La confluence Maine-Loire

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PAYS DE LA LOIRE

LA CONFLUENCE MAINE-LOIRE T E R R I TO I R E D E V I L L É G I AT U R E


UN TERRITOIRE DE VILLÉGIATURE 8

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Territoire emblématique du département de Maine-et-Loire, auquel il a donné son nom, le secteur de la confluence de la Maine et de la Loire, au sud-ouest d’Angers, est réputé pour ses paysages et ses admirables panoramas. René d’Anjou avait choisi d’y établir ses résidences champêtres et Joachim du Bellay, qui avait des attaches « non gueres loin de ce fameux rivage / Où Meine va dedans Loyre se rendre », s’en fit le chantre dans un recueil de sonnets. À leur suite, peintres, dessinateurs, « antiquaires », écrivains, poètes ou simples promeneurs tombèrent sous le charme de ses rives et de la quiétude de ses eaux. Le territoire de la confluence est en effet remarquable tant d’un point de vue patrimonial que paysager. À cet endroit, la Loire, après avoir érodé les roches calcaires du Val d’Anjou, voit son lit se rétrécir légèrement et changer d’orientation, dévié par les roches schisto-gréseuses du Massif armoricain. Affluent moins capricieux, la Maine, née de la réunion des rivières de la Mayenne et de la Sarthe, au nord d’Angers, vient s’y jeter à Bouchemaine. La topographie marquée, avec une rive droite escarpée – 75 mètres à Pruniers et à Chamboureau – dominant une rive gauche en partie inondable, rythme les ambiances paysagères et offre de vastes perspectives sur le fleuve et son affluent. Les composantes familières des paysages ligériens – îles et bancs de sable, rives verdoyantes, prairies bocagères inondables, promontoires rocheux, etc. – sont ici largement représentées et ont concouru en 2010 au classement de ce territoire au titre des sites sous la dénomination « Confluence Maine-Loire et coteaux angevins », inclus dans le périmètre Unesco « Val de Loire ». Les caractères spécifiques du territoire sont intimement liés aux activités humaines qui s’y déroulent depuis la fin de l’époque préhistorique. L’aspect stratégique du coteau, le carrefour d’échanges privilégié que constitue la confluence, les réalisations mises en œuvre tant pour la circulation sur le fleuve que pour l’aménagement de ses rives (épis, cales, quais, ponts, etc.), les coteaux plantés de vigne, les formes particulières d’occupation de l’espace inondable et la qualité des points de vue offerts sur ces paysages illustrent, pêle-mêle, l’anthropisation de ce secteur singulier et le développement d’une architecture diversifiée.


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Vue de la confluence depuis

le sud-ouest.

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Le village de la Pointe

et la confluence.

UN PEUPLEMENT ANCIEN

Les découvertes archéologiques attestent une présence humaine sur le territoire depuis le Paléolithique. Plusieurs enclos néolithiques et protohistoriques repérés à Sainte-Gemmessur-Loire (Belligan, Châteaubriant, Empiré) ainsi que sur le rebord du plateau, à l’ouest de Bouchemaine, confirment que les terres ont été très tôt mises en valeur. Des artefacts découverts sur le site exceptionnel des Châtelliers (classé au titre des monuments historiques), à Sainte-Gemmes-sur-Loire, témoignent d’une continuité de l’occupation durant le premier âge du fer (xie-viiie siècle avant notre ère) et d’échanges avec le monde méditerranéen. Les auteurs du xixe siècle y ont localisé un temps l’oppidum des Andicaves. S’il est désormais admis que le chef-lieu de ce peuple gaulois était situé à l’emplacement du château et du quartier de la cité d’Angers, le site n’en reste pas moins remarquable et occupait une position majeure durant l’Antiquité. Découvert par l’abbé Robin au milieu du xviiie siècle, il fut acheté et fouillé à partir de 1871 par l’archéologue angevin Victor Godard-Faultrier (1810-1896). Ce site, qui constituait l’un des plus importants sanctuaires de la région, accueillait un temple, un théâtre et des thermes alimentés par un aqueduc de près de quatre kilomètres de long. Axes privilégiés pour les échanges commerciaux, la Maine et la Loire ont aussi formé une frontière naturelle pour les déplacements par voie terrestre. Peu de routes transversales existaient, semble-t-il, à cet endroit et les archéologues peinent à montrer que la Maine pouvait être franchie ailleurs qu’à Angers. La Loire, quant à elle, ne se traversait qu’en amont, aux Ponts-de-Cé, dont le premier pont pourrait être celui que cite Aulus Hirtius dans La Guerre des Gaules. À proximité immédiate d’Angers, le territoire de la confluence a bénéficié au premier chef de l’expansion et de la richesse des églises et abbayes du chef-lieu du diocèse. Fondées

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Les thermes des Châtelliers

à Sainte-Gemmes-sur-Loire.

