FRANCE OCTOBRE 2020
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SON CORPS EST UN ART
Stefanie Millinger, acrobate de classe mondiale, croit en vos capacités...
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Éditorial
ARRÊTEZ-VOUS UN INSTANT...
RICK GUEST (COUVERTURE), DOMENIK TAMEGGER, FRANK STOLLE
… Avez-vous bien regardé notre photo de couverture ? (Prenez quelques secondes pour y revenir.) Ce que vous voyez semble impossible à réaliser. C’est faux. Si Stefanie Millinger est à l’honneur dans ce numéro, ce n’est pas seulement pour ses incroyables contorsions et les endroits vertigineux où elle se plaît à les réaliser, c’est aussi (et peutêtre surtout – finalement) parce que sa motivation est transmissible, et applicable à chacun et chacune d’entre nous. Si vous ne devenez pas contorsionniste en lisant l’interview de cette Autrichienne, vous gagnerez probablement en détermination et positivité. Sans douleur. Progresser en skate sans se faire mal semble par contre délicat, mais le portfolio de Fred Mortagne vous convie dans son esthétique en douceur. Et nous vous offrons en complément deux visions des opportunités aquatiques : celles développées depuis son plus jeune âge par le waterman Kai Lenny, et celles exploitées, sur le tard, par un ex-chauffeur de tram devenu navigateur en solitaire. Vous pouvez à présent regarder notre couverture pour la troisième fois. Belle lecture ! Votre Rédaction
CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS
PAULINE LUISA KRÄTZIG
La journaliste et auteure allemande entretient un rapport presque érotique avec la langue. Les subtilités linguistiques lui permettent de saisir la singularité de celles et ceux qu’elle interroge. Le port du masque pour le trajet en train Berlin-Vienne, neuf heures durant, afin de réaliser le portrait de l’acrobate Stefanie Millinger, en valait vraiment la peine, page 48.
FRED MORTAGNE
Vainqueur du premier concours photo Red Bull Illume en 2007, Fred est un photographe reconnu dans le monde du skate, et audelà. « Le skateboard m’ayant appris la faculté à m’adapter à tous types de situations, puisque les spots et les conditions varient tout le temps, je suis assez à l’aise quand il s’agit de documenter des domaines que je ne connais pas de premier abord », dit ce collaborateur de la marque Leica. Sa vision esthétique du skate est en page 22.
Le talent de Stefanie Millinger, c’est donner l’impression que ses acrobaties ont l’air faciles à réaliser. THE RED BULLETIN
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Le waterman hawaïen Kai Lenny explore toutes les facettes du surf à l’envi.
quatre photographes qui ne touchent plus terre 12 Comme si vous vous retrouviez dans l’espace en maillot de bain 14 Cette Népalaise a préféré la course à pied à l’uniforme 16 Un petit-fils de Marley nous éclaire sur les titres de Bob 17 Vous allez pouvoir créer vos propres compils sur vinyle 18 La genèse de la bière et le génie des hommes préhistoriques 20 Le combo véhicule-logement parfait pour bouger en congés
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RICHARD HALLMAN, MOONHEAD MEDIA, RICK GUEST
6 Galerie : quatre athlètes et
Un saut en Angleterre pour améliorer votre niveau en VTT à la sauce Atherton.
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THE RED BULLETIN
CONTENUS octobre 2020
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Stefanie Millinger, acrobate de l’extrême, ne se laisse pas mettre en boîte.
22 B eauté dure
Ce que le béton et des as du skate aux quatre coins du globe révèlent au photographe Fred Mortagne.
36 L enny gravite
Immobilisé, le waterman Kai Lenny revient sur son parcours déjà copieux et ses envies sans cesse affirmées.
4 8 Confiance est force Stefanie Millinger est l’un des talents les plus particuliers (et flexibles) que nous ayons rencontrés.
THE RED BULLETIN
56 U ne autre Jamaïque
Si cette île se résume pour vous à son reggae, sa violence et son herbe, lisez ce sujet d’urgence.
60 Tous gagnants !
Aux États-Unis, l’esport (les sports électroniques) ont leur place à l’université. Et c’est bien.
72 U n autre cap
85 Vélo : la fratrie Atherton vous
convie sur son terrain de jeu
89 Focus Merrell : c’est le pied 90 Course : prenez de l’altitude 91 Matos : quelque chose cloche 92 Gaming : LE jeu de skate. Point 94 Agenda : passion écluses... 96 Ils et elles font The Red Bulletin 98 Carte postale : elle est timbrée
Ce type normal conduisait des tramways en Autriche, puis il est devenu un navigateur de renom.
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DÉSERT DE MOJAVE, USA
Combiné
Bradley « Slums » O’Neal est le pionnier du BASE jump en moto : décollage en dirt bike (un engin conçu par ses soins) et atterrissage en parachute. À ce jour, aucune autre cascade ne rivalise avec ce saut, le plus grand jamais effectué dans le désert, dans les dunes du Mojave. « Mon instinct était à l’affût du moindre détail qui ne collerait pas, car Bradley aurait pu y rester, narre le photographe californien Chris Tedesco, qui, grâce à ce cliché spectaculaire, est arrivé en finale du concours Red Bull Illume Special Image Quest. Nous nous trouvions à des heures de toute assistance médicale, sans réseau. J’ai failli lâcher l’appareil quand j’ai vu Bradley atterrir. » bradleyslums.com ; Instagram : @tedescophoto
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CHRIS TEDESCO/RED BULL ILLUME
CERGY, FRANCE
L’énergie de Cergy La connaissance d’un lieu peut s’avérer inestimable pour un photographe. Théo Burette le vérifie avec ce cliché de Jonathan Viardot, « trickeur » d’arts martiaux. « Nous avons tous les deux grandi à Cergy, confie-t-il, et nous connaissons très bien son amphithéâtre où la principale source de lumière vient du pont. L’endroit idéal pour ce genre de photo. » Encore peu connu, le tricking combine des éléments d’arts martiaux, de gym et de breakdance. « Je voulais rendre la beauté de ses mouvements, au moment précis où le temps semble s’arrêter », explique Burette. theoburette.com
LAC DU BOURGET, FRANCE
Tel un mirage
THEO BURETTE/ RED BULL ILLUME, GERMAIN FAVRE FELIX/RED BULL ILLUME
Depuis quand des VTT jaillissent des lacs ? Ne vous laissez pas bluffer par ce cliché de l’inventif photographe français Germain Favre-Felix : l’action qu’il a documentée est quasi normale. « L’idée m’est venue assez simplement, explique-t-il. Le lac du Bourget s’est mis à déborder et j’ai remarqué que l’eau commençait à passer sur les pontons. Du coup j’ai téléphoné à mon pote Léo Nobile pour lui dire qu’il y avait une super photo à faire. Il a un peu hésité, et puis il s’est pointé avec son vélo pour tenter le coup. » Instagram : @germ_photography
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MATTEO PAVANA/RED BULL ILLUME
CASTELMEZZANO, ITALIE
Parlons de toits
Considéré comme l’un des plus beaux villages d’Italie, Castelmezzano, dans la province de Potenza, est un pôle d’attraction touristique. Mais voici un spectacle que ni les visiteurs ni les habitants ne s’attendaient à voir : le slackliner italien Benjamin Kofler s’aventurant au-dessus des toits. « Même avec le bruit ambiant, je pouvais entendre les commentaires de la foule rassemblée sur la Piazza Emilio Caizzo, rapporte le photographe italien Matteo Pavana, dont celui d’une dame âgée : “Oh mon Dieu, je ne peux pas regarder ce fou !” » theverticaleye.com
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Du sulfate de magnésium dans l’eau pour simuler l’apesanteur.
RV SPATIALE
Être sur orbite Le créateur d’une start-up techno américaine veut populariser l’expérience de la Terre vue de l’espace. Pour ce voyage interstellaire, un maillot suffit.
Sous surveillance : une esquisse du satellite Overview 1 qui transmet la vue depuis l’orbite terrestre basse.
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Observer la Terre en étant sur orbite a un impact psychologique indéniable. Un phénomène constaté dès les débuts des voyages dans l’espace, comme en témoignent les astronautes de la mission Apollo 11 en 1969 : voir leur propre planète dans sa globalité fut encore plus bouleversant que les premiers pas qu’ils ont effectués sur la lune. Ce moment où l’on réalise que la vie que nous connaissons repose sur la surface d’un monde fragile suspendu dans l’espace, est appelé overview effect ou effet d’ensemble, par l’écrivain Frank White dans son livre du même nom publié en 1987. Une source d’inspiration pour Ryan Holmes, fondateur et PDG de SpaceVR, qui a demandé à Frank White de l’aider à développer sa grande idée : expérimenter cet effet d’ensemble sans quitter la Terre. « Aller dans l’espace
coûte environ 90 millions de dollars ; seulement 500 personnes ont eu l’occasion de vivre cette expérience, explique Holmes. Notre prix est de 99 $ par personne. » Pour ce tarif, le sujet est placé dans un bassin de flottaison rempli d’eau et de sel d’Epsom pour transmettre cette sensation d’apesanteur puis, grâce à un casque étanche 4K VR, plongé au cœur d’un enregistrement vidéo à 360 ° de la Terre vue de l’espace. « De nombreux participants sont tellement émus par la profondeur de cette expérience qu’ils fondent en larmes », nous raconte Holmes. Aux États-Unis, l’expérience est déjà opérationnelle dans de nombreux spas. Mais ce n’est que la première étape du projet d’Holmes : l’an prochain, SpaceVR prévoit d’envoyer un satellite équipé d’une caméra à 360 ° – Overview 1 – dans l’orbite terrestre basse au moyen d’une fusée SpaceX. Financé par sa société et par une campagne Kickstarter, ce projet permettrait de diffuser la vue de la Terre en direct dans les bassins de flottaison. Pour Holmes, cela va bien au-delà d’une belle expérience ; il souhaite des changements positifs sur le public. « Il faut opérer un renversement dans le fondement même de l’humanité, déclare-t-il. Ceux qui reviennent sur Terre ont une idée plus claire de la manière dont fonctionne le monde et se sentent davantage concernés par la planète. » spacevr.co THE RED BULLETIN
KLAUS THUMANN/INSTITUTE, SPACE VR
TK
LOU BOYD
Vue panoramique : voici la caméra 360° montée sur Overview 1 .
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THE TRACK D OES N’T MAKE ITS ELF FAMOUS .
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À 14 ans, elle quitte l’isolement familial pour rejoindre la guerre. Aujourd’hui, cette Népalaise court pour soutenir et motiver les femmes de son pays.
Mira Rai, 31 ans, a remporté le 80 km du Mont-Blanc (un ultra-marathon très exigeant à travers les Alpes françaises) en juin 2015 avec 22 minutes d’avance sur le second et en explosant le record du vainqueur de 2014 de six minutes. C’était la première course européenne de haut-niveau à laquelle participait cette Népalaise – 26 ans à l’époque. Seize mois plus tôt, elle ne savait même pas ce qu’était un ultra-marathon ; et douze ans auparavant, elle s’était enfuie de son village natal de Bhojpur pour s’engager comme enfant soldat dans la guerre civile népalaise. Huit semaines avant la course du MontBlanc, son pays était frappé par le tremblement de terre de Gorkha, causant la mort de 9 000 personnes. En franchissant la ligne d’arrivée, Rai a déployé le drapeau de son pays au-dessus de sa tête – un symbole d’espoir pour son pays qui a résonné dans le monde entier. Si Rai rejoint la révolution maoïste, ce n’est pas par choix politique mais parce qu’elle aspire à une vie meilleure que celle des femmes de son village. À la fin de la guerre, elle veut rester dans l’armée, mais on le lui refuse car à 17 ans, elle est encore mineure. Sa carrière de coureuse naît d’une rencontre fortuite lorsqu’en 2014, elle croise le chemin de deux coureurs qui l’invitent à une course. Rai s’inscrit au Himalayan Outdoor Festival 50 km. Elle n’a aucune préparation, court cette distance pour la première fois, et pourtant remporte la victoire. La première d’une longue série. À présent, Rai veut encourager les autres femmes népalaises à
ratiquer ce sport et à reprendre le p contrôle de leurs vies. « Courir me rend heureuse, nous confie-t-elle de son domicile à Katmandou, capitale du Népal. Quand on fait quelque chose qui rend heureux, la souffrance passe au second plan. » the red bulletin : Comment imaginiez-vous votre futur quand vous étiez jeune ? mira rai : Je viens d’un village très isolé. Faire de la course sportive était hors de question, mais je trottais dans les montagnes du matin au soir pour assurer la bonne tenue de notre foyer. Je me disais que si j’étais née ailleurs, dans une ville, j’aurais pu étudier, aller à l’école, poursuivre une carrière. Quand l’armée m’a disqualifiée, je me suis inscrite à l’université. Deux ans plus tard j’ai achevé mes études secondaires. Vous avez été enrôlée dans l’armée à 14 ans… Pas vraiment par choix. Je suis entrée dans l’armée populaire de libération (PLA, People’s Liberation Army, ndlr), pour offrir un meilleur futur à ma famille. J’y ai découvert la course sous son aspect sportif. L’Himalayan Outdoor Festival était votre premier marathon. J’avais participé à un semi-marathon de 21 km, mais je m’étais effondrée à 400 m de l’arrivée à cause de la chaleur. En ce qui concerne le HOF, je n’avais aucune idée du parcours ou de la distance, j’avais simplement été invitée par des coureurs de l’armée népalaise. Je n’en attendais rien. J’ai couru, et j’ai fini première.
Quand on vous regarde courir, même en compétition, vous avez l’air tellement calme. Je suis agile dans les montagnes et les collines escarpées me rappellent mon enfance. Quand on a couru dans les montagnes du Népal, on peut courir partout dans le monde. Mais j’ai du mal avec la course sur route, avec le plat. Dans quel état d’esprit étiez-vous pour la course du Mont-Blanc juste après les séismes ? Je me sentais forte. Après ma victoire, j’étais folle de joie, parce qu’elle appartenait à tous les Népalais du monde. J’étais heureuse de pouvoir offrir une médaille à notre pays si durement frappé. Aujourd’hui vous êtes plus qu’une coureuse : vous êtes une activiste. J’ai fondé la Mira Rai Initiative, une association de soutien aux femmes népalaises qui veulent devenir coureuses. Je veux leur offrir une plateforme – des cours d’anglais, des études universitaires, un entraînement physique, une prise en charge thérapeutique. Nous recrutons cinq coureuses par an et avons déjà complété deux cursus. À quels défis êtes-vous confrontée lorsque vous introduisez des femmes au monde du sport ? Il faut convaincre les parents, et ensuite faire comprendre à ces femmes que si elles s’y mettent sérieusement, ce ne sera que du positif. Nous avons envoyé plusieurs coureuses à Hong Kong, au Japon, à Oman – Sunmaya Budha et Humi Budha Magar – elles ont participé à des courses internationales et les ont gagnées. Mission accomplie.
Suivez la fondation de Mira sur miraraiinitiative.org. Regardez son histoire dans l’épisode The Way of the Wildcard sur redbull.com
Vous étiez à peine équipée… Je portais des chaussures bon marché. Mes pieds étaient recouverts 14
THE RED BULLETIN
TOM GUISE
Le bonheur est dans les pieds
d’ampoules et les chaussures étaient complètement ruinées.
MARTINA VALMASSOI
MIRA RAI
« Courir me rend heureuse. La souffrance passe au second plan. »
THE RED BULLETIN
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SKIP MARLEY
Mettons un Bob Cette année, Bob Marley, l’ambassadeur du reggae, aurait eu 75 ans. Son petit-fils a sélectionné quatre chansons majeures du formidable catalogue de Mr Bobby.
Revolution (également de Natty Dread)
The Heathen (de l’album Exodus)
Redemption Song (de l’album Uprising)
« Mon grand-père a influencé ma façon de vivre et de penser. Il m’a inculqué une mission, et c’est pourquoi j’aime Natty Dread. C’est comme un hymne pour le rasta : “Peu importe le monde, je ne pourrais jamais m’égarer.” C’est une chanson qui m’a toujours accompagné dans mon travail, elle me conforte dans ma mission. »
« Nous vivons une révolution en ce moment, ce titre est toujours d’actualité car il parle de vérité. Des chansons comme celle-ci nous rappellent la ferveur de mon grand-père. Nous sommes sa famille, nous vivons dans l’amour, nous sommes lui. Nous continuons à transmettre son héritage. L’amour ne peut pas prendre de congés. »
« C’est l’une des premières chansons où j’ai appris à tout jouer : batterie, basse, guitare, piano. The Heathen est une véritable racine brute. La vie est un combat. Nous devons continuer à survivre. Nous sommes en train de nous battre en ce moment. Il faut rester ferme, aller de l’avant et être assurés au plus haut niveau.»
