The Red Bulletin Août 2018 - FR

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FRANCE AOÛT 2018

HORS DU COMMUN EN KIOSQUE CHAQUE 3 e SAMEDI DU MOIS AVEC MAGAZINE SPONSORISÉ

PLANÈTE

ATHLÈTES Le Tokyo freerun de Jason Paul, les 91 nations du B-Boy Lilou, l’Arctique des riders VTT : LEUR MONDE EST À VOUS !






ÉDITORIAL

Leurs disciplines, pratiquées au plus haut niveau, font que ces athlètes ne touchent jamais terre. Leur chez-eux, c’est la planète, qu’ils apprécient à leur manière. À force de mouvements à Tokyo, le freerunner Jason Paul nous a proposé de vous y recommander ses spots, page 28. Pour les riders du projet North of Nightfall page 80, c’est une virée, qu’on ne fait qu’une seule fois dans sa vie, dont il s’agira. Et avec 91 pays visités, B-Boy Lilou transmet quant à lui ses astuces de voyageur débrouillard page 52.

Nous avons accompagné le champion du monde espagnol de MotoGP pendant une session d’entraînement. Attention, Marc Márquez va vous faire suer ! Page 38

Une autre approche libre du « tourisme » avec Miriam Lancewood page 70 qui, en s’installant dans la forêt pour de bon, a fait le constat que revenir à son état (presque) naturel était, en fait, possible. La nature, l’Allemande Anna Bader l’associe à des spots pour plonger et à des secondes de plénitude, page 44. Bonne lecture ! Votre Rédaction

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CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

FELIPE BARBOSA

« Elle est vraiment très sympa, on a passé un très bon moment sur ce shooting. J’espère qu’on le ressentira à l’image. » Une rencontre avec la cheffe d’orchestre Uele Lamore (prononcer Uèle) confirme ce SMS reçu de notre photographe Felipe Barbosa. La musicienne propage une passion contagieuse que le Brésilien, et Parisien d’adoption, a tenté de capter en la suivant dans le quartier asiatique de Belleville. Uele yeah ! Page 62

MIKO LIM

Sa spécialité : la photographie de sport en milieu urbain. Sa patrie précédente : Tokyo. Miko, qui réside aujourd’hui à Los Angeles, réunissait ainsi les conditions parfaites pour mettre en scène notre sujet de couverture sur le freerunner Jason Paul dans la capitale japonaise. Ensemble, ils ont traversé la mégapole et réalisé une visite guidée au mépris des lois de la pesanteur, en page 28.

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MIKO LIM (COUVERTURE), JAIME DE DIEGO/RED BULL CONTENT POOL

ENTREZ DANS LEUR MONDE


EXPERIENCED DRIVER DEPICTED

WHAT AR E YOU BUILD ING FOR?

D É V E LO P P É À PA RT I R D ’ E X P É R I E N C E S … AC Q U I S E S S U R L E T E R R AI N BFGO ODRICH.COM/KM3


SOMMAIRE août

REPORTAGES

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Tokyo sauterelle

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Marc Márquez

Jason Paul saute partout : il sera votre meilleur guide au Japon. Pour voir le pilote moto phénoménal sans sa combinaison, c’est là que ça se passe. Le champion espagnol nous parle de fitness.

44 Chiche !

Se lancer d’une falaise ou élever sa fille, Anna Bader fait tout ça.

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Le monde de Lilou

62

Un truc en plus

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Emporté par la course

70

Au naturel

Ce B-Boy a dansé sur toute la planète. Ses tips pour voyager. En rencontrant une cheffe d’orchestre, on pensait vraiment prendre un coup de vieux, mais on a pris un coup de frais ! Charlie s’est laissé enivrer par le running. Puis il a médité. Dans la nature, Miriam Lancewood a trouvé son chez soi.

80 Vers le néant

Leur session en Arctique, ces riders VTT ne pourront l’oublier.

52

TRIP ADVISOR

38

Pour propager sa passion du break, B-Boy Lilou a dansé dans plus de 90 pays. Il partage ses trucs de voyageur hors du commun.

À VOS MARC

Pour filer à 350km/h en moto, il vous faut un sacré physique. Marc Márquez révèle sa routine de fitness.

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BULLEVARD Un mode de vie hors du commun

12 Comment gérer l’effet miroir

pour deux BMXers de haut vol

14 Quand Lenny Kravitz partage

ses titres favoris de Prince

16 Le drapeau chute, et c’est beau 18 Une glace qui donne chaud 19 Vous pourrez vadrouiller avec

ce ukulélé sans le casser

20 Ne prêtez pas votre ballon à

Lisa, vous ne le reverriez plus

22 Impossible : alors elle l’a fait 24 Qui aura le Dernier Mot ? 26 Noir c’est noir : ce noir est le

noir le plus noir de l’histoire

GUIDE

Voir. Avoir. Faire. 90 Colorado : l’autre Amérique 92 Red Bull TV : restez branché 94 Agenda : ces événements vont

vous donner des ailes

96 Ours : ils et elles font le TRB 98 Makes You Fly: un Colombien

TYRONE BRADLEY, ROBERT WUNSCH, JULIE GLASSBERG

plonge en Antarctique

70 VIVRE DE PEU

C’est le quotidien de Miriam Lancewood : son sac à dos et son mari, il ne lui en faut pas plus pour exister dans la nature.

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BULLEVARD U N

ST Y L E

D E

V I E

H O R S

D U

C O M M U N

Courage Adams (photo) et Paul Thölen ont pédalé dans un espace sans repère visuel.

SEBAS ROMERO/RED BULL CONTENT POOL

WERNER JESSNER

LE CABINET DU DR COURAGE S’orienter à pied dans un palais des glaces à deux dimensions est déjà difficile en soi. Qu’en est-il à vélo avec une réflexion à trois dimensions ? Deux riders de BMX s’y sont essayés. Ce fut tout sauf une promenade de santé.

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«J’IGNORAIS OÙ LA RAMPE S’ARRÊTAIT ET OÙ LE MUR COMMENÇAIT»

Paul Thölen : « Le cerveau crée sa propre carte mentale de l’environnement direct. »

Courage Adams, en terrain (pas si) connu : « Je connaissais le spot, mais les miroirs m’ont perturbé. »

12

Q

u’y a-t-il sous les roues ? Est-ce je roule encore sur le sol ou suisje déjà dans les airs ? Est-ce que je vois un mur ou simplement l’illusion d’un mur ? Estce bien moi sur le vélo et si oui, à combien de reprises ? Toutes ces questions, le cerveau se les pose lorsque les signaux visuels ne peuvent plus être perçus de manière fiable, et lorsqu’ils ne lui permettent donc plus de s’orienter dans l’espace, surtout quand on a trop peu de temps pour y répondre posément. Deux des meilleurs riders de BMX au monde, l’Espagnol Courage Adams (22 ans) et l’Allemand Paul Thölen (19 ans) ont tenté l’expérience à Pampelune, en Espagne. Un parc de BMX dernier cri y est entièrement recouvert de miroirs en plastique souple et éclairés afin de créer une authentique galerie des glaces pour deux roues où le réel ne se distingue plus de l’illusion. « Tout se reflète parfaitement », lance Paul Thölen. Après six mois de préparation, et une seule journée d’entraînement dans cette installation à la surface réfléchissante et extrêmement glissante, l’objectif est de tourner, en deux jours, un clip de 90 secondes d’un parcours sans faute aux multiples tricks. « Il nous faut apprendre vite, précise Courage Adams. Je m’étais entraîné au préalable dans l’espace, mais

c’était sans la surface réfléchissante. À présent, tout me semble complètement différent. Le premier jour s’avère très difficile. S’orienter est compliqué et j’ai la tête qui tourne. » Le cerveau humain ne peut calculer la position du corps dans l’espace qu’en présence de repères concrets véhiculés par l’œil humain sans quoi il doit traiter, évaluer et intégrer les nouvelles impressions sensorielles les unes après les autres : les bruits, la position du corps dans l’espace, l’acquis aussi. Ensuite, il lui faut déterminer quels reflets prendre en compte et lesquels peuvent être ignorés sans conséquences. Les riders sont ainsi amenés à percevoir le parc moins avec les yeux qu’avec l’ensemble du corps. Parfois au sens littéral du terme, celui de Paul Thölen en a fait le douloureux apprentissage au contact de la surface. « À certains endroits, j’ignorais vraiment où s’arrêtait la rampe et où commençait le mur. La difficulté dans un tel environnement est d’occulter les reflets pour ne se concentrer que sur le sol. Les gestes doivent être aussi précis que dans un parc classique en dépit de la difficulté de jauger les distances. » Observer l’esprit humain s’adapter à des conditions inédites est un phénomène fascinant : « Bout par bout, la cartographie du lieu se constitue dans ma tête. Peu à peu, les contours deviennent reconnaissables rendant le tout plus simple. » Au final, ce furent deux journées intenses et mentalement éprouvantes. Les gars étaient heureux de retrouver des terrains familiers et à la topographie bien identifiable. Pourtant, ce moment où les organes sensoriels n’étaient que partiellement fiables restera une expérience positive : « Elle a permis de démontrer notre capacité à réaliser des tricks tridimensionnels dans un espace mis en abîme. » win.gs/mirrorpark THE RED BULLETIN


SEBAS ROMERO/RED BULL CONTENT POOL

WERNER JESSNER

BULLEVARD

Lequel des deux Paul Thölen réussit l’atterrissage ? La question se pose aussi au photographe. THE RED BULLETIN

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Lenny Kravitz

« PRINCE M’A MONTRÉ COMMENT ÉCRIRE SUR LE SEXE »

Une de ses idées de génie fut de prendre une femme à la batterie : Sheila E. J’ai repris cette idée pour mon groupe live, car une batteuse joue différemment d’un batteur. Elle est plus sensuelle. C’est une vibe complètement autre. »

HEAD (1980)

Lenny Kravitz présente cinq des titres de Prince qui l’emballent. MOUNTAINS (1986)

E

n juin, Prince aurait fêté son soixantième anniversaire. Lenny Kravitz, son ami intime avec lequel il s’est régulièrement retrouvé en studio pour enregistrer et jammer, profite de son onzième album Raise Vibration (sortie le 7 sept.) pour rendre hommage au génie du Kid de Minneapolis, avec des chansons explosives alliant soul classique et funk, et seyant adéquatement au musicien mort en 2016. Pour The Red Bulletin, il commente ses chansons préférées signées Prince. lennykravitz.com

« Une chanson importante de Parade. Pour moi, cet album, c’est Sgt. Pepper (le disque des Beatles, ndlr) revisité par Prince, un album avec lequel il s’est surpassé tant il a de facettes multiples et tant il est visionnaire. C’est avec lui qu’il a conquis l’Europe – et il est devenu la bande originale d’une période heureuse de ma vie. J’étais en couple avec Lisa Bonet. On écoutait cette chanson en boucle. Je n’en dirai pas plus… »

LADY CAB DRIVER (1982)

CONTROVERSY (1981)

POP LIFE (1985) « Ce morceau, c’est un groove de folie et une mélodie époustouflante. Il a été conçu pendant les sessions de Purple Rain, alors que Prince était au sommet absolu de sa créativité. 14

« J’ai découvert ce morceau à l’âge de 16 ans. Ce fut ma première rencontre musicale avec Prince, et l’une de celles qui m’ont marqué pour toujours. Car je me suis dit : “Comment peut-on écrire une chanson qui parle de sexe oral de manière aussi explicite ? Comment peut-on être aussi gonflé ?” Aujourd’hui je sais : tant qu’à parler de sexe, alors autant le faire carrément, avec franchise et sincérité. »

« C’est un bras d’honneur à ses détracteurs. Prince ne comprenait pas ce qu’il y avait de si grave à chanter l’amour et le désir. Ce sont des besoins humains fondamentaux. Et il n’y voyait pas de contradiction avec sa foi. D’où la prière du Notre Père au milieu, ce qui était extrêmement courageux. C’est lui qui m’a montré qu’en tant qu’auteur-compositeur on doit prendre position et donner son avis – et rien d’autre. »

« C’est la seule fois où Prince s’est inspiré de moi ! Non, je blague. J’avais un titre, Mr. Cab Driver, qui est paru sept ans plus tard. Les deux chansons se ressemblent, car nous utilisons le chauffeur de taxi comme métaphore pour l’esprit du temps, le Zeitgeist. Dans sa version, c’est une femme, et il y a même une scène de sexe. Tout simplement génial. »

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BULLEVARD

MATHIEW BITTON

FLORIAN OBKIRCHER

Avec 40 millions d’albums vendus, Lenny Kravitz est l’une des rockstars les plus célèbres de tous les temps.

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« Ce projet a changé ma vie, dit Shakuto. Dès lors, j’ai commencé à sauter en parachute. »

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Red Bull Illume

TOM GUISE

DRAPEAU HAUT

SERGE SHAKUTO/RED BULL ILLUME

Portant un drapeau indonésien, Dominic Roithmair et Marco Fuerst de l’équipe Red Bull Skydive descendent au-dessus du volcan Bromo dans la province du Java oriental. « C’est l’un des plus beaux endroits de la planète, déclare le photographe Serge Shakuto qui a pris cette photo lors de son premier saut en parachute en 2015. L’un des plus grands défis a été que l’aire d’atterrissage se trouve à une altitude de 2 100 mètres, poussant l’hélicoptère dont ils ont sauté jusqu’à sa limite pour donner aux athlètes suffisamment de hauteur. » Et l’effort en valait la peine : la photo a valu à Shakuto une place parmi les 275 finalistes du concours de photos Red Bull Illume qui fait actuellement le tour du monde. redbullillume.com ; instagram.com/shakuto

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BULLEVARD

«J’ Crème brûlante

UNE GLACE QUI DONNE CHAUD…

chimique », explique fièrement l’homme de 38 ans qui ne révélera rien de sa composition si ce n’est que c’est une vieille recette de la famille d’Italie. En revanche, il s’attarde volontiers sur les réactions que provoque la glace servie des centaines de fois par jour : « Elle déclenche un choc systémique. Votre corps ne comprend plus ce qui lui arrive, vos bras sont en feu, puis vous pleurez, paniquez ou perdez connaissance. J’ai tout vu. » De fait, le personnel compte toujours un employé formé aux premiers secours, au cas où. Heureusement, il n’y a à ce jour aucune maladie, blessure ou décès à déplorer. Le seul risque est de voir des couples se briser après un passage chez le glacier. Bandoni se souvient : « Un jour, un homme a joué un tour à sa femme. Elle s’est mise à hurler, a appelé sa mère pour qu’elle vienne la chercher et est partie sans son mari. » facebook.com/aldwychcafe

LEE BANDONI/IMMENSE BRANDS

CHRISTIAN EBERLE-ABASOLO

Tenté par un dessert différent ? Rendez-vous à Glasgow. À vos risques et périls.

ai pleine conscience que la consommation de cette glace peut engendrer des maladies, des blessures ou la mort. » Cette phrase est extraite de la décharge que les clients du Aldwych Cafe And Ice Cream Parlor, un glacier à Glasgow (Écosse), doivent signer pour commander une Respiro del Diavolo, l’haleine du diable, l’un des parfums sur la carte. L’arôme est à base de Carolina Reaper, une variété de piment avec un indice dépassant 1,5 million sur l’échelle de Scoville, soit 500 fois plus fort que du Tabasco. Ou selon Lee Bandoni, dont la famille gère le glacier, l’équivalent d’une « bombe nucléaire buccale » pour ceux qui n’ont jamais goûté au Tabasco. « Le lait neutralise le piment dans la glace, mais nous avons découvert une formule inhibant cette réaction

Hot : cette glace au piment Carolina Reaper a des effets aphrodisiaques.

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Nomadisme

UN UKULÉLÉ INCASSABLE

Accessoire favori des baroudeurs musiciens (ou bien l’inverse), le ukulélé devient un instrument indestructible. Et donc extraordinaire.

F

JACOB SHEFFIELD

PIERRE-HENRI CAMY

ut un temps où le concept de « musique portable » impliquait d’empor d’emporter un musicien de type troubadour avec vous. Onéreux et peu pratique. Puis la guitare s’est imposée comme l’un des instruments portables les plus répandus, partout sur la planète. Et la musique « portable » s’est modernisée, accessible à tous, musiciens ou non, de la platine vinyle nomade jusqu’à l’iPhone… Mais depuis quelques années, la version mini et à quatre cordes de la guitare, le ukulélé – originaire d’Hawaï et une mutation du cavaquinho portugais – a bénéficié d’un regain de cool chez les baroudeurs musicos.

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Les guitares KLOS sont conçues pour vous pousser à voyager plus loin.

Aujourd’hui, il devient extraordinaire dans sa version la plus solide à ce jour, par l’initiative des Américains de KLOS. « Le ukulélé est conçu pour être transporté, pas pour durer », explique Adam Klosowiak, fondateur, avec son frère Ian, des guitares KLOS. « Le ukulélé craint l’humidité et les changements de température, il est fragile. Et pour les plus aventureux, je ne parle pas des dégâts potentiels si vous baroudez avec. Aucune version en bois n’autorise un usage nomade intensif. » Ne restait donc qu’à concevoir le ukulélé le plus solide de tous les temps, en fibre de carbone. Le corps du ukulélé (env. 435 € en version acoustique) est fait d’une seule pièce, en fibre de carbone, ce qui le rend plus solide, et le sound-board est un genre de sandwich composé de trois couches, dont une extérieure (en fibre de carbone aussi), quant au manche (c’est souvent là que ça casse) il est conçu d’un époxy utilisé dans le domaine de l’aérospatiale. Et ça tient ! Les gars de KLOS ont jeté un parpaing sur leur petite

guitare depuis deux mètres de haut, ont fait rouler une Toyota Prius dessus, lui ont donné des coups de marteau… L’instrument n’a pas bougé, et peut donc vous accompagner dans vos trips les plus fous. Et sur surtout, il sonne très bien. Si vous souhaitez reproduire la scène du film American College où John Belushi détruit la guitare d’un hippie lors d’une frat party ororgiaque, accrochez-vous. On le répète, ce ukulélé est indestructible ! klosguitars.com

Env. 695 €, c’est le coût de la version électro-acoustique deluxe du ukulélé.

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PUMA, LITTLE SHAO

PH CAMY

Lisa Zimouche. 18 ans. Art : foot freestyle. Fans sur Instagram : 1,4 million.

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BULLEVARD

Lisa Zimouche

«J’AI QUITTÉ LE PSG POUR LE FREESTYLE» L’une des très rares footballeuses freestyle à vivre de sa passion au quotidien, la Française dit pourquoi elle a quitté les terrains traditionnels.

À

18 ans, avec plus d’un million de followers sur Instagram, Lisa Zimouche est une icône planétaire du football freestyle, et c’est sur des terrains urbains qu’a débuté son histoire avec le ballon rond. « Mon football vient de la rue, précise Lisa. Des amis m’ont proposé de jouer avec eux un été, en cinq contre cinq, et c’est comme ça que j’ai commencé à apprendre à jouer au foot, à kiffer ce sport. Puis j’ai joué tous les étés et ma mère, voyant que ça me plaisait énormément, a eu l’idée de m’inscrire dans un club traditionnel. J’avais 7 ans à l’époque. » C’est trois ans plus tard que Lisa découvre le foot freestyle, et se laisse peu à peu gagner par cette pratique. « J’ai joué dans plusieurs clubs en région parisienne, avant d’être recrutée par le PSG en U16 (joueurs de moins de 16 ans, ndlr), se remémore-t-elle. En fin de compte, alors que je portais les couleurs prestigieuses du PSG,

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j’ai décidé de me dédier à 100 % au freestyle. Je me sentais vraiment plus faite pour le freestyle, plus heureuse. » En foot freestyle, pas de coach qui vous dit quoi faire, et s’offre à vous la possibilité de développer votre propre style de jeu : un sentiment de liberté qui l’a convaincue. Et un appétit de beaux gestes à rassasier. « Les gestes techniques font de l’effet. Dans le foot de rue, un beau geste, c’est plus fort qu’un but ! » Si le freestyle peut paraître très spécifique, avec ses figures quasi acrobatiques et son fameux petit pont (ou panna), il est pour Lisa une pratique parfaite pour qui souhaite s’améliorer dans des matches à cinq. « Ça te donne une solide base technique et une vision de jeu qui peuvent être très utiles », précise celle qui, depuis son premier tour tournoi, le Red Bull Street Style disputé en Italie en 2012, a parcouru la planète pour y révéler sa virtuosité avec un ballon, et dribbler des athlètes de renom comme Ronaldinho, Gianluigi Buffon ou encore Usain Bolt. Un parcours qui motive des vocations ? Si les profils de footballeuses freestyle sont plutôt rares, l’ambassadrice de

Puma Football observe une présence grandissante des filles sur les terrains. « Quand j’étais dans mon premier club de foot, j’étais la seule fille, je ne jouais qu’avec des mecs, rembobine Lisa. Aujourd’hui, je reçois de plus en plus de messages de filles qui commencent le football, j’en vois de plus en plus, partout, c’est devenu banal et ça fait super plaisir. Mon but, quand je fais du freestyle, ou du street soccer, c’est de toucher les gens, et de faire évoluer le football féminin. » Chez Neymar Jr, dont la finale du tournoi de football à cinq, Neymar Jr’s Five, se tient au Brésil le 21 juillet, Lisa aime son jeu spectacle. « Il fait plaisir à voir. C’est le genre de joueur que tu as envie d’aller regarder évoluer dans un stade et l’un des meilleurs footballeurs freestyleurs. Il maîtrise beaucoup de gestes techniques… Neymar Jr, je te valide ! » (rires) instagram.com/lisafreestyle

Posée et cool, Lisa ne vous laisse pourtant aucune chance ballon aux pieds.

