Mes sponsors sont restés fidèles. En ce qui concerne les réseaux, aujourd’hui je sais qu’il faut s’occuper des personnes qui nous entourent dans notre vie et ne rien considérer comme acquis. Il existe des vidéos de vos premiers pas avec des béquilles. En arrière-plan, on entend des personnes exulter. Oui, c’étaient mes amis. Un moment merveilleux, mais accompagné de douleurs extrêmes. Lorsque le sang se remet à circuler, les jambes font mal, on dirait qu’elles vont exploser. Aujourd’hui, on ne peut plus me faire peur avec la douleur. Quatre mois après vous être vue dans le jardin de vos parents alors que vous étiez prostrée sur la glace, vous avez réellement pu vous coucher là, au soleil. Rien que d’y penser, ça me donne envie de pleurer. Quel rôle votre famille a-t-elle joué ? Essentiel ! Elle m’a protégée de tout afin que je puisse me concentrer sur ma santé et ma guérison. Cela a été important, mais après la période de crise, il a fallu veiller à retrouver sa voie. Votre mère a-t-elle dû vous « lâcher » une seconde fois ? (Rires) Je pense qu’elle a du mal encore aujourd’hui. Désormais, vous avez pu quitter les structures qui vous ont protégée. Et vous êtes vousmême devenue mère, votre fils a deux ans. La grossesse a-t-elle été problématique pour votre corps ? En fait, j’étais persuadée que je ne pourrais pas tomber enceinte. J’arrivais à peine à marcher, et j’avais une lombaire cassée ! Mais même cela, mon corps l’a réglé pour moi. Je suis tombée enceinte, j’étais assez forte. Je me suis inquiétée pour mon genou, à cause du poids supplémentaire qui aurait pu être problématique. Mais mon genou a tenu le coup. C’était donc possible. C’est toujours possible ! Plus d’infos sur livre de Gela et ses conférences sur gelaallmann.de

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Alter égaux Avant de se connaître, ils ont sillonné la planète, chacun de leur côté, pour fuir des vies qui les enfermaient. Le jour où ils se sont rencontrés, le projet ­Icarus s’est déployé. D ­ éterminés et soudés comme les doigts de la main, les explorateurs français M ­ ATTHIEU BÉLANGER et LOURY LAG s’élancent dans un tour du monde corsé, à l’assaut des sept sommets, un défi ­colossal pour le commun des mortels, un défi tout court pour eux.

GETTY IMAGES/OLIVIER MORIN/AFP

Texte CHRISTINE VITEL


« Être deux, c’est juste une force, ­explique Matthieu, ici à gauche. On est ­hyper francs dans notre relation, un peu durs l’un avec l’autre quand on se parle, on est très d ­ irects. On a décidé de mettre notre ego de côté, parce que c’est le ­projet avant tout ! »

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Denali

Elbrouz

Everest

Kilimanjaro

Puncak Jaya

Aconcagua

Vinson

PROJET ICARUS

D

epuis le début du mois de mars, Matthieu Bélanger, 32 ans, originaire de Montpellier, et Loury Lag, 33 ans, de Biarritz, sont en expédition direction le Denali. Ce périple en Alaska les mènera jusqu’à Anchorage le 7 juillet, si leurs pronostics se révèlent justes : c’est un rythme fou pour tenter de déloger Mike Horn et Børge Ousland de leurs trônes, détenteurs du record sur la partie à ski, avec l’approbation de ce dernier : comme ils sont la nouvelle génération, il faut qu’ils prennent la relève, fassent tomber le record et apportent quelque chose de nouveau dans la discipline. « Je voulais trouver un défi sportif qui me fasse repousser mes limites. Quitte à me lancer corps et âme dans un projet, je voulais que ce soit une première », précise Matthieu. En ligne de mire donc pour ce chapitre 2 du projet Icarus : le Denali (6 190 m). 135 jours au total. Matthieu et Loury seront les premiers Français à le faire. « Notre objectif est de 30 km/jour en moyenne, sachant qu’une grosse journée, c’est du 20 ou 22 km/jour, développe Matthieu. La plupart

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du temps, on aura des vents de face, et on se rattrapera avec les vents de travers ou dans le dos pour kiter et accélérer, et faire 150 bornes dans la journée au lieu de 20. Et élever notre moyenne à 30 km/ jour. C’est le but sinon, il va falloir vraiment accélérer. Une journée comme celle-là tous les dix jours nous suffirait, mais il faudra les avoir… » 3 000 km de ski sur la mer gelée du passage du Nord-Ouest. 90 kilos de matériel dans les traîneaux. 1 000 km de vélo à travers l’Alaska. Puis l’ascension du sommet par la voie nord, qui est loin d’être la plus facile. Pourquoi se donner tant de mal et se compliquer la vie à ce point ? Retour en arrière. En vadrouille à travers la planète pendant cinq ans, c’est au fin fond du désert australien où les conditions de (sur)vie sont dignes d’un écran 16:9 que Matthieu mûrit son projet du haut de ses 24 ans. « C’était un peu Mad Max. Je travaillais dans la plus grande exploitation de moutons au monde. C’était absolument immense. On était en motocross toute la journée avec le manager au-­ dessus de nous qui vole en avion. On communiquait THE RED BULLETIN

ICARUS-PROJECT.COM

Le chapitre 1, réalisé par Matthieu Bélanger en 2017 (Loury Lag ne faisant pas encore partie du projet à l’époque), comptait une traversée de la Patagonie à vélo qui s’est conclue par l’ascension de l’Aconcagua (6 962 m) en solo. Les chapitres et les sommets suivants, calqués sur la liste de Reinhold Messner, s’échelonnent sur les six années à venir : le Dénali (6 190 m) ; l’Elbrouz (5 642 m) et le Kilimanjaro (5 892 m) ; le Puncak Jaya (4 884 m) ; l’Everest (8 848 m); et enfin le Vinson (4 892 m). Certains chapitres ne comprenant pas d’ascension seront consacrés à rallier les sommets entre eux par tous les moyens possibles, non motorisés, et en relevant des défis inédits.


« Quitte à me lancer corps et âme dans un projet, je voulais que ce soit une première. » Matthieu

Matthieu et Loury, à Naujaat, village Inuit dans le Nord du Canada, point de départ de l’expédition vers le Denali.


GETTY IMAGES/OLIVIER MORIN/AFP, ICARUS-PROJECT.COM, TRAIN KOLBEINSSON

Faire fondre de la neige pour préparer à dîner… un rituel qui se répétera 135 jours de suite lors du chapitre 2 du ­projet Icarus.

par radio, il nous donnait les indications où sont les bêtes… On était couverts de sang de mouton et de terre rouge australienne. On avait des tronches de déterrés. » C’est là qu’il lit les aventures de Mike Horn et Jean-Louis Étienne (pendant que Loury se nourrit des récits de Bear Grylls et Romain Gary), qui font germer dans son esprit l’idée d’en faire au moins autant. Pendant ce temps, son comparse qu’il ne connaît pas encore, roule sa bosse lui aussi. Son premier voyage fut une libération, loin de ses années de maltraitance familiale physique et psychologique. Il part aux États-Unis, qu’il traverse pieds nus. « J’ai dû user de plein de techniques différentes pour réussir à ­survivre, je me suis perdu dans les Everglades, je n’ai pas mangé pendant douze jours… » Il poursuit au Mexique et en Colombie, avant de regagner la France et Paris, toujours pieds nus. L’école de cinéma qu’il démarre ne le convaint pas. Le timing n’était pas bon. Il y reviendra. Au moment de leur rencontre, début 2019, ­Matthieu était revenu depuis deux ans du premier chapitre de son expédition, effectué seul. L’article en ligne qui lui était consacré stipulait : « Explorateur cherche aventurier ». « Ça faisait très profil ­Tinder, se souvient Loury, je continue de me moquer de lui avec ça encore aujourd’hui. » Un ami de Loury,

« L’extrême, c’est ce qui me permet de trouver tout ce dont j’ai besoin. » Loury 54

qui savait qu’il avait vécu un temps à Montpellier, la ville de Matthieu, le taggue. À l’époque, Loury ­s’apprêtait à faire sa première expédition polaire au Vatnajökull, le plus grand glacier d’Europe en Islande, et à établir un record. Voilà la connexion établie, sans vraiment savoir où ça allait les mener. Tous deux sont formels : « La symbiose a été instantanée dès le premier coup de fil. On sentait qu’on avait le même parcours. » Loury, très pragmatique dans ses relations, n’y va pas par quatre chemins : « Les grandes rencontres, c’est toujours très beau, mais tant qu’il n’y a pas de passage à l’acte ou d’expérience de vie dans la douleur ou dans la difficulté, on ne peut pas se dire que ça peut marcher. » Très vite, ils décident de se « tester » en situation et partent faire connaissance quelques jours dans les Alpes. Matthieu expose le projet Icarus à Loury, dont la dimension essentielle réside dans le fait que « ce soit quelque chose qui n’avait jamais été accompli ». De là découle leur motivation. Matthieu souhaite donner une dimension d’épopée à ce projet : « Montrer que les anciens explorateurs partaient sans savoir pour combien de temps, deux trois quatre, cinq ans. Aujourd’hui, les expéditions durent trois ou quatre semaines, elles sont ­prévues au cordeau. Et puis on revient et on partage des images sur Instagram, et on commence le projet d’après. Je voulais qu’il soit beaucoup plus dans la durée et à une échelle vraiment grande. »

