The Red Bulletin CF 10/21

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« Tout ce qui a des ailes 3 8 ABSEITS DES A peut voler ! » À une Suchbild: époque où les écrans Wer findet in diesem Gewimmel acht n’étaient pas omniprébekannte Gesichter? 4 sents, essayer de voler 4 Wer finSuchbild: det 6 était une activité diverGewim in diesem LE MONDE 1 b e ka n n m e l a c h t te Gesic EXPLIQUÉ tissante, qui promettait hter? KONRAD PAUL 5 des fous rires et occupait 5 ­LIESSMANN (en haut) des après-midis e­ ntiers. 3 7 2 aime philosopher pour ouvrir de nouvelles Exactement comme d: Suchbil iesem ­façons de voir le monde, d in t Red Bull Flugtag : l’évée d 6 n Wer fi comme dans son essai el acht Gewimm sichter? nement Ge son grand tefête sur la beauté d’échouer. Suchbild: b e ka n n Wer findet in diesem WOLFGANG HARTL retour à Lausanne, Gewimmel acht des Edition 5Haus a bekannte Gesichter? le 19 septembre. Quelle 7 ­illustré les pensées de CHERCHÉ, TROUVÉ que soit la durée du vol, Liessmann. Page 50 Les stars cachées : 1. Wolfgang ­ Amadeus Mozart, 2. Max Verstappen, l’important est de parti3. Anna Gasser, 4. Darth Vader, ciper dans la bonne hu5. Elvis, 6. Arnold Schwarzenegger, 7. le Père Noël, 8. Thomas Morgenstern. meur, en faisant preuve de créativité. Nous 21Cover-AT_FLUGTAG_WIEN_KORR_65801519.indd 1 19.08.21 13:54 Suchbild: avons dédié la couverture à cet événement en choiSuchbild: Wer findet in diesem sissant une illustration dans laquelle sont dissimuWer findet in diesem LE MONDE Gewimmel acht 1021Co ve Gesichter? Gewim nnte mel beka acht lées huit personnalités mondialement connues. Lar-AT_FLUGTAG_AUTREMENT films étaient dispoWIEN_K bekannte Gesichter? ORR_6 58015fait nibles en ligne en avril 19.indd MARIO ZUCCA réponse se trouve en haut à droite de cet éditorial. 1 1998, au moment du partie de la crème Avec Daniela Ryf en page 34, il est aussi question lancement de Netflix. des dessinateurs. Que s’est-il passé deIl collabore avec des d’un retour à célébrer : celui d’une triathlète 1 9.indd Suchbild: puis ? Tous les chiffres parutions renommées 80151 65introspection _ R ­métamorphosée par uneIElongue et R Wer findet in diesem N_KO W _ sur le géant du streatelles que The New G A T Gewimmel acht FLUG des mois deovpandémie qui ont fait émerger des er-AT_ ming en page 12. York Times. bekann C’est te luiGesichter? 1021C qui a i­llustré notre Une. ­décisions importantes quant à sa carrière sportive, 1021Cover-AT_FLUGTAG_WIEN_KORR_65801519.indd 1 en attendant la prochaine compétition.

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Bonne lecture ! La Rédaction

THE RED BULLETIN

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CONTENUS The Red Bulletin oct.-nov. 2021

SUJET DE COUVERTURE

40 RED BULL FLUGTAG

Dossier spécial à l’occasion du retour de l’événement à Lausanne consacré aux fous volants : des images d’archives et une essai sur l’art de la chute par Konrad Paul Liessman.

SKATEBOARD

56 B IRDMAN & JOKER

J ournée ordinaire en Californie avec la légende Tony Hawk et le Français qui monte, Vincent Matheron, unis par le skate.

FREERUNNING

66 LE FLIPPER HUMAIN

Pasha Petkuns est la bille d’un flipper de 20 mètres de haut...

PORTFOLIO

18 REGARDEZ-NOUS  ! ­ ­

Le photographe de mode sud-africain Chris Saunders célèbre l’individualisme de ses modèles.

56 TOUT POUR LE SKATE Tony Hawk a accueilli Vincent Matheron et The Red Bulletin chez lui.

18

VÉLO

74 EN PISTE

Comment la jeune rideuse Khothalang Leuta a démarré une petite révolution au Lesotho autour du pumptrack.

FILM

30 PINGOUIN BLOOM

L’histoire d’un oiseau blessé qui a su réparer l’âme de Sam Bloom, surfeuse australienne.

EXPÉRIENCES POUR UNE VIE AMÉLIORÉE

ARTS MARTIAUX

32 PAR-DELÀ LES PEURS

Comment Soufian Mahlouly a fait face à la mort, en ayant le courage d’affronter ses peurs.

TRIATHLON

34 UNE MÉTAMORPHOSE

La pandémie et l’impossibilité de concourir ont permis à ­Daniela Ryf d’explorer le sens de sa carrière. Elle revient sur la scène sportive avec une nouvelle version d’elle-même.

6 GALERIE 12 L’ADDITION, S’IL VOUS PLAÎT !

4

PERSPECTIVES

TOUT POUR LA MODE  Chris Saunders nous retrace l’histoire de ses meilleures images.

83 VOYAGE. Le skieur pro Loïc ­Meillard vous emmène à Zermatt. 88 M ONTRES. L’élégance de James Bond aiguillée par Omega. 89 A GENDA. À l’assaut ! Lors de Red Bull Conquête du Château, 1 500 trailrunners se mesurent les uns aux autres. 90 T ENDANCE. Avec les compliments de la rédaction. 92 BOULEVARD DES HÉROS. ­­Bob Dylan, un grand joueur d’échecs.

14 OBJET TROUVÉ 16 LE MOMENT PHILO : ÉPICURE

96 OURS 98 LE TRAIT DE LA FIN SIGNÉ MAHLER

30 TOUT POUR LA RECHERCHE Une rencontre qui ravive l’espoir après un terrible accident.

THE RED BULLETIN

ATIBA JEFFERSON, CHRIS SAUNDERS, CAMERON BLOOM, TYRONE BRADLEY/RED BULL CONTENT POOL


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PAS SANS MON VTT Khothalang Leuta a suivi les conseils de son père : ne jamais abandonner ce qu’elle aime faire, et réparer des vélos.

THE RED BULLETIN

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NOUVELLE-GALLES DU SUD, AUSTRALIE DAVYDD CHONG

Intenable

KAMIL SUSTIAK/RED BULL ILLUME

Les photographes pros la connaissent, cette attente intenable pour un cliché qui risque de ne pas se réaliser. C’était le cas de Kamil Sus­ tiak lorsqu’il braquait son objectif sur le slack­ liner australien Chris Wallace, au-dessus du Blue Mountains National Park. « J’étais prêt à abandonner, raconte le Tchèque, quand tout à coup, le brouillard s’est levé et a dévoilé ce qui se passait autour de nous. Un paysage qu’on croirait d’un autre monde, une heure durant, avant que l’ambiance redevienne normal. » En photo, comme pour Wallace, la frontière est mince entre succès et échec. kamilsustiak.com

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INNSBRUCK, AUTRICHE

Capturé Cette image du skateur autrichien Peter Mader a mené Manuel Kokseder en demi-finale de la c­ atégorie Best Of Instagram du concours mondial de photographie Red Bull Illume. Le photographe tyrolien est surtout connu pour ses clichés de paysages… mais on dirait qu’il ­assure également en sous-sol. koksederphotography.com


ATHÈNES, GRÈCE

Le freerun débarque

MANUEL KOKSEDER/RED BULL ILLUME, ALEX GRYMANIS/RED BULL CONTENT POOL

DAVYDD CHONG

Le Red Bull Art of Motion est aux free­runners ce que le Red Bull BC One est à la communauté du break : une ­compétition mondiale où la créativité est primordiale et le respect durement gagné. Ici, l’athlète grec Dimitris Kyrsanidis et l’Allemande Silke Sollfrank « quittant le navire » en avril dernier pour se préparer aux finales de juillet organisées sur la ­marina Mikrolimano du Pirée, à Athènes. redbull.com

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UTAH, USA

Cavaliers de la nuit « J’ai demandé à Blake Sommer et Jack ­Graham de me rejoindre sur ce projet pour une raison bien précise, explique le photographe Noah Wetzel, concernant les as du VTT présents sur ce cliché nocturne et atmosphérique. Outre leur indéniable talent de pilotes, ils sont incroyablement posés et motivés. » Du stoïcisme et de la détermination : des traits de caractère essentiels lorsqu’il s’agit de braver les 40 °C de chaleur diurne du désert de l’Utah puis de shooter à nouveau, au petit matin, dans une atmosphère bien moite de 20 °C... noahdavidwetzel.com 10


NOAH WETZEL

DAVYDD CHONG


L’A D D I T I O N , S ’ I L VO U S P L A Î T  !

NETFLIX

L’empire du spectacle Dix ans après avoir annoncé qu’il produirait ses propres séries et films, Netflix est aujourd’hui devenu le plus sérieux concurrent d’Hollywood. Un succès que le géant américain du streaming veut réitérer – avec les jeux vidéo.

dollar à payer en plus : les abonnés pourront profiter de l’offre de jeux en ligne sans débourser de supplément.

millions d’abonnés Netflix à la fin du 2ème trimestre 2021. Soit 2,65 % de la population mondiale.

entreprises mondiales estimées plus chères que Netflix (avec un capital de 26,7 milliards de dollars), selon le magazine Forbes. Dans le top 3 : les géants Apple, Google et Microsoft.

de dollars : le budget investi en 2020 par Netflix en R&D.

925

films proposés sur la vidéothèque en ligne fondée par Reed Hastings et Marc Randolph en avril 1998. Coût d’une location : 50 cents.

17 000 000 000

12

Oscars remportés par Netflix depuis 2017. Avec 7 récompenses lors des derniers ­Academy Awards, il devient même le producteur le plus ­récompensé du cinéma.

50 000 000

de dollars : c’est la somme qu’aurait dû payer Blockbuster, en l’an 2000, son concurrent dans la location de DVD, pour racheter Netflix. Blockbuster refuse. Il fera faillite dix ans plus tard.

7,3

milliards de dollars : le montant des recettes du 2e trimestre 2021 : 20 % de plus qu’en 2020.

THE RED BULLETIN

CLAUDIA MEITERT

15

fois nominée aux Emmy Awards et 7 récompenses pour sa 1re production House of Cards : la plus grosse récolte pour une plateforme.

HANNES KROPIK

de dollars : la somme que veut investir la plateforme en 2021 dans la production de contenus.

56

% du temps d’écran consacré à la télévision linéaire : les Américains restent fidèles à la bonne vieille téloche, 27 % préférant la VoD, dont Netflix (7 %).

millions de foyers ont regardé le film d’action Tyler Rake durant les quatre premières semaines de l’année 2021. Un record !

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1 830 000 000

63

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GETTY IMAGES (2), NETFLIX

209,18

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O B J E T T RO U V É

AMY WINEHOUSE

La voix du cœur Sac à main spécialement créé par le label Moschino pour l’icône de la soul, à l’occasion des Brit Awards 2007. Il était une fois, une jeune Londonienne qui avait une voix à faire pleurer les âmes, à les faire rêver. Une voix qui faisait renaître, dans ses chaudes et rauques sonorités, les plus belles heures de l’histoire du jazz et de la soul. La jeune fille fut adulée comme le symbole d’une renaissance, un hommage à ces grandes dames de la musique qui, dans les vapeurs d’alcool et de cigarettes, savaient si bien transpercer les cœurs. Un an après le succès de Back to Black, elle fut sacrée « Best Female Act » par les Brit Awards. Mais derrière le phénomène musical et médiatique se cachait un être fragile et tourmenté, qui criait son désarroi dans les textes de ses chansons. Disparue en 2011, la jeune Londonienne continue de vivre dans nos cœurs.

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THE RED BULLETIN

GETTY IMAGES, SAC À MAIN CONFECTIONNÉ SUR MESURE PAR MOSCHINO POUR AMY WINEHOUSE À L’OCCASION DES BRIT AWARDS 2007, JULIEN’S AUCTIONS – VENTE AUX ENCHÈRES EN LIGNE LES 6 & 7 NOV. 2021

Coiffure rock’n’roll et eyeliner démesuré : Amy, princesse trash et reine de la soul, disparue trop tôt.



L E M OM EN T PHILO

ÉPICURE NOUS DIT :

« Ainsi apprends-tu l’art de la joie »

the red bulletin : Cher Épicure, vous avez dit, en votre temps, que le sens de toute vie humaine était d’éprouver le plaisir et la joie, d’en ressentir la sensation. Or aujourd’hui, beaucoup d’entre nous dépensent énormément d’argent et d’énergie à se frotter aux expériences les plus extrêmes pour éprouver toujours plus de sensations. Comme sauter d’un pont, les pieds accrochés à un élastique, par exemple. Qu’en pensez-­vous ? Le plaisir ne serait alors qu’une épicure : Je ne peux pas vraiment drogue, et notre appétit pour les vous répondre car je n’ai jamais esexpériences ultimes le symptôme sayé de sauter d’un pont. À mon indéniable d’une dangereuse époque, celui qui était en mal de ­dépendance  ? « Le secret est de sensations fortes n’avait qu’à partir Peut-être bien, oui. D’où l’imporvivre de telle sorte tance d’apprendre assez tôt l’art combattre à la guerre, les occasions que l’on se réjouisse de la joie. C’est ce que je tentais ne manquaient pas. Moi, ce que je d’expliquer dans mes écrits. préférais, c’était plutôt flâner dans de tout ce qui est, mon jardin, avoir des conversations et non de tout ce En quoi consiste l’art de la joie ? intéressantes avec mes amis et me que l’on désire. » Il s’agit avant tout d’apprendre à réjouir de la lumière du soleil. se réjouir de ce dont nous, êtres humains, avons réellement besoin, c’est-à-dire de Pourtant, vous avez bien dit que les Hommes feraient bien de mener une vie remplie de joie et de choses simples, nécessaires, naturelles et auxquelles plaisirs. Si quelqu’un ressent du plaisir à se lancer nous avons accès à volonté. Je le redis : ma plus des défis extrêmes, ça va dans votre sens, non ? grande joie était de me promener dans mon jardin, Je vois ce que vous voulez dire, mais ce n’est pas aussi entouré d’amis. Parce que j’étais libre de tout désir simple : tout ce qui ressemble à de la joie n’en est pas extravagant, mais aussi libéré de toute crainte, de forcément. Parce que derrière cela, au départ, il y a toute angoisse. Je crois que le secret de la joie, c’est eu une intention, un désir qui a été formulé. Une fois d’en ressentir à la vue de tout ce qui est, et non de tout que ce désir est exaucé, vous voilà content. Très bien. ce que l’on désire. Si tu veux être heureux, cesse de Et ensuite ? vouloir l’être ! Forcément, on ressent de la joie, et quand cette joie s’estompe, il suffit de trouver un autre défi à se lancer, un autre projet. Une fois celui-ci accompli, la joie revient, encore plus intense. Au contraire, mon cher ami : la sensation de joie faiblit au fil du temps. D’abord imperceptiblement, puis de plus en plus. Parce que cette sensation n’est plus libre, ou plutôt : parce que tu n’es plus libre. Tu es comme un hamster qui s’épuise à courir dans sa roue, il t’en faut toujours plus : de nouveaux désirs, de nouveaux 16

ÉPICURE (vers 341 – 271/270 avant J.-C.) est considéré comme le philosophe du plaisir : il a été, tout au long de l’Histoire, régulièrement honni par les moralisateurs de tous poils, qui ont vu en lui le prédicateur d’un hédonisme décadent. Pour Épicure, le plaisir en question devait être uniquement procuré par des choses naturelles et nécessaires. L’épicurien trouve son bonheur dans le contentement, en acceptant la vie telle qu’elle est. CHRISTOPH QUARCH, 57 ans, est un philosophe allemand, fondateur de la Nouvelle Académie Platonicienne (akademie-3. org) et auteur de nombreux ouvrages philosophiques. THE RED BULLETIN

BENE ROHLMANN

objectifs. Évidemment, tu ressens chaque fois encore un peu de joie, mais elle s’estompe aussi vite qu’elle est venue. Et alors qu’elle s’évanouit, tu te raccroches à d’autres petits « shoots » de plaisir que te procurent la sensation du désir assouvi. Jusqu’à ce que tu succombes à l’idée folle de te lancer dans des projets toujours plus ambitieux, toujours plus extrêmes – dans l’espoir d’en retirer un plaisir tout aussi extrême. Or, ce n’est pas cela qui se produit, au contraire : tu finis par ne plus te réjouir du tout. À peine viens-tu de courir une distance de cinquante kilomètres que tu ressens l’envie d’en courir soixante. Et ainsi de suite, jusqu’à tomber mort d’épuisement.