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Comment…

Ne rien lâcher et récupérer

P Entre ciel et enfer : Angela Eiter est la première femme à venir à bout de La Planta de Shiva en Andalousie.

our le profane, 9b ne représente qu’un chiffre accolé à une lettre. Pour un grimpeur, c’est le niveau de difficulté séparant les bons des meilleurs grimpeurs mondiaux. La Planta de Shiva est un 9b : une voie de 45 m dans la falaise avec une prise comparable à un éclat de verre sale et un surplomb vertigineux qui épuise les dernières forces. À ce jour, seuls deux hommes sont venus à bout du monstre : le Tchèque Adam Ondra et l’Autrichien Jakob Schubert.

Pour ce dernier, ce fut le « combat de sa vie ». « En l’écoutant, j’ai voulu laisse tomber. Je me suis dit que je n’y arriverai jamais, dit Angela Eiter, quadruple championne du monde d’escalade et membre de l’équipe Athletes Special Projects (ASP) de Red Bull, partenaire majeur pour l’encadrement et la physiothérapie. De plus, avec mon 1,54 m, je suis plutôt petite avec une envergure de bras réduite. » Aujourd’hui, la Tyrolienne le sait, il ne faut jamais dire jamais. La réflexion permet de voir les choses autrement.

Quand la tâche est difficile, il faut la fractionner

« J’avais fini par renoncer au défi tant il m’intimidait. Pour Pourtant, il continuait à m’obséder. Mon mari Bernie, également grimpeur, me dit un jour : “Soit tu le tentes, soit tu le sors de ta tête. C’est l’un ou l’autre.” Sa remarque a fait tilt. J’ai décidé d’en escalader une partie, les derniers 25 m. Le succès m’a galvanisée et je me suis dit qu’après tout, il y avait peut-être moyen de faire mieux. Ce qui me semblait impossible jusque-là devenait soudain accessible. »

Regarder devant soi

« Accroché du bout des doigts à la falaise, on comprend vite que regarder derrière soi fatigue. Mieux vaut regarder devant soi. Pas trop loin non plus, cela peut également s’avérer énergivore. Le plus efficace est d’évoluer dans l’instant présent, pas à pas, seconde après seconde. »

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Élaborez un plan puis oubliez-le

« L’analyse de l’itinéraire a nécessité sept allers-retours entre ma ville d’Imst (Autriche) et l’Andalousie, avec à chaque fois son lot d’imprévus : la falaise mouillée par la pluie, une chaleur accablante, ou une nouvelle blessure. C’était à s’arracher les cheveux. J’en conclus qu’avoir un plan d’action est important pour fixer un cap. Mais il faut accepter d’y renoncer et être prêt à changer son fusil d’épaule si la situation l’exige. »

Entourez-vous de personnes à qui vous confieriez votre vie

« Quand j’escalade, mon mari Bernie s’occupe de l’assurage. Il tient ma vie entre ses mains, littéralement. Le succès n’est jamais une réussite individuelle. Vous avez besoin de gens de confiance. Celle-ci n’advient pas du jour au lendemain. Elle nécessite du temps. Et au final, elle n’a pas de prix. »

En octobre 2017, Angela Eiter (32 ans) a réussi ce en quoi personne ne croyait, pas même elle. THE RED BULLETIN

WALTRAUD HABLE

Sur la plus redoutable falaise d’Andalousie, Angela Eiter a appris à relever un défi jugé impossible. Cette expérience lui a inculqué cinq leçons pour la vie.

ELIAS HOLZKNECHT/ASP/RED BULL CONTENT POOL, PHILIP PLATZER/RED BULL CONTENT POOL

RENDRE RÉEL L’IMPOSSIBLE

« Pendant la préparation, je me suis blessée à deux reprises. J’ai alors compris que ce n’est pas le fruit du hasard. En m’obstinant sur l’objectif, je n’étais plus à l’écoute de mon corps et je l’ai sollicité plus que de raison. Le repos forcé m’a permis d’étudier l’itinéraire dans ses moindres détails. J’ai fini par prendre conscience que pour avancer, il fallait aussi savoir lever le pied. La clé du succès se trouve dans ce fragile équilibre entre effort et plaisir. »



BULLEVARD

18 novembre 2017, au Bataclan : Sanai (de Lille) et Daks (de Massy) dans un battle acharné d’improvisation.

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Red Bull Dernier Mot

CERVEAUX AIGUISÉS

Tout le monde sait parler, certains savent rapper, seuls les meilleurs savent improviser. Et vous ?

HÉLÈNE HADJIYANNI/RED BULL CONTENT POOL, SARAH BASTIN/RED BULL CONTENT POOL

PH CAMY

A

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près une première finale en 2017 dans un Bataclan complet, Red Bull Dernier Mot, le battle d’improvisation sur instrumentaux, revient cette année. Pour tous les rappeurs, auteurs, tchatcheurs, rimeurs, ou simples amoureux des mots, des qualifications régionales sont ouvertes au public, avec, pour les plus inspirés, la chance d’y participer avant d’être sélectionnés pour la finale nationale qui aura lieu fin novembre à Paris. En attendant que soient élus les participants de 2018, Res Turner, vainqueur l’an dernier, ne mâche pas ses mots quand il s’agit de présenter l’événement et ses motivations pour improviser.

d’aider des individus dans le besoin, humains comme animaux, et ce n’était pas un détail négligeable. Au-delà d’une « tribune » créative pour vos convictions, en quoi ce battle étaitil attrayant ? L’originalité de ce tournoi m’a attiré. Plus qu’un simple duel de MC’s et d’improvisation, chaque round est différent dans le fait qu’on nous impose soit un thème à respecter, soit des images ou des mots avec lesquels on va devoir « jouer » afin de clasher l’adversaire. Ça pimente l’exercice ! Il y a aussi les rounds libres en 4×4 (tour à tour, les candidats enchaînent quatre mesures, s’attaquent, se répondent, ndlr), qui sont plutôt dynamiques en fin de match.

the red bulletin : Bonjour Res Turner, qu’est-ce qui vous a motivé à participer au Red Bull Dernier Mot ? Comment être rapide avec res turner : Je suis un ar ardes mots, construire des tiste engagé dans diverses sentences qui calment la causes (pour les animaux, les concurrence ? réfugiés, les sans-abris…) et je me sers de la musique pour véhiculer des messages, pour informer, sensibiliser, choquer et provoquer afin d’emmener vers une réflexion, un diadia logue, un débat. Du coup un gros événement comme Red Bull Dernier Mot m’a permis de m’exposer, et de ce fait de mettre en lumière mon travail et les causes que je défends. Res Turner est le MC le Aussi, le gagnant de ce battle plus titré de France, et un se voyait offrir, entre autres, improvisateur redoutable. un price-money assez conséquent, ce qui m’a permis

Je dirais qu’il faut aiguiser son cerveau : l’impro c’est une gymnastique cérébrale, donc ça pousse à développer son vocabulaire, travailler son flow pour emmener les phases avec du style, s’entraîner à improviser afin d’être instinctif, réactif, vif. Il faut aussi, bien sûr, être observateur, attentif à ce qui se passe autour de toi pour rebondir dessus, pour répondre à son adversaire. Est-ce que l’improvisation se prépare ? Peut-on avoir des tournures en stock ? Oui bien sûr, dès que tu sais que tu vas battle d’ici peu, tu vas t’entraîner, plus ou moins, clasher tes potes en soirée, clasher en marchant dans la rue, en prenant les transports, etc. Aiguiser ton cerveau à l’exercice. Tu peux avoir des phases en stock évidemment, et des automatismes liés à des trucs que tu as en tête, mais tu marqueras bien plus de points avec une impro en lien avec une photo qui vient d’apparaître devant toi plutôt qu’une phase préparée sur le blaze de ton adversaire. Quel est le secret d’une bonne punchline ? Je n’ai pas le secret, je pense déjà que selon le public, les attentes vont être différentes. L’humour fonctionne toujours, tout ce qui est « sale » fonctionne beaucoup également chez les plus jeunes. Ce que je préfère et ce qui me bluffe le plus sont les « punchlines réponses », quand le MC va retourner contre son adversaire ce que ce dernier vient de lui dire. Je trouve qu’une phase en réaction à quelque chose qui vient juste de se passer est d’autant plus percutante.

Inscriptions aux qualifications du Red Bull Dernier Mot 2018, jusqu’au 31 juillet sur redbullderniermot.com 25


BULLEVARD

Vantablack

D’OBSCURS DESSEINS

Dimension perdue : avec ce masque, le fabricant démontre l’effet Vantablack. Ou plus précisément celui de sa version améliorée à vaporiser : Vantablack S-VIS.

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un point de vue purement coloré, tout le monde est capable de se représenter mentalement cinquante nuances de Grey… euh, de gris. Se représenter cinquante nuances plus sombres, soit cinquante nuances de noir constitue un exercice un peu plus corsé. Noir, c’est noir, non ? Non, souligne l’entreprise anglaise Surrey NanoSystems, et vante son Vantablack comme étant le noir le plus foncé au monde.

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SURREY NANO SYSTEMS 2017

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La différence est notamment perceptible en étalant la couleur sur un objet en relief : avec Vantablack, les formes tridimensionnelles disparaissent. Une boule devient un cercle, un papier d’alu froissé une surface lisse. Sur les photos, l’effet s’apparente à un traitement d’images amateur. En vérité, Vantablack absorbe 99,965 % de la lumière incidente, rendant impossible pour nos yeux de différencier les formes. À proprement parler, il ne s’agit pas d’une couleur mais d’un revêtement nanotechnologique. Sur 1 cm³ se trouve un milliard de tubes de car carbone en position verticale. Quand la lumière vient frapper cet arrangement, elle reste piégée car elle se reflète d’un tube à l’autre. Grâce à cet effet, Vantablack augmente l’efficacité des panneaux solaires et permet de diminuer la lumière parasite pendant la conduite de nuit. À l’occasion des JO d’hiver en Corée du Sud, l’ar l’architecte britannique Asif Khan a peint la façade d’un pavillon en Vantablack VBx2, une ver version à vaporiser plus développée que la substance originale. Il baptisa son œuvre Schism in Space, schisme dans l’espace. De petites lumières symbolisaient les étoiles et renfor renforçaient l’impression de regarder dans l’obscurité de l’espace. Au fait : Vantablack ne peut pas être utilisé pour les carrosseries de voiture, précise le fabricant, le revêtement étant trop peu résistant à l’abrasion. surreynanosystems.com

DAVID MAYER

Les Anglais de Surrey NanoSystems fabriquent le noir le plus noir au monde. Un effet néant.


www.dare2b.com


JASON SAUTE SUR

TOKYO Accélérations sur des toits-terrasses, saltos au-dessus des murs : le freerunner allemand JASON PAUL découvre les villes avec un point de vue de superhéros. Il nous a réservé ses bons plans à Tokyo, terrain de jeu d'exception. Texte ROLAND HAGENBERG  Photos MIKO LIM


Un guide touristique bondissant : Jason Paul, freerunner de 27 ans, offre un tour des toits de Tokyo.

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« À Tokyo, l’architecture est super diversifiée et va du minimal au bizarre. » Renversant : Jason a-t-il abusé du saké ? Tête à l'envers à Shibuya, un quartier de biz et de fun.

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ason vole. Les bras étendus, les jambes repliées. Un mètre derrière lui, un escalier extérieur ; deux mètres devant lui, le suivant. Sous lui : cinq étages de vide débouchant sur l’asphalte. Vous venez de vivre « un moment Jason Paul » : le freerunner de 27 ans se déplace en effet dans la ville comme un superhéros. Il court sur un mur à la verticale, s’élance sur des toits-terrasses et franchit des gouffres. Comme maintenant : un instant après avoir pris appui et impulsion contre la rampe d’un escalier, il atterrit derrière la rampe opposée, pose les mains sur le sol en béton, et se retourne, sourire en coin, un pouce en l’air. L’escalier extérieur mène à un bâtiment dans une rue transversale de Tokyo. Celui à qui Jason tendait le pouce s’appelle Miko Lim. Missionné par The Red Bulletin, le photographe accompagne Jason dans sa ville d’adoption. Le freerunner vient régulièrement passer plusieurs semaines dans la capitale japonaise. « L’architecture de Tokyo est super disparate, cela va du minimal au bizarre, du traditionnel au moderne, on voit vraiment de tout. Cette diversité me stimule pour trouver de nouveaux moves et tricks », déroule Jason. Qu’il s’agisse de maisons en bois à deux étages, de gratte-ciels en acier et en verre, ou de piles de pont en béton : étrangement, de nombreux chantiers sont facilement accessibles depuis la voie publique via des escaliers de secours, piliers de soutien, ou toits en terrasse. Le genre de possibilités que Jason recherche quand il est en vadrouille à

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Tokyo – peu importe qu’il aille s’entraîner ou faire des courses. Il ne peut pas faire autrement. Il est en permanence en train de scanner son environnement pour y trouver des plateformes pour ses évolutions et découvre ainsi la ville sous un jour toujours nouveau.

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a première fois que Jason rêva du Japon, il dormait encore dans sa chambre d’enfant, dans la maison familiale à Francfort (Allemagne). Ado, quand il ne se balançait pas du haut de balustrades en fer avec ses potes, il avalait des mangas les uns après les autres. S’inspirant du film culte d’Ariel Zeitoun, Yamakasi, dont les scènes d’action reposent sur le parkour, Jason s’entraîne quotidiennement dans le voisinage. À Francfort, il n’existe pas de communauté de freerunnning, il apprend alors lui-même ses moves. Son endurance et sa persévérance portent leurs fruits : Jason est aujourd’hui reconnu comme l’un des meilleurs freerunners de la planète. Les tricks pour les tricks ne l’intéressent pas plus que ça, il souhaite développer une chorégraphie complète, comme dans le clip YouTube Last Call for Mr. Paul, qui cumule plus de 40 millions de vues jusqu’à aujourd’hui. Dans cette vidéo à l’image de sa vie, Jason tente de sauter dans son avion en enchaînant les performances dans l’aéroport de Munich. Toujours en mouvement, cela fait longtemps que Jason n’a plus de domicile fixe. Au contraire, il va de métropole en métropole : Marrakech, Sarajevo, Sydney, Bangkok – et Tokyo, encore et toujours. À côté de la diversité architecturale, c’est la scène freerunning de la ville qui l’attire. Des stars telles que Kenichi ou Yakuwa sont connues pour leurs mouvements particulièrement fluides et cela fait un moment qu’ils ont accueilli Jason comme un des leurs, qu’ils l’invitent à s’entraîner sur leurs spots de parkour et qu’il apparaît dans leurs productions filmées. Dans le clip Jason Paul Goes Back in Time, par exemple, des freerunners déguisés en Ninjas prennent Jason en chasse à travers Edo Wonderland, un parc à thème reprenant le style des temples traditionnels. Les photos de Miko Lim et d’Emily Ibarra montrent comment Jason parvient à tout moment à transformer une mégapole en un ter terrain d’aventure. Ils véhiculent l’art et l’énergie de Jason et présentent en même temps un Tokyo en marge des coins à touristes. Si, à l’observer, l’envie vous prend de booker un voyage pour le pays du Soleil Levant, Jason a huit bons plans pour vous à Tokyo, naturellement issus de sa propre expérience. 32

Jason s’inspire de la culture du freerunning nippon. Ses vidéos ont été visionnées 40 millions de fois. Tes ramen sont cuits ! L'ami Jason rejoindra son resto favori après s'être échappé de l'escalier en un bond.

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« J’utilise les villes pour m’épanouir de manière créative. » Tour de contrôle : avec la tour de télé tokyoïte Skytree dans le dos, Jason repère son prochain spot.


Itabashi

Adachi Kita

Nerima

Katsushika Arakawa

Toshima Nakano

LE TOKYO DE JASON PAUL

Ramen sauce hip-hop, parkour au parc, île avec vue : les spots recommandés par Jason lors d’un trip dans la métropole nippone.

Bunkyō

Taitō Sumida Edogawa

Shinjuku

Suginami

Chiyoda Shibuya

Chūō

Kōtō

Minato

Setagaya Meguro

Shinagawa

HANEGI: UNE MISE EN JAMBE AU VERT

Un parc qu’on dirait bâti sur mesure pour les freerunners et les sportifs urbains. « Vu de l’extérieur, le parc ressemble à beaucoup d’autres ; à l’intérieur, c’est l’un de mes spots de parkour préférés au monde. Le parc Hanegi, situé au cœur de Setagaya, un quar quartier assez banal, foisonne de marches colorées et de petits murets. Ce qui en fait un emplacement idéal pour un entraînement de freerunning. Les Tokyoïtes eux-mêmes viennent ici essentiellement pour y faire du sport. Il y a aussi des terrains de tennis et des pistes de course à pied. »

Les sumos vivent dans le quartier _ de Ryogoku, Ryo lui-même niché au cœur de l'arrondissement Sumida.

ENTRE POIDS-LOURDS EMILY IBARRA, GETTY IMAGES (3)

Se poser en admiration face aux sumos à vélo, puis se jeter à l’eau à Sumida.

« À chacune de mes visites à Tokyo, je me rends au moins une fois à Ryōgoku, au nordest du centre-ville. C’est le quartier des sumos. Je pour pourrais passer ma journée assis sur un banc à la station de métro et regarder ces géants noblement vêtus se déplacer THE RED BULLETIN

à vélo ou marcher près de moi, chaussés de leurs Geta, ces fameuses sandales en bois. Et c’est certainement ce que je ferais s’il n’y avait pas ce spot de parkour absolument génial juste à côté : directement sur la berge de Sumida, il y a des murets, des escaliers et des rambardes parfaites pour s’entraîner. C’est l’endroit idéal aussi pour pique-niquer au bord de l’eau. Dernièrement, un employé de bureau était assis ici, tellement concentré sur son ordi qu’il n’a même pas remarqué mon pote Kenichi qui lui est passé à ras du corps en sautant. »

Ōta

Konnichiwa !

Les 23 arrondissements de la capitale japonaise en un clin d’œil. Celui qui ne s’est jamais perdu n’a pas vraiment visité Tokyo : ce plan donne un aperçu général de la ville. Pour le shooting, Jason était essentiellement en action à Shibuya et Shinjuku.

au coin de la rue et laissez-vous porter le long des rues et des arrière-cours avec leurs boutiques bien cachées. »

POUR (SE) DÉPENSER

BAINS PUBLICS : VOUS EN BRÛLEREZ D'ENVIE

Afin de ralentir la cadence, Jason s'autorise parfois des pauses shopping. « En fait, les freerunners ne sont pas compliqués, sauf en ce qui concerne les fringues. Dans ce domaine-là, on a des attentes bien précises. C’est pourquoi, avec quelques collègues, on a fondé le label Farang. Nos vêtements sont urbains, simples et pratiques. En un mot, parfaits pour notre sport, et pour tous ceux qui aiment notre style. Quel rapport avec Tokyo ? Eh bien, il y a peu d’endroits d’où nous puisons autant d’inspiration pour nos créations, comme cette friperie à Shimokitazawa, mon quartier favori à Tokyo, car l’atmosphère y est follement détendue. Un conseil : la boutique de vêtements Meadow by Flamingo. Après le shopping, allez déguster quelques boulettes de viande chez Gravy Gyoza. Et terminez avec un verre et des nachos au Mother. »

Baie de Tokyo

Il faut prendre sur soi pour entrer dans une eau à 43 °C. Mais ça en vaut la peine. Viande à emporter : dans le quartier de Shinjuku, les baraques de streetfood pullulent.

