The Red Bulletin CF 05/23

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SUISSE, 3,80 CHF 05/2023 ABONNEZ-VOUS DÈS MAINTENANT getredbulletin.ch

HORS DU COMMUN

RIEN NE LUI RÉSISTE

Son succùs, le skieur Marco Odermatt le doit à un entraünement impitoyable
 et à ses fans !


Elegance Elegance is an is an attitude attitude Marco Marco Odermatt Odermatt


LONGINES LONGINES SPIRIT SPIRIT


É D ITO R I A L

EN LIGNE DE MIRE

Contributions

Elle a percĂ© en chantant dans les Ă©missions de tĂ©lĂ©crochet avant de faire sa place dans les hit-parades. Pour la reine suisse du R&B Naomi Lareine, il n’y a pas d’autre objectif que la scĂšne mondiale (p. 48). Marco Odermatt, quant Ă  lui, a conquis le monde du ski depuis longtemps. Quel est le secret du meilleur skieur actuel de la planĂšte ? Odi nous apprend qu’un entraĂźnement rigoureux est primordial, mais qu’il ne fait pas tout (page 38). Dans le milieu du gaming aussi, l’entraĂźnement seul ne suffit pas. Qui est en concurrence dans ce business qui brasse des milliards ? Quels sont les enjeux d’un Ă©vĂ©nement tel que les championnats du monde du League of Legends (p. 64) ? Marissa « Slayz » Duret (p. 22) et Maya Hawke (p. 20) expliquent l’intĂ©rĂȘt d’avoir plus de diversitĂ© dans le monde du divertissement, et celui de faire son nid en route. Fini la routine, par ici l’aventure !

DAN CERMAK Les photographies primĂ©es de Dan Cermak, TchĂšque d’origine mais Suisse jusqu’au bout des ongles, sont colorĂ©es, flashy, et franches. Lors de la sĂ©ance photo Ă  la Binz de Zurich, il a immortalisĂ© la chanteuse Naomi Lareine, qui s’apprĂȘte Ă  fouler les scĂšnes du monde entier. Page 48

IRENE SACKMANN C’est Ă  l’aquarelle et Ă  l’encre de Chine que l’illustratrice travaille « aussi librement que possible, aussi prĂ©cisĂ©ment que nĂ©cessaire ». Sackmann compte parmi les meilleures dans son domaine en Allemagne et collabore avec l’agence Botschaft der Illustration. Pour nous, elle a illustrĂ© les exercices de Marco Odermatt. Page 46

4

Lors de la sĂ©ance photo dans la neige au-dessus de Zermatt, ­Marco Odermatt s’est montrĂ© trĂšs dĂ©tendu. Plus d’infos sur la lĂ©gĂšretĂ© ­intĂ©rieure de ce poids lourd du ski en page 38.

THE RED BULLETIN

SANDRO BAEBLER (COUVERTURE)

DANIEL BROWN Il vit Ă  San Francisco, est rĂ©dacteur en chef de The Athletic et s’est aventurĂ© pour nous dans le monde de l’esport : en amont du championnat du monde de LoL , il a dĂ©couvert un business qui pĂšse des milliards, deux superstars absolues et une foule de batailles passionnantes. Page 64


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CONTENUS

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48

G A L L E R Y 8 L’ A D D I T I O N S V P ! 14 O B J E T T R O U V É 16 HÉROS & HÉROÏNES

18

Never gonna give him up! La légende des années 80 est de retour : une résurrection de la pop.

MAYA HAWKE

20

Pour la star de Stranger Things, il est important de construire un nid, quel que soit l’endroit.

MARISSA « SLAYZ » DURET 22 La gameuse suisse r­ evendique plus de diversité  dans la rĂ©alitĂ© virtuelle.

EMILIA HARTFORD

AU NOM DE LA REINE

48

R&B dans la voix, pop dans le son, rock dans l’ñme : acclamĂ©e en Suisse, elle veut dĂ©sormais conquĂ©rir le monde.

PICTORIAL

RED BULL ILLUME

NAOMI LAREINE

24

Voici en avant-premiĂšre les clichĂ©s du plus grand concours mondial de photographie de sports d’aventure et d’action.

54

Le rappeur est l’artiste le plus ­streamĂ© de l’espace germanophone. Mais qui est Raphael Ragucci ?

M A R C O O D E R M AT T

LE ROI DES NEIGES Que fait le meilleur skieur du monde actuel en dehors des pistes ? Et qu’est-ce qui le motive ? Rencontre, dans les coulisses, d’un homme au sommet de sa gloire.

6

38

GAMING

LA LIGUE DES LÉGENDES Le jeu vidĂ©o a donnĂ© naissance Ă  un monde trĂšs, trĂšs particulier : League of Legends est devenu un sport pour des millions de personnes.

74

Comment la pilote de course et ­cascadeuse prend le chemin des étoiles du cinéma. Et comment elle trouve la paix à grande vitesse.

RAF CAMORA

DERRIÈRE LE MYTHE

L’AMOUR DU RISQUE

64

C ’ E S T PA R TI ! V O Y A G E R 83 É C O U T E R 88 O P T I M I S E R 89 J O U E R 90 D É C O U V R I R 92 S O R T I R 95 MENTIONS LÉGALES 96 L E T R A I T D E L A F I N 98

THE RED BULLETIN

HANNES BERGER, DAN CERMAK

RICK ASTLEY


DES AIIILES POUR L‘HIVER. AU GOÛT DE POIRE-CANNELLE.

U A E V U O N

STIMULE LE CORPS ET L’ESPRIT.


KitzbĂŒhel, Autriche

ÇA PLAAAANE ! Cette nuĂ©e de parapentistes semble ­lĂ©gĂšre comme une plume et insouciante. L’illusion parfaite ! Car ce n’est que l’échauffement de la course d’aventure la plus rude au monde, la Red Bull X-Alps : 1 223 kilomĂštres de marche, d’escalade, de ramping et de vol Ă  travers cinq pays. Au final, c’est le Suisse Christian Maurer qui l’a remportĂ©e. AprĂšs exactement six jours, six heures et une minute. Et non, le temps n’a pas toujours passĂ© comme un Ă©clair ! redbullxalps.com


THE RED BULLETIN

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ADI GEISEGGER/RED BULL CONTENT POOL

DAVID PESENDORFER


Bedford, Indiana, USA

MISTER MYSTERY Le double champion du monde de wakeskate, Brian Grubb, a toujours rĂȘvĂ© de surfer une riviĂšre souterraine. C’est ainsi qu’il s’est aventurĂ© avec son e-foil (planche de surf Ă  aile Ă©lectrique) Ă  30 mĂštres sous terre, et s’est Ă©lancĂ© sur la Myst’ry River. À 32 km/h, il a parcouru un dixiĂšme de la distance totale de la ­riviĂšre (34 kilomĂštres). Comment s’est passĂ©e la traversĂ©e souterraine ? « C’était beaucoup plus Ă©troit que je ne le pensais », s’exclame Brian. À retrouver sur redbull.com

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THE RED BULLETIN


ROBERT SNOW/RED BULL CONTENT POOL

DAVYDD CHONG


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THE RED BULLETIN

TIM MARCOUR/RED BULL CONTENT POOL

DAVYDD CHONG


Oberland bernois, Suisse

CLASSIC ROC

Au cƓur de l’action avec l’alpiniste et freeskieuse autrichienne Nadine Wallner s’attaquant au marathon vertical de la Jungfrau, en juillet dernier. Son coĂ©quipier, le guide de montagne et grimpeur suisse Simon Wahli, et elle ont rĂ©ussi l’ascension de la vallĂ©e de Lauterbrunnen au sommet de la Jungfrau (4 158 m), en passant par deux voies (classĂ©es 7a+ et 7a) et l’arĂȘte du ­RotbrĂ€ttgrat en un temps ­record de 16 heures et 20 minutes. ­Cerise sur le g ­ Ăąteau ? Wallner est devenue la premiĂšre femme Ă  la rĂ©aliser. À voir sur redbull.com


L’A D D IT I O N , S ’ I L VO U S PL A Î T !

STAY ALIVE !

Les Hunger Games sont de retour : le 16 novembre, le film La Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur, cinquiùme opus de la saga, sera à l’affiche.

500 000

4 556 778

3 000

figurant·e·s ont été mobilisés devant les hauts-fourneaux du parc paysager de Duisbourg, qui sert de décor au nouveau film.

1971

64

L’annĂ©e de naissance du rĂ©alisateur Francis ­Lawrence, de parents ­amĂ©ricains habitant Ă  Vienne Ă  l’époque.

ans avant le dĂ©but de la s ­ Ă©rie, c’est l’époque Ă  laquelle se dĂ©roule le prĂ©quel.

30 000

165

comédiennes ont postulé pour le rÎle qui a échoué à la jeune actrice Rachel Zegler.

minutes, la durée de ce film, le plus long de la série.

105

L’augmentation, en pourcent, des inscriptions dans les assos de tir Ă  l’arc enregistrĂ©e aprĂšs la sortie du premier volet des Hunger Games en 2012, car l’arc faisait partie de l’équipement du personnage de Jennifer Lawrence.

14

2 690 000 000

de francs suisses : les recettes internationales des quatre films Hunger ­Games, depuis 2012. Rien qu’aux États-Unis, ils ont dĂ©jĂ  rapportĂ© 1,45 milliard de dollars.

THE RED BULLETIN

CLAUDIA MEITERT

de personnes vivent dans le pays imaginaire de Panem, qui doit son nom au latin ­panem et circenses (trad. du pain et des jeux).

HANNES KROPIK

Le nombre de fois oĂč James Newton Howard, qui a composĂ© la musique de tous les films de la saga, a Ă©tĂ© nommĂ© aux Oscars. GagnĂ© : aucun.

517

pages : La Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur est le quatriĂšme roman de ­Suzanne Collins de la sĂ©rie Hunger Games.

MURRAY CLOSE7STUDIOCANAL, LIONSGATE

9

dollars, c’était le cachet de Jennifer Lawrence pour le premier opus des ­Hunger Games. Dans le deuxiĂšme, il s’élevait dĂ©jĂ  Ă  10 millions de dollars.


Le nouvel Amarok PrĂȘts pour de grandes aventures? Surpuissant et attire pourtant tous les regards. Polyvalent et avec une technologie de pointe. Le nouvel Amarok maĂźtrise tous les terrains avec brio. Il transforme ainsi le quotidien et les loisirs en une vĂ©ritable expĂ©rience.

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VW Amarok Aventura, 3.0 TDI, 240 ch, boüte automatique à 10 vitesses, 10,2 l/100 km, 266 g CO₂/km, cat. G

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Essayez-le vite


H Y PE C H EC K

CHECK-IN ? DRIVE IN !

Sur TikTok, une vague de hype chasse l’autre. Le crĂ©ateur de contenus Kirafin examine une tendance devenue virale : le Modobag.

16

L’OBJET

« Se ruer au check-in Ă  ­l’aĂ©roport ? Plus de stress : les valises comme le Modobag t’y conduisent facilement. Il suffit de s’asseoir dessus et d’activer le moteur Ă©lectrique. Sa vitesse max : 13 km/h, son poids max : 118 kilos. »

LA VAGUE HYPE

«Il n’y a pas tant de vidĂ©os TikTok dessus, car il coĂ»t plus de mille dollars. Mais chaque fois qu’une vidĂ©o sort, elle devient virale. @djspindizzy a gĂ©nĂ©rĂ© 3,1 millions de vues. L’humoriste Knossi le veut aussi, et DJ Stella Bossi l’utilise dĂ©jĂ  pour faire le tour des aĂ©roports. »

L’ANALYSE

« D’accord, la valise est fantaisiste. Mais le prix, c’est autre chose. Et puis l’accessoire Ă  lui seul pĂšse dĂ©jĂ  9 kilos, le surpoids est programmĂ©. Donc : cool pour faire du contenu vidĂ©o, pas vraiment pour le quotidien. »

THE RED BULLETIN

MODOBAG.COM

Kirafin, de son vrai nom Jonas Willbold, 28 ans, divertit son 1,2 million de followers TikTok avec des formats comiques. En parallĂšle, il voue une fascination Ă  la tech, aux produits et Ă  la mode.


Naturellement ensemble.

CH-BIO-004

Naturellement rafraĂźchissant.


H É RO S & H É RO Ï N ES

RICK ASTLEY

Adolescent, il Ă©tait l’un des visages de la pop des annĂ©es 80. À 57 ans, il joue devant les foules et boit avec les Foo Fighters. Rick Astley retrace ici son parcours improbable, y compris la chanson qui l’a fait connaĂźtre. TEXTE MARCEL ANDERS

Alors qu’il travaillait comme homme Ă  tout faire chez Stock Aitken Waterman (SAW), le producteur de tubes des annĂ©es 80, l’adolescent Rick Astley n’avait aucune idĂ©e de la cĂ©lĂ©britĂ© qui l’attendait. C’est alors qu’est arrivĂ© Never Gonna Give You Up, son premier titre, en 1987, qui allait devenir numĂ©ro un dans 25 pays et propulser l’ancien enfant de chƓur vers une cĂ©lĂ©britĂ© fulgurante. Si vous aviez dit Ă  Astley que cette chanson allait continuer de lui ouvrir des portes prĂšs de quarante ans plus tard, attirant des milliers de personnes et lui permettant de partager la scĂšne avec l’un des plus grands groupes de rock du monde, il vous aurait ri au nez. À ce jour, Never Gonna Give You Up a Ă©tĂ© visionnĂ© 1,4 milliard de fois sur YouTube, en partie grĂące au phĂ©nomĂšne Internet du « rickrolling » qui consiste Ă  ĂȘtre redirigĂ© vers la vidĂ©o de la chanson aprĂšs avoir cliquĂ© sur un lien d’une vidĂ©o similaire. Sa musique a ainsi trouvĂ© un tout nouveau public. À l’occasion de la sortie de son neuviĂšme album et d’une tournĂ©e au Royaume-Uni prĂ©vue pour le dĂ©but de l’annĂ©e, Astley s’entretient avec The Red Bulletin de la chance, du rire et de l’importance de dire oui... the red bulletin : Pourquoi le nouvel album s’intitule Are We There Yet ? rick astley : J’ai fait une tournĂ©e amĂ©ricaine avec les New Kids On The Block, En Vogue et Salt-N-Pepa. 56 concerts et 35 000 km en bus, ce qui ­explique le titre. Cela veut aussi dire « Est-ce que j’y suis ­arrivĂ© ? ». Quand y arrive-t-on vraiment ? Vous souvenez-vous de la premiĂšre fois que vous avez entendu Never Gonna Give You Up ?

18

PHOTO AUSTIN HARGRAVE

J’avais signĂ© un contrat avec SAW et un jour, Pete Waterman m’a dit : « Tu veux ­venir traĂźner dans les studios ? Tu feras l’homme Ă  tout faire, mais tu apprendras beaucoup de choses. » J’ai dit « Oui ! ». Et quand Mike Stock s’est assis et a jouĂ© les accords de Never Gonna Give You Up sur un Fairlight synthĂ©, j’étais lĂ  Ă  faire le cafĂ©. Étrangement, j’ai Ă©tĂ© impliquĂ© dans l’alchimie de ce qui se passait, car Mike Ă©crivait cette chanson pour moi. Auriez-vous aimĂ© l’écrire ? Tout le monde ne peut pas ĂȘtre Lennon ou McCartney. J’ai Ă©crit quelques chansons, mĂȘme des chansons qui ont Ă©tĂ© des succĂšs en AmĂ©rique. Mais je n’ai pas Ă©crit Never Gonna Give You Up ni Together ­Forever. Je ne pense pas que j’aurais pu le faire. Il faut ĂȘtre extrĂȘmement lucide et se dire : « Je n’essaie pas d’ĂȘtre cool ; j’écris une chanson pop qui va durer des annĂ©es. » SAW a trouvĂ© une formule et s’est dit : « On va s’en tenir Ă  ça parce que ça marche. » C’est l’une des raisons pour ­lesquelles j’ai voulu partir, parce que ­j’entendais des disques que j’adorais et je me disais : « SAW ne voudra jamais faire un disque comme ça. » Mais ce n’était pas Ă  moi de leur demander de changer. La chanson vous a emmenĂ© dans des endroits inattendus, comme sur scĂšne avec les Foo Fighters
 Je les ai rencontrĂ©s au Japon il y a quelques annĂ©es et je suis montĂ© sur scĂšne aprĂšs quelques biĂšres. Ils avaient appris Ă  jouer Smells Like Teen Spirit de Nirvana pour que je puisse chanter Never Gonna Give You Up par-dessus. Je ne les avais jamais rencontrĂ©s ; je suis montĂ© sur scĂšne et je l’ai chantĂ© Ă  la demande de Dave Grohl. Il m’a chuchotĂ© Ă  l’oreille : « On fait ça maintenant devant 50 000 personnes ? ». J’ai dit : « Oui ! » On a ri puis bu quelques biĂšres.

Dave aime rencontrer des gens et leur demander : « Qu’est-ce que tu fais ? Qu’est-ce qui t’a amenĂ© ici ? Qu’est-ce qui se passe ? » C’est l’une des personnes les plus curieuses que j’aie j­amais rencontrĂ©es
 Vous arrive-t-il encore d’ĂȘtre victime du « rick­rolling » ? Pas tant que ça. Des jeunes viennent me voir et dansent avec moi. C’est une foutue chanson pop-dance des annĂ©es 80. Cette chanson a Ă©tĂ© extraordinaire pour moi. Si vous m’ouvriez, vous tomberiez sur ­Never Gonna Give You Up Ă  l’intĂ©rieur. Elle fait partie de mon ADN. Ce n’est pas que je ne l’aime pas, mais j’ai le sens de l’humour. Et je vois la chance qu’il y a Ă  ce que des enfants de dix ans en connaissent les paroles. MĂȘme s’ils n’aiment pas ça, c’est lĂ , comme un chewing-gum qui reste collĂ© et ne s’en va pas. Est-ce la musique qui vous permet de rester jeune Ă  57 ans ? Je pense que c’est dĂ» Ă  une vie sans stress. Je ne me suis jamais rĂ©veillĂ© en me disant : « Je ne peux pas payer l’hypothĂšque. » J’ai eu une peur bleue de jouer
, mais c’était du bon stress, celui de jouer au festival de Glastonbury, mais c’est un beau stress. Je me considĂšre comme incroyablement chanceux. I should be so lucky
 (Titre d’une ­chanson de Kylie Milogue qui signifie « J’aimerais ĂȘtre Ă  votre place »..., ndlr) Exactement. D’ailleurs, je vais voir Kylie dans une semaine.

Are We There Yet? est dispo ; rickastley.co.uk

THE RED BULLETIN


« Never Gonna Give You Up fait partie de mon ADN. » La vidéo virale en ligne a permis à Rick Astley de rajeunir sa ­communauté de fans.

