The Red Bulletin FR 05/20

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FRANCE MAI 2020

HORS DU COMMUN

LA PROCHAINE VAGUE JUSTINE DUPONT a surfé une falaise d’eau de plus de 20 mètres, mais pourquoi s’en contenter ?

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Éditorial

« Je veux dominer la plus grosse vague jamais ­surfée par une fille et être championne du monde de longboard. » Ces propos sont tirés de The Red Bulletin de septembre 2013 et le talent qui s’exprime alors est Justine Dupont, la surfeuse en Une de l’édition de ce mois de mai. Ce que Justine annonçait à l’époque, elle l’a réalisé depuis, en devenant l’une des surfeuses les plus audacieuses sur les grosses vagues, et une waterwoman accomplie. Depuis 2013, nous avons régulièrement soutenu Justine dans le magazine, et ce n’est pas près de s’arrêter, car malgré cette ascension jusqu’aux sommets du big wave riding, l’athlète n’est pas rassasiée : elle veut surfer encore plus gros, et renforcer l’aspect sécurité de sa discipline, dans ce fameux spot de Nazaré qui l’a vue monter en puissance. Vous le savez à présent, si la Française vous annonce des choses dans cette nouvelle interview, on risque de s’en reparler dans quelques marées. Le futur du surf de gros, c’est de suite ! Votre Rédaction

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

TOM WARD

« Ma rencontre avec le Team Rubicon a mis en perspective ma vie de journaliste. Ces hommes et ces femmes mettent leur vie sur pause pour aider les personnes dans les environnements les plus dangereux et les plus défavorisés, la plupart du temps sur la base du volontariat. » Éditeur et écrivain basé à Brighton, UK, Tom Ward écrit sur l’aventure et ceux qui innovent pour aider les autres. Lisez-le page 70.

RICK GUEST

« Justine est incroyablement courageuse mais en même temps prudente, elle est forte mais vulnérable, belle mais sans prétention. La voir surfer, c’est voir l’esprit humain dans sa forme la plus pure. » Rick Guest est spécialisé dans la photographie de performances d’élite qui constituent un moyen d’expression et d’épanouissement pour les athlètes. Il développe sa vision de Justine Dupont en page 24.

Moment méditatif à Nazaré pour le photographe londonien Rick Guest et Justine Dupont. 4

THE RED BULLETIN

RICK GUEST (COUVERTURE)

ELLE L’A DIT… ELLE L’A FAIT !



CONTENUS mai 2020

24 Toujours plus gros

Comment Justine Dupont est parvenue à surfer les plus grosses vagues du monde

34 L’autre hard

Pyramides et transcendance spirituelle sur fond de metal

4 8 La voie du rookie

Ce que peut vous apprendre un ex-jeune pilote entré dans l’élite

52 A lter égaux

Ils oublient leurs heures sombres dans l’immensité de l’extrême

62 L’aidante de la mer

Sauver les requins, ça peut être impliquer ceux qui les tuaient

70 E xperts du chaos

Les forces spéciales de l’espoir

Qu’auriez-vous fait à 13 ou 17 ans sur un tel engin de compétition ?

8 Galerie : 3 preuves que la nature

reste le plus beau terrain de jeu

14 Un hôtel dans l’espace designé

par Starck ? Va falloir allonger…

16 Ce qu’apportent à Julia Virat ses

nuits passées à flanc de falaise

courir… bienvenue dans une course hardcore : Ötillö ! 86 Fitness : découvrez le dispositif de récupération par compression pneumatique 87 Matos : équipez-vous bien, filmez-­vous et projetez le tout… 91 Défis : faites comme Colin O’Brady, procédez par étapes ! 92 Gaming : les bienfaits de votre petit jeu – vite fait – sur mobile ! 93 Une pompe de running conçue d’après vos coups de mou 94 Reste-t-il un événement dans notre calendrier du mois ? 96 Ils et elles font The Red Bulletin 98 Il était une fois dans l’Ouest...

18 L’Exolung : pour respirer sous

l’eau sans s’encombrer 19 Elly Jackson (de La Roux) et sa musique pour tourner la page 20 Cours Forrest ! Cours ! Sauf que c’est Rob Pope, pas Tom Hanks 22 Cette course auto vers la S ­ ibérie orientale avec des épaves est annoncée comme débile

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Comment le projet Icarus a réuni des hommes aussi semblables que différents. THE RED BULLETIN

GOLD & GOOSE/RED BULL CONTENT POOL, GETTY IMAGES, PERRIN JAMES

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81 Courir, nager, courir, nager,


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Madison Stewart aime les requins dans l’eau, pas dans son assiette.

THE RED BULLETIN

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MIRÓW, POLOGNE

Le roi de l’incruste

PIOTREK DESKA/RED BULL ILLUME

« Dans mes clichés, j’essaie de montrer plus qu’un athlète en action. Le rôle d’un photographe, c’est de saisir l’instant, et pour cela, la fenêtre temporelle est très brève. C’est pourquoi il est essentiel de donner à voir plus que l’évidence, ­raconte le Polonais Piotrek Deska. À chaque fois que je prends une photo, j’imagine comment elle rendrait en grand format sur un mur. » En immortalisant le Jura cracovien, dans le sud de la Pologne, reconnaissable à ses cuestas de calcaire et ses ruines médiévales, Deska pensait faire un beau paysage. C’était sans compter l’apparition de ­Wojciech K ­ ujawski sur la falaise d’en face. « Les éléments du puzzle se sont assemblés comme par magie : le paysage était sublime, le timing idéal (juste avant le coucher du soleil), avec ce grimpeur qui venait parfaire la composition. Ma nature morte est devenue une photo d’aventure. » piotrekdeska.com

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JASPER, CANADA

Bonjour Randy ! Les cyclistes ont beau s’acharner à s’entraîner sur toutes les pistes afin d’être encore plus affûtés pour se la donner avec leurs potes, il reste des obstacles du genre infranchissable, même pour les meilleurs. Lors de ce reportage dans le parc national de Jasper où les sentiers abondent, le photographe canadien Bruno Long et ses amis ont croisé sur leur route ce majestueux élan. Ils n’ont eu d’autre choix que d’attendre que ce dernier regagne les bois. « À notre retour, nous avons relaté notre rencontre à un ami qui travaille pour le parc. “Vous avez fait connaissance avec Randy ! s’est-il exclamé en riant. Ici, le roi c’est lui !” » Instagram : @eye_b_long


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BRUNO LONG/RED BULL ILLUME


LE CAP, AFRIQUE DU SUD

Un peu à l’écart L’été, des kitesurfeurs du monde entier affluent au Cap, attirés par le mix idéal de vent et de vagues de la région. Spectateur privilégié pendant de nombreuses années, le photographe néerlandais Ydwer van der Heide cherche une nouvelle perspective avec l’aide de son ­compatriote et kitesurfeur Kevin Langeree. Sa quête aboutit à ce bassin de marée juste à l’extérieur de la ville, à l’abri des vagues qui fouettent sur les rochers environnants : le spot parfait pour échapper à la foule. Instagram : @ydwer


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YDWER VAN DER HEIDE/RED BULL ILLUME


Chambre avec vue Le tour de la Terre, seize fois par jour : bienvenue au sein du premier hôtel de l’espace… Si vous n’aviez pas trouvé quoi faire de vos millions sur terre. Le farfelu designer Philippe Starck est un habitué des projets branchés (intérieur des appartements de Mitterrand à l’Élysée au début des années 80 ou la conception du yacht Venus de Steve Jobs) mais aucun n’est aussi insolite que le dernier en date : un « hôtel » relié à la Station spatiale internationale. Dans le cadre de la privatisation de cette dernière arrivée en fin de vie, la NASA a choisi Axiom Space, une start-up de Houston, pour ­développer trois modules qui s’amarreront à l’ISS. Le 14

L’horizon du segment Axiom, sans limites : vous avez dit vue mer ?

THE RED BULLETIN

AXIOM

AXIOM SPACE

« segment Axiom » comprendra un environnement de recherche et de fabrication en microgravité, un dôme d’observation avec une vue spectaculaire de la Terre à 360 ° et un module d’habitation. C’est dans ce dernier qu’intervient l’esthétisme de Starck. L’intérieur capitonné avec un matériau semblable au daim est décrit comme « un nid en forme d’œuf moelleux et confortable dont les matériaux et les couleurs évoquent un univers fœtal ». Des nano-LEDs aux couleurs évolutives tapissent les murs et s’adaptent aux vues de la Terre tandis que l’ISS voit défiler chaque jour seize levers et couchers de soleil. « Je suis ravi de jouer un rôle dans ce projet : l’espace est l’intelligence du futur », déclare Starck. Le premier module ne sera pas lancé avant 2024 et une fois en place, il n’accueillera que ceux qui auront les moyens de s’offrir les vols commerciaux opérés par Crew ­Dragon de SpaceX (env. 38,5 millions d’euros) ou Starliner CST-100 de Boeing (près de 63,5 millions d’euros). Après la mise hors service de l’ISS en 2028, le segment Axiom deviendra une station spatiale de vol libre. « Notre objectif est le progrès de l’humanité et de ses connaissances, déclare Kam Ghaffarian, co-fondateur et PDG d’Axiom Space. Et d’enclencher un tournant dans la société comparable à celui vécu par les astronautes en voyant la planète depuis l’espace. » axiomspace.com

LOU BOYD

L’intérieur est un cocon aux murs matelassés constellés de LEDs.


* Parce que nous prenons soin...

BECAUSE WE CARE... *

Quelque soit votre véhicule, Motul est là pour vous accompagner.

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Guide de haute-montagne à Chamonix, Julia Virat, 37 ans, ­passionnée de snow à l’adolescence, a réalisé sur le tard que la montagne était l’endroit où elle était heureuse. Ce qu’elle partage avec enthousiasme avec ses clients.

the red bulletin : Emmener vos clients vivre ce que vous vivez, c’est quelque chose d’un peu ­périlleux : escalader des sommets, ­traverser des cascades de glace, passer une nuit en hauteur sur une micro-plateforme… julia virat : Ça peut sembler surprenant mais moi-même j’ai peur et ‘je n’aime pas le danger ! Au début, à cinq mètres du sol, je pleurais de vertige. Je n’étais pas destinée à ça ! Ce que j’aime, c’est accompagner des gens motivés dans les émotions qu’ils vont vivre en dehors de leur zone de confort. Peu importe leur niveau de départ, je les prends là où ils sont, et je les emmène un peu plus loin, là où ils ont envie d’aller. Vous les guidez à la fois dans la pratique, et dans la dimension émotionnelle ? Effectivement, je suis guide, et ce n’est pas un métier anodin. La montagne te met à nu, elle épure les couches sociales, financières, etc. Elle enlève les artifices pour te ramener à quelque chose d’assez brut et universel qui est la gestion de tes émotions, et ta survie dans un milieu rude qui ne pardonne pas. On est tous égaux face à ça. Quand mes clients ressentent des émotions fortes, ils ont besoin que je les aide à les traverser. En allant ensemble vers l’objectif fixé, ils vont dépasser la peur, la fatigue, les barrières psychologiques, le manque de con­ fiance. Je leur montre l’exemple : je vis ça tout le temps. C’est mon défi personnel. Ce n’est pas parce que je suis plus forte qu’eux que je ne comprends pas ce qu’ils traversent. J’adore ­partager cela avec les gens.

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Comment vous êtes-vous retrouvée à ­passer vos nuits accrochée à une paroi ? Le portaledge, c’est cette petite plateforme sur laquelle les grimpeurs ­dorment. J’ai commencé à me familiariser avec pendant des vacances aux États-Unis pour le plaisir, il y a douze ans. J’ai découvert le parc du Yosemite, La Mecque du big wall, des voies ­d’escalade vraiment grandes qu’on ne peut pas gravir à la journée parce qu’elles sont trop dures et trop longues. On est donc obligé de ­dormir à mi-­chemin pour pouvoir arriver au sommet. Cela ne vous a donc pas effrayée ? Maintenant, j’aime vraiment ça, ­dormir suspendue. Je suis attachée au rocher avec des cordes et du matériel vraiment fiable. La nuit, même si je tombe, je suis retenue par une corde, car je dors avec un harnais, encordée. L’enjeu sur le portaledge, ce n’est pas le danger, mais vraiment les émotions et la logistique qui va autour. Mais ça reste une pratique assez marginale. Combien de temps dure une ­journée d’escalade de ce type ? Contrairement à l’idée qu’on s’en fait, ce n’est pas de l’escalade pure. Il y a une grosse partie de logistique, de manœuvres de cordes, de hissages de sac. Mes journées font entre 15 et 18 heures. Je mets le réveil à 5 ou 6 heures du matin et je termine vers 22 heures. Le niveau d’exigence extrême est-il le même, tant du point de vue physique que mental ? Le défi est plus facile à aborder si tu le fais sur un, deux ou trois jours, car malgré la fatigue, tu sais que tu touches bientôt au but, donc ça te donne un peu d’élan. Mon ascension

S’autorise-t-on, dans certains cas, à effleurer l’idée de reculer ? Il faut se connaître suffisamment bien pour savoir si on va pouvoir gérer la fatigue qui s’accumule pendant une dizaine de jours, ou abandonner. Tous les alpinistes passent par ces moments d’échec ou de frustration, on appelle ça prendre un but. Quand on prend un but, on fait demi-tour, on va digérer ça tranquillement chez soi. Et on grandit. On vous imagine contre la paroi, dans le Yosemite, sous la voûte étoilée… Cette sensation-là efface-t-elle les difficultés techniques et les souffrances ? Les journées sont très très très longues, très fatigantes. C’est vraiment éprouvant. Bien que j’aie un gros entraînement, je ne pourrais pas faire ça toute l’année. Ça demande énormément d’énergie, de concentration, de fatigue. C’est dur. Ça ne se fait pas avec le sourire aux lèvres du matin au soir. C’est vraiment un sport exigeant. Alors le soir, quand j’ai enfin fini le boulot de la journée, que tout est réglé, rangé, organisé pour dormir et pour le lendemain, le temps s’arrête. Assise sur le portal­edge, je contemple la nuit, les étoiles ; je sens la chaleur de la journée restituée par la roche ; la vallée est silencieuse ; mon rythme se calme, je peux enfin apprécier tout ce qu’il s’est passé dans la ­journée. Et rien que pour ça, je recommencerai toujours cette expérience-là, pour ce moment où le temps s’arrête. Le ­portaledge, c’est vraiment un endroit hors du temps.

julia-guide.com

CHRISTINE VITEL

Ses nuits en l’air

d’El Capitan en solo, à l’automne 2018, a duré onze jours. Le problème, c’est que le premier jour, j’étais déjà épuisée. Au pied du mur, j’avais 120 kilos de chargement à hisser. J’ai beau être solide, je ne peux pas bouger 120 kilos à la force de mes bras, je suis forcée d’avoir un système de cordes et de poulies. Cela permet de soulager le poids, et de déplacer mon chargement à l’aide de systèmes complexes.

JULIA VIRAT

JULIA VIRAT

THE RED BULLETIN


«  Le ­portaledge, c’est vraiment un endroit hors du temps. »

THE RED BULLETIN

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EXOLUNG

Réflexion profonde Respirer sous l’eau avec un minimum d’encombrement, c’est pour bientôt. George W. Bush a déclaré qu’un jour, humains et poissons pourraient coexister pacifiquement. L’ingénieur autrichien Jörg Tragatschnig a fait de cette vision une réalité. Comparable à des poumons artificiels externes, Exolung est un dispositif de plongée qui permet de respirer sous l’eau sans limite de temps et sans recours aux bouteilles de plongée lourdes à la capacité limitée. « L’Exolung est un rêve d’enfant, confie Tragatschnig. Lors de mes études de design, 18

j’ai commencé à réfléchir sérieusement au concept : un appareil respiratoire sousmarin simple d’usage et technologiquement rudimentaire. » Ici, point de bouteille d’air comprimé, Exolung utilise le mouvement du corps pour aspirer l’air en surface, le long d’un tuyau de 5 m jusqu’à une cloche à air fixée sur le torse du plongeur. À l’intérieur de la cloche, un diaphragme compressible permet de respirer en toute sécurité. Compact et léger, l’Exolung est relié à une bouée de surface pour plus de sécurité, et la formation à son utilisation est bien plus simple que celle exigée par la plongée à air comprimé. « L’Exolung vise trois types d’utilisateurs, explique Jörg Tragatschnig, dont l’invention est actuellement en phase finale de prototypage. Les plongeurs en masque et tuba qui veulent aller plus loin sans s’encombrer d’un matériel lourd ; les adeptes d’exercices en milieu aquatique ; et ceux qui l’utilisent pour des tâches ­précises comme les techniciens de bateaux ou de piscines, les biologistes marins ou les chasseurs de trésors équipés de détecteurs de métaux. » La longueur du tuyau d’air limite la profondeur de plongée, reflétant la philosophie du produit et la volonté de Jörg Tragatschnig d’adopter une approche plus sereine de la plongée. « Avec Exolung, la plongée est plus accessible, plus mobile et sans contrainte. Un high-tech minimaliste. » exolung.com THE RED BULLETIN

LOU BOYD

Une bouffée d’air frais : avec seulement 3,5 kg et des dimensions de 40×30×20 cm, l’Exolung nécessite peu d’entretien contrairement aux encombrantes bouteilles d’air ­comprimé.


LA ROUX

Passez à autre chose Après avoir surmonté ­difficultés personnelles et professionnelles, la chanteuse Elly Jackson opère un retour flamboyant. Il y a onze ans, La Roux cartonnait sur les ondes avec des tubes électro-­pop comme Bulletproof ou In For The Kill. Puis Elly ­Jackson, vocaliste du duo londonien, connaît une série de revers. En situation de quasi-faillite, elle rompt avec son coauteur Ben Langmaid et sa maison de disques. Une succession de déceptions amoureuses finit par créer un état d’angoisse tel qu’elle n’arrive plus à exercer son métier. Aujourd’hui, le nouvel et troisième album de La Roux, Supervision — « BO d’un avenir optimiste » — sonne comme une renaissance, une thérapie créative pour oublier les jours sombres. Elle nous présente ici sa playlist « bonjour tristesse »… laroux.co.uk

Ken Boothe

Carly Simon

Depeche Mode

Gerry Rafferty

« J’aime toutes les versions de cette chanson (plus connue sous le titre de You Keep Me Hangin’ On). Elle a été beaucoup reprise, par Kim Wilde ­notamment en 1986. Mais j’adore le reggae et cette ­version est excellente. Le titre Set Me Free (trad. libère-moi) est tout indiqué quand vous ­essayez d’oublier quelqu’un. Je sais de quoi je parle. »

« Ce titre est bien meilleur que You’re So Vain (tube de Simon de 1972). Je n’arrive pas à haïr les gens que je veux oublier, à rompre violemment. Je suis plus du genre “Je t’aime, mais j’aimerais ne plus penser à toi” ou “Je ne cesse de penser à toi, et certaines chansons me ­ramènent encore plus à toi”. Ce dernier état marque en général la dernière étape. »

« Un morceau idéal pour tourner la page. J’aurais aimé l’avoir dans mon album tellement je le trouve incroyable. Depeche Mode a été une grande source d’inspiration pour mon premier opus en 2009. Sans leur album Speak & Spell, en 1981, La Roux serait devenu un autre groupe. C’est un excellent ­remontant.  »

« C’est ma chanson préférée de tous les temps. Mais les gens ne connaissent que Baker Street, le tube de Rafferty de 1978. Ils s’agacent de ses fréquents passages r­ adio et de son solo de saxophone à ­répétition. Mais ­Rafferty, c’est tellement plus que ça. J’adore ce type de chansons. Elles sont mes compagnes des mauvais jours. »

ANDREW WHITTON

MARCEL ANDERS

Set Me Free (1983)

THE RED BULLETIN

Why (1982)

New Life (1981)

Right Down The Line (1978)

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vents de près de 100 km/h. Il neigeait quand j’ai traversé la Vallée de la Mort, qui est parfois l’endroit le plus chaud sur Terre. Il y a eu d’énormes pics d’émotion.