Dessin d’Hippolyte

Godard-Faultrier, 1877.

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Le coteau de la

Roche-aux-Moines

à Savennières.

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respectivement au ve et au viie siècle, les abbayes bénédictines Saint-Aubin et Saint-Serge possédaient des prieurés à Pruniers et à Savennières. Érigée par Foulques Nerra vers 1020, l’abbaye Saint-Nicolas reçut terres, écluses et moulins sur les bords de la Loire à la Rocheaux-Moines et à Béhuard. Dans les mêmes années, à Bouchemaine, Notre-Dame du Ronceray fut largement dotée en terres, bois, vignes et moulins. Les chapitres angevins étaient eux aussi richement possessionnés sur l’aire de la confluence : Saint-Laud à la Pointe et à PortThibault, Saint-Martin dans le bourg de Sainte-Gemmes-sur-Loire. Particularité inexpliquée, Empiré formait, jusqu’à la fin du xviiie siècle, une enclave de la paroisse Saint-Pierre d’Angers. Artisans des défrichements et des premiers peuplements du territoire, les établissements religieux participent à son développement jusqu’à la Révolution et sont à l’origine de la fondation de certaines paroisses (Pruniers, Bouchemaine, Béhuard). Ils ont très tôt utilisé l’énergie hydraulique de la Loire pour leurs moulins, cultivé les plateaux de la vallée et planté de la vigne sur le coteau. Aux exigences stratégiques du territoire ont répondu des besoins défensifs. Les rares promontoires rocheux, sur la rive gauche en aval d’Angers, ont permis dès le xie siècle l’installation de plusieurs châteaux contrôlant le fleuve. Avant d’être une maison de plaisance, Châteaubriant (Castro Briencii) fut vraisemblablement un verrou protégeant la capitale angevine au même titre que les châteaux de Saint-Offange, Saint-Symphorien ou Dieusie, plus en aval sur la commune de Rochefort-sur-Loire. À Savennières, le toponyme La Guerche signale probablement la présence d’un lieu fortifié. Mais le site le plus important de la rive droite de la Loire était celui de la Roche-aux-Moines, puissante forteresse élevée par le sénéchal Guillaume des Roches à la fin du xiie siècle, devant laquelle Jean sans Peur mit le siège en 1214. Possession des ducs d’Anjou entre 1370 et 1410, puis des seigneurs de Serrant, la place fut démantelée durant la guerre de la Ligue par le duc de Mercœur.

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L’île de Béhuard vue

depuis le nord.

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22 Savennières. L’église Saint-

23 Les inondations de Béhuard

Pierre et Saint-Romain. Gravure

par Auguste Jugelet.

de Peter Hawke, 1838.

Huile sur toile, milieu

du xixe siècle.

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Plus localement, le succès des éditions illustrées sur les monuments de l’Anjou, renforcé par un goût prononcé pour le Moyen Âge, finit de consacrer ces deux monuments. L’église de Savennières fait ainsi l’objet d’une importante notice dans l’ouvrage de référence de Victor Godard-Faultrier, L’Anjou et ses monuments, publié en 1839, illustré de gravures par Peter Hawke. L’église figure par ailleurs sur la première liste des monuments historiques, établie en 1840. Offrant à la fois un édifice religieux empreint d’histoire nationale et un cadre bucolique, l’île de Béhuard devient également un décor privilégié pour les dessinateurs et les lithographes : La Pylaie, Berthe et Hawke y débarquent dans les années 1830. À leur suite s’y succèdent parmi tant d’autres Mercier, Ponceau, Vidal et Recouvreur. Le curé de la paroisse de Béhuard l’évoque en 1841 dans une lettre adressée au roi : « Cette église fait, par sa construction et son antiquité, l’admiration de toutes les personnes qui voyagent sur la Loire, et des gens amis des beaux-arts qui viennent de fort loin la visiter. » La singularité du petit sanctuaire et sa valeur historique sont reconnues définitivement en 1862 par son classement au titre des monuments historiques.