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’est à travers des expériences extrêmes que l’on peut trouver le maximum de défis à accomplir. « L’extrême, de la manière dont je le vis aujourd’hui, c’est ce qui me permet de trouver tout ce dont j’ai besoin : l’adrénaline, la difficulté, des sensations très puissantes. » Pour ­pallier au syndrome de l’analgésie congénitale dont il est atteint ? « C’est une maladie qui ne me permet pas d’avoir un seuil de douleur normal. Cela

Loury Lag en Islande lors de sa traversée en ­solitaire du plus grand glacier d’Europe. THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN

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« Je n’ai pas peur de la mort, mais j’ai peur de mourir. » Loury 56

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GETTY IMAGES/OLIVIER MORIN/AFP, ICARUS-PROJECT.COM

Peu après avoir fait connaissance virtuellement début 2019, Matthieu Bélanger (à gauche) et Loury Lag partent faire du trek dans les Alpes pendant une semaine. Et c’est là que le ­projet a décollé : « On s’est rendu compte très vite qu’on était très complémentaires. »

« Les anciens explorateurs partaient sans savoir pour combien de temps. » Matthieu

« Se préparer au maximum implique un certain degré d’égoïsme, regrette Loury. Pourtant, il n’y a que c­ omme ça que je peux aller encore plus loin dans l’introspection et la recherche de difficulté. » THE RED BULLETIN

explique que je me retrouve souvent dans des situations vraiment très extrêmes parce ce qui est censé être une barrière pour les autres n’existe pas pour moi. Ce qui nous différencie avec Matthieu, c’est que moi je suis né dans l’extrême, je vis dans l’extrême depuis mon plus tendre âge, tandis que Matthieu s’est dirigé vers l’extrême », souligne Loury. Dans leurs biographies, plusieurs points communs, dont celui-ci : embrasser des expériences ­douteuses par envie d’expérimenter, l’ascension dans la délinquance allant jusqu’à la détention pour Loury. Les voyages en backpacking et les ­expériences pointues furent donc leurs échappatoires pour s’extraire de leurs environnements toxiques respectifs. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Pour Loury, une soif de vivre intensément, sans perdre son temps avec de faux problèmes ou de mauvaises ­personnes : « Je n’ai pas peur de la mort, mais j’ai peur de mourir. Je n’ai pas le temps d’attendre que la mort vienne me cueillir. J’ai fait des morts médicales. Je pars du principe que mes jours sont comptés. » Bercé par les histoires de son grand-père aventurier, Matthieu, lui, a compris, à force d’aller à la découverte de pays et de cultures différentes, qu’il réduisait lui-même son champ des possibles en ne s’en croyant pas capable. « Au fil des voyages, mes

peurs sont tombées les unes après les autres. On a souvent peur pour pas grand-chose. » Leurs parcours de vie se ressemblent étonnamment (pères charpentiers, mères psychothérapeutes, enfances difficiles, backpackers dans leurs jeunes années, expéditions en solitaire, jeunes pères de famille, le même âge à un an près), mais leurs personnalités diffèrent suffisamment pour qu’ils puissent se compléter dans la concrétisation du projet. C’est là que la mécanique du duo s’enclenche. Il semblerait que les adultes qu’ils sont devenus ne redoutent rien. « On est des êtres humains, on a des hauts et des bas. On l’a encore vécu en Norvège le mois dernier : en général, on a nos hauts et nos bas de manière décalée. Lui, il part souvent très très fort, avec un gros moral, à fond, au taquet. Alors que moi je pars assez doucement. Par contre, Loury au bout d’un moment il a un gros coup de mou, et moi c’est le moment où je suis assez constant, je suis dans le même état qu’au démarrage et c’est là où j’arrive à le porter, à l’aider, à le soulager ou à lui gueuler dessus s’il a besoin qu’on lui gueule dessus. Et inversement, quand lui reprend du poil de la bête, c’est moi qui commence à faiblir et c’est lui qui fait le taf de l’autre côté. Dès qu’on est deux, on a souvent ça, pas au même moment, et il y en a toujours un qui peut faire un peu plus que l’autre. C’est une vraie force. » Loury acquiesce. « On se connaît tellement bien avec Matthieu, que le moment où il sait qu’il va lâcher, c’est moi qui vais le pousser beaucoup plus loin. Matthieu, c’est lui qui va marcher tous les jours, qui va guider. Et moi je suis là, le moment où il pense qu’il n’a plus de jus. » Comme un clin d’œil à leurs mentors : « Lui, c’est Børge Ousland, et moi je suis Mike Horn, pose Loury. Il est cent fois plus compétent que moi dans plein de domaines, mais ne sait pas se mettre en lumière. Tandis que moi, je suis ­certainement moins compétent, mais je sais me   57


Matthieu et Loury en Norvège, en début d’année. La mise en situation est la meilleure préparation.


Les explorateurs à ski en entraînement à Alta, dans le nord de la Norvège, janvier 2020.

« Je ne sais pas si on est très inspirants, mais en tout cas, on fait des choses. » Loury

GETTY IMAGES/OLIVIER MORIN/AFP, ICARUS-PROJECT.COM

vendre. C’est la combinaison parfaite pour nous. Si on ne s’était pas rencontrés, on n’en serait pas là dans le projet Icarus. J’ai décidé d’apporter une dimension commerciale au projet, et lui il apporte une dimension très technique, organisationnelle. Icarus, ça n’aurait pas fonctionné l’un sans l’autre. »

L

e projet se veut la réalisation de deux hommes, confiants, déterminés, assidus, préparés, et prêts à faire des sacrifices. « Ce que Matthieu et moi avons décidé d’apporter au monde de l’exploration, c’est ça aussi : désacraliser le côté très brut, très violent, très bad boy du mec qui part en expédition, qui est très fort et qui déclame : “Regarde, ce que je fais, tu ne pourras jamais le faire !” Peut-être que tout le monde ne sait pas ce que l’on fait, mais on est des gens comme tout le monde. On est pères de famille, on a des problématiques comme tout le monde, des enfants à gérer, des problèmes à la maison… On ne veut pas montrer seulement le côté surhumain de l’événement. » Modeste, Loury ajoute : « Je ne sais pas si on est très inspirants, mais en tout cas, on fait des choses. » N’est-ce pas cela qui est inspirant justement ? Ça l’est déjà assez pour l’équipe de cinq personnes qui les entourent. Et pour leurs familles. « Ce que nous ­faisons, des tas de gens rêvent de le faire aussi. Mais

cela est rendu possible grâce à nos proches, nos compagnes, nos enfants, parce qu’elles se sacrifient : dix personnes changent des choses dans leur vie pour que je puisse partir. Tout le monde participe à nos expéditions et fait des efforts pour que ça marche. Le jour où elles décident d’arrêter de nous aider, on ne pourra plus rien faire. C’est un projet qu’on fait en équipe, et dans l’équipe, il y a elles. Le plus gros soutien affectif et moral, c’est encore elles. » Mais alors, pourquoi faire de tels sacrifices ? Pourquoi partir ? Pour trouver une sérénité jamais connue ? « Pour me connecter aux émotions les plus pures : le manque, l’amour, la difficulté physique… C’est cela qui me permet de faire des choix différents d’une année sur l’autre concernant ma famille, mes enfants, mon entourage, etc. C’est très important. C’est une dimension que Matthieu n’a pas encore. C’est la première fois qu’il part depuis la naissance de son fils. C’est très éprouvant. On part pendant longtemps encore, et on est là pour s’entraider aussi à traverser tous ces moments dans la solitude. Car on est seuls même si on est deux. » Sur les 135 jours d’expédition, ils seront accompagnés 35 jours par un vidéaste. « La dimension du film, c’est pour apporter une légitimité, et un statut en tant que sportif de haut niveau… » En effet, l’autre enjeu du duo, aussi grand que ce défi personnel de sept ans autour du monde, est que l’exploration soit un jour reconnue comme une discipline de sport extrême. Ils souffrent de toutes les contraintes de grands sportifs, sans l’avantage d’avoir un sponsor à l’année, et pas seulement pour la durée des aventures. « Aujourd’hui, on paye nos expéditions, on ne se paye pas nous. Mais pour que ça marche, il faut qu’on soit considérés comme de vrais sportifs, il faut la jouer à 100 %. C’est un travail sérieux, ce n’est pas un loisir. »

icarus-project.com   59


VUE À 360 °

Les dômes de la ­capsule développée par Ghislain Bardout permettent de contempler les profondeurs marines sans faire de vagues.


FRANCK GAZZOLA / UTP / ZEPPELIN

RÉCIF EN DANGER

L’homme connaît mieux la face cachée de la lune que les océans de sa propre planète. Deux explorateurs français, GHISLAIN et EMMANUELLE BARDOUT, ont plongé avec un prototype de capsule submersible unique pour faire un état des lieux et combler ces lacunes. Texte FELIX DIEWALD Photos FRANCK GAZZOLA   61


BAPTÊME SOUS-MARIN Août 2019, Polynésie française, site de Moorea. L’équipe du projet Under The Pole ­s’active pour l’installation et la mise en lévitation de la capsule par vingt mètres de profondeur.

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POURQUOI UN TEL PROJET ? « Under The Pole, c’est à la fois une solution : promouvoir une société décarbonée, et une inspiration : stimuler la passion de l’exploration et de la découverte tout en étant raisonnables pour nous et nos enfants. » Ghislain Bardout


PRÊTE À ­L’EMPLOI Si ça ne fuit pas dans un sens, ça ne fuira pas dans l’autre. C’est ainsi qu’on teste l’étanchéité de la c­ apsule.