Après avoir parcouru les States façon Forrest Gump, l’animateur d’un nouveau podcast dédié à des gens extraordinaires a lui aussi une histoire à raconter.

En 2016, Rob Pope, 38 ans, un véto britannique spécialiste des urgences, a décidé de se lancer dans une course à pied, à travers les USA. Lorsqu’il arrivait à un océan, il faisait demitour et continuait de faire des allersretours d’un bout à l’autre du pays. Si ce récit vous semble familier, c’est que vous avez probablement vu le film Forrest Gump. Au cours de son voyage, Pope est devenu l’incarnation vivante du personnage de Tom Hanks : longue barbe broussailleuse, casquette Bubba Gump et tout le reste. Lorsqu’il a terminé, 422 jours plus tard, il avait traversé les ÉtatsUnis plus de quatre fois, couvrant plus de 25 000 kilomètres, l’équivalent de 600 marathons, et était devenu la première personne à avoir retracé l’ensemble du parcours de Gump. Forrest courait « sans raison particulière ». Pope avait une motivation plus forte. « Pour rendre hommage à ma mère, dit-il aujourd’hui. Elle m’a dit de réaliser une chose dans ma vie qui ferait la différence. Ce n’est qu’au moment de la planification que j’ai réalisé que ce pouvait être cela. » Durant sa longue course, Rob a recueilli l’équivalent de 44 000 € pour les organisations caritatives Peace Direct et le Fonds mondial pour la nature. Et après avoir franchi la ligne d’arrivée, il a demandé sa petite amie en mariage. Aujourd’hui, Pope a un nouveau projet : trouver d’autres personnes exceptionnelles et découvrir ce qui les motive pour le podcast How to be Superhuman. « Certains écouteront

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peut-être ces histoires, et quelles que soient les difficultés qu’ils ­rencontrent, ils se diront : “Ces gens ont fait face à d’énormes obstacles et, même si tout ne s’est pas passé comme prévu, ils vont toujours bien.” Cela me donne envie de croire que nous sommes tous surhumains. » the red bulletin : Parlez-nous de certains de ces surhommes... rob pope : Ce sont des athlètes, mais pas du genre habituel. Il y a Yusra Mardini (la jeune femme de 22 ans qui a fui la Syrie en 2015 et a rejoint l’équipe des athlètes olympiques réfugiés à Rio en 2016, ndlr). Des roquettes RPG sont tombées dans la piscine où elle s’entraînait et elle a aidé sa sœur à tirer un bateau de réfugiés jusqu’au rivage de la mer Égée. Le triathlète Tim Don qui, après s’être cassé le cou en 2017 a porté un halo fixé à son crâne pour aider à unifier sa colonne vertébrale avant de retourner à l’Ironman. Mark Beaumont a fait le tour du monde à vélo en 80 jours, et la ­coureuse Jasmin Paris allaitait encore lorsqu’en 2019, elle a battu de 12 heures le record masculin de la Spine Race (un ultramarathon de 431 kilomètres sur le Pennine Way au Royaume-Uni, ndlr). Les gens disent que je fais partie de ces surhommes. Ce n’est pas le cas. Je ne fais que les interviewer. Mais vous avez traversé beaucoup de choses. Quelle distance couriez-­ vous chaque jour ? Je faisais en moyenne 60 kilomètres par jour. En traversant le Wyoming, on pouvait franchir 65 kilomètres sans rien voir. Les températures allaient de− 18 °C à 43 °C. Le plus froid a été en Alabama avec des

Ces traversées des USA ont dû ­laisser des traces sur votre corps... Les premières ampoules étaient inévitables. Puis j’ai eu une tendinite dans le muscle tibial antérieur, une tendinite au tendon d’Achille de l’autre jambe, je me suis déchiré un quadriceps, j’ai eu des problèmes chroniques au niveau des fessiers et du bassin, une intoxication alimentaire qui a duré cinq jours. Où dormiez-vous ? Ma copine m’a accompagné dans un camping-car pendant la moitié de l’expédition, mais une fois seul, je me suis arrêté dans des stations-­ service ou des églises. J’allais dans un bar, je prenais une bière et je demandais si je pouvais camper ­derrière. Presque à chaque fois, on me disait : « Non, viens chez moi. » La définition d’un surhomme ? La détermination. Ces personnes ont toutes en elles cette capacité. La plupart du temps, nous nous heurtons à des obstacles imaginaires pour nous empêcher de faire quelque chose, peut-être pour ne pas se blesser émotionnellement ou physiquement. On est tous réticents à accepter l’échec. On a l’impression que si ces personnes avaient échoué, elles l’auraient bien vécu, car elles avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir. Avez-vous eu envie d’arrêter ? Tous les jours. Je me réveillais et je me disais : « Je ne peux pas courir 60 kilomètres aujourd’hui. » Ensuite je me disais : «Tu l’as fait hier, avanthier, tu vas probablement aussi le faire aujourd’hui. Ça va aller. »

How to be Superhuman, sur Spotify, Apple et vos plateformes de podcast.

TOM GUISE

Pourquoi courez-vous ?

SIMON LAPISH

ROB POPE

THE RED BULLETIN


« Je courais en moyenne 60 km par jour. » THE RED BULLETIN

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Les 5 conseils de l’équipe Little Missadventurists pour finir le ­Mongol Rally… 1. Familiarisez-­ vous autant que possible avec la mécanique Comprendre pourquoi la voiture fait un bruit bizarre ou ne démarre pas vous sera utile.

2. Faites vos ­recherches en amont, mais évitez de trop planifier

Comment aller au bout d’une course automobile folle à bord d’une épave. Qualifié de « course la plus ­stupide au monde », le Mongol Rally reste une compétition à part. Ce rallye intercontinental démarre en Europe — cette année dans le Hampshire en Angleterre, mais à l’origine en République tchèque — et s’achève à Oulan-Oudé en pleine Sibérie orientale. L’itinéraire est libre et les participants, dont le seul objectif est d’atteindre l’arrivée en moins de deux mois, ne bénéficient d’aucune assistance. Seuls des véhicules décrits par les organisateurs comme « voitures poubelles » avec une puissance n’excédant pas 1 000 ch peuvent prendre le départ. Une manière de garantir la panne en cours de route. L’an dernier, 22

­ licia Schneider, Racheli Aye et A Adina Korn, de l’équipe Little Missadventurists de Tel-Aviv, effectuent les 16 000 km à bord d’une Fiat Panda cabossée. « Nous l’avons achetée en Israël et expédiée en Europe, explique Schneider. Avant le rallye, elle a passé tous les week-ends chez le mécanicien, l’occasion pour nous d’accumuler des compétences en mécanique. » Les équipes n’ont droit qu’à une seule voiture et voyagent indépendamment, mais faire un bout de chemin avec d’autres participants est une tradition du Mongol Rally. « Les deux ­premières nuits en montagne, nous étions un convoi d’une dizaine de ­voitures, se souvient Schneider. Nous avons cuisiné

autour d’un grand feu et beaucoup bu. Arriver le plus vite possible, ce n’est pas l’esprit du rallye. Vous roulez dans des épaves et traversez de magnifiques chaînes de montagnes dans des régions reculées. Cette expérience unique exige du temps pour être appréciée. »

3. Emportez un max de provisions Nous avons misé sur les boîtes de thon, le riz et les pâtes.

4. Gardez un ­esprit ouvert L’itinéraire est fou, n’ayez donc pas peur d’entreprendre des choses inhabituelles.

5. Prévoyez un gros stock de lingettes Vous les consommerez vite. Plusieurs jours peuvent passer avant de pouvoir se doucher. Mais ne les jetez pas n’importe où !

littlemiss adventurists.com ; theadventurists.com THE RED BULLETIN

LOU BOYD

La route de l’infortune

Dès le début, ça ne se passe pas comme prévu de toute façon.

ALICIA SCHNEIDER

MONGOL RALLY


SON PRO

ÉCOUTEURS SANS FIL JBL

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TOUJOURS PLUS GROS Le 13 novembre dernier, la waterwoman JUSTINE DUPONT surfait un monstre de plus de 20 mètres à Nazaré (Portugal). Rebelote le 11 février lors du Nazaré Tow Surfing Challenge, où la jeune femme de 28 ans remporte le titre de la meilleure vague. Ces deux méga houles pourraient lui valoir le record du monde de la plus grosse vague surfée, tous sexes confondus lors des prochains Big Wave Awards. Une première dans le club très fermé du surf de gros. Comment en est-elle arrivée à surfer ce que l’océan a de plus puissant, de plus redoutable ? À repousser sans cesse les limites de l’humain ? Justine nous dit tout d’une carrière qui se construit pas à pas, dans les règles de l’art et la plus grande humilité. Texte PATRICIA OUDIT Photos RICK GUEST

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À 28 ans, Justine Dupont est l’une des meilleures surfeuses de gros (et pas que) au monde.


Il y a des 13 novembre qui ne s’oublient pas. Celui de l’année 2019 restera à jamais gravé dans la mémoire de la Canaulaise comme l’un de ces graals enfin conquis, d’un mythe presque atteint, celui de la vague sans fin. Ce jour-là, lorsqu’elle lâche la corde qui la tracte au sommet d’une ogresse de plus de 20 mètres, elle éprouve d’autres vibrations. Ivresse d’un autre monde ressentie par ce point microscopique qu’elle est devenue au centre d’un mur écumant de rage. Un run de 15 à 30 secondes où l’on est dans sa bulle, étanche au fracas, où la moindre vibration est anticipée. « Je sens rapidement qu’il se passe quelque chose. Je prends une vitesse folle dans cette succession de petites vagues sans fin, comme si une ombre me poursuivait. » Sur cette vague portugaise de Nazaré, devenue en quelques années le pays des chargeuses et chargeurs (surfeuses et surfeurs de grosses vagues), Justine gagne encore en vitesse. « C’est inimaginable, dit-elle. Sur la vague, je n’ai aucun repère, hormis mes propres sensations pour évaluer la vitesse… » Trois mois plus tard, le 11 février, la surfeuse est à nouveau pourchassée par un swell en furie. « Cette fois, bien que la vague n’ait pas encore été mesurée, je pense qu’elle est encore plus énorme. Je dirais plus de 20 mètres. Cette fois encore, je sens que Fred, mon compagnon, qui me tracte jusque dans les vagues avec un jet-ski, a choisi la bonne vague. Elle ne cesse de se former sous ma planche en même temps que je la descends. Je sens que dans mon dos elle grossi, elle se lisse et se creuse bien plus que d’habitude. Il y a plus de puissance autour de moi… Après avoir pris une ligne plus proche du creux, je file vers le bas de la vague et je me prépare à l’explosion derrière moi. La mousse m’a dépassée, je me sens faire partie de la vague et heureuse de sortir d’elle toujours debout sur ma planche. » Pour parvenir à dompter ces tonnes de chaos liquide, Justine a œuvré dans la plus grande discrétion, prenant tout son temps pour écumer les hotspots du Big Wave Riding, de Belharra (Pays Basque) à Mavericks (Californie) en passant par Mullaghmore (Irlande), Jaws (Hawaï) et bien sûr Nazaré (Portugal) où elle a fini par s’installer. Depuis sept ans, époque où elle reven-

diquait déjà son envie de se frotter aux éléments dans ce qu’ils ont de plus puissant, elle apprend, réapprend, chute parfois, recommence. Affronte ses peurs, ou renonce, se lance des défis très hauts, et bien réfléchis. Mais ne s’arrêtera pas là, à ce fabuleux record peut être récompensé prochainement par un Big Wave Award, genre d’Oscar du surf de gros. Il va falloir féminiser le lexique et élargir ses horizons. Car peu importe les codes en vigueur, il ne s’agit ici que d’une chose : la quête de toute une vie. the red bulletin : Sur ces deux vagues monstres de novembre et de février, à aucun moment vous n’avez eu peur de vous faire avaler ? justine dupont : Quand je suis sur la vague, quelle que soit sa puissance, sa taille, je suis tellement dedans, concentrée à 300 % que je ne pense qu’aux 3 ou 4 mètres qui me précèdent. Au sommet, avant la descente, je prends toutes les informations possibles : forme, vitesse, déclivité, et j’en déduis ma future ligne, là où je vais pouvoir prendre de l’énergie pour surfer le plus longtemps possible. Sur la vague de novembre, il y avait pas mal de perturbations, à cause du vent, l’eau devenait dure à cause du clapot, c’était un peu comme un champ de bosses ultra pentu qu’il fallait dévaler avec la plus extrême vigilance. Celle de février en revanche m’a autorisée à plus de liberté, à faire ce que je préfère dans le surf : négocier une belle ligne, planche sur le côté pour prendre de l’angle et de la vitesse, comme dans de la poudreuse. La peur arrive avant, comme un repère. Si elle est trop présente, c’est que je ne suis surement pas encore prête, et ça m’est déjà arrivé de renoncer. Elle est aussi rétrospective. En visionnant mes images de GoPro, sur l’une de ces vagues, je vois deux étapes. Sur la première, mon visage traduit une grande concentration, je vis le moment, je suis en alerte maximum, tous mes sens sont en éveil. Sur la deuxième, j’affiche un sourire qui veut dire : « Ça y est, je viens de passer la phase la plus critique de la vague. » Je suis dans l’émotion, puis je me concentre pour bien terminer la vague, en sécurité. Pendant ces quelques secondes, mon cerveau passe par tous les stades. Quelques secondes… Le surf de gros, c’est une attente énorme pour un plaisir furtif !

Pour parvenir à dompter ces tonnes de chaos liquide, Justine Dupont a œuvré dans la plus grande discrétion. 26

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L’ADN de Nazaré : un phare rouge, du swell, des vagues monstrueuses et Justine Dupont.


C’est une à une et humblement que Justine a gravi les marches de l’élite aquatique.

« Il faut aussi être capable de renoncer. La nature est toujours la plus forte, elle gagnera peu importe vos efforts. »


Temps calme pour une surfeuse française heureuse sur le sable de Nazaré. Dans les vagues de ce spot portugais, c’est le chaos qu’elle affronte.

La vague la plus longue dure peut-être 20 ou 30 secondes. Un jour, il faudrait que je me mette des capteurs pour mesurer l’intensité de ces moments en termes de battements cardiaques. Le moment est bref, mais tellement dingue et magique qu’il doit sacrément faire monter le cœur. Ces moments se vivent avec toute une équipe… J’ai la chance fabuleuse de vivre cela avec mon compagnon Fred David, qui a été champion du monde de bodysurf et dont la présence indispensable me rassure totalement dans ma prise de décisions. On a un tel niveau de complicité que dans l’eau, on n’a plus besoin de se parler… Fred est sur le jet-ski. En THE RED BULLETIN

cas de gros swell, Clément Nantes, qui est sauveteur en mer vient prêter main forte en pilotant un deuxième jet-ski, au cas où Fred qui m’a larguée sur la vague en tow-in (surf tracté, ndlr) me perdrait de vue. Il y a également quelqu’un qui surveille mon évolution dans l’eau depuis la falaise. À terme, on aimerait avoir notre propre « veilleur » afin de renforcer la sécurité. À Nazaré où vous surfez depuis quatre saisons, comment la pratique a-t-elle évolué ? C’est un endroit d’une intensité sans égal. Avec des saisons qui se suivent sans jamais se ressembler. Cette vague, on croit la connaître, mais elle finit tou  29


jours par vous surprendre. Deux à trois fois par mois, surtout d’octobre à mars, il y a des grosses houles, il arrive qu’il y ait des conditions énormes dix jours d’affilée, où l’on reste jusqu’à six heures dans l’eau. Les grands jours il y a les meilleurs du monde au pic. C’est un moment de partage assez fou. Il y a de la solidarité entre nous. En ce moment, un de nos jet-ski est hors service. Fred s’est crashé en portant secours à un autre surfeur. Vous évoquiez plus haut la sécurité… Les deux jet-skis et le veilleur depuis la falaise constituent la base du dispositif. Quand c’est gros, il y a un médecin urgentiste qui vient sur la plage en complément des lifeguards qui sont parfois présents. On aimerait que le médecin soit là tout le temps pour améliorer encore la sécurité. On travaille dans ce sens avec la mairie qui prend les choses très à cœur mais qui n’envoie les renforts qu’à plus de 15 mètres. À ces hauteurs, c’est déjà très tendu en termes de risques… Quand vous-êtes vous dit : « Je vais être la première à surfer la plus grosse vague du monde ? » Depuis que je surfe à Nazaré. Avant moi, une femme surfait déjà ici, c’est la brésilienne Maya Gabeira. Quand je suis arrivée, j’ai eu de la chance : les vagues étaient parfaites pour débuter, j’ai pu enchaîner les petites sessions afin de m’approprier le spot. Le swell a grossi avec mon expérience comme par magie. Et puis Nazaré, contrairement à d’autres lieux comme Belharra qui ne casse pas à moins de 8 mètres, fonctionne aussi quand c’est petit. Y a-t-il eu une chronologie du swell pour procéder par étapes, en fonction des vagues ? Avec Fred on est arrivés à Nazaré de manière discrète. Humblement, on n’a jamais hésité à demander des conseils. Ne pas se focaliser que sur la grosseur des vagues. Ce n’est pas le critère le plus important pour moi. Plus que la taille, c’est la façon de la prendre, l’engagement, l’esthétique. Avoir l’impression de v­ éritablement surfer plus que de descendre. Avant Nazaré, j’ai pris de l’expérience partout où

je pouvais. D’abord à B ­ elharra, où je suis allée à petit pas, où il y a du fond des deux côtés et des possibilités d’échappatoire. Là-bas, le risque est de se noyer, j’ai donc renforcé ma résistance sous l’eau en m’entraînant régulièrement à l’apnée. Puis il y a eu Jaws… Où vous vous êtes blessée. En novembre 2018, je suis arrivée à Jaws après un super début d’hiver à Nazaré. J’étais en confiance et j’ai pris une très bonne vague. En retournant au large une série m’a cassé sur la tête. J’étais au mauvais endroit au mauvais moment. Je m’y suis fracturé l’épaule et abîmé le genou. Ça a mis fin à mon hiver, c’était frustrant mais ça fait aussi ­partie du jeu. Ça ne vous a pas refroidie ? Au contraire. J’ai bien fait ma rééducation au CERS de Capbreton. Dans un sport comme le mien, la patience est essentielle. Il faut aussi être capable de renoncer. La nature est toujours la plus forte, elle gagnera peu importe vos efforts. Il faut savoir rester à sa place. Ne pas y aller quand le doute est trop fort. Vous doutez souvent ? Ça m’arrive ! Je me pose souvent des questions. « Est-ce que ce que je fais a un sens, est-ce trop dangereux ? » Sur le moment, je ne doute pas, jamais j e ne suis allée à l’eau avec la peur au ventre. Quand je repense à la compétition de février et à cette vague record, c’était un jour magique. On était tous à l’eau au petit matin, avant le coup d’envoi, à enchaîner des vagues de rêve. C’est en renvoyant les images ensuite que j’ai eu peur, que je me suis questionnée. Ces images, c’était bizarre de les regarder. C’était presque trop. Je me suis demandé où est la limite de l’humain. Est-on vraiment en train de surfer les plus grosses vagues de la ­planète  ? Où se situe la notion d’ego dans ces murs d’eau ? De l’ego, sûrement, il doit y en avoir. Plus jeune, avec mon grand-frère, je voulais toujours rivaliser

Tout ce qu’il faut pour envoyer du gros Un gilet de flottaison en mousse placé sous la combinaison néoprène. Un gilet gonflable avec les cartouches de CO2 à déclencher en cas de wipe-out. Des chaussons pour tenir chaud et avoir une meilleure accroche sur la planche.