« Un de mes souvenirs d’enfance préférés : sur la plage avec ma famille, en train de chanter Redemption Song. C’est un hymne mondial, une histoire de survie, de combat qui a changé le monde : “Les vieux pirates, oui, ils me volent, ils me vendent aux navires marchands.” La chanson vous colle à la peau différemment. »
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THE RED BULLETIN
JACK MCCAIN
Natty Dread (de l’album Natty Dread)
WILL LAVIN
Comme beaucoup dans son illustre famille, Skip Marley, 24 ans, s’est taillé une carrière dans la musique. Ayant fait ses premiers pas sur la scène en 2015, l’auteur-compositeur-interprète jamaïcain est revenu sur le devant de la scène l’année dernière avec les singles That’s Not True et Slow Down, ce dernier mettant en scène la star du R&B H.E.R., récompensée par un Grammy Award. Cette année, la légende du reggae Bob Marley, mort en 1981 à l’âge de 36 ans, aurait fêté ses 75 ans. Skip se souvient de l’impact de la musique de son grand-père : « Sa détermination, sa discipline et son éthique de travail ont influencé le monde, y compris moi et la musique que je fais. » Voici ses quatre titres préférés. Le nouveau single de Skip, Make Me Feel, avec Rick Ross et Ari Lennox, est déjà disponible.
GAKKEN, PENTAGRAM
LOU BOYD
On s’en grave un petit ? Le mini dubplate, un rêve devenu réalité.
À l’époque où Yuri Suzuki était étudiant dans les années 90 à Tokyo, il avait deux obsessions : la musique punk et les vinyles. « J’ai toujours rêvé de fabriquer une machine me permettant de créer mes propres disques, raconte cet artiste sonore japonais âgé de 40 ans. Quand j’étais étudiant, j’essayais de réparer de vieilles machines à graver achetées dans des ventes au rabais, mais ça ne marchait jamais. » Trente ans plus tard, il invente un appareil qui permet de graver et de lire des enregistrements maison. L’Instant Record Cutting Machine (trad. machine de gravure de disque instantanée) – élaborée en partenariat avec Gakken, un fabricant de jeux éducatifs – se compose de deux bras : l’un pour la gravure des sillons sur le vinyle, l’autre pour la lecture audio. « On utilise la prise casque du portable pour se connecter via USB, explique-t-il. C’est assez sommaire : l’audio reçoit l’information sous formes de THE RED BULLETIN
vibrations et le stylet grave le tout sur le vinyle. Mon projet n’était pas de fabriquer un équipement hifi, le son rendu a un côté bricolé et low-fi. » Certains s’en servent également pour créer de la musique. « Je connais un DJ qui s’en sert pour enregistrer des boucles lors de ses performances en public », ajoute Suzuki. Il les grave en situation sur un disque de 13 cm qu’il utilise pour la suite du show, ce qui en fait quasiment un instrument de musique à part entière. « Quand j’étais ado, je faisais tout le temps des mixtapes pour mes amis », raconte Suzuki. C’est cette touche émotionnelle des compilations K7 de l’époque que les gens retrouvent avec le procédé vinyle du Japonais. « Le côté palpable d’une galette vinyle sur laquelle tu poses le diamant – surtout si tu as créé ce vinyle toi-même – c’est quelque chose de vraiment unique. » yurisuzuki.com/design-studio/ easyrecordmaker
MACHINE DE GRAVURE
Disque dure
On pensait que le streaming avait enterré la bonne vieille compil K7. Mais un passionné japonais de son la fait revivre façon vinyle.
Suzuki et son IRCM (comme on aime à l’appeler).
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Qui a bu la première bière ? Qui a inventé les blagues ? En quoi les hommes préhistoriques sont-ils plus avancés que nous le pensons ? Un Américain s’est attaqué à ce genre de questions et y a apporté certaines réponses.
Il y a encore des questions auxquelles même une recherche google n’apporte pas de réponse satisfaisante. Des questions qui nous passent soudain par la tête, comme « qui a bu la première bière ? » et « qui a inventé les inventions ? ». L’écrivain scientifique Cody Cassidy, âgé de 36 ans et originaire de San Francisco, a passé plus de trois ans à arpenter les librairies, à débattre avec des experts et à parcourir le monde pour résoudre tous ces mystères cachés derrière les innovations les plus significatives de l’humanité. Son nouvel ouvrage, Who Ate the First Oyster? The Extraordinary People Behind the Greatest Firsts in History (trad. Qui a mangé la première huître ?) déterre les histoires de 17 pionniers majeurs mais injustement méconnus – de la personne qui a découvert le feu à celle qui a raconté la première blague. the red bulletin : Quelle était l’idée derrière le livre ? cody cassidy : Quand on pense à l’histoire ancienne, on ne pense pas forcément en termes d’individus. Et pourtant, ce sont bien des génies singuliers qui ont inventé et découvert des choses que nous utilisons encore et toujours aujourd’hui. Mon livre s’intéresse à ces personnes et décrit leurs vies et les circonstances qui ont conduit à leur première fois. Comment avez-vous sélectionné ces premières fois ? Je me suis concentré sur ce que l’on sait qu’un individu a accompli. Il existe de nombreux exemples de premières fois qui ont probablement évolué au cours du temps, comme
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par exemple la première personne qui a inventé la religion ou parlé une langue – cela n’a pas été accompli par un seul et unique individu. Quel a été votre procédé de recherches ? Je me suis rendu dans des endroits tels que le nord de l’Italie pour visiter la scène du crime d’Ötzi (« l’homme des glaces » âgé de plus de 5 300 ans, dont le corps momifié et bien conservé a été découvert en 1991, ndlr) et dans la grotte Chauvet pour voir le premier chef-d’œuvre pictural. Et j’ai lu énormément de publications scientifiques, qui m’ont certes apporté une base de compréhension nécessaire pour le sujet, mais souvent pas assez à mon goût, sur un individu spécifique. Je suis donc allé parler avec les auteurs et je les ai invités à émettre des hypothèses avec moi sur les motivations d’innover. Certaines de ces histoires prennent une direction inattendue. Comme l’invention de la roue, qui a probablement contribué à la diffusion de la peste noire en Europe. Quel est le point commun entre tous ces innovateurs ? Tous avaient un problème qu’ils essayaient de résoudre ; déjà il y a trois millions d’années de cela lorsqu’une jeune mère devait tenir un bébé dans ses bras. Faire une écharpe ne paraît pas très compliqué, mais à l’époque, les jeunes mères ont eu du mal. La taille de la tête des bébés grossissait mais le canal génital des mères restait identique, condition nécessaire pour marcher debout. Du coup, les bébés naissaient de manière prématurée, ce qui en faisaient des proies faciles. Alors, une maman a trouvé la manière de porter son bébé tout en continuant à récolter de la nour-
Avons-nous trop de mépris pour le génie des inventions préhistoriques ? Oui. On fait cette erreur classique de penser que les hommes des cavernes étaient des sauvages illettrés et stupides. À cet égard, les BD et autres caricatures n’ont rien arrangé. En fait, ils étaient plus sophistiqués, ou en tout cas ils avaient bien plus de connaissances générales de leur environnement que nous actuellement. Ils devaient connaître tous les types de plantes et savoir comment les préparer et les manger. Regardez ce que nous considérons comme le premier chef-d’œuvre de l’art (le groupe de chevaux dans la cave Chauvet, ndlr) : il a été peint il y a 33 000 ans pendant l’âge de glace. Impossible de le regarder sans y voir du génie. Que vous a apporté l’écriture de ce livre ? On part souvent du principe que c’est parce que nous sommes intelligents que nous avons des outils. Mais j’ai réalisé que c’est parce que nous avons inventé ces outils que nous sommes devenus intelligents. On pense souvent que ces outils sont de simples extensions naturelles de ce que nous sommes, alors que c’est souvent le contraire. La découverte de la bière a eu pour résultat l’un des plus grands changements de notre mode de vie. Ces outils et ces découvertes ne font pas qu’améliorer ou simplifier nos vies : très souvent, elles ont changé le cours de notre évolution.
Who Ate the First Oyster? The Extraordinary People Behind the Greatest Firsts in History, en anglais, chez Penguin Books
FLORIAN OBKIRCHER
L’histoire questionnée
riture. Grâce à l’écharpe, on pouvait enfin naître au début de notre développement – comme aujourd’hui – et les mères pouvaient nous porter environ un an avant que nous puissions marcher par nos propres moyens.
WOLFGANG ZAC
CODY CASSIDY
THE RED BULLETIN
« Tous les innovateurs essayaient de résoudre un problème. » THE RED BULLETIN
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Le Z-Triton : un genre de remake des Transformers (mais à petit budget).
Ce tricycle/caravane amphibie qui adapte le concept de minimaison au voyage d’évasion pourrait être la réponse aux vacances loin des foules. Il y a quelques années, lorsque le designer urbain Aigars Lauzis a imaginé le Z-Triton – un mélange de bateau, tricycle électrique et camping-car – l’idée de voyager dans une minimaison autosuffisante en aurait laissé plus d’un perplexe. En 2020, l’invention de Lauzis passe pour visionnaire. Il a développé le concept lors d’un périple de 31 100 km à vélo entre Londres et Tokyo. Au cours du séjour, il s’est mis à imaginer comment il pouvait faire de ce voyage une expérience familiale. « J’ai imaginé une minimaison amphibie avec une alimentation électrique et solaire, explique-t-il. On peut rouler, naviguer, et le petit camping-car permet d’y dormir en totale immersion dans la nature. » 20
Tous les frissons du tour du monde à vélo et du sommeil à la belle étoile, mais sans les piquets de tente.
Le Z-Triton peut passer pour un gros jouet flottant, mais en fait, c’est un concentré de technologies : le tricycle peut parcourir les routes à une vitesse de 40 km/h et se transforme en bateau à moteur pour naviguer en eau douce. L’habitacle dispose d’éclairage, de chauffage et abrite une kitchenette. À l’avant, il y a suffisamment de place pour un passager pendant que l’autre pédale et il y a même un siège d’appoint pour les animaux. Lauzis espère que le Z-Triton sera une source d’inspiration pour lancer une nouvelle mode de voyages naturalistes à propulsion humaine. « Même s’il y a une assistance électrique, la première source d’énergie c’est nousmême, affirme-t-il. J’ai envie de rester en forme et de voyager au moyen de ma propre énergie – pour créer quelque chose à la fois sympa et un peu dingue tout en abordant certains enjeux mondiaux. » zeltini.com THE RED BULLETIN
AIGARS LAUZIS, GATIS PRIEDNIEKS-MELNACIS
Vacances à emporter
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BEAUTÉ DURE
Les skateurs n’appréhendent pas la ville comme vous et moi : là où nous voyons du béton, ils voient un immense espace d’expression. Un instinct créatif que le photographe français FRED MORTAGNE a sublimé. Texte ANDREAS WOLLINGER Photos FRED MORTAGNE
À PLEIN TUBE Ces énormes cylindres traînaient devant une usine de chaudronnerie, en banlieue lyonnaise – de quoi ravir le Grenoblois Charles Collet, grand nom du skate et ébéniste.
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ITINÉRAIRE BIS Charles Collet, encore lui : cette fois-ci, c’est un pilier d’autoroute près de Mâcon qu’il prend pour terrain de jeu.
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DÉCOLLAGE IMMINENT À voir la détermination sur le visage de Nick Garcia, on se dit que le Californien est sur le point de nous livrer un trick somptueux.
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POUR LA JOIE DE MONSIEUR LE MAIRE Si la place devant la mairie de Créteil fascine Fred depuis vingt ans, ce n’est que très récemment qu’il est parvenu à mettre en lumière toute sa beauté. Avec cette photo du Finlandais Jaakko Ojanen.
COUP DOUBLE On a souvent comparé le musée d’art contemporain de Niterói (près de Rio de Janeiro), conçu par l’architecte-star Oscar Niemeyer, à un ovni. Ce cliché y mettant en scène H ernando « ÑaÑo » Ramirez ne peut que le confirmer.
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L’EFFET MIROIR Dans un recoin de l’Institut du monde arabe, à Paris : un Australien (Sammy Winter), un switch kickflip… Une seconde de grâce.
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PARKING LOINTAIN Jérémie Daclin évoluant dans le parking du Centre des congrès à Tokyo… Une photo que Fred a prise du dix-septième étage de son hôtel.
ET LA LUMIÈRE FUT Un aqueduc au milieu de nulle part, dans un coin paumé de la Californie : pour l’Américain Brandon Westgate, il s’agit surtout de ne pas se cogner la tête sur les poutres en métal. « J’ai attendu trois ans pour avoir la lumière parfaite », dit Fred.
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« Tu as beau essayer encore et encore, il y a toujours un truc qui cloche. Et puis tout à coup, bam, on y est ! » Fred Mortagne
RESTER DE GLACE Les risques du métier : Charles Collet vient de se tordre la cheville et se r epose avec une compresse refroidissante posée dessus… ah non pardon, c’est un sachet de petits pois surgelés.
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FRED POMPERMAYER
À Jaws, Hawaï, en 2016, le swell produit par El Niño s’associe au surfeur pro Kai Lenny.
A U X S O U R C E S D U W A T E R M A N À la veille de la sortie de sa série, Life of Kai, l’as des sports d’eau, KAI LENNY, 28 ans, ravive son étincelle créative à domicile, à Hawaï, et redécouvre pourquoi il est tombé amoureux de l’océan en premier lieu. Texte CHRISTINE YU
Kai Lenny devant les vagues, Ă domicile, Ă Paia, Maui, en octobre 2019.
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JAKE MAROTE
ai Lenny dit qu’il est à la recherche du plaisir à l’état pur. Ne l’a-t-il pas toujours été ? Mais il aura finalement fallu une pandémie mondiale pour parvenir à ralentir l’Américain. Je ne vous étonnerai pas si je vous dis qu’il n’aura fallu que deux minutes pour que le surfeur professionnel de 28 ans ne commence à s’agiter. Même au téléphone, son énergie contagieuse se transmet et il ne fait aucun doute qu’il n’aime pas l’immobilité. Après tout, c’est le même gars que ses parents emmenaient tous les jours à la plage quand il était petit afin de l’épuiser pour qu’il dorme toute la nuit. Désormais, il a l’habitude de prendre l’avion toutes les semaines. Ou presque. « C’est probablement la plus longue période passée à la maison depuis mes 12 ans ou quelque chose comme ça », nous dit-il. C’est ainsi qu’il a fini par traverser le Canal de Kauai sur un catamaran à foils avec le double champion de la World Surf League, John John Florence, à la mi-juillet. « Nous étions au téléphone et nous nous sommes dit : “Hey, on devrait faire quelque chose d’amusant. Et si nous naviguions sur notre catamaran d’Oahu à Kauai ? On le fait !” », rembobine Lenny. Une semaine plus tard, ils quittaient Oahu à bord du Flying Phantom de Florence. Ce bateau ressemble à un vaisseau spatial. Les foils descendent des coques rouge vif, soulevant le bateau et lui permettant de filer sur l’eau. Lenny et Florence sont suspendus sur le côté, de façon assez précaire. Neuf heures plus tard, ils arrivaient à Hanalei sur l’île de Kauai. Interrogé sur la traversée, Lenny répond, enthousiaste : « C’était super ! » Mais ce qui a emballé Lenny n’est pas tant le défi de la traversée du Canal que la spontanéité derrière cela. En temps normal, il aurait fallu un an ou plus pour réaliser quelque chose de semblable. Lenny et Florence (et leurs collaborateurs) auraient dû coordonner leurs horaires. Entre les compétitions, les obligations liées au sponsoring et les autres projets, les chances de trouver un jour
ou deux de chevauchement où les deux auraient été chez eux à Hawaï auraient été pratiquement nulles. Cette spontanéité constitue un contraste énorme avec la façon dont Lenny mène généralement sa vie méticuleusement concentrée sur la poursuite de grands projets et d’objectifs importants. « Il est incroyable de candeur – “Je peux le faire, je vais le faire !” – p endant que tout le monde dit : “Tu es complètement fou, mec” », dit Johnny DeCesare, le fondateur de Poor Boyz Productions qui filme Lenny depuis l’âge de 11 ans. « Il voit les choses différemment. Ce qu’il voit vraiment, c’est l’occasion et la possibilité. » Lenny avait des projets pour 2020 : voyager avec ses amis, pourchassant les vagues gigantesques de chacune des grandes houles du monde tout en se donnant à fond sur le circuit de la compétition. « Dès que je me suis vraiment engagé, c’est littéralement comme si le monde entier s’était arrêté », dit-il. Alors que ses objectifs sont pour l’instant en suspens, son dernier projet, Life of Kai, lancé en octobre, offre un aperçu de certains des exploits innovants et époustouflants que l’athlète professionnel a réalisés et dont il est capable. Ses autres séries web, comme Positively Kai et 20@20, qui ont débuté cet été, présentent les aventures amu-
Enfant de Maui, le jeune Kai Lenny a trouvé ses mentors en s’inspirant de Laird Hamilton, Dave Kalama et Robby Naish.