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THE RED BULLETIN


PASSE-PARTOUT Submersible, la ­capsule ne laisse pas de trace. Elle est idéale pour épouser la vie récifale.

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longer implique toujours de remonter au bout de quelques heures. Ghislain ­Bardout, explorateur et fondateur du projet Under The Pole, a fait l’expérience inverse : plonger dans l’optique de ne pas refaire surface… avant trois jours : « J’ai plongé des milliers de fois. Se dire que là, on va rester en bas, c’est contraire à l’instinct, nous ne sommes pas des poissons ! Trois jours, ça semble long, mais en fait, le temps passe vite. C’est une ­sensation familière, comme de faire du camping, mais sous l’eau. Le cap difficile à passer, ce sont les secondes avant de descendre. »

THE RED BULLETIN

Au petit matin, entre 4 et 5 heures, le récif corallien de Moorea, en Polynésie française, s’éveille. La quiétude nocturne fait place à une agitation grouillante mais méthodique. Ils sont deux ou trois par sessions de 72 heures à se relayer au fond de l’eau pour assister à cette chorégraphie matinale. À vingt mètres de profondeur, Ghislain s’exclame, ému, la voix teintée d’hélium : « Là… je réalise mon rêve ! » Emmanuelle à son tour : « Vivre sous la mer, c’est un rêve d’enfant. C’est ce que m’a inspiré le Commandant Cousteau quand je regardais ses aventures à la télé. Expérimenter cela moi-même, c’est vraiment exceptionnel. » Le spectacle aquatique est d’autant plus grisant qu’il a lieu dans un prototype submersible conçu par les Bardout, qui permet de séjourner sous l’eau trois jours d’affilée, une première ! « La capsule est un habitat sous-marin d’où l’on peut observer le récif en continu, jour et nuit. Elle nous permet de sortir travailler et d’explorer le récif sans limite de temps dans la zone des 15 à 35 mètres de profondeur en étant extrêmement discret, précise Emmanuelle. J’ai plus appris sur la vie des p ­ oissons et du récif en trois jours dans la capsule qu’en quinze ans de plon-

POUR LE ­MEILLEUR Ils partagent leurs vies, leurs passions et leurs carrières : ­Ghislain Bardout, 40 ans, ingénieur et plongeur professionnel, et Emmanuelle Périé-Bardout, 41 ans, skippeuse et experte polaire.

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LE PROJET UNDER THE POLE III À bord du WHY, les deux explorateurs, leurs deux enfants et un chien ont passé trois ans autour du monde, d’un pôle et d’un océan à l’autre. Leur aventure se terminera au pôle Sud.

juillet et août 2017 avril 2018 à septembre 2019 octobre 2019 à février 2020 mars à mai 2020

ARCTIQUE

Sept mois sur place, de ­septembre 2017 à mars 2018

Concarneau, ­Bretagne

PAC I F I Q U E

Polynésie ­française AT L A N T I Q U E

A N TA R C T I Q U E

UNE CAPSULE DE VIE La saturation est l’équilibre que le plongeur atteint après un certain temps de séjour en immersion. À partir de ce moment, le plongeur peut rester à cette profondeur sans augmenter le temps nécessaire au retour en surface.

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gée sous-marine. Avant, j’avais l’impression de ne faire que des incursions sous la mer. » La grande innovation réside dans la possibilité pour des chercheurs humains de se fondre dans les profondeurs océanes. « C’était très reposant ­d’observer l’océan par ce biais, souligne Ghislain. Être là sans restriction, contrairement à ce qu’on apprend quand on commence à faire de la plongée. Je pouvais regarder le temps passer et les abysses. C’est mon rêve depuis que je suis gamin, et c’est un accomplissement en tant qu’explorateur. » Au bout d’un certain temps, la faune aquatique s’habitue à la capsule, voire elle la THE RED BULLETIN


PAS DE ­PRESSION Le retour à la surface se fait en douceur : tous les trois mètres, le palier de décompression à respecter est de 25 minutes.

colonise. « Les dômes offrent une vision panoramique sur l’océan et la vie du récif, en mode diurne et nocturne. ­Ce ne sont plus les poissons qui sont en aquarium, c’est nous. Et en fond sonore, le chant des baleines », raconte Emmanuelle. Des modèles similaires ont été construits par l’industrie pétrolière dans les années soixante. Mais il s’agissait alors de gros containers de plongée, de scaphandres lourds, difficiles à monter et très coûteux. Cette capsule est facile à transporter et relativement bon marché, afin de proposer un observatoire submersible de longue durée. THE RED BULLETIN

E

n quoi est-elle révolutionnaire ? « Nous ne sommes pas des créatures aquatiques. R ­ ester sous l’eau pendant une longue période est un défi, nous avons donc besoin d’un abri et d’une atmosphère respirable. D’où le mélange d’hélium et d’oxygène insufflé dans la capsule grâce à un système d’aération sur mesure. Quand nous avons respiré l’atmosphère pour la première fois et compris que tout fonctionnait, c’était fantastique !, s’exclame Ghislain. C’était l’aboutissement de trois ans de travail. » Révolutionnaire aussi « parce que sur un projet comme celui de la

­capsule, il faut savoir innover : toutes les étapes sont compliquées, de la construction à la phase opérationnelle ». C’est en 2010, trois ans après le début de la mission Under The Pole, que l’ingénieur et plongeur Ghislain Bardout et la skippeuse et experte polaire Emmanuelle Périé-Bardout décident de quitter leur vie, leur boulot et leur maison en France, pour se consacrer à l’étude des fonds marins. Et pour fonder une famille. La première expédition, Under The Pole I, les mène au pôle Nord. « C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que ce monde était voué à disparaître, à court ou moyen terme, car la   67


UN PROTOTYPE UNIQUE La capsule permet à l’équipe de séjourner trois jours de suite sous l’eau. Entre deux sessions de plongée, les explorateurs peuvent s’y restaurer et dormir. Son concepteur, Ghislain Bardout, la compare à un portaledge comme celui que les grimpeurs utilisent pour dormir contre la paroi.

1 3,6 MÈTRES CUBES

C’est l’espace dans la caspule de 3,2 m de long pour 1,5 m de diamètre. Trois plongeurs peuvent y tenir.

2 DÔMES EN PLEXIGLAS

Ils offrent une vue panoramique sur les alentours et permettent d’observer la vie du récif de jour comme de nuit.

4 ATMOSPHÈRE

Une machine a été programmée électroniquement pour insuffler un mélange d’hélium et d’oxygène dans la capsule. Le CO2 rejeté est évacué par un système de filtres.

3 ACCÈS

Il se fait par un moonpool dans le sol de la capsule. Bien que l’accès soit ouvert, l’eau ne pénètre pas à l’intérieur, et réduit la pression de l’air.

5 BALLAST

La capsule, attachée à ces grands réservoirs posés au sol, flotte dans l’eau en bougeant (marge d’un mètre) au rythme des courants.

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CAMPING SOUS-MARIN Longue de 3,20 m et d’un diamètre de 1,50 m, la capsule offre le confort d’une tente améliorée. Elle compte trois couchettes métalliques.


L’UNION FAIT LA FORCE La mission Under The Pole a œuvré avec le Criobe, un éminent laboratoire français pour l’étude des écosystèmes coralliens.

ALARMANT Après un inventaire des colonies susceptibles de se reproduire, les plongeurs n’en ont trouvé qu’une seule. Le rapport du GIEC (sept. 2019) annonce une disparition programmée des coraux pour 2050. 70

SURVIE DE ­L’ESPÈCE En 2019, les coraux ont consacré l’essentiel de leur énergie à leur survie au détriment de leur reproduction. Ici, un cliché rare de la « ponte » des coraux.

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À TOUTES FINS UTILES du monde, en traversant le P ­ acifique et ­l’Atlantique, d’un pôle à l’autre. Leur capsule innovante dans les bagages. « J’adore aller à la découverte d’endroits reculés. De nos jours, l’exploration en tant que telle doit aller de pair avec une mission scientifique afin de développer nos connaissances et notre compréhension de l’environnement, de l’impact du réchauffement climatique sur la biodiversité et enfin pour proposer des actions civiles. Il est essentiel d’inciter les générations futures à vivre de manière altruiste. »

G banquise était déjà en train de fondre. C’est tragique, parce que le réchauffement climatique a des conséquences flagrantes sur la biodiversité et sur la manière de vivre des gens. » Après une période de doutes existentiels et financiers, la vente de leur maison et un regain de motivation, ils renchérissent avec Under The Pole II, direction le Groenland, en 2014 et 2015. « Mener une telle mission d’exploration implique beaucoup d’énergie. Je suis prêt à m’investir à fond, car c’est ma passion », déclare Ghislain. Deux enfants et un chien plus tard, en 2017, Under The Pole III voit le jour : une expédition de trois ans autour THE RED BULLETIN

hislain et Emmanuelle Bardout passent plusieurs mois avec leur équipe de douze personnes sur leur goélette, le WHY, un clin d’œil au Pourquoi-Pas ? du Commandant Charcot. « 90 % des fonds marins nous sont inconnus. Nous possédons plus de cartes détaillées de la face cachée de la lune que des abysses de notre planète. » Selon les Bardout, élargir nos connaissances des océans constitue le plus gros challenge du siècle. Et cela afin de mieux préserver la planète et de réduire les dommages liés au dérèglement climatique. Car après avoir fait le constat de la fonte de la banquise au début des années 2000, ils furent les témoins très récemment de multiples dégâts touchant 40 % du massif corallien : reproduction menacée (l’équipe a pu assister à la ponte des coraux, un phénomène très rare à observer n’ayant lieu que lors d’une fenêtre de neuf jours chaque année), blanchissement à cause du réchauffement des eaux de surface, etc. Face au vide de connaissances en la matière, Under The Pole III a hébergé le programme Deep Hope, qui consistait en l’analyse du rôle des coraux