THE RED BULLETIN

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H É RO S & H É RO Ï N ES

MAYA HAWKE

sait comment se sentir bien dans toutes les situations : la comĂ©dienne, qui nous a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e grĂące Ă  Stranger Things, adore se construire, oĂč qu’elle soit, des petits cocons bien Ă  elle. TEXTE RÜDIGER STURM

Sur la route Cette native de New York City a pourtant appris trĂšs tĂŽt Ă  gĂ©rer les imprĂ©vus, Ă  s’adapter sans cesse et Ă  improviser : celle qui jongle depuis quelques annĂ©es avec trois mĂ©tiers diffĂ©rents (comĂ©dienne, mannequin et chanteuse) est la fille d’Uma Thurman et Ethan Hawke, l’un des plus beaux couples d’Hollywood – jusqu’à leur sĂ©paration en 2005, aprĂšs sept ans de vie commune. Maya : « Ils m’ont emmenĂ©e faire le tour du monde, surtout quand j’étais toute petite. Nous Ă©tions en Chine lorsque j’ai fĂȘtĂ© mon quatriĂšme anniver­ saire. Certes, cette vie passĂ©e sur la route avait quelque chose d’excitant, mais cela a aussi nourri un immense besoin de sta­ bilitĂ©. J’étais tellement heureuse quand nous rentrions enfin Ă  la maison. »

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Pour rĂ©pondre Ă  ce besoin, la pe­ tite Maya Hawke apprend alors Ă  se construire un « petit cocon bien Ă  elle » : « J’ai toujours Ă©tĂ© comme ça. J’ai com­ mencĂ© trĂšs tĂŽt Ă  m’occuper de la dĂ©co de ma chambre – il fallait toujours que les couleurs soient assorties, que le sol soit moelleux comme de la laine. En mĂȘme temps, j’ai voulu faire rentrer le vaste monde dans mon petit univers : les murs de ma chambre Ă©taient tapissĂ©s de cartes du monde, je collectionnais les insectes et les petits animaux en verre. » Retour aux sources ConfinĂ©e dans la grande ville, Maya Hawke trouve refuge dans la nature en­ vironnante, si infime soit-elle : « J’avais ­besoin de me promener, de me retrouver au vert, que ce soit Ă  Central Park ou dans les forĂȘts au nord de la ville, pour me dĂ©couvrir. » Mais toutes ces excursions, proches ou lointaines, ont toujours la mĂȘme fin, Ă  plus ou moins long terme : le retour (tant attendu) au bercail. « Quand je voyage, ma devise c’est “partir pour mieux revenir”. » Lors du tournage d’Asteroid City, en Espagne, Maya a pourtant eu l’impression qu’elle Ă©tait chez elle : « Nous devions tous habiter ensemble, Ă  cause de la pandĂ©mie. J’ai pu passer tout ce temps au mĂȘme endroit, entourĂ©e de gens merveilleux. » Avec la dynamique de groupe que cela ­induit : « Nous sommes restĂ©s ensemble pendant toute la durĂ©e du tournage, ce qui nous a vraiment soudĂ©s. Il fallait parfois jouer les figurants pendant que des collĂšgues tournaient une scĂšne, ou tourner 300 fois de suite la mĂȘme scĂšne – mais c’était une expĂ©rience incroyable. » À tel point que, si un autre confine­ ment se pointait Ă  l’horizon, elle saurait dĂ©sormais comment en tirer le meilleur parti. « Je prendrais tous mes amis avec

moi et nous irions nous confiner dans un endroit magnifique, tous ensemble. » MalgrĂ© (ou Ă  cause de) cette enfance peu commune, Maya Hawke est une femme pour qui les structures, qu’elles soient gĂ©ographiques ou professionnelles, sont essentielles. Elle parvient Ă  se les crĂ©er en prĂ©parant minutieusement cha­ cun de ses rĂŽles : « Pour Asteroid City, j’ai analysĂ© le script dans les moindres dĂ©tails, ainsi que les formes d’expression de Wes Anderson. Mon texte, je l’ai d’abord chantĂ© Ă  voix haute – avant de le rĂ©citer. C’est comme ça que j’arrive Ă  m’appro­ prier les mots. Si tu bloques sur certains passages pendant le tournage, c’est ter­ minĂ©. Il y a des collĂšgues qui arrivent Ă  bosser comme ça, mais pas moi. » Partir un jour ? Loin de la dĂ©goĂ»ter des voyages, ses ­parents lui ont donnĂ©, au contraire, le goĂ»t de l’étranger, des horizons lointains – elle leur est d’ailleurs reconnaissante de cet hĂ©ritage, malgrĂ© les jours passĂ©s Ă  avoir le mal du pays. « Je veux Ă  mon tour partir dĂ©couvrir le monde, vivre de grandes aventures. Et habiter un jour dans une autre ville que New York. Ça me fait encore un peu peur, mais j’en ai vrai­ ment envie. » Affronter ses peurs et se jeter dans l’inconnu – exactement comme elle l’a fait lors de cette scĂšne de danse improvisĂ©e. « Je pouvais enfin exprimer qui j’étais vraiment. » Instagram : @maya_hawke

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DANIA MAXWELL/LOS ANGELES TIMES/CONTOUR BY GETTY IMAGES

Lorsque Wes Anderson (rĂ©alisateur des films The Grand Budapest Hotel et The French Dispatch, entre autres) lui a de­ mandĂ© de faire un petit numĂ©ro de danse sur le tournage du film Asteroid City, Maya Hawke a d’abord senti ses jambes flageoler. « Je ne savais tout simplement pas danser », nous explique la jeune ­AmĂ©ricaine, rĂ©vĂ©lĂ©e au grand public grĂące Ă  son rĂŽle de Robin dans la troi­ siĂšme saison de Stranger Things. Elle supplie donc le rĂ©alisateur de lui donner des cours de danse, ce qu’il lui promet : « Je suis revenue Ă  la charge tous les jours, mais les cours n’ont jamais eu lieu. ­Finalement est arrivĂ© le jour du tournage, et j’ai compris que ma nervositĂ© et ma ­maladresse convenaient parfaitement Ă  cette scĂšne de danse. »


« Je chante mes ­rĂ©pliques avant de les rĂ©citer, afin de me les approprier. » Maya Hawke, 25 ans, sur l’importance de la prĂ©paration avant un tournage.

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H É RO S & H É RO Ï N ES

MARISSA « SLAYZ » DURET Gameuse passionnĂ©e, experte en esport, conceptrice de jeux vidĂ©o et ­ productrice rĂ©volutionnaire, la native de GenĂšve est d’avis que c’est en reprĂ©sentant la pluralitĂ© des minoritĂ©s que l’industrie du jeu pourra franchir un cap. TEXTE PAULINE KRÄTZIG

To slay : verbe anglais signifiant tuer, abattre ou massacrer, trĂšs en vogue dans les jeux vidĂ©o comme Horizon Zero Dawn, Control, Returnal ou encore Uncharted: The Lost Legacy oĂč l’on dĂ©zingue Ă  tout-va zombies, cyborgs et autres aliens. Leur point commun : les slayers sont des femmes qui, loin d’ĂȘtre relĂ©guĂ©es Ă  de pathĂ©tiques rĂŽles secondaires, tiennent les rennes de l’histoire. En langage familier, l’adjectif slay dĂ©signe Ă©galement des personnalitĂ©s hors-norme comme Marissa Duret, alias « Slayz », qui lutte pour une plus grande variĂ©tĂ© de scĂ©narios dans les mondes virtuels et des cadres plus diversifiĂ©s que le contexte hĂ©tĂ©ro-normatif occidental typique. Super­pouvoir : 18 ans d’expĂ©rience en tant que gameuse, des Ă©tudes en effets spĂ©ciaux, motion design, et rĂ©alitĂ© virtuelle dans la plus grande Ă©cole de Suisse, et des connaissances encyclopĂ©diques de ­l’esport. PersonnalitĂ© : Ă©mancipĂ©e, ­engagĂ©e, dĂ©terminĂ©e, honnĂȘte. Atouts : ­humour subtil et langue bien pendue. Lance-toi ! La Suissesse de 27 ans a commencĂ© trĂšs tĂŽt. À l’ñge de 9 ans, elle choisit une elfe de la nuit dotĂ©e d’une armure lĂ©gĂšre et d’attributs impressionnants, « CassiopĂ©a », pour jouer Ă  World of Warcraft. (Lorsqu’elle commence Ă  jouer Ă  Overwatch, elle hĂ©rite du nom en ligne de son frĂšre, « Slayz ».) La majoritĂ© des joueur·euse·s sont des hommes, et les concepteurs sont eux-mĂȘmes bien gratinĂ©s niveau sexisme. En 2016, l’International Game Developers Association rĂ©vĂšle que 75 % des dĂ©veloppeur·euse·s sont de sexe masculin, 76 % sont blanc·he·s et 81 % hĂ©tĂ©ros. Amer constat qui ne justifie cependant pas de tout dĂ©foncer Ă  coups de batte de baseball et de lance-flammes,

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PHOTO DOMINIC NAHR

dixit ­Marissa. « C’est peut-ĂȘtre bien pour gagner un jeu vidĂ©o, mais pas pour lutter contre les inĂ©galitĂ©s. La colĂšre n’est bonne conseillĂšre que si on la rend constructive. » Comme dans les jeux, mieux vaut coopĂ©rer avec celles et ceux qui partagent les mĂȘmes intĂ©rĂȘts que soi que de les piĂ©tiner pour atteindre son but. « Lance-toi, connecte-toi ! » AprĂšs l’obtention de son diplĂŽme en 2020, Marissa cofonde son propre studio de dĂ©veloppement de jeux vidĂ©o indĂ©pendants, Koi Games. « En tant que PDG, je peux ĂȘtre inclusive comme devrait l’ĂȘtre l’industrie du gaming. » Un secteur qui s’ouvre peu Ă  peu Ă  la diversification, notamment grĂące Ă  une prise de conscience croissante dans le monde rĂ©el qu’il faut faire bouger les choses. « Il n’y a pas que les femmes Ă  ĂȘtre sous-reprĂ©sentĂ©es et stĂ©rĂ©otypĂ©es, mais aussi les minoritĂ©s sexuelles, les handicaps, nationalitĂ©s, origines ethniques, physiques atypiques et j’en passe! » Le gaming est la plus grande industrie de divertissement au monde, son impact est Ă©norme. VoilĂ  pourquoi le type de narration est essentiel, tout comme le type de personnes qui conçoivent ces jeux. ComposĂ© de femmes et d’hommes originaires de France, du Maroc, du Chili, d’Angleterre, du Canada et de Suisse, Koi est l’exemple mĂȘme de la diversitĂ©. Ouvre les yeux « Quand cinq personnes partagent le mĂȘme point de vue, on va moins loin. Plus les perspectives sont variĂ©es, plus l’éventail d’idĂ©es est large. L’histoire gagne en profondeur et les personnages en complexitĂ© : on n’a pas toujours besoin du gros dur tatouĂ© qui fait tomber les nanas, comme dans God of War. » Honneur aux personnages crĂ©dibles auxquels on peut plausiblement s’identifier. « IntĂ©grer un rĂŽle minoritaire de maniĂšre irrĂ©flĂ©chie et alĂ©atoire dans une histoire oĂč son rĂŽle

ne fait aucun sens est inappropriĂ© ; c’est jouer le jeu de nos dĂ©tracteurs », prĂ©cise Marissa, qui considĂšre The Last of Us, jeu d’action-aventure de type survival-­horror, comme un tournant : Ellie, l’hĂ©roĂŻne lesbienne, est une rebelle en jeans et baskets usĂ©es avec une balafre au visage ; Dina, sa petite amie, est juive, son ennemie Abby une amazone musclĂ©e, et Lev, le jeune asiatique, transgenre. On est loin des caractĂ©ristiques irrĂ©alistes de l’hĂ©roĂŻne de Tomb Raider. « Ce ne sont ni des super-hĂ©ros, ni des s­ tĂ©rĂ©otypes, simplement des gens normaux, touchants, avec leurs histoires propres. On partage leurs Ă©motions. » Jusqu’à prĂ©sent, Koi Games a dĂ©veloppĂ©, entre autres, des jeux vidĂ©o de rĂ©flexion (VRPuzzle) et d’exploration. ­L’important, c’est de se lancer. « La reprĂ©sentation et la visibilitĂ© sont essentielles. Il faut que les jeunes voient ces personnes de toutes les couleurs, de tous les genres, et se disent : “Ah, enfin un truc pour moi !” » Depuis 2016, Marissa s’investit Ă  fond dans l’esport. Elle a organisĂ© plus de trente ­évĂ©nements et compĂ©titions virtuelles et en a mĂȘme prĂ©sentĂ©es certaines comme le Red Bull Itemania en 2022. Elle se souvient avec malice d’un Ă©vĂ©nement LAN. « Une bataille d’ego entre quatorze personnes qui cherchaient un bouc-Ă©missaire. Je mangeais du popcorn dans mon coin en me demandant oĂč Ă©tait le problĂšme et comment le rĂ©soudre. » Le chemin le plus court et le plus rapide n’est pas toujours le meilleur. « Il y a tellement de femmes formidables qui nous ont dĂ©jĂ  ouvert la voie. » Comme Marissa. Et la guerriĂšre en elle de s’écrier : « On ne lĂąche rien ! » slayz.artstation.com

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« Je ne me suis pas laissĂ©e abattre et j’ai canalisĂ© ma colĂšre pour aller de l’avant. » Marissa Duret Ă  propos de la diversitĂ©, sujet complexe, dans l­’industrie du gaming.

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VAGUE D’OPTIMISME

catégorie: creative

Photographe : Bryan Niven Lieu : Pismo Beach, Californie, USA « C’était une journĂ©e nuageuse, le soleil pointait timidement le bout de son nez. J’ai fini par empoigner mes palmes et mon appareil photo et me suis jetĂ© Ă  l’eau. J’avais vraiment besoin de me changer les idĂ©es, de faire n’importe quoi pour me remonter le moral : mon mĂ©decin venait de m’appeler et de m’annoncer une bien triste nouvelle. » Deux surfeurs lĂąchĂ©s sur une vague d’optimisme. bryanniven.com ; IG: @bryanniven

OCÉAN DE PHOTOS

BRYAN NIVEN/RED BULL ILLUME

Le Red Bull Illume est le plus grand concours photo de sports d’aventure et sport d’action au monde. Les laurĂ©at·e·s pour 2023 seront annoncé·e·s fin novembre. Petit avant-goĂ»t de ces funambules de l’extrĂȘme qui jonglent entre mers dĂ©chaĂźnĂ©es et cimes Ă©ternelles. TEXTE DAVID PESENDORFER

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LES MURS DE BERLIN

catégorie : emerging with canon

Photographe : Elias Giselbrecht Lieu : Berlin, Allemagne « PremiĂšre nuit Ă  Berlin aprĂšs treize heures de voyage et l’occasion pour moi de concrĂ©tiser enfin l’un de mes plus grands rĂȘves en photographiant la Marie-Elisabeth-­LĂŒdersHaus. » Et puis apparemment, les Ă©vĂ©nements se sont enchaĂźnĂ©s, tout comme les saltos. IG : @brichti_revo

DU DÉSERT POUR LE DESSERT catĂ©gorie: energy

Photographe : Hannes Berger Lieu : Alsisar, Inde « Je faisais des repĂ©rages avec ­Fabio Wibmer, le roi du VTT, quand soudain, notre guide a mentionnĂ© une vaste Ă©tendue dĂ©sertique tout proche. En un instant, Fabio et moi savions qu’on tenait notre spot. » Prochain arrĂȘt : le bac Ă  sable ! hannesberger.com


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ELIAS GISELBRECHT/RED BULL ILLUME, HANNES BERGER/RED BULL ILLUME


CE RÊVE BLANC

catégorie : masterpiece by sölden Photographe : Guy Fattal Lieu : Whistler, Canada

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GUY FATTAL/RED BULL ILLUME

« Les zones hors-piste de Whistler s’étaient transformĂ©es en un vaste ­terrain de jeu recouvert de neige immaculĂ©e. J’adore ce contraste entre les zigzags acrobatiques de mon pote Tom Pfeiffer et le calme blanc en arriĂšre-­ plan. » Image symbole d’une renaissance : la premiĂšre expĂ©dition photo de Guy aprĂšs sa convalescence suite Ă  une rupture des ligaments croisĂ©s. guyfattal.com ; IG : @guyfattalphoto

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LE ROI DES DUNES

catégorie : playground by radiant photo

Photographe : Ian Collins Lieu : Big Water, Utah, USA

Photographe : JB Liautard Lieu : Nazca, PĂ©rou

« Je suis parti dans le désert avec Brandon ­Semenuk, la star du VTT, pour une séance photo. Et on est tombé sur ce rocher. » ­Brandon a tout de suite accroché ! iancollinsphotography.com ; IG : @iancollinsphotography

« Cette dune de 500 m est l’une des plus hautes au monde. La symĂ©trie des plis crĂ©Ă©s par le vent Ă©taient parfaite, elle semblait presque f­ actice. » Une certitude : Kilian Bron, l’incroyable biker des sables, est 100 % authentique ! jbliautard.com ; IG : @jbliautard

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IAN COLLINS/RED BULL ILLUME, JB LIAUTARD/RED BULL ILLUME, JUAN GARCIA PRIETO/RED BULL ILLUME

ROND-POINT AU SOMMET

catégorie : playground by radiant photo


BIKER AQUATIQUE

catĂ©gorie: innovation by mpb Photographe : Juan GarcĂ­a Prieto Lieu : Parque Araucano, Santiago, Chili « Ce clichĂ© capture un moment magique : Jorge Arias, alias Kazique, lĂ©gende du BMX, s’apprĂȘte Ă  faire un backflip au dessus de la fontaine. La victoire de l’athlĂšte sur la ­gravitĂ©. » Il est vraiment portĂ© par les eaux ! IG : @juanonas


PROGRAMME ESSORAGE

catégorie : photos of instagram Photographe : Kevin Kielty Lieu : Newport Beach, Californie, USA

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KEVIN KIELTY/RED BULL ILLUME

« The Wedge est un spot de surf Ă  Newport Beach connu pour ses grosses vagues et ses conditions extrĂȘmes. Ce jour-lĂ , les vagues ­atteignaient facilement 6 m de haut. C’est tellement chaotique dans ce coin que je ne vois vraiment la qualitĂ© de mes clichĂ©s qu’une fois chez moi. C’est le cas de cette pĂ©pite. » Le surfeur, anonyme, a bien toute sa tĂȘte, contrairement Ă  ce que cette photo pourrait laisser penser. kpk66.myportfolio.com ; IG : @kksurfphotography

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AUPRÈS DE MON ARBRE

catĂ©gorie : photos of instagram Photographe : LĂ©o Grosgurin Lieu : Briançon, France Laissons le Français LĂ©o Grosgurin nous ­parler de sa photo avec le rider VTT Arthur Deblonde : « Une image trĂšs dĂ©licate Ă  rĂ©aliser, avec cet arbre magnifique, les cascades dans le fond, tout tellement parfait. On s’est pointĂ©s un matin pour construire un jump, puis j’ai fixĂ© un kilo de flashs Ă  un drone et l’ai envoyĂ© au-dessus de l’arbre et du kicker, mais c’était trĂšs venteux et il a chutĂ© plusieurs fois. La fenĂȘtre de tir Ă©tait trĂšs rĂ©duite, mais je voulais tout avoir Ă  l’image. Un test, une prise de vue, et on avait la photo impeccable. » IG : @@leogrgr


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LÉO GROSGURIN/RED BULL ILLUME


SUR LA PLANCHE

catégorie : lifestyle by cooph Photographe : Kevin Molano Lieu : Bogotå, Colombie « Dans le skate, chaque trick est un défi et les chutes sont monnaie courante. Skate or Die symbolise cet engagement total ­envers le sport et le dépassement de soi. » Comme la skateuse Nataly Lucano qui ­remonte aussitÎt sur sa planche. kevinmolanoph.com ; IG : @kevinmolanoph

AMBIANCE DE CHALET

catĂ©gorie : lifestyle by cooph Photographe : Tom McNally Lieu : Langdale, Angleterre « La vallĂ©e de Langdale jouit d’une triste ­rĂ©putation : c’est le coin le plus humide du pays. Quand la roche est trop glissante, le grimpeur Will Birkett va s’entraĂźner dans son cabanon. » Vive les pieds au sec ! tommcnally.co.uk ; IG : @tommcnallyphotography

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KEVIN MOLANO/RED BULL ILLUME, TOM MCNALLY/RED BULL ILLUME, DENIS KLERO/RED BULL ILLUME

DU MOVE EN MAUVE catégorie : raw

Photographe : Denis Klero Lieu : Rampstroy House, Russland « Je me suis inspirĂ© d’un clichĂ© similaire pris par un photographe spĂ©cialisĂ© dans le portrait : le modĂšle se tenait debout dans un faisceau de lumiĂšre, enveloppĂ© dans une palette de ­couleurs luxuriantes. » Denis n’avait donc plus qu’à rajouter de la dynamique au statique. klero.ru ; IG : @denisklero

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Scannez le code pour ­tĂ©lĂ©charger l’album photo Red Bull Illume 2023. Rendez-vous le 30 nov. pour dĂ©couvrir les laurĂ©at·e·s de l’édition 2023. ­redbullillume.com

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Le soleil brille, Odermatt rayonne Que ce soit dans la salle de musculation ou sur le glacier, Marco s’entraüne pratiquement tout le temps.

LE SECRET DU ROI DES PISTES ExtrĂȘme, Marco Odermatt ? Pour rester un gĂ©ant des pistes, ce champion du ski toutes catĂ©gories essaie ­d’infuser le plus de normalitĂ© ­possible dans son quotidien. TEXTE CHRISTOF GERTSCH PHOTOS SANDRO BAEBLER

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L

orsque Marco s’entraĂźne dans la salle de fitness, c’est une Ă©ruption volcanique, un feu d’artifices, un orage qui Ă©clate au-dessus de nos tĂȘtes. On a du mal Ă  s’en faire une idĂ©e quand on le voit Ă  la tĂ©lĂ©, tout emmitouflĂ© dans son masque et sa combinaison de ski, mais c’est un sacrĂ© gaillard : 1,84 mĂštre pour 87 kilos. En cette radieuse matinĂ©e d’étĂ©, il n’y a vraiment aucune raison de penser Ă  l’hiver. Sauf quand on s’appelle Marco Odermatt. Pour le plus grand skieur au monde, l’hiver approche vite (et mĂȘme trop vite Ă  son goĂ»t). Nous somme Ă  Oberdorf, prĂšs de Stans. Marco grimpe les marches de la salle de musculation oĂč il vient se torturer trois Ă  cinq fois par semaine pendant la pause estivale. Il balance son sac dans un coin, branche son tĂ©lĂ©phone sur les enceintes, prend une profonde inspiration. « Pause estivale » ? Le terme est vraiment mal choisi. Voire mĂȘme mensonger : ce que s’impose Marco pendant l’étĂ© est tout le contraire d’une pause. Certes, il n’y pas d’épreuves en Ă©tĂ© alors qu’elles s’enchaĂźnent les unes aprĂšs les autres en hiver ; car notre homme ne participe pas Ă  une, ni deux, mais trois disciplines : slalom gĂ©ant, super G, descente. Pour le reste, « l’étĂ© est plus dur que l’hiver », lĂąche Marco en reprenant son souffle. Si peu de ses adversaires font preuve d’une telle polyvalence, ce talent n’a pas que des avantages : plus Marco enchaĂźne les Ă©preuves, plus grandes sont ses chances de gagner le gros globe de la Coupe du monde (trophĂ©e

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S’échauffer pour de meilleurs temps Marco lors de ­l’entraĂźnement de Swiss-Ski sur les pistes prĂšs de Z ­ ermatt en ­septembre dernier.

qu’il a dĂ©jĂ  remportĂ© lors des deux derniĂšres Ă©ditions). D’un autre cĂŽtĂ©, son temps de rĂ©cupĂ©ration entre chaque Ă©preuve est toujours plus court. Entre mi-novembre, coup d’envoi officiel de la saison, et mi-mars, il ne participera pas Ă  moins de trente compĂ©titions, soit une tous les quatre jours en moyenne. Il passe son Ă©tĂ© Ă  se prĂ©parer Ă  ce qui l’attend en hiver. C’est son unique but : se sculpter un corps en bĂ©ton. Si Marco Odermatt veut finir Ă  trente reprises parmi les meilleurs cet hiver, il devra s’entraĂźner mieux que quiconque tout au long de l’étĂ©. D’accord, mais qu’est-ce que ça veut dire exactement, « mieux » ? « Je pourrais le formuler ainsi, commence-til. Quand je me lĂšve le matin et que je dois aller Ă  la salle de sport, je ne me dis jamais : “Youpi, je vais faire de la muscu aujourd’hui !” Je ne

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Focus et vision Ă  long terme Marco pendant une courte pause. « La ­prĂ©paration est plus dure que l’hiver. »



pieds et hisse la barre le long du corps. Quand il est au max, il change la direction de la barre, bascule celle-ci sur sa poitrine et « retourne » les poignets. Ses jambes amortissent lĂ©gĂšrement la pression, son torse se stabilise. Nous sommes fin juillet, et il rĂ©alise quatre sĂ©ries de sept rĂ©pĂ©titions pour cet exercice. Plus tard, il passera Ă  cinq, puis rĂ©duira encore Ă  trois. Plus la date fatidique de la Coupe du monde de Sölden (en octobre) approche, moins il fait de rĂ©pĂ©titions. À la fin, Marco ne fait plus qu’une seule fois chaque exercice mais rajoute plus de poids. Encore plus, prĂ©cisons-le, avec tous les disques de 20 kilos qu’il monte en ce moment sur la barre qui pĂšse elle-mĂȘme dĂ©jĂ  20 kilos. Il est capable de soulever 125 kilos Ă  l’arrachĂ©, soit une fois et demie son poids corporel. Green Day, Rage Against the Machine, AC/ DC rĂ©sonnent dans les enceintes. Ses cheveux son trempĂ©s de sueur, son visage tordu par l’effort. Dents serrĂ©s, il grogne, Ă©met des sifflements et crie de temps en temps un : « Allez, Marco ! » histoire de s’encourager. Empoigner la barre, redresser le dos, tirer la barre, basculer le poids, poser la barre sur sa poitrine.