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24 La Pierre Bécherelle,

le village de la Pointe

et l’arrivée sur Angers.

Carnet de croquis

de Joseph Mallord William

Turner, 1826.

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LA RÉVOLUTION DES TRANSPORTS

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Dans la première moitié du xixe siècle, la Loire reste l’axe majeur de communication en Anjou, à la montée et à la descente, pour les hommes comme pour les marchandises. Le réseau routier, très médiocre, est progressivement amélioré à partir des années 1830. À la suite de l’agitation légitimiste et au soulèvement de la duchesse de Berry, le gouvernement adopte le 27 juin 1833 « un système de routes stratégiques distinctes des routes royales, départementales et communales » pour cinq départements de l’Ouest, dont le Maine-etLoire. En 1836, le Conseil général engage en parallèle une politique volontariste de construction de routes en souscrivant un emprunt. Si des tentatives d’amélioration du réseau routier ont bien lieu, les communes de la confluence restent très à l’écart des routes nationales et départementales. L’ancienne route royale de Nantes à Paris, par Angers, passe plus au nord, par Saint-Georges-sur-Loire, Saint-Martindu-Fouilloux et Saint-Jean-de-Linières, et c’est en longeant la Loire, puis la Maine, que l’on rejoint Angers depuis les bourgs de Savennières, Épiré, la Pointe, Bouchemaine ou Pruniers, par un réseau de chemins vicinaux mal entretenus et fréquemment sujets aux inondations. Le relief et les affleurements rocheux sont par ailleurs très contraignants. Pour les communes de la rive gauche, le franchissement du fleuve se fait à pied par le pont séculaire des Ponts-de-Cé, reconstruit en 1847-1848. Mais jusqu’à la construction des ponts des Lombardières, en 1889, et de Bouchemaine, en 1910, c’est par un réseau de bacs ponctuant régulièrement le fleuve que l’on gagne la rive opposée, par l’intermédiaire d’un passeur dont la charge est affermée.

Le succès du bateau à vapeur L’apparition des bateaux à vapeur sur la Loire, à partir des années 1820, et la mise en place de liaisons régulières entre Nantes et Angers ont constitué une avancée décisive pour la découverte du territoire et le renouvellement de son appréciation. Construit par Louis Guibert, un charpentier de marine nantais, et armé par deux Américains, Strobel et Fenwick, le premier steamer de Loire (baptisé La Loire) est lancé le 6 juin 1822 depuis le port de Nantes. Il effectue son premier voyage le 23 juin entre Nantes et Paimbœuf ; dès le 10 novembre, jour de la grande foire annuelle de la Saint-Martin, il rejoint en amont la ville d’Angers. D’un tirant d’eau en charge de seulement 90 centimètres, et pourvu d’un système de roues à aubes, le premier bateau de Guibert mesure 25 mètres de long pour 4,50 mètres de large et peut transporter jusqu’à deux cent cinquante passagers. Le voyage entre les deux villes ligériennes prend une dizaine d’heures mais un service de restauration à bord est prévu. Dès l’année suivante, La Loire est concurrencée par Le Nantais, un bateau de la Compagnie Française de Trenchevent issu des chantiers nantais Hubert et Baudet. À la fin de l’année 1824, deux nouveaux bateaux entrent en service sur la liaison Nantes-Angers : La Maine chez Strobel et Fenwick et L’Angevin chez Trenchevent. Le succès du transport par steamer est immédiat : plus rapide que la batellerie traditionnelle de Loire, le vapeur est également plus confortable que la diligence ou la berline. Dès 1830, on compte ainsi sur la Loire et certains de ses affluents une quinzaine de bateaux répartis entre diverses compagnies. Parmi les principales figurent celle des Riverains du Haut de la Loire, issue du rachat de la compagnie