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Une cagoule en néoprène à quoi Justine préfère le casque (pas toujours agréable pour la nuque en cas de choc violent). La jeune femme réfléchit à un type de casque plus adapté à la pratique. Des bouchons d’oreille depuis que la surfeuse a eu ses tympans percés à Hawaï.

Une planche de tow-in de 6 pieds (1,80 m) lestée d’un poids de 10 kilos et garnie de footstraps pour fixer les pieds. Elle est constituée de carbone à l’arrière pour que la rigidité la rende plus rapide et de PVC à l’avant pour amortir les perturbations de la vague.

Une planche de rame fait quant à elle 3 à 4 m de long. Les deux jet-skis font respectivement 240 et 260 ch. Les pilotes ont une radio. Le sled (traineau) qui sert à récupérer la surfeuse est muni de cordes afin qu’elle puisse l’attraper plus facilement.


« La vague de Nazaré, on croit la connaître, mais elle finit toujours par vous surprendre. »


Sa bio express Justine Dupont, 28 ans, surfe du gros, mais pas que. Comme son palmarès éclectique en témoigne, elle est une waterwoman polyvalente. Vice-championne du monde de surf de grosses vagues. Championne du monde de Stand up paddle. Vice-championne du monde de longboard. 4 fois championne du monde par équipe de Stand up paddle, de longboard (2 fois) et de surf.

« Est-on vraiment en train de surfer les plus grosses vagues de la planète ? »


« Dans ce sport, on a fini par transcender les questions de genre. Fille ou garçon, qu’importe, on surfe des grosses vagues, c’est tout. »

d’apnée pour apprendre et m’entraîner, et je suis aussi allée plusieurs fois à la fosse à La Teste-deBuch, en Gironde. Puis j’ai fait des exercices très ciblés pour apprendre à économiser l’oxygène. Désormais, je continue, mais c’est plus de l’entretien. J’ai pas mal progressé en bodysurf avec palmes grâce à Fred, ça permet d’assurer quand je me prends des grosses vagues dans la tête. Je pratique aussi la course à pied sur des distances courtes ainsi que les montées d’escaliers. L’idée est de travailler le cardio via du fractionné. Sans oublier le crossfit pour le gainage et la musculation en salle pour ­bosser les appuis à coups de squats. Le soir, séances de yoga et étirements !

Fred, son compagnon, sécurise sa quête du gros.

RAFAEL G. RIANCHO/ RED BULL CONTENT POOL

avec les ­garçons. Braver les plus grosses vagues, on le fait avant tout pour soi. Pour réussir à maîtriser ses émotions, à dominer sa peur. Dans ce milieu où les prises de décision doivent se faire vite, sans hésiter, on apprend à se connaître mieux et plus rapidement que partout ailleurs, c’est un concentré de vie. Mais ce qui est fou dans ce sport, c’est qu’on a fini par transcender les questions de genre. On n’est que sur l’humain. Fille ou garçon, qu’importe, on surfe des grosses vagues, c’est tout. Il y a encore quelques années, le milieu se montrait moins ouvert aux femmes… Depuis 2016, les compétitions ont une catégorie masculine et une catégorie féminine. En février ­dernier, le Nazaré Tow Surfing Challenge nous a permis avec Maya de participer à la compétition en même temps que les hommes. Ils applaudissent nos exploits, j’ai eu droit aux éloges de Garrett McNamara, une légende du milieu. Tout cela est le fruit d’années de préparation. Vous vous entraînez comment ? Il y a cinq ans, j’ai intégré le BCO à Biarritz, un club THE RED BULLETIN

Le fait que vous veniez du surf classique vous donne-t-il un avantage ? Oui, je suis plus technique que des surfeurs qui ne seraient pas passés par la compétition que ce soit en shortboard ou en longboard. Mes manœuvres sont plus précises, je suis en capacité de bien gérer ma planche. Comme j’ai pratiqué beaucoup le longboard, je n’ai pas été trop gênée quand je suis ­passée sur les longboards de gros pour surfer à la rame. La rame est-elle en train de gagner sur le tow-in ? Il y a deux ou trois ans, tout le monde s’est remis à la rame. La saison 2018, je me suis un peu plus focalisée sur cette approche assez pure. Là, il faut se retourner et partir, sans aucun coup de pouce. C’est votre décision. Et ça change tout. Cela dit, j’ai le sentiment que les mœurs ont évolué. On se rend bien compte que ramer Nazaré a ses limites. Si l’on veut surfer gros, le tow-in est plus adapté, et il revient à fond sur le devant de la scène depuis cette année. En fait, il s’agit juste de ne pas rester bloqué sur une façon ou une autre, mais de s’adapter aux conditions du moment. J’adore les deux, c’est une question ­d’équilibre. Ce sera quoi la prochaine vague ? Mon programme pour 2020 : performer sur Jaws à la rame, et découvrir au printemps le spot de Teahupoo, à Tahiti, pour progresser dans les tubes. Je compte aussi faire une grosse préparation pour faire une super saison à Nazaré l’hiver prochain. Notre équipe devient vraiment professionnelle et on progresse bien sur la sécurité, c’est top.

justinedupont.fr   33


LE SON D’UNE CIVILISATION Deux groupes de black metal aux racines mexicaines offrent une fenêtre sur une culture musicale complexe qui éclaire leur identité personnelle et précoloniale. Texte et photos ANGELA BOATWRIGHT 34


Faire face à la vérité Les membres de Mictlantecuhtli, de L.A., portent des tenues de scène reflétant leur héritage aztèque, conçues sur mesure par Soul Sick Leather.


En force Les trois membres du groupe de black metal Xibalba Itzaes, basé à Mexico, prennent une pose dramatique sur le site des pyramides de Teotihuacán.


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ous décidons de nous retrouver aux pyramides de Teotihuacán. En compagnie d’Arturo, frontman du groupe de black metal Mictlantecuhtli basé à Los Angeles, nous sommes partis au Mexique afin de faire connaissance avec l’un des premiers groupes de black metal du pays, Xibalba Itzaes. Les musiciens ont accordé peu d’interviews en trente ans de carrière. Même au bout de plusieurs semaines d’échange, nous ne sommes pas sûrs de les rencontrer. Les groupes Mictlantecuhtli et Xibalba Itzaes sont des âmes sœurs. Leurs noms font référence aux enfers, respectivement dans les mythologies aztèque et maya. Ils ne se connaissent pas encore. Choisir les pyramides comme lieu de premier rendezvous, n’est pas fortuit. Teotihuacán a été interprété comme « le lieu de naissance des dieux », ce qui en fait un endroit parfait pour réunir ces énigmatiques groupes de black metal. L’importance de cette ­rencontre imminente nous enveloppe comme une brume épaisse tout au long des 90 minutes de route dans la circulation du week-end depuis Mexico. Pour Arturo, qui est originaire du Mexique mais qui a immigré aux États-Unis dans sa jeunesse, les pyramides sont sacrées. Nous avons l’espoir qu’aujourd’hui, à l’ombre des anciens dieux, Teotihuacán soit l’endroit où deux groupes de pays différents mais à l’héritage commun, unis dans le désir d’éclairer les histoires de ceux qui les ont précédés, se retrouvent enfin. Une fois arrivés à Teotihuacán, le frontman de Xibalba Itzaes, Marco, et le bassiste, Victor, nous retrouvent à l’heure prévue. Marco a apporté des cassettes de son enfance, copiées à partir d’albums

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Le culte du temps On ne pouvait pas ­trouver mieux que ­Teotihuacán comme décor photo. D’après les ­Aztèques, c’est ici, sur ce site qui a servi de fondations à la ville, que sont nés les dieux.

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qui à l’époque étaient trop chers pour la plupart des jeunes métalleux mexicains. Des vendeurs entreprenants ont tiré profit de cette situation en vendant les cassettes copiées à partir des disques originaux à bien meilleur prix. Il manquait souvent les légendaires illustrations des albums (pensez à celles d’Iron Maiden) mais le jeune Marco trouva une solution. Il passa des heures à reproduire à la main les dessins détaillés sur les inserts vierges qui accompagnaient les cassettes. Il était tellement motivé et ­inspiré qu’il copiait aussi souvent chaque ligne de l’insert du disque, y compris toute la section des remerciements. Marco retire délicatement une cassette qui comprend un rendu presque parfait de l’illustration de l’album révolutionnaire de Venom, Black Metal. Il me tend lentement les cassettes comme s’il s’agissait de reliques. Je crains que si l’on perd ou qu’on abîme

ces cassettes, une partie de Marco le sera également. Je manipule chacune d’entre elles avec soin, en ­examinant les efforts d’un adolescent à la recherche d’une identité, de quelque chose pour définir son monde et l’univers et tout ce qui se trouve au-delà. Teotihuacán était le plus grand centre urbain de Méso-Amérique avant l’ère aztèque. Bien que les Aztèques ne l’aient pas construit, ils lui ont néanmoins donné son nom. Ils vénéraient ce lieu comme le site où les dieux avaient créé l’univers. De la même manière, les cassettes de Marco constituent la genèse de son univers, une porte d’entrée vers un chemin que, adulte, Marco poursuit encore. Marco remballe ses cassettes. Puis nous nous dirigeons, Arturo, Victor et Jorge, le batteur de Xibalba Itzaes qui vient d’arriver avec sa femme Haydee, vers les pyramides du Soleil et de la Lune. Comme notre plan est de prendre des photos, les membres

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« NOUS SOMMES AU MEXIQUE. NOUS FAISONS DU BLACK ­METAL MEXICAIN QUI PARLE DE NOTRE CULTURE. »

Les Xibalba Itzaes sondent les origines et le centre de l’univers.

de Xibalba Itzaes portent leur tenue de scène ainsi qu’une peinture faciale obsédante. Aux mal informés, ces marques tribales rappellent Alice Cooper ou Kiss mais sont en fait un clin d’œil à des groupes de black metal contemporains du Brésil et de Scandinavie. Les musiciens attirent beaucoup l’attention et sont plus qu’heureux de poser pour des photos. Arturo évite l’agitation et se concentre plutôt sur les pyramides, transpirant sous le poids de son lourd blouson de cuir. Tandis que le soleil se couche, nous nous retirons tous les sept, écrasés par la chaleur et épuisés, sur l­ ’allée des Morts puis vers la sortie. Plus tard, je réfléchis aux cassettes adorées de Marco. Elles sont peut-être ses offrandes à la jeunesse et au rock’n’roll bien sûr, mais aussi à l’éternelle recherche d’identité, d’acceptation et de sens. « À l’école, il me semblait que j’étais le seul à aimer le heavy metal. C’était comme quelque chose qui n’appartenait qu’à moi », note Marco. Sans la découverte de ces précieuses bandes et de la musique qu’elles renfermaient, qui sait qui ce qu’il serait devenu.

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ANS LES ANNÉES 1980, il était difficile ­ ’accéder à la bonne parole du heavy metal d à Mexico. « Nous n’avions pas d’argent pour acheter des disques. Alors c’était comme si celui que nous avions choisi d’acheter devait être le meilleur. » Fan de heavy metal précoce grâce à un grand frère bien informé, Marco découvre le groupe Venom à l’âge de dix ans, sur le célèbre marché Tianguis Cultural del Chopo de Mexico. El Chopo était un phare pour les jeunes métalleux et les punks dans les années 80 et 90, et l’est encore aujourd’hui. Le passage très étroit serpente à travers les étals de taille réduite sur lesquels s’entassent une quantité impressionnante d’articles à vendre. « Sans El Chopo, nous aurions peut-être découvert la musique malgré tout, mais beaucoup plus tard, avec l’arrivée d’Internet. Qui sait si nous aurions formé le groupe », s’interroge Marco. Xibalba Itzaes est un trio composé des frères Jorge, Marco et Victor (qui se produisent sous les noms de Jorge « Ah Ektenel », Marco « Ek Balam »

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La collection de cassettes de heavy metal de Marco et les dessins très fouillés illustrant les albums préférés de son enfance.

et Victor « Ehxibchac »). Quand les Xibalba Itzaes commencent à composer des chansons, Marco est encore lycéen. C’est à cette époque qu’il lit Popol Vuh, un texte du XVIe siècle qui détaille la conception maya de la création et de la cosmologie avant la colonisation espagnole. « Nous sommes au Mexique. Nous faisons du black metal mexicain qui parle de notre culture, parce que comme les Norvégiens sont fiers d’avoir Odin et Thor, nous devrions être fiers d’avoir Kukulkán et Huitzilopochtli », dit Jorge. L’histoire du black metal est complexe. Ian Christe, animateur de radio basé à Brooklyn, éditeur et auteur de Sound of the Beast: The Complete Headbanging History of Heavy Metal, résume ses ­origines au téléphone : « Le nom black metal vient d’un disque de 1982 du groupe britannique Venom, commence-t-il. Ils étaient, au point de vue sonore, comme un groupe de rock’n’roll qui jouait vite et “sale”. Quelques années plus tard, un groupe suédois appelé Bathory a commencé à faire le premier véritable black metal. Une fois que Bathory a commencé à faire des disques sur le thème des Vikings, on s’est rendu compte que la Norvège n’avait pas toujours été une nation chrétienne. Les chrétiens étaient venus et avaient converti quelques rois vikings qui traversaient ensuite le pays en massacrant tout le monde, et scandaient : “Convertissez-­ vous ou crevez !” Ces jeunes voulaient donc inverser le processus de colonisation. Cela s’est répercuté à travers le monde. » Le lendemain de notre visite à Teotihuacán, Alfredo Nieves Molina, ethnomusicologue à l’Institut de recherches anthropologiques de l’UNAM (Université nationale autonome du Mexique) à Mexico, nous invite, Arturo et moi, à visiter le musée du Templo Mayor, situé dans le Zócalo, le cœur de la 40

Le groupe Xibalba Itzaes, formé il y a près de trente ans, planifie la sortie d’un nouvel album. THE RED BULLETIN


Naissance d’une passion Marco, le frontman de ­Xibalba Itzaes, revisite le marché toujours en effervescence d’El Chopo à ­Mexico où il a acheté pour la première fois des cassettes de heavy ­metal dans les années 1980.

ville moderne de Mexico. Cette zone correspond à ce qui constituait autrefois la grande ville-État mexicaine de Tenochtitlán, devenue la capitale de l’empire aztèque au XVe siècle. Les Espagnols ont conquis Tenochtitlán au XVIe siècle et ont construit une église sur les ruines du temple aztèque aujourd’hui connu sous le nom de Templo Mayor. Alfredo nous guide à travers le musée en nous faisant découvrir la musique et la culture méso-­ américaine. Il explique que des groupes comme Xibalba Itzaes et Mictlantecuhtli ne se contentent pas de raconter de vieilles histoires mais évoquent la conception de l’univers par leurs ancêtres. « La ­cosmologie est une conception complète du monde ; un mythe n’est qu’une histoire. » Alfredo est un métalleux de longue date : « J’ai grandi seul, donc la musique est devenue une partie de moi. Quand j’ai découvert Iron Maiden et des groupes comme Slayer, le monde s’est ouvert. » THE RED BULLETIN

Alfredo a fait de sa passion d’adolescent une carrière à plein temps et, en plus de son statut d’ethnomusicologue, il dirige le séminaire d’études sur le heavy metal au Museo Nacional de las Culturas del Mundo à Mexico. Le programme accueille des panels ­académiques sur des sujets aussi pointus que « Des extrêmes. L’inexprimable et le grotesque. Formes de transgression dans le goregrind : une étude de l’iconographie musicale » et « Metal tombé du ciel : la religion et le heavy metal. » Alors que nous nous promenons dans l’ancien temple, Alfredo et Arturo continuent de partager leurs histoires personnelles. Arturo est né à Mexico et a déménagé aux États-Unis à l’âge de 7 ou 8 ans. « Ce fut vraiment difficile pour moi de trouver une identité aux États-Unis. Cela m’a pris des années, car à Los Angeles, nous n’avons pas de pyramides, pas de statues… Tout ce que nous avons, ce sont des livres, mais les livres sont en anglais et le professeur d’histoire vous parle de l’histoire locale. Je suis retourné au Mexique il y a quatre ou cinq ans. Je me suis rendu aux pyramides. À l’époque, je traversais une période difficile et quand je suis arrivé au sommet, je me suis posé là. Ça peut sembler bizarre, pourtant je jure que je pouvais entendre et sentir une certaine présence. À ce moment-là, j’ai eu ­l’impression d’être le centre de l’univers, comme les pyramides. On peut lire des tas de choses sur le sujet, mais cela n’a rien à voir avec l’expérience telle qu’on peut la vivre. Ce n’est qu’en étant dans cette forme de ressenti que vous comprenez qui vous êtes vraiment. »