Prendre de la hauteur Marco en direction du Matterhorn ­ Glacier Paradise, la station de ­montagne la plus Ă©levĂ©e d’Europe, Ă  3 883 mĂštres.

Recentrage Avant de s’élancer sur la piste, Marco prend quelques minutes pour rĂ©pĂ©ter les gestes dĂ©cisifs.

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ferais jamais ça dĂ©libĂ©rĂ©ment et c’est le premier truc que je bannirai de mon quotidien quand je mettrai un terme Ă  ma carriĂšre. » Évidemment, les programmes de muscu ne sont pas toujours aussi intenses : pour la plupart des gens qui vont s’entraĂźner pendant leur temps libre, c’est plutĂŽt du genre Ă©couteurs dans les oreilles, un peu d’échauffement sur le tapis roulant, quelques rĂ©pĂ©titions avec les haltĂšres pour les bras et un peu de presse pour les jambes, sans trop s’épuiser non plus : il faut garder encore un peu d’énergie pour le boulot, les courses et la famille. En musculation, les phases d’intensitĂ© sont trĂšs courtes mais extrĂȘmement brutales. M ­ arco essaie de les repousser le plus possible, mais aprĂšs trois quarts d’heure d’échauffement, il faut bien finir par s’y mettre. Il commence alors par l’exercice dit de « l’arrachĂ© ». Petite dĂ©monstration : il saisit la barre au sol Ă  deux mains, redresse le dos et regarde droit devant lui. Puis il dĂ©tend d’un coup les jambes du bassin aux

Se voiler la face ? Totalement inutile ! Ce serait si simple de laisser tomber la derniĂšre rĂ©pĂ©tition. Personne ne le remarquerait, pas mĂȘme Marco Kohler ni Yannick Chabloz, ses coĂ©quipiers de Swiss-Ski, eux-aussi en pleine sĂ©ance d’entraĂźnement ce jour-lĂ . Mais ce serait complĂštement stupide, car Marco serait le premier Ă  en payer les frais Ă  un certain moment de la saison, en hiver. Chaque sĂ©rie qu’il termine ne le rend pas seulement plus fort, mais lui apporte aussi encore plus de confiance en lui, parce qu’il sait qu’il ne s’est pas dĂ©filĂ©. Une certitude qui lui a Ă©galement permis de battre un record particuliĂšrement remarquable la saison passĂ©e, celui des points lors de la Coupe du monde. Le prĂ©cĂ©dent dĂ©tenteur du record, Hermann Maier, « Herminator », avait marquĂ© exactement 2 000 points lors de la saison 1999/2000 (une victoire en Coupe du Monde rapporte 100 points). On pensait que cette performance ne serait plus jamais Ă©galĂ©e. Marco l’a dĂ©passĂ©e de 42 points. AprĂšs la derniĂšre rĂ©pĂ©tition, il laisse tomber la barre dans un fracas de mĂ©tal, pousse un beuglement, boit un peu d’eau en arpentant la salle tel un lion en cage, puis se tourne Ă  nouveau vers les haltĂšres. Concentration. En musculation, mĂȘme si l’on pourrait penser le contraire, la force brute ne fait pas tout. Il faut scrupuleusement solliciter chaque muscle, maĂźtriser chaque fibre du corps et Ă©viter de se blesser alors que toutes les circonstances sont rĂ©unies pour que cela arrive. Et c’est exactement ce qu’il exigera de son corps cet hiver dans la neige, il devra le pousser Ă  ses limites sans ­jamais le dĂ©truire. Ne jamais perdre le contrĂŽle. ­Jamais, jamais, jamais. Et

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pourtant, Marco est loin d’ĂȘtre obsĂ©dĂ© par le ­besoin de tout contrĂŽler. Mais nous y reviendrons plus tard. Quand on observe Marco se prĂ©parer Ă  son prochain exercice (squats sur une jambe avec une barre Ă  l’arriĂšre de la nuque), on comprend petit Ă  petit que pour devenir pro, il ne suffit pas seulement de bien savoir skier. Il faut aussi devenir un as de la musculation. Les mouvements sont si intransigeants et les poids si lourds que la moindre petite erreur de coordination peut anĂ©antir le travail de tout un Ă©tĂ©. Cette matinĂ©e d’entraĂźnement en force athlĂ©tique dure environ trois heures. Entre chaque session avec la barre, Marco intercale de petits exercices d’appoint : sauts avec les mains sur le banc, sauts accroupis en passant par-dessus le banc. L’un des exercices s’appelle Good morning, un exercice bien plus dangereux que son nom ne le laisse imaginer : il s’agit de muscler son dos avec trois disques de 20 kilos sur la nuque. Et pour finir, sessions d’entraĂźnement avec son propre poids corporel : muscle-ups sur une barre de tractions, nordic hamstring curls sur les espaliers, abdos sur les anneaux. À la fin, Marco vide deux bouteilles d’eau d’un trait et s’étend raide mort sur un tapis. Jusqu’à prĂ©sent, nous n’avons parlĂ© que du corps de Marco. IntĂ©ressons-nous maintenant au second dĂ©fi auquel notre champion doit faire face : sa tĂȘte. Pour ĂȘtre exact, elle ne reprĂ©sente pas vraiment un dĂ©fi : elle est son capital, car c’est grĂące Ă  elle qu’il dĂ©veloppe toute cette confiance et ce plaisir d’ĂȘtre un skieur de classe mondiale. Le dĂ©fi, il est plutĂŽt dans tout ce qui vient encombrer la tĂȘte. « Le ski, c’est comme la boxe. Sur les pistes glacĂ©es, notre corps reçoit pas mal de coups violents, mais la pression mentale qui s’exerce sur nous tout au long de la saison l’est tout autant. Elle bouffe littĂ©ralement notre Ă©nergie, entre les voyages, les hĂŽtels, les nouvelles destinations
 s’ils ne sont pas mesurables, ce sont des facteurs bien rĂ©els, pourtant. » La comparaison avec Roger Federer est un peu maladroite : la discipline de Marco ­Odermatt n’a pas la mĂȘme portĂ©e mondiale que celle de l’ex-tennisman. Pourtant, Marco est considĂ©rĂ© comme une lĂ©gende en Suisse, et selon un rĂ©cent sondage, comme le sportif le plus populaire du pays. Contrairement Ă  ­Federer, on ne le retrouve pas sur les plus c­ Ă©lĂšbres courts de tennis du monde dix mois par an mais seulement en hiver sur les pistes de ski d ­ ’Adelboden, de Wengen ou du Val-d’IsĂšre, nos destinations de vacances, en somme. Il n’habite pas Ă  DubaĂŻ VAE mais Ă  Beckenried NW, un village comme tant d’autres oĂč nombre d’entre nous ont grandi. Et au lieu de le vĂ©nĂ©rer, on le considĂšre plutĂŽt comme l’un des nĂŽtres. Cette image du sportif proche des gens a probablement disparue dans le reste du monde, mais en Suisse, elle a encore la dent dure, notamment pour ces deux disciplines bien de chez

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nous, la lutte et le ski. De grands sportifs, oui, mais pas trop grands : c’est une sorte de fiertĂ© nationale. Cela n’a jamais Ă©tĂ© le cas de Federer. Personne n’aurait osĂ© l’aborder pour faire un selfie avec lui, lui taper sur l’épaule ou lui crier bonne chance. Mais quand on croise Odermatt, c’est diffĂ©rent. Marco Odermatt, qui a fĂȘtĂ© ses 26 ans le 8 octobre dernier, est notre « Odi » national, au mĂȘme titre que Bernhard Russi dans les annĂ©es 1970 ou Pirmin Zurbriggen dans les annĂ©es 1980. Il fait partie de notre culture, c’est notre surdouĂ© du ski : personne ne lui arrive Ă  la cheville. Et de tous les athlĂštes, c’est lui qui a l’hiver le plus compliquĂ©, car comme il remporte la plupart des compĂ©titions auxquelles il participe, ses journĂ©es sont toujours plus longues, entre les attentes dans la cabine des leaders, les cĂ©rĂ©monies de remise des prix, les confĂ©rences de presse, les contrĂŽles antidopage. En Ă©tĂ©, il ne saute absolument aucun entraĂźnement, pas mĂȘme les jours oĂč il a des engagements avec ses sponsors ou d’autres rendez-vous. Les ­dimanches, au lieu de se reposer, il part faire des randonnĂ©es avec sa compagne Stella Parpan, Ă©tudiante en mĂ©decine, du vĂ©lo avec ses collĂšgues ou encore du wakeboard sur le lac des Quatre-Cantons. Et pendant tout ce temps, il n’empĂȘche jamais les gens de l’approcher, car il considĂšre que c’est dans la logique des choses. Deux visages « Ne vous mĂ©prenez pas ! », enchaĂźne aussitĂŽt Marco, et l’on comprend que ce qui va suivre est essentiel pour lui. Il rĂ©flĂ©chit longuement pour trouver les mots justes. « Quand tu es sportif professionnel, sans tes fans, tu n’es rien d’autre qu’un type capable de descendre des pistes de ski un peu plus vite que la moyenne. Ce sont les fans qui te font devenir celui qui

Auto-test Lors de l’entraĂźnement d’automne, Marco teste l’équipement, mais aussi et ­surtout lui-mĂȘme.

«  Le ski, c’est comme la boxe : les coups ­portĂ©s par les pistes sont violents. »

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touche les gens. » C’est beau et tellement vrai : concrĂštement, un·e sportif·ve professionnel·le n’accomplit pas grand-chose pour l’humanitĂ© comparĂ© au personnel soignant ou aux agriculteur·rice·s. Un·e athlĂšte poursuit avant tout des objectifs personnels, sans se soucier du destin du monde, mais cela change lorsque celle ou celui-ci devient source d’inspiration et qu’elle ou il partage ses moments de joie et de souffrance avec les autres. C’est grĂące Ă  ses performances que se noue ce lien si particulier, en entrant dans la vie des un·e·s et des autres. Pour Marco Odermatt, dĂ©jĂ  Ă©lu « Sportif suisse de l’annĂ©e » Ă  deux reprises, en 2021 et en 2022, ses fans viennent confirmer tout le bien-fondĂ© de ses actions. VoilĂ  pourquoi il ne lui viendrait jamais Ă  l’idĂ©e de se plaindre de faire l’objet de trop d’attention. Si l’on ne discute pas un peu avec ses ami·e·s et ses proches, on ne se rend pas vraiment compte que toute cette proximitĂ© devient parfois un peu exces-

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sive, tant sa gentillesse et sa bienveillance sont grandes. Marco n’en est pas encore Ă  Ă©viter les foules, il va toujours assister au ZĂŒri-FĂ€scht, au foot ou Ă  la lutte. Mais il s’est quand mĂȘme fixĂ© quelques rĂšgles. PremiĂšrement : pas de selfies en soirĂ©e. DeuxiĂšmement : au dĂ©but de la saison de la Coupe du monde Ă  Sölden, il invite tous ses ami·e·s et connaissances dĂ©jĂ  prĂ©sent·e·s Ă  l’apĂ©ro. Il ne supporte pas que l’on soit venu de si loin pour le voir et qu’on en soit empĂȘchĂ© par les mĂ©dias, la fĂ©dĂ©ration, ou le reste du monde. TroisiĂšmement : Ă  l’exception des rendez-­ vous officiels de la fĂ©dĂ©ration et des confĂ©rences de presse aprĂšs les Ă©preuves, il limite les interviews au strict minimum. Il reçoit dix demandes par semaine, soit plus de 500 par an. Il en a reçu trente rien que pour SRF cette annĂ©e. Pour quelqu’un qui a horreur de dire non, il n’accorde plus que trĂšs rarement d’interviews aux mĂ©dias, environ dix par an.

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GOOD MORNING, TORSE, BRAS, JAMBES !

À faire chez vous
 avec modĂ©ration : cinq exercices qui permettent Ă  Marco Odermatt d’ĂȘtre en forme sur les pistes. 3. Good morning Le nom semble sympathique, mais l’exercice est difficile : se tenir debout Ă  largeur de hanches, saisir la barre d’haltĂšres (avec ou sans poids) derriĂšre la tĂȘte avec les deux mains, la sortir de son support et redresser le dos. En creusant lĂ©gĂšrement le dos, pencher le haut du corps vers l’avant de maniĂšre contrĂŽlĂ©e jusqu’à l’horizontale. DifficultĂ© : Ă©levĂ©e ! Ainsi que le risque de blessure si l’exercice n’est pas rĂ©alisĂ© correctement. Il est prĂ©fĂ©rable de commencer avec peu de poids, et sous la direction d’un professionnel.

1. Ice skater jumps Ces sauts latĂ©raux permettent de travailler la force rapide et la coordination. Commencer par une position de pas chassĂ©s sur le cĂŽtĂ©, une jambe flĂ©chie et l’autre tendue. ­Sauter de maniĂšre explosive de l’autre cĂŽtĂ©, en tendant la jambe flĂ©chie et en flĂ©chissant la jambe tendue. Pour cet exercice, il est important d’avoir une technique propre. ­Marco fait des sĂ©ries de six sauts. Plus la position de dĂ©part ou d’atterrissage est basse, mieux c’est !

2. Muscle-ups Les muscle-ups, ou tractions, combinent les tractions et les dips (appuis). Saisir la barre en false grip, c’est-Ă -dire les paumes des mains tournĂ©es vers l’avant. Effectuer d’abord une traction, puis pousser le corps vers le haut en appui jusqu’à ce que les bras soient presque tendus. Les muscle-­ ups sollicitent d’abord la musculature supĂ©rieure du dos et les biceps lors de la traction. Lors du dip, ce sont les pectoraux et les triceps qui sont mis Ă  l’épreuve.

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5. Nordic hamstring curls Ici, les choses deviennent plus complexes. Pour ces curls, les jambes doivent ĂȘtre fixĂ©es au niveau des chevilles ou du bas des mollets. Pour cela, Marco se suspend Ă  un espalier. Commencer Ă  genoux, la partie supĂ©rieure du corps est droite avec un lĂ©ger dos creux. On peut croiser les bras sur la poitrine, le regard vers l’avant. Descendre ensuite le haut du corps jusqu’à ce que le torse et les cuisses forment une ligne horizontale. Expirer en descendant, inspirer en remontant.

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IRENE SACKMANN

4. The Clean Marco effectue cet exercice, aussi appelĂ© transfert, Ă  partir du sol. Se tenir debout Ă  largeur de hanches, saisir l’haltĂšre Ă  deux mains, redresser le dos et regarder droit devant soi. Puis tendre les jambes tout en hissant l’haltĂšre vers le haut. Au niveau des Ă©paules, « replier » les poignets et dĂ©placer le poids sur le corps. Marco soulĂšve 125 kilos Ă  la fin de son cycle d’entraĂźnement, soit environ une fois et demie le poids de son corps. Commencer tout doux !


La rĂšgle la plus importante, et l’on entre petit Ă  petit au cƓur de tout ce qui fait sa personnalitĂ©, c’est que Marco ne veut pas se fixer trop de rĂšgles. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas ĂȘtre obsĂ©dĂ© du contrĂŽle et devenir un grand skieur, Ă©videmment. Ce serait absurde. Il suffit de penser Ă  ces deux personnalitĂ©s extrĂȘmement mĂ©ticuleuses, Didier Cuche et Marcel Hirscher, le skieur le plus couronnĂ© de l’histoire. Mais ce n’est pas le genre de Marco. Au contraire, il est mĂȘme persuadĂ© qu’il se ­simplifie la vie en ne contrĂŽlant pas chaque dĂ©tail, en n’analysant pas chaque performance ­d’entraĂźnement, en n’utilisant pas la derniĂšre once d’énergie qu’il lui reste. Peut-ĂȘtre serait-il encore un peu plus rapide s’il ne voyait pas sa psychologue trois fois par an, mais trois fois par mois. « Il y a tellement de choses sur lesquelles nous n’avons aucune influence en tant que skieurs. Ce n’est pas la peine d’essayer », dĂ©clare-t-il.

Confiance Marco envisage la nouvelle saison avec optimisme.

« Ma rÚgle la plus importante : pas trop de rÚgles ! »

Art de vivre Cette maniĂšre de prendre les choses comme elles viennent ne lui est pas venue naturellement
 ou peut-ĂȘtre un peu, mais c’est surtout le fruit d’un travail conscient. Marco n’est pas un rat de bibliothĂšque, il prĂ©fĂšre apprendre des gens qui l’entourent. Son pĂšre Walter, qui l’a entraĂźnĂ© Ă  ses dĂ©buts et lui a longtemps prĂ©parĂ© ses skis, lui a appris la maĂźtrise et l’analyse de ce sport. Sa mĂšre Priska, peu passionnĂ©e par cette discipline mais proche des gens autour d’elle et soucieuse d’élever ses enfants dans l’altruisme, lui a inculquĂ© des valeurs sociales. Sa grandmĂšre ThĂ©rĂšse, avec qui il a passĂ© des journĂ©es entiĂšres dans le jardin, les forĂȘts et la nature, lui a enseignĂ© l’amour de la terre et des joies simples. Avec son oncle Paul, riche homme d’affaires et prĂ©sident de son fan club, il a affĂ»tĂ© son ouverture d’esprit et sa curiositĂ©. Marco Odermatt n’est pas devenu le meilleur skieur au monde en s’acharnant sur certains concepts ou en se concentrant obstinĂ©ment sur des idĂ©es fixes, mais en laissant toujours suffisamment d’espace Ă  sa vie en dehors du sport. Finalement, c’est un peu ça, son secret : il fait un peu de tout, mais jamais trop. En gĂ©nĂ©ral, il mange sainement, mais ça ne l’empĂȘche pas de dĂ©vorer un burger et des frites Ă  l’occasion. Ce n’est pas un gros fĂȘtard, mais il lui arrive de boire quelques biĂšres de temps en temps. Marco a compris que dans sa vie, il doit laisser de la place aux choses normales s’il veut accomplir des exploits sur la piste. Et on dirait que c’est bien parti pour durer, c’est du moins ce que suggĂšrent les donnĂ©es de puissance qu’il a fait mesurer cet Ă©tĂ© et qui Ă©taient encore meilleures que les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, alors que, dĂ©jĂ  Ă  l’époque, il n’y avait pas beaucoup de concurrents qui lui arrivaient vraiment Ă  la cheville. Instagram : @marcoodermatt

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LA REINE DE L’ARÈNE Enfance difficile, pĂšre cĂ©lĂšbre, outing touchant : la reine du R&B Naomi Lareine s’émancipe du poids mĂ©diatique de sa propre histoire. Avec duretĂ©, avec amour, mais surtout avec la force de sa musique. TEXTE ANNA KERBER

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PHOTOS DAN CERMAK

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Nouveau drive À la place du conducteur dans sa vie : Naomi Lareine lors de la sĂ©ance photo pour The Red Bulletin Ă  Zurich.