La capsule sera financièrement ­abordable pour les missions scientifiques à venir.

mésophotiques. Le plus profond corail rapporté par les plongeurs gisait à − 172 mètres. « À titre professionnel, mon sentiment le plus fort dernièrement, ça a été à la fin du programme Deep Hope, parce que j’ai vraiment eu l’impression que les expéditions Under The Pole avaient servi à quelque chose, en faisant naître un espoir pour la biodiversité. » L’émission des gaz à effet de serre, et le CO2 notamment, ont des répercussions néfastes sur les océans et les écosystèmes. Si cela continue, dans trente ans, la quasi-totalité du récif corallien sera détruite. « Et le fond de l’eau ne sera plus qu’un vaste désert. Car tout est lié, développe Ghislain. La mer fait partie de nos vies. » Il ne faut pas seulement montrer des images, il faut aussi chercher des solutions scientifiques et porter un message public. C’est ce qu’Emmanuelle fait, en lançant cet avertissement dans l’espoir d’être entendue : « Mon souhait, c’est que nos résultats soient entendus à un niveau politique. Car ce que nous avons constaté depuis le début d’Under The Pole, c’est que le temps passe trop vite. Les décisions prises par les gouvernements sont trop lentes à être appliquées, et à très court terme, la Terre est menacée, les océans sont menacés. Il faut que ces décisions et ces changements aient lieu maintenant ! » underthepole.com   71


Kyle Kotowick, membre du Team Rubicon Canada, participe aux efforts de secours au ­Mozambique après le cyclone Idai en mars 2019.

Une équipe de secours parmi les plus réactives de la planète, le TEAM RUBICON se rend dans les zones à risques à travers le monde afin d’aider les personnes les plus vulnérables. Des vétérans de l’armée sont à l’origine de sa création. 72

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TEAM RUBICON

Les experts du CHAOS

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Texte TOM WARD   73


Dans la capitale haïtienne, Port-auPrince, 25 km au nord-est de l’épicentre, les gens vaquaient à leurs occupations. Soudain, le sol s’est mis à trembler, les bâtiments se sont fissurés jusqu’à leurs fondations et le monde entier n’a plus été le même. Lorsque le séisme de magnitude 7 a cessé, près de 300 000 bâtiments s’étaient effondrés ou avaient été gravement endommagés. Une catastrophe qui, selon diverses estimations gouvernementales, a fait entre 230 000 et 316 000 victimes. Parmi les milliers de morts, du personnel d’ambassade, l’archevêque de Port-au-Prince et 32 membres de la Fédération haïtienne de football. Plus un million et demi de personnes qui se sont retrouvées sans abri, incluant le président René Préval dont la maison et le palais présidentiel ont été détruits. Dans les nuits qui ont suivi le séisme, de nombreux Haïtiens ont dormi dans leurs ­voitures, sous des portails et dans des bidonvilles de fortune. Le 14 janvier, les morgues de la ville étaient pleines et de nombreux corps ont donc été abandonnés dans les rues pendant que les équipes transportaient des milliers de cadavres vers les fosses communes. Pendant ce temps, les milliers de corps qui n’avaient pas été retrouvés 74

ALAMY

LE 12 JANVIER 2010 À 16 H 53, UN TREMBLEMENT DE TERRE FRAPPAIT L’ÎLE D’HISPANIOLA.

parmi les décombres ont commencé à se décomposer sous l’effet de la chaleur et de l’humidité. Avec cinq hôpitaux détruits ou endommagés à Port-au-Prince et des routes bloquées par les débris, la situation dans ce pays, le plus pauvre de l’hémisphère occidental, était désespérée. Alors que la communauté internationale organisait des opérations de secours, l’ancien marine américain Jake Wood regardait les événements aux informations. Après un séjour de quatre ans au Moyen-Orient à son actif, incluant des missions anti-insurrectionnelles dans la province d’Al-Anbâr en Irak et huit mois au sein d’une équipe de snipers en Afghanistan, il s’est senti obligé d’apporter son aide. Wood avait quitté l’armée quelque soixante jours auparavant, il était donc en forme, avait l’expérience des opérations dans des pays fragilisés et possédait de nombreuses compétences transférables. Wood, alors âgé de 27 ans, a appelé une organisation locale de secours en cas de catastrophe pour offrir ses services mais on l’a remercié. Déterminé à se rendre en Haïti par ses propres moyens, il a mis une annonce sur Facebook, demandant si quelqu’un voulait se joindre à lui. L’ancien officier de renseignement de la Marine William McNulty, 33 ans et l’ami d’un ami, a répondu à l’appel. Les deux hommes se sont envolés pour la République dominicaine (le pays limitrophe d’Haïti sur l’île d’Hispaniola) où ils ont rencontré un autre marine et camarade de Wood qui s’y trouvait à titre de pompier. En route, ils ont rencontré un ancien infirmier des forces spéciales et deux médecins, dont l’un était un vétéran de la guerre du Vietnam. Le groupe hétéroclite s’est posé à la capitale dominicaine, Saint-Domingue, et a été transféré à la frontière haïtienne qu’il a atteinte quatre jours après le séisme.

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Le tremblement de terre de 2010 en Haïti a détruit 300 000 bâtiments, tué 316 000 personnes et fait de nombreux sans-abri. THE RED BULLETIN

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Dans le sens de l’horloge, en haut à gauche : le vétéran britannique Matt Fisher aide à la reconstruction au Népal ; l’entrepôt de l’organisation ; un médecin du Team Rubicon au Mozambique pour l’opération Macuti Light ; planification des secours dans les îles Mariannes du Nord touchées par un typhon en 2018.

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TEAM RUBICON (3), GETTY IMAGES (1)

RIEN QU’EN 2019, TEAM RUBICON A RÉAGI À 310 ­CATASTROPHES DANS LE MONDE ENTIER, DES ­BAHAMAS AU YORKSHIRE.

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« C’était le chaos complet, se souvient Wood. Il y avait un nuage de poussière dans l’air provenant des décombres. Les gens creusaient pour trouver des survivants. Il n’y avait pas assez de travailleurs humanitaires sur toute la planète pour répondre adéquatement aux besoins là-bas. » Déterminée à faire ses preuves et à aider le plus grand nombre de personnes possible, l’équipe de Wood a entrepris d’emmener des médecins et du personnel infirmier dans les zones les plus touchées, de mettre en place des cliniques de triage mobiles et d’amener les patients en état critique à l’hôpital. « Les organisations se concentrent généralement sur les hôpitaux et la mise en place de cliniques fixes, dit Wood, mais souvent les véhicules des gens sont détruits, ou alors ceux-ci hésitent à quitter leur maison à cause des pillards. La moitié des personnes que nous traitions avaient subi d’horribles blessures suite aux écroulements et ne pouvaient se rendre à l’hôpital à pied. Nous nous sommes rendus dans ces quartiers de la ville et avons soigné les gens sur place. » Le 23 janvier, onze jours seulement après le séisme, le gouvernement haïtien a déclaré la fin de la phase de recherche et de sauvetage de l’opération de secours. Mais l’équipe de Jake Wood allait rester vingt jours supplémentaires sur place, ne quittant les lieux (ou ce qu’il en restait) que lorsqu’il devint évident que d’autres agences étaient mieux équipées pour faire face aux retombées à plus long terme.

FRAPPEZ LES CATASTROPHES D’UN COUP DANS LES GENCIVES

L’expérience de Wood et McNulty leur a insufflé la détermination de continuer à aider les personnes vulnérables et c’est ainsi que le Team Rubicon a été créé. Si cette opération de secours leur avait appris une chose, c’est qu’en tant que vétérans de l’armée, ils avaient beaucoup à offrir. Au cours des années qui se sont écoulées depuis Haïti, Team Rubicon a gagné en importance. Rien qu’en 2019, l’organisation a répondu à 310 catastrophes à travers le monde, des Bahamas au Mozambique, de l’Indonésie au Yorkshire. Aujourd’hui, son personnel, que Team Rubicon recrute avec humour (« Inscrivez-vous. Formezvous. Frappez les catastrophes d’un coup dans les gencives »), est passé à environ 105 000 volontaires. 75 % d’entre eux sont soit des vétérans de l’armée, soit encore en service actif, et 20 % sont des pompiers, des médecins ou des professionnels de l’application des lois. Il a fallu du temps pour faire grandir l’organisation et prouver qu’elle était digne d’un soutien (Carhartt, Bank of America et Microsoft figurent aujourd’hui parmi ses sponsors). L’ouragan Sandy, la catastrophe de 2012 qui a coûté la vie à 223 personnes et causé plus de 70 milliards de dollars de dommages aux Bahamas, aux Grandes Antilles, aux États-Unis et au Canada, a joué un rôle non négligeable dans l’évolution du Team Rubicon. L’équipe s’est mise au travail dans l’une des zones les plus touchées, la ville de New York, une métropole riche dont l’image contraste fortement avec Haïti. « Nous avons dormi dans un entrepôt à Brooklyn, explique Wood. Nous pouvions marcher dans la rue couverts de boue et prendre une bière fraîche. C’était comme si aucun ouragan n’était passé par là. » Malgré le confort, Team Rubicon a tenu à aider les citoyens les plus exposés de la ville. « Il y avait de nombreux pompiers et policiers dans la zone où nous travaillions, dit Wood. Des gens qui devaient revêtir leur ­uniforme tous les jours afin d’aider d’autres personnes alors que leur propre maison pourrissait. » En nettoyant leurs maisons, l’équipe de Wood les a un peu payés en retour.   77


Un « tee-shirt gris » relève les dommages de l’ouragan Dorian aux Bahamas en septembre dernier (en haut). Des bénévoles secourent une survivante de l’ouragan Harvey qui a provoqué de terribles inondations au Texas et en Louisiane en août 2017 (ci-dessus). Soutien dans les îles Mariannes du Nord (ci-contre).