DR. CHRISTOPH QUARCH

Être heureux, voilà le sens de la vie. Mais comment y arriver ? Épicure, grand philosophe de la Grèce antique, s’explique dans une interview fictive avec Christoph Quarch : pour trouver le bonheur, il faut renoncer à le chercher.


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Qui suis-je? Le photographe sud-africain Chris Saunders immortalise des personnes qui expriment leur identité intérieure à travers les arts de la scène, la musique et la mode. Voici onze esprits libres qui ­célèbrent leur individualité. Texte ALEXANDER NEUMANN-DELBARRE

Artiste fantôme

Johannesbourg, Afrique du Sud, 2013 « DJ InviZAble est un musicien et performer d’Afrique du Sud qui porte toujours un masque et ne révèle ni son identité, ni sa couleur de peau, ni son sexe. Il veut que le public se concentre uniquement sur son art. Pour moi, ce saut résume son caractère extraverti extrêmement énergique. »

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Muse sur la Tamise

Londres, Royaume-Uni, 2017 « La Sud-Africaine Manthe Ribane a été ma muse pendant plusieurs années. Lorsque nous nous sommes rencontrés, elle était danseuse au sein du groupe Die Antwoord avant d’enregistrer un album avec Okzharp (à droite). Pour cette photo, elle a enfilé le costume de scène qu’elle a elle-même conçu. »

Rêver en couleurs

Paris, France, 2017

« Lorsque Manthe et le musicien Okzharp sont partis en tournée à travers l’Europe, je vivais déjà à Paris. C’était très spécial de les photographier dans ma ville d’adoption. La photo révèle la grande proximité qui existe entre nous. On peut même me voir dans le reflet de ses lunettes de soleil. »

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Le seigneur des poses

Soweto, Afrique du Sud, 2015 « Dans les années 1950, une culture de la danse a émergé dans les townships de Johannesbourg, aujourd’hui populaire dans toute l’Afrique du Sud : le pantsula. Les ensembles présentent des chorégraphies relatant leur culture et leur histoire. Pendant sept ans, j’ai accompagné et photographié des dizaines de ces troupes. Celle-ci s’appelle Rea Iktsetsa et comme chacune d’entre elles, elle a ses poses caractéristiques, comme celle-ci. »

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Icônes afropunk

Paris, France, 2019

« Le premier festival Afropunk a eu lieu à Brooklyn, en 2005. Depuis, il a fait des émules dans le monde entier. C’est une célébration de la diversité et de la tolérance que de nombreux visiteurs enrichissent de leur style créatif, comme ici le musicien parisien The Moe et sa compagne Bea. »

Un prophète

Paris, France, 2019 « Ce que j’aime le plus de Paris, c’est son multiculturalisme. On l’observe lors d’événements comme le festival Afropunk qui célèbre la culture alternative. C’est là que j’ai rencontré Cheikh, il est mannequin et est venu dans une tenue qu’il a lui-même imaginée, y compris le masque… alors qu’on ne parlait pas encore du coronavirus. »

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Toujours en vogue Paris, France, 2020

« Matyouz est une danseuse de voguing ­parisienne. Ce style de danse est né dans les ­années 1970 au sein de la communauté LGBTQ de Harlem et est désormais très populaire à Paris. Cette image fait partie d’une série pour laquelle j’ai collaboré avec l’association Art Press Yourself qui promeut la diversité de la culture afro-urbaine à Paris. »

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Me voici !

Johannesbourg, Afrique du Sud, 2018

« Umlilo fait de la musique électronique et ne veut pas être assigné à un genre. Les queer ont eu la vie dure en Afrique du Sud pendant longtemps. Umlilo se présente aujourd’hui fièrement sur un court de tennis à Jo’burg. Super ! Détail intéressant : son ombre ressemble à une silhouette féminine. »

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LE PHOTOGRAPHE « Quelle que soit la personne que je photographie, qu’il s’agisse du PDG d’une entreprise de mode ou d’un jeune artiste dans un township, mon objectif est de capturer son essence, explique Chris Saunders. Pour y arriver, il faut avant tout créer une atmosphère conviviale et ouverte qui permet à chacun de se sentir à l’aise. » L’artiste de 37 ans l’a appris lorsqu’il était adolescent. À quinze ans, il a commencé à photographier des musiciens, des danseurs et d’autres créateurs à Johannesbourg. Il s’est particulièrement intéressé aux sous-cultures ayant leurs propres règles et codes, ainsi qu’aux personnes qui aimaient se distinguer et se présenter au monde. Le Fowler Museum de Los Angeles a exposé les photographies de son projet de longue haleine consacrées à la culture de la danse pantsula, tandis que de nombreuses publications diffusaient de nombreux autres clichés. Chris Saunders vit à Paris depuis 2016. L’un de ses principes : « Lorsque tu t’ouvres au monde et que tu es prêt à des interactions fortuites, il se passe souvent quelque chose d’excitant. » chrissaunders.co ; Instagram : chrissaundersphoto

Les pieds dans l’eau

Johannesbourg, Afrique du Sud, 2015 « Pendant un an, j’avais un studio dans une ancienne usine. À l’époque, je photographiais beaucoup la scène street style. Un jour, les designers Lebogang Makgale (à gauche) et Skhumbuzo sont passés. Il y avait cette piscine en plastique, je leur ai demandé d’y entrer. Cette photo est l’une de mes préférées à ce jour. »

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Film

Sam Bloom A repris goût à la vie grâce à un oiseau blessé recueilli par sa famille. Son histoire difficile est aussi la trame du film Penguin Bloom. Interview RACHAEL SIGEE  Foto CAMERON BLOOM

À 41 ans, la vie de Sam Bloom a pris un tournant tragique. En 2013, lors de vacances en famille en Thaïlande, le balcon vétuste de l’hôtel où elle se tient cède. Elle fait une chute de 6 mètres sur du béton, se fracture le crâne et se brise les vertèbres T6 et T7. La surfeuse australienne est para­ lysée de la poitrine aux pieds. Ces graves blessures plongent Bloom dans le désespoir. Un bébé pie blessé découvert avec son mari Cameron, photographe, et leurs fils Ruben, Noah et Oliver sera sa planche de sa­ lut. Tout comme elle, l’oisillon a sur­ vécu à une chute qui lui a abîmé l’ai­ le. Ils l’appellent Pingouin en raison de son plumage noir et blanc et de ses grandes pattes. La famille se consacre à son rétablissement et Sam Bloom trouve là une nouvelle motivation. Sa confiance revenant progressi­ vement, elle se lance dans le para­ canoë de compétition, puis dans le parasurf, discipline où elle devient championne du monde à deux re­ prises. Aujourd’hui, Sam est aussi ambassadrice de Wings For Life, la fondation pour la recherche sur la moelle épinière. Penguin Bloom, le livre de son mari sur leur histoire, a fait l’objet d’un biopic dont l’actrice principale, Naomi Watts, a été nom­ minée aux Oscars. the red bulletin : Quels conseils avez-vous donnés à Naomi Watts pour interpréter votre rôle ? sam bloom : Je ne voulais pas d’une fin hollywoodienne typique, où tout

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va bien dans le meilleur des mondes. Je vais mieux, mais ça ne sera jamais comme avant. Naomi tenait à ma présence sur le plateau. Elle voulait que les scènes soient le plus authen­ tique possible. Dans le film, vous êtes d’abord ­réticente à l’idée de garder ­Pingouin. Était-ce le cas ? Non, c’est un choix artistique. Je l’adorais. Dès l’instant où nous l’avons trouvé, tous les regards se sont tour­ nés vers lui. Depuis mon r­ etour à la maison, j’étais devenue le centre de l’attention, ce que je déteste. L’arrivée de Pingouin a mobilisé l’énergie de toute la f­ amille pour le soigner. Nous avons eu un coup de foudre. Votre première sortie en kayak est un moment clé du film. En quoi retrouver l’océan était crucial ? C’était énorme. J’ai choisi le kayak en désespoir de cause, car ce que j’ai­ mais était désormais inaccessible ; j’avais tiré un trait sur tout. La pra­ tique du kayak était devenu le mo­ ment préféré de ma semaine. Sortir du fauteuil et me retrouver sur l’eau, dans la n ­ ature, était très plaisant. Effrayant aussi ? Terrifiant. Je suis paralysée de la poitrine aux pieds, sans muscles à l’estomac, donc j’ai un sens de l’équi­ libre désastreux. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir Gaye (Hatfield, sa coach de kayak, ndlr) à mes côtés dès le premier jour. Je suis tombée à l’eau plusieurs fois, mais je suis très déterminée. J’ai toujours cru en moi. Cela a préservé ma santé mentale.

Quel accueil le film a t-il reçu ? Les gens nous écrivent qu’ils se sentent désormais moins seuls, c’est gratifiant. J’ai échangé sur Whats­ App avec une jeune femme d’une trentaine d’années, espagnole, ­atteinte d’une lésion à la moelle épi­ nière. Elle adorait skier, alors je lui ai suggéré d’essayer le surf. J’ai contacté une amie parasurfeuse au Costa Rica pour la mettre en relation avec quelqu’un susceptible d’initier la jeune femme à Barcelone. Après quelques séances, elle m’a envoyé des vidéos. Le sourire sur son visage m’a ravie. Elle s’éclate à faire une chose nouvelle pour elle. Comment avez-vous rejoint la fondation Wings for Life ? En Australie et en Nouvelle-Zélande, nous reversons 10 % des droits d’au­ teur à SpinalCure Australia, et fai­ sons de même en Europe, pour Wings for Life. L’avantage est que la totalité de l’argent récolté va à la recherche. En cas de succès, ce serait le plus beau jour de ma vie. Je sais bien que cela prendra du temps. J’ai eu mon accident à 41 ans, sans avoir réalisé tous mes objectifs, bien que j’aie voyagé et fondé une famille. Lorsque je rencontre des jeunes de moins de trente ans atteints de ­lésions, cela me brise le cœur, car leur vie commence à peine. Plus vite on trouvera un traitement, mieux ce sera.

Plus d’infos sur la recherche contre les ­lésions de la moelle épinière sur wingsforlife.com. Le film Penguin Bloom est disponible sur Netflix.

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« Nous avons eu un coup de foudre. » Sam Bloom, 49 ans, à propos de sa rencontre avec son amie la pie.

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Arts martiaux

A beaucoup appris de la vie, en affrontant ses peurs. Dernièrement, il a pris sa revanche sur la mort grâce aux arts martiaux. Texte NICOL LJUBIC   Photo LEA KLOOS

Alors que le taureau charge, et que la moindre parcelle de son corps lui hurle de déguerpir, Soufian Mahlouly s’oblige à rester immobile. On peut voir un extrait de cette scène sur son compte Instagram : peu avant que le taureau n’encorne Soufian, celui-ci exécute un saut par-dessus la bête qu’il amortit en une roulade. Une parade spectaculaire ! C’est son sensei (son maître en arts martiaux) qui a eu l’idée du taureau : il a regroupé ses élèves dans cette arène afin de les confronter à leurs peurs. C’est justement dans ces moments-là que Soufian se sent le plus vivant. Son corps et son esprit sont à l’unisson, au maximum de leur concentration, dit-il. Ce sont des occasions comme celles-ci qui lui permirent de développer sa personnalité. Fidèle à sa devise : tout ce que tu cherches, tu le trouveras par-delà tes peurs. À l’âge de 18 ans, il dresse la liste de tout ce qui l’angoisse. À commencer par : se battre. Une excellente raison pour lui de se mettre au ju-jitsu. Quelques années plus tard, son sensei lui propose une nouvelle discipline : le karaté kyokushin. Soufian saisit sa chance et prend part aux combats : full-contact et sans protection. « Lorsque le gong retentit, tu y vas et tu donnes tout, tu risques tout », déclare-t-il, en ajoutant que même si la peur de se battre ne disparaît jamais entièrement, il est possible de l’utiliser et de la maîtriser.

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Il devient champion de Suisse à tout juste 24 ans. Les arts martiaux lui ont appris à dépasser ses peurs. « Quand il t’arrive quelque chose de complètement nouveau, dit-il aujourd’hui, tu dois sortir de ta zone de confort, et la première réaction que cela provoque, c’est la peur. Mais si tu acceptes cette nouveauté, cette expérience, la peur s’estompe. Ainsi, ta connaissance du monde s’élargit et tu découvres de nouvelles ressources en toi. »

Les vertus de la douche froide

Soufian s’attelle chaque jour à sortir de sa zone de confort – à commencer par la douche. Tous les matins, il s’asperge d’eau glacée. Même si la force de l’habitude rend la chose plus facile, il y a toujours un instant où il faut se dépasser. C’est cet instant qui importe à Soufian. Voilà pourquoi la confrontation avec le taureau fut bien plus effrayante que sa lutte contre le cancer qu’on lui diagnostiqua à l’âge de 25 ans. La peur liée au taureau n’aura duré que quelques instants, alors que le combat contre le cancer fut long. Il s’agissait d’une forme particulièrement agressive de tumeurs germinales. S’ensuivirent trois opérations et 39 chimiothérapies. La semaine après sa sortie de l’hôpital, il ne pouvait ni manger, ni dormir, trois jours et trois nuits durant. Il entendait ses parents lui parler, mais ne pouvait pas leur répondre. Il rassembla les maigres forces qui lui restaient pour survivre. Cette fois encore, il a tout donné. Soufian a aujourd’hui 34 ans. Et il en est convaincu, c’est grâce

La ceinture noire

Un an après son dernier traitement, Soufian a décroché la ceinture noire. Il l’a portée non-stop pendant 24 heures, il l’a même gardée pour dormir. Car elle était devenue le symbole de son retour à la vie, de son retour au combat. Quel défi fut pour lui le plus grand de tous ? Le taureau, se battre, le cancer ? Soufian prend le temps de la réflexion, puis dans une exclamation : « C’est aujourd’hui ! C’est maintenant. C’est le moment présent. » Il raconte l’histoire de sa boîte, Furinkazan, un studio de jeux vidéo. Son équipe et lui-même ont développé un jeu pour smartphone : Opticale. Il s’agit d’un univers parallèle rempli de nombreuses créatures. Une fois encore, les arts martiaux l’ont aidé dans cette tâche car ils lui ont appris à sortir de sa zone de confort. « C’est le plus important dans la vie », conclut Soufian. From cancer to Black Belt sur YouTube ; opticalethegame.com ; Instagram : @soufiiiaaan LEA KLOOS

Soufian Mahlouly

aux arts martiaux qu’il a survécu. Le sport l’a rendu plus fort – physiquement et psychiquement, et lui a donné confiance en lui. Même pendant la maladie, il a continué à s’entraîner. À peine tenait-il debout qu’il se rendait au dojo. Il se sentait parfois si faible qu’il devait s’asseoir quelques minutes après être arrivé. Mais la ceinture noire l’attendait. Et aussi son ami Alain, qui l’a accompagné tout au long de sa carrière de karatéka. Ils ont traversé les grandes étapes ensemble : tous les passages de grade pour obtenir une nouvelle ceinture, tous les championnats. Lorsque Soufian revint au meilleur de sa forme, ils décidèrent d’un commun accord qu’il était temps de passer aux choses sérieuses.