« Les gens oublient que je n’en suis qu’à mes dĂ©buts. [
] J’ai envie de devenir une artiste imprĂ©visible. »


B Stationnement obligĂ© MĂȘme dans le quartier zurichois de Binz, Naomi ne se laisse pas dicter sa conduite. S’il le faut, elle n’hĂ©site pas Ă  foncer tĂȘte baissĂ©e dans le mur, et Ă  prendre racine dans l’interdiction de stationner.

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ackstage de L’Amalgame, Yverdon-les-Bains. Rage Against the Machine rĂ©sonne dans les enceintes. “And now you do what they told you!” Naomi chante en chƓur sans quitter des yeux la partie de baby-foot en cours. Perdre, c’est pas trop son truc. La confiance, beaucoup plus, que ce soit en l’univers ou en ses propres capacitĂ©s. Elle a fait du chemin depuis son premier single, Sweet Latina. La presse loue unanimement sa voix de velours, son art de fredonner les riffs, son Ă©nergie sur scĂšne et surtout son charme sincĂšre. En 2020, elle est nominĂ©e aux Swiss Music Awards dans la catĂ©gorie « Best Talent » puis participe Ă  l’émission tĂ©lĂ© Sing meinen Song. Si elle a su s’imposer comme la nouvelle coqueluche des mĂ©dias, c’est grĂące Ă  sa maniĂšre d’aborder des sujets qui font Ă©cho. Naomi ­Lareine, 29 ans, s’appelle en rĂ©alitĂ© Bruderer. Son pĂšre, Martin, Ă©tait joueur de hockey sur glace professionnel. Sa mĂšre, moitiĂ© SĂ©nĂ©galaise, moitiĂ© Mauritanienne, s’est faite adopter en France et a souffert longtemps de troubles psychologiques. L’enfance de Naomi est marquĂ©e par les dĂ©mĂ©nagements et les Ă©pisodes de harcĂšlement scolaire en raison de son corps frĂȘle et de sa couleur de peau. Elle fera souvent parler ses poings, ne trouvant pas d’autres moyens de se dĂ©fendre, puis se jettera Ă  corps perdu dans le foot jusqu’à devenir dĂ©fenseuse au sein de l’équipe nationale des moins de 19 ans. Elle fera son coming-out public Ă  travers sa musique. Lesbienne, tatouĂ©e, elle admire

Alicia Keys et est devenue une influenceuse de mode adulĂ©e par la gĂ©nĂ©ration Z sur TikTok. Autant d’aspects de sa personnalitĂ© qui touchent le public, en bien comme en mal : harcĂšlement, regards de travers, applaudissements, rĂ©compenses
 et au beau milieu de cet ouragan, une jeune femme qui sait enfin plus ou moins ce qu’elle veut : ne pas avoir une Ă©tiquette. Ni au niveau de sa personnalitĂ©, ni au niveau de sa musique. Naomi a fait son coming-out Ă  travers ses textes, en chantant “girls, girls, girls” plutĂŽt que “boys, boys, boys”. Une vraie libĂ©ration, constate-t-elle avec du recul. Elle a dĂ» s’armer de courage : elle-mĂȘme mettra pas mal de temps Ă  accepter sa propre sexualitĂ©, plus que ses proches, d’ailleurs, qui accueilleront la nouvelle avec sĂ©rĂ©nitĂ©. « C’était l’évidence mĂȘme », dira d’ailleurs sa mĂšre. Aujourd’hui, cela est presque anecdotique, tant les mĂ©dias ont partagĂ© cet aspect de sa vie en long, en large et en travers : Naomi partage un appartement Ă  Opfikon avec sa petite amie (la fameuse “girl next door” dans ses chansons), et ses deux chats. Et elle en a marre qu’on lui demande quand elles vont se marier, marre d’attirer les regards. Sa petite amie Gina est tatoueuse et est elle-mĂȘme couverte de tatouages. Naomi est toujours frappĂ©e du manque d’éducation des gens qui les dĂ©visagent dans la rue comme des bĂȘtes curieuses. « Non mais, sĂ©rieux ! » Le reste du temps, elle se met rarement en rogne. Sauf quand on la klaxonne, rajoute Naomi qui se dĂ©place de plus en plus en voiture maintenant qu’elle possĂšde une Lexus. « Dans ces moments-lĂ , je me rends compte que les gens sont super aggros ! » Lareine elle-mĂȘme n’est pas toujours une reine de patience, parfois trop ponctuelle pour ne pas faire perdre de temps aux autres. Mais en revanche, elle traite tout le monde avec le mĂȘme respect et la mĂȘme courtoisie. Le sceptre du Capricorne « Les gens oublient que je n’en suis encore qu’à mes dĂ©buts, confie-t-elle. J’ai encore tellement de projets. » Le secret de son succĂšs tient en deux mots : boulot et confiance en soi. « Le sport m’a beaucoup apportĂ©, constate-t-elle en repensant Ă  sa carriĂšre professionnelle. Se battre, ne rien lĂącher, ça rend plus fort. » Et puis, c’est une Capricorne : foncer tĂȘte baissĂ©e vers l’obstacle, c’est parfois nĂ©cessaire. En dĂ©but d’annĂ©e, elle a montĂ© un nouveau groupe de zĂ©ro et contrĂŽle chaque dĂ©tail de sa musique

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À la premiĂšre chanson, toujours cette angoisse : « J’ai un peu le syndrome de l’imposteure. » d’une main de fer. « C’est la meilleure dĂ©cision que j’aie jamais prise, affirme-t-elle. On sait exactement ce qu’on fait et oĂč on veut aller. » Prochain objectif : une carriĂšre internationale. Elle a la prestance nĂ©cessaire, le professionnalisme aussi. Une dĂ©marche cool et assurĂ©e, des mouvements de bras hypnotiques et une incroyable prĂ©sence scĂ©nique.

Quelques grammes de luxe Naomi avec une Lexus RZ à Binz. Le succÚs lui a apporté un peu de luxe, et une Lexus.

Un licenciement comme booster Elle sait qu’elle est souvent sa pire ennemie. Elle est toujours trop dure envers elle-mĂȘme. Impitoyablement exigeante. Souvent bien plus qu’envers les autres. La plupart des phrases qu’elle se rĂ©pĂšte en boucle dans la tĂȘte commencent par « Tu dois
 » Et se terminent par « Tu peux mieux faire. » Pourtant, elle a dĂ©jĂ  fait son chemin de croix. Elle a mis du temps Ă  s’émanciper, Ă  devenir une artiste indĂ©pendante. Peut-ĂȘtre mĂȘme ne l’aurait-elle jamais fait si la boĂźte de cartes de crĂ©dit pour laquelle elle travaillait au service clientĂšle ne l’avait mise Ă  la porte

pour cause d’absences rĂ©pĂ©tĂ©es (elle consacrait trop de temps Ă  sa musique). LibĂ©ration ? Non, angoisses existentielles et mĂȘme crises de panique : comment payer le loyer, qu’est-ce qui va se passer, trouverais-je encore des contrats publicitaires pour m’en sortir ? La peur des concerts, la peur de chanter devant une salle vide parce que personne n’aime sa musique ou ses spectacles, ne l’a jamais vraiment quittĂ©e ; pas mĂȘme aprĂšs les ovations de milliers de fans lors de ses concerts, comme suite Ă  sa performance lors du rendez-vous incontournable de l’étĂ©, le Festival de Jazz de Montreux : « Dans les premiers rangs, tout le monde chantait avec moi. C’était incroyable ! » Toujours cette angoisse qui la saisit avec la premiĂšre chanson, avant de se dĂ©tendre en entonnant la prochaine. « J’ai un peu le syndrome de l’imposteure », dit-elle en riant. Une reprĂ©sentation trĂšs loin de la rĂ©alitĂ©, quand on voit l’ampleur de son succĂšs. Dans l’industrie de la musique, elle sait qu’elle peut compter sur son ami et mentor, le rappeur Stress, et son producteur Mykel Costa. Et en privĂ©, sa copine est toujours lĂ  pour la soutenir. « Elle est plus jeune que moi, mais de nous deux, c’est elle la plus mĂ»re, j’ai sĂ»rement plus appris d’elle que le contraire », plaisante-t-elle. La joie de vivre Ă  un rythme effrĂ©nĂ© « Dans le futur, je me vois bien en artiste imprĂ©visible. J’ai besoin d’ĂȘtre libre et de me faire plaisir quand je chante, poursuit-elle, expliquant que c’est la seule maniĂšre de rester authentique. Les gens le sentent quand on a plaisir Ă  faire ce que l’on fait. C’est lĂ  que la musique est bonne. En ce moment, je suis trĂšs concentrĂ©e sur mes propres sensations, j’ai envie de faire de la musique positive », explique Naomi. Des airs rythmĂ©s qui donnent envie de bouger. Non pas parce que c’est son Ă©tat gĂ©nĂ©ral : elle est parfois triste et a envie de musique triste, et d’autre fois il lui faut des beats joyeux pour se remonter le moral. En ce moment, ça se traduit par un mix entre R&B, pop, Ă©lectro et rythmes afro. « Mais si demain j’ai envie de faire du rock, je ferai du rock ! » Elle ne lĂąche pas cela comme une ado rebelle prĂȘte Ă  se friter Ă  la rĂ©crĂ©, mais comme une amoureuse de la musique, une passionnĂ©e du son qui veut continuer de tout donner parce qu’elle sait qu’elle en est capable. Pendant ce temps-lĂ , les petits concerts en plein-air ont pris fin. Le public d’Yverdon s’est rapprochĂ© de la scĂšne principale et de leur star. La furieuse partie de baby-foot en backstage s’est soldĂ©e par une victoire pour l’équipe de Naomi sous les derniers accords de Rage Against the Machine, et de cette rengaine finale que l’on connait si bien : “Fuck you, I won’t do what you tell me!” En piste ! Instagram : @naomi_lareine

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Pleinement dans le cadre Naomi Lareine ­délimite les dimensions de sa carriÚre : elle veut se produire sur les scÚnes pop internationales.


DE RAPHAEL... 54

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Le noir vous va si bien Raphael Ragucci, alias RAF Camora, icîne d’un rap sombre, à son image.

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... À CAMORA Rencontre au sommet avec le rappeur le plus streamĂ© du monde germanophone et l’un des plus grands noms de la scĂšne rap actuelle : RAF Camora, alias Raphael Ragucci. L’artiste autrichien se livre Ă  cƓur ouvert sur ses projets, ses doutes et ses coups de cƓur – dont Mozart et Donald Duck – mais aussi sur les deux piliers de sa vie : sa passion pour la musique et la vie de famille – qu’elle soit la sienne ou non. ENTRETIEN NINA KALTENBÖCK & DAVID PESENDORFER

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PHOTOS MARKUS MANSI

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Un peu plus prĂšs des Ă©toiles Au sommet de sa carriĂšre, RAF Camora et les tours de DubaĂŻ en arriĂšre-plan.

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Qui suis-je ? « Quand je me regarde dans le miroir, je vois RAF Camora ET Raphael. »

T

the red bulletin : Monsieur Camora
 Au fait, est-ce qu’il y a des gens qui ­t’appellent comme ça ? raf camora : Rarement. Il peut y avoir parfois quelques gamins qui m’abordent comme ça dans la rue, juste pour ĂȘtre polis. Mais sinon, c’est « Monsieur Ragucci » ou tout simplement RAF ou Raphael. Qu’est-ce qu’il Ă©coute, ce Monsieur Ragucci, quand il se sent d’humeur romantique ou qu’il n’a pas le moral ? On a tous plusieurs facettes en nous. Moi par exemple, je peux m’enfiler du grunge Ă  la Kurt Cobain pendant des heures ; mais je peux ĂȘtre aussi le RAF « house/techno » ou celui plutĂŽt « gangsta-rap » qui Ă©coute de la drill française ou anglo-saxonne (la drill est un sous-genre dĂ©rivĂ© du trap, ndlr). Et pour un dĂźner aux chandelles, tu mettrais quoi ? De la deep house. J’en ai d’ailleurs toute une playlist qu’on peut Ă©couter sur Spotify. Si tu dis avoir plusieurs facettes, est-ce qu’il y a un cĂŽtĂ© « petit-bourgeois » chez toi ? Le mec un peu plan-plan qui passe ses weekends en famille ? Non, pas du tout. En fait, c’est mĂȘme ce Ă  quoi j’ai dĂ» renoncer pour suivre ma carriĂšre. Le bonheur en famille, je l’ai lorsque je suis avec ma mĂšre, ma sƓur et mon petit neveu. ­Évidemment,

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ce n’est pas la mĂȘme chose qu’une vraie vie de famille au sens classique, mais j’ai ma musique pour me rendre heureux : c’est lĂ  que je m’épanouis et que je me sens vraiment protĂ©gĂ©. On peut se protĂ©ger grĂące au rap ? Oui, quand tu vas mal ou que tu es en colĂšre, il suffit de mettre un beat, d’écrire un texte dessus – et tu plonges dans un univers complĂštement diffĂ©rent. Si je devais gĂ©rer ma carriĂšre en plus d’avoir une partenaire, ce serait vraiment galĂšre. Parce que ça va forcĂ©ment affecter l’autre personne dans sa propre vie. C’est pour ça que j’ai pris cette dĂ©cision : pour l’instant, je prĂ©fĂšre rester seul. RAF Camora n’est-il pourtant pas juste un personnage de scĂšne, un peu comme le Ziggy Startdust de David Bowie ? Pas vraiment. Raphael Ragucci et RAF Camora sont en fait assez proches l’un de l’autre. RAF fait partie de Raphael. Quand tu te regardes le matin dans le ­miroir, qu’est-ce que tu vois ? Les deux, justement. Mais avec le temps, j’ai aussi appris une chose trĂšs importante : quand RAF se plante parfois, ça ne veut pas dire que Raphael est un gros nul. J’arrive Ă  diffĂ©rencier les deux. Tu as eu trente-neuf ans cette annĂ©e. Y a-t-il un risque de voir un jour un tel fossĂ© se crĂ©er entre ton personnage et ta rĂ©alitĂ© que tu finisses par te dire : « Ce n’est plus tenable » ? C’est une grande question, et j’en parle dans mon dernier album XV, qui veut dire « ex-voyou » : parce que justement, je ne suis plus ce mec de la rue, qui tenait les murs toute la journĂ©e avec ses potes Ă  vendre du shit. Maintenant je suis un homme mĂ»r, et j’ai voulu que cet album se distingue, dans le style et l’image qu’il renvoie, de ce que je faisais notamment en 2016. Cette annĂ©e-lĂ , j’étais vraiment dans un autre trip.

Donc j’essaie d’évoluer artistiquement afin de combler ce fossĂ© entre le personnage et la rĂ©alitĂ©. Jusqu’à quel point RAF peut-il vieillir ­dignement ? Ou faudra-t-il un jour qu’on le dĂ©gomme pour de bon ? Si vous prenez l’exemple de Ronaldo, qui a vraiment bossĂ© comme un fou pour faire durer sa carriĂšre, vous savez qu’on peut tenir assez longtemps si on y travaille. Et puisqu’il est permis de se complimenter quand on rĂ©ussit un truc : je trouve personnellement que j’ai rĂ©ussi Ă  rester dans le game. Quand je vais Ă  des festivals, j’ai en face de moi des jeunes et des moins jeunes, des gamins qui me connaissent grĂące Ă  TikTok et la vidĂ©o All Night et des trentenaires qui sont fans depuis plus longtemps. Pour moi, c’est ça la reconnaissance ultime. L’une des grosses difficultĂ©s du mĂ©tier, c’est de rester au top. MĂȘme aprĂšs toutes ces annĂ©es, il y a toujours le mĂȘme feu, la mĂȘme agressivitĂ© dans ma musique. Avec qui, en dehors du rap, ferais-tu ­volontiers un duo ? Je ne connais aucun artiste qui soit assez sombre pour moi. Pourquoi faudrait-il forcĂ©ment ĂȘtre sombre ? Parce que c’est comme ça que je m’exprime. Si ça ne provoque pas en moi de l’agressivitĂ©, de la tristesse ou un shoot de dopamine, alors ça ne sert Ă  rien. Il y en a une qui aurait pu convenir, mais ça remonte Ă  des annĂ©es : Lana Del Rey. Elle, je la trouvais assez incroyable. Tu es l’artiste le plus streamĂ© du monde germanophone, avec un total de 4,5 milliards, et on t’a derniĂšrement vu sur les Ă©crans gĂ©ants de Times Square Ă  New York pour la sortie de XV
 Alors qu’à la base, j’ai une formation de musique classique. J’ai commencĂ© le violon Ă  quatre ans, puis le piano Ă  six, avant d’étudier la musicologie

« Voir parmi mes fans ­ des gens de plusieurs ­gĂ©nĂ©rations, c’est ça la reconnaissance ultime. » THE RED BULLETIN

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Ă  Vienne. L’une de mes Ɠuvres prĂ©fĂ©rĂ©es, c’est le requiem de Mozart, parce que c’est une musique sombre et trĂšs profonde, ce qui me correspond parfaitement – et que j’aimerais bien faire un jour : quelque chose qui ressemble Ă  un opĂ©ra, une Ɠuvre classique. Le top, ce serait de le jouer au stade de Vienne. On t’en sent tout Ă  fait capable. En fait, ce n’est pas si facile pour moi de jouer en public : lors de mon concert en juin dernier Ă  la Donauinselfest (grand festival organisĂ© sur l’üle du Danube Ă  Vienne, ndlr), je jouais devant 120 000 personnes. À 17 heures, je traĂźnais encore chez moi, perdu dans mes pensĂ©es, en me demandant « Et si ça foirait ce soir
 » J’avais vraiment le trac. Toi, l’essence mĂȘme du mec cool et dĂ©tachĂ©, qui donne l’air de tout maĂźtriser, tu flippes avant d’entrer sur scĂšne ? Oui, depuis toujours, mĂȘme si je prĂ©fĂ©rerais que ce soit diffĂ©rent – comme par exemple Bonez MC, avec qui je collabore : le mec ne stresse jamais. J’aimerais bien me dĂ©barrasser de ma nervositĂ© : le plus difficile pour moi, ce n’est pas de donner un concert, mais c’est de devoir gĂ©rer la journĂ©e qui le prĂ©cĂšde. C’est cette peur constante de l’échec, mĂȘme aprĂšs toutes ces annĂ©es d’expĂ©rience, qui te rend nerveux ? Oui, et aussi une obsession perfectionniste. Il faut absolument que tout soit parfait. Le cĂŽtĂ© « on s’en fout, on verra bien », ça n’existe pas chez moi. On ne peut pas ĂȘtre crĂ©atif si on est trop ­blasĂ© par la routine ? En tout cas, moi, je ne peux pas. Parce que ­j’attache beaucoup d’importance Ă  ce que je fais. DerniĂšrement, lors d’un festival, je me suis rendu compte que les programmateurs Ă©taient souvent Ă  la traĂźne question actualitĂ© musicale.