TOKYO, SES TOITS, SES RUES, SES RUELLES... Ici, explorez aussi les petites rues. Au pied d'un gratte-ciel.

« Ai-je déjà souligné que ce qui me plaît à Tokyo, c’est sa diver diversité ? Le parfait exemple en est Shinjuku, un quartier plein de gratte-ciels, au pied desquels on trouve des maisons traditionnelles en bois. C’est dans l’une d’elles que se trouve le café Tajimaya, juste derrière la station de métro Shinjuku. C’est mon café préféré. Le mieux, c’est de boire sa tasse comme les locaux, directement au bar, avant de retrouver l’agitation de la ville. En sortant, tournez dans la ruelle

« Si mes collègues freerunners m’ont bien appris une chose, c’est la notion de respect. Le respect des uns et des autres, et le respect de son propre corps. En tant que sportif, je suis dépendant de lui, et en tant que freerunner, il doit être en mesure de tout supporter. Tous les sauts et sur surtout les réceptions sur sol dur finissent par abîmer les articulations. Alors pour compenser, je vais régulièrement dans les bains traditionnels que les Japonais nomment sentō, comme ceux de Sengokuyu à la station de métro Hatagaya. Sachant qu’il n’est pas facile d’entrer dans une eau à 43 °C. Et qu’à chaque fois que j’en sors, ma peau est rouge écrevisse. Mais dès que je mets un pied dehors, je me sens renaître. » 35


DES NOUILLES ET DES BASSES

Un bol de ramen à Shibuya, okay, mais seulement si c’est sur fond de gros hip-hop. « Tout le monde connaît Shibuya, c’est clair, surtout à cause du fameux carrefour où 15 000 (j’exagère ?) piétons traversent en même temps. Si c’est votre premier voyage à Tokyo, ne manquez surtout pas ce spectacle. Je vous rassure, ce n’est pas ça mon tuyau. Il est situé à 20 minutes à pied de là, et porte le nom d’Usagi : c’est mon resto de nouilles préféré. Je vous recommande le plat Special Ramen, avec du porc et des pousses de bambou. Il faut d’abord commander à la machine, puis répondre à LA question du serveur : « Les nouilles, vous les voulez fines, molles, épaisses, plates ou dures ? » Elles sont vraiment bonnes, mais je viens surtout pour le hip-hop qui sort des enceintes. Le frère du proprio était Jun Seba, un chanteur hip-hop qui s’est tué dans un accident de voiture en 2010. Depuis, il est devenu une légende au Japon, et je suis un grand fan. »

Voie libre : sur l’île d’Odaiba trône une mini-version de la statue de la liberté.

UN SAUT (À RECULONS) DANS L’AVENIR Ce que les touristes ne savent pas à propos de l’île d’Odaiba. « L’île d’Odaiba est réservée aux loisirs. Les Japonais prennent sa statue-robot de 20 mètres de haut et sa plage artificielle très au sérieux. 36

Ça n’est donc pas un plan très confidentiel. Surtout que le week-end, les touristes se pressent ici. Par contre, en tant que freerunner, je perçois même les endroits bondés sous un angle différent propre à moi : au bord de l’eau, il y a de petits murs et des endroits pour s’asseoir réalisés à partir de pierre rose, parfaits pour prendre appui et sauter. D’ici, on a une super vue sur les ferries qui passent et sur les skylines de Tokyo, juste en face. Mon bâtiment préféré sur Odaiba, c’est l’immeuble Fuji TV. Avec ses escaliers larges et ses rampes, et sur surtout à cause de son architecture. Il ressemble un peu à une centrale de commande futuriste et massive tout droit sortie de l’époque soviétique. Mais en fait, Odaiba est déjà en soi un voyage dans le rétrofutur. Ça commence avec l’ar l’arrivée en Yurikamome, un train monorail sans conducteur qui circule dans la baie de Tokyo. Installez-vous au premier rang. Et s’il est occupé, attendez le train suivant. »

SE PERDRE DANS UNE MER DE MAGAZINES Une librairie dans laquelle s’enfermer, pas seulement à cause des mangas.

« Mon style change selon le terrain de jeu urbain qui m'accueille. » En lévitation : Jason exécute un mouvement pour le plaisir, près de la gare de Shinjuku.

« Quand je suis à Tokyo, mais comme partout où je vais d’ailleurs, je charge régulièrement des vidéos de mes sessions sur YouTube. Je les poste aussi sur Instagram et Facebook. Donc rien qu’à cause de ça, je passe beaucoup de temps devant mon ordi et sur mon smartphone. J’apprécie donc d’autant plus de me changer les idées dans la librairie Tsutaya T-Side à Daikanyama, un quartier créatif. Dans le labyrinthe des étagères, il y a un choix énorme de livres en anglais et en japonais. Et à un étage supérieur, il y a une collection de 30 000 magazines vintage. Enfermez-moi ici ! » Jason Paul sur Instagram : @thejasonpaul THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN

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EMILY IBARRA, GETTY IMAGES


« CHAQUE JOUR, UN SPORT » MARC MÁRQUEZ mesure 1,68 mètre pour 59 kilos – et ce n’est que du muscle. Pas inutile pour pousser une Honda de 290 chevaux à la limite de ses possibilités comme il le fait. Comment s’entraîne-t-il et qu’a-t-il à nous apprendre ? Entretien WERNER JESSNER


JAIME DE DIEGO/RED BULL CONTENT POOL

ÉLÉVATIONS LATÉRALES

Pour faire travailler les muscles des épaules, très sollicités quand on fait de la moto. À faire très lentement !

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T

he red bulletin : Comment se motivet-on pour l’entraînement ? marc márquez : Quand on s’entraîne, il faut avoir un objectif en vue. Il faut que ça en vaille la peine. Ça suffit pour se bouger les fesses ? Bien sûr, moi aussi, il y a des jours où je me réveille et je me dis : « Aujourd’hui, je veux me la couler douce. » Et que se passe-t-il alors ? Je pense objectif et j’appelle des potes. Pour rigoler ou s'entraîner ? S'entraîner ! L’un d’entre eux aura sûrement une idée sympa. On ira faire une

sortie vélo, jouer au foot, au tennis. Dès que la compétition entre en jeu, qu’il y a un objectif, tout le monde est motivé. S’entraîner juste pour l’amour de l’entraînement, ce n’est pas facile – surtout sur le long terme. Votre frère, Álex, roule lui-même en Moto2. Je suppose que vous vous entraînez ensemble… C’est le top du top : non seulement c’est mon frère et mon meilleur ami, mais on se motive aussi l’un l’autre. C’est le partenaire d’entraînement idéal. J’ai trois ans de plus que lui, donc je veux battre le petit jeune. Lui, de son côté, il fait tout pour être meilleur que moi. Et la motivation vient d’elle-même. Il faut se trouver un frère avec qui s’entraîner ? Ça, c’est dans le meilleur des cas (rires). Si vous vous cherchez un partenaire d’entraînement, ce que je vous conseille, c’est de prendre le mec le plus athlétique que vous pourrez trouver. La compétition pure et dure, il n’y a que ça de vrai pour s’améliorer. Si vous voulez atteindre votre objectif, laissez-vous tirer vers le haut par quelqu’un qui en est vraiment capable. Votre objectif est clair : vous voulez être suffisamment affûté pour rempor remporter un autre championnat du monde et pour être blindé musculairement en cas de chute. Mais quels objectifs peut bien se fixer un employé qui reste collé à son bureau 40 heures par semaine ? Il y a tant d’objectifs à se fixer ! Échapper à son collègue, traverser les Alpes en VTT, être le plus en forme pendant la deuxième mi-temps du match de foot, quand tous les autres sont à bout de souffle. Je ne sais même pas par où commencer. Sans compter qu’il a un avantage sur moi : il peut se choisir lui-même un objectif et le réajuster dès que c’est nécessaire.

SQUATS

Avec une petite diffi­ culté supplémentaire pour plus de puissance, d’équilibre et de sen­ sations corporelles : un kettlebell à garder bien droit et un support instable.

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« LE MEC LE PLUS ATHLÉTIQUE, CE SERA LUI VOTRE PARTENAIRE : IL VA VOUS TIRER VERS LE HAUT. » THE RED BULLETIN

JAIME DE DIEGO/RED BULL CONTENT POOL

OK, un objectif donc. Mais pour l’atteindre, il faut souvent en passer par des choses pas très marrantes, comme


RAMEUR

Pour faire travailler le haut du corps et les jambes. Attention : garder le dos droit !

TRACTIONS

fixer un mur pendant des heures sur son vélo d’appartement. C’est vrai. Le plus difficile, c’est le mental. Surtout en hiver, quand on ne peut rien faire à l’extérieur. Je fais appel à des professionnels pour m’aider depuis que j’ai onze ans : un entraîneur pour m’expliquer qu’il est judicieux de faire 20 minutes d’étirement après l’entraînement, quelqu’un qui m’explique à quoi ça sert et qui me donne un coup de pied aux fesses quand je me laisse aller.

Pour faire travailler tout le dos, mais surtout le trapèze inférieur. Attention : ne pas se balancer et ne pas se laisser pendre !

Et si je n’ai personne sous la main ? Dans ce cas-là, j’ai un truc : mon programme sportif suit les prévisions météo à la lettre. Il pleut demain ? Courir sous la pluie, ça peut se faire. Faire du vélo, en revanche, ce n’est pas très marrant.

EXTENSIONS DE JAMBES

Et si on doit vraiment se contenter d’un vélo d’appartement dans le garage, comment faire pour ne pas craquer ? J’ai déjà essayé de jouer à la Play­ Station en même temps… … haha, il faudra que j’essaie un de ces quatre ! Pour moi, la PlayStation, c’est un véritable exercice de concentration en soi. Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais votre cerveau travaille quand vous jouez à MotoGP et que vous essayez d’être parfaitement régulier dans vos temps au tour.

Pour faire travailler les cuisses. Plus le dos est plat, plus l’exercice est intense.

POMPES

Un classique pour se muscler les pectoraux, réalisable partout et à n’importe quel moment. Attention : pas de dos creux !

Est­ce que vous roulez avec Marc Márquez dans MotoGP ? Je prends toujours la meilleure bécane en fonction du circuit. Et il m’arrive parfois de dépasser mon moi virtuel pendant la course ! Revenons­en à notre employé qui n’est pas toujours coincé au bureau et qui doit parfois partir en voyage d’affaires. Comment faire du sport quand on est en déplacement ? Je suis en déplacement environ 200 jours par an. Il faut avoir la possibilité de se tenir un minimum à son programme sportif. Courir, ça peut se faire partout et tout le temps. Quand je réserve, je fais très attention à ce que l’hôtel ait une bonne salle de sport. La déco de la chambre, à vrai dire, je m’en fiche. Je n’y reste que pour dormir de toute façon. Conseil pour les hommes d’affaires : passer la soirée à la salle de sport plutôt qu’au bar de l’hôtel ? Le mieux est encore de planifier ses rendez-vous afin d’avoir une heure de libre pour faire du sport le matin – douche incluse. Par exemple, quand mon premier rendez-vous est à 10 heures, ça 41


CURLS AU PUPITRE

EXERCICES D’AGILITÉ AVEC LES CÔNES

Courtes fentes latérales, puis toucher au sol avec la main. Pour être plus agile.

ne veut pas dire que je fais la grasse matinée : je vais à la salle de sport à 8 h 30 pour m’entraîner pendant une heure, avant de prendre ma douche et mon petit-déjeuner. Faut-il inclure des jours de repos à son programme sportif ? C’est indispensable ! Pendant les jours de repos, je peux faire et manger ce que je veux. Bien sûr, je peux aussi manger sainement et faire du sport si le cœur m’en dit. Être en repos, ça ne veut pas dire qu’on est obligé de se la couler douce – mais qu’on en a le droit. Pouvez-vous nous donner cinq exer exercices à faire pour avoir le même corps que vous ? Non, je ne peux pas. Mon frère Álex s’entraîne exactement comme moi, il est aussi fort que moi, nous mangeons la même chose, mais il a une constitution totalement différente. Il sera toujours mince, alors que moi, j’ai tendance à faire du muscle. C’est une question de prédisposition. Quels exercices faites-vous ? Tout ce qui fait travailler l’équilibre. 42

Et qu’est-ce qui fait travailler l’équilibre ? Le swissball ? La slackline ? Ce serait bien trop facile ! Le mieux pour avoir un bon équilibre, c’est de pratiquer plein de sports différents. L’idéal étant d’en changer tous les jours. Il faut stimuler son corps au quotidien et de différentes manières. Hier c’était gym, aujourd’hui motocross, demain football, après-demain VTT. Sans compter une solide base en endurance grâce au running, au vélo et à la natation, quand mon épaule me le permet. Et ça marche pour avoir des tablettes de chocolat ? Combien d’abdos arrivez-vous à faire ?

« À L’HÔTEL, IL ME FAUT UNE BONNE SALLE DE SPORT. LA CHAMBRE, C'EST JUSTE POUR DORMIR. »

Je ne peux vraiment pas vous dire. Et c’est sans importance. Ce qui est important, c’est de travailler sa sangle abdominale au quotidien. Ce qui compte, c’est la régularité, pas le record en soi. Quel intérêt d’arriver à faire 100 ou 200 abdos aujourd’hui si je n’en fais pas un seul demain ? Bien entendu, l’intensité de l’entraînement varie au cours de la saison, mais une session où on se crame complètement, ça ne sert à rien. Si on s’entraînait ensemble… … vous vous diriez probablement : bah, ce n’est pas si difficile que cela. Il ne fait que 90 minutes de vélo, pas quatre heures. Mais ces 90 minutes, je les fais quand même cinq à six jours par semaine. Et il y a un autre aspect qui entre en ligne de compte : avec des courses de 40 minutes comme en MotoGP, pourquoi est-ce que j’irais m’entraîner pendant quatre heures ? Ce qui nous ramène aux objectifs. Il faut adapter son entraînement à son objectif. OK. Mon objectif, c’est de rouler à moitié aussi vite que vous en moto sans tomber. Comment dois-je m’y prendre ? Essayez de retrouver votre âme d’enfant. Quand j’enseigne des techniques de pilotage à des petits, je leur dis ce qu’ils doivent faire et ils le font – c’est aussi simple que cela. Les adultes ont tendance à se crisper. Donc, après la leçon, laissez votre moto au garage pendant une ou deux semaines. Pardon ? Je sais que ce n’est pas facile, surtout quand on a appris quelque chose de nouveau. Mais le cerveau a besoin de temps pour se rappeler et pour assimiler ce qu’il a appris. Là, vous pourrez reprendre l’entraînement et vous verrez que ça ira déjà mieux. Ensuite, vous pourrez continuer à vous entraîner, mais n’oubliez jamais de faire de longues pauses. Comme ça, vous aurez super envie de rouler, votre corps sera reposé et votre cerveau sera en alerte. Comme quand on ne voit pas sa copine pendant une ou deux semaines ? Je ne peux pas vous dire, je n’ai pas de copine. (rires) Quelle importance accordez-vous aux détails quand vous voulez progresser ? Est-ce que vous regardez des vidéos pendant des heures pour changer une toute petite chose ? Matthias Walkner, le vainqueur du Dakar, a passé des jours avec le père de Marcel Hirscher THE RED BULLETIN

JAIME DE DIEGO/RED BULL CONTENT POOL (2), ROBERT WUNSCH

Pour faire travailler les biceps. Comme le haut des bras repose sur un pupitre, on est obligé de réaliser l’exercice correctement.


à peaufiner la position de sa botte sur le repose-pied… Vous vous demandez comment vous améliorer. Alors essayez pour voir si ça fonctionne. Mon approche à moi n’a rien de scientifique. Je suis plutôt le genre de pilote à rouler à l’instinct. Et je ne pense pas que cela puisse se transmettre. Vous avez été le premier à poser sciemment le coude sur l’asphalte dans les virages. Pour moi aussi, ça a été dur. Mais quand j’ai vu que les autres pilotes essayaient de faire pareil, j’ai voulu m’assurer d’être le premier à y arriver, parce que cela me permettait d’aller plus vite dans les virages. Ça n’a pas été simple, je suis tombé un paquet de fois. Mais une fois cette nouvelle technique acquise, je me suis

tout de suite reconcentré pour en a pprendre une autre. Et le truc du coude est rapidement devenu une simple routine. Que pensez-vous des jeux de concentration sur ordinateur pour mieux relier les deux hémisphères du cerveau ? Pas grand-chose. J’ai essayé, mais je préfère pratiquer plusieurs sports différents. L’effet est sans doute le même, mais c’est beaucoup plus agréable, et en plus ça me permet d’améliorer ma condition physique. Si ça aide notre homme d’affaires à être plus concentré et à forger son équilibre intérieur, c’est super ! À combien monte votre rythme car cardiaque pendant la course ? Super haut. Dès la grille de départ, alors que je me contente d’être là avec la moto

« QUEL INTÉRÊT DE FAIRE 100 OU 200 ABDOS AUJOURD’HUI SI JE N’EN FAIS PAS UN SEUL DEMAIN ? » entre les jambes, je suis déjà à 110. Pendant les 20 premières minutes, ça monte à 150, et dans la deuxième moitié de la course, on ne redescend jamais en dessous de 180, 190 battements par minute. C’est dingue ! Et il faut aussi faire preuve de dextérité par-dessus le marché ? Ça se fait. Le plus dur, c’est le mental. Il faut prendre des décisions dans des conditions physiques extrêmes et si on se plante d’un centimètre, c’est la chute. L’objectif, c’est de diminuer le stress et donc la fréquence cardiaque, non ? Impossible. Il peut arriver que le rythme cardiaque diminue de quelques battements, mais la fois d’après, il peut aussi crever le plafond dès la ligne de départ. Et comme vous êtes vraiment à bloc, c’est là que vous excellez ? C’est exactement le contraire. Plus je suis détendu, mieux je pilote. Une ou deux fois, je me suis même pratiquement endormi dans les stands avant la course. Les mécaniciens n’y croyaient pas. Training autogène avant le départ ? Non, mais j’ai une routine bien établie. Une heure avant la course, il y a une der dernière réunion, toujours avec les mêmes personnes. J’enfile mes vêtements toujours dans le même ordre, j’arrive dans les stands toujours à la même minute et j’enfile mes gants toujours au même moment. Superstition ? Concentration. Une fois engagé dans ce tunnel temporel, la course a déjà commencé. Ça m’aide à me concentrer.

Márquez, 25 ans : sextuple champion du monde, dont 4 titres en MotoGP. Objectif 2018 : un septième titre.

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Notre homme d’affaires a une réunion importante au sujet d’un gros contrat. Aurait-il donc lui aussi intérêt à mettre en place une routine pour combattre le stress ? Moi, en tout cas, ça m’aide.

marcmarquez93.com 43


«CHICHE, JE ME LANCE!» La plongeuse ANNA BADER saute depuis des plateformes de 22 mètres de haut et se traite de froussarde : « La chose la plus courageuse que j’aie jamais faite a été d’appeler mon père. » Entretien WERNER JESSNER 44


DEAN TREML/RED BULL CONTENT POOL

À 80 km/h en chute libre. D’ici quelques secondes, elle saura si elle a bien calculé son coup : Anna Bader lors du Red Bull Cliff Diving World Series aux Açores.


« UNE FOIS QUE TU AS DÉCIDÉ DE SAUTER, PLUS QUESTION DE DOUTER OU D’AVOIR PEUR. » La décision même de sauter est déjà une victoire, déclare Anna Bader. En revanche, il est fatal de rester bloqué dans l’indécision et d’en être malheureux.

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C’est intéressant. Personnellement, je me considère comme la plus froussarde des cliff divers. Je dois absolument tout vérifier avant de sauter et être sûre à cent pour cent d’être bel et bien prête. La routine pour contrecarrer la peur : préparation parfaite, état d’esprit par parfait, conditions parfaites ? Il ne s’installe jamais aucune routine, quelle que soit ta perfection, parce que tu dois te dépasser, tu joues avec la pesanteur, tu veux que ton plongeon ait l’air léger et facile, et parce que tu savoures le moment d’apesanteur dans les airs, ce moment de liberté. Mais le chemin pour y arriver peut parfois être routinier.

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nna Bader, 34 ans, est septuple championne d’Europe de cliff diving. Cette athlète d’exception allemande était gymnaste dans sa jeunesse et a remporté le premier événement de Red Bull Cliff Diving dames en 2013. Les 4 et 5 août, la prochaine première s’annonce pour la mère d’une petite fille de deux ans : elle sera à Sisikon, sur le lac d’Uri, avec les meilleures plongeuses de haut vol au monde.

SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL

the red bulletin : Quelle est la différence entre le courage et le fait de ne pas avoir peur ? anna bader : Le courage, c’est avoir confiance en soi, tandis que l’absence de peur peut très vite virer à la témérité lorsqu’on dénie les risques. Le fait de sauter depuis plus de 20 mètres de haut va contre la nature humaine. Quiconque s’y est risqué sait ce qui peut arriver, à quel point l’eau est dure lorsqu’on plonge à 80 km/h. Quelqu’un de fort n’est pas dénué de peur. La force, c’est justement de parfaitement connaître ses peurs et de les surmonter. Comment y arrive-t-on ? Grâce à un entraînement mental rigoureux, une bonne condition physique. Et la confiance en soi qui en résulte. J’ai noté une citation d’Oscar Wilde : « La prudence, c’est ce que nous appelons la lâcheté chez les autres. » Êtesvous d’accord ? THE RED BULLETIN

Craignez-vous le moment où vous heurtez l’eau ? Vous savez que cela va faire mal – sûrement un peu, peut-être même beaucoup. Lorsque le corps entre dans l’eau, la friction le ralentit avec une force quatre fois supérieure à son poids… C’est la minute de vérité. Chaque erreur commise lors des deux ou trois dernières secondes en l’air se manifeste. Mais il ne faut pas en avoir peur. Il faut simplement s’assurer de tout faire correctement avant. Une fois que tu as décidé de sauter, plus question de douter ou d’avoir peur. C’est le point de non-retour ? Exactement. Tu te prépares, puis tu prends ta décision. À cent pour cent. Je plonge – ou je ne plonge pas. Quelle que soit ta décision, le fait même de l’avoir prise est déjà une victoire. C’est mille fois mieux que de rester bloqué dans l’indécision, où l’on n’ose pas mais n’est pas satisfait de soi. Certaines personnes restent coincées là-dedans toute leur vie et ratent beaucoup de choses. Vous avez toujours pris des décisions courageuses. Par exemple partir comme ça en Chine, pour trois ans… … ça c’était l'une des meilleures décisions de ma vie ! Quelle expérience ! C’était pourtant souvent terriblement fatigant, mais j’ai participé au plus grand aquashow du monde, The House of Dancing Water, pendant trois ans ! Génial ! Que ressentiez-vous au moment de votre départ ? De la joie à l’état pur. Je trouve courageux que vous ayez fait des photos pour Playboy et que vous soyez devenue enseignante par la suite. Ce n’était pas une grande affaire de me déshabiller pour des photos. Super offre, 47


La plateforme du bas est déjà à environ 20 mètres. Lorsque le corps heurte l’eau, la friction le ralentit avec une force quatre fois supérieure à son poids.


très flatteuse pour mon ego, car il n’y a que des belles femmes dans Playboy. En plus, l’idée de choquer quelques per personnes me plaisait, héhé. Mais je n’imaginais pas que cela ferait autant de vagues. Ni que j’aurais à faire face aux conséquences pendant aussi longtemps. Comment cela ? Cela a duré très longtemps jusqu’à ce que les gens me reparlent normalement. J’étais célèbre, mais il était impossible de faire de nouvelles connaissances sans que ces per personnes aient des a priori négatifs sur moi. Elles pensaient me connaître, elles me collaient une étiquette. Le rapport n’était pas d’égal à égal. Et à l’école où vous enseigniez ? C’était encore pire. Les photos existent, Internet n’oublie rien et chaque écolier peut me retrouver nue sur Google. Au bout de six mois, j’ai quitté l’école pour faire une pause d’un an, me concentrer sur le sport et réfléchir à la manière d’établir une relation prof-élève respectueuse dans le futur. Et donc, comment ? J’ai décidé de tout raconter à mes élèves. Ma vie. Que je n’ai pas suivi de par parcours classique ni linéaire. Que je me produisais dans des aqua-shows, que je pratique le plongeon de falaise, que ces photos existent. Et je leur ai demandé s’ils

« QUELLE QUE SOIT LA PRESSION, TANT QUE TES PIEDS TOUCHENT LE SOL, TU PEUX TOUJOURS FAIRE DEMI-TOUR. » avaient des questions à me poser. À partir de ce moment, la glace était brisée. Vous avez eu le courage d’être sincère ? Oui, de jouer cartes sur table. Je suis fière d’être retournée à l’école après avoir abandonné. Et d’avoir bien agi au deuxième essai. Quelle est la chose la plus courageuse que vous ayez faite ? Pour la plupart, c’est évident : le fait d’avoir sauté dans la mer depuis une plateforme de 22 mètres, mais j’imagine que vous avez d’autres choses en tête ? (Elle réfléchit longtemps.) C’est très per personnel. J’ai été brouillée avec mon père pendant des années. Il m’a fallu vraiment beaucoup de courage pour faire le premier pas et me réconcilier avec lui alors que je ne voyais aucune raison de lui présenter mes excuses. Oui, c’est bien la chose la plus courageuse que j’aie jamais

faite dans ma vie. Absolument. Car je suis une personne très fière, et mon père aussi. Tous deux à raison. Oui. Qu’est-ce qui vous a amenée à faire le premier pas ? Il n’y a pas eu d’occasion précise. C’était plutôt une question qui est toujours présente à mon esprit : comment bien mener ma vie ? Au bout de quelques années, je suis arrivée à un point où il a fallu que je prenne mon courage à deux mains pour l’appeler. Il m’a fallu beaucoup de temps, comme c’est souvent le cas dans la vie. Comme pour la préparation à un nouveau saut : vous sentez que vous êtes prête, puis vous vous lancez ? Il y a de nombreux parallèles. Un nouveau saut te travaille des nuits durant jusqu’au jour où tu sais : maintenant, j’y vais. C’est comme ça que tu n’as pas peur. Mais ce processus dure longtemps. Est-ce qu’il est parfois plus courageux de ne pas plonger ? Il y a régulièrement des athlètes qui se forcent à sauter contre leur conviction. Ça se termine rarement bien. Une fois, j’ai tourné une publicité en Thaïlande. Nous devions plonger dans la mer à un endroit qui avait prétendument sept mètres de profondeur. Je n’y croyais pas et j’ai demandé à ce que l’endroit soit remesuré.

OSEZ SAUTER

ROMINA AMATO/RED BULL CONTENT POOL

Plongez avec Anna Bader & Co

Si jamais un amerrissage se passe mal, des plongeurs de sauvetage se tiennent prêts à toute éventualité.

THE RED BULLETIN

Sautez vous-même sous les conseils d’un pro, sentez-vous libre comme l’air et plongez dans le monde extrême du cliff diving : voici ce que vous propose Mad Hoppers, l’entreprise d’Anna Bader et de son compagnon Kris Kolanus. « Le plongeon de haut vol n’est pas que pour les pros, toute personne sportive peut s’y tester », déclare Anna. madhoppers.eu 49


Les plongeurs de l’armée ont enfoncé une barre dans l’eau jusqu’à ce qu’elle aille effectivement à sept mètres sous l’eau – mais à un seul endroit, quelque part entre des rochers. Sinon le fond se trouvait à environ deux mètres. Je suppose que vous n’avez pas sauté. Bien sûr que non ! Avant le plongeon, tu peux tout influencer. À partir du moment où tu as quitté le sol, c’est fini. Tu ne dois jamais l’oublier. Quelle que soit la pression qui repose sur toi, indépendamment du nombre de caméras braquées sur toi. Il se peut qu’il y ait trop de vent, que les vagues soient trop hautes. Tant que mes pieds touchent le sol, je peux toujours faire demi-tour. Une citation d’Erich Kästner : « Il arrive même à l’homme le plus fort de regar regarder sous son lit. » Effectivement, de nombreux hommes ont un problème d’ego. Ils n’admettent pas que la situation les dépasse et qu’il vaudrait mieux abandonner – et revenir dans quelques mois, mieux préparés. Votre fille aura deux ans en septembre. C’est également une décision courageuse de mettre un enfant au monde. Mais ça aussi c’était une très, très bonne décision ! Même sans boulot sûr, sans sa propre maison et sans compagnon de longue date. Kris (également un Red Bull Cliff Diver, ndlr) et moi avons su très vite que nous voulions un enfant. Bien sûr, on est arrachés à son ancienne vie, sur surtout lorsqu’elle était aussi trépidante et spontanée que la nôtre auparavant. Un jour ici, l’autre ailleurs, c’est devenu plus difficile. Mais quel cadeau merveilleux. Dans quelques années, elle sera probablement perchée sur un plongeoir de dix mètres et c’est vous qui la regarderez. Oui, possible. Elle se rend compte de ce que nous faisons et est déjà mordue. En fait, je voulais plutôt insinuer que l’on a souvent plus peur pour les autres que pour soi-même. Et qu’il est important de laisser son enfant faire ses propres expériences, sans vouloir le sauver sans arrêt. Mes parents sont un grand modèle pour moi. Mon éducation a été très libre, avec beaucoup de confiance. On m’a rarement dit « Tu vois, on te l’avait bien dit ! » On ne m’a pas élevée dans la peur. Chez nous, on disait plutôt : « Tu vas y arriver » ou bien « C’est à toi de savoir. » Surtout mon père, avec ses idées farfelues. 50

L’une des favorites à Sisikon : Anna Bader, coqueluche du public, toujours rayonnante.

« LE COURAGE NA T DU FAIT QUE NAÎ L’ON N’EST PAS DÉPENDANT DE L’AVIS DES AUTRES, MAIS QUE L’ON VIT SA VIE. » Comment mettre cela en pratique en tant que parents aujourd’hui ? Nous nous efforçons d’être là et de la rattraper au besoin. Mais elle doit se rendre compte qu’elle tombe. Savoir que ses actes ont des conséquences. Avec tous les parents surprotecteurs qui suivent leurs enfants à la trace dans les aires de jeux et les voitures qui ont douze airbags : pensez-vous que nous

ayons peur de choses qui n’arrivent finalement que rarement ? Je trouve surtout dommage que les enfants soient joignables en permanence sur leur portable pour leurs parents. Pourtant, cette demi-heure invisible entre l’école et la maison nous donnait le plus de confiance en nous, parce que nous nous rendions compte de ce dont nous étions capables nous-mêmes. Que nous pouvions prendre des décisions librement. Aller où nous voulions. Et que le monde n’était pas un endroit dont il faillait se protéger. Le courage, c’est encore autre chose. Il naît du fait que l’on n’est pas dépendant de l’avis des autres, mais que l’on vit sa vie. Au lieu de penser : « Je n’en suis pas capable ! » se dire : « Chiche, je me lance ! » C’est ça le courage.

cliffdiving.redbull.com THE RED BULLETIN



Old Delhi, 2018 : Lilou est venu en Inde pour prendre la tempÊrature de la scène breakdance locale, en plein essor.

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LE MONDE SELON LILOU

Le B-Boy franco-algérien LILOU est l’un des danseurs les plus talentueux au monde. Et sûrement celui qui a le plus voyagé pour propager sa passion, son art de la danse. Avec 91 pays visités à date, il a quelques astuces de voyage à partager avec vous.

LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL

Texte PH CAMY


D

e sa banlieue lyonnaise, Vaulx-enVelin, au Kazakhstan, en passant par le Nigeria, la Russie, le Laos, le Koweït, le Venezuela, l’Iran ou Macao, en vingt ans de carrière – jusqu’au sommet du breakdance, discipline dans laquelle il a insufflé audace et détermination jusqu’à décrocher des titres mondiaux, le parcours de Lilou, 34 ans, est intimement lié au voyage. Pour animer des cours de danse, par parrainer des événements, être le sujet d’un projet vidéo ou photo, participer à une compétition de renom, ou bien faire partie d’un jury, le danseur s’est rendu dans près de cent pays. Paradoxal pour quelqu’un qui « déteste le process du voyage », l’attente aux aéroports, les embarquements, à répétition plusieurs dizaines de fois par an. Ce qui compte pour Lilou, Ali Ramdani dans le civil, c’est la destination, et à force de voir du pays, il en a tiré quelques astuces de voyageur tout-terrain qui pourraient bien vous servir lors de vos déplacements estivaux. Et les anecdotes de cet accro au voyage ne manquent pas de piment.

FAIRE DES IMAGES, C’EST UN PARTAGE

Partout où il bouge, Lilou produit des contenus vidéo et photo. Voici ses conseils pour réaliser des images sur vos prochains trips.

QUAND ÇA PART EN…

Voyager peut apporter son lot d’embrouilles, mais ce n’est pas au bout du monde que Lilou s’est retrouvé en situation périlleuse.

« Ça s’est passé dans mon quartier, à Lyon, à Vaulx-en-Velin. J’étais suivi par une équipe de tournage, deux gars avec moi, dont un Anglais. On était montés en haut d’une tour d’habitation, et les mecs du quartier ont pensé que c’était l’équipe d’une émission de reportage à scandale qui me suivait. Au moment où nous allions prendre l’ascenseur pour repartir du quinzième étage, quatre gars en sortent, dont un armé d’un calibre. Je connaissais deux des gars, je leur ai expliqué que nous tournions un documentaire sur mon histoire, mon parcours, là d’où je viens. “C’est pas M6 qui vient filmer, on va se recroiser souvent.” Ça les a mis en confiance, et ils nous ont proposé de les suivre pour filmer, de faire des drifts avec leur Mercedes… ils nous ont aidés, en fait. (rires) Finalement, l’embrouille ne se trouvait pas au bout du monde. »

« Pour filmer dans des endroits peu sûrs, commence par observer, avec ton matériel rangé dans un sac à dos discret, pas un sac photo. Explique aux gens pourquoi tu es là, et si le coin est vraiment louche, viens avec un local. C’est ce que tu dégages qui va être déterminant : si tu te pointes en mode “je viens photographier des animaux en cage”, ça risque d’être délicat. Il faut de l’échange, du partage… la confiance des gens, ça se gagne. Côté matos, je pars avec une petite caméra Osmo, un genre de petite boule, avec un stabilisateur, tu peux y fixer ton téléphone, qui te servira d’écran. Je prends aussi un appareil photo Reflex Canon 5D. Si je connais du monde là où je vais, je leur demande s’ils n’ont pas un pote ou un contact qui peut apporter du matos pour filmer, ou juste filmer. Il a son propre matériel, il parle la langue, ce sera lui le caméraman, et toi tu seras le sujet. Quand je suis tout seul, je filme moi-même, et quand je veux faire un passage de danse, je repère un gars qui semble un peu futé, j’allume la caméra, et je lui demande de filmer. »

VOYAGER SEUL OU EN ÉQUIPE ?

Ils parcourent le monde pour propager leur art : Lilou (à droite) et des membres des Red Bull BC One All Stars, soit l’élite des B-Boys mondiaux.

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« En 2004, je fais mon premier voyage hors Europe, au Japon, pour les Freestyle Sessions. Là, je me dis : “Je peux voyager avec mes potes, pour faire quelque chose que j’aime.” On est partis à huit ! On a perdu la compétition, mais on a rigolé au max. Mon dernier pays visité, c’est le Cameroun, où je suis parti pour un projet de danse, j’étais le parrain d’un festival de danse, et pour y faire de la vidéo. Si tu pars en équipe, pars toujours avec des gens que tu connais bien. Le voyage à plusieurs, c’est souvent de la rigolade, mais aussi des galères d’organisation. Généralement, je fais un ou deux jours avec tout le monde, et ensuite j’évolue en équipe plus réduite, voire tout seul. Il ne faut pas essayer de tout le temps bouger avec l’intégralité de tes potes. » THE RED BULLETIN

LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL

Ses premières virées, il les fait avec son crew de danseurs, les Pockemon. Voyager en groupe ne veut pas dire « subir » le groupe.


« Pour moi, le voyage a commencé en bougeant de mon quartier, jusqu’au centre-ville de Lyon. » Lilou chez lui, à Lyon. Tous les ans, il y organise le Battle de Vaulx, événement de danse international.


« Un caleçon et un T-shirt dans ma banane, et voilà, je suis prêt… Je suis même déjà parti avec juste un sac en plastique ! » Au Nigeria, en 2017 : avant de monter sur ce taxi-moto pour une virée dans Lagos, Lilou teste sa robustesse.


LÉGER LE PAQUETAGE, VOIRE ULTRA-LÉGER !

Quand on prend le large plusieurs dizaines de fois par an, la préparation des affaires peut devenir un casse-tête. L’essentiel pour Lilou, ce sont ses bras et ses jambes…

« Je voyage léger ! Je prends toujours une paire de claquettes, ou de tongs, selon l’appellation. Parce que j’aime être à l’aise dans l’avion comme dans le pays. Et si tu ramènes ta paire de Air Max à 180 euros partout, ça peut être problématique… J’emporte un sac à dos, toujours ; mon bob aussi, parce que sous la pluie ou le soleil, ça sert, et ça fait aventurier. (rires) Un short, un T-shirt… C’est ça mon kit de voyage. Je suis déjà parti en Hollande ou en Espagne avec seulement une banane. Une banane et mes claquettes… (rires) Un jour que je partais à l’étranger pour deux jours et que j’étais blessé, je savais que je n’allais pas faire de démo, alors j’ai mis un caleçon et un T-shirt dans ma banane, et voilà, j’étais prêt… Je suis même déjà parti avec juste un sac en plastique ! (rires) Pour de courtes destinations en France, par exemple. En mode sac plastique, tu n’as pas vraiment l’impression de partir. (rires)

Un portrait de Lilou en Afrique du Sud, en 2016, par le photographe local Tyron Bradley. L’un des voyages les plus marquants de la carrière du B-Boy.

NOURRITURE : PENSEZ LÉGUMES !

TYRONE BRADLEY/RED BULL CONTENT POOL (2), LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL

Personnage intrépide, Lilou ne l’est pas forcément avec la nourriture, mais il sait trouver dans les légumes une bonne alternative.

« À l’étranger, je peux me contenter de plats super simples, je ne suis pas du genre “explorateur culinaire”, et j’ai plutôt tendance à aller sur les plats que je connais, ou approchants. Et comme je ne mange que halal, quand je vais dans des endroits où il n’y a pas de plats halal, je me transforme en végétarien. (rires) Et ça marche plutôt bien. Mais attention, j’aime vraiment goûter les spécialités locales, et une spécialité locale n’est pas forcément un plat de viande, tu as les légumes et ça inclut aussi le dessert. Quand je vais au restaurant à l’étranger, je privilégie les restaurants locaux, pas les adresses pour touristes : je vais là où le local mange. J’étais récemment à Taïwan et un type m’a recommandé un restaurant où il allait très souvent, je n’y serais jamais entré de moi-même, car l’endroit n’était pas attirant. La bouffe était super ! » THE RED BULLETIN

Le danseur Lilou s’est formé en France, et il sillonne toujours le territoire pour partager son expérience avec les B-Boys locaux. Ici à Toulouse, en 2017.

POUR CONNECTER FACILEMENT

Entrer en relation avec les populations locales peut transformer votre voyage. Tout commence par une simple petite conversation.

« Pour un premier contact avec la population locale, j’aime bien commencer par un petit magasin, une petite épicerie. Même si je n’ai pas faim ou soif, je viens acheter un petit truc, et je commence à parler avec le vendeur ou le patron, je pose quelques questions. Et si tu as envie de filmer dans ce genre d’endroit, commence aussi toujours par acheter quelque chose, 57


ou consommer un produit sur place, là tu pourras te présenter, discuter, et demander si tu peux filmer ou faire des photos. Concernant la langue, j’aime bien apprendre quelques bases sur place, plutôt qu’avant mon voyage. Les basiques, “bonjour”, “au revoir”, “merci”… et une insulte. Si l’insulte est bien choisie, bien sûr, et qu’on te demande quels mots tu connais dans la langue locale, ça fera toujours rire, ça va enclencher les connexions. Je le répète, une insulte qui fait rire ! (rires) Pour connaître les mots de base, tu peux demander à un vendeur, aux gens avec qui tu dois discuter pour n’importe quelle raison. »

BOUGEZ COMME LE FONT LES LOCAUX

À l’étranger, vaut-il mieux privilégier les transports en commun ? Pour Lilou, c’est avec la population locale qu’il faut se déplacer.