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E RETOUR À LOS ANGELES, c’est une journée d’été chaude et humide à Boyle Heights, une communauté soudée à prédominance latino, adjacente au centre-ville de Los Angeles. Toutes les fenêtres sont ouvertes dans l’appartement d’Arturo. Un ventilateur oscille et disperse un air poisseux. La circulation bourdonne constamment en arrièreplan, ponctuée par les bavardages sur le trottoir et la musique qui provient des voitures qui passent. « Grandir à Boyle Heights était dangereux, dit Arturo. Le taux de criminalité était très élevé ; les meurtres étaient nombreux. » Arturo se souvient d’une époque où ses cousins venaient du Mexique en visite. « Nous attendions le bus, et je ne vous mens pas, il y avait des membres de gang avec des fusils qui tiraient comme des cow-boys et des Indiens. Ils étaient là, juste en face. Boum, boum, boum ! Et moi, j’étais planté là, à regarder. Je les   41


regardais, fasciné. J’ai eu de la chance, poursuit Arturo. J’étais “le mec heavy metal” qui déambulait au pied des HLM. Les gangsters se levaient en me voyant passer, ils m’alpaguaient : “Hey, tu viens d’où ? Ah, c’est juste un rockeur”, puis me laissaient partir. » Le black metal a souffert d’une mauvaise réputation au milieu des années 90 avec une série d’églises incendiées, un suicide et deux meurtres commis par des membres du groupe de la scène black metal norvégienne. Ces événements très médiatisés ont inspiré des dizaines d’articles, de documentaires et un livre tristement célèbre devenu un long métrage, Lords of Chaos (2018). Cependant, le black metal a explosé sur la scène underground internationale bien avant les meurtres. Henry Yuan, audiophile heavy metal et guitariste du groupe de black metal Impure, explique au téléphone depuis Brooklyn : « Certains, en regardant Lords of Chaos, pensent qu’il s’agit d’une représentation réaliste du milieu du black metal ». Il fait remarquer que la plupart des gens, même ceux qui se disent au courant, croient que le black metal est une forme d’art norvégienne et rejettent donc ses racines non norvégiennes. « Ils ont déjà rejeté l’idée qu’il existe des groupes au Japon, au Mexique, en Colombie, en Hongrie, en Italie, en France, partout. » Contrairement à la croyance populaire, le black metal n’est pas une création strictement eurocentrique. Un représentant de Greyhaze Records, le distributeur nord-américain de certains des groupes black metal parmi les plus respectés du ­Brésil, et qui demande à être appelé « MQC », explique plus en détail : « Les métalleux trouvent toujours un terrain d’entente, quelle que soit leur nationalité. Prenez le Brésil et la Norvège par exemple, deux scènes influentes, reliées entre elles de manière élémentaire. Pourtant, les cultures générales du ­Brésil et de la Norvège ne sauraient différer davantage. Peu de gens considèrent le Brésil comme un foyer de metal et sont étonnés du fait qu’un groupe à ­succès comme

Entre deux mondes Les membres de Mictlantecuhtli vivent à Los Angeles, mais leur identité avec la culture aztèque précoloniale est au cœur de leurs textes.

Arturo a quitté Mexico pour Los Angeles à l’âge de 7 ou 8 ans.

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Jeu de pouvoir « Ce n’est pas seulement de la musique, explique l’historien du heavy metal Ian Christe. Ces groupes recherchent quelque chose d’ancien et de vrai pour s’y accrocher et en extraire leur force. »

Sepultura ait pu émerger d’un tel pays. En vérité, un groupe comme Sepultura ne pouvait émerger que d’une scène très effervescente. » L’un des groupes de cette scène brésilienne, Sarcófago, a sorti son premier album, I.N.R.I., en 1987. Il a eu un effet massif sur l’évolution générale du black metal et est toujours considéré comme un chef d’œuvre. En 1991, quelques années après la sortie d’I.N.R.I., et avant les incendies d’églises, les meurtres en Scandinavie et le chaos qui allait propulser le black metal norvégien à la une des journaux du monde, les Xibalba Itzaes utilisaient déjà le black metal pour propager les histoires de leurs ancêtres mayas. « Xibalba » est le nom du monde souterrain dans la mythologie maya et « Itzaes » fait référence au peuple maya qui a construit la ville de Chichén Itzá (située sur la péninsule du Yucatán) où se trouve le temple de Kukulkán, l’une des sept merveilles du monde construites par l’Homme. Comme les pyramides de Teotihuacán et de Templo 44

Mayor, le temple de Kukulkán est considéré comme un axis mundi, un point de convergence où les mondes des esprits et des mortels se rencontrent, le centre de l’univers, le berceau autour duquel tout tourne, bref un lieu symbolique où chaque moment représente une éternité et où chaque action est un acte d’hommage à ses dieux.

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E MERROW EST UN PETIT BAR situé dans une ruelle près de l’avenue University, bondée, au cœur du quartier Hillcrest de San Diego, un quartier accueillant pour les LGBTQ. C’est un endroit sombre et intime baigné de lumière rose ; un épais brouillard d’encens flotte dans chaque pièce. Une foule est là pour voir le show de black metal. Tout le monde porte des tee-shirts célébrant le black metal – mais ici, pas de Motörhead, d’Iron Maiden ni de Metallica sérigraphiés. Même les vestes sont entièrement constituées de patchs black metal avec des logos exotiques ressemblant à la THE RED BULLETIN


« Tous les bons ­moments que j’ai eus dans ma vie sont liés au groupe », dit Arturo.

« LES MÉTALLEUX TROUVENT TOUJOURS UN TERRAIN ­D’ENTENTE, QUELLE QUE SOIT LEUR NATIONALITÉ. »

Plan de bataille Arturo a vu beaucoup de violence croître à Los Angeles, mais ces jours-ci, il s’intéresse davantage aux batailles métaphoriques qui se déroulent sur scène.

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Le metal célébré Un concert de Mictlantecuhtli en 2019 au Merrow, dans le quartier Hillcrest de San Diego (USA).

« JE N’AI PAS D’ENFANTS. MES ENFANTS À MOI, CE SONT LES NOTES DE MUSIQUE. »

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structure complexe des racines des arbres. Depuis la fin des années 90, les Mictlantecuhtli ont utilisé le black metal comme véhicule pour embrasser leurs ancêtres aztèques précoloniaux. Ils sont cinq amis de longue date : Arturo, Hector, Sam, Manny et Frank, ou « Temoc », « Tlaloc », « Cuitlahuac », « ­Mixcoatl » et « Itzcoatl », noms empruntés à la langue aztèque nahuatl, langue encore parlée par plus d’un million de personnes au Mexique. Les gars se connaissent depuis leur enfance alors qu’ils apprenaient à jouer des riffs de Slayer à la guitare et assistaient à des concerts populaires pas tout à fait légaux, de backyard punk à Boyle Heights. Le guitariste Sam et le bassiste Hector placent des teeshirts de Mictlantecuhtli sur une table de billard au milieu de la salle. Le frère d’Hector, Peter, et son père de 79 ans, Pedro, donnent un coup de main. Pedro a emmené Hector voir des concerts alors que son fils n’avait que treize ans, « les grands Scorpions, Iron Maiden », dit-il en déballant, triant et arrangeant les t-shirts par dizaines. Arturo développe : « Tous les bons moments que j’ai passés dans ma vie sont liés au groupe. En tournée, en spectacle, sur scène. Le simple fait de savoir que vous avez vos frères de combat à côté de vous est puissant. » L’arôme fort et fumé du copal sacré signifie que les Mictlantecuhtli sont sur le point d’entrer en scène. « Je n’ai pas ­d’enfants. Mes enfants à moi, ce sont les notes de musique, vous voyez ? » Mictlantecuhtli joue devant un public enthousiaste d’une centaine de personnes. Le mur sonore technique mais guttural, emblématique de l’ambiance trance du black metal, est ponctué de riffs des années 80 qui reprennent des influences atypiques du black metal, comme le virtuose suédois de la guitare Yngwie Malmsteen et Dave Murray d’Iron Maiden. Un solo de batterie typiquement ­arena rock gagne en intensité jusqu’à ce que les cinq membres du groupe lèvent le poing et saluent la foule. Panama de Van Halen suit immédiatement après leur set riche en décibels. L’historien du heavy metal Ian Christe explique : « Ce n’est pas que de la musique. Il s’agit de l’ambiance et de l’esprit et souvent, d’un sentiment effroyable, cruel et désagréable. Peu importe l’inélégance des moyens utilisés, ces groupes recherchent quelque chose d’ancien et de vrai pour s’y accrocher et en extraire leur force. Il y a une curiosité pour le passé et pour ce qui a été perdu afin de créer le monde moderne dans lequel nous vivons et dont, tous, nous ne nous satisfaisons pas. Quelque chose a mal tourné en cours de route. Peut-être qu’en retournant à ces civilisations premières et à ces mythes originaux, nous pourrons redécouvrir ce qui a fait que cette civilisation a existé. » Instagram : @xibalbaitzaes THE RED BULLETIN


Arturo Quand on l’interroge sur Mictlantecuhtli, le chanteur répond : « Oui, c’est mon héritage. »


« En Rookies Cup, seul le pilotage compte. »

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Dans le futur du MotoGP Lancée en 2007, la Red Bull MotoGP Rookies Cup, un championnat de moto de vitesse dédié à des pilotes de 13 à 17 ans, permet à de jeunes talents d’envisager le plus haut niveau (le MotoGP) dans les conditions des « grands ». Avec une première étape historique en France cette année lors du Grand Prix de France moto du Mans, l’événement recroise l’un de ses participants historiques, JOHANN ZARCO. Engagé en MotoGP ­depuis 2017, le pilote français du team Avintia Ducati revient sur les enseignements tirés de sa Rookies Cup.

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Texte HANS HAMMER

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the red bulletin : Johann, vous avez intégré la Red Bull MotoGP Rookies Cup à 16 ans, en 2007, et en avez remporté la première édition, quel souvenir en gardez-vous, et qui étiez-vous à l’époque ? johann zarco : Un gamin… Le plus grand des gamins, car j’étais le plus âgé de la sélection. Je m’en souviens comme d’une aubaine : pouvoir participer à un championnat de moto et n’avoir rien à financer, si ce n’est tes déplacements, alors que jusque-là, c’était mon père qui finançait mes évolutions en moto. Quand je suis arrivé en Rookies Cup, on te ­passait une moto, un équipement, un casque, on te fournissait un mécano, et tous les pilotes étaient logés à la même enseigne. Le côté uniforme du programme, avec une égalité d’équipement, de moyens et d’accompagnement était quelque chose de déterminant pour vous ?

En MotoGP, aujourd’hui, je me bats contre d’autres équipes et leurs moyens respectifs, en Rookies Cup, tu pars avec les mêmes chances, et seul le pilotage compte. Moi je n’étais pas un gars du milieu, je n’avais pas accès aux paddocks. La moto, j’en rêvais devant la télé, alors quand tu te retrouves à courir en ouverture de rideau d’un Grand Prix de Moto3, le samedi précédant la course de MotoGP, c’est une aubaine incroyable. Qu’est-ce qu’un tel programme peut apporter à un jeune pilote ? Déjà, on peut pratiquer l’anglais, et on court sur les mêmes circuits que les pilotes de GP. Ensuite, ça t’apporte des repères, pour le futur, ça te permet d’essayer ces pistes dans de très bonnes conditions. Tu as donc de grosses possibilités d’apprendre. Ça te permet aussi de découvrir tout l’univers Red Bull sur les GP, l’hospitalité, les excellents buffets… (rires)   49


De ces jeunes pilotes émergeront probablement les grands noms du MotoGP de demain.

« J’essaie d’apprendre de tous mes adversaires. » Qui étiez-vous en sortant de la Rookies Cup ? Quand j’ai gagné la Rookies Cup à 17 ans, c’était mon premier championnat avec des victoires devant le grand public et ça m’a permis de me faire connaître. Quand il sort de la Rookies Cup, le pilote a beaucoup plus confiance en lui, il sent qu’il peut rouler vite sur une moto. Quel est le plus grand enseignement que vous tirez de la Rookies Cup ? Je me souviens de l’un des conseils de notre coach, August A ­ uinger : rentrer les coudes en ligne droite. J’avais tendance à les garder un peu ouverts, et c’est devenu un réflexe, fermer les coudes en ligne droite. Il y a aussi l’aspect stratégique, la stratégie de course. Et j’ai pris conscience 50

que je pouvais aller vite... de ce truc : tu pars, tu t’échappes ! Comment voyiez-vous la catégorie ­MotoGP, l’élite, à l’époque ? Le MotoGP, je ne savais même pas vraiment à quoi ça correspondait quand j’en voyais, c’était un autre monde… Moi, j’étais concentré sur la catégorie 125 cm³, pour progresser. Je ne m’imaginais pas encore dans les catégories supérieures, en 250 ou Moto2. Je cherchais à travailler tous les détails, à décortiquer le pilotage de chacun, pour être le meilleur, mais en 125 d’abord. Même si vous n’étiez pas fixé sur le MotoGP dans l’immédiat, quelle vision en aviez-vous ? J’aimais bien l’Italien Andrea Dovizioso à l’époque, qui est entré en MotoGP en 2008 et qui a été vice-champion du monde en 2019. J’aimais bien le regarder et j’appréciais ses bons résultats. Et aussi l’Espagnol Jorge Lorenzo, qui a eu le même cursus qu’Andrea. C’était les deux

mecs que j’aimais mettre en comparaison. Après, le MotoGP c’était déjà V ­ alentino Rossi, toujours unique, toujours parfait dans sa combinaison, dans ses couleurs, je suis resté fan de ça, admiratif. J’ai aussi en tête des images de ­Pedrosa, pour l­ equel j’ai toujours eu beaucoup de ­respect. Je n’arrivais pas à m’expliquer comment il pouvait être aussi fort. En 2007, il y avait le pilote Red Bull Chris ­Vermeulen, l’Australien, qui venait nous donner les trophées à la fin des courses. Depuis trois ans que vous évoluez en MotoGP, comment percevez-vous ces pilotes à présent, vous l’ex-vainqueur de la Rookies Cup 2007 ? Je reste assez fan de Valentino, il reste la légende. Il y a un côté affect avec lui, on est devenus adversaires et il y a eu de belles passes d’arme, mais si je peux lui parler c’est toujours avec un côté fan. Concernant les autres pilotes, je fais partie d’eux, je les analyse, qu’ils soient nouveaux ou plus anciens dans la catégorie. Je peux analyser des mecs qui ont eu des THE RED BULLETIN


bonnes phases, de moins bonnes phases, qui ont dû revenir. J’essaie d’apprendre de tous mes adversaires. Le but, c’est d’être plus fort qu’eux, et si je peux comprendre leurs failles, ça va m’aider. J’ai peut-être perdu un peu de temps et des sensations par rapport à eux la saison dernière, mais je suis très motivé à donner ce qu’il faut pour aller me battre avec eux.

GOLD AND GOOSE/RED BULL CONTENT POOL

Que retenez-vous de votre saison 2019 (entamée chez KTM et terminée chez LCR Honda, ndlr) ? En quoi fut-elle ­intéressante  ? J’ai pris une grosse décision, risquée, quitte à ne pas courir en 2020, et j’ai la chance de courir à nouveau en 2020, d’avoir ce plaisir de rouler à nouveau, dans une bonne structure, bien aidé par Ducati. Les sensations commencent à revenir. J’aurais pu faire quelque chose avec la KTM que je n’ai pas su faire. Mais j’ai grandi pendant un an sur bien d’autres aspects, pour réussir à dompter la Ducati cette saison. Je me rends compte que j’ai pu faire des erreurs, mais je prends le bon de tout ça. Je cours dans de bonnes conditions, avec un groupe que j’aime beaucoup, ça me donne beaucoup de fraîcheur, car j’ai joué gros. La première course de la saison, au Qatar, vient d’être annulée, en catégorie MotoGP du moins, pour cause de Coronavirus… Quels enseignements tirez-vous de ce genre de situation, et comment les mettez-vous à profit ? J’en profite pour faire des entraînements plus durs avec mon préparateur physique, Romain. Des séances que nous ne pouvons pas nous permettre de réaliser une fois la saison lancée. L’entraînement dur qu’on n’a peut-être pas pu bien faire pendant l’hiver avec une blessure et le temps de pause des fêtes, on a l’opportunité de le faire maintenant. Ce type d’entraînement peut beaucoup apporter, car le corps et la tête, en début de saison, dans une période dynamique, sont prêts à les encaisser. C’est être un bel athlète dont j’ai besoin maintenant, à l’exemple de Márquez.

« C’est être un bel athlète dont j’ai besoin maintenant, à l’exemple de Marc Márquez. » THE RED BULLETIN

RED BULL MOTOGP ROOKIES CUP

Ils ont un but : s’imposer au plus haut niveau de la compétition moto. Des centaines de candidats postulent chaque année pour intégrer le programme et 26 pilotes de 14 nations, entre 13 et 17 ans, ont été choisis pour la saison 2020. Les jeunes ­pilotes s’affrontent sur des motos KTM spécialement développées pour ce concept, identiques pour chacun des pilotes, avec des spécificités proches des engins de Moto3 : des 250 cc dont la vitesse maximum est 220 km/h, et le poids 80,5 kg. Cette compétition de moto pour jeunes talents est une passerelle vers la catégorie suprême, le MotoGP, et en 2019, plus de 50 % des pilotes présents sur le championnat Moto3 étaient passés par la Rookies Cup.

LES DATES DE L’ÉDITION 2020 (la Rookies Cup s’arrête en France pour la première fois) ESPAGNE 2-3 mai (Jerez), 2 manches FRANCE 16-17 mai (Le Mans), 2 manches ITALIE 30 mai (Mugello), 1 manche ALLEMAGNE 20-21 juin (Sachsenring), 2 manches FINLANDE 11-12 juillet (Kymi Ring), 2 manches AUTRICHE 15-16 août (Spielberg), 2 manches ARAGON 3-4 octobre (Alcañiz), 2 manches Retrouvez la Red Bull MotoGP Rookies Cup lors du Grand Prix de France moto, organisé du 15 au 17 mai sur le circuit du Mans. gpfrancemoto.com

Bartholomé Perrin, le Français engagé en 2020 avec Gabin Planques.

