SUISSE, 3,80 CHF 05/2023 ABONNEZ-VOUS DĂS MAINTENANT getredbulletin.ch
HORS DU COMMUN
RIEN NE LUI RĂSISTE
Son succÚs, le skieur Marco Odermatt le doit à un entraßnement impitoyable⊠et à ses fans !
Elegance Elegance is an is an attitude attitude Marco Marco Odermatt Odermatt
LONGINES LONGINES SPIRIT SPIRIT
Ă D ITO R I A L
EN LIGNE DE MIRE
Contributions
Elle a percĂ© en chantant dans les Ă©missions de tĂ©lĂ©crochet avant de faire sa place dans les hit-parades. Pour la reine suisse du R&B Naomi Lareine, il nây a pas dâautre objectif que la scĂšne mondiale (p. 48). Marco Odermatt, quant Ă lui, a conquis le monde du ski depuis longtemps. Quel est le secret du meilleur skieur actuel de la planĂšte ? Odi nous apprend quâun entraĂźnement rigoureux est primordial, mais quâil ne fait pas tout (page 38). Dans le milieu du gaming aussi, lâentraĂźnement seul ne suffit pas. Qui est en concurrence dans ce business qui brasse des milliards ? Quels sont les enjeux dâun Ă©vĂ©nement tel que les championnats du monde du League of Legends (p. 64) ? Marissa « Slayz » Duret (p. 22) et Maya Hawke (p. 20) expliquent lâintĂ©rĂȘt dâavoir plus de diversitĂ© dans le monde du divertissement, et celui de faire son nid en route. Fini la routine, par ici lâaventure !
DAN CERMAK Les photographies primĂ©es de Dan Cermak, TchĂšque dâorigine mais Suisse jusquâau bout des ongles, sont colorĂ©es, flashy, et franches. Lors de la sĂ©ance photo Ă la Binz de Zurich, il a immortalisĂ© la chanteuse Naomi Lareine, qui sâapprĂȘte Ă fouler les scĂšnes du monde entier. Page 48
IRENE SACKMANN Câest Ă lâaquarelle et Ă lâencre de Chine que lâillustratrice travaille « aussi librement que possible, aussi prĂ©cisĂ©ment que nĂ©cessaire ». Sackmann compte parmi les meilleures dans son domaine en Allemagne et collabore avec lâagence Botschaft der Illustration. Pour nous, elle a illustrĂ© les exercices de Marco Odermatt. Page 46
4
Lors de la sĂ©ance photo dans la neige au-dessus de Zermatt, ÂMarco Odermatt sâest montrĂ© trĂšs dĂ©tendu. Plus dâinfos sur la lĂ©gĂšretĂ© ÂintĂ©rieure de ce poids lourd du ski en page 38.
THE RED BULLETIN
SANDRO BAEBLER (COUVERTURE)
DANIEL BROWN Il vit Ă San Francisco, est rĂ©dacteur en chef de The Athletic et sâest aventurĂ© pour nous dans le monde de lâesport : en amont du championnat du monde de LoL , il a dĂ©couvert un business qui pĂšse des milliards, deux superstars absolues et une foule de batailles passionnantes. Page 64
ĂLECTRIQUE. SĂRE. SUBARU 4Ă4. LE PREMIER SUV ENTIĂREMENT ĂLECTRIQUE DE SUBARU.
LEASING Ă
CHF 315.â /mois
subaru.ch A B C D E F G
A
Exemples de leasing : Solterra eV AWD Advantage, 218 ch, consommation dâĂ©lectricitĂ© combinĂ©e : 18,1 kWh/100 km, catĂ©gorie de rendement Ă©nergĂ©tique : A, Ă©missions de CO2 : 0 g/km, CHF 55 900.â, mensualitĂ© : CHF 315.â (en couleur Black). ModĂšle prĂ©sentĂ© : Solterra eV AWD Classic, 218 ch, consommation dâĂ©lectricitĂ© combinĂ©e : 18,1 kWh/100 km, catĂ©gorie de rendement Ă©nergĂ©tique : A, Ă©missions de CO2 : 0 g/km, CHF 59 700.â, mensualitĂ© : CHF 339.â (y.c. la peinture mĂ©tallique). Traites de leasing valables pour un leasing dâune durĂ©e de 48 mois et 10 000 km par an. Acompte : 30 % du prix de vente net. Aucune caution. Taux annuel effectif : 0,90 %. Casco complĂšte non incluse. Il est interdit dâaccorder un crĂ©dit sâil entraĂźne le surendettement du consommateur. Veuillez consulter les taux du jour sur multilease.ch. Prix de vente recommandĂ©s nets, TVA Ă 7,7 % incl. Sous rĂ©serve de modification des prix. Immatriculation au plus tard le 31.12.2023.
CONTENUS
24
48
G A L L E R Y 8 Lâ A D D I T I O N S V P ! 14 O B J E T T R O U V Ă 16 HĂROS & HĂROĂNES
18
Never gonna give him up! La légende des années 80 est de retour : une résurrection de la pop.
MAYA HAWKE
20
Pour la star de Stranger Things, il est important de construire un nid, quel que soit lâendroit.
MARISSA « SLAYZ » DURET 22 La gameuse suisse r evendique plus de diversité⊠dans la réalité virtuelle.
EMILIA HARTFORD
AU NOM DE LA REINE
48
R&B dans la voix, pop dans le son, rock dans lâĂąme : acclamĂ©e en Suisse, elle veut dĂ©sormais conquĂ©rir le monde.
PICTORIAL
RED BULL ILLUME
NAOMI LAREINE
24
Voici en avant-premiĂšre les clichĂ©s du plus grand concours mondial de photographie de sports dâaventure et dâaction.
54
Le rappeur est lâartiste le plus ÂstreamĂ© de lâespace germanophone. Mais qui est Raphael Ragucci ?
M A R C O O D E R M AT T
LE ROI DES NEIGES Que fait le meilleur skieur du monde actuel en dehors des pistes ? Et quâest-ce qui le motive ? Rencontre, dans les coulisses, dâun homme au sommet de sa gloire.
6
38
GAMING
LA LIGUE DES LĂGENDES Le jeu vidĂ©o a donnĂ© naissance Ă un monde trĂšs, trĂšs particulier : League of Legends est devenu un sport pour des millions de personnes.
74
Comment la pilote de course et Âcascadeuse prend le chemin des Ă©toiles du cinĂ©ma. Et comment elle trouve la paix Ă grande vitesse.
RAF CAMORA
DERRIĂRE LE MYTHE
LâAMOUR DU RISQUE
64
C â E S T PA R TI ! V O Y A G E R 83 Ă C O U T E R 88 O P T I M I S E R 89 J O U E R 90 D Ă C O U V R I R 92 S O R T I R 95 MENTIONS LĂGALES 96 L E T R A I T D E L A F I N 98
THE RED BULLETIN
HANNES BERGER, DAN CERMAK
RICK ASTLEY
DES AIIILES POUR LâHIVER. AU GOĂT DE POIRE-CANNELLE.
U A E V U O N
STIMULE LE CORPS ET LâESPRIT.
KitzbĂŒhel, Autriche
ĂA PLAAAANE ! Cette nuĂ©e de parapentistes semble ÂlĂ©gĂšre comme une plume et insouciante. Lâillusion parfaite ! Car ce nâest que lâĂ©chauffement de la course dâaventure la plus rude au monde, la Red Bull X-Alps : 1 223 kilomĂštres de marche, dâescalade, de ramping et de vol Ă travers cinq pays. Au final, câest le Suisse Christian Maurer qui lâa remportĂ©e. AprĂšs exactement six jours, six heures et une minute. Et non, le temps nâa pas toujours passĂ© comme un Ă©clair ! redbullxalps.com
THE RED BULLETIN
9
ADI GEISEGGER/RED BULL CONTENT POOL
DAVID PESENDORFER
Bedford, Indiana, USA
MISTER MYSTERY Le double champion du monde de wakeskate, Brian Grubb, a toujours rĂȘvĂ© de surfer une riviĂšre souterraine. Câest ainsi quâil sâest aventurĂ© avec son e-foil (planche de surf Ă aile Ă©lectrique) Ă 30 mĂštres sous terre, et sâest Ă©lancĂ© sur la Mystâry River. Ă 32 km/h, il a parcouru un dixiĂšme de la distance totale de la ÂriviĂšre (34 kilomĂštres). Comment sâest passĂ©e la traversĂ©e souterraine ? « CâĂ©tait beaucoup plus Ă©troit que je ne le pensais », sâexclame Brian. Ă retrouver sur redbull.com
10
THE RED BULLETIN
ROBERT SNOW/RED BULL CONTENT POOL
DAVYDD CHONG
12
THE RED BULLETIN
TIM MARCOUR/RED BULL CONTENT POOL
DAVYDD CHONG
Oberland bernois, Suisse
CLASSIC ROC
Au cĆur de lâaction avec lâalpiniste et freeskieuse autrichienne Nadine Wallner sâattaquant au marathon vertical de la Jungfrau, en juillet dernier. Son coĂ©quipier, le guide de montagne et grimpeur suisse Simon Wahli, et elle ont rĂ©ussi lâascension de la vallĂ©e de Lauterbrunnen au sommet de la Jungfrau (4 158 m), en passant par deux voies (classĂ©es 7a+ et 7a) et lâarĂȘte du ÂRotbrĂ€ttgrat en un temps Ârecord de 16 heures et 20 minutes. ÂCerise sur le g  ùteau ? Wallner est devenue la premiĂšre femme Ă la rĂ©aliser. Ă voir sur redbull.com
LâA D D IT I O N , S â I L VO U S PL A Ă T !
STAY ALIVE !
Les Hunger Games sont de retour : le 16 novembre, le film La Ballade du serpent et de lâoiseau chanteur, cinquiĂšme opus de la saga, sera Ă lâaffiche.
500 000
4 556 778
3 000
figurant·e·s ont été mobilisés devant les hauts-fourneaux du parc paysager de Duisbourg, qui sert de décor au nouveau film.
1971
64
LâannĂ©e de naissance du rĂ©alisateur Francis ÂLawrence, de parents ÂamĂ©ricains habitant Ă Vienne Ă lâĂ©poque.
ans avant le dĂ©but de la s  érie, câest lâĂ©poque Ă laquelle se dĂ©roule le prĂ©quel.
30 000
165
comédiennes ont postulé pour le rÎle qui a échoué à la jeune actrice Rachel Zegler.
minutes, la durée de ce film, le plus long de la série.
105
Lâaugmentation, en pourcent, des inscriptions dans les assos de tir Ă lâarc enregistrĂ©e aprĂšs la sortie du premier volet des Hunger Games en 2012, car lâarc faisait partie de lâĂ©quipement du personnage de Jennifer Lawrence.
14
2 690 000 000
de francs suisses : les recettes internationales des quatre films Hunger ÂGames, depuis 2012. Rien quâaux Ătats-Unis, ils ont dĂ©jĂ rapportĂ© 1,45 milliard de dollars.
THE RED BULLETIN
CLAUDIA MEITERT
de personnes vivent dans le pays imaginaire de Panem, qui doit son nom au latin Âpanem et circenses (trad. du pain et des jeux).
HANNES KROPIK
Le nombre de fois oĂč James Newton Howard, qui a composĂ© la musique de tous les films de la saga, a Ă©tĂ© nommĂ© aux Oscars. GagnĂ© : aucun.
517
pages : La Ballade du serpent et de lâoiseau chanteur est le quatriĂšme roman de ÂSuzanne Collins de la sĂ©rie Hunger Games.
MURRAY CLOSE7STUDIOCANAL, LIONSGATE
9
dollars, câĂ©tait le cachet de Jennifer Lawrence pour le premier opus des ÂHunger Games. Dans le deuxiĂšme, il sâĂ©levait dĂ©jĂ Ă 10 millions de dollars.
Le nouvel Amarok PrĂȘts pour de grandes aventures? Surpuissant et attire pourtant tous les regards. Polyvalent et avec une technologie de pointe. Le nouvel Amarok maĂźtrise tous les terrains avec brio. Il transforme ainsi le quotidien et les loisirs en une vĂ©ritable expĂ©rience.
A B C D E F G
G
VW Amarok Aventura, 3.0 TDI, 240 ch, boĂźte automatique Ă 10 vitesses, 10,2 l/100 km, 266 g COâ/km, cat. G
volkswagen-nutzfahrzeuge.ch
Essayez-le vite
H Y PE C H EC K
CHECK-IN ? DRIVE IN !
Sur TikTok, une vague de hype chasse lâautre. Le crĂ©ateur de contenus Kirafin examine une tendance devenue virale : le Modobag.
16
LâOBJET
« Se ruer au check-in Ă ÂlâaĂ©roport ? Plus de stress : les valises comme le Modobag tây conduisent facilement. Il suffit de sâasseoir dessus et dâactiver le moteur Ă©lectrique. Sa vitesse max : 13 km/h, son poids max : 118 kilos. »
LA VAGUE HYPE
«Il nây a pas tant de vidĂ©os TikTok dessus, car il coĂ»t plus de mille dollars. Mais chaque fois quâune vidĂ©o sort, elle devient virale. @djspindizzy a gĂ©nĂ©rĂ© 3,1 millions de vues. Lâhumoriste Knossi le veut aussi, et DJ Stella Bossi lâutilise dĂ©jĂ pour faire le tour des aĂ©roports. »
LâANALYSE
« Dâaccord, la valise est fantaisiste. Mais le prix, câest autre chose. Et puis lâaccessoire Ă lui seul pĂšse dĂ©jĂ 9 kilos, le surpoids est programmĂ©. Donc : cool pour faire du contenu vidĂ©o, pas vraiment pour le quotidien. »
THE RED BULLETIN
MODOBAG.COM
Kirafin, de son vrai nom Jonas Willbold, 28 ans, divertit son 1,2 million de followers TikTok avec des formats comiques. En parallĂšle, il voue une fascination Ă la tech, aux produits et Ă la mode.
Naturellement ensemble.
CH-BIO-004
Naturellement rafraĂźchissant.
H Ă RO S & H Ă RO Ă N ES
RICK ASTLEY
Adolescent, il Ă©tait lâun des visages de la pop des annĂ©es 80. Ă 57 ans, il joue devant les foules et boit avec les Foo Fighters. Rick Astley retrace ici son parcours improbable, y compris la chanson qui lâa fait connaĂźtre. TEXTE MARCEL ANDERS
Alors quâil travaillait comme homme Ă tout faire chez Stock Aitken Waterman (SAW), le producteur de tubes des annĂ©es 80, lâadolescent Rick Astley nâavait aucune idĂ©e de la cĂ©lĂ©britĂ© qui lâattendait. Câest alors quâest arrivĂ© Never Gonna Give You Up, son premier titre, en 1987, qui allait devenir numĂ©ro un dans 25 pays et propulser lâancien enfant de chĆur vers une cĂ©lĂ©britĂ© fulgurante. Si vous aviez dit Ă Astley que cette chanson allait continuer de lui ouvrir des portes prĂšs de quarante ans plus tard, attirant des milliers de personnes et lui permettant de partager la scĂšne avec lâun des plus grands groupes de rock du monde, il vous aurait ri au nez. Ă ce jour, Never Gonna Give You Up a Ă©tĂ© visionnĂ© 1,4 milliard de fois sur YouTube, en partie grĂące au phĂ©nomĂšne Internet du « rickrolling » qui consiste Ă ĂȘtre redirigĂ© vers la vidĂ©o de la chanson aprĂšs avoir cliquĂ© sur un lien dâune vidĂ©o similaire. Sa musique a ainsi trouvĂ© un tout nouveau public. Ă lâoccasion de la sortie de son neuviĂšme album et dâune tournĂ©e au Royaume-Uni prĂ©vue pour le dĂ©but de lâannĂ©e, Astley sâentretient avec The Red Bulletin de la chance, du rire et de lâimportance de dire oui... the red bulletin : Pourquoi le nouvel album sâintitule Are We There Yet ? rick astley : Jâai fait une tournĂ©e amĂ©ricaine avec les New Kids On The Block, En Vogue et Salt-N-Pepa. 56 concerts et 35 000 km en bus, ce qui Âexplique le titre. Cela veut aussi dire « Est-ce que jây suis ÂarrivĂ© ? ». Quand y arrive-t-on vraiment ? Vous souvenez-vous de la premiĂšre fois que vous avez entendu Never Gonna Give You Up ?
18
PHOTO AUSTIN HARGRAVE
Jâavais signĂ© un contrat avec SAW et un jour, Pete Waterman mâa dit : « Tu veux Âvenir traĂźner dans les studios ? Tu feras lâhomme Ă tout faire, mais tu apprendras beaucoup de choses. » Jâai dit « Oui ! ». Et quand Mike Stock sâest assis et a jouĂ© les accords de Never Gonna Give You Up sur un Fairlight synthĂ©, jâĂ©tais lĂ Ă faire le cafĂ©. Ătrangement, jâai Ă©tĂ© impliquĂ© dans lâalchimie de ce qui se passait, car Mike Ă©crivait cette chanson pour moi. Auriez-vous aimĂ© lâĂ©crire ? Tout le monde ne peut pas ĂȘtre Lennon ou McCartney. Jâai Ă©crit quelques chansons, mĂȘme des chansons qui ont Ă©tĂ© des succĂšs en AmĂ©rique. Mais je nâai pas Ă©crit Never Gonna Give You Up ni Together ÂForever. Je ne pense pas que jâaurais pu le faire. Il faut ĂȘtre extrĂȘmement lucide et se dire : « Je nâessaie pas dâĂȘtre cool ; jâĂ©cris une chanson pop qui va durer des annĂ©es. » SAW a trouvĂ© une formule et sâest dit : « On va sâen tenir à ça parce que ça marche. » Câest lâune des raisons pour Âlesquelles jâai voulu partir, parce que Âjâentendais des disques que jâadorais et je me disais : « SAW ne voudra jamais faire un disque comme ça. » Mais ce nâĂ©tait pas Ă moi de leur demander de changer. La chanson vous a emmenĂ© dans des endroits inattendus, comme sur scĂšne avec les Foo Fighters⊠Je les ai rencontrĂ©s au Japon il y a quelques annĂ©es et je suis montĂ© sur scĂšne aprĂšs quelques biĂšres. Ils avaient appris Ă jouer Smells Like Teen Spirit de Nirvana pour que je puisse chanter Never Gonna Give You Up par-dessus. Je ne les avais jamais rencontrĂ©s ; je suis montĂ© sur scĂšne et je lâai chantĂ© Ă la demande de Dave Grohl. Il mâa chuchotĂ© Ă lâoreille : « On fait ça maintenant devant 50 000 personnes ? ». Jâai dit : « Oui ! » On a ri puis bu quelques biĂšres.
Dave aime rencontrer des gens et leur demander : « Quâest-ce que tu fais ? Quâest-ce qui tâa amenĂ© ici ? Quâest-ce qui se passe ? » Câest lâune des personnes les plus curieuses que jâaie jÂamais rencontrĂ©es⊠Vous arrive-t-il encore dâĂȘtre victime du « rickÂrolling » ? Pas tant que ça. Des jeunes viennent me voir et dansent avec moi. Câest une foutue chanson pop-dance des annĂ©es 80. Cette chanson a Ă©tĂ© extraordinaire pour moi. Si vous mâouvriez, vous tomberiez sur ÂNever Gonna Give You Up Ă lâintĂ©rieur. Elle fait partie de mon ADN. Ce nâest pas que je ne lâaime pas, mais jâai le sens de lâhumour. Et je vois la chance quâil y a Ă ce que des enfants de dix ans en connaissent les paroles. MĂȘme sâils nâaiment pas ça, câest lĂ , comme un chewing-gum qui reste collĂ© et ne sâen va pas. Est-ce la musique qui vous permet de rester jeune Ă 57 ans ? Je pense que câest dĂ» Ă une vie sans stress. Je ne me suis jamais rĂ©veillĂ© en me disant : « Je ne peux pas payer lâhypothĂšque. » Jâai eu une peur bleue de jouerâŠ, mais câĂ©tait du bon stress, celui de jouer au festival de Glastonbury, mais câest un beau stress. Je me considĂšre comme incroyablement chanceux. I should be so lucky⊠(Titre dâune Âchanson de Kylie Milogue qui signifie « Jâaimerais ĂȘtre Ă votre place »..., ndlr) Exactement. Dâailleurs, je vais voir Kylie dans une semaine.
Are We There Yet? est dispo ; rickastley.co.uk
THE RED BULLETIN
« Never Gonna Give You Up fait partie de mon ADN. » La vidĂ©o virale en ligne a permis Ă Rick Astley de rajeunir sa ÂcommunautĂ© de fans.