« Tout dépend du pays où tu te trouves, mais si tu vois des transports en commun routiers de groupe, monte dedans ! Au Sénégal, par exemple, les gens n’osent pas prendre les fameux cars rapides, ils n’ont pas l’habitude, ils pensent que c’est dangereux, bien au contraire, car tu voyages avec du monde. Si tu te fais agresser dans un van, ça se verra, alors que si tu te fais kidnapper par ton taxi… (rires) On m’a déjà reconnu dans un bus local ou autre, les types se demandaient ce que je faisais là. “Je dois aller d’un point A à un point B, si toi tu le prends, je le prends aussi.” Les transports locaux te permettent de voir comment se déplacent vraiment les gens. Si là où tu voyages, il y a surtout des taxis et que tu ne veux pas te faire arnaquer sur les tarifs, dis au chauffeur que ce n’est pas la première fois que tu viens, que tu te rends régulièrement dans ce pays pour bosser, et tu pourras négocier le tarif. »

CHEZ LE DOUANIER, VENEZ ÉQUIPÉ

Visiter un nouveau pays implique le consentement des autorités locales. Un B-Boy en vadrouille, voyageant léger, a de quoi attirer les soupçons des douaniers…

« Ça m’arrive souvent de finir en second contrôle à l’aéroport : avec un nom arabe, une barbe et un passeport bien rempli, ça peut susciter quelques

« Pour filmer ou photographier, il faut de l’échange, du partage… la confiance des gens, ça se gagne. » Ces vans sont pour lui le moyen de transport le plus inspirant en Afrique. Et un parfait support pour une photo rare.


Il est passé par là…

Quand nous avons demandé à Lilou de nous lister les pays, il lui a fallu un peu de temps. Finalement, il s’en est remémoré 91. Retrouvez une timeline de la carrière de Lilou sur : bboylilou.redbull.com

TYRONE BRADLEY/RED BULL CONTENT POOL

Sur cette carte, les pays en gris sont ceux sur lesquels Lilou n’a jamais posé les mains.

doutes chez les douaniers, on ne va pas se mentir. (rires) Et quand on te demande ce que tu fais dans la vie et que tu réponds “je suis danseur”… Dans certains pays, ce n’est pas considéré comme un métier. Même en France, tout le monde ne comprend pas. Au Kazakhstan, ils ont fouillé l’intégralité de mon téléphone, mes conversations WhatsApp, mes SMS, mes photos, etc. pour voir si je n’étais pas un espion, ou je ne sais quoi. Ma solution quand je me retrouve dans le petit bureau des douaniers ? Je leur montre très vite une vidéo où je danse, j’essaie de justifier tous mes voyages, et de leur prouver que je voyage vraiment beaucoup. Ça m’est déjà arrivé de danser devant les douaniers, ça a souvent été mon sésame de sortie. (rires) Désormais, avant chaque voyage, j’essaie de partir avec le maximum d’infos sur ma destination et le but de ma destination, j’amène une version imprimée de ma réservation d’hôtel, et les coordonnées précises de mes contacts sur place. Souvent, ton contact a un surnom, alors je demande son identité exacte, son numéro de téléphone… Si ton contact est surnommé Mickey, tu vas encore plus passer pour un con. (rires) »

LE VOYAGE EST AU BOUT DE LA RUE

En vingt ans de carrière, Lilou a évolué dans un nombre impressionnant de pays, mais pour lui, tout a débuté en sortant de son quartier, pour explorer Lyon.

« Pour moi, le voyage a commencé en bougeant de mon quartier, jusqu’au centre-ville de Lyon, pour rejoindre celui de l’Opéra. Quand tu es un jeune de banlieue, quand tu as 12 ans, c’est un voyage, et ce fut mon premier gros voyage, en fait. On allait du quartier à “la ville”. Tu danses avec tes trois ou quatre potes à Vaulx-en-Velin et là tu découvres un autre monde, d’autres gens, d’autres danseurs, des gars d’autres banlieues… De là, tout un cheminement s’est mis en place, du quartier à la ville, d’une ville de France à une autre, en fraudant le train ou en montant à six dans une voiture, puis d’un pays à un autre, et d’un continent à un autre… À l’époque où j’ai commencé à me déplacer, si je voulais aller danser à Marseille par exemple, il n’y avait pas de portables ni de GPS, j’arrivais à la gare St-Charles et il me fallait trouver le lieu du battle. Ça se passait comme ça, je devais aller à la rencontre du local, dans mon propre pays. » 59


Son meilleur souvenir de voyage… « Mes voyages à La Mecque. Je suis parti trois fois en Arabie saoudite pour donner des stages de danse, et à chaque fois, comme j’étais à une distance raisonnable de La Mecque, j’en ai profité pour faire un pèlerinage. Des gens économisent toute leur vie pour y aller ; moi, c’est la danse qui m’a donné cette possibilité. Je pourrais aussi te parler de l’Afrique du Sud, entre océan Atlantique et océan Indien. Je me suis dit : “Mec, tu es à la pointe de l’Afrique, c’est fou !” »

… et le pire « En 2013, quand je me suis blessé au tendon rotulien du genou droit, alors que je donnais des cours au Pakistan. J’étais en préparation du Red Bull BC One World Final à Séoul en Corée du Sud, une très grosse compétition, le championnat du monde dans le breakdance. On m’a annoncé un passage à l’hôpital, je me suis dit que localement, c’était une mauvaise option, j’ai préféré attendre d’être en France pour y aller. Je repartais le lendemain, j’ai passé une très mauvaise nuit, je pleurais dans l’avion, j’avais tellement mal. »

Jamais les Pharaons n’auraient imaginé que le Sphinx de Gizeh serait le témoin d’un move de break. Lilou s’en charge.


Lilou a eu pour habitude de s’entraîner dans les aéroports, aujourd’hui il met à profit ses transits pour éditer les vidéos de sa chaîne YouTube : TVlilou.

METTRE UN TRANSIT À PROFIT

NAIM CHIDIAC/RED BULL CONTENT POOL, LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL

Les destinations lointaines impliquent de longues heures de transits dans des aéroports. Lilou sait les exploiter au mieux.

« Par le passé, quand je me déplaçais avec mon crew de danseurs, on profitait des transits dans les aéroports pour s’entraîner, et comme le sol d’un aéroport est souvent lisse, c’était parfait. Aujourd’hui, quand je voyage tout seul, j’en profite pour lire, ou me poser dans un resto et travailler sur mon ordinateur, faire du montage vidéo, car je produis beaucoup de vidéos lors de mes voyages, à destination de ma chaîne YouTube, TVlilou, où je diffuse des vidéos de mes voyages ou des événements de ma structure, Street Off. Du temps perdu mis à profit pour mon média. »

EN AVION : NO STRESS, QUOIQUE…

Lilou ne compte plus le nombre de fois où il a pris l’avion. D’un naturel aérien plutôt serein, il raconte un vol où la fin semblait toute de même proche.

« Si jamais tu appréhendes de prendre l’avion, commence par un long cour courrier direct. Plutôt que te mettre en stress pour un simple Paris-Marseille. Je suis plutôt cool en avion, et les turbulences ont tendance à me bercer. Bon, un jour, durant un vol vers La Réunion avec ma femme, j’ai quand même cru que c’était la fin. On a eu droit à des turbulences comme jamais je n’en avais vécues. Ça criait dans

l’avion, ça bougeait vraiment beaucoup, l’avion faisait des bons… J’ai dit à ma femme : “Prie, c’est la seule chose que nous pouvons faire, ça n’est plus de notre ressort.” Finalement, ça s’est calmé, et nous sommes arrivés à bon port, sains et saufs. »

VOYAGEZ SANS APPRÉHENSION

Quand il s’agit de bouger, Lilou répond toujours positivement aux sollicitations. Sans se soucier de la réputation de la destination.

« Un pays que je ne connais pas ? J’arrive ! Je n’ai aucune appréhension quand il s’agit de voyager. Si on me propose de venir dans un pays, je dis toujours oui, c’est seulement après que je m’intéresse à la situation du pays. Peu importe que ce soit un pays “chaud”, en conflit, ou dit “dangereux”, j’y vais quand même. Car j’ai une parole. Si c’est une zone de tension, au contraire, je suis super excité d’y aller, car je vais me rendre dans un endroit où les gens ne vont pas. Et je serai peut-être le premier danseur étranger à y aller. Si je ne suis pas le premier danseur étranger dans un pays, j’essaie d’aller dans les quartiers des gens, sur leurs terres. Au Pérou, d’autres danseurs sont venus, mais ils ne sont jamais sortis du périmètre de l’événement. J’ai demandé à en sortir, pour passer du temps avec les gens, chez eux. Danser sur leur terre, c’est comme un trophée. » street-off.com instagram.com/lilou_officiel 61


Comme un truc en plus Un chef d’orchestre est vieux, fou, illuminé par le classique ? UELE LAMORE – ici en photo, en mode terrasse-détente – risque de vous faire changer d’opinion sur cette activité. Texte PH CAMY Photos FELIPE BARBOSA

Uele Lamore, 24 ans, sait comment diriger un orchestre de plus de 20 personnes et toujours rester zen.

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Violon à 4 ans, guitare à 6, Uele s’est jetée dans la musique et ne s’en lassera jamais : tant que c’est frais !


the red bulletin : Uele, vous êtes aujourd’hui cheffe d’orchestre, mais vous avez débuté en autodidacte, exact ? uele lamore : Pour la guitare, je voyais de temps en temps des profs particuliers, mais j’avais surtout tendance à me plonger dans des magazines, pour y apprendre des choses différentes, explorer des genres variés… Avec un prof, tu dois te cadrer un truc, étudier un truc précis. Et puis j’ai commencé à expérimenter des logiciels de création musicale sur mon Mac, utiliser des claviers, des cartes son, des instruments MIDI. C’est quand j’ai bougé aux USA que je suis entrée dans un cadre d’apprentissage plus « académique ».

ALISHA BATTH

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ix minutes après l’avoir rencontrée, au Championnet, bar-resto lancé par son frère, Uele Lamore nous a déjà parlé, avec intensité et bonne humeur, de jazz, de rock, de riffs de metal, de hip-hop, de la production musicale informatique, de « tester plein de trucs » (en musique), du violon qu’elle a débuté à 4 ans pour finalement se tour tourner vers la guitare à 6 ans car elle « détestait » sa nouvelle prof de violon, de sa double nationalité (France-USA) et de ses étés passés à New York chez son parrain, des Strokes, des Arctic Monkeys et des Babyshambles qui la rendaient folle alors qu’elle était pré-ado au point de monter son premier groupe à 12 ans, du R’n’B des origines, celui de Memphis ou Détroit… Si on est venus la voir, c’est pour connaître son approche du métier de cheffe d’orchestre, après qu’elle a suivi des études de musique pour créer et diriger sa propre formation, l’Orchestre Orage. L’idée ? « Je voulais devenir une cheffe d’or d’orchestre spécialisée dans les créations originales, et faire se rencontrer des musiciens des divers horizons des musiques dites actuelles », explique Uele (prononcer Uèle). La jeune femme voit dans le R’n’B évoqué plus haut la source du déclic, de l’envie. « Dans tous ces trucs, comme tu en entends sur les compilations Shaolin Soul, tu avais des instruments à cordes partout, c’était hyper bien arrangé, et inconsciemment j’ai commencé à kiffer ça ! », dit-elle, avant de dérouler, en riant souvent, son parcours libre autant qu’« académique » et de nous faire comprendre pourquoi un chef d’orchestre en 2018 peut être autre chose que ce cliché coriace du « musicien classique ». THE RED BULLETIN

Qu’est-ce qui a motivé cette installation aux États-Unis ? Quand j’ai eu mon bac, à 17 ans, j’avais deux choix : intégrer une faculté d’ar d’archéologie ou une école de musique à Los Angeles pour laquelle on m’avait octroyé une bourse. Je me suis dit : « Tu as un passeport américain, la musique c’est ce que tu aimes, le seul truc où tu ne t’emmerdes pas au bout de dix secondes, alors fonce ! ». J’ai donc intégré le Musicians Institute à Hollywood, en jazz moderne, pour une licence de guitare. Jusque-là, je n’étais pas vraiment familière du conser conservatoire ou du solfège.

Mais, comment, vivant en France, avezvous pu être acceptée dans cette école ? Sur audition, tout simplement. Une audition à distance, qui a débuté avec l’envoi d’une vidéo de moi qui jouait une œuvre de mon choix. Ensuite, ils veulent voir si tu sais lire la musique, si tu as des bases en théorie, en harmonie. Mais… on ne devient pas chef d’or d’orchestre avec une licence de guitare ? En fait, après cette licence où on t’apprend à devenir un musicien de studio, pour faire court, j’ai été acceptée au Berklee College of Music, à Boston… Que veniez-vous chercher dans cette école considérée comme une institution, vous qui semblez avoir une approche plutôt libre de la musique ? Je venais faire un truc que je ne connaissais pas, de la « composition classique », alors je me suis spécialisée en direction orchestrale. J’ai étudié tous les compositeurs de musique classique du MoyenÂge jusqu’à aujourd’hui, j’ai appris à écrire des compositions dans des styles différents, j’ai appris l’histoire de ces musiques et de leurs compositeurs, l’orchestration, l’instrumentation, comment écrire avec un orchestre de quatrevingt, soixante ou vingt personnes, avec un quartet… tout !

« Si des gens kiffent toujours des trucs écrits il y a 300 ans, ça doit être hyper bien fait. » Avec l’Orchestre Orage qu’elle dirige, et les artistes qu’il invite, Uele propose des compositions originales tous les mois et demi.

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« J’ai traîné avec pas mal de formations, de rock ou autre. J’ai une approche directe, de groupe plutôt que d’orchestre, et ça plaît aux musiciens. » Votre univers musical n’étant pas le classique, ça n’a pas dû être simple ? En fait, je suis devenue accro à tout ça, j’étais obsédée ! (rires) Je me disais : « Si des gens kiffent toujours des trucs écrits il y a 300 ans, ça doit être hyper bien fait. » C’est passionnant de comprendre pourquoi ça marche aussi bien. Il y a une approche technique, mais aussi ce truc ésotérique, artistique. Si tu restes concentré sur l’aspect pragmatique, c’est hyper bien écrit, et tout est là pour que les gens aiment écouter ça. C’est la pop de l’époque, avec des « couplets » et des « refrains », des trucs hyper « catchy »… (sourire) Dans le classique, on est tout de même loin des Babyshambles et des frasques de leur chanteur, Pete Doherty… Les gars du classique étaient vachement plus rock’n’roll que Pete Doherty ! (rires) Bach a passé sa vie à galérer, à jouer dans des églises paumées dans toute l’Allemagne, il avait je ne sais combien d’enfants, une vie pas facile. Il y avait aussi ce compositeur italien qui tuait ses femmes. Qui vous a transmis tout ça ? Des profs qui sont respectés dans leurs milieux, des mecs qui savent de quoi ils parlent et qui m’ont appris comment faire les choses sérieusement, à aller droit au but quand tu joues une partition, à ne pas se casser la tête mesure par mesure… À l’école, tu as le temps, mais dans la pratique, tu n’as pas le temps : il faut éluder les choses pas très importantes. Que comptiez-vous faire de tout ce que vous appreniez dans cette école ? Je voulais être cheffe d’orchestre spécialisée dans les créations originales, et les gens qui m’inspiraient le plus dans cette voie étaient les Hollandais du Metropole Orkest. C’est l’orchestre le plus prestigieux pour ce genre d’approche de la musique. Ils font de la création avec des artistes 66

de musiques actuelles, comme le saxophoniste Kamasi Washington, le groupe instrumental américain Snarky Puppy, le trompettiste français Ibrahim Maalouf… C’est l’orchestre pionnier, le meilleur ! (rires) En fait, en arrivant à Berklee, j’ai montré une vidéo à mes profs et je leur ai dit : « C’est ça que je veux faire ! » Et après vos années à Berklee, c’est ce que vous avez fait ? Je suis sortie première de ma promo, et des mois avant mon diplôme, j’avais commencé à harceler le chef d’orchestre du Metropole Orkest, qui m’a répondu : « On va faire le Nancy Jazz Festival, rejoins-nous ! » Donc j’ai déménagé en Hollande pour devenir son apprentie, en quelque sorte. J’ai pu évoluer au sein de mon orchestre favori, voir comment ça marchait derrière les concerts, l’organisation, la hiérarchie… De retour à Paris, je voulais monter mon orchestre ! Vous auriez pu y arriver sans Berklee et votre « stage » auprès de l’Orkest ? Non, car ils m’ont transmis les meilleurs outils pour apprendre. À Berklee, tout le monde est tellement bon que ça te booste de ouf ouf, tu te pousses à 200 %. Tous les styles se mélangent, tous les instruments, toutes les nationalités, et les gens sont super ouverts d’esprit. « Tu veux faire de la direction d’orchestre ? Vas-y, grave ! » Dans un conservatoire plus traditionnel en France, ce sera peut-être « Non ! » (rires) Avec tout ce côté concours, les étapes obligées. Si tu veux devenir chef d’orchestre d’une grande symphonie, peut-être que c’est effectivement ce que tu dois faire. Un chef d’orchestre, c’est quoi, en fait ? Tu es chef d’orchestre à partir du moment où tu commences à diriger, mais si tu diriges une fois l’an, tu n’es pas chef d’or d’orchestre. Il faut faire ça tout le temps. Et le cliché du mâle, vieux et dégarni qui ne jure que par le classique, ça n’existe plus

aujourd’hui. (rires) Un orchestre ça n’est pas que du classique. Tu as des mecs qui font de la musique de film, par exemple. En tant qu’autodidacte qui a intégré des formations plus académiques pour assouvir son envie de fraîcheur musicale, quel est votre concept ? Je fais de la création originale avec des artistes de musiques actuelles. Soit on écrit le truc de A à Z, soit on revisite le répertoire de l’artiste avec lequel on collabore. Dans mon orchestre, les membres ont entre 19 et 35 ans, la question de parité ne se pose même plus et on souhaite soutenir la scène musicale indépendante. Qu’est-ce qui fait de vous une cheffe d’orchestre particulière aujourd’hui ? Je n’ai pas une culture classique, mais je connais le langage des artistes avec lesquels je collabore : les « effets », les « prods »… Je peux retranscrire cela aux musiciens de mon orchestre. On a peu de répétitions générales avec l’orchestre avant un live, donc on va à l’essentiel. Si un musicien est en difficulté, on ne passe pas une heure à arranger le truc, il bossera au calme, et sera d’attaque pour la prochaine répétition. J’ai traîné avec pas mal de formations, de rock ou autre. J’ai une approche directe, de groupe plutôt que d’orchestre, et ça plaît aux musiciens. Combien sont-ils, et quelle dynamique leur suggérez-vous ? Entre 17 et 22, et j’essaie de galvaniser tout le monde : chaque membre de l’or l’orchestre est important. Le second violon assis au fond de la salle est aussi impor important que le « premier », qui est devant et je rappelle à tous les musiciens qu’ils ont un rôle à jouer. Même si ton intervention est très courte sur la durée totale d’un concert, tu es important. Vraiment. Tout manager devrait se comporter ainsi avec ses équipes ? Oui, et ça commence par faire confiance aux gens avec lesquels vous collaborez. Et savoir rester zen, aussi… Il faut réagir très vite face aux problèmes, tracer, ne pas paniquer. En cas de souci durant un concert, si je vois les yeux des musiciens me fixer, en mode « On fait quoi ?! », par mon attitude, j’essaie de leur transmettre un message de confiance, de sérénité : « Je sais, ne t’inquiète pas, j’ai compris ce qui se passe, on se détend… » (rires)

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Uele et son parcours prouvent qu’en musique, audace et acadÊmisme peuvent engendrer le meilleur.


TAKE FIVE

Pour le runner CHARLIE DARK, privilégier…

… LE BIEN-ÊTRE PEUT CHANGER VOTRE VIE Initiateur des communautés de coureurs Run Dem Crew et Bridge The Gap, il s’est remis d’une blessure grâce au yoga et à la méditation. Depuis, cet éducateur aborde la course et la vie autrement. Et transmet. Le Londonien Charlie Dark a commencé à courir il y a dix ans.

yoga et la méditation. J’étais sceptique. Elle m’a forcé à y aller, et j’ai eu une incroyable révélation. L’aspect spirituel, la connexion à la méditation et leur influence sur nos vies m’ont soudainement été révélés. Un nouveau chapitre s’est ouvert.

3 Changer d’approche

Quand vous commencez à courir, vous franchissez des jalons. Vous pouvez n’avoir jamais couru puis parvenir à courir un marathon après 16 semaines d’entraînement. Puis vous plafonnez. J’en étais arrivé à un point où la course à pied n’était plus qu’une affaire de vitesse et de médailles. C’était devenu ennuyant parce que j’avais franchi les jalons. Maintenant, je vois la course comme faisant partie de mon bien-être. C’est un style de vie où tout est relié. La course vous donne le temps de penser, de contempler. Maintenant, ce n’est plus du tout une question de chiffres sur une montre.

aide pourrait bien 4 Ceaiderquilesvousautres

1 S’entraîner mieux, pas plus Pour moi, courir était synonyme de médailles. Mais désormais, c’est tout sauf des chiffres sur une montre. » CHARLIE DARK

Quand le running vous rend accro, on se moque du bien-être, galvanisé par l’optimisme et l’attrait de la nouveauté. Des potes sont carrément passés de leur canapé à la ligne d’arrivée du marathon de Londres en quelques semaines, sans changer leur mode de vie : job, marathon, fête. Et on recommence. Mais à un moment, ça flanche. Je me suis blessé aux ischio-jambiers et au fessier. J’étais cassé.