« Il faut viser haut, la Rookies Cup est une étape de carrière. » Il semble que vous soyez en route pour l’Espagne avec Romain, pourquoi ? Oui, on y trouvera de belles pistes pour s’entraîner, et une météo plus clémente qu’en France. Et puisque nous étions partis pour aller au Qatar, se faire quelques heures en camion pour l’Espagne ça n’est pas un souci. En avion ou en camion, dans la tête, on voyage. Quels tuyaux, de pilote à pilote, aimeriez-vous prodiguer aux jeunes participants à la Rookies Cup cette saison, dont les deux Français, Gabin Planques, déjà présent sur l’édition 2019, et un nouveau talent engagé cette année, Bartholomé Perrin ? Le vainqueur de la Rookies Cup 2019, Carlos Tatay, est rentré dans mon team, Avintia Ducati cette année, en Moto3, et je lui ai dit qu’il devait passer un cap au niveau de la hargne : « Il faut que tu sois méchant, sinon tu vas te faire manger ». Après la Rookies Cup, il faut avoir la rage, une vraie faim. Je n’ai pas encore vu Bartholomé rouler, donc je ne peux pas lui donner de conseils de pilotage spécifiques, mais à ce Français qui vient de rentrer en Rookies Cup, je dirais de ne pas se satisfaire d’être le premier des nouveaux. Il faut viser haut, la Rookies Cup est une étape de carrière. Qu’est-ce qui peut arriver de mieux à un pilote de la Rookies Cup ? Ce genre d’anecdote : quand j’ai gagné la deuxième course de la Rookies Cup 2007 à Mugello, en Italie, tout heureux, avec la Marseillaise et tout ça, je suis reparti directement le samedi soir pour rentrer chez moi sur la Côte d’Azur. Ce soir-là, mon voisin fêtait son anniversaire dans son garage, qu’il avait transformé en ­discothèque. J’y suis arrivé vers minuit, en pleine fête, avec un pack de Red Bull que l’on m’avait donné à Mugello. D’un coup, j’étais la star de la nuit, le sauveur de la soirée, sachant que la boisson énergisante n’était pas encore vendue en France à cette époque-là. J’étais le mec trop «privilégié» qui revient d’une compétition moto avec un pack de Red Bull. « Johann il est génial ! » (rires) C’était fun. rookiescup.redbull.com   51


Alter égaux Avant de se connaître, ils ont sillonné la planète, chacun de leur côté, pour fuir des vies qui les enfermaient. Le jour où ils se sont rencontrés, le projet ­Icarus s’est déployé. D ­ éterminés et soudés comme les doigts de la main, les explorateurs français M ­ ATTHIEU BÉLANGER et LOURY LAG s’élancent dans un tour du monde corsé, à l’assaut des sept sommets, un défi ­colossal pour le commun des mortels, un défi tout court pour eux.

GETTY IMAGES/OLIVIER MORIN/AFP

Texte CHRISTINE VITEL


« Être deux, c’est juste une force, ­explique Matthieu, ici à gauche. On est ­hyper francs dans notre relation, un peu durs l’un avec l’autre quand on se parle, on est très d ­ irects. On a décidé de mettre notre ego de côté, parce que c’est le ­projet avant tout ! »

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Denali

Elbrouz

Everest

Kilimanjaro

Puncak Jaya

Aconcagua

Vinson

PROJET ICARUS

D

epuis le début du mois de mars, Matthieu Bélanger, 32 ans, originaire de Montpellier, et Loury Lag, 33 ans, de Biarritz, sont en expédition direction le Denali. Ce périple en Alaska les mènera jusqu’à Anchorage le 7 juillet, si leurs pronostics se révèlent justes : c’est un rythme fou pour tenter de déloger Mike Horn et Børge Ousland de leurs trônes, détenteurs du record sur la partie à ski, avec l’approbation de ce dernier : comme ils sont la nouvelle génération, il faut qu’ils prennent la relève, fassent tomber le record et apportent quelque chose de nouveau dans la discipline. « Je voulais trouver un défi sportif qui me fasse repousser mes limites. Quitte à me lancer corps et âme dans un projet, je voulais que ce soit une première », précise Matthieu. En ligne de mire donc pour ce chapitre 2 du projet Icarus : le Denali (6 190 m). 135 jours au total. Matthieu et Loury seront les premiers Français à le faire. « Notre objectif est de 30 km/jour en moyenne, sachant qu’une grosse journée, c’est du 20 ou 22 km/jour, développe Matthieu. La plupart

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du temps, on aura des vents de face, et on se rattrapera avec les vents de travers ou dans le dos pour kiter et accélérer, et faire 150 bornes dans la journée au lieu de 20. Et élever notre moyenne à 30 km/ jour. C’est le but sinon, il va falloir vraiment accélérer. Une journée comme celle-là tous les dix jours nous suffirait, mais il faudra les avoir… » 3 000 km de ski sur la mer gelée du passage du Nord-Ouest. 90 kilos de matériel dans les traîneaux. 1 000 km de vélo à travers l’Alaska. Puis l’ascension du sommet par la voie nord, qui est loin d’être la plus facile. Pourquoi se donner tant de mal et se compliquer la vie à ce point ? Retour en arrière. En vadrouille à travers la planète pendant cinq ans, c’est au fin fond du désert australien où les conditions de (sur)vie sont dignes d’un écran 16:9 que Matthieu mûrit son projet du haut de ses 24 ans. « C’était un peu Mad Max. Je travaillais dans la plus grande exploitation de moutons au monde. C’était absolument immense. On était en motocross toute la journée avec le manager au-­ dessus de nous qui vole en avion. On communiquait THE RED BULLETIN

ICARUS-PROJECT.COM

Le chapitre 1, réalisé par Matthieu Bélanger en 2017 (Loury Lag ne faisant pas encore partie du projet à l’époque), comptait une traversée de la Patagonie à vélo qui s’est conclue par l’ascension de l’Aconcagua (6 962 m) en solo. Les chapitres et les sommets suivants, calqués sur la liste de Reinhold Messner, s’échelonnent sur les six années à venir : le Dénali (6 190 m) ; l’Elbrouz (5 642 m) et le Kilimanjaro (5 892 m) ; le Puncak Jaya (4 884 m) ; l’Everest (8 848 m); et enfin le Vinson (4 892 m). Certains chapitres ne comprenant pas d’ascension seront consacrés à rallier les sommets entre eux par tous les moyens possibles, non motorisés, et en relevant des défis inédits.


« Quitte à me lancer corps et âme dans un projet, je voulais que ce soit une première. » Matthieu

Matthieu et Loury, à Naujaat, village Inuit dans le Nord du Canada, point de départ de l’expédition vers le Denali.


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Faire fondre de la neige pour préparer à dîner… un rituel qui se répétera 135 jours de suite lors du chapitre 2 du ­projet Icarus.

par radio, il nous donnait les indications où sont les bêtes… On était couverts de sang de mouton et de terre rouge australienne. On avait des tronches de déterrés. » C’est là qu’il lit les aventures de Mike Horn et Jean-Louis Étienne (pendant que Loury se nourrit des récits de Bear Grylls et Romain Gary), qui font germer dans son esprit l’idée d’en faire au moins autant. Pendant ce temps, son comparse qu’il ne connaît pas encore, roule sa bosse lui aussi. Son premier voyage fut une libération, loin de ses années de maltraitance familiale physique et psychologique. Il part aux États-Unis, qu’il traverse pieds nus. « J’ai dû user de plein de techniques différentes pour réussir à ­survivre, je me suis perdu dans les Everglades, je n’ai pas mangé pendant douze jours… » Il poursuit au Mexique et en Colombie, avant de regagner la France et Paris, toujours pieds nus. L’école de cinéma qu’il démarre ne le convaint pas. Le timing n’était pas bon. Il y reviendra. Au moment de leur rencontre, début 2019, ­Matthieu était revenu depuis deux ans du premier chapitre de son expédition, effectué seul. L’article en ligne qui lui était consacré stipulait : « Explorateur cherche aventurier ». « Ça faisait très profil ­Tinder, se souvient Loury, je continue de me moquer de lui avec ça encore aujourd’hui. » Un ami de Loury,

« L’extrême, c’est ce qui me permet de trouver tout ce dont j’ai besoin. » Loury 56

qui savait qu’il avait vécu un temps à Montpellier, la ville de Matthieu, le taggue. À l’époque, Loury ­s’apprêtait à faire sa première expédition polaire au Vatnajökull, le plus grand glacier d’Europe en Islande, et à établir un record. Voilà la connexion établie, sans vraiment savoir où ça allait les mener. Tous deux sont formels : « La symbiose a été instantanée dès le premier coup de fil. On sentait qu’on avait le même parcours. » Loury, très pragmatique dans ses relations, n’y va pas par quatre chemins : « Les grandes rencontres, c’est toujours très beau, mais tant qu’il n’y a pas de passage à l’acte ou d’expérience de vie dans la douleur ou dans la difficulté, on ne peut pas se dire que ça peut marcher. » Très vite, ils décident de se « tester » en situation et partent faire connaissance quelques jours dans les Alpes. Matthieu expose le projet Icarus à Loury, dont la dimension essentielle réside dans le fait que « ce soit quelque chose qui n’avait jamais été accompli ». De là découle leur motivation. Matthieu souhaite donner une dimension d’épopée à ce projet : « Montrer que les anciens explorateurs partaient sans savoir pour combien de temps, deux trois quatre, cinq ans. Aujourd’hui, les expéditions durent trois ou quatre semaines, elles sont ­prévues au cordeau. Et puis on revient et on partage des images sur Instagram, et on commence le projet d’après. Je voulais qu’il soit beaucoup plus dans la durée et à une échelle vraiment grande. »

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’est à travers des expériences extrêmes que l’on peut trouver le maximum de défis à accomplir. « L’extrême, de la manière dont je le vis aujourd’hui, c’est ce qui me permet de trouver tout ce dont j’ai besoin : l’adrénaline, la difficulté, des sensations très puissantes. » Pour ­pallier au syndrome de l’analgésie congénitale dont il est atteint ? « C’est une maladie qui ne me permet pas d’avoir un seuil de douleur normal. Cela

Loury Lag en Islande lors de sa traversée en ­solitaire du plus grand glacier d’Europe. THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN

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« Je n’ai pas peur de la mort, mais j’ai peur de mourir. » Loury 58

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Peu après avoir fait connaissance virtuellement début 2019, Matthieu Bélanger (à gauche) et Loury Lag partent faire du trek dans les Alpes pendant une semaine. Et c’est là que le ­projet a décollé : « On s’est rendu compte très vite qu’on était très complémentaires. »

« Les anciens explorateurs partaient sans savoir pour combien de temps. » Matthieu

« Se préparer au maximum implique un certain degré d’égoïsme, regrette Loury. Pourtant, il n’y a que c­ omme ça que je peux aller encore plus loin dans l’introspection et la recherche de difficulté. » THE RED BULLETIN

explique que je me retrouve souvent dans des situations vraiment très extrêmes parce ce qui est censé être une barrière pour les autres n’existe pas pour moi. Ce qui nous différencie avec Matthieu, c’est que moi je suis né dans l’extrême, je vis dans l’extrême depuis mon plus tendre âge, tandis que Matthieu s’est dirigé vers l’extrême », souligne Loury. Dans leurs biographies, plusieurs points communs, dont celui-ci : embrasser des expériences ­douteuses par envie d’expérimenter, l’ascension dans la délinquance allant jusqu’à la détention pour Loury. Les voyages en backpacking et les ­expériences pointues furent donc leurs échappatoires pour s’extraire de leurs environnements toxiques respectifs. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Pour Loury, une soif de vivre intensément, sans perdre son temps avec de faux problèmes ou de mauvaises ­personnes : « Je n’ai pas peur de la mort, mais j’ai peur de mourir. Je n’ai pas le temps d’attendre que la mort vienne me cueillir. J’ai fait des morts médicales. Je pars du principe que mes jours sont comptés. » Bercé par les histoires de son grand-père aventurier, Matthieu, lui, a compris, à force d’aller à la découverte de pays et de cultures différentes, qu’il réduisait lui-même son champ des possibles en ne s’en croyant pas capable. « Au fil des voyages, mes

peurs sont tombées les unes après les autres. On a souvent peur pour pas grand-chose. » Leurs parcours de vie se ressemblent étonnamment (pères charpentiers, mères psychothérapeutes, enfances difficiles, backpackers dans leurs jeunes années, expéditions en solitaire, jeunes pères de famille, le même âge à un an près), mais leurs personnalités diffèrent suffisamment pour qu’ils puissent se compléter dans la concrétisation du projet. C’est là que la mécanique du duo s’enclenche. Il semblerait que les adultes qu’ils sont devenus ne redoutent rien. « On est des êtres humains, on a des hauts et des bas. On l’a encore vécu en Norvège le mois dernier : en général, on a nos hauts et nos bas de manière décalée. Lui, il part souvent très très fort, avec un gros moral, à fond, au taquet. Alors que moi je pars assez doucement. Par contre, Loury au bout d’un moment il a un gros coup de mou, et moi c’est le moment où je suis assez constant, je suis dans le même état qu’au démarrage et c’est là où j’arrive à le porter, à l’aider, à le soulager ou à lui gueuler dessus s’il a besoin qu’on lui gueule dessus. Et inversement, quand lui reprend du poil de la bête, c’est moi qui commence à faiblir et c’est lui qui fait le taf de l’autre côté. Dès qu’on est deux, on a souvent ça, pas au même moment, et il y en a toujours un qui peut faire un peu plus que l’autre. C’est une vraie force. » Loury acquiesce. « On se connaît tellement bien avec Matthieu, que le moment où il sait qu’il va lâcher, c’est moi qui vais le pousser beaucoup plus loin. Matthieu, c’est lui qui va marcher tous les jours, qui va guider. Et moi je suis là, le moment où il pense qu’il n’a plus de jus. » Comme un clin d’œil à leurs mentors : « Lui, c’est Børge Ousland, et moi je suis Mike Horn, pose Loury. Il est cent fois plus compétent que moi dans plein de domaines, mais ne sait pas se mettre en lumière. Tandis que moi, je suis ­certainement moins compétent, mais je sais me   59


Matthieu et Loury en Norvège, en début d’année. La mise en situation est la meilleure préparation.


Les explorateurs à ski en entraînement à Alta, dans le nord de la Norvège, janvier 2020.

« Je ne sais pas si on est très inspirants, mais en tout cas, on fait des choses. » Loury

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vendre. C’est la combinaison parfaite pour nous. Si on ne s’était pas rencontrés, on n’en serait pas là dans le projet Icarus. J’ai décidé d’apporter une dimension commerciale au projet, et lui il apporte une dimension très technique, organisationnelle. Icarus, ça n’aurait pas fonctionné l’un sans l’autre. »

L

e projet se veut la réalisation de deux hommes, confiants, déterminés, assidus, préparés, et prêts à faire des sacrifices. « Ce que Matthieu et moi avons décidé d’apporter au monde de l’exploration, c’est ça aussi : désacraliser le côté très brut, très violent, très bad boy du mec qui part en expédition, qui est très fort et qui déclame : “Regarde, ce que je fais, tu ne pourras jamais le faire !” Peut-être que tout le monde ne sait pas ce que l’on fait, mais on est des gens comme tout le monde. On est pères de famille, on a des problématiques comme tout le monde, des enfants à gérer, des problèmes à la maison… On ne veut pas montrer seulement le côté surhumain de l’événement. » Modeste, Loury ajoute : « Je ne sais pas si on est très inspirants, mais en tout cas, on fait des choses. » N’est-ce pas cela qui est inspirant justement ? Ça l’est déjà assez pour l’équipe de cinq personnes qui les entourent. Et pour leurs familles. « Ce que nous ­faisons, des tas de gens rêvent de le faire aussi. Mais

cela est rendu possible grâce à nos proches, nos compagnes, nos enfants, parce qu’elles se sacrifient : dix personnes changent des choses dans leur vie pour que je puisse partir. Tout le monde participe à nos expéditions et fait des efforts pour que ça marche. Le jour où elles décident d’arrêter de nous aider, on ne pourra plus rien faire. C’est un projet qu’on fait en équipe, et dans l’équipe, il y a elles. Le plus gros soutien affectif et moral, c’est encore elles. » Mais alors, pourquoi faire de tels sacrifices ? Pourquoi partir ? Pour trouver une sérénité jamais connue ? « Pour me connecter aux émotions les plus pures : le manque, l’amour, la difficulté physique… C’est cela qui me permet de faire des choix différents d’une année sur l’autre concernant ma famille, mes enfants, mon entourage, etc. C’est très important. C’est une dimension que Matthieu n’a pas encore. C’est la première fois qu’il part depuis la naissance de son fils. C’est très éprouvant. On part pendant longtemps encore, et on est là pour s’entraider aussi à traverser tous ces moments dans la solitude. Car on est seuls même si on est deux. » Sur les 135 jours d’expédition, ils seront accompagnés 35 jours par un vidéaste. « La dimension du film, c’est pour apporter une légitimité, et un statut en tant que sportif de haut niveau… » En effet, l’autre enjeu du duo, aussi grand que ce défi personnel de sept ans autour du monde, est que l’exploration soit un jour reconnue comme une discipline de sport extrême. Ils souffrent de toutes les contraintes de grands sportifs, sans l’avantage d’avoir un sponsor à l’année, et pas seulement pour la durée des aventures. « Aujourd’hui, on paye nos expéditions, on ne se paye pas nous. Mais pour que ça marche, il faut qu’on soit considérés comme de vrais sportifs, il faut la jouer à 100 %. C’est un travail sérieux, ce n’est pas un loisir. »

icarus-project.com   61


L’aidante de la mer Ado, ses animaux préférés ont commencé à disparaître des océans. Aujourd’hui, ­MADISON STEWART parvient à convaincre des pêcheurs qui décimaient les requins de protéger les squales. Pour leur bien-être commun. Texte LOU BOYD


PERRIN JAMES

L’Australienne Madison Stewart, défenseure de l’environnement, a reconverti des pêcheurs de requins en guides qui la soutiennent aujourd’hui dans son combat contre la disparition de ces animaux fascinants.