La diffusion de ces nouvelles formes d’architecture n’a pas toujours suscité le regard admiratif et enthousiaste des contemporains. André Hallay, écrivain et journaliste, auteur d’une chronique hebdomadaire publiée dans Le Journal des débats, porte un regard sévère sur la lente mutation de l’île de Béhuard et ses « guinguettes, vide-bouteilles, chalets de villégiature » qui sont autant « d’horreurs communes à toutes les banlieues » et qui ont déshonoré « la grâce rustique » de l’île. Publiée en 1908, peu de temps après la première loi de protection sur les sites et monuments naturels de caractère artistique (loi Beauquier), la vision d’André Hallay n’est pourtant pas si éloignée de celle des architectes qui cherchent bien souvent à intégrer leurs réalisations dans leur environnement. LES ARCHITECTES DE LA VILLÉGIATURE

L’attribution des maisons de villégiature à leur maître d’œuvre n’est pas toujours aisée et nombre d’entre elles furent certainement bâties « sans architecte ni entrepreneur », comme l’indique l’acte de vente de la villa Les Brosses à la Pointe. La diffusion des catalogues de modèles, au cours de la seconde moitié du xixe siècle, a sans doute permis à certains propriétaires de s’affranchir du recours à un spécialiste en faisant appel directement à des artisans. Pourtant, de nombreuses maisons portent la marque d’un architecte et les hommages rendus par les membres de la Société des architectes de l’Anjou, lors de la distinction ou de la disparition de l’un de leurs confrères, soulignent fréquemment cette spécialisation. Ainsi Étienne Chouanet (18481917) est-il reconnu en 1906 par Adrien Dubos pour « ses coquettes villas finement dessinées, qui charment la vue par leur silhouette et l’emploi bien approprié de matériaux de différentes couleurs ». Lors d’une sortie annuelle dans le sud du département, en 1909, les villas de Victor Rabjeau (1859-1937) sont considérées comme « gentiment conçues, construites à dessin, au milieu d’une vive végétation. [Elles] ajoutent ainsi des charmes à la nature sauvage de ces curieux endroits retirés de routes poussiéreuses. » Fondée en 1887, la Société des architectes de l’Anjou, apparentée à la Société centrale, a joué un rôle certain dans la connaissance et la diffusion des modèles d’architecture auprès de ses membres. La correspondance entretenue avec les autres sociétés, les abonnements aux revues d’architecture soigneusement indexées par l’archiviste, la distribution des catalogues de fournisseurs ou les voyages fréquents de certains de ses adhérents en France ou à l’étranger témoignent de l’ancrage de celle-ci dans la production du temps. Lors de l’Exposition universelle de 1889, la présentation d’un album dévoilant les réalisations de ses membres, pour lequel elle recevra une médaille d’or, démontre aussi son désir de reconnaissance en France et à l’étranger. Certains des architectes qui sont intervenus sur la confluence sont à l’avant-garde de l’usage des nouveaux matériaux : Victor Rabjeau utilisa ainsi dès la fin des années 1890 le béton armé selon le procédé breveté Hennebique pour la villa Les Mouettes à Béhuard. Issu de la même génération, Adrien Dubos (1845-1921), membre de la Société centrale, est publié à plusieurs reprises dans les revues nationales : La Construction moderne, L’Architecture ou La Construction pratique. Malgré l’aridité des sources, de nombreux architectes angevins, membres de la Société, apparaissent ainsi liés à l’aire d’étude de la confluence : Ernest Dainville, Auguste Beignet, Léon et Gustave Tendron, Alexandre Goujon, Victor Rabjeau, Adrien Dubos, Henri Bans, Henri Palausi, Ernest Bricard, Henri Jamard. D’autres restent à découvrir. Ainsi, on ne sait rien de la villa de la Pointe dont la construction est déclarée par l’architecte René Brot dans son dossier de candidature au titre d’architecte départemental en 1936, ni des mai-