Ils prĂ©fĂšrent mettre en tĂȘte d’affiche des artistes qui ne sont dĂ©jĂ  plus au top. Je me suis demandĂ© pourquoi untel Ă©tait tout en haut de l’affiche alors qu’un autre groupe, Ă  peine mentionnĂ©, est en train de cartonner Ă  mort
 Tu as Ă©crit deux livres, Le pacte, en français, une autobiographie introspective sur le chemin parcouru, paru en allemand en 2021, et derniĂšrement Dark Zen, en allemand, qui se lit davantage comme un mode d’emploi du bonheur. Ces instants de ta vie oĂč tu te sens bien, en sĂ©curitĂ©, tu arrives Ă  t’en souvenir pour les utiliser dans les moments de doute ? Non, ce n’est pas quelque chose que j’arrive Ă  contrĂŽler. Et c’est sans doute parce que j’en ai trop bavĂ© dans ma carriĂšre. Je me suis pris tellement de portes dans la figure que je peux encore ressentir dans ma chair ce que ça fait. Quand par exemple tu es sur scĂšne, et tu es obligĂ© de fermer les yeux pour ne pas voir Ă  quel point la salle est vide, ou presque vide. Et pourtant, tu t’es donnĂ© tellement de mal, mais pas que toi : les musiciens, les ingĂ©nieurs son et lumiĂšre
 Tout le monde souffre avec toi, pendant toute une heure. Pour qu’à la fin, tu rĂ©coltes quelques applaudissements polis. Non, franchement, ce genre d’expĂ©rience, ça ne s’oublie pas. Il semble au contraire que cela t’ait poussĂ© Ă  t’accrocher : sur cette Ă©tagĂšre, je vois par exemple l’édition germanophone du magazine Forbes, avec ton faciĂšs en couverture. Qu’est-ce que ça reprĂ©sente pour toi ? Beaucoup. Ce n’est pas donnĂ© Ă  tout le monde. Tu cartonnes effectivement dans les affaires : ton business, tu le vois plutĂŽt comme un jeu ou un rĂ©flexe pavlovien qu’on garde lorsqu’on a connu trop d’annĂ©es de galĂšre financiĂšre ? Les deux. Par exemple, si je vais faire mes courses au supermarchĂ©, j’ai toujours cette peur inconsciente que ma carte soit refusĂ©e. Cet ins-

« La bonne musique, c’est comme un film de Rambo : ça doit te prendre aux tripes. » 60

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Dubaï by night Le cÎté obscur du rap : RAF Camora est un oiseau de nuit.

tant oĂč tu dois rĂ©flĂ©chir Ă  ce que tu vas laisser Ă  la caisse pour essayer de gratter quelques euros et retenter le coup
 J’ai toujours du liquide sur moi, mĂȘme si je n’en ai pas besoin : l’angoisse reste, au-delĂ  de toute rationalitĂ©. Peut-ĂȘtre que ça te complique la vie, mais peut-ĂȘtre aussi que c’est justement ça qui te permet d’avancer. Pour aller oĂč ? Regarde-moi : j’ai deux mains, deux jambes, et s’il le faut, j’irai bosser sur les chantiers pour pouvoir continuer Ă  faire ma musique. Si je peux le faire, c’est parce que j’ai la gnaque – et la tĂȘte suffisamment claire. D’oĂč mon conseil le plus important : ne jamais toucher aux drogues ! Ça te nique le cerveau. Et quand il ne fonctionne plus, c’est lĂ  que tu risques de finir Ă  la rue. Pour le moment, tu ne sembles pas prĂšs de finir Ă  la rue, puisque tu roules en Ferrari et en Maserati. Est-ce que ta mĂšre est fiĂšre de toi lorsque tu dĂ©barques chez elle dans un de ces bolides ? Elle m’a envoyĂ© un message vocal derniĂšrement, et j’entendais un vrombissement derriĂšre sa voix. Quand je lui ai demandĂ© si elle Ă©tait en train de conduire la Ferrari, elle m’a rĂ©pondu : « Quelle belle voiture ! Et elle se conduit super bien ! » Un autre jour, je reçois une photo : ma Ferrari garĂ©e en travers du trottoir Ă  Ottakring (un quartier populaire et cosmopolite de Vienne, ndlr). Je me dis : « Quel est le pote qui a eu le culot de prendre mes clĂ©s ? » J’appelle ma mĂšre, et elle m’envoie une photo d’elle avec une de ses copines : elles s’étaient pomponnĂ©es et Ă©taient sorties faire un tour dans leur quartier ! Bref, ma mĂšre adore ce genre de voitures. Petit souvenir personnel : une bande d’amis – assez jeunes, la vingtaine – dans le parc du Prater Ă  Vienne, en train de danser sur Ponny de Yung Hurn (un morceau aux ­paroles trĂšs explicites, ndlr). Dans ce groupe, des jeunes femmes hyper modernes, fortes et indĂ©pendantes. Comment peuvent-elles ĂȘtre fans de cette musique ? Et pourquoi pas ? Parce que tu penses qu’on les opprime ? Ou parce que les paroles sont parfois trĂšs crues ? Je te donne un exemple : quand des garçons Ă©coutent du gangsta-rap oĂč l’on parle tout le temps de « bitch » et de « pussy », c’est comme s’ils regardaient Rambo avec Stallone, tu vois ? Ils voient des mecs se faire buter, mais ça ne veut pas dire qu’ils veulent le faire ou qu’ils trouvent ça cool ! Ce qui leur plaĂźt, c’est le frisson du moment, mais pour eux, c’est juste un film. Les gens savent que Yung Hurn et moi, on a suffisamment de recul par rapport Ă  ce qu’on Ă©crit, on voit notre musique comme un film. La musique dĂ©pend entiĂšrement de l’émotion qu’elle vĂ©hicule : on veut qu’elle te touche, qu’elle t’émeuve, qu’elle te prenne aux tripes – sinon, ça ne sert Ă  rien. Et c’est justement pour ça que des filles fortes et indĂ©pendantes peuvent aimer ça.

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Part d’ombre Les photos ont Ă©tĂ© faites Ă  DubaĂŻ dans le cadre de son nouvel album XV.

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Penses-tu que ça dĂ©rangerait tes fans s’ils savaient que RAF Camora est en fait un type sĂ©rieux et posĂ©, qui aime Ă©couter le requiem de Mozart tranquillement chez lui, un espresso Ă  la main ? Non, ils le savent dĂ©jĂ . Par contre, si mon ­appart Ă©tait rempli de posters « Hello Kitty » et de disques d’Helene Fischer (star de musique populaire en Allemagne, ndlr), lĂ , je pense qu’ils tiqueraient un peu. Y a-t-il des choses que tu adores faire et qui ne correspondent absolument pas Ă  l’image du rappeur sombre et torturĂ© ? Pas vraiment. Bon, j’adore jouer Ă  « Qui suis-je ? » avec mes potes, j’aime les BD, surtout ­Donald Duck
 J’adore lire les aventures de Picsou : c’est peut-ĂȘtre mon seul plaisir coupable. À propos de BD pour enfants, parle-nous de ton petit neveu : est-ce qu’il Ă©coute ta musique ? Oui, il aime bien par exemple « Blaues Licht », « 500 PS » ou encore « Risiko ». Le plus drĂŽle, c’est qu’il s’agit toujours de hits, alors que lui-mĂȘme n’en sait absolument rien. Ça veut dire que les enfants sentent trĂšs bien ce qui est bon ou pas. Quand je lui fais Ă©couter quelques-uns de mes morceaux dans ma voiture, j’observe ses rĂ©actions, histoire de deviner ce qui peut avoir du potentiel ou pas. C’est important : la musique doit d’abord te procurer du plaisir. Ta musique est pourtant particuliĂšrement sombre, parfois mĂȘme violente. Bonez MC dit toujours que la musique doit nous apporter une Ă©nergie positive. Au dĂ©but, moi aussi je me disais « Positif, mon c*** – Je suis de la gĂ©nĂ©ration Kurt Cobain ! » Mais maintenant, je sais que d’une maniĂšre ou d’une autre, c’est vrai – et les gamins le sentent trĂšs bien. Le magazine Forbes, dont tu as dĂ©jĂ  fait la couverture, est aussi connu pour sa liste des 30 Under 30, les jeunes qui inspirent le monde. Quels sont les jeunes qui t’inspirent en ce moment ? Pour citer mon manager : « Le jour oĂč l’on va commencer Ă  devenir des vieux cons, Ă  penser que les jeunes disent de la merde, ce sera terminĂ© pour nous. » Parce que la jeunesse te montre dans quel sens va le monde. Parmi les artistes qui m’inspirent en ce moment, il y a Ski Aggu ou encore Hoodblaq. J’aime bien discuter avec ceux qui sont plus jeunes que moi : mon demi-frĂšre du cĂŽtĂ© paternel est encore un ado, mais j’aime bien lui demander ce qu’il Ă©coute. Il me rĂ©pond des trucs comme : « La drill, c’est le genre absolu actuellement. » Tu possĂšdes une maison d’édition, un ­ studio de tatouage, un salon de barbier, une agence de pub et de marketing, etc. Lequel te rend particuliĂšrement fier ?

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« La femme de mes rĂȘves ? Il faut qu’elle ait de l’humour – un peu comme Fran Fine dans Une nounou d’enfer. » Celui qui a reprĂ©sentĂ© le plus gros dĂ©fi : le barber shop. Quand il a enfin ouvert Ă  Vienne, ça a Ă©tĂ© un grand moment. Tous les grands noms du business ont aussi leurs points faibles, certains mĂȘme qui les rendent sympathiques. Ce serait quoi, ton « gentil petit dĂ©faut » ? Mes points faibles. Mis Ă  part ma grande nervositĂ©, je suis quelqu’un de trĂšs, trĂšs, trĂšs empathique. Beaucoup plus qu’on ne l’imagine. Je ressens Ă©normĂ©ment la souffrance des autres. Une question plus spirituelle : qu’est-ce qui est, selon toi, le plus important, dans la vie ? Savoir qui on est – pour savoir ce qui nous rend heureux. Savoir doser les plaisirs : tu peux t’enfiler des Mac Do, mais il faudra Ă  un moment donnĂ© compenser par des choses plus saines. Et la troisiĂšme chose importante pour moi, c’est le fait de laisser une trace dans ce monde. Que ce soit par la crĂ©ation artistique ou en fondant une famille. Ferme les yeux un instant et imagine-toi avec ta propre famille, un dimanche dans la cuisine. Qu’est-ce que tu vois ? Si je me marie un jour, j’aimerais que ce soit dans l’église du quartier oĂč j’ai grandi Ă  Vienne (FĂŒnfhaus, quartier multiculturel du XVe arrondissement, ndlr), avec une grande fĂȘte de rue. Je vois aussi deux enfants, qui ressembleraient peut-ĂȘtre Ă  mon adorable petit neveu. Peut-ĂȘtre une femme italienne ou en tous cas qui aurait le physique d’Adriana Lima, comme je le dis dans une de mes chanson. Mais je n’ai pas vraiment de type de femme particulier. La femme de tes rĂȘves serait plutĂŽt du genre sombre comme toi, ou plutĂŽt dĂ©lurĂ©e ? Il faut qu’elle ait de l’humour – un peu comme Fran Fine dans Une nounou d’enfer.

En concert le 15 mars 2024 au Hallenstadion de Zurich. Instagram : @raf_camora

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LA LIGUE DES LÉGENDES VIVANTES TEXTE DANIEL BROWN

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Rien qu’un jeu vidĂ©o ? Non, League of Legends, ou LoL, est : un sport qui passionne et enflamme des millions de fans, avec deux stars dont la rivalitĂ© Ă©quivaut celle que Messi et ­Ronaldo entretiennent. Et avec l’arrivĂ©e du Championnat du monde Ă  SĂ©oul, LoL va atteindre de nouveaux sommets.

Deft – la star montante Il a perdu tant de fois, souvent Ă  l’approche de son anniversaire. Un vrai cauchemar qui a tournĂ© au rĂȘve : champion du monde !

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Faker – la superstar Sous son air si sage, presque ­timide, il est con­ sidĂ©rĂ© comme le meilleur joueur de LoL au monde. MĂȘme si Deft l’a battu en 2022.


es derniĂšres notes de l’hymne d’ouverture, Star Walkin, s’achĂšvent. L’interprĂšte, le cĂ©lĂšbre rappeur Lil Nas X, disparaĂźt derriĂšre la scĂšne. MĂȘme lors d’un Ă©vĂ©nement aussi colorĂ©, sa perruque rouge et or et son armure flamboyante dĂ©tonne au milieu de la foule amassĂ©e dans les couloirs du Chase Center de San Francisco. Beaucoup des 14 548 fans venus assister Ă  la finale du Mondial 2022 de League of Legends ont aussi revĂȘtu des costumes trĂšs Ă©laborĂ©s. « Une vraie tuerie ! », le complimente une jeune admiratrice. « Et je kiffe ta robe », rĂ©torque Nas automatiquement en continuant de fendre la foule. Un reporter vient dĂ©jĂ  Ă  sa rencontre : « Ça fait quel effet de savoir que des millions de personnes viennent de te regarder ? » « Quel effet ?, rĂ©pĂšte Nas en souriant. C’est juste dingue! Il y a vraiment une foule incroyable. » Sa succincte analyse est parfaite : « dingue » est le mot juste. Le Championnat du monde de League of Legends, ou tout simplement les Worlds, est la plus grande compĂ©tition de gamers et de gameuses au monde, point final. Le paroxysme d’une saison de tournois aux quatre coins du globe rĂ©duite aux ligues rĂ©gionales. Vingt-quatre Ă©quipes s’affrontent lors d’une compĂ©tition de cinq semaines pour tenter de remporter le titre du plus cĂ©lĂšbre des jeux d’esport, League of Legends, ou LoL pour les initiĂ©s. Un immense champ de bataille pour Ă©chiquier Voici le dĂ©roulement typique d’un match : deux Ă©quipes de cinq joueur·euse·s s’affrontent sur un champ de bataille magique, le Summoner’s Rift (la faille de l’invocateur). Sur une immense carte, chaque Ă©quipe dĂ©marre de sa base appelĂ©e Nexus et situĂ©e Ă  chaque extrĂ©mitĂ© du terrain. Trois voies mĂšnent au centre : la voie du haut, la voie mĂ©diane et la voie du bas. Tout autour, il y a la jungle. L’équipe qui dĂ©truit le Nexus de l’adversaire remporte le jeu. Simple comme bonjour ? Attendez, les choses se compliquent : il faut sĂ©lectionner un champion parmi les 160 personnages disponibles, chacun avec ses propres compĂ©tences, forces et faiblesses et autant de maniĂšres de les utiliser. Un peu (juste un peu) comme un jeu d’échecs oĂč toutes les figures se dĂ©placeraient en temps rĂ©el, combattant, amassant de l’or et de l’expĂ©rience, et pouvant ĂȘtre

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Majestueux Armure flamboyante et perruque : Lil Nas X lors de l’ouverture des Worlds 2022. Le dĂ©filĂ© Faker, la superstar (au centre), se ­dirige avec son Ă©quipe T1 vers la ­gigantesque scĂšne.

Les Ă©motions du direct « Ce qui s’est passĂ© cette annĂ©e lors des Worlds faisait penser Ă  un incroyable conte de fĂ©es », raconte Jeon Yong-jun, alias Caster Jun, de SĂ©oul. En esport, les commentateur·rice·s en direct sont appelĂ©s « casters ». Et celui-ci n’a pas son pareil pour Ă©tirer les voyelles Ă  la maniĂšre des brĂ©siliens et leur fameux « Gooooool ». Jun s’emporte, hurle et vocifĂšre comme Thierry Roland lors du France-BrĂ©sil 1998. « Ce drame qui se dĂ©roulait en temps rĂ©el sous nos yeux Ă©tait Ă©poustouflant. » Tentons de rĂ©sumer cette incroyable Ă©popĂ©e : DRX, une Ă©quipe que l’on n’attendait mĂȘme pas comme outsider, a rĂ©ussi Ă  se qualifier in extremis pour la finale du tournoi, puis, Ă  l’issue d’une sĂ©rie de hasards improbables, Ă  battre T1, la meilleure Ă©quipe de toute l’histoire de League of Legends. Du mĂȘme coup, Faker, triple champion du monde trĂšs populaire et considĂ©rĂ© comme le plus grand joueur de LoL de tous les temps, le « Michael Jordan de l’esport », s’est fait battre par Deft, sorte d’antihĂ©ros tourmentĂ©. Jusqu’ici, Deft (de son vrai nom Kim Hyuk-kyu) Ă©tait cĂ©lĂšbre pour ses spectaculaires Ă©liminations au premier tour au moment mĂȘme de son anniversaire qui coĂŻncide justement avec les dates des

80 semi-remorques, 2 000 employés, des chiffres à la hauteur de ce nouvel univers.

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ressuscitĂ©es si elles se font tuer. Et par-dessus (ou plutĂŽt au milieu de tout cela), on trouve toutes sortes de monstres, sbires, tourelles et autres twists surprenants. À San Francisco, lors de la cĂ©rĂ©monie d’ouverture des Worlds 2022, l’immense popularitĂ© de ce jeu vieux de quatorze ans saute vraiment aux yeux (et aux oreilles). Initialement conçu par le dĂ©veloppeur de jeux-vidĂ©o amĂ©ricain Riot Games comme un charmant (sic) passetemps pour nos petits bouts de chou adorĂ©s, le jeu fait dĂ©sormais appel aux services d’un double laurĂ©at des Grammy Awards pour chanter l’hymne officiel du tournoi (Lil Nas X a d’ailleurs Ă©tĂ© nommĂ© PrĂ©sident de League of Legends deux mois plus tĂŽt), le tout dans un stade d’1,6 milliard de dollars avec diffusion d’images en 3D de Runeterra (l’univers du jeu) et des versions gĂ©antes des personnages de LoL comme K’Sante et Azir (mĂȘme si ces derniers ne comptent ni la danse ni le chant parmi leurs superpouvoirs) dans la chorĂ©. DerriĂšre cette performance de 3 minutes et 57 secondes, toute une Ă©quipe de production de 2 000 personnes et 80 semi-remorques pleins Ă  craquer. À titre de comparaison, un concert gĂ©ant classique nĂ©cessite environ vingt semi-remorques.


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Le méchant contre le gentil ? Deux joueurs exceptionnels, deux rivaux éternels.

rait bien les supporter tous les deux, il n’y pas de bons et de mĂ©chants dans cette histoire. » Et d’un point de vue Ă©conomique, il n’y a pas vraiment de perdants non plus.

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Worlds. Toutes ces annĂ©es, explique-t-il, son anniversaire Ă©tait donc une « journĂ©e de deuil ». Une frustration telle qu’il envisageait sĂ©rieusement de mettre un terme Ă  sa carriĂšre. Mais en 2021, Deft devient la deuxiĂšme grande sensation du tournoi aprĂšs Faker (Lee Sanghyeok). Histoire d’une rivalitĂ© qui remonte au lycĂ©e. À cette Ă©poque, Faker et Deft sont assis sur les mĂȘmes bancs de l’école de Mapo (CorĂ©e du Sud) et sont loin de s’apprĂ©cier, car dĂ©jĂ , Faker surpasse constamment son rival. « Au lycĂ©e, j’étais en tĂȘte du classement LoL. On me surnommait “Mapo High School’s Fiery Fist” », raconte Faker non sans une pointe d’orgueil. « Moi, j’étais Ă  peu prĂšs centiĂšme du classement », se souvient Deft. Faker rapportera plus tard : « Cette rivalitĂ© est tellement ancrĂ©e en nous qu’on ne pourra jamais ĂȘtre amis. » En foot, on appelle ça un derby. Mais de telles hostilitĂ©s n’ont aucune raison d’ĂȘtre chez les gamers et les gameuses : le respect mutuel est bien plus important. « Ces deux-lĂ  ont le mĂȘme genre de personnalitĂ©, ils sont super sympas, au fond, commente Tyler Erzberger, expert en gaming et ancien chroniqueur d’esport. En fait, on aime-

L’accĂšs Ă  la reconnaissance Les plus grandes stars de l’esport dĂ©crochent des contrats de plusieurs millions de dollars, les Ă©quipes sont dĂ©sormais omniprĂ©sentes dans les lycĂ©es et les collĂšges amĂ©ricains et les fans suivent le mouvement : les tickets pour les Worlds 2022 se sont ainsi arrachĂ©s en quelques minutes, un record pour le Chase Center. Et sur les rĂ©seaux, les Worlds ont fait le buzz dans plus de 240 pays, un engouement rĂ©parti aux quatre coins du globe. La diffusion en langue anglo-saxonne a attirĂ© un nombre record d’1,6 million de tĂ©lĂ©spectateur·rice·s, soit une augmentation de 41 % par rapport aux Worlds 2021 ; les finales ont quant Ă  elles enregistrĂ© un total de 121,7 millions d’heures de streaming. ForcĂ©ment, les Mondiaux de 2023 (du 10 octobre au 19 novembre), dont la finale se dĂ©roulera au Gocheok Sky Dome de SĂ©oul, plus grand stade couvert du pays avec une capacitĂ© de 17 000 spectateurs et spectatrices, profitent de cette popularitĂ© endĂ©mique. La CorĂ©e du Sud fait en effet figure de berceau de l’esport. Et sous leurs airs discrets, les athlĂštes n’ont rien Ă  envier Ă  la renommĂ©e de Taylor Swift. À l’instar de celle de ses protagonistes, l’histoire de la genĂšse des Mondiaux de LoL est trĂšs atypique. La premiĂšre Ă©dition a lieu en 2011 lors du Dreamhack, un forum sur les jeux vidĂ©o organisĂ© en SuĂšde. Directrice internationale de League of Legends Esport, Naz Aletaha se souvient parfaitement de ce moment oĂč Riot Games a dĂ©cidĂ© de diffuser l’évĂ©nement en streaming : « Quand on revoit les images aujourd’hui, on comprend pourquoi “La cave de Phreak” est devenue une rĂ©fĂ©rence si populaire dans la communautĂ© », dit-elle. Une blague entre initié·e·s sur D ­ avid « Phreak » Turley, ancien caster de LoL qui commente la premiĂšre saison des Worlds ­depuis une sinistre piĂšce mal Ă©clairĂ©e. « Mais malgrĂ© ces

Spectacle atypique dans les tribunes : lors de la finale des Worlds 2022 à San Francisco, des milliers de fans défilent dans des costumes surprenants comme cette licorne.

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Le calme avant la tempĂȘte Lee Sang-hyeok, 27 ans, aka Faker, avant sa performance au Mondial de San Francisco.


De vrais salaires pour les petits gĂ©nies Les joueur·euse·s pouvaient enfin accĂ©der Ă  un statut de professionnel·le·s. Devenir adulte, accepter un « vrai » job ? Plus nĂ©cessaire. Finis les petits prodiges de LoL des premiĂšres annĂ©es qui disparaissaient de la scĂšne dĂšs leur vingtiĂšme annĂ©e : ils recevront dĂ©sormais un salaire consĂ©quent. À cet Ă©gard, la CorĂ©e du Sud est d’ailleurs trĂšs en avance sur le reste du monde puisque qu’elle attribue des licences aux joueur·euse·s pros depuis l’an 2000 et qu’à cette Ă©poque, des chaĂźnes en streaming comme Ongament et MBCGame diffusaient dĂ©jĂ  StarCraft, jeu de stratĂ©gie en temps rĂ©el dans l’espace. « La CorĂ©e du Sud est fiĂšre d’ĂȘtre le berceau de ­l’esport, confirme Aiden Lee, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de League of Legends Champions Korea, ou LCK, la ligue pro du pays. Nous sommes Ă©galement Ă  la pointe du dĂ©veloppement des jeunes talents, disposons du meilleur vivier de joueur·euse·s et des meilleures Ă©quipes au monde. » Oui, la plupart des meilleur·e·s joueur·euse·s viennent de CorĂ©e du Sud, ce qui ne fait que renforcer l’effervescence des fans Ă  l’approche de ce prochain tournoi Ă  domicile. Lee n’hĂ©site pas Ă  comparer la rivalitĂ© entre Faker et Deft aux duels lĂ©gendaires entre Lionel Messi pour le FC Barcelone et Cristiano Ronaldo pour le Real Madrid. Lee Sang-hyeok, alias Faker, 27 ans, Ă©volue en tant que Mid Laner : c’est gĂ©nĂ©ralement lui qui joue

Choi “Zeus” Woo-je, joueur de T1, rĂ©agit Ă  la dĂ©faite de son Ă©quipe. Hong Chang-hyeon de DRX arbore le saphir du vainqueur.