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santes de L enny et ses performances qui défient la physique, tant au niveau national qu’international. En revanche, Life of Kai suit Lenny dans sa quête et sa réalisation d’importants projets, qu’il s’agisse d’un stage de survie surf ou de compétitions comme le Peahi Challenge ou le Nazaré Tow Surfing Challenge. « Je pense que la vision générale qu’ont les gens de la plupart des athlètes professionnels, la mienne y compris, est qu’il ne suffit que d’y aller et de le faire, dit-il. Je souhaitais vraiment capturer ce que je dois traverser – les bons et les mauvais moments, les plus difficiles aussi, tout ce qui mène à mes meilleurs moments, que ce soit sur le podium ou sur la plus grosse vague de ma vie. » Il veut aussi inspirer les gens. « Combien de toi es-tu prêt à investir pour accomplir quelque chose… et quelle passion alimente ce feu ? Cette détermination indéfectible est mon secret. J’espère que j’inspirerai les jeunes à suivre leur passion et à se dire que si je peux le faire, ils peuvent le faire aussi », déclare-t-il.
« Combien de toi es-tu prêt à investir pour accomplir quelque chose… et quelle passion alimente ce feu ? »
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enny est un jeune prodige dont les parents ont déménagé à Maui pour faire du windsurf. Il a lui-même été un jeune prodige de cette discipline, un petit garçon qui volait haut au-dessus des vagues au Hookipa Beach Park et qui cousait des mini-voiles et des cerfs- volants alors qu’il était à l’école Montessori. Parmi ses mentors figurent Laird Hamilton, Dave Kalama, Robby Naish et d’autres pionniers célèbres qui inventaient littéralement de nouveaux sports nautiques tout près de chez lui. Cela a déteint sur Lenny. Il est plusieurs fois champion du monde de stand up paddle (il a remporté son premier titre à l’âge de 18 ans), vainqueur des éreintants Molokai 2 Oahu Paddleboard World Championships et l’un des meilleurs wind et kitesurfeurs. Hé oui, il surfe aussi et peut aussi faire des aerials impressionnants sur shortboard. Lenny n’est pas seulement un excellent athlète. C’est un waterman doué. Il a une vision aiguë de l’océan et l’observe différemment que la plupart des gens. « Il voit la surface de la mer et ce qui se trouve dessous, et utilise cette énergie », dit DeCesare. Dans les grosses vagues, DeCesare dit que l’esprit de Lenny est comme une calculatrice, mettant la peur de côté pour calculer les variables et les facteurs. Cela lui donne la confiance pour performer dans des conditions qui effraieraient des humains
Jaws, janvier 2015 : Lenny fait avec la pluie pour trouver son climax au bout de l’arc-en-ciel.
aériennes de shortboard et aux vagues géantes de tow-in surfing. C’est maintenant un champion dans le monde des grosses vagues », explique DeCesare. En 2019, Lenny a remporté deux Big Wave Awards : XXL Biggest Wave et performance globale chez les hommes. Pour les Red Bull Big Wave Awards 2020, il a été nominé à cinq reprises dans trois catégories. Un tournant majeur s’est produit lorsque Lenny a commencé à performer sur le circuit des grosses vagues. Il a remporté la compétition de Puerto Escondido en 2017. Il a répété l’exploit en remportant le Nazare Tow Surfing Challenge avec son coéquipier Lucas « Chumbo » Chianca en février 2020. Lenny et Chianca sont à la fois bons amis et adversaires. Ils étaient ensemble au camp de survie surf, ce qui a renforcé leur amitié et leur confiance aveugle : en tant que partenaires, ils savaient que l’un irait chercher l’autre sur un jet-ski si des vagues de vingt mètres menaçaient de les engloutir. Cette solide camaraderie a permis à Lenny de participer à la compétition en étant calme, concentré et serein. Le talent de Lenny et de Chianca sur les grosses vagues est devenu manifeste au Portugal. « Lucas et moi voulons surfer sur les plus grosses vagues du monde, mais pas seulement glisser dessus et survivre. Nous voulons accomplir des performances et des manœuvres géantes, dit-il. Depuis des années, je me concentre sur la manière dont je peux transposer les manœuvres de snowboard vers le surf sur grosses vagues. Ces gars peuvent le faire sur de grosses montagnes en Alaska. Pourquoi ne pourrais-je pas le faire sur de grosses vagues dans l’océan ? » Alors que d’autres ont peutêtre choisi des voies plus sûres, Lenny a choisi d’autres avenues et fait des 360 ° tout en dévalant les parois abruptes des vagues de Praia do Norte. Une fois hors de l’eau, Lenny a regardé les images sur un portable. Il a gloussé et a dit : « J’adore le surf sur les grosses vagues. »
Kai Lenny savait qu’il pouvait être un waterman complet. Il aimait l’océan et ne voulait pas se laisser cataloguer. 42
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normalement constitués. Difficile d’imaginer que le gamin au large sourire espiègle n’ait pas eu automatiquement son ticket d’entrée quand il était plus jeune. En vérité, il n’était pas pris au sérieux car c’était un athlète multisports. Ses premières amours étaient le windsurf, le stand up paddle et le kitesurf alors que tout le monde faisait du surf. Même ses mentors comme Naish ont essayé de le préparer au jour où il devrait ranger une partie de son équipement et se consacrer à un seul sport. Son père Martin se souvient d’avoir vu d’autres jeunes asticoter son fils et lui demander s’il voulait uniquement se concentrer sur le surf. Lenny a regardé son père et lui a dit : « Pourquoi voudrais-je faire ça ? Tout ce que je fais est tellement chouette. » Au fond de lui-même, Lenny savait qu’il pouvait être un waterman complet. Il aimait l’océan et ne voulait pas se laisser cataloguer. Il voulait profiter de toutes les conditions offertes et utiliser tout l’équipement dont il avait besoin pour sortir et s’amuser. Mais même quand Lenny est devenu un athlète doué et un champion de stand up paddle, il n’avait toujours pas vraiment acquis de crédibilité. Les autres surfeurs étaient du genre : « Stand up paddle kid, windsurfeur, weirdo. Ils ne lui ont pas vraiment accordé beaucoup de crédit en tant que surfeur », raconte DeCesare. Il a fallu un certain temps à Lenny pour gagner le respect de ses pairs et c’est son surfing sur les grosses vagues qui l’a aidé à faire ses preuves. Lenny a surfé sur les énormes vagues de Peahi, le célèbre break de Maui, également connu sous le nom de Jaws, sur tous les types de planches depuis l’âge de 16 ans. Il est capable de réaliser de bonnes performances justement grâce à son expérience en windsurf et en kitesurf. On a commencé à parler de lui, d’autant plus lorsqu’il s’est mis à se concentrer davantage sur le surf. « On a réalisé que Lenny n’était pas un surfeur unidimensionnel, mais un surfeur complet, des grosses vagues à celles de Sunset, du Pipeline aux figures
Un instant de réflexion : Lenny en toute quiétude avant une session de surf à Hookipa le 6 octobre 2019.
« Il n’a jamais été question de battre quelqu’un, mais plutôt de me battre moi-même. »
Pourtant, malgré son succès et la reconnaissance qu’il a acquise au sein de la communauté du surf, on s’attendrait à ce que Lenny ait conservé une certaine rancœur. Mais il se concentre plutôt sur la performance au plus haut niveau et sur l’élimination du plus grand nombre possible de zones d’ombre. « Pour moi, il n’a jamais été question de battre quelqu’un d’autre, mais plutôt de me battre moi-même », concède-t-il. Il aime se montrer à la hauteur dans les compétitions où il affronte les meilleurs du monde. Cela l’oblige à se surpasser, à aller là où il n’irait pas s’il n’y avait pas de pression – ou ce qu’il appelle l’encouragement – de quelqu’un qui surfe mieux que lui. « La raison pour laquelle j’ai été si constant et que je me suis amélioré
dans tous mes sports vient de ma passion profonde pour ce que je fais. J’aime le sport jusqu’à ses aspects techniques, comme mon équipement. J’aime le fait que, en fin de compte, je peux réaliser quelque chose que je ne pouvais pas faire avant. En plus, j’aime l’aspect artistique de tout cela », développe-t-il. Cette poussée inlassable vers le progrès et l’innovation est inscrite dans l’ADN de Lenny. Dès son plus jeune âge, ses parents l’ont aidé à se fixer des objectifs, des petits pas qui lui ont permis de se frayer peu à peu un chemin jusqu’à chevaucher des vagues de la taille d’une montagne. Par exemple, lorsqu’il avait environ neuf ans, son père Martin lui a montré le spot de Hookipa où tous les windsurfeurs finissent par se retrouver.
Martin lui a appris par où arriver afin de pouvoir monter au milieu des rochers. « Quand il y allait et qu’il poussait ses limites, il prenait des coups. Mais on le voyait négocier autour des rochers. Il savait ce qu’il faisait et ça allait », se remémore Martin. Ado, Lenny s’asseyait avec son père pour établir la feuille de route des objectifs qu’il voulait atteindre. Ils la revoyaient ensemble chaque année, la peaufinaient ici et là et ajoutaient d’autres buts. Aujourd’hui, au lieu de déterminer la date à laquelle il deviendra champion du monde, son père dit que Lenny pense à des objectifs plus ambitieux et trace sa voie vers une carrière d’athlète professionnel qui durera toute sa vie.
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Prouesses du quotidien, octobre 2019 : Lenny réalise un backflip avec son foil board dans les vagues de Hookipa.
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situations pour c omprendre ce qui lui permet d’être qui il est et de vivre ses meilleurs moments. « Est-ce quand mon équipement est ajusté d’une telle manière ? Est-ce la façon dont je me réveille ou celle dont je l’aborde ? Est-ce que j’aime être un peu plus détendu ou plutôt concentré ? Ce genre de choses me permettra d’être encore plus performant quand tout reviendra à la normale ». Et Lenny est impatient de retrouver tout cela car il a encore beaucoup d’objectifs. « Avec le foiling, je veux chevaucher une énorme houle au milieu de l’océan et voyager d’une masse terrestre à l’autre. Avec le big wave riding, je veux surfer sur les plus grandes vagues du monde et sur des parties de la vague que personne ou presque n’a jamais faites. » Il y aura peut-être aussi une deuxième partie de Life of Kai dans le futur. Et encore, ce n’est que ce qui lui vient à l’esprit pour le moment. Il y a beaucoup de missions qu’il n’a même pas encore imaginées. « Ce que je veux, c’est tout faire. Je vois quelqu’un à l’autre bout du monde réaliser quelque chose d’incroyable et il faut ensuite que je m’y essaie. L’approche de ces personnes m’inspire tellement. En ce qui me concerne, bien plus que d’arriver à ce point, c’est son accomplissement qui m’intéresse. Pour le reste de ma vie, tant que j’aurai des objectifs devant moi, j’aurai toujours du plaisir et je m’éclaterai », assure Kai Lenny dans un sourire.
« Ce que je veux, c’est tout faire. Tant que j’aurai des objectifs, j’aurai du plaisir. »
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uand vous donnez à Lenny un peu de corde et de liberté, il est difficile de le suivre. En fait, la contrainte de rester à la maison a permis à Lenny de devenir encore plus créatif et de s’amuser davantage. Au lieu de s’entraîner pour sa prochaine compétition, de vérifier méticuleusement son matériel pour son prochain voyage ou de s’inquiéter de ses obligations liées au sponsoring, il se reconnecte avec ce qu’il veut faire. « J’ai maintenant la possibilité de me concentrer sur ce qui a attiré mon attention quand j’étais petit, lorsque je suis tombé amoureux de ce sport, c’est-à-dire le sport lui-même au lieu de ce qui l’entoure, vous comprenez ? » Il est plus soucieux de perfectionner les subtilités de diverses manœuvres comme la sensation de regarder par-dessus son épaule gauche quand il fait un flip en windsurf ou de bien négocier l’amerrissage quand il fait un 360 ° dans les airs lorsqu’il surfe. Il a aussi développé de nouvelles figures. Après des mois de cocooning à la maison, de reconstruction, d’entraînement et de préparation sans distractions ni obligations externes, il ne serait pas surprenant que Lenny explose à nouveau sur la scène une fois que les compétitions reprendront et que les restrictions de voyage seront levées. Il dit que cela lui a donné une nouvelle perspective, plus introspective et plus analytique. Au cours des derniers mois, Lenny a essayé de décomposer les
Le photographe Fred Pompermayer a capturé cet instant à Jaws, en janvier 2020 : « Dès que Kai est à l’eau, quelque chose de spécial est sur le point de se produire. »
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Confiance est force
Elle tord son corps dans des positions incroyables, fait des équilibres au bord de précipices, réalise des records du monde démentiels… L’artiste ATR et athlète de l’extrême autrichienne STEFANIE MILLINGER va toujours plus loin. Une discussion sur l’art de se rester fidèle, celui d’éviter les erreurs et le courage, de vivre pleinement son talent. Texte PAULINE LUISA KRÄTZIG Photos RICK GUEST 48
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Stefanie Millinger, 28 ans, en équilibre au sommet de l’Hôtel Daniel (dans le centre de Vienne, Autriche).
« Mon corps se régénère rapidement et me pardonne beaucoup. »
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l est difficile de décrire Stefanie Millinger. C’est une acrobate, une contorsionniste, une équilibriste, une star des sports extrêmes – sauf qu’aucun de ces termes ne lui convient parfaitement. C’est parce que l’Autrichienne de 28 ans, 1,54 mètre, s’est taillé une place incomparable dans son domaine, faisant preuve d’une force et d’une souplesse extraordinaires : en réalisant une série de 342 équilibres en équerre en 52 minutes sans que ses pieds ne touchent le sol, un record du monde officieux ; elle peut aussi utiliser n’importe quel support pour ses exercices (elle peut porter le poids de son corps rien qu’avec la bouche). Il est tout aussi probable de la voir sur un toit, accrochée à un pont ou au bord d’une falaise, et presque toujours sans filet. La seule sécurité dont elle dispose est sa confiance en elle. Cela vaut tant dans la vie de tous les jours qu’au sommet d’une falaise. Stefanie Millinger a dû enchaîner les petits boulots pour payer son loyer tout en consacrant six à dix heures par jour à son entraînement. Elle a balayé les critiques qui ne voyaient pas d’avenir dans ses spectacles acrobatiques hallucinants. Grâce à ses 400 000 followers Instagram ou le soutien de fans très en vue comme le comédien et podcasteur américain Joe Rogan, Stefanie Millinger assure sa voie : à l’envers, n’utilisant que ses pieds. Et ses mains.
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Au premier abord, Stefanie Millinger est timide. À bien y regarder, c’est une femme aux muscles qui en imposent.
Freestyle au-dessus de la ville. Le voilier est une œuvre de l’artiste autrichien Erwin Wurm, sur le toit de l’Hôtel Daniel.
the red bulletin : Hello, Stefanie ! Je peux vous interviewer pendant qu’on vous maquille ? stefanie millinger : Bien sûr, je suis flexible. Ça se voit : personne ne se contorsionne sur une chaise comme vous. Demeurer assise bien droit n’est manifestement pas votre truc… Ne rien faire du tout est la chose la plus difficile pour moi. Ma mère pourrait vous le confirmer. Même enfant, j’avais l’habitude d’être toujours fourrée partout et de me suspendre aux branches et à tout ce qui se trouvait en hauteur. On prend souvent modèle sur ses parents. Que font les vôtres ? Mon père est entrepreneur de pompes funèbres ; ma mère, employée des télécommunications autrichiennes. Personne d’autre dans ma famille n’est acrobate ou gymnaste.