sons réalisées par le trop méconnu Gustave Jamin, élève de Beignet, dont la biographie, publiée en 1905, signale de nombreux travaux à Bouchemaine, la Pointe, Pruniers et Sainte-Gemmes-sur-Loire. Parmi les principaux membres de la Société, Auguste Beignet (18371924), son président-fondateur, membre de la Société centrale, a largement contribué à relayer l’évolution des modes auprès de ses confrères angevins par l’intermédiaire d’articles et de communications. Auteur d’une œuvre prolifique et éclectique, marquée à la fois par les commandes publiques et les commandes privées, Beignet a bâti de nombreuses villas. On lui doit notamment la villa Jacob à Savennières ou celle de Bellevue, pour lui-même, à la Possonnière, mais sa biographie fait apparaître d’autres constructions sur les bords de la Loire, dans et hors du département : villas Leneil et Bélon au Cellier, Priet en Frémur, de Hérissem à Saint-Jean-de-Lignières, Delaunay à la Haie-Longue, Séchet à Montjean-sur-Loire, Molière et Truffier aux Ponts-de-Cé, Césay et Finetti. Moins connu, son travail pour la station balnéaire de Pornic et la plage des Grandes-Vallées atteste l’attrait des architectes angevins pour ces nouveaux marchés.

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44 La villa Les Mouettes

45 Le castel du Petit-Port en

construction. Photographie

de Louis-Pierre Ménière,

20 avril 1898.

à Béhuard.

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46 Le castel du Petit-Port

à Bouchemaine. Dessin

d’Henri Toussaint pour

La Construction moderne, 1902.


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DU MANOIR SEIGNEURIAL À LA MAISON DES CHAMPS Savennières, la Coulée-de-Serrant Les origines du domaine de la Coulée-de-Serrant sont mal connues—1. À la fin du xve siècle, le site appartient à la puissante famille de Brie, détentrice de la seigneurie et du château de Serrant à Saint-Georges-sur-Loire. Avec le château de la Rocheaux-Ducs, rebaptisé la Roche-Serrant en 1481, ils formaient une enclave au centre du vaste fief de la Roche-aux-Moines, exploité depuis le xie siècle par les moines de l’abbaye Saint-Nicolas d’Angers. On doit peut-être à Ponthus de Brie, chambellan du roi Louis XI, ou à Péan, son fils, la commande du corps de logis à l’extrémité duquel un oratoire a été ajouté dans le dernier tiers du xve siècle—2. De cette époque datent probablement aussi la grange, avec cellier et pressoir en retour au nord, ainsi qu’une partie des communs au sud. Le domaine, composé de « maisons, jardins, pressoir » auxquels étaient annexés « soixante quartiers de vigne », est racheté en 1561 par Jean Ledevin, docteur en droit, conseiller ordinaire des grands jours d’Anjou. Repassé un temps dans le giron des Brie, il revient en 1636 au diplomate et poète Guillaume II Bautru, comte de Serrant puis à son fils Guillaume III, chancelier du duc d’Orléans. Des contrats d’achats de vin passés avec Jean Stalpaert, un négociant originaire d’Ostende installé à Nantes, attestent alors que sa réputation a dépassé les frontières du royaume. Mais selon la tradition, c’est Louise de Vaudreuil, comtesse de Serrant et dame de compagnie de Joséphine de Beauharnais qui, en introduisant le vin de la Coulée sur la table de l’Empereur, en fit la renommée. La Coulée de Serrant fait aujourd’hui l’objet d’une Appellation d’origine contrôlée de 7 hectares mondialement connue.

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Savennières, manoir de Chamboureau

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Ancien manoir relevant de la seigneurie du Plessis-Macé, Chamboureau appartient au milieu du xvie siècle à la famille d’Auvour. Le domaine échoit au début du xviie siècle à Pierre de Caylus ; il est acquis en 1640 par René Lefebvre, auditeur à la chambre des comptes de Bretagne. Au début du xviiie siècle, il est racheté par Jean Robert Béguyer de Champcourtois, riche négociant angevin ayant fait fortune dans le drap de soie et futur échevin d’Angers. Le domaine de Chamboureau témoigne bien de l’attrait qu’exercent les anciennes demeures nobles du riche coteau viticole d’Épiré sur la bourgeoisie angevine en pleine ascension. Centre d’une exploitation viticole, le manoir du xve siècle, avec tour d’escalier polygonale, est aménagé en demeure de plaisance dès le xviie siècle, comme en témoigne l’ouverture de larges baies en façade—3. On doit très probablement à Antoine Auguste Béguyer de Chamboureau, avocat et maire d’Angers, la reconstruction des ailes marquées par d’élégants pavillons couverts d’une toiture à l’impériale, dans le dernier quart du xviiie siècle—4. Le grand portail d’entrée visible sur les cartes postales du début du xxe siècle et les terrasses avec balustrades ouvrant sur les vignes datent vraisemblablement de la même époque.