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TEAM RUBICON

« LA GRATITUDE MANIFESTÉE PAR LES SURVIVANTS EST ÉNORME. »

Le désir du Team Rubicon d’aider les plus démunis est naturel. « Nous dirigeons toujours notre aide vers les personnes les plus vulnérables, et cela ne signifie pas nécessairement à l’endroit où se trouvent les dégâts les plus importants, explique Wood. Nous allons, une rue à la fois, en faisant la liste des destructions. Ces informations sont ensuite cartographiées et combinées avec des ensembles de données tels que l’indice de vulnérabilité sociale, les niveaux des plaines inondables, les niveaux de criminalité – toutes les informations démographiques que nous pouvons obtenir. À partir de là, nous déterminons qui sont les personnes les plus vulnérables. » Si Sandy est l’événement qui a attiré l’attention sur le Team Rubicon, l’ouragan Harvey de 2017 a mis ses capacités à l’épreuve. Lorsque Harvey a frappé Houston, l’équipe a déployé plus de deux mille volontaires à partir de neuf bases d’opérations avancées couvrant un peu plus de 300 km. Pour son intervention, l’équipe a acheté ses propres bateaux et les a envoyés repêcher les survivants qui étaient à l’eau. Avec son opération de ­sauvetage et de nettoyage, ils ont réussi à ramener plus de 1 000 familles dans leurs foyers. Puis, en 2019, l’ouragan Dorian frappe les Bahamas, devenant l’un des plus puissants jamais enregistrés dans l’océan Atlantique, avec des vents culminant à 300 km/h. Le team s’est déployé sur les îles le lendemain du passage de la tempête. « Cela ressemblait à un désert nucléaire, dit Wood. Tous les arbres ont été étêtés jusqu’à environ 2,4 mètres du sol et les troncs étaient tous pliés dans la même direction, comme si une explosion nucléaire avait eu lieu. » THE RED BULLETIN

RECONSTRUIRE MAISONS ET VIES

En pénétrant dans la réception du centre national des opérations du Team Rubicon à Grand Prairie au Texas, nous tombons sur des photos des employés et bénévoles les plus méritants du dernier trimestre, dont celle de William « TJ » Porter, directeur adjoint du soutien opérationnel. Après une carrière de treize ans dans l’armée, puis comme officier de police, Porter a rejoint Team Rubicon en 2012 et a depuis été déployé à la suite de nombreuses tornades, incendies de forêts, etc. « Team Rubicon se distingue [des autres organisations de secours] de deux façons, explique-t-il. Nous pouvons soit faire partie de l’intervention en faisant tout, de la recherche et du sauvetage à l’abattage des arbres et à l’ouverture des routes, soit fournir une assistance directe aux survivants. » Cette assistance consiste généralement à aider ceux dont la couverture de l’assurance est insuffisante (ou ceux qui n’en ont pas du tout) à retourner chez eux. Team Rubicon vide la maison puis pose un nouveau revêtement de sol et des murs secs – une initiative qui a déclenché un programme de reconstruction à long terme à Houston. Cette aide est l’un des aspects les plus gratifiants de ce travail, explique Porter. « Quand quelque chose comme l’ouragan Harvey survient, les gens ne savent pas vers qui se tourner. Nous les amenons au point où ils ont une maison stable pour y vivre. La gratitude manifestée par les survivants est énorme. Voir quelqu’un passer

d’un état de choc, le regard hagard, à la réalisation que : «Hé, au moins j’ai maintenant quelque chose, et je peux partir de là» est vraiment enivrant. » Le bureau texan de l’équipe est l’un des trois bureaux aux États-Unis qui accueillent un total de 150 personnes à temps plein. Située à une courte distance en voiture de Dallas, la base a été choisie pour sa situation centrale et sa proximité avec deux aéroports internationaux. Team Rubicon s’est installé ici au début de 2016 et compte aujourd’hui 29 employés dans les bureaux. Pas de décoration ici : on dirait qu’ils sont arrivés un jour, il y a quatre ans, qu’ils ont déposé leurs affaires et se sont immédiatement mis au travail. C’est à partir de ce bureau que toutes les opérations sont organisées, incluant le transport, la logistique, la direction sur le terrain et la mobilisation. Team Rubicon opère au niveau national et international, avec Adam Martin, Lauren Vatier et Jacqueline Pherigo – des associés à la planification des opérations -, qui passent quotidiennement à travers les sources d’information pour suivre l’évolution de la situation. En cas de catastrophe, la question est de savoir si le Team Rubicon a les capacités et les ressources nécessaires pour soutenir une autre opération en plus de celles déjà en cours. « Quand nous avons des volontaires déjà déployés en mission sur le terrain, la priorité est de nous occuper d’eux, qu’il s’agisse de petites opérations localisées ou de volontaires se dirigeant

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ILLUSTRATOR EDITOR

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L’opération Hard Hustle déblaie les débris laissés par l’ouragan Harvey au Texas en 2017 (en haut). De la gratitude envers l’équipe d’urgence qui a sauvé des vies et reconstruit des communautés (ci-dessus). Erin Noste, directeur médical adjoint de Team Rubicon, soigne un patient au Mozambique (ci-contre).


ILLUSTRATOR TEAM XX RUBICON EDITOR

vers une intervention internationale, explique Martin. Que devons-nous faire pour les soutenir ? De quoi ont-ils besoin aujourd’hui ? » Cela implique notamment d’établir des contacts avec d’autres organisations pour déterminer quelle intervention est en cours ailleurs et comment Team Rubicon peut mieux la soutenir, dit Vatier. Parfois, la demande d’aide provient d’agences extérieures telles que l’Organisation mondiale de la santé (OMS). C’est une source de fierté qu’après un processus rigoureux de 18 mois, Team Rubicon ait été la première ONG en Amérique du Nord à être certifiée par l’OMS en tant qu’équipe médicale mobile d’urgence – « un titre de compétence difficile à obtenir », précise Porter. Cela signifie qu’elle répond à des normes rigoureuses pour le déploiement d’unités dans des environnements éloignés ou rudes et pour le maintien de son autonomie pendant sept jours. Au fond des bureaux se trouve un grand entrepôt – un véritable fantasme de survivaliste - rempli de tout, des scies à chaîne aux lits pliants en passant par les tech boxes. Chacune de celles-ci contient trois ordinateurs portables, cinq iPhones, un connecteur, un routeur et plus encore, ce qui permet à chaque équipe de rester connectée même dans les zones les plus reculées. Grâce à cet équipement, l’équipe peut également consulter un médecin à distance qui peut intervenir et donner des conseils lorsque le personnel médical sur le terrain est peu nombreux. Bien entendu, on retrouve aussi en abondance des médicaments pour les soins préhospitaliers comme dans le cas de coupures, de fractures et de tétanos, ainsi que des conteneurs en plastique remplis de packs médicaux avec tout le nécessaire, des tentes aux systèmes de purification d’eau. « La plupart du temps, en mission, nous nous retrouvons face à des gens qui n’ont pas accès à des soins de santé, explique Porter. Nous avons dû faire face à des blessures infectées. Nous devons être prêts à soigner temporairement un os cassé. Il peut s’agir de malnutrition ou d’un manque d’accès à l’eau potable, alors nous avons aussi des antibiotiques. » Le centre d’opérations abrite également un impressionnant gymnase THE RED BULLETIN

« LORSQUE TOUT SOMBRE DANS LE CHAOS, LES GENS ONT BESOIN DE SE RASSEMBLER. » équipé de matériel de TRX (entraînement à la résistance du corps), de bancs d’entraînement et de barres de traction ; il est essentiel que l’équipe puisse tenir bon dans les endroits éloignés. « La forme physique est importante pour nous, déclare Porter. Les zones dans lesquelles nous travaillons sont généralement très chaudes et humides. Souvent, vous devrez faire jusqu’à 16 km de marche avec ces sacs à dos. Vous devez être capable de fonctionner sans affecter l’équipe. »