© MISCONCEIVABLE PAR ERWIN WURM/HÔTEL DANIEL VIENNE, AUTRICHE
D’où vous vient cet amour pour le contorsionnisme ? J’ai commencé à faire de la voltige équestre à l’âge de 13 ans. J’ai donc fait de la gymnastique à cheval et aussi de l’équilibre sur les mains. J’aimais cette position et l’amplitude des mouvements qu’elle permettait et je l’ai essayée chez moi dans ma chambre. Puis je suis devenue accro, comme pour les tatouages – je voulais m’arrêter au dixième et depuis deux semaines, j’en ai douze. Vous aviez un but en particulier ? Rien du tout. Je l’ai d’abord fait juste pour moi et j’aimais la sensation. Puis j’ai augmenté le nombre de minutes où je pouvais me tenir en équilibre sur les mains. J’ai monté un programme d’entraînement avec des exercices de stabilisation, de force et d’étirement et me suis levée à 4 heures tous les matins pour m’entraîner avant l’école à la voltige équestre. Comment vous est venue l’idée de faire de l’ATR (appui tendu renversé) votre métier ? Comme la plupart des gens, j’étais désorientée au sujet de mon avenir pendant que j’étais à l’école et après. Enfant, je jouais souvent au cirque, je construisais une piste avec des chaises, je faisais du pop-corn et faisais ensuite tous les numéros pour mon public. J’étais tour à tour animal, acrobate et clown. J’ai pris les faits en considération ainsi que mes THE RED BULLETIN
« Je me suis levée à 4 heures tous les jours pour m’entraîner avant l’école. » ttentes et j’ai trouvé quelque chose qui a m’a plu, quelque chose que je voulais prendre comme base. Vous avez en effet passé trois semaines avec le Cirque du Soleil au Canada en 2014. C’était un grand honneur pour moi de pouvoir faire partie de ce monde du cirque que j’aimais tant enfant. Mais j’ai compris assez vite que le monde du showbiz ne me correspondait pas. Je suis une artiste, j’ai besoin de me renouveler quotidiennement.
Vous avez eu beaucoup de succès avec la voltige équestre et avez remporté la médaille de bronze au pas de deux avec votre partenaire aux Championnats d’Europe en 2015. J’avais 25 ans à l’époque, il fallait que je me décide. La voltige équestre est un sport marginal, on y investit beaucoup d’argent mais cela ne rapporte rien. Et comme passe-temps, cela n’allait plus. Je ne fais pas les choses à moitié. Mais vous ne pouviez pas savoir que l’ATR rapporterait davantage… C’est vrai. Pendant les premières années, j’ai tenu bon grâce à des emplois à temps partiel : la livraison de journaux, la distribution de prospectus. Vous deviez avoir une très grande confiance en vos talents acrobatiques… Je n’ai aucun talent acrobatique. 53
Vous vous contorsionnez dans tous les sens en souriant, vous êtes en équilibre sur les mains avec des disques d’haltères attachés aux pieds… et vous dites n’avoir aucun talent pour cela ? La plupart des gens pensent que je suis née hyperflexible. Ce n’est pas le cas. En fait, avant, j’étais plutôt raide. Que mon anatomie soit adaptée à toutes ces contorsions est un gène positif. Peut-être de la chance, mais pas du talent. Mais j’ai toujours été très ambitieuse. Les gens me disent souvent : « J’aimerais bien faire ton boulot ! » Parce que ça a l’air si facile quand je repasse avec mes pieds ou que je fais une figure à une altitude de 2 700 mètres. S’ils travaillaient aussi dur que moi, ils pourraient le faire. Je m’entraîne six à dix heures par jour depuis huit ans. Sans exception. Même en vacances. Jamais de congés ? Quand je dors. Mais la régénération est essentielle dans les sports de compétition. Mon corps se régénère rapidement et me pardonne beaucoup. Cela semble impitoyable. Pourquoi ne pas utiliser ce qui, manifestement, fonctionne bien pour moi ? Je sais que je suis un peu folle. Mais je sais aussi ce que je peux supporter, je connais mon corps par cœur. En janvier 2019, je me suis cassé le scaphoïde du poignet droit en grimpant. Cinq jours plus tard, je me suis à nouveau produite. Bien sûr, les gens ont pensé que j’étais folle quand j’ai enlevé le plâtre et fait mon spectacle. C’était vraiment cool. Comment va votre main aujourd’hui ? Ça va. Pendant six mois, je n’ai pu m’entraîner qu’en position de ménagement, sur le poing. Quand je suis en équilibre sur les mains, la douleur est toujours là. Mais bon, les médecins disaient que je ne pourrais plus faire de l’ATR. Vos évolutions se déroulent le plus souvent à des hauteurs extrêmes, parfois même à côté de précipices. Pourquoi ces risques ? La plupart des gens ont beaucoup de mal à comprendre que tous les risques que je prends sont calculés. Je ne laisse pas de place au hasard. Ma vie, c’est le sport extrême, c’est la raison pour laquelle je 54
fais ce métier. Je suis née pour l’altitude. Enfant, je m’amusais à faire des tractions sur la gouttière de la maison de mes parents… Je me définis comme une artiste et une sportive de l’extrême. C’est pourquoi je me mets constamment au défi, ce qui veut dire jusqu’au kick ultime. Le pire dans mon boulot, c’est la routine, l’habitude – cela ne fait pas avancer et rend négligent. Le premier moment d’une cascade est celui qu’il faut le plus respecter. Si je le répète trop souvent, avec l’adrénaline qui pompe, je risque de perdre la sensation du danger. Vous faites toujours des prestations sans filet. Car il n’y a que comme cela que je peux éprouver ce sentiment de liberté intense, qui est ma sécurité : concentrée à fond,
mes sens sont ultra développés et à l’affût, je ne peux pas m’autoriser la moindre erreur. J’apprends, mais je ne me fie pas aux protections. Je ne fais confiance qu’à moi-même. Je suis une control freak finie, c’est pourquoi le solo de style libre me convient si bien. Je ne peux compter que sur moi-même et ne suis responsable que de moi. Contrairement à la voltige équestre où tu t’entraînes comme une folle pour ton programme libre avant que ton cheval ne prenne peur parce que quelqu’un dans le public s’est levé. Tout ça pour rien. Vous n’avez pas peur que l’âge ne vous rattrape ? Pas de plan B ? Je ne pense pas à demain. Je fais ce que j’aime et cela n’a pas de prix. THE RED BULLETIN
« Que mon anatomie soit adaptée à toutes ces contorsions est un gène positif. Peutêtre de la chance, mais pas du talent. »
N’est-ce pas un peu naïf ? Oui ce sont des idées puériles. Mais ce sont probablement elles qui me donnent ma confiance, ma foi en moi. Cela ne me sert à rien de m’inquiéter pour l’avenir. J’ai 28 ans – c’est très vieux en termes de gymnastique et d’acrobatie. Mais il y a une mamie qui a plus de 90 ans et qui fait encore des exercices sur des barres parallèles (Johanna Quaas, une gymnaste de 94 ans, ndlr). Mais si quelque chose ne se passe pas comme vous le souhaitez ? Si une cascade échoue par ma faute, je persiste jusqu’à ce que je réussisse. Il y a toujours place à amélioration et si je ne vois pas de progrès, je deviens grincheuse. Mon ambition devient souvent
Chaque pose est ultra maîtrisée. Pour acquérir une telle souplesse, un entraînement intensif est la clé.
de l’entêtement, c’est ma grande faiblesse. Je me mets en colère contre moi-même parce que je ne peux pas aller à plein régime – et ensuite en colère parce que je suis en colère… Blocage complet. Je dois absolument trouver un moyen de travailler sur ce point. Mauvaise perdante ? Je me fixe des objectifs ambitieux, et ça me pousse. Malheureusement, l’art de l’ATR n’est pas une discipline olympique sinon j’aurais un record mondial. Mais dans l’art, il n’est pas question de concurrence mais de création ; on cherche son propre style, on le soigne. On n’est pas dans la compétition. Vous l’avez établi en avril dernier : 342 ATR en force de l’équerre en 52 minutes sans toucher le sol une seule fois avec vos pieds. Respect ! Je me suis entraînée pendant douze ans pour cela. Le Guinness des records m’a rejetée plusieurs fois. J’ai donc décidé de me filmer moi-même selon les directives pour une candidature normale et de mettre la vidéo en ligne. Finalement, la Record Holders Republic m’a approchée et a reconnu le record. Y a-t-il quelque chose qui peut se mettre en travers de votre chemin ? Je mentirais si je disais que les critiques ne m’affectent pas. Il n’est pas facile d’être insultée par des gens qu’on ne connaît pas parce qu’ils n’apprécient pas mon art ou qu’ils ne m’aiment pas. Mais heureusement, j’ai le soutien de mes proches, ma mère, mon copain, mon manager.
STYLISME : SIMON WINKELMÜLLER, COIFFURE ET MAQUILLAGE : INA MAURER
Comment gérez-vous la situation avec les réseaux sociaux ? Je suis fière de mes 400 000 followers Instagram et c’est cool quand un gars comme l’humoriste américain Joe Rogan poste sur T witter que mon compte est l’un des plus inspirants qu’il connaisse. Mais je n’oublie pourtant pas que les meilleurs moments de ma vie sont ceux où j’ai réussi quelque chose de très particulier, de majeur ou d’extraordinaire, et que j’étais complètement en phase avec moi-même, hautement concentrée. La seule chose qui compte alors, c’est de savoir que j’ai réalisé ce que je voulais, et d’en être consciente. Et dans ces moments-là, il n’y a jamais de public.
Instagram : @stefaniemillinger THE RED BULLETIN
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Une nouvelle île en vue : Louis Josek, 26 ans, veut montrer une Jamaïque qui motive.
REDÉCOUVREZ LA JAMAÏQUE
Selon le réalisateur LOUIS JOSEK, un kid de Kingston ou de Cologne se pose les mêmes questions. Son documentaire Out Deh honore des destins surprenants.
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orsque le cinéaste allemand Louis Josek s’est rendu en Jamaïque pour la première fois, il ne s’attendait pas à se faire des amis pour la vie, ni à se lancer, cinq ans durant, dans un projet personnel de film qui le mènerait aussi aux États-Unis et même jusqu’au Japon. Son premier film, Out Deh, témoigne des destinations inattendues que la vie nous fait parfois atteindre. Il se concentre sur les histoires de trois jeunes hommes dans leur vingtaine, alors qu’ils s’efforcent de trouver leur voie : Elishama Beckford, un surfeur pro, Romar Rose qui vit dans l’un des quartiers les plus chauds de Kingston, et le rappeur Daniel Simpson, surnommé Bakersteez. Louis Josek, un ancien surfeur professionnel de 26 ans, nous explique comment son histoire s’est mêlée à celle de ses protagonistes. 56
the red bulletin : C’est votre premier projet en tant que réalisateur. Comment cela est-il arrivé ? louis josek : Mon père était photographe et le cinéma m’accompagne depuis longtemps. J’ai surfé à un niveau professionnel jusqu’à l’âge de 18 ans, puis il y a environ sept ans, quand j’ai arrêté, j’ai commencé à suivre mes amis surfeurs pros avec une caméra et à me concentrer d avantage là-dessus. Mais je suis allé en Jamaïque sans projet en tête. Un ami m’a invité, et j’y suis allé. Et je suis tombé amoureux de cette île. Qu’est-ce qui a particulièrement stimulé votre imagination ? Les jeunes gens là-bas m’ont vraiment inspiré par leur énergie et leur résilience. Dès leur plus jeune âge, on leur a dit : « Vous ne pouvez pas être ceci, vous ne serez jamais cela. » Ça m’a rappelé
OUTDEH – THE YOUTH OF JAMAICA
Texte RUTH MCLEOD Photos JÉRÉMY BERNARD
« Les jeunes gens à Kingston m’ont vraiment inspiré par leur énergie et leur résilience. »
Cologne en Allemagne, la ville où j’ai grandi. Cela peut ne pas sembler être le cas, mais c’est semblable en Europe. On est supposé aller à l’école, étudier, puis aller travailler. Je me suis senti vraiment proche de ces gens qui ont trouvé le moyen de faire ce qu’ils voulaient au lieu de suivre une voie toute tracée. Ils avaient beaucoup de rêves, et surtout la passion et le courage de les poursuivre. Une compréhension et une confiance réciproques ont été le fondement de ce film.
Tournage aux Caraïbes.
Vous avez donc senti que vos histoires étaient en quelque sorte connectées dès le début ? Exactement. J’ai senti que le type d’énergie que ces gars avaient manquait en Europe, dans notre génération. Ils m’ont vraiment inspiré à réfléchir à ce que je veux faire. Quels sont les trois personnages que vous présentez dans le film ? Shama a 23 ans, il vit à Eight Miles, Bull Bay, et est le premier surfeur professionnel de l’île. Romar vit à Tivoli Gardens, à Kingston, qui est connu pour être l’un des quartiers les plus chauds de Jamaïque. Il est devenu papa après avoir perdu presque toute sa famille lorsqu’il était très jeune. Bakersteez vit à Kingston Downtown. Dans une île où règne le reggae, il débute une carrière de musicien, l’un des rares rappeurs émergents. Votre relation avec ces protagonistes a-t-elle changé au cours du projet ? Lorsque j’ai commencé à tourner avec eux, nous savions quel était notre sujet, mais nous ignorions où cela nous mènerait. Nous avons grandi ensemble pendant les cinq années qu’a duré ce projet. J’ai rencontré Shama lorsqu’il n’était qu’un môme de 17 ans qui racontait à tout le monde : « Je vais devenir un surfeur professionnel. » On lui répondait : « Comment comptes-tu t’y prendre ? » Et puis nous avons commencé à tourner. Nous nous sommes retrouvés à Hawaï après qu’il ait décroché un contrat avec Hurley. Pendant le tournage, nous avons toujours essayé de nous aider les uns les autres. Nous nous sommes vus grandir, prendre des raclées, etc. Et toujours, nous nous sommes aidés mutuellement pour nous relever. Le film montre une grande partie de la vie de chacun d’entre eux, leurs premiers pas. J’espère surtout qu’il permettra de changer le regard du 58
Bakersteez balance ses rimes.
« Nous avons essayé de montrer une Jamaïque différente. »
public sur notre île. Tout le monde a une image très arrêtée de ce pays. Nous avons essayé de montrer une J amaïque différente. Quel est l’élément qui procure à chacun de vos protagonistes la capacité de vivre autrement ? Ils sont intelligents, humbles et ils ont un cœur en or. Ils possèdent une énergie incroyable. Ils ont le courage de suivre leur voie. Ils font des choses différentes, THE RED BULLETIN
« Ils ouvrent un nouveau monde aux jeunes. »
Shama en pleine action.
communauté. Ce qui n’a pas été facile. Puis on nous a dit qu’il aimait les livres, nous nous sommes donc retrouvés à en ramener toute une cargaison à Tivoli et à les apporter chez lui. Heureusement, ça a marché. Dans le film, vous allez à Hawaï avec Shama et aussi au Japon, lorsque Bakersteez effectue sa première tournée. Était-ce prévu ? Non. Retrouver Bakersteez et son équipe à Osaka pour lancer sa première tournée a été surréaliste. Il y avait un show par jour dans différentes villes – Osaka, Fukuoka, Sendai, Tokyo. Nous ne savions jamais à quoi nous attendre, ni où nous irions. À Sendai, la plus petite ville de notre tournée, on nous a conduits dans un petit club souterrain au milieu de rues sombres. Le club était bondé. Il faisait chaud, il y avait plein de bruit et la foule scandait “Sendai neva die” (trad. Sendai ne mourra jamais). Trois mois auparavant, nous tournions au milieu de Kingston, Bakersteez rêvait de partir en tournée, de faire une carrière internationale. Ce soir-là, Bakersteez a donné son meilleur concert de la tournée. La foule continuait de chanter ses paroles lorsqu’il a quitté la scène.