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MAISONS DE MAÎTRE, MAISONS DE PLAISANCE Bouchemaine, le Petit-Serrant Site emblématique de la confluence, le logis du Petit-Serrant est une élégante maison de plaisance dont la façade ouvre sur l’embouchure de la Maine et le paysage environnant—2, 6. La terre, avec « maison et jardin », autrefois appelée « le Boutde-Ville », est connue depuis la fin du xvie siècle. Après diverses mutations, elle est acquise le 22 mars 1722 par Étienne Legris, riche négociant angevin, ancien consul de la ville. C’est à sa fille Perrine-Antoinette, héritière du domaine, et à son époux, JeanFrançois Allard—1, qu’il convient d’attribuer la reconstruction du logis dans le dernier quart du xviiie siècle : en témoignent les lettres entrelacées qui forment son nom sur le balcon en fer forgé du perron—4. Le Petit-Serrant reprend les canons des maisons de plaisance du xviiie siècle : plan oblong—3, léger avant-corps central surmonté d’un fronton triangulaire ajouré d’un oculus, alternance de baies rectangulaires et segmentaires, toit à croupes couronné d’une balustrade décorative, bossage d’angle—5. D’après un acte notarié, le bâtiment construit en rez-de-chaussée surélevé se composait en 1790 « d’une cuisine, office, beau vestibule dans lequel est un grand escalier, une salle à manger, salon de compagnie, quatre chambres au premier étage, grenier au-dessus ». Ce vaste logis était accompagné au sud d’une aile de communs comportant logements et cellier, ainsi que d’une seconde cour, à l’arrière, avec puits, grange, boulangerie, pressoir à fûts et un autre grand cellier contenant « plus de cent pièces de vin ». Le tout prenait place au sein d’un vaste enclos de trois arpents et demi abritant « un grand et excellent jardin » avec des jets d’eau, un verger, des taillis et un clos de vigne.

La riche carrière de Jean-François Allard, négociant en bois pour la marine royale, explique son intérêt pour le lieu, situé non loin du quai des Carmes où il possédait ses entrepôts. Associé à son beau-frère, Jacques Legris, qui joua un rôle important dans la manufacture de toiles à voiles d’Angers, il est considéré au milieu du siècle comme l’un des plus riches marchands de la ville. Cette renommée lui permettra de devenir consul des marchands en 1760 et d’entamer une longue carrière politique qui le conduira à être maire d’Angers de 1773 à 1777. Durant sa période d’activité, Jean-François Allard résidait principalement dans son hôtel de la rue Boisnet, dans l’ancienne paroisse Saint-Maurille ; c’est vraisemblablement dans les dernières années de sa vie que, définitivement retiré de la vie politique, il fit rebâtir le PetitSerrant où il mourut le 8 août 1787. 2

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S’ÉCHAPPER DE LA VILLE 65

« Lorsque les bourgeons des arbres commencent à poindre, lorsque les prairies verdoient et s’émaillent de fleurs, l’homme de la Cité ressent malgré lui le désir d’explorer les campagnes et de suivre, de temps à autre, les progrès de la végétation. À peine avril arrivé, Angers devient peu à peu désert. L’un voyage, l’autre se retire dans son château, dans sa villa… » Aimé de Soland, Bulletin historique et monumental de l’Anjou, vol. III, 1855


LES NOUVEAUX SITES « À VOIR » Savennières, église Saint-Pierre et Saint-Romain « Il me fallait encore voir la curieuse église de Savennières, que MM. Bodin et A. Deville m’avaient avec raison signalée comme l’une des plus intéressantes de l’Anjou. » Ainsi s’exprime Arcisse de Caumont (1801-1873), fondateur de la Société des Antiquaires de Normandie, lors de son voyage en Anjou vers 1830. Grâce aux écrits de Jean-François Bodin, l’église de Savennières devient l’un des lieux incontournables des premiers « inventeurs » du patrimoine, et en 1840 elle figure sur la première liste des monuments historiques. Dans les décennies suivantes, peintres, dessinateurs, photographes et excursionnistes s’y succèdent—1.