THE RED BULLETIN
19
H Ă RO S & H Ă RO Ă N ES
MAYA HAWKE
sait comment se sentir bien dans toutes les situations : la comĂ©dienne, qui nous a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e grĂące Ă Stranger Things, adore se construire, oĂč quâelle soit, des petits cocons bien Ă elle. TEXTE RĂDIGER STURM
Sur la route Cette native de New York City a pourtant appris trĂšs tĂŽt Ă gĂ©rer les imprĂ©vus, Ă sâadapter sans cesse et Ă improviser : celle qui jongle depuis quelques annĂ©es avec trois mĂ©tiers diffĂ©rents (comĂ©dienne, mannequin et chanteuse) est la fille dâUma Thurman et Ethan Hawke, lâun des plus beaux couples dâHollywood â jusquâĂ leur sĂ©paration en 2005, aprĂšs sept ans de vie commune. Maya : « Ils mâont emmenĂ©e faire le tour du monde, surtout quand jâĂ©tais toute petite. Nous Ă©tions en Chine lorsque jâai fĂȘtĂ© mon quatriĂšme anniver saire. Certes, cette vie passĂ©e sur la route avait quelque chose dâexcitant, mais cela a aussi nourri un immense besoin de sta bilitĂ©. JâĂ©tais tellement heureuse quand nous rentrions enfin Ă la maison. »
20
Pour rĂ©pondre Ă ce besoin, la pe tite Maya Hawke apprend alors Ă se construire un « petit cocon bien Ă elle » : « Jâai toujours Ă©tĂ© comme ça. Jâai com mencĂ© trĂšs tĂŽt Ă mâoccuper de la dĂ©co de ma chambre â il fallait toujours que les couleurs soient assorties, que le sol soit moelleux comme de la laine. En mĂȘme temps, jâai voulu faire rentrer le vaste monde dans mon petit univers : les murs de ma chambre Ă©taient tapissĂ©s de cartes du monde, je collectionnais les insectes et les petits animaux en verre. » Retour aux sources ConfinĂ©e dans la grande ville, Maya Hawke trouve refuge dans la nature en vironnante, si infime soit-elle : « Jâavais Âbesoin de me promener, de me retrouver au vert, que ce soit Ă Central Park ou dans les forĂȘts au nord de la ville, pour me dĂ©couvrir. » Mais toutes ces excursions, proches ou lointaines, ont toujours la mĂȘme fin, Ă plus ou moins long terme : le retour (tant attendu) au bercail. « Quand je voyage, ma devise câest âpartir pour mieux revenirâ. » Lors du tournage dâAsteroid City, en Espagne, Maya a pourtant eu lâimpression quâelle Ă©tait chez elle : « Nous devions tous habiter ensemble, Ă cause de la pandĂ©mie. Jâai pu passer tout ce temps au mĂȘme endroit, entourĂ©e de gens merveilleux. » Avec la dynamique de groupe que cela Âinduit : « Nous sommes restĂ©s ensemble pendant toute la durĂ©e du tournage, ce qui nous a vraiment soudĂ©s. Il fallait parfois jouer les figurants pendant que des collĂšgues tournaient une scĂšne, ou tourner 300 fois de suite la mĂȘme scĂšne â mais câĂ©tait une expĂ©rience incroyable. » Ă tel point que, si un autre confine ment se pointait Ă lâhorizon, elle saurait dĂ©sormais comment en tirer le meilleur parti. « Je prendrais tous mes amis avec
moi et nous irions nous confiner dans un endroit magnifique, tous ensemble. » MalgrĂ© (ou Ă cause de) cette enfance peu commune, Maya Hawke est une femme pour qui les structures, quâelles soient gĂ©ographiques ou professionnelles, sont essentielles. Elle parvient Ă se les crĂ©er en prĂ©parant minutieusement cha cun de ses rĂŽles : « Pour Asteroid City, jâai analysĂ© le script dans les moindres dĂ©tails, ainsi que les formes dâexpression de Wes Anderson. Mon texte, je lâai dâabord chantĂ© Ă voix haute â avant de le rĂ©citer. Câest comme ça que jâarrive Ă mâappro prier les mots. Si tu bloques sur certains passages pendant le tournage, câest ter minĂ©. Il y a des collĂšgues qui arrivent Ă bosser comme ça, mais pas moi. » Partir un jour ? Loin de la dĂ©goĂ»ter des voyages, ses Âparents lui ont donnĂ©, au contraire, le goĂ»t de lâĂ©tranger, des horizons lointains â elle leur est dâailleurs reconnaissante de cet hĂ©ritage, malgrĂ© les jours passĂ©s Ă avoir le mal du pays. « Je veux Ă mon tour partir dĂ©couvrir le monde, vivre de grandes aventures. Et habiter un jour dans une autre ville que New York. Ăa me fait encore un peu peur, mais jâen ai vrai ment envie. » Affronter ses peurs et se jeter dans lâinconnu â exactement comme elle lâa fait lors de cette scĂšne de danse improvisĂ©e. « Je pouvais enfin exprimer qui jâĂ©tais vraiment. » Instagram : @maya_hawke
THE RED BULLETIN
DANIA MAXWELL/LOS ANGELES TIMES/CONTOUR BY GETTY IMAGES
Lorsque Wes Anderson (rĂ©alisateur des films The Grand Budapest Hotel et The French Dispatch, entre autres) lui a de mandĂ© de faire un petit numĂ©ro de danse sur le tournage du film Asteroid City, Maya Hawke a dâabord senti ses jambes flageoler. « Je ne savais tout simplement pas danser », nous explique la jeune ÂAmĂ©ricaine, rĂ©vĂ©lĂ©e au grand public grĂące Ă son rĂŽle de Robin dans la troi siĂšme saison de Stranger Things. Elle supplie donc le rĂ©alisateur de lui donner des cours de danse, ce quâil lui promet : « Je suis revenue Ă la charge tous les jours, mais les cours nâont jamais eu lieu. ÂFinalement est arrivĂ© le jour du tournage, et jâai compris que ma nervositĂ© et ma Âmaladresse convenaient parfaitement Ă cette scĂšne de danse. »
« Je chante mes ÂrĂ©pliques avant de les rĂ©citer, afin de me les approprier. » Maya Hawke, 25 ans, sur lâimportance de la prĂ©paration avant un tournage.
THE RED BULLETIN
21
H Ă RO S & H Ă RO Ă N ES
MARISSA « SLAYZ » DURET Gameuse passionnĂ©e, experte en esport, conceptrice de jeux vidĂ©o et  productrice rĂ©volutionnaire, la native de GenĂšve est dâavis que câest en reprĂ©sentant la pluralitĂ© des minoritĂ©s que lâindustrie du jeu pourra franchir un cap. TEXTE PAULINE KRĂTZIG
To slay : verbe anglais signifiant tuer, abattre ou massacrer, trĂšs en vogue dans les jeux vidĂ©o comme Horizon Zero Dawn, Control, Returnal ou encore Uncharted: The Lost Legacy oĂč lâon dĂ©zingue Ă tout-va zombies, cyborgs et autres aliens. Leur point commun : les slayers sont des femmes qui, loin dâĂȘtre relĂ©guĂ©es Ă de pathĂ©tiques rĂŽles secondaires, tiennent les rennes de lâhistoire. En langage familier, lâadjectif slay dĂ©signe Ă©galement des personnalitĂ©s hors-norme comme Marissa Duret, alias « Slayz », qui lutte pour une plus grande variĂ©tĂ© de scĂ©narios dans les mondes virtuels et des cadres plus diversifiĂ©s que le contexte hĂ©tĂ©ro-normatif occidental typique. SuperÂpouvoir : 18 ans dâexpĂ©rience en tant que gameuse, des Ă©tudes en effets spĂ©ciaux, motion design, et rĂ©alitĂ© virtuelle dans la plus grande Ă©cole de Suisse, et des connaissances encyclopĂ©diques de Âlâesport. PersonnalitĂ© : Ă©mancipĂ©e, ÂengagĂ©e, dĂ©terminĂ©e, honnĂȘte. Atouts : Âhumour subtil et langue bien pendue. Lance-toi ! La Suissesse de 27 ans a commencĂ© trĂšs tĂŽt. Ă lâĂąge de 9 ans, elle choisit une elfe de la nuit dotĂ©e dâune armure lĂ©gĂšre et dâattributs impressionnants, « CassiopĂ©a », pour jouer Ă World of Warcraft. (Lorsquâelle commence Ă jouer Ă Overwatch, elle hĂ©rite du nom en ligne de son frĂšre, « Slayz ».) La majoritĂ© des joueur·euse·s sont des hommes, et les concepteurs sont eux-mĂȘmes bien gratinĂ©s niveau sexisme. En 2016, lâInternational Game Developers Association rĂ©vĂšle que 75 % des dĂ©veloppeur·euse·s sont de sexe masculin, 76 % sont blanc·he·s et 81 % hĂ©tĂ©ros. Amer constat qui ne justifie cependant pas de tout dĂ©foncer Ă coups de batte de baseball et de lance-flammes,
22
PHOTO DOMINIC NAHR
dixit ÂMarissa. « Câest peut-ĂȘtre bien pour gagner un jeu vidĂ©o, mais pas pour lutter contre les inĂ©galitĂ©s. La colĂšre nâest bonne conseillĂšre que si on la rend constructive. » Comme dans les jeux, mieux vaut coopĂ©rer avec celles et ceux qui partagent les mĂȘmes intĂ©rĂȘts que soi que de les piĂ©tiner pour atteindre son but. « Lance-toi, connecte-toi ! » AprĂšs lâobtention de son diplĂŽme en 2020, Marissa cofonde son propre studio de dĂ©veloppement de jeux vidĂ©o indĂ©pendants, Koi Games. « En tant que PDG, je peux ĂȘtre inclusive comme devrait lâĂȘtre lâindustrie du gaming. » Un secteur qui sâouvre peu Ă peu Ă la diversification, notamment grĂące Ă une prise de conscience croissante dans le monde rĂ©el quâil faut faire bouger les choses. « Il nây a pas que les femmes Ă ĂȘtre sous-reprĂ©sentĂ©es et stĂ©rĂ©otypĂ©es, mais aussi les minoritĂ©s sexuelles, les handicaps, nationalitĂ©s, origines ethniques, physiques atypiques et jâen passe! » Le gaming est la plus grande industrie de divertissement au monde, son impact est Ă©norme. VoilĂ pourquoi le type de narration est essentiel, tout comme le type de personnes qui conçoivent ces jeux. ComposĂ© de femmes et dâhommes originaires de France, du Maroc, du Chili, dâAngleterre, du Canada et de Suisse, Koi est lâexemple mĂȘme de la diversitĂ©. Ouvre les yeux « Quand cinq personnes partagent le mĂȘme point de vue, on va moins loin. Plus les perspectives sont variĂ©es, plus lâĂ©ventail dâidĂ©es est large. Lâhistoire gagne en profondeur et les personnages en complexitĂ© : on nâa pas toujours besoin du gros dur tatouĂ© qui fait tomber les nanas, comme dans God of War. » Honneur aux personnages crĂ©dibles auxquels on peut plausiblement sâidentifier. « IntĂ©grer un rĂŽle minoritaire de maniĂšre irrĂ©flĂ©chie et alĂ©atoire dans une histoire oĂč son rĂŽle
ne fait aucun sens est inappropriĂ© ; câest jouer le jeu de nos dĂ©tracteurs », prĂ©cise Marissa, qui considĂšre The Last of Us, jeu dâaction-aventure de type survival-Âhorror, comme un tournant : Ellie, lâhĂ©roĂŻne lesbienne, est une rebelle en jeans et baskets usĂ©es avec une balafre au visage ; Dina, sa petite amie, est juive, son ennemie Abby une amazone musclĂ©e, et Lev, le jeune asiatique, transgenre. On est loin des caractĂ©ristiques irrĂ©alistes de lâhĂ©roĂŻne de Tomb Raider. « Ce ne sont ni des super-hĂ©ros, ni des s tĂ©rĂ©otypes, simplement des gens normaux, touchants, avec leurs histoires propres. On partage leurs Ă©motions. » JusquâĂ prĂ©sent, Koi Games a dĂ©veloppĂ©, entre autres, des jeux vidĂ©o de rĂ©flexion (VRPuzzle) et dâexploration. ÂLâimportant, câest de se lancer. « La reprĂ©sentation et la visibilitĂ© sont essentielles. Il faut que les jeunes voient ces personnes de toutes les couleurs, de tous les genres, et se disent : âAh, enfin un truc pour moi !â » Depuis 2016, Marissa sâinvestit Ă fond dans lâesport. Elle a organisĂ© plus de trente ÂĂ©vĂ©nements et compĂ©titions virtuelles et en a mĂȘme prĂ©sentĂ©es certaines comme le Red Bull Itemania en 2022. Elle se souvient avec malice dâun Ă©vĂ©nement LAN. « Une bataille dâego entre quatorze personnes qui cherchaient un bouc-Ă©missaire. Je mangeais du popcorn dans mon coin en me demandant oĂč Ă©tait le problĂšme et comment le rĂ©soudre. » Le chemin le plus court et le plus rapide nâest pas toujours le meilleur. « Il y a tellement de femmes formidables qui nous ont dĂ©jĂ ouvert la voie. » Comme Marissa. Et la guerriĂšre en elle de sâĂ©crier : « On ne lĂąche rien ! » slayz.artstation.com
THE RED BULLETIN
« Je ne me suis pas laissĂ©e abattre et jâai canalisĂ© ma colĂšre pour aller de lâavant. » Marissa Duret Ă propos de la diversitĂ©, sujet complexe, dans lÂâindustrie du gaming.
THE RED BULLETIN
23
VAGUE DâOPTIMISME
catégorie: creative
Photographe : Bryan Niven Lieu : Pismo Beach, Californie, USA « CâĂ©tait une journĂ©e nuageuse, le soleil pointait timidement le bout de son nez. Jâai fini par empoigner mes palmes et mon appareil photo et me suis jetĂ© Ă lâeau. Jâavais vraiment besoin de me changer les idĂ©es, de faire nâimporte quoi pour me remonter le moral : mon mĂ©decin venait de mâappeler et de mâannoncer une bien triste nouvelle. » Deux surfeurs lĂąchĂ©s sur une vague dâoptimisme. bryanniven.com ; IG: @bryanniven
OCĂAN DE PHOTOS
BRYAN NIVEN/RED BULL ILLUME
Le Red Bull Illume est le plus grand concours photo de sports dâaventure et sport dâaction au monde. Les laurĂ©at·e·s pour 2023 seront annoncé·e·s fin novembre. Petit avant-goĂ»t de ces funambules de lâextrĂȘme qui jonglent entre mers dĂ©chaĂźnĂ©es et cimes Ă©ternelles. TEXTE DAVID PESENDORFER
THE RED BULLETIN
25
LES MURS DE BERLIN
catégorie : emerging with canon
Photographe : Elias Giselbrecht Lieu : Berlin, Allemagne « PremiĂšre nuit Ă Berlin aprĂšs treize heures de voyage et lâoccasion pour moi de concrĂ©tiser enfin lâun de mes plus grands rĂȘves en photographiant la Marie-Elisabeth-ÂLĂŒdersHaus. » Et puis apparemment, les Ă©vĂ©nements se sont enchaĂźnĂ©s, tout comme les saltos. IG : @brichti_revo
DU DĂSERT POUR LE DESSERT catĂ©gorie: energy
Photographe : Hannes Berger Lieu : Alsisar, Inde « Je faisais des repĂ©rages avec ÂFabio Wibmer, le roi du VTT, quand soudain, notre guide a mentionnĂ© une vaste Ă©tendue dĂ©sertique tout proche. En un instant, Fabio et moi savions quâon tenait notre spot. » Prochain arrĂȘt : le bac Ă sable ! hannesberger.com
THE RED BULLETIN
27
ELIAS GISELBRECHT/RED BULL ILLUME, HANNES BERGER/RED BULL ILLUME
CE RĂVE BLANC
catégorie : masterpiece by sölden Photographe : Guy Fattal Lieu : Whistler, Canada
28
GUY FATTAL/RED BULL ILLUME
« Les zones hors-piste de Whistler sâĂ©taient transformĂ©es en un vaste Âterrain de jeu recouvert de neige immaculĂ©e. Jâadore ce contraste entre les zigzags acrobatiques de mon pote Tom Pfeiffer et le calme blanc en arriĂšre- plan. » Image symbole dâune renaissance : la premiĂšre expĂ©dition photo de Guy aprĂšs sa convalescence suite Ă une rupture des ligaments croisĂ©s. guyfattal.com ; IG : @guyfattalphoto
THE RED BULLETIN
30
LE ROI DES DUNES
catégorie : playground by radiant photo
Photographe : Ian Collins Lieu : Big Water, Utah, USA
Photographe : JB Liautard Lieu : Nazca, PĂ©rou
« Je suis parti dans le dĂ©sert avec Brandon ÂSemenuk, la star du VTT, pour une sĂ©ance photo. Et on est tombĂ© sur ce rocher. » ÂBrandon a tout de suite accrochĂ© ! iancollinsphotography.com ; IG : @iancollinsphotography
« Cette dune de 500 m est lâune des plus hautes au monde. La symĂ©trie des plis crĂ©Ă©s par le vent Ă©taient parfaite, elle semblait presque f actice. » Une certitude : Kilian Bron, lâincroyable biker des sables, est 100 % authentique ! jbliautard.com ; IG : @jbliautard
THE RED BULLETIN
IAN COLLINS/RED BULL ILLUME, JB LIAUTARD/RED BULL ILLUME, JUAN GARCIA PRIETO/RED BULL ILLUME
ROND-POINT AU SOMMET
catégorie : playground by radiant photo
BIKER AQUATIQUE
catĂ©gorie: innovation by mpb Photographe : Juan GarcĂa Prieto Lieu : Parque Araucano, Santiago, Chili « Ce clichĂ© capture un moment magique : Jorge Arias, alias Kazique, lĂ©gende du BMX, sâapprĂȘte Ă faire un backflip au dessus de la fontaine. La victoire de lâathlĂšte sur la ÂgravitĂ©. » Il est vraiment portĂ© par les eaux ! IG : @juanonas
PROGRAMME ESSORAGE
catégorie : photos of instagram Photographe : Kevin Kielty Lieu : Newport Beach, Californie, USA
32
KEVIN KIELTY/RED BULL ILLUME
« The Wedge est un spot de surf Ă Newport Beach connu pour ses grosses vagues et ses conditions extrĂȘmes. Ce jour-lĂ , les vagues Âatteignaient facilement 6 m de haut. Câest tellement chaotique dans ce coin que je ne vois vraiment la qualitĂ© de mes clichĂ©s quâune fois chez moi. Câest le cas de cette pĂ©pite. » Le surfeur, anonyme, a bien toute sa tĂȘte, contrairement Ă ce que cette photo pourrait laisser penser. kpk66.myportfolio.com ; IG : @kksurfphotography
THE RED BULLETIN
AUPRĂS DE MON ARBRE
catĂ©gorie : photos of instagram Photographe : LĂ©o Grosgurin Lieu : Briançon, France Laissons le Français LĂ©o Grosgurin nous Âparler de sa photo avec le rider VTT Arthur Deblonde : « Une image trĂšs dĂ©licate Ă rĂ©aliser, avec cet arbre magnifique, les cascades dans le fond, tout tellement parfait. On sâest pointĂ©s un matin pour construire un jump, puis jâai fixĂ© un kilo de flashs Ă un drone et lâai envoyĂ© au-dessus de lâarbre et du kicker, mais câĂ©tait trĂšs venteux et il a chutĂ© plusieurs fois. La fenĂȘtre de tir Ă©tait trĂšs rĂ©duite, mais je voulais tout avoir Ă lâimage. Un test, une prise de vue, et on avait la photo impeccable. » IG : @@leogrgr
THE RED BULLETIN
35
LĂO GROSGURIN/RED BULL ILLUME
SUR LA PLANCHE
catĂ©gorie : lifestyle by cooph Photographe : Kevin Molano Lieu : BogotĂĄ, Colombie « Dans le skate, chaque trick est un dĂ©fi et les chutes sont monnaie courante. Skate or Die symbolise cet engagement total Âenvers le sport et le dĂ©passement de soi. » Comme la skateuse Nataly Lucano qui Âremonte aussitĂŽt sur sa planche. kevinmolanoph.com ; IG : @kevinmolanoph
AMBIANCE DE CHALET
catĂ©gorie : lifestyle by cooph Photographe : Tom McNally Lieu : Langdale, Angleterre « La vallĂ©e de Langdale jouit dâune triste ÂrĂ©putation : câest le coin le plus humide du pays. Quand la roche est trop glissante, le grimpeur Will Birkett va sâentraĂźner dans son cabanon. » Vive les pieds au sec ! tommcnally.co.uk ; IG : @tommcnallyphotography
36
THE RED BULLETIN
KEVIN MOLANO/RED BULL ILLUME, TOM MCNALLY/RED BULL ILLUME, DENIS KLERO/RED BULL ILLUME
DU MOVE EN MAUVE catégorie : raw
Photographe : Denis Klero Lieu : Rampstroy House, Russland « Je me suis inspirĂ© dâun clichĂ© similaire pris par un photographe spĂ©cialisĂ© dans le portrait : le modĂšle se tenait debout dans un faisceau de lumiĂšre, enveloppĂ© dans une palette de Âcouleurs luxuriantes. » Denis nâavait donc plus quâĂ rajouter de la dynamique au statique. klero.ru ; IG : @denisklero
THE RED BULLETIN
Scannez le code pour ÂtĂ©lĂ©charger lâalbum photo Red Bull Illume 2023. Rendez-vous le 30 nov. pour dĂ©couvrir les laurĂ©at·e·s de lâĂ©dition 2023. Âredbullillume.com
37
Le soleil brille, Odermatt rayonne Que ce soit dans la salle de musculation ou sur le glacier, Marco sâentraĂźne pratiquement tout le temps.
LE SECRET DU ROI DES PISTES ExtrĂȘme, Marco Odermatt ? Pour rester un gĂ©ant des pistes, ce champion du ski toutes catĂ©gories essaie Âdâinfuser le plus de normalitĂ© Âpossible dans son quotidien. TEXTE CHRISTOF GERTSCH PHOTOS SANDRO BAEBLER
38
THE RED BULLETIN
L
orsque Marco sâentraĂźne dans la salle de fitness, câest une Ă©ruption volcanique, un feu dâartifices, un orage qui Ă©clate au-dessus de nos tĂȘtes. On a du mal Ă sâen faire une idĂ©e quand on le voit Ă la tĂ©lĂ©, tout emmitouflĂ© dans son masque et sa combinaison de ski, mais câest un sacrĂ© gaillard : 1,84 mĂštre pour 87 kilos. En cette radieuse matinĂ©e dâĂ©tĂ©, il nây a vraiment aucune raison de penser Ă lâhiver. Sauf quand on sâappelle Marco Odermatt. Pour le plus grand skieur au monde, lâhiver approche vite (et mĂȘme trop vite Ă son goĂ»t). Nous somme Ă Oberdorf, prĂšs de Stans. Marco grimpe les marches de la salle de musculation oĂč il vient se torturer trois Ă cinq fois par semaine pendant la pause estivale. Il balance son sac dans un coin, branche son tĂ©lĂ©phone sur les enceintes, prend une profonde inspiration. « Pause estivale » ? Le terme est vraiment mal choisi. Voire mĂȘme mensonger : ce que sâimpose Marco pendant lâĂ©tĂ© est tout le contraire dâune pause. Certes, il nây pas dâĂ©preuves en Ă©tĂ© alors quâelles sâenchaĂźnent les unes aprĂšs les autres en hiver ; car notre homme ne participe pas Ă une, ni deux, mais trois disciplines : slalom gĂ©ant, super G, descente. Pour le reste, « lâĂ©tĂ© est plus dur que lâhiver », lĂąche Marco en reprenant son souffle. Si peu de ses adversaires font preuve dâune telle polyvalence, ce talent nâa pas que des avantages : plus Marco enchaĂźne les Ă©preuves, plus grandes sont ses chances de gagner le gros globe de la Coupe du monde (trophĂ©e
40
SâĂ©chauffer pour de meilleurs temps Marco lors de ÂlâentraĂźnement de Swiss-Ski sur les pistes prĂšs de Z  ermatt en Âseptembre dernier.
quâil a dĂ©jĂ remportĂ© lors des deux derniĂšres Ă©ditions). Dâun autre cĂŽtĂ©, son temps de rĂ©cupĂ©ration entre chaque Ă©preuve est toujours plus court. Entre mi-novembre, coup dâenvoi officiel de la saison, et mi-mars, il ne participera pas Ă moins de trente compĂ©titions, soit une tous les quatre jours en moyenne. Il passe son Ă©tĂ© Ă se prĂ©parer Ă ce qui lâattend en hiver. Câest son unique but : se sculpter un corps en bĂ©ton. Si Marco Odermatt veut finir Ă trente reprises parmi les meilleurs cet hiver, il devra sâentraĂźner mieux que quiconque tout au long de lâĂ©tĂ©. Dâaccord, mais quâest-ce que ça veut dire exactement, « mieux » ? « Je pourrais le formuler ainsi, commence-til. Quand je me lĂšve le matin et que je dois aller Ă la salle de sport, je ne me dis jamais : âYoupi, je vais faire de la muscu aujourdâhui !â Je ne
THE RED BULLETIN
Focus et vision Ă long terme Marco pendant une courte pause. « La ÂprĂ©paration est plus dure que lâhiver. »
pieds et hisse la barre le long du corps. Quand il est au max, il change la direction de la barre, bascule celle-ci sur sa poitrine et « retourne » les poignets. Ses jambes amortissent lĂ©gĂšrement la pression, son torse se stabilise. Nous sommes fin juillet, et il rĂ©alise quatre sĂ©ries de sept rĂ©pĂ©titions pour cet exercice. Plus tard, il passera Ă cinq, puis rĂ©duira encore Ă trois. Plus la date fatidique de la Coupe du monde de Sölden (en octobre) approche, moins il fait de rĂ©pĂ©titions. Ă la fin, Marco ne fait plus quâune seule fois chaque exercice mais rajoute plus de poids. Encore plus, prĂ©cisons-le, avec tous les disques de 20 kilos quâil monte en ce moment sur la barre qui pĂšse elle-mĂȘme dĂ©jĂ 20 kilos. Il est capable de soulever 125 kilos Ă lâarrachĂ©, soit une fois et demie son poids corporel. Green Day, Rage Against the Machine, AC/ DC rĂ©sonnent dans les enceintes. Ses cheveux son trempĂ©s de sueur, son visage tordu par lâeffort. Dents serrĂ©s, il grogne, Ă©met des sifflements et crie de temps en temps un : « Allez, Marco ! » histoire de sâencourager. Empoigner la barre, redresser le dos, tirer la barre, basculer le poids, poser la barre sur sa poitrine.