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« Lorsque le gong retentit, tu y vas et tu donnes tout, tu risques tout. » Soufian Mahlouly, 34 ans, ­explique c­ omment il aborde ses combats.

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Triathlon

« Derrière les exploits extrêmes que j’accomplis se cache une femme sensible » La triathlète DANIELA RYF est multiple championne du monde Ironman à Hawaï. Dans l’immobilisme et la solitude dus à la pandémie, la Suissesse de 34 ans a changé de vie : une nouvelle maison, une nouvelle formation, et… exit son entraîneur. Qui est la nouvelle Daniela Ryf ? Texte CHRISTOF GERTSCH

JANOSCH ABEL

SINCÈRE

Daniela Ryf, ici à Saint-Moritz, veut sortir de son image de Dame de Fer dure au mal et insensible.

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LUCIDE

« Beaucoup de gens pensent que je vais passer ma vie à me torturer. » Daniela Ryf s’entraîne à Tulsa, aux États-Unis.

« Je voulais que l’on pense que je n’avais aucune faiblesse… et j’ai même fini par croire que je n’avais pas le droit d’être faible. »


Triathlon

Entraînement intensif à Tulsa (USA) : Ryf a remporté quatre fois de suite l’Ironman d’Hawaï, l’une des compétitions sportives les plus difficiles au monde.

TALBOT COX

L

orsque Daniela Ryf remporte l’Ironman d’Hawaï – l’une des épreuves sportives les plus exigeantes au monde – en octobre 2018, elle ne se sent pas vraiment différente. C’est sa quatrième victoire consécutive. Qu’est-ce qui aurait bien pu changer ? Certes, elle établit un nouveau record du parcours en 8 heures 26 minutes et 16 centièmes alors qu’elle s’est fait piquer par une méduse juste avant le départ de la natation et que ses aisselles la font affreusement souffrir. Elle nage, pédale et court si vite qu’à l’arrivée, elle surpasse non seulement toutes ses adversaires, mais aussi la plupart de ses homologues masculins. Ce jour-là, beaucoup considèrent que Daniela Ryf a rendu l’impossible possible. Malgré la douleur, elle dégage une telle impression de facilité que l’espace d’un instant, on pourrait presque croire que l’être humain n’a été créé que pour le triathlon. À l’époque, c’est l’accomplissement le plus extraordinaire de toutes

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ses années de carrière, ou comment un travail acharné touche au merveilleux. Par moments, dans la baie de Kailua-­Kona ou le désert de lave, ou encore sur les côtes de Kona et de Kohala, elle paraît se fondre dans la nature hawaïenne. Pourtant, après cette quatrième victoire, rien ne sera plus jamais comme avant. Dans les semaines qui suivent, une question revient sans cesse la hanter : « Qu’est-ce que je veux de plus ?» Cela fait quinze ans que Daniela Ryf mène la vie métronomique d’une athlète de haut niveau régie par le sempiternel tryptique : s’entraîner, manger, dormir. Et voilà qu’une question ne la lâche plus : quel est le sens de tout cela? Elle ne trouve pas de réponse. Une question qui annonce généralement la fin d’une carrière sportive.

Haute performance et plaisir : une combinaison difficile

Elle pense alors à Natascha Badmann, sa compatriote victorieuse à six reprises de l’Ironman d’Hawaï entre 1998 et 2005.

Lors de la course à pied, Badmann écoutait le chant des oiseaux. Sur son vélo, elle s’émerveillait des rayons du soleil sur son visage. Et pendant l’épreuve de natation, elle s’amusait avec les poissons. Pour Badmann, le sport avait quelque chose de transcendant : devenir triathlète avait été son échappatoire pour sortir de la sombre impasse dans laquelle les aléas de la vie l’avait précipitée. Mais Ryf a beau prendre Badmann comme modèle, essayant de ne pas seulement remporter les compétitions mais d’y prendre aussi du plaisir, c’est un échec. Elle ne peut pas harmoniser ces deux antonymes que sont la performance de haut niveau et le plaisir, et doit bien admettre que ce n’est pas son but. Quand elle accomplit ses plus grands exploits, elle n’a pas le sourire au lèvres, bien au contraire : son visage devient sérieux, voire sinistre. Elle ironise : elle fait sa tête d’angry bird. En réalisant qu’elle ne devait pas faire comme les autres, elle venait de faire le premier pas. Mais qui est vraiment   37


Triathlon

Remporter le prochain Ironman avec une nouvelle version d’elle-même

Daniela Ryf s’aperçoit que le sport prend tellement de place dans sa vie qu’il n’y a plus beaucoup d’espace pour autre chose. Elle reprend alors ses études en technologie alimentaire, suit une formation en psychologie appliquée (pour laquelle elle rédige un essai introspectif de trente pages), entreprend un gros travail sur elle-même et se pose des questions sur des sujets aussi divers que le capitalisme, le système scolaire, le sport de haut niveau et l’omniprésence de la performance. Est-ce vraiment la meilleure façon de vivre, ou serions-nous plus heureux dans des conditions différentes ? Daniela Ryf aime toujours le sport, mais après avoir été si longtemps au sommet de son art, elle accorde un peu

« Enfant, je n’avais aucune confiance en moi, le sport m’a transcendée. » plus de place à la réflexion sur ce système qui l’a façonnée et sublimée. Pourquoi les sportifs ne sont-ils pas plus attentifs à eux-mêmes ? Pourquoi tant de gens croient-ils que le succès passe forcément par la souffrance? Pourquoi les ­problèmes psychologiques sont-ils à peine évoqués et la pression subie avant les grandes compétitions minimisée ? « Le sport m’a beaucoup apporté, ­dit-elle lors d’un long entretien un soir d’août 2021. J’ai découvert des endroits magnifiques, des gens adorables et des sensations extrêmes ; j’ai développé une estime de moi dont je n’aurais jamais pu rêver étant gosse : à l’époque, je n’avais aucune confiance en moi, le sport m’a transcendée. » Mais… ? « Avec le recul, je suis fière de mon parcours. Mais je suis contente de ne pas avoir à le refaire. Je ne crois pas qu’un tel succès serait de nouveau au rendez-vous. Au cours de ma carrière, victoire et défaite ont souvent été plus liées que ce que l’on pourrait croire de l’extérieur. Il y a des moments où j’étais morte de peur, où j’avais du mal à me relever et à dire : “Allez, maintenant j’y vais à fond !” Ça n’a pas toujours été facile. »

Daniela Ryf s’entraîne souvent seule, comme ici à Saint-Moritz : elle ne veut pas mélanger la vie d’athlète et la vie « normale ».

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Daniela Ryf participera à l’Ironman d’Hawaï – originellement prévu en octobre 2021 et repoussé au mois de février 2022 – avec son objectif de toujours en tête (« Je ne commencerais pas à m’entraîner si je ne voulais pas gagner ») mais dans la peau d’une athlète métamorphosée. Elle s’est, pour ainsi dire, libérée. Elle ne veut plus être l’intouchable, celle contre qui tout semble rebondir, la Dame de Fer qui fait trembler ses adversaires. Bien entendu, elle cherche encore la victoire, elle comptait dominer, mais elle ne veut plus prétendre que rien ne la touche. Elle a besoin de dire que même une femme portée aux nues a des faiblesses, que sa carrière n’a pas toujours été rose, qu’elle aussi a connu des moments de tristesse. Elle ne veut plus cacher le fait que, même après de nombreuses années de sport au plus haut niveau, elle doute toujours, en début de saison, d’être suffisamment en forme. Daniela Ryf ne veut plus être une machine mais un être humain, ne plus être l’athlète qu’ellemême, mais surtout le public, a créée.

Nourrir un rapport authentique avec ceux qui la prennent en modèle

« Il y a tellement de gens qui pensent que je veux passer ma vie à me torturer, à m’entraîner nuit et jour. Je sais bien que j’ai entretenu cette image : si tout le monde croit que je suis la plus forte, que je suis imbattable, mes adversaires le croiront aussi, et je finirai par m’en convaincre également. Mais j’ai réalisé que tromper les autres et moi-même nuisait profondément à mon bien-être intérieur. J’entretenais ce mythe, je voulais que l’on pense que je n’avais aucune faiblesse… et j’ai même fini par croire que je n’avais pas le droit d’être faible. Je me suis mis la pression. Oui, dans le sport, il s’agit de gagner, mais pas dans la vie. » Daniela Ryf a choisi la voie de l’honnêteté radicale. Pas seulement pour elle-même, mais pour tous ceux qui la prennent comme modèle. « Pour la petite fille de douze ans qui doute d’ellemême et qui admire les athlètes. Elle doit savoir que nous ne sommes pas des machines, que derrière les exploits extrêmes que j’accomplis se cache une femme sensible. » Ces derniers mois, beaucoup de choses ont changé : Daniela Ryf s’est séparée de Brett Sutton, son entraîneur de toujours (mais est restée en très bons termes avec lui). Elle s’est lancée dans la construction d’une maison. Et dans une longue interview intime consacrée au THE RED BULLETIN

JANOSCH ABEL

Daniela Ryf ? Elle termine l’édition 2019 de l’Ironman d’Hawaï à une lointaine treizième place, très affaiblie par une sérieuse infection gastro-intestinale contractée dans les jours précédant la course. Une défaite qui a reboosté sa motivation : la triathlète suisse est bien décidée à s’octroyer la victoire l’année suivante. Mais c’était sans compter ­l’apparition de la pandémie de Covid-19 qui a apporté son lot de vide et d’ennui, et à cause de laquelle toutes les compétitions ont été annulées. La question qui poursuit Ryf depuis plus d’un an a continué de se faire toujours plus forte et plus pressante : «Qu’est-ce que je veux de plus… maintenant ?» La pandémie a soulevé une nouvelle question : que serait-elle sans le sport ?


FORTE, PAS IMBATTABLE

« Nous ne sommes pas des machines. » Daniela après son entraînement dans l’eau à St. Moritz.

magazine Schweizer Illustrierte, elle a parlé de ses penchants sexuels, expliquant qu’elle n’aimait pas seulement les hommes, mais aussi les femmes.

Sans le sport, elle ne serait pas la même

Elle n’a peut-être pas trouvé de réponse définitive à la question de savoir ce qu’elle veut de plus dans le sport aujourd’hui, mais elle a au moins une réponse qui, pour le moment, lui suffit amplement : elle a fini par s’avouer qu’elle ne pouvait pas encore se passer du sport. Tout simplement. « C’est très personnel, confie-t-elle, mais il fallait que je sois honnête : m’interroger sur THE RED BULLETIN

mes motivations m’a obligée à accepter qui je suis. J’ai réalisé que j’avais ­toujours eu un instinct de tueuse. En compétition, je veux être performante et dominer mes adversaires. C’est une partie de ce que je suis : je veux être plus forte que tous les autres. Pas dans la vie, mais dans le sport. Le sport est un outil grâce auquel je peux montrer le travail que j’ai accompli. Ça m’apporte énormément, ça me motive. Une victoire de plus ne me rendra pas plus heureuse et ne changera pas le cours de ma vie. Mais franchir la ligne d’arrivée en sachant que j’ai tout donné me procure des sensations incroyables. » D’un autre côté, Daniela Ryf a compris, au cours de ces

derniers mois, qu’elle souhaitait limiter à la compétition la comparaison avec ses concurrentes. Elle a une mentalité de battante et de gagnante, mais pour elle, il est vital de ne pas rester trop longtemps enfermée dans la bulle des athlètes. Elle s’entraîne souvent seule et consacre peu de temps aux médias sociaux. Il y a la vie normale et celle d’athlète, et Daniela Ryf préfère ne pas trop les mélanger. À la question de savoir ce qu’elle serait sans le sport, la championne répond : « Je serais quelqu’un de complètement différent. » Instagram : @danielaryf

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Red Bull Flugtag

CIRQUE AÉRIEN

Le RED BULL FLUGTAG revient à Lausanne. Nous célébrons le retour de l’événement culte. Voici les meilleures photos des éditions précédentes. Avec une licorne détrempée et des pilotes schtroumpf. Texte SASKIA JUNGNIKL


CHAQUE MÈTRE COMPTE

Même si le train d’atterrissage est déjà à l’eau, l’équipe ukrainienne se bat pour chaque centimètre.

JÖRG MITTER/RED BULL CONTENT POOL

KIEV, UKRAINE, 2010

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BLEU SCHTROUMPF

Les juges évaluent non seulement la distance parcourue, mais aussi le facteur entertainment et la créativité. Cette équipe a misé sur un bodypainting à la couleur très reconnaissable. DUBLIN, IRLANDE, 2011

Jusqu’où pouvez-vous voler avant de toucher l’eau ? Et jusqu’où est-il possible de pousser le ridicule ?

PUISSANCE DE POUSSÉE MAXIMALE

Élan, équilibre, l’instant décisif du saut : trois participants font ici preuve d’audace et d’esprit d’équipe. GDYNIA, POLOGNE, 2019


Red Bull Flugtag

ANNONCER LA COULEUR

LUKASZ NAZDRACZEW/RED BUL CONTENT POOL, TOMEK GOLA/RED BULL CONTENT POOL, PEDRAG VUCKOVIC/RED BULL CONTENT POOL, TYRONE BRADLEY/RED BULL CONTENT POOL

Le gilet de sauvetage et le casque sont obligatoires. Cette équipe a surtout fait preuve de créativité en matière de peinture faciale. BANGALORE, INDE, 2014

UNE BONNE CONCEPTION, C’EST LA MOITIÉ DU BOULOT

Quiconque veut sortir indemne de la rampe de six mètres de haut doit posséder un savoir-faire technique. On voit ici les croquis du Team Curry Powder DURBAN, AFRIQUE DU SUD, 2012

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Red Bull Flugtag

Le plus long vol à ce jour, 78,65 mètres, a été réalisé par les Chicken Whisperers lors du Flugtag de Long Beach aux États-Unis en 2013. 44


CHAUD DEVANT !

Les pilotes doivent pouvoir voir, respirer et nager sans entrave. Vous pouvez ensuite sauter à l’eau, comme ce compétiteur.

MAURIN BISIG

LUCERNE, SUISSE, 2011


SEIGNEUR DES DRAGONS

Les deltaplanes transformés font d’excellents engins volants. En voici un particulièrement coloré.

DANIL KOLODIN/RED BULL CONTENT POOL, RED BULL CONTENT POOL, BRIAN CHING SEE WING/RED BULL CONTENT POOL

KIEV, UKRAINE, 2010


Red Bull Flugtag SUPERMAN PREND SON ENVOL Ce participant (en haut) de l’équipe ­Minions Act of Seewen aux couleurs de Superman impressionne avec un saut, tête la première. ZURICH, SUISSE, 2016

Tu as vu ça ? Chaque objet volant est unique en son genre.

EST-CE UN AVION ? EST-CE UN OISEAU ?

Les spectateurs restent souvent bouche bée. Une habitude bien ancrée depuis le premier Red Bull Flugtag en 1992. HONG KONG, CHINE, 2016

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Red Bull Flugtag LICORNE À LA MER ! L’équipe Mercy No Mercy a fait vibrer la foule dans le Kentucky, et a remporté le prix du public. L’équipe était composée de professeurs d’une high­ school locale et d’une pauvre licorne. LOUISVILLE, USA, 2016

VOL PLANÉ

Ce concurrent a tout donné pour obtenir la meilleure note à la Darse de Confluence. LYON, FRANCE, 2019

Le Red Bull Flugtag 2021 se déroulera le 19 septembresur la plage de Bellerive, à Lausanne. Ouvertures des portes à 11 heures. Entrée gratuite. Infos sur redbull.ch/flugtag

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RYAN TAYLOR/RED BULL CONTENT POOL, ALEX VOER/RED BULL CONTENT POOL, MAURO PUCCINI/RED BULL CONTENT POOL

Comme la pomme de Newton, tous finissent par tomber.


SE BRISER LES AILES

La stabilité d’un objet volant se manifeste au plus tard à l’atterrissage. L’un d’eux en pleine désintégration. MILAN, ITALIE, 2016


Red Bull Flugtag

KONRAD PAUL LIESSMANN

Échouer en beauté

Réflexions sur l’esthétique des atterrissages en catastrophe.