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le rĂŽle de mage sur la voie mĂ©diane. Faker, c’est d’abord une moyenne hallucinante de victoires : 66 % sur une pĂ©riode de dix ans. Et c’est ensuite une ribambelle de surnoms, comme il l’explique avec une ferveur assez inhabituelle Ă  The Players’ Tribune, plateforme en ligne oĂč les athlĂštes partagent leurs expĂ©riences. « Mes fans amĂ©ricains m’appellent Dieu, mes fans corĂ©ens Invincible roi des dĂ©mons. Mais j’ai une prĂ©fĂ©rence pour Dieu. » Et toujours aussi modeste : « Dans le jeu, je m’appelle simplement Faker. Je suis le meilleur joueur de League of Legends au monde. » Jusqu’au jour qui a changĂ© sa vie et celle de Deft par la mĂȘme occasion, car en rĂ©alisant son rĂȘve ultime de remporter les Worlds, celui-ci pouvait enfin reprendre son souffle
 et surtout dormir. Tout au long de sa carriĂšre professionnelle, il ne se passait pas une nuit sans qu’au moment de fermer les yeux, il ne passe en revue son prochain match. « Je n’y pense plus, dĂ©sormais, dĂ©clare Deft quelques semaines aprĂšs son titre aux Worlds. Je vais dormir, tout simplement ». Au moment de son triomphe, Deft, ĂągĂ© de 26 ans, devient le joueur le plus ĂągĂ© Ă  avoir remportĂ© les Worlds. Et il aurait pu se fendre d’une rĂ©partie cinglante pour faire taire tou·te·s les pessimistes et les sceptiques (lui en tĂȘte), mais a choisi de s’abstenir. « C’est peut-ĂȘtre paradoxal, mais je veux juste gagner ces Worlds pour pouvoir enfin raccrocher, dira-til avant la finale. Une victoire pour finir dans la dignitĂ©. » Avant les Worlds 2022, tout le monde pensait que son Ă©quipe, DRX, ne survivrait pas aux Ă©liminatoires rĂ©gionales. Deft lui-mĂȘme ne pariait pas gros sur les chances de DRX de participer aux finales. « Je ne nous donnais pas plus de 10 % de chances, rĂ©vĂ©lera-t-il par la suite. Mais je ne voulais pas faire perdre espoir Ă  nos fans. » DRX a eu du mal Ă  entrer dans le tournoi. Normal, c’était l’une des Ă©quipes les plus faibles parmi les 24 en lice. Passer la phase de poules semblait impossible. Lors d’une confĂ©rence de presse, les joueurs de T1, interrogĂ©s sur leurs attentes pour le match contre DRX, ont rĂ©pondu l’un aprĂšs l’autre sans l’ombre d’une hĂ©sitation. Oner : « Je pense que nous allons battre DRX trĂšs facilement, 3-0.» Keria : « Pareil, je pense que ce sera un 3-0. » ­Gumayusi : « Je parie sur un 3-0. » Faker : « J’espĂšre qu’on va gagner 3-0. » Du rire aux larmes, toutes les Ă©motions rĂ©unies Mais en coulisses, cette Ă©ternelle attitude de malchanceux s’était muĂ©e en une dĂ©termination Ă  toute Ă©preuve.

Un match Ă  couper le souffle L’équipe T1 affronte l’équipe DRX lors des Worlds 2022 au Chase ­Center de San Francisco. 14 548 fans ont rĂ©pondu prĂ©sent dans le stade.

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Un Mondial rempli de suspense : Deft va-t-il gérer son transfert ? Et Faker sa blessure ?

qualitĂ©s de production assez underground, on avait dĂ©jĂ  plus d’un million de connexions, ajoute Aletaha. On a compris qu’il se passait un truc : les fans, la communautĂ©, tout le monde en redemandait. » Riot Games s’est alors fixĂ© comme objectif de donner Ă  l’esport les mĂȘmes titres de noblesse que ceux de l’athlĂ©tisme traditionnel. « On rĂȘvait de crĂ©er un Ă©cosystĂšme dans lequel les joueurs de LoL pourraient gagner leur vie et oĂč les meilleurs joueraient devant leurs fans les plus acharné·e·s. »



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Les derniers clics Deft, la star de LoL, devant son Ă©cran. Concentration intense : plus qu’un ou deux clics avant de remporter le titre !

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Le premier titre Une foule en dĂ©lire : Deft et son Ă©quipe d’outsiders, DRX, sont champions du monde.

Une transition difficile pour Deft, qui n’avait jusque-lĂ  jamais passĂ© les demi-finales et dĂ©crivait le mĂȘme rituel immuable pour le 23 octobre, date de son anniversaire : « En gĂ©nĂ©ral, je passe cette journĂ©e tout seul dans ma chambre d’hĂŽtel aprĂšs avoir perdu aux Worlds. » Le 23 octobre 2022, tout semble bien parti pour que sa soirĂ©e d’anniversaire soit de nouveau gĂąchĂ©e par des trouble-fĂȘtes. Lors des quarts de finale au Madison Square Garden de New York, sa stratĂ©gie contre EDG (son ancienne Ă©quipe et championne en titre), se retourne contre lui. Deft s’apprĂȘte Ă  dĂ©truire le Nexus adverse quand soudain, un inhibiteur surgit devant lui. Pour les passionné·e·s de LoL, c’est une nouvelle preuve de son incroyable poisse. Pour tous les autres, voici la traduction d’un caster : celui-ci explique que c’est comme si un attaquant se foulait la cheville au moment d’envoyer la balle dans les filets. Un autre caster s’écrie tout simplement : « Noooon ! C’était du tout-cuit, Deft ! » Les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, il aurait dĂ©jĂ  fait annuler le champagne d’anniversaire et se serait prĂ©parĂ© Ă  une nouvelle nuit solitaire dans sa chambre d’hĂŽtel. « Sur le moment, je n’arrivais pas Ă  y croire, Ă©crira Deft plus tard sur la plateforme The Players’ Tribune. Je n’avais jamais vĂ©cu un moment pareil de ma carriĂšre. Et voilĂ  que ça m’arrive maintenant, aux Worlds, en plein quart de finale, et contre cette Ă©quipe ?! Je me suis vraiment demandĂ© si j’étais juste programmĂ© pour perdre. » Et puis soudain, son cerveau s’est mis en mode automatique : « D’un seul coup, j’ai arrĂȘtĂ© de me plaindre, et ça a Ă©tĂ© comme une libĂ©ration. AprĂšs, je ne me suis jamais senti aussi fort. » Tyler Erzberger, chroniqueur spĂ©cialisĂ©, est l’une des rares personnes extĂ©rieures Ă  l’équipe Ă  avoir remarquĂ© ce changement, cette transformation subite de Deft, d’une personne dĂ©vorĂ©e par le doute Ă  un guerrier Ă  la volontĂ© inĂ©branlable. « Pendant une grande partie du tournoi, il Ă©tait son pire ennemi, avec cette attitude d’avoir l’impression de donner le meilleur de soi-mĂȘme tout en se disant qu’il n’était juste pas assez bon. Mais lorsqu’il a atteint la finale, c’est comme si un poids Ă©tait tombĂ© de ses Ă©paules, et qu’il n’avait plus qu’à rĂ©colter le fruit de ses efforts ». Au moment de leur victoire, avant qu’un standing ovation ne vienne remplir le Chase Center de San Francisco, tous les joueurs de DRX sont restĂ©s plusieurs secondes immobiles, comme paralysĂ©s, en transe devant leur Ă©cran, avant d’ĂȘtre secouĂ©s par les larmes. Soudain complĂštement libĂ©rĂ©, Deft a arrachĂ© son casque et l’a jetĂ© au loin. « Je

Faker à ses fans : « Je suis le roi des démons, mais appelez-moi Dieu, tout simplement. » THE RED BULLETIN

n’ai pas pour habitude de me lĂącher comme ça pour exprimer ma joie, mais lĂ , je me suis mis Ă  sauter dans le stade. Mon corps s’est mis Ă  bouger de maniĂšre indĂ©pendante. Il a dit Ă  mon cerveau de courir, donc j’ai couru », racontera-t-il plus tard au cours des interviews, aprĂšs avoir repris une certaine contenance. « Jamais aucune Ă©quipe classĂ©e quatriĂšme en phase de groupe n’avait rĂ©ussi Ă  atteindre la finale, encore moins Ă  gagner les Worlds, commente un des casters, Kobe, complĂštement abasourdi. Cette bande de potes vient d’accomplir un miracle. » Lors de la confĂ©rence de presse post-match, un journaliste demande Ă  Faker s’il a quelque chose Ă  dire Ă  son ancien camarade de classe, Deft. « Je tiens Ă  le fĂ©liciter, rĂ©pond-il briĂšvement. Si un joueur mĂ©rite ce trophĂ©e, c’est bien Deft. » Et voici qu’arrivent les Worlds 2023. Comme une sĂ©rie tĂ©lĂ© qui veut toujours mĂ©nager plus de suspense, ce nouveau Mondial propose un casting totalement renouvelĂ©. Moins de trois semaines aprĂšs la finale de 2022, Deft a annoncĂ© son dĂ©part de DRX et choisi de signer chez un concurrent plus important, DWG KIA. Tremblement de terre sur les rĂ©seaux sociaux : Ă  l’exception de BeryL, tous les champions du monde de DRX ont quittĂ© l’équipe. La fin d’un boys band L’équipe d’outsiders victorieux se sĂ©pare donc comme un boys band aprĂšs un seul et unique tube. Choc ? Tristesse ? Oui et non. Au fond, DRX n’avait jamais Ă©tĂ© pensĂ©e comme une Ă©quipe prĂȘte Ă  relever les embĂ»ches de Runettera Ă  un tel niveau. Quand les joueurs sont devenus cĂ©lĂšbres du jour au lendemain, ils se sont fait recruter par des Ă©quipes plus grosses. Il n’y avait ni argent, ni ressources nĂ©cessaires pour les retenir. Dans le ballon rond, on appelle ça un « centre de formation ». DRX, Ă©quipe en lutte Ă©ternelle contre la relĂ©gation, remporte soudain la Ligue des champions : la victoire n’en est que plus savoureuse, mĂȘme si les vainqueurs, eux, sont partis depuis bien longtemps. Faker, l’éternel champion qui s’est inclinĂ© une seule et unique fois, est quant Ă  lui restĂ© dans son Ă©quipe T1, mĂȘme s’il a disparu une grande partie de l’étĂ© pour cause de blessure. Oui, cela arrive aussi en esport. De grosses douleurs au niveau du bras. DĂ©chirure musculaire ? Fatigue gĂ©nĂ©rale ? Faker Ă©tait-il au bout du rouleau ? Son dossier mĂ©dical restera strictement confidentiel. Mais privĂ©e de son leader de cƓur, l’équipe de Faker a vacillĂ©, perdant cinq matchs consĂ©cutifs et atterrissant au quatriĂšme rang le plus bas de la ligue sud-corĂ©enne. Le 2 aoĂ»t, on annonçait le retour tant attendu de Faker sur League of Legends Esports. Le mĂȘme jour, T1 battait les Kwangdong Freecs. Les gros titres : Le retour du roi. Ou Ă©tait-ce « Dieu » ? Celui qui entrera dans la lĂ©gende des Worlds 2023 devra se montrer Ă  la hauteur. Sport, drame, spectacle, tranches de vies
 les attentes seront immenses. « La barre est haute », reconnaĂźt Naz Aletaha, directrice internationale de League of Legends Esports, interrogĂ©e sur le tournoi qui dĂ©butera Ă  SĂ©oul puis continuera Ă  Busan pour revenir dans la capitale. Les deux mĂ©tropoles se partagent un tiers de la population sud-­corĂ©enne. « Finalement, c’est tout Ă  fait logique que les Worlds aient lieu justement ici », poursuit Aletaha. LoL rentre au pays. Retrouvez DRX: The Rise, le documentaire sur la finale des Worlds 2022 sur redbull.com

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Une vie Ă  fond la caisse ! Aussi Ă  l’aise devant la camĂ©ra qu’au volant, ­Emelia Hartford s’est forgĂ© un destin Ă  sa mesure : les mains dans le cambouis, la tĂȘte dans les Ă©toiles. 74

SON CƒUR

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FAIT VROUM THE RED BULLETIN

Speed Queen Emelia Hartford au volant de sa Ferrari bleue dans un dĂ©cor californien digne de Gran ­Turismo, dont elle est Ă  l’affiche.

TEXTE JESSICA P. OGILVIE PHOTOS HEIDI ZUMBRUN

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os Angeles. Une Ferrari 458 turquoise fonce Ă  toute berzingue sur la Freeway 5. Au volant : Emelia Hartford. Un policier lui fait signe de s’arrĂȘter. Mais au lieu d’un avertissement, il engage la conversation avec la pilote amĂ©ricaine, puis la laisse repartir. « Il m’a reconnue », dit-elle. Emelia Hartford n’a pas encore trente ans, mais peut dĂ©jĂ  ĂȘtre fiĂšre de son parcours : pilote automobile, mĂ©canicienne chevronnĂ©e spĂ©cialisĂ©e dans le tuning et les grosses cylindrĂ©es, actrice Ă  Hollywood
 Elle fait partie des rares influenceuses du monde automobile, cumulant un total de 3,6 millions d’abonné·e·s sur YouTube, Instagram et TikTok. Ses vidĂ©os la montrent en train de bricoler, rĂ©parer, tuner et piloter ses nombreux bolides Ă  des vitesses folles. « Le reste du temps, je rumine beaucoup trop, j’ai un millier de choses dans la tĂȘte. Mais devant la camĂ©ra ou au volant de mes voitures, c’est lĂ  que je commence Ă  vraiment vivre », confesse-t-elle. La camĂ©ra dont elle parle n’est pas seulement celle qui lui sert Ă  rĂ©aliser ses vidĂ©os YouTube : Emelia Hartford est aussi actrice, commentatrice de courses pour la tĂ©lĂ©, et intervient rĂ©guliĂšrement dans des magazines et des podcasts. DerniĂšre corde Ă  son arc, et pas des moindres : son garage automobile, situĂ© prĂšs de Los Angeles : un havre de paix dans lequel elle peut s’adonner sans

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retenue Ă  sa passion des moteurs. « J’ai une carriĂšre de dingue, s’exclame-t-elle. Quand je pense Ă  toutes les personnes incroyables dont j’ai fait la connaissance par ce biais
 » Des rencontres moins heureuses, il y en a eu aussi, des gens convaincus qu’une femme n’a rien Ă  faire au volant d’une grosse cylindrĂ©e. Mais elle a appris Ă  remettre les sexistes Ă  leur place, en toute nonchalance. « Je n’ai rien Ă  prouver, mais s’il le faut, je peux leur montrer ce dont je suis capable », ajoute-t-elle posĂ©ment. Sa vie n’a pas dĂ©marrĂ© comme un long fleuve tranquille : c’est aprĂšs un drame Ă  l’adolescence qu’Emelia a cherchĂ© – et trouvĂ© – refuge dans une communautĂ© qui lui ressemble et qui reste aujourd’hui sa deuxiĂšme famille : celle des « tuneurs », adeptes du tuning, qui consiste Ă  customiser sa voiture pour en amĂ©liorer l’aspect ou les performances. Mais commençons par le commencement. L’amour du risque Emelia Hartford a grandi dans le sud de la Californie – l’un des berceaux de la culture du tuning. Trafiquer sa bagnole pour la rendre plus tape-Ă -l’Ɠil, plus originale, plus puissante : lĂ -bas, c’est plus qu’un hobby, c’est un art de vivre. DĂšs son plus jeune Ăąge, Emelia se passionne pour les voitures : « Elle maniait sa Jeep Barbie comme personne.

Le carburant de la vie Emelia en pleine opĂ©ration Ă  cƓur ouvert dans son garage de Glendale, dans le comtĂ© de Los Angeles.

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La libertĂ© pour elle, c’est le bruit des grosses cylindrĂ©es. THE RED BULLETIN

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MĂȘme son grand-pĂšre, dans sa vraie Jeep, ne se dĂ©brouillait pas aussi bien. C’était impressionnant », se rappelle Cheryl, sa mĂšre. Elle se souvient aussi de tous les moments de frayeur que sa fille lui a fait endurer : les cris d’un voisin venu la prĂ©venir qu’Emelia Ă©tait en train d’escalader un arbre de douze mĂštres. Elle se revoit foncer vers elle, les bras tendus, alors qu’Emelia venait de se dĂ©tacher d’une structure d’escalade en criant « Maman, rattrape-moi ! » – « Il me faudrait un tee-shirt avec l’inscription : “J’ai survĂ©cu Ă  un ouragan : ma fille !” », plaisante-t-elle. L’adolescence se poursuit dans une banlieue idyllique de Los Angeles, mais Emelia ne se dĂ©fait pas de son cĂŽtĂ© tĂȘte brĂ»lĂ©e : entre deux parties de gaming, elle sort avec son scooter, qu’elle s’amuse Ă  percuter violemment contre les trottoirs pour imiter les fous furieux de l’émission Jackass . « Je n’arrivais pas Ă  me fondre dans le moule », rĂ©sume l’intĂ©ressĂ©e. Glen, le pĂšre d’Emelia, est alcoolique et accro aux mĂ©docs – ce qui l’amĂšne Ă  brutaliser rĂ©guliĂšrement sa famille. Un jour,

Emelia voit dĂ©barquer chez elle des agents du FBI : son pĂšre est accusĂ© de fraude et ils sont venus fouiller son domicile. Elle n’a que 15 ans mais sent que quelque chose ne tourne pas rond. « Notre derniĂšre conversation, ce fut le jour oĂč il est parti. J’ai couru vers lui en lui demandant s’il allait revenir. Il m’a rĂ©pondu : “C’est ce que tu veux ?” J’ai acquiescĂ©, et il m’a dit : “Alors je vais revenir.” C’est ce qu’il a fait, le lendemain. » Glen Hartford s’est suicidĂ© peu aprĂšs. Il avait 45 ans. La mort du pĂšre va bouleverser la vie de la famille : alors que sa mĂšre se met en quĂȘte d’un travail, elle et son frĂšre se retrouvent subitement « jetĂ©s en pĂąture aux loups, » comme elle le dĂ©crit. « Tout ce Ă  quoi je pensais Ă  l’époque, c’était partir de cette maison, j’avais besoin de libertĂ©. » La libertĂ©, pour Emelia, avait la forme d’une grosse et belle voiture au moteur assourdissant, sur une route qui se perd Ă  l’horizon. Sans trop savoir vers qui ni quoi se tourner, elle se met Ă  rechercher sur Internet quelle voiture pourrait lui convenir. Elle

Let’s dance! Emelia Hartford fait valser sa Ferrari 458 sur un parking de l’Angeles Crest Highway, en Californie.

Chaque chose à sa place Emelia en train de ranger l’une de ses nombreuses caisses à outils.