LE SCEAU DE L’OPTIMISME

Lors de la visite de The Red Bulletin début décembre 2019, Team Rubicon venait tout juste de déployer une unité aux îles Marshall dans le Pacifique central afin de lutter contre l’épidémie de dengue qui sévit actuellement et recherchait également parmi sa base de volontaires des fournisseurs de

services médicaux pouvant se rendre aux Samoa sur ordre de l’OMS pour aider à lutter contre une épidémie de rougeole. L’organisation a également été en première ligne lors des incendies de forêt en Australie, et ailleurs. « Au cours des quatre derniers mois, nous avons mené plus d’opérations qu’au cours des trois années précédentes », déclare Geoff Evans, le chef de Team Rubicon Australia. L’équipe attend maintenant le feu vert pour se déployer dans le Victoria et le sud de la Nouvelle-Galles du Sud, où les incendies font toujours rage. En Australie, le défi consistera à maintenir le soutien sur le terrain dans les trois zones d’opération, ainsi qu’à gérer l’impact psychologique subi par les propriétaires, dont beaucoup, selon Evans, ont « perdu tout espoir ». Malgré cela, de l’Australie à Dallas, la philosophie de l’entreprise est marquée du sceau de l’optimisme, de l’espoir au milieu du chaos. Porter se rappelle une mission à Moore, dans l’Oklahoma, à la suite de la tornade de 2013 : « Il y avait cet arbre au bout d’une impasse. La tornade est passée par là et a arraché toutes ses feuilles. Il ne restait que le tronc et les branches. Mais quelqu’un a cloué un drapeau américain à l’arbre qui est devenu un point central. Lorsque tout sombre dans le chaos, les gens ont besoin de se rassembler. »

teamrubiconglobal.org   81


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PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée

JAKOB EDHOLM

ÖTILLÖ Swimrun : LA COURSE QUE L’ON REGRETTE D’AVANCE

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PERSPECTIVES voyage

ÖTILLÖ SWIMRUN

Épreuve de fond Cette compétition d’endurance est parmi les plus rudes. Triple vainqueur de l’ÖTILLÖ, Jonas Colting livre son attrait quasi masochiste pour la course.

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nète, du Brésil à l’Australie. Chaussures de course, combinaison en néoprène et lunettes constituent l’essentiel de l’équipement requis. Les vétérans comme moi se munissent aussi de pagaies à main pour faciliter la progression dans l’eau, de manchons pour prévenir les crampes et accroître la flottabilité, et d’une combinaison de plongée. Le principe de la course est simple, courir, nager, courir, nager, sauf que cela tourne à la torture. La première traversée est la plus longue (1,75 km), suivie de cross assassins sur 24 îles minées de rochers glissants. Le cross le plus long (19,7 km) a lieu à mi-parcours, étape fatale pour nombre de participants. Se focaliser uniquement sur la section en cours et celle qui suit est essentiel. Anticiper davantage mène à l’échec. Les transitions entre terre et mer exigent une grande concentration pour ne pas laisser échapper de précieuses secondes. Pour ce faire, les concurrents enfilent combi-

Suède Stockholm Sandhamn

S’y rendre L’aéroport international le plus proche du site de la course est l’aéroport Arlanda de Stockholm. De là, un ferry au départ du pont Klarabergsviadukten près de la gare de Stockholm, vous acheminera à Sandhamn sur Gotska Sandön (île de sable en suédois), point de départ de la course.

FLORIAN STURM

l est près de six heures du matin. ­L’horizon dissimule encore le soleil et l’air est glacé. Pourtant, quelque 400 hommes et femmes se pressent sur la ligne de départ. Ils s’étirent, s’échauffent et se concentrent pour rassembler toutes leurs forces. Ils en auront besoin. Ils s’apprêtent à vivre une épreuve d’endurance hors du commun : le Championnat du monde de swimrun d’Ötillö. Certains mettront plus de 13 heures avant de franchir la ligne d’arrivée, exténués. Pas de quoi entamer leur hâte à plonger dans la mer Baltique. Il est six heures précises, le coup d’envoi retentit. Les voilà partis. L’histoire commence dans un bar en 2002. Quatre hommes — deux frères du coin, un aubergiste et son ami — font le pari de créer une épreuve en équipe, combinant course à pied et nage en eau libre à travers l’archipel de Stockholm — le deuxième groupe d’îles de la mer Baltique par la taille. Quatre ans plus tard, la première édition de swimrun voit le jour. Le pari fou est gagné. Dérivé du suédois ö till ö signifiant « d’île à île », l’Ötillö a pour règle clé la distance entre les deux coéquipiers. Celle-ci ne doit pas excéder 15 mètres. L’itinéraire long de 74,68 km dont 65 km de course à pied et près de 9,5 km de nage, traverse 24 îles, de Gotska Sandön au nord à Utö au sud. Le triathlonien passionné que je suis (Colting est détenteur de six médailles aux championnats du monde et d’Europe, ndlr) est de tous les départs. Je suis à ce jour le seul à avoir participé à toutes les éditions de l’Ötillö. À ses débuts, l’Ötillö suscite peu d’intérêt. Personne ne sait comment s’y préparer et les règles sont variables. Une faiblesse dont profite sans vergogne un duo néerlandais qui utilise des matelas gonflables pour les sections en mer, alors que le reste des concurrents s’efforce de nager dans une mer Baltique houleuse. Les règles sont depuis plus strictes. Si l’Ötillö demeure sans doute le plus difficile swimrun au monde, cette discipline se pratique aujourd’hui sur toute la pla-

JAKOB EDHOLM, PIERRE MANGEZ

I

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Le syndrome de Stockholm L’épreuve qui vous attend (si vous osez) en chiffres Distance totale : 74,68 km Course à pied : 65,135 km Natation : 9,545 km Étapes de natation : 23 Nage la plus longue : 1,750 km Cross le plus long : 19,7 km

Départ

Arrivée

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10 km

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PERSPECTIVES voyage

D’île à île : rochers glissants, cross éprouvants et mains gelées sont quelques-unes des « réjouissances » qui attendent les concurrents entre Gotska Sandön, au nord de l’archipel et l’île de Utö, au sud.

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Best of du pire Colting sur ses hantises et les faits marquants de l’Ötillö Munkö : l’île terrible (course de 2 450 mètres) « Mon cauchemar de l’année. La course à pied y est quasi impossible. Rochers pointus et glissants, troncs d’arbres morts et ronces parsèment l’île. L’enfer. » Nämdö : point de passage (course de 8 300 mètres) « Le point de ravitaillement s’écarte de l’itinéraire de 500 m. Un aller-retour dont on se passerait. Mais c’est la seule des 24 îles où vous croisez brièvement d’autres équipes. Ça motive. »

Leaders : en catégorie femme, les Suédoises Fanny ­Danck­wardt et Desirée Andersson, de l’équipe Envol, ­remportent la dernière édition en 9 h 5 min 29 sec.

Utö : l’ultime étape (course de 3 650 mètres) « L’idée d’arriver au bout de la torture déclenche une forte poussée d’adrénaline. Vous sortez de l’eau, passez par-dessus les rochers et filez sur une piste de gravier en guise de tour d’honneur jusqu’à l’arrivée. » THE RED BULLETIN

JAKOB EDHOLM

naison, bonnet, lunettes et pagaies en courant, car il faut avancer. De 2008 à 2010, mon partenaire de l’époque et moi remportons les trois éditions d’affilée. En 2011, nous sommes en tête durant une grande partie de la course, mais ce coéquipier tombe malade et nous sommes contraints à l’abandon. Ma première victoire reste la plus belle, celle de 2010 la plus étrange. Lors de cette dernière, nous atteignons l’île où a lieu le cross le plus long avec plus de vingt minutes d’avance sur nos poursuivants. Dans les bois, des enfants ont arraché les panneaux de direction. Résultat : nous nous égarons et nous retrouvons cinq minutes derrière ces mêmes poursuivants. Cela nous motive et nous finissons premiers avec trois minutes d’avance. Aujourd’hui, je prends le départ avec ma femme, Elin. Je connais l’itinéraire par cœur, mais je ne vise plus de record personnel. C’est une journée idéale au grand air, mais où l’on va tout donner. otilloswimrun.com


Nouveau


PERSPECTIVES gaming

FOCUS

­ lateforme, elle se produit en p temps réel, le moindre faux pas est immédiatement sanctionné. Le défi permanent ne laisse aucune place à la distraction — c’est une forme de jeu totale. » L’activité constitue aussi une source de bien-être subliminal en soi.

Le pouvoir du coup de pouce Un gameplay élémentaire qui rapporte gros : réflexions sur les jeux de plateforme.

Les jeux constituent un ­système d’apprentissage ­ludique spontané : apprendre en jouant et jouer pour apprendre. La simplicité linéaire des jeux de plateforme amplifie cette dynamique. « Dès l’apparition d’un nouvel obstacle, ou d’un nouveau pouvoir, le joueur s’en empare immédiatement, explique M. Barr. L’apprentissage prend tout son sens avec l’intériorisation des nouvelles compétences. Là réside en partie la motivation des joueurs. » 88

« Les gratifications libèrent de la dopamine, précise M. Barr à propos de la substance libérée par le cerveau après un plaisir ressenti. Pratiqué le matin dans le train, le jeu d’obstacles agit comme un shoot de dopamine. Vous ­arrivez au boulot de bonne ­humeur, le cerveau opérationnel, bien plus que celui qui entre son réveil et le bureau s’est contenté d’un café. »

Décisions express

Suivre le mouvement

Le flow cognitif appelé aussi zone est l’état mental d’un ­sujet accomplissant une tâche réalisable et stimulante. Le ­sujet est en état de réceptivité totale à l’apprentissage qui devient source de satisfaction. « Les concepteurs de jeux perpétuent cet état en maintenant le joueur entre ­anxiété et ennui, habileté et défi. Ce type de jeu s’y prête idéalement ; la difficulté augmente au même rythme que votre habileté. La course est ainsi infinie. »

Rétroaction en boucle La rétroaction constante est un autre aspect du flow. « Au travail ou à l’université, celleci peut prendre plusieurs ­semaines avant de se manifester. Dans les jeux de

« Avec ces jeux, la rétro­ action est immédiate. »

Les jeux de plateforme améliorent la capacité de décision. Des études montrent que les jeux vidéo exigeant réflexion et intervention constantes ­développent les capacités ­cognitives. « Si les enjeux n’influent pas la vie réelle, la prise de décision sous pression ­excluant l’échec, génère une panique qui renforce votre confiance dans le monde réel. Sid Meier, créateur du jeu de stratégie au tour par tour ­Civilization, a déclaré que les jeux sont une série de décisions tactiques. Un principe que les jeux d’obstacles poussent à l’extrême. »

Parties éclairs

Conférencier à l’Université de Glasgow, le Dr Matthew Barr examine dans son livre Graduate Skills and Game-Based Learning, l’acquisition de compétences, de flexibilité et d’esprit critique grâce aux jeux vidéo.