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HERIBERT CORN

WOLFGANG HARTL, EDITION5HAUS

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n échec. Et un autre. Et encore un autre. et les lois des courants ascendants, plus ils se sont rapprochés de la possibilité de voler réellement – même Des siècles durant, voire des millénaires. si ce n’était que pour quelques mètres. Les expériences Une autre façon d’évoquer l’histoire de d’Otto Lilienthal et des frères Wright à la fin du XIXe et l’aviation. Le rêve de l’homme de faire au début du XXe siècle ont constitué des étapes imporcomme les oiseaux et de s’envoler dans tantes de ce développement. les airs remonte à très loin. Des légendes, des mythes Mais nous devons aussi avoir une pensée pour le et des contes de fées dans lesquels des personnes tentaient de quitter le sol sous leurs pieds, soit par leur malheureux « tailleur d’Ulm ». Le jeune Albrecht Ludwig propre force, soit par magie, ont vu le jour bien avant Berblinger (1770-1829), techniquement doué, avait été que l’esprit inventif de l’homme et ses compécontraint d’apprendre le métier de tailleur, tences en ingénierie ne parviennent à vaincre mais son cœur et son esprit appartenaient à la la gravité par des machines. Cependant, ces mécanique. Il était fasciné et obsédé par l’idée voyages imaginaires n’étaient pas sans heurts de construire des ailes inspirées du vol des et contenaient toujours un avertissement : hiboux qui lui permettraient de planer à partir ceux qui visent trop haut tomberont tout en d’une tour. Il a travaillé pendant des années à bas. Le récit légendaire d’Icare en témoigne. ce projet, parvenant même à susciter l’intérêt Dans ce mythe de l’Antiquité, Icare et son père du roi du Wurtemberg. Le 31 mai 1811, après Dédale parviennent à se libérer de leur plusieurs reports, il tenta un vol public KONRAD PAUL captivité parce que ce dernier, savant et depuis l’Adlerbastei (la Bastille de l’Aigle) LIESSMANN inventif, réussit à construire des ailes qui à Ulm et chuta dans le Danube en raison L’Autrichien de 68 ans les emportent. Dans l’ivresse de son vol, de thermiques défavorables. Il fut sauvé originaire de Carinthie est l’un des philosophes et Icare néglige les avertissements de son par des pêcheurs, mais sa vie était ruiessayistes les plus réputés née. Traité de menteur et de tricheur, il père, s’élève trop haut et s’approche trop de son pays. Il a été profes­ mourut dans le dénuement complet. Ce près du soleil. La cire qui maintient les seur à l’Université de Vienne n’est que bien plus tard qu’il fut avéré que ailes ensemble fond et le jeune homme jusqu’en 2018. Sa spécialité : son dispositif était en principe capable tombe dans la mer. la didactique de la philo­ de voler. Cette histoire ne met pas en garde sophie et de l’éthique. contre la recherche de solutions extraordinaires à des désagréments. Il met plutôt en garde Berblinger pourrait être considéré comme l’ancêtre contre l’orgueil démesuré et la confiance excessive. Car secret du festival Red Bull Flugtag. Il a dû combiner Dédale, le réfléchi, réussit son vol qui est un élan vers de nombreuses caractéristiques qui distinguent aussi la liberté. Le mouvement dans l’espace tridimensionles audacieux pilotes et constructeurs de ce spectacle nel, ce décollage du sol, est une image puissante pour aérien unique : la ténacité, l’envie de réaliser une idée toutes les formes de combats vers l’indépendance. Le que beaucoup tiennent pour une absurdité, la volonté destin amer de l’audacieux Icare nous rappelle cepeninconditionnelle d’investir argent, temps et nerfs dans dant que la possibilité que nos tentatives se soldent par un projet pratiquement sans issue, la force de ne pas se un échec est également présente. laisser abattre par les revers. Si l’on se fie aux rapports des témoins oculaires et Nous ne savons pas à quel moment les gens ont comaux récits contemporains, le vol malheureux du tailleur mencé à envisager sérieusement l’idée de voler et de d’Ulm peut être interprété comme une anticipation des construire des appareils pour les maintenir dans les tentatives des participants aux Red Bull Flugtag. À l’étroit dans une construction élaborée en bois de airs. Il y a probablement eu de nombreuses tentatives bambou recouvert de soie, il s’élança sur une rampe de de sauts de falaise, les bras tendus, avec des ailes artificielles. Mais c’est l’esprit moderne et scientifique qui 20 mètres. Il comptait traverser le Danube, qui mesurait 40 mètres de large à cet endroit-là, mais il a fini par a permis à l’homme de commencer à réfléchir sérieusement à la manière de procéder pour déjouer la nature. tomber dans l’eau avec sa machine volante peu après le Le génie universel, Léonard de Vinci (1452-1519), décollage. Berblinger se distingue cependant des participants du Red Bull Flugtag : il voulait atteindre l’autre par exemple, nous a laissé des croquis d’une machine rive, il était déterminé à démontrer que les humains volante bien pensée. Plus les gens ont étudié la nature


LES PIONNIERS DU DÉCOLLAGE Albrecht Ludwig Berblinger (« le tailleur d’Ulm »), Icare, les frères Wright, Léonard de Vinci. Un collage de l’illustrateur viennois Wolfgang Hartl, en exclusivité pour The Red Bulletin.


Red Bull Flugtag

pouvaient voler, il voulait exploiter les lois de l’aérodynamique pour faire flotter les humains dans les airs ; il voulait se débarrasser des chaînes de la gravité, il ne voulait pas échouer. Mais il est arrivé un siècle trop tôt et n’a pas eu d’autres chances d’améliorer son dispositif ni de tirer les leçons de l’expérience de son échec. Néanmoins, il est aujourd’hui considéré, à juste titre, comme l’un des pionniers tragiques de l’aviation. Les héros du Red Bull Flugtag peuvent en revanche non seulement échouer, mais ils le doivent ! Et même, ils le souhaitent. Personne ne disparaît dans le ciel. Tous tombent tôt ou tard dans l’eau fraîche. Les athlètes conservent avec humour le souvenir des tentatives ratées qui ont été nécessaires pour mettre au point la technologie à laquelle nous nous fions, sans trop y réfléchir, chaque fois que nous montons dans un avion. Ils mettent en scène une esthétique de l’atterrissage en catastrophe qui oscille entre sublime et slapstick, comédie et ­tragédie, beauté étrange et maladresse, fantaisie exubérante et mise en scène grotesque. Les costumes élaborés des équipes, les danses et les départs en rythme, les acclamations après les crashs spectaculaires tirent cette célébration du côté d’un spectacle de clowns. Mais de quoi s’agit-il ? Les machines volantes étranges conçues avec imagination ainsi que les oriflammes bigarrées et joyeuses des équipes sont certes amusantes et impressionnantes. Mais tout tourne autour du moment où, après un vol bref, ces engins et leurs pilotes frappent l’eau, plongent et se brisent en beauté. Le produit d’innombrables heures de travail passionné est détruit en quelques instants. L’effort demandé en amont aux participants est, ­à première vue, disproportionné par rapport au résultat. Ces scènes nous font comprendre le principe de la destruction productive. Elles ressemblent en quelque sorte à un rituel sacrificiel d’une autre époque : on produit avec beaucoup d’amour quelque chose qui est offert dans un acte spécial et unique. La présentation des engins volants, la trajectoire sur la rampe témoignent de cet amour dans toute sa curieuse splendeur. L’instant d’après, tout s’effondre. L’objectif de planer, au moins quelques secondes et quelques mètres au-dessus des eaux, a une fois de plus complètement raté. Et si le véritable but se trouvait précisément dans cet échec ?

ce point crucial : dans notre société axée sur l’efficacité, l’échec n’est pas une option. Tout doit réussir. Nous ne pouvons accepter l’échec que s’il se transforme en succès. Considérer l’échec comme une fin en soi, laisser délibérément l’espoir se briser à la surface de l’eau, appartient à un autre monde, le monde de l’art. Les expériences de toutes sortes peuvent y être célébrées pour elles-mêmes sous une forme esthétique. Nous savons que les gens peuvent échouer dans leurs efforts et leurs démarches. Mais personne n’aime échouer. Il nous est souvent difficile d’admettre que nous avons échoué dans un projet, une idée, une entreprise. Nous aimons minimiser cet échec en évoquant d’importants processus d’apprentissage et de nouvelles opportunités. Cela ne change pas grand-chose au fait que les objectifs n’ont pas été atteints et que les idées n’ont pas pu être réalisées. Ceux qui échouent plusieurs fois perdent tout. Le Red Bull Flugtag permet aux acteurs et aux spectateurs d’apprécier dans sa forme la plus pure quelque chose que nous n’aurions jamais le droit de célébrer dans notre vie sans merci : l’inadéquation, l’échec, le déséquilibre, la défaillance. Comme il est bon de pouvoir admettre pour une fois que nous n’avons pas le plein contrôle sur tout. Mais il y a échec et échec. Même dans cette joyeuse représentation de l’échec, il existe un ­classement. On peut échouer d’une manière plus ou moins belle.

« Voir l’échec comme une fin en soi appartient à un autre monde : celui de l’art. »

Bien que le Red Bull Flugtag flirte avec les idées modernes d’innovation, de prise de risque, d’esprit d’équipe, de durabilité, d’inventivité et de créativité, cet événement va à l’encontre de l’esprit du temps sur

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L’esthétique de l’atterrissage en catastrophe présente différents degrés de bizarrerie, d’originalité, de maîtrise athlétique du crash, de capacité surprenante à rester en l’air plus longtemps que prévu. Lorsque, à la stupéfaction générale, un élégant vol plané réussit, le véhicule et son pilote plongent dans l’eau dans un élégant arc-de-cercle après un vol de cinquante mètres ou plus, accompagnés par des applaudissements frénétiques, on a le sentiment que le rêve est devenu réalité. Le tailleur d’Ulm et les autres malheureux aventuriers de l’aviation sont réhabilités, leur ténacité et leur imperturbabilité confirmées et récompensées dans ces moments rares. Pour être en mesure d’échouer magnifiquement, de crasher spectaculairement, de profiter du moment de l’élégante destruction, d’avoir du plaisir et de s’amuser dans cette unité idiosyncratique de construction et de destruction, il faut de l’enthousiasme, de la force intérieure, du bon goût et du courage. Cet événement nous montre de façon ludique que l’échec peut être non seulement une conséquence de la faiblesse, mais aussi une expression de force.

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SOUL, ELECTRIFIED. Les aventuriers d’exception ont besoin d’une com­ munauté qui leur ressemble : Corinna Schwiegershausen, Petra Klingler et Dominik ­Gührs en sont convaincus. Ces trois athlètes Red Bull semblent avoir trouvé dans leur Porsche Taycan le com­ pagnon d’aventures idéal. La série intégralement élec­ trique de Porsche combine un ADN Porsche inimitable avec un espace généreux et des solutions de recharge particulièrement inno­ vantes : de quoi assouvir sur la route leur soif de liberté et d’infini. * Temps de charge en courant continu (CC) avec performance ­maximale de charge jusqu’à 100 km (WLTP) dans les conditions ­optimales. Conditions optimales : une borne de charge rapide CCS à > 270 kW, > 850 V, température de batterie entre 30 et 35 °C et niveau de charge à 5 %.

PETRA KLINGLER 29 ans Disciplines : escalade libre, escalade de bloc, escalade sur glace

Porsche Taycan Turbo Petra Klingler La meilleure grimpeuse de Suisse et championne d’escalade sur bloc ­Petra Klingler se sent chez elle sur n’importe quelle paroi verticale. Pour les aventures sur le plancher des vaches, elle ne jure que par son Taycan Turbo – le premier modèle sport entièrement électrique et dans la pure tradition Porsche. Prochain objectif du bolide : la conduire au pied de la superbe voie baptisée « Les yeux rouges », l’un des plus grands rêves de la grimpeuse suisse. Nul doute qu’elle arrivera au bout, tout comme son Taycan Turbo, dont l’architecture 800V lui permet de charger en 5 minutes* suffisamment d’énergie pour rouler 100 km (WLTP). Un atout qui laisse à Petra la liberté de sortir au gré de ses envies et de la météo.


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Porsche Taycan 4S Cross Turismo Dominik Gührs À l’âge de dix ans, Dominik Gührs est entré dans un magasin pour s’acheter un skateboard : il en est ressorti avec un wakeboard sous le bras. Sage décision, car entre-temps, cet Allemand est devenu double champion du monde et l’un des meilleurs représentants du wakeboard en Allemagne. Quand il ne glisse pas sur l’eau, Dominik le fait sur les routes de sa Bavière natale, au volant de son Taycan 4S Cross Turismo : un look sportif mais plus polyvalent, qui lui assure sécurité et prise en main sur tout type de route. Contrairement aux autres modèles électriques de Porsche, le Cross Turismo est un modèle sport plus spacieux avec une garde au sol supérieure et un mode de conduite Gravel adapté aux routes difficiles. Bref, la voiture idéale pour mener Dominik au bout de son rêve : ­relier ses deux passions, le snowboard et le wakeboard.

DOMINIK GÜHRS 31 ans Discipline : wakeboard

CORINNA SCHWIEGERSHAUSEN 49 ans Discipline : deltaplane

Porsche Taycan Turbo S Cross Turismo Corinna Schwiegershausen

PORSCHE

Corinna Schwiegershausen poursuit la passion de son ­enfance : « J’ai su faire du deltaplane avant de savoir conduire ! », raconte celle qui détient le titre européen et fut 4 fois championne du monde et d’Allemagne de deltaplane. Quand elle n’est pas occupée à faire onduler ses créatures aériennes, Corinna s’amuse à enchaîner courbes et volutes sur route, à bord de son Taycan Turbo S Cross Turismo. Le toit peut accueillir des rampes de ­pavillon (en option) pour y fixer une malle de toit. Pratique quand on a du matériel fragile à transporter. Et en chemin, la deltiste allemande peut profiter de la beauté des cieux grâce au toit panoramique – sans perdre son objectif de vue : les championnats du monde 2022 !

Plus d’infos sur : porsche.ch/taycan


Skateboard

Birdman & Joker

Le blockbuster de l’été, une production The Red Bulletin : Hawk et Matheron à Encinitas, Californie, le 24 mars 2021. Un pilier de la culture alternative mondiale et un jeune Marseillais qui déploie ses ailes aux USA.


Un Américain de 53 ans qui a façonné le skate moderne. Un Français de 23 dont l’aventure ne fait que débuter. Tony Hawk et Vincent Matheron font la paire en mode inspiration mutuelle : à base de respect, de pluralité et de bonne attitude.

Texte PH CAMY Photos ATIBA JEFFERSON

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Skateboard

« Dans le skate, on montre du respect aux gens qui sont passés avant nous. » Vincent Matheron

« T

ony est partant pour le sujet de couv avec Vincent, par contre, Vincent vient de se péter la cheville, il rentre en France se faire opérer. » En mai de l’an dernier, quand nous recevons ce WhatsApp depuis la Californie, on se dit que 2020 est décidément une année de m**de. L’opportunité d’un sujet croisé avec Tony et Vincent semblant être enterrée à jamais. Pardon… Tony, c’est Tony Hawk un pionnier du skate, l’inventeur d’un nombre insensé de figures, l’un des architectes du skate moderne et l’un des entrepreneurs des action sports les plus influents au monde. Une icône médiatique et le nom associé au jeu vidéo de skate le plus joué de tous les temps. Aussi, un mannequin occasionnel qui a posé pour des pubs US (Got milk?). Et il a même fait l’acteur (rematez donc Police Academy 4…). Bref : une star. Vincent, c’est Vincent Matheron. Un jeune skateur de 23 ans, débonnaire, Marseillais, au naturel. Un gars que son père et son oncle ont mis dans le fameux bowl de sa ville dès ses 4 ans. Un skateur dans l’âme qui n’a jamais cessé d’en faire (du skate) et une personnalité attachante qui saisit à l’instinct toutes les opportunités que sa passion lui présente. Quand son futur manager, Jérémie Grynblat, lui propose de le suivre sur des événements et contests, le gamin de 11 ans n’hésite jamais. Mais tiendra à obtenir son bac scientifique en l’honneur de sa mère (enseignante dans les quartiers nord de Marseille ; papa, lui, est frigoriste). Il s’inscrit ensuite en STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives), mais c’est délicat. « Ils voulaient que je sois de haut niveau dans des sports que je n’avais jamais pratiqués, raconte Vincent depuis son appart d’Encinitas (le Hossegor 58

californien, en mieux). Je voulais faire du skate, je voulais être noté sur le skate, pas sur le badminton. Et il faut dire qu’avec les compétitions de skate à droite à gauche, je n’avais pas vraiment le temps de travailler. L’encadrement n’était pas tellement souple, ils ne comprenaient pas ce que je faisais, en fait. » Fini STAPS, bonjour les US, où Vincent s’installe fin 2019.