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« La première fois que j’ai vu de près un requin de l’espèce avec laquelle j’avais toujours rêvé de nager, c’était sur l’étal du marché. Il était mort. »

C

hacun a un endroit bien à lui où il peut se ressourcer. Une maison, une ville ou un pays. Pour l’environnementaliste Madison Stewart, cet endroit, ce sont les fonds-marins – et la compagnie des requins. « Je ne sais pas quand a débuté cet amour pour l’océan, dit-elle. Je savoure simplement la liberté de nager avec ces animaux fascinants. » Depuis qu’elle est toute petite, elle a toujours été encouragée par ses parents à explorer la nature. « C’est mon père qui m’a initiée si tôt à la plongée. Il a décidé de me scolariser à domicile pour pouvoir m’emmener plonger plus souvent. » Un jour – Madison n’avait que quatorze ans – ils prévoyaient d’observer un grand groupe de requins le long de la Grande Barrière de Corail, comme ils l’avaient souvent fait. Mais pas la moindre trace des squales. Des années plus tard, elle fait le lien : « Mon amour des requins s’est enflammé au moment où ils ont progressivement commencé à disparaître. » La pêche aux requins a augmenté de façon exponentielle au cours des dernières décennies. Si cela ne change pas, d’après l’estimation de défenseurs de la vie marine, un grand nombre d’espèces disparaîtra à jamais d’ici trente ans. D’après le World Wide Fund for Nature, presque quarante espèces de requins sont menacées par la surpêche, un quart d’entre elles sont même en danger d’extinction. En revanche, dans les médias, les requins

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continuent d’être présentés comme des animaux marins dangereux et non pas en danger eux-mêmes. Pourtant, tous les ans, jusqu’à cent millions de requins sont tués par l’Homme – soit par prise accessoire (capturés accidentellement lors de la pêche d’autres poissons et animaux marins), soit parce qu’on leur coupe illégalement les ailerons avant de les rejeter dans la mer pour mourir. Malgré l’interdiction de plusieurs pays de posséder ou de vendre des requins, on trouve toujours de la soupe aux ailerons de requin et de la viande de requin dans les restaurants et les marchés de Chine et du Vietnam. D’après Stewart, cela doit impérativement changer. À 26 ans, elle a vu trop de requins morts. « Même si ce que je vois est horrible, on finit par s’habituer. Au début, je pleurais. Maintenant, ça m’attriste, mais je ne verse plus de larmes. La première fois que j’ai vu de près un requin de l’espèce avec laquelle j’avais toujours rêvé de nager, c’était sur l’étal du marché. Il était mort. C’était très dur. » Après des années d’engagement et d’activisme – Stewart a été élue Young Conservationist of the Year (trad. jeune défenseure de l’environnement de l’année) par l’Australian Geographic Society – elle a dû admettre que son combat semblait vain. Non seulement elle, mais le monde entier était las de voir des requins morts. Il fallait trouver de nouvelles voies pour arrêter cette folie. ­L’organisation qu’elle a fondée il y a trois ans, Project Hiu (« hiu » signifie requin en indonésien), combat le commerce de THE RED BULLETIN


KARINA HOLDEN

Comme un poisson dans l’eau : lorsqu’elle fait de la plongée aux côtés de requins impressionnants, Madison Stewart, 26 ans, se sent parfaitement à l’aise.

La tragédie des squales étalés aux pieds de Madison Stewart, lors de sa ­visite de l’île ­indonésienne de Lombok, haut-lieu de la pêche illégale aux requins. THE RED BULLETIN

requins à la source, grâce à une méthode surprenante, qui elle-même a connu un succès tout aussi surprenant. Car au lieu de condamner les pêcheurs d’un village sur la côte de l’île indonésienne de ­Lombok, Project Hiu les a invités à collaborer de manière cordiale. « Les protecteurs de l’environnement connaissent très bien cette île. Ils la détestent. On tombe sur des requins tués à chaque coin de rue. Au bout d’un moment, j’en ai eu assez de faire des photos puis de disparaître. J’ai donc décidé de suivre une nouvelle voie. » Dans un premier temps, Madison Stewart est retournée dans le village avec des amis et a rencontré le pêcheur Odi. « Le lendemain, il est venu faire de la plongée avec nous. C’est là que nous avons réalisé à quel point la région était belle. Odi nous a parlé de la pêche : elle   65


lui rapportait tellement peu qu’il était obligé de quitter sa famille des jours durant, pour ne revenir qu’avec une prise qui suffisait tout juste à couvrir le strict nécessaire. Je me suis dit que si nous trouvions une alternative à la pêche au requin, nous pourrions aider les pêcheurs. C’est ainsi qu’est né Project Hiu. » Une idée folle si l’on considère que l’industrie de la pêche au requin est la source de revenu majeure des familles de l’île depuis plusieurs générations – un grand nombre des habitants de Lombok dépendant entièrement de ses recettes. Qui serait prêt à perdre son travail parce qu’une jeune fille prétend que tuer des requins, c’est mal ? La jeune Australienne savait que Project Hiu ne pourrait fonctionner que s’il apportait aux pêcheurs une alternative viable.

S

tewart, se remémorant son arrivée à Lombok, se tourna vers le tourisme. « Tant les pêcheurs que les défenseurs de l’environnement doivent interchanger leur vision des choses. Il est primordial qu’ils comprennent le point de vue de l’autre. Il est important de montrer que les hommes ne tuent pas les requins par haine, mais par manque d’options. » Le projet propose à des groupes de dix visiteurs maximum d’explorer l’habitat des requins dans trois à quatre barques de pêcheurs. « En reconvertissant les pêcheurs de requins en guides touristiques, nous empêchons que les bateaux ne partent à la pêche, et protégeons les requins, explique Stewart. Project Hiu s’attache à croire que seuls les hommes ayant été élevés à tuer les requins sont en mesure de les sauver. » Pour l’instant Project Hiu ne fait que de petites vagues et Stewart se sent parfois isolée. Mais elle sait que son idée peut engendrer un changement de perspectives pour de nombreuses personnes à travers le monde. « Je collabore avec la commune et voudrais investir plus d’argent (provenant des visiteurs de Lombok, ndlr) dans le système scolaire, développe-t-elle. Pour moi, le succès le plus important des dernières années est le nombre de touristes qui ont participé à nos voyages, et la manière dont les autochtones les ont accueillis. Ils sont témoins du massacre en voyant tous ces requins morts ; et en montant sur un bateau le lendemain, ils savent qu’ils sont en train de sauver des squales. Chaque participant veut contribuer au changement. » 66

« Nous reconvertissons les pêcheurs de requins en guides touristiques, ainsi leurs bateaux ne sont plus utilisés pour la pêche illicite. »


PERRIN JAMES

La probabilité d’être frappé par la foudre est plus grande que celle de se faire attaquer par un requin.


E

n neuf ans, de ses plongées avec son père sur la Grande Barrière jusqu’à la direction d’une organisation de militants écologistes très présente sur la scène médiatique, Madison Stewart a fait du chemin et a dû renoncer à beaucoup de choses. « Si cela ne tenait qu’à moi, j’aurais gardé mon monde sous-marin secret. Mais l’industrie et certains gouvernements ont créé un vide entre l’océan et les hommes, et ils en profitent. Ils se servent comme ils veulent. Je suis obligée de réagir. » D’après elle, ceux qui partagent ses idées et veulent protéger la faune maritime n’ont pas besoin de venir sur les côtes. « J’ai des followers sur Instagram qui pensent devoir venir nager avec des requins pour les sauver. Ce n’est pas nécessaire. L’océan, l’environnement, est influencé par nous en tant que personne, où que nous soyons. » Alors comment contribuer à sauvegarder les espèces et à préserver la planète ? « On trouve de l’huile de foie de requin dans des compléments alimentaires, et on peut acheter des os de requin. Il y a du requin dans les friandises pour ani68

« La seule erreur que l’on puisse commettre, c’est de ne rien faire. »

maux domestiques, de l’huile de foie de requin dans des p ­ roduits cosmétiques et la soupe aux ailerons de requin est un plat proposé dans tous les quartiers chinois du monde. Il s’agit donc tout simplement de devenir des consommateurs responsables, qui remettent en cause ce qui nuit aux océans, et plus ­largement à l’environnement. » Sauver l’océan et ses habitants seraitil une mission impossible ? L’ampleur de la tâche est titanesque. Avons-nous déjà atteint le point de non-retour ? « À vrai dire, je n’en sais rien, confie Madison Stewart. Lorsque j’étais plus jeune, je savais que je ne pourrais pas empêcher la pêche aux requins, mais j’ai continué à me battre – par principe. Aujourd’hui, je constate que les habitants de Lombok ont trouvé un nouveau sens à leur vie, et qu’ils peuvent dédier plus de temps à leurs familles. Parallèlement à cela, l’océan à cet endroit se repeuple de requins petit à petit. La seule erreur que l’on puisse commettre, c’est de ne rien faire. Car cela signifierait que l’on a baissé les bras avant d’avoir donné le maximum. » projecthiu.com THE RED BULLETIN

PERRIN JAMES, KARINA HOLDEN

Stewart agit devant et derrière la caméra afin d’attirer l’attention sur la crise des squales. Les films Blue (2017) et Sharkwater Extinction (2018) sont disponibles en DVD et en streaming.


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Kyle Kotowick, membre du Team Rubicon Canada, participe aux efforts de secours au ­Mozambique après le cyclone Idai en mars 2019.

Une équipe de secours parmi les plus réactives de la planète, le TEAM RUBICON se rend dans les zones à risques à travers le monde afin d’aider les personnes les plus vulnérables. Des vétérans de l’armée sont à l’origine de sa création. 70

THE RED BULLETIN


TEAM RUBICON

Les experts du CHAOS

THE RED BULLETIN

Texte TOM WARD   71


Dans la capitale haïtienne, Port-auPrince, 25 km au nord-est de l’épicentre, les gens vaquaient à leurs occupations. Soudain, le sol s’est mis à trembler, les bâtiments se sont fissurés jusqu’à leurs fondations et le monde entier n’a plus été le même. Lorsque le séisme de magnitude 7 a cessé, près de 300 000 bâtiments s’étaient effondrés ou avaient été gravement endommagés. Une catastrophe qui, selon diverses estimations gouvernementales, a fait entre 230 000 et 316 000 victimes. Parmi les milliers de morts, du personnel d’ambassade, l’archevêque de Port-au-Prince et 32 membres de la Fédération haïtienne de football. Plus un million et demi de personnes qui se sont retrouvées sans abri, incluant le président René Préval dont la maison et le palais présidentiel ont été détruits. Dans les nuits qui ont suivi le séisme, de nombreux Haïtiens ont dormi dans leurs ­voitures, sous des portails et dans des bidonvilles de fortune. Le 14 janvier, les morgues de la ville étaient pleines et de nombreux corps ont donc été abandonnés dans les rues pendant que les équipes transportaient des milliers de cadavres vers les fosses communes. Pendant ce temps, les milliers de corps qui n’avaient pas été retrouvés 72

ALAMY

LE 12 JANVIER 2010 À 16 H 53, UN TREMBLEMENT DE TERRE FRAPPAIT L’ÎLE D’HISPANIOLA.

parmi les décombres ont commencé à se décomposer sous l’effet de la chaleur et de l’humidité. Avec cinq hôpitaux détruits ou endommagés à Port-au-Prince et des routes bloquées par les débris, la situation dans ce pays, le plus pauvre de l’hémisphère occidental, était désespérée. Alors que la communauté internationale organisait des opérations de secours, l’ancien marine américain Jake Wood regardait les événements aux informations. Après un séjour de quatre ans au Moyen-Orient à son actif, incluant des missions anti-insurrectionnelles dans la province d’Al-Anbâr en Irak et huit mois au sein d’une équipe de snipers en Afghanistan, il s’est senti obligé d’apporter son aide. Wood avait quitté l’armée quelque soixante jours auparavant, il était donc en forme, avait l’expérience des opérations dans des pays fragilisés et possédait de nombreuses compétences transférables. Wood, alors âgé de 27 ans, a appelé une organisation locale de secours en cas de catastrophe pour offrir ses services mais on l’a remercié. Déterminé à se rendre en Haïti par ses propres moyens, il a mis une annonce sur Facebook, demandant si quelqu’un voulait se joindre à lui. L’ancien officier de renseignement de la Marine William McNulty, 33 ans et l’ami d’un ami, a répondu à l’appel. Les deux hommes se sont envolés pour la République dominicaine (le pays limitrophe d’Haïti sur l’île d’Hispaniola) où ils ont rencontré un autre marine et camarade de Wood qui s’y trouvait à titre de pompier. En route, ils ont rencontré un ancien infirmier des forces spéciales et deux médecins, dont l’un était un vétéran de la guerre du Vietnam. Le groupe hétéroclite s’est posé à la capitale dominicaine, Saint-Domingue, et a été transféré à la frontière haïtienne qu’il a atteinte quatre jours après le séisme.

THE RED BULLETIN


Le tremblement de terre de 2010 en Haïti a détruit 300 000 bâtiments, tué 316 000 personnes et fait de nombreux sans-abri. THE RED BULLETIN

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Dans le sens de l’horloge, en haut à gauche : le vétéran britannique Matt Fisher aide à la reconstruction au Népal ; l’entrepôt de l’organisation ; un médecin du Team Rubicon au Mozambique pour l’opération Macuti Light ; planification des secours dans les îles Mariannes du Nord touchées par un typhon en 2018.

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THE RED BULLETIN


TEAM RUBICON (3), GETTY IMAGES (1)

RIEN QU’EN 2019, TEAM RUBICON A RÉAGI À 310 ­CATASTROPHES DANS LE MONDE ENTIER, DES ­BAHAMAS AU YORKSHIRE.

THE RED BULLETIN

« C’était le chaos complet, se souvient Wood. Il y avait un nuage de poussière dans l’air provenant des décombres. Les gens creusaient pour trouver des survivants. Il n’y avait pas assez de travailleurs humanitaires sur toute la planète pour répondre adéquatement aux besoins là-bas. » Déterminée à faire ses preuves et à aider le plus grand nombre de personnes possible, l’équipe de Wood a entrepris d’emmener des médecins et du personnel infirmier dans les zones les plus touchées, de mettre en place des cliniques de triage mobiles et d’amener les patients en état critique à l’hôpital. « Les organisations se concentrent généralement sur les hôpitaux et la mise en place de cliniques fixes, dit Wood, mais souvent les véhicules des gens sont détruits, ou alors ceux-ci hésitent à quitter leur maison à cause des pillards. La moitié des personnes que nous traitions avaient subi d’horribles blessures suite aux écroulements et ne pouvaient se rendre à l’hôpital à pied. Nous nous sommes rendus dans ces quartiers de la ville et avons soigné les gens sur place. » Le 23 janvier, onze jours seulement après le séisme, le gouvernement haïtien a déclaré la fin de la phase de recherche et de sauvetage de l’opération de secours. Mais l’équipe de Jake Wood allait rester vingt jours supplémentaires sur place, ne quittant les lieux (ou ce qu’il en restait) que lorsqu’il devint évident que d’autres agences étaient mieux équipées pour faire face aux retombées à plus long terme.

FRAPPEZ LES CATASTROPHES D’UN COUP DANS LES GENCIVES

L’expérience de Wood et McNulty leur a insufflé la détermination de continuer à aider les personnes vulnérables et c’est ainsi que le Team Rubicon a été créé. Si cette opération de secours leur avait appris une chose, c’est qu’en tant que vétérans de l’armée, ils avaient beaucoup à offrir. Au cours des années qui se sont écoulées depuis Haïti, Team Rubicon a gagné en importance. Rien qu’en 2019, l’organisation a répondu à 310 catastrophes à travers le monde, des Bahamas au Mozambique, de l’Indonésie au Yorkshire. Aujourd’hui, son personnel, que Team Rubicon recrute avec humour (« Inscrivez-vous. Formezvous. Frappez les catastrophes d’un coup dans les gencives »), est passé à environ 105 000 volontaires. 75 % d’entre eux sont soit des vétérans de l’armée, soit encore en service actif, et 20 % sont des pompiers, des médecins ou des professionnels de l’application des lois. Il a fallu du temps pour faire grandir l’organisation et prouver qu’elle était digne d’un soutien (Carhartt, Bank of America et Microsoft figurent aujourd’hui parmi ses sponsors). L’ouragan Sandy, la catastrophe de 2012 qui a coûté la vie à 223 personnes et causé plus de 70 milliards de dollars de dommages aux Bahamas, aux Grandes Antilles, aux États-Unis et au Canada, a joué un rôle non négligeable dans l’évolution du Team Rubicon. L’équipe s’est mise au travail dans l’une des zones les plus touchées, la ville de New York, une métropole riche dont l’image contraste fortement avec Haïti. « Nous avons dormi dans un entrepôt à Brooklyn, explique Wood. Nous pouvions marcher dans la rue couverts de boue et prendre une bière fraîche. C’était comme si aucun ouragan n’était passé par là. » Malgré le confort, Team Rubicon a tenu à aider les citoyens les plus exposés de la ville. « Il y avait de nombreux pompiers et policiers dans la zone où nous travaillions, dit Wood. Des gens qui devaient revêtir leur ­uniforme tous les jours afin d’aider d’autres personnes alors que leur propre maison pourrissait. » En nettoyant leurs maisons, l’équipe de Wood les a un peu payés en retour.   75


Un « tee-shirt gris » relève les dommages de l’ouragan Dorian aux Bahamas en septembre dernier (en haut). Des bénévoles secourent une survivante de l’ouragan Harvey qui a provoqué de terribles inondations au Texas et en Louisiane en août 2017 (ci-dessus). Soutien dans les îles Mariannes du Nord (ci-contre).

