Les Commerces

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Dossier Les commerces / Éditorial / Sévak Sarkissian / 303

Éditorial __

Sévak Sarkissian Automne 2021 à Paris. Une grande enseigne française ouvre un premier magasin1 où il n’est plus nécessaire ni de scanner ses achats en rayon, ni de les passer en caisse. Science-fiction ? Plutôt une expérimentation. Petit, le local est équipé de capteurs et de caméras qui enregistrent, anonymement, tous les mouvements du client. Connectées, les étagères communiquent en temps réel l’évolution du nombre d’articles en rayon. « Dix secondes pour faire ses courses, pas plus pour les payer. » Cette promesse répond à la rapidité, voire à l’immédiateté, qu’attend une clientèle de plus en plus exigeante… et impatiente. Prudente, la direction confirme aux visiteurs la présence de personnel – néanmoins peu visible – pour veiller au réassort et à la tenue du magasin. Au même moment, en Seine-et-Marne, un groupe américain inaugure son deuxième point de vente2. Uniquement accessible à des adhérents, ce vaste entrepôt propose des articles très différents, vendus en gros. Si ce concept est très répandu aux États-Unis, son succès semble moins rapide en France. Ces deux exemples suffisent à montrer la grande diversité des lieux de commerce et leur constante évolution. Cette activité essentielle, qu’il s’agisse des courses du quotidien ou de dépenses plus exceptionnelles, évolue en effet de plus en plus rapidement. De l’échoppe au centre commercial, le commerce prend des formes très variées, qui accompagnent les changements de la société. Certains pôles ont tellement enflé qu’ils attirent les visiteurs au-delà des limites régionales, avec des enseignes « exclusives3 » et une communication offensive : dans les Pays de la Loire, le fleuve royal et la proximité vivifiante de l’océan sont mis à contribution. Les échanges marchands ont développé et façonné les relations entre les territoires, modelé les espaces urbains, influencé l’architecture. Comme l’explique Vincent Chabault, il faut sans doute retenir la complémentarité des types de commerces plutôt que leur opposition et leur concurrence. Parfois menacés, les formats traditionnels, comme le marché de produits frais ou la boutique, ont encore le vent en poupe : la vitalité et la diversité de ces commerces jouent un rôle essentiel dans l’ambiance générale d’une ville. Des enseignes disparaissent, d’autres se créent, comme apparaissent aussi de nouvelles façons d’acheter, liées au développement récent d’Internet et à la pandémie. Elles ne vont pas sans soulever des interrogations en lien avec des enjeux environnementaux qui vont de pair avec la consommation de masse. Le commerce est potentiellement partout et accessible à tout moment, grâce aux outils connectés, mais parallèlement, dans certains territoires, comme les communes les plus petites et les quartiers populaires, les commerces physiques, pourtant indispensables aux habitants, se raréfient ou disparaissent. Le commerce exprime les paradoxes d’une société tiraillée entre le désir de consommer et la nécessité de pondérer cette frénésie – et ses corollaires, le gaspillage et la multiplication des déchets – en réemployant, recyclant, donnant... L’entraide et la récupération proposent de nouvelles modalités. Avec sensibilité et attention, l’humain reprend ainsi toute sa place au cœur d’échanges qui ne sont plus nécessairement d’ordre pécuniaire.

___ 1. Carrefour Flash, avenue Parmentier. ___ 2. Costco wholesale à Pontault-Combault. ___ 3. Par exemple, les enseignes ayant préféré la périphérie à une implantation dans le centre-ville de Nantes.

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