Si les premiers auteurs ont eu tendance à la vieillir exagérément – Bodin la date de l’époque romaine –, l’église Saint-Pierre et Saint-Romain n’en demeure pas moins l’un des édifices religieux les plus anciens du département. La remarquable qualité de conservation de sa nef, dont les dimensions originelles avoisinaient 15,10 mètres de long pour 8,90 mètres de large, et sa mise en œuvre soignée, en petit appareil de moellons alternant avec des rangs de briques en arêtes de poisson (opus spicatum), en font une référence de l’architecture préromane de l’ouest de la France. Malgré les campagnes de restauration – notamment celle de l’architecte Charles Joly-Leterme, au milieu du xixe siècle –, le bâtiment conserve son chœur du milieu du xiie siècle et un clocher de la fin du xive siècle, contemporain d’une réfection de la charpente de la nef. Cette dernière fut augmentée d’un bas-côté, au nord, dans le dernier quart du xve siècle.

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Béhuard, chapelle Notre-Dame

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À l’instar de celle de l’église Saint-Pierre et Saint-Romain, c’est en grande partie à Jean-François Bodin que l’on doit la redécouverte de la chapelle Notre-Dame de Béhuard dans les années 1820. Bâtie sur un promontoire rocheux au cœur d’une île inondable, l’église attire tout au long du xixe siècle les artistes et les premiers touristes, séduits tant par son caractère pittoresque que par son histoire—2, 3. Attestée dès le xie siècle dans le cartulaire de Saint-Nicolas d’Angers, l’église est en effet associée à la figure de Louis XI, un roi remis à l’honneur par Walter Scott et le courant romantique. Vouant un culte personnel à Notre Dame, il fait bénéficier la chapelle de nombreuses donations, allant jusqu’à l’élever au rang de collégiale. Sur le plan architectural, le mécénat du roi a surtout porté sur la réfection du clocher, vers 1468-1469, l’adjonction d’une vaste chapelle au sud-ouest vers 1473 et la construction de stalles destinées aux chanoines. L’un des registres de la verrière méridionale le figure en prière, face à son fils Charles VIII. La nef, le chœur et la petite chapelle nord-est sont plus anciens : la dendrochronologie les date des années 1385-1403—4. Ils pourraient avoir été bâtis à l’initiative de Marie de Blois (1345-1404), veuve de Louis Ier d’Anjou, comme tend à le prouver la présence de ses armoiries sculptées sous la fenêtre haute du chœur.


MODE ET PERSISTANCE DU CHÂTEAU DE VILLÉGIATURE Savennières, château de Varennes

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Attestée depuis le xve siècle, la seigneurie de Varennes appartenait à la puissante famille Tillon, également détentrice des seigneuries de la Guerche à Savennières et de Mantelon à Denée—4. En 1634, le domaine est acquis par Jacques Constantin de Montriou, maître des comptes de la chambre des comptes de Bretagne. On doit vraisemblablement à sa veuve, Jeanne Martineau, la construction de la chapelle seigneuriale de plan circulaire (inscrite au titre des monuments historiques), située à l’est du logis, comme en témoigne un acte de fondation du 3 février 1670. Au début du xviiie siècle, la seigneurie est la propriété de Louis-Salomon de la Tullay, procureur général de la chambre des comptes d’Anjou, à l’origine d’une grande campagne de reconstruction du château vers 1734. Membre de la Société d’Histoire naturelle d’Anjou à partir de 1777, son fils, René-Henri de la Tullaye, aménage le jardin régulier avec des parterres et des terrasses ouvrant sur la Loire, comme on le voit encore sur l’iconographie ancienne—1. Vendu comme bien national à la Révolution, le château est acquis en 1794 par Joseph-Vincent Rousseau de la Brosse. En 1874, Gordon Pirie, riche industriel écossais originaire d’Aberdeen, le rachète et entreprend la modernisation de l’aile est. Les travaux sont confiés à Auguste Beignet qui, d’après Célestin Port, effectua un séjour en Écosse à la demande du propriétaire pour étudier l’architecture locale. Le projet, publié dans la revue L’Architecture, évoque par quelques traits le château de Balmoral à Aberdeen. De cet ancien fief de la famille Gordon, transformé en château néogothique en 1853 et connu comme l’un des lieux de villégiature préférés de la reine Victoria, ont peut-être été repris la forme polygonale de la tour d’escalier ainsi que le crénelage des deux tours circulaires de la façade est—2, 5. La presse angevine se fit l’écho de l’arrivée de l’industriel écossais « sur un steamer de 500 tonneaux, à son nom et lui appartenant, avec sa famille, son médecin, bagages, meubles, bibliothèques, six chevaux, deux vaches et 32 animaux divers ». Trois trains spéciaux furent chargés d’en transporter le mobilier. Après un terrible incendie domestique en 1905, le château fut reconstruit partiellement par les architectes parisiens Charles Garin et Henri Bans—3. Dès 1874, Gordon Pirie a entrepris la transformation du jardin en parc paysager. Son fils, Duncan, parlementaire britannique qui lui succède à partir de 1901, poursuit son œuvre en y intégrant de nombreuses plantes exotiques. En 1928, un inventaire recense cent soixante espèces d’arbres et d’arbustes. En 1931, le domaine est considéré comme le deuxième arborétum de l’Anjou après celui de Gaston Allard.