OUTDEH – THE YOUTH OF JAMAICA , MARIAMI KURTISHVILI, DONALD DE LA HAYE
Le noyau dur de Out Deh (depuis la gauche) : le surfeur Elishama Beckford aka Shama, le skateur Romar Rose, le réalisateur Louis Josek et le rappeur Daniel Simpson aka Bakersteez.
mais sont reliés par cette même confiance en soi, c’est ce qui les distingue des autres. Ils se sont dit : « Je peux y arriver » même quand tout le monde leur soutenait le contraire. Aujourd’hui, ils incarnent des modèles pour beaucoup de personnes en Jamaïque. Je l’ai senti dès le début. Il n’y avait pas de skateurs là-bas, mais il y avait une vingtaine de surfeurs. Il n’y avait pas beaucoup de rap. Maintenant, la Jamaïque construit son deuxième skate park, la communauTHE RED BULLETIN
té de skateurs s’est développée, avec beaucoup de très bons surfeurs et rappeurs. Ces gars influencent les jeunes et leur ouvrent un nouveau monde. C’est en train d’exploser là-bas. Vous êtes-vous retrouvé dans des situations qui vous ont surpris ? Constamment. Par exemple, lorsque nous avons voulu tourner dans l’un des logements sociaux de Tivoli, nous avions besoin d’obtenir l’accord du boss de la
Quel est le meilleur souvenir que vous gardez du tournage ? Le dernier jour. Nous nous sommes mis en route à 3 heures du matin. Il y avait une grande croix rouge illuminée en ville, nous avons voulu la filmer. Alors nous avons demandé à Shama de parcourir le plan de gauche à droite. À la seconde précise où il a quitté le côté droit du cadrage, les lumières se sont éteintes. Puis une demi-heure plus tard, il s’est mis à pleuvoir. Le lendemain, il a plu aussi. Je sentais enfin que le travail était achevé. C’était comme si l’île nous disait : « C’est bon, c’est dans la boîte. On éteint tout, vous pouvez rentrer chez vous. »
Le film sur redbull.com/outdeh 59
Tous gagnants !
Plus de 130 universités aux USA proposent des cursus esport. Avec un secteur du jeu vidéo en expansion, les établissements scolaires les plus clairvoyants se bougent pour attirer les élèves désireux de faire carrière dans un nouveau monde d’opportunités. Texte SCOTT JOHNSON
Pionnière des sports universitaires, l’université Full Sail (Floride) a ouvert en 2019 sa salle esport à 6 millions de dollars.
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FULL SAIL UNIVERSITY
Megan Danaher, étudiante à Full Sail, est capitaine de l’équipe Armada sur Overwatch.
imanche matin, en mars. Megan Danaher pénètre The Fortress, un auditorium de la Full Sail University. Situé à Orlando (Floride), cet établissement supérieur propose des formations sur deux ans et prépare les étudiants à faire carrière dans l’industrie du divertissement. Avec ses 1 000 m², The Fortress est la plus grande arène de sport électronique, ou e-sport, aux États-Unis : un symbole fort pour cette nouvelle mission universitaire. Un écran géant surplombe une scène parée de la bannière « Hall of Fame Week ». Du R&B tabasse dans d’énormes haut-parleurs. Cameramen et photographes fendent une foule de jeunes. Certains portent des maillots noir et orange pour marquer leur appartenance à Armada, l’équipe d’esport universitaire de la Full Sail University. Confiante, Megan se d irige à grands pas vers un 62
groupe de garçons réunis en cercle. Elle ôte son sweat-shirt, révélant son maillot Armada. Son pseudo de gamer est brodé en lettres capitales en haut du dos : PeptoAbysmal. Megan Danaher est la capitaine de l’équipe universitaire Overwatch d’Armada, et c’est la seule fille de l’équipe. Dans le domaine des jeux de tir subjectif en équipes, Overwatch se caractérise par sa rapidité et la complexité de son graphisme. Plusieurs coéquipiers de Megan ont peint des traits noirs sous leurs yeux. Ils sont tous rassemblés, leurs maillots scintillant sous les stroboscopes. Lleaf, Anarchy, Yakisoba, 2A1Z et Beaverbiskit font tous partie de l’équipe. Alors que la menace de la COVID-19 pointe le bout de son nez, les organisateurs ont tout prévu : du gel hydroalcoolique, des lingettes désinfectantes, et même des autocollants THE RED BULLETIN
FULL SAIL UNIVERSITY
Megan, alias PeptoAbysmal, seule femme de son équipe. Ci-dessous : goodies Covid lors d’un event début mars 2020.
afin de signaler si l’on préfère un salut du coude plutôt qu’une poignée de main, mais le groupe ne tient pas en place : tout le monde est impatient de monter sur scène pour le tournoi à venir. Ce jour-là, The Fortress est le paradis des gamers : compétitions acharnées, commentaires pointus réalisés par des spécialistes, sessions pratiques sur des ordinateurs Stealth Thin haut de gamme fournis par le sponsor MSI, goodies et la possibilité de rencontrer vos joueurs favoris. Une douzaine d’étudiants appartenant aux deux équipes League of Legends s’affrontent déjà. L’action est retransmise sur l’écran géant. Jonglant avec leurs crayons, deux commentateurs décryptent les actions. Dans un coin de la salle, un élève se mesure à Toxsic, un gamer pro, sur le jeu de basketball NBA 2K. L’un des animateurs s’époumone sur scène : « Restez avec THE RED BULLETIN
nous ! Ne manquez pas le prochain match ! ». Au début, le tournoi est déséquilibré. Les joueurs s’affrontent, crient dans leur casque, pianotent frénétiquement sur leur clavier et cliquent sans relâche sur leur souris. Les équipes esport d’Armada sont fortes. Très fortes. Les challengers, les espoirs universitaires de la Full Sail University, ne font pas le poids. Mais la débâcle imminente ne semble pas freiner leur enthousiasme. Un fan particulièrement expressif au
remier rang hurle et conspue sans p aucune retenue, bondissant de son siège, insensible aux regards, tandis que derrière lui, une jeune femme assiste avec inquiétude et fascination au drame qui se joue à l’écran. L’événement est retransmis dans son intégralité et en direct sur Twitch, la plateforme fétiche des gamers du monde entier. Le secteur de l’esport se développe depuis plusieurs années. Récemment, des universités ont commencé à s’y frotter. Et si elles ne s’y intéressent pas encore, elles devraient sérieusement y penser. En effet, l’esport devrait dépasser 1,5 milliard de revenus d’ici à 2023, selon l’Esports Ecosystem Report, publié par Business Insider Intelligence. Selon le cabinet d’audit Deloitte, les investissements en capital de risque ont doublé entre 2017 et 2018, ce qui représente une augmentation de plus de 800 % en dollars réels, pour un montant dépassant les 4,5 milliards de dollars. Dans tous les États-Unis, des centaines d’écoles ont ouvert des cursus esport ces dernières années, et le phénomène n’en est qu’à ses prémices. La Robert Morris University de Chicago, qui a fusionné avec la Roosevelt University cette année, a été le premier établissement scolaire à faire le choix de l’esport en 2014. Par la suite, plus de 130 cursus universitaires ont vu le jour dans des dizaines d’États à travers le pays. Toutes les universités sont concernées, des plus petites comme la Roosevelt University aux plus grandes comme l’université de Californie, Irvine, qui a été la première université publique à créer un cursus d’esport en 2015. En 2018, lorsque la Boise State University (Idaho) a ouvert son cursus d’esport, 20 élèves se sont inscrits. L’an dernier, on comptait 200 candidats. « L’intérêt de notre université pour l’esport délie les langues », explique Chris Haskell, responsable du cursus de la Boise State
Dans tous les États-Unis, des centaines d’écoles ont ouvert des cursus esport ces dernières années. 63
« Les gens issus de l’esport ont dû résoudre des tas de problèmes pour en arriver là où ils en sont. » University. « Nous conseillons aux universités qui envisagent l’ouverture d’un cursus d’esport de doubler toutes les prévisions de la première année pour l’année suivante », assure Michael Brooks de la National Association of Collegiate Esports, organisme qui régit l’esport universitaire. Mais ce n’est pas tout. Un écosystème tout entier est en train de voir le jour : il alimentera presque tous les aspects de la vie créative et professionnelle susceptibles de découler de l’omniprésence des jeux vidéo dans la société actuelle. Avant que le monde n’entre en confinement, les stades étaient souvent remplis de dizaines de milliers de spectateurs venus assister à des tournois professionnels de l’Overwatch League. Aux USA, les audiences des compétitions de jeux vidéo ont éclipsé celles des ligues sportives plus traditionnelles telles que la NFL ou la NBA. Et les universités ressentent de plus en plus les retombées économiques. Les établissements scolaires membres de la NACE ont accordé environ 15 millions de dollars de bourses pour l’étude des jeux vidéo en 2019. Dans les écoles et les entreprises du pays tout entier, un rapprochement s’opère. D’un côté, les employeurs
Ici, on vient vibrer pour les jeux vidéo.
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r echerchent des esprits indépendants et dotés de compétences variées : gestion d’une communauté en ligne, construction ou bidouillage de PC pour accélérer ou optimiser son travail ou pour améliorer le graphisme, etc. De l’autre côté, compte tenu de sa capacité à résoudre les problèmes, l’immense communauté gaming actuelle est parfaitement adaptée à cette demande. « Si votre société évolue rapidement, vos collaborateurs doivent disposer de compétences techniques dans le domaine logiciel et matériel, mais aussi être en mesure de résoudre les problèmes. Or, le monde de l’esport foisonne de personnes de cette trempe, se réjouit Michael Brooks. Car elles ont dû résoudre des tas de problèmes pour en arriver là où elles en sont. » À commencer par le suivi de leurs études en période de pandémie. À la Full Sail University, où une bonne moitié des élèves ont initialement choisi une formation à distance, l’ensemble des élèves a repris les cours à distance dans la semaine qui a suivi les premières fermetures d’établissements. Les élèves ont continué leur apprentissage sur Zoom et ils se sont davantage impliqués dans des actions collaboratives au travers de réunions de clubs en ligne.
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Nommée The Fortress, l’arène esport de Full Sail est la plus grande des USA. Elle a une capacité d’accueil jusqu’à 500 spectateurs sur 1000 m2.
Selon la NACE, les écoles ont dépensé 15 millions de dollars dans les bourses de gaming en 2019.
Les événements à l’université Full Sail sont gelés, mais s’il y a un secteur qui peut passer à une réalité purement virtuelle, c’est celui du gaming.
« J’adorerais vivre de l’esport. Mener une vie confortable grâce aux jeux vidéo serait formidable. »
FULL SAIL UNIVERSITY
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n mars dernier, alors que Megan Danaher et ses équipiers savourent leur victoire sur Overwatch, Gus Hernandez rallie la foule devant un match NBA 2K, de l’autre côté de The Fortress. Véritable boute-en-train, Gus Hernandez est très reconnaissable avec ses boucles rousses. Il s’est inscrit au cursus de commentateur sportif de la Full Sail University, et tandis qu’il suit Toxsic, le gamer pro, il met ses compétences à l’épreuve. « Et… Booker se déplace, passe et… marque ! », s’écrie-t-il, vraisemblablement aussi ravi par les feux des projecteurs que par le jeu à l’écran. Élevé dans une famille brésilienne au nord de Boston, Gus a grandi en regardant son beau-père jouer à Fifa et Pro Evolution Soccer sur une PlayStation 2 dans le modeste T3 familial. Gus a passé des heures à écouter la légende Jack Edwards commenter les rencontres sportives locales sur une vieille radio et il s’est vite imaginé derrière le micro. Il a aussi commencé à apprécier les « commentaires intenses et pleins d’énergie » des matches de foot de la New England Revolution qu’il a découverts sur des stations de son secteur. « Ça m’a tout de suite attiré », raconte-t-il. Jeune adolescent lorsque Twitch est apparu, Gus Hernandez a commencé à commenter des parties sur sa propre chaîne. La société Sinai Village l’a repéré et lui a demandé de commenter plusieurs matches de football Pro Clubs. Lorsqu’il a eu 17 ans, une ligue britannique lui a offert l’avion pour venir commenter l’une de ses parties. Le voyage a finalement été annulé, mais une étincelle avait jailli. Avec le développement de sa chaîne Twitch, Gus s’est intéressé à d’autres jeux, comme Counter-Strike. Récemment, Gus a ouvert le stream Twitch Counter-Strike: Global Offensive, et sa chaîne s’est retrouvée en top tendance. « Je me dis que ces streams attireront des patrons d’entreprises », a-t-il expliqué. À 19 ans seulement, il a déjà une belle image de marque et son positionnement sur le marché peut attirer l’attention. « Certains disent que mes commentaires sont passionnants. » « J’adorerais vivre de l’esport à plein temps, se confie-t-il. Mener une vie
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confortable grâce aux jeux vidéo serait formidable. Quand on pense que le gaming était un refuge pendant mon adolescence… » Celui qui rêvait d’un poste de commentateur sportif traditionnel dans un média local ou une chaîne comme ESPN entrevoie des possibilités grâce à des compétitions de sports électroniques. « Avec l’esport, mon objectif devient réaliste. » Les profils comme celui de Gus Hernandez sont de plus en plus recherchés, alors même que les infrastructures qui nourrissent les rêves de ces personnes continuent à se développer. Les choix de carrière abondent : commentateur pour inviter des millions de fans à suivre les parties, organisateur d’un nombre croissant d’événements en direct qui égalisent voire surpassent les audiences de la NFL ou de la NHL… Mais aussi codeurs,
esigners, animateurs, copywriters, d responsables produits, concepteurs de jeux ou encore techniciens. Tous ces métiers sont très demandés dans le secteur du divertissement. C’est le boom que tout le monde attendait, en particulier les étudiants. « La dynamique actuelle est t otalement différente », décrit Sari Kitelyn, responsable des cursus esport de la Full Sail University. « Aujourd’hui, les jeux vidéo offrent de véritables o pportunités d’emploi. »
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ux USA, le sport a toujours été une voie vers l’emploi. Les athlètes traditionnels conjuguaient leurs compétences à des cursus de gestion du sport pour se r econvertir. Mais les compétences et les outils développés dans l’esport mènent à des opportunités différentes. « Pensez aux marques et à leur engagement vis-à-vis du grand public », suggère Michael Brooks, responsable de la NACE. « Désormais, presque tout tourne autour des interactions en ligne, de la gestion des communautés, du streaming – surtout du streaming en live, et implique des personnalités et des événements dédiés. La publicité,
Gus Hernandez, talent à suivre, commente les matches esport dans toute la Floride.
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le marketing et le journalisme sont particulièrement présents. Dans ce contexte, l’esport constitue un moyen idéal d’acquérir ces compétences. »
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n début d’après-midi, The Fortress commence à se vider. Megan Danaher, Gus Hernandez et un autre élève de la Full Sail University, Eric Alpizar, font une pause dans le lounge. La conversation dévie vers les jeux vidéo. Eric Alpizar, qui a fait un bref passage dans la Navy, est un joueur assidu de Dragonball (un jeu de combat de type joueur contre joueur), l’un des meilleurs compétiteurs en Floride. Il évoque le cas d’Arslan Ash, le joueur pakistanais de Tekken sponsorisé par Red Bull, apparemment venu de nulle part : en battant un champion sud-coréen nommé Knee lors de l’EVO 2019, Arslan s’est emparé du titre de champion du monde. Tekken 68
a ainsi mis la lumière sur le Pakistan de manière assez inattendue, explique Eric. Ce pays souvent à la une des journaux pour des questions de terrorisme ou de géopolitique fait maintenant parler de lui grâce aux jeux vidéo. « C’est l’un des avantages de l’esport, précise Eric. Il n’y a aucun préjugé sur les Pakistanais, car tout le monde s’en fiche. Les joueurs s’en fichent. Avec la mondialisation et l’essor de l’esport, n’importe quelle communauté peut très facilement débouler et dire “Eh, nous voilà ! Salut, nous sommes du Pakistan. Salut, nous sommes de Jordanie. Salut, nous sommes de tous ces endroits du monde et nous pouvons tous jouer ensemble.” » La Hall of Fame Week de la Full Sail University a lieu chaque année d epuis plus de dix ans. Un cercle restreint de diplômés qui ont excellé dans leur domaine et apporté une contribution
Eric Alpizar, étudiant de Full Sail, est un joueur dévoué du jeu de combat Dragonball. THE RED BULLETIN
La prochaine génération de jeunes actifs viendra directement du monde de l’esport universitaire. est arrivée sur le marché du travail, YouTube et les autres services de streaming n’en étaient qu’à leurs balbutiements. Twitch n’existait pas encore. Elle a obtenu un poste chez Disney, dans la branche Développement, puis elle a rejoint PlayStation pendant cinq ans. En 2016, l’esport a enregistré une forte hausse avec l’annonce de l’Overwatch League. Erin a postulé chez l’éditeur du jeu, Blizzard Entertainment, et elle a été retenue. Depuis lors, elle observe un afflux constant de professionnels d’autres secteurs qui viennent dans l’univers du gaming. « Beaucoup de gens arrivent des secteurs traditionnels de la télévision et du cinéma, mais aussi de la NFL et de la NBA », raconte-t-elle. « Nous avons une incroyable cellule de personnes fantastiques qui travaillent toutes ensemble sur ce produit. »
FULL SAIL UNIVERSITY
Les membres d’Armada, l’équipe sportive universitaire de l’université Full Sail, affrontent leurs adversaires sur Overwatch.