2 Rester ouvert d’esprit

Devais-je abandonner ? Comment me réparer ? Ma copine m’a suggéré le

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En tant qu’éducateur, je travaille avec des jeunes qui sont en colère dès qu’ils se réveillent, qui vivent dans un environnement rude. Le yoga et la méditation pourraient clairement leur faire du bien. Un enfant de 15 ans qui vit dans une tour d’habitation, qui regarde par la fenêtre et voit son quartier changer a besoin d’une autre façon de faire face à la journée.

5 Essayer de transmettre

J’organise maintenant des cours de yoga sur la base de « payer ce que vous pouvez » avec ma partenaire. L’argent ne devrait pas être un obstacle à la prise en charge de soi. Je suis une formation de professeur de yoga et nous voulons travailler avec la communauté, comme les studios de yoga ne le font pas. On a plein d’idées. Certaines d’entre elles fonctionneront et d’autres pas. Mais on va essayer. Entretien MARK WILDING Photos SIMON R PHOTOGRAPHY THE RED BULLETIN



« Je vis comme à l’âge de pierre »

PARTIE CHASSER LA SIMPLICITÉ DE L’ÊTRE

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Jadis végétarienne, ­Miriam chasse désormais son repas avec un arc et des flèches.

Boulot, appart, portable, sécu : MIRIAM LANCEWOOD, 34 ans, a tout plaqué, et réduit sa vie jusqu’à la faire tenir dans un sac-à-dos de 25 kg. Voilà déjà huit ans qu’elle et son mari ont élu domicile dans la nature. C’est là qu’ils ont trouvé ce que tous nous cherchons : le bonheur, la liberté et la panacée, sans débourser un centime. Texte WALTRAUD HABLE  Photos JULIE GLASSBERG


E

lle peut s’évanouir dans la nature en l’espace de quelques secondes. Engloutie par la forêt et ses géants verts. Même à l’aide d’un hélicoptère et de projecteurs, il serait difficile de la retrouver ici, dans les Rhodopes, massif montagneux situé dans le sud-ouest de la Bulgarie, à quatre heures de route de Sofia. Miriam Lancewood n’y peut rien. « Pourquoi d’ailleurs ? Je n’ai rien à cacher. » La Hollandaise de 1,66 m sait exactement comment se déplacer sans laisser de traces. La nature et les animaux le lui ont appris. « Dans l’eau, je ne laisse ni traces de pas ni odeur derrière moi. » Elle prend au piège les animaux sauvages qui la flairent en se hissant au sommet d’un arbre. « Perchée au-dessus du vent, ils ne peuvent plus me sentir, et de là-haut, je les ai en ligne de mire. » Pour le feu de camp quotidien, elle ramasse des branches d’arbres qu’on trouve dans les pâturages, et de pin « plus épaisses que celles d’autres arbres. On peut cuisiner directement sur le feu sans qu’il n’y ait de fumée épaisse, ce qui évite qu’un individu alerte les pompiers. » Cela fait huit ans que Miriam Lancewood, 34 ans, vit dans la nature. Son arc de chasse et son mari Peter, de trente ans son aîné, ne la quittent jamais. Avec ses longs cheveux gris et le teint tanné de toute une vie passée en extérieur, il pourrait facilement passer pour Gandalf dans Le Seigneur des Anneaux. Les deux ne restent jamais bien longtemps au même endroit. Ils sont toujours en mouvement dans les montagnes, car on demande rarement une autorisation de camper dans ces hauteurs paumées. Notre duo nomade a déjà 5 000 km dans les pattes. Elle, une ancienne prof de sport originaire d’un bled dans l’ouest de la Hollande ; lui, néozélandais de naissance, cuisto de formation, citoyen du monde par passion, non-conformiste par raison et lecteur de philo à la fac, a grandi dans une bergerie. La rencontre eut lieu en Inde au cours d’un voyage, les affinités firent le reste. Ensemble, ils sont allés faire du trekking dans l’Himalaya. Puis Miriam a suivi Peter dans sa Nouvelle-Zélande natale, et tenté de se construire une vie là-bas. Vu de l’extérieur, tout collait : le boulot de prof, les amis, l’appart. Mais à l’intérieur régnait le chaos. « J’avais donc fini d’étudier pour 72

Miriam prend les lièvres en chasse dans les Rhodopes, massif montagneux verdoyant dans le sudouest de la Bulgarie.



finalement réaliser que ni l’enseignement, ni le contact avec les élèves ne me plaisait. Quand je ne me voilais pas la face, je prenais conscience que je n’aimais pas non plus le sport de haut niveau, alors que je m’étais durement entraînée en saut à la perche pour les JO. Je me sentais dans la peau d’une ratée d’avoir dépensé tant de temps et d’énergie pour quelque chose qui, visiblement, ne me convenait pas. » La pression pour maintenir un quotidien qui sonnait faux était énorme, et insupportable. Tout comme l’appel impérieux de la liberté. « Alors que j’étais incapable de déterminer ce qu’était cette idée de liberté. Comment aurais-je pu ? Nous grandissons en captivité, en dehors de toute liberté, comme des perruches en cage, pas comme des aigles dans le ciel. Je ne savais qu’une chose : conséquemment à tout ce confort qui m’entourait, j’avais per perdu ma colonne vertébrale. J’étais insatisfaite, mais j’avais développé un tel degré

de confort mité que j’étais incapable de changer quoi que ce soit. » Peter ressentait la même chose. En 2010, ils lâchent tout, vendent tout ce qu’ils possèdent et se retirent sept ans durant dans les montagnes de l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande. En ce moment, ils explorent l’Europe. À l’automne, ils seront en Australie. Pas de job, pas de logement fixe, pas d’eau courante, pas de WC, pas de lit, pas de voiture, ni sécu ni pension retraite, pas de smartphone, pas d’ordi, aucun filet de sécurité. Miriam a tout abandonné ; pour chaque objet délaissé, elle a reçu quelque chose en contrepartie. Exit la montre. En échange, elle a gagné du temps. La vente de la voiture a eu pour impact de mobiliser en elle une volonté insoupçonnée de tout atteindre à pied. Elle a troqué ses quatre murs contre un salon au vert si spacieux, que l’on ne peut discerner où il commence ni où il s’arrête. Miriam porte 25 kg sur les épaules. « Je suis la plus jeune et la plus en forme des deux », commente-t-elle sobrement. Peter, qui sent ses 64 ans dans les hanches et les genoux, en porte 15.

U

Les ustensiles : canif, poêle et gobelet. Avec le couteau de chasse, un trésor trouvé en pleine forêt, Miriam dépèce et dépiaute le gibier.

« J’étais végétarienne. La faim a fait de moi une chasseuse. » 74

ne popote, un canif, des vêtements de rechange, une tente, un sac de couchage. Quand il pleut pendant des jours ou qu’il fait très froid, ils trouvent refuge dans des huttes à l’abandon, avec les rats et les souris pour compagnie. « Mais je ne tiens pas longtemps dans un espace clos. On n’entend ni le vent ni les oiseaux. » Le duo porte des sandales de trekking aux pieds, été comme hiver. « Les chaussettes et les chaussures de rando seraient toujours trempées avec nous : à cause de la rosée du matin, de la boue ou des chemins marécageux. Les pieds sèchent plus vite dans les sandales. » Et quand il fait vraiment trop froid en hiver, Miriam se plante dans un ruisseau. Car l’eau qui coule est au-dessus de zéro. En écoutant l’histoire de Miriam, on imagine des chevelures enchevêtrées, des ongles noirs de crasse, deux sourires troués. Pourtant, bien qu’elle ait pris sa dernière douche six mois plus tôt et qu’elle ne se lave que dans des sources, elle est fraîche comme l’aurore. Qui plus est : Lancewood pourrait légitimement poser pour un fabricant d’articles de sport. Regard vert et alerte, jambes lisses et rasées, mâchoire blanc perlé. À court de dentifrice ? Elle utilise de la cendre. Au début de son histoire en État sauvage, et comme ses pellicules (qu’elle haïssait) ne voulaient pas se faire la malle, elle se fit un shampoing avec sa propre urine. La nature est la meilleure pharmacie qui soit. « Dans un

vieux bouquin de médecine, j’avais lu qu’il fallait laisser agir l’urine sur le cuir chevelu. » Et ajoute en ricanant : « C’était répugnant. Je crois qu’à ce moment-là, j’ai jeté aux orties les derniers codes sociaux. » Les pellicules ne sont, du reste, jamais réapparues.

L

a posture de Miriam Lancewood trahit ceci : elle ne plie pas face à l’adversité. Mais respire la force et la santé. C’est une des raisons pour lesquelles on se sent pâle, faible et abâtar abâtardie à côté d’elle. « Le fait de réduire le nombre de biens en ma possession et la chasse m’ont transformée, déclare-t-elle en déposant son arc à terre, afin d’aller pêcher une flèche dans son sac-à-dos-faisantoffice-de-carquois. La vie en plein air m’a rendue physiquement plus forte. » Elle tend son arc, plisse les yeux dans un élan de concentration, le biceps tremble sous la tension. « Je crois que c’est exactement ça, la clé du bonheur : la peur disparaît avec l’apparition de la force physique. Et à son tour l’absence de peur laisse un vide, ou plutôt une place, pour la joie et la liberté. » La chasse n’a d’ailleurs pas renforcé que ses muscles, elle a aussi affiné ses sens. Entre-temps, Miriam est capable de sentir la pluie venir et de percevoir le plus léger battement d’ailes. Et surtout, elle a modifié ses habitudes alimentaires. En ef effet, Miriam Lancewood était végétarienne, elle a grandi sans ingurgiter le moindre morceau de viande. Ce n’est qu’une fois retirée dans la nature sauvage de NouvelleZélande, puisant dans ses réserves de forces et de provisions lors du premier hiver, affamée, qu’elle abdiqua tous ses principes. D’abord vient la faim, ensuite la morale. Mise en pratique avec un opossum (véritable fléau national en NouvelleZélande). Il lui fallut des semaines avant d’en capturer un. Miriam a appris en autodidacte à imiter les cris d’animaux en rut et à lire leurs traces. Elle a calqué son comportement sur celui des bêtes, à savoir : ne se déplacer qu’en bordure de forêt, jamais à travers champs. « J’ai fini par tendre un piège à un Opossum. Au début, je n’arrivais pas à l’avoir avec mes flèches, ni avec une boîte à gibier. La tentative de décapitation à la hache fut un massacre. J’ai pleuré des heures et des heures à cause de la souf souffrance que j’ai faite endurer à ce pauvre animal. Et quand il fut définitivement mort, il fallut lui enlever la peau – je ne vous raconte pas le bain de sang et les poils. » Elle poursuit : « N’importe quelle personne normalement constituée n’aurait pas apprécié la chair. Trop dure, trop forte THE RED BULLETIN


Miriam ramasse du bois cinq fois par jour. Le feu de camp est à la fois source de lumière et de chaleur, et sert de foyer pour cuisiner.

Domicile mobile. La tente a une superficie de 8 m², partagée en deux : 4 m² pour dormir, et 4 m² pour déposer le bois et les sacs.


« Totalement coupés du reste des hommes, nous sommes en excellente santé. » au goût. Mais je n’avais pas d’éléments de comparaison en matière de viande. Depuis, j’ai un véritable besoin de chair sauvage, elle renferme tellement plus d’éner d’énergie que ces trucs aqueux du supermarché qu’on trouve dans les villages. »

M

iriam chasse, Peter cuisine. Voilà à quoi ressemble le par partage des tâches dans la nature. Lièvres, bouquetins, oiseaux, etc. sont dépecés à l’aide de la mini-scie et de la lame dépliante de son couteau suisse (vingt ans de bons et loyaux services). Elle ne possède pas d’outils spécifiques, rien qu’un couteau de chasse, trophée oppor opportun découvert par hasard dans la forêt, qui lui donne un franc coup de main pour de plus grosses actions. La moelle sert à faire des soupes, la chair est grillée, rien n’est perdu. C’est généralement un curry qui fleure bon dans la casserole de camping encrassée. Peter ne jure que par le pouvoir digestif des épices indiennes. À quoi reconnaît-elle que le gibier chassé n’était pas l’hôte de parasites ? « Si la viande n’a pas une bonne tête, nous n’y touchons pas », précise Miriam. Et d’ajouter que même sans précis d’anatomie ni instructions vidéo YouTube, on développe rapidement un feeling pour identifier les organes sains. « Je n’ai jamais contracté de maladie avec le fruit de ma chasse », déclare celle qui a survécu au typhus. Une fois, Peter faillit mourir de la malaria. Miriam ne l’a pas oublié, la peur lui reste chevillée au corps. Une amie médecin regarnit régulièrement leur trousse à phar pharmacie. « En Europe, où nous rencontrons des gens tous les deux ou trois jours, nous sommes plus souvent enrhumés. Alors qu’en isolement complet au fin fond de la Nouvelle-Zélande, nous étions toujours en excellente santé », raconte-t-elle en riant. Ce que Miriam a appris le plus vite au contact de la nature, c’est à prendre les choses telles qu’elles viennent et à faire corps avec elles. Bien que la fumée du feu de camp soit une source continuelle d’irritation pour les voies respiratoires, la moindre quinte de toux ne lui fait pas automatiquement redouter un cancer des poumons. Au contraire, elle se rassure 76

UN SENTIMENT DE LIBERTÉ INSTANTANÉ

5 conseils de Miriam Lancewood pour aller à l’essentiel. Et l’aimer.

1.

La règle des douze mois : débarrassez-vous de tout ce que vous n’avez pas utilisé au cours de l’année écoulée. Chaque possession en moins libère mentalement de la place, car on n’a plus besoin de penser à l’entretien ni au rangement.

2.

Ouvrez les yeux et les oreilles. Soyez sensible à la nature, prenez-la en compte chaque jour, pas que le week-end.

3.

Non aux selfies. Car on n’y cherche que les défauts. Débarrassez-vous aussi des miroirs. Vous verrez la différence.

4.

Embrassez l’ennui. Il développera vos sens. Quand avez-vous décelé pour la dernière fois le bruissement d’ailes d’un oiseau ? Vraiment.

5.

Faites de l’exercice. Quand on est en forme, on se sent moins sujet aux vertiges. Dormir est aussi un bon remède, le sommeil rend fort car c’est en dormant que le corps se régénère.

Différence d’âge, pas de motivation : 30 ans séparent Miriam et son mari, Peter. Elle porte 25 kilos, lui 15.



dans un haussement d’épaules : l’homme endure cela depuis des millénaires. Quand elle ne retrouve plus sa cuillère, elle mange avec les doigts. Si la musique lui manque, elle se met à fredonner. Il n’y a qu’une seule chose avec laquelle elle fût longtemps aux prises : l’ennui. « La ville ne me manque pas. Mais être assise là à ne rien faire, être en état de contemplation, ça, je ne le pouvais pas. » Les livres emportés en État sauvage sont lus, relus et re-relus. Après que l’emplacement pour la nuit a été nettoyé, Miriam cherche désespérément une tâche à accomplir ; elle veut se rendre utile. « Dans la nature, il y a toujours quelque chose à faire – on ramasse du bois jusqu’à cinq fois par jour, on lave la vaisselle et les vêtements dans les cours d’eau, on foule la terre à mains nues pour préparer l’emplacement de la tente – et pour pourtant, l’ennui me pesait, je me morfondais. Mon problème était que, d’un point de vue normal, je n’avais pas de but et pas d’avenir. J’avais l’impression d’avancer dans un brouillard opaque, c’était terrifiant. » Le brouillard finit par se dissiper au fur et à mesure que ses sens s’aiguisaient. « Quand je contemple les montagnes maintenant, je ne trouve plus cela ennuyant. Je ne perçois plus seulement leur contour, mais aussi leurs couleurs et l’atmosphère. Je sens, littéralement, quand la pluie n’est pas loin, et aussi quand un animal sauvage m’observe ; j’entends le vent dans les feuillages. » Ça fait un peu hippie ; le mot lui déplaît. Les hippies lui semblent trop idéalistes et trop indisciplinés. « La vie de nomade ressemble à celle d’un athlète de haut niveau. Il est essentiel d’être en bonne forme physique. » Sans repos, les chances de survie sont elles aussi réduites à leur minimum. « Le sommeil est un remède universel sous-estimé », déclare Miriam, dont les grands yeux pétillent de vivacité. Elle-même refusait de le croire. Jusqu’à ce que, au bout de plusieurs semaines loin de la civilisation, elle réalise qu’en dormant 10 à 12 heures par nuit, elle gagnait en énergie. « Je m’étonne encore aujourd’hui

« Je ne suis pas une hippie. Ma vie ressemble plus à celle d’une athlète de haut niveau. » 78

Toilette de chat. Sa dernière douche, Miriam l’a prise il y a six mois.

Peter et Miriam ont randonné 5 000 km ensemble.

La nuit en forêt. Ni livre ni portable, rien qu’une lampe torche solaire.


des sommes que les gens peuvent dépenser en superfood. Ils dorment cinq heures par nuit, maquillent la fatigue avec de la caféine et s’imaginent suivre une bonne hygiène de vie grâce à une alimentation équilibrée. Mon conseil : allez-vous coucher tôt et voyez ce qu’il se passe. Vous allez être épaté. Une partie de nos problèmes est liée à un manque de sommeil chronique. »

C

ela fait des années que Miriam n’a pas eu besoin de faire de visite médicale. Elle assure que ses batteries sont rechargées à 100 %. « Je vis comme une femme des cavernes, certes, mais je ne suis pas folle. Si nous tombions malades, nous irions chez le médecin, bien évidemment. Nous avons des économies pour cela, nous ne sommes pas démunis. » Une à deux fois par mois, Miriam et Peter descendent dans la vallée, pêchent leur carte de crédit au fond de leur sac, achètent des provisions, envoient un signe de vie virtuel à la famille depuis une bibliothèque ou un café Internet. Ils dépensent environ 3 000 € par an en vivres, vêtements et équipement de rando. Les coûts de transport (bus ou train) leur incombent rarement, car Miriam est une autostoppeuse convaincue. À strictement parler, ces 3 000 € sont un jeu à somme nulle, car ils subviennent à leurs besoins en utilisant uniquement les intérêts que leur rapportent leurs économies. « En Nouvelle-Zélande, on peut investir avec un gain de capital de 3 à 4 %. » Il y a des années de cela, Peter a vendu ses biens et s’est retrouvé avec environ 60 000 €. Cette somme, selon eux, est restée relativement constante. « Quand nous sommes en ville, nous jouons de la musique dans les rues ; une maison d’édition a même publié un livre sur notre expérience de vie. Nous entamons notre capital au minimum. » Car pour Miriam, l’argent représente surtout du temps de vie. «Si je m’offre une voiture au prix fort, je dois avoir à l’esprit que pour la rembourser, je devrais trimer les cinq ou dix prochaines années de ma vie. Alors que si je ne dépense pas cet argent, il m’en restera plus pour d’autres choses. Pour vivre notamment.» C’est pourquoi elle se passe volontiers du confort d’une douche ou de WC propres. C’est là le cœur du sujet qui préoccupe réellement Miriam et Peter. « Pas besoin d’être millionnaire pour arrêter de travailler. Le sentiment de sécurité peut aussi avoir l’effet inverse. Je vois souvent de sublimes maisons quand je me promène. La plupart sont abandonnées car les propriétaires sont au travail pour pouvoir la payer. Si je devais THE RED BULLETIN

Pour eux, la liberté, c’est avoir tout le temps du monde et être en communion avec la nature.