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ADRIEN DUBOS (1845-1921) Adrien-Paul Dubos figure parmi les architectes les plus remarquables ayant exercé sur le territoire de la confluence—3. Auteur d’une œuvre abondante et éclectique, principalement en Anjou, il exécuta de nombreuses commandes publiques ou privées, religieuses ou civiles, intervenant fréquemment pour des projets de résidences secondaires. Né à Angers en 1845, Dubos débute sa carrière chez l’architecte angevin Paul Delalande et suit concomitamment les cours de Jules Dauban à l’École des beaux-arts d’Angers. Lauréat en 1865, il est pensionné par le Département de Maine-et-Loire comme élève à l’École des beaux-arts de Paris, sous la direction d’Alexis Paccard puis de Louis-Jules André ; il en sort diplômé en 1868. En 1872, il revient s’établir à Angers et y fonde un cabinet d’architecte-expert. Son talent, ses connaissances techniques et la qualité de ses relations lui assurent en peu de temps l’estime et l’assurance d’une importante clientèle, principalement angevine, même s’il fait quelques incursions dans d’autres départements. Membre de la Société centrale d’architecture et cofondateur de la Société des architectes de l’Anjou en 1897, il y occupe plusieurs fonctions dont celle de président. Dans ce cadre, il est délégué à plusieurs reprises par la Société au congrès des architectes français à Paris en 1896, aux congrès internationaux de Madrid en 1904, de Rome en 1911 et de Gand en 1913. 1 Bien documentée, l’œuvre d’Adrien Dubos compte plus d’une centaine de bâtiments dont plusieurs furent publiés de son vivant dans les revues nationales d’architecture. Parmi ses œuvres les plus notables figure notamment le Castel du PetitPort, publié en 1902 dans La Construction moderne. Ses archives contiennent aussi plusieurs projets de châteaux, de villas ou de pavillons destinés à la plaisance ou l’agrément—2, 4. Dans le département, on lui doit notamment la construction des châteaux de La Haye à Contigné, de Varennes à Feneu, de Grézillon à Pontigné ou de la Houssay à Saint-Laurent-du-Mottay. Sensible au Moyen Âge et aux monuments anciens, Dubos apprécie aussi le xviie siècle et puise notamment dans le répertoire Louis XIII. À la fin de sa vie, il donne quelques projets inspirés par l’Art nouveau. S’il touche à l’urbanisme et exécute quelques maisons de lotissement « à bon marché », notamment pour le compte de la Caisse d’Épargne, il travaille surtout pour une clientèle citadine pour laquelle il bâtit de nombreuses maisons dans les quartiers résidentiels et des immeubles de rapport. Bien que retiré des affaires en 1914, il dessine en 1921 un projet de villa en bord de Loire pour son ami le négociant Ferdinand Guimard, installé à Ingrandes—1. Ce projet, malheureusement non réalisé, semble avoir été le dernier de l’architecte, qui meurt à Angers dans sa maison du 10, rue Grandet le 13 mai de la même année.

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