à l’université d’une manière ou d’une autre sont invités chaque année pour être intronisés et s’adresser aux étudiants actuels. Erin Eberhardt fait partie des diplômés honorés en mars dernier : elle est sortie de l’université il y a dix ans et travaille aujourd’hui chez Blizzard Entertainment, le géant du jeu vidéo à Los Angeles. Élevée sur un terrain de 3 hectares dans la campagne de l’Ohio, Erin Eberhardt a grandi en toute liberté. Le soir, la famille se rassemblait pour regarder son père, contrôleur aérien, jouer aux jeux vidéo avec ses amis. « Nous étions assis sur nos chaises, derrière papa, et nous regardions par-dessus son épaule. Nous passions juste la tête et nous criions comme des hystériques. » Erin a étudié dans une université classique, mais elle s’y ennuyait ferme. Elle a finalement obtenu son diplôme de la Full Sail University en 2010. Lorsqu’elle THE RED BULLETIN
S
elon elle, la prochaine génération de jeunes actifs viendra directement du monde de l’esport universitaire. « Voilà ce qui forme la prochaine génération des professionnels d’esport », explique-t-elle. « Tout se passe à l’université. Pratiquement chaque major de la Full Sail University pourra travailler dans l’esport à un moment de sa vie, car c’est un peu “tout le monde sur le pont” en ce moment. » La Full Sail University a rendu hommage à Erin Eberhardt notamment pour son rôle dans l’organisation d’un gigantesque événement live l’an dernier pour un jeu appelé Hearthstone. Megan Danaher, disciple d’Erin Eberhardt, considère cet événement comme une étape clé de son propre d éveloppement. « C’était juste parfait », s’extasie-t-elle. D’une certaine manière, les parcours respectifs de Megan Danaher et d’Erin Eberhardt reflètent l’essor de l’industrie. Il y a dix ans, lorsqu’Erin est arrivée sur le marché du travail, le jeu vidéo était encore un secteur naissant. La Full Sail University n’avait pas encore d’équipe e sport. Aujourd’hui, Megan Danaher se trouve face à une multitude d’opportunités plus alléchantes les unes que les autres. À présent, Megan Danaher rêve d’organiser de gros événements live dédiés aux jeux vidéo et qui rassemblent des
centaines de milliers de personnes dans les arènes du monde entier. Ses parents ont fini par se rallier à son avis. « À une époque, ils se disaient sans doute : “Lâche ces fichus jeux vidéo et fais tes devoirs”, ou quelque chose du même genre, explique-t-elle. Mais aujourd’hui, ils voient qu’il existe des débouchés professionnels dans ce domaine. Et que je ne fais pas que m’amuser. » Lorsqu’elle sera diplômée au mois d’octobre, Megan Danaher débutera un Master en gestion du sport à la Full Sail University. Elle envisage de faire carrière dans l’esport, et notamment dans la gestion de projet, la gestion d’équipe et la cohésion d’équipe. Elle observe du coin de l’œil une équipe texane qui dirige un stade esport. « J’aimerais aider à renforcer la cohésion de l’équipe, gérer l’équipe, et m’assurer que tout le monde s’entraîne. Dorme correctement. Se sente bien mentalement, révèle-t-elle. Je veux juste faire tout mon possible pour la bonne entente de l’équipe, en gros ce que je fais déjà maintenant, mais à plus grande échelle… et être rémunérée pour ça. » Pour la Full Sail University, tout a commencé dans un camion, au sens littéral du terme : un camping-car GMC de 8 mètres de long. C’était à l’origine un studio d’enregistrement de musique mobile, dans
L’ex-étudiante Erin Eberhardt raconte sa voie dans le gaming.
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Au moins un étudiant diplômé de la Full Sail University a travaillé dans chacun des films Marvel diffusés.
Le campus de l’université de Full Sail à Winter Park, Floride.
l equel les artistes pouvaient apprendre les bases de la production m usicale lors de sessions courtes et ciblées.
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ujourd’hui, le campus compte plusieurs bâtiments à un étage dans une zone assez déserte où seuls quelques espaces de bureaux et petites entreprises se sont installés au nord-est d’Orlando. Ses étudiants diplômés ont été embauchés par les plus grands studios d’Hollywood, parmi lesquels Netflix, Amazon et Disney. Au moins un – et souvent plus d’un – étudiant diplômé de la Full Sail University a travaillé dans chacun des films Marvel sortis au cinéma à ce jour. L’école de commentateurs sportifs porte le nom d’un de ses fondateurs, Dan Patrick, qui vient souvent sur place. Dave Arneson, le créateur de Donjons et Dragons, a enseigné la conception de jeux au sein de l’université jusqu’en 2008. Sachant que les cours coûtent 450 dollars de l’heure, ce n’est pas donné. Mais les candidatures continuent à affluer. Le lendemain du tournoi Overwatch, Megan Danaher revient sur le campus pour assister à d’autres événements Hall of Fame. Vers midi, elle se dirige vers un salon de l’emploi destiné aux étudiants, accompagnée par l’un de ses coéquipiers Overwatch, un ancien marine de New York qui consacre actuellement sa thèse 70
aux effets positifs des jeux vidéo sur les syndromes de stress post-traumatiques. (« Et il y en a beaucoup ! ») Ils consultent les brochures entre deux saluts de coude et quelques giclées de gel hydroalcoolique. Quelques recruteurs tentent d’appâter Megan avec des contrats temporaires, et elle accepte poliment de réfléchir à ces offres. Un homme qui faisait la queue derrière elle lui demande ce qu’elle aimerait faire. « Je m’intéresse aux shows en live et à la production », répond-elle. Marquant son approbation d’un signe de tête, il lui explique qu’il travaille pour une petite société de production en Virginie. « Super ! », s’exclame-t-elle en lui remettant sa carte de visite. Après avoir discuté quelques minutes avec une femme qui tenait un stand, Megan raconte à son coéquipier : « Elle me disait : “Ce job est fait pour vous. N’attendez pas pour poser votre candidature !” » On ne parle pas seulement de gosses qui jouent à des jeux vidéo et qui font baver d’envie les cadres d’Hollywood jusqu’à Orlando. « Twitch propose actuellement un millier de postes, mais les candidats qualifiés ne sont pas assez nombreux », explique Michael Brooks de la NACE. Les ingénieurs en informatique, les responsables de bases de données et les ingénieurs du son, surtout ceux qui s’y connaissent en jeux vidéo, sont particulièrement demandés. « Et nous entendons
le même refrain chez Microsoft. Ils constatent naturellement que leurs collaborateurs actuels sont aussi des gamers. C’est là qu’ils vont chercher leurs collaborateurs. Voilà le genre de personnes qu’ils souhaitent avoir dans leurs équipes. »
L
es paysages professionnel et universitaire sont étroitement liés, et cela commence même beaucoup plus tôt. « Des gamins semi-pro, à moitié entraînés, débarquent de leur lycée et sont r ecrutés dans des cursus universitaires, raconte Erin Eberhardt. Ils sont là pour leurs compétences dans les jeux vidéo. » Elle évoque le tournoi Overwatch organisé au sein de The Fortress, et toute l’expérience Hall of Fame proposée par la Full Sail University. « C’était des étudiants, dit-elle. Les gars au son, les runners, les assistants de p roduction, les personnes chargées de la lumière, THE RED BULLETIN
FULL SAIL UNIVERSITY
Du son à la retransmission, la production des tournois de Full Sail, est entièrement auto-gérée par les étudiants.
les truqueurs… une production 100 % estudiantine. Les studios recherchent exactement ce type d’expérience. » La journée touche à sa fin. À la Full Sail University, la foule se rassemble devant une immense scène extérieure : un écran y a été installé derrière deux chaises et une console de jeux. Pendant que les spectateurs s’installent, Gus H ernandez et Eric Alpizar montent sur scène. L’équipe Super Smash Bros de la Full Sail University affrontera des challengers choisis dans le public. Quelques courageux se manifestent. D’autres spectateurs viennent s’asseoir et s’apprêtent à assister à une longue soirée de jeux vidéo. Sur scène, Gus Hernandez et Eric Alpizar trouvent leur rythme. En cette agréable soirée, il semble que toutes les personnes présentes soient exactement là où elles souhaitent être. « C’est ça, l’esport ! », s’exclame Erik Alpizar. THE RED BULLETIN
De Twitch à Microsoft, des employeurs cherchent des talents avec un background dans le gaming.
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VOILIER VOLCANIQUE Norbert Sedlacek, 58 ans, teste son yacht en fibre de roche volcanique au large de la côte vendéenne.
L’homme qui a fui l’ordinaire
Un tour du monde de sept mois en solitaire et sans escale, sur un tracé qu’aucun autre navigateur n’a jamais tenté avant lui. NORBERT SEDLACEK évoque cette force qui sommeille en chacun de nous – et qui ne s’éveille que si l’on porte le regard au-delà de l’horizon. Texte ALEXANDER MACHECK Photos KONSTANTIN REYER 73
« J’étais fonctionnaire. Un jour, j’ai décidé de changer radicalement de vie. »
EN SOLITAIRE Sedlacek gère son projet titanesque tout seul à bord du yacht qu’il a construit avec son équipe.
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LA COURSE AU RECORD DU MONDE Norbert Sedlacek au gouvernail de son bateau. Le reste du temps, c’est le pilote automatique qui prend le relais.
Appareillage aux Sables d’Olonne sur la côte atlantique, point de départ et d’arrivée de la tentative de record du monde.
Norbert Sedlacek, navigateur de légende 1977 – 1984
Serveur à l’hôtel Hilton de Vienne (Autriche).
1984 – 1992
Conducteur de tramway.
1996 – 1998
Premier tour du monde en solitaire. Entrée sur la scène internationale des navigateurs professionnels.
2000 – 2001
Norbert Sedlacek est le premier Autrichien à faire le tour de l’Antarctique sans escale en 93 jours.
2004
Sedlacek termine dans les dix premiers de la TRANSAT en 17 jours, 18 heures, 35 minutes et 36 secondes.
2004 – 2005
Sedlacek est le premier navigateur germanophone à participer au Vendée Globe, course à la voile en solitaire autour du monde. En raison d’une sévère avarie technique, il doit abandonner la course prématurément avant d’arriver au Cap.
2008 – 2009
Vendée Globe, deuxième essai. Au bout de 126 jours 5 heures 31 minutes et 56 secondes, Sedlacek franchit la ligne d’arrivée au onzième rang sur trente participants, et fait ainsi son entrée au panthéon des grands navigateurs de ce monde. THE RED BULLETIN
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es tempêtes de la force d’un ouragan, des vagues hautes comme des maisons, des températures allant de − 45 °C à + 40 °C, des icebergs, la solitude, la lutte jusqu’à l’épuisement. L’ancien conducteur de tramway viennois Norbert Sedlacek, 58 ans, s’est lancé le 12 juillet 2020 dans une aventure qu’aucun navigateur n’a encore jamais tentée avant lui : un tour du monde intégrant la traversée du mythique passage du NordOuest. Un parcours de 63 000 kilomètres sans escale à travers tous les océans du monde, sept mois en solitaire et sans assistance extérieure. C’est autour d’un café que nous rencontrons le navigateur de légende autrichien aux Sables d’Olonne, sur la côte atlantique, point de départ et d’arrivée de sa tentative de record du monde – dans le hangar-même où, ces dernières années, Norbert Sedlacek et son équipe ont construit le bateau de près de vingt mètres de long avec lequel il a pris la mer. Ici, à la Mecque des navigateurs épris de tours du monde, l’Autrichien est une véritable star et il répond en français quand on l’aborde dans la rue. Il est l’un d’entre eux, tous unis par cette même
passion pour la navigation. Alors que nous nous asseyons à notre table, encerclés par des centaines de caisses de matériel, de nourriture et d’équipement et de vêtements techniques, l’expression fait sourire l’Autrichien. Il reconnaît bien volontiers qu’il est – encore et toujours – le même Norbert qui, voilà déjà presque trente ans, a osé s’aventurer plus loin que la majorité des gens. Il me demande : « Un café ? » Bien sûr, avec du lait et du sucre. Et c’est parti. the red bulletin : Comment vous sentiez-vous quelques semaines avant de lever l’ancre ? Anxieux ? Inquiet ? Impatient ? norbert sedlacek : Je dirais plutôt concentré. Et submergé de doutes : estce que je n’ai pas oublié quelque chose d’important ? Ne me serais-je pas trompé quelque part ? Est-ce que tous mes calculs et toutes mes prévisions sont bons ?
« Anxieux ? Inquiet ? Non. Je dirais plutôt concentré. » 77
Passage du Nord-Ouest
Une grande première ! Les Sables, FRA
Cap de Bonne-Espérance, RSA Cap Horn, CHI
Par exemple ? Eh bien, déjà, le passage du Nord-Ouest. Il se trouve au nord du continent américain. C’est assez rare que les navigateurs le franchissent. Là-bas, il y a soit beaucoup de vent, soit pas du tout. Si c’est le calme plat, il y a un risque de ne plus pouvoir avancer et de se retrouver piégé dans les glaces. C’est ce qui est arrivé à un équipage argentin. Ils ont pu être récupérés juste à temps par un hélicoptère avant que les ours polaires ne viennent les dévorer. Ce que je veux dire par là, c’est qu’on a que très peu de retours d’expérience pour pouvoir évaluer correctement la situation. Pourquoi vous infligez-vous cela ? Parce que je veux prouver que c’est possible avec mon bateau. Nous l’avons construit en fibre de roche volcanique. C’est un tout nouveau matériau, à la fois léger et extrêmement solide. Le bateau est un Open60AAL, un yacht de course. Il est suffisamment rapide pour pouvoir avancer, même avec très peu de vent, dans le passage du Nord-Ouest.