Prendre de la hauteur Marco en direction du Matterhorn  Glacier Paradise, la station de Âmontagne la plus Ă©levĂ©e dâEurope, Ă 3 883 mĂštres.
Recentrage Avant de sâĂ©lancer sur la piste, Marco prend quelques minutes pour rĂ©pĂ©ter les gestes dĂ©cisifs.
THE RED BULLETIN
ferais jamais ça dĂ©libĂ©rĂ©ment et câest le premier truc que je bannirai de mon quotidien quand je mettrai un terme Ă ma carriĂšre. » Ăvidemment, les programmes de muscu ne sont pas toujours aussi intenses : pour la plupart des gens qui vont sâentraĂźner pendant leur temps libre, câest plutĂŽt du genre Ă©couteurs dans les oreilles, un peu dâĂ©chauffement sur le tapis roulant, quelques rĂ©pĂ©titions avec les haltĂšres pour les bras et un peu de presse pour les jambes, sans trop sâĂ©puiser non plus : il faut garder encore un peu dâĂ©nergie pour le boulot, les courses et la famille. En musculation, les phases dâintensitĂ© sont trĂšs courtes mais extrĂȘmement brutales. M  arco essaie de les repousser le plus possible, mais aprĂšs trois quarts dâheure dâĂ©chauffement, il faut bien finir par sây mettre. Il commence alors par lâexercice dit de « lâarrachĂ© ». Petite dĂ©monstration : il saisit la barre au sol Ă deux mains, redresse le dos et regarde droit devant lui. Puis il dĂ©tend dâun coup les jambes du bassin aux
Se voiler la face ? Totalement inutile ! Ce serait si simple de laisser tomber la derniĂšre rĂ©pĂ©tition. Personne ne le remarquerait, pas mĂȘme Marco Kohler ni Yannick Chabloz, ses coĂ©quipiers de Swiss-Ski, eux-aussi en pleine sĂ©ance dâentraĂźnement ce jour-lĂ . Mais ce serait complĂštement stupide, car Marco serait le premier Ă en payer les frais Ă un certain moment de la saison, en hiver. Chaque sĂ©rie quâil termine ne le rend pas seulement plus fort, mais lui apporte aussi encore plus de confiance en lui, parce quâil sait quâil ne sâest pas dĂ©filĂ©. Une certitude qui lui a Ă©galement permis de battre un record particuliĂšrement remarquable la saison passĂ©e, celui des points lors de la Coupe du monde. Le prĂ©cĂ©dent dĂ©tenteur du record, Hermann Maier, « Herminator », avait marquĂ© exactement 2 000 points lors de la saison 1999/2000 (une victoire en Coupe du Monde rapporte 100 points). On pensait que cette performance ne serait plus jamais Ă©galĂ©e. Marco lâa dĂ©passĂ©e de 42 points. AprĂšs la derniĂšre rĂ©pĂ©tition, il laisse tomber la barre dans un fracas de mĂ©tal, pousse un beuglement, boit un peu dâeau en arpentant la salle tel un lion en cage, puis se tourne Ă nouveau vers les haltĂšres. Concentration. En musculation, mĂȘme si lâon pourrait penser le contraire, la force brute ne fait pas tout. Il faut scrupuleusement solliciter chaque muscle, maĂźtriser chaque fibre du corps et Ă©viter de se blesser alors que toutes les circonstances sont rĂ©unies pour que cela arrive. Et câest exactement ce quâil exigera de son corps cet hiver dans la neige, il devra le pousser Ă ses limites sans Âjamais le dĂ©truire. Ne jamais perdre le contrĂŽle. ÂJamais, jamais, jamais. Et
43
pourtant, Marco est loin dâĂȘtre obsĂ©dĂ© par le Âbesoin de tout contrĂŽler. Mais nous y reviendrons plus tard. Quand on observe Marco se prĂ©parer Ă son prochain exercice (squats sur une jambe avec une barre Ă lâarriĂšre de la nuque), on comprend petit Ă petit que pour devenir pro, il ne suffit pas seulement de bien savoir skier. Il faut aussi devenir un as de la musculation. Les mouvements sont si intransigeants et les poids si lourds que la moindre petite erreur de coordination peut anĂ©antir le travail de tout un Ă©tĂ©. Cette matinĂ©e dâentraĂźnement en force athlĂ©tique dure environ trois heures. Entre chaque session avec la barre, Marco intercale de petits exercices dâappoint : sauts avec les mains sur le banc, sauts accroupis en passant par-dessus le banc. Lâun des exercices sâappelle Good morning, un exercice bien plus dangereux que son nom ne le laisse imaginer : il sâagit de muscler son dos avec trois disques de 20 kilos sur la nuque. Et pour finir, sessions dâentraĂźnement avec son propre poids corporel : muscle-ups sur une barre de tractions, nordic hamstring curls sur les espaliers, abdos sur les anneaux. Ă la fin, Marco vide deux bouteilles dâeau dâun trait et sâĂ©tend raide mort sur un tapis. JusquâĂ prĂ©sent, nous nâavons parlĂ© que du corps de Marco. IntĂ©ressons-nous maintenant au second dĂ©fi auquel notre champion doit faire face : sa tĂȘte. Pour ĂȘtre exact, elle ne reprĂ©sente pas vraiment un dĂ©fi : elle est son capital, car câest grĂące Ă elle quâil dĂ©veloppe toute cette confiance et ce plaisir dâĂȘtre un skieur de classe mondiale. Le dĂ©fi, il est plutĂŽt dans tout ce qui vient encombrer la tĂȘte. « Le ski, câest comme la boxe. Sur les pistes glacĂ©es, notre corps reçoit pas mal de coups violents, mais la pression mentale qui sâexerce sur nous tout au long de la saison lâest tout autant. Elle bouffe littĂ©ralement notre Ă©nergie, entre les voyages, les hĂŽtels, les nouvelles destinations⊠sâils ne sont pas mesurables, ce sont des facteurs bien rĂ©els, pourtant. » La comparaison avec Roger Federer est un peu maladroite : la discipline de Marco ÂOdermatt nâa pas la mĂȘme portĂ©e mondiale que celle de lâex-tennisman. Pourtant, Marco est considĂ©rĂ© comme une lĂ©gende en Suisse, et selon un rĂ©cent sondage, comme le sportif le plus populaire du pays. Contrairement Ă ÂFederer, on ne le retrouve pas sur les plus c élĂšbres courts de tennis du monde dix mois par an mais seulement en hiver sur les pistes de ski d  âAdelboden, de Wengen ou du Val-dâIsĂšre, nos destinations de vacances, en somme. Il nâhabite pas Ă DubaĂŻ VAE mais Ă Beckenried NW, un village comme tant dâautres oĂč nombre dâentre nous ont grandi. Et au lieu de le vĂ©nĂ©rer, on le considĂšre plutĂŽt comme lâun des nĂŽtres. Cette image du sportif proche des gens a probablement disparue dans le reste du monde, mais en Suisse, elle a encore la dent dure, notamment pour ces deux disciplines bien de chez
44
nous, la lutte et le ski. De grands sportifs, oui, mais pas trop grands : câest une sorte de fiertĂ© nationale. Cela nâa jamais Ă©tĂ© le cas de Federer. Personne nâaurait osĂ© lâaborder pour faire un selfie avec lui, lui taper sur lâĂ©paule ou lui crier bonne chance. Mais quand on croise Odermatt, câest diffĂ©rent. Marco Odermatt, qui a fĂȘtĂ© ses 26 ans le 8 octobre dernier, est notre « Odi » national, au mĂȘme titre que Bernhard Russi dans les annĂ©es 1970 ou Pirmin Zurbriggen dans les annĂ©es 1980. Il fait partie de notre culture, câest notre surdouĂ© du ski : personne ne lui arrive Ă la cheville. Et de tous les athlĂštes, câest lui qui a lâhiver le plus compliquĂ©, car comme il remporte la plupart des compĂ©titions auxquelles il participe, ses journĂ©es sont toujours plus longues, entre les attentes dans la cabine des leaders, les cĂ©rĂ©monies de remise des prix, les confĂ©rences de presse, les contrĂŽles antidopage. En Ă©tĂ©, il ne saute absolument aucun entraĂźnement, pas mĂȘme les jours oĂč il a des engagements avec ses sponsors ou dâautres rendez-vous. Les Âdimanches, au lieu de se reposer, il part faire des randonnĂ©es avec sa compagne Stella Parpan, Ă©tudiante en mĂ©decine, du vĂ©lo avec ses collĂšgues ou encore du wakeboard sur le lac des Quatre-Cantons. Et pendant tout ce temps, il nâempĂȘche jamais les gens de lâapprocher, car il considĂšre que câest dans la logique des choses. Deux visages « Ne vous mĂ©prenez pas ! », enchaĂźne aussitĂŽt Marco, et lâon comprend que ce qui va suivre est essentiel pour lui. Il rĂ©flĂ©chit longuement pour trouver les mots justes. « Quand tu es sportif professionnel, sans tes fans, tu nâes rien dâautre quâun type capable de descendre des pistes de ski un peu plus vite que la moyenne. Ce sont les fans qui te font devenir celui qui
Auto-test Lors de lâentraĂźnement dâautomne, Marco teste lâĂ©quipement, mais aussi et Âsurtout lui-mĂȘme.
«â Le ski, câest comme la boxe : les coups ÂportĂ©s par les pistes sont violents. »
THE RED BULLETIN
touche les gens. » Câest beau et tellement vrai : concrĂštement, un·e sportif·ve professionnel·le nâaccomplit pas grand-chose pour lâhumanitĂ© comparĂ© au personnel soignant ou aux agriculteur·rice·s. Un·e athlĂšte poursuit avant tout des objectifs personnels, sans se soucier du destin du monde, mais cela change lorsque celle ou celui-ci devient source dâinspiration et quâelle ou il partage ses moments de joie et de souffrance avec les autres. Câest grĂące Ă ses performances que se noue ce lien si particulier, en entrant dans la vie des un·e·s et des autres. Pour Marco Odermatt, dĂ©jĂ Ă©lu « Sportif suisse de lâannĂ©e » Ă deux reprises, en 2021 et en 2022, ses fans viennent confirmer tout le bien-fondĂ© de ses actions. VoilĂ pourquoi il ne lui viendrait jamais Ă lâidĂ©e de se plaindre de faire lâobjet de trop dâattention. Si lâon ne discute pas un peu avec ses ami·e·s et ses proches, on ne se rend pas vraiment compte que toute cette proximitĂ© devient parfois un peu exces-
THE RED BULLETIN
sive, tant sa gentillesse et sa bienveillance sont grandes. Marco nâen est pas encore Ă Ă©viter les foules, il va toujours assister au ZĂŒri-FĂ€scht, au foot ou Ă la lutte. Mais il sâest quand mĂȘme fixĂ© quelques rĂšgles. PremiĂšrement : pas de selfies en soirĂ©e. DeuxiĂšmement : au dĂ©but de la saison de la Coupe du monde Ă Sölden, il invite tous ses ami·e·s et connaissances dĂ©jĂ prĂ©sent·e·s Ă lâapĂ©ro. Il ne supporte pas que lâon soit venu de si loin pour le voir et quâon en soit empĂȘchĂ© par les mĂ©dias, la fĂ©dĂ©ration, ou le reste du monde. TroisiĂšmement : Ă lâexception des rendez- vous officiels de la fĂ©dĂ©ration et des confĂ©rences de presse aprĂšs les Ă©preuves, il limite les interviews au strict minimum. Il reçoit dix demandes par semaine, soit plus de 500 par an. Il en a reçu trente rien que pour SRF cette annĂ©e. Pour quelquâun qui a horreur de dire non, il nâaccorde plus que trĂšs rarement dâinterviews aux mĂ©dias, environ dix par an.
45
GOOD MORNING, TORSE, BRAS, JAMBES !
Ă faire chez vous⊠avec modĂ©ration : cinq exercices qui permettent Ă Marco Odermatt dâĂȘtre en forme sur les pistes. 3. Good morning Le nom semble sympathique, mais lâexercice est difficile : se tenir debout Ă largeur de hanches, saisir la barre dâhaltĂšres (avec ou sans poids) derriĂšre la tĂȘte avec les deux mains, la sortir de son support et redresser le dos. En creusant lĂ©gĂšrement le dos, pencher le haut du corps vers lâavant de maniĂšre contrĂŽlĂ©e jusquâĂ lâhorizontale. DifficultĂ© : Ă©levĂ©e ! Ainsi que le risque de blessure si lâexercice nâest pas rĂ©alisĂ© correctement. Il est prĂ©fĂ©rable de commencer avec peu de poids, et sous la direction dâun professionnel.
1. Ice skater jumps Ces sauts latĂ©raux permettent de travailler la force rapide et la coordination. Commencer par une position de pas chassĂ©s sur le cĂŽtĂ©, une jambe flĂ©chie et lâautre tendue. ÂSauter de maniĂšre explosive de lâautre cĂŽtĂ©, en tendant la jambe flĂ©chie et en flĂ©chissant la jambe tendue. Pour cet exercice, il est important dâavoir une technique propre. ÂMarco fait des sĂ©ries de six sauts. Plus la position de dĂ©part ou dâatterrissage est basse, mieux câest !
2. Muscle-ups Les muscle-ups, ou tractions, combinent les tractions et les dips (appuis). Saisir la barre en false grip, câest-Ă -dire les paumes des mains tournĂ©es vers lâavant. Effectuer dâabord une traction, puis pousser le corps vers le haut en appui jusquâĂ ce que les bras soient presque tendus. Les muscle- ups sollicitent dâabord la musculature supĂ©rieure du dos et les biceps lors de la traction. Lors du dip, ce sont les pectoraux et les triceps qui sont mis Ă lâĂ©preuve.
46
5. Nordic hamstring curls Ici, les choses deviennent plus complexes. Pour ces curls, les jambes doivent ĂȘtre fixĂ©es au niveau des chevilles ou du bas des mollets. Pour cela, Marco se suspend Ă un espalier. Commencer Ă genoux, la partie supĂ©rieure du corps est droite avec un lĂ©ger dos creux. On peut croiser les bras sur la poitrine, le regard vers lâavant. Descendre ensuite le haut du corps jusquâĂ ce que le torse et les cuisses forment une ligne horizontale. Expirer en descendant, inspirer en remontant.
THE RED BULLETIN
IRENE SACKMANN
4. The Clean Marco effectue cet exercice, aussi appelĂ© transfert, Ă partir du sol. Se tenir debout Ă largeur de hanches, saisir lâhaltĂšre Ă deux mains, redresser le dos et regarder droit devant soi. Puis tendre les jambes tout en hissant lâhaltĂšre vers le haut. Au niveau des Ă©paules, « replier » les poignets et dĂ©placer le poids sur le corps. Marco soulĂšve 125 kilos Ă la fin de son cycle dâentraĂźnement, soit environ une fois et demie le poids de son corps. Commencer tout doux !
La rĂšgle la plus importante, et lâon entre petit Ă petit au cĆur de tout ce qui fait sa personnalitĂ©, câest que Marco ne veut pas se fixer trop de rĂšgles. Cela ne veut pas dire quâon ne peut pas ĂȘtre obsĂ©dĂ© du contrĂŽle et devenir un grand skieur, Ă©videmment. Ce serait absurde. Il suffit de penser Ă ces deux personnalitĂ©s extrĂȘmement mĂ©ticuleuses, Didier Cuche et Marcel Hirscher, le skieur le plus couronnĂ© de lâhistoire. Mais ce nâest pas le genre de Marco. Au contraire, il est mĂȘme persuadĂ© quâil se Âsimplifie la vie en ne contrĂŽlant pas chaque dĂ©tail, en nâanalysant pas chaque performance ÂdâentraĂźnement, en nâutilisant pas la derniĂšre once dâĂ©nergie quâil lui reste. Peut-ĂȘtre serait-il encore un peu plus rapide sâil ne voyait pas sa psychologue trois fois par an, mais trois fois par mois. « Il y a tellement de choses sur lesquelles nous nâavons aucune influence en tant que skieurs. Ce nâest pas la peine dâessayer », dĂ©clare-t-il.
Confiance Marco envisage la nouvelle saison avec optimisme.
« Ma rÚgle la plus importante : pas trop de rÚgles ! »
Art de vivre Cette maniĂšre de prendre les choses comme elles viennent ne lui est pas venue naturellement⊠ou peut-ĂȘtre un peu, mais câest surtout le fruit dâun travail conscient. Marco nâest pas un rat de bibliothĂšque, il prĂ©fĂšre apprendre des gens qui lâentourent. Son pĂšre Walter, qui lâa entraĂźnĂ© Ă ses dĂ©buts et lui a longtemps prĂ©parĂ© ses skis, lui a appris la maĂźtrise et lâanalyse de ce sport. Sa mĂšre Priska, peu passionnĂ©e par cette discipline mais proche des gens autour dâelle et soucieuse dâĂ©lever ses enfants dans lâaltruisme, lui a inculquĂ© des valeurs sociales. Sa grandmĂšre ThĂ©rĂšse, avec qui il a passĂ© des journĂ©es entiĂšres dans le jardin, les forĂȘts et la nature, lui a enseignĂ© lâamour de la terre et des joies simples. Avec son oncle Paul, riche homme dâaffaires et prĂ©sident de son fan club, il a affĂ»tĂ© son ouverture dâesprit et sa curiositĂ©. Marco Odermatt nâest pas devenu le meilleur skieur au monde en sâacharnant sur certains concepts ou en se concentrant obstinĂ©ment sur des idĂ©es fixes, mais en laissant toujours suffisamment dâespace Ă sa vie en dehors du sport. Finalement, câest un peu ça, son secret : il fait un peu de tout, mais jamais trop. En gĂ©nĂ©ral, il mange sainement, mais ça ne lâempĂȘche pas de dĂ©vorer un burger et des frites Ă lâoccasion. Ce nâest pas un gros fĂȘtard, mais il lui arrive de boire quelques biĂšres de temps en temps. Marco a compris que dans sa vie, il doit laisser de la place aux choses normales sâil veut accomplir des exploits sur la piste. Et on dirait que câest bien parti pour durer, câest du moins ce que suggĂšrent les donnĂ©es de puissance quâil a fait mesurer cet Ă©tĂ© et qui Ă©taient encore meilleures que les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, alors que, dĂ©jĂ Ă lâĂ©poque, il nây avait pas beaucoup de concurrents qui lui arrivaient vraiment Ă la cheville. Instagram : @marcoodermatt
THE RED BULLETIN
47
LA REINE DE LâARĂNE Enfance difficile, pĂšre cĂ©lĂšbre, outing touchant : la reine du R&B Naomi Lareine sâĂ©mancipe du poids mĂ©diatique de sa propre histoire. Avec duretĂ©, avec amour, mais surtout avec la force de sa musique. TEXTE ANNA KERBER
48
PHOTOS DAN CERMAK
THE RED BULLETIN
Nouveau drive à la place du conducteur dans sa vie : Naomi Lareine lors de la séance photo pour The Red Bulletin à Zurich.
« Les gens oublient que je nâen suis quâĂ mes dĂ©buts. [âŠ] Jâai envie de devenir une artiste imprĂ©visible. »
B Stationnement obligĂ© MĂȘme dans le quartier zurichois de Binz, Naomi ne se laisse pas dicter sa conduite. Sâil le faut, elle nâhĂ©site pas Ă foncer tĂȘte baissĂ©e dans le mur, et Ă prendre racine dans lâinterdiction de stationner.