Trophée de chasse : les cornes d’un chevreau. « Elles sont le symbole du cycle de la vie, cette bête fait partie de moi. »

rembourser un crédit, j’aurais constamment les nerfs à vifs, à me demander si j’arriverais à tenir les mensualités. » En cessant de chercher à assouvir son besoin de sécurité, on obtient au moins la possibilité d’effleurer un sentiment de liberté. Dans leur cas, cela signifie avoir tout le temps du monde à disposition et être en communion avec la nature. La forêt est, pour eux, un logis coiffé d’un toit de verdure, avec les ruisseaux pour eau courante. Rien à voir avec le décor des contes de Grimm. « Cette vie est possible uniquement parce que nous avons décidé de ne pas avoir d’enfant. Avec des enfants, nous serions obligés de retourner à la civilisation. Ma progéniture n’est pas responsable du mode de vie que je me suis choisi. »

S

i Peter devait être alité ou s’il sentait l’âge peser plus lourd sur ses articulations, il serait temps de mettre un terme à cette vie de bohème. Mais Miriam n’imagine pas du tout son mari se faire soigner dans la chambre stérile d’un hôpital. « Nous cher chercherions un endroit où nous pourrions nous installer un ou deux ans. Et bien entendu, ce serait quelque part en pleine nature. » Peter approuve de la tête. Et nous explique qu’il pense en premier lieu à faire l’acquisition d’un âne, afin de ne plus avoir à porter son sac sur de longues distances.

Pas de place pour l’inquiétude. Il faut se concentrer sur le problème seulement lorsqu’il se présente, pas avant. C’est la devise de Miriam. « La peur est contagieuse. Tout le monde peut faire le test : si quelqu’un dans votre entourage proche est nerveux, la nervosité va vous gagner. » Certains même prennent place sur le divan d’un psy pour parler d’angoisses qui ne sont pas les leurs, mais qui leur ont été transmises par des tiers. « Naturellement ça m’arrive d’avoir peur moi-même, notamment s’il fait gros temps et qu’à tout moment un éclair pourrait frapper tout près. J’ai fini par réaliser que la peur disparaît aussi vite qu’elle est apparue, à condition de ne pas la nourrir avec de mauvaises pensées. » « Vous vivez bien, ou vous survivez ? », interrogent de temps à autre les randonneurs qui croisent leur route. « Les deux. » Arriver au bout de la journée peut être un challenge. Parfois, il s’agit de plus. « Quand on a survécu à une violente tempête, on se sent incroyablement vivant le jour d’après. » Le vertige issu de la sensation d’être livré aux éléments gomme un cer certain sentiment de puissance après avoir « réussi » l’épreuve. Miriam ne croit pas en l’apocalypse. Elle n’est pas non plus d’avis que son projet de vie soit le meilleur. Elle a un pied dans l’âge de pierre, l’autre dans le présent. On peut discuter avec elle aussi bien du tannage de peaux d’animaux que d’Elon Musk ou d’Intelligence Artificielle. Ce n’est pas en vue d’une catastrophe qu’elle exerce ses techniques de survie. « Ce serait une bien triste existence. » Pourtant, la certitude de savoir qu’elle peut prendre son sac-à-dos à tout moment et se mettre en route s’il devait se passer quelque chose est pour elle une source de sérénité. « Il y a plusieurs années, je croyais que toute chose et toute personne avait sa place, sauf moi. Maintenant, j’ai trouvé ma place, ici, dans la nature. Comme si de longues racines avaient poussé sous la plante de mes pieds. » Puis elle repart, presque sans bruit, l’arc en bandoulière. En quelques secondes, elle a disparu, s’est évanouie dans la forêt, engloutie par les géants verts. Le balancement d’une branche témoigne qu’il y a un instant encore, elle était là. Mais peut-être n’était-ce que le vent…

Woman in the Wilderness: My Story of Love, Survival and Self-discovery, Piatkus Editions (en anglais). 79


DESCENTE VERS LE NÉANT

Le nouveau documentaire NORTH OF NIGHTFALL raconte l’expédition d’un mois, sur une île arctique isolée, de quatre freeriders qui se sont mesurés à un tracé extraordinaire et qui se penchent sur des questions profondes au sujet du changement climatique. Texte EVELYN SPENCE Photos BLAKE JORGENSON


Darren Berrecloth, pionnier du freeride, prend son envol sur l’île arctique appelée Axel Heiberg.

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« L’endroit le plus imposant, le plus élevé et le plus diversifié que j’aie jamais vu pour faire du VTT. » Berrecloth

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e rythme arctique, comme l’appelle Françoise Gervais, guide et spécialiste de l’Arctique, c’est la façon dont le temps s’écoule dans le Grand Nord canadien, au loin, très loin, tout au loin. Ici, on passe des jours à attendre une éclaircie. Le temps décide de l’horaire, le soleil revient sans cesse sans jamais se coucher. Les jours et les nuits ne sont en fait que des jours sans fin. Quand, enfin, la lumière s’adoucit, vous décrétez que c’est le moment idéal pour se lancer sur le tracé de vos rêves – quête de toute une vie – dégoté sur Google Earth quelques années plus tôt, et dont les repérages en avion ont eu lieu l’an dernier. Il se trouve dans le Nunavut (nord du Canada), au-delà du cercle polaire arctique sur une île appelée Axel Heiberg. C’est le genre de tracé en argile que les pneus de VTT sculptent comme du beurre, et qui commence à 800 m pour s’arrêter dans la mer. Il ressemble à certaines grandes routes de l’Utah, en bien plus long. Bref, il est mythique. Nommons-le modestement Dream Chute, comme si plus personne n’allait le parcourir et encore moins y jeter un œil. Avant cela, il a fallu dire au revoir à sa fillette de presque un an sur le point de marcher. Il a fallu apprendre à utiliser des clôtures électriques contre les ours polaires et se familiariser avec le protocole d’emballage d’un mois de déchets. Nous avons dû également intégrer que ce qui correspond (théoriquement) à la nuit présente les meilleures conditions, comme des vents plus calmes et une lumière plus constante, que ce qui correspond (théoriquement) au jour. Nous avons appris à renverser notre rythme circadien et par parcourir un tracé désolé recouvert de schiste coupant, en nous retrouvant, comme l’a dit le réalisateur, « davantage Clark Kent qu’athlètes surhumains ». (En d’autres termes : humains.) Résultat : exaltation, frustration, et épuisement. Maintenant, le rythme arctique s’accélère. C’est le moment. Vous marchez trois heures, vélo sur le dos, construisez des tremplins. L’équipe de tournage installe des objectifs géants dans la vallée, vous vous exécutez. Votre maillot turquoise scintille dans l’obscurité des étoiles alors que vous êtes englouti par le paysage de Dream Chute, lui-même englouti par Axel Heiberg. Vous envoyez du downhill si longtemps que le réal ne sait pas quoi faire de tout le matos filmé. C’est le Grand Nord ici, et vous pouvez donc vous exécuter quatorze heures d’affilée, dîner à 4 heures

du matin puis vous effondrer dans la tente. Cet endroit, les Inuits l’appellent « la terre au-delà de la terre du peuple ». C’est bien là que vous êtes, exact ? Et le film s’intitulera North of Nightfall.

C

e lieu appelle une question fondamentale : pourquoi y a-t-il des déserts près du pôle Nord ? C’est ce que le réalisateur Jeremy Grant s’est demandé lorsqu’il a entendu parler d’Axel Heiberg par le pionnier du freeride, le Canadien Darren Berrecloth, tout comme Berrecloth lorsqu’il a déniché des photos satellites de l’endroit. La majeure partie de l’Arctique est sans relief et couverte de glace. Axel, nichée à côté de l’île d’Ellesmere, compte 1 100 glaciers, des montagnes frôlant 2 200 m de haut et des bandes de terre desséchées et sans végétation. Il y a quarante-cinq millions d’années, c’était une forêt semi-tropicale de 50 m de haut ; aujourd’hui, elle a juste de quoi nourrir des bœufs musqués et des loups blancs. Aucun Européen n’avait mis les pieds ici avant 1900. L’île est l’un des endroits les moins fréquentés au monde. Après avoir parlé avec des scientifiques comme Laura Thomson, glaciologue à l’Université Simon Fraser (Ottawa), Berrecloth a découvert que certaines par parties de l’île sont protégées de la pluie : la topographie bloque les nuages et l’océan gèle les précipitations restantes, générant ce que Grant appelle « des conditions idéales pour le freeride » (de la bonne terre et beaucoup de parois verticales). « J’ai par parcouru le monde à la recherche d’un terrain de grande montagne, dit Berrecloth. C’est de loin l’endroit le plus imposant, le plus élevé et le plus diversifié que j’aie jamais vu. » Berrecloth a donc monté son équipe : Cam Zink, un type direct à la folie contrôlée ; Carson Storch, posé et plein d’avenir ; Tom Van Steenbergen, qui a réussi un saut épique (sauter d’une falaise avec son vélo à côté de lui, les jambes écartées avant d’atterrir sur sa selle) lors du Red Bull Rampage 2017. Deux vétérans, deux jeunes loups, quatre vélos, un mois et la grande inconnue : dans quoi s’embarque-t-on ? « Le Népal, le désert de Gobi ou l’Argentine n’étaient pas vierges, il y avait déjà eu des alpinistes ou des touristes, explique Grant. Personne ne va sur Axel. Vraiment per personne. C’est ce qu’on a fait de plus gros. » Même Arctic Kingdom, les spécialistes des virées en Arctique qui ont coordonné cette expédition en juillet 2017, se trouvait en territoire inconnu. « Nous estimons que c’est le long-métrage le plus septentrional jamais tourné, affirme Jason Hillier, vice-président de leur département produit. Nous avons eu 83


«Personne ne va sur Axel. Vraiment personne. C’est ce qu’on a fait de plus gros.» Le réalisateur Jeremy Grant d’innombrables heures de réunion et courriels, élaboré des plans B, C, D et E. Nous savions que le plan final serait un mélange de tous ceux-ci. » Françoise Gervais, chef d’expédition et guide en Arctique depuis près de quinze ans, ne s’était jamais aventurée sur Axel. « En posant le pied sur le sol nu, je suis entrée dans un autre monde. Je suis habituée à la glace, pas à la terre. » On retrouve cette notion d’éloignement et d’étrangeté dans chaque image du film. Les athlètes sont là pour travailler dur, faire progresser leur carrière et retourner chez eux avec les honneurs, mais ils sont conscients que l’hôpital le plus proche est à 12 heures de vol. « Il était hors de question de se blesser sérieusement genre rupture de la rate ou fracture du fémur, dit Storch. Même si la descente était idéale, il y avait une distinction subtile entre essayer d’aller plus loin et rester en sécurité. » Dans une scène, le médecin de l’équipe ouvre une énorme trousse de premiers soins et demande à nos héros de dresser la liste de leurs blessures antérieures. « Par où commencer ? » répond, blagueur, l’un d’entre eux. Le rire s’estompe rapidement. Pieds, chevilles, jambes, rupture du ligament croisé antérieur, plaques sur les deux clavicules, « un pneumothorax qui m’a presque tué », dos cassé, ménisque, tibia, six opérations au genou, épaules disloquées. Comme le dit Zink, « notre job est de nous enlaidir ». Les conditions extrêmes sur Axel ont obligé les plus téméraires d’un sport déjà dangereux à peser le pour et le contre. « Le facteur de risque mortel était à prendre au sérieux, dit Storch. Grant dirigeait un groupe composé de ses très bons amis. Le but était de faire un film de VTT audacieux, mais surtout que les gars reviennent vivants. Qu’est-ce qui valait la peine ? » Chaque fois que quelqu’un se lance dans North of Nightfall, la question reste en suspens. Comme Grant le fait remarquer, la plupart des séquences des meilleurs moments et des crashs à VTT sur YouTube permettent rarement de voir si les riders se relèvent. Ce film lui a donné l’occasion d’approfondir le récit. « Je pense que le public est désensibilisé. Nous voulions montrer la vulnérabilité et laisser les visages des riders raconter un bout de l’histoire. » Ces visages développent aussi une autre histoire, celle qui fait partie du contexte du film et lui confère une 84

certaine mélancolie. La relève du freeride est assurée par Storch, 25 ans, et Van Steenbergen, 21 ans, après que Berrecloth, 37 ans, et Zink, 32 ans, leur ont peu à peu cédé la place. Dans le film, ils sont deux à laisser de jeunes enfants derrière eux ; les deux autres expliquent à leurs parents qu’ils partent pour le voyage de leur vie. Sur l’île, la fierté d’enseigner de la génération sortante est manifeste et la jeune génération est impatiente d’apprendre. Cette dynamique est d’ailleurs cruciale au sport. « Ce type de riding est tellement inaccessible que ce mentorat authentique en constitue une grande par partie », dit Grant. Berrecloth ajoute : « Je me souviens quand j’ai arraché le flambeau des mains de mes héros et que je me suis enfui avec. C’est maintenant le moment de montrer une chose ou deux aux recrues. » Zink et lui expliquent à la relève comment choisir les tracés, les parcourir, les interrompre. Comment envoyer du

gros. Comment dire non. Ils prodiguent des encouragements et semblent un peu mélancoliques. « Certains disent que les conseils seraient une forme de nostalgie, dit Zink. Effacer le passé pour en faire un meilleur souvenir. »

L

e voyage de toute une vie. On l’a trop répété, jusqu’à le banaliser, surtout dans les sports extrêmes. Ce qui peut être surpassé a été surpassé, éclipsé, fracassé. Mais cette aventure a été vécue comme une fin de partie par l’équipe de North of Nightfall. Existe-t-il un endroit plus austère pour faire du VTT ? Y a-t-il déjà eu un projet de freeride plus compliqué sur le plan logistique ? « Nous avons tellement baroudé. À chaque fois, on se disait que c’était le plus loin qu’on n’était jamais allé, dit Grant. Mais ce trip à Axel Heiberg a fait passer tous les précédents pour des apéritifs. » Hillier et Gervais, d’Arctic Kingdom ont dû trouver un Twin Otter, un hélicoptère AStar B2, deux véhicules tout-terrain, six génératrices portatives, dix appareils de chauffage portatifs et soixante-quatre contenants de carburant et tout emmener vers les rives salées du lac Buchanan –

Berrecloth cuisine sous les yeux d’un membre de l’équipe. L’expédition devait être autonome pendant 28 jours.

L’attente faisait partie du jeu pour le producteur Clark Fyans, le caméraman Clay Porter et le directeur photo Greg Wheeler (de g. à d.). THE RED BULLETIN


Tom Van Steenbergen, 21 ans, l’un des jeunes loups de l’expédition aux côtés de deux légendes du freeride.


Van Steenbergen (à gauche) et Storch (au centre), ici en Colombie-Britannique, se préparent avec le caméraman Porter.

Les stars de North of Nightfall (de g. à dr.) : Storch, Van ­Steenbergen, Zink et Berrecloth.


en plus d’assez de nourriture pour 18 per personnes pendant 28 jours. Les coûts ont été exorbitants. « Je ne pense pas que quelqu’un y retourne un jour pour faire du VTT », dit Storch. Berrecloth approuve à contrecœur. « Cette opportunité ne se représentera plus… » C’est triste mais c’est ce qui donne plus de poids au film : la pression, l’imprévisibilité, le danger, l’ici et maintenant. « Nous savions depuis le début que nous ne reviendrions pas », dit Grant. Partout où ils ont posé le pied, il s’agissait d’une première ascension, d’une première descente. Pendant 28 jours, ils ont filmé autant qu’ils ont pu, et puis ? The end. « Le temps était très limité, les ressources aussi, dit Storch. On devait tout réussir du premier coup. » Et alors que le montage final inclut aussi bien les hauts et les bas de rigueur que des instantanés du facteur humain, ce sont les longs intervalles entre les prises qui ont été véritablement transformateurs. L’attente. Le rythme de l’Arctique. Gervais a rapidement noté à quel point les riders étaient frustrés par tout ce sur quoi ils n’avaient pas de contrôle, avant d’apprendre l’humilité. « Puis ont totalement adhéré. Dans l’Extrême-Arctique, c’est le terrain qui dirige, pas vous. » Pris au piège pendant des jours par les nuages bas et les tempêtes de neige, on buvait du thé et du café et on parlait de la vie. Plus aliénant encore : pas d’accès à Internet, ce qui a permis à l’équipe d’être présente H24 tous les jours sans interruption. « Darren et Cam ont grandi et ont bâti leur carrière à partir d’extraits emblématiques de films de VTT et de réseaux sociaux, fournissant du contenu tous les jours ou presque, générant des commentaires, dit Grant. Cela leur a permis de faire quelque chose de vraiment grand une dernière fois plutôt que de se contenter d’alimenter la machine. » Pour Zink, le voyage a eu lieu un mois seulement après la naissance de son fils et ce séjour a été le plus long qu’il ait jamais passé loin de sa femme et de sa fille aînée. Ce fut intense, et unique. « Ironiquement, le meilleur fut d’être totalement isolé, dit-il. Au cœur des meilleurs tracés du monde, sans distraction. C’était surréaliste. » Le rythme arctique a aussi cette signification que North of Nightfall n’omet pas : des endroits comme Axel se réchauffent plus rapidement que partout ailleurs sur la planète et, selon Laura Thomson, la fonte des glaciers et des calottes glaciaires de l’Arctique canadien est le plus grand responsable de l’élévation du niveau de la mer à travers le monde. Grant n’avait pas l’intention de faire un film sur les changements climatiques, mais ce qui a comTHE RED BULLETIN

Berrecloth et le reste de l’équipe ont passé quatre semaines à se lancer sur les pistes d’Axel Heiberg, conscients qu’ils n’y reviendront probablement jamais.

«Je ne crois pas que quelqu’un y retourne un jour pour faire du VTT. Ça ne se représentera plus…» Carson Storch et Darren Berrecloth mencé comme une quête d’aventure s’est mué en une prise de conscience. « Au fur et à mesure que le projet évoluait, il devenait évident qu’il serait irresponsable de passer sous silence cette réalité », dit-il. À quel moment le déclic s’est-il fait ? Peutêtre en traversant l’île pour se rendre à la Station de recherches arctiques de McGill et en interrogeant Thomson sur ses recherches sur le glacier White. Ou au moment où des loups d’Arctique passaient près du camp ou que l’hélicoptère a frôlé un bœuf musqué. Ou simplement en étant là. Ou encore lorsque le Twin Otter s’est incliné pour la première fois au-dessus du fjord Mokka et a atterri, l’Arctique se révélant à eux. « Pendant ce temps, la glace se retirait et dévoilait le terrain parfait, ce qui nous a donné une raison d’y faire du vélo, dit Storch. Puis l’opportunité s’est présentée de contribuer à une prise de conscience collective sur la façon dont l’Arctique change à cause de nous. »

Au-delà des tricks et des crashs, North of Nightfall pourrait avoir un impact plus important que les virages creusés dans les flancs d’Axel Heiberg : le film montre comment l’humain laisse des traces indélébiles de son passage même dans les endroits qu’il a à peine effleurés. Selon Thomson, l’érosion effacera les kickers, mais les autres traces laissées par le crew risquent d’être trop profondes. Écouter une experte expliquer qu’il reste des endroits sur Terre où la nature est restée à l’état sauvage révèle à quel point cette île intacte est précieuse et à quel point nous devons veiller à ce qu’elle le reste. « Les tracés déments nous ont moins impressionnés que cette sensation de petitesse insignifiante qui nous écrasait, perdus que nous étions dans le paysage, dit Grant. Mais cela ne veut pas dire que nous n’avons pas un rôle à jouer ! »

northofnightfall.com 87



guide Faire. Voir. Avoir.

ALTITUDE ATTITUDE

GREG MIONSKE

Les villes en hauteur au Colorado sont idéales pour explorer la nature et profiter de soirées bien urbaines. Oubliez L.A. et New York, on vous conduit sur les deux versants des Rocheuses. Texte EVELYN SPENCE

THE RED BULLETIN

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Faire.

EN UN JOUR Côté climat et escapades, Boulder est inégalable. Surnommée la Berkeley des Rocheuses, la ville s’enorgueillit de plus de 300 jours d’ensoleillement par an, de superbes sentiers de randonnée aux portes de la ville et de 300 km de trails cyclables (University Bicycles loue tout type de vélo). « Ici, l’activité en plein air est une affaire sérieuse pour tous », explique Eric « Hende » Henderson, ex-guide local aujourd’hui représentant d’entreprises comme Dynafit et Salewa. Une journée d’escapade type débute par l’ascension des Flatirons, des formations rocheuses constituées de grès. Des guides comme Ben Markhart de l’école d’alpinisme du Colorado vous emmènent sur le 3e Flatiron par la voie 5.4 aux 8 longueurs de corde, qualifiée de « plus belle ascension pour débutant au monde » par le légendaire Yvon Chouinard (aussi fondateur de la marque Patagonia). De Pearl Street, rue piétonne de Boulder avec ses musiciens et son odeur de cannabis, compter une bonne heure de voiture jusqu’à l’entrée du parc national Rocky Mountain ; ne manquez pas les 4 km sur la piste Ridge Road menant au sommet où l’air se raréfie (comme sur tous les pics du Colorado au-dessus de 4 000 m). Au retour, finir en beauté sur le sentier du mont Sanitas, plus populaire que la messe du dimanche avec ses 400 m de dénivelé sur 3 km.