Pas là pour gratter

Il y fait la connaissance du skateur monumental qui pose avec lui sur notre couverture. « En fait, je connaissais déjà bien ses fils, explique Vincent à propos de Hawk. Notamment Miles et Calvin, qui sont devenus mes meilleurs potes aux États-Unis, à force de les croiser sur des contests et des événements. Il faut savoir que Tony est toujours présent sur des contests en tant que speaker ou host pour la télé américaine, et à chaque fois il vient en famille, c’est un peu dans son deal pour venir. Ça n’est pas une grosse exigence pour un mec comme lui. C’est quelqu’un qui aime donner, il aime faire partager des choses à sa famille, que ses proches puissent en profiter, et je trouve ça génial. » La famille Hawk est accueillante au point d’héberger Vincent quelques mois à son arrivée en Californie. Il habite une maison dans le jardin, « entre la piscine et le skatepark ». Hawk l’invite même sur ses rampes. C’est sur l’une d’elles que Vincent se blesse en juin 2019. « Je me suis fait une triple fracture malléolaire de la cheville droite. Je me suis cassé la malléole interne, l’externe, et celle du milieu… Là, un an après, j’ai toujours 15 vis, 3 broches et deux plaques. Je devais enlever tout ça en mars, mais je préférerais attendre que les Jeux soient THE RED BULLETIN


« Si vous voulez que votre carrière dure, vous devez réfléchir au-delà de votre industrie. » Tony Hawk


« Vous pouvez être le meilleur, mais si personne ne veut collaborer avec vous, vous n’irez pas loin. » Tony Hawk


Skateboard

« Tony connaît tout du skate, et si on en est là aujourd’hui, c’est grâce à lui. » Vincent Matheron

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« Tony Hawk t’apprend à faire un tricks qu’il a inventé ! » Vincent Matheron


Skateboard

terminés (le skate y était présent pour la première fois, ndlr). » Cheville en vrac, retour en France. « Là, je rentre chez mes parents, mais je n’ai même plus de lit car mon frère occupe ma chambre, du coup mon père installe un matelas dans le salon, on improvise. » On est loin du « entre la piscine et le skatepark », et Vincent, qui commençait à bien se déployer en Californie, n’est pas à son top… « On est avant l’été, je suis blessé, je suis alité un mois et demi, et en béquilles pendant un mois et demi encore… trois mois à ne rien faire. Je suis dans un mauvais mood. Et puis je vais en rééducation à Capbreton, et je fais un séjour en Autriche, à l’Athlete Performance Center de Red Bull. Je repasse à Marseille pour avoir le feu vert de mon docteur, et je repars aux US. » Acharné, Matheron reskate intensément et reconnecte naturellement avec Miles et Calvin Hawk. Le daron, l’aigle, n’est jamais loin, et se prend d’affection pour le kid de Marseille. « J’étais super pote avec ses fils, et ça s’est fait comme ça, à force de skater ses rampes, de discuter. Tony parle un peu français, il adore la France et moi, en tant que Marseillais, j’ai une grosse bouche, alors on rigole bien. Mon surnom, c’est le ­Joker, je fais bien rire tout le monde, donc ça aide. Et je ne suis pas timide, Tony Hawk, je lui parle normalement. Je pense qu’il a apprécié ça. Avec l’expérience et la longévité qu’il a dans le skate, il sait repérer les gens qui viennent le voir pour le gratter. Moi, je m’en fous de le gratter. »

personnalité. Vous pouvez avoir du succès dans le skate sans avoir les meilleures compétences si vous êtes plaisant à regarder, et agréable à côtoyer. Pour avancer, dans quoi que ce soit, vous devez donner envie aux autres de travailler avec vous, car vous pouvez être le meilleur, mais vous n’irez pas loin si personne ne veut collaborer avec vous. » De son côté, Vincent trouve dans la légende des action sports US (et l’un des acteurs de cette scène les plus fortunés), un homme accessible. « C’est celui qui a le plus réussi grâce au skate, mais c’est le mec le plus humble que je n’ai jamais rencontré. D’autres à sa place prendraient les gens de haut. Je respecte trop ça. » Comme dans la musique metal où les groupes pionniers sont respectés par les nouvelles générations, le skate semble avoir le respect des anciens. « Dans le skate, on a un respect pour les gens qui sont passés avant nous. Et s’il y a des personnes qu’on n’a pas de raisons de respecter, au moins, on ne les juge pas », dit Vincent. Et Tony, de l’autre côté du respect, de préciser : « Je pense que ce respect que montre la jeune génération est plus concret que jamais, grâce aux informations qui sont à sa disposition. Désormais, quelqu’un comme Vincent peut comprendre les origines des tricks qu’il fait, les raisons pour lesquelles des mecs skatent de telle ou telle manière, ont telle ou telle technique. Il y a dix ou quinze ans, les jeunes skateurs n’avaient pas facilement accès à ces informations. »

Du respect

Bien plus qu’un hobby

Tony Hawk fait montre d’une bienveillance sincère envers Vincent quand on l’interroge sur le skateur français. « Vincent Matheron est quelqu’un d’unique, qui a son propre style, et qui n’essaie pas de s’aligner sur les trucs qui sont cool en ce moment. Il est vraiment doué et il a une très bonne

Celui qui s’exprime a débuté à l’aube des années 80, quand tout restait à écrire. Parmi ses rares mentors à l’époque, l’Américain Stacy Peralta, un entrepreneur du skateboard, team manager, propriétaire de marques, réalisateur et directeur artistique qui a élaboré une esthétique visionnaire et

Chacun son style : Hawk et son invité lors d’une session maison. Il apprécie chez le jeune Français son approche large du skateboard, et sa personnalité. THE RED BULLETIN

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« Nous avons besoin de moins de division dans le skate, et Vincent est quelqu’un qui pourrait combler ce fossé. » Tony Hawk

sophistiquée de la culture associée au skate, avec, entre autres, sa fameuse Bones Brigade qui regroupait Hawk, mais d’autres phénomènes, comme Steve Caballero ou Tommy Guerrero. « Stacy Peralta nous a donné l’opportunité de faire des choses au-delà de la pratique du skate, comme des publicités, des films, ou d’autres genres de projets assurant la promotion du skate. Il nous a montré que le skateboard peut être plus qu’un simple hobby. » Et Hawk, à son contact, de développer une approche globale, curieuse et diverse de sa passion : ne pas se fixer que sur sa pratique, son métier ou son savoir-faire premier. « Si vous voulez avoir une certaine longévité, si vous voulez que votre carrière dure, vous devez réfléchir au-delà de votre industrie. » Malgré ses activités diverses, Hawk avance avec le skateboard toujours en tête. « L’une des valeurs du skate, que l’on pourrait appliquer à bien d’autres choses, c’est la prise de risques, et la persévérance : ­essayer encore et encore 64

de faire quelque chose… Beaucoup de gens qui ne font pas de skateboard abandonnent facilement, mais quand vous faites du skate, vous savez que vous devez continuer à essayer, essayer, essayer jusqu’à ce que vous y arriviez. Cela vous apprend à trouver votre propre voie, à créer votre propre style. Et quand je parle d’aimer prendre des risques, je ne parle pas que des risques physiques, ça concerne aussi les affaires. Aimer tester de nouvelles choses. » Et apprécier ceux qui essaient et persévèrent. Vincent peut en témoigner. Il profite carrément des conseils du maître. « Tony est très bon coach. Il m’a notamment appris à faire une figure de rampe qui s’appelle invert. Il me donnait des conseils, “mets plus la tête comme ça, mets ta main entre les jambes, tu y arriveras mieux”… Il me filmait, on regardait les vidéos… Du coup j’ai posté une vidéo sur Instagram en mettant : “filmé par Tony Hawk, merci !” Tu imagines, il t’apprend à faire un THE RED BULLETIN


Skateboard

Ce dont tout jeune désirant vivre de sa passion pourrait rêver : un boss de sa discipline dispo pour échanger. Et l’écouter.

journée, car comme dit IAM, “Demain c’est loin”. J’essaie d’être une meilleure personne chaque jour, de toujours progresser. Des fois, j’y arrive, des fois non. J’apprends des choses, même si je ne m’en rends pas compte immédiatement. » On ne pouvait ­discuter avec un Marseillais sans qu’il ne fasse référence au rap local, dont les anciennes comme les nouvelles générations l’inspirent. « J’aime bien Jul, parce qu’il est très connu mais il est ­super humble. Il sait que c’est grâce à ses fans qu’il en est là. J’aimerais vraiment le rencontrer. Aussi, j’aime bien Stallone, il est parti de rien, et tu vois où il est arrivé ? Jul ou Stallone ont su saisir leur chance, ils ont provoqué leurs opportunités. Ils ont bossé, bossé. » L’Ovni et Rocky, le rap et le ciné d’action, des cultures populaires d’envergure mondiale. Tony Hawk a fait carrière dans une scène qui n’a pas bénéficié à ses débuts d’un rayonnement auprès du grand public, et lui et quelques autres ont contribué à faire du skate un phénomène planétaire, Hawk devenant son icône ultime, une silhouette et un nom qui veulent dire skateboard. Vincent évoque un épisode charnière dans la carrière de l’Américain. « Avant de rentrer son fameux 900, Tony n’était connu que dans le monde du skate, c’est en le faisant qu’il a été connu dans le monde entier. » Avec cette rotation de 900 degrés au-dessus d’une rampe, réalisée lors des X-Games de San Francisco en 1999, Hawk a en effet montré que le skate pouvait passer des paliers de performance insensés, et méritait plus d’attention. En 2021, sa notoriété n’est plus à faire, mais il l’utilise désormais au service des nouvelles générations, qu’il soutient en les mettant en avant sur ses réseaux sociaux. « J’aime connecter avec les nouveaux talents et les nouveaux styles, j’aime les amplifier, les montrer au monde. Si je vois quelqu’un développer une nouvelle technique, je veux soutenir cette personne. C’est pareil avec Vincent, car ce qu’il fait est impressionnant. Et il est tellement fier de son histoire, de sa ville de Marseille et de son bowl. C’est vraiment très cool. » Un cercle vertueux que Hawk a contribué à dessiner : innover dans le skate et motiver de nouveaux talents des décennies durant, et se faire plaisir en les mettant en avant, tout en motivant une scène en régénération permanente. Vincent est au cœur du processus, reconnaissant : « Les gars comme Tony, qui sont au top du top, nous ont ouvert la voie, pour qu’on fasse quelque chose de plus grand qu’eux. Et ils sont admirables parce qu’ils n’avaient pas forcément quelqu’un pour leur montrer la voie. »

Madonna et Sean Penn tricks qu’il a inventé ! » De quoi motiver le Marseillais, dont le « ­Birdman » apprécie l’approche hétéroclite : « Vincent n’est pas défini par la vert’ (la rampe, ndlr), la pool (le skate de bowl, ndlr) ou le street. Il fait de tout, et pour moi c’est inspirant, parce que nous avons besoin de plus de… (il hésite) nous avons besoin de moins de division dans le skateboard et Vincent est quelqu’un qui pourrait combler ce fossé. C’est un bon skateur dans un sens global, et c’est ça que nous devons voir davantage. Il a une bonne attitude, il aime son aventure, il n’est pas focalisé sur une idée de carrière. S’il continue à se lancer des défis, il peut aller beaucoup plus loin qu’il ne l’a jamais imaginé. »

900 degrés

Avec trente ans de moins que l’Américain, Vincent a une approche plus direct de sa carrière, un mot qu’il n’emploie en effet jamais à propos de sa vie de skateur. « Je me focus sur ma THE RED BULLETIN

Au contact de Hawk, c’est l’histoire de sa passion, de sa culture que côtoie notre évadé de STAPS. « Il connaît tout du skate, et si on en est là aujourd’hui, c’est grâce à lui. Tous les tricks en bowl, tous les air, c’est lui qui les a inventés. On dit qu’il a inventé 150 tricks… Il a créé un tricks qui s’appelle Madonna parce qu’il avait un tee-shirt Madonna le jour où il l’a fait la première fois. Et l’une des variantes du Madonna s’appelle Sean Penn, parce qu’à l’époque, Madonna sortait avec l’acteur. Il a plein de trucs à raconter, il a tout vu dans le skate, tout entendu. Il a même eu un grand jeu vidéo à son nom. Ça fait plaisir d’entendre parler quelqu’un qui connaît vraiment ce qu’il raconte, qui était là quand ça s’est passé. » La chose que Vincent n’a probablement pas encore entendue de la bouche de Tony, c’est son secret tricks, qu’il nous livre en fin d’entretien : le secret de sa réussite. « Mon secret ? (Hawk se marre.) Il peut s’appliquer aux personnes qui skatent, voyagent ou font du business : SOYEZ À L’HEURE ! »   65


LE

UN RÊVE DEVENU RÉALITÉ

La star du freerun Pasha Petkuns, 28 ans, sur le plus gros flipper de Londres.

FLIPPER HUMAIN


Freerunning

« Je me fiche de ce que l’on peut penser de moi ! » Ainsi va la vie pour P ­ AVEL « PASHA » PETKUNS qui s’est vu catapulté dans l’Olympe des freerunners, et dans un mariage heureux avec une star du porno. Son dernier exploit : il joue la bille dans un flipper géant de 20 mèters de haut. Texte HOWARD CALVERT Photos LEO FRANCIS

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Freerunning

C

haque enfant rêve de ce qu’il veut devenir lorsqu’il sera grand : athlète, musicien, enseignant ou vétérinaire. Pasha Petkuns voulait être une Tortue Ninja. Comme tant d’enfants dans les années 1990, ce jeune de Daugavpils, en Lettonie, était un fan de ces super­héros qui habitent les égouts. « J’avais l’habitude de jouer aux Tortues Ninja avec mes amis, nous imitions tous leurs mouvements, se souvient-il. Et tous les jours à quatre heures, nous rentrions chez nous en courant pour voir la série à la télé. » Pasha s’identifiait particulièrement à Raphaël, « la tête brûlée ». Tout le monde s’en doute, Petkuns n’est pas devenu une Tortue Ninja. Mais il a suivi l’exemple de son héros-antihéros à d’autres égards. Aujourd’hui, à 28 ans, Petkuns est un casse-cou de la vie réelle, l’un des plus grands freerunners au monde – un sport qui allie la gymnastique aux arts martiaux et aux mouvements de break dance pour transformer les villes en terrains de jeux. La sortie, en 2009, d’un showreel auto-produit lui apporta une certaine reconnaissance dans le milieu du parkour, et ce qui s’en est suivi a fait de lui une superstar. Après trois victoires consécutives (une fois en 2011, deux fois en 2012) aux Red Bull Art of Motion – une compétition mondiale de freerunning et de parkour – il décrocha deux victoires lors de la Coupe du Monde de parkour. Ce succès lui valut le surnom de « The Boss », et depuis, ses vidéos époustouflantes sur TikTok attirent plus de 5,2 millions d’abonnés. Un rebelle ? Sans aucun doute. Une tête ­brûlée ? Pas tant que ça. Malgré son art de la mise en scène, Petkuns est avant tout un rêveur. Et il y a quelques années, un nouveau rêve a commencé à prendre forme dans sa tête... 68

ACCROCHE-TOI !