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THE RED BULLETIN


TEAM RUBICON

« LA GRATITUDE MANIFESTÉE PAR LES SURVIVANTS EST ÉNORME. »

Le désir du Team Rubicon d’aider les plus démunis est naturel. « Nous dirigeons toujours notre aide vers les personnes les plus vulnérables, et cela ne signifie pas nécessairement à l’endroit où se trouvent les dégâts les plus importants, explique Wood. Nous allons, une rue à la fois, en faisant la liste des destructions. Ces informations sont ensuite cartographiées et combinées avec des ensembles de données tels que l’indice de vulnérabilité sociale, les niveaux des plaines inondables, les niveaux de criminalité – toutes les informations démographiques que nous pouvons obtenir. À partir de là, nous déterminons qui sont les personnes les plus vulnérables. » Si Sandy est l’événement qui a attiré l’attention sur le Team Rubicon, l’ouragan Harvey de 2017 a mis ses capacités à l’épreuve. Lorsque Harvey a frappé Houston, l’équipe a déployé plus de deux mille volontaires à partir de neuf bases d’opérations avancées couvrant un peu plus de 300 km. Pour son intervention, l’équipe a acheté ses propres bateaux et les a envoyés repêcher les survivants qui étaient à l’eau. Avec son opération de ­sauvetage et de nettoyage, ils ont réussi à ramener plus de 1 000 familles dans leurs foyers. Puis, en 2019, l’ouragan Dorian frappe les Bahamas, devenant l’un des plus puissants jamais enregistrés dans l’océan Atlantique, avec des vents culminant à 300 km/h. Le team s’est déployé sur les îles le lendemain du passage de la tempête. « Cela ressemblait à un désert nucléaire, dit Wood. Tous les arbres ont été étêtés jusqu’à environ 2,4 mètres du sol et les troncs étaient tous pliés dans la même direction, comme si une explosion nucléaire avait eu lieu. » THE RED BULLETIN

RECONSTRUIRE MAISONS ET VIES

En pénétrant dans la réception du centre national des opérations du Team Rubicon à Grand Prairie au Texas, nous tombons sur des photos des employés et bénévoles les plus méritants du dernier trimestre, dont celle de William « TJ » Porter, directeur adjoint du soutien opérationnel. Après une carrière de treize ans dans l’armée, puis comme officier de police, Porter a rejoint Team Rubicon en 2012 et a depuis été déployé à la suite de nombreuses tornades, incendies de forêts, etc. « Team Rubicon se distingue [des autres organisations de secours] de deux façons, explique-t-il. Nous pouvons soit faire partie de l’intervention en faisant tout, de la recherche et du sauvetage à l’abattage des arbres et à l’ouverture des routes, soit fournir une assistance directe aux survivants. » Cette assistance consiste généralement à aider ceux dont la couverture de l’assurance est insuffisante (ou ceux qui n’en ont pas du tout) à retourner chez eux. Team Rubicon vide la maison puis pose un nouveau revêtement de sol et des murs secs – une initiative qui a déclenché un programme de reconstruction à long terme à Houston. Cette aide est l’un des aspects les plus gratifiants de ce travail, explique Porter. « Quand quelque chose comme l’ouragan Harvey survient, les gens ne savent pas vers qui se tourner. Nous les amenons au point où ils ont une maison stable pour y vivre. La gratitude manifestée par les survivants est énorme. Voir quelqu’un passer

d’un état de choc, le regard hagard, à la réalisation que : «Hé, au moins j’ai maintenant quelque chose, et je peux partir de là» est vraiment enivrant. » Le bureau texan de l’équipe est l’un des trois bureaux aux États-Unis qui accueillent un total de 150 personnes à temps plein. Située à une courte distance en voiture de Dallas, la base a été choisie pour sa situation centrale et sa proximité avec deux aéroports internationaux. Team Rubicon s’est installé ici au début de 2016 et compte aujourd’hui 29 employés dans les bureaux. Pas de décoration ici : on dirait qu’ils sont arrivés un jour, il y a quatre ans, qu’ils ont déposé leurs affaires et se sont immédiatement mis au travail. C’est à partir de ce bureau que toutes les opérations sont organisées, incluant le transport, la logistique, la direction sur le terrain et la mobilisation. Team Rubicon opère au niveau national et international, avec Adam Martin, Lauren Vatier et Jacqueline Pherigo – des associés à la planification des opérations -, qui passent quotidiennement à travers les sources d’information pour suivre l’évolution de la situation. En cas de catastrophe, la question est de savoir si le Team Rubicon a les capacités et les ressources nécessaires pour soutenir une autre opération en plus de celles déjà en cours. « Quand nous avons des volontaires déjà déployés en mission sur le terrain, la priorité est de nous occuper d’eux, qu’il s’agisse de petites opérations localisées ou de volontaires se dirigeant

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ILLUSTRATOR EDITOR

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THE RED BULLETIN

XX

L’opération Hard Hustle déblaie les débris laissés par l’ouragan Harvey au Texas en 2017 (en haut). De la gratitude envers l’équipe d’urgence qui a sauvé des vies et reconstruit des communautés (ci-dessus). Erin Noste, directeur médical adjoint de Team Rubicon, soigne un patient au Mozambique (ci-contre).


ILLUSTRATOR TEAM XX RUBICON EDITOR

vers une intervention internationale, explique Martin. Que devons-nous faire pour les soutenir ? De quoi ont-ils besoin aujourd’hui ? » Cela implique notamment d’établir des contacts avec d’autres organisations pour déterminer quelle intervention est en cours ailleurs et comment Team Rubicon peut mieux la soutenir, dit Vatier. Parfois, la demande d’aide provient d’agences extérieures telles que l’Organisation mondiale de la santé (OMS). C’est une source de fierté qu’après un processus rigoureux de 18 mois, Team Rubicon ait été la première ONG en Amérique du Nord à être certifiée par l’OMS en tant qu’équipe médicale mobile d’urgence – « un titre de compétence difficile à obtenir », précise Porter. Cela signifie qu’elle répond à des normes rigoureuses pour le déploiement d’unités dans des environnements éloignés ou rudes et pour le maintien de son autonomie pendant sept jours. Au fond des bureaux se trouve un grand entrepôt – un véritable fantasme de survivaliste - rempli de tout, des scies à chaîne aux lits pliants en passant par les tech boxes. Chacune de celles-ci contient trois ordinateurs portables, cinq iPhones, un connecteur, un routeur et plus encore, ce qui permet à chaque équipe de rester connectée même dans les zones les plus reculées. Grâce à cet équipement, l’équipe peut également consulter un médecin à distance qui peut intervenir et donner des conseils lorsque le personnel médical sur le terrain est peu nombreux. Bien entendu, on retrouve aussi en abondance des médicaments pour les soins préhospitaliers comme dans le cas de coupures, de fractures et de tétanos, ainsi que des conteneurs en plastique remplis de packs médicaux avec tout le nécessaire, des tentes aux systèmes de purification d’eau. « La plupart du temps, en mission, nous nous retrouvons face à des gens qui n’ont pas accès à des soins de santé, explique Porter. Nous avons dû faire face à des blessures infectées. Nous devons être prêts à soigner temporairement un os cassé. Il peut s’agir de malnutrition ou d’un manque d’accès à l’eau potable, alors nous avons aussi des antibiotiques. » Le centre d’opérations abrite également un impressionnant gymnase THE RED BULLETIN

« LORSQUE TOUT SOMBRE DANS LE CHAOS, LES GENS ONT BESOIN DE SE RASSEMBLER. » équipé de matériel de TRX (entraînement à la résistance du corps), de bancs d’entraînement et de barres de traction ; il est essentiel que l’équipe puisse tenir bon dans les endroits éloignés. « La forme physique est importante pour nous, déclare Porter. Les zones dans lesquelles nous travaillons sont généralement très chaudes et humides. Souvent, vous devrez faire jusqu’à 16 km de marche avec ces sacs à dos. Vous devez être capable de fonctionner sans affecter l’équipe. »

LE SCEAU DE L’OPTIMISME

Lors de la visite de The Red Bulletin début décembre 2019, Team Rubicon venait tout juste de déployer une unité aux îles Marshall dans le Pacifique central afin de lutter contre l’épidémie de dengue qui sévit actuellement et recherchait également parmi sa base de volontaires des fournisseurs de

services médicaux pouvant se rendre aux Samoa sur ordre de l’OMS pour aider à lutter contre une épidémie de rougeole. L’organisation a également été en première ligne lors des incendies de forêt en Australie, et ailleurs. « Au cours des quatre derniers mois, nous avons mené plus d’opérations qu’au cours des trois années précédentes », déclare Geoff Evans, le chef de Team Rubicon Australia. L’équipe attend maintenant le feu vert pour se déployer dans le Victoria et le sud de la Nouvelle-Galles du Sud, où les incendies font toujours rage. En Australie, le défi consistera à maintenir le soutien sur le terrain dans les trois zones d’opération, ainsi qu’à gérer l’impact psychologique subi par les propriétaires, dont beaucoup, selon Evans, ont « perdu tout espoir ». Malgré cela, de l’Australie à Dallas, la philosophie de l’entreprise est marquée du sceau de l’optimisme, de l’espoir au milieu du chaos. Porter se rappelle une mission à Moore, dans l’Oklahoma, à la suite de la tornade de 2013 : « Il y avait cet arbre au bout d’une impasse. La tornade est passée par là et a arraché toutes ses feuilles. Il ne restait que le tronc et les branches. Mais quelqu’un a cloué un drapeau américain à l’arbre qui est devenu un point central. Lorsque tout sombre dans le chaos, les gens ont besoin de se rassembler. »

teamrubiconglobal.org   79


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Épreuve de fond Cette compétition d’endurance est parmi les plus rudes. Triple vainqueur de l’ÖTILLÖ, Jonas Colting livre son attrait quasi masochiste pour la course.

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nète, du Brésil à l’Australie. Chaussures de course, combinaison en néoprène et lunettes constituent l’essentiel de l’équipement requis. Les vétérans comme moi se munissent aussi de pagaies à main pour faciliter la progression dans l’eau, de manchons pour prévenir les crampes et accroître la flottabilité, et d’une combinaison de plongée. Le principe de la course est simple, courir, nager, courir, nager, sauf que cela tourne à la torture. La première traversée est la plus longue (1,75 km), suivie de cross assassins sur 24 îles minées de rochers glissants. Le cross le plus long (19,7 km) a lieu à mi-parcours, étape fatale pour nombre de participants. Se focaliser uniquement sur la section en cours et celle qui suit est essentiel. Anticiper davantage mène à l’échec. Les transitions entre terre et mer exigent une grande concentration pour ne pas laisser échapper de précieuses secondes. Pour ce faire, les concurrents enfilent combi-

Suède Stockholm Sandhamn

S’y rendre L’aéroport international le plus proche du site de la course est l’aéroport Arlanda de Stockholm. De là, un ferry au départ du pont Klarabergsviadukten près de la gare de Stockholm, vous acheminera à Sandhamn sur Gotska Sandön (île de sable en suédois), point de départ de la course.

FLORIAN STURM

l est près de six heures du matin. ­L’horizon dissimule encore le soleil et l’air est glacé. Pourtant, quelque 400 hommes et femmes se pressent sur la ligne de départ. Ils s’étirent, s’échauffent et se concentrent pour rassembler toutes leurs forces. Ils en auront besoin. Ils s’apprêtent à vivre une épreuve d’endurance hors du commun : le Championnat du monde de swimrun d’Ötillö. Certains mettront plus de 13 heures avant de franchir la ligne d’arrivée, exténués. Pas de quoi entamer leur hâte à plonger dans la mer Baltique. Il est six heures précises, le coup d’envoi retentit. Les voilà partis. L’histoire commence dans un bar en 2002. Quatre hommes — deux frères du coin, un aubergiste et son ami — font le pari de créer une épreuve en équipe, combinant course à pied et nage en eau libre à travers l’archipel de Stockholm — le deuxième groupe d’îles de la mer Baltique par la taille. Quatre ans plus tard, la première édition de swimrun voit le jour. Le pari fou est gagné. Dérivé du suédois ö till ö signifiant « d’île à île », l’Ötillö a pour règle clé la distance entre les deux coéquipiers. Celle-ci ne doit pas excéder 15 mètres. L’itinéraire long de 74,68 km dont 65 km de course à pied et près de 9,5 km de nage, traverse 24 îles, de Gotska Sandön au nord à Utö au sud. Le triathlonien passionné que je suis (Colting est détenteur de six médailles aux championnats du monde et d’Europe, ndlr) est de tous les départs. Je suis à ce jour le seul à avoir participé à toutes les éditions de l’Ötillö. À ses débuts, l’Ötillö suscite peu d’intérêt. Personne ne sait comment s’y préparer et les règles sont variables. Une faiblesse dont profite sans vergogne un duo néerlandais qui utilise des matelas gonflables pour les sections en mer, alors que le reste des concurrents s’efforce de nager dans une mer Baltique houleuse. Les règles sont depuis plus strictes. Si l’Ötillö demeure sans doute le plus difficile swimrun au monde, cette discipline se pratique aujourd’hui sur toute la pla-

JAKOB EDHOLM, PIERRE MANGEZ

I

THE RED BULLETIN


Le syndrome de Stockholm L’épreuve qui vous attend (si vous osez) en chiffres Distance totale : 74,68 km Course à pied : 65,135 km Natation : 9,545 km Étapes de natation : 23 Nage la plus longue : 1,750 km Cross le plus long : 19,7 km

Départ

Arrivée

THE RED BULLETIN

10 km

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PERSPECTIVES voyage

D’île à île : rochers glissants, cross éprouvants et mains gelées sont quelques-unes des « réjouissances » qui attendent les concurrents entre Gotska Sandön, au nord de l’archipel et l’île de Utö, au sud.

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Best of du pire Colting sur ses hantises et les faits marquants de l’Ötillö Munkö : l’île terrible (course de 2 450 mètres) « Mon cauchemar de l’année. La course à pied y est quasi impossible. Rochers pointus et glissants, troncs d’arbres morts et ronces parsèment l’île. L’enfer. » Nämdö : point de passage (course de 8 300 mètres) « Le point de ravitaillement s’écarte de l’itinéraire de 500 m. Un aller-retour dont on se passerait. Mais c’est la seule des 24 îles où vous croisez brièvement d’autres équipes. Ça motive. »

Leaders : en catégorie femme, les Suédoises Fanny ­Danck­wardt et Desirée Andersson, de l’équipe Envol, ­remportent la dernière édition en 9 h 5 min 29 sec.

Utö : l’ultime étape (course de 3 650 mètres) « L’idée d’arriver au bout de la torture déclenche une forte poussée d’adrénaline. Vous sortez de l’eau, passez par-dessus les rochers et filez sur une piste de gravier en guise de tour d’honneur jusqu’à l’arrivée. » THE RED BULLETIN

JAKOB EDHOLM

naison, bonnet, lunettes et pagaies en courant, car il faut avancer. De 2008 à 2010, mon partenaire de l’époque et moi remportons les trois éditions d’affilée. En 2011, nous sommes en tête durant une grande partie de la course, mais ce coéquipier tombe malade et nous sommes contraints à l’abandon. Ma première victoire reste la plus belle, celle de 2010 la plus étrange. Lors de cette dernière, nous atteignons l’île où a lieu le cross le plus long avec plus de vingt minutes d’avance sur nos poursuivants. Dans les bois, des enfants ont arraché les panneaux de direction. Résultat : nous nous égarons et nous retrouvons cinq minutes derrière ces mêmes poursuivants. Cela nous motive et nous finissons premiers avec trois minutes d’avance. Aujourd’hui, je prends le départ avec ma femme, Elin. Je connais l’itinéraire par cœur, mais je ne vise plus de record personnel. C’est une journée idéale au grand air, mais où l’on va tout donner. otilloswimrun.com


HORS DU COMMUN Retrouvez votre prochain numéro le 28 mai avec et le 29 mai avec dans une sélection de points de vente et en abonnement. JAANUS REE / RED BULL CONTENT POOL


PERSPECTIVES fitness

La réduction de pression en bas de la jambe maximise la récupération entre deux cycles.

SE REMETTRE

Régénérateur de corps Un kinésithérapeute portable qui vous soigne après l’entraînement. Magique !

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Les sciences du sport ont un nouveau maître mot : le repos. Si la performance est l’affaire de l’entraînement, l’on sait à présent que l’organisme se renforce en phase de récupération. Celle-ci régénère les tissus, élimine les déchets métaboliques et reconstitue l’énergie naturelle comme le glycogène. Les compétitions sportives intenses, telles que le triathlon et l’ultrafond, ­disposent désormais d’une « zone de récupération » où l’on peut croiser des athlètes équipés d’un NormaTec Pulse 2.0 Recovery. Ce dispositif de récupération par compression pneumatique cible trois parties du corps : les bras, les hanches

et les jambes. La troisième est la plus populaire. Dans un ­premier temps, les bottes de compression reliées à un compresseur d’air se gonflent pour envelopper les jambes, puis exercent une compression progressive des pieds aux cuisses en effectuant un massage intense par impulsions. Résultat : le flux sanguin s’accélère, les muscles sont oxygénés, récupération plus rapide et la douleur due à

Personnalisez votre ­récupération depuis votre téléphone.

l­’effort se dissipe. Outre la capacité de cibler des zones spécifiques, l’unité de contrôle régule le niveau de compression dont la puissance égale celle d’un boa constricteur. L’appareil est rechargeable et peut donc s’utiliser partout. À l’origine, le système n’est pas conçu pour les athlètes. En 1998, Laura P. Jacobs, médecin à Boston, ingénieure biomédicale et fondatrice de Normatec, travaille à un traitement non-invasif de patients sujets aux caillots sanguins ou aux troubles de la circulation. Mais sa technologie à impulsion séquentielle brevetée suscite rapidement l’intérêt de sportifs célèbres cherchant à accélérer leur temps de récupération. Aujourd’hui, les footballeurs Gareth Bale et Paul Pogba, la légende de la NBA LeBron James et le double champion du monde de boxe poids lourd Anthony Joshua l’ont tous adoptée. L’ex-­ champion du monde d’escrime Miles Chamley-­Watson découvre ses remarquables vertus lors des Jeux de Rio, en 2016. « Au début, j’étais sceptique, mais ce truc est incroyable, confie l’athlète de 30 ans. J’ai besoin de vite récupérer après une période d’efforts intenses, et cet appareil rend cela p ­ ossible. » Cette année-là, il repart de Rio avec la médaille de bronze ; et grâce à son ­NormaTec Pulse Pro 2.0, il compte bien viser plus haut, et ce dès cet été.

normatecrecovery.com THE RED BULLETIN

FLORIAN STURM

L’impulsion séquentielle part de la zone 1 (pieds) et va vers la cuisse.

La progression atteint les cuisses tandis que les deux dernières zones restent sous compression.

TOM MACKINGER

Les pulsations imitent le flux unidirectionnel des veines et des vaisseaux lymphatiques

Au départ destiné à des ­patients, le dispositif est leader en ­matière de récupération sportive.