THE RED BULLETIN
ackstage de LâAmalgame, Yverdon-les-Bains. Rage Against the Machine rĂ©sonne dans les enceintes. âAnd now you do what they told you!â Naomi chante en chĆur sans quitter des yeux la partie de baby-foot en cours. Perdre, câest pas trop son truc. La confiance, beaucoup plus, que ce soit en lâunivers ou en ses propres capacitĂ©s. Elle a fait du chemin depuis son premier single, Sweet Latina. La presse loue unanimement sa voix de velours, son art de fredonner les riffs, son Ă©nergie sur scĂšne et surtout son charme sincĂšre. En 2020, elle est nominĂ©e aux Swiss Music Awards dans la catĂ©gorie « Best Talent » puis participe Ă lâĂ©mission tĂ©lĂ© Sing meinen Song. Si elle a su sâimposer comme la nouvelle coqueluche des mĂ©dias, câest grĂące Ă sa maniĂšre dâaborder des sujets qui font Ă©cho. Naomi ÂLareine, 29 ans, sâappelle en rĂ©alitĂ© Bruderer. Son pĂšre, Martin, Ă©tait joueur de hockey sur glace professionnel. Sa mĂšre, moitiĂ© SĂ©nĂ©galaise, moitiĂ© Mauritanienne, sâest faite adopter en France et a souffert longtemps de troubles psychologiques. Lâenfance de Naomi est marquĂ©e par les dĂ©mĂ©nagements et les Ă©pisodes de harcĂšlement scolaire en raison de son corps frĂȘle et de sa couleur de peau. Elle fera souvent parler ses poings, ne trouvant pas dâautres moyens de se dĂ©fendre, puis se jettera Ă corps perdu dans le foot jusquâĂ devenir dĂ©fenseuse au sein de lâĂ©quipe nationale des moins de 19 ans. Elle fera son coming-out public Ă travers sa musique. Lesbienne, tatouĂ©e, elle admire
Alicia Keys et est devenue une influenceuse de mode adulĂ©e par la gĂ©nĂ©ration Z sur TikTok. Autant dâaspects de sa personnalitĂ© qui touchent le public, en bien comme en mal : harcĂšlement, regards de travers, applaudissements, rĂ©compenses⊠et au beau milieu de cet ouragan, une jeune femme qui sait enfin plus ou moins ce quâelle veut : ne pas avoir une Ă©tiquette. Ni au niveau de sa personnalitĂ©, ni au niveau de sa musique. Naomi a fait son coming-out Ă travers ses textes, en chantant âgirls, girls, girlsâ plutĂŽt que âboys, boys, boysâ. Une vraie libĂ©ration, constate-t-elle avec du recul. Elle a dĂ» sâarmer de courage : elle-mĂȘme mettra pas mal de temps Ă accepter sa propre sexualitĂ©, plus que ses proches, dâailleurs, qui accueilleront la nouvelle avec sĂ©rĂ©nitĂ©. « CâĂ©tait lâĂ©vidence mĂȘme », dira dâailleurs sa mĂšre. Aujourdâhui, cela est presque anecdotique, tant les mĂ©dias ont partagĂ© cet aspect de sa vie en long, en large et en travers : Naomi partage un appartement Ă Opfikon avec sa petite amie (la fameuse âgirl next doorâ dans ses chansons), et ses deux chats. Et elle en a marre quâon lui demande quand elles vont se marier, marre dâattirer les regards. Sa petite amie Gina est tatoueuse et est elle-mĂȘme couverte de tatouages. Naomi est toujours frappĂ©e du manque dâĂ©ducation des gens qui les dĂ©visagent dans la rue comme des bĂȘtes curieuses. « Non mais, sĂ©rieux ! » Le reste du temps, elle se met rarement en rogne. Sauf quand on la klaxonne, rajoute Naomi qui se dĂ©place de plus en plus en voiture maintenant quâelle possĂšde une Lexus. « Dans ces moments-lĂ , je me rends compte que les gens sont super aggros ! » Lareine elle-mĂȘme nâest pas toujours une reine de patience, parfois trop ponctuelle pour ne pas faire perdre de temps aux autres. Mais en revanche, elle traite tout le monde avec le mĂȘme respect et la mĂȘme courtoisie. Le sceptre du Capricorne « Les gens oublient que je nâen suis encore quâĂ mes dĂ©buts, confie-t-elle. Jâai encore tellement de projets. » Le secret de son succĂšs tient en deux mots : boulot et confiance en soi. « Le sport mâa beaucoup apportĂ©, constate-t-elle en repensant Ă sa carriĂšre professionnelle. Se battre, ne rien lĂącher, ça rend plus fort. » Et puis, câest une Capricorne : foncer tĂȘte baissĂ©e vers lâobstacle, câest parfois nĂ©cessaire. En dĂ©but dâannĂ©e, elle a montĂ© un nouveau groupe de zĂ©ro et contrĂŽle chaque dĂ©tail de sa musique
51
Ă la premiĂšre chanson, toujours cette angoisse : « Jâai un peu le syndrome de lâimposteure. » dâune main de fer. « Câest la meilleure dĂ©cision que jâaie jamais prise, affirme-t-elle. On sait exactement ce quâon fait et oĂč on veut aller. » Prochain objectif : une carriĂšre internationale. Elle a la prestance nĂ©cessaire, le professionnalisme aussi. Une dĂ©marche cool et assurĂ©e, des mouvements de bras hypnotiques et une incroyable prĂ©sence scĂ©nique.
Quelques grammes de luxe Naomi avec une Lexus RZ à Binz. Le succÚs lui a apporté un peu de luxe, et une Lexus.
Un licenciement comme booster Elle sait quâelle est souvent sa pire ennemie. Elle est toujours trop dure envers elle-mĂȘme. Impitoyablement exigeante. Souvent bien plus quâenvers les autres. La plupart des phrases quâelle se rĂ©pĂšte en boucle dans la tĂȘte commencent par « Tu dois⊠» Et se terminent par « Tu peux mieux faire. » Pourtant, elle a dĂ©jĂ fait son chemin de croix. Elle a mis du temps Ă sâĂ©manciper, Ă devenir une artiste indĂ©pendante. Peut-ĂȘtre mĂȘme ne lâaurait-elle jamais fait si la boĂźte de cartes de crĂ©dit pour laquelle elle travaillait au service clientĂšle ne lâavait mise Ă la porte
pour cause dâabsences rĂ©pĂ©tĂ©es (elle consacrait trop de temps Ă sa musique). LibĂ©ration ? Non, angoisses existentielles et mĂȘme crises de panique : comment payer le loyer, quâest-ce qui va se passer, trouverais-je encore des contrats publicitaires pour mâen sortir ? La peur des concerts, la peur de chanter devant une salle vide parce que personne nâaime sa musique ou ses spectacles, ne lâa jamais vraiment quittĂ©e ; pas mĂȘme aprĂšs les ovations de milliers de fans lors de ses concerts, comme suite Ă sa performance lors du rendez-vous incontournable de lâĂ©tĂ©, le Festival de Jazz de Montreux : « Dans les premiers rangs, tout le monde chantait avec moi. CâĂ©tait incroyable ! » Toujours cette angoisse qui la saisit avec la premiĂšre chanson, avant de se dĂ©tendre en entonnant la prochaine. « Jâai un peu le syndrome de lâimposteure », dit-elle en riant. Une reprĂ©sentation trĂšs loin de la rĂ©alitĂ©, quand on voit lâampleur de son succĂšs. Dans lâindustrie de la musique, elle sait quâelle peut compter sur son ami et mentor, le rappeur Stress, et son producteur Mykel Costa. Et en privĂ©, sa copine est toujours lĂ pour la soutenir. « Elle est plus jeune que moi, mais de nous deux, câest elle la plus mĂ»re, jâai sĂ»rement plus appris dâelle que le contraire », plaisante-t-elle. La joie de vivre Ă un rythme effrĂ©nĂ© « Dans le futur, je me vois bien en artiste imprĂ©visible. Jâai besoin dâĂȘtre libre et de me faire plaisir quand je chante, poursuit-elle, expliquant que câest la seule maniĂšre de rester authentique. Les gens le sentent quand on a plaisir Ă faire ce que lâon fait. Câest lĂ que la musique est bonne. En ce moment, je suis trĂšs concentrĂ©e sur mes propres sensations, jâai envie de faire de la musique positive », explique Naomi. Des airs rythmĂ©s qui donnent envie de bouger. Non pas parce que câest son Ă©tat gĂ©nĂ©ral : elle est parfois triste et a envie de musique triste, et dâautre fois il lui faut des beats joyeux pour se remonter le moral. En ce moment, ça se traduit par un mix entre R&B, pop, Ă©lectro et rythmes afro. « Mais si demain jâai envie de faire du rock, je ferai du rock ! » Elle ne lĂąche pas cela comme une ado rebelle prĂȘte Ă se friter Ă la rĂ©crĂ©, mais comme une amoureuse de la musique, une passionnĂ©e du son qui veut continuer de tout donner parce quâelle sait quâelle en est capable. Pendant ce temps-lĂ , les petits concerts en plein-air ont pris fin. Le public dâYverdon sâest rapprochĂ© de la scĂšne principale et de leur star. La furieuse partie de baby-foot en backstage sâest soldĂ©e par une victoire pour lâĂ©quipe de Naomi sous les derniers accords de Rage Against the Machine, et de cette rengaine finale que lâon connait si bien : âFuck you, I wonât do what you tell me!â En piste ! Instagram : @naomi_lareine
52
THE RED BULLETIN
Pleinement dans le cadre Naomi Lareine ÂdĂ©limite les dimensions de sa carriĂšre : elle veut se produire sur les scĂšnes pop internationales.
DE RAPHAEL... 54
THE RED BULLETIN
Le noir vous va si bien Raphael Ragucci, alias RAF Camora, icĂŽne dâun rap sombre, Ă son image.
55
... Ă CAMORA Rencontre au sommet avec le rappeur le plus streamĂ© du monde germanophone et lâun des plus grands noms de la scĂšne rap actuelle : RAF Camora, alias Raphael Ragucci. Lâartiste autrichien se livre Ă cĆur ouvert sur ses projets, ses doutes et ses coups de cĆur â dont Mozart et Donald Duck â mais aussi sur les deux piliers de sa vie : sa passion pour la musique et la vie de famille â quâelle soit la sienne ou non. ENTRETIEN NINA KALTENBĂCK & DAVID PESENDORFER
56
PHOTOS MARKUS MANSI
THE RED BULLETIN
Un peu plus prĂšs des Ă©toiles Au sommet de sa carriĂšre, RAF Camora et les tours de DubaĂŻ en arriĂšre-plan.
57
Qui suis-je ? « Quand je me regarde dans le miroir, je vois RAF Camora ET Raphael. »
T
the red bulletin : Monsieur Camora⊠Au fait, est-ce quâil y a des gens qui Âtâappellent comme ça ? raf camora : Rarement. Il peut y avoir parfois quelques gamins qui mâabordent comme ça dans la rue, juste pour ĂȘtre polis. Mais sinon, câest « Monsieur Ragucci » ou tout simplement RAF ou Raphael. Quâest-ce quâil Ă©coute, ce Monsieur Ragucci, quand il se sent dâhumeur romantique ou quâil nâa pas le moral ? On a tous plusieurs facettes en nous. Moi par exemple, je peux mâenfiler du grunge Ă la Kurt Cobain pendant des heures ; mais je peux ĂȘtre aussi le RAF « house/techno » ou celui plutĂŽt « gangsta-rap » qui Ă©coute de la drill française ou anglo-saxonne (la drill est un sous-genre dĂ©rivĂ© du trap, ndlr). Et pour un dĂźner aux chandelles, tu mettrais quoi ? De la deep house. Jâen ai dâailleurs toute une playlist quâon peut Ă©couter sur Spotify. Si tu dis avoir plusieurs facettes, est-ce quâil y a un cĂŽtĂ© « petit-bourgeois » chez toi ? Le mec un peu plan-plan qui passe ses weekends en famille ? Non, pas du tout. En fait, câest mĂȘme ce Ă quoi jâai dĂ» renoncer pour suivre ma carriĂšre. Le bonheur en famille, je lâai lorsque je suis avec ma mĂšre, ma sĆur et mon petit neveu. ÂĂvidemment,
58
THE RED BULLETIN
ce nâest pas la mĂȘme chose quâune vraie vie de famille au sens classique, mais jâai ma musique pour me rendre heureux : câest lĂ que je mâĂ©panouis et que je me sens vraiment protĂ©gĂ©. On peut se protĂ©ger grĂące au rap ? Oui, quand tu vas mal ou que tu es en colĂšre, il suffit de mettre un beat, dâĂ©crire un texte dessus â et tu plonges dans un univers complĂštement diffĂ©rent. Si je devais gĂ©rer ma carriĂšre en plus dâavoir une partenaire, ce serait vraiment galĂšre. Parce que ça va forcĂ©ment affecter lâautre personne dans sa propre vie. Câest pour ça que jâai pris cette dĂ©cision : pour lâinstant, je prĂ©fĂšre rester seul. RAF Camora nâest-il pourtant pas juste un personnage de scĂšne, un peu comme le Ziggy Startdust de David Bowie ? Pas vraiment. Raphael Ragucci et RAF Camora sont en fait assez proches lâun de lâautre. RAF fait partie de Raphael. Quand tu te regardes le matin dans le Âmiroir, quâest-ce que tu vois ? Les deux, justement. Mais avec le temps, jâai aussi appris une chose trĂšs importante : quand RAF se plante parfois, ça ne veut pas dire que Raphael est un gros nul. Jâarrive Ă diffĂ©rencier les deux. Tu as eu trente-neuf ans cette annĂ©e. Y a-t-il un risque de voir un jour un tel fossĂ© se crĂ©er entre ton personnage et ta rĂ©alitĂ© que tu finisses par te dire : « Ce nâest plus tenable » ? Câest une grande question, et jâen parle dans mon dernier album XV, qui veut dire « ex-voyou » : parce que justement, je ne suis plus ce mec de la rue, qui tenait les murs toute la journĂ©e avec ses potes Ă vendre du shit. Maintenant je suis un homme mĂ»r, et jâai voulu que cet album se distingue, dans le style et lâimage quâil renvoie, de ce que je faisais notamment en 2016. Cette annĂ©e-lĂ , jâĂ©tais vraiment dans un autre trip.
Donc jâessaie dâĂ©voluer artistiquement afin de combler ce fossĂ© entre le personnage et la rĂ©alitĂ©. JusquâĂ quel point RAF peut-il vieillir Âdignement ? Ou faudra-t-il un jour quâon le dĂ©gomme pour de bon ? Si vous prenez lâexemple de Ronaldo, qui a vraiment bossĂ© comme un fou pour faire durer sa carriĂšre, vous savez quâon peut tenir assez longtemps si on y travaille. Et puisquâil est permis de se complimenter quand on rĂ©ussit un truc : je trouve personnellement que jâai rĂ©ussi Ă rester dans le game. Quand je vais Ă des festivals, jâai en face de moi des jeunes et des moins jeunes, des gamins qui me connaissent grĂące Ă TikTok et la vidĂ©o All Night et des trentenaires qui sont fans depuis plus longtemps. Pour moi, câest ça la reconnaissance ultime. Lâune des grosses difficultĂ©s du mĂ©tier, câest de rester au top. MĂȘme aprĂšs toutes ces annĂ©es, il y a toujours le mĂȘme feu, la mĂȘme agressivitĂ© dans ma musique. Avec qui, en dehors du rap, ferais-tu Âvolontiers un duo ? Je ne connais aucun artiste qui soit assez sombre pour moi. Pourquoi faudrait-il forcĂ©ment ĂȘtre sombre ? Parce que câest comme ça que je mâexprime. Si ça ne provoque pas en moi de lâagressivitĂ©, de la tristesse ou un shoot de dopamine, alors ça ne sert Ă rien. Il y en a une qui aurait pu convenir, mais ça remonte Ă des annĂ©es : Lana Del Rey. Elle, je la trouvais assez incroyable. Tu es lâartiste le plus streamĂ© du monde germanophone, avec un total de 4,5 milliards, et on tâa derniĂšrement vu sur les Ă©crans gĂ©ants de Times Square Ă New York pour la sortie de XV⊠Alors quâĂ la base, jâai une formation de musique classique. Jâai commencĂ© le violon Ă quatre ans, puis le piano Ă six, avant dâĂ©tudier la musicologie
« Voir parmi mes fans  des gens de plusieurs ÂgĂ©nĂ©rations, câest ça la reconnaissance ultime. » THE RED BULLETIN
59
Ă Vienne. Lâune de mes Ćuvres prĂ©fĂ©rĂ©es, câest le requiem de Mozart, parce que câest une musique sombre et trĂšs profonde, ce qui me correspond parfaitement â et que jâaimerais bien faire un jour : quelque chose qui ressemble Ă un opĂ©ra, une Ćuvre classique. Le top, ce serait de le jouer au stade de Vienne. On tâen sent tout Ă fait capable. En fait, ce nâest pas si facile pour moi de jouer en public : lors de mon concert en juin dernier Ă la Donauinselfest (grand festival organisĂ© sur lâĂźle du Danube Ă Vienne, ndlr), je jouais devant 120 000 personnes. Ă 17 heures, je traĂźnais encore chez moi, perdu dans mes pensĂ©es, en me demandant « Et si ça foirait ce soir⊠» Jâavais vraiment le trac. Toi, lâessence mĂȘme du mec cool et dĂ©tachĂ©, qui donne lâair de tout maĂźtriser, tu flippes avant dâentrer sur scĂšne ? Oui, depuis toujours, mĂȘme si je prĂ©fĂ©rerais que ce soit diffĂ©rent â comme par exemple Bonez MC, avec qui je collabore : le mec ne stresse jamais. Jâaimerais bien me dĂ©barrasser de ma nervositĂ© : le plus difficile pour moi, ce nâest pas de donner un concert, mais câest de devoir gĂ©rer la journĂ©e qui le prĂ©cĂšde. Câest cette peur constante de lâĂ©chec, mĂȘme aprĂšs toutes ces annĂ©es dâexpĂ©rience, qui te rend nerveux ? Oui, et aussi une obsession perfectionniste. Il faut absolument que tout soit parfait. Le cĂŽtĂ© « on sâen fout, on verra bien », ça nâexiste pas chez moi. On ne peut pas ĂȘtre crĂ©atif si on est trop ÂblasĂ© par la routine ? En tout cas, moi, je ne peux pas. Parce que Âjâattache beaucoup dâimportance Ă ce que je fais. DerniĂšrement, lors dâun festival, je me suis rendu compte que les programmateurs Ă©taient souvent Ă la traĂźne question actualitĂ© musicale.
Ils prĂ©fĂšrent mettre en tĂȘte dâaffiche des artistes qui ne sont dĂ©jĂ plus au top. Je me suis demandĂ© pourquoi untel Ă©tait tout en haut de lâaffiche alors quâun autre groupe, Ă peine mentionnĂ©, est en train de cartonner Ă mort⊠Tu as Ă©crit deux livres, Le pacte, en français, une autobiographie introspective sur le chemin parcouru, paru en allemand en 2021, et derniĂšrement Dark Zen, en allemand, qui se lit davantage comme un mode dâemploi du bonheur. Ces instants de ta vie oĂč tu te sens bien, en sĂ©curitĂ©, tu arrives Ă tâen souvenir pour les utiliser dans les moments de doute ? Non, ce nâest pas quelque chose que jâarrive Ă contrĂŽler. Et câest sans doute parce que jâen ai trop bavĂ© dans ma carriĂšre. Je me suis pris tellement de portes dans la figure que je peux encore ressentir dans ma chair ce que ça fait. Quand par exemple tu es sur scĂšne, et tu es obligĂ© de fermer les yeux pour ne pas voir Ă quel point la salle est vide, ou presque vide. Et pourtant, tu tâes donnĂ© tellement de mal, mais pas que toi : les musiciens, les ingĂ©nieurs son et lumiĂšre⊠Tout le monde souffre avec toi, pendant toute une heure. Pour quâĂ la fin, tu rĂ©coltes quelques applaudissements polis. Non, franchement, ce genre dâexpĂ©rience, ça ne sâoublie pas. Il semble au contraire que cela tâait poussĂ© Ă tâaccrocher : sur cette Ă©tagĂšre, je vois par exemple lâĂ©dition germanophone du magazine Forbes, avec ton faciĂšs en couverture. Quâest-ce que ça reprĂ©sente pour toi ? Beaucoup. Ce nâest pas donnĂ© Ă tout le monde. Tu cartonnes effectivement dans les affaires : ton business, tu le vois plutĂŽt comme un jeu ou un rĂ©flexe pavlovien quâon garde lorsquâon a connu trop dâannĂ©es de galĂšre financiĂšre ? Les deux. Par exemple, si je vais faire mes courses au supermarchĂ©, jâai toujours cette peur inconsciente que ma carte soit refusĂ©e. Cet ins-
« La bonne musique, câest comme un film de Rambo : ça doit te prendre aux tripes. » 60
THE RED BULLETIN
Dubaï by night Le cÎté obscur du rap : RAF Camora est un oiseau de nuit.
tant oĂč tu dois rĂ©flĂ©chir Ă ce que tu vas laisser Ă la caisse pour essayer de gratter quelques euros et retenter le coup⊠Jâai toujours du liquide sur moi, mĂȘme si je nâen ai pas besoin : lâangoisse reste, au-delĂ de toute rationalitĂ©. Peut-ĂȘtre que ça te complique la vie, mais peut-ĂȘtre aussi que câest justement ça qui te permet dâavancer. Pour aller oĂč ? Regarde-moi : jâai deux mains, deux jambes, et sâil le faut, jâirai bosser sur les chantiers pour pouvoir continuer Ă faire ma musique. Si je peux le faire, câest parce que jâai la gnaque â et la tĂȘte suffisamment claire. DâoĂč mon conseil le plus important : ne jamais toucher aux drogues ! Ăa te nique le cerveau. Et quand il ne fonctionne plus, câest lĂ que tu risques de finir Ă la rue. Pour le moment, tu ne sembles pas prĂšs de finir Ă la rue, puisque tu roules en Ferrari et en Maserati. Est-ce que ta mĂšre est fiĂšre de toi lorsque tu dĂ©barques chez elle dans un de ces bolides ? Elle mâa envoyĂ© un message vocal derniĂšrement, et jâentendais un vrombissement derriĂšre sa voix. Quand je lui ai demandĂ© si elle Ă©tait en train de conduire la Ferrari, elle mâa rĂ©pondu : « Quelle belle voiture ! Et elle se conduit super bien ! » Un autre jour, je reçois une photo : ma Ferrari garĂ©e en travers du trottoir Ă Ottakring (un quartier populaire et cosmopolite de Vienne, ndlr). Je me dis : « Quel est le pote qui a eu le culot de prendre mes clĂ©s ? » Jâappelle ma mĂšre, et elle mâenvoie une photo dâelle avec une de ses copines : elles sâĂ©taient pomponnĂ©es et Ă©taient sorties faire un tour dans leur quartier ! Bref, ma mĂšre adore ce genre de voitures. Petit souvenir personnel : une bande dâamis â assez jeunes, la vingtaine â dans le parc du Prater Ă Vienne, en train de danser sur Ponny de Yung Hurn (un morceau aux Âparoles trĂšs explicites, ndlr). Dans ce groupe, des jeunes femmes hyper modernes, fortes et indĂ©pendantes. Comment peuvent-elles ĂȘtre fans de cette musique ? Et pourquoi pas ? Parce que tu penses quâon les opprime ? Ou parce que les paroles sont parfois trĂšs crues ? Je te donne un exemple : quand des garçons Ă©coutent du gangsta-rap oĂč lâon parle tout le temps de « bitch » et de « pussy », câest comme sâils regardaient Rambo avec Stallone, tu vois ? Ils voient des mecs se faire buter, mais ça ne veut pas dire quâils veulent le faire ou quâils trouvent ça cool ! Ce qui leur plaĂźt, câest le frisson du moment, mais pour eux, câest juste un film. Les gens savent que Yung Hurn et moi, on a suffisamment de recul par rapport Ă ce quâon Ă©crit, on voit notre musique comme un film. La musique dĂ©pend entiĂšrement de lâĂ©motion quâelle vĂ©hicule : on veut quâelle te touche, quâelle tâĂ©meuve, quâelle te prenne aux tripes â sinon, ça ne sert Ă rien. Et câest justement pour ça que des filles fortes et indĂ©pendantes peuvent aimer ça.