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« J’ai survĂ©cu Ă  un ouragan : ma fille, Emelia. » Cheryl, sa mĂšre

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finit par acheter sa premiĂšre « vraie » voiture : une Infiniti G35 millĂ©sime 2005, moteur V6. Bien qu’elle n’ait encore jamais conduit de manuelle, elle se prend d’intĂ©rĂȘt pour ce mode de conduite et parvient trĂšs tĂŽt Ă  en maĂźtriser toutes les ficelles pour faire vrombir et drifter sa jolie caisse. « Je voyais ça comme une forme d’art, et ça me donnait un but dans la vie », dĂ©clare-t-elle. Rencontre dĂ©cisive Pendant qu’Emelia sillonne les canyons de Californie, sa mĂšre essaie de garder la tĂȘte hors de l’eau. Pour elle, une seule solution : quitter la Californie pour l’Indiana, afin de se rapprocher de sa famille. « Ce fut trĂšs dur de quitter tous les amis que nous avions en Californie, se souvient Cheryl. Nous avons

dĂ» tout recommencer depuis le dĂ©but, et ce fut aussi un vrai choc culturel. » Mais ce que Cheryl ne pouvait pas imaginer alors, c’est Ă  quel point ce dĂ©mĂ©nagement transformerait sa fille. L’adolescente de 16 ans se fait trĂšs vite des ami·e·s. Un jour, alors qu’elle traverse la ville au volant de son Infinity, une Crown Victoria s’arrĂȘte Ă  cĂŽtĂ© d’elle. La passagĂšre d’Emelia interpelle le conducteur par la fenĂȘtre : « Vous ne trouvez pas que mon amie a une belle voiture ? » En guise de rĂ©ponse, l’inconnu lui tend un flyer sur lequel sont indiquĂ©s la date et le lieu d’un motorshow. Curieuse, Emelia se rend Ă  la soirĂ©e, qui se tient Ă  minuit sur le toit d’un grand parking – et dĂ©couvre un autre monde : « C’était comme dans un film, comme dans Fast & Furious, raconte-

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Des engrenages plein la tĂȘte
 Emelia est passionnĂ©e de mĂ©canique. t-elle, enthousiaste. C’est ce soir-lĂ  que j’ai rencontrĂ© le BCrew pour la premiĂšre fois. » Le BCrew, ou Bloomington Crew, est une bande de passionné·e·s de tuning qui va vite devenir la deuxiĂšme famille d’Emelia. Au fil des annĂ©es et des week-ends passĂ©s ensemble Ă  bricoler les bagnoles, Emelia apprend les bases d’une passion qui deviendra son mĂ©tier. Ryan Booch Hummel, ancienne figure centrale du BCrew et mentor d’Emelia, est restĂ© l’un de ses plus proches amis. DĂšs le premier contact, Ryan sent que cette fille a la mĂ©canique dans le sang : « Je parie que dans son cerveau, il n’y a que des engrenages et des pistons, et qu’à la place du sang, c’est de l’huile de moteur qui coule dans ses veines, dit-il en plaisantant. Je voulais lui apprendre des trucs de base, comme les contrĂŽles de routine ou la rĂ©paration des freins, mais ce qui l’intĂ©ressait, c’était le bloc moteur et les turbos. » Pour Emelia, le BCrew lui a appris bien davantage que des simples notions de mĂ©canique : « Ces mecs sont devenus comme des grands frĂšres, ils m’ont pris sous leur aile. Au lieu d’aller Ă  des fĂȘtes le week-end, nous nous retrouvions dans le garage pour s’amuser sur les moteurs et les turbos. » L’appel d’Hollywood Emelia n’arrive pourtant pas Ă  oublier LA, et ce rĂȘve qui la travaille depuis l’enfance : devenir actrice. Elle finit par cĂ©der aux sirĂšnes hollywoodiennes, troque son Infinity pour une Nissan 240 SX dans laquelle elle entasse toutes ses affaires, et prend la route de la Californie. Direction : Hollywood, la machine Ă  rĂȘves. Le sien va-t-il se rĂ©aliser ? Sans surprise, les premiĂšres annĂ©es sont dures : entre ses jobs de serveuse, elle fait la tournĂ©e des agences et des castings, prend des cours de thĂ©Ăątre
 Pendant son temps libre, Emelia retrouve son premier amour : la mĂ©canique. Elle bricole, rĂ©pare et customise ses voitures, les collectionne, achĂšte et revend – finalement, elle dĂ©cide

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de poster quelques vidĂ©os de son travail sur Instagram. La marque Michelin l’invite un peu plus tard Ă  participer Ă  un salon de l’automobile Ă  New York : elle y rencontre d’autres influenceur·euse·s qui travaillent dans son domaine, et commence Ă  considĂ©rer plus sĂ©rieusement cette idĂ©e que lui avait lancĂ©e sa mĂšre, un jour : « Et si tu devenais YouTubeuse ? » Sa fille lui avait rĂ©torquĂ© : « Mais qu’est-ce que tu y connais, toi ? » PiquĂ©e au vif, elle dĂ©cide pourtant, une fois rentrĂ©e Ă  Los Angeles, de tenter sa chance et investit une partie de ses Ă©conomies dans du matĂ©riel vidĂ©o. YouTube, me voilĂ  ! Pour son premier essai, Emelia Hartford prĂ©sente sa 240 SX : quelques tours, un passage Ă  la pompe – c’est tout. Le rĂ©sultat ? 500 000 vues ! Elle se prend au jeu et commence Ă  livrer trois vidĂ©os par semaine, dans lesquelles elle prĂ©sente diffĂ©rentes bagnoles. Au fil des vidĂ©os, elle finit par pouvoir vivre de sa chaĂźne et de l’argent de ses sponsors : fini, le job de serveuse.

Tableau de famille Emelia pose fiĂšrement dans son ­garage Ă  Glendale, en Californie. À ses ­cĂŽtĂ©s, au niveau du sol : ses deux Corvettes.

Une Corvette dans la tĂȘte La prochaine grande Ă©tape de sa carriĂšre survient trois ans plus tard avec l’achat de sa premiĂšre voiture haut-de-gamme : une Corvette Stingray C8, le premier modĂšle de Chevrolet Ă  prĂ©senter un moteur en position centrale arriĂšre. PossĂ©dant dĂ©sormais l’un des tout premiers exemplaires sortis sur le marchĂ©, Emelia Hartford a d’abord l’intention de le laisser tel quel. Mais alors qu’elle retourne chez elle au volant de sa nouvelle acquisition, qu’elle est allĂ©e chercher dans le Kentucky, elle a l’idĂ©e de faire une petite pause dans un garage automobile
 et commence Ă  bricoler sur son nouveau bĂ©bĂ©. À peine rentrĂ©e chez elle, Emelia n’a qu’une envie : « On va la tester sur la dragstrip ! » Elle et ses potes constatent alors qu’ils viennent de bricoler ensemble l’une des Corvettes C8 les plus rapides au monde. Mais pour battre dĂ©finitivement le record mondial, il reste encore quelques Ă©tapes – un projet qui tourne vite Ă  l’obsession : « Il n’y avait plus que cette question qui me prĂ©occupait jour et nuit : comment rendre ma Corvette encore plus rapide ? » En fĂ©vrier 2021 – aprĂšs l’ajout d’un bi-turbo et quelques autres modifications – Emelia Hartford est prĂȘte Ă  retenter l’expĂ©rience : aprĂšs quelques essais, elle parvient Ă  atteindre la vitesse de 231,74 km/h – ça y est, le record est Ă©tabli ! DĂšs lors, les partenariats s’enchaĂźnent, Emelia devient mĂȘme commentatrice de courses – Ă©videmment, le nombre de ses followers explose. Son succĂšs dans le monde des grosses bagnoles ne lui fait pourtant pas oublier son rĂȘve de gamine : Hollywood. Mais la popularitĂ© qu’elle rencontre sur les rĂ©seaux sociaux va, cette fois-ci, l’aider Ă  le rĂ©aliser :

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VISUEL PROMOTIONNEL

elle se sert de sa notoriĂ©tĂ© pour dĂ©crocher des rĂŽles dans Un NoĂ«l en Californie : Les LumiĂšres de la ville et That’s Amor, deux productions Netflix qui vont lui ouvrir en grand les portes de la gloire, avec un film sorti l’étĂ© dernier : Gran Turismo.

Vu au cinéma Gran Turismo, bientÎt sur les plateformes de streaming.

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Un casting et un tournage de rĂȘve Le film de Neill Blomkamp – rĂ©alisateur nominĂ© aux Oscars – met en scĂšne Orlando Bloom, David Harbour et Archie Madekwe : Gran Turismo raconte l’histoire vraie du pilote britannique Jann Mardenborough, qui a dĂ©marrĂ© sa carriĂšre en jouant sur Playstation au jeu vidĂ©o Ă©ponyme. Emelia y campe le personnage de Leah Vega, l’une des adversaires de Mardenborough. Le tournage, dit-elle, lui a apportĂ© une sĂ©rĂ©nitĂ©

qu’elle avait rarement connue auparavant – quelques scĂšnes du film ont d’ailleurs Ă©tĂ© tournĂ©es sur le circuit de Spielberg, dĂ©sormais appelĂ© Red Bull Ring, en Autriche. « J’ai l’habitude de ressentir une certaine insatisfaction dans la vie – parce que c’est justement ça qui me pousse Ă  bosser encore plus dur. Mais la paix intĂ©rieure que j’ai Ă©prouvĂ©e pendant le tournage de ce film, je ne l’avais jamais ressentie de ma vie. J’avais rĂ©ussi Ă  dĂ©crocher un rĂŽle dans un grand film, et c’était un film de voitures ! Tout Ă  coup, je n’éprouvais plus le besoin de courir Ă  droite Ă  gauche. » À force d’y aller Ă  fond la caisse, Emelia Hartford a, semble-t-il, appris Ă  prendre le temps de vivre. Instagram : @ms.emelia

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Votre guide pour une vie loin du quotidien V O YA G E R , É C O U T E R , O P T I M I S E R , J O U E R , D É C O U V R I R , S O R T I R Pour trouver notre autrice, cherchez le petit point rouge dans le kayak bleu sur la mer turquoise. À lire sans modĂ©ration !

LARS PETTER JONASSEN

C’EST PARTI ! THE RED BULLETIN

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V O YA G E

AVENTURES EN NORVÈGE Bains glacĂ©s, hors-bord et poisson. Au cƓur de la NorvĂšge, laissez-vous charmer par les Ăźles Lofoten, la vitesse en mer et le confort sur terre. PHOTOS LARS PETTER JONASSEN

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Hors-bord, foil et kayak, Nina ­Kaltenböck s’éclate et se rĂ©gale dans les Lofoten.

La guide du groupe, Ragnhild Pedersen Indresand, originaire de Svolvér, est toujours partante pour l’action et l’aventure.

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lippfisk. Skrei. Wild cod. Trois noms pour dĂ©signer ce hĂ©ros local devenu indissociable de la vie des habitant·e·s des Ăźles ­Lofoten. Plus connu chez nous sous le nom de cabillaud ou de morue, ce poisson est Ă©galement devenu mon pain quotidien Ă  cĂŽtĂ© des autres spĂ©cialitĂ©s dont regorgent les Lofoten, ces quatre-vingt Ăźles norvĂ©giennes situĂ©es au nord du cercle polaire. Moi, c’est Nina. RĂ©dactrice pour The Red Bulletin, je vais me lancer dans un concentrĂ© d’action de six jours avec au programme kayak, excursion en bateau Ă  moteur dans un fjord, sortie de pĂȘche en mer du Nord et mĂ©lange trĂšs spĂ©cial de surf et de vol. Ma guide ? Ragnhild Pedersen ­Indresand, 26 ans, originaire de SvolvĂŠr, une petite bourgade de pĂȘcheurs coincĂ©e entre mer et montagnes. Une Mac Gyver au fĂ©minin qui dispose d’un plan B, C ou D pour l’escalade, le kayak et le surf. Aujourd’hui, elle et son fiancĂ© Laurids nous accompagnent sur un bateau pneumatique semi-rigide Ă  une ­vitesse de 40 nƓuds (environ 75 km/h). Nous progressons le long des fjords jusqu’au Trollfjord, impressionnant bras de mer de deux kilo-

mĂštres, situĂ© dans le dĂ©troit de Raftsund dont la largeur n’excĂšde pas la centaine de mĂštres Ă  cet endroit-lĂ . Notre petit groupe se compose de voyageurs et voyageuses solitaires aguerri·e·s par le froid : Cameron, du Colorado, Marit, de NorvĂšge, un intrĂ©pide baroudeur allemand, Thomas, et moi-mĂȘme. Au-dessus de nos tĂȘtes, mouettes et aigles de mer se disputent quelques

AmitiĂ©s sans frontiĂšres : l’AmĂ©ricain Cameron (Ă  gauche) et l’Allemand Thomas m’accompagnent pour un tour en hors-bord de SvolvĂŠr au Trollfjord.

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SvolvĂŠr LOFOTEN

NorvĂšge Oslo

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QUAND PARTIR ?

poissons. Les embruns de la mer du Nord nous assaillent de tous cĂŽtĂ©s, et une personne dans mon dos hurle de joie, grisĂ©e par cette chevauchĂ©e sauvage. Quand les secousses se font trop fortes, il faut quitter son siĂšge pour s’agripper aux poignĂ©es du bateau et mĂ©nager sa colonne vertĂ©brale. Et mĂȘme si l’ñpre beautĂ© du paysage nous laisse bouchebĂ©e, mieux vaut fermer son clapet pour Ă©viter une bonne rasade d’eau de mer. AprĂšs cette montĂ©e d’adrĂ©naline, nous retournons dans notre hĂ©bergement de SkĂ„rungen dans le village de Kabelvag. Je commence Ă  comprendre le sens d’hyggelig : ce mot d’origine danoise et norvĂ©gienne dĂ©signe tout ce qui est confortable, douillet, apaisant, rĂ©confortant et traduit parfaitement nos conditions paradisiaques. Sous la chaleur d’un feu crĂ©pitant, nous dĂ©gustons une soupe de moules aux artichauts, de la morue, obligatoire, tout en planifiant notre prochaine journĂ©e. PDG de NorrĂžna

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Un dĂ©cor de carte postale nous attend Ă  HenningsvĂŠr, village de pĂȘcheurs de 500 Ăąmes.

À chaque saison son charme En hiver, entre octobre et avril, les aurores borĂ©ales illuminent le ciel. Les Ăźles Lofoten promettent un spectacle inoubliable.

­ vitserk ­Adventure, Marit H ­Vidnes, la NorvĂ©gienne du groupe, m’accompagnera pour une ­intense sĂ©ance de sauna dans un cube vitrĂ© au milieu des montagnes enneigĂ©es, avant de nous dĂ©tendre dans un ­jacuzzi. Je lui demande comment sont les gens du pays. « Ils sont rĂ©servĂ©s, un peu distants de prime abord, et ne se mettent jamais en avant. C’est pour ainsi dire une loi tacite. » Je confirme : ici, on ne se vante pas de sa rĂ©ussite sociale (la NorvĂšge fait partie des cinq pays les plus riches au monde), de ses exploits sportifs ou de son intelligence. ­Marit est bientĂŽt prĂȘte pour un polar plunge, un saut en bikini dans la mer du Nord Ă  six degrĂ©s. Je l’imite et me sens complĂštement rĂ©veillĂ©e ! AprĂšs une excursion dans le village de pĂȘcheurs de HenningsvĂŠr pour refaire le plein de morue sĂ©chĂ©e et une introduction Ă  la pĂȘche au Skrei dans les Lofoten (on ne voudrait pas manquer de morue !), nous rejoignons Ballstad, autre village de pĂȘcheurs

de 832 habitant·e·s. Nous ­prenons nos quartiers dans la ­magnifique Hattvika Lodge puis je me prĂ©pare Ă  une sortie en kayak. PassionnĂ©e des activitĂ©s en plein air, Raga (pour Ragnhild) m’en enseigne les bases. « Serre bien les jambes et dĂ©tends-toi au niveau des hanches. La force vient de la rotation du torse, pas des bras », m’explique-t-elle avant de disparaĂźtre sur ses skis avec une partie du groupe dans son sillage. En hĂŽte chaleureux,

ARRIVÉE Le voyage en vaut la peine On rejoint SvolvĂŠr ou ­Ballstad sur les Ăźles Lofoten via les aĂ©roports d’Oslo et BodĂž. De lĂ , il suffit de louer un vĂ©hicule. On peut Ă©galement parcourir les ­Lofoten entiĂšrement par voie terrestre. Bon Ă  savoir NorrĂžna Hvitserk Adventure est une agence de voyages qui propose des expĂ©ditions et des sĂ©jours en NorvĂšge. L’annĂ©e derniĂšre, elle s’est associĂ©e Ă  NorrĂžna, une marque spĂ©cialisĂ©e dans le sport de plein air. IdĂ©al pour vous ­accompagner dans le pays le plus Ă©tendu d’Europe. Mon ­sĂ©jour ­s’intitulait ­Winter ­Adventure in Lofoten, adventure.norrona.com

Nous filons à 40 nƓuds le long des fjords de la mer du Nord à bord d’un bateau pneumatique.

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V O YA G E

Aux Lofoten, la saison de pĂȘche a lieu entre janvier et avril. La morue, ou « Skrei », est ensuite sĂ©chĂ©e sur d’immenses Ă©chafaudages en bois. À droite : Kevin ­Karlsson fait le bonheur de nos papilles au Fangst (Ballstad). En bas : Kristian BĂže, mon guide de kayak, me fait dĂ©couvrir le versant maritime des Lofoten.

LOFOTEN DE LUXE

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dĂ©jĂ  essayĂ© aux Lofoten. ­PlongĂ©e en eaux froides, vol sur les eaux, surf Ă  gogo, j’ai tout vĂ©cu 
 mais n’ai ­malheureusement pas pu ­admirer les aurores borĂ©ales. Conclusion : il faudra que je revienne trĂšs vite. RĂ©server : adventure.norrona.com S’équiper : norrona.com

Fangst Restaurant gastronomique attenant Ă  la Hattvika Lodge avec vue sur le petit port de Ballstad. Les gourmets n’auront que l’embarras du choix, du Tataki de baleine au Skrei en passant par le renne. Cuisine rĂ©gionale de saison. hattvikalodge.no SkĂ„rungen Cabines douillettes au bord de l’eau, chalets ou glamping : pour la cuisine et ­l’hĂ©bergement, Tilla et son Ă©quipe sont aux petits soins pour leurs client·e·s. Point d’orgue du petit-dĂ©j : le fromage brun (Brunost) accompagnĂ© d’une confiture pommes et myrtilles. skaarungen.no

Imperturbable, Roland Hummer m’initie aux joies de l’e-foil.

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NINA KALTENBÖCK

pĂ©e d’un hydrofoil Ă  moteur. Roland me propose une petite introduction : je n’avais jamais pratiquĂ© un sport nautique aussi marrant et excitant. Un vrai coup d’adrĂ©naline. J’en redemande ! Mais mieux vaut le louer, un e-foil coĂ»te en ­effet 15 000 euros. Au cours des dix-huit derniers mois, prĂšs de 300 touristes l’ont

LARS PETTER JONASSEN, ROLAND HUMMER/@MY_EFOIL

Kristian BĂže, le propriĂ©taire de la Hattvika Lodge, m’accompagne pour une paisible traversĂ©e en kayak avec trois habituĂ©s
 jusqu’à un passage plus Ă©troit que prĂ©vu oĂč l’avant de mon kayak heurte un rocher de plein fouet. Bam ! Cameron et sa GoPro filme la scĂšne et les commentaires des tĂ©moins : “Now you have to buy the boat!” Ça va me coĂ»ter cher
 J’essaie de calculer : si une petite biĂšre coĂ»te dix euros ici, combien vaut un kayak tout neuf. 50 biĂšres, 70
 ? Je suis interrompue dans mes laborieux calculs par un Ă©nergumĂšne filant Ă  plus de 50 km/h sur les eaux : ­Roland Hummer, originaire d’Autriche comme moi. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore l’e-foil, ou surf Ă©lectrique : on dirait un homme du futur survolant les eaux sur une planche de surf Ă©qui-

Hattvika Lodge Seize cabanes de pĂȘcheurs datant des annĂ©es 1870 entiĂšrement rĂ©novĂ©es, ­logements sur les collines, villa spacieuse Ă©quipĂ©e de tout le confort, immenses baies vitrĂ©es pour admirer les spectaculaires aurores ­borĂ©ales. Saunas et bains Ă  remous inclus.



ÉCOUTER

« PHIL COLLINS A ÉTÉ MA PREMIÈRE IDOLE » Purple Disco Machine, DJ et laurĂ©at d’un Grammy, parle des chansons qui l’ont influencĂ©, lui et son son.

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ua Lipa, Lady Gaga, Elton John : lorsque de telles stars dĂ©sirent un r­ emix de l’une de leurs chansons, elles appellent Tino Piontek, 42 ans, Ă  Dresde (Allemagne). Piontek, alias Purple Disco Machine, a accĂ©dĂ© Ă  la renommĂ©e internationale avec ses propres chansons. Son album Exotica, sorti en 2021, a Ă©tĂ© streamĂ© des centaines de millions de fois. Ce succĂšs fut prĂ©cĂ©dĂ© par les dĂ©couvertes de son pĂšre de pĂ©pites sur vinyles et cassettes ­audio au marchĂ© noir en ex-RDA. La musique de Piontek est influencĂ©e par des artistes comme Prince et les Daft Punk, par des courants comme la French touch et l’Italo disco, et surtout, elle met de bonne humeur. Piontek a remportĂ© un Grammy pour son remix du titre de Lizzo About Damn Time. Voici les chansons qui comptent le plus pour lui.

Daft Punk

« Phil Collins a Ă©tĂ© ma toute premiĂšre idole. Je l’ai dĂ©couvert grĂące Ă  mes parents au milieu des annĂ©es 1980, vers l’ñge de six ou sept ans, et j’écoutais cette chanson en boucle. La maniĂšre dont elle est produite est trĂšs atypique pour l’époque. Elle n’a pas vraiment de refrain et ce n’est pas une chanson pop classique. Elle est diffĂ©rente, quoi. Et le solo de batterie est bien sĂ»r lĂ©gendaire. »

« J’avais 16 ans quand l’album Homework de Daft Punk est sorti. Nous faisions alors des fĂȘtes au sous-sol de mon Ă©cole et je vendais des boissons au bar. L’album est passĂ© trois fois de suite en une soirĂ©e. Around the World Ă©tait une chanson en avance sur son temps. C’était complĂštement nouveau. Et pour la premiĂšre fois, j’ai su que c’était exactement la musique que je voulais faire moi-mĂȘme. »

IN THE AIR TONIGHT (1981)

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AROUND THE WORLD (1997)

Fatboy Slim

Metronomy

« À l’époque, Fatboy Slim Ă©tait le nec plus ultra en matiĂšre de sampling. Praise You, pour moi, est toujours sortie du lot parce qu’elle est totalement atypique. Le riff de piano, la ligne vocale, qui est si accrocheuse et constamment mise en loop, avec des breakbeats. En plus, la chanson est si ­positive, si joyeuse. Il y a cinq ans, j’ai pu produire un remix pour ce titre. C’était un grand honneur. »

« Quand la chanson est sortie, je venais de rencontrer ma femme. Nous l’avons entendue lors de notre premier ­festival, et depuis, elle nous accompagne. C’est une chanson trĂšs funky, trĂšs disco, et si lĂ©gĂšre que le sourire nous vient tout de suite. On l’a fait jouer Ă  notre mariage, mais elle convient encore mieux quand on traverse une crise. Elle nous ramĂšne alors aux bons moments. »

PRAISE YOU (1998)

THE BAY (2011)

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JOHANNES MITTERER

Phil Collins

FIONA GARDEN

Purple Disco Machine sera en concert le 11 novembre 2023 Ă  Innsbruck en Autriche (Congress). Infos: purplediscomachine.com


OPTIMISER

MĂȘme si ça peut sembler farfelu, on peut Ă©vacuer la peur en se ­secouant.

SECOUEZVOUS ! Se dĂ©barrasser de la peur rien qu’en se secouant ? P-p-possible
 comme l’explique le biohackeur Andreas Breitfeld.

PERSONNELLE

ANDREAS BREITFELD

BRATISLAV MILENKOVIĆ

U

n biohackeur n’est Ă©videmment pas inĂ©branlable. Il nous arrive, Ă  nous aussi, d’avoir des frayeurs, de ne pas pouvoir Ă©vacuer le stress et l’agitation de notre systĂšme. Mais nous avons une astuce pour gĂ©rer de telles situations. Une astuce empruntĂ©e aux grands documentaires sur la nature. Nous faisons en fait comme la gazelle qui vient d’échapper au lion et nous nous secouons vigoureusement, tout le corps, les bras et les jambes, pendant une, voire deux minutes. (Contrairement Ă  la gazelle, nous le faisons loin des regards, par Ă©gard pour notre rĂ©putation. Du reste, si on le fait correctement, cela a l’air tout simplement idiot.) Mais pourquoi les animaux ont-ils adoptĂ© ce comportement ? C’est d’abord une rĂ©action naturelle Ă  un Ă©vĂ©nement traumatisant ou extrĂȘmement stressant qui ­ramĂšne au corps son Ă©quilibre, tant sur le plan hormonal que physique : les Ă©nergies

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SE SECOUER D’ABORD, SE CALMER ENSUITE

Deux minutes de secousses, et voilĂ  ce qui se passe : le taux d’hormones de stress, cortisol et adrĂ©naline, chute, le systĂšme ­nerveux est secouĂ© pour passer du mode combat-fuite (qui Ă©tait nĂ©cessaire pour pouvoir fuir le lion) au mode repos et digestion.

excĂ©dentaires sont Ă©vacuĂ©es du systĂšme, les hormones de stress que sont le cortisol et l’adrĂ©naline chutent. Dans ce mode, les processus de guĂ©rison physique sont d’ailleurs Ă©galement dĂ©clenchĂ©s. ParticuliĂšrement utile si le lion a malgrĂ© tout dĂ©vorĂ© un petit bout de la gazelle en fuite. Bon. Alors, pourquoi nous, les pros du biohacking, nous secouons-nous ? En fait, pour exactement les mĂȘmes raisons. La science a en effet dĂ©couvert que cette « secousse induite par le stress » – c’est la description technique – a le mĂȘme effet chez l’humain que chez l’animal. Il n’est mĂȘme pas nĂ©cessaire d’avoir littĂ©ralement couru pour sauver sa vie : un mail dĂ©sagrĂ©able d’un client ou une Ă©valuation nĂ©gative d’un podcast provoquent suffisamment de stress pour me faire passer rapidement en mode « secousse ».

Andreas Breitfeld est le biohackeur le plus connu d’Allemagne. Il fait de la recherche dans son laboratoire spĂ©cial Ă  Munich. Le biohacking englobe, pour simplifier, tout ce que les gens peuvent faire de maniĂšre autonome pour amĂ©liorer leur santĂ©, leur qualitĂ© de vie et leur longĂ©vitĂ©.

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JOUER

en 1991, des petits malins ­dĂ©couvrent que les images d’animation de c­ ertaines ­actions se chargent plus vite quand elles se suivent dans un ordre donnĂ©. Ils s’empressent donc d’exploiter la faille.

Vos jeux vidĂ©o prĂ©fĂ©rĂ©s sont peut-ĂȘtre le fruit de gaffes.

L

ors de sa sortie sur ­Nintendo Switch en mai dernier, The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom (en photo) a Ă©tĂ© acclamĂ© par la critique. Une nouvelle capacitĂ© a particuliĂšrement plu aux fans de la sĂ©rie Zelda (dont le premier opus date de 1986) : le pouvoir d’ascension, qui permet aux joueur·euse·s de se dĂ©placer vers le haut, mĂȘme Ă  travers des structures, pour explorer plus facilement de nouveaux secteurs. Mais cette fonctionnali­ tĂ© n’était pas prĂ©vue initiale­ ment. Au cours des annĂ©es de production, les dĂ©veloppeurs de Tears of the Kingdom ont intĂ©grĂ© un mode de dĂ©bogage permettant aux program­ meurs de se dĂ©placer plus vite dans cet open world lors de leurs tests. Ils Ă©taient telle­ ment emballĂ©s qu’ils ont

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­ Ă©cidĂ© d’en faire profiter le d public. Un saut Ă©volutif propre Ă  l’histoire mĂȘme du jeu vi­ dĂ©o : facultĂ©s dĂ©couvertes par les joueur·euse·s, anomalies involontaires dues au code et mĂȘme Ă©normes bĂ©vues. Jack Yarwood, chroniqueur pour Time Extension, site internet de jeux vidĂ©o rĂ©tro et clas­ siques, revient sur quelques Ă©volutions accidentelles deve­ nues si essentielles aux jeux vidĂ©o qu’on peine Ă  croire qu’elles n’étaient pas inten­ tionnelles. RĂ©action en chaĂźne Les combos, sĂ©ries d’attaques fulgurantes que l’adversaire ne peut pas contrer, sont ­caractĂ©ristiques des jeux de combat modernes. Pourtant, on doit leur origine Ă  un bug de conception : lors de la sortie de Street ­Fighter II

MaĂźtre du jeu. L’auteur anglais Jack Yarwood Ă©crit ­rĂ©guliĂšrement pour Time Extension, un portail spĂ©cialisĂ© en jeux rĂ©tro.

Bagnoles futĂ©es Need for Speed est une sĂ©rie de jeux de voitures cĂ©lĂšbre pour ses courses-poursuites effrĂ©nĂ©es avec les forces de l’ordre. Surprise, celles-ci sont nĂ©es d’une erreur de ­programmation. « Lors de la crĂ©ation de Need for Speed II en 1997, un producteur s’est retrouvĂ© entourĂ© d’ennemis qui attaquaient sa Lamborghi­ ni, explique Jack Yarwood. Quand le bug a Ă©tĂ© signalĂ©, on s’est aperçu que le responsable de l’intelligence artificielle avait dĂ©fini des paramĂštres d’agressivitĂ© incorrects pour les voitures. » L’équipe Ă©tait tellement emballĂ©e qu’elle en a fait un cheat Ă  dĂ©bloquer et c’est devenu l’élĂ©ment phare de Need for Speed III: Hot ­Pursuit l’annĂ©e suivante ! The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom, sur Nintendo Switch ; nintendo.com

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TOM GUISE

CES ERREURS QUI FONT NOTRE BONHEUR

Ascenseur Ă©clair Outil indispensable aux pros des combats Ă  mort et autres speedrunners cherchant Ă  terminer un niveau le plus vite possible, la technique du lance-roquettes pour se propulser en l’air est popu­ larisĂ©e en 1996 dans Quake. « Tim Willits (un des crĂ©ateurs du jeu, ndlr) ­assure que c’est le fruit du hasard, raconte Yarwood, mĂȘme s’il y avait dĂ©jĂ  un moment dans Doom (1993, ndlr), oĂč il fallait tirer sur un mur pour ĂȘtre repoussĂ© vers une sortie secrĂšte. Étour­ derie ou rĂ©elle dĂ©couverte ? »

NINTENDO

Dans le jeu The ­Legend of Zelda: Tears of the ­Kingdom, les joueur·euse·s sont capables de percer les plafonds.


Donnez des ailes Ă  votre carriĂšre

Fernanda Maciel, Ultra Runner

« Ma plus grande qualité: mon intuition. » Découvre tes véritables points forts et apprends à les développer à travers un coaching ciblé.

redbull.com/wingfinder


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LÀ OÙ LES BATEAUX APPRENNENT À VOLER

­ ujourd’hui, c’est la nouvelle A base Alinghi Red Bull R ­ acing. L’équipe suisse Ă©tait dĂ©jĂ  sur place : « Nous avons eu la chance de trouver des bĂątiments Ă  louer pour une base temporaire. Nous avons pu installer les membres de l’équipe et leurs familles Ă  ­Barcelone avant de terminer la construction de la base ­actuelle », explique Silvio

Atelier de rĂ©flexion de la Coupe de l’America : La base Alinghi Red Bull Racing Ă  Barcelone a ouvert ses portes avec style.

I

ci, on soulĂšve des poids, on rĂ©pare des voiles, on teste l’accastillage et on Ă©tudie les conditions mĂ©tĂ©orologiques. Bien entendu, cela ne se fait pas sans haute technologie, y compris celle de la F1. La nouvelle base de l’équipe Alinghi Red Bull Racing rayonne au milieu du Port Vell de Barcelone, oĂč se dĂ©roulera la 37e America’s Cup en 2024. En septembre, le public a Ă©tĂ© invitĂ© Ă  se faire une idĂ©e de la base. L’évĂ©nement a Ă©tĂ© fĂȘtĂ© comme il se doit avec des cascades spectaculaires de cliff-diving, de la musique et un spec-

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« Les bateaux sont trĂšs ­exigeants et doivent ĂȘtre ­entretenus au quotidien. » Silvio Arrivabene, co-directeur gĂ©nĂ©ral

tacle de BMX. Les deux bĂątiments abritent entre autres des ateliers, des bureaux, la ­direction, une salle d’entraĂźnement et un espace de restauration chic sur une surface totale de 4 600 mÂČ. Silvio Arrivabene, co-directeur gĂ©nĂ©ral, nous fait visiter les lieux. La base Entre le centre commercial Maremagnum et l’Aquarium, sur le port de Barcelone, on trouvait autrefois un cinĂ©ma qui n’attirait pas les foules. On envisageait sa destruction depuis longtemps.

Le hangar : cette partie de la base de Barcelone accueille les bateaux pour la nuit.

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MIHAI STETCU/ALINGHI RED BULL RACING, MITJA KOBAL/ALINGHI RED BULL RACING, SAMO VIDIC/ALINGHI RED BULL RACING

Les plongeuses de haut vol ­Celia FernĂĄndez (­Espagne) et Rhiannan ­Iffland (Australie) sautent de l’AC75 soulevĂ© lors de l’inauguration de la base Alinghi Red Bull Racing Ă  Barcelone, ­Espagne.


Silvio Arrivabene est architecte naval de formation et dirige les opĂ©rations techniques et sportives chez Alinghi Red Bull Racing autour du ­bateau. La nouvelle base d’Alinghi Red Bull Racing brille dans le port de Barcelone.

­ rrivabene. Les travaux ont A avancĂ© rapidement : commencĂ©s en avril 2023, terminĂ©s au mois de juillet suivant. Le hangar C’est la rĂ©sidence principale de l’AC75 et des deux AC40, puisque les voiliers ne passe pas la nuit sur l’eau. « Ces bateaux sont trĂšs exigeants et nĂ©cessitent un entretien quotidien, nous informe Arrivabene. Les jours de navigation, nous sortons le bateau du hangar le matin, Ă  l’aide d’un chariot, avant de mettre le mĂąt, puis le bateau est hissĂ© Ă  l’aide d’une grue dans l’eau. AprĂšs l’entraĂźnement sur l’eau, c’est exactement la mĂȘme opĂ©ration en sens inverse. » À quelle frĂ©quence ont lieu les sorties en mer ? Le plus souvent possible. Mais cela dĂ©pend aussi de la mĂ©tĂ©o et du programme des tests, sans oublier le temps consacrĂ© Ă  l’entretien du ­bateau. « Certaines semaines, on peut sortir deux jours,

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La voilerie de la base : c’est ici que les voiles sont rĂ©parĂ©es et modifiĂ©es.

­ arfois quatre. » À l’intĂ©rieur, p les containers oĂč sont installĂ©s les diffĂ©rents ateliers sont disposĂ©s de telle sorte que tout converge vers le centre du hangar – ce qui permet Ă  toutes les personnes prĂ©sentes d’accĂ©der facilement au bateau pour le rĂ©parer ou l’amĂ©liorer : Ă©lectriciens, ingĂ©nieurs hydrauliques, chefs monteurs, armateurs – tout le monde s’active Ă  prĂ©parer le bateau pour la sortie suivante.

La voilerie Juste à cÎté du hangar se trouve la section voile de la base : une salle immense entiÚrement consacrée aux voiles. Celles-ci dominent littéralement les gens qui y sont employés : les postes de travail des artisans voiliers sont en ­effet creusés dans le plancher de sorte que leurs machines à coudre dépassent à peine du sol. Et ce afin de pouvoir ­travailler plus facilement sur

les gigantesques voiles du ­bateau, d’une superficie de 28×7 m. « C’est ici qu’on ­fabrique les nouvelles voiles, qu’on rĂ©pare ou qu’on modifie les anciennes », explique Arrivabene. Il n’est pas rare de ­devoir faire une rĂ©paration la nuit. « On peut aussi dĂ©cider de changer ou d’adapter la forme de la voile. » Exactement comme lorsqu’on fait des retouches sur un vĂȘtement aprĂšs un premier essayage. « Auparavant, les voiles Ă©taient constituĂ©es de panneaux tissĂ©s puis cousus ensemble. » Ce qui n’est plus le cas dans le monde de la rĂ©gate : la voile est ­dĂ©sormais une gigantesque membrane en fibre de carbone et autres matĂ©riaux. « Nous la taillons Ă  la forme souhaitĂ©e, avant de travailler sur les ­dĂ©tails de la confection. » La salle de gym Avoir ses propres salles de sport sur la base ? Arrivabene le concĂšde : « C’est quand mĂȘme du luxe », car on n’a

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DÉCOUVRIR

LES BASES DE LA BASE

pas toujours assez de place. Mais il ne s’agit pas de salles de fitness classiques : « Tout tourne autour du renforcement musculaire. » On y trouve des rameurs, des poids et des v­ Ă©los (cycloergomĂštres), identiques Ă  ceux du ­bateau pour lui donner de la puissance. Les membres de l’équipe y passent jusqu’à sept heures par jour, quand ils ne sont pas sur l’eau, notamment ceux du Power Group, les montagnes de muscles Ă  bord du bateau. Juste Ă  cĂŽtĂ©, on trouve la cantine. Le fait que la salle d’entraĂźnement se situe juste au-dessus de la grande salle des bureaux a deux avantages : on y jouit de la superbe vue sur le port, et cela permet une communication optimale avec le reste de l’équipe. Le simulateur Un autre composant essentiel de la prĂ©paration des athlĂštes Ă  la compĂ©tition, c’est le simulateur. « Il s’agit d’une des nouveautĂ©s les plus rĂ©centes de la Coupe de l’America, ­apparue durant les deux ou trois Ă©ditions prĂ©cĂ©dentes », explique Arrivabene, en

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« Le simulateur est au cƓur de notre prĂ©paration : nous ­utilisons notre savoir-­faire issu de la F1. »

­ joutant que cet engin est a ­notamment utilisĂ© les jours oĂč l’on ne peut pas naviguer. L’équipe profite alors de l’expĂ©rience et des Ă©volutions techniques des simulateurs de Formule 1 qui ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s par Red Bull Racing. On peut ainsi choisir une trajectoire de course en opposant plusieurs Ă©quipes, ou bien s’entraĂźner individuellement dans des conditions ­mĂ©tĂ©o prĂ©-dĂ©finies, ou encore tester des composants du ­bateau, comme un nouveau safran ou des nouveaux foils.

Silvio Arrivabene

La grue Elle pĂšse 7 tonnes, fait 40 mĂštres de haut, et est dotĂ©e d’un bras de 24 mĂštres qui met les bateaux Ă  l’eau avant chaque entraĂźnement et les ramĂšne sur terre ­ensuite. L’énergie solaire La base est Ă©quipĂ©e de 96 panneaux solaires. Ceux-ci fournissent environ 30 % des besoins en ­énergie de l’ensemble de la base. Eau propre Une installation traite l’eau de mer et couvre 100 % des besoins en eau de la base.

Vue depuis l’eau de la base d’Alinghi Red Bull Racing avec une esplanade, un atelier et des bureaux sur 2 300 mÂČ.

Du 29 nov. au 2 dĂ©c., la deuxiĂšme rĂ©gate prĂ©liminaire pour la 37e America’s Cup aura lieu Ă  Djidda, en Arabie Saoudite. Toutes les prĂ©-rĂ©gates seront retransmises par Red Bull TV.

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SAMO VIDIC/ALINGHI RED BULL RACING, MITJA KOBAL/ALINGHI RED BULL RACING

Le Champion du monde de F1 Max Verstappen s’essaie au simulateur de voile.

Le site La nouvelle Alinghi Red Bull Racing Base est composĂ©e de deux bĂątiments sur une surface de 2300 mĂštres carrĂ©s. À cela s’ajoute l’avant-cour de 1600 mĂštres carrĂ©s.


SORTIR

AUTOMNE RADIEUX Du son, de la vitesse et de la hauteur : les événements à ne pas manquer.

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AU 3 DÉCEMBRE

ARMON RUETZ/RED BULL CONTENT POOL, GETTY IMAGES, GOLD & GOOSE/RED BULL CONTENT POOL

ANNA MAYUMI KERBER

DESIGNSCHENKEN

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Enfin libres : T-Ronimo et Geo ­Cadiias aprÚs leur victoire lors du Red Bull UnEverse 2022.

Le festival de design haut en couleur dans la zone industrielle de Lucerne invite Ă  dĂ©nicher des cadeaux de NoĂ«l extraordinaires et ingĂ©nieux. Dans la filature de la ville d’EmmenbrĂŒcke, cent exposant·e·s prĂ©sentent leurs produits et projets. On peut s’attendre Ă  y trouver des fabricant·e·s suisses de bijoux, de mode, de meubles, d’accessoires pour la maison, de jeux et de dĂ©coration. C’est l’occasion de cĂ©lĂ©brer la crĂ©ativitĂ© suisse avant NoĂ«l. designschenken.ch

18 NOVEMBRE

RAP CITY

À l’occasion de sa cinquiĂšme Ă©dition, des stars internationales et des talents suisses se produiront au Hallen­ stadion de Zurich. Les tĂȘtes d’affiche seront Sido et la star amĂ©ricaine Sheck Wes. Les co-hĂŽtes Haftbefehl, reezy, BadmĂłmzjay & Yung Hurn. Xen, Luuk, Gigi, Rapide x Alawi, Lexi et xthedoc assureront la puissance suisse sur scĂšne. rapcity.ch

DÉCEMBRE

RED BULL UNEVERSE Red Bull UnEverse, le premier Ă©vĂ©nement de jeu cinĂ©matographique et narratif au monde, est de retour ! AprĂšs leur dĂ©faite de l’an dernier, les Enforcers ont jurĂ© de se venger. Six joueur·euse·s ­qualifié·e·s de Suisse pourront-ils vaincre les Enforcers dans six jeux inattendus et nous sauver ? Aussi, le public parviendra-t-il Ă  faire basculer le cours du jeu en faveur de nos dĂ©fenseur·euse·s ? En direct sur Twitch ou sur place dans le Red Bull Gaming World, au MusĂ©e suisse des transports, Ă  Lucerne. Toutes les infos sur Red Bull UnEverse ici !

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BadmĂłmzjay en live.

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NOVEMBRE AU 10 DÉCEMBRE

RED BULL KING OF THE AIR

Cette annĂ©e, le Red Bull King of the Air se dĂ©roulera pour la onziĂšme fois au Cap, en Afrique du Sud. Dix-huit des meilleur·e·s kitesurfeur· euse·s au monde se retrouvent sur la plage de Kite Beach pour rĂ©aliser des figures lors du Big Air. Les athlĂštes seront jugĂ©s sur la hauteur de leurs sauts, la diversitĂ© de leurs tricks et leur style. Un vent du sud-est estival et un surf de l’ouest, que demander de plus ? En direct sur redbull.com

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ET 26 NOVEMBRE

MOTOGP KATAR & VALENCIA Les deux derniĂšres dates du calendrier MotoGP : le 19 nov., sur le circuit de Losail au Qatar, de nuit et sous les projecteurs. Le 26 nov., la finale du championnat du monde aura lieu Ă  Valence, en Espagne. Ce sera la premiĂšre course sur le circuit Ricardo Tormo, long de 4 005 km, depuis les travaux d’asphaltage effectuĂ©s pendant l’étĂ©. redbull.com

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M E N T I O N S L ÉGA L ES

The Red Bulletin Autour du monde

Directeur de la publication Andreas Kornhofer RĂ©dacteur en chef Andreas Rottenschlager

THE RED BULLETIN Suisse, ISSN 2308-5886

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Directeurs généraux Dietmar Otti, Christopher Reindl, Marcus Weber

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