Petkuns s’agrippe au flipper de 20 mèters de haut construit à la verticale.

THE RED BULLETIN


MULTIBALL

Les clones de Petkuns sur une même photo grâce à des retouches iconographiques.


C

ela commence par le réveil du Letton à l’intérieur d’un flipper géant. Tout d’un coup, le piston le projette vers le haut – car Petkuns est la bille ! Désorienté, le petit freerunner s’active pour comprendre ce qui se passe alors qu’il rebondit sur les bumpers. Comme toutes les tables de flipper, celle-ci aussi a un thème : les monuments du monde entier. Petkuns s’agrippe à la Tour Eiffel avant d’en tomber, glisse le long de la Grande Muraille de Chine et atterrit sur une pyramide Maya. Chaque fois qu’il tombe entre les batteurs, il est à nouveau projeté dans le jeu, où il s’adapte rapidement en glissant, se basculant et pivotant autour des obstacles. « Coupez ! », crie le réalisateur Mike Christie, et un Petkuns épuisé repasse entre les grands batteurs mécaniques – chacun actionné par deux hommes costauds – pour atterrir sur un tapis de sécurité. « C’est mon rêve depuis longtemps », commente Petkuns à propos de sa vision. Nous sommes en mai 2020. À l’intérieur d’un hangar caverneux au nordouest de Londres, sous les projecteurs, se dresse le monument : un mur haut comme cinq étages, incliné à 45 °, représentant une table de flipper surdimensionnée, avec des bumpers qui brillent, des rails, et ces batteurs géants. Le tout pour 23 000 kilos. Un caméraman est assis au bout d’une nacelle élevée au maximum, tandis qu’un drone muni d’une caméra plane au-dessus de l’installation. C’est un projet de film depuis une bonne décennie. « Le plus grand défi, c’était l’ingénierie », explique Mike Christie, celui-là même qui a produit Imaginate, la vidéo tout aussi surréaliste et enjouée de la légende de vélo trial Danny MacAskill, en 2013. « Il nous a fallu huit mois pour trouver comment construire ce flipper. La plupart des entreprises que nous avons approchées trouvaient l’idée amusante, mais disaient que nous étions fous. » Petkuns explique que lorsque vous vous trouvez sur la surface inclinée, vous avez l’impression d’être debout et couché en même temps. Sur les moniteurs, nous regardons Petkuns s’arrêter à mi-prise pour se servir une canette de Red Bull, mais la gravité crée une illusion d’optique, comme si le liquide s’écoulait latéralement. « Je joue avec la gravité, dit-il. Le premier jour, je me suis vraiment demandé ce que je faisais là. Le mur était énorme, irréel. Les constructeurs ont commencé par dire : “Ça ressemble à un drôle de jeu.” Mais pendant le montage, ils se sont repris : “Ce n’est pas un jeu, c’est une machine à tuer.” J’ai bien réfléchi : “Je suis prêt. Je me suis entraîné et je sais que je vais me régaler. Je sais ce que je fais.” Il m’a fallu quatre semaines pour arriver à contrôler ma vitesse. Je fais plus que juste sauter contre un mur. Je surfe dessus, littéralement. » Pendant son adolescence, la fascination de Petkuns pour les Tortues Ninja a été remplacée par 70

UNE DINGUERIE DEVENUE RÉALITÉ

Il a fallu trois ans pour développer et tester cette monstrueuse machinerie avant de pouvoir la construire.

Petkuns revoit la séquence avec le réalisateur Michael « Frosti » Snow.

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Freerunning

« Le premier jour, je me suis demandé ce que je faisais là. C’était surréaliste. » de nouveaux modèles : Jackie Chan, Jean-Claude Van Damme et les stars du cinéma muet comme Buster Keaton ou Charlie Chaplin. « J’essayais d’imiter leurs sauts et leurs mouvements. À l’âge adulte, j’ai réalisé qu’il y avait tellement de choses à apprendre – ce sont eux qui ont commencé à expérimenter le mouvement. En revoyant ces films muets maintenant, je me sens comme un archéologue découvrant et travaillant sur la façon dont ils ont fait leurs mouvements. » L’aspect comique de ces films est quelque chose que Petkuns a ajouté à son style de freerunning ; combiné avec son don pour l’acrobatie, ça l’a aidé à attirer son énorme public sur les médias sociaux. « Le mouvement, c’est une manière de communiquer car il est omniprésent. C’est ce que nous faisons : raconter des histoires par le mouvement, un domaine illimité à explorer. »

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DU TRAVAIL ACHARNÉ

Un caméraman perché sur une nacelle capture les tricks de Petkuns pour une perspective surélevée.

THE RED BULLETIN

u milieu des années 2000, alors que l’intérêt de Petkuns pour les performances artistiques et la déconstruction anatomique grandissait, il était attiré par les premières vidéos de parkour sur YouTube. L’une s’est avérée être une révélation : un clip de 2006 intitulé The Russian Climber, avec le pionnier letton du parkour Oleg Vorslav. Petkuns dit l’avoir visionné « au moins mille fois ». Il s’est fixé pour objectif d’apprendre à faire un gainer, un backflip effectué en avançant, tout en se constituant une réserve de figures. « Les tricks étaient ma monnaie. Je ne voulais pas être un freerunner classique, je voulais être différent. » Petkuns pense que son penchant pour la prise de risques est de famille. Il se souvient de la fois où sa mère a sauté de leur balcon du deuxième étage après s’être enfermée dehors. « Elle s’est accrochée au balcon et elle a sauté. En atterrissant, elle s’est pris le genou dans l’œil. Elle comprend parfaitement ce que je fais : elle a toujours dit que si elle était plus jeune, elle essaierait avec moi. » Assez vite, Petkuns se met à participer à des compétitions, mais ce n’est que lorsqu’il cesse de suivre les règles du freerunning que son travail est remarqué. « Les gens me disaient que je devais apprendre les choses d’une certaine façon. Ce genre de commentaire m’agaçait. Si je veux glisser sur la tête, je le ferai. Qui dit que je ne pourrais pas ? On se met des limites tout seul en prétendant qu’on ne peut faire les choses   71


Freerunning

VISITE EN COUP DE VENT

Le freerunner traverse l’Argentine lors de son tour du monde en flipper.

« Si je veux faire un slide sur la tête, je le ferai. Qui a dit impossible ? » que d’une certaine manière. Le corps est un instrument et c’est toi qui en joues. » Les victoires lors de compétitions mondiales se multiplient et, peu après, ce fan de films d’action est courtisé par Hollywood. Petkuns déménage à Los Angeles et y travaille comme cascadeur, notamment dans 6 Underground de Michael Bay en 2019, et Wonder Woman 1984 de Patty Jenkins l’année dernière. Il fait une apparition au Cirque du Soleil. Il ne lui manquait que son propre blockbuster. Les origines du projet de flipper de Petkuns remontent à 2010, après la construction d’un nouveau pont à Daugavpils. « Ce pont avait des murs inclinés, se souvient-il. Nous avons commencé à ­glisser en dessous, et il y avait des colonnes sur ­lesquelles on pouvait rebondir. Puis quelque chose a fait tilt dans ma tête : et si on ajoutait des rails et des obstacles et qu’on faisait des flips ? J’ai appelé cela le “freesliding”. Je pensais que ce serait un truc de malade de construire un mur énorme avec des 72

obstacles dessus. » C’est avec un téléphone mobile Nokia 3200 que tout démarre. « Il y avait un jeu de flipper dessus, et j’ai réalisé que le freesliding y ressemblait, poursuit Petkuns. J’adorais le fait que le flipper soit si aléatoire. Quand nous avons commencé à travailler sur le projet, j’ai associé le flipper à la vie – elle nous envoie par-ci par-là et nous n’avons qu’à rebondir. » C’est le directeur sportif de Red Bull Art of Motion, Nico Martell, qui permettra à Petkuns de concrétiser son idée. « Je lui ai dit : “Un mur incliné en guise de flipper? Go !”, rigole Martell sur le plateau du tournage. Il a fallu trois ans de développement et de tests pour y arriver. Quand on est en haut du mur et qu’on regarde vers le bas, c’est là qu’on réalise à quel point c’est fou. » Pasha Petkuns reprend place dans le flipper pour une nouvelle prise. L’ambulancier, Chris Hewitt, se tient prêt avec des sacs de glace. « Je dois penser au pire, anticiper que Petkuns se casse une jambe par exemple, ou qu’il se blesse à la tête. » En 2013, il s’est déjà disloqué le coude en atterrissant sur un trampoline. Il voulait exécuter un flip à quatre twists. Un clip Instagram, cumulant plus de 500 000 vues, montre un Petkuns hurlant à l’agonie pendant qu’on lui replace l’avant-bras. « C’était horrible, se souvient-il. Je venais juste d’annoncer que je voulais en faire un dernier. Il faut respecter le danger du sport et être responsable. On ne peut pas déconner et ­penser qu’on est en mesure de tout contrôler. Il faut accepter que certains tricks sont irréalisables et ­passer à autre chose. »

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ujourd’hui, sur le plateau, il échappe de ­justesse à la mise en stand-by de son projet. Alors qu’il effectue une figure apparemment simple, une douleur vive dans la main le stoppe. L’équipe ne prend aucun risque et interrompt le tournage. Huit heures plus tard, Petkuns sort d’un service de chirurgie orthopédique dans le nord de Londres. « Ce n’est pas cassé, rayonne-t-il, levant son pouce blessé. Je suis toujours heureux quand je surmonte une blessure. Cela signifie que je sais ce qui peut arriver et comment y faire face. » Être propulsé dans tous les sens à l’intérieur d’un flipper géant semble une métaphore bien choisie pour les défis que l’univers a lancés à Pasha Petkuns ; peu importent les pirouettes, le Letton conserve une conception simple de la vie. « Si tu veux être un gosse, sois un gosse. Si tu veux construire un flipper géant de 20 mètres de haut, tu en es capable. Fais ce qui te rend heureux. Tu ne dois écouter personne, juste faire ce que tu fais. C’est ton moment – alors savoure-le ! » Le film Human Pinball de Pasha Petkuns sort le 24 septembre. Visionnez-le en scannant ce QR code ou rendez-vous sur Red Bull TV ; redbull.com THE RED BULLETIN


l z e viv

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a s e n u ’ d

NOUVELLE FORMULE D’ABONNEMENT 2021-2022


NÉE POUR LE RIDE La jeune athlète ­Khothalang Leuta en juillet 2021 sur un circuit de pump track de son pays, le Lesotho.


Vélo

La course de sa vie À 18 ans, KHOTHALANG LEUTA, la rideuse la plus rapide du Lesotho, est en route vers le sommet de la scène mondiale du pump track. Portrait d’une femme qui se bat contre les ­préjugés, et change la face d’une ville entière. Texte LEE NXUMALO  Photos TYRONE BRADLEY

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Vélo

À

première vue, Khothalang Leuta ressemble à une jeune fille timide ayant tout juste atteint la majorité. Mais dès qu’elle met le pied sur le pump track de sa petite ville natale de Roma, au Lesotho, un pays de deux millions d’habitants situé dans le sud de l’Afrique, tout change : son pas devient plus rapide, ses yeux se mettent à pétiller. Sur cette piste cycliste d’un genre particulier, avec ses bosses et ses virages relevés, tout tourne autour d’une tension corporelle maîtrisée à la perfection. Ici, la vitesse n’est pas générée par la puissance musculaire pure mais par l’harmonie avec la piste. Dans la communauté, on parle du flux ­ultime. C’est là que Khothalang Leuta est dans son élément. Et elle prouve de manière impressionnante jusqu’où ce flux peut vous porter.

Quand on sait où l’on veut aller, peu ­importe d’où l’on vient. Elle a rapidement dominé régulièrement les tournois de sa région ainsi que, de plus en plus, au niveau international : en 2019, elle a terminé quatrième de la catégorie féminine des qualifications du championnat Red Bull à Pretoria, en Afrique du Sud. Ce qui signifiait une qualification aux championnats du monde UCI de pump track Red Bull 2021 qui auront lieu au Portugal à la mi-octobre. Khothalang Leuta avait sept ans quand elle a commencé à faire du BMX. Au début, c’était plus un jeu qu’un sport. Mais un jour, près de son école, elle a observé un camion-benne, quelques camionnettes et des hommes en sueur qui pelletaient de la terre et poussaient des brouettes chargées. Ils posaient les

TRAILBLAZER Leuta a été la première fille de Roma assez courageuse pour rouler avec les garçons sur la piste. Depuis, son succès a inspiré de nombreuses autres personnes à suivre les traces de ses pneus et à se lancer dans ce sport. 76

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LA DISCRÈTE

Khothalang Leuta lors du shooting photo pour The Red Bulletin au Lesotho, à Bocheletsane.

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Vélo

fondations du pump track à venir qui allait changer le cours sa vie. La piste fait 157 mètres de long, compte sept virages relevés et trois bosses. « Le pump track me faisait peur au début, mais je tenais absolument à l’essayer, dit la jeune fille. Le fait que cette discipline n’attirait que des garçons a aussi boosté ma motivation. » « Au début, nous avons vraiment eu du mal à faire venir les filles du coin sur la piste, et à les inciter à prendre un vélo pour essayer de rouler », renchérit Maryke Zietsman, responsable de la communication chez le fabricant suisse de pump track Velosolutions. « Ce n’était tout simplement pas courant culturellement parlant pour les filles de faire du BMX. Nous avons dû nous battre contre ce préjugé qui veut que le vélo ne soit réservé qu’aux garçons. Je suis très heureuse que nous y soyons parvenus. » Le pump track de Roma fait partie de l’initiative Pump for Peace menée par Claudio Caluori, l’ancien professionnel suisse de descente.

Sa société, Velosolutions, construit toutes sortes de pump tracks à divers endroits de la planète, allant des pistes professionnelles pour les compétitions internationales aux circuits plus petits dans les régions plus pauvres du globe, voire même dans les zones de guerre. L’objectif de Pump for Peace est de rendre le vélo plus accessible, notamment aux enfants. Claudio Caluori a eu cette idée lorsque Velo­solutions a été chargée de construire une piste dans la zone frontalière très pauvre située entre la Thaïlande et le Cambodge. « Quand nous avons terminé l’installation au Cambodge, tous les enfants sont arrivés aussitôt pour rouler sur la piste avec tout ce qu’ils avaient pu trouver, se souvient-il. Certains avaient de vieux vélos rouillés, d’autres n’avaient même pas de pédales, mais ils roulaient quand même. J’en avais les larmes aux yeux. C’est à ce moment-là que je me suis dit que nous devions faire en sorte que cela soit possible partout dans le monde. »

BONNE LANCÉE Leuta vise la victoire aux championnats du monde Red Bull UCI de pump track, qui se dérouleront à Lisbonne en octobre.

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THE RED BULLETIN


APPROFONDIR SES BASES

Sur l’une des autres pistes du Lesotho, à Mantsonyane.