THE RED BULLETIN
61
Part dâombre Les photos ont Ă©tĂ© faites Ă DubaĂŻ dans le cadre de son nouvel album XV.
62
Penses-tu que ça dĂ©rangerait tes fans sâils savaient que RAF Camora est en fait un type sĂ©rieux et posĂ©, qui aime Ă©couter le requiem de Mozart tranquillement chez lui, un espresso Ă la main ? Non, ils le savent dĂ©jĂ . Par contre, si mon Âappart Ă©tait rempli de posters « Hello Kitty » et de disques dâHelene Fischer (star de musique populaire en Allemagne, ndlr), lĂ , je pense quâils tiqueraient un peu. Y a-t-il des choses que tu adores faire et qui ne correspondent absolument pas Ă lâimage du rappeur sombre et torturĂ© ? Pas vraiment. Bon, jâadore jouer à « Qui suis-je ? » avec mes potes, jâaime les BD, surtout ÂDonald Duck⊠Jâadore lire les aventures de Picsou : câest peut-ĂȘtre mon seul plaisir coupable. Ă propos de BD pour enfants, parle-nous de ton petit neveu : est-ce quâil Ă©coute ta musique ? Oui, il aime bien par exemple « Blaues Licht », « 500 PS » ou encore « Risiko ». Le plus drĂŽle, câest quâil sâagit toujours de hits, alors que lui-mĂȘme nâen sait absolument rien. Ăa veut dire que les enfants sentent trĂšs bien ce qui est bon ou pas. Quand je lui fais Ă©couter quelques-uns de mes morceaux dans ma voiture, jâobserve ses rĂ©actions, histoire de deviner ce qui peut avoir du potentiel ou pas. Câest important : la musique doit dâabord te procurer du plaisir. Ta musique est pourtant particuliĂšrement sombre, parfois mĂȘme violente. Bonez MC dit toujours que la musique doit nous apporter une Ă©nergie positive. Au dĂ©but, moi aussi je me disais « Positif, mon c*** â Je suis de la gĂ©nĂ©ration Kurt Cobain ! » Mais maintenant, je sais que dâune maniĂšre ou dâune autre, câest vrai â et les gamins le sentent trĂšs bien. Le magazine Forbes, dont tu as dĂ©jĂ fait la couverture, est aussi connu pour sa liste des 30 Under 30, les jeunes qui inspirent le monde. Quels sont les jeunes qui tâinspirent en ce moment ? Pour citer mon manager : « Le jour oĂč lâon va commencer Ă devenir des vieux cons, Ă penser que les jeunes disent de la merde, ce sera terminĂ© pour nous. » Parce que la jeunesse te montre dans quel sens va le monde. Parmi les artistes qui mâinspirent en ce moment, il y a Ski Aggu ou encore Hoodblaq. Jâaime bien discuter avec ceux qui sont plus jeunes que moi : mon demi-frĂšre du cĂŽtĂ© paternel est encore un ado, mais jâaime bien lui demander ce quâil Ă©coute. Il me rĂ©pond des trucs comme : « La drill, câest le genre absolu actuellement. » Tu possĂšdes une maison dâĂ©dition, un  studio de tatouage, un salon de barbier, une agence de pub et de marketing, etc. Lequel te rend particuliĂšrement fier ?
THE RED BULLETIN
« La femme de mes rĂȘves ? Il faut quâelle ait de lâhumour â un peu comme Fran Fine dans Une nounou dâenfer. » Celui qui a reprĂ©sentĂ© le plus gros dĂ©fi : le barber shop. Quand il a enfin ouvert Ă Vienne, ça a Ă©tĂ© un grand moment. Tous les grands noms du business ont aussi leurs points faibles, certains mĂȘme qui les rendent sympathiques. Ce serait quoi, ton « gentil petit dĂ©faut » ? Mes points faibles. Mis Ă part ma grande nervositĂ©, je suis quelquâun de trĂšs, trĂšs, trĂšs empathique. Beaucoup plus quâon ne lâimagine. Je ressens Ă©normĂ©ment la souffrance des autres. Une question plus spirituelle : quâest-ce qui est, selon toi, le plus important, dans la vie ? Savoir qui on est â pour savoir ce qui nous rend heureux. Savoir doser les plaisirs : tu peux tâenfiler des Mac Do, mais il faudra Ă un moment donnĂ© compenser par des choses plus saines. Et la troisiĂšme chose importante pour moi, câest le fait de laisser une trace dans ce monde. Que ce soit par la crĂ©ation artistique ou en fondant une famille. Ferme les yeux un instant et imagine-toi avec ta propre famille, un dimanche dans la cuisine. Quâest-ce que tu vois ? Si je me marie un jour, jâaimerais que ce soit dans lâĂ©glise du quartier oĂč jâai grandi Ă Vienne (FĂŒnfhaus, quartier multiculturel du XVe arrondissement, ndlr), avec une grande fĂȘte de rue. Je vois aussi deux enfants, qui ressembleraient peut-ĂȘtre Ă mon adorable petit neveu. Peut-ĂȘtre une femme italienne ou en tous cas qui aurait le physique dâAdriana Lima, comme je le dis dans une de mes chanson. Mais je nâai pas vraiment de type de femme particulier. La femme de tes rĂȘves serait plutĂŽt du genre sombre comme toi, ou plutĂŽt dĂ©lurĂ©e ? Il faut quâelle ait de lâhumour â un peu comme Fran Fine dans Une nounou dâenfer.
En concert le 15 mars 2024 au Hallenstadion de Zurich. Instagram : @raf_camora
63
LA LIGUE DES LĂGENDES VIVANTES TEXTE DANIEL BROWN
RIOT GAMES/LOL ESPORTS/LANCE SKUNDRICH
Rien quâun jeu vidĂ©o ? Non, League of Legends, ou LoL, est : un sport qui passionne et enflamme des millions de fans, avec deux stars dont la rivalitĂ© Ă©quivaut celle que Messi et ÂRonaldo entretiennent. Et avec lâarrivĂ©e du Championnat du monde Ă SĂ©oul, LoL va atteindre de nouveaux sommets.
Deft â la star montante Il a perdu tant de fois, souvent Ă lâapproche de son anniversaire. Un vrai cauchemar qui a tournĂ© au rĂȘve : champion du monde !
64
THE RED BULLETIN
Faker â la superstar Sous son air si sage, presque Âtimide, il est con sidĂ©rĂ© comme le meilleur joueur de LoL au monde. MĂȘme si Deft lâa battu en 2022.
es derniĂšres notes de lâhymne dâouverture, Star Walkin, sâachĂšvent. LâinterprĂšte, le cĂ©lĂšbre rappeur Lil Nas X, disparaĂźt derriĂšre la scĂšne. MĂȘme lors dâun Ă©vĂ©nement aussi colorĂ©, sa perruque rouge et or et son armure flamboyante dĂ©tonne au milieu de la foule amassĂ©e dans les couloirs du Chase Center de San Francisco. Beaucoup des 14 548 fans venus assister Ă la finale du Mondial 2022 de League of Legends ont aussi revĂȘtu des costumes trĂšs Ă©laborĂ©s. « Une vraie tuerie ! », le complimente une jeune admiratrice. « Et je kiffe ta robe », rĂ©torque Nas automatiquement en continuant de fendre la foule. Un reporter vient dĂ©jĂ Ă sa rencontre : « Ăa fait quel effet de savoir que des millions de personnes viennent de te regarder ? » « Quel effet ?, rĂ©pĂšte Nas en souriant. Câest juste dingue! Il y a vraiment une foule incroyable. » Sa succincte analyse est parfaite : « dingue » est le mot juste. Le Championnat du monde de League of Legends, ou tout simplement les Worlds, est la plus grande compĂ©tition de gamers et de gameuses au monde, point final. Le paroxysme dâune saison de tournois aux quatre coins du globe rĂ©duite aux ligues rĂ©gionales. Vingt-quatre Ă©quipes sâaffrontent lors dâune compĂ©tition de cinq semaines pour tenter de remporter le titre du plus cĂ©lĂšbre des jeux dâesport, League of Legends, ou LoL pour les initiĂ©s. Un immense champ de bataille pour Ă©chiquier Voici le dĂ©roulement typique dâun match : deux Ă©quipes de cinq joueur·euse·s sâaffrontent sur un champ de bataille magique, le Summonerâs Rift (la faille de lâinvocateur). Sur une immense carte, chaque Ă©quipe dĂ©marre de sa base appelĂ©e Nexus et situĂ©e Ă chaque extrĂ©mitĂ© du terrain. Trois voies mĂšnent au centre : la voie du haut, la voie mĂ©diane et la voie du bas. Tout autour, il y a la jungle. LâĂ©quipe qui dĂ©truit le Nexus de lâadversaire remporte le jeu. Simple comme bonjour ? Attendez, les choses se compliquent : il faut sĂ©lectionner un champion parmi les 160 personnages disponibles, chacun avec ses propres compĂ©tences, forces et faiblesses et autant de maniĂšres de les utiliser. Un peu (juste un peu) comme un jeu dâĂ©checs oĂč toutes les figures se dĂ©placeraient en temps rĂ©el, combattant, amassant de lâor et de lâexpĂ©rience, et pouvant ĂȘtre
66
Majestueux Armure flamboyante et perruque : Lil Nas X lors de lâouverture des Worlds 2022. Le dĂ©filĂ© Faker, la superstar (au centre), se Âdirige avec son Ă©quipe T1 vers la Âgigantesque scĂšne.
Les Ă©motions du direct « Ce qui sâest passĂ© cette annĂ©e lors des Worlds faisait penser Ă un incroyable conte de fĂ©es », raconte Jeon Yong-jun, alias Caster Jun, de SĂ©oul. En esport, les commentateur·rice·s en direct sont appelĂ©s « casters ». Et celui-ci nâa pas son pareil pour Ă©tirer les voyelles Ă la maniĂšre des brĂ©siliens et leur fameux « Gooooool ». Jun sâemporte, hurle et vocifĂšre comme Thierry Roland lors du France-BrĂ©sil 1998. « Ce drame qui se dĂ©roulait en temps rĂ©el sous nos yeux Ă©tait Ă©poustouflant. » Tentons de rĂ©sumer cette incroyable Ă©popĂ©e : DRX, une Ă©quipe que lâon nâattendait mĂȘme pas comme outsider, a rĂ©ussi Ă se qualifier in extremis pour la finale du tournoi, puis, Ă lâissue dâune sĂ©rie de hasards improbables, Ă battre T1, la meilleure Ă©quipe de toute lâhistoire de League of Legends. Du mĂȘme coup, Faker, triple champion du monde trĂšs populaire et considĂ©rĂ© comme le plus grand joueur de LoL de tous les temps, le « Michael Jordan de lâesport », sâest fait battre par Deft, sorte dâantihĂ©ros tourmentĂ©. Jusquâici, Deft (de son vrai nom Kim Hyuk-kyu) Ă©tait cĂ©lĂšbre pour ses spectaculaires Ă©liminations au premier tour au moment mĂȘme de son anniversaire qui coĂŻncide justement avec les dates des
80 semi-remorques, 2 000 employés, des chiffres à la hauteur de ce nouvel univers.
THE RED BULLETIN
RIOT GAMES/LOL ESPORTS/COLIN YOUNG-WOLFF
L
ressuscitĂ©es si elles se font tuer. Et par-dessus (ou plutĂŽt au milieu de tout cela), on trouve toutes sortes de monstres, sbires, tourelles et autres twists surprenants. Ă San Francisco, lors de la cĂ©rĂ©monie dâouverture des Worlds 2022, lâimmense popularitĂ© de ce jeu vieux de quatorze ans saute vraiment aux yeux (et aux oreilles). Initialement conçu par le dĂ©veloppeur de jeux-vidĂ©o amĂ©ricain Riot Games comme un charmant (sic) passetemps pour nos petits bouts de chou adorĂ©s, le jeu fait dĂ©sormais appel aux services dâun double laurĂ©at des Grammy Awards pour chanter lâhymne officiel du tournoi (Lil Nas X a dâailleurs Ă©tĂ© nommĂ© PrĂ©sident de League of Legends deux mois plus tĂŽt), le tout dans un stade dâ1,6 milliard de dollars avec diffusion dâimages en 3D de Runeterra (lâunivers du jeu) et des versions gĂ©antes des personnages de LoL comme KâSante et Azir (mĂȘme si ces derniers ne comptent ni la danse ni le chant parmi leurs superpouvoirs) dans la chorĂ©. DerriĂšre cette performance de 3 minutes et 57 secondes, toute une Ă©quipe de production de 2 000 personnes et 80 semi-remorques pleins Ă craquer. Ă titre de comparaison, un concert gĂ©ant classique nĂ©cessite environ vingt semi-remorques.
THE RED BULLETIN
67
Le méchant contre le gentil ? Deux joueurs exceptionnels, deux rivaux éternels.
rait bien les supporter tous les deux, il nây pas de bons et de mĂ©chants dans cette histoire. » Et dâun point de vue Ă©conomique, il nây a pas vraiment de perdants non plus.
RIOT GAMES/LOL ESPORTS/COLIN YOUNG-WOLFF
Worlds. Toutes ces annĂ©es, explique-t-il, son anniversaire Ă©tait donc une « journĂ©e de deuil ». Une frustration telle quâil envisageait sĂ©rieusement de mettre un terme Ă sa carriĂšre. Mais en 2021, Deft devient la deuxiĂšme grande sensation du tournoi aprĂšs Faker (Lee Sanghyeok). Histoire dâune rivalitĂ© qui remonte au lycĂ©e. Ă cette Ă©poque, Faker et Deft sont assis sur les mĂȘmes bancs de lâĂ©cole de Mapo (CorĂ©e du Sud) et sont loin de sâapprĂ©cier, car dĂ©jĂ , Faker surpasse constamment son rival. « Au lycĂ©e, jâĂ©tais en tĂȘte du classement LoL. On me surnommait âMapo High Schoolâs Fiery Fistâ », raconte Faker non sans une pointe dâorgueil. « Moi, jâĂ©tais Ă peu prĂšs centiĂšme du classement », se souvient Deft. Faker rapportera plus tard : « Cette rivalitĂ© est tellement ancrĂ©e en nous quâon ne pourra jamais ĂȘtre amis. » En foot, on appelle ça un derby. Mais de telles hostilitĂ©s nâont aucune raison dâĂȘtre chez les gamers et les gameuses : le respect mutuel est bien plus important. « Ces deux-lĂ ont le mĂȘme genre de personnalitĂ©, ils sont super sympas, au fond, commente Tyler Erzberger, expert en gaming et ancien chroniqueur dâesport. En fait, on aime-
LâaccĂšs Ă la reconnaissance Les plus grandes stars de lâesport dĂ©crochent des contrats de plusieurs millions de dollars, les Ă©quipes sont dĂ©sormais omniprĂ©sentes dans les lycĂ©es et les collĂšges amĂ©ricains et les fans suivent le mouvement : les tickets pour les Worlds 2022 se sont ainsi arrachĂ©s en quelques minutes, un record pour le Chase Center. Et sur les rĂ©seaux, les Worlds ont fait le buzz dans plus de 240 pays, un engouement rĂ©parti aux quatre coins du globe. La diffusion en langue anglo-saxonne a attirĂ© un nombre record dâ1,6 million de tĂ©lĂ©spectateur·rice·s, soit une augmentation de 41 % par rapport aux Worlds 2021 ; les finales ont quant Ă elles enregistrĂ© un total de 121,7 millions dâheures de streaming. ForcĂ©ment, les Mondiaux de 2023 (du 10 octobre au 19 novembre), dont la finale se dĂ©roulera au Gocheok Sky Dome de SĂ©oul, plus grand stade couvert du pays avec une capacitĂ© de 17 000 spectateurs et spectatrices, profitent de cette popularitĂ© endĂ©mique. La CorĂ©e du Sud fait en effet figure de berceau de lâesport. Et sous leurs airs discrets, les athlĂštes nâont rien Ă envier Ă la renommĂ©e de Taylor Swift. Ă lâinstar de celle de ses protagonistes, lâhistoire de la genĂšse des Mondiaux de LoL est trĂšs atypique. La premiĂšre Ă©dition a lieu en 2011 lors du Dreamhack, un forum sur les jeux vidĂ©o organisĂ© en SuĂšde. Directrice internationale de League of Legends Esport, Naz Aletaha se souvient parfaitement de ce moment oĂč Riot Games a dĂ©cidĂ© de diffuser lâĂ©vĂ©nement en streaming : « Quand on revoit les images aujourdâhui, on comprend pourquoi âLa cave de Phreakâ est devenue une rĂ©fĂ©rence si populaire dans la communautĂ© », dit-elle. Une blague entre initié·e·s sur D  avid « Phreak » Turley, ancien caster de LoL qui commente la premiĂšre saison des Worlds Âdepuis une sinistre piĂšce mal Ă©clairĂ©e. « Mais malgrĂ© ces
Spectacle atypique dans les tribunes : lors de la finale des Worlds 2022 à San Francisco, des milliers de fans défilent dans des costumes surprenants comme cette licorne.
68
THE RED BULLETIN
Le calme avant la tempĂȘte Lee Sang-hyeok, 27 ans, aka Faker, avant sa performance au Mondial de San Francisco.
De vrais salaires pour les petits gĂ©nies Les joueur·euse·s pouvaient enfin accĂ©der Ă un statut de professionnel·le·s. Devenir adulte, accepter un « vrai » job ? Plus nĂ©cessaire. Finis les petits prodiges de LoL des premiĂšres annĂ©es qui disparaissaient de la scĂšne dĂšs leur vingtiĂšme annĂ©e : ils recevront dĂ©sormais un salaire consĂ©quent. Ă cet Ă©gard, la CorĂ©e du Sud est dâailleurs trĂšs en avance sur le reste du monde puisque quâelle attribue des licences aux joueur·euse·s pros depuis lâan 2000 et quâĂ cette Ă©poque, des chaĂźnes en streaming comme Ongament et MBCGame diffusaient dĂ©jĂ StarCraft, jeu de stratĂ©gie en temps rĂ©el dans lâespace. « La CorĂ©e du Sud est fiĂšre dâĂȘtre le berceau de Âlâesport, confirme Aiden Lee, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de League of Legends Champions Korea, ou LCK, la ligue pro du pays. Nous sommes Ă©galement Ă la pointe du dĂ©veloppement des jeunes talents, disposons du meilleur vivier de joueur·euse·s et des meilleures Ă©quipes au monde. » Oui, la plupart des meilleur·e·s joueur·euse·s viennent de CorĂ©e du Sud, ce qui ne fait que renforcer lâeffervescence des fans Ă lâapproche de ce prochain tournoi Ă domicile. Lee nâhĂ©site pas Ă comparer la rivalitĂ© entre Faker et Deft aux duels lĂ©gendaires entre Lionel Messi pour le FC Barcelone et Cristiano Ronaldo pour le Real Madrid. Lee Sang-hyeok, alias Faker, 27 ans, Ă©volue en tant que Mid Laner : câest gĂ©nĂ©ralement lui qui joue
Choi âZeusâ Woo-je, joueur de T1, rĂ©agit Ă la dĂ©faite de son Ă©quipe. Hong Chang-hyeon de DRX arbore le saphir du vainqueur.
70
le rĂŽle de mage sur la voie mĂ©diane. Faker, câest dâabord une moyenne hallucinante de victoires : 66 % sur une pĂ©riode de dix ans. Et câest ensuite une ribambelle de surnoms, comme il lâexplique avec une ferveur assez inhabituelle Ă The Playersâ Tribune, plateforme en ligne oĂč les athlĂštes partagent leurs expĂ©riences. « Mes fans amĂ©ricains mâappellent Dieu, mes fans corĂ©ens Invincible roi des dĂ©mons. Mais jâai une prĂ©fĂ©rence pour Dieu. » Et toujours aussi modeste : « Dans le jeu, je mâappelle simplement Faker. Je suis le meilleur joueur de League of Legends au monde. » Jusquâau jour qui a changĂ© sa vie et celle de Deft par la mĂȘme occasion, car en rĂ©alisant son rĂȘve ultime de remporter les Worlds, celui-ci pouvait enfin reprendre son souffle⊠et surtout dormir. Tout au long de sa carriĂšre professionnelle, il ne se passait pas une nuit sans quâau moment de fermer les yeux, il ne passe en revue son prochain match. « Je nây pense plus, dĂ©sormais, dĂ©clare Deft quelques semaines aprĂšs son titre aux Worlds. Je vais dormir, tout simplement ». Au moment de son triomphe, Deft, ĂągĂ© de 26 ans, devient le joueur le plus ĂągĂ© Ă avoir remportĂ© les Worlds. Et il aurait pu se fendre dâune rĂ©partie cinglante pour faire taire tou·te·s les pessimistes et les sceptiques (lui en tĂȘte), mais a choisi de sâabstenir. « Câest peut-ĂȘtre paradoxal, mais je veux juste gagner ces Worlds pour pouvoir enfin raccrocher, dira-til avant la finale. Une victoire pour finir dans la dignitĂ©. » Avant les Worlds 2022, tout le monde pensait que son Ă©quipe, DRX, ne survivrait pas aux Ă©liminatoires rĂ©gionales. Deft lui-mĂȘme ne pariait pas gros sur les chances de DRX de participer aux finales. « Je ne nous donnais pas plus de 10 % de chances, rĂ©vĂ©lera-t-il par la suite. Mais je ne voulais pas faire perdre espoir Ă nos fans. » DRX a eu du mal Ă entrer dans le tournoi. Normal, câĂ©tait lâune des Ă©quipes les plus faibles parmi les 24 en lice. Passer la phase de poules semblait impossible. Lors dâune confĂ©rence de presse, les joueurs de T1, interrogĂ©s sur leurs attentes pour le match contre DRX, ont rĂ©pondu lâun aprĂšs lâautre sans lâombre dâune hĂ©sitation. Oner : « Je pense que nous allons battre DRX trĂšs facilement, 3-0.» Keria : « Pareil, je pense que ce sera un 3-0. » ÂGumayusi : « Je parie sur un 3-0. » Faker : « JâespĂšre quâon va gagner 3-0. » Du rire aux larmes, toutes les Ă©motions rĂ©unies Mais en coulisses, cette Ă©ternelle attitude de malchanceux sâĂ©tait muĂ©e en une dĂ©termination Ă toute Ă©preuve.