HÉBERGEMENT Récemment rénové, le A Lodge à l’embouchure du Boulder Canyon évoque un repaire pour grimpeurs (slackline park). Petit plus : une suite avec jacuzzi. À Denver, le Maven Hotel est au cœur de Dairy Block, un quartier récent de boutiques, bars à cocktails et restaurants. MANGER À Boulder, le Rayback Collective est un point de ralliement outdoor idéal : food trucks, 30 bières à la pression, cheminée et musique live. La Gold Hill Inn, pension populaire établie depuis 1872, est à 16 km de la ville. À Denver, la carte de l’Euclid Hall propose un large choix de bières, et son célèbre canard rôti poutine. PRENDRE UN VERRE Le Bitter Bar à Boulder est à la croisée d’un bar clandestin et d’un point d’eau voisin. Pour une ambiance plus citadine, rendez-vous à Denver, au Greenlight Lab, où les meubles exposés et les cocktails de whisky servis dans des globes de glace n’existent nulle part ailleurs. SE METTRE À L’EAU La piscine Eldorado alimentée par une source et nichée sous des voies d’escalade de niveau mondial existe depuis 1905. MAIS AUSSI Le cannabis est légal au Colorado, The Farm est, à Boulder, le repère des locaux.

Un sentier à Aspen, avec vue sur les sommets.

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LES ROCHEUSES

EN UN WEEK-END Avec quelques jours devant soi, on peut pousser l’escapade plus haut, là où des locaux comme Kim Fuller, professeur de yoga à Vail, et Ken Hoeve, kayakiste professionnel à Eagle, ont élu domicile. « En une journée, lance Hoeve, on peut faire du vélo le matin, une rando à la mi-journée, un golf l’aprèsmidi et pagayer avant la soirée. » Après un expresso au Color Coffee Roastery dans la paisible Eagle, à l’ouest de la sélecte Vail, profiter des sentiers VTT et du Eagle River Park, un parc d’eau vive de plusieurs millions de dollars récemment ouvert. Depuis Minturn, prendre le sentier Game Creek jusqu’au Game Creek Club du Vail Resorts, qui tout l’été propose un brunch dominical gargantuesque. Tenté par un sommet à 4 000 m ? « Laissez tomber, conseille Fuller, c’est aussi encombré qu’une autoroute au 1er août. » Optez plutôt pour les 3 952 m du mont Sopris, près de Carbondale, dans la Roaring Fork Valley (voisine d’Aspen, mais moins guindée et moins chère). Le meilleur

MANGER À Carbondale, le Phat Thai fait l’unanimité. La truite fumée et les côtelettes de wapiti sont au menu du Pine Creek Cookhouse, une cabane au pied des monts Elk près d’Aspen. PRENDRE UN VERRE À Vail, Root and Flower propose 50 vins au verre. Une boulangerie des années 1800 abrite le Bread Bar à Silver Plume. À Aspen, le Hooch, bar en sous-sol, sert les classiques et les mixtures maison. La brasserie Bonfire d’Eagle brasse plus de 20 bières. SE METTRE À L’EAU Avec leurs 16 bassins, les thermes d’Iron Mountain sont la nouvelle attraction chic de Glenwood Springs.

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GREG MIONSKE (2), GETTY IMAGES, JACK RICHMOND, BREAD BAR, SHUTTERSTOCK

LES ROCHEUSES


Rocheuses du Colorado

La pêche à la mouche près de Telluride : idyllique.

HÉBERGEMENT Le New Sheridan sur l’axe principal de Telluride date de la fin XIXe, mais dispose de salles de bain avec chauffage au sol et de baignoires chauffées sur le toit. Autrefois village fantôme, Dunton Hot Springs est devenu un centre de villégiature de luxe en pension complète avec pêche à la mouche privative. MANGER À Crested Butte, dégustez les tacos et la tequila chez Bonez. Toujours à Crested Butte, Tassinong Farms Food & Wine cultive ses propres produits hydroponiques dans des conteneurs recyclés.

Le Bread Bar de Silver Plume fut une boulangerie.

LES ROCHEUSES Plonger dans le Devil’s Punchbowl, en remontant sur Aspen.

HÉBERGEMENT Marble Distillery à Carbondale dispose de 5 chambres. Accessible à pied ou en voiture, Shrine Mountain Inn près du col de Vail respire la campagne tout confort (douches et sauna).

moyen d’expérimenter l’exaltation de l’altitude est de parcourir les 18 km entre Aspen et Crested Butte avec son tapis de fleurs sauvages et sa vue imprenable sur les cimes des arbres – une navette assure le retour. Les œuvres rotatives contemporaines du musée d’art d’Aspen ne manqueront pas de stimuler vos neurones en cas de besoin.

Dans le Big Horn Canyon, les rafteurs se mouillent sur Arkansas River.

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EN UNE SEMAINE Si vous avez du temps, prenez le volant. Une semaine suffit pour faire les sommets les plus spectaculaires du Colorado et visiter les plus jolies et les plus animées de ses villes haut perchées. Salida rime avec sports d’eau. Plus de 50 établissements proposent des excursions en rafting sur 160 km de la rivière Arkansas. Le guide Markhart vous entraîne dans le Black Canyon de la rivière Gunnison (Cruise Gully pour les descentes en rappel et SOB Gully pour la rando). Puis cap sur Crested Butte une ancienne ville minière branchée : « On a l’impression d’avoir atteint le bout du bout », s’enthousiasme Fuller. À vélo, les fleurs sauvages caressent vos genoux sur des kilomètres en empruntant l’emblématique voie 401. Accrochez-vous aux câbles et aux échelles métalliques de la via ferrata, aux passages étroits dans le magnifique canyon de Telluride avant de vous poser au Fly Me To The Moon Saloon, où Phish, Pinetop Perkins et Sheryl Crow se sont produits. Une grande partie de la Million Dollar Highway entre Ouray et Silverton perce le flanc de la montagne pour atteindre Durango pour un happy hour yoga au Ska Brewing (60 minutes de salutation au soleil et une bière pour 10 dollars).

PRENDRE UN VERRE Le New Sheridan (voir ci-dessus) est doté de tables de billard. La Victoria Tavern à Salida, alias La Vic, se distingue par son plancher en coquilles d’arachide et ses verres bien remplis et pas chers. SE METTRE À L’EAU Sauter, nager, descendre en rappel les voies d’évacuation ou les chutes d’eau près d’Ouray avec Canyoning Colorado.

Denver est le point de départ de toutes ces aventures.

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GUIDE

Voir.

EN MODE NEYMAR

Ce mois sur Red Bull TV : un tour du monde en surf pour la vague parfaite, foncer à travers vignes en mode braaaaap ou un saut au Brésil pour défier Neymar Jr au football. Qui propose mieux ?

REGARDEZ RED BULL TV PARTOUT

Red Bull TV est une chaîne de télévision connectée : où que vous soyez dans le monde, vous pouvez avoir accès aux programmes, en direct ou en différé. Le plein de contenus originaux, forts et créatifs. Vivez l’expérience sur redbull.tv

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21 juillet

EN DIRECT

NEYMAR JR’S FIVE WORLD FINAL

Neymar Jr, 26 ans, joue en temps normal pour le PSG et la sélection du Brésil.

En 2016, la star brésilienne a lancé un tournoi de football mondial aux règles inédites : cinq contre cinq, 10 minutes de temps de jeu et quand une équipe marque un but, l’adversaire perd un joueur. Un format où la vitesse et la précision technique jouent un rôle clé. Ces derniers mois, 605 matches de qualification ont eu lieu dans 62 pays, soit plus de 34 000 équipes amateures engagées. Les meilleures de chaque pays se retrouvent pour la grande finale mondiale à Praia Grande (Brésil), ville natale de Neymar Jr. Les meilleurs matches sont diffusés en direct sur Red Bull TV.

THE RED BULLETIN


juillet / août

Après avoir remporté la finale mondiale 2017, l’équipe roumaine (en rouge) affrontait l’équipe de Neymar Jr.

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MARCELO MARAGNI/RED BULL CONTENT POOL (2), BARTEK WOLINSKI/RED BULL CONTENT POOL, ZAK NOYLE/RED BULL CONTENT POOL, DAVID MORRISON/RED BULL CONTENT POOL

Musique de très haute qualité et interviews d’artistes influents. Restez à l’écoute…

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et 12 août

EN DIRECT

Coupe du monde UCI MTB

La descente du mont Sainte-Anne (Canada) est mythique. Avec 27 ans d’existence, ce parcours est le plus ancien de la compétition. Vainqueur en 2017, l’Américain Aaron Gwin tentera de conserver son titre.

BRUH WITH AWFUL RECORDS

20 17

août au 7 sept.

LES VENDREDIS

Who is JOB

Jamie O’Brien vit son rêve : avec sa planche sous le bras et entouré d’amis, le champion de surf natif d’Hawaï parcourt le monde en quête de la vague parfaite. Cette série suit l’équipe dans ses folles aventures.

au 19 août

EN DIRECT

Rallye d’Allemagne FIA WRC

Le premier rallye sur asphalte de la saison présente de nombreux défis techniques : une partie très sinueuse autour des vignes de Moselle et de redoutables blocs de pierre sur la zone d’entraînement militaire Baumholder.

18 juillet

À L’ANTENNE

Awful Records, le label hip-hop d’Atlanta, n’est pas adepte du glamour bling-bling que l’on veut souvent associer à cet univers musical. Les rappeurs d’Atlanta intégrés au label se décrivent comme des weirdos (traduction : zarbis) et sur la toile, leurs vidéos déjantées sont cultes. Une fois par mois, Zack Fox (ici en photo), illustrateur du label, acteur et terreur de Twitter anime cette émission radio où il associe rire et hip-hop.

À ÉCOUTER SUR REDBULLRADIO.COM

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GUIDE

Faire.

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juillet-septembre

septembre Red Bull Éléments La huitième édition du raid outdoor unique en France suscite toujours autant d’engouement : nageurs, trailers, parapentistes et vététistes, c’est en équipe qu’on relève ce défi unique qui associe des sportifs rarement réunis. En partant des rives du lac d’Annecy, le relais pousse chaque participant jusqu’aux limites de l’endurance. L’eau, la terre et l’air, il faudra savoir dompter tous les éléments, pour que le dernier membre de l’équipe rejoigne la ligne d’arrivée. Talloires, lac d’Annecy ; redbullelements.com

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au 29 juillet

NUITS SECRÈTES

En été, ces nuits nordistes près de Maubeuge sont encore plus belles que les jours quand le festival y coule sa programmation étoilée. De Shaka Ponk et Eddy de Pretto à Juliette Armanet et Angèle (photo), la liste des invités est belle. Et la grande scène ne relâche pas la pression trois soirées durant.

Jusqu’au 26 août Effets spéciaux Moteur ! Il ne reste que quelques jours pour vivre l’exposition Effets spéciaux, crevez l’écran ! à la Cité des sciences de La Villette. En passant par toutes les étapes de fabrication, du plateau au studio de tournage, c’est une plongée dans l’univers des techniques de trucages qui nourrissent l’innovation, la création et la magie du cinéma. En plusieurs étapes, l’exposition invite chaque visiteur à se mettre en scène et même réaliser ses propres productions. Effets garantis. Paris, Cité des sciences ; cite-sciences.fr

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juillet au 19 août Un air de ciné Le festival du cinéma en plein air de La Villette a choisi le thème de la chanson pour ses projections d’été. Du coup, la pelouse du triangle, transformée le soir en plus grande salle de cinéma de Paris, fait la part belle aux comédies musicales et aux films où la chanson tient une place majeure. Sur l’herbe, à la belle étoile, on écoutera Marylin Monroe, Jeanne Moreau et bien d’autres. Paris, La Villette ; lavillette.com

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au 26 août 24 H démentes 4 000 cyclosportifs sont attendus pour la dixième édition des 24 Heures Vélo. Solo, équipes de 2, 4, 6 ou 8 coureurs, ils s’élanceront sur le circuit Bugatti pour une très longue ronde qui rend l’événement exceptionnel. Une équipe d’athlètes Red Bull relèvera le défi avec Yannick Granieri, Camille Chapelière et d’autres sportifs de l’extrême réunis sur le bitume pour 24 heures. Record au tour : 5’11"220. Qui fera mieux ? Le Mans ; 24heuresvelo.fr

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ALEX VOYER/RED BULL CONTENT POOL, CHARLOTTE ABRAMOW

Aulnoye-Aymeries ; lesnuitssecretes.com


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GUIDE

Autour du monde.

THE RED BULLETIN WORLDWIDE

AUTRICHE MARC MÁRQUEZ

Si vous ne parcourez pas le monde cet été, visitez-le avec nos héros du mois : en mode breakdance ou freerun, Lilou et Jason Paul sont les bons guides pour un tourisme diffédiffé rent. Nos autres potes sont déments aussi.

Déjà quatre fois champion de MotoGP à 25 ans, quelle est la routine fitness de l’Espagnol ?

The Red Bulletin en e-paper sur redbulletin.com

LE MONDE SELON LILOU

Le B-Boy franco-algérien LILOU est l’un des danseurs les plus talentueux au monde. Et sûrement celui qui a le plus voyagé pour propager sa passion, son art de la danse. Avec 91 pays visités à date, il a quelques astuces de voyage à partager avec vous.

LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL

Texte PH CAMY

Old Delhi, 2018 : Lilou est venu en Inde pour prendre la température de la scène breakdance locale, en plein essor.

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FRANCE LILOU Le breakdance a mené B-Boy Lilou dans plus de 90 pays. Il en a tiré des astuces pour voyager autrement.

Mexicano al grito

DE LE MANS Es el piloto mexicano que ha dado mejores resultados por más tiempo, o como muchos simplemente le llaman: el mejor piloto mexicano. Punto. MEMO ROJAS intenta lo más grande: volver a ganar el serial europeo de Le Mans. ¿Su secreto? Como los instrumentos en el tablero, han sido sus familiares quienes le indican el camino

«ON NE NA T PAS NAÎ SUPERSTAR. ON LE DEVIENT!»

ERIC FABRE

Texto MARCO PAYÁN Memo se ha destacado por ganar las 24 Horas de Daytona tres veces.

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MEXIQUE MEMO ROJAS Le secret du pilote Memo Rojas: répéter des choses complexes, pas simples.

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AUTRICHE GUSTL AUINGER Que sont devenues les graines de star motorisées du Red Bull MotoGP Rookies Cup ?

THE RED BULLETIN


août

MENTIONS LÉGALES FRANCE

Lernen von Legenden

IGGY POP, MONTREAL, 2016

Entdecke deine Umwelt neu!

Staubsauger-Experimente mit Iggy Pop, Hass-Therapie mit Björk: Bei der RED BULL MUSIC ACADEMY teilen Künstler von Weltrang ihre Kreativstrategien mit jungen Musikern. Hier sind die besten Tipps aus 20 Jahren – die auch deinen Alltag beflügeln. Text SIMON SCHREYER HENRY LEUTWYLER/CONTOUR BY GETTY IMAGES

Voraussetzung für gute Ideen sind viele Ideen, heißt es. Kaum ein Musiker setzt konsequenter aufs Ausprobieren als Rockstar Iggy Pop: „Als es mit meiner zweiten Band The Stooges losging, spielte ich auf der Bühne mit einem verstärkten Staubsauger und holte aus ihm einen richtig guten Sound raus. Dazu musst du den Kopf des Schlauches abschrauben und deinen Daumen draufhalten, bis ein Pfeifen entsteht, das sich wie ein Sturmwind anhört. (…) Bald darauf erweiterten wir unser Repertoire mit Bootshörnern … und einem Mixer. Der Mixer kostete nur 16 Dollar, aber wenn man ein bisschen Wasser reinfüllte und ihn vors Mikro hielt, klang er wie die Niagarafälle.“

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ALLEMAGNE RED BULL MUSIC ACADEMY Björk, Iggy Pop, Charlotte Gainsbourg… Ils ont en commun d’avoir visité la Red Bull Music Academy, qui fête ses vingt ans. Que nous ont-ils appris ?

ALLEMAGNE JASON PAUL Les trottoirs, ce n’est pas son truc. C’est sur les toits, dans les escaliers ou sur les ponts que le freerunner Jason Paul aime évoluer. Il vous guide à Tokyo, l’une de ses villes favorites.

Comme un truc en plus Un chef d’orchestre est vieux, fou, illuminé par le classique ? UELE LAMORE – ici en photo, en mode terrasse-détente – risque de vous faire changer d’opinion sur cette activité. Texte PH CAMY Photos FELIPE BARBOSA

Uele Lamore, 24 ans, sait comment diriger un orchestre de plus de 20 personnes et toujours rester zen.

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FRANCE UELE LAMORE Oubliez tout ce que vous pensiez à propos des chefs d’orchestre. À 24 ans, la Française Uele Lamore rafraîchit le métier.

THE RED BULLETIN

THE RED BULLETIN France, ISSN 2225-4722 Country Editor Pierre-Henri Camy Country Coordinator Christine Vitel Country Project Management Alessandra Ballabeni : alessandra.ballabeni@redbull.com Contributions, traductions, révision Étienne Bonamy, Frédéric & Susanne Fortas, Suzanne Kříženecký, Audrey Plaza, Kříženecký Claire Schieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries Abonnements Prix : 18 €, 12 numéros/an getredbulletin.com Siège de la rédaction 29 rue Cardinet, 75017 Paris +33 (0)1 40 13 57 00 Impression Prinovis Ltd. & Co. KG, 90471 Nuremberg Publicité PROFIL 134 bis rue du Point du jour 92100 Boulogne +33 (0)1 46 94 84 24 Thierry Rémond : tremond@profil-1830.com Elisabeth Sirand-Girouard : egirouard@profil-1830.com Arnaud Lietveaux : alietveaux@profil-1830.com Les journalistes de la SAS L’Équipe n’ont pas pris part à la réalisation de The Red Bulletin. La SAS L’Équipe n’est pas responsable des textes, photos, illustrations et dessins qui engagent la seule responsabilité des auteurs.

Rédacteur en chef Alexander Macheck Rédacteurs en chef adjoints Waltraud Hable, Andreas Rottenschlager Directeur créatif Erik Turek Directeurs artistiques Kasimir Reimann (DC adjoint), Miles English Directeur photos Fritz Schuster Directeurs photos adjoints Marion Batty, Rudi Übelhör Responsable de la production Marion Lukas-Wildmann Managing Editor Ulrich Corazza Rédaction Stefan Wagner (Chef de service), Christian Eberle-Abasolo, Arek Piatek Maquette Marco Arcangeli, Marion BernertThomann, Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz Booking photos Susie Forman, Ellen Haas, Eva Kerschbaum, Tahira Mirza Directeur global Media Sales Gerhard Riedler Directeur Media Sales International Peter Strutz Directeur Publishing Development & Product Management Stefan Ebner Directrice Commercial Publishing Birgit Gasser Directeur créatif global Markus Kietreiber Solutions créatives Eva Locker (Dir.), Verena Schörkhuber, Edith Zöchling-Marchart Management par pays & Marketing Sara Varming (Dir.), Magdalena Bonecker, Julia Gerber, Kristina Hummel, Melissa Stutz Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer, Martina Maier Emplacements publicitaires Andrea Tamás-Loprais Production Wolfgang Stecher (Dir.), Walter O. Sádaba, Friedrich Indich, Michael Menitz (Digital) Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovi c,̀ Maximilian Kment, Josef Mühlbacher Office Management Kristina Krizmanic, Yvonne Tremmel Informatique Michael Thaler Abonnements et distribution Peter Schiffer (Dir.), Klaus Pleninger (Distribution), Nicole Glaser (Distribution), Yoldaş Yarar (Abonnements) Siège de la rédaction Heinrich-Collin-Straße 1, A-1140 Wien Téléphone +43 (0)1 90221-28800, Fax +43 (0)1 90221-28809 Web www.redbulletin.com Direction générale Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, A-5071 Wals bei Salzburg, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700 Directeur de la publication Andreas Kornhofer Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier, Dietmar Otti, Christopher Reindl

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GUIDE

Le plein d’action.

makes you fly

Le Colombien Orlando Duque aura attendu 43 ans pour effectuer son premier voyage en Antarctique. Là-bas, la légende du Red Bull Cliff Diving a réalisé un plongeon inédit depuis un iceberg de 20 mètres de haut, dans une eau à 0,7 °C, et devant un public de pingouins (pas à l’image).

THE RED BULLETIN n° 79 sortira le 18 août 2018 98

THE RED BULLETIN

ANDREAS VIGL/RED BULL CONTENT POOL

Une ambiance glaciale




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