Le rythme effréné du monde moderne n’est pas propice aux loisirs. « Le format des jeux de plateforme intègre ce facteur en rendant les jeux accessibles partout, confie Barr. On peut y jouer avec un seul pouce. Idéal dans les transports publics. »

THE RED BULLETIN

JOE ELLISON

Apprendre en jouant

L’ivresse du joueur Pendant une courte période, les joueurs de Temple Run 2 ont pu débloquer l’avatar d’Usain Bolt.

IMANGI STUDIOS

Singularité technologique, le smartphone a engendré bien des miracles : l’internet mobile, la perche à selfie, ­l’appli TikTok. Il a aussi permis les jeux de plateforme — jeux de course à obstacles contrôlables d’un seul doigt — dont le format séduit même les joueurs occasionnels et suscite l’intérêt des spécialistes du comportement, intrigués par une popularité persistante. Temple Run 2, par exemple, enregistre 50 millions de téléchargements dans les quinze jours suivant sa sortie en 2013, ou Subway Surfers, deuxième jeu iOS le plus téléchargé de l’histoire. Flappy Bird, phénomène viral de 2014, est retiré des App Stores par son créateur après avoir déclaré que la popularité du jeu avait « ruiné sa vie. » L’attrait pour ces jeux satisfait-­ il un besoin humain plus profond ? Le Dr Matthew Barr, spécialiste des jeux vidéo, nous répond…


PERSPECTIVES équipement

PERFECTIONNER

La pompe qui coache

TIM KENT

TOM GUISE

Under Armour HOVR Machina Le coup de mou, tel est le cauchemar des coureurs à pied en mal de glucose dans le sang. Lors du mara­ thon de Boston en 2016, la marque américaine Under Armour observe le phéno­ mène afin de trouver une ­solution pour aider. Bien placée pour relever ce défi, l’entreprise acquiert en 2013 le réseau social de remise en forme MapMyRun. Grâce à son appli smart­ phone, les sportifs peuvent effectuer le suivi de leurs séances d’entraînement et les comparer avec des mil­ lions d’autres. En 2018, UA lance la HOVR, première chaussure de course con­ nectée, équipée de capteurs mesurant longueur, cadence et rythme de la ­foulée et qui transfèrent ­ensuite ces données stockées dans MapMyRun. La Machina est la dernière-­née de UA. Sa ­semelle intermédiaire amor­ tit les chocs et protège les ­capteurs dont la façon de ­collecter et de traiter les données rend ce modèle unique. En étudiant les sta­ tistiques des coureurs sur plusieurs années, UA com­ prend ce qui sépare les bons des moins bons coureurs. Le nouveau système de Form Coachin de l’appli compare THE RED BULLETIN

le style d’un coureur équipé du HOVR au p ­ rofil d’un cou­ reur idéal puis corrige la technique de l’utilisateur et minimise le risque de bles­ sures en temps réel. L’obser­ vation exclusive de maratho­ niens anonymes (identifiés via la date, la géolocalisation et la distance) a permis de recueillir d’importantes don­ nées sur les courses de fond. Under Armour a ainsi établi que les coureurs ayant une

cadence (nombre de pas par minute) très fluctuante par rapport à la longueur de foulée o ­ btiennent de moins bons ­résultats que ceux dont le rapport cadence/ longueur de foulée est constant. Ces derniers s’avèrent plus r­ apides et plus réguliers. Conclusion : une cadence stable est le meilleur remède contre le coup de mou.

L’amorti d’une chaussure longue distance et la légèreté d’une chaussure de sprint. À l’avant, la plaque de vitesse en carbone restitue l’énergie à chaque pas.

underarmour.com   89


CALENDRIER avril - septembre 2020

12

mai FINALE PALPITANTE  LIVE   La quatrième s­ aison de Moto Spy touche à sa fin et la bataille promet d’être captivante. Sauts audacieux et manœuvres risquées ne manqueront pas d’exalter notre admiration pour les héros sur leurs machines vrombissantes. Certains voleront même à travers les airs. redbull.com

septembre LE RED BULL FLUGTAG EST DE RETOUR À LAUSANNE Le Red Bull Flugtag revient à Lausanne après vingt ans. C’est devant Bellerive-Plage que les pilotes amateurs tenteront de survoler le plus longtemps possible les eaux du Lac Léman en s’élançant du haut d’une rampe de 6 mètres – prouvant que les participants sont les héros du jour. Le Red Bull Flugtag n’est pas réservé aux pilotes ambitieux, c’est aussi un événement dédié aux spectateurs, avec des atterrissages aquatiques spectaculaires et totalement loufoques. Lausanne ; redbull.com

12

septembre UNE COURSE LUMINEUSE Une course placée sous le signe du plaisir. Le parcours de la Lightrun traverse la ville baroque de Soleure sur plus de cinq kilomètres, rythmés par des animations lumineuses qui vous ­surprendront. Nul besoin de vous presser, la course n’est pas chronométrée. Et la ligne d’arrivée ne marque pas la fin, mais le début d’une grande fête dansante ! CIS Sportzentrum, Soleure ; lightrun.ch 90

3

mai COURSE FÉMININE Comme précédemment, la quatrième édition de la Course des femmes à Bâle propose deux distances : 5,2 ou 10,4 km. Le parcours longe le Rhin et transite par le centreville et ses attractions. Un parcours que les participantes au 10,4 km effectuent deux fois. Cette année, la course féminine intègre la Coupe éponyme regroupant l’épreuve de Bâle, du lac de Constance et celle de Winterthur. Les trois mieux placées des épreuves seront sacrées. Marktplatz, Bâle ; basler-frauenlauf.ch THE RED BULLETIN

MARJAN RADOVIC/RED BULL CONTENT POOL, LIGHT RUN/SIMON DIETIKER, GARTH MILAN/RED BULL CONTENT POOL, GETTY IMAGES FOR IRONMAN, MERZ-BONER/KUSSMAUL GMBH, CHRIS BURKARD

13


CALENDRIER avril - septembre 2020

24

13

6

The Original Skateboarder est un passionnant documentaire de 38 minutes qui relate l’aventure de S ­ kateboarder Magazine durant les ­années 70 et les années 80. Un voyage dans le temps à une époque où la fièvre du skate s’empare de la ­planète. Le retour sur la naissance d’un magazine ­devenu culte raconté par ceux qui l’ont créé et vécu : les photographes et skateurs Brad ­Bowman, James ­Cassimus, Steve «­ ­Salba  » Alba, Vicki Vickers et bien d’autres encore. ­ redbull.com

Six jeunes surfeurs partent à la conquête de vagues géantes sur la côte nord de l’Islande, au moment où la plus grande tempête depuis 25 ans est annoncée avec des vagues monstrueuses. La périlleuse expédition, immortalisée par le photographe Chris Burkard et le ­cinéaste Ben Weiland dans cette vidéo Under an Arctic Sky, est dantesque. Les six surfeurs et les deux acolytes ­subissent un hiver islandais d’une rare i­ntensité au point de se ­demander si un tel défi mérite que l’on mette sa vie en péril. ­ redbull.com

Le Swiss Canyon Trail version « Ultra Trail XLong » est une ­compétition pour ceux qui veulent savoir exactement où ils se ­situent : 112,3 km de montagnes russes et une ­ascension totale de 5 550 m. Le ­parcours est constitué à 58 % de chemins de f­ orêt, 40 % de sentiers de ­rando et à peine 2 % de route bitumée. Le coup d’envoi est donné à cinq heures du matin et les coureurs disposent de 28 heures pour passer la ligne d’arrivée. Départ à Couvet ; swisscanyontrail.com

avril ODE À L’ÈRE DU SKATEBOARD

7

juin 53 MARCHES INFERNALES Surnommées stairway to heaven (trad. l’escalier menant au paradis) par les ­participants, les 53 marches menant au ­château sont un enfer, et aussi le finish impitoyable de l’incomparable Ironman créé en 2007. Rappswil-Jona ; ironman.com

avril UN DÉFI GLAÇANT

juin POUR LES PLUS RÉSISTANTS

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juin POUR LES DURS À CUIRE

Ce n’est qu’après avoir survécu au camp d’entraînement que vous pourrez vous lancer sur le parcours du combattant le long de l’Aar, et à travers la vieille ville de Berne. Au menu : douze stands d’exercices intenses. PS : Vous pouvez remettre ça le 12 juillet à Zurich. Berne ; rockandrun.ch

TRIATHLONS L’embarras du choix Florilège des plus connus en Suisse TRIATHLON DE VERBIER 13 et 14 juin TRIATHLON DE SPIEZ 26 et  27 juin TRIATHLON DU LAC DE SEMPACH 4 et 5 juillet TRIATHLON D’USTER 18 et 19 juillet TRIATHLON DE ZURICH 20 juillet TRIATHLON DE NYON 8 et 9 août TRIATHLON D’URI 15 et 16 août TRIATHLON DE LORCANO 5 et 6 septembre TRIATHLON DE MORAT 11 et 12 septembre

THE RED BULLETIN

91


Rémi ne cherche pas si l’herbe est plus verte ailleurs.