« Un hélicoptère les a récupérés juste avant qu’ils ne se fassent dévorer par les ours polaires. » 78
Cap Leeuwin, AUS
De la fibre de roche volcanique ? Oui, en fait, des roches volcaniques sont d’abord transformées en fibres, et puis en nappes, dont nous nous servons ensuite pour fabriquer les éléments du bateau. Contrairement aux yachts fabriqués dans les matériaux habituels, notre coque en fibre de roche volcanique est entièrement recyclable. On peut broyer la fibre pour en faire des palettes, qui peuvent par exemple servir à fabriquer des receveurs de douche. C’est véritablement une seconde vie que l’on offre au matériau. Soyons clairs : vous allez naviguer avec un bateau fabriqué dans un nouveau matériau qui n’a encore jamais été soumis à des conditions extrêmes, sur un tracé que personne n’a jamais suivi parce qu’il n’y a pas assez de retours d’expérience. C’est plutôt risqué, non ? C’est vrai que le matériau n’a pas été testé dans des régions glaciaires, mais il l’a été avec un plus petit prototype quand mon fils a traversé l’Atlantique. Le risque et la sécurité, c’est toute une histoire. Même dans la vie quotidienne, on pense que tout est sous contrôle. Mais la vérité, c’est qu’on ne maîtrise pas grand-chose. Prenons le travail par exemple. On apprend tous un métier lambda, on se cherche une entreprise, grosse, de préférence, et on y reste. Mais ce sentiment de sécurité est trompeur. Aujourd’hui, les entreprises passent tellement vite de main en main, ou bien il peut toujours
VAISSEAU SPATIAL Le « tableau de bord » du yacht sous le pont. C’est ici que Norbert dort par tranches de quinze minutes.
arriver quelque chose (ces choses inattendues qui peuvent arriver, on est justement en plein dedans, ndlr) et pouf – on se retrouve sans boulot. Ou bien on est éjecté parce qu’on est trop vieux. Ce qui est encore plus tragique, c’est quand on accepte un boulot pour cette apparente sécurité et que l’on n’aime même pas ce que l’on fait. Moi, le déclic, je l’ai eu à trente ans. J’étais fonctionnaire et je travaillais pour les transports en commun viennois, en Autriche. Je m’asseyais tous les jours dans mon tram, je m’efforçais d’être aussi sympathique que possible et j’attendais que tout cela soit enfin fini. Mais ce n’est pas une vie ! C’est là que j’ai décidé de prendre un risque et de gagner ma vie en faisant quelque chose qui me plaît, à savoir naviguer. Et donc vous avez eu de la chance. Si c’est de la chance, c’est la chance du bosseur. THE RED BULLETIN
ALAMY STOCK VECTOR
Pour le Vendée Globe, la course en haute mer la plus difficile au monde, les navigateurs partent de la côte française pour rallier l’Afrique du Sud et font ensuite le tour du monde, des mers du Sud au nord de l’Antarctique, avant de franchir le Cap Horn, de traverser l’Atlantique puis revenir à leur point de départ. Sedlacek en rajoute une couche : il va tenter un détour par le passage du Nord-Ouest avant de redescendre en longeant toute la côte ouest du continent américain pour ensuite rejoindre le parcours du Vendée Globe.
Ce n’est pas un peu arrogant ? Je ne trouve pas. C’est une manière de voir la vie et ses propres capacités. Je vois cela tellement souvent, des gens qui pensent qu’ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent, mais la vérité, c’est qu’ils n’ont jamais vraiment rien fait pour. Ils ont une idée, ils commencent à y réfléchir et puis, ouh, ça a l’air compliqué, je n’y arriverai jamais. Ce qu’ils voudraient en fait, c’est quelqu’un qui vienne les prendre par la main. C’est le grand classique de notre époque. Je veux dire : quand un carton est trop lourd à porter, il suffit d’en faire trois plus petits et de les prendre les uns après les autres. Quand on fait ça, au bout d’un moment, on arrive aussi à porter les gros. Mais il faut vraiment le vouloir. C’est pour cela que c’est important de découvrir ce qu’on aime vraiment faire dans la vie. Et quand on a trouvé quelque chose, on prend ses responsabilités et on s’améliore de jour THE RED BULLETIN
LE MATOS POUR UN TOUR DU MONDE Provisions, matériel technique, vêtements spécifiques et matériel médical. Tout est fin prêt. Le navigateur aura la possibilité de faire escale en chemin pour embarquer du nouveau matériel.
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Le bateau Catégorie Open60AAL Longueur 18,28 mètres Largeur 5,82 mètres Hauteur de mât au-dessus du niveau de la mer 29 mètres Matériau de construction de la coque Fibre de roche volcanique et balsa écocertifié Moteurs Deux moteurs Oceanvolt (électriques, de 10 kW et 14 CV chacun) pour la navigation et l’électricité ; le bateau bénéficie ainsi d’une alimentation 100 % sans énergies fossiles
en jour. À chaque pas dans cette direction, le risque diminue. Votre tour du monde est probablement le meilleur exercice en la matière. Vous naviguerez en solitaire pendant sept mois. Sans personne à bord sur qui rejeter la faute quand quelque chose se passera de travers. Exact. J’ai même construit mon bateau moi-même. Donc quand je veux savoir qui a fait une connerie, je me regarde dans le miroir et je me dis : « Tu as déconné, mais maintenant, tu vas tout arranger. » C’est la base : quand on foire quelque chose, on répare. Et quand on y arrive, il n’y a rien de mal à être fier de ce que l’on a fait. Être fier de ce qu’on fait, c’est un peu passé de mode, il me semble. Je trouve aussi. Et pourtant, c’est une très bonne manière de transformer les épreuves en succès. En mode : « Si j’assume maintenant, je pourrai être fier de ce que j’ai fait ensuite. » Oui, et il faut aussi se bouger avant qu’il n’arrive quelque chose qui nous tire vers le bas. Un exemple : selon nos estimations, le bateau devra résister à environ 40 millions de vibrations en sept mois passés en mer. Donc il y aura toujours quelque chose à réparer. Il faut repérer les failles avant qu’elles ne deviennent graves. Toutes les zones de frottement par exemple. On voit une corde qui est un peu déchirée. On se dit que ça ira bien. Faux ! Trois jours plus tard – bam ! Elle se déchire. Là, pas de bol, la voile vous glisse des mains et tombe dans l’eau, ça fait un trou et la corde de la voile se prend dans l’hélice – réaction en chaîne classique. C’est pour cela qu’il faut être vraiment méticuleux. Si on remarque quelque chose qui cloche, pas le choix : il faut réparer ou remplacer – même quand on est fatigué. Et ça marche à tous les coups ? C’est sûr qu’il y a des moments où j’ai envie de tout laisser tomber. Je me dis que je m’en tape de tout ça, mais au même moment, je remarque qu’il y a une partie de mon cerveau qui cherche déjà une solution dans son coin.
OCEAN RACER Le yacht devra résister à 40 millions de vibrations pendant sa course autour du monde.
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Ça aide d’exprimer ses émotions ? De hurler en pleine mer ? Bien sûr. Il faut faire redescendre la pression. Ensuite, on est plus à même de réfléchir et de trouver une solution. C’est mieux que de ronger son frein, de râler, etc. C’est aussi de cette manière que l’on fonctionne dans notre couple avec ma femme. Quand quelque chose ne va pas, on le dit. Au moment où ça ne va pas. Et pas : oui, bon, je l’aime après tout, et puis, vient un moment où les rancunes s’accumulent et on finit par se déchirer sans savoir pourquoi. En parlant des amis et de la famille, comment supporte-t-on sept mois de solitude ? Est-ce que ça vous aide d’avoir des contacts avec l’extérieur ? C’est à double tranchant. Il faut bien se dire que quand on part comme ça, au bout d’un ou deux jours, on est déjà dans un autre monde. On se retrouve seul face à soi-même, la mer et son bateau et,
« Ne pas dormir plus de quinze minutes d’affilée pendant sept mois ? On s’y fait. »
quand c’est possible, on s’assure de reprendre quelques forces, de dormir un peu et de se la couler douce ou de faire ce qu’on a à faire. Ce n’est pas bon de trop communiquer avec ses proches. Et ce qu’il faut éviter à tout prix, ce sont les mauvaises nouvelles. On a établi une règle entre nous : je ne me plains pas et ils en font autant. Cela ne nous apporterait rien. Vous allez naviguer d’une traite et vous n’accosterez jamais pour vous reposer. Comment faites-vous pour dormir ? En faisant des siestes éclair. Je m’équipe de pied en cap et je m’installe devant les armatures. Elles m’avertissent quand quelque chose ne va pas. Et mon réveil sonne toutes les quinze minutes. Là, je fais une vérification d’ensemble et je me rendors. Donc vous passez 200 jours à ne pas dormir huit heures d’affilée, mais seulement par tranches de quinze minutes. Est-ce que vous gardez un semblant de rythme jour/nuit ? Non. Il faut se consacrer entièrement aux besoins de son bateau. Et ils dépendent principalement de la météo. Donc je profite de vraiment toutes les opportunités, quelle que soit l’heure, pour me reposer et me détendre. D’une manière générale,
je suis un petit dormeur. Mais c’est sûrement une question de tempérament. Qu’en est-il des repas ? Je les ai répartis très précisément. Les provisions que j’embarque représentent en tout 1,3 million de kilocalories. Je mange plus souvent, mais en petites portions, pour pouvoir réagir de la manière la plus flexible possible à mes besoins en calories selon mon activité du moment. Que faites-vous en cas de blessure ou de problème de santé ? J’ai trois grosses caisses de matériel médical à bord. Elles contiennent à peu près tout ce dont on peut avoir besoin pour les premiers soins et les traitements complémentaires quand il n’y a aucun médecin à la ronde sur plusieurs centaines de milles marins. Même en cas de problème plus grave, vous vous débrouillez seul ? Dans ce cas-là, je contacte un spécialiste, un dentiste ou un chirurgien pour qu’il m’explique ce qu’il faut que je fasse et quels médicaments je dois prendre. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Parce que la plupart des médecins diront : « Ce n’est pas possible, vous devez tout de suite vous rendre à l’hôpital. » Mais en plein milieu de l’Atlantique, il faut se
POSTE DE TRAVAIL Dans le cockpit, Sedlacek manipule les voiles pour diriger le bateau.
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AU-DELÀ DE L’HORIZON Norbert Sedlacek, en pleine mer sur son bateau, mettant le cap sur l’inconnu, là où l’on peut se découvrir soi-même.
débrouiller avec ce que l’on a. Donc on n’arrête jamais d’apprendre, c’est aussi ça, la beauté de la chose. Quelle superficie avez-vous à bord ? Le pont fait 75 m², mais il n’est pas habitable et pas facilement praticable, vu qu’il est toujours humide dès qu’on prend un peu de vitesse. Donc il y a le cockpit à l’extérieur et il y a l’intérieur – en tout, ça doit faire 10 ou peut-être 12 m². Et ça vous va d’y passer des mois ? C’est un domicile que l’on choisit de son plein gré. On en a besoin pour partir à la quête de soi-même. Vivre de nouvelles choses, faire tout ce que l’on n’a pas le temps de faire en temps normal. Apprendre de nouvelles choses par soimême au lieu d’appeler des gens quinze fois par jour ou de surfer sur Internet. De temps en temps, on peut aussi tout simplement se poser, observer la nature et s’écouter soi-même. Ou alors s’interroger : est-ce que je vis la vie que j’ai envie de vivre ? C’est important de se poser cette question de temps en temps. Une introspection en environnement spartiate, en somme. À ce propos, est-ce vrai que vous n’avez pas de THE RED BULLETIN
chauffage à bord, alors que vous allez endurer des températures de – 20 °C dans les zones arctiques et antarctiques ? C’est vrai. D’après ce que j’ai vécu en Antarctique, la température, c’est un stress permanent pour le corps, parce qu’il doit sans cesse s’adapter à une alternance chaud-froid-chaud-froid. Il faut monter sur le pont toutes les deux minutes parce qu’on est le seul à faire le job. Donc, on enfile deux ou trois couches de vêtements spéciaux pour résister au froid. Et puis, on retourne dans la cabine et là, on se prend les + 20 °C dans la face. Donc on enlève tout. Mais déjà, il faut ressortir. Donc on renfile tout. En fait, on a le choix : soit on transpire comme pas possible à l’intérieur, soit on sort pas assez habillé à l’extérieur, soit on perd des plombes à renfiler toutes ces couches de vêtements encore et encore.
« Je n’ai pas besoin de chauffage, même dans les régions glaciaires. »
Oui, et donc, le froid ? On s’y habitue avec le temps. À l’intérieur, il ne fait pas aussi froid que sur le pont en plein vent. Et puis, je porte des vêtements spéciaux. Comme ça, par exemple (il prend un tee-shirt à manches longues super fin sur une pile de vêtements), ça permet au moins de garder le buste bien au chaud, qu’il fasse – 10 °C ou + 15 °C. Ce n’est pas encore vendu en magasin – je fais le cobaye sur ce coup. Quelqu’un qui envisagerait de laisser sa vie ordinaire derrière soi et de réaliser ses rêves – quels conseils auriez-vous à lui donner ? D’abord, soyez honnête avec vous-même. Trouvez ce que vous voulez vraiment faire et ce dont vous êtes capable. Ensuite, allez-y à fond, sans filet de sécurité. C’est la meilleure manière de mobiliser son énergie, sa détermination, et les soutiens. Et aussi, profitez de toutes les occasions pour apprendre. Enfin, gardez les pieds sur terre. Vous n’êtes pas un champion, seulement un être humain qui évolue sans cesse et qui fait chaque jour avec une grande détermination un petit peu plus de ce qui le fait vraiment vibrer.
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PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée
DANS LE SILLAGE DES ATHERTON Dyfi Bike Park, Pays de Galles
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PERSPECTIVES voyage Dan Atherton mène une clique de pilotes sur les pistes du Dyfi. Ci-dessous, de gauche à droite : Dan et son frère Gee veillent sur les 260 hectares de leur bike park ; Al Bond convie les riders à une séance d’entraînement ; vous serez peutêtre le prochain à prendre de l’altitude.
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PERSPECTIVES voyage A four-blade design made from layers of woodA four-bla A fourblade design made from layers of woodA four-blade design made from layers of woodA four-blade design made from layers of woodA four-blade design made from layers of wood de design made from layers of wood
« Il y a des trails partout, ils vous font parcourir un paysage fantastique de rivières, de forêts et de vues à couper le souffle. » Al Bond, entraîneur VTT de la Fédération de Cyclisme de Grande-Bretagne
J
e me trouve juste en dessous du sommet de Tarren y Gesail en Snowdonia, au Pays de Galles, avec ses 667 m d’altitude surplombant les cimes de la forêt d’Esgair et les plages de sable de Cardigan Bay. C’est ici que commence la piste – une descente à pic à travers Dyfi Valley, qui se terminera pratiquement au niveau de la mer. Avec ses 263 hectares, le Dyfi Bike Park est le plus grand bikepark du Royaume-Uni et le terrain d’entraînement des Atherton, vététistes et champions de descente et d’enduro. Voilà six ans que Dan Atherton – le technicien de la famille – a construit les trails d’origine dans ces collines pour que sa sœur et son frère, Rachel et Gee, puissent s’entraîner. Depuis, ils ont remporté huit championnats du monde et 49 coupes du monde. C’est également ici que se trouve le bébé le plus redoutable de Dan, le parcours Red Bull Hardline. Ils ont décidé d’ouvrir le parc au public l’année dernière, afin que tout le monde puisse en profiter. Je fais du VTT avec les Atherton depuis que j’ai 17 ans, et je parcours les trails de Dyfi Valley depuis que Dan les a construits. Ils m’ont beaucoup appris, j’ai participé à des coupes du monde et au Red Bull Hardline, et ai remporté le titre de British Elite overall DH champion en 2011, avant que des blessures ne m’obligent à arrêter la compétition. Désormais je suis entraîneur et enseigne l’art du VTT dans ce superbe bikepark. Je n’ai jamais vu de paysage comparable en Grande-Bretagne. Lorsque vous
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êtes au sommet, des trails partent dans toutes les directions et vous font parcourir un paysage fantastique de rivières, de forêts et de vues à couper le souffle. Les descentes palpitantes mettant la gravité à profit n’ont de semblable que dans les Alpes. Il y a des pistes pour tous les types de pilotes, dont deux pistes rouges toutes neuves, pour acquérir de nouvelles compétences, que vous pourrez appliquer sur les pistes noires ensuite. La piste que j’emprunte aujourd’hui est la 50 Hits, qui porte bien son nom étant donné les cinquante sauts qu’elle vous fera effectuer. Elle commence à 400 m d’altitude, juste en dessous de la zone de vols militaires à basse altitude de la Royal Air Force. Sur 3 600 mètres, elle suit la crête tandis que les avions de chasse sifflent au-dessus de vos têtes. Même à fond, il y en a pour huit minutes de descente, truffées de passerelles, à faire pomper l’adrénaline. Chaque saut est conçu de manière à vous lancer dans les airs et à vous faire atterrir exactement là où vous entamerez le prochain, à la bonne vitesse ; je n’ai quasiment aucun de coup de pédale à donner. La répétition est une base parfaite pour le processus d’apprentissage – il est plus simple d’apprendre à sauter en effectuant cinquante sauts en sécurité, sur un seul trail. Il en est de même pour les bosses et les virages ; si vous vous trouvez sur une piste étroite et rocheuse bordée d’arbres, votre cerveau ne pourra pas traiter plus d’informations. Un Land Rover aura beau vous emmener au sommet en onze minutes, il vous 87
PERSPECTIVES voyage LE CADRE Une géométrie sophistiquée permet une position parfaite du corps pour les descentes raides et pour pédaler efficacement.
LA FOURCHE AVANT ET LES AMORTISSEURS ARRIÈRE Absorption des chocs avec la fourche et le système DW6 : 150 mm de débattement.