Un match Ă couper le souffle LâĂ©quipe T1 affronte lâĂ©quipe DRX lors des Worlds 2022 au Chase ÂCenter de San Francisco. 14 548 fans ont rĂ©pondu prĂ©sent dans le stade.
THE RED BULLETIN
RIOT GAMES/LOL ESPORTS/COLIN YOUNG-WOLFF/LANCE SKUNDRICH
Un Mondial rempli de suspense : Deft va-t-il gérer son transfert ? Et Faker sa blessure ?
qualitĂ©s de production assez underground, on avait dĂ©jĂ plus dâun million de connexions, ajoute Aletaha. On a compris quâil se passait un truc : les fans, la communautĂ©, tout le monde en redemandait. » Riot Games sâest alors fixĂ© comme objectif de donner Ă lâesport les mĂȘmes titres de noblesse que ceux de lâathlĂ©tisme traditionnel. « On rĂȘvait de crĂ©er un Ă©cosystĂšme dans lequel les joueurs de LoL pourraient gagner leur vie et oĂč les meilleurs joueraient devant leurs fans les plus acharné·e·s. »
72
THE RED BULLETIN
Les derniers clics Deft, la star de LoL, devant son Ă©cran. Concentration intense : plus quâun ou deux clics avant de remporter le titre !
RIOT GAMES/LOL ESPORTS/COLIN YOUNG-WOLFF
Le premier titre Une foule en dĂ©lire : Deft et son Ă©quipe dâoutsiders, DRX, sont champions du monde.
Une transition difficile pour Deft, qui nâavait jusque-lĂ jamais passĂ© les demi-finales et dĂ©crivait le mĂȘme rituel immuable pour le 23 octobre, date de son anniversaire : « En gĂ©nĂ©ral, je passe cette journĂ©e tout seul dans ma chambre dâhĂŽtel aprĂšs avoir perdu aux Worlds. » Le 23 octobre 2022, tout semble bien parti pour que sa soirĂ©e dâanniversaire soit de nouveau gĂąchĂ©e par des trouble-fĂȘtes. Lors des quarts de finale au Madison Square Garden de New York, sa stratĂ©gie contre EDG (son ancienne Ă©quipe et championne en titre), se retourne contre lui. Deft sâapprĂȘte Ă dĂ©truire le Nexus adverse quand soudain, un inhibiteur surgit devant lui. Pour les passionné·e·s de LoL, câest une nouvelle preuve de son incroyable poisse. Pour tous les autres, voici la traduction dâun caster : celui-ci explique que câest comme si un attaquant se foulait la cheville au moment dâenvoyer la balle dans les filets. Un autre caster sâĂ©crie tout simplement : « Noooon ! CâĂ©tait du tout-cuit, Deft ! » Les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, il aurait dĂ©jĂ fait annuler le champagne dâanniversaire et se serait prĂ©parĂ© Ă une nouvelle nuit solitaire dans sa chambre dâhĂŽtel. « Sur le moment, je nâarrivais pas Ă y croire, Ă©crira Deft plus tard sur la plateforme The Playersâ Tribune. Je nâavais jamais vĂ©cu un moment pareil de ma carriĂšre. Et voilĂ que ça mâarrive maintenant, aux Worlds, en plein quart de finale, et contre cette Ă©quipe ?! Je me suis vraiment demandĂ© si jâĂ©tais juste programmĂ© pour perdre. » Et puis soudain, son cerveau sâest mis en mode automatique : « Dâun seul coup, jâai arrĂȘtĂ© de me plaindre, et ça a Ă©tĂ© comme une libĂ©ration. AprĂšs, je ne me suis jamais senti aussi fort. » Tyler Erzberger, chroniqueur spĂ©cialisĂ©, est lâune des rares personnes extĂ©rieures Ă lâĂ©quipe Ă avoir remarquĂ© ce changement, cette transformation subite de Deft, dâune personne dĂ©vorĂ©e par le doute Ă un guerrier Ă la volontĂ© inĂ©branlable. « Pendant une grande partie du tournoi, il Ă©tait son pire ennemi, avec cette attitude dâavoir lâimpression de donner le meilleur de soi-mĂȘme tout en se disant quâil nâĂ©tait juste pas assez bon. Mais lorsquâil a atteint la finale, câest comme si un poids Ă©tait tombĂ© de ses Ă©paules, et quâil nâavait plus quâĂ rĂ©colter le fruit de ses efforts ». Au moment de leur victoire, avant quâun standing ovation ne vienne remplir le Chase Center de San Francisco, tous les joueurs de DRX sont restĂ©s plusieurs secondes immobiles, comme paralysĂ©s, en transe devant leur Ă©cran, avant dâĂȘtre secouĂ©s par les larmes. Soudain complĂštement libĂ©rĂ©, Deft a arrachĂ© son casque et lâa jetĂ© au loin. « Je
Faker à ses fans : « Je suis le roi des démons, mais appelez-moi Dieu, tout simplement. » THE RED BULLETIN
nâai pas pour habitude de me lĂącher comme ça pour exprimer ma joie, mais lĂ , je me suis mis Ă sauter dans le stade. Mon corps sâest mis Ă bouger de maniĂšre indĂ©pendante. Il a dit Ă mon cerveau de courir, donc jâai couru », racontera-t-il plus tard au cours des interviews, aprĂšs avoir repris une certaine contenance. « Jamais aucune Ă©quipe classĂ©e quatriĂšme en phase de groupe nâavait rĂ©ussi Ă atteindre la finale, encore moins Ă gagner les Worlds, commente un des casters, Kobe, complĂštement abasourdi. Cette bande de potes vient dâaccomplir un miracle. » Lors de la confĂ©rence de presse post-match, un journaliste demande Ă Faker sâil a quelque chose Ă dire Ă son ancien camarade de classe, Deft. « Je tiens Ă le fĂ©liciter, rĂ©pond-il briĂšvement. Si un joueur mĂ©rite ce trophĂ©e, câest bien Deft. » Et voici quâarrivent les Worlds 2023. Comme une sĂ©rie tĂ©lĂ© qui veut toujours mĂ©nager plus de suspense, ce nouveau Mondial propose un casting totalement renouvelĂ©. Moins de trois semaines aprĂšs la finale de 2022, Deft a annoncĂ© son dĂ©part de DRX et choisi de signer chez un concurrent plus important, DWG KIA. Tremblement de terre sur les rĂ©seaux sociaux : Ă lâexception de BeryL, tous les champions du monde de DRX ont quittĂ© lâĂ©quipe. La fin dâun boys band LâĂ©quipe dâoutsiders victorieux se sĂ©pare donc comme un boys band aprĂšs un seul et unique tube. Choc ? Tristesse ? Oui et non. Au fond, DRX nâavait jamais Ă©tĂ© pensĂ©e comme une Ă©quipe prĂȘte Ă relever les embĂ»ches de Runettera Ă un tel niveau. Quand les joueurs sont devenus cĂ©lĂšbres du jour au lendemain, ils se sont fait recruter par des Ă©quipes plus grosses. Il nây avait ni argent, ni ressources nĂ©cessaires pour les retenir. Dans le ballon rond, on appelle ça un « centre de formation ». DRX, Ă©quipe en lutte Ă©ternelle contre la relĂ©gation, remporte soudain la Ligue des champions : la victoire nâen est que plus savoureuse, mĂȘme si les vainqueurs, eux, sont partis depuis bien longtemps. Faker, lâĂ©ternel champion qui sâest inclinĂ© une seule et unique fois, est quant Ă lui restĂ© dans son Ă©quipe T1, mĂȘme sâil a disparu une grande partie de lâĂ©tĂ© pour cause de blessure. Oui, cela arrive aussi en esport. De grosses douleurs au niveau du bras. DĂ©chirure musculaire ? Fatigue gĂ©nĂ©rale ? Faker Ă©tait-il au bout du rouleau ? Son dossier mĂ©dical restera strictement confidentiel. Mais privĂ©e de son leader de cĆur, lâĂ©quipe de Faker a vacillĂ©, perdant cinq matchs consĂ©cutifs et atterrissant au quatriĂšme rang le plus bas de la ligue sud-corĂ©enne. Le 2 aoĂ»t, on annonçait le retour tant attendu de Faker sur League of Legends Esports. Le mĂȘme jour, T1 battait les Kwangdong Freecs. Les gros titres : Le retour du roi. Ou Ă©tait-ce « Dieu » ? Celui qui entrera dans la lĂ©gende des Worlds 2023 devra se montrer Ă la hauteur. Sport, drame, spectacle, tranches de vies⊠les attentes seront immenses. « La barre est haute », reconnaĂźt Naz Aletaha, directrice internationale de League of Legends Esports, interrogĂ©e sur le tournoi qui dĂ©butera Ă SĂ©oul puis continuera Ă Busan pour revenir dans la capitale. Les deux mĂ©tropoles se partagent un tiers de la population sud-ÂcorĂ©enne. « Finalement, câest tout Ă fait logique que les Worlds aient lieu justement ici », poursuit Aletaha. LoL rentre au pays. Retrouvez DRX: The Rise, le documentaire sur la finale des Worlds 2022 sur redbull.com
73
Une vie Ă fond la caisse ! Aussi Ă lâaise devant la camĂ©ra quâau volant, ÂEmelia Hartford sâest forgĂ© un destin Ă sa mesure : les mains dans le cambouis, la tĂȘte dans les Ă©toiles. 74
SON CĆUR
THE RED BULLETIN
FAIT VROUM THE RED BULLETIN
Speed Queen Emelia Hartford au volant de sa Ferrari bleue dans un dĂ©cor californien digne de Gran ÂTurismo, dont elle est Ă lâaffiche.
TEXTE JESSICA P. OGILVIE PHOTOS HEIDI ZUMBRUN
75
L
os Angeles. Une Ferrari 458 turquoise fonce Ă toute berzingue sur la Freeway 5. Au volant : Emelia Hartford. Un policier lui fait signe de sâarrĂȘter. Mais au lieu dâun avertissement, il engage la conversation avec la pilote amĂ©ricaine, puis la laisse repartir. « Il mâa reconnue », dit-elle. Emelia Hartford nâa pas encore trente ans, mais peut dĂ©jĂ ĂȘtre fiĂšre de son parcours : pilote automobile, mĂ©canicienne chevronnĂ©e spĂ©cialisĂ©e dans le tuning et les grosses cylindrĂ©es, actrice Ă Hollywood⊠Elle fait partie des rares influenceuses du monde automobile, cumulant un total de 3,6 millions dâabonné·e·s sur YouTube, Instagram et TikTok. Ses vidĂ©os la montrent en train de bricoler, rĂ©parer, tuner et piloter ses nombreux bolides Ă des vitesses folles. « Le reste du temps, je rumine beaucoup trop, jâai un millier de choses dans la tĂȘte. Mais devant la camĂ©ra ou au volant de mes voitures, câest lĂ que je commence Ă vraiment vivre », confesse-t-elle. La camĂ©ra dont elle parle nâest pas seulement celle qui lui sert Ă rĂ©aliser ses vidĂ©os YouTube : Emelia Hartford est aussi actrice, commentatrice de courses pour la tĂ©lĂ©, et intervient rĂ©guliĂšrement dans des magazines et des podcasts. DerniĂšre corde Ă son arc, et pas des moindres : son garage automobile, situĂ© prĂšs de Los Angeles : un havre de paix dans lequel elle peut sâadonner sans
76
retenue Ă sa passion des moteurs. « Jâai une carriĂšre de dingue, sâexclame-t-elle. Quand je pense Ă toutes les personnes incroyables dont jâai fait la connaissance par ce biais⊠» Des rencontres moins heureuses, il y en a eu aussi, des gens convaincus quâune femme nâa rien Ă faire au volant dâune grosse cylindrĂ©e. Mais elle a appris Ă remettre les sexistes Ă leur place, en toute nonchalance. « Je nâai rien Ă prouver, mais sâil le faut, je peux leur montrer ce dont je suis capable », ajoute-t-elle posĂ©ment. Sa vie nâa pas dĂ©marrĂ© comme un long fleuve tranquille : câest aprĂšs un drame Ă lâadolescence quâEmelia a cherchĂ© â et trouvĂ© â refuge dans une communautĂ© qui lui ressemble et qui reste aujourdâhui sa deuxiĂšme famille : celle des « tuneurs », adeptes du tuning, qui consiste Ă customiser sa voiture pour en amĂ©liorer lâaspect ou les performances. Mais commençons par le commencement. Lâamour du risque Emelia Hartford a grandi dans le sud de la Californie â lâun des berceaux de la culture du tuning. Trafiquer sa bagnole pour la rendre plus tape-Ă -lâĆil, plus originale, plus puissante : lĂ -bas, câest plus quâun hobby, câest un art de vivre. DĂšs son plus jeune Ăąge, Emelia se passionne pour les voitures : « Elle maniait sa Jeep Barbie comme personne.
Le carburant de la vie Emelia en pleine opĂ©ration Ă cĆur ouvert dans son garage de Glendale, dans le comtĂ© de Los Angeles.
THE RED BULLETIN
La libertĂ© pour elle, câest le bruit des grosses cylindrĂ©es. THE RED BULLETIN
77
MĂȘme son grand-pĂšre, dans sa vraie Jeep, ne se dĂ©brouillait pas aussi bien. CâĂ©tait impressionnant », se rappelle Cheryl, sa mĂšre. Elle se souvient aussi de tous les moments de frayeur que sa fille lui a fait endurer : les cris dâun voisin venu la prĂ©venir quâEmelia Ă©tait en train dâescalader un arbre de douze mĂštres. Elle se revoit foncer vers elle, les bras tendus, alors quâEmelia venait de se dĂ©tacher dâune structure dâescalade en criant « Maman, rattrape-moi ! » â « Il me faudrait un tee-shirt avec lâinscription : âJâai survĂ©cu Ă un ouragan : ma fille !â », plaisante-t-elle. Lâadolescence se poursuit dans une banlieue idyllique de Los Angeles, mais Emelia ne se dĂ©fait pas de son cĂŽtĂ© tĂȘte brĂ»lĂ©e : entre deux parties de gaming, elle sort avec son scooter, quâelle sâamuse Ă percuter violemment contre les trottoirs pour imiter les fous furieux de lâĂ©mission Jackass . « Je nâarrivais pas Ă me fondre dans le moule », rĂ©sume lâintĂ©ressĂ©e. Glen, le pĂšre dâEmelia, est alcoolique et accro aux mĂ©docs â ce qui lâamĂšne Ă brutaliser rĂ©guliĂšrement sa famille. Un jour,
Emelia voit dĂ©barquer chez elle des agents du FBI : son pĂšre est accusĂ© de fraude et ils sont venus fouiller son domicile. Elle nâa que 15 ans mais sent que quelque chose ne tourne pas rond. « Notre derniĂšre conversation, ce fut le jour oĂč il est parti. Jâai couru vers lui en lui demandant sâil allait revenir. Il mâa rĂ©pondu : âCâest ce que tu veux ?â Jâai acquiescĂ©, et il mâa dit : âAlors je vais revenir.â Câest ce quâil a fait, le lendemain. » Glen Hartford sâest suicidĂ© peu aprĂšs. Il avait 45 ans. La mort du pĂšre va bouleverser la vie de la famille : alors que sa mĂšre se met en quĂȘte dâun travail, elle et son frĂšre se retrouvent subitement « jetĂ©s en pĂąture aux loups, » comme elle le dĂ©crit. « Tout ce Ă quoi je pensais Ă lâĂ©poque, câĂ©tait partir de cette maison, jâavais besoin de libertĂ©. » La libertĂ©, pour Emelia, avait la forme dâune grosse et belle voiture au moteur assourdissant, sur une route qui se perd Ă lâhorizon. Sans trop savoir vers qui ni quoi se tourner, elle se met Ă rechercher sur Internet quelle voiture pourrait lui convenir. Elle
Letâs dance! Emelia Hartford fait valser sa Ferrari 458 sur un parking de lâAngeles Crest Highway, en Californie.
Chaque chose Ă sa place Emelia en train de ranger lâune de ses nombreuses caisses Ă outils.
78
THE RED BULLETIN
« Jâai survĂ©cu Ă un ouragan : ma fille, Emelia. » Cheryl, sa mĂšre
THE RED BULLETIN
finit par acheter sa premiĂšre « vraie » voiture : une Infiniti G35 millĂ©sime 2005, moteur V6. Bien quâelle nâait encore jamais conduit de manuelle, elle se prend dâintĂ©rĂȘt pour ce mode de conduite et parvient trĂšs tĂŽt Ă en maĂźtriser toutes les ficelles pour faire vrombir et drifter sa jolie caisse. « Je voyais ça comme une forme dâart, et ça me donnait un but dans la vie », dĂ©clare-t-elle. Rencontre dĂ©cisive Pendant quâEmelia sillonne les canyons de Californie, sa mĂšre essaie de garder la tĂȘte hors de lâeau. Pour elle, une seule solution : quitter la Californie pour lâIndiana, afin de se rapprocher de sa famille. « Ce fut trĂšs dur de quitter tous les amis que nous avions en Californie, se souvient Cheryl. Nous avons
dĂ» tout recommencer depuis le dĂ©but, et ce fut aussi un vrai choc culturel. » Mais ce que Cheryl ne pouvait pas imaginer alors, câest Ă quel point ce dĂ©mĂ©nagement transformerait sa fille. Lâadolescente de 16 ans se fait trĂšs vite des ami·e·s. Un jour, alors quâelle traverse la ville au volant de son Infinity, une Crown Victoria sâarrĂȘte Ă cĂŽtĂ© dâelle. La passagĂšre dâEmelia interpelle le conducteur par la fenĂȘtre : « Vous ne trouvez pas que mon amie a une belle voiture ? » En guise de rĂ©ponse, lâinconnu lui tend un flyer sur lequel sont indiquĂ©s la date et le lieu dâun motorshow. Curieuse, Emelia se rend Ă la soirĂ©e, qui se tient Ă minuit sur le toit dâun grand parking â et dĂ©couvre un autre monde : « CâĂ©tait comme dans un film, comme dans Fast & Furious, raconte-
79
Des engrenages plein la tĂȘte⊠Emelia est passionnĂ©e de mĂ©canique. t-elle, enthousiaste. Câest ce soir-lĂ que jâai rencontrĂ© le BCrew pour la premiĂšre fois. » Le BCrew, ou Bloomington Crew, est une bande de passionné·e·s de tuning qui va vite devenir la deuxiĂšme famille dâEmelia. Au fil des annĂ©es et des week-ends passĂ©s ensemble Ă bricoler les bagnoles, Emelia apprend les bases dâune passion qui deviendra son mĂ©tier. Ryan Booch Hummel, ancienne figure centrale du BCrew et mentor dâEmelia, est restĂ© lâun de ses plus proches amis. DĂšs le premier contact, Ryan sent que cette fille a la mĂ©canique dans le sang : « Je parie que dans son cerveau, il nây a que des engrenages et des pistons, et quâĂ la place du sang, câest de lâhuile de moteur qui coule dans ses veines, dit-il en plaisantant. Je voulais lui apprendre des trucs de base, comme les contrĂŽles de routine ou la rĂ©paration des freins, mais ce qui lâintĂ©ressait, câĂ©tait le bloc moteur et les turbos. » Pour Emelia, le BCrew lui a appris bien davantage que des simples notions de mĂ©canique : « Ces mecs sont devenus comme des grands frĂšres, ils mâont pris sous leur aile. Au lieu dâaller Ă des fĂȘtes le week-end, nous nous retrouvions dans le garage pour sâamuser sur les moteurs et les turbos. » Lâappel dâHollywood Emelia nâarrive pourtant pas Ă oublier LA, et ce rĂȘve qui la travaille depuis lâenfance : devenir actrice. Elle finit par cĂ©der aux sirĂšnes hollywoodiennes, troque son Infinity pour une Nissan 240 SX dans laquelle elle entasse toutes ses affaires, et prend la route de la Californie. Direction : Hollywood, la machine Ă rĂȘves. Le sien va-t-il se rĂ©aliser ? Sans surprise, les premiĂšres annĂ©es sont dures : entre ses jobs de serveuse, elle fait la tournĂ©e des agences et des castings, prend des cours de thĂ©Ăątre⊠Pendant son temps libre, Emelia retrouve son premier amour : la mĂ©canique. Elle bricole, rĂ©pare et customise ses voitures, les collectionne, achĂšte et revend â finalement, elle dĂ©cide
80
de poster quelques vidĂ©os de son travail sur Instagram. La marque Michelin lâinvite un peu plus tard Ă participer Ă un salon de lâautomobile Ă New York : elle y rencontre dâautres influenceur·euse·s qui travaillent dans son domaine, et commence Ă considĂ©rer plus sĂ©rieusement cette idĂ©e que lui avait lancĂ©e sa mĂšre, un jour : « Et si tu devenais YouTubeuse ? » Sa fille lui avait rĂ©torquĂ© : « Mais quâest-ce que tu y connais, toi ? » PiquĂ©e au vif, elle dĂ©cide pourtant, une fois rentrĂ©e Ă Los Angeles, de tenter sa chance et investit une partie de ses Ă©conomies dans du matĂ©riel vidĂ©o. YouTube, me voilĂ ! Pour son premier essai, Emelia Hartford prĂ©sente sa 240 SX : quelques tours, un passage Ă la pompe â câest tout. Le rĂ©sultat ? 500 000 vues ! Elle se prend au jeu et commence Ă livrer trois vidĂ©os par semaine, dans lesquelles elle prĂ©sente diffĂ©rentes bagnoles. Au fil des vidĂ©os, elle finit par pouvoir vivre de sa chaĂźne et de lâargent de ses sponsors : fini, le job de serveuse.
Tableau de famille Emelia pose fiĂšrement dans son Âgarage Ă Glendale, en Californie. Ă ses ÂcĂŽtĂ©s, au niveau du sol : ses deux Corvettes.