TRAIL RUNNING

Rémi Bonnet, le talentueux trail runner originaire de Charmay, prend d’autant plus de plaisir à exercer sa passion et à épouser le relief ­alpin à grandes foulées quand il s’en met plein la vue, avec de ­sublimes paysages. C’est exactement ce qu’il conseille de faire.

Berne Dent de Morcles 3 4 Aiguilles Rouges (FR)

92

Suisse

1 Gastlosen

Sierre-Zinal 2

L

es champions du monde par équipe en ski-alpinisme, Rémi Bonnet et son coéquipier ­Werner Marti, ont amorcé leur saison sous les meilleurs auspices, mi-février. Ils partaient d’ailleurs favoris pour la Pierra Menta, mythique course de ski-alpinisme en Savoie (France), qui aurait dû se dérouler à la mi-mars si elle n’avait pas été annulée par mesure de précaution.

Nous avons demandé à Rémi Bonnet de nous indiquer ses parcours de trail préférés qui, à la belle saison, le maintiennent en forme pour ses diverses activités en montagne, avec ou sans ski. Sportifs du dimanche ou coureurs confirmés peuvent s’inspirer de ses tracés pour varier les plaisirs, et rester en forme. Le jeune athlète le promet : « Il n’y a pas de wifi au sommet des montagnes. Mais vous y gagnerez une bien meilleure connexion ! » Cette connexion, c’est la satisfaction que l’on éprouve après avoir accompli un effort dont on est fier, dans un environnement grandiose. Envie ­d’essayer  ? THE RED BULLETIN

LORENZ RICHARD/RED BULL CONTENT POOL, PICTUREDESK.COM CHRISTINE VITEL GETTY IMAGES, KEVIN GOLL

Les monts du bonheur


PERSPECTIVES running

1. Le Tour des Gastlosen Alpes bernoises

Distance Durée de la course Vitesse Dénivelé Calories brûlées

10,97 km 1:12:07 h 6:34 min/km 752 m 1 040

Actuellement, j’habite juste à côté des Gastlosen, en Gruyère. Le tour des ­Gastlosen, c’est un parcours que je fais souvent car il y a un peu de tout : de la montée raide, du plat, de la technicité à différents degrés. Ce qui en fait un parcours assez complet, ni trop long ni trop court, autour de 11 ou 12 km. Et il est accessible un peu à tout le monde. Ce massif de calcaire constitue les préalpes fribourgeoises. Je le trouve vraiment impressionnant. Le parcours que tu vois dessiné ici te fait courir autour des faces rocheuses. Je le recommande comme entraînement si tu fais de la compétition parce que tu y trouves tous les aspects de la course à pied.

COMMENT BIEN SE PRÉPARER À ABORDER LE RELIEF Profiter de la montagne et de ses bienfaits, c’est avant tout avoir un grand respect pour elle, et être conscient de ses propres ­limites.

Départ et Arrivée

1 930 m

1 460 m

Rémi Bonnet, 25 ans : la passion le fait courir.

1 460 m

NIVEAU O : MOTIVATION NULLE Avant de commencer, prendre conscience de son état de forme. Si on se sent faible ou qu’on est en reprise de sport, ne pas s’aventurer dans des sentiers trop longs, trop durs, trop raides ni trop techniques, parce c’est plus fatigant que de courir à plat. Pour conjuguer le plaisir des yeux et le plaisir de c­ ourir, faire des tours de lac, c’est une option sûre. NIVEAU 1 : DES MARCHES À MONTER Accumuler un maximum de denivelé, peu importe où et comment. Les ascenseurs sont tabous ! NIVEAU 2 : SUR LE TAPIS ! Commencer par 10 kilomètres avec une pente de 10 %, en augmentant la pente au bout du premier kilomètre : d’abord 5, 10, puis 15%, à chaque kilomètre. Au bout de 10 kilomètres, vous faites une course en montagne avec 1 000 mètres de dénivelé dans les jambes. NIVEAU 3 : FORCE ET ENDURANCE Sur une colline avec une pente de 3 à 6 %, le programme est le suivant : 200 mètres de sprints en montant, puis descente au trot en vrac. .

Ces montagnes « inhospitalières » sont le site de course favori de Rémi. THE RED BULLETIN

NIVEAU 4 : MÉLANGE DE GENRES Les terrains accidentés mettent les jambes et les pieds à l’épreuve. ­Alterner les parcours de cross et de forêt avec des tronçons de l’itinéraire normal.

93


PERSPECTIVES running

Le village de Zinal culmine à 1 920 mètres d’altitude.

Départ et Arrivée

2 910 m

1 680 m

1 680 m

3. La Dent de Morcles Alpes vaudoises

Départ

Alpes valaisannes

Distance Durée de la course Vitesse Dénivelé Calories brûlées

30,58 km 2:36:51 h 5:08 min/km 2 119 m 2 382

Je m’entraîne beaucoup en Gruyère. La veille d’une compétition, je choisis un parcours comme celui de la course Sierre-Zinal. Elle s’étend sur 31 km de long, et niveau technique, c’est un peu plus « roulant » que le Tour des Gastlosen. Sans être plat, le tracé est relativement ­facile. Sur ce sentier, comme je ne suis pas gêné par la technique, je peux vraiment travailler la vitesse. Tout en g ­ ardant un œil sur le paysage, sublime, ce qui nourrit ma motivation. 94

Arrivée 2 410 m 1 720 m 550 m

La « Dent » du village de Morcles est à cheval sur les cantons de Vaud et du Valais. THE RED BULLETIN

KEVIN GOLL

Ce que j’aime, c’est courir ! Je gravis une montagne en courant, je la redescends en courant… Et entre les deux, j’ai touché le sommet. Je cherche toujours des chemins, mais le but reste le même : arriver au sommet, pour la vue, parce que c’est à la fois gratifiant et euphorisant. Quand je suis en déplacement, je consulte les cartes des environs où je me trouve et je cherche les sommets alentours, puis je me choisis un tracé. En Valais, ­ j’apprécie tout particulièrement la Dent de Morcles. La vue sur la vallée du Rhône est ­incroyable.

CHRISTINE VITEL

2. La course Sierre-Zinal

23,16 km 2:56:43 h 7:38 min/km 2 044 m 1 524

DAMIEAN ROSSO/RED BULL CONTENT POOL, PICTUREDESK.COM

Distance Durée de la course Vitesse Dénivelé Calories brûlées


Pour Rémi, si la route mène au sommet, l’effort en vaut la peine !

4. Les Aiguilles Rouges Alpes françaises

« Il n’y a pas de wifi au sommet des montagnes. Mais je vous promets que vous y ­gagnerez une bien meilleure connexion. » Rémi Bonnet

THE RED BULLETIN

Distance Durée de la course Vitesse Dénivelé Calories brûlées

22,06 km 2:43:52 h 7:26 min/km 1 923 m 1 503

Le massif des Aiguilles s’étend d’un côté et de l’autre de la frontière franco-suisse. Quand je cherche des sommets de plus de 2 500 m, je dois quitter ma terre de Gruyère et je prends parfois la direction de la France. Quand je vais par-là, j’aime bien parcourir les Aiguilles rouges. On les appelle comme ça à cause de l’oxydation du fer dans la roche. Ce sont des sommets montagneux techniques, avec des montées longues, difficiles, raides. Si je suis en période d’entraînement ou de compétition, je peux avaler jusqu’à 40 km pour les plus longues sorties. Je ne fais pas ça tous les jours pour ne pas me fatiguer inutilement, je varie entre 10 et 40 km.

Les Aiguilles rouges constituent un excellent entraînement pour améliorer sa technique. Départ

3 220 m

1 390 m

Arrivée

1 370 m

95


Mentions légales

LA RÉDACTION

THE RED BULLETIN WORLDWIDE

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Directeur de la publication Andreas Kornhofer Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier, Dietmar Otti, Christopher Reindl

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RED BULL FLUGTAG 2020.

ON RECHERCHE : PRODIGES DE HAUTE VOLÉE. INSCRI P JUSQU TION ’A 8 JUIN U

13 SEPTEMBRE, LAUSANNE Toutes les infos pour participer via QR Code ou sur redbull.ch/flugtag


Pour finir en beauté.

La conquête de l‘Ouest

Le prochain THE RED BULLETIN ­disponible à partir du 10 mai 2020

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CHRIS TEDESCO/RED BULL CONTENT POOL

Dans la légendaire course tout-terrain Mint 400, les conducteurs parcourent 640 kilomètres dans le désert du Nevada, autour de la capitale du jeu. L’auteur Hunter S. Thompson a contribué à la renommée mondiale de cette course avec son roman Las Vegas Parano (1971). Ici, l’Américain Bryce Menzies se bat pour la victoire en mars (il terminera deuxième).


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