Khothalang ­Leuta est un monstre de ­vitesse qui a plus d’un tour dans son sac. THE RED BULLETIN

Un projet bénéfique pour la communauté

Le premier projet de Pump for Peace a été l’installation du circuit de Roma. La construction a duré un peu moins de quatre ­semaines. Ce fut un grand défi pour ­Caluori et son équipe car les machines et les équipements adéquats étaient difficiles à trouver dans une région aussi reculée. L’équipe a finalement reçu l’aide des habitants de la ville qui ont fourni des matériaux, ou tout

simplement donné un coup de main : le pump track est devenue un vrai projet communautaire. Les habitants de Roma s’occupent eux-mêmes de l’entretien de la piste. « Dès que la piste a été terminée, la communauté est devenue très active, se ­souvient Claudio Caluori. Les gens ont organisé un système de prêt de vélos pour les enfants, ont maintenu la piste en bon état et mis sur pied de petits ­événements chaque semaine. Le tout   79


Vélo

à Roma. Il loue et répare des b ­ icyclettes à prix raisonnable. Tel est son leitmotiv : tout le monde doit pouvoir faire du vélo, les pauvres comme les riches. On peut croiser Khothalang à la boutique, car elle y vient souvent. Elle-même fait partie de la clientèle qui loue un vélo ici. « Khothalang a été la première fille à s’intéresser au pump track, se remémore Makhetha. Je la connais depuis qu’elle a commencé à faire du vélo. Mais je ne pensais pas qu’elle s’accrocherait car la plupart des filles ne sont pas aussi intéressées par le sport que les garçons. Honnêtement, je ne pensais pas qu’elle atteindrait un jour le niveau qu’elle a aujourd’hui. »

Admirer, essayer, répéter, puis y arriver

LE TERREAU Leuta a commencé à faire du vélo à l’âge de sept ans ; (en bas) Karabelo Mohapi, un ami proche et compagnon de route sur le pump track de Roma.

« Khothalang travaille dur, elle nous motive et inspire les filles. » Mosito Mohapi 80

a grandi et est devenu bien plus qu’un simple pump track. » Tumelo Makhetha a alors coordonné les volontaires. « Je me souviens très bien du jour de l’asphaltage, raconte-t-il. Nous devions donner au sol la bonne forme, puis l’asphalter. Nous y avons consacré des heures de travail intense. » Outre son ­travail de gestionnaire d’événements, Makhetha dirige un magasin de vélos

Plus Leuta passait de temps sur le pump track, plus elle devenait obsédée. La jeune fille regarde souvent des vidéos de riders du monde entier sur YouTube et essaie de réaliser leurs tricks sur la piste. Si Leuta est connue comme un monstre de vitesse, elle a plus d’un tour dans son sac. De temps en temps, vous pouvez la voir sauter par-dessus des rampes, des jumps qu’elle combine avec une conduite créative ou son trick, le mega manual. Avec tout le temps passé sur la piste, elle s’est fait de bons amis parmi les autres riders, les meilleurs étant Kopano Matobo, Mosito Mohapi et son cousin Karabelo Mohapi. Leuta connaît ces trois-là depuis qu’elle est toute petite, mais la véritable amitié ne s’est créée qu’avec la piste. Bien sûr, aucun des garçons n’est épargné par l’ambition de Leuta. Tous les quatre discutent constamment pour savoir lequel d’entre eux est le plus rapide. Leuta a déjà battu Kopano Matobo et ­prétend avoir également battu Mosito Mohapi. Quand on l’interroge à ce sujet, il nie tout, avec le sourire. « Khothalang travaille dur, reconnaît-il, elle nous motive et inspire les filles de chez nous. » Mosito se rendra au Portugal avec son amie et adversaire. Il s’agira de sa deuxième participation à une Coupe THE RED BULLETIN


GRAISSAGE DE ROUE Le magasin de vélos de Tumelo Makhetha propose des VTT et des BMX à la location,

­ainsi que des réparations à faible coût. Ainsi, les cyclistes locaux ne sont pas exclus financièrement de ce sport.

« Mon père m’a appris à ne jamais abandonner, à continuer d’essayer. » Khothalang Leuta

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du monde. Lors de la dernière édition qui s’est tenue en 2019 en Suisse, il s’est hissé dans le top trente. Khothalang Leuta était aussi de la partie à ce moment-là, mais elle a manqué de peu la qualification. Une expérience amère, mais elle ne s’est pas laissée ­décourager. Au contraire, cela l’a motivée à faire encore mieux : « Je me suis entraînée presque tous les jours après l’école, même le week-end, pour la qualification suivante. » Leuta attribue sa confiance, sa détermination et sa volonté à son père, qui a été une figure très importante dans sa vie. « Il avait le cœur sur la main et s’occupait tellement de moi, raconte-t-elle. Il m’a appris à ne jamais abandonner, à continuer d’essayer. Et il m’a enseigné la réparation de vélos. » Le père de Leuta est mort dans un accident de voiture en 2010. Elle venait d’entrer à l’école primaire à l’époque. Il lui manque, mais ses valeurs continuent de guider sa vie. « Il serait tellement fier de moi s’il me voyait maintenant, poursuit Leuta. Il m’a toujours dit de faire ce que je voulais et

de ne laisser rien ni personne m’empêcher de faire de mon mieux. » Le championnat du monde UCI de pump track Red Bull revêt donc une importance très particulière pour elle – c’est un souvenir et une sorte d’hommage à son père, une façon de rendre sa famille fière d’elle. Khothalang Leuta se réjouit de ce voyage au Portugal car c’est la première fois qu’elle prendra l’avion. Elle sait qu’elle n’incarne pas uniquement son propre rêve, elle représente une ville entière qui l’admire. « Beaucoup de gens sont fiers de moi et me soutiennent, dit Leuta. Je suis une inspiration pour de nombreuses filles dans mon pays. C’est un sentiment très gratifiant, et j’espère juste pouvoir faire de mon mieux. J’ai toujours voulu aller à l’étranger et vivre de nouvelles expériences. Alors j’espère que lorsque je concourrai, je pourrai faire en sorte que tout le monde s’émerveille de ce dont une fille de Roma est capable. » La vidéo The Fastest Girl in the Village est sur Red Bull TV.

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RED BULL FLUGTAG 2021.

SUR LES AILES DE L’IMAGINATION.

19 SEPTEMBRE, LAUSANNE, BELLERIVE-PLAGE

Les chevaliers du ciel les plus fous de Suisse reprennent enfin leur essor ! À partir de 13 heures, les intrépides pilotes monteront dans leurs machines volantes avant d’amerrir dans le lac Léman. Vous ne voulez pas manquer ça ? Ouverture des portes à 11 heures, toutes les infos sur les vols sont sur :

www.redbull.ch/flugtag


PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée

LE PLAISIR DES GLACIERS

LOIC MEILLARD

Du ski d’été dans la région la plus ensoleillée de Suisse

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PERSPECTIVES voyage

« Le glacier est un monde à part. Loin de la vie de tous les jours et très proche du soleil. » Loïc Meillard, 24 ans, skieur de compétition

J

ai grandi avec une vue sur le ­Cervin. C’est pourquoi cette montagne m’est familière depuis mon enfance à Hérémence. Je m’entraîne sur le glacier du Théodule chaque été ­depuis 2005. Et de là, je vois encore une fois notre emblématique Cervin, cette fois sous un angle légèrement différent. De plus, cette région de glaciers au-dessus de Zermatt est l’un des rares endroits des Alpes occidentales où nous pouvons nous entraîner hors saison. Il y a ­aussi Saas-Fee, une station alternative près de la frontière italienne. Zermatt n’attire pas seulement pour nous, les Suisses : chaque ­année, plus de 100 équipes provenant de 22 pays viennent s’entraîner ici. Et la région est également un véritable aimant pour les amateurs. On me demande parfois si les équipes de ski et les touristes ne se marchent pas sur les pieds. Mais il y a suffisamment de place pour tout le monde sur le vaste glacier. Les pros utilisent les pistes d’entraînement qui leur sont réservées à gauche et à droite du téléski T-bar sur 84

Du soleil, du ski, et le Cervin : le domaine skiable du glacier est accessible toute l’année.

C’est un départ : le skieur pro Loïc Meillard à l’entraînement sur le glacier du Théodule . THE RED BULLETIN


Le trajet dans les téléphériques de Zermatt offre des vues sur les glaciers et les sommets de 4 000 m. Loïc Meillard se rend à l’entraînement tôt le matin, avec la première télécabine à 6 h 30.

MICHAEL PORTMANN, LOIC MEILLARD, PEDRO RODRIGUEZ, ZOE CHASTAN/SWISS-SKI SIMON SCHREYER

le Plateau Rosa. Les skieurs « civils » ­ isposent, eux, de toute la longueur et la d largeur des autres pistes pour échapper à la chaleur de la vallée. Au total, 21 km de pistes sont ouvertes jusqu’à la fin de l’été. En hiver, on atteint carrément 360 km, et tout cela jusqu’à 3 900 m au-dessus du niveau de la mer.

Comment s’y rendre En voiture : de l’est, par la route principale 19 ; de l’ouest, par la route principale 9. L’embranchement au sud se trouve à Visp. En train : le Matterhorn-­ Gotthard-Bahn vous ­emmène de Zurich à Viège en 2 h 30, où vous changez pour un train à voie étroite. Le célèbre Glacier Express relie directement St. Moritz à Zermatt. matterhornparadise.ch THE RED BULLETIN

Zurich Berne

Suisse

CANTON DU VALAIS Sion

Zermatt

Bon à savoir Zermatt est interdite aux ­voitures, été comme hiver, depuis 1931 ! Lors de votre visite, vous pouvez laisser votre voiture dans le parking à étages de Täsch. De là, la station de montagne au pied

du Cervin est accessible en 12 minutes environ en train. À Zermatt, des e-taxis et des navettes conduisent les clients aux stations de la vallée.

La fortune sourit à ceux qui se lèvent tôt Ma recommandation : se lever tôt ! Car vous risqueriez sinon de vous retrouver dans la neige duveteuse, ce qui n’est pas idéal pour skier. Profitez plutôt des pistes lorsqu’elles sont fraîchement ­damées, et que la neige accroche bien. À partir de 10 h 30 environ, elle est trop molle. Nous, les athlètes, prenons donc généralement les premières gondoles à 6 h 30. Les trois téléphériques qui vous emmènent dans la vallée ont une capacité suffisante et leur fonctionnement est parfaitement fluide. Depuis la télécabine, la vue exceptionnelle dévoile les langues glaciaires et les sommets   85


PERSPECTIVES voyage

culminant à 4 000 m : un monde à part, loin de la vie de tous les jours et très proche du soleil. Notre restaurant favori pour déjeuner est le Furri, juste à côté de la station intermédiaire, à mi-chemin du glacier. Le propriétaire s’appelle Furri Sepp ; il est célèbre pour ses rösti copieux avec des œufs et du fromage des Alpes. Comment bien terminer une journée de ski à Zermatt ? De retour dans la vallée, mes collègues et moi nous prélassons une petite heure à l’hôtel avant nos séances de débriefing, de physiothérapie, ou de fitness.

Après la formation, le plaisir Mais le café et les gâteaux font aussi partie intégrante de ma routine quotidienne. Mon conseil : le café Petit Royal avec le meilleur gâteau aux carottes du coin et son délicieux thé glacé fait maison. La patronne, Aleksandra, donne à ses clients l’impression d’être comme à la maison. Le soir, j’aime beaucoup 86

« Levez-vous tôt ! Vous profiterez des pistes fraîchement damées. »

­ ller dîner dans un restaurant japonais : a Fuji of Zermatt. On peut y admirer Sam, le maître sushi, à l’œuvre. Ce qui est unique dans le ski sur glacier durant les mois chauds, c’est de passer de la douceur de Zermatt (25 °C), à la fraîcheur hivernale en trente minutes. Pour les freestylers, le Snowpark Z ­ ermatt joue sur tous les tableaux : slopestyle, proLine, triple station et rail garden, transitions et ­mini-pipe. Le Shred Coffee propose des snacks et un DJ assure l’ambiance musicale toute la journée. En dehors du ski, les visiteurs ont la possibilité d’explorer la zone alpine en vélo électrique ou en VTT, ainsi que lors de randonnées à pied, à ski ou en raquettes. Les excursions en hélicoptère avec Air Zermatt sont une ­expérience inoubliable et les alpinistes sont au paradis ici.

Loïc Meillard, 24 ans, skieur de compétition loicmeillard.ch ; matterhornparadise.ch THE RED BULLETIN

ZOE CHASTAN/SWISS-SKI, LORENZ RICHARD/RED BULL CONTENT POOL

De Zermatt en été, par 25 °C, aux pistes : Loïc Meillard lors d’un entraînement sur glacier.


partICIpe aU DÉFI ULtIme De Gps traIL rUNNING

1er août - 30 septembre 2021 Deviens membre du Red Bull Switzerland Club sur Strava Sélectionne une crête à couper le souffle Essaie de battre les temps des athlètes professionels Judith Wyder ou Rémi Bonnet Infos & inscriptions sur

redbull.Com/ridges Hoher Kasten – Fronalpstock – brienzer rothorn – Jakobshorn – rinerhorn Weissfluhgipfel – Lägern – Chasseral – Moléson – Mont de l’Arpille – Monte Bré


PERSPECTIVES montre

PORTER

Décoder 007 Qui est Bond ? C’est la question que s’est posée l’horloger ­Omega pour réaliser la dernière montre du super espion...

Omega a créé une Seamaster que porte James Bond dans chaque film de la série depuis GoldenEye en 1995. Pour la dernière aventure de 007, Mourir peut attendre, l’horloger a pu compter, pour le développement, sur la

L’acteur Daniel Craig a participé au développement de la montre.

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­ récieuse collaboration de p Daniel Craig, l’interprète de Bond. « J’ai fait quelques suggestions et ils les ont suivies », dit-il à propos de son Omega Seamaster Diver 300M 007. Craig a proposé l’ajout d’un bracelet NATO et l’utilisation de titane, plus léger, au lieu de l’acier inoxydable : « La différence n’est que de quelques grammes mais je peux la porter sans même y penser. » Omega a doté la montre d’un cadran et lunette couleur brun tropical. Elle présente une luminescence vintage fauxtina pour indiquer où se trouve 007 au début du film, et dans sa vie. « En Jamaïque, sur son bateau, à la retraite en quelque sorte, explique Craig. C’est tout à fait logique. »

Ensuite, le lien avec l’armée est un rappel de l’histoire de l’auteur Ian Fleming qui voyait Bond comme un ancien commandant de la marine. Audessus de l’indicateur de six heures figure une flèche, un signe qui apparaît sur toutes les montres de l’armée britannique et qui est reproduit sur le fond du boîtier au-dessus du chiffre 0552 (le code du personnel de la marine), 923 7697 (indiquant une montre de plongée), A (pour une couronne vissée) et 007 62 (l’indicatif d’appel de Bond et l’année du début de la série de films). Pratiquement tous les thèmes de Bond – de l’original emblématique de Monty ­Norman, à Radiohead et Sam Smith, en passant par No Time To Die de Billie Eilish – contiennent un code caché : quatre accords simples, l’harmonie d’ouverture. Des codes secrets perceptibles par tous. C’est l’essence même de James Bond. Mourir peut attendre le 30 septembre à l’affiche ; omegawatches.com THE RED BULLETIN

TOM GUISE

La montre de OO7 doit incarner son identité.

OMEGA

C’est à un très haut niveau d’exigence qu’a été confrontée la maison Omega en devenant le fabricant de la montre personnelle de 007, car, comme sa voiture et sa tenue, elle doit incarner son identité. Bond est un homme de contrastes : distingué et courageux, glamour et discret, ses accessoires sont la propriété des services secrets de la Couronne. L’horloger suisse a parfaitement répondu à ces attentes, avec sa ligne de montres de plongée Seamaster 1957, inspirée de celles de la marine britannique de la Seconde Guerre mondiale. Chic, élégantes, et fonctionnelles.

Le détail : la flèche (bas du cadran) est l’une des caractéristiques des montres militaires britanniques.


PERSPECTIVES agenda Un terrain impraticable et une montée finale qui constitue un véritable défi : les participants donnent tout.