Une Corvette dans la tĂȘte La prochaine grande Ă©tape de sa carriĂšre survient trois ans plus tard avec lâachat de sa premiĂšre voiture haut-de-gamme : une Corvette Stingray C8, le premier modĂšle de Chevrolet Ă prĂ©senter un moteur en position centrale arriĂšre. PossĂ©dant dĂ©sormais lâun des tout premiers exemplaires sortis sur le marchĂ©, Emelia Hartford a dâabord lâintention de le laisser tel quel. Mais alors quâelle retourne chez elle au volant de sa nouvelle acquisition, quâelle est allĂ©e chercher dans le Kentucky, elle a lâidĂ©e de faire une petite pause dans un garage automobile⊠et commence Ă bricoler sur son nouveau bĂ©bĂ©. Ă peine rentrĂ©e chez elle, Emelia nâa quâune envie : « On va la tester sur la dragstrip ! » Elle et ses potes constatent alors quâils viennent de bricoler ensemble lâune des Corvettes C8 les plus rapides au monde. Mais pour battre dĂ©finitivement le record mondial, il reste encore quelques Ă©tapes â un projet qui tourne vite Ă lâobsession : « Il nây avait plus que cette question qui me prĂ©occupait jour et nuit : comment rendre ma Corvette encore plus rapide ? » En fĂ©vrier 2021 â aprĂšs lâajout dâun bi-turbo et quelques autres modifications â Emelia Hartford est prĂȘte Ă retenter lâexpĂ©rience : aprĂšs quelques essais, elle parvient Ă atteindre la vitesse de 231,74 km/h â ça y est, le record est Ă©tabli ! DĂšs lors, les partenariats sâenchaĂźnent, Emelia devient mĂȘme commentatrice de courses â Ă©videmment, le nombre de ses followers explose. Son succĂšs dans le monde des grosses bagnoles ne lui fait pourtant pas oublier son rĂȘve de gamine : Hollywood. Mais la popularitĂ© quâelle rencontre sur les rĂ©seaux sociaux va, cette fois-ci, lâaider Ă le rĂ©aliser :
THE RED BULLETIN
VISUEL PROMOTIONNEL
elle se sert de sa notoriĂ©tĂ© pour dĂ©crocher des rĂŽles dans Un NoĂ«l en Californie : Les LumiĂšres de la ville et Thatâs Amor, deux productions Netflix qui vont lui ouvrir en grand les portes de la gloire, avec un film sorti lâĂ©tĂ© dernier : Gran Turismo.
Vu au cinéma Gran Turismo, bientÎt sur les plateformes de streaming.
THE RED BULLETIN
Un casting et un tournage de rĂȘve Le film de Neill Blomkamp â rĂ©alisateur nominĂ© aux Oscars â met en scĂšne Orlando Bloom, David Harbour et Archie Madekwe : Gran Turismo raconte lâhistoire vraie du pilote britannique Jann Mardenborough, qui a dĂ©marrĂ© sa carriĂšre en jouant sur Playstation au jeu vidĂ©o Ă©ponyme. Emelia y campe le personnage de Leah Vega, lâune des adversaires de Mardenborough. Le tournage, dit-elle, lui a apportĂ© une sĂ©rĂ©nitĂ©
quâelle avait rarement connue auparavant â quelques scĂšnes du film ont dâailleurs Ă©tĂ© tournĂ©es sur le circuit de Spielberg, dĂ©sormais appelĂ© Red Bull Ring, en Autriche. « Jâai lâhabitude de ressentir une certaine insatisfaction dans la vie â parce que câest justement ça qui me pousse Ă bosser encore plus dur. Mais la paix intĂ©rieure que jâai Ă©prouvĂ©e pendant le tournage de ce film, je ne lâavais jamais ressentie de ma vie. Jâavais rĂ©ussi Ă dĂ©crocher un rĂŽle dans un grand film, et câĂ©tait un film de voitures ! Tout Ă coup, je nâĂ©prouvais plus le besoin de courir Ă droite Ă gauche. » Ă force dây aller Ă fond la caisse, Emelia Hartford a, semble-t-il, appris Ă prendre le temps de vivre. Instagram : @ms.emelia
81
Votre guide pour une vie loin du quotidien V O YA G E R , à C O U T E R , O P T I M I S E R , J O U E R , D à C O U V R I R , S O R T I R Pour trouver notre autrice, cherchez le petit point rouge dans le kayak bleu sur la mer turquoise. à lire sans modération !
LARS PETTER JONASSEN
CâEST PARTI ! THE RED BULLETIN
83
V O YA G E
AVENTURES EN NORVĂGE Bains glacĂ©s, hors-bord et poisson. Au cĆur de la NorvĂšge, laissez-vous charmer par les Ăźles Lofoten, la vitesse en mer et le confort sur terre. PHOTOS LARS PETTER JONASSEN
K
Hors-bord, foil et kayak, Nina ÂKaltenböck sâĂ©clate et se rĂ©gale dans les Lofoten.
La guide du groupe, Ragnhild Pedersen Indresand, originaire de SvolvĂŠr, est toujours partante pour lâaction et lâaventure.
84
lippfisk. Skrei. Wild cod. Trois noms pour dĂ©signer ce hĂ©ros local devenu indissociable de la vie des habitant·e·s des Ăźles ÂLofoten. Plus connu chez nous sous le nom de cabillaud ou de morue, ce poisson est Ă©galement devenu mon pain quotidien Ă cĂŽtĂ© des autres spĂ©cialitĂ©s dont regorgent les Lofoten, ces quatre-vingt Ăźles norvĂ©giennes situĂ©es au nord du cercle polaire. Moi, câest Nina. RĂ©dactrice pour The Red Bulletin, je vais me lancer dans un concentrĂ© dâaction de six jours avec au programme kayak, excursion en bateau Ă moteur dans un fjord, sortie de pĂȘche en mer du Nord et mĂ©lange trĂšs spĂ©cial de surf et de vol. Ma guide ? Ragnhild Pedersen ÂIndresand, 26 ans, originaire de SvolvĂŠr, une petite bourgade de pĂȘcheurs coincĂ©e entre mer et montagnes. Une Mac Gyver au fĂ©minin qui dispose dâun plan B, C ou D pour lâescalade, le kayak et le surf. Aujourdâhui, elle et son fiancĂ© Laurids nous accompagnent sur un bateau pneumatique semi-rigide Ă une Âvitesse de 40 nĆuds (environ 75 km/h). Nous progressons le long des fjords jusquâau Trollfjord, impressionnant bras de mer de deux kilo-
mĂštres, situĂ© dans le dĂ©troit de Raftsund dont la largeur nâexcĂšde pas la centaine de mĂštres Ă cet endroit-lĂ . Notre petit groupe se compose de voyageurs et voyageuses solitaires aguerri·e·s par le froid : Cameron, du Colorado, Marit, de NorvĂšge, un intrĂ©pide baroudeur allemand, Thomas, et moi-mĂȘme. Au-dessus de nos tĂȘtes, mouettes et aigles de mer se disputent quelques
AmitiĂ©s sans frontiĂšres : lâAmĂ©ricain Cameron (Ă gauche) et lâAllemand Thomas mâaccompagnent pour un tour en hors-bord de SvolvĂŠr au Trollfjord.
THE RED BULLETIN
SvolvĂŠr LOFOTEN
NorvĂšge Oslo
LARS PETTER JONASSEN
QUAND PARTIR ?
poissons. Les embruns de la mer du Nord nous assaillent de tous cĂŽtĂ©s, et une personne dans mon dos hurle de joie, grisĂ©e par cette chevauchĂ©e sauvage. Quand les secousses se font trop fortes, il faut quitter son siĂšge pour sâagripper aux poignĂ©es du bateau et mĂ©nager sa colonne vertĂ©brale. Et mĂȘme si lâĂąpre beautĂ© du paysage nous laisse bouchebĂ©e, mieux vaut fermer son clapet pour Ă©viter une bonne rasade dâeau de mer. AprĂšs cette montĂ©e dâadrĂ©naline, nous retournons dans notre hĂ©bergement de SkĂ„rungen dans le village de Kabelvag. Je commence Ă comprendre le sens dâhyggelig : ce mot dâorigine danoise et norvĂ©gienne dĂ©signe tout ce qui est confortable, douillet, apaisant, rĂ©confortant et traduit parfaitement nos conditions paradisiaques. Sous la chaleur dâun feu crĂ©pitant, nous dĂ©gustons une soupe de moules aux artichauts, de la morue, obligatoire, tout en planifiant notre prochaine journĂ©e. PDG de NorrĂžna
THE RED BULLETIN
Un dĂ©cor de carte postale nous attend Ă HenningsvĂŠr, village de pĂȘcheurs de 500 Ăąmes.
à chaque saison son charme En hiver, entre octobre et avril, les aurores boréales illuminent le ciel. Les ßles Lofoten promettent un spectacle inoubliable.
 vitserk ÂAdventure, Marit H ÂVidnes, la NorvĂ©gienne du groupe, mâaccompagnera pour une Âintense sĂ©ance de sauna dans un cube vitrĂ© au milieu des montagnes enneigĂ©es, avant de nous dĂ©tendre dans un Âjacuzzi. Je lui demande comment sont les gens du pays. « Ils sont rĂ©servĂ©s, un peu distants de prime abord, et ne se mettent jamais en avant. Câest pour ainsi dire une loi tacite. » Je confirme : ici, on ne se vante pas de sa rĂ©ussite sociale (la NorvĂšge fait partie des cinq pays les plus riches au monde), de ses exploits sportifs ou de son intelligence. ÂMarit est bientĂŽt prĂȘte pour un polar plunge, un saut en bikini dans la mer du Nord Ă six degrĂ©s. Je lâimite et me sens complĂštement rĂ©veillĂ©e ! AprĂšs une excursion dans le village de pĂȘcheurs de HenningsvĂŠr pour refaire le plein de morue sĂ©chĂ©e et une introduction Ă la pĂȘche au Skrei dans les Lofoten (on ne voudrait pas manquer de morue !), nous rejoignons Ballstad, autre village de pĂȘcheurs
de 832 habitant·e·s. Nous Âprenons nos quartiers dans la Âmagnifique Hattvika Lodge puis je me prĂ©pare Ă une sortie en kayak. PassionnĂ©e des activitĂ©s en plein air, Raga (pour Ragnhild) mâen enseigne les bases. « Serre bien les jambes et dĂ©tends-toi au niveau des hanches. La force vient de la rotation du torse, pas des bras », mâexplique-t-elle avant de disparaĂźtre sur ses skis avec une partie du groupe dans son sillage. En hĂŽte chaleureux,
ARRIVĂE Le voyage en vaut la peine On rejoint SvolvĂŠr ou ÂBallstad sur les Ăźles Lofoten via les aĂ©roports dâOslo et BodĂž. De lĂ , il suffit de louer un vĂ©hicule. On peut Ă©galement parcourir les ÂLofoten entiĂšrement par voie terrestre. Bon Ă savoir NorrĂžna Hvitserk Adventure est une agence de voyages qui propose des expĂ©ditions et des sĂ©jours en NorvĂšge. LâannĂ©e derniĂšre, elle sâest associĂ©e Ă NorrĂžna, une marque spĂ©cialisĂ©e dans le sport de plein air. IdĂ©al pour vous Âaccompagner dans le pays le plus Ă©tendu dâEurope. Mon ÂsĂ©jour Âsâintitulait ÂWinter ÂAdventure in Lofoten, adventure.norrona.com
Nous filons Ă 40 nĆuds le long des fjords de la mer du Nord Ă bord dâun bateau pneumatique.
85
V O YA G E
Aux Lofoten, la saison de pĂȘche a lieu entre janvier et avril. La morue, ou « Skrei », est ensuite sĂ©chĂ©e sur dâimmenses Ă©chafaudages en bois. Ă droite : Kevin ÂKarlsson fait le bonheur de nos papilles au Fangst (Ballstad). En bas : Kristian BĂže, mon guide de kayak, me fait dĂ©couvrir le versant maritime des Lofoten.
LOFOTEN DE LUXE
86
dĂ©jĂ essayĂ© aux Lofoten. ÂPlongĂ©e en eaux froides, vol sur les eaux, surf Ă gogo, jâai tout vĂ©cu ⊠mais nâai Âmalheureusement pas pu Âadmirer les aurores borĂ©ales. Conclusion : il faudra que je revienne trĂšs vite. RĂ©server : adventure.norrona.com SâĂ©quiper : norrona.com
Fangst Restaurant gastronomique attenant Ă la Hattvika Lodge avec vue sur le petit port de Ballstad. Les gourmets nâauront que lâembarras du choix, du Tataki de baleine au Skrei en passant par le renne. Cuisine rĂ©gionale de saison. hattvikalodge.no SkĂ„rungen Cabines douillettes au bord de lâeau, chalets ou glamping : pour la cuisine et ÂlâhĂ©bergement, Tilla et son Ă©quipe sont aux petits soins pour leurs client·e·s. Point dâorgue du petit-dĂ©j : le fromage brun (Brunost) accompagnĂ© dâune confiture pommes et myrtilles. skaarungen.no
Imperturbable, Roland Hummer mâinitie aux joies de lâe-foil.
THE RED BULLETIN
NINA KALTENBĂCK
pĂ©e dâun hydrofoil Ă moteur. Roland me propose une petite introduction : je nâavais jamais pratiquĂ© un sport nautique aussi marrant et excitant. Un vrai coup dâadrĂ©naline. Jâen redemande ! Mais mieux vaut le louer, un e-foil coĂ»te en Âeffet 15 000 euros. Au cours des dix-huit derniers mois, prĂšs de 300 touristes lâont
LARS PETTER JONASSEN, ROLAND HUMMER/@MY_EFOIL
Kristian BĂže, le propriĂ©taire de la Hattvika Lodge, mâaccompagne pour une paisible traversĂ©e en kayak avec trois habituĂ©s⊠jusquâĂ un passage plus Ă©troit que prĂ©vu oĂč lâavant de mon kayak heurte un rocher de plein fouet. Bam ! Cameron et sa GoPro filme la scĂšne et les commentaires des tĂ©moins : âNow you have to buy the boat!â Ăa va me coĂ»ter cher⊠Jâessaie de calculer : si une petite biĂšre coĂ»te dix euros ici, combien vaut un kayak tout neuf. 50 biĂšres, 70⊠? Je suis interrompue dans mes laborieux calculs par un Ă©nergumĂšne filant Ă plus de 50 km/h sur les eaux : ÂRoland Hummer, originaire dâAutriche comme moi. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore lâe-foil, ou surf Ă©lectrique : on dirait un homme du futur survolant les eaux sur une planche de surf Ă©qui-
Hattvika Lodge Seize cabanes de pĂȘcheurs datant des annĂ©es 1870 entiĂšrement rĂ©novĂ©es, Âlogements sur les collines, villa spacieuse Ă©quipĂ©e de tout le confort, immenses baies vitrĂ©es pour admirer les spectaculaires aurores ÂborĂ©ales. Saunas et bains Ă remous inclus.
ĂCOUTER
« PHIL COLLINS A ĂTĂ MA PREMIĂRE IDOLE » Purple Disco Machine, DJ et laurĂ©at dâun Grammy, parle des chansons qui lâont influencĂ©, lui et son son.
D
ua Lipa, Lady Gaga, Elton John : lorsque de telles stars dĂ©sirent un r emix de lâune de leurs chansons, elles appellent Tino Piontek, 42 ans, Ă Dresde (Allemagne). Piontek, alias Purple Disco Machine, a accĂ©dĂ© Ă la renommĂ©e internationale avec ses propres chansons. Son album Exotica, sorti en 2021, a Ă©tĂ© streamĂ© des centaines de millions de fois. Ce succĂšs fut prĂ©cĂ©dĂ© par les dĂ©couvertes de son pĂšre de pĂ©pites sur vinyles et cassettes Âaudio au marchĂ© noir en ex-RDA. La musique de Piontek est influencĂ©e par des artistes comme Prince et les Daft Punk, par des courants comme la French touch et lâItalo disco, et surtout, elle met de bonne humeur. Piontek a remportĂ© un Grammy pour son remix du titre de Lizzo About Damn Time. Voici les chansons qui comptent le plus pour lui.
Daft Punk
« Phil Collins a Ă©tĂ© ma toute premiĂšre idole. Je lâai dĂ©couvert grĂące Ă mes parents au milieu des annĂ©es 1980, vers lâĂąge de six ou sept ans, et jâĂ©coutais cette chanson en boucle. La maniĂšre dont elle est produite est trĂšs atypique pour lâĂ©poque. Elle nâa pas vraiment de refrain et ce nâest pas une chanson pop classique. Elle est diffĂ©rente, quoi. Et le solo de batterie est bien sĂ»r lĂ©gendaire. »
« Jâavais 16 ans quand lâalbum Homework de Daft Punk est sorti. Nous faisions alors des fĂȘtes au sous-sol de mon Ă©cole et je vendais des boissons au bar. Lâalbum est passĂ© trois fois de suite en une soirĂ©e. Around the World Ă©tait une chanson en avance sur son temps. CâĂ©tait complĂštement nouveau. Et pour la premiĂšre fois, jâai su que câĂ©tait exactement la musique que je voulais faire moi-mĂȘme. »
IN THE AIR TONIGHT (1981)
88
AROUND THE WORLD (1997)
Fatboy Slim
Metronomy
« Ă lâĂ©poque, Fatboy Slim Ă©tait le nec plus ultra en matiĂšre de sampling. Praise You, pour moi, est toujours sortie du lot parce quâelle est totalement atypique. Le riff de piano, la ligne vocale, qui est si accrocheuse et constamment mise en loop, avec des breakbeats. En plus, la chanson est si Âpositive, si joyeuse. Il y a cinq ans, jâai pu produire un remix pour ce titre. CâĂ©tait un grand honneur. »
« Quand la chanson est sortie, je venais de rencontrer ma femme. Nous lâavons entendue lors de notre premier Âfestival, et depuis, elle nous accompagne. Câest une chanson trĂšs funky, trĂšs disco, et si lĂ©gĂšre que le sourire nous vient tout de suite. On lâa fait jouer Ă notre mariage, mais elle convient encore mieux quand on traverse une crise. Elle nous ramĂšne alors aux bons moments. »
PRAISE YOU (1998)
THE BAY (2011)
THE RED BULLETIN
JOHANNES MITTERER
Phil Collins
FIONA GARDEN
Purple Disco Machine sera en concert le 11 novembre 2023 Ă Innsbruck en Autriche (Congress). Infos: purplediscomachine.com
OPTIMISER
MĂȘme si ça peut sembler farfelu, on peut Ă©vacuer la peur en se Âsecouant.
SECOUEZVOUS ! Se dĂ©barrasser de la peur rien quâen se secouant ? P-p-possible⊠comme lâexplique le biohackeur Andreas Breitfeld.
PERSONNELLE
ANDREAS BREITFELD
BRATISLAV MILENKOVICÌ
U
n biohackeur nâest Ă©videmment pas inĂ©branlable. Il nous arrive, Ă nous aussi, dâavoir des frayeurs, de ne pas pouvoir Ă©vacuer le stress et lâagitation de notre systĂšme. Mais nous avons une astuce pour gĂ©rer de telles situations. Une astuce empruntĂ©e aux grands documentaires sur la nature. Nous faisons en fait comme la gazelle qui vient dâĂ©chapper au lion et nous nous secouons vigoureusement, tout le corps, les bras et les jambes, pendant une, voire deux minutes. (Contrairement Ă la gazelle, nous le faisons loin des regards, par Ă©gard pour notre rĂ©putation. Du reste, si on le fait correctement, cela a lâair tout simplement idiot.) Mais pourquoi les animaux ont-ils adoptĂ© ce comportement ? Câest dâabord une rĂ©action naturelle Ă un Ă©vĂ©nement traumatisant ou extrĂȘmement stressant qui ÂramĂšne au corps son Ă©quilibre, tant sur le plan hormonal que physique : les Ă©nergies
THE RED BULLETIN
SE SECOUER DâABORD, SE CALMER ENSUITE
Deux minutes de secousses, et voilĂ ce qui se passe : le taux dâhormones de stress, cortisol et adrĂ©naline, chute, le systĂšme Ânerveux est secouĂ© pour passer du mode combat-fuite (qui Ă©tait nĂ©cessaire pour pouvoir fuir le lion) au mode repos et digestion.
excĂ©dentaires sont Ă©vacuĂ©es du systĂšme, les hormones de stress que sont le cortisol et lâadrĂ©naline chutent. Dans ce mode, les processus de guĂ©rison physique sont dâailleurs Ă©galement dĂ©clenchĂ©s. ParticuliĂšrement utile si le lion a malgrĂ© tout dĂ©vorĂ© un petit bout de la gazelle en fuite. Bon. Alors, pourquoi nous, les pros du biohacking, nous secouons-nous ? En fait, pour exactement les mĂȘmes raisons. La science a en effet dĂ©couvert que cette « secousse induite par le stress » â câest la description technique â a le mĂȘme effet chez lâhumain que chez lâanimal. Il nâest mĂȘme pas nĂ©cessaire dâavoir littĂ©ralement couru pour sauver sa vie : un mail dĂ©sagrĂ©able dâun client ou une Ă©valuation nĂ©gative dâun podcast provoquent suffisamment de stress pour me faire passer rapidement en mode « secousse ».
Andreas Breitfeld est le biohackeur le plus connu dâAllemagne. Il fait de la recherche dans son laboratoire spĂ©cial Ă Munich. Le biohacking englobe, pour simplifier, tout ce que les gens peuvent faire de maniĂšre autonome pour amĂ©liorer leur santĂ©, leur qualitĂ© de vie et leur longĂ©vitĂ©.
89
JOUER
en 1991, des petits malins ÂdĂ©couvrent que les images dâanimation de c ertaines Âactions se chargent plus vite quand elles se suivent dans un ordre donnĂ©. Ils sâempressent donc dâexploiter la faille.
Vos jeux vidĂ©o prĂ©fĂ©rĂ©s sont peut-ĂȘtre le fruit de gaffes.
L
ors de sa sortie sur ÂNintendo Switch en mai dernier, The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom (en photo) a Ă©tĂ© acclamĂ© par la critique. Une nouvelle capacitĂ© a particuliĂšrement plu aux fans de la sĂ©rie Zelda (dont le premier opus date de 1986) : le pouvoir dâascension, qui permet aux joueur·euse·s de se dĂ©placer vers le haut, mĂȘme Ă travers des structures, pour explorer plus facilement de nouveaux secteurs. Mais cette fonctionnali tĂ© nâĂ©tait pas prĂ©vue initiale ment. Au cours des annĂ©es de production, les dĂ©veloppeurs de Tears of the Kingdom ont intĂ©grĂ© un mode de dĂ©bogage permettant aux program meurs de se dĂ©placer plus vite dans cet open world lors de leurs tests. Ils Ă©taient telle ment emballĂ©s quâils ont
90
 écidĂ© dâen faire profiter le d public. Un saut Ă©volutif propre Ă lâhistoire mĂȘme du jeu vi dĂ©o : facultĂ©s dĂ©couvertes par les joueur·euse·s, anomalies involontaires dues au code et mĂȘme Ă©normes bĂ©vues. Jack Yarwood, chroniqueur pour Time Extension, site internet de jeux vidĂ©o rĂ©tro et clas siques, revient sur quelques Ă©volutions accidentelles deve nues si essentielles aux jeux vidĂ©o quâon peine Ă croire quâelles nâĂ©taient pas inten tionnelles. RĂ©action en chaĂźne Les combos, sĂ©ries dâattaques fulgurantes que lâadversaire ne peut pas contrer, sont ÂcaractĂ©ristiques des jeux de combat modernes. Pourtant, on doit leur origine Ă un bug de conception : lors de la sortie de Street ÂFighter II
MaĂźtre du jeu. Lâauteur anglais Jack Yarwood Ă©crit ÂrĂ©guliĂšrement pour Time Extension, un portail spĂ©cialisĂ© en jeux rĂ©tro.