PERSPECTIVES équipement

RÉGÉNÉRER

Pilonner la douleur

TOM GUISE

Hypervolt Plus 2011, un an après avoir fondé son entreprise de thérapie sportive Hyperice, Anthony Katz lance une campagne inédite : il se rend sur des événements sportifs et offre aux athlètes célèbres de tester ses produits. L’attaquant de Chelsea Olivier Giroud ou encore les légendes de la NBA Kobe Bryant et LeBron James approuvent. Pour Katz, les performances de haut niveau ne sont pas le fruit des seuls entraînements ; la récupération est THE RED BULLETIN

tout aussi cruciale. Sa ­dernière invention incarne cette vision : un pistolet d’automassage qui traite les tissus profonds pour hâter l’échauffement et la récupération. L’Hypervolt Plus inclut 5 accessoires — balle, tête plate, tête arrondie, fourchette et coussin — adaptés à chaque groupe musculaire. 30 % plus puissant que la version précédente, il agit en silence (du coup, vos cris deviennent audibles). hyperice.com   87


PERSPECTIVES équipement

SE CHAUSSER

D’un pas très assuré Danner Arctic 600 Side-Zip Il y a près d’un siècle, dans la région sauvage du Nord-Ouest Pacifique aux USA, Charles Danner fabrique pour la première fois des chaussures pour les bûcherons. Robustesse, confort et chaleur sont alors plus qu’une priorité, une question de survie. Ses boots surpassent tous ces critères. Réalisée en daim durable et 100 % imperméable, la semelle extérieure moulée en Vibram Arctic Grip de ce modèle assure une excellente traction même sur le verglas. Dotée de l’isolant thermique Primaloft et doublée d’une semelle intérieure Ortholite amovible, le soulier arbore une glissière latérale facilitant chaussage et déchaussage. L’Amérique à vos pieds. danner.com


PERSPECTIVES équipement

SE PROJETER

Cinéma de poche BenQ GV1 Pour certains, l’avènement du smartphone sonne le glas du cinéma sur grand écran. Mais ne serait-ce pas plutôt le début de sa mobilité ? Ce vidéo­projecteur de poche sans fil affiche un écran de 2,5 mètres pour diffuser les contenus de votre téléphone ou de sites comme YouTube ou Netflix. benq.eu

SE BRANCHER

Écouteurs 3.0

AirPods Pro

Ces AirPods Pro d’Apple sont adaptés à l’audition de chacun. Lors de la première utilisation, des capteurs testent la pression dans le canal auditif pour ajuster le fit. Puis deux micros (externe et interne) filtrent et réduisent 200 fois par seconde les bruits ambiants mieux qu’un téléphone supra-auriculaire haut de gamme. Et le monde externe redevient audible avec pression sur la tige. Le micro intérieur analyse en continu le son tel qu’il vous parvient et adapte l’égaliseur pour une expérience optimale. apple.com

S’ÉLEVER

Un smart drone DJI Mavic Mini

TIM KENT

TOM GUISE

Il n’y a pas si longtemps encore, s’adonner aux joies du drone nécessitait d’avoir un grand sac à dos aux multiples poches à batterie. À présent, ce quadricoptère de la taille d’un smartphone et d’à peine 250 grammes tient dans la paume de main et se range dans l’une de ses poches à piles. Autonomie de vol : 30 minutes. dji.com THE RED BULLETIN

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PERSPECTIVES équipement

VIVRE

Quiksilver Highline Pro Airlift Vest

hedkayse.com

L’histoire de Sir ­Douglas Bader, un des as britanniques de la Seconde Guerre mondiale, est dingue. Doublement amputé, le pilote londonien de la Royal Air Force a remporté 22 victoires aériennes et l’absence de ses jambes aurait pu être un « avantage » dans ses combats en l’air pour résister aux évanouissements provoqués par la force G. Car son sang ne pouvait pas s’écouler loin de son cerveau. Mort en 1982 à l’âge de 72 ans, il s’est échappé à plusieurs reprises de camps de prisonniers de guerre. Cette montre, conçue en collaboration avec la famille du pilote, porte l’insigne du 242e Escadron sur le bracelet et son avion sur la trotteuse. 10 % des bénéfices de sa vente vont à la fondation caritative Douglas Bader. avi-8.co.uk

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THE RED BULLETIN

« Ce gilet est un outil de sécurité non destiné à améliorer vos performances. Ne prenez pas de risques supplémentaires en l’utilisant. » Voilà ce qu’indique la notice de ce produit destiné aux surfeurs les plus aguerris. Quatre tirettes reliées à des cartouches de CO2 gonflent des vessies placées stratégiquement pour envoyer vite le surfeur à la surface et maintenir sa tête hors de l’eau. Une languette dégonfle le gilet aussi vite pour éviter la lame suivante. quiksilver.fr

SE PROTÉGER

Une forte tête Hedkayse ONE En Europe, la norme de sécurité EN1078 impose un test de résistance à tous les casques de vélo. Le test ne tient cependant pas compte des chocs quotidiens qui réduisent l’efficacité des casques classiques en polystyrène. Pour y remédier, des ingénieurs de l’université de Loughborough développent un nouveau matériau, le Enkayse. Le casque absorbe les impacts sans se déformer même après de multiples chocs. Il reste, selon ses créateurs, conforme aux normes EN1078 et protège contre des impacts mineurs dont la récurrence peut endommager le cerveau à long terme.

TOM GUISE

Gilet airbag

AVI-8 Hawker ­Hurricane Bader Edition Limitée Chronographe

TIM KENT

SURVIVRE

Heure de gloire


PERSPECTIVES Les leçons de l’extrême

« Se fixer des objectifs intermédiaires est essentiel. »

Homme des neiges : Colin O’Brady en Antarctique.

simplement les épaules et m’explique qu’il convient d’accepter les aléas du climat. Et repartir une fois le calme revenu. Une attitude exemplaire. De fait, quelques jours après, le ciel s’éclaircit. »

L’atout flexibilité

« Lors de mon défi des 50 plus hauts sommets des États américains (juin-juillet 2018), le pic Humphreys en Arizona connaît une sécheresse avec de gros risques d’incendies de forêt. Nous o ­ ptons alors pour le mont Whitney en Californie, mais la foudre y déclenche un feu. L’accès est fermé. Nous apprenons alors qu’il pleut sur l’Arizona et y retournons illico. Un impondérable n’en est plus un lorsqu’on y est préparé. »

EN MAÎTRISE

Réussir l’impossible

Décomposer l’objectif

COLIN O’BRADY

HOWARD CALVERT

Selon Colin O’Brady, entre vous et le record seul le doute fait obstacle. Au cours des cinq dernières années, l’aventurier américain Colin O’Brady a réalisé l’ascension la plus rapide des sept plus hauts sommets et l’Explorers Grand Slam (gravir le plus haut sommet de chaque continent et se rendre sur les deux pôles). En 2018, il est le premier à parcourir l’Antarctique sans assistance (son projet « The Impossible First »). Et en décembre ­dernier, il traverse à la rame le passage de Drake entre l’Antarctique et l’Amérique du Sud, « The Impossible Row ». « Nous avons tous une voix intérieure qui nous répète : “Ce n’est pas possible’’, confie O’Brady. Mais il est possible de la reprogrammer autrement. » THE RED BULLETIN

O’Brady en route vers l’exploit.

Prendre de l’avance

« Dans mon livre, The Impossible First, j’évoque la difficulté de réunir 500 000 dollars. Cela exige 18 mois de persévérance pour avoir le droit de prendre le départ. Les sponsors que nous contactons ­exigent d’être convaincus

pour nous soutenir. Ainsi, la détermination commence bien avant le défi lui-même. »

La force du réalisme

« Lors des sept sommets, une tempête nous surprend sur l’Everest au niveau du camp IV dans la “zone de la mort”. Mon guide Pasang Bhote hausse

« En Antarctique, au bout du premier kilomètre, je me retrouve en larmes, qui se congèlent, et à bout de forces, incapable de tirer mon traîneau. Une situation que je n’avais pas envisagée. Ma femme Jenna me dit alors “C’est un voyage de 1 600 km. Nous savions que ce serait difficile. Te sens-tu capable d’atteindre la première étape ?” Se fixer des objectifs intermédiaires est essentiel. »

Ignorer les rabat-joies

« Avant The Impossible Row, les rameurs sur océan me font remarquer que je n’ai jamais ramé auparavant, et ajoutent : “C’est une première mondiale et pour cause, le passage de Drake est redoutable.” Nous avons balayé les critiques et renforcé notre confiance. »

The Impossible First, éditions Scribner ; colinobrady.com   91


PERSPECTIVES gaming

FOCUS

­ lateforme, elle se produit en p temps réel, le moindre faux pas est immédiatement sanctionné. Le défi permanent ne laisse aucune place à la distraction — c’est une forme de jeu totale. » L’activité constitue aussi une source de bien-être subliminal en soi.

Le pouvoir du coup de pouce Un gameplay élémentaire qui rapporte gros : réflexions sur les jeux de plateforme.

Les jeux constituent un ­système d’apprentissage ­ludique spontané : apprendre en jouant et jouer pour apprendre. La simplicité linéaire des jeux de plateforme amplifie cette dynamique. « Dès l’apparition d’un nouvel obstacle, ou d’un nouveau pouvoir, le joueur s’en empare immédiatement, explique M. Barr. L’apprentissage prend tout son sens avec l’intériorisation des nouvelles compétences. Là réside en partie la motivation des joueurs. » 92

« Les gratifications libèrent de la dopamine, précise M. Barr à propos de la substance libérée par le cerveau après un plaisir ressenti. Pratiqué le matin dans le train, le jeu d’obstacles agit comme un shoot de dopamine. Vous ­arrivez au boulot de bonne ­humeur, le cerveau opérationnel, bien plus que celui qui entre son réveil et le bureau s’est contenté d’un café. »

Décisions express

Suivre le mouvement

Le flow cognitif appelé aussi zone est l’état mental d’un ­sujet accomplissant une tâche réalisable et stimulante. Le ­sujet est en état de réceptivité totale à l’apprentissage qui devient source de satisfaction. « Les concepteurs de jeux perpétuent cet état en maintenant le joueur entre ­anxiété et ennui, habileté et défi. Ce type de jeu s’y prête idéalement ; la difficulté augmente au même rythme que votre habileté. La course est ainsi infinie. »

Rétroaction en boucle La rétroaction constante est un autre aspect du flow. « Au travail ou à l’université, celleci peut prendre plusieurs ­semaines avant de se manifester. Dans les jeux de

« Avec ces jeux, la rétro­ action est immédiate. »

Les jeux de plateforme améliorent la capacité de décision. Des études montrent que les jeux vidéo exigeant réflexion et intervention constantes ­développent les capacités ­cognitives. « Si les enjeux n’influent pas la vie réelle, la prise de décision sous pression ­excluant l’échec, génère une panique qui renforce votre confiance dans le monde réel. Sid Meier, créateur du jeu de stratégie au tour par tour ­Civilization, a déclaré que les jeux sont une série de décisions tactiques. Un principe que les jeux d’obstacles poussent à l’extrême. »

Parties éclairs

Conférencier à l’Université de Glasgow, le Dr Matthew Barr examine dans son livre Graduate Skills and Game-Based Learning, l’acquisition de compétences, de flexibilité et d’esprit critique grâce aux jeux vidéo.

Le rythme effréné du monde moderne n’est pas propice aux loisirs. « Le format des jeux de plateforme intègre ce facteur en rendant les jeux accessibles partout, confie Barr. On peut y jouer avec un seul pouce. Idéal dans les transports publics. »

THE RED BULLETIN

JOE ELLISON

Apprendre en jouant

L’ivresse du joueur Pendant une courte période, les joueurs de Temple Run 2 ont pu débloquer l’avatar d’Usain Bolt.

IMANGI STUDIOS

Singularité technologique, le smartphone a engendré bien des miracles : l’internet mobile, la perche à selfie, ­l’appli TikTok. Il a aussi permis les jeux de plateforme — jeux de course à obstacles contrôlables d’un seul doigt — dont le format séduit même les joueurs occasionnels et suscite l’intérêt des spécialistes du comportement, intrigués par une popularité persistante. Temple Run 2, par exemple, enregistre 50 millions de téléchargements dans les quinze jours suivant sa sortie en 2013, ou Subway Surfers, deuxième jeu iOS le plus téléchargé de l’histoire. Flappy Bird, phénomène viral de 2014, est retiré des App Stores par son créateur après avoir déclaré que la popularité du jeu avait « ruiné sa vie. » L’attrait pour ces jeux satisfait-­ il un besoin humain plus profond ? Le Dr Matthew Barr, spécialiste des jeux vidéo, nous répond…


PERSPECTIVES équipement

PERFECTIONNER

La pompe qui coache

TIM KENT

TOM GUISE

Under Armour HOVR Machina Le coup de mou, tel est le cauchemar des coureurs à pied en mal de glucose dans le sang. Lors du mara­ thon de Boston en 2016, la marque américaine Under Armour observe le phéno­ mène afin de trouver une ­solution pour aider. Bien placée pour relever ce défi, l’entreprise acquiert en 2013 le réseau social de remise en forme MapMyRun. Grâce à son appli smart­ phone, les sportifs peuvent effectuer le suivi de leurs séances d’entraînement et les comparer avec des mil­ lions d’autres. En 2018, UA lance la HOVR, première chaussure de course con­ nectée, équipée de capteurs mesurant longueur, cadence et rythme de la ­foulée et qui transfèrent ­ensuite ces données stockées dans MapMyRun. La Machina est la dernière-­née de UA. Sa ­semelle intermédiaire amor­ tit les chocs et protège les ­capteurs dont la façon de ­collecter et de traiter les données rend ce modèle unique. En étudiant les sta­ tistiques des coureurs sur plusieurs années, UA com­ prend ce qui sépare les bons des moins bons coureurs. Le nouveau système de Form Coachin de l’appli compare THE RED BULLETIN

le style d’un coureur équipé du HOVR au p ­ rofil d’un cou­ reur idéal puis corrige la technique de l’utilisateur et minimise le risque de bles­ sures en temps réel. L’obser­ vation exclusive de maratho­ niens anonymes (identifiés via la date, la géolocalisation et la distance) a permis de recueillir d’importantes don­ nées sur les courses de fond. Under Armour a ainsi établi que les coureurs ayant une

cadence (nombre de pas par minute) très fluctuante par rapport à la longueur de foulée o ­ btiennent de moins bons ­résultats que ceux dont le rapport cadence/ longueur de foulée est constant. Ces derniers s’avèrent plus r­ apides et plus réguliers. Conclusion : une cadence stable est le meilleur remède contre le coup de mou.

L’amorti d’une chaussure longue distance et la légèreté d’une chaussure de sprint. À l’avant, la plaque de vitesse en carbone restitue l’énergie à chaque pas.

underarmour.com   93


CALENDRIER mai 2020

MAI WINGS FOR LIFE WORLD RUN Le Wings for Life World Run, la seule course au monde où la ligne d’arrivée vous rattrape, revient en 2020, et chaque foulée compte, car l’intégralité du montant des inscriptions est reversée à la recherche sur les lésions de la moelle épinière. Cette année, vous pourrez participer (et contribuer) grâce à l’App Run sur mobile, et organiser votre course perso en visitant le site wingsforlifeworldrun.com.

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avril et au-delà THE ORIGINAL SKATEBOARDER En 1975, la défunte publication américaine Skateboarder Magazine a été relancée. Elle a mis fin à son activité cinq ans plus tard, mais elle a documenté à cette époque la façon dont cette pratique naissante est passée des surfeurs de rue aux premiers skateparks. Ce film parle aux skateurs qui ont orné ses pages et aux photographes qui les ont pris en photo, racontant le moment où la planche à roulettes a décollé. À retrouver via redbull.com 94

Un regard en coulisses sur ce que certains des meilleurs concurrents de la série AMA Supercross 2020 vivent dans les semaines qui séparent les courses. Les fans de la discipline apprécieront cette expérience auprès des pilotes les plus audacieux et les novices comprendront mieux la réalité d’un sport mécanique d’action qui se vit au-delà des arènes incroyables où les as du Supercross mettent le feu. À retrouver via redbull.com

29 au 31 mai LE BON AIR Une « floppée de courants électroniques » vous ­attend au Festival Le Bon Air à la Friche la Belle de Mai, avec en b ­ onus, le ­projet live Helmut ­d’Emma DJ et Jackson d ­ éveloppé en amont aux Red Bull Studios Paris. Marseille ; le-bon-air.com THE RED BULLETIN

VINCENT CURUTCHET FOR WINGS FOR LIFE WORLD RUN, GARTH MILAN/RED BULL CONTENT POOL

3

déjà disponible MOTO SPY SEASON 4


CALENDRIER mai 2020

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au 24 mai NUITS SONORES

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Elles se vivent le jour, le soir, la nuit (bien sûr), sur l’eau, voire dans les locaux d’Arty Farty, l’équipe à l’origine de ce festival de musiques modernes pointu, qui accueilleront une soirée mystérieuse, sous le concept Enigma. Pour cette édition, on hallucine déjà sur les « journées avec » (A Day with) Jeff Mills ou DJ Harvey, et leurs multiples invités. Et on ne manquera pas les conférences du projet Dance to Act ! Lyon ; nuits-sonores.com

au 24 mai QUE DU FISE ! 600 000 spectateurs et 2 000 athlètes pros venus du monde entier, des soirées à n’en plus finir et une ambiance de feu – toujours conviviale. En plus de vingt ans, le FISE, pour Festival International des Sports Extrêmes, à Montpellier, s’est installé comme le 3e événement sportif français après le Tour de France et le Vendée Globe. Que vous soyez fan de roller, BMX, skate, trottinette, wakeboard, VTT ou parkour, le hot spot de l’Hérault sera votre destination fin mai. Montpellier ; fise.fr

ROBERT BRICE, TOMISLAV MOZE/RED BULL CONTENT POOL, CHRIS BURKARD PHOTOGRAPHY

14 avril et au-delà UNDER THE ARCTIC SKY Il y a cinq ans, le filmeur Ben Weiland et le photographe d’aventure Chris Burkard ont mis le cap sur la côte nord de l’Islande avec six surfeurs à la recherche d’une houle légendaire. Ce qu’ils ont trouvé est la pire tempête islandaise depuis un quart de siècle qui a transformé leur quête en un voyage en voiture à travers un hiver arctique brutal. Un film de surf unique en son genre. À retrouver via redbull.com THE RED BULLETIN

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LA RÉDACTION

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THE RED BULLETIN Autriche, ISSN 1995-8838 Country Editor Christian Eberle-Abasolo Révision Hans Fleißner (Dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Publishing Management Bernhard Schmied Sales Management The Red Bulletin Alfred Vrej Minassian (Dir.), Thomas Hutterer, Stefanie Krallinger Publicité anzeigen@at.redbulletin.com

THE RED BULLETIN Royaume-Uni, ISSN 2308-5894 Country Editor Ruth Morgan Rédacteurs associés Lou Boyd, Tom Guise Rédacteur musical Florian Obkircher Directeur Secrétariat de rédaction Davydd Chong Secrétaire de rédaction Nick Mee Publishing Manager Ollie Stretton Publicité Mark Bishop, mark.bishop@redbull.com Fabienne Peters, fabienne.peters@redbull.com

THE RED BULLETIN Suisse, ISSN 2308-5886 Country Editor Wolfgang Wieser Révision Hans Fleißner (Dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Country Project Management Meike Koch Publicité Marcel Bannwart (D-CH), marcel.bannwart@redbull.com Christian Bürgi (W-CH), christian.buergi@redbull.com Goldbach Publishing Marco Nicoli, marco.nicoli@goldbach.com

THE RED BULLETIN USA, ISSN 2308-586X Rédacteur en chef Peter Flax Rédactrice adjointe Nora O’Donnell Éditeur en chef David Caplan Directrice de publication Cheryl Angelheart Country Project Management Laureen O’Brien Publicité Todd Peters, todd.peters@redbull.com Dave Szych, dave.szych@redbull.com Tanya Foster, tanya.foster@redbull.com

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Pour finir en beauté.

Juste à temps

Le prochain THE RED BULLETIN n° 100 sera ­disponible dès le 28 mai 2020

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Une image insolite d’un bolide que l’hélicoptère de l’organisation du Championnat du monde des rallyes (WRC) peine à suivre malgré une voie aérienne dégagée... Il s’agit du Français Sébastien Ogier et de son copilote Julien Ingrassia qui remportent là leur premier succès de la saison lors d’un Rallye du Mexique qui s’est achevé un samedi soir plutôt qu’un dimanche – en raison de la pandémie du virus que l’on a connue.


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