16 OCTOBRE

Par monts et par vaux DOM DAHER/RED BULL CONTENT POOL(4), LORENZ RICHARD/RED BULL CONTENT POOL SIMON SCHREYER

Red Bull Conquête du Château est une course de trail avec une pointe d’aventure. Nous avons suivi le Suisse Rémi Bonnet à la trace. Quinze kilomètres de course à ­travers forêts et prairies à la conquête d’un château. On dirait le rêve d’enfance d’un chevalier. C’est précisément le but de Red Bull Conquête du Château, une course d’aventure qui a lieu pour la deuxième fois cette année. Les trailrunners doivent se frayer un chemin à travers toutes sortes d’obstacles : la boue, les broussailles et le flanc de la colline du château, incliné à 45 °. Le départ pour les participants attendus est donné au bord du lac de ­Morlon, l’arrivée au château de Gruyères, vieux de 750 ans. Qui sera le premier à conquérir ce château ? L’événement aura lieu le 16 octobre dans le district de la Gruyère (FR). 1 500 places au départ. Date limite d’inscription : le jour de la course. redbull.com THE RED BULLETIN

Les judicieux conseils d’un trailrunnner Rémi Bonnet, 26 ans, grimpe à mille mètres d’altitude en trente minutes, en suant, et avec le sourire. En 2021, il a remporté l’ISMF. the red bulletin : C’est votre première participation à Red Bull Conquête du Château. De quoi avez-vous le plus hâte ? rémi bonnet : De revoir mes amis et collègues, et de passer une bonne journée avec eux. Je suis originaire de Charmey, la colline du château est mon terrain d’entraînement depuis longtemps.

Quels conseils pour les coureurs amateurs ?

« Pas de fondue avant la course ! » Rémi Bonnet, trailrunner

Manger impérativement ­assez de glucides la veille au soir, et éviter les aliments trop lourds à digérer. Je prends toujours une portion de pâtes. Mais pas de fondue avant une course ! Le matin de la compétition, je mange généralement des toasts avec de la confiture ou du miel. Et pour l’équipement ? Faites une croix sur vos toutes nouvelles chaussures de course et préférez une vieille paire avec une bonne tenue et adhérence, car le chemin est boueux. Une paire de gants fins peut s’avérer très utile pour vous p ­ rotéger les mains au moment d’attraper les branches ou les cordes à l’assaut du château.   89


INSPIRÉE DU PASSÉ

FIN D’ANNÉE AU PAS DE COURSE

COLMAR X VASEGHI

Une fête sportive et populaire : lors de la course de la Saint-Sylvestre, Zurich toute entière appartient aux coureurs. Différentes catégories permettent de courir des distances comprises entre 1,5 et 9 km. Des fun runners déguisés aux athlètes d’élite internationaux, tout le monde peut participer. silvesterlauf.ch

COURSE DE LA ST-SYLVESTRE À ZURICH LE 12 DÉC.

Pour la troisième fois, l’entreprise familiale italienne a donné à un designer la possibilité de fouiller dans ses propres archives. Morteza Vaseghi a saisi cette opportunité et a créé une collection d’hiver moderne et confortable. colmar.it

AU CHAUD Une sur-jupe comme un duvet pour les jours d’hiver.

Que du bon ! Les produits font leur rentrée. Les recommandations automnales de la rédaction. Texte WOLFGANG WIESER

POET-ZERO Voici un cube aux propriétés qui sortent de l’ordinaire. L’enceinte Bluetooth a été développée par des ingénieurs du son et des musiciens de Graz (Autriche). Leur promesse : un son hi-fi parfait pour le plaisir des yeux et des oreilles. poetsoundsystems.com

ESTHÉTISME Son et optique jouent sur le même tableau : celui de la clarté.

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FRANCESCO PONZONI, ALPHAPHOTO.COM, POET AUDIO, KARL LAGERFELD(2), GRILLTISCH HEDINGER, MAISON MARGIELA, THE FLOW

FACETTES INSOUPÇONNÉES


PERSPECTIVES tendance

ENTRETENIR LA FLAMME TABLE DE BARBECUE POUR CONNAISSEURS Sur cette table avec foyers intégrés, chaque invité peut griller ses aliments au gré de son humeur, sans avoir à se lever. Le feu est allumé au milieu de la table : les casseroles peuvent être posées directement dessus. grilltisch-hedinger.ch

AGITATION COLORÉE Tote bag issu de la coopération entre Lagerfeld et Ize.

HOMMAGE À LA CULTURE DU SURF ALBUM POUR LES FANS Ce livre des Suisses Dominik Baur et Biliana Roth est une déclaration d’amour à la culture du surf en Europe occidentale. Pour The Flow, le couple a exploré les plus beaux spots de surf des côtes atlantique et méditerranéenne. benteli.ch

L’EFFLUVE D’UNE BALADE REPLICA AUTUMN VIBES

PORTER L’AUTOMNE KARL LAGERFELD X KENNETH IZE

Kenneth Ize, designer

Le meilleur des mondes en matière de mode : Kenneth Ize, designer nigérian formé à l’université des arts appliqués de Vienne, a conçu une collection colorée et optimiste pour le label Karl Lagerfeld. Elle s’accorde parfaitement avec la forêt colorée de l’arrière-saison. karl.com

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Le bruissement des feuillages, la mousse qui pousse sur les arbres, la chute des feuilles… Lorsque la parfumeuse Fanny Bal a pensé à la création de ce parfum, elle se promenait dans une forêt en automne. @maisonmargielafragrances

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B O U L E VARD DES HÉRO S

BOB DYLAN & BOBBY FISCHER

ÉCHEC AU ROI

MICHAEL KÖHLMEIER raconte les destins hors du commun de personnages

inspirants, dans le respect des faits et de sa liberté d’écrivain. Ce mois-ci : quand une étoile en consume une autre. Histoire d’une rencontre vouée aux échecs.

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BENE ROHLMANN, CLAUDIA MEITERT

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MICHAEL KÖHLMEIER

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GETTY IMAGES (2)

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obin Loggie, qui était l’un des à Bobby Fischer, connu dans le monde managers de Bob Dylan, eut un entier pour son caractère fantasque ? La jour l’idée de lui offrir, pour son proposition fut effectivement accueillie quarante-cinquième anniversaire, avec joie, car il s’avéra que Bobby était une partie d’échecs avec Bobby autant fan de Bob que Bob l’était de Bobby. Fischer, champion du monde et star interLe détective organisa un rendez-vous nationale des échecs. Loggie n’en parla à entre Loggie et le champion d’échecs à personne, pas même à sa femme ni à leur Albuquerque, au Nouveau-Mexique, et c’est MICHAEL KÖHLMEIER L’Autrichien est considé- là que le jeune manager lui dévoila son fils : il savait en effet qu’une telle rencontre ré comme l’un des ne serait pas simple à organiser, d’autant plan : jouer une ou deux parties avec meilleurs conteurs du plus qu’il régnait une véritable surenchère Dylan, sur un échiquier de son choix. Robin monde germanophone. autour de l’anniversaire du chanteur, à tel se souvient de l’enthousiasme de Fischer. Dernière parution en point que cette seule question échauffait Le 23 mai 1986, Robin Loggie vint chercher français : La petite fille les esprits au fur et à mesure que la date Bobby en limousine à l’aéroport de Los au dé à coudre, Éditions J. Chambon, 2017. fatidique – le 24 mai 1986 – approchait : Angeles et l’emmena chez lui, dans sa villa quel cadeau d’anniversaire réussirait à surde Malibu, près de la côte pacifique, où ils prendre encore la légende du folk ? attendirent patiemment jusqu’à minuit. Dylan, on le savait, n’avait que faire de choses ischer avait amené un cadeau, un vieux jeu matérielles ou coûteuses. Mais la surprise ! L’originalité ! Il y serait forcément sensible. Avec son naturel d’échecs avec lequel il s’était entraîné quand il aussi impétueux que caractériel, il serait peut-être était jeune. Peut-être pas son tout premier, mais même tenté de bouleverser la hiérarchie de son manason deuxième ou troisième jeu. Les pièces avaient été gement et, qui sait, de gratifier, dans un élan de recontellement manipulées qu’on distinguait à peine les naissance, le dévoué Robin d’une promotion. C’était Blancs des Noirs. Matériellement, ce jeu ne valait rien, du moins ce que le manager espérait… Robin Loggie mais la valeur sentimentale était inestimable. En un venait à peine de débarquer dans le « grand cirque du mot : un cadeau d’une originalité indéniable. Un rock », mais il avait déjà compris que Dylan, en bon cadeau d’anniversaire très spécial. Après avoir donné anticonformiste, ne respectait guère les règles hiérarquelques dernières instructions à Fischer, Robin Logchiques, quand il ne les fuyait pas carrément. gie le conduisit chez son célèbre patron, qui habitait alors une grande villa en bord de mer. Quand les deux lein d’espoir, Robin Loggie engagea donc un hommes pénétrèrent dans la véranda, Loggie se souvient avoir aperçu « Dylan assis tranquillement à l’intédétective à Santa Monica pour débusquer le rieur, en train de jouer tout seul aux échecs, comme il grand Bobby Fischer et lui en toucher deux mots, le faisait souvent ». sans toutefois dévoiler le but ultime de toute l’affaire : Dès qu’il le vit, le poète américain reconnut instanBob Dylan souhaitait s’entretenir avec le grand maître tanément le joueur d’échecs. Ce fut un moment d’une des échecs, point. Pas plus de détails. Après tout, cette rare intensité : le choc de deux titans, la rencontre raison aurait suffi à n’importe qui, alors pourquoi pas


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BO U LEVAR D DES HÉ RO S

improbable entre deux légendes qui s’admiraient mutuellement – Dylan, en short à carreaux et tee-shirt sale, et Fischer, en costard-cravate et chemise blanche. Cet instant aurait pu durer une éternité si Loggie n’avait pris l’initiative de rompre le silence. L’entremetteur avançait à tâtons : c’est qu’il avait affaire à deux grands timides, deux asociaux notoirement méfiants. Après avoir proposé des cocktails, que les deux hommes refusèrent, et lancé quelques blagues qui tombèrent à plat, Loggie réussit finalement à briser la torpeur ambiante en rappelant à Fischer la raison de sa venue : le jeu d’échecs qu’il avait apporté pour les quarante-cinq ans de l’artiste. Ce dernier venait d’ailleurs de jouer avec des pièces qui s’inspiraient de celles utilisées lors de la rencontre historique entre Fischer et Spasski en 1972.

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assionné d’échecs, Bob Dylan connaissait par cœur chaque coup de cette fameuse partie, et Fischer s’en souvenait encore parfaitement. Dylan voulut alors lui faire part de son interprétation, ce que son illustre invité accepta volontiers : après avoir maintes fois étudié cette partie, il était arrivé à la conclusion que Fischer en avait deviné, voire décidé l’issue dès le huitième ou le dixième coup. Cette partie s’était déroulée, selon lui, comme l’intrigue d’un film des années 30 : un suspense qui monte lentement, très lentement, pour atteindre son paroxysme peu avant la fin, quand tout s’accélère. C’est ainsi que Spasski, croyant sacrifier son cavalier, le perdit en même temps qu’il bloqua sa tour, sans parvenir à contraindre Fischer à utiliser les pions du roi pour protéger la dame – comme il l’avait escompté. À partir de cet instant, ce fut un jeu d’enfant pour Fischer et le suspense retomba aussi brutalement qu’il avait été, jusque-là, soigneusement entretenu : la partie se termina sans délai par un mat, simple et imparable. Bobby Fischer approuva cette analyse, à la grande joie de son hôte, qui lui demanda s’il désirait l’écouter chanter à la guitare.

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oggie, qui n’avait pas décroché un mot, pria alors Dylan de le laisser choisir la guitare. Dans la maison du troubadour américain, les guitares étaient partout. Sur les canapés, la table de la cuisine, et rien que dans la chambre, posées à côté du lit, pas moins de quatre guitares électriques. Le manager se décida finalement pour une vieille Gibson, un modèle suranné qui avait appartenu à un musicien de blues – dont Loggie avait oublié le nom – et qui ferait parfaitement écho au vieux jeu d’échecs que Fischer avait amené. Il se souvenait aussi que cette guitare avait été un cadeau d’anniversaire, sans plus savoir qui l’avait offerte à Dylan, ni quand. Gibson en main, Bob Dylan se mit à jouer. Deux morceaux, l’un ancien – To Ramona – et l’autre plus récent – Dark Eyes. Fischer l’avait écouté les yeux fermés, confortablement ins-

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tallé, ses mains croisées sur le ventre. À ce stade de la soirée, l’ambiance était encore à la fête. Fischer proposa alors à Dylan de disputer une petite partie – après tout, c’était aussi la raison de sa venue – avec les vieilles pièces qu’il avait apportées. Dylan tira les Blancs, Fischer les Noirs, et la partie commença. Face au vainqueur de 1972, l’artiste jouait vite, sans trop se concentrer : cette partie n’avait rien de formel, une simple distraction, inutile de se prendre trop au sérieux. Fischer, en revanche, pesait chacun de ses coups. Leur durée n’étant pas limitée, il laissait à chaque fois filer plusieurs minutes, fixant le jeu de manière concentrée. Au début, Loggie prit cette attitude pour une marque de respect vis-à-vis de son adversaire – car il aurait très bien pu n’en faire qu’une bouchée –, tout en trouvant légèrement puéril le sérieux que ce génie des échecs affichait ostensiblement.

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our faire court : ce fut Bob Dylan qui remporta la partie. Or, cette victoire ne lui procura aucune joie. Il fut au contraire tout étonné, comme son adversaire. Même Loggie était surpris. Et l’ambiance si particulière de la soirée bascula subitement. « Voilà un cadeau d’anniversaire qui ressemble à une bulle de chewing-gum, maugréa le chanteur. Elle explose un peu trop vite. » Fischer lui assura qu’il ne l’avait pas laissé gagner, qu’au contraire il avait obligé Dylan, jusqu’aux quatre derniers coups de la partie, à jouer la partie disputée en 1925 par Bogoliubov et Reti à Baden-Baden. Contraindre un adversaire à jouer un certain jeu est beaucoup plus difficile que de remporter la partie. Ce n’était qu’au quatrième coup avant la fin que Dylan avait pris la main, et Fischer avait cru que son adversaire visait un « mat à l’étouffée », comme celui de la partie entre Edmund Budrich et Kurt Gumprich en 1950, ce à quoi il se serait préparé, jusqu’à ce que finalement… « Je suis tellement naïf », coupa Dylan. Et il se tut. Loggie replaça les pièces et tourna le plateau. De nouveau, Dylan remporta la partie. Tout cela commençait à l’énerver : il avait vraiment joué n’importe comment ! Mais Fischer ne disait rien. Il ne le regardait pas, ne regardait personne, g ­ ardant les yeux fixés sur l’échiquier.

« Bob Dylan jouait vite, sans trop se concentrer : une simple distraction. »

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Loggie tenta de calmer le jeu : « C’est peut-être à cause des pièces et de la pénombre », avança-t-il. Il ne voulait qu’une chose : détendre l’atmosphère, quitte à passer pour un crétin. « Il se pourrait très bien que dans l’obscurité, l’un ou l’autre ait pu confondre les couleurs et pris un Noir pour un Blanc, ou inversement. » Dylan pencha la tête : « Ça veut dire quoi exactement, l’un ou l’autre ?, demanda-t-il sèchement en ­clignant des yeux. Et peux-tu me dire qui est l’un, et qui est l’autre ? » Finalement, on alluma toutes les lumières, et la troisième partie commença… pour se terminer, comme les deux premières, par une victoire du chanteur. Bobby Fischer, le visage pâle et suant à grosses gouttes, restait assis devant l’échiquier, les poings ­fermés. Dylan s’était levé, furieux, et avait donné un coup de pied dans son fauteuil en osier. Fischer, lui, n’avait pas bougé ni desserré les poings, comme tétanisé. Plus un mot. Plus un bruit. Seul, derrière les vitres de la véranda, l’océan ­Pacifique parvenait à peine à troubler ce silence

« Bobby Fischer, suant à grosses gouttes, restait assis devant l’échiquier, les poings fermés. » pesant. Dylan allait et venait d’un bout à l’autre de la pièce en se rongeant les ongles, puis brusquement, il sortit vers la plage et disparut dans la nuit. Loggie regarda le grand maître : « Il faut que vous lui présentiez vos excuses ». Bobby Fischer acquiesça et se dirigea à son tour vers la plage. Robin Loggie n’a jamais su ce qu’il s’était passé ensuite entre les deux hommes. Il a rangé la guitare, attendu jusque vers quatre heures du matin puis, las, s’est résigné à rentrer chez lui.

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