Bagnoles futĂ©es Need for Speed est une sĂ©rie de jeux de voitures cĂ©lĂšbre pour ses courses-poursuites effrĂ©nĂ©es avec les forces de lâordre. Surprise, celles-ci sont nĂ©es dâune erreur de Âprogrammation. « Lors de la crĂ©ation de Need for Speed II en 1997, un producteur sâest retrouvĂ© entourĂ© dâennemis qui attaquaient sa Lamborghi ni, explique Jack Yarwood. Quand le bug a Ă©tĂ© signalĂ©, on sâest aperçu que le responsable de lâintelligence artificielle avait dĂ©fini des paramĂštres dâagressivitĂ© incorrects pour les voitures. » LâĂ©quipe Ă©tait tellement emballĂ©e quâelle en a fait un cheat Ă dĂ©bloquer et câest devenu lâĂ©lĂ©ment phare de Need for Speed III: Hot ÂPursuit lâannĂ©e suivante ! The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom, sur Nintendo Switch ; nintendo.com
THE RED BULLETIN
TOM GUISE
CES ERREURS QUI FONT NOTRE BONHEUR
Ascenseur Ă©clair Outil indispensable aux pros des combats Ă mort et autres speedrunners cherchant Ă terminer un niveau le plus vite possible, la technique du lance-roquettes pour se propulser en lâair est popu larisĂ©e en 1996 dans Quake. « Tim Willits (un des crĂ©ateurs du jeu, ndlr) Âassure que câest le fruit du hasard, raconte Yarwood, mĂȘme sâil y avait dĂ©jĂ un moment dans Doom (1993, ndlr), oĂč il fallait tirer sur un mur pour ĂȘtre repoussĂ© vers une sortie secrĂšte. Ătour derie ou rĂ©elle dĂ©couverte ? »
NINTENDO
Dans le jeu The ÂLegend of Zelda: Tears of the ÂKingdom, les joueur·euse·s sont capables de percer les plafonds.
Donnez des ailes Ă votre carriĂšre
Fernanda Maciel, Ultra Runner
« Ma plus grande qualité: mon intuition. » Découvre tes véritables points forts et apprends à les développer à travers un coaching ciblé.
redbull.com/wingfinder
DĂCOUVRIR
LĂ OĂ LES BATEAUX APPRENNENT Ă VOLER
 ujourdâhui, câest la nouvelle A base Alinghi Red Bull R  acing. LâĂ©quipe suisse Ă©tait dĂ©jĂ sur place : « Nous avons eu la chance de trouver des bĂątiments Ă louer pour une base temporaire. Nous avons pu installer les membres de lâĂ©quipe et leurs familles Ă ÂBarcelone avant de terminer la construction de la base Âactuelle », explique Silvio
Atelier de rĂ©flexion de la Coupe de lâAmerica : La base Alinghi Red Bull Racing Ă Barcelone a ouvert ses portes avec style.
I
ci, on soulĂšve des poids, on rĂ©pare des voiles, on teste lâaccastillage et on Ă©tudie les conditions mĂ©tĂ©orologiques. Bien entendu, cela ne se fait pas sans haute technologie, y compris celle de la F1. La nouvelle base de lâĂ©quipe Alinghi Red Bull Racing rayonne au milieu du Port Vell de Barcelone, oĂč se dĂ©roulera la 37e Americaâs Cup en 2024. En septembre, le public a Ă©tĂ© invitĂ© Ă se faire une idĂ©e de la base. LâĂ©vĂ©nement a Ă©tĂ© fĂȘtĂ© comme il se doit avec des cascades spectaculaires de cliff-diving, de la musique et un spec-
92
« Les bateaux sont trĂšs Âexigeants et doivent ĂȘtre Âentretenus au quotidien. » Silvio Arrivabene, co-directeur gĂ©nĂ©ral
tacle de BMX. Les deux bĂątiments abritent entre autres des ateliers, des bureaux, la Âdirection, une salle dâentraĂźnement et un espace de restauration chic sur une surface totale de 4 600 mÂČ. Silvio Arrivabene, co-directeur gĂ©nĂ©ral, nous fait visiter les lieux. La base Entre le centre commercial Maremagnum et lâAquarium, sur le port de Barcelone, on trouvait autrefois un cinĂ©ma qui nâattirait pas les foules. On envisageait sa destruction depuis longtemps.
Le hangar : cette partie de la base de Barcelone accueille les bateaux pour la nuit.
THE RED BULLETIN
MIHAI STETCU/ALINGHI RED BULL RACING, MITJA KOBAL/ALINGHI RED BULL RACING, SAMO VIDIC/ALINGHI RED BULL RACING
Les plongeuses de haut vol ÂCelia FernĂĄndez (ÂEspagne) et Rhiannan ÂIffland (Australie) sautent de lâAC75 soulevĂ© lors de lâinauguration de la base Alinghi Red Bull Racing Ă Barcelone, ÂEspagne.
Silvio Arrivabene est architecte naval de formation et dirige les opĂ©rations techniques et sportives chez Alinghi Red Bull Racing autour du Âbateau. La nouvelle base dâAlinghi Red Bull Racing brille dans le port de Barcelone.
 rrivabene. Les travaux ont A avancĂ© rapidement : commencĂ©s en avril 2023, terminĂ©s au mois de juillet suivant. Le hangar Câest la rĂ©sidence principale de lâAC75 et des deux AC40, puisque les voiliers ne passe pas la nuit sur lâeau. « Ces bateaux sont trĂšs exigeants et nĂ©cessitent un entretien quotidien, nous informe Arrivabene. Les jours de navigation, nous sortons le bateau du hangar le matin, Ă lâaide dâun chariot, avant de mettre le mĂąt, puis le bateau est hissĂ© Ă lâaide dâune grue dans lâeau. AprĂšs lâentraĂźnement sur lâeau, câest exactement la mĂȘme opĂ©ration en sens inverse. » Ă quelle frĂ©quence ont lieu les sorties en mer ? Le plus souvent possible. Mais cela dĂ©pend aussi de la mĂ©tĂ©o et du programme des tests, sans oublier le temps consacrĂ© Ă lâentretien du Âbateau. « Certaines semaines, on peut sortir deux jours,
THE RED BULLETIN
La voilerie de la base : câest ici que les voiles sont rĂ©parĂ©es et modifiĂ©es.
 arfois quatre. » Ă lâintĂ©rieur, p les containers oĂč sont installĂ©s les diffĂ©rents ateliers sont disposĂ©s de telle sorte que tout converge vers le centre du hangar â ce qui permet Ă toutes les personnes prĂ©sentes dâaccĂ©der facilement au bateau pour le rĂ©parer ou lâamĂ©liorer : Ă©lectriciens, ingĂ©nieurs hydrauliques, chefs monteurs, armateurs â tout le monde sâactive Ă prĂ©parer le bateau pour la sortie suivante.
La voilerie Juste Ă cĂŽtĂ© du hangar se trouve la section voile de la base : une salle immense entiĂšrement consacrĂ©e aux voiles. Celles-ci dominent littĂ©ralement les gens qui y sont employĂ©s : les postes de travail des artisans voiliers sont en Âeffet creusĂ©s dans le plancher de sorte que leurs machines Ă coudre dĂ©passent Ă peine du sol. Et ce afin de pouvoir Âtravailler plus facilement sur
les gigantesques voiles du Âbateau, dâune superficie de 28Ă7 m. « Câest ici quâon Âfabrique les nouvelles voiles, quâon rĂ©pare ou quâon modifie les anciennes », explique Arrivabene. Il nâest pas rare de Âdevoir faire une rĂ©paration la nuit. « On peut aussi dĂ©cider de changer ou dâadapter la forme de la voile. » Exactement comme lorsquâon fait des retouches sur un vĂȘtement aprĂšs un premier essayage. « Auparavant, les voiles Ă©taient constituĂ©es de panneaux tissĂ©s puis cousus ensemble. » Ce qui nâest plus le cas dans le monde de la rĂ©gate : la voile est ÂdĂ©sormais une gigantesque membrane en fibre de carbone et autres matĂ©riaux. « Nous la taillons Ă la forme souhaitĂ©e, avant de travailler sur les ÂdĂ©tails de la confection. » La salle de gym Avoir ses propres salles de sport sur la base ? Arrivabene le concĂšde : « Câest quand mĂȘme du luxe », car on nâa
93
DĂCOUVRIR
LES BASES DE LA BASE
pas toujours assez de place. Mais il ne sâagit pas de salles de fitness classiques : « Tout tourne autour du renforcement musculaire. » On y trouve des rameurs, des poids et des v élos (cycloergomĂštres), identiques Ă ceux du Âbateau pour lui donner de la puissance. Les membres de lâĂ©quipe y passent jusquâĂ sept heures par jour, quand ils ne sont pas sur lâeau, notamment ceux du Power Group, les montagnes de muscles Ă bord du bateau. Juste Ă cĂŽtĂ©, on trouve la cantine. Le fait que la salle dâentraĂźnement se situe juste au-dessus de la grande salle des bureaux a deux avantages : on y jouit de la superbe vue sur le port, et cela permet une communication optimale avec le reste de lâĂ©quipe. Le simulateur Un autre composant essentiel de la prĂ©paration des athlĂštes Ă la compĂ©tition, câest le simulateur. « Il sâagit dâune des nouveautĂ©s les plus rĂ©centes de la Coupe de lâAmerica, Âapparue durant les deux ou trois Ă©ditions prĂ©cĂ©dentes », explique Arrivabene, en
94
« Le simulateur est au cĆur de notre prĂ©paration : nous Âutilisons notre savoir-Âfaire issu de la F1. »
 joutant que cet engin est a Ânotamment utilisĂ© les jours oĂč lâon ne peut pas naviguer. LâĂ©quipe profite alors de lâexpĂ©rience et des Ă©volutions techniques des simulateurs de Formule 1 qui ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s par Red Bull Racing. On peut ainsi choisir une trajectoire de course en opposant plusieurs Ă©quipes, ou bien sâentraĂźner individuellement dans des conditions ÂmĂ©tĂ©o prĂ©-dĂ©finies, ou encore tester des composants du Âbateau, comme un nouveau safran ou des nouveaux foils.
Silvio Arrivabene
La grue Elle pĂšse 7 tonnes, fait 40 mĂštres de haut, et est dotĂ©e dâun bras de 24 mĂštres qui met les bateaux Ă lâeau avant chaque entraĂźnement et les ramĂšne sur terre Âensuite. LâĂ©nergie solaire La base est Ă©quipĂ©e de 96 panneaux solaires. Ceux-ci fournissent environ 30 % des besoins en ÂĂ©nergie de lâensemble de la base. Eau propre Une installation traite lâeau de mer et couvre 100 % des besoins en eau de la base.
Vue depuis lâeau de la base dâAlinghi Red Bull Racing avec une esplanade, un atelier et des bureaux sur 2 300 mÂČ.
Du 29 nov. au 2 dĂ©c., la deuxiĂšme rĂ©gate prĂ©liminaire pour la 37e Americaâs Cup aura lieu Ă Djidda, en Arabie Saoudite. Toutes les prĂ©-rĂ©gates seront retransmises par Red Bull TV.
THE RED BULLETIN
SAMO VIDIC/ALINGHI RED BULL RACING, MITJA KOBAL/ALINGHI RED BULL RACING
Le Champion du monde de F1 Max Verstappen sâessaie au simulateur de voile.
Le site La nouvelle Alinghi Red Bull Racing Base est composĂ©e de deux bĂątiments sur une surface de 2300 mĂštres carrĂ©s. Ă cela sâajoute lâavant-cour de 1600 mĂštres carrĂ©s.
SORTIR
AUTOMNE RADIEUX Du son, de la vitesse et de la hauteur : les événements à ne pas manquer.
1
er
AU 3 DĂCEMBRE
ARMON RUETZ/RED BULL CONTENT POOL, GETTY IMAGES, GOLD & GOOSE/RED BULL CONTENT POOL
ANNA MAYUMI KERBER
DESIGNSCHENKEN
2
Enfin libres : T-Ronimo et Geo ÂCadiias aprĂšs leur victoire lors du Red Bull UnEverse 2022.
Le festival de design haut en couleur dans la zone industrielle de Lucerne invite Ă dĂ©nicher des cadeaux de NoĂ«l extraordinaires et ingĂ©nieux. Dans la filature de la ville dâEmmenbrĂŒcke, cent exposant·e·s prĂ©sentent leurs produits et projets. On peut sâattendre Ă y trouver des fabricant·e·s suisses de bijoux, de mode, de meubles, dâaccessoires pour la maison, de jeux et de dĂ©coration. Câest lâoccasion de cĂ©lĂ©brer la crĂ©ativitĂ© suisse avant NoĂ«l. designschenken.ch
18 NOVEMBRE
RAP CITY
Ă lâoccasion de sa cinquiĂšme Ă©dition, des stars internationales et des talents suisses se produiront au Hallen stadion de Zurich. Les tĂȘtes dâaffiche seront Sido et la star amĂ©ricaine Sheck Wes. Les co-hĂŽtes Haftbefehl, reezy, BadmĂłmzjay & Yung Hurn. Xen, Luuk, Gigi, Rapide x Alawi, Lexi et xthedoc assureront la puissance suisse sur scĂšne. rapcity.ch
DĂCEMBRE
RED BULL UNEVERSE Red Bull UnEverse, le premier Ă©vĂ©nement de jeu cinĂ©matographique et narratif au monde, est de retour ! AprĂšs leur dĂ©faite de lâan dernier, les Enforcers ont jurĂ© de se venger. Six joueur·euse·s Âqualifié·e·s de Suisse pourront-ils vaincre les Enforcers dans six jeux inattendus et nous sauver ? Aussi, le public parviendra-t-il Ă faire basculer le cours du jeu en faveur de nos dĂ©fenseur·euse·s ? En direct sur Twitch ou sur place dans le Red Bull Gaming World, au MusĂ©e suisse des transports, Ă Lucerne. Toutes les infos sur Red Bull UnEverse ici !
THE RED BULLETIN
BadmĂłmzjay en live.
25
NOVEMBRE AU 10 DĂCEMBRE
RED BULL KING OF THE AIR
Cette annĂ©e, le Red Bull King of the Air se dĂ©roulera pour la onziĂšme fois au Cap, en Afrique du Sud. Dix-huit des meilleur·e·s kitesurfeur· euse·s au monde se retrouvent sur la plage de Kite Beach pour rĂ©aliser des figures lors du Big Air. Les athlĂštes seront jugĂ©s sur la hauteur de leurs sauts, la diversitĂ© de leurs tricks et leur style. Un vent du sud-est estival et un surf de lâouest, que demander de plus ? En direct sur redbull.com
19
ET 26 NOVEMBRE
MOTOGP KATAR & VALENCIA Les deux derniĂšres dates du calendrier MotoGP : le 19 nov., sur le circuit de Losail au Qatar, de nuit et sous les projecteurs. Le 26 nov., la finale du championnat du monde aura lieu Ă Valence, en Espagne. Ce sera la premiĂšre course sur le circuit Ricardo Tormo, long de 4 005 km, depuis les travaux dâasphaltage effectuĂ©s pendant lâĂ©tĂ©. redbull.com
95
M E N T I O N S L ĂGA L ES
The Red Bulletin Autour du monde
Directeur de la publication Andreas Kornhofer RĂ©dacteur en chef Andreas Rottenschlager
THE RED BULLETIN Suisse, ISSN 2308-5886
THE RED BULLETIN Royaume-Uni, ISSN 2308-5894
RĂ©dacteur en chef DACH David Mayer
RĂ©daction Anna Mayumi Kerber (dir.), Christine Vitel
RĂ©daction Ruth McLeod
Ăditing David Pesendorfer Directeur exĂ©cutif de la crĂ©ation Markus Kietreiber Direction crĂ©ative Erik Turek (dir.), Kasimir Reimann Direction artistique Marion Bernert-Thomann, Miles English, Tara Thompson Maquette Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Faustmann-Goll, Carita Najewitz
Country Project Management Meike Koch Ventes mĂ©dias & partenariats Christian BĂŒrgi (dir.), christian.buergi@redbull.com Marcel Bannwart, marcel.bannwart@redbull.com Michael Wipraechtiger, michael.wipraechtiger@redbull.com Lauritz Putze lauritz.putze@redbull.com
RĂ©daction photo Eva Kerschbaum (dir.), Marion Batty (adj.), Susie Forman, Tahira Mirza, Rudi Ăbelhör
Traductions et adaptations Willy Bottemer, Valérie Guillouet, Claire S  chieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries
Gestion de la rédaction Marion Lukas-Wildmann
Secrétariat de rédaction Lucie Donzé
Managing Editor Ulrich Corazza
Impression Quad/Graphics Europe Sp. z o.o., PuĆtuska 120, 07-200 WyszkĂłw, Pologne
The Red B  ulletin est distribuĂ© chaque mois dans six pays. Vous d  écouvrez ici la couverture de lâĂ©dition britannique, dĂ©diĂ©e au king du SuperEnduro, Billy Bolt.
Global Content Tom Guise (dir.), Lou Boyd
Le plein dâhistoires hors du commun sur redbulletin.com
Direction artistique Peter Knehtl (dir.), Lisa Jeschko, Araksya Manukjan, Julia Schinzel, Florian Solly
Responsable des contenus audios Florian Obkircher Gestion de lâĂ©dition Sara Car-Varming (dir.), Ivona Glibusic, Melissa Stutz (Innovator) Directeur Ventes mĂ©dias & partenariats Lukas Scharmbacher Gestion de projet crĂ©ation senior Elisabeth Kopanz
Head of Publishing Operations Sigurd Abele Direct to Consumer Business Peter Schiffer (dir.), Marija Althajm, Victoria SchwĂ€rzler, YoldaĆ Yarar Manager Vente et projets spĂ©cifiques Klaus Pleninger Service de publicitĂ© Manuela BrandstĂ€tter, Monika Spitaler Fabrication & Production Veronika Felder (dir.), Martin Brandhofer, Walter O. SĂĄdaba, Sabine Wessig Lithographie Clemens Ragotzky (dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovic, Sandra Maiko Krutz, Josef MĂŒhlbacher Finances Mariia Gerutska (dir.), Nora Kovacs-Horvacs Assistante du Management gĂ©nĂ©ral Sandra Stolzer Directeur gĂ©nĂ©raux Red Bull Media House Publishing Stefan Ebner Adresse Am GrĂŒnen Prater 3, A-1020 Wien, TĂ©lĂ©phone: +43 1 90221-0, redbulletin.com PropriĂ©taire, Ă©diteur et rĂ©daction Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-StraĂe 11â15, A-5071 Wals bei Salzburg, Autriche FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700
Abonnements Service des lecteurs, 6002 Lucerne getredbulletin.com, abo@ch.redbulletin.com
THE RED BULLETIN Allemagne, ISSN 2079-4258
SecrĂ©tariat de rĂ©daction Davydd Chong Country Project ÂManagement Ollie Stretton Ventes mĂ©dias & partenariats Mark Bishop, mark.bishop@redbull.com
THE RED BULLETIN Autriche, ISSN 1995-8838 RĂ©daction Nina Kaltenböck (dir.), Lisa Hechenberger SecrĂ©tariat de rĂ©daction Hans FleiĂner (dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Country Project ÂManagement Julian Vater Ventes mĂ©dias & partenariats Thomas Hutterer (dir.), Michael Baidinger, Franz Fellner, Ines Gruber, Moritz Philipp Haaf, Wolfgang Kröll, Gabriele MatijevicBeisteiner, Yvonne Mensik, Alfred Minassian, Nicole Okasek-Lang, Britta Pucher, Nicole Umsait, Johannes Wahrmann-SchĂ€r, Ellen Wittmann-Sochor, Ute Wolker, Christian Wörndle, Sabine ZölĂ
RĂ©daction David Mayer SecrĂ©tariat de rĂ©daction Hans FleiĂner (dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek
THE RED BULLETIN USA, ISSN 2308-586X
Country Project Management Natascha Djodat
RĂ©daction Peter Flax (dir.), MĂ©lissa Gordon, Nora OâDonnell
Ventes mĂ©dias & partenariats Thomas Hutterer (dir.), Michael Baidinger, Franz Fellner, Ines Gruber, Moritz Philipp Haaf, Wolfgang Kröll, Gabriele MatijevicBeisteiner, Yvonne Mensik, Alfred Minassian, Nicole Okasek-Lang, Britta Pucher, Nicole Umsait, Johannes Wahrmann-SchĂ€r, Ellen Wittmann-Sochor, Ute Wolker, Christian Wörndle, Sabine ZölĂ
THE RED BULLETIN France, ISSN 2225-4722
SecrĂ©tariat de rĂ©daction David Caplan Country Project ÂManagement Branden Peters Ventes mĂ©dias & partenariats Marissa Bobkowski, marissa.bobkowski@redbull.com Tanya Foster, tanya.foster@redbull.com Todd Peters, todd.peters@redbull.com Dave Szych, dave.szych@redbull.com
RĂ©daction Pierre-Henri Camy (dir), Marie-Maxime Dricot, Christine Vitel Country Project ÂManagement Marin Heitzler Traductions et adaptations Willy Bottemer, ValĂ©rie Guillouet, Claire S  chieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries SecrĂ©tariat de rĂ©daction Audrey Plaza Ventes mĂ©dias & partenariats Yoann Aubry, yoann.aubry@redbull.com
Directeurs généraux Dietmar Otti, Christopher Reindl, Marcus Weber
96
THE RED BULLETIN
ABONNEZ-VOUS
Un an, 6 numéros The Red Bulletin + 2 numéros Innovator
POUR 28 CHF SEULEMENT getredbulletin.com
NICOLAS MAHLER
L E T R A I T D E L A FI N
Le prochain The Red Bulletin disponible dÚs le 10 décembre 2023. 98
THE RED BULLETIN