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TOUS TERRAINS Le design est inspiré de l’expérience de Dan Atherton en compétition de VTT enduro.
Comment les VTT Atherton vous permettent de « flotter » en descente.
The Super Swooper Rachel Atherton, multiple championne du monde, nous décrit l’un des nouveaux trails du Dyfi : la piste rouge.
Dyfi Bike Park Localisation Bordure sud du Snowdonia National Park Surface 263 hectares Distance des trails 0,62 km à 3,6 km Durée des descentes 5 à 10 min par trail Ascension Remontée uniquement Niveau Rouge à « triple black diamond »
dyfibikepark.co.uk
Liverpool Dyfi Bike Park
« Cette piste vous permet de développer vos compétences en matière de bosses et de sauts, ce qui s’ajoutera parfaitement au savoir-faire acquis dans les bikeparks plus classiques, afin de devenir un pilote accompli. Le trail part du sommet de la montagne, et lors des quinze premières bosses, sur la partie haute de la montagne, la vue sur les alentours est imprenable. Vous dévalez la pente d’une bosse à l’autre, presque comme un oiseau. Puis trois grands tunnels de bois vous font passer sous la piste de downhill et la jumpline. Ensuite, vous passez sous les arbres avec encore plus de bosses. Puis viennent deux passerelles, plutôt faciles, qui vous permetteront de gagner en confiance pour les sauts. C’est le trail le plus fun sur lequel je suis descendue depuis des années. » THE RED BULLETIN
MATT RAY
faudra mériter votre descente. Avec chaque passerelle et chaque drop, vos bras et vos jambes servent de suspension, tandis que les muscles de la partie supérieure du corps vous maintiennent en position et votre tronc solidifie l’ensemble. En travaillant votre agilité vous aurez une meilleure posture sur votre VTT, peut-être même que vous éviterez quelques chutes. Le secret du succès de Dan, Gee et Rachel est d’être partis dans la forêt et d’avoir construit leurs propres sauts et pistes. Leur savoir réuni sur la manière de combiner les sauts à la vitesse et à la pente, ainsi que leur compréhension du virage parfait, ont abouti à des pistes intelligentes. Lorsqu’un trail vous porte, vous n’avez pas à vous efforcer de gagner en vitesse, en fait cela vous aidera même à accélérer. Concentrez-vous sur les trajectoires que vous trouvez les plus confortables, puis efforcez-vous de lever consciemment les yeux et de regarder ce qui se trouve devant vous. D’ici votre dernière descente vers la base, vous aurez un immense sentiment d’accomplissement, et vous réaliserez que vous êtes capable de dévaler les mêmes pistes que les meilleurs pilotes du monde empruntent pour s’entraîner tous les jours.
Atherton Bikes Enduro 29”
DAN GRIFFITHS/MOONHEAD MEDIA, ALAMY
LES ROUES Les roues de 29 pouces encaissent mieux que les anciens standards de 26.
PERSPECTIVES équipement RANDO
Un pas assuré
TIM KENT
Merrell MQM Flex 2
Les lacets intégrés à la languette et une semelle intérieure doublée de mérinos assurent confort et maintien sur tous les terrains.
Les randonneurs se divisent en deux groupes : ceux qui marchent et ceux qui courent. Pour les distinguer, un coup d’œil à leurs chaussures suffit. Ces dernières années, les randonneurs se sont habitués à porter des chaussures de trail running lors de leurs promenades, c’est pourquoi Merrell a conçu une chaussure spécialement pour eux. L’acronyme MQM signifie Move Quickly in the Mountains et, à cet égard, elles sont dotées d’une semelle extérieure antidérapante, de rainures flexibles sur la semelle intermédiaire qui facilitent le contact avec le sol et d’un talon à coussin d’air qui absorbe les chocs. La partie supérieure est constituée d’une maille imperméable, d’une membrane Gore-TEX respirante et d’une languette à soufflet, ainsi que d’un embout en polyuréthane thermoplastique. Une plaque en dur sous la semelle matelassée protège contre les pierres tranchantes. Elles sont si belles que vous pourriez même les porter en ville. merrell.com
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PERSPECTIVES fitness
« Lorsque l’air est pauvre en oxygène, notre corps produit plus de globules rouges. » Dylan Bowman
Dylan a remporté des ultramarathons en Australie et Nouvelle-Zélande.
ENTRAÎNEMENT AU TOP
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À pleins poumons : un générateur d’air raréfié pour l’entraînement à la maison.
ATTENTION ! L’équilibre entre intensité de l’entraînement et h ypoxie est crucial. 3 à 5 secondes de pause r espiratoire suffisent.
hypoxico.com THE RED BULLETIN
AARON ROGOSIN/RED BULL CONTENT POOL, MICHAEL CLARK/RED BULL CONTENT POOL FLORIAN OBKIRCHER TOM MACKINGER
L’EFFET Comme lors d’une séance en haute montagne, le corps est en stress hypoxique et augmente l’apport d’oxygène vers les muscles.
Des sportifs de haut niveau s’entraînent avec de l’air à faible teneur en oxygène pour booster leurs capacités. Hypoxico ont développé des outils qui simulent les conditions que l’on trouve en altitude. Ainsi, le coureur américain d’ultramarathon Dylan Bowman, 34 ans, se prépare aux courses en passant ses nuits à dormir dans une tente à l’intérieur de laquelle la teneur en oxygène correspond à celle à 4 200 mètres d’altitude. Si vous préférez vous entraîner de jour, vous pouvez vous équiper d’un masque spécial connecté à un générateur d’air raréfié – par exemple lors de vos séances à l’ergomètre.
Comment produire plus de globules rouges sans technologie coûteuse. ENTRAÎNEMENT À L’HYPERVENTILATION Retenir son souffle pendant un nombre fixéde tours de pédale, de brasses ou de pas.
Air raréfié pour perf de pointe Moins il y en a, mieux c’est. Les sportifs de haut niveau le savent bien : plus l’altitude à laquelle on s’entraîne est élevée, moins il y a d’oxygène dans l’air. Ainsi, pour rester performant, notre corps produit plus de globules rouges afin d’optimiser l’apport d’oxygène aux muscles. Cette concentration plus élevée en globules rouges perdure quinze jours, ce qui, à une altitude plus basse, a pour effet d’améliorer la performance lors de compétitions. Et si l’on ne peut pas s’entraîner en haute montagne ? Des entreprises comme
Manquer d’air pour se surpasser !
PERSPECTIVES équipement MUSCU
Matière grise JaxJox KettlebellConnect
TIM KENT
Cet accessoire d’entraîne ment a des racines histo riques. Les Grecs anciens connaissaient déjà la forme originale du kettle bell (un poids avec une poignée de préhension). Sa forme actuelle remonte à la girya russe, un poids en fonte qui servait à peser le grain avant que les haltérophiles et les entraîneurs de fitness ne s’en emparent. Le plus jeune rejeton de la famille des girya se nomme JaxJox Kettlebell Connect, et se connecte à votre smartphone pour mesurer vos progrès à l’entraînement. En outre, des poids sous forme de disques, allant de 5,5 jusqu’à 19 kilos, peuvent être ajoutés en appuyant sur un bouton situé dans la poignée. Les Grecs de l’Antiquité auraient salué une telle ingéniosité. jaxjox.com
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PERSPECTIVES gaming JOUER
sont gravées dans mon cerveau. Je ne pense pas que beaucoup d’enfants de mon âge auraient écouté quelque chose de semblable si cela n’avait pas fait partie du jeu. »
Pourquoi il restera légendaire
Les skateurs ont été mis à contribution
Il m’a rendue célèbre
« C’est une chose incroyable qui m’est arrivée, raconte la skateuse américaine Elissa Steamer, qui est apparue dans le jeu original quand elle avait 25 ans. C’était bizarre d’aller dans des endroits où les gens ne faisaient pas de skate et de se faire dire : “Hey, tu es dans le Tony Hawk !” Je suis devenue super reconnaissable pour les gens qui ne faisaient même pas de skate. » 92
Fait de la même étoffe : Riley Hawk, le fils de Tony Hawk, tel qu’il apparaît dans Tony Hawk’s Pro Skater 1+2.
Maintenant que je me vois dans le jeu, c’est difficile à décrire. J’ai envoyé un texto à ma mère : “Je suppose que je suis devenu un skateur professionnel.” J’ai fait ce que j’avais dit que je f erais il y a vingt ans. »
Sa bande-son a marqué les joueurs
Il m’a encouragé à passer pro
Leo Baker (ci-dessus) est un skateur trans californien qui fait ses débuts dans la version remasterisée. « J’avais la version pour la Nintendo 64 quand j’avais huit ans, dit Baker, qui en a maintenant 28. Rien que le titre, Pro Skater, m’a fait réaliser que ça pouvait être une carrière. Tu t’imagines faire des figures, traverser les niveaux.
« Entendre toute cette musique pour la première fois a été un choc pour moi, dit Riley Hawk. Ces chansons
C’est une source d’inspiration pour une nouvelle génération
« Depuis que j’ai posté sur Instagram que je suis dans le jeu, beaucoup de gens qui s’identifient comme queer, non-binaires et trans ont dit qu’ils auraient aimé avoir ça en grandissant, dit Baker. Je suis tout simplement heureux pour ces jeunes queer qui voient un trans dans un jeu vidéo et qui se sentent capables de le faire aussi. »
Cela nous rassemble, qui que nous soyons
« Je pense que c’est un point commun entre les skateurs, les non-skateurs et les gamers, dit Steamer. Tous les gens que vous rencontrez vous demandent : “Qu’est-ce que tu fais ?” Toi : “Je fais du skate.” Et ils disent : “Oh, tu connais Tony Hawk ? T’as déjà vu le jeu vidéo ?” C’est toujours la première question. »
Tony Hawk’s Pro Skater 1+2 sur PS4, Xbox One et Windows ; tonyhawkthegame.com THE RED BULLETIN
JAKE TUCKER
La fin du XXe siècle a été une période faste pour Tony Hawk. En juin 1999, le skateur californien a réalisé le tout premier 900 (deux rotations et demie à mi-hauteur) puis a abandonné le skate de compétition. Mais ce dont on se souvient le plus de cette année-là, c’est d’un jeu vidéo. Avec sa bande-son punk rock et son gameplay qui vous permettait de pénétrer dans l’univers des plus grands talents de ce sport, Tony Hawk’s Pro Skater a été un moment culturel pour tous ceux qui l’ont vécu – les gamers, les skateurs et Hawk, qui est devenu une superstar mondiale. Un an plus tard, Tony Hawk’s Pro Skater 2 est paru et a remporté encore plus de succès. Vingt ans plus tard, les deux jeux ont été remasterisés sous le nom de Tony Hawk’s Pro Skater 1+2 et une nouvelle génération s’est jointe à l’équipe originale de skateurs (que l’on voit à leur âge actuel). Trois des pros qui apparaissent dans le jeu nous parlent de l’impact que la série a eu sur eux…
« Il y a eu plusieurs réunions pendant la conception de la première version. On parlait de ce que nous voulions porter, on nous apportait des vêtements puis on prenait quelques photos de nous, explique Steamer à propos du processus de création. La conception de la nouvelle version a été pratiquement identique sauf qu’il y avait ce gros appareil photo 360 ° en forme de grosse boule avec des flashes. Je suis super sensible à la lumière et cela m’a fortement affectée pendant trois jours – tout ce que je voyais, c’était des boules de lumière. »
ACTIVISION
La postérité d’un classique du jeu vidéo, Tony Hawk’s Pro Skater.
HORS DU COMMUN Retrouvez votre prochain numéro le 29 octobre avec et le 5 novembre avec dans une sélection de points de vente et en abonnement. LITTLE SHAO / RED BULL CONTENT POOL
PERSPECTIVES agenda
Déjà dispo RETURN TO EARTH
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On se souviendra de 2020 pour ces longues périodes passées à domicile. Ce film de VTT célèbre le temps qui s’écoule, et ceux qui savent en profiter. Tourné dans des lieux magnifiques, des déserts de l’Utah aux montagnes de Patagonie, et mettant en lumière les performances de Brett Rheeder, Thomas Vanderham et Casey Brown, ce voyage cinématographique va vous reconnecter avec la nature.
redbull.com
À vos maillots, combinaisons et bonnets de bain : le Red Bull Neptune Steps revient à Hédé-Bazouges, en Bretagne ! Et le concept reste inédit pour un événement sportif et convivial hors normes : une course de natation avec franchissement d’écluses. Une épreuve de nage en eau libre sur 670 mètres à contre-courant qui intègre une série de cinq obstacles (dont les fameuses trois écluses). Le tout dans une eau très froide, autour de 10 °C, ce qui rend la mission d’autant plus exigeante. Ce format de course séduira assurément les passionnés de natation et de défis extrêmes. 500 vaillants nageurs et nageuses sont attendus, et ça vaudra aussi le coup côté public… Hédé-Bazouges ; redbull.com
Déjà dispo OPEN THE DOORS Déjà dispo A LAND SHAPED BY WOMEN Les snowboardeuses freeride AnneFlore Marxer et Aline Bock ont passé un hiver à r éaliser ce film, dans les paysages i nspirants de l’Islande, pays classé en tête pour l’égalité des sexes par le Forum économique mondial onze ans de suite. Cette production originale honore l’égalité des droits dans un sport historiquement dominé par les hommes.
redbull.com 94
Ce documentaire se voulait une célébration d’une nouvelle équipe de F1 : LA Scuderia AlphaTauri, ex-Toro Rosso. Mais suite à l’annulation du Grand Prix d’Australie en mars, il est devenu un témoignage sans précédent de l’état d’esprit d’une équipe de Formule 1 pendant la période de confinement, et ses débuts tardifs au GP d’Autriche en juillet.
redbull.com
THE RED BULLETIN
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L’AVENTURE À VÉLO EN EXCLUSIVITÉ Komoot propose des parcours à vélo sans stress, conçus sur des itinéraires à votre envergure. Voyager à vélo est une manière très enrichissante de découvrir le monde. Mais si vos sorties vous font tourner en rond, il est temps de changer votre façon de rouler. Bienvenue dans komoot : l’application de planification d’itinéraire et de navigation permet de vivre de nouvelles expériences et de rouler dans des endroits où vous n’êtes jamais allé auparavant, en toute sérénité. Plus de déconvenues : vous ne vous perdrez plus, vous ne roulerez plus sur des routes encombrées, des sentiers impraticables ou des chemins inexistants.
Komoot offre ces spécificités grâce à un algorithme éprouvé qui donne la priorité au type de routes et pistes que vous préférez et en basant les itinéraires suggérés sur les recommandations d’autres utilisateurs. Komoot vous mène à votre destination via des itinéraires approuvés par les riders et truffés de joyaux cachés à découvrir. Pour utiliser cette application en téléchargement gratuit, il vous suffit d’entrer vos points de départ et d’arrivée, votre niveau de forme physique et de préciser le type de sortie envisagée (route, gravel ou
VTT). Komoot vous proposera un parcours exclusif affichant distance, profil de dénivelé et type de surface : plus de mauvaises surprises ! Coursier à Paris et cycliste d’ultra-endurance, Sofiane Sehili a l’esprit curieux de nature. « Komoot est la meilleure appli pour planifier ses itinéraires », explique celui qui a remporté l’édition inaugurale de la PEdALED Atlas Mountain Race au Maroc (soit 1 145 km réalisés en trois jours). Pour des sorties en France ou des challenges à travers l’Europe, l’appli lui assure des parcours exclusifs. « Avec komoot, j’apprécie les informations ultra précises qui sont données sur la nature des routes empruntées, explique celui qui a roulé en Turquie, à Taïwan, en Ouzbékistan, en Nouvelle-Zélande ou encore au T ibet. Mais surtout, j’apprécie la capacité de komoot à calculer des itinéraires directs tout en évitant les routes fréquentées », se réjouit S ofiane.
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Un flip sans flop Au cas où vous l’ignoriez, Dimitris Kyrsanidis adore la plage. « L’archipel de San Blas au Panama est unique en son genre », dit le freerunner né à Thessalonique. Ce p rojet de parkour, tourné dans les Caraïbes en février dernier, s’intitule From the Office to the After Office. Heureusement, le job de Kyrsanidis ne nécessite pas de costard, ni de bureau. Regardez-le en action sur